1 1938, Esprit, articles (1932–1962). La passion contre le mariage (septembre 1938)
1 alyse approfondie des cinq légendes primitives de Tristan et Iseut, l’auteur a été conduit à rechercher les origines religieuse
2 révèle exactement assimilable à celle d’un mythe. Tristan est un roman « courtois ». La courtoisie est née dans le Midi au xiie
3 s provençaux et des romans bretons, l’adultère de Tristan reste une faute parce qu’il est consommé dans la chair (et non point
4 hsabé commet un crime et se rend méprisable. Mais Tristan , s’il enlève Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui était
5 nt dans le jeu de ces contraintes que le mythe de Tristan puisait ses moyens d’expression. Or voici que ces contraintes ou se r
6 ui le « démeine » — pour parler comme l’auteur du Tristan — cette nostalgie dont il ignore l’origine autant que la fin. Son ill
7 la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi comme son génie caché ! Et plus rien ne compte en
8 uoi l’on aime souffrir et faire souffrir. Lorsque Tristan emmène Iseut dans la forêt, où plus rien ne s’oppose à leur union, le
9 zon mystique s’est refermé depuis longtemps. Pour Tristan , Iseut n’était rien que le symbole du Désir lumineux : son au-delà, c
10 s rythmes du désir charnel ; mais tandis que pour Tristan l’infini, c’est l’éternité sans retour où s’évanouit la conscience do
11 ue en infidélité. Qui ne sent la dégradation d’un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Or ce n’est pas lui qu’il convient d’accuser,
12 n de l’âme dressée contre le monde. Mais alors le Tristan moderne glisse vers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux amo
13 . Aimer d’amour-passion signifiait « vivre » pour Tristan , car la « vraie vie » qu’il appelait, c’était la mort transfigurante.
14 t de nos contemporains sont en proie au délire de Tristan . Bien peu ont assez soif pour boire le philtre, et j’en vois moins en
15 ente der Gnosis). 85. En particulier du mythe de Tristan , utilisant les formes de la morale chevaleresque pour exprimer sans l
2 1938, Esprit, articles (1932–1962). L’amour action, ou de la fidélité (novembre 1938)
16 t munie d’une dot adéquate — dont je veux être le Tristan  ». Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui dure sur l
17 mots… ⁂ Cependant, tout n’est pas encore clair. Tristan lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour n
18 toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan . C’est un narcissisme mystique, mais qui s’ignore, naturellement, et
19 analyse des légendes courtoises nous a révélé que Tristan n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort,
20 e comme la délivrance du moi coupable et asservi. Tristan n’est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau pr
21 me voue sa fidélité. Et tandis que la fidélité de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la créatio
22 lus de la vie pour la mort (c’était la passion de Tristan ). ⁂ L’amour fidèle de Tristan détruisait son bonheur et sa vie pour t
23 était la passion de Tristan). ⁂ L’amour fidèle de Tristan détruisait son bonheur et sa vie pour témoigner en faveur de la Nuit,
24 le ruine notre bonheur, est salutaire. L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et son aboutissement supr
25 destins singuliers : « Non plus d’Isolde, plus de Tristan , plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’être
26 la « fatalité » de la passion est accréditée par Tristan . Excuse et alibi qui ne peuvent tromper que celui qui veut être tromp
27 monde. 93. Je m’en tiens au « cas-limite » de Tristan  ; j’ai connu des amants chrétiens qui eussent considéré cette phrase
28 réfute les croyances courantes, nées du mythe de Tristan et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tout à fait
3 1938, Articles divers (1938-1940). Réponse de Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 (novembre 1938)
29 sionnée sur le mythe de la passion, la légende de Tristan et Iseut. Nul n’ignore que ce mythe, demeuré si puissant dans nos vie
4 1939, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 1939)
30 Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 193
31 n’y affirme-t-il pas, avec preuves à l’appui, que Tristan et Iseut, les amants légendaires, les héros de la passion, ne s’aimai
32 roman, plus je me sentais gêné, mal à l’aise. Ce Tristan et cette Iseut qui restent indifférents pendant leur première rencont
33 de trois ans de vie commune dans la forêt et qui, Tristan ayant épousé Iseut aux blanches mains, l’autre Iseut, ne reconnaissen
34 conviction, que je suis prêt à défendre : ce que Tristan et Iseut aiment, c’est le fait d’aimer. Jamais Tristan ne dit à Iseut
35 an et Iseut aiment, c’est le fait d’aimer. Jamais Tristan ne dit à Iseut qu’il l’aime, il se borne à répéter : « Amor par force
36 térature, reprend Denis de Rougemont. Le mythe de Tristan et Iseut, qui pose pour la première fois ce fameux triangle, le mari,
37 l’on retrouve à la fois dans le catharisme, dans Tristan et Iseut et chez les lyriques courtois, goût qui n’est autre que l’in
38 ous aspirons donc à connaître cet état que, comme Tristan et peut-être inconsciemment, nous préférons à l’être aimé. D’autre pa
39 imites d’où l’on ne peut s’échapper ? q. « Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont », Les Nouvelle
5 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Don Juan (juillet 1939)
40 par la révélation d’amour, se muer en l’image de Tristan . Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu’il ne p
41 evivra éternellement ! Ainsi Nietzsche devient le Tristan d’un Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement loin
6 1939, Articles divers (1938-1940). Du mythe de Tristan et Iseut à l’hitlérisme (14 juillet 1939)
42 Du mythe de Tristan et Iseut à l’hitlérisme (14 juillet 1939)o Il était juste que Deni
43 d’abord faire un livre court traitant du mythe de Tristan et de la décadence de la conception du mariage. Les idées me sont ven
44 m’ont mis sur la piste d’une liaison du mythe de Tristan avec la tradition courtoise, les troubadours et le catharisme. C’est
45 suis arrivé à envisager les problèmes collectifs. Tristan symbolise la manière dont le xiie siècle considérait l’amour. Le myt
46 lement, avec plus ou moins de succès, le roman de Tristan et Iseut. Vous soutenez cette opinion paradoxale que Tristan et Iseut
47 Iseut. Vous soutenez cette opinion paradoxale que Tristan et Iseut, couple de parfaits amants, ne s’aimèrent pas. À la manière
48 éplait pas de se faire le champion d’un paradoxe. Tristan aime sa passion, explique-t-il. Il n’aime pas Iseut de charité, dans
49 autour de Denis de Rougemont. o. « Du mythe de Tristan et Iseut à l’hitlérisme », Tribune de France. Hebdomadaire de la reco
7 1939, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Âme romantique et le rêve (15 août 1939)
50 limitations de la vie — la joie devant la mort de Tristan et d’Isolde. III. Mystique et Personne L’exemple des romantique
8 1939, L’Amour et l’Occident. Avertissement
51 ose le contenu caché de la légende ou du mythe de Tristan . C’est une descente aux cercles successifs de la passion. Le dernier
52 trême, exceptionnelle en apparences : le mythe de Tristan et Iseut. Il nous faut ce repère fabuleux, cet exemple éclatant et « 
9 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe de Tristan
53 Livre premierLe mythe de Tristan 1.Triomphe du roman, et ce qu’il cache « Seigneurs, vous plaît
54 grand mythe européen de l’adultère : le Roman de Tristan et Iseut. Au travers du désordre extrême de nos mœurs, dans la confus
55 d’abord, dira-t-on, est-il exact que le roman de Tristan soit un mythe ? Et dans ce cas, n’est-ce pas détruire son charme que
56 la rend inefficace. Or je me propose d’envisager Tristan non point comme œuvre littéraire, mais comme type des relations de l’
57 sur nos rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan sont de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord le fait que l’auteur
58 trace1. Un autre aspect mythique de la légende de Tristan , c’est l’élément sacré qu’elle utilise2. Le progrès de l’action, et l
59 ant le secret qu’il exprime, le Roman mythique de Tristan posséderait-il au même degré les qualités contraignantes d’un vrai my
60 ontenu » prend ici toute sa force : la passion de Tristan et d’Iseut est littéralement « contenue » par les règles de la cheval
61 appelait une réaction vive. Le succès du Roman de Tristan fut donc d’ordonner la passion dans un cadre où elle pût s’exprimer e
62 ions et des réactions qu’il provoque. Le mythe de Tristan et Iseut, ce ne sera plus seulement le Roman, mais le phénomène qu’il
63 ce du lecteur à envisager mon projet. Le Roman de Tristan nous est « sacré » dans la mesure exacte où l’on estimera que je comm
64 it à voir l’un des commentateurs de la légende de Tristan la définir « une épopée de l’adultère ». La formule est sans doute ex
65 de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de Tristan , c’est qu’il permet de dégager une raison simple de notre confusion p
66 an6 Amors par force vos demeine ! (Béroul.) Tristan naît dans le malheur. Son père vient de mourir, et sa mère Blanchefle
67 Première prouesse ou performance : la victoire de Tristan sur le Morholt. Ce géant irlandais vient, comme le Minotaure, exiger
68 jeunes filles ou de jeunes gens de Cornouailles. Tristan obtient la permission de le combattre, au moment où il pourrait être
69 e empoisonnée. Sans espoir de survivre à son mal, Tristan s’embarque à l’aventure dans un bateau sans voile ni rames, emportant
70 éant Morholt était le frère de cette reine, aussi Tristan se garde-t-il d’avouer son nom et l’origine de son mal. Iseut, prince
71 dont un oiseau lui apporta un cheveu d’or. C’est Tristan qu’il envoie à la « quête » de l’inconnue. Une tempête rejette le hér
72 rée par un jeune paladin.) Blessé par le monstre, Tristan est soigné de nouveau par Iseut. Un jour, cette princesse découvre qu
73 le meurtrier de son oncle. Elle saisit l’épée de Tristan et menace de le tuer dans son bain. Alors, il lui révèle la mission d
74 le admire la beauté du jeune homme, à ce moment.) Tristan et la princesse voguent vers les terres de Marc. En haute mer, le ven
75 e l’importance du philtre, et présente l’amour de Tristan et d’Iseut comme une affection spontanée, apparue dès la scène du bai
76 us le verrons.) La faute est donc consommée. Mais Tristan reste lié par la mission qu’il a reçue du roi. Il conduit donc Iseut
77 des barons « félons » dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (
78 » dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (scène du verger), il
79 les amants et leur tend un piège. Entre le lit de Tristan et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan, que Ma
80 elui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan , que Marc a chargé d’une nouvelle mission, veut rejoindre une dernièr
81 ite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux et Tristan condamné à mort. Il s’évade (scène de la chapelle). Il délivre Iseut,
82 Marc les surprend endormis. Mais il se trouve que Tristan a déposé entre leurs corps son épée nue. Ému par ce qu’il prend pour
83 s épargne. Sans les réveiller, il prend l’épée de Tristan et dépose à sa place l’épée royale. Les trois ans écoulés, le philtr
84 ncêtre commun des cinq versions). Alors seulement Tristan se repent, Iseut se met à regretter la cour… Ils vont trouver l’ermit
85 nt trouver l’ermite Ogrin, par l’entremise duquel Tristan offre au roi de lui rendre sa femme. Marc promet son pardon. Les aman
86 l’approche du cortège royal. Iseut supplie encore Tristan de demeurer dans le pays jusqu’à ce qu’il soit certain que Marc la tr
87 ’aider à descendre de sa barque. Le manant, c’est Tristan déguisé… Mais de nouvelles aventures entraînent au loin le chevalier
88 eut, l’Iseut « aux blanches mains ». Et en effet, Tristan la laissera vierge, car il regrette « Iseut la bloie ». Enfin, blessé
89 ort, et de nouveau empoisonné par cette blessure, Tristan fait appeler la reine de Cornouailles, la seule qui puisse encore le
90 mentée par la jalousie, elle s’en vient au lit de Tristan et lui annonce que la voile est noire. Tristan meurt. Iseut la blonde
91 de Tristan et lui annonce que la voile est noire. Tristan meurt. Iseut la blonde débarque à cet instant, monte au château, embr
92 u voir qu’ils se réduisent à fort peu de choses : Tristan conduit Iseut au roi parce qu’il est lié par la fidélité du chevalier
93 s la forêt, parce que le philtre cesse d’agir ; —  Tristan épouse Iseut aux blanches mains « pour son nom et pour sa beauté ». M
94 rs récents de la légende : tout au long du Roman, Tristan paraît physiquement supérieur à tous ses adversaires et, particulière
95 e : c’est l’enjeu habituel des tournois. Pourquoi Tristan n’use-t-il pas de ce droit ? Mise en éveil par cette première questio
96 ions, qui donne la raison de cet acte8. Pourquoi Tristan rend-il la reine à Marc, et cela, même dans les versions où le philtr
97 nt même où ils acceptent de se quitter ? Pourquoi Tristan s’éloigne-t-il ensuite pour courir de nouvelles aventures, alors qu’i
98 ment étant acquis, la reine passe pour innocente. Tristan l’est donc aussi, et l’on ne voit plus du tout ce qui s’opposerait à
99 nous présenter tel qu’un modèle de chevalerie ce Tristan qui a trompé son roi par les ruses les plus cyniques ; ou telle qu’un
100 ins ni menti ni trompé, et ce n’est pas le cas de Tristan … Enfin l’on en vient à douter de la valeur même des rares motifs allé
101 la morale de la fidélité au suzerain voulait que Tristan livre à Marc la fiancée qu’il alla quérir10, on ne peut s’empêcher de
102 upules sont bien tardifs et peu sincères, puisque Tristan n’a de cesse qu’il ne rentre à la cour, auprès d’Iseut… Et ce philtre
103 n’est guère pour le bonheur d’un couple. Et quand Tristan épouse l’autre Iseut « pour son nom et pour sa beauté » mais cependan
104 re Mariage Un moderne commentateur du Roman de Tristan et Iseut veut y voir un « conflit cornélien entre l’amour et le devoi
105 remière solution. Si l’on admet que l’aventure de Tristan devait servir à illustrer le conflit de la chevalerie et de la sociét
106  : il est « félon » s’il ne le fait pas. Or, dans Tristan , les barons dénoncent Iseut au roi Marc : ils devraient donc passer p
107 chez la comtesse de Champagne. (Appendice 3.) Si Tristan , et l’auteur du Roman, partagent une telle manière de voir, la féloni
108 la retraite dans le Morois, ou même du mariage de Tristan . En effet, le « droit de la passion » au sens où l’entendent les mode
109 u sens où l’entendent les modernes, permettrait à Tristan d’enlever Iseut, après qu’ils ont bu le philtre. Cependant il la livr
110 aboutisse à l’« entière possession de sa dame ». Tristan choisira donc, dans ce cas, d’observer la fidélité féodale, masque et
111 obstacles extérieurs qui s’opposent à l’amour de Tristan sont dans un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne sont, à to
112 cle, ils en inventent : l’épée nue, le mariage de Tristan . Ils en inventent comme à plaisir, — bien qu’ils en souffrent. Serait
113 . Il faut avoir l’audace de poser la question : Tristan aime-t-il Iseut ? Est-il aimé par elle ? (Seules les questions « stup
114 s rapports de politesse conventionnelle. Et quand Tristan revient en quête d’Iseut, on se souvient que cette politesse fait pla
115 ivent dans la forêt de Morois, après l’évasion de Tristan . Aspre vie meinent et dure : Tant s’entr’aiment de bone amor L’un pa
116 me pus de lié partir, N’ele de moi… Ainsi parle Tristan . Et Iseut après lui : Sire, por Dieu omnipotent, Il ne m’aime pas, n
117 ain de la saint Jehan Aconpli furent li troi an. Tristan chassait dans la forêt. Soudain, il se souvient du monde. Il revoit l
118 … ». La décision de se séparer est bientôt prise. Tristan propose de « gerpir » en Bretagne. Auparavant, ils iront voir Ogrin l
119 avez mené ceste vie. Ainsi les admoneste Ogrin. Tristan li dist : or escoutez Si longuement l’avons menée Itel fu nostre dest
120 « patois du cœur ? ») Un dernier trait : lorsque Tristan reçoit la réponse favorable du roi acceptant de reprendre Iseut : De
121 du roi acceptant de reprendre Iseut : Dex ! dist Tristan , quel departie ! Mot est dolenz qui pert s’amie… C’est sur sa propre
122 he… Une seule réponse demeure ici digne du mythe. Tristan et Iseut ne s’aiment pas, ils l’ont dit et tout le confirme. Ce qu’il
123 l’instant de l’obstacle absolu, qui est la mort. Tristan aime se sentir aimer, bien plus qu’il n’aime Iseut la Blonde. Et Iseu
124 eut la Blonde. Et Iseut ne fait rien pour retenir Tristan près d’elle : il lui suffit d’un rêve passionné. Ils ont besoin l’un
125 irée ! « Mot est dolenz qui pert s’amie » soupire Tristan . Pourtant il sent déjà, au fond de la nuit qui vient, poindre la flam
126 nces extérieures adverses, entraves inventées par Tristan . Tristan ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. E
127 rieures adverses, entraves inventées par Tristan. Tristan ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. Et il n’es
128 rc, méfiance des barons, jugement de Dieu, etc.), Tristan bondit par-dessus l’obstacle (le saut d’un lit à l’autre en est le sy
129 menace tout extérieure, la prouesse par laquelle Tristan le surmonte est une affirmation de la vie. En tout cela ; Tristan n’o
130 nte est une affirmation de la vie. En tout cela ; Tristan n’obéit qu’à la coutume féodale des chevaliers : il s’agit de faire p
131 rse qui se produit alors : l’épée nue déposée par Tristan entre leurs corps demeurés vêtus, c’est encore occasion de prouesse,
132 e son pouvoir social, l’obstacle légal, objectif. Tristan relève ce défi : d’où le rebondissement de l’action. Et ici le mot pr
133 le Roi, et celui d’Iseut aux blanches mains avec Tristan . Le premier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il est symbolisé
134 sme en trouvera de plus fins.) Il faut voir comme Tristan le bouscule, et comme il s’en joue à plaisir ! Sans le mari, je ne do
135 i, je ne donne pas plus de trois ans à l’amour de Tristan et Iseut. Et en effet, la grande sagesse du vieux Béroul, c’est d’avo
136 x amants qu’à se marier. Or on ne conçoit pas que Tristan puisse jamais épouser Iseut. Elle est le type de la femme qu’on n’épo
137 des, l’on dirait même : plus intérieures. Lorsque Tristan soupire à voix basse après l’Iseut perdue, le frère d’Iseut aux blanc
138 ux femmes — est la seule « raison » du mariage de Tristan . L’on voit qu’il lui serait aisé de s’expliquer. Mais une fois de plu
139 ndra, et au seul titre de prétexte, pour empêcher Tristan de se dédire. C’est que l’amant pressent, dans cette nouvelle épreuve
140 t volontaire au terme d’une série d’épreuves dont Tristan sorte purifié ; vers une mort qui soit une transfiguration, et non pa
141 rait pas de mythe, il n’y aurait pas de roman, si Tristan et Iseut pouvaient dire quelle est la fin qu’ils se préparent de tout
142 amme d’amour » éclose aux « déserts » de la Nuit. Tristan , lui, ne peut rien avouer. Il veut comme s’il ne voulait pas. Il s’en
143 pas communicables au Jour15. Elles le méprisent. Tristan s’est fait prisonnier d’un délire auprès duquel pâlissent toute sages
144 procède. Levez-vous, orages sonores de la mort de Tristan et d’Isolde ! Vieille et grave mélodie, dit le héros, tes sons lamen
145 s d’aujourd’hui. Le succès prodigieux du Roman de Tristan révèle en nous, que nous le voulions ou non, une préférence intime po
146 à travers la douleur, c’est le secret du mythe de Tristan , l’amour-passion à la fois partagé et combattu, anxieux d’un bonheur
147 ormule du mythe. Amour réciproque, en ce sens que Tristan et Iseut « s’entr’aiment », ou du moins, qu’ils en sont persuadés. Et
148 xiie siècle : Béroul, Thomas, Eilhart, la Folie Tristan et le Roman en prose. Les versions ultérieures de Gottfried de Strasb
149 roi, pénétrant dans la retraite des amants « vit Tristan couché, et de l’autre côté de la grotte, Isolt. Les amants s’étaient
150 13. Rappelons ici ces étapes : Premier séjour de Tristan en Irlande. Ils se séparent sans s’aimer. — Second séjour : elle veut
151 tion et philtre, péché consommé ; Iseut livrée. —  Tristan banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. — Tristan revient à la co
152 tan banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. —  Tristan revient à la cour. Le « flagrant délit ». Ils sont séparés. — Ils se
153 séparent. — Rendez-vous chez Orri le forestier ; Tristan s’éloigne. — Tristan revient déguisé en fou ; s’éloigne. — Longue sép
154 ous chez Orri le forestier ; Tristan s’éloigne. —  Tristan revient déguisé en fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de T
155 fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de Tristan . — Iseut s’approche et Tristan meurt. Puis mort d’Iseut. Résumons enc
156 ration, mariage de Tristan. — Iseut s’approche et Tristan meurt. Puis mort d’Iseut. Résumons encore : une seule longue période
157 nd la longue période de séparation (le mariage de Tristan ). Auparavant : le Philtre ; à la fin : la double Mort ; entre-temps,
158 rame de Wagner, quand le roi surprend les amants, Tristan répond à ses questions douloureuses : « Ce mystère, je ne puis te le
10 1939, L’Amour et l’Occident. Les origines religieuses du mythe
159 s lois du corps n’explique nullement l’amour d’un Tristan , par exemple. Elle rend d’autant plus évidente l’intervention d’un fa
160 ntiquité n’a rien connu de semblable à l’amour de Tristan et d’Iseut. On sait assez que pour les Grecs et les Romains, l’amour
161 écis avec ce que l’on a dit plus haut du mythe de Tristan , qui voile et exprime à la fois le désir de mort. D’autre part, les d
162 récitatif du psaume ». Et l’on songe au secret de Tristan , qu’il ne peut « dire » mais seulement chanter… ⁂ Toute conception du
163 lancer le trille dont Wagner, au deuxième acte de Tristan , fera le cri sublime de Brengaine : « Habet acht ! Habet acht ! Schon
164 ous savons par ailleurs que l’anneau (échangé par Tristan et Iseut) est le signe d’une fidélité qui justement n’est pas celle d
165 ons le « narcissisme de la passion » (à propos de Tristan , chap. vii du Livre Ier). c) Le Familier des Amants est construit sur
166 nous découvrons dans le roman breton — Lancelot, Tristan et tout le cycle arthurien — une transposition romanesque des règles
167 ge fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de Tristan dont les manuscrits sont perdus. Béroul était Normand, Thomas était A
168 Thomas était Anglais. Et en retour, la légende de Tristan se répandit très largement dans le Midi. Cette interaction si rapide
169 stique. Le point de départ de Lancelot — comme de Tristan  — c’est le péché contre l’amour courtois, la possession physique d’un
170 e. 11.Des mythes celtiques au roman breton Tristan nous apparaît comme le plus purement courtois des romans bretons, en
171 puissante et simple du récit. Mais en même temps, Tristan est le plus « breton » des romans courtois, en ce sens qu’on y trouve
172 vidente de la première navigation à l’aventure de Tristan malade, en quête du baume magique. D’autre part, plusieurs récits de
173 rototypes assez exacts des situations du Roman de Tristan . Par exemple, dans l’idylle tragique de Diarmaid et Grainne, les deux
174 es rapprochements plus précis. On se rappelle que Tristan , après la mort de ses parents, fut élevé à la cour du roi Marc son on
175 de la famille maternelle, soit… les druides.83 » Tristan élevé par Marc, son oncle maternel, devient ainsi, en vertu du foster
176 ueront pas de voir dans la liaison malheureuse de Tristan et d’Iseut le résultat d’un complexe œdipien : à quoi s’oppose toutef
177 accompagné de surenchère, subsiste également dans Tristan et les romans de la Table ronde. On y voit un grand nombre d’aventure
178 de se marier : le combat contre le Morholt, dans Tristan , illustre exactement cette coutume, sans faire d’ailleurs la moindre
179 Paris remarquait avec profondeur que le roman de Tristan et d’Iseut rend un son particulier, qui ne se retrouve guère dans la
180 t par l’origine celtique de ces poèmes. C’est par Tristan et par Arthur que le plus clair et le plus précieux du génie celtique
181 avoriser la confusion moderne entre la passion de Tristan et la pure sensualité. Quelques citations de Thomas, le plus conscien
182 ne ascèse, le « mal aimé » des troubadours. Voici Tristan livré au plus cruel conflit, lorsqu’au soir de ses noces avec Iseut a
183 s, il ne peut se résoudre à posséder sa femme : «  Tristan désire Iseut aux blanches mains pour son nom et pour sa beauté, car,
184 uel qu’eût été ce nom sans sa beauté, le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et d
185 , le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et de ses peines, et contre son mal, il
186 péra ses transmutations. Ainsi naquit le mythe de Tristan . Loin de moi la tentation d’analyser le processus de cette métamorpho
187 ans le mythe. Nous avons donc rejoint le Roman de Tristan et situé sa nécessité à telle date, à l’intersection de telles tradit
188 z garde ! Voici que la nuit cède au jour ! » Mais Tristan répond, lui aussi : « Qu’éternellement la nuit nous enveloppe ! » 51
189 fluences cathares dans tous ces romans. 79. Dans Tristan , la faute initiale est douloureusement rachetée par une longue pénite
190 thares) y est remplacé par le Venusberg ! 85. Le Tristan et Iseut de Thomas, traduction française par J. Herbomez et R. Beauri
11 1939, L’Amour et l’Occident. Passion et mystique
191 compte : à la sexualité. Or l’examen du Roman de Tristan et de ses sources historiques nous a conduit à renverser le rapport.
192 ogiques, on ne comprendrait plus rien au mythe de Tristan . La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’une faim de cher
193 e mystique Nous avons constaté que le Roman de Tristan est, à bien des égards, une première « profanation » de la mystique c
194 onsidère surtout le principe interne de l’action, Tristan évoque par la plupart de ses situations romanesques la progression d’
195 d’un vulgaire roman d’adultère : l’infidélité de Tristan , c’est l’hérésie, c’est la vertu mystique des « purs », c’est une ver
196 où nous pourrions induire un lecteur non prévenu. Tristan blessé s’embarque sur une nacelle sans gouvernail ni voile, muni seul
197 ns pittoresques. Presque tous publient le secret… Tristan , lui, a trouvé l’amour. Mais tout d’abord, il n’a pas su le reconnaît
198 cesse lointaine qu’il réserve à son seul plaisir, Tristan ignore que l’aventure pourrait aussi le concerner. Survient l’erreur
199 t, ce premier et décisif appel devrait introduire Tristan dans la voie des macérations et le conduire à l’endura. Mais emporté
200 nous », gémit Iseut (dans le Roman en prose). Et Tristan de répondre : « Si le monde entier était orendroit avec nous, je ne v
201 plus dures de l’état de purification ». (Ibid.) Tristan n’est qu’une impure et parfois équivoque traduction de la mystique co
202 loin plus la désire ? Jamais l’amour n’enflamme Tristan si follement que lorsqu’il est séparé de sa « dame ». La psychologie
203 utre chose, le symbole de l’Amour lumineux. Quand Tristan erre au loin, il l’aime davantage, et plus il aime, plus il endure de
204 a situation mystique (par l’autre extrême) : plus Tristan aime, et plus il se veut séparé, c’est-à-dire rejeté par l’amour. Au
205 ment. C’est quand, le philtre ayant cessé d’agir, Tristan et Iseut vont trouver l’ermite Ogrin dans sa cellule. Rencontre de ce
206 our obéir sans tourments. Je ne trouve rien, dans Tristan , qui rappelle le « rejet des dons » dont parlent Eckhart et saint Jea
207 la prouesse qui est le moteur des hauts faits de Tristan . Comme tous les passionnés, il aime avec témérité la sensation de pui
208 bjet vivant et extérieur. Ainsi nous avons vu que Tristan aime Iseut non point dans sa réalité, mais en tant qu’elle éveille en
12 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe dans la littérature
209 e, que Béroul et Thomas ont composé la légende de Tristan . La croisade des albigeois a saccagé la civilisation courtoise du Lan
210 comme de sa « bien-aimée ennemie », et gémit, tel Tristan se séparant d’Iseut lorsqu’il la rend à son époux : Ô dure départie
211 its de Chrétien de Troyes. On traduit le roman de Tristan dans toutes les langues d’Occident. L’Anglais Thomas Malory, à la fin
212 te prose narrative, et Brunetto Latini extrait de Tristan (dans sa Rhétorique) le portrait de la femme idéale. De là, jusqu’au
213 volonté de mort, si secrète et métaphysique dans Tristan  : c’est simplement le point d’honneur, manie sociale. C’est l’héroïne
214 mort libératrice. Mais la dialectique sauvage de Tristan n’est plus ici que coquetterie, et le combat du Jour et de la Nuit se
215 dèle amant et de la plus fidèle amante. (Thème de Tristan  : c’est le rachat de la fatalité du philtre.) Céladon s’avance, mais
216 ants au terme des trois ans passés dans la forêt. Tristan avait le recours de rendre Iseut à son mari. Alidor est contraint d’i
217 montre si sensible — l’opinion est toujours avec Tristan contre le roi Marc, avec le séducteur contre le mari trompé ; elle n’
218 t de l’amante, renversant toute la dialectique de Tristan et de Roméo : Et la mort à mes yeux dérobant la clarté Rend au jour
219 he devait faire apparaître l’antithèse absolue de Tristan . Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xviiie , du
220 Don Juan du théâtre141 comme le reflet inversé de Tristan . Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des personnages, d
221 rd il vient de suspendre sa course. Au contraire, Tristan vient en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hyp
222 possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’a plus besoin du monde, — parce qu’il aime ! Tandis que Don Juan, t
223 oin qu’elle existe pour trouver goût à la violer. Tristan , lui, se voit libéré du jeu des règles, des péchés et des vertus, par
224 n de plus en plus décevante et méprisable — quand Tristan est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un
225 tés qui eussent déshonoré un véritable chevalier. Tristan , mélancolique et courageux, n’abdique au contraire son orgueil qu’à l
226 distingue dans la contradiction de Don Juan et de Tristan , dans la tension insupportable de l’esprit qui vit cette contradictio
227 er n’est pas une renaissance du mythe primitif de Tristan . Il n’a pas la violence sauvage de la légende, et encore moins son ar
228 mitié tempèrent les emportements de l’amour… » Le Tristan qui se réveille en lui après la « faute » de la possession, se passer
229 os de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégèse de Tristan , notre dialectique de l’obstacle. Il y a pourtant cette différence ca
230 e l’indicible, elle a forcé le dernier mystère de Tristan . Mon propos n’est point de recenser les innombrables manifestations d
231 ni se posséder ni être possédé. Nous savions que Tristan n’aimait pas Iseut pour elle-même, mais seulement pour l’amour de l’A
232 ent, et qui surtout ne fut pas réellement aimé. » Tristan aimait, Don Juan était aimé ; mais celui qui n’a du premier que la no
233 volupté d’amour ! L’homme qui a écrit cela (dans Tristan et Isolde) savait que la passion est quelque chose de plus que l’erre
234 ux passions qui tendent à sa perte). En composant Tristan , Wagner a violé le tabou : il a tout dit, tout avoué par les paroles
235 venger l’affront subi. Le philtre qu’elle offre à Tristan est destiné à le faire mourir : mais d’une mort que l’Amour condamne,
236 breuvage d’initiation. Ainsi l’étreinte unique de Tristan et d’Isolde, aussitôt qu’ils ont bu, c’est le baiser unique du sacrem
237 semble et pourtant ils sont deux. Il y a ce et de Tristan « et » Isolde qui signifie leur dualité créée. À ce moment la musique
238 fois revient le jour : le traître Mélot156 blesse Tristan . Mais la passion a désormais vaincu, elle vole au jour son apparente
239 que chantera Isolde agonisante sur le cadavre de Tristan , dans l’extase de la « joie la plus haute ». Initiation, passion, acc
240 a. Ainsi, ce n’est point un hasard si le mythe de Tristan et celui de Don Juan n’ont pu recevoir leur expression achevée que da
241 est la mère et la fille Toutefois, dans le cas de Tristan , l’élément plastique inhérent à toute mise en scène théâtrale se trou
242 solument contradictoire avec celui qui faisait de Tristan la glorification du désir sensuel — c’est le rappel de l’influence de
243 i dégradée et dégradante, par rapport au mythe de Tristan , que le serait par exemple l’alcoolisme par rapport à l’ivresse divin
244 guerre, c’est simplement l’adaptation du mythe de Tristan à la mesure d’une société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ; T
245 société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ; Tristan , le jeune premier, ou gigolo ; Iseut, l’épouse insatisfaite, oisive e
246 ce qu’avaient voulu contenir le mythe originel de Tristan , puis ses substituts littéraires. Le xixe siècle bourgeois vit se ré
247 oici ceux qui remplissent de rêverie les livres —  Tristan et Lancelot et les autres errants — auxquels il faut que le vulgaire
248 laisse échapper le grand cri du romantisme et de Tristan  : « Amoris impulsio culpae justificatio. » 146. Est-ce la faute à R
249 egel commença en 1808 une rédaction modernisée de Tristan . Puis Rückert, Immermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent des Tri
250 mmermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent des Tristan (poèmes et drames). Le poème de Platen débute ainsi : « Celui dont le
251 s, et non pas cette interminable gesticulation de Tristan essoufflé sur sa couche, d’Isolde entravée par ses voiles… 159. Gwyo
13 1939, L’Amour et l’Occident. Amour et guerre
252 un équivalent sportif de la fonction mythique du Tristan telle que nous la définissions : exprimer la passion dans toute sa fo
253 opre à restituer l’atmosphère de rêve du Roman de Tristan que les descriptions de tournois qu’on peut lire dans les œuvres de C
254 lier au cygne, ou porte les armes de Lancelot, de Tristan ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie est répandu
255 lques touches pour l’indiquer. Don Juan succède à Tristan , la volupté perverse à la passion mortelle. Et la guerre en même temp
256 ien plus que relation avec l’aimée. Ce que désire Tristan , c’est la brûlure d’amour plus que la possession d’Iseut. Car la brûl
257 167. Qu’on se reporte à notre analyse du mythe de Tristan  : on y trouvera quelques illustrations typiques de ce passage (barons
14 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe contre le mariage
258 s provençaux et des romans bretons, l’adultère de Tristan reste une faute185, mais il se trouve revêtir en même temps l’aspect
259 sabée commet un crime et se rend méprisable. Mais Tristan , s’il enlève Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui était
260 la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi comme son génie caché ! Et plus rien ne compte en
261 oi l’on aime souffrir, et faire souffrir. Lorsque Tristan emmène Iseut dans la forêt, où plus rien ne s’oppose à leur union, le
262 zon mystique s’est refermé depuis longtemps. Pour Tristan , Iseut n’était rien que le symbole du Désir lumineux : son au-delà, c
263 s rythmes du désir charnel ; mais tandis que pour Tristan l’infini, c’est l’éternité sans retour où s’évanouit la conscience do
264 ue en infidélité. Qui ne sent la dégradation d’un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Or ce n’est pas lui qu’il convient d’accuser,
265 n de l’âme dressée contre le monde. Mais alors le Tristan moderne glisse vers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux amo
266 . Aimer d’amour-passion signifiait « vivre » pour Tristan , car la vraie vie qu’il appelait, c’était la mort transfigurante. Mai
267 t de nos contemporains sont en proie au délire de Tristan . Bien peu ont assez soif pour boire le philtre, et j’en vois moins en
15 1939, L’Amour et l’Occident. L’Amour action, ou de la fidélité
268 t munie d’une dot adéquate — dont je veux être le Tristan . » Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui dure sur l
269 s mots… ⁂ Cependant, tout n’est pas encore clair. Tristan lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour n
270 toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan . C’est un narcissisme mystique, mais qui s’ignore, naturellement, et
271 analyse des légendes courtoises nous a révélé que Tristan n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort,
272 e la seule délivrance du moi coupable et asservi. Tristan n’est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau pr
273 me voue sa fidélité. Et tandis que la fidélité de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la créatio
274 lus de la vie pour la mort (c’était la passion de Tristan ). L’amour fidèle de Tristan détruisait son bonheur et sa vie pour tém
275 c’était la passion de Tristan). L’amour fidèle de Tristan détruisait son bonheur et sa vie pour témoigner en faveur de la Nuit,
276 le ruine notre bonheur, est salutaire. L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et son aboutissement supr
277 destins singuliers : « Non plus d’Isolde, plus de Tristan , plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’être
278 la « fatalité » de la passion est accréditée par Tristan . Excuse et alibi qui ne peuvent tromper que celui qui veut être tromp
279 juin 1938. 196. Je m’en tiens au cas-limite de Tristan . Il y a des cas de passion dans le mariage chrétien ; et des états de
280 réfute les croyances courantes, nées du mythe de Tristan et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tout à fait
16 1939, L’Amour et l’Occident. Appendices
281 i que mon analyse se borne à la légende écrite de Tristan . C’est d’elle seule que je parle quand je parle du mythe « primitif »
282 nier ont cru pouvoir attribuer aux personnages de Tristan et d’Iseut (ou Essylt) dans la mythologie celtique. Dès le viie sièc
283 dans la mythologie celtique. Dès le viie siècle, Tristan aurait été un demi-dieu, le héraut symbolique des mystères, le « gard
284 e.) On a voulu voir également dans la rivalité de Tristan et de Marc le symbole de la lutte entre les Bretons armoricains et le
285 , l’auteur du Roman en prose et celui de la Folie Tristan n’étaient pas initiés à cette tradition. Ils ignoraient le sens primi
286 e. Les faits que nous décrit l’auteur de la Folie Tristan étaient sans doute à l’origine tout autre chose qu’une suite d’extrav
287 és. La maison de verre par exemple, dans laquelle Tristan fou veut emmener Iseut, était dans la mythologie druidique le vaissea
288 jusqu’au cercle céleste du Gwynfyd. Dans la Folie Tristan , la maison de verre n’est plus qu’une image émouvante née de la fanta
289 de l’amoureux. De même, chez Thomas, le départ de Tristan pour la Bretagne n’a plus aucun sens « historique » défini ; etc. C’e
290 rt analogue — dans sa forme — à celle du Roman de Tristan . Or il est évident que cette situation ne peut être qu’une invention
291 ui est cléricale et féodale). Cette analogie avec Tristan nous donne un repère pour apprécier la transformation que les Béroul
292 ataille par les plaines herbues… L’analogie avec Tristan est très frappante. Il s’agit dans les deux cas : D’un vassal puissan
293 ifférences ne sont pas moins significatives. Dans Tristan , c’est la jalousie d’Iseut aux blanches mains qui provoque la catastr
294 diction VII. 2. À rapprocher du mariage blanc de Tristan  : Jugement de la reine Éléonore : Demande. Un amant heureux avait d
295 rs et à la foi promise. Or on n’a pas oublié que Tristan épouse la seconde Iseut alors qu’il croit que la première le néglige.
296 usement notre conception des amours d’Iseut et de Tristan , nous ne pouvons avoir de doutes sur la nature des sentiments dont Th
297 usement notre conception des amours d’Iseut et de Tristan  »… 6. – Dante hérétique Tout à fait indépendamment des travaux
298 Rivalen pour Blanchefleur (ce sont les parents de Tristan ) accumule les expressions religieuses les plus insistantes : Alors l
17 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe de Tristan
299 Livre premierLe mythe de Tristan 1.Triomphe du roman, et ce qu’il cache « Seigneurs, vous plaît
300 grand mythe européen de l’adultère : le Roman de Tristan et Iseut. Au travers du désordre extrême de nos mœurs, dans la confus
301 d’abord, dira-t-on, est-il exact que le roman de Tristan soit un mythe ? Et dans ce cas, n’est-ce pas détruire son charme que
302 la rend inefficace. Or je me propose d’envisager Tristan non point comme œuvre littéraire, mais comme type des relations de l’
303 sur nos rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan sont de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord le fait que l’auteur
304 trace2. Un autre aspect mythique de la légende de Tristan , c’est l’élément sacré qu’elle utilise3. Le progrès de l’action, et l
305 ant le secret qu’il exprime, le Roman mythique de Tristan posséderait-il au même degré les qualités contraignantes d’un vrai my
306 ontenu » prend ici toute sa force : la passion de Tristan et d’Iseut est littéralement « contenue » par les règles de la cheval
307 appelait une réaction vive. Le succès du Roman de Tristan fut donc d’ordonner la passion dans un cadre où elle pût s’exprimer e
308 ions et des réactions qu’il provoque. Le mythe de Tristan et Iseut, ce ne sera plus seulement le Roman, mais le phénomène qu’il
309 ce du lecteur à envisager mon projet. Le Roman de Tristan nous est « sacré » dans la mesure exacte où l’on estimera que je comm
310 it à voir l’un des commentateurs de la légende de Tristan la définir « une épopée de l’adultère ». La formule est sans doute ex
311 de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de Tristan , c’est qu’il permet de dégager une raison simple de notre confusion p
312 an7 Amors par force vos demeine ! (Béroul.) Tristan naît dans le malheur. Son père vient de mourir, et sa mère Blanchefle
313 Première prouesse ou performance : la victoire de Tristan sur le Morholt. Ce géant irlandais vient, comme le Minotaure, exiger
314 jeunes filles ou de jeunes gens de Cornouailles. Tristan obtient la permission de le combattre, au moment où il pourrait être
315 e empoisonnée. Sans espoir de survivre à son mal, Tristan s’embarque à l’aventure dans un bateau sans voile ni rames, emportant
316 éant Morholt était le frère de cette reine, aussi Tristan se garde-t-il d’avouer son nom et l’origine de son mal. Iseut, prince
317 dont un oiseau lui apporta un cheveu d’or. C’est Tristan qu’il envoie à la « quête » de l’inconnue. Une tempête rejette le hér
318 rée par un jeune paladin.) Blessé par le monstre, Tristan est soigné de nouveau par Iseut. Un jour, cette princesse découvre qu
319 le meurtrier de son oncle. Elle saisit l’épée de Tristan et menace de le tuer dans son bain. Alors, il lui révèle la mission d
320 le admire la beauté du jeune homme, à ce moment.) Tristan et la princesse voguent vers les terres de Marc. En haute mer, le ven
321 e l’importance du philtre, et présente l’amour de Tristan et d’Iseut comme une affection spontanée, apparue dès la scène du bai
322 us le verrons.) La faute est donc consommée. Mais Tristan reste lié par la mission qu’il a reçue du roi. Il conduit donc Iseut
323 des barons « félons » dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (
324 » dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (scène du verger), il
325 les amants et leur tend un piège. Entre le lit de Tristan et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan, que Ma
326 elui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan , que Marc a chargé d’une nouvelle mission, veut rejoindre une dernièr
327 ite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux et Tristan condamné à mort. Il s’évade (scène de la chapelle). Il délivre Iseut,
328 Marc les surprend endormis. Mais il se trouve que Tristan a déposé entre leurs corps son épée nue. Ému par ce qu’il prend pour
329 s épargne. Sans les réveiller, il prend l’épée de Tristan et dépose à sa place l’épée royale. Les trois ans écoulés, le philtr
330 ncêtre commun des cinq versions). Alors seulement Tristan se repent, Iseut se met à regretter la cour… Ils vont trouver l’ermit
331 nt trouver l’ermite Ogrin, par l’entremise duquel Tristan offre au roi de lui rendre sa femme. Marc promet son pardon. Les aman
332 l’approche du cortège royal. Iseut supplie encore Tristan de demeurer dans le pays jusqu’à ce qu’il soit certain que Marc la tr
333 ’aider à descendre de sa barque. Le manant, c’est Tristan déguisé… Mais de nouvelles aventures entraînent au loin le chevalier.
334 eut, l’Iseut « aux blanches mains ». Et en effet, Tristan la laissera vierge, car il regrette « Iseut la bloie ». Enfin, blessé
335 ort, et de nouveau empoisonné par cette blessure, Tristan fait appeler la reine de Cornouailles, la seule qui puisse encore le
336 mentée par la jalousie, elle s’en vient au lit de Tristan et lui annonce que la voile est noire. Tristan meurt. Iseut la blonde
337 de Tristan et lui annonce que la voile est noire. Tristan meurt. Iseut la blonde débarque à cet instant, monte au château, embr
338 u voir qu’ils se réduisent à fort peu de choses : Tristan conduit Iseut au roi parce qu’il est lié par la fidélité du chevalier
339 s la forêt, parce que le philtre cesse d’agir ; —  Tristan épouse Iseut aux blanches mains « pour son nom et pour sa beauté ». M
340 rs récents de la légende : tout au long du Roman, Tristan paraît physiquement supérieur à tous ses adversaires et, particulière
341 e : c’est l’enjeu habituel des tournois. Pourquoi Tristan n’use-t-il pas de ce droit ? Mise en éveil par cette première questi
342 ons, qui donne la raison de cet acte10. Pourquoi Tristan rend-il la reine à Marc, et cela même dans les versions où le philtre
343 nt même où ils acceptent de se quitter ? Pourquoi Tristan s’éloigne-t-il ensuite pour courir de nouvelles aventures, alors qu’i
344 ment étant acquis, la reine passe pour innocente. Tristan l’est donc aussi, et l’on ne voit plus du tout ce qui s’opposerait à
345 nous présenter tel qu’un modèle de chevalerie ce Tristan qui a trompé son roi par les ruses les plus cyniques ; ou telle qu’un
346 ins ni menti ni trompé, et ce n’est pas le cas de Tristan … Enfin l’on en vient à douter de la valeur même des rares motifs allé
347 si la morale de la fidélité au suzerain exige que Tristan livre à Marc la fiancée qu’il alla quérir12, on ne peut s’empêcher de
348 upules sont bien tardifs et peu sincères, puisque Tristan n’a de cesse qu’il ne rentre à la cour, auprès d’Iseut… Et ce philtre
349 n’est guère pour le bonheur d’un couple. Et quand Tristan épouse l’autre Iseut « pour son nom et pour sa beauté » mais cependan
350 re Mariage Un moderne commentateur du Roman de Tristan et Iseut veut y voir un « conflit cornélien entre l’amour et le devoi
351 remière solution. Si l’on admet que l’aventure de Tristan devait servir à illustrer le conflit de la chevalerie et de la sociét
352  : il est « félon » s’il ne le fait pas. Or, dans Tristan , les barons dénoncent Iseut au roi Marc : ils devraient donc passer p
353 chez la comtesse de Champagne. (Appendice 3.) Si Tristan , et l’auteur du Roman, partagent une telle manière de voir, la féloni
354 raite dans le Morois, ou même du mariage blanc de Tristan . En effet, le « droit de la passion » au sens où l’entendent les mode
355 u sens où l’entendent les modernes, permettrait à Tristan d’enlever Iseut, après qu’ils ont bu le philtre. Cependant il la livr
356 aboutisse à l’« entière possession de sa dame ». Tristan choisira donc, dans ce cas, d’observer la fidélité féodale, masque et
357 obstacles extérieurs qui s’opposent à l’amour de Tristan sont dans un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne sont, à to
358 cle, ils en inventent : l’épée nue, le mariage de Tristan . Ils en inventent comme à plaisir, — bien qu’ils en souffrent. Serait
359 . Il faut avoir l’audace de poser la question : Tristan aime-t-il Iseut ? Est-il aimé par elle ? (Seules les questions « stup
360 s rapports de politesse conventionnelle. Et quand Tristan revient en quête d’Iseut, on se souvient que cette politesse fait pla
361 ivent dans la forêt de Morois, après l’évasion de Tristan . Aspre vie meinent et dure : Tant s’entr’aiment de bonne amor L’un p
362 me pus de lié partir, N’ele de moi… Ainsi parle Tristan . Et Iseut après lui : Sire, por Dieu omnipotent, Il ne m’aime pas, n
363 ain de la saint Jehan Aconpli furent li troi an. Tristan chassait dans la forêt. Soudain, il se souvient du monde. Il revoit l
364 … ». La décision de se séparer est bientôt prise. Tristan propose de « gerpir » en Bretagne. Auparavant, ils iront voir Ogrin l
365 avez mené ceste vie. Ainsi les admoneste Ogrin. Tristan li dist : or escoutez Si longuement l’avons menée Itel fu nostre dest
366 « patois du cœur ? ») Un dernier trait : lorsque Tristan reçoit la réponse favorable du roi acceptant de reprendre Iseut : De
367 du roi acceptant de reprendre Iseut : Dex ! dist Tristan , quel departie ! Mot est dolenz qui pert s’amie… C’est sur sa propre
368 he… Une seule réponse demeure ici digne du mythe. Tristan et Iseut ne s’aiment pas, ils l’ont dit et tout le confirme. Ce qu’il
369 l’instant de l’obstacle absolu, qui est la mort. Tristan aime se sentir aimer, bien plus qu’il n’aime Iseut la Blonde. Et Iseu
370 eut la Blonde. Et Iseut ne fait rien pour retenir Tristan près d’elle : il lui suffit d’un rêve passionné. Ils ont besoin l’un
371 irée ! « Mot est dolenz qui pert s’amie » soupire Tristan . Pourtant il sent déjà, au fond de la nuit qui vient, poindre la flam
372 nces extérieures adverses, entraves inventées par Tristan . Tristan ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. E
373 rieures adverses, entraves inventées par Tristan. Tristan ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. Et il n’es
374 rc, méfiance des barons, jugement de Dieu, etc.), Tristan bondit par-dessus l’obstacle (le saut d’un lit à l’autre en est le sy
375 menace tout extérieure, la prouesse par laquelle Tristan le surmonte est une affirmation de la vie. En tout cela, Tristan n’ob
376 onte est une affirmation de la vie. En tout cela, Tristan n’obéit qu’à la coutume féodale des chevaliers : il s’agit de faire p
377 rse qui se produit alors : l’épée nue déposée par Tristan entre leurs corps demeurés vêtus, c’est encore occasion de prouesse,
378 e son pouvoir social, l’obstacle légal, objectif. Tristan relève ce défi : d’où le rebondissement de l’action. Et ici le mot pr
379 le Roi, et celui d’Iseut aux blanches mains avec Tristan . Le premier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il est symbolisé
380 sme en trouvera de plus fins.) Il faut voir comme Tristan le bouscule, et comme il s’en joue à plaisir ! Sans le mari, je ne do
381 i, je ne donne pas plus de trois ans à l’amour de Tristan et Iseut. Et en effet, la grande sagesse du vieux Béroul, c’est d’avo
382 x amants qu’à se marier. Or on ne conçoit pas que Tristan puisse jamais épouser Iseut. Elle est le type de femme qu’on n’épouse
383 des, l’on dirait même : plus intérieures. Lorsque Tristan soupire à voix basse après l’Iseut perdue, le frère d’Iseut aux blanc
384 ux femmes — est la seule « raison » du mariage de Tristan . L’on voit qu’il lui serait aisé de s’expliquer. Mais une fois de plu
385 ndra, et au seul titre de prétexte, pour empêcher Tristan de se dédire. C’est que l’amant pressent, dans cette nouvelle épreuve
386 t volontaire au terme d’une série d’épreuves dont Tristan sortira purifié ; vers une mort qui soit une transfiguration, et non
387 rait pas de mythe, il n’y aurait pas de roman, si Tristan et Iseut pouvaient dire quelle est la fin qu’ils se préparent de tout
388 amme d’amour » éclose aux « déserts » de la Nuit. Tristan , lui, ne peut rien avouer. Il veut comme s’il ne voulait pas. Il s’en
389 pas communicables au Jour17. Elles le méprisent. Tristan s’est fait prisonnier d’un délire auprès duquel pâlissent toute sages
390 procède. Levez-vous, orages sonores de la mort de Tristan et d’Isolde ! Vieille et grave mélodie, dit le héros, tes sons lament
391 s d’aujourd’hui. Le succès prodigieux du Roman de Tristan révèle en nous, que nous le voulions ou non, une préférence intime po
392 à travers la douleur, c’est le secret du mythe de Tristan , l’amour-passion à la fois partagé et combattu, anxieux d’un bonheur
393 ormule du mythe. Amour réciproque, en ce sens que Tristan et Iseut « s’entr’aiment », ou du moins, qu’ils en sont persuadés. Et
394 xiie siècle : Béroul, Thomas, Eilhart, la Folie Tristan et le Roman en prose. Les versions ultérieures de Gottfried de Strasb
395 roi, pénétrant dans la retraite des amants « vit Tristan couché, et de l’autre côté de la grotte, Isolt. Les amants s’étaient
396 15. Rappelons ici ces étapes : Premier séjour de Tristan en Irlande. Ils se séparent sans s’aimer. — Second séjour : elle veut
397 tion et philtre, péché consommé ; Iseut livrée. —  Tristan banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. — Tristan revient à la co
398 tan banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. —  Tristan revient à la cour. Le « flagrant délit ». Ils sont séparés. — Ils se
399 séparent. — Rendez-vous chez Orri le forestier ; Tristan s’éloigne. — Tristan revient déguisé en fou ; s’éloigne. — Longue sép
400 ous chez Orri le forestier ; Tristan s’éloigne. —  Tristan revient déguisé en fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de T
401 fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de Tristan . — Iseut approche et Tristan meurt. Puis mort d’Iseut. Résumons encor
402 paration, mariage de Tristan. — Iseut approche et Tristan meurt. Puis mort d’Iseut. Résumons encore : une seule longue période
403 nd la longue période de séparation (le mariage de Tristan ). Auparavant : le Philtre ; à la fin : la double Mort ; entre-temps,
404 rame de Wagner, quand le roi surprend les amants, Tristan répond à ses questions douloureuses : « Ce mystère, je ne puis te le
18 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Les origines religieuses du mythe
405 s lois du corps n’explique nullement l’amour d’un Tristan , par exemple. Elle rend d’autant plus évidente l’intervention d’un fa
406 ntiquité n’a rien connu de semblable à l’amour de Tristan et d’Iseut. On sait assez que pour les Grecs et les Romains, l’amour
407 écis avec ce que l’on a dit plus haut du mythe de Tristan , qui voile et exprime à la fois le désir de mort. D’autre part, les d
408 récitatif du psaume. » Et l’on songe au secret de Tristan , qu’il ne peut « dire » mais seulement chanter… ⁂ Toute conception du
409 lancer le trille dont Wagner au deuxième acte de Tristan , fera le cri sublime de Brengaine : « Habet acht ! Habet acht ! Schon
410 garde ! Voici que la nuit cède au jour ! ») Mais Tristan répond, lui aussi : « Qu’éternellement la nuit nous enveloppe ! » Tou
411 ous savons par ailleurs que l’anneau (échangé par Tristan et Iseut) est le signe d’une fidélité qui justement n’est pas celle d
412 ons le « narcissisme de la passion » (à propos de Tristan , chap. viii du Livre Ier). c) Le Familier des Amants est construit s
413 remonter vers le nord celtique, à la rencontre de Tristan … ⁂ Peut-on prouver que la poétique arabe a réellement influencé la co
414 t la légende et le mythe de la passion mortelle : Tristan . À cette montée puissante et comme universelle de l’Amour et du culte
415 du Nord, ceux du cycle d’Arthur, du Graal, et de Tristan , pour décrire des actions et des drames, et non plus seulement pour c
416 nous découvrons dans le roman breton — Lancelot, Tristan et tout le cycle arthurien — une transposition romanesque des règles
417 ge fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de Tristan dont les manuscrits sont perdus. Béroul était Normand, Thomas était A
418 Thomas était Anglais. Et en retour, la légende de Tristan se répandit très largement dans le Midi. Cette interaction si rapide
419 stique. Le point de départ de Lancelot — comme de Tristan  — c’est le péché contre l’amour courtois, la possession physique d’un
420 du récit, et non plus de la simple chanson. Dans Tristan , la faute initiale est douloureusement rachetée par une longue pénite
421 e. 12.Des mythes celtiques au roman breton Tristan nous apparaît comme le plus purement courtois des romans bretons, en
422 puissante et simple du récit. Mais en même temps, Tristan est le plus « breton » des romans courtois, en ce sens qu’on y trouve
423 vidente de la première navigation à l’aventure de Tristan malade, en quête du baume magique. D’autre part, plusieurs récits de
424 rototypes assez exacts des situations du Roman de Tristan . Far exemple, dans l’idylle tragique de Diarmaid et Grainne, les deux
425 es rapprochements plus précis. On se rappelle que Tristan , après la mort de ses parents, fut élevé à la cour du roi Marc son on
426 de la famille maternelle, soit… des druides96. » Tristan élevé par Marc, son oncle maternel, devient ainsi, en vertu du foster
427 ueront pas de voir dans la liaison malheureuse de Tristan et d’Iseut le résultat d’un complexe œdipien : à quoi s’oppose toutef
428 accompagné de surenchère, subsiste également dans Tristan et les romans de la Table ronde. On y voit un grand nombre d’aventure
429 de se marier : le combat contre le Morholt, dans Tristan , illustre exactement cette coutume, sans faire d’ailleurs la moindre
430 Paris remarquait avec profondeur que le roman de Tristan et d’Iseut rend un son particulier, qui ne se trouve guère dans la li
431 t par l’origine celtique de ces poèmes. C’est par Tristan et par Arthur que le plus clair et le plus précieux du génie celtique
432 avoriser la confusion moderne entre la passion de Tristan et la pure sensualité. Quelques citations de Thomas, le plus conscien
433 ne ascèse, le « mal aimé » des troubadours. Voici Tristan livré au plus cruel conflit, lorsqu’au soir de ses noces avec Iseut a
434 s, il ne peut se résoudre à posséder sa femme : «  Tristan désire Iseut aux blanches mains pour son nom et pour sa beauté, car,
435 uel qu’eût été ce nom sans sa beauté, le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et d
436 , le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et de ses peines, et contre son mal, il
437 péra ses transmutations. Ainsi naquit le mythe de Tristan . Loin de moi la tentation d’analyser le processus de cette métamorpho
438 rtance proprement religieuse du mythe dualiste de Tristan . Mais aussi, pour la même raison, il avoue mieux que tous les autres
439 mple de l’amour ; c) il décide que le mariage de Tristan avec Iseut aux blanches mains ne fut pas « blanc », mais consommé. So
440 nt de l’aider à franchir une rivière : or c’était Tristan déguisé. Elle sort intacte de l’épreuve. Gottfried commente : « Ce fu
441 non moins que dans son enseignement, le mythe de Tristan se révèle comme foncièrement hérétique et dualiste. Il n’y a pas plac
442 parfois, semblent confondre avec la « science ». Tristan est un roman bien plus profondément et plus indiscutablement manichée
443 Gottfried jusqu’au pastiche102. Le célèbre duo de Tristan et d’Isolde mêlant leurs noms, niant leurs noms, chantant le dépassem
444 ans le mythe. Nous avons donc rejoint le Roman de Tristan et situé sa nécessité à telle date, à l’intersection de telles tradit
445 thares) y est remplacé par le Venusberg ! 98. Le Tristan et Iseut de Thomas, traduction française par J Herbomez et R. Beaurie
446 ux gros volumes parus en 1953 de Gottfried Weber, Tristan und die Krise des Hochmittelalterlichen Weltbildes um 1200. Ce travai
447 r l’auteur de la plus théologique des versions de Tristan . 103. Un seul exemple : Gottfried v. 18352 à 57 « Tristan und Isot,
448 103. Un seul exemple : Gottfried v. 18352 à 57 «  Tristan und Isot, ir und ich… niwan ein Tristan und ein Isot » et Wagner, II,
449 52 à 57 « Tristan und Isot, ir und ich… niwan ein Tristan und ein Isot » et Wagner, II, 2, toute la fin de la scène : « nicht m
450 r, II, 2, toute la fin de la scène : « nicht mehr Tristan  !… nicht mehr Isolde ! »
19 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Passion et mystique
451 compte : à la sexualité. Or l’examen du Roman de Tristan et de ses sources historiques nous a conduit à renverser le rapport.
452 ogiques, on ne comprendrait plus rien au mythe de Tristan . La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’une faim de cher
453 e mystique Nous avons constaté que le Roman de Tristan est, à bien des égards, une première « profanation » de la mystique c
454 onsidère surtout le principe interne de l’action, Tristan évoque par la plupart de ses situations romanesques la progression d’
455 où nous pourrions induire un lecteur non prévenu. Tristan blessé s’embarque sur une nacelle sans gouvernail ni voile, muni seul
456 ns pittoresques. Presque tous publient le secret… Tristan , lui, a trouvé l’amour. Mais tout d’abord, il n’a pas su le reconnaît
457 cesse lointaine qu’il réserve à son seul plaisir, Tristan ignore que l’aventure pourrait aussi le concerner. Survient l’erreur
458 t, ce premier et décisif appel devrait introduire Tristan dans la voie des macérations et le conduire à l’endura. Mais emporté
459 nous », gémit Iseut (dans le Roman en prose). Et Tristan de répondre : « Si le monde entier était orendroit avec nous, je ne v
460 plus dures de l’état de purification ». (Ibid.) Tristan n’est qu’une impure et parfois équivoque traduction de la mystique co
461 loin plus la désire ? Jamais l’amour n’enflamme Tristan si follement que lorsqu’il est séparé de sa « dame ». La psychologie
462 utre chose, le symbole de l’Amour lumineux. Quand Tristan erre au loin, il l’aime davantage, et plus il aime, plus il endure de
463 a situation mystique (par l’autre extrême) : plus Tristan aime, et plus il se veut séparé, c’est-à-dire rejeté par l’amour. Au
464 ment. C’est quand, le philtre ayant cessé d’agir, Tristan et Iseut vont trouver l’ermite Ogrin dans sa cellule. Rencontre de ce
465 our obéir sans tourments. Je ne trouve rien, dans Tristan , qui rappelle le « rejet des dons » dont parlent Eckhart et saint Jea
466 la prouesse qui est le moteur des hauts faits de Tristan . Comme tous les passionnés, il aime avec témérité la sensation de pui
467 bjet vivant et extérieur. Ainsi nous avons vu que Tristan aime Iseut non point dans sa réalité, mais en tant qu’elle éveille en
20 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe dans la littérature
468 e, que Béroul et Thomas ont composé la légende de Tristan . La croisade des albigeois a saccagé la civilisation courtoise du Lan
469 comme de sa « bien-aimée ennemie », et gémit, tel Tristan se séparant d’Iseut lorsqu’il la rend à son époux :         Ô dure d
470 its de Chrétien de Troyes. On traduit le roman de Tristan dans toutes les langues d’Occident. L’Anglais Thomas Malory, à la fin
471 te prose narrative, et Brunetto Latini extrait de Tristan (dans sa Rhétorique) le portrait de la femme idéale. De là, jusqu’au
472 volonté de mort, si secrète et métaphysique dans Tristan  : c’est simplement le point d’honneur, manie sociale. C’est l’héroïne
473 mort libératrice. Mais la dialectique sauvage de Tristan n’est plus ici que coquetterie, et le combat du Jour et de la Nuit se
474 dèle amant et de la plus fidèle amante. (Thème de Tristan  : c’est le rachat de la fatalité du philtre.) Céladon s’avance, mais
475 ants au terme des trois ans passés dans la forêt. Tristan avait le recours de rendre Iseut à son mari. Alidor est contraint d’i
476 montre si sensible — l’opinion est toujours avec Tristan contre le roi Marc, avec le séducteur contre le mari trompé ; elle n’
477 t de l’amante, renversant toute la dialectique de Tristan et de Roméo : Et la mort à mes yeux dérobant la clarté Rend au jour
478 he devait faire apparaître l’antithèse absolue de Tristan . Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xviiie , du
479 Don Juan du théâtre159 comme le reflet inversé de Tristan . Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des personnages, d
480 rd il vient de suspendre sa course. Au contraire, Tristan vient en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hyp
481 possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’a plus besoin du monde — parce qu’il aime ! Tandis que Don Juan, to
482 oin qu’elle existe pour trouver goût à la violer. Tristan , lui, se voit libéré du jeu des règles, des péchés et des vertus, par
483 n de plus en plus décevante et méprisable — quand Tristan est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un
484 tés qui eussent déshonoré un véritable chevalier. Tristan , mélancolique et courageux, n’abdique au contraire son orgueil qu’à l
485 distingue dans la contradiction de Don Juan et de Tristan , dans la tension insupportable de l’esprit qui vit cette contradictio
486 er n’est pas une renaissance du mythe primitif de Tristan . Il n’a pas la violence sauvage de la légende, et encore moins son ar
487 mitié tempèrent les emportements de l’amour… » Le Tristan qui se réveille en lui après la « faute » de la possession, se passer
488 os de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégèse de Tristan , notre dialectique de l’obstacle. Il y a pourtant cette différence ca
489 e l’indicible, elle a forcé le dernier mystère de Tristan . Mon propos n’est point de recenser les innombrables manifestations d
490 ni se posséder ni être possédé. Nous savions que Tristan n’aimait pas Iseut pour elle-même, mais seulement pour l’amour de l’A
491 ent, et qui surtout ne fut pas réellement aimé. » Tristan aimait, Don Juan était aimé ; mais celui qui n’a du premier que la no
492 upté d’amour ! » L’homme qui a écrit cela (dans Tristan et Isolde) savait que la passion est quelque chose de plus que l’erre
493 ux passions qui tendent à sa perte.) En composant Tristan , Wagner a violé le tabou : il a tout dit, tout avoué par les paroles
494 venger l’affront subi. Le philtre qu’elle offre à Tristan est destiné à le faire mourir : mais d’une mort que l’Amour condamne,
495 breuvage d’initiation. Ainsi l’étreinte unique de Tristan et d’Isolde, aussitôt qu’ils ont bu, c’est le baiser unique du sacrem
496 semble et pourtant ils sont deux. Il y a ce et de Tristan « et » Isolde qui signifie leur dualité créée. À ce moment la musique
497 fois revient le jour : le traître Mélot174 blesse Tristan . Mais la passion a désormais vaincu, elle vole au jour son apparente
498 que chantera Isolde agonisante sur le cadavre de Tristan , dans l’extase de la « joie la plus haute ». Initiation, passion, acc
499 a. Ainsi, ce n’est point un hasard si le mythe de Tristan et celui de Don Juan n’ont pu recevoir leur expression achevée que da
500 st la mère et la fille. Toutefois, dans le cas de Tristan , l’élément plastique inhérent à toute mise en scène théâtrale se trou
501 solument contradictoire avec celui qui faisait de Tristan la glorification du désir sensuel — c’est le rappel de l’influence de
502 i dégradée et dégradante, par rapport au mythe de Tristan , que le serait par exemple l’alcoolisme par rapport à l’ivresse divin
503 guerre, c’est simplement l’adaptation du mythe de Tristan à la mesure d’une société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ; T
504 société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ; Tristan , le jeune premier, ou gigolo ; Iseut, l’épouse insatisfaite, oisive e
505 ce qu’avaient voulu contenir le mythe originel de Tristan , puis ses substituts littéraires. Le xixe siècle bourgeois vit se ré
506 oici ceux qui remplissent de rêverie des livres —  Tristan et Lancelot et les autres errants — auxquels il faut que le vulgaire
507 laisse échapper le grand cri du romantisme et de Tristan  : « Amoris impulsio, culpæ justificatio. » 164. Est-ce la faute à R
508 egel commença en 1808 une rédaction modernisée de Tristan . Puis Rückert, Immermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent des Tri
509 mmermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent des Tristan (poèmes et drames). Le poème de Platen débute ainsi : « Celui dont le
510 s, et non pas cette interminable gesticulation de Tristan essoufflé sur sa couche, d’Isolde entravée par ses voiles… Note de 19
511 iles… Note de 1954 : la mise en scène nouvelle de Tristan à Bayreuth, œuvre de Wieland Wagner, comble les vœux que j’exprimais
21 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Amour et guerre
512 un équivalent sportif de la fonction mythique du Tristan telle que nous la définissions : exprimer la passion dans toute sa fo
513 opre à restituer l’atmosphère de rêve du Roman de Tristan que les descriptions de tournois qu’on peut lire dans les œuvres de C
514 lier au cygne, ou porte les armes de Lancelot, de Tristan ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie est répandu
515 lques touches pour l’indiquer. Don Juan succède à Tristan , la volupté perverse à la passion mortelle. Et la guerre en même temp
516 ien plus que relation avec l’aimée. Ce que désire Tristan , c’est la brûlure d’amour plus que la possession d’Iseut. Car la brûl
517 185. Qu’on se reporte à notre analyse du mythe de Tristan  : on y trouvera quelques illustrations typiques de ce passage (barons
22 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe contre le mariage
518 s provençaux et des romans bretons, l’adultère de Tristan reste une faute203, mais il se trouve revêtir en même temps l’aspect
519 sabée commet un crime et se rend méprisable. Mais Tristan , s’il enlève Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui était
520 la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi comme son génie caché ! Et plus rien ne compte en
521 oi l’on aime souffrir, et faire souffrir. Lorsque Tristan emmène Iseut dans la forêt, où plus rien ne s’oppose à leur union, le
522 zon mystique s’est refermé depuis longtemps. Pour Tristan , Iseut n’était rien que le symbole du Désir lumineux : son au-delà, c
523 s rythmes du désir charnel ; mais tandis que pour Tristan l’infini, c’est l’éternité sans retour où s’évanouit la conscience do
524 ue en infidélité. Qui ne sent la dégradation d’un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Pourtant ce n’est pas lui qu’il convient d’ac
525 n de l’âme dressée contre le monde. Mais alors le Tristan moderne glisse vers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux amo
526 . Aimer d’amour-passion signifiait « vivre » pour Tristan , car la vraie vie qu’il appelait, c’était la mort transfigurante. Mai
527 t de nos contemporains sont en proie au délire de Tristan . Bien peu ont assez soif pour boire le philtre, et j’en vois moins en
23 1939, L’Amour et l’Occident (1956). L’amour action, ou de la fidélité
528 t munie d’une dot adéquate — dont je veux être le Tristan . » Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui dure sur l
529 cation. ⁂ Cependant, tout n’est pas encore clair. Tristan lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour n
530 toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan . C’est un narcissisme mystique, mais qui s’ignore, naturellement, et
531 analyse des légendes courtoises nous a révélé que Tristan n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort,
532 e la seule délivrance du moi coupable et asservi. Tristan n’est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau pr
533 me voue sa fidélité. Et tandis que la fidélité de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la créatio
534 lus de la vie pour la mort (c’était la passion de Tristan ). L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et s
535 mort (c’était la passion de Tristan). L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et son aboutissement supr
536 destins singuliers : « Non plus d’Isolde, plus de Tristan , plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’être
537 la « fatalité » de la passion est accréditée par Tristan . Excuse et alibi qui ne peuvent tromper que celui qui veut être tromp
538  : 1954.) 214. Je m’en tiens au cas-limite de Tristan . Il y a des cas de passion dans le mariage chrétien ; et des états de
539 réfute les croyances courantes, nées du mythe de Tristan et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tout à fait
24 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Avertissement
540 ose le contenu caché de la légende ou du mythe de Tristan . C’est une descente aux cercles successifs de la passion. Le dernier
541 xtrême, exceptionnelle en apparence : le mythe de Tristan et Iseut. Il nous faut ce repère fabuleux, cet exemple éclatant et « 
25 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Préface à l’édition de 1956
542 ie siècle, du catharisme, des troubadours, et de Tristan . C’est là le principal de cette nouvelle version. Pour ceux dont la c
26 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Le mythe de Tristan
543 Livre premierLe mythe de Tristan 1.Triomphe du roman, et ce qu’il cache « Seigneurs, vous plaît
544 grand mythe européen de l’adultère : le Roman de Tristan et Iseut. Au travers du désordre extrême de nos mœurs, dans la confus
545 d’abord, dira-t-on, est-il exact que le roman de Tristan soit un mythe ? Et dans ce cas, n’est-ce pas détruire son charme que
546 la rend inefficace. Or je me propose d’envisager Tristan non point comme œuvre littéraire, mais comme type des relations de l’
547 sur nos rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan sont de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord le fait que l’auteur
548 trace. Un autre aspect mythique de la légende de Tristan , c’est l’élément sacré qu’elle utilise (Appendice 1). Le progrès de l
549 ant le secret qu’il exprime, le roman mythique de Tristan posséderait-il au même degré les qualités contraignantes d’un vrai my
550 ontenu » prend ici toute sa force : la passion de Tristan et d’Iseut est littéralement « contenue » par les règles de la cheval
551 appelait une réaction vive. Le succès du Roman de Tristan fut donc d’ordonner la passion dans un cadre où elle pût s’exprimer e
552 ions et des réactions qu’il provoque. Le mythe de Tristan et Iseut, ce ne sera plus seulement le Roman, mais le phénomène qu’il
553 ce du lecteur à envisager mon projet. Le Roman de Tristan nous est « sacré » dans la mesure exacte où l’on estimera que je comm
554 it à voir l’un des commentateurs de la légende de Tristan la définir « une épopée de l’adultère ». La formule est sans doute ex
555 de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de Tristan , c’est qu’il permet de dégager une raison simple de notre confusion p
556 an3 Amors par force vos demeine ! Béroul. Tristan naît dans le malheur. Son père vient de mourir, et sa mère Blanchefle
557 Première prouesse ou performance : la victoire de Tristan sur le Morholt. Ce géant irlandais vient, comme le Minotaure, exiger
558 jeunes filles ou de jeunes gens de Cornouailles. Tristan obtient la permission de le combattre, au moment où il pourrait être
559 e empoisonnée. Sans espoir de survivre à son mal, Tristan s’embarque à l’aventure dans un bateau sans voile ni rames, emportant
560 éant Morholt était le frère de cette reine, aussi Tristan se garde-t-il d’avouer son nom et l’origine de son mal. Iseut, prince
561 dont un oiseau lui apporta un cheveu d’or. C’est Tristan qu’il envoie à la « quête » de l’inconnue. Une tempête rejette le hér
562 rée par un jeune paladin.) Blessé par le monstre, Tristan est soigné de nouveau par Iseut. Un jour, cette princesse découvre qu
563 le meurtrier de son oncle. Elle saisit l’épée de Tristan et menace de le tuer dans son bain. Alors, il lui révèle la mission d
564 le admire la beauté du jeune homme, à ce moment.) Tristan et la princesse voguent vers les terres de Marc. En haute mer, le ven
565 e l’importance du philtre, et présente l’amour de Tristan et d’Iseut comme une affection spontanée, apparue dès la scène du bai
566 us le verrons.) La faute est donc consommée. Mais Tristan reste lié par la mission qu’il a reçue du roi. Il conduit donc Iseut
567 des barons « félons » dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (
568 » dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (scène du verger), il
569 les amants et leur tend un piège. Entre le lit de Tristan et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan, que Ma
570 elui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan , que Marc a chargé d’une nouvelle mission, veut rejoindre une dernièr
571 ite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux et Tristan condamné à mort. Il s’évade (scène de la chapelle). Il délivre Iseut,
572 Marc les surprend endormis. Mais il se trouve que Tristan a déposé entre leurs corps son épée nue. Ému par ce qu’il prend pour
573 s épargne. Sans les réveiller, il prend l’épée de Tristan et dépose à sa place l’épée royale. Les trois ans écoulés, le philtr
574 ncêtre commun des cinq versions). Alors seulement Tristan se repent, Iseut se met à regretter la cour… Ils vont trouver l’ermit
575 nt trouver l’ermite Ogrin, par l’entremise duquel Tristan offre au roi de lui rendre sa femme. Marc promet son pardon. Les aman
576 l’approche du cortège royal. Iseut supplie encore Tristan de demeurer dans le pays jusqu’à ce qu’il soit certain que Marc la tr
577 ’aider à descendre de sa barque. Le manant, c’est Tristan déguisé… Mais de nouvelles aventures entraînent au loin le chevalier.
578 eut, l’Iseut « aux blanches mains ». Et en effet, Tristan la laissera vierge, car il regrette « Iseut la bloie ». Enfin, blessé
579 ort, et de nouveau empoisonné par cette blessure, Tristan fait appeler la reine de Cornouailles, la seule qui puisse encore le
580 mentée par la jalousie, elle s’en vient au lit de Tristan et lui annonce que la voile est noire. Tristan meurt. Iseut la blonde
581 de Tristan et lui annonce que la voile est noire. Tristan meurt. Iseut la blonde débarque à cet instant, monte au château, embr
582 u voir qu’ils se réduisent à fort peu de choses : Tristan conduit Iseut au roi parce qu’il est lié par la fidélité du chevalier
583 s la forêt, parce que le philtre cesse d’agir ; —  Tristan épouse Iseut aux blanches mains « pour son nom et pour sa beauté ». M
584 rs récents de la légende : tout au long du Roman, Tristan paraît physiquement supérieur à tous ses adversaires et, particulière
585 e : c’est l’enjeu habituel des tournois. Pourquoi Tristan n’use-t-il pas de ce droit ? Mise en éveil par cette première questio
586 ions, qui donne la raison de cet acte5. Pourquoi Tristan rend-il la reine à Marc, et cela même dans les versions où le philtre
587 nt même où ils acceptent de se quitter ? Pourquoi Tristan s’éloigne-t-il ensuite pour courir de nouvelles aventures, alors qu’i
588 ment étant acquis, la reine passe pour innocente. Tristan l’est donc aussi, et l’on ne voit plus du tout ce qui s’opposerait à
589 ils nous présenter tel un modèle de chevalerie ce Tristan qui a trompé son roi par les ruses les plus cyniques ; ou telle une v
590 ins ni menti ni trompé, et ce n’est pas le cas de Tristan … Enfin l’on en vient à douter de la valeur même des rares motifs allé
591 si la morale de la fidélité au suzerain exige que Tristan livre à Marc la fiancée qu’il alla quérir — et qu’il avait conquise d
592 upules sont bien tardifs et peu sincères, puisque Tristan n’a de cesse qu’il ne rentre à la cour, auprès d’Iseut… Et ce philtre
593 n’est guère pour le bonheur d’un couple. Et quand Tristan épouse l’autre Iseut « pour son nom et pour sa beauté » mais cependan
594 re Mariage Un moderne commentateur du Roman de Tristan et Iseut veut y voir un « conflit cornélien entre l’amour et le devoi
595 remière solution. Si l’on admet que l’aventure de Tristan devait servir à illustrer le conflit de la chevalerie et de la sociét
596  : il est « félon » s’il ne le fait pas. Or, dans Tristan , les barons dénoncent Iseut au roi Marc : ils devraient donc passer p
597 chez la comtesse de Champagne. (Appendice 3.) Si Tristan , et l’auteur du Roman, partagent une telle manière de voir, la féloni
598 raite dans le Morois, ou même du mariage blanc de Tristan . En effet, le « droit de la passion », au sens où l’entendent les mod
599 u sens où l’entendent les modernes, permettrait à Tristan d’enlever Iseut, après qu’ils ont bu le philtre. Cependant il la livr
600 aboutisse à l’« entière possession de sa dame ». Tristan choisira donc, dans ce cas, d’observer la fidélité féodale, masque et
601 obstacles extérieurs qui s’opposent à l’amour de Tristan sont dans un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne sont, à to
602 cle, ils en inventent : l’épée nue, le mariage de Tristan . Ils en inventent comme à plaisir, — bien qu’ils en souffrent. Serait
603 . Il faut avoir l’audace de poser la question : Tristan aime-t-il Iseut ? Est-il aimé par elle ? (Seules les questions « stup
604 s rapports de politesse conventionnelle. Et quand Tristan revient en quête d’Iseut, on se souvient que cette politesse fait pla
605 ivent dans la forêt de Morois, après l’évasion de Tristan . Aspre vie meinent et dure : Tant s’entr’aiment de bonne amor L’un p
606 me pus de lié partir, N’ele de moi… Ainsi parle Tristan . Et Iseut après lui : Sire, por Dieu omnipotent, Il ne m’aime pas, n
607 ain de la saint Jehan Aconpli furent li troi an. Tristan chassait dans la forêt. Soudain, il se souvient du monde. Il revoit l
608 e »… La décision de se séparer est bientôt prise. Tristan propose de « gerpir » en Bretagne. Auparavant, ils iront voir Ogrin l
609 avez mené ceste vie. Ainsi les admoneste Ogrin. Tristan li dist : or escoutez Si longuement l’avons menée Itel fu nostre dest
610 « patois du cœur ? ») Un dernier trait : lorsque Tristan reçoit la réponse favorable du roi acceptant de reprendre Iseut : De
611 du roi acceptant de reprendre Iseut : Dex ! dist Tristan , quel départie ! Mot est dolenz qui pert s’amie… C’est sur sa propr
612 he… Une seule réponse demeure ici digne du mythe. Tristan et Iseut ne s’aiment pas, ils l’ont dit et tout le confirme. Ce qu’il
613 l’instant de l’obstacle absolu, qui est la mort. Tristan aime se sentir aimer, bien plus qu’il n’aime Iseut la Blonde. Et Iseu
614 eut la Blonde. Et Iseut ne fait rien pour retenir Tristan près d’elle : il lui suffit d’un rêve passionné. Ils ont besoin l’un
615 rée ! « Mot est dolenz qui pert s’amie », soupire Tristan . Pourtant il sent déjà, au fond de la nuit qui vient, poindre la flam
616 nces extérieures adverses, entraves inventées par Tristan . Tristan ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. E
617 rieures adverses, entraves inventées par Tristan. Tristan ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. Et il n’es
618 rc, méfiance des barons, jugement de Dieu, etc.), Tristan bondit par-dessus l’obstacle (le saut d’un lit à l’autre en est le sy
619 menace tout extérieure, la prouesse par laquelle Tristan le surmonte est une affirmation de la vie. En tout cela, Tristan n’ob
620 onte est une affirmation de la vie. En tout cela, Tristan n’obéit qu’à la coutume féodale des chevaliers : il s’agit de faire p
621 rse qui se produit alors : l’épée nue déposée par Tristan entre leurs corps demeurés vêtus, c’est encore occasion de prouesse,
622 e son pouvoir social, l’obstacle légal, objectif. Tristan relève ce défi : d’où le rebondissement de l’action. Et ici le mot pr
623 le roi, et celui d’Iseut aux blanches mains avec Tristan . Le premier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il est symbolisé
624 sme en trouvera de plus fins.) Il faut voir comme Tristan le bouscule, et comme il s’en joue à plaisir ! Sans le mari, je ne do
625 i, je ne donne pas plus de trois ans à l’amour de Tristan et Iseut. Et en effet, la grande sagesse du vieux Béroul, c’est d’avo
626 x amants qu’à se marier. Or on ne conçoit pas que Tristan puisse jamais épouser Iseut. Elle est le type de femme qu’on n’épouse
627 des, l’on dirait même : plus intérieures. Lorsque Tristan soupire à voix basse après l’Iseut perdue, le frère d’Iseut aux blanc
628 ux femmes — est la seule « raison » du mariage de Tristan . L’on voit qu’il lui serait aisé de s’expliquer. Mais une fois de plu
629 ndra, et au seul titre de prétexte, pour empêcher Tristan de se dédire. C’est que l’amant pressent, dans cette nouvelle épreuve
630 t volontaire au terme d’une série d’épreuves dont Tristan sortira purifié ; vers une mort qui soit une transfiguration, et non
631 rait pas de mythe, il n’y aurait pas de roman, si Tristan et Iseut pouvaient dire quelle est la fin qu’ils se préparent de tout
632 amme d’amour » éclose aux « déserts » de la Nuit. Tristan , lui, ne peut rien avouer. Il veut comme s’il ne voulait pas. Il s’en
633 pas communicables au Jour10. Elles le méprisent. Tristan s’est fait prisonnier d’un délire auprès duquel pâlissent toute sages
634 procède. Levez-vous, orages sonores de la mort de Tristan et d’Isolde ! Vieille et grave mélodie, dit le héros, tes sons lamen
635 s d’aujourd’hui. Le succès prodigieux du Roman de Tristan révèle en nous, que nous le voulions ou non, une préférence intime po
636 à travers la douleur, c’est le secret du mythe de Tristan , l’amour-passion à la fois partagé et combattu, anxieux d’un bonheur
637 ormule du mythe. Amour réciproque, en ce sens que Tristan et Iseut « s’entr’aiment », ou du moins, qu’ils en sont persuadés. Et
638 xiie siècle : Béroul, Thomas, Eilhart, la Folie Tristan et le Roman en prose. Les versions ultérieures de Gottfried de Strasb
639 roi, pénétrant dans la retraite des amants « vit Tristan couché, et de l’autre côté de la grotte, Isolt. Les amants s’étaient
640 9. Rappelons ici ces étapes : Premier séjour de Tristan en Irlande. Ils se séparent sans s’aimer. — Second séjour : elle veut
641 tion et philtre, péché consommé ; Iseut livrée. —  Tristan banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. — Tristan revient à la co
642 tan banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. —  Tristan revient à la cour. Le « flagrant délit ». Ils sont séparés. — Ils se
643 séparent. — Rendez-vous chez Orri le forestier ; Tristan s’éloigne. — Tristan revient déguisé en fou ; s’éloigne. — Longue sép
644 ous chez Orri le forestier ; Tristan s’éloigne. —  Tristan revient déguisé en fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de T
645 fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de Tristan . — Iseut approche et Tristan meurt. Puis mort d’Iseut. Résumons encor
646 paration, mariage de Tristan. — Iseut approche et Tristan meurt. Puis mort d’Iseut. Résumons encore : une seule longue période
647 nd la longue période de séparation (le mariage de Tristan ). Auparavant : le Philtre ; à la fin : la double Mort ; entre-temps,
648 rame de Wagner, quand le roi surprend les amants, Tristan répond à ses questions douloureuses : « Ce mystère, je ne puis te le
27 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Les origines religieuses du mythe
649 s lois du corps n’explique nullement l’amour d’un Tristan , par exemple. Elle rend d’autant plus évidente l’intervention d’un fa
650 ntiquité n’a rien connu de semblable à l’amour de Tristan et d’Iseut. On sait assez que pour les Grecs et les Romains, l’amour
651 écis avec ce que l’on a dit plus haut du mythe de Tristan , qui voile et exprime à la fois le désir de mort. D’autre part, les d
652 récitatif du psaume. » Et l’on songe au secret de Tristan , qu’il ne peut « dire » mais seulement chanter… ⁂ Toute conception du
653 lancer le trille dont Wagner, au deuxième acte de Tristan , fera le cri sublime de Brengaine : « Habet acht ! Habet acht ! Schon
654 garde ! Voici que la nuit cède au jour ! ») Mais Tristan répond, lui aussi : « Qu’éternellement la nuit nous enveloppe ! » Tou
655 ous savons par ailleurs que l’anneau (échangé par Tristan et Iseut) est le signe d’une fidélité qui justement n’est pas celle d
656 ons le « narcissisme de la passion » (à propos de Tristan , chap. VIII du Livre Ier ). c) Le Familier des Amants est construit
657 occidentale mais aussi du lyrisme provençal et de Tristan . C’est l’oraison jaculatoire de sainte Thérèse : Je meurs de ne pas m
658 remonter vers le nord celtique, à la rencontre de Tristan … ⁂ Peut-on prouver que la poétique arabe a réellement influencé la c
659 t la légende et le mythe de la passion mortelle : Tristan . À cette montée puissante et comme universelle de l’Amour et du culte
660 du Nord, ceux du cycle d’Arthur, du Graal, et de Tristan , pour décrire des actions et des drames, et non plus seulement pour c
661 nous découvrons dans le roman breton — Lancelot, Tristan et tout le cycle arthurien — une transposition romanesque des règles
662 ge fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de Tristan dont les manuscrits sont perdus. Béroul était Normand, Thomas était A
663 Thomas était Anglais. Et en retour, la légende de Tristan se répandit très largement dans le Midi. Cette interaction si rapide
664 stique. Le point de départ de Lancelot — comme de Tristan  — c’est le péché contre l’amour courtois, la possession physique d’un
665 du récit, et non plus de la simple chanson. Dans Tristan , la faute initiale est douloureusement rachetée par une longue pénite
666 e. 12.Des mythes celtiques au roman breton Tristan nous apparaît comme le plus purement courtois des romans bretons, en
667 puissante et simple du récit. Mais en même temps, Tristan est le plus « breton » des romans courtois, en ce sens qu’on y trouve
668 vidente de la première navigation à l’aventure de Tristan malade, en quête du baume magique. D’autre part, plusieurs récits de
669 rototypes assez exacts des situations du Roman de Tristan . Par exemple, dans l’idylle tragique de Diarmaid et Grainne, les deux
670 es rapprochements plus précis. On se rappelle que Tristan , après la mort de ses parents, fut élevé à la cour du roi Marc son on
671 e la famille maternelle, soit… des druides. »88 Tristan élevé par Marc, son oncle maternel, devient ainsi, en vertu du foster
672 ueront pas de voir dans la liaison malheureuse de Tristan et d’Iseut le résultat d’un complexe œdipien : à quoi s’oppose toutef
673 accompagné de surenchère, subsiste également dans Tristan et les romans de la Table ronde. On y voit un grand nombre d’aventure
674 de se marier : le combat contre le Morholt, dans Tristan , illustre exactement cette coutume, sans faire d’ailleurs la moindre
675 Paris remarquait avec profondeur que le roman de Tristan et d’Iseut rend un son particulier, qui ne se trouve guère dans la li
676 t par l’origine celtique de ces poèmes. C’est par Tristan et par Arthur que le plus clair et le plus précieux du génie celtique
677 avoriser la confusion moderne entre la passion de Tristan et la pure sensualité. Quelques citations de Thomas, le plus conscien
678 ne ascèse, le « mal aimé » des troubadours. Voici Tristan livré au plus cruel conflit, lorsqu’au soir de ses noces avec Iseut a
679 s, il ne peut se résoudre à posséder sa femme : «  Tristan désire Iseut aux blanches mains pour son nom et pour sa beauté, car,
680 uel qu’eût été ce nom sans sa beauté, le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et d
681 , le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et de ses peines, et contre son mal, il
682 péra ses transmutations. Ainsi naquit le mythe de Tristan . Loin de moi la tentation d’analyser le processus de cette métamorpho
683 rtance proprement religieuse du mythe dualiste de Tristan . Mais aussi, pour la même raison, il avoue mieux que tous les autres
684 mple de l’amour ; c) il décide que le mariage de Tristan avec Iseut aux blanches mains ne fut pas « blanc », mais consommé. So
685 nt de l’aider à franchir une rivière : or c’était Tristan déguisé. Elle sort intacte de l’épreuve. Gottfried commente : « Ce fu
686 non moins que dans son enseignement, le mythe de Tristan se révèle comme foncièrement hérétique et dualiste. Il n’y a pas plac
687 parfois, semblent confondre avec la « science ». Tristan est un roman bien plus profondément et plus indiscutablement manichée
688 Gottfried jusqu’au pastiche94. Le célèbre duo de Tristan et d’Isolde mêlant leurs noms, niant leurs noms, chantant le dépassem
689 ans le mythe. Nous avons donc rejoint le Roman de Tristan et situé sa nécessité à telle date, à l’intersection de telles tradit
690 thares) y est remplacé par le Venusberg ! 90. Le Tristan et Iseut de Thomas, traduction française par J. Herbomez et R. Beauri
691 ux gros volumes parus en 1953 de Gottfried Weber, Tristan und die Krise des Hochmittelalterlichen Weltbildes um 1200. Ce travai
692 r l’auteur de la plus théologique des versions de Tristan . 95. Un seul exemple : Gottfried v. 18352 à 57 « Tristan und Isot,
693 95. Un seul exemple : Gottfried v. 18352 à 57 «  Tristan und Isot, ir und ich… niwan ein Tristan und ein Isot » et Wagner, II,
694 52 à 57 « Tristan und Isot, ir und ich… niwan ein Tristan und ein Isot » et Wagner, II, 2, toute la fin de la scène : « nicht m
695 r, II, 2, toute la fin de la scène : « nicht mehr Tristan  !… nicht mehr Isolde ! »
28 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Passion et mystique
696 compte : à la sexualité. Or l’examen du Roman de Tristan et de ses sources historiques nous a conduit à renverser le rapport.
697 ogiques, on ne comprendrait plus rien au mythe de Tristan . La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’une faim de cher
698 e mystique Nous avons constaté que le Roman de Tristan est, à bien des égards, une première « profanation » de la mystique c
699 onsidère surtout le principe interne de l’action, Tristan évoque par la plupart de ses situations romanesques la progression d’
700 où nous pourrions induire un lecteur non prévenu. Tristan blessé s’embarque sur une nacelle sans gouvernail ni voile, muni seul
701 ns pittoresques. Presque tous publient le secret… Tristan , lui, a trouvé l’amour. Mais tout d’abord, il n’a pas su le reconnaît
702 cesse lointaine qu’il réserve à son seul plaisir, Tristan ignore que l’aventure pourrait aussi le concerner. Survient l’erreur
703 t, ce premier et décisif appel devrait introduire Tristan dans la voie des macérations et le conduire à l’endura. Mais emporté
704 nous », gémit Iseut (dans le Roman en prose). Et Tristan de répondre : « Si le monde entier était orendroit avec nous, je ne v
705 plus dures de l’état de purification ». (Ibid.) Tristan n’est qu’une impure et parfois équivoque traduction de la mystique co
706 loin plus la désire ? Jamais l’amour n’enflamme Tristan si follement que lorsqu’il est séparé de sa « dame ». La psychologie
707 utre chose, le symbole de l’Amour lumineux. Quand Tristan erre au loin, il l’aime davantage, et plus il aime, plus il endure de
708 a situation mystique (par l’autre extrême) : plus Tristan aime, et plus il se veut séparé, c’est-à-dire rejeté par l’amour. Au
709 ment. C’est quand, le philtre ayant cessé d’agir, Tristan et Iseut vont trouver l’ermite Ogrin dans sa cellule. Rencontre de ce
710 our obéir sans tourments. Je ne trouve rien, dans Tristan , qui rappelle le « rejet des dons » dont parlent Eckhart et saint Jea
711 la prouesse qui est le moteur des hauts faits de Tristan . Comme tous les passionnés, il aime avec témérité la sensation de pui
712 bjet vivant et extérieur. Ainsi nous avons vu que Tristan aime Iseut non point dans sa réalité, mais en tant qu’elle éveille en
29 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Le mythe dans la littérature
713 e, que Béroul et Thomas ont composé la légende de Tristan . La croisade des albigeois a saccagé la civilisation courtoise du Lan
714 comme de sa « bien-aimée ennemie », et gémit, tel Tristan se séparant d’Iseut lorsqu’il la rend à son époux : Ô dure départie
715 its de Chrétien de Troyes. On traduit le Roman de Tristan dans toutes les langues d’Occident. L’Anglais Thomas Malory, à la fin
716 te prose narrative, et Brunetto Latini extrait de Tristan (dans sa Rhétorique) le portrait de la femme idéale. De là, jusqu’au
717 volonté de mort, si secrète et métaphysique dans Tristan  : c’est simplement le point d’honneur, manie sociale. C’est l’héroïne
718 mort libératrice. Mais la dialectique sauvage de Tristan n’est plus ici que coquetterie, et le combat du Jour et de la Nuit se
719 dèle amant et de la plus fidèle amante. (Thème de Tristan  : c’est le rachat de la fatalité du philtre.) Céladon s’avance, mais
720 ants au terme des trois ans passés dans la forêt. Tristan avait le recours de rendre Iseut à son mari. Alidor est contraint d’i
721 montre si sensible — l’opinion est toujours avec Tristan contre le roi Marc, avec le séducteur contre le mari trompé ; elle n’
722 t de l’amante, renversant toute la dialectique de Tristan et de Roméo : Et la mort à mes yeux dérobant la clarté rend au jour
723 he devait faire apparaître l’antithèse absolue de Tristan . Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xviiie , du
724 Don Juan du théâtre148 comme le reflet inversé de Tristan . Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des personnages, d
725 rd il vient de suspendre sa course. Au contraire, Tristan vient en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hyp
726 possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’a plus besoin du monde — parce qu’il aime ! Tandis que Don Juan, to
727 oin qu’elle existe pour trouver goût à la violer. Tristan , lui, se voit libéré du jeu des règles, des péchés et des vertus, par
728 n de plus en plus décevante et méprisable — quand Tristan est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un
729 tés qui eussent déshonoré un véritable chevalier. Tristan , mélancolique et courageux, n’abdique au contraire son orgueil qu’à l
730 distingue dans la contradiction de Don Juan et de Tristan , dans la tension insupportable de l’esprit qui vit cette contradictio
731 er n’est pas une renaissance du mythe primitif de Tristan . Il n’a pas la violence sauvage de la légende, et encore moins son ar
732 mitié tempèrent les emportements de l’amour… » Le Tristan qui se réveille en lui après la « faute » de la possession se passera
733 os de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégèse de Tristan , notre dialectique de l’obstacle. Il y a pourtant cette différence ca
734 e l’indicible, elle a forcé le dernier mystère de Tristan . Mon propos n’est point de recenser les innombrables manifestations d
735 ni se posséder ni être possédé. Nous savions que Tristan n’aimait pas Iseut pour elle-même, mais seulement pour l’amour de l’A
736 ent, et qui surtout ne fut pas réellement aimé. » Tristan aimait, Don Juan était aimé ; mais celui qui n’a du premier que la no
737 upté d’amour ! » L’homme qui a écrit cela (dans Tristan et Isolde) savait que la passion est quelque chose de plus que l’erre
738 ux passions qui tendent à sa perte.) En composant Tristan , Wagner a violé le tabou : il a tout dit, tout avoué par les paroles
739 venger l’affront subi. Le philtre qu’elle offre à Tristan est destiné à le faire mourir : mais d’une mort que l’Amour condamne,
740 breuvage d’initiation. Ainsi l’étreinte unique de Tristan et d’Isolde aussitôt qu’ils ont bu, c’est le baiser unique du sacreme
741 semble et pourtant ils sont deux. Il y a ce et de Tristan « et » Isolde qui signifie leur dualité créée. À ce moment la musique
742 fois revient le jour : le traître Mélot162 blesse Tristan . Mais la passion a désormais vaincu, elle vole au jour son apparente
743 que chantera Isolde agonisante sur le cadavre de Tristan , dans l’extase de la « joie la plus haute ». Initiation, passion, acc
744 a. Ainsi, ce n’est point un hasard si le mythe de Tristan et celui de Don Juan n’ont pu recevoir leur expression achevée que da
745 st la mère et la fille. Toutefois, dans le cas de Tristan , l’élément plastique inhérent à toute mise en scène théâtrale se trou
746 solument contradictoire avec celui qui faisait de Tristan la glorification du désir sensuel — c’est le rappel de l’influence de
747 i dégradée et dégradante, par rapport au mythe de Tristan , que le serait par exemple l’alcoolisme par rapport à l’ivresse divin
748 Époque, c’est simplement l’adaptation du mythe de Tristan à la mesure d’une société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ; T
749 société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ; Tristan , le jeune premier, ou gigolo ; Iseut, l’épouse insatisfaite, oisive e
750 ce qu’avaient voulu contenir le mythe originel de Tristan , puis ses substituts littéraires. Le xixe siècle bourgeois vit se ré
751 oici ceux qui remplissent de rêverie les livres —  Tristan et Lancelot et les autres errants — auxquels il faut que le vulgaire
752 laisse échapper le grand cri du romantisme et de Tristan  : « Amoris impulsio, culpæ justificatio. » 153. Est-ce la faute à R
753 egel commença en 1808 une rédaction modernisée de Tristan . Puis Rückert, Immermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent des Tri
754 mmermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent des Tristan (poèmes et drames). Le poème de Platen débute ainsi : « Celui dont le
755 s, et non pas cette interminable gesticulation de Tristan essoufflé sur sa couche, d’Isolde entravée par ses voiles… Note de 19
756 iles… Note de 1954 : la mise en scène nouvelle de Tristan à Bayreuth, œuvre de Wieland Wagner, comble les vœux que j’exprimais
30 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Amour et guerre
757 un équivalent sportif de la fonction mythique du Tristan telle que nous la définissions : exprimer la passion dans toute sa fo
758 opre à restituer l’atmosphère de rêve du Roman de Tristan que les descriptions de tournois qu’on peut lire dans les œuvres de C
759 alier au cygne ou porte les armes de Lancelot, de Tristan ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie est répandu
760 lques touches pour l’indiquer. Don Juan succède à Tristan , la volupté perverse à la passion mortelle. Et la guerre en même temp
761 ien plus que relation avec l’aimée. Ce que désire Tristan , c’est la brûlure d’amour plus que la possession d’Iseut. Car la brûl
31 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Le mythe contre le mariage
762 s provençaux et des romans bretons, l’adultère de Tristan reste une faute189, mais il se trouve revêtir en même temps l’aspect
763 sabée commet un crime et se rend méprisable. Mais Tristan , s’il enlève Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui était
764 la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi comme son génie caché ! Et plus rien ne compte en
765 oi l’on aime souffrir, et faire souffrir. Lorsque Tristan emmène Iseut dans la forêt, où plus rien ne s’oppose à leur union, le
766 zon mystique s’est refermé depuis longtemps. Pour Tristan , Iseut figurait le symbole du Désir lumineux : son au-delà, c’était l
767 s rythmes du désir charnel ; mais tandis que pour Tristan l’infini, c’est l’éternité sans retour où s’évanouit la conscience do
768 ue en infidélité. Qui ne sent la dégradation d’un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Pourtant ce n’est pas lui qu’il convient d’ac
769 n de l’âme dressée contre le monde. Mais alors le Tristan moderne glisse vers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux amo
770 . Aimer d’amour-passion signifiait « vivre » pour Tristan , car la vraie vie qu’il appelait, c’était la mort transfigurante. Mai
771 t de nos contemporains sont en proie au délire de Tristan . Bien peu ont assez soif pour boire le philtre, et j’en vois moins en
32 1939, L’Amour et l’Occident (1972). L’amour action, ou de la fidélité
772 t munie d’une dot adéquate — dont je veux être le Tristan . » Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui dure sur l
773 cation. ⁂ Cependant, tout n’est pas encore clair. Tristan lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour n
774 toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan . C’est un narcissisme mystique, mais qui s’ignore, naturellement, et
775 analyse des légendes courtoises nous a révélé que Tristan n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort,
776 e la seule délivrance du moi coupable et asservi. Tristan n’est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau pr
777 me voue sa fidélité. Et tandis que la fidélité de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la créatio
778 lus de la vie pour la mort (c’était la passion de Tristan ). L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux\ et so
779 mort (c’était la passion de Tristan). L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux\ et son aboutissement suprê
780 destins singuliers : « Non plus d’Isolde, plus de Tristan , plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’être
781 la « fatalité » de la passion est accréditée par Tristan . Excuse et alibi qui ne peuvent tromper que celui qui veut être tromp
782 réfute les croyances courantes, nées du mythe de Tristan et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tout à fait
783  : 1954.) 200. Je m’en tiens au cas-limite de Tristan . Il y a des cas de passion dans le mariage chrétien ; et des états de
33 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Appendices
784 i que mon analyse se borne à la légende écrite de Tristan . C’est d’elle seule que je parle quand je parle du mythe « primitif »
785 nier ont cru pouvoir attribuer aux personnages de Tristan et d’Iseut (ou Essylt) dans la mythologie celtique. Dès le viie sièc
786 dans la mythologie celtique. Dès le viie siècle, Tristan aurait été un demi-dieu, le héraut symbolique des mystères, le « gard
787 e.) On a voulu voir également dans la rivalité de Tristan et de Marc le symbole de la lutte entre les Bretons armoricains et le
788 , l’auteur du Roman en prose et celui de la Folie Tristan n’étaient pas initiés à cette tradition. Ils ignoraient le sens primi
789 e. Les faits que nous décrit l’auteur de la Folie Tristan étaient sans doute à l’origine tout autre chose qu’une suite d’extrav
790 és. La maison de verre par exemple, dans laquelle Tristan fou veut emmener Iseut, était dans la mythologie druidique le vaissea
791 jusqu’au cercle céleste du Gwynfyd. Dans la Folie Tristan , la maison de verre n’est plus qu’une image émouvante née de la fanta
792 de l’amoureux. De même, chez Thomas, le départ de Tristan pour la Bretagne n’a plus aucun sens « historique » défini ; etc. C’e
793 rt analogue — dans sa forme — à celle du Roman de Tristan . Or il est évident que cette situation ne peut être qu’une invention
794 ui est cléricale et féodale). Cette analogie avec Tristan nous donne un repère pour apprécier la transformation que les Béroul
795 ataille par les plaines herbues… L’analogie avec Tristan est très frappante. Il s’agit dans les deux cas : D’un vassal puissan
796 ifférences ne sont pas moins significatives. Dans Tristan , c’est la jalousie d’Iseut aux blanches mains qui provoque la catastr
797 diction VII. 2. À rapprocher du mariage blanc de Tristan  : Jugement de la reine Eléonore : Demande. Un amant heureux avait d
798 rs et à la foi promise. Or on n’a pas oublié que Tristan épouse la seconde Iseut alors qu’il croit que la première le néglige.
799 usement notre conception des amours d’Iseut et de Tristan , nous ne pouvons avoir de doutes sur la nature des sentiments dont Th
800 usement notre conception des amours d’Iseut et de Tristan  »… 6.Freud et les surréalistes Sur les relations entre Freud et
801 Rivalen pour Blanchefleur (ce sont les parents de Tristan ) accumule les expressions religieuses les plus insistantes : Alors l
34 1942, La Part du diable. Le diable dans nos dieux et dans nos maladies
802 lui dans la mort. Extase des derniers instants de Tristan et d’Isolde, ou des amants de Vérone. La contradiction torturante que
35 1942, La Part du diable (1944). Le diable dans nos dieux et dans nos maladies
803 lui dans la mort. Extase des derniers instants de Tristan et d’Isolde, ou des amants de Vérone. La contradiction torturante que
36 1942, La Part du diable (1982). Le diable dans nos Dieux et dans nos maladies
804 ui dans la mort. Extase des derniers instants, de Tristan et d’Isolde, ou des amants de Vérone. La contradiction torturante que
37 1944, Les Personnes du drame. Une maladie de la personne — Le romantisme allemand
805 imitations de la vie, — la joie devant la mort de Tristan et d’Isolde… IIIMystique et personne L’exemple des romantiques
38 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
806 xorable qui circonvient les rencontres fameuses : Tristan devant la cour d’Irlande est reçu par la fille du roi selon l’usage e
39 1946, Articles divers (1946-1948). Théologie et littérature (1946)
807 , dont la doctrine fut reprise par les auteurs du Tristan , d’où sont issus presque tous nos romans, étaient nourris de l’hérési
40 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Vers la guerre
808 quelques jours de lecture des textes primitifs de Tristan , dans la petite salle où j’étais souvent seul de la bibliothèque Maza
809 étendre au cœur même de l’été qui vient, on donne Tristan à l’Opéra. J’ai pris les deux dernières places libres. Le taxi qui no
41 1947, Articles divers (1946-1948). La liberté dans l’amour [Réponse à une enquête] (novembre 1947)
810 u xiie siècle par les troubadours et le roman de Tristan . Il faudrait au moins distinguer amour et sexualité. Il n’est pas exa
42 1947, Doctrine fabuleuse. Contribution à l’étude du coup de foudre
811 xorable qui circonvient les rencontres fameuses : Tristan devant la cour d’Irlande est reçu par la fille du roi selon l’usage e
43 1947, Doctrine fabuleuse. Don Juan
812 par la révélation d’amour, se muer en l’image de Tristan . Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu’il ne p
813 evivra éternellement ! Ainsi Nietzsche devient le Tristan d’un Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement loin
44 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le sens de nos vies, ou l’Europe (juin 1952)
814 l’instinct même et du plaisir. C’est ce qui jette Tristan et Iseut dans la mort, souhaitée comme un suprême accomplissement. La
45 1953, Articles divers (1951-1956). Unité et diversité de l’Europe (juin 1953)
815 toutes les langues d’Europe, du roman (dérivé de Tristan ), du tableau de chevalet ou de l’opéra, du concerto, de la symphonie
46 1955, Preuves, articles (1951–1968). Le Château aventureux : passion, révolution, nation (mai 1955)
816 en prose dès la fin du même siècle : le Roman de Tristan et Iseut. Du Midi des troubadours, inventeurs de notre lyrisme, au No
817 us grands érudits l’ont décrite. Mais le roman de Tristan ne fut pas imité par les seuls écrivains depuis près de huit siècles 
818 e le jeune Européen moyen ne ressemble pas plus à Tristan que n’importe quel fidèle endimanché aux martyrs dont le sang fut la
819 monde féodal, qui est le monde des « fidélités ». Tristan , pris de passion, viole tous les interdits moraux, sociaux et religie
820 e de la loi : ama et fac quod vis ! La passion de Tristan ne pouvait se déclarer dans sa grandeur tragique et obsédante qu’au s
821 lis parlant de sa fiancée perdue. Sur la tombe de Tristan et d’Iseut, deux plantes en une nuit s’élèvent et s’enlacent. Et ce s
822 rage doit paraître à la fin de cette année. 10. Tristan , de Gottfried de Strasbourg. 11. Bien qu’ils vident l’un et l’autre
47 1956, Articles divers (1951-1956). Tableau du phénomène courtois (janvier 1956)
823 t la légende et le mythe de la passion mortelle : Tristan . À cette montée puissante et comme universelle de l’Amour et du cult
824 du Nord, ceux du cycle d’Arthur, du Graal, et de Tristan , pour décrire des actions et des drames, et non plus seulement pour c
48 1956, Articles divers (1951-1956). Denis de Rougemont et l’amour-passion, phénomène historique (4 février 1956)
825 pour la première fois clairement dans le mythe de Tristan . Dès lors je dépassais largement mon sujet : il ne s’agissait plus d’
826 itial : dénoncer la crise du mariage. Le mythe de Tristan , dégradé, édulcoré, à l’état inconscient habite toujours les esprits.
49 1956, Articles divers (1951-1956). Réponse à l’enquête « Pour une bibliothèque idéale » (1956)
827 t Thomas d’Aquin : Somme théologique. 8. Béroul : Tristan . 9. Chrétien de Troyes : Le Chevalier au lion. 10. Rabelais : Pantagr
50 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — Le Château aventureux
828 en prose dès la fin du même siècle : le Roman de Tristan et Iseut. Du Midi des troubadours, inventeurs de notre lyrisme, au No
829 us grands érudits l’ont décrite. Mais le roman de Tristan ne fut pas imité par les seuls écrivains depuis près de huit siècles 
830 e le jeune Européen moyen ne ressemble pas plus à Tristan que n’importe quel fidèle endimanché aux martyrs dont le sang fut la
831 monde féodal qui est le monde des « fidélités ». Tristan pris de passion viole tous les interdits moraux, sociaux et religieux
832 e de la loi : ama et fac quod vis ! La passion de Tristan ne pouvait se déclarer dans sa grandeur tragique et obsédante qu’au s
833 lis parlant de sa fiancée perdue. Sur la tombe de Tristan et d’Iseut, deux plantes en une nuit s’élèvent et s’enlacent. Et ce s
834 sion révisée de cet ouvrage a paru en 1956. 35. Tristan , de Gottfried de Strasbourg. 36. Bien qu’ils vident l’un et l’autre
51 1959, Preuves, articles (1951–1968). Nouvelles métamorphoses de Tristan (février 1959)
835 Nouvelles métamorphoses de Tristan (février 1959)ar La passion est cette forme de l’amour qui refuse
836 transparaît, dominateur, l’archétype médiéval de Tristan . Je ne sais à vrai dire si la passion naît de la distance, ou l’inver
837 cle Trois œuvres où transparaît l’archétype de Tristan nous sont données vers ce milieu du siècle par l’Europe, l’Amérique e
838 donc, dans ces trois œuvres, qu’à l’apparition de Tristan , dictant impérieusement — à l’insu des auteurs — la rhétorique profon
839 e — on aura reconnu les personnages du drame, ces Tristan séparés d’une Iseut « interdite » par un roi Marc, qui est la Morale
840 ’un Béroul. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de Tristan n’était pas moins choquant au xiie siècle que ne l’est aujourd’hui L
841 trement bouleversants ! Les premières versions de Tristan glorifiaient une forme d’amour non seulement opposée au mariage, mais
842 et situations les plus typiques de la légende de Tristan . Mais il est curieux de noter qu’à chaque fois un point d’ironie frap
843 insi, la mère du héros meurt très tôt (comme dans Tristan ), mais voici le ton du récit : « Ma très photogénique mère mourut dan
844 rave mélodie » qui marque la mort de la mère dans Tristan  !) Le nom de l’hôtel où se passe la nuit de la séduction, les Chasseu
845 ement l’état de transe de la scène des aveux dans Tristan , mais toute la description du lieu vise précisément à le désenchanter
846 t de l’erreur « fatale » de Brangien.) Comme dans Tristan , il est vrai, la polémique contre le mariage au nom de l’amour-passio
847 e l’amour-passion anime tout le récit. Comme dans Tristan , l’on sent que l’auteur n’est pas intéressé par le côté sexuel de son
848 ar la magie de l’Éros, et il le dit75. Comme dans Tristan , « les amants fuient le monde et lui, eux ». Enfin, comme dans Trista
849 fuient le monde et lui, eux ». Enfin, comme dans Tristan , ils meurent à peu de temps l’un de l’autre, séparés. Mais leur mort
850 l qu’il est, cet ouvrage parfait reste, aussi, un Tristan manqué. Et cela tient à l’immaturité de l’objet même de la passion dé
851 de l’indistinction que chante le deuxième acte de Tristan  : La nuit brillante enferme en ses bras maternels toutes les contrad
852 e monde existe encore et les appelle… « Deh ! dit Tristan , quelle départie ! » Mais il y a plus. La lucidité de Musil s’attaque
853 te « Iseut » inaccessible, dont il semble être le Tristan  ? Et quel est le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à lire plus ava
854 e, la maîtresse clandestine, interdite, enlevée à Tristan par l’homme qui symbolise le Pouvoir régnant, — la fuite dans la forê
855 t les mêmes péripéties dans tous les temps depuis Tristan , depuis l’épiphanie grandiose et décisive de l’archétype de la passio
856 articulière du régime politique au pouvoir. Ainsi Tristan , modèle du chevalier, est contraint de violer le sacré féodal, devien
857 fficace tandis que la censure hésite. Le Roman de Tristan n’apparut dans l’histoire qu’au temps où la réforme grégorienne et le
858 ls encore provoquer les épiphanies romanesques de Tristan et de l’amour-passion ? Le totalitarisme soviétique et le conformisme
859 ieux de Lolita. ar. « Nouvelles métamorphoses de Tristan  », Preuves, Paris, n° 96, février 1959, p. 14-27.
52 1961, Arts, articles (1952-1965). L’Amour en cause (1er février 1961)
860 lobant le mariage d’amour, la passion mystique de Tristan et la licence impie de Don Juan (l’une au-delà et l’autre en deçà du
861 la mystique d’amour, Héloïse et la passion vécue, Tristan et la passion rêvée, le culte de la Dame et le culte de la Vierge, le
862 s majeurs de l’érotique occidentale : Don Juan et Tristan , en suivant leurs métamorphoses dans la vie et l’œuvre de Kierkegaard
53 1961, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La personne, l’ange et l’absolu, ou le dialogue Occident-Orient (avril 1961)
863 si nous fera-t-elle entrevoir comment le mythe de Tristan — en dépit du pseudo-bouddhisme tardivement emprunté par Wagner à Sch
864 e sensible, — et c’est pourquoi j’ai osé dire que Tristan n’aimait pas Iseut — cette passion n’est-elle pas mieux vue si l’on é
865 e », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur de Tristan  », motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alors dans
866 endrait cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanishad. 83
54 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (I) (avril 1961)
867 a vécu l’amour unique, la passion malheureuse de Tristan , mais ses premiers grands livres pseudonymes évoquent le vol d’un som
868 est circonscrit par l’éternité. Kierkegaard et Tristan Kierkegaard fut pourtant le contraire d’un Don Juan. Dans ses rapp
869 ique et longuement malheureux pour Régine, il fut Tristan . Cependant, je n’ai trouvé dans toute son œuvre que de rares allusion
870 à l’Hamlet de Shakespeare, et pas une mention de Tristan — pour des centaines de pages enthousiastes et lyriques sur le Don Ju
871 se avec l’Éros, avec la vie. Et c’est le mythe de Tristan qui reparaît enfin ! On sait assez que le paradoxe est la catégorie f
872 ique que symbolisent les mythes de Don Juan et de Tristan . Suivons maintenant les phases de leur grande polémique dans l’œuvre
873 ourrait supporter l’audition du troisième acte de Tristan « à moins de suffoquer sous la tension convulsive de toutes les fibre
874 e : dans ce que Nietzsche exprime consciemment —, Tristan s’est évanoui et Don Juan domine tout. Wagner n’est plus « mon noble
875 bschen, loin de Bayreuth surtout — où l’auteur de Tristan est l’époux comblé de Cosima… — loin du Nord désormais détesté, Nietz
876 étaphysique) ». 108. Cf. supra, « Kierkegaard et Tristan  ». 109. Aurore, n° 27. 110. Aurore, n° 503. 111. Généalogie de
55 1961, Arts, articles (1952-1965). Les quatre amours (9 mai 1961)
877  La beauté fait pleurer les meilleures larmes » — Tristan . Preuve : sentir intensément. Pique La forme indique le nomb
56 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (II) (mai 1961)
878 le Don Juan du théâtre comme le reflet inversé de Tristan . Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des personnages, d
879 rd il vient de suspendre sa course. Au contraire, Tristan vient en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hyp
880 possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’a plus besoin du monde — parce qu’il aime ! Tandis que Don Juan, to
881 oin qu’elle existe pour trouver goût à la violer. Tristan , lui, se voit libéré du jeu des règles, des péchés et des vertus, par
882 n de plus en plus décevante et méprisable — quand Tristan est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un
883 tés qui eussent déshonoré un véritable chevalier. Tristan , mélancolique et courageux, n’abdique au contraire son orgueil qu’à l
884 à la main.123 Ou simplement en quelques mots : Tristan , triste temps, joyeuse éternité. — Don Juan, joyeux moments, éternité
885 ique actuelle. Don Juan n’est pas concevable sans Tristan , et sans lui n’eût pas vu le jour. Mais ce lien de genèse réciproque
886 cale de l’autre. (Pire qu’un Don Juan, pire qu’un Tristan , seraient un Don Juan marié ou un Tristan coureur.) Enfin, pour la Ps
887 e qu’un Tristan, seraient un Don Juan marié ou un Tristan coureur.) Enfin, pour la Psychologie, toute apparition de l’un des my
888 sociées, Don Juan peut régir telle d’entre elles, Tristan telle autre. La filiation des mythes ne pose guère de problèmes. La l
889 mythes ne pose guère de problèmes. La légende de Tristan date du xiie siècle, celle de Don Juan ne remonte guère qu’à la Rena
890 la passion devait faire apparaître l’antithèse de Tristan . Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xviiie , du
891 bservons aussi que Don Juan succède normalement à Tristan , comme le cosmopolite au féodal. Si Tristan quitte ses terres, s’éloi
892 ent à Tristan, comme le cosmopolite au féodal. Si Tristan quitte ses terres, s’éloigne de la Cour, son « errance » traduit dans
893 de la psychologie individuelle, l’antériorité de Tristan me paraît encore plus évidente. L’amour-passion n’est ressenti dans s
894 brèves rencontres érotiques. De ce point de vue, Tristan serait un mari manqué pour avoir manqué le social et surcompensé cet
895 ec par la passion ; tandis que Don Juan serait un Tristan manqué, pour avoir reculé à la fois devant le social et le sentimenta
896 der la durée, l’autre en faire fi. L’un se voudra Tristan , l’autre Don Juan. Don Juan nous chante qu’il n’est heureux que dans
897 faisait tuer avant l’aube ses amants d’une nuit. Tristan veut au contraire l’éternité, car il veut échapper à la souffrance, e
898 à cause de l’illusion, dit le bouddhisme — c’est Tristan qui a raison contre le mariage. S’il n’est pas d’autre vie ni d’autre
899 a vie est seul en mesure de condamner Don Juan et Tristan à la fois ; mais il n’a plus de raison de le faire…   Le bonheur. — 
900 he à l’annonce de la mort de Wagner : le motif de Tristan reparaît peu après dans le second Zarathoustra : « Car je t’aime, ô é
901 e donc une libération. Libération est la voie de Tristan . Sa passion veut aimer sans limites, au-delà des formes et du temps,
902 e » !) que nous laissent les dernières mesures de Tristan .   L’amour. — Ici la dialectique des deux mythes se resserre. Elle a
903 de prochain, mais seulement des objets. Mais pour Tristan , si le dernier obstacle qui nourrit sa passion est dans le moi distin
904 erdent pour sauver leur vie les raisons de vivre, Tristan perd à cause de l’amour les raisons humaines d’aimer. Dans la pureté
905 , l’extraversion de Don Juan et l’introversion de Tristan anéantissent, chacune à sa manière, la réalité du prochain. Don Juan
906 à sa manière, la réalité du prochain. Don Juan et Tristan , symboles de l’âme, ne sont en fait que deux manières d’aimer sans ai
907 e la France et lui, quand il était le plus fort —  Tristan plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas déposé une épée symbolique 
908 32. Je traduis ici les derniers vers du livret de Tristan , tel qu’il est chanté : Nietzsche, dans l’Origine de la tragédie, cit
57 1961, Articles divers (1957-1962). Tristan et Iseut à travers le temps (1961)
909 Tristan et Iseut à travers le temps (1961)t I. Qui d’entre vous ne se
910 e vous ne se souvient de cette première phrase du Tristan rendu naguère au grand public européen par les soins de Joseph Bédier
911 des légendes arthuriennes, et d’abord de celle de Tristan , ce plaisir « à jamais littéraire » pour reprendre le mot de Valéry,
912 lle ne paraît à première vue : avec la légende de Tristan , c’est l’étymologie de nos passions que ces savants ont retrouvée. Se
913 ela donne à peu près ceci : « Les restitutions de Tristan servent à faire entendre la force du mythe, par la liaison qui se tro
914 , en effet, les textes primitifs de la légende de Tristan , qui remontent aux xiie et xiiie siècles, expriment bien autre chos
915 ar excellence de l’âme. Or c’est dans le mythe de Tristan qu’il a trouvé son expression la plus totale, délicieuse et tragique
916 qu’il entretient au niveau de l’existence banale. Tristan , c’est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, plus fo
917 nue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe de Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce qu’il illustre en sa simplicité majes
918 isé par l’Église. C’est le mariage. Constater que Tristan est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, c’est reco
919 tre aussi que la vraie victime du mythe n’est pas Tristan , n’est pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui triomphe au
920 amais qu’une version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut. Ils cherchent donc partout l’obstacle qui résiste, et n’en
921 reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif de Tristan  : la surprise opposée à la fidélité, l’excitation rapide au lieu de l
922 e, celui-là justement dont triomphe la passion de Tristan et d’Iseut : et c’est la mort. J’ai laissé jusqu’ici dans l’ombre cet
923 ’ange, et femme, figure la conclusion du mythe de Tristan  : ce qui se passe trois jours après la mort d’amour. Iseut n’évoque-t
924 été, sur la Terre, le véritable objet du désir de Tristan , sa princesse lointaine et son « amour de loin » comme parlait le tro
925 oubadour Jaufré Rudel ? L’apparent narcissisme de Tristan trouverait ici son interprétation spirituelle. Toute filiation histor
926 re qu’ils ont bien mérité, mais de l’âme. t. «  Tristan et Iseut à travers le temps », Bulletin de l’Académie royale de langu
927 indiquer d’intéressantes théories sur le roman de Tristan et Iseut, en réponse à M. Maurice Delbouille qui avait traité le même
928 édiévale en invitant à sa tribune, pour y évoquer Tristan et Iseut sous un angle tout différent, M. Denis de Rougemont, qui a t
929 de Rougemont, qui a traité, lui, du « mythe » de Tristan et Iseut dans plusieurs ouvrages. M. Robert Guiette, directeur de l’A
930 es analyses l’ont conduit à retrouver le mythe de Tristan dans ses métamorphoses les plus récentes. C’est en somme, après l’exp
58 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Note liminaire
931 oir épousé la formule dynamique de Don Juan et de Tristan  ; enfin, l’on reviendra au problème capital, celui de la personne en
59 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — L’amour et la personne dans le monde christianisé
932 lobant le mariage d’amour, la passion mystique de Tristan et la licence impie de Don Juan (l’une au-delà et l’autre en deçà du
60 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — Naissance de l’érotisme occidental
933 et la musique, L’Alternative, Les Fleurs du mal, Tristan , témoignent d’une prise de conscience très profondément renouvelée de
934 es extrêmes de l’érotique occidentale : Don Juan, Tristan . 9. Le mot apparaît chez Kierkegaard dès 1843. On le trouvait déjà
61 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — Présence des mythes et leurs pouvoirs dans divers ordres
935 pé tous leurs pouvoirs contagieux et révélateurs. Tristan , Faust, Hamlet et Don Juan sont bel et bien les créations imaginaires
936 nt attaché leur nom de fable, Œdipe ou Prométhée, Tristan , Faust ou Don Juan, mais aussi dans les innombrables descendants que
937 il a le goût de la facilité et du changement ; ou Tristan s’il se sent plus doué pour le malheur d’amour, ou la fidélité. La se
938 au d’aventuriers-penseurs de notre temps. Je vois Tristan dans la passion intellectuelle de Kierkegaard, dont le « paradoxe abs
939 ent de blasphémer — et j’en connais — en voyant «  Tristan  » dans ce siècle. S’il est vrai que les mythes nous en apprennent bie
940 eur valeur figurante. Nul Européen n’a jamais été Tristan , ni Don Juan, — et pas plus dans le passé qu’aujourd’hui ; mais sans
62 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — Soulèvement des puissances animiques
941 la mystique d’amour, Héloïse et la passion vécue, Tristan et la passion rêvée, le culte de la Dame et le culte de la Vierge, le
63 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Nouvelles métamorphoses de Tristan
942 Nouvelles métamorphoses de Tristan La passion est cette forme de l’amour qui refuse l’immédiat, fuit l
943 transparaît, dominateur, l’archétype médiéval de Tristan . Je ne sais à vrai dire si la passion naît de la distance, ou l’inver
944 cle Trois œuvres où transparaît l’archétype de Tristan nous sont données vers ce milieu du siècle par l’Europe, l’Amérique e
945 donc, dans ces trois œuvres, qu’à l’apparition de Tristan , dictant impérieusement — à l’insu des auteurs — la rhétorique profon
946 e — on aura reconnu les personnages du drame, ces Tristan séparés d’une Iseut « interdite » par un roi Marc qui est la Morale c
947 ’un Béroul. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de Tristan n’était pas moins choquant au xiie siècle que ne l’est aujourd’hui L
948 trement bouleversants ! Les premières versions de Tristan glorifiaient une forme d’amour non seulement opposée au mariage, mais
949 et situations les plus typiques de la légende de Tristan . Mais il est curieux de noter qu’à chaque fois un point d’ironie frap
950 insi, la mère du héros meurt très tôt (comme dans Tristan ), mais voici le ton du récit : « Ma très photogénique mère mourut dan
951 rave mélodie » qui marque la mort de la mère dans Tristan  !) Le nom de l’hôtel où se passe la nuit de la séduction, les Chasseu
952 ement l’état de transe de la scène des aveux dans Tristan , mais toute la description du lieu vise précisément à le désenchanter
953 t de l’erreur « fatale » de Brangien.) Comme dans Tristan , il est vrai, la polémique contre le mariage au nom de l’amour-passio
954 e l’amour-passion anime tout le récit. Comme dans Tristan , l’on sent que l’auteur n’est pas intéressé par le côté sexuel de son
955 ar la magie de l’Éros, et il le dit19. Comme dans Tristan , « les amants fuient le monde et lui, eux ». Enfin, comme dans Trista
956 fuient le monde et lui, eux ». Enfin, comme dans Tristan , ils meurent à peu de temps l’un de l’autre, séparés. Mais leur mort
957 l qu’il est, cet ouvrage parfait reste, aussi, un Tristan manqué. Et cela tient à l’immaturité de l’objet même de la passion dé
958 de l’indistinction que chante le deuxième acte de Tristan  : La nuit brillante enferme en ses bras maternels toutes les contrad
959 e monde existe encore et les appelle… « Deh ! dit Tristan , quelle départie ! ». Mais il y a plus. La lucidité de Musil s’attaqu
960 te « Iseut » inaccessible, dont il semble être le Tristan  ? Et quel est le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à lire plus ava
961 e, la maîtresse clandestine, interdite, enlevée à Tristan par l’homme qui symbolise le Pouvoir régnant, — la fuite dans la forê
962 t les mêmes péripéties dans tous les temps depuis Tristan , depuis l’épiphanie grandiose et décisive de l’archétype de la passio
963 rticulière du régime politique au pouvoir. Ainsi, Tristan , modèle du chevalier, est contraint de violer le sacré féodal, devien
964 fficace tandis que la censure hésite. Le Roman de Tristan n’apparut dans l’histoire qu’au temps où la réforme grégorienne et le
965 ls encore provoquer les épiphanies romanesques de Tristan et de l’amour-passion ? Le totalitarisme soviétique et le conformisme
64 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Don Juan
966 par la révélation d’amour, se muer en l’image de Tristan . Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu’il ne p
967 evivra éternellement ! Ainsi Nietzsche devient le Tristan d’un Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement loin
65 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Dialectique des mythes I. Méditation au carrefour fabuleux
968 a vécu l’amour unique, la passion malheureuse de Tristan , mais ses premiers grands livres pseudonymes évoquent le vol d’un som
969 t circonscrit par l’éternité. IIKierkegaard et Tristan Kierkegaard fut pourtant le contraire d’un Don Juan. Dans ses rapp
970 ique et longuement malheureux pour Régine, il fut Tristan . Cependant, je n’ai trouvé dans tout son œuvre que de rares allusions
971 à l’Hamlet de Shakespeare, et pas une mention de Tristan — pour des centaines de pages enthousiastes et lyriques sur le Don Ju
972 et dans sa ruse avec la vie. Et c’est le mythe de Tristan qui reparaît enfin ! ⁂ On sait assez que le paradoxe est la catégorie
973 ique que symbolisent les mythes de Don Juan et de Tristan . Suivons maintenant les phases de leur grande polémique dans l’œuvre
974 ourrait supporter l’audition du troisième acte de Tristan « à moins de suffoquer sous la tension convulsive de toutes les fibre
975 e : dans ce que Nietzsche exprime consciemment —, Tristan s’est évanoui et Don Juan domine tout. Wagner n’est plus « mon noble
976 bschen, loin de Bayreuth surtout — où l’auteur de Tristan est l’époux comblé de Cosima… — loin du Nord désormais détesté, Nietz
977 le Don Juan du théâtre comme le reflet inversé de Tristan . Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des personnages, d
978 rd il vient de suspendre sa course. Au contraire, Tristan vient en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hyp
979 possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’a plus besoin du monde — parce qu’il aime ! Tandis que Don Juan, to
980 oin qu’elle existe pour trouver goût à la violer. Tristan , lui, se voit libéré du jeu des règles, des péchés et des vertus, par
981 n de plus en plus décevante et méprisable — quand Tristan est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un
982 tés qui eussent déshonoré un véritable chevalier. Tristan , mélancolique et courageux, n’abdique au contraire son orgueil qu’à l
983 e à la main.49 Ou simplement en quelques mots : Tristan , triste temps, joyeuse éternité. — Don Juan, joyeux moments, éternité
984 ique actuelle. Don Juan n’est pas concevable sans Tristan , et sans lui n’eût pas vu le jour. Mais ce lien de genèse réciproque
985 cale de l’autre. (Pire qu’un Don Juan, pire qu’un Tristan , seraient un Don Juan marié ou un Tristan coureur.) Enfin, pour la Ps
986 e qu’un Tristan, seraient un Don Juan marié ou un Tristan coureur.) Enfin, pour la Psychologie, toute apparition de l’un des my
987 sociées, Don Juan peut régir telle d’entre elles, Tristan telle autre. La filiation des mythes ne pose guère de problèmes. La l
988 mythes ne pose guère de problèmes. La légende de Tristan date du xiie siècle, celle de Don Juan ne remonte guère qu’à la Rena
989 la passion devait faire apparaître l’antithèse de Tristan . Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xviiie , du
990 bservons aussi que Don Juan succède normalement à Tristan , comme le cosmopolite au féodal. Si Tristan quitte ses terres, s’éloi
991 ent à Tristan, comme le cosmopolite au féodal. Si Tristan quitte ses terres, s’éloigne de la Cour, son « errance » traduit dans
992 de la psychologie individuelle, l’antériorité de Tristan apparaît encore plus évidente. L’amour-passion n’est ressenti dans sa
993 brèves rencontres érotiques. De ce point de vue, Tristan serait un mari manqué pour avoir manqué le social et surcompensé cet
994 ec par la passion ; tandis que Don Juan serait un Tristan manqué, pour avoir reculé à la fois devant le social et le sentimenta
995 der la durée, l’autre en faire fi. L’un se voudra Tristan , l’autre Don Juan. Don Juan nous chante qu’il n’est heureux que dans
996 faisait tuer avant l’aube ses amants d’une nuit. Tristan veut au contraire l’éternité, car il veut échapper à la souffrance, e
997 à cause de l’illusion, dit le bouddhisme — c’est Tristan qui a raison contre le mariage. S’il n’est pas d’autre vie ni d’autre
998 a vie est seul en mesure de condamner Don Juan et Tristan à la fois ; mais il n’a plus de raisons de le faire… Le Bonheur. — M
999 he à l’annonce de la mort de Wagner : le motif de Tristan reparaît peu après dans le second Zarathoustra : « Car je t’aime, ô é
1000 e donc une libération. Libération est la voie de Tristan . Sa passion veut aimer sans limites au-delà des formes et du temps, a
1001 e » !) que nous laissent les dernières mesures de Tristan . L’amour. — Ici la dialectique des deux mythes se resserre. Elle att
1002 de prochain, mais seulement des objets. Mais pour Tristan , si le dernier obstacle qui nourrit sa passion est dans le moi distin
1003 dent, pour sauver leur vie, les raisons de vivre, Tristan perd, à cause de l’amour les raisons humaines d’aimer. Dans la puret
1004 , l’extraversion de Don Juan et l’introversion de Tristan anéantissent, chacun à sa manière, la réalité du prochain. Don Juan e
1005 à sa manière, la réalité du prochain. Don Juan et Tristan , symboles de l’âme, ne sont en fait que deux manières d’aimer sans ai
1006 e la France et lui, quand il était le plus fort —  Tristan plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas déposé une épée symbolique 
1007 7. Romains, 7, 6. 58. Derniers vers du livret de Tristan .
66 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Dialectique des mythes II. Les deux âmes d’André Gide
1008 mour et l’Occident et à ses analyses du mythe de Tristan . « C’est là, ajouta-t-il, et non dans les ouvrages des psychanalystes
1009 x mythes normalement exclusifs l’un de l’autre de Tristan et de Don Juan62. André Walter, ou l’angélisme Dès le premier l
1010 le premier livre de Gide, toutes les « notes » de Tristan sont manifestes. L’amour est lié à la séparation des deux amants : la
1011 s du mythe : car il est inconcevable à jamais que Tristan et Iseut se marient et s’ils le font pourtant, ce ne sera qu’apparenc
1012 surgit comme pour venger la douleur inhumaine de Tristan . Il se déguise un peu, pour mieux se faire admettre. Il prétend tout
1013 être plus le maître — l’un devenant la proie de «  Tristan  » et l’autre de « Don Juan » ? A-t-il été victime des dieux, j’entend
1014 a plus ! Il ne saura plus où le prendre ! Je suis Tristan , voyez mon âme, c’est un ange. Je suis Don Juan, voyez mon corps, bêt
1015 l à tête de scarabée79 » les figures alternées de Tristan et Don Juan. Ces deux « extrêmes » dont il s’était loué d’avoir su pr
1016 ecs (Prométhée, Thésée, Eurydice). Pas un mot sur Tristan même dans ses premières œuvres ; et pour Wagner, « une aversion passi
1017 te même lecture fut décisive pour Wagner écrivant Tristan  : le nirvana qu’invoque André Walter, c’est la « joie suprême » d’Iso
1018 nt l’ici-bas de Don Juan à l’au-delà angélique de Tristan . 68. J. Delay, op. cit., II, p. 598. 69. Si le grain ne meurt, p.
67 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Deuxième partie — La personne, l’ange et l’absolu ou Le dialogue Occident-Orient
1019 ssi nous fera-telle entrevoir comment le mythe de Tristan — en dépit du pseudo-bouddhisme tardivement emprunté par Wagner à Sch
1020 e sensible, — et c’est pourquoi j’ai osé dire que Tristan n’aimait pas Iseut — cette passion n’est-elle pas mieux vue si l’on é
1021 e », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur de Tristan  », motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alors dans
1022 endrait cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fût jamais. 115. Katha upanishad. 1
68 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Deuxième partie — L’amour même
1023 nt que sexe en général. (Au contraire, l’amour de Tristan faisait d’une seule, élue, la Femme unique.) Cette forme du désir par
1024 La beauté fait pleurer les meilleures larmes ». —  Tristan . Preuve : sentir intensément. Trèfle ♣ La forme indique le nombre 3.
1025 saint Jean de la Croix, Novalis, et Wagner (dans Tristan ). 129. Paul Éluard. 130. Marc, 4, 32.
69 1963, Articles divers (1963-1969). L’amour ? le mariage ? la fidélité ? l’adultère ? la passion ? le couple ? (25 octobre 1963)
1026 ter, de devenir une passion. Et c’est le roman de Tristan et Iseut qui restera le prototype éternel de l’amour-passion qui se n
1027 les qu’on lui oppose, qui les invente au besoin : Tristan aurait pu garder Iseut aux cheveux d’or qu’il est allé conquérir pour
1028 du temps sanctionnaient le droit du plus fort et Tristan apparaît tout au long du roman comme supérieur aux autres. Or il n’us
1029 pas de ce droit et livre Iseut au roi Marc. Quand Tristan et Iseut, chassés de la cour de Marc vivent seuls dans la forêt, ils
1030 toujours aussi fort pour Iseut aux cheveux d’or, Tristan accepte pour la deuxième fois de la rendre au roi et décide d’épouser
1031 er lui-même Iseut aux blanches mains. Le roman de Tristan est en somme une longue suite de séparations et de revoirs successifs
1032 s de séparations sont aussi souvent inventées par Tristan qu’imposées par l’extérieur. Ce roman de Tristan dont le succès prodi
1033 Tristan qu’imposées par l’extérieur. Ce roman de Tristan dont le succès prodigieux révèle notre préférence pour le malheur, l’
1034 dégager du fouillis des apparences quotidiennes. Tristan , c’est un « type » de relations de l’homme et de la femme dans un gro
1035 s rêves. Quel rapport a donc au juste le roman de Tristan et la crise du mariage ? C’est que finalement notre crise du mariage
1036 èce de boulevard (le roi Marc est devenu le cocu, Tristan , le jeune premier, Iseut, l’épouse insatisfaite et oisive) ; l’adultè
1037 lle, ce sera la vraie vie, l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi. Mais aussitôt paraît une anxiété dans l’entourage
1038 u dans les bras d’un autre). Cet amour-passion de Tristan et Iseut qui se dénouait dans la mort, se dénouera alors un jour ou l
1039 bien de l’autre et agir pour ce bien. L’amour de Tristan et d’Iseut, et la passion, c’est l’angoisse d’être deux. L’amour dans
1040 ace du mariage, c’est la passion. Que le mythe de Tristan , origine de tous nos malheurs, soit définitivement balayé des conscie
70 1963, L’Opportunité chrétienne. Deuxième partie. Christianisme et culture — 7. Théologie et littérature
1041 , dont la doctrine fut reprise par les auteurs du Tristan , d’où sont issus presque tous nos romans, étaient nourris de l’hérési
71 1963, L’Opportunité chrétienne. Deuxième partie. Christianisme et culture — 9. La crise moderne du mariage
1042 Tripoli, la « princesse lointaine ». Le roman de Tristan et Iseut, un peu plus tard, va fixer pour des siècles le modèle de pr
1043 us intérieur à la psychologie des amants, lorsque Tristan déposera entre Iseut et lui, chassés dans la forêt et libres de s’aba
1044 la plus vague et conventionnelle, dans le roman : Tristan est simplement « le plus fort », Iseut « la plus belle et blonde »).
1045 blonde »). Si bien qu’on est en droit de dire que Tristan n’aime pas l’Iseut réelle, ni Iseut le Tristan réel, mais que l’un et
1046 e l’Isolde de Wagner en mourant sur le cadavre de Tristan  : l’obstacle suprême qu’est la mort a porté la passion à son climax.
1047 riage, ouvertement. En termes de morale courante, Tristan peut être défini comme une glorification de l’adultère. Et l’on a vu
1048 ous-produit vulgarisé de la passion illustrée par Tristan . Comme la passion, la romance est une intoxication qui fait dire à se
1049 nt elle trouve encore à se nourrir. La passion de Tristan fondait une sorte de fidélité jusqu’à la mort, fidélité à un rêve il
1050 ssions secrètes et mortelles, dignes du modèle de Tristan , mais rares, décriées et honteuses, par là même sans danger du point
72 1967, Bulletin du Centre européen de la culture, articles (1951–1977). Vingt langues, une littérature (mai 1967)
1051  : l’honneur, la passion amoureuse, la légende de Tristan , modèle de tous les romans au vrai sens du terme, puis la légende de
73 1969, Articles divers (1963-1969). Le mariage est à réinventer (14 avril 1969)
1052 sion suppose toujours entre le sujet et l’objet — Tristan et Iseut — un roi Marc qui les sépare : la morale, la société, le pèr
1053 l qu’on le rêve — l’amour-passion — est né avec «  Tristan et Iseut » et que, depuis des siècles, nous vivons sous l’emprise de
1054 la surestimation de la passion, issue du mythe de Tristan , et de toute la littérature romanesque, se sont ajoutés tous les tabo
1055 es troubadours, les romanciers de la Table ronde, Tristan ont affiné et « compliqué » les sentiments, donc ont fait faire d’éno
74 1969, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). Une longue et vieille histoire (7 juin 1969)
1056 ichesse autant que de l’épée. Don Juan a remplacé Tristan . Seul Rousseau s’inspire de l’Astrée, de Pétrarque, des troubadours e
75 1970, Articles divers (1970-1973). La passion en 1970, est-ce possible ? (mai 1970)
1057 orrespond qu’à des permissions extérieures. Voyez Tristan et Iseut. Quand ils ont supprimé l’obstacle qui empêchait et exaltait
1058 té. La passion est toujours possible. Le mythe de Tristan et Iseut est assez rusé pour se reproduire, quelles que soient les ci
76 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Le testament de Tristan (14-15 novembre 1970)
1059 Le testament de Tristan (14-15 novembre 1970)ak Il a choisi le pays de son nom contre le c
1060 e. À l’autre extrême, le général de Gaulle fut le Tristan de la passion nationale. Son Iseut, c’est la France, et il est près d
1061 e la France et lui, quand il était le plus fort — Tristan plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas déposé une épée symbolique 
1062 t plébiscité comme un second Charles le Grand. Ce Tristan de la nation déifiée, cet ennemi juré de l’Europe « intégrée », était
1063 ns la page si belle qui règle ses obsèques, c’est Tristan qui revient dans sa pleine stature : écartant les barons et le Pays l
1064 symbolisée par son armée… ak. « Le testament de Tristan  », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, n° 266, 14-
77 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Denis de Rougemont : l’amour et l’Europe en expert (24 décembre 1970)
1065 raissait éclatante entre l’amour dans le mythe de Tristan et l’amour dans le mariagev. Daniel-Rops, qui dirigeait la collection
1066 n petit livre en deux volets opposant le mythe de Tristan et l’amour dans le mariage. Et nous avons pris date. Je devais lui do
1067 C’est au fond contre la vulgarisation du mythe de Tristan que je m’élevais, surtout dans L’Amour et l’Occident , et non pas co
78 1970, Lettre ouverte aux Européens. I. L’unité de culture
1068 l’instinct même et du plaisir. C’est ce qui jette Tristan et Iseut dans la mort, souhaitée comme un suprême accomplissement. La
1069  : l’honneur, la passion amoureuse, la légende de Tristan , modèle de tous les romans au vrai sens du terme, puis la légende de
79 1970, L’Un et le Divers ou la Cité européenne. II. La Cité européenne
1070 ventureuse d’un Lancelot et d’un Perceval ou d’un Tristan , symbole mystique. Faut‑il enfin rappeler l’apport arabe, qui ne se l
80 1971, Articles divers (1970-1973). L’Amour et l’Europe : L’Express va plus loin… avec D. de Rougemont (12 avril 1971)
1071 dours. Finalement, j’ai découvert que le mythe de Tristan et Iseut est l’ennemi intime du mariage et du couple. C’est un mythe
1072 s’ils n’ont jamais lu une ligne de l’histoire de Tristan . La passion amoureuse qui nous paraît si naturelle est en réalité exc
1073 poésie des troubadours, Héloïse et Abélard, puis Tristan et Iseut, prototype éternel de l’amour-passion : et c’est de là que v
1074 eut-on imaginer Iseut devenant Mme Tristan ! Mais Tristan et Iseut n’ont-ils pas été merveilleusement heureux ? Ils ont été mer
1075 ous dire pourquoi, car tout est parti du mythe de Tristan . La Rochefoucauld a fort bien compris que l’amour est essentiellement
1076 couple. L’une qui veut le dépasser par en haut — Tristan — l’autre par en bas — Don Juan. Nous versons continuellement dans l’
1077 ersons continuellement dans l’un ou dans l’autre. Tristan est l’homme d’un seul amour fatal. Don Juan, héros d’un siècle cyniqu
1078 xviiie , incapable de passion, est l’antithèse de Tristan , son double négatif, l’homme des rencontres sans lendemain, infidèle
1079 és, de Robert Musil. J’ai retrouvé l’archétype de Tristan à travers ces trois livres ; les trois en sont des reviviscences prob
1080 nces probablement inconscientes. Dans le mythe de Tristan , l’obstacle est l’époux d’Iseut, le roi Marc. Dans Lolita, c’est l’âg
1081 us, quel serait le couple idéal ? Je voudrais que Tristan découvre Iseut, qu’Iseut découvre Tristan, et qu’ils sachent leurs no
1082 ais que Tristan découvre Iseut, qu’Iseut découvre Tristan , et qu’ils sachent leurs noms. Je voudrais qu’ils cessent de dire com
1083 l’opéra de Wagner : « Non, plus d’Isolde, plus de Tristan . » Le masochiste intégral ne vaut rien pour aimer. Tristan n’aime pas
1084 » Le masochiste intégral ne vaut rien pour aimer. Tristan n’aime pas réellement Isolde. Il ne la voit pas. Il projette. Ce qu’i
81 1972, Articles divers (1970-1973). Autopsie d’un cas : Denis de Rougemont (15 mars 1972)
1085 mariage dans l’amour. La passion représentée par Tristan , qui est le grand mythe de la passion originelle en Occident. Et d’au
1086 et animent les Européens sur le plan de l’amour : Tristan , d’un côté ; Don Juan, de l’autre. Tous deux adversaires du mariage.
1087 an, de l’autre. Tous deux adversaires du mariage. Tristan , parce qu’il dépasse le mariage vers un au-delà où il n’a plus besoin
82 1972, L’Amour et l’Occident (1972). Post-scriptum
1088 et le soir même je vais à l’Opéra, où l’on donne Tristan , cette revanche de la Nuit. Habet Acht ! Habet Acht ! Schon weicht d
1089 ais-je dit, par exemple, que « l’amour-passion de Tristan n’est rien d’autre que le catharisme » ?) Et quand il parle de la Réf
1090 ne sont très loin de l’endura d’amour dont meurt Tristan et où Isolde le rejoint en « joie suprême ». H. Davenson lui-même ind
1091 du Graal, Gauvain, Perceval, la belle histoire de Tristan et Iseut ». Aux exemples qu’il donne (Cercamon, Barbezieux, et le rom
1092 édante de la mort ne sont-ils pas ici, comme dans Tristan , liés par les complicités profondes du vertige ? Le Ciel me garde d’a
1093 che de sa mort ». Je lis et je revis l’émotion de Tristan . Je propose que cette émotion soit seule arbitre entre nos thèses. J
1094 à l’époque, mais il nous reste les lettres de ce Tristan châtié et repenti à cette Iseut devenue abbesse malgré elle, mais qui
1095 tage, aujourd’hui, sur le thème de l’inceste dans Tristan , et sur ses aspects œdipiens (indiqués très nettement, sinon bien dév
1096 par exemple au chapitre 12 du livre II). Certes, Tristan n’a pas pu désirer sa mère, qui est morte en couches. Mais sa tristes
1097 man en Prose. On y voit tout d’abord l’adolescent Tristan , âgé de 14 ou 15 ans, séjourner chez son oncle le roi Marc « comme un
1098 comparaison de lui ». À ce moment donc, Marc aime Tristan , qu’il ignore être son neveu. Puis Tristan triomphe du Morholt, et ré
1099 c aime Tristan, qu’il ignore être son neveu. Puis Tristan triomphe du Morholt, et révèle sa naissance royale. Mais, blessé, il
1100 , le Roman nous dit : « Le roi Marc prend bientôt Tristan en haine, car il le craint plus qu’autrefois. » Il envoie donc son ne
1101 d’Iseut, qu’il veut pour femme, sachant bien que Tristan risque sa vie s’il retourne au pays du Morholt. Et Tristan le sait au
1102 isque sa vie s’il retourne au pays du Morholt. Et Tristan le sait aussi : « Quand Tristan entend cette nouvelle, il pense que s
1103 ys du Morholt. Et Tristan le sait aussi : « Quand Tristan entend cette nouvelle, il pense que son oncle l’envoie en Irlande plu
1104 en venant au monde.) Conquis par les prouesses de Tristan , le roi d’Irlande lui dit enfin : « Tristan vous avez tant fait…, je
1105 es de Tristan, le roi d’Irlande lui dit enfin : «  Tristan vous avez tant fait…, je vous remets Iseut pour vous ou pour votre on
1106 perte du sein maternel, sevrage), on comprend que Tristan ne puisse aimer (au sens du dürfen allemand, ou permission) que si l’
1107 uvent donc dans les relations triangulaires entre Tristan , Marc et Iseut. Ces contradictions sont illustrées par tous les épiso
1108 t vaut mieux que la vie quotidienne partagée). Si Tristan décidait de garder Iseut pour lui, il violerait le tabou courtois. S’
1109 ifférencie de la nature248, alors nous voyons que Tristan , poème du Triangle essentiel (Père, Mère et Fils) et de la primordial
1110 (au surplus compliqués de drogue) comme celui de Tristan et d’Iseut. La passion une fois déclarée exige beaucoup plus que cett
1111 le mise en présence de deux êtres. Dans le cas de Tristan et d’Iseut, il en va bien ainsi, selon Thomas ; mais selon Béroul, c’
1112 e confession qu’il met dans leur bouche (p. 40) : Tristan  : Qu’el m’aime, c’est par la poison Ge ne me pus de lié partir N’ele
1113 u’il a tué, et sans espoir de survivre à son mal, Tristan s’embarque à l’aventure dans une nacelle sans voile ni rames, emporta
1114 igations solitaires, Iseut intervient pour guérir Tristan des effets du poison, puis ils sont de nouveau séparés. Mais quand il
1115 assif ou extatique, elle est mortelle, comme chez Tristan et quelques-uns des grands mystiques. Reste à voir ce qu’elle peut pr
83 1973, Responsabilité de l’écrivain dans la société européenne d’aujourd’hui (1973). Après le xiie siècle : vers une littérature distincte du social
1116 Quête du Graal, de la tragédie d’Œdipe à celle de Tristan , toutes les grandes œuvres de la littérature mondiale, jusqu’au xiie
84 1973, Articles divers (1970-1973). La Merveilleuse histoire de Tristan et Iseut [préface] (1973)
1117 La Merveilleuse histoire de Tristan et Iseut [préface] (1973)af Gaston Paris, Joseph Bédier, Ernest Vi
1118 xxe siècle les textes originaux de la légende de Tristan et son contexte culturel et historique, ont fait bien plus qu’une œuv
1119 lle ne paraît à première vue : avec la légende de Tristan , c’est l’étymologie de nos passions que ces savants ont retrouvée. Se
1120 ela donne à peu près ceci : « Les restitutions de Tristan servent à faire entendre la force du mythe, par la liaison qui se tro
1121 , en effet, les textes primitifs de la légende de Tristan , qui remontent aux xiie et xiiie siècles, expriment bien autre chos
1122 r excellence de l’âme. Or, c’est dans le mythe de Tristan qu’il a trouvé son expression la plus totale, délicieuse et tragique
1123 ans sa pleine stature et ses profonds pouvoirs. ⁂ Tristan , c’est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, plus fo
1124 nue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe de Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce qu’il illustre en sa simplicité majes
1125 isé par l’Église. C’est le mariage. Constater que Tristan est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, c’est reco
1126 tre aussi que la vraie victime du mythe n’est pas Tristan , n’est pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui triomphe au
1127 amais qu’une version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut. Ils cherchent donc partout l’obstacle qui résiste, et n’en
1128 reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif de Tristan  : la surprise opposée à la fidélité, l’excitation rapide au lieu de l
1129 e, celui-là justement dont triomphe la passion de Tristan et d’Iseut : et c’est la mort. ⁂ J’ai laissé jusqu’ici dans l’ombre c
1130 ’ange, et femme, figure la conclusion du mythe de Tristan  : ce qui se passe trois jours après la mort d’amour. Iseut n’évoque-t
1131 été, sur la Terre, le véritable objet du désir de Tristan , sa princesse lointaine et son « amour de loin » comme parlait le tro
1132 oubadour Jaufré Rudel ? L’apparent narcissisme de Tristan trouverait ici son interprétation spirituelle. Toute filiation histor
1133 n’éclate malgré lui que dans l’épisode bref, tel Tristan fou ; Mary plus pittoresque et foisonnant, au détail descriptif savou
1134 Bédier et Mary, comme Wagner, sont des auteurs de Tristan , à peu près au même titre que Béroul ou Thomas, Gottfried, Eilhart, C
1135 la mort comme nul moderne adaptateur ne l’a osé. Tristan surpris par le roi Marc implore son pardon pour la Reine mais dit de
1136 ne mais dit de lui-même : « Ah ! Mort, viens voir Tristan et finis ses douleurs ! » Il en reste chez Bédier : « Que m’importe d
1137 doute mieux. Dans le même Roman en prose, lorsque Tristan meurt : « Douce amie, je ne vous verrai plus. Adieu, je m’en vais et
1138 e Gaston Paris. af. La Merveilleuse histoire de Tristan et Iseut, Gallimard, 1973, p. 8-25. Préface à l’édition d’André Mary.
85 1975, Articles divers (1974-1977). L’amour (1975)
1139 , bien avant le Moyen Âge courtois et le roman de Tristan et Iseut, qui contient d’ailleurs tant de réminiscences de l’Antiquit
1140 rt » qui est, comme nous le verrons, le secret de Tristan . La révolution chrétienne Cinq siècles après Platon, Plutarque
1141 venture d’Héloïse et Abélard apparaît le roman de Tristan et Iseut. Plusieurs allusions dans des poésies de troubadours datant
1142 ion (en langue romane — d’où le nom de roman), le Tristan et Iseut de Béroul, commence à circuler en Europe. Tous les éléments
1143 dans la cortezia se retrouvent dans l’histoire de Tristan  : désir exaspéré par les obstacles de toute nature à sa conservation
1144 vice de la Dame à laquelle l’homme sacrifie tout ( Tristan renonce à son rang à la cour, faillit à l’honneur du chevalier et à l
1145 domine le roman est gnostique… Ainsi, le roman de Tristan décrit, analyse et déploie dans la durée tous les motifs psychologiqu
1146 ès les premiers instants, va peser sur l’amour de Tristan et d’Iseut. Car le trio Tristan-Iseut-roi Marc correspond non pas, ce
1147 té psychosociale, au trio œdipien fils-mère-père. Tristan naît dans le malheur parental : son père vient de mourir et sa mère,
1148 ateur, en vertu d’une institution dite fosterage. Tristan est donc, en droit, le « fils » de Marc. Chargé par ce dernier de la
1149 pont brûlant du bateau qui les ramène d’Irlande. Tristan , qui est le plus fort des chevaliers et qui a conquis Iseut par valeu
1150 es ruses inépuisables de l’amour-passion. Quant à Tristan , du preux chevalier à l’amoureux transi des romantiques, du héros emp
1151 e du Nord et l’Angleterre celtique. La légende de Tristan et Iseut reste le prototype éternel de l’Amour, inventé par la poésie
1152 i-femme-amant ou maîtresse.) La descendance de Tristan Le roman le plus littéraire de la littérature française est sans d
1153 oise et la plus belle épiphanie du mythe avant le Tristan et Isolde de Wagner. Ici la mort par amour n’est plus seulement métap
1154 de l’amour courtois et de la passion fatale, à la Tristan , dont on peut voir qu’elle est devenue la manière de « ressentir l’am
1155 ument à toute épreuve du philtre. Ici, comme pour Tristan , « le Destin » va servir d’alibi à la responsabilité (culpabilité) de
1156 ètement anxieuse. Or, Don Juan est l’antithèse de Tristan , son négatif parfait : infidèle par définition, homme des rencontres
1157 emmes celle qui pourrait retenir son amour, quand Tristan était l’homme d’un seul amour fatal mais dans lequel il trouvait tout
1158 s la mélancolie profonde qui baigne l’histoire de Tristan s’attache encore au roman de Rousseau comme à tous ceux qu’il fera na
1159 raduira le mieux l’action souterraine du mythe de Tristan , réactivé par les tabous de la nouvelle société, et qui réinventera l
1160 une version renouvelée de l’archétype courtois de Tristan et Iseut. Ils cherchent partout l’obstacle qui résiste et ils n’en tr
86 1976, Articles divers (1974-1977). Histoire et prospective de l’identité européenne (1976)
1161 ie et pollution comprises, mais aussi le Roman de Tristan , et l’amour-passion, la Comédie et les deux Sommes, les mystiques esp
87 1977, Articles divers (1974-1977). Denis de Rougemont : le retour d’un hérétique (3 octobre 1977)
1162 n fait, n’est qu’une sorte d’utopie unificatrice. Tristan en est l’archétype. Manifestement — et je l’ai prouvé —, Tristan n’ai
1163 l’archétype. Manifestement — et je l’ai prouvé —, Tristan n’aime pas Iseut. Il aime l’amour dans lequel l’identité d’Iseut s’an
1164 equel l’identité d’Iseut s’anéantit et disparaît. Tristan pénètre dans cet état passionnel grâce à un philtre dont les chroniqu
1165 ment ainsi que procèdent les États-nations. Comme Tristan , ils disent « seul je suis, moi,ax le monde » et, face à cette certit
1166 tay, cet analogue du philtre, de la drogue. Comme Tristan , l’État-nation veut être seul au monde. Il ne reconnaît rien au-dessu
1167 vous avez écrit un article intitulé « La mort de Tristan  » ? La comparaison s’imposait… De Gaulle était une sorte de Tristan d
1168 paraison s’imposait… De Gaulle était une sorte de Tristan dont l’Iseut aurait été la France. Il le dit d’ailleurs dès les premi
1169 ée à des malheurs exemplaires. »ba Et de même que Tristan n’aimait pas Iseut mais l’amour, de Gaulle méprisa les Français pour
1170 i grand rôle dans toutes les versions du mythe de Tristan ), n’était-ce pas ainsi qu’il désignait les hommes de parti qui risqua
1171 Marcbb, qui symbolise la légalité, que du côté de Tristan . Le drame, c’est que le roi Marc est plutôt ennuyeux… Ennuyeux comme
88 1977, Articles divers (1974-1977). « Je suis un pessimiste actif » (17 octobre 1977)
1172 ’Occident qui est une méditation sur le mythe de Tristan et Iseut, sur le goût des Occidentaux pour l’amour impossible, et vot
89 1978, Articles divers (1978-1981). « Quel avenir voulons-nous ? » (1er février 1978)
1173 ription de l’amour-passion dont l’archétype reste Tristan et Iseut. En lisant leur histoire attentivement, on constate que Tris
1174 sant leur histoire attentivement, on constate que Tristan n’aime pas Iseut ; il aime seulement aimer, être amoureux et il proje
1175 qu’elle est comme « personne ». Or, c’est grave. Tristan vit en quelque sorte un amour totalitaire : il est seul dans son mond
90 1978, Articles divers (1978-1981). L’Europe est une culture commune (1978)
1176 xiie siècle (romans de la Table ronde, mythe de Tristan ). L’apport arabe est triple : éléments de chimie et de mathématiques,
91 1979, Articles divers (1978-1981). Un foyer de culture (janvier 1979)
1177 ours du xiie siècle. Tous nos romans dérivent du Tristan primitif de l’Anglo-Normand Béroul, dans la mesure où ils sont de vra
92 1979, Articles divers (1978-1981). Cet amour qui nous rendrait la liberté (mars 1979)
1178 ne nous ont rien laissé qui se puisse comparer à Tristan ni à Werther, à Novalis, ni aux chefs-d’œuvre des Brontë, de Thomas H
1179 sabéthains, le xiie siècle des troubadours et de Tristan , les premiers siècles du christianisme ? Définissons d’abord nos term
1180 ie siècle par les troubadours et par le roman de Tristan . Il faudrait au moins distinguer amour et sexualité. Il n’est pas exa
93 1979, Cadmos, articles (1978–1986). La chronique européenne de Denis de Rougemont (printemps 1979)
1181 e « Princesse de légendes », cette Iseut que, tel Tristan , il n’aime jamais autant que lorsqu’il s’en voit séparé ? (D’où sa se
1182 es régions II, p. 82). 30. Cf. « Le testament de Tristan  », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, n° 266, 14-
94 1979, Articles divers (1978-1981). Le mythe et l’opéra (1979)
1183 dait La Rochefoucault. C’est le mythe médiéval de Tristan qui a « parlé d’amour » à l’Europe puis à l’Occident tout entier, du
1184 Faust sera son héros tragique. Reflet inversé de Tristan , homme de mille et trois femmes quand Tristan l’est d’une seule, il o
1185 de Tristan, homme de mille et trois femmes quand Tristan l’est d’une seule, il occupe la scène d’un bond quand Tristan s’y ava
1186 t d’une seule, il occupe la scène d’un bond quand Tristan s’y avance avec toute la lenteur de celui qu’hypnotise un objet merve
95 1980, Articles divers (1978-1981). Un précurseur de l’engagement politique (1er mai 1980)
1187 art c’est-à-dire au xiie siècle, par le mythe de Tristan et Iseut. L’amour qui unit ces deux héros, je l’ai défini comme se no
1188 ntaient que j’avais parlé avec plus de chaleur de Tristan que du mariage n’avaient pas tout à fait tort. Aujourd’hui encore, je
1189 erai pas au grand duo d’amour du deuxième acte de Tristan , surtout au moment sublime où Brangaine du haut de la tour avertit le
1190 plus précisément, avec à l’origine la légende de Tristan et la poésie des troubadours. Ceci m’a amené à formuler des considéra
96 1981, Articles divers (1978-1981). La ruée vers le Graal : questions à Denis de Rougemont (13-14 juin 1981)
1191 i de la France, dont on a reconnu l’influence sur Tristan et la quête du Graal. Or, je l’avais dit avant la guerre et l’on m’a
97 1982, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). L’amour, les régions et l’Occident (20 août 1982)
1192 rême accomplissement, comme le montre le roman de Tristan , le mythe de Tristan, pour mieux dire. J’ai découvert en écrivant ce
1193 comme le montre le roman de Tristan, le mythe de Tristan , pour mieux dire. J’ai découvert en écrivant ce livre que les notions
98 1984, Articles divers (1982-1985). L’Europe et les intellectuels (1984)
1194 n Âge un rôle un peu analogue à celui du Roman de Tristan pour l’Europe. Cette découverte éblouie m’a fait écrire en trois mois
99 1996, Articles divers (1982-1985). « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète » (automne 1996)
1195 t, c’est dans la mort que les amants légendaires, Tristan et Iseut, trouveront le couronnement de leur passion, la « joie suprê
1196 s chanté par les troubadours et du grand mythe de Tristan et Iseut dont le sens ultime est que Tristan n’aime pas Iseut dans sa
1197 e de Tristan et Iseut dont le sens ultime est que Tristan n’aime pas Iseut dans sa réalité. Ce qu’il aime, c’est aimer, être ai