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alyse approfondie des cinq légendes primitives de
Tristan
et Iseut, l’auteur a été conduit à rechercher les origines religieuse
2
révèle exactement assimilable à celle d’un mythe.
Tristan
est un roman « courtois ». La courtoisie est née dans le Midi au xiie
3
s provençaux et des romans bretons, l’adultère de
Tristan
reste une faute parce qu’il est consommé dans la chair (et non point
4
hsabé commet un crime et se rend méprisable. Mais
Tristan
, s’il enlève Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui était
5
nt dans le jeu de ces contraintes que le mythe de
Tristan
puisait ses moyens d’expression. Or voici que ces contraintes ou se r
6
ui le « démeine » — pour parler comme l’auteur du
Tristan
— cette nostalgie dont il ignore l’origine autant que la fin. Son ill
7
la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce
Tristan
qu’il porte en soi comme son génie caché ! Et plus rien ne compte en
8
uoi l’on aime souffrir et faire souffrir. Lorsque
Tristan
emmène Iseut dans la forêt, où plus rien ne s’oppose à leur union, le
9
zon mystique s’est refermé depuis longtemps. Pour
Tristan
, Iseut n’était rien que le symbole du Désir lumineux : son au-delà, c
10
s rythmes du désir charnel ; mais tandis que pour
Tristan
l’infini, c’est l’éternité sans retour où s’évanouit la conscience do
11
ue en infidélité. Qui ne sent la dégradation d’un
Tristan
qui a plusieurs Iseut ? Or ce n’est pas lui qu’il convient d’accuser,
12
n de l’âme dressée contre le monde. Mais alors le
Tristan
moderne glisse vers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux amo
13
. Aimer d’amour-passion signifiait « vivre » pour
Tristan
, car la « vraie vie » qu’il appelait, c’était la mort transfigurante.
14
t de nos contemporains sont en proie au délire de
Tristan
. Bien peu ont assez soif pour boire le philtre, et j’en vois moins en
15
ente der Gnosis). 85. En particulier du mythe de
Tristan
, utilisant les formes de la morale chevaleresque pour exprimer sans l
16
t munie d’une dot adéquate — dont je veux être le
Tristan
». Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui dure sur l
17
mots… ⁂ Cependant, tout n’est pas encore clair.
Tristan
lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour n
18
toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de
Tristan
. C’est un narcissisme mystique, mais qui s’ignore, naturellement, et
19
analyse des légendes courtoises nous a révélé que
Tristan
n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort,
20
e comme la délivrance du moi coupable et asservi.
Tristan
n’est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau pr
21
me voue sa fidélité. Et tandis que la fidélité de
Tristan
était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la créatio
22
lus de la vie pour la mort (c’était la passion de
Tristan
). ⁂ L’amour fidèle de Tristan détruisait son bonheur et sa vie pour t
23
était la passion de Tristan). ⁂ L’amour fidèle de
Tristan
détruisait son bonheur et sa vie pour témoigner en faveur de la Nuit,
24
le ruine notre bonheur, est salutaire. L’amour de
Tristan
et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et son aboutissement supr
25
destins singuliers : « Non plus d’Isolde, plus de
Tristan
, plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’être
26
la « fatalité » de la passion est accréditée par
Tristan
. Excuse et alibi qui ne peuvent tromper que celui qui veut être tromp
27
monde. 93. Je m’en tiens au « cas-limite » de
Tristan
; j’ai connu des amants chrétiens qui eussent considéré cette phrase
28
réfute les croyances courantes, nées du mythe de
Tristan
et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tout à fait
29
sionnée sur le mythe de la passion, la légende de
Tristan
et Iseut. Nul n’ignore que ce mythe, demeuré si puissant dans nos vie
30
Non,
Tristan
et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 193
31
n’y affirme-t-il pas, avec preuves à l’appui, que
Tristan
et Iseut, les amants légendaires, les héros de la passion, ne s’aimai
32
roman, plus je me sentais gêné, mal à l’aise. Ce
Tristan
et cette Iseut qui restent indifférents pendant leur première rencont
33
de trois ans de vie commune dans la forêt et qui,
Tristan
ayant épousé Iseut aux blanches mains, l’autre Iseut, ne reconnaissen
34
conviction, que je suis prêt à défendre : ce que
Tristan
et Iseut aiment, c’est le fait d’aimer. Jamais Tristan ne dit à Iseut
35
an et Iseut aiment, c’est le fait d’aimer. Jamais
Tristan
ne dit à Iseut qu’il l’aime, il se borne à répéter : « Amor par force
36
térature, reprend Denis de Rougemont. Le mythe de
Tristan
et Iseut, qui pose pour la première fois ce fameux triangle, le mari,
37
l’on retrouve à la fois dans le catharisme, dans
Tristan
et Iseut et chez les lyriques courtois, goût qui n’est autre que l’in
38
ous aspirons donc à connaître cet état que, comme
Tristan
et peut-être inconsciemment, nous préférons à l’être aimé. D’autre pa
39
imites d’où l’on ne peut s’échapper ? q. « Non,
Tristan
et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont », Les Nouvelle
40
par la révélation d’amour, se muer en l’image de
Tristan
. Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu’il ne p
41
evivra éternellement ! Ainsi Nietzsche devient le
Tristan
d’un Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement loin
42
Du mythe de
Tristan
et Iseut à l’hitlérisme (14 juillet 1939)o Il était juste que Deni
43
d’abord faire un livre court traitant du mythe de
Tristan
et de la décadence de la conception du mariage. Les idées me sont ven
44
m’ont mis sur la piste d’une liaison du mythe de
Tristan
avec la tradition courtoise, les troubadours et le catharisme. C’est
45
suis arrivé à envisager les problèmes collectifs.
Tristan
symbolise la manière dont le xiie siècle considérait l’amour. Le myt
46
lement, avec plus ou moins de succès, le roman de
Tristan
et Iseut. Vous soutenez cette opinion paradoxale que Tristan et Iseut
47
Iseut. Vous soutenez cette opinion paradoxale que
Tristan
et Iseut, couple de parfaits amants, ne s’aimèrent pas. À la manière
48
éplait pas de se faire le champion d’un paradoxe.
Tristan
aime sa passion, explique-t-il. Il n’aime pas Iseut de charité, dans
49
autour de Denis de Rougemont. o. « Du mythe de
Tristan
et Iseut à l’hitlérisme », Tribune de France. Hebdomadaire de la reco
50
limitations de la vie — la joie devant la mort de
Tristan
et d’Isolde. III. Mystique et Personne L’exemple des romantique
51
ose le contenu caché de la légende ou du mythe de
Tristan
. C’est une descente aux cercles successifs de la passion. Le dernier
52
trême, exceptionnelle en apparences : le mythe de
Tristan
et Iseut. Il nous faut ce repère fabuleux, cet exemple éclatant et «
53
Livre premierLe mythe de
Tristan
1.Triomphe du roman, et ce qu’il cache « Seigneurs, vous plaît
54
grand mythe européen de l’adultère : le Roman de
Tristan
et Iseut. Au travers du désordre extrême de nos mœurs, dans la confus
55
d’abord, dira-t-on, est-il exact que le roman de
Tristan
soit un mythe ? Et dans ce cas, n’est-ce pas détruire son charme que
56
la rend inefficace. Or je me propose d’envisager
Tristan
non point comme œuvre littéraire, mais comme type des relations de l’
57
sur nos rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de
Tristan
sont de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord le fait que l’auteur
58
trace1. Un autre aspect mythique de la légende de
Tristan
, c’est l’élément sacré qu’elle utilise2. Le progrès de l’action, et l
59
ant le secret qu’il exprime, le Roman mythique de
Tristan
posséderait-il au même degré les qualités contraignantes d’un vrai my
60
ontenu » prend ici toute sa force : la passion de
Tristan
et d’Iseut est littéralement « contenue » par les règles de la cheval
61
appelait une réaction vive. Le succès du Roman de
Tristan
fut donc d’ordonner la passion dans un cadre où elle pût s’exprimer e
62
ions et des réactions qu’il provoque. Le mythe de
Tristan
et Iseut, ce ne sera plus seulement le Roman, mais le phénomène qu’il
63
ce du lecteur à envisager mon projet. Le Roman de
Tristan
nous est « sacré » dans la mesure exacte où l’on estimera que je comm
64
it à voir l’un des commentateurs de la légende de
Tristan
la définir « une épopée de l’adultère ». La formule est sans doute ex
65
de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de
Tristan
, c’est qu’il permet de dégager une raison simple de notre confusion p
66
an6 Amors par force vos demeine ! (Béroul.)
Tristan
naît dans le malheur. Son père vient de mourir, et sa mère Blanchefle
67
Première prouesse ou performance : la victoire de
Tristan
sur le Morholt. Ce géant irlandais vient, comme le Minotaure, exiger
68
jeunes filles ou de jeunes gens de Cornouailles.
Tristan
obtient la permission de le combattre, au moment où il pourrait être
69
e empoisonnée. Sans espoir de survivre à son mal,
Tristan
s’embarque à l’aventure dans un bateau sans voile ni rames, emportant
70
éant Morholt était le frère de cette reine, aussi
Tristan
se garde-t-il d’avouer son nom et l’origine de son mal. Iseut, prince
71
dont un oiseau lui apporta un cheveu d’or. C’est
Tristan
qu’il envoie à la « quête » de l’inconnue. Une tempête rejette le hér
72
rée par un jeune paladin.) Blessé par le monstre,
Tristan
est soigné de nouveau par Iseut. Un jour, cette princesse découvre qu
73
le meurtrier de son oncle. Elle saisit l’épée de
Tristan
et menace de le tuer dans son bain. Alors, il lui révèle la mission d
74
le admire la beauté du jeune homme, à ce moment.)
Tristan
et la princesse voguent vers les terres de Marc. En haute mer, le ven
75
e l’importance du philtre, et présente l’amour de
Tristan
et d’Iseut comme une affection spontanée, apparue dès la scène du bai
76
us le verrons.) La faute est donc consommée. Mais
Tristan
reste lié par la mission qu’il a reçue du roi. Il conduit donc Iseut
77
des barons « félons » dénoncent au roi l’amour de
Tristan
et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (
78
» dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut.
Tristan
est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (scène du verger), il
79
les amants et leur tend un piège. Entre le lit de
Tristan
et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan, que Ma
80
elui de la reine, il sème de la « fleur de blé ».
Tristan
, que Marc a chargé d’une nouvelle mission, veut rejoindre une dernièr
81
ite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux et
Tristan
condamné à mort. Il s’évade (scène de la chapelle). Il délivre Iseut,
82
Marc les surprend endormis. Mais il se trouve que
Tristan
a déposé entre leurs corps son épée nue. Ému par ce qu’il prend pour
83
s épargne. Sans les réveiller, il prend l’épée de
Tristan
et dépose à sa place l’épée royale. Les trois ans écoulés, le philtr
84
ncêtre commun des cinq versions). Alors seulement
Tristan
se repent, Iseut se met à regretter la cour… Ils vont trouver l’ermit
85
nt trouver l’ermite Ogrin, par l’entremise duquel
Tristan
offre au roi de lui rendre sa femme. Marc promet son pardon. Les aman
86
l’approche du cortège royal. Iseut supplie encore
Tristan
de demeurer dans le pays jusqu’à ce qu’il soit certain que Marc la tr
87
’aider à descendre de sa barque. Le manant, c’est
Tristan
déguisé… Mais de nouvelles aventures entraînent au loin le chevalier
88
eut, l’Iseut « aux blanches mains ». Et en effet,
Tristan
la laissera vierge, car il regrette « Iseut la bloie ». Enfin, blessé
89
ort, et de nouveau empoisonné par cette blessure,
Tristan
fait appeler la reine de Cornouailles, la seule qui puisse encore le
90
mentée par la jalousie, elle s’en vient au lit de
Tristan
et lui annonce que la voile est noire. Tristan meurt. Iseut la blonde
91
de Tristan et lui annonce que la voile est noire.
Tristan
meurt. Iseut la blonde débarque à cet instant, monte au château, embr
92
u voir qu’ils se réduisent à fort peu de choses :
Tristan
conduit Iseut au roi parce qu’il est lié par la fidélité du chevalier
93
s la forêt, parce que le philtre cesse d’agir ; —
Tristan
épouse Iseut aux blanches mains « pour son nom et pour sa beauté ». M
94
rs récents de la légende : tout au long du Roman,
Tristan
paraît physiquement supérieur à tous ses adversaires et, particulière
95
e : c’est l’enjeu habituel des tournois. Pourquoi
Tristan
n’use-t-il pas de ce droit ? Mise en éveil par cette première questio
96
ions, qui donne la raison de cet acte8. Pourquoi
Tristan
rend-il la reine à Marc, et cela, même dans les versions où le philtr
97
nt même où ils acceptent de se quitter ? Pourquoi
Tristan
s’éloigne-t-il ensuite pour courir de nouvelles aventures, alors qu’i
98
ment étant acquis, la reine passe pour innocente.
Tristan
l’est donc aussi, et l’on ne voit plus du tout ce qui s’opposerait à
99
nous présenter tel qu’un modèle de chevalerie ce
Tristan
qui a trompé son roi par les ruses les plus cyniques ; ou telle qu’un
100
ins ni menti ni trompé, et ce n’est pas le cas de
Tristan
… Enfin l’on en vient à douter de la valeur même des rares motifs allé
101
la morale de la fidélité au suzerain voulait que
Tristan
livre à Marc la fiancée qu’il alla quérir10, on ne peut s’empêcher de
102
upules sont bien tardifs et peu sincères, puisque
Tristan
n’a de cesse qu’il ne rentre à la cour, auprès d’Iseut… Et ce philtre
103
n’est guère pour le bonheur d’un couple. Et quand
Tristan
épouse l’autre Iseut « pour son nom et pour sa beauté » mais cependan
104
re Mariage Un moderne commentateur du Roman de
Tristan
et Iseut veut y voir un « conflit cornélien entre l’amour et le devoi
105
remière solution. Si l’on admet que l’aventure de
Tristan
devait servir à illustrer le conflit de la chevalerie et de la sociét
106
: il est « félon » s’il ne le fait pas. Or, dans
Tristan
, les barons dénoncent Iseut au roi Marc : ils devraient donc passer p
107
chez la comtesse de Champagne. (Appendice 3.) Si
Tristan
, et l’auteur du Roman, partagent une telle manière de voir, la féloni
108
la retraite dans le Morois, ou même du mariage de
Tristan
. En effet, le « droit de la passion » au sens où l’entendent les mode
109
u sens où l’entendent les modernes, permettrait à
Tristan
d’enlever Iseut, après qu’ils ont bu le philtre. Cependant il la livr
110
aboutisse à l’« entière possession de sa dame ».
Tristan
choisira donc, dans ce cas, d’observer la fidélité féodale, masque et
111
obstacles extérieurs qui s’opposent à l’amour de
Tristan
sont dans un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne sont, à to
112
cle, ils en inventent : l’épée nue, le mariage de
Tristan
. Ils en inventent comme à plaisir, — bien qu’ils en souffrent. Serait
113
. Il faut avoir l’audace de poser la question :
Tristan
aime-t-il Iseut ? Est-il aimé par elle ? (Seules les questions « stup
114
s rapports de politesse conventionnelle. Et quand
Tristan
revient en quête d’Iseut, on se souvient que cette politesse fait pla
115
ivent dans la forêt de Morois, après l’évasion de
Tristan
. Aspre vie meinent et dure : Tant s’entr’aiment de bone amor L’un pa
116
me pus de lié partir, N’ele de moi… Ainsi parle
Tristan
. Et Iseut après lui : Sire, por Dieu omnipotent, Il ne m’aime pas, n
117
ain de la saint Jehan Aconpli furent li troi an.
Tristan
chassait dans la forêt. Soudain, il se souvient du monde. Il revoit l
118
… ». La décision de se séparer est bientôt prise.
Tristan
propose de « gerpir » en Bretagne. Auparavant, ils iront voir Ogrin l
119
avez mené ceste vie. Ainsi les admoneste Ogrin.
Tristan
li dist : or escoutez Si longuement l’avons menée Itel fu nostre dest
120
« patois du cœur ? ») Un dernier trait : lorsque
Tristan
reçoit la réponse favorable du roi acceptant de reprendre Iseut : De
121
du roi acceptant de reprendre Iseut : Dex ! dist
Tristan
, quel departie ! Mot est dolenz qui pert s’amie… C’est sur sa propre
122
he… Une seule réponse demeure ici digne du mythe.
Tristan
et Iseut ne s’aiment pas, ils l’ont dit et tout le confirme. Ce qu’il
123
l’instant de l’obstacle absolu, qui est la mort.
Tristan
aime se sentir aimer, bien plus qu’il n’aime Iseut la Blonde. Et Iseu
124
eut la Blonde. Et Iseut ne fait rien pour retenir
Tristan
près d’elle : il lui suffit d’un rêve passionné. Ils ont besoin l’un
125
irée ! « Mot est dolenz qui pert s’amie » soupire
Tristan
. Pourtant il sent déjà, au fond de la nuit qui vient, poindre la flam
126
nces extérieures adverses, entraves inventées par
Tristan
. Tristan ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. E
127
rieures adverses, entraves inventées par Tristan.
Tristan
ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. Et il n’es
128
rc, méfiance des barons, jugement de Dieu, etc.),
Tristan
bondit par-dessus l’obstacle (le saut d’un lit à l’autre en est le sy
129
menace tout extérieure, la prouesse par laquelle
Tristan
le surmonte est une affirmation de la vie. En tout cela ; Tristan n’o
130
nte est une affirmation de la vie. En tout cela ;
Tristan
n’obéit qu’à la coutume féodale des chevaliers : il s’agit de faire p
131
rse qui se produit alors : l’épée nue déposée par
Tristan
entre leurs corps demeurés vêtus, c’est encore occasion de prouesse,
132
e son pouvoir social, l’obstacle légal, objectif.
Tristan
relève ce défi : d’où le rebondissement de l’action. Et ici le mot pr
133
le Roi, et celui d’Iseut aux blanches mains avec
Tristan
. Le premier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il est symbolisé
134
sme en trouvera de plus fins.) Il faut voir comme
Tristan
le bouscule, et comme il s’en joue à plaisir ! Sans le mari, je ne do
135
i, je ne donne pas plus de trois ans à l’amour de
Tristan
et Iseut. Et en effet, la grande sagesse du vieux Béroul, c’est d’avo
136
x amants qu’à se marier. Or on ne conçoit pas que
Tristan
puisse jamais épouser Iseut. Elle est le type de la femme qu’on n’épo
137
des, l’on dirait même : plus intérieures. Lorsque
Tristan
soupire à voix basse après l’Iseut perdue, le frère d’Iseut aux blanc
138
ux femmes — est la seule « raison » du mariage de
Tristan
. L’on voit qu’il lui serait aisé de s’expliquer. Mais une fois de plu
139
ndra, et au seul titre de prétexte, pour empêcher
Tristan
de se dédire. C’est que l’amant pressent, dans cette nouvelle épreuve
140
t volontaire au terme d’une série d’épreuves dont
Tristan
sorte purifié ; vers une mort qui soit une transfiguration, et non pa
141
rait pas de mythe, il n’y aurait pas de roman, si
Tristan
et Iseut pouvaient dire quelle est la fin qu’ils se préparent de tout
142
amme d’amour » éclose aux « déserts » de la Nuit.
Tristan
, lui, ne peut rien avouer. Il veut comme s’il ne voulait pas. Il s’en
143
pas communicables au Jour15. Elles le méprisent.
Tristan
s’est fait prisonnier d’un délire auprès duquel pâlissent toute sages
144
procède. Levez-vous, orages sonores de la mort de
Tristan
et d’Isolde ! Vieille et grave mélodie, dit le héros, tes sons lamen
145
s d’aujourd’hui. Le succès prodigieux du Roman de
Tristan
révèle en nous, que nous le voulions ou non, une préférence intime po
146
à travers la douleur, c’est le secret du mythe de
Tristan
, l’amour-passion à la fois partagé et combattu, anxieux d’un bonheur
147
ormule du mythe. Amour réciproque, en ce sens que
Tristan
et Iseut « s’entr’aiment », ou du moins, qu’ils en sont persuadés. Et
148
xiie siècle : Béroul, Thomas, Eilhart, la Folie
Tristan
et le Roman en prose. Les versions ultérieures de Gottfried de Strasb
149
roi, pénétrant dans la retraite des amants « vit
Tristan
couché, et de l’autre côté de la grotte, Isolt. Les amants s’étaient
150
13. Rappelons ici ces étapes : Premier séjour de
Tristan
en Irlande. Ils se séparent sans s’aimer. — Second séjour : elle veut
151
tion et philtre, péché consommé ; Iseut livrée. —
Tristan
banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. — Tristan revient à la co
152
tan banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. —
Tristan
revient à la cour. Le « flagrant délit ». Ils sont séparés. — Ils se
153
séparent. — Rendez-vous chez Orri le forestier ;
Tristan
s’éloigne. — Tristan revient déguisé en fou ; s’éloigne. — Longue sép
154
ous chez Orri le forestier ; Tristan s’éloigne. —
Tristan
revient déguisé en fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de T
155
fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de
Tristan
. — Iseut s’approche et Tristan meurt. Puis mort d’Iseut. Résumons enc
156
ration, mariage de Tristan. — Iseut s’approche et
Tristan
meurt. Puis mort d’Iseut. Résumons encore : une seule longue période
157
nd la longue période de séparation (le mariage de
Tristan
). Auparavant : le Philtre ; à la fin : la double Mort ; entre-temps,
158
rame de Wagner, quand le roi surprend les amants,
Tristan
répond à ses questions douloureuses : « Ce mystère, je ne puis te le
159
s lois du corps n’explique nullement l’amour d’un
Tristan
, par exemple. Elle rend d’autant plus évidente l’intervention d’un fa
160
ntiquité n’a rien connu de semblable à l’amour de
Tristan
et d’Iseut. On sait assez que pour les Grecs et les Romains, l’amour
161
écis avec ce que l’on a dit plus haut du mythe de
Tristan
, qui voile et exprime à la fois le désir de mort. D’autre part, les d
162
récitatif du psaume ». Et l’on songe au secret de
Tristan
, qu’il ne peut « dire » mais seulement chanter… ⁂ Toute conception du
163
lancer le trille dont Wagner, au deuxième acte de
Tristan
, fera le cri sublime de Brengaine : « Habet acht ! Habet acht ! Schon
164
ous savons par ailleurs que l’anneau (échangé par
Tristan
et Iseut) est le signe d’une fidélité qui justement n’est pas celle d
165
ons le « narcissisme de la passion » (à propos de
Tristan
, chap. vii du Livre Ier). c) Le Familier des Amants est construit sur
166
nous découvrons dans le roman breton — Lancelot,
Tristan
et tout le cycle arthurien — une transposition romanesque des règles
167
ge fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de
Tristan
dont les manuscrits sont perdus. Béroul était Normand, Thomas était A
168
Thomas était Anglais. Et en retour, la légende de
Tristan
se répandit très largement dans le Midi. Cette interaction si rapide
169
stique. Le point de départ de Lancelot — comme de
Tristan
— c’est le péché contre l’amour courtois, la possession physique d’un
170
e. 11.Des mythes celtiques au roman breton
Tristan
nous apparaît comme le plus purement courtois des romans bretons, en
171
puissante et simple du récit. Mais en même temps,
Tristan
est le plus « breton » des romans courtois, en ce sens qu’on y trouve
172
vidente de la première navigation à l’aventure de
Tristan
malade, en quête du baume magique. D’autre part, plusieurs récits de
173
rototypes assez exacts des situations du Roman de
Tristan
. Par exemple, dans l’idylle tragique de Diarmaid et Grainne, les deux
174
es rapprochements plus précis. On se rappelle que
Tristan
, après la mort de ses parents, fut élevé à la cour du roi Marc son on
175
de la famille maternelle, soit… les druides.83 »
Tristan
élevé par Marc, son oncle maternel, devient ainsi, en vertu du foster
176
ueront pas de voir dans la liaison malheureuse de
Tristan
et d’Iseut le résultat d’un complexe œdipien : à quoi s’oppose toutef
177
accompagné de surenchère, subsiste également dans
Tristan
et les romans de la Table ronde. On y voit un grand nombre d’aventure
178
de se marier : le combat contre le Morholt, dans
Tristan
, illustre exactement cette coutume, sans faire d’ailleurs la moindre
179
Paris remarquait avec profondeur que le roman de
Tristan
et d’Iseut rend un son particulier, qui ne se retrouve guère dans la
180
t par l’origine celtique de ces poèmes. C’est par
Tristan
et par Arthur que le plus clair et le plus précieux du génie celtique
181
avoriser la confusion moderne entre la passion de
Tristan
et la pure sensualité. Quelques citations de Thomas, le plus conscien
182
ne ascèse, le « mal aimé » des troubadours. Voici
Tristan
livré au plus cruel conflit, lorsqu’au soir de ses noces avec Iseut a
183
s, il ne peut se résoudre à posséder sa femme : «
Tristan
désire Iseut aux blanches mains pour son nom et pour sa beauté, car,
184
uel qu’eût été ce nom sans sa beauté, le désir de
Tristan
ne s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et d
185
, le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ainsi
Tristan
veut se venger de sa douleur et de ses peines, et contre son mal, il
186
péra ses transmutations. Ainsi naquit le mythe de
Tristan
. Loin de moi la tentation d’analyser le processus de cette métamorpho
187
ans le mythe. Nous avons donc rejoint le Roman de
Tristan
et situé sa nécessité à telle date, à l’intersection de telles tradit
188
z garde ! Voici que la nuit cède au jour ! » Mais
Tristan
répond, lui aussi : « Qu’éternellement la nuit nous enveloppe ! » 51
189
fluences cathares dans tous ces romans. 79. Dans
Tristan
, la faute initiale est douloureusement rachetée par une longue pénite
190
thares) y est remplacé par le Venusberg ! 85. Le
Tristan
et Iseut de Thomas, traduction française par J. Herbomez et R. Beauri
191
compte : à la sexualité. Or l’examen du Roman de
Tristan
et de ses sources historiques nous a conduit à renverser le rapport.
192
ogiques, on ne comprendrait plus rien au mythe de
Tristan
. La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’une faim de cher
193
e mystique Nous avons constaté que le Roman de
Tristan
est, à bien des égards, une première « profanation » de la mystique c
194
onsidère surtout le principe interne de l’action,
Tristan
évoque par la plupart de ses situations romanesques la progression d’
195
d’un vulgaire roman d’adultère : l’infidélité de
Tristan
, c’est l’hérésie, c’est la vertu mystique des « purs », c’est une ver
196
où nous pourrions induire un lecteur non prévenu.
Tristan
blessé s’embarque sur une nacelle sans gouvernail ni voile, muni seul
197
ns pittoresques. Presque tous publient le secret…
Tristan
, lui, a trouvé l’amour. Mais tout d’abord, il n’a pas su le reconnaît
198
cesse lointaine qu’il réserve à son seul plaisir,
Tristan
ignore que l’aventure pourrait aussi le concerner. Survient l’erreur
199
t, ce premier et décisif appel devrait introduire
Tristan
dans la voie des macérations et le conduire à l’endura. Mais emporté
200
nous », gémit Iseut (dans le Roman en prose). Et
Tristan
de répondre : « Si le monde entier était orendroit avec nous, je ne v
201
plus dures de l’état de purification ». (Ibid.)
Tristan
n’est qu’une impure et parfois équivoque traduction de la mystique co
202
loin plus la désire ? Jamais l’amour n’enflamme
Tristan
si follement que lorsqu’il est séparé de sa « dame ». La psychologie
203
utre chose, le symbole de l’Amour lumineux. Quand
Tristan
erre au loin, il l’aime davantage, et plus il aime, plus il endure de
204
a situation mystique (par l’autre extrême) : plus
Tristan
aime, et plus il se veut séparé, c’est-à-dire rejeté par l’amour. Au
205
ment. C’est quand, le philtre ayant cessé d’agir,
Tristan
et Iseut vont trouver l’ermite Ogrin dans sa cellule. Rencontre de ce
206
our obéir sans tourments. Je ne trouve rien, dans
Tristan
, qui rappelle le « rejet des dons » dont parlent Eckhart et saint Jea
207
la prouesse qui est le moteur des hauts faits de
Tristan
. Comme tous les passionnés, il aime avec témérité la sensation de pui
208
bjet vivant et extérieur. Ainsi nous avons vu que
Tristan
aime Iseut non point dans sa réalité, mais en tant qu’elle éveille en
209
e, que Béroul et Thomas ont composé la légende de
Tristan
. La croisade des albigeois a saccagé la civilisation courtoise du Lan
210
comme de sa « bien-aimée ennemie », et gémit, tel
Tristan
se séparant d’Iseut lorsqu’il la rend à son époux : Ô dure départie
211
its de Chrétien de Troyes. On traduit le roman de
Tristan
dans toutes les langues d’Occident. L’Anglais Thomas Malory, à la fin
212
te prose narrative, et Brunetto Latini extrait de
Tristan
(dans sa Rhétorique) le portrait de la femme idéale. De là, jusqu’au
213
volonté de mort, si secrète et métaphysique dans
Tristan
: c’est simplement le point d’honneur, manie sociale. C’est l’héroïne
214
mort libératrice. Mais la dialectique sauvage de
Tristan
n’est plus ici que coquetterie, et le combat du Jour et de la Nuit se
215
dèle amant et de la plus fidèle amante. (Thème de
Tristan
: c’est le rachat de la fatalité du philtre.) Céladon s’avance, mais
216
ants au terme des trois ans passés dans la forêt.
Tristan
avait le recours de rendre Iseut à son mari. Alidor est contraint d’i
217
montre si sensible — l’opinion est toujours avec
Tristan
contre le roi Marc, avec le séducteur contre le mari trompé ; elle n’
218
t de l’amante, renversant toute la dialectique de
Tristan
et de Roméo : Et la mort à mes yeux dérobant la clarté Rend au jour
219
he devait faire apparaître l’antithèse absolue de
Tristan
. Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xviiie , du
220
Don Juan du théâtre141 comme le reflet inversé de
Tristan
. Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des personnages, d
221
rd il vient de suspendre sa course. Au contraire,
Tristan
vient en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hyp
222
possédé à l’infini se concentre le monde entier.
Tristan
n’a plus besoin du monde, — parce qu’il aime ! Tandis que Don Juan, t
223
oin qu’elle existe pour trouver goût à la violer.
Tristan
, lui, se voit libéré du jeu des règles, des péchés et des vertus, par
224
n de plus en plus décevante et méprisable — quand
Tristan
est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un
225
tés qui eussent déshonoré un véritable chevalier.
Tristan
, mélancolique et courageux, n’abdique au contraire son orgueil qu’à l
226
distingue dans la contradiction de Don Juan et de
Tristan
, dans la tension insupportable de l’esprit qui vit cette contradictio
227
er n’est pas une renaissance du mythe primitif de
Tristan
. Il n’a pas la violence sauvage de la légende, et encore moins son ar
228
mitié tempèrent les emportements de l’amour… » Le
Tristan
qui se réveille en lui après la « faute » de la possession, se passer
229
os de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégèse de
Tristan
, notre dialectique de l’obstacle. Il y a pourtant cette différence ca
230
e l’indicible, elle a forcé le dernier mystère de
Tristan
. Mon propos n’est point de recenser les innombrables manifestations d
231
ni se posséder ni être possédé. Nous savions que
Tristan
n’aimait pas Iseut pour elle-même, mais seulement pour l’amour de l’A
232
ent, et qui surtout ne fut pas réellement aimé. »
Tristan
aimait, Don Juan était aimé ; mais celui qui n’a du premier que la no
233
volupté d’amour ! L’homme qui a écrit cela (dans
Tristan
et Isolde) savait que la passion est quelque chose de plus que l’erre
234
ux passions qui tendent à sa perte). En composant
Tristan
, Wagner a violé le tabou : il a tout dit, tout avoué par les paroles
235
venger l’affront subi. Le philtre qu’elle offre à
Tristan
est destiné à le faire mourir : mais d’une mort que l’Amour condamne,
236
breuvage d’initiation. Ainsi l’étreinte unique de
Tristan
et d’Isolde, aussitôt qu’ils ont bu, c’est le baiser unique du sacrem
237
semble et pourtant ils sont deux. Il y a ce et de
Tristan
« et » Isolde qui signifie leur dualité créée. À ce moment la musique
238
fois revient le jour : le traître Mélot156 blesse
Tristan
. Mais la passion a désormais vaincu, elle vole au jour son apparente
239
que chantera Isolde agonisante sur le cadavre de
Tristan
, dans l’extase de la « joie la plus haute ». Initiation, passion, acc
240
a. Ainsi, ce n’est point un hasard si le mythe de
Tristan
et celui de Don Juan n’ont pu recevoir leur expression achevée que da
241
est la mère et la fille Toutefois, dans le cas de
Tristan
, l’élément plastique inhérent à toute mise en scène théâtrale se trou
242
solument contradictoire avec celui qui faisait de
Tristan
la glorification du désir sensuel — c’est le rappel de l’influence de
243
i dégradée et dégradante, par rapport au mythe de
Tristan
, que le serait par exemple l’alcoolisme par rapport à l’ivresse divin
244
guerre, c’est simplement l’adaptation du mythe de
Tristan
à la mesure d’une société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ; T
245
société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ;
Tristan
, le jeune premier, ou gigolo ; Iseut, l’épouse insatisfaite, oisive e
246
ce qu’avaient voulu contenir le mythe originel de
Tristan
, puis ses substituts littéraires. Le xixe siècle bourgeois vit se ré
247
oici ceux qui remplissent de rêverie les livres —
Tristan
et Lancelot et les autres errants — auxquels il faut que le vulgaire
248
laisse échapper le grand cri du romantisme et de
Tristan
: « Amoris impulsio culpae justificatio. » 146. Est-ce la faute à R
249
egel commença en 1808 une rédaction modernisée de
Tristan
. Puis Rückert, Immermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent des Tri
250
mmermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent des
Tristan
(poèmes et drames). Le poème de Platen débute ainsi : « Celui dont le
251
s, et non pas cette interminable gesticulation de
Tristan
essoufflé sur sa couche, d’Isolde entravée par ses voiles… 159. Gwyo
252
un équivalent sportif de la fonction mythique du
Tristan
telle que nous la définissions : exprimer la passion dans toute sa fo
253
opre à restituer l’atmosphère de rêve du Roman de
Tristan
que les descriptions de tournois qu’on peut lire dans les œuvres de C
254
lier au cygne, ou porte les armes de Lancelot, de
Tristan
ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie est répandu
255
lques touches pour l’indiquer. Don Juan succède à
Tristan
, la volupté perverse à la passion mortelle. Et la guerre en même temp
256
ien plus que relation avec l’aimée. Ce que désire
Tristan
, c’est la brûlure d’amour plus que la possession d’Iseut. Car la brûl
257
167. Qu’on se reporte à notre analyse du mythe de
Tristan
: on y trouvera quelques illustrations typiques de ce passage (barons
258
s provençaux et des romans bretons, l’adultère de
Tristan
reste une faute185, mais il se trouve revêtir en même temps l’aspect
259
sabée commet un crime et se rend méprisable. Mais
Tristan
, s’il enlève Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui était
260
la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce
Tristan
qu’il porte en soi comme son génie caché ! Et plus rien ne compte en
261
oi l’on aime souffrir, et faire souffrir. Lorsque
Tristan
emmène Iseut dans la forêt, où plus rien ne s’oppose à leur union, le
262
zon mystique s’est refermé depuis longtemps. Pour
Tristan
, Iseut n’était rien que le symbole du Désir lumineux : son au-delà, c
263
s rythmes du désir charnel ; mais tandis que pour
Tristan
l’infini, c’est l’éternité sans retour où s’évanouit la conscience do
264
ue en infidélité. Qui ne sent la dégradation d’un
Tristan
qui a plusieurs Iseut ? Or ce n’est pas lui qu’il convient d’accuser,
265
n de l’âme dressée contre le monde. Mais alors le
Tristan
moderne glisse vers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux amo
266
. Aimer d’amour-passion signifiait « vivre » pour
Tristan
, car la vraie vie qu’il appelait, c’était la mort transfigurante. Mai
267
t de nos contemporains sont en proie au délire de
Tristan
. Bien peu ont assez soif pour boire le philtre, et j’en vois moins en
268
t munie d’une dot adéquate — dont je veux être le
Tristan
. » Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui dure sur l
269
s mots… ⁂ Cependant, tout n’est pas encore clair.
Tristan
lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour n
270
toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de
Tristan
. C’est un narcissisme mystique, mais qui s’ignore, naturellement, et
271
analyse des légendes courtoises nous a révélé que
Tristan
n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort,
272
e la seule délivrance du moi coupable et asservi.
Tristan
n’est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau pr
273
me voue sa fidélité. Et tandis que la fidélité de
Tristan
était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la créatio
274
lus de la vie pour la mort (c’était la passion de
Tristan
). L’amour fidèle de Tristan détruisait son bonheur et sa vie pour tém
275
c’était la passion de Tristan). L’amour fidèle de
Tristan
détruisait son bonheur et sa vie pour témoigner en faveur de la Nuit,
276
le ruine notre bonheur, est salutaire. L’amour de
Tristan
et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et son aboutissement supr
277
destins singuliers : « Non plus d’Isolde, plus de
Tristan
, plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’être
278
la « fatalité » de la passion est accréditée par
Tristan
. Excuse et alibi qui ne peuvent tromper que celui qui veut être tromp
279
juin 1938. 196. Je m’en tiens au cas-limite de
Tristan
. Il y a des cas de passion dans le mariage chrétien ; et des états de
280
réfute les croyances courantes, nées du mythe de
Tristan
et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tout à fait
281
i que mon analyse se borne à la légende écrite de
Tristan
. C’est d’elle seule que je parle quand je parle du mythe « primitif »
282
nier ont cru pouvoir attribuer aux personnages de
Tristan
et d’Iseut (ou Essylt) dans la mythologie celtique. Dès le viie sièc
283
dans la mythologie celtique. Dès le viie siècle,
Tristan
aurait été un demi-dieu, le héraut symbolique des mystères, le « gard
284
e.) On a voulu voir également dans la rivalité de
Tristan
et de Marc le symbole de la lutte entre les Bretons armoricains et le
285
, l’auteur du Roman en prose et celui de la Folie
Tristan
n’étaient pas initiés à cette tradition. Ils ignoraient le sens primi
286
e. Les faits que nous décrit l’auteur de la Folie
Tristan
étaient sans doute à l’origine tout autre chose qu’une suite d’extrav
287
és. La maison de verre par exemple, dans laquelle
Tristan
fou veut emmener Iseut, était dans la mythologie druidique le vaissea
288
jusqu’au cercle céleste du Gwynfyd. Dans la Folie
Tristan
, la maison de verre n’est plus qu’une image émouvante née de la fanta
289
de l’amoureux. De même, chez Thomas, le départ de
Tristan
pour la Bretagne n’a plus aucun sens « historique » défini ; etc. C’e
290
rt analogue — dans sa forme — à celle du Roman de
Tristan
. Or il est évident que cette situation ne peut être qu’une invention
291
ui est cléricale et féodale). Cette analogie avec
Tristan
nous donne un repère pour apprécier la transformation que les Béroul
292
ataille par les plaines herbues… L’analogie avec
Tristan
est très frappante. Il s’agit dans les deux cas : D’un vassal puissan
293
ifférences ne sont pas moins significatives. Dans
Tristan
, c’est la jalousie d’Iseut aux blanches mains qui provoque la catastr
294
diction VII. 2. À rapprocher du mariage blanc de
Tristan
: Jugement de la reine Éléonore : Demande. Un amant heureux avait d
295
rs et à la foi promise. Or on n’a pas oublié que
Tristan
épouse la seconde Iseut alors qu’il croit que la première le néglige.
296
usement notre conception des amours d’Iseut et de
Tristan
, nous ne pouvons avoir de doutes sur la nature des sentiments dont Th
297
usement notre conception des amours d’Iseut et de
Tristan
»… 6. – Dante hérétique Tout à fait indépendamment des travaux
298
Rivalen pour Blanchefleur (ce sont les parents de
Tristan
) accumule les expressions religieuses les plus insistantes : Alors l
299
Livre premierLe mythe de
Tristan
1.Triomphe du roman, et ce qu’il cache « Seigneurs, vous plaît
300
grand mythe européen de l’adultère : le Roman de
Tristan
et Iseut. Au travers du désordre extrême de nos mœurs, dans la confus
301
d’abord, dira-t-on, est-il exact que le roman de
Tristan
soit un mythe ? Et dans ce cas, n’est-ce pas détruire son charme que
302
la rend inefficace. Or je me propose d’envisager
Tristan
non point comme œuvre littéraire, mais comme type des relations de l’
303
sur nos rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de
Tristan
sont de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord le fait que l’auteur
304
trace2. Un autre aspect mythique de la légende de
Tristan
, c’est l’élément sacré qu’elle utilise3. Le progrès de l’action, et l
305
ant le secret qu’il exprime, le Roman mythique de
Tristan
posséderait-il au même degré les qualités contraignantes d’un vrai my
306
ontenu » prend ici toute sa force : la passion de
Tristan
et d’Iseut est littéralement « contenue » par les règles de la cheval
307
appelait une réaction vive. Le succès du Roman de
Tristan
fut donc d’ordonner la passion dans un cadre où elle pût s’exprimer e
308
ions et des réactions qu’il provoque. Le mythe de
Tristan
et Iseut, ce ne sera plus seulement le Roman, mais le phénomène qu’il
309
ce du lecteur à envisager mon projet. Le Roman de
Tristan
nous est « sacré » dans la mesure exacte où l’on estimera que je comm
310
it à voir l’un des commentateurs de la légende de
Tristan
la définir « une épopée de l’adultère ». La formule est sans doute ex
311
de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de
Tristan
, c’est qu’il permet de dégager une raison simple de notre confusion p
312
an7 Amors par force vos demeine ! (Béroul.)
Tristan
naît dans le malheur. Son père vient de mourir, et sa mère Blanchefle
313
Première prouesse ou performance : la victoire de
Tristan
sur le Morholt. Ce géant irlandais vient, comme le Minotaure, exiger
314
jeunes filles ou de jeunes gens de Cornouailles.
Tristan
obtient la permission de le combattre, au moment où il pourrait être
315
e empoisonnée. Sans espoir de survivre à son mal,
Tristan
s’embarque à l’aventure dans un bateau sans voile ni rames, emportant
316
éant Morholt était le frère de cette reine, aussi
Tristan
se garde-t-il d’avouer son nom et l’origine de son mal. Iseut, prince
317
dont un oiseau lui apporta un cheveu d’or. C’est
Tristan
qu’il envoie à la « quête » de l’inconnue. Une tempête rejette le hér
318
rée par un jeune paladin.) Blessé par le monstre,
Tristan
est soigné de nouveau par Iseut. Un jour, cette princesse découvre qu
319
le meurtrier de son oncle. Elle saisit l’épée de
Tristan
et menace de le tuer dans son bain. Alors, il lui révèle la mission d
320
le admire la beauté du jeune homme, à ce moment.)
Tristan
et la princesse voguent vers les terres de Marc. En haute mer, le ven
321
e l’importance du philtre, et présente l’amour de
Tristan
et d’Iseut comme une affection spontanée, apparue dès la scène du bai
322
us le verrons.) La faute est donc consommée. Mais
Tristan
reste lié par la mission qu’il a reçue du roi. Il conduit donc Iseut
323
des barons « félons » dénoncent au roi l’amour de
Tristan
et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (
324
» dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut.
Tristan
est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (scène du verger), il
325
les amants et leur tend un piège. Entre le lit de
Tristan
et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan, que Ma
326
elui de la reine, il sème de la « fleur de blé ».
Tristan
, que Marc a chargé d’une nouvelle mission, veut rejoindre une dernièr
327
ite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux et
Tristan
condamné à mort. Il s’évade (scène de la chapelle). Il délivre Iseut,
328
Marc les surprend endormis. Mais il se trouve que
Tristan
a déposé entre leurs corps son épée nue. Ému par ce qu’il prend pour
329
s épargne. Sans les réveiller, il prend l’épée de
Tristan
et dépose à sa place l’épée royale. Les trois ans écoulés, le philtr
330
ncêtre commun des cinq versions). Alors seulement
Tristan
se repent, Iseut se met à regretter la cour… Ils vont trouver l’ermit
331
nt trouver l’ermite Ogrin, par l’entremise duquel
Tristan
offre au roi de lui rendre sa femme. Marc promet son pardon. Les aman
332
l’approche du cortège royal. Iseut supplie encore
Tristan
de demeurer dans le pays jusqu’à ce qu’il soit certain que Marc la tr
333
’aider à descendre de sa barque. Le manant, c’est
Tristan
déguisé… Mais de nouvelles aventures entraînent au loin le chevalier.
334
eut, l’Iseut « aux blanches mains ». Et en effet,
Tristan
la laissera vierge, car il regrette « Iseut la bloie ». Enfin, blessé
335
ort, et de nouveau empoisonné par cette blessure,
Tristan
fait appeler la reine de Cornouailles, la seule qui puisse encore le
336
mentée par la jalousie, elle s’en vient au lit de
Tristan
et lui annonce que la voile est noire. Tristan meurt. Iseut la blonde
337
de Tristan et lui annonce que la voile est noire.
Tristan
meurt. Iseut la blonde débarque à cet instant, monte au château, embr
338
u voir qu’ils se réduisent à fort peu de choses :
Tristan
conduit Iseut au roi parce qu’il est lié par la fidélité du chevalier
339
s la forêt, parce que le philtre cesse d’agir ; —
Tristan
épouse Iseut aux blanches mains « pour son nom et pour sa beauté ». M
340
rs récents de la légende : tout au long du Roman,
Tristan
paraît physiquement supérieur à tous ses adversaires et, particulière
341
e : c’est l’enjeu habituel des tournois. Pourquoi
Tristan
n’use-t-il pas de ce droit ? Mise en éveil par cette première questi
342
ons, qui donne la raison de cet acte10. Pourquoi
Tristan
rend-il la reine à Marc, et cela même dans les versions où le philtre
343
nt même où ils acceptent de se quitter ? Pourquoi
Tristan
s’éloigne-t-il ensuite pour courir de nouvelles aventures, alors qu’i
344
ment étant acquis, la reine passe pour innocente.
Tristan
l’est donc aussi, et l’on ne voit plus du tout ce qui s’opposerait à
345
nous présenter tel qu’un modèle de chevalerie ce
Tristan
qui a trompé son roi par les ruses les plus cyniques ; ou telle qu’un
346
ins ni menti ni trompé, et ce n’est pas le cas de
Tristan
… Enfin l’on en vient à douter de la valeur même des rares motifs allé
347
si la morale de la fidélité au suzerain exige que
Tristan
livre à Marc la fiancée qu’il alla quérir12, on ne peut s’empêcher de
348
upules sont bien tardifs et peu sincères, puisque
Tristan
n’a de cesse qu’il ne rentre à la cour, auprès d’Iseut… Et ce philtre
349
n’est guère pour le bonheur d’un couple. Et quand
Tristan
épouse l’autre Iseut « pour son nom et pour sa beauté » mais cependan
350
re Mariage Un moderne commentateur du Roman de
Tristan
et Iseut veut y voir un « conflit cornélien entre l’amour et le devoi
351
remière solution. Si l’on admet que l’aventure de
Tristan
devait servir à illustrer le conflit de la chevalerie et de la sociét
352
: il est « félon » s’il ne le fait pas. Or, dans
Tristan
, les barons dénoncent Iseut au roi Marc : ils devraient donc passer p
353
chez la comtesse de Champagne. (Appendice 3.) Si
Tristan
, et l’auteur du Roman, partagent une telle manière de voir, la féloni
354
raite dans le Morois, ou même du mariage blanc de
Tristan
. En effet, le « droit de la passion » au sens où l’entendent les mode
355
u sens où l’entendent les modernes, permettrait à
Tristan
d’enlever Iseut, après qu’ils ont bu le philtre. Cependant il la livr
356
aboutisse à l’« entière possession de sa dame ».
Tristan
choisira donc, dans ce cas, d’observer la fidélité féodale, masque et
357
obstacles extérieurs qui s’opposent à l’amour de
Tristan
sont dans un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne sont, à to
358
cle, ils en inventent : l’épée nue, le mariage de
Tristan
. Ils en inventent comme à plaisir, — bien qu’ils en souffrent. Serait
359
. Il faut avoir l’audace de poser la question :
Tristan
aime-t-il Iseut ? Est-il aimé par elle ? (Seules les questions « stup
360
s rapports de politesse conventionnelle. Et quand
Tristan
revient en quête d’Iseut, on se souvient que cette politesse fait pla
361
ivent dans la forêt de Morois, après l’évasion de
Tristan
. Aspre vie meinent et dure : Tant s’entr’aiment de bonne amor L’un p
362
me pus de lié partir, N’ele de moi… Ainsi parle
Tristan
. Et Iseut après lui : Sire, por Dieu omnipotent, Il ne m’aime pas, n
363
ain de la saint Jehan Aconpli furent li troi an.
Tristan
chassait dans la forêt. Soudain, il se souvient du monde. Il revoit l
364
… ». La décision de se séparer est bientôt prise.
Tristan
propose de « gerpir » en Bretagne. Auparavant, ils iront voir Ogrin l
365
avez mené ceste vie. Ainsi les admoneste Ogrin.
Tristan
li dist : or escoutez Si longuement l’avons menée Itel fu nostre dest
366
« patois du cœur ? ») Un dernier trait : lorsque
Tristan
reçoit la réponse favorable du roi acceptant de reprendre Iseut : De
367
du roi acceptant de reprendre Iseut : Dex ! dist
Tristan
, quel departie ! Mot est dolenz qui pert s’amie… C’est sur sa propre
368
he… Une seule réponse demeure ici digne du mythe.
Tristan
et Iseut ne s’aiment pas, ils l’ont dit et tout le confirme. Ce qu’il
369
l’instant de l’obstacle absolu, qui est la mort.
Tristan
aime se sentir aimer, bien plus qu’il n’aime Iseut la Blonde. Et Iseu
370
eut la Blonde. Et Iseut ne fait rien pour retenir
Tristan
près d’elle : il lui suffit d’un rêve passionné. Ils ont besoin l’un
371
irée ! « Mot est dolenz qui pert s’amie » soupire
Tristan
. Pourtant il sent déjà, au fond de la nuit qui vient, poindre la flam
372
nces extérieures adverses, entraves inventées par
Tristan
. Tristan ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. E
373
rieures adverses, entraves inventées par Tristan.
Tristan
ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. Et il n’es
374
rc, méfiance des barons, jugement de Dieu, etc.),
Tristan
bondit par-dessus l’obstacle (le saut d’un lit à l’autre en est le sy
375
menace tout extérieure, la prouesse par laquelle
Tristan
le surmonte est une affirmation de la vie. En tout cela, Tristan n’ob
376
onte est une affirmation de la vie. En tout cela,
Tristan
n’obéit qu’à la coutume féodale des chevaliers : il s’agit de faire p
377
rse qui se produit alors : l’épée nue déposée par
Tristan
entre leurs corps demeurés vêtus, c’est encore occasion de prouesse,
378
e son pouvoir social, l’obstacle légal, objectif.
Tristan
relève ce défi : d’où le rebondissement de l’action. Et ici le mot pr
379
le Roi, et celui d’Iseut aux blanches mains avec
Tristan
. Le premier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il est symbolisé
380
sme en trouvera de plus fins.) Il faut voir comme
Tristan
le bouscule, et comme il s’en joue à plaisir ! Sans le mari, je ne do
381
i, je ne donne pas plus de trois ans à l’amour de
Tristan
et Iseut. Et en effet, la grande sagesse du vieux Béroul, c’est d’avo
382
x amants qu’à se marier. Or on ne conçoit pas que
Tristan
puisse jamais épouser Iseut. Elle est le type de femme qu’on n’épouse
383
des, l’on dirait même : plus intérieures. Lorsque
Tristan
soupire à voix basse après l’Iseut perdue, le frère d’Iseut aux blanc
384
ux femmes — est la seule « raison » du mariage de
Tristan
. L’on voit qu’il lui serait aisé de s’expliquer. Mais une fois de plu
385
ndra, et au seul titre de prétexte, pour empêcher
Tristan
de se dédire. C’est que l’amant pressent, dans cette nouvelle épreuve
386
t volontaire au terme d’une série d’épreuves dont
Tristan
sortira purifié ; vers une mort qui soit une transfiguration, et non
387
rait pas de mythe, il n’y aurait pas de roman, si
Tristan
et Iseut pouvaient dire quelle est la fin qu’ils se préparent de tout
388
amme d’amour » éclose aux « déserts » de la Nuit.
Tristan
, lui, ne peut rien avouer. Il veut comme s’il ne voulait pas. Il s’en
389
pas communicables au Jour17. Elles le méprisent.
Tristan
s’est fait prisonnier d’un délire auprès duquel pâlissent toute sages
390
procède. Levez-vous, orages sonores de la mort de
Tristan
et d’Isolde ! Vieille et grave mélodie, dit le héros, tes sons lament
391
s d’aujourd’hui. Le succès prodigieux du Roman de
Tristan
révèle en nous, que nous le voulions ou non, une préférence intime po
392
à travers la douleur, c’est le secret du mythe de
Tristan
, l’amour-passion à la fois partagé et combattu, anxieux d’un bonheur
393
ormule du mythe. Amour réciproque, en ce sens que
Tristan
et Iseut « s’entr’aiment », ou du moins, qu’ils en sont persuadés. Et
394
xiie siècle : Béroul, Thomas, Eilhart, la Folie
Tristan
et le Roman en prose. Les versions ultérieures de Gottfried de Strasb
395
roi, pénétrant dans la retraite des amants « vit
Tristan
couché, et de l’autre côté de la grotte, Isolt. Les amants s’étaient
396
15. Rappelons ici ces étapes : Premier séjour de
Tristan
en Irlande. Ils se séparent sans s’aimer. — Second séjour : elle veut
397
tion et philtre, péché consommé ; Iseut livrée. —
Tristan
banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. — Tristan revient à la co
398
tan banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. —
Tristan
revient à la cour. Le « flagrant délit ». Ils sont séparés. — Ils se
399
séparent. — Rendez-vous chez Orri le forestier ;
Tristan
s’éloigne. — Tristan revient déguisé en fou ; s’éloigne. — Longue sép
400
ous chez Orri le forestier ; Tristan s’éloigne. —
Tristan
revient déguisé en fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de T
401
fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de
Tristan
. — Iseut approche et Tristan meurt. Puis mort d’Iseut. Résumons encor
402
paration, mariage de Tristan. — Iseut approche et
Tristan
meurt. Puis mort d’Iseut. Résumons encore : une seule longue période
403
nd la longue période de séparation (le mariage de
Tristan
). Auparavant : le Philtre ; à la fin : la double Mort ; entre-temps,
404
rame de Wagner, quand le roi surprend les amants,
Tristan
répond à ses questions douloureuses : « Ce mystère, je ne puis te le
405
s lois du corps n’explique nullement l’amour d’un
Tristan
, par exemple. Elle rend d’autant plus évidente l’intervention d’un fa
406
ntiquité n’a rien connu de semblable à l’amour de
Tristan
et d’Iseut. On sait assez que pour les Grecs et les Romains, l’amour
407
écis avec ce que l’on a dit plus haut du mythe de
Tristan
, qui voile et exprime à la fois le désir de mort. D’autre part, les d
408
récitatif du psaume. » Et l’on songe au secret de
Tristan
, qu’il ne peut « dire » mais seulement chanter… ⁂ Toute conception du
409
lancer le trille dont Wagner au deuxième acte de
Tristan
, fera le cri sublime de Brengaine : « Habet acht ! Habet acht ! Schon
410
garde ! Voici que la nuit cède au jour ! ») Mais
Tristan
répond, lui aussi : « Qu’éternellement la nuit nous enveloppe ! » Tou
411
ous savons par ailleurs que l’anneau (échangé par
Tristan
et Iseut) est le signe d’une fidélité qui justement n’est pas celle d
412
ons le « narcissisme de la passion » (à propos de
Tristan
, chap. viii du Livre Ier). c) Le Familier des Amants est construit s
413
remonter vers le nord celtique, à la rencontre de
Tristan
… ⁂ Peut-on prouver que la poétique arabe a réellement influencé la co
414
t la légende et le mythe de la passion mortelle :
Tristan
. À cette montée puissante et comme universelle de l’Amour et du culte
415
du Nord, ceux du cycle d’Arthur, du Graal, et de
Tristan
, pour décrire des actions et des drames, et non plus seulement pour c
416
nous découvrons dans le roman breton — Lancelot,
Tristan
et tout le cycle arthurien — une transposition romanesque des règles
417
ge fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de
Tristan
dont les manuscrits sont perdus. Béroul était Normand, Thomas était A
418
Thomas était Anglais. Et en retour, la légende de
Tristan
se répandit très largement dans le Midi. Cette interaction si rapide
419
stique. Le point de départ de Lancelot — comme de
Tristan
— c’est le péché contre l’amour courtois, la possession physique d’un
420
du récit, et non plus de la simple chanson. Dans
Tristan
, la faute initiale est douloureusement rachetée par une longue pénite
421
e. 12.Des mythes celtiques au roman breton
Tristan
nous apparaît comme le plus purement courtois des romans bretons, en
422
puissante et simple du récit. Mais en même temps,
Tristan
est le plus « breton » des romans courtois, en ce sens qu’on y trouve
423
vidente de la première navigation à l’aventure de
Tristan
malade, en quête du baume magique. D’autre part, plusieurs récits de
424
rototypes assez exacts des situations du Roman de
Tristan
. Far exemple, dans l’idylle tragique de Diarmaid et Grainne, les deux
425
es rapprochements plus précis. On se rappelle que
Tristan
, après la mort de ses parents, fut élevé à la cour du roi Marc son on
426
de la famille maternelle, soit… des druides96. »
Tristan
élevé par Marc, son oncle maternel, devient ainsi, en vertu du foster
427
ueront pas de voir dans la liaison malheureuse de
Tristan
et d’Iseut le résultat d’un complexe œdipien : à quoi s’oppose toutef
428
accompagné de surenchère, subsiste également dans
Tristan
et les romans de la Table ronde. On y voit un grand nombre d’aventure
429
de se marier : le combat contre le Morholt, dans
Tristan
, illustre exactement cette coutume, sans faire d’ailleurs la moindre
430
Paris remarquait avec profondeur que le roman de
Tristan
et d’Iseut rend un son particulier, qui ne se trouve guère dans la li
431
t par l’origine celtique de ces poèmes. C’est par
Tristan
et par Arthur que le plus clair et le plus précieux du génie celtique
432
avoriser la confusion moderne entre la passion de
Tristan
et la pure sensualité. Quelques citations de Thomas, le plus conscien
433
ne ascèse, le « mal aimé » des troubadours. Voici
Tristan
livré au plus cruel conflit, lorsqu’au soir de ses noces avec Iseut a
434
s, il ne peut se résoudre à posséder sa femme : «
Tristan
désire Iseut aux blanches mains pour son nom et pour sa beauté, car,
435
uel qu’eût été ce nom sans sa beauté, le désir de
Tristan
ne s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et d
436
, le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ainsi
Tristan
veut se venger de sa douleur et de ses peines, et contre son mal, il
437
péra ses transmutations. Ainsi naquit le mythe de
Tristan
. Loin de moi la tentation d’analyser le processus de cette métamorpho
438
rtance proprement religieuse du mythe dualiste de
Tristan
. Mais aussi, pour la même raison, il avoue mieux que tous les autres
439
mple de l’amour ; c) il décide que le mariage de
Tristan
avec Iseut aux blanches mains ne fut pas « blanc », mais consommé. So
440
nt de l’aider à franchir une rivière : or c’était
Tristan
déguisé. Elle sort intacte de l’épreuve. Gottfried commente : « Ce fu
441
non moins que dans son enseignement, le mythe de
Tristan
se révèle comme foncièrement hérétique et dualiste. Il n’y a pas plac
442
parfois, semblent confondre avec la « science ».
Tristan
est un roman bien plus profondément et plus indiscutablement manichée
443
Gottfried jusqu’au pastiche102. Le célèbre duo de
Tristan
et d’Isolde mêlant leurs noms, niant leurs noms, chantant le dépassem
444
ans le mythe. Nous avons donc rejoint le Roman de
Tristan
et situé sa nécessité à telle date, à l’intersection de telles tradit
445
thares) y est remplacé par le Venusberg ! 98. Le
Tristan
et Iseut de Thomas, traduction française par J Herbomez et R. Beaurie
446
ux gros volumes parus en 1953 de Gottfried Weber,
Tristan
und die Krise des Hochmittelalterlichen Weltbildes um 1200. Ce travai
447
r l’auteur de la plus théologique des versions de
Tristan
. 103. Un seul exemple : Gottfried v. 18352 à 57 « Tristan und Isot,
448
103. Un seul exemple : Gottfried v. 18352 à 57 «
Tristan
und Isot, ir und ich… niwan ein Tristan und ein Isot » et Wagner, II,
449
52 à 57 « Tristan und Isot, ir und ich… niwan ein
Tristan
und ein Isot » et Wagner, II, 2, toute la fin de la scène : « nicht m
450
r, II, 2, toute la fin de la scène : « nicht mehr
Tristan
!… nicht mehr Isolde ! »
451
compte : à la sexualité. Or l’examen du Roman de
Tristan
et de ses sources historiques nous a conduit à renverser le rapport.
452
ogiques, on ne comprendrait plus rien au mythe de
Tristan
. La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’une faim de cher
453
e mystique Nous avons constaté que le Roman de
Tristan
est, à bien des égards, une première « profanation » de la mystique c
454
onsidère surtout le principe interne de l’action,
Tristan
évoque par la plupart de ses situations romanesques la progression d’
455
où nous pourrions induire un lecteur non prévenu.
Tristan
blessé s’embarque sur une nacelle sans gouvernail ni voile, muni seul
456
ns pittoresques. Presque tous publient le secret…
Tristan
, lui, a trouvé l’amour. Mais tout d’abord, il n’a pas su le reconnaît
457
cesse lointaine qu’il réserve à son seul plaisir,
Tristan
ignore que l’aventure pourrait aussi le concerner. Survient l’erreur
458
t, ce premier et décisif appel devrait introduire
Tristan
dans la voie des macérations et le conduire à l’endura. Mais emporté
459
nous », gémit Iseut (dans le Roman en prose). Et
Tristan
de répondre : « Si le monde entier était orendroit avec nous, je ne v
460
plus dures de l’état de purification ». (Ibid.)
Tristan
n’est qu’une impure et parfois équivoque traduction de la mystique co
461
loin plus la désire ? Jamais l’amour n’enflamme
Tristan
si follement que lorsqu’il est séparé de sa « dame ». La psychologie
462
utre chose, le symbole de l’Amour lumineux. Quand
Tristan
erre au loin, il l’aime davantage, et plus il aime, plus il endure de
463
a situation mystique (par l’autre extrême) : plus
Tristan
aime, et plus il se veut séparé, c’est-à-dire rejeté par l’amour. Au
464
ment. C’est quand, le philtre ayant cessé d’agir,
Tristan
et Iseut vont trouver l’ermite Ogrin dans sa cellule. Rencontre de ce
465
our obéir sans tourments. Je ne trouve rien, dans
Tristan
, qui rappelle le « rejet des dons » dont parlent Eckhart et saint Jea
466
la prouesse qui est le moteur des hauts faits de
Tristan
. Comme tous les passionnés, il aime avec témérité la sensation de pui
467
bjet vivant et extérieur. Ainsi nous avons vu que
Tristan
aime Iseut non point dans sa réalité, mais en tant qu’elle éveille en
468
e, que Béroul et Thomas ont composé la légende de
Tristan
. La croisade des albigeois a saccagé la civilisation courtoise du Lan
469
comme de sa « bien-aimée ennemie », et gémit, tel
Tristan
se séparant d’Iseut lorsqu’il la rend à son époux : Ô dure d
470
its de Chrétien de Troyes. On traduit le roman de
Tristan
dans toutes les langues d’Occident. L’Anglais Thomas Malory, à la fin
471
te prose narrative, et Brunetto Latini extrait de
Tristan
(dans sa Rhétorique) le portrait de la femme idéale. De là, jusqu’au
472
volonté de mort, si secrète et métaphysique dans
Tristan
: c’est simplement le point d’honneur, manie sociale. C’est l’héroïne
473
mort libératrice. Mais la dialectique sauvage de
Tristan
n’est plus ici que coquetterie, et le combat du Jour et de la Nuit se
474
dèle amant et de la plus fidèle amante. (Thème de
Tristan
: c’est le rachat de la fatalité du philtre.) Céladon s’avance, mais
475
ants au terme des trois ans passés dans la forêt.
Tristan
avait le recours de rendre Iseut à son mari. Alidor est contraint d’i
476
montre si sensible — l’opinion est toujours avec
Tristan
contre le roi Marc, avec le séducteur contre le mari trompé ; elle n’
477
t de l’amante, renversant toute la dialectique de
Tristan
et de Roméo : Et la mort à mes yeux dérobant la clarté Rend au jour
478
he devait faire apparaître l’antithèse absolue de
Tristan
. Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xviiie , du
479
Don Juan du théâtre159 comme le reflet inversé de
Tristan
. Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des personnages, d
480
rd il vient de suspendre sa course. Au contraire,
Tristan
vient en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hyp
481
possédé à l’infini se concentre le monde entier.
Tristan
n’a plus besoin du monde — parce qu’il aime ! Tandis que Don Juan, to
482
oin qu’elle existe pour trouver goût à la violer.
Tristan
, lui, se voit libéré du jeu des règles, des péchés et des vertus, par
483
n de plus en plus décevante et méprisable — quand
Tristan
est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un
484
tés qui eussent déshonoré un véritable chevalier.
Tristan
, mélancolique et courageux, n’abdique au contraire son orgueil qu’à l
485
distingue dans la contradiction de Don Juan et de
Tristan
, dans la tension insupportable de l’esprit qui vit cette contradictio
486
er n’est pas une renaissance du mythe primitif de
Tristan
. Il n’a pas la violence sauvage de la légende, et encore moins son ar
487
mitié tempèrent les emportements de l’amour… » Le
Tristan
qui se réveille en lui après la « faute » de la possession, se passer
488
os de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégèse de
Tristan
, notre dialectique de l’obstacle. Il y a pourtant cette différence ca
489
e l’indicible, elle a forcé le dernier mystère de
Tristan
. Mon propos n’est point de recenser les innombrables manifestations d
490
ni se posséder ni être possédé. Nous savions que
Tristan
n’aimait pas Iseut pour elle-même, mais seulement pour l’amour de l’A
491
ent, et qui surtout ne fut pas réellement aimé. »
Tristan
aimait, Don Juan était aimé ; mais celui qui n’a du premier que la no
492
upté d’amour ! » L’homme qui a écrit cela (dans
Tristan
et Isolde) savait que la passion est quelque chose de plus que l’erre
493
ux passions qui tendent à sa perte.) En composant
Tristan
, Wagner a violé le tabou : il a tout dit, tout avoué par les paroles
494
venger l’affront subi. Le philtre qu’elle offre à
Tristan
est destiné à le faire mourir : mais d’une mort que l’Amour condamne,
495
breuvage d’initiation. Ainsi l’étreinte unique de
Tristan
et d’Isolde, aussitôt qu’ils ont bu, c’est le baiser unique du sacrem
496
semble et pourtant ils sont deux. Il y a ce et de
Tristan
« et » Isolde qui signifie leur dualité créée. À ce moment la musique
497
fois revient le jour : le traître Mélot174 blesse
Tristan
. Mais la passion a désormais vaincu, elle vole au jour son apparente
498
que chantera Isolde agonisante sur le cadavre de
Tristan
, dans l’extase de la « joie la plus haute ». Initiation, passion, acc
499
a. Ainsi, ce n’est point un hasard si le mythe de
Tristan
et celui de Don Juan n’ont pu recevoir leur expression achevée que da
500
st la mère et la fille. Toutefois, dans le cas de
Tristan
, l’élément plastique inhérent à toute mise en scène théâtrale se trou
501
solument contradictoire avec celui qui faisait de
Tristan
la glorification du désir sensuel — c’est le rappel de l’influence de
502
i dégradée et dégradante, par rapport au mythe de
Tristan
, que le serait par exemple l’alcoolisme par rapport à l’ivresse divin
503
guerre, c’est simplement l’adaptation du mythe de
Tristan
à la mesure d’une société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ; T
504
société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ;
Tristan
, le jeune premier, ou gigolo ; Iseut, l’épouse insatisfaite, oisive e
505
ce qu’avaient voulu contenir le mythe originel de
Tristan
, puis ses substituts littéraires. Le xixe siècle bourgeois vit se ré
506
oici ceux qui remplissent de rêverie des livres —
Tristan
et Lancelot et les autres errants — auxquels il faut que le vulgaire
507
laisse échapper le grand cri du romantisme et de
Tristan
: « Amoris impulsio, culpæ justificatio. » 164. Est-ce la faute à R
508
egel commença en 1808 une rédaction modernisée de
Tristan
. Puis Rückert, Immermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent des Tri
509
mmermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent des
Tristan
(poèmes et drames). Le poème de Platen débute ainsi : « Celui dont le
510
s, et non pas cette interminable gesticulation de
Tristan
essoufflé sur sa couche, d’Isolde entravée par ses voiles… Note de 19
511
iles… Note de 1954 : la mise en scène nouvelle de
Tristan
à Bayreuth, œuvre de Wieland Wagner, comble les vœux que j’exprimais
512
un équivalent sportif de la fonction mythique du
Tristan
telle que nous la définissions : exprimer la passion dans toute sa fo
513
opre à restituer l’atmosphère de rêve du Roman de
Tristan
que les descriptions de tournois qu’on peut lire dans les œuvres de C
514
lier au cygne, ou porte les armes de Lancelot, de
Tristan
ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie est répandu
515
lques touches pour l’indiquer. Don Juan succède à
Tristan
, la volupté perverse à la passion mortelle. Et la guerre en même temp
516
ien plus que relation avec l’aimée. Ce que désire
Tristan
, c’est la brûlure d’amour plus que la possession d’Iseut. Car la brûl
517
185. Qu’on se reporte à notre analyse du mythe de
Tristan
: on y trouvera quelques illustrations typiques de ce passage (barons
518
s provençaux et des romans bretons, l’adultère de
Tristan
reste une faute203, mais il se trouve revêtir en même temps l’aspect
519
sabée commet un crime et se rend méprisable. Mais
Tristan
, s’il enlève Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui était
520
la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce
Tristan
qu’il porte en soi comme son génie caché ! Et plus rien ne compte en
521
oi l’on aime souffrir, et faire souffrir. Lorsque
Tristan
emmène Iseut dans la forêt, où plus rien ne s’oppose à leur union, le
522
zon mystique s’est refermé depuis longtemps. Pour
Tristan
, Iseut n’était rien que le symbole du Désir lumineux : son au-delà, c
523
s rythmes du désir charnel ; mais tandis que pour
Tristan
l’infini, c’est l’éternité sans retour où s’évanouit la conscience do
524
ue en infidélité. Qui ne sent la dégradation d’un
Tristan
qui a plusieurs Iseut ? Pourtant ce n’est pas lui qu’il convient d’ac
525
n de l’âme dressée contre le monde. Mais alors le
Tristan
moderne glisse vers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux amo
526
. Aimer d’amour-passion signifiait « vivre » pour
Tristan
, car la vraie vie qu’il appelait, c’était la mort transfigurante. Mai
527
t de nos contemporains sont en proie au délire de
Tristan
. Bien peu ont assez soif pour boire le philtre, et j’en vois moins en
528
t munie d’une dot adéquate — dont je veux être le
Tristan
. » Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui dure sur l
529
cation. ⁂ Cependant, tout n’est pas encore clair.
Tristan
lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour n
530
toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de
Tristan
. C’est un narcissisme mystique, mais qui s’ignore, naturellement, et
531
analyse des légendes courtoises nous a révélé que
Tristan
n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort,
532
e la seule délivrance du moi coupable et asservi.
Tristan
n’est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau pr
533
me voue sa fidélité. Et tandis que la fidélité de
Tristan
était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la créatio
534
lus de la vie pour la mort (c’était la passion de
Tristan
). L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et s
535
mort (c’était la passion de Tristan). L’amour de
Tristan
et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et son aboutissement supr
536
destins singuliers : « Non plus d’Isolde, plus de
Tristan
, plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’être
537
la « fatalité » de la passion est accréditée par
Tristan
. Excuse et alibi qui ne peuvent tromper que celui qui veut être tromp
538
: 1954.) 214. Je m’en tiens au cas-limite de
Tristan
. Il y a des cas de passion dans le mariage chrétien ; et des états de
539
réfute les croyances courantes, nées du mythe de
Tristan
et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tout à fait
540
ose le contenu caché de la légende ou du mythe de
Tristan
. C’est une descente aux cercles successifs de la passion. Le dernier
541
xtrême, exceptionnelle en apparence : le mythe de
Tristan
et Iseut. Il nous faut ce repère fabuleux, cet exemple éclatant et «
542
ie siècle, du catharisme, des troubadours, et de
Tristan
. C’est là le principal de cette nouvelle version. Pour ceux dont la c
543
Livre premierLe mythe de
Tristan
1.Triomphe du roman, et ce qu’il cache « Seigneurs, vous plaît
544
grand mythe européen de l’adultère : le Roman de
Tristan
et Iseut. Au travers du désordre extrême de nos mœurs, dans la confus
545
d’abord, dira-t-on, est-il exact que le roman de
Tristan
soit un mythe ? Et dans ce cas, n’est-ce pas détruire son charme que
546
la rend inefficace. Or je me propose d’envisager
Tristan
non point comme œuvre littéraire, mais comme type des relations de l’
547
sur nos rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de
Tristan
sont de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord le fait que l’auteur
548
trace. Un autre aspect mythique de la légende de
Tristan
, c’est l’élément sacré qu’elle utilise (Appendice 1). Le progrès de l
549
ant le secret qu’il exprime, le roman mythique de
Tristan
posséderait-il au même degré les qualités contraignantes d’un vrai my
550
ontenu » prend ici toute sa force : la passion de
Tristan
et d’Iseut est littéralement « contenue » par les règles de la cheval
551
appelait une réaction vive. Le succès du Roman de
Tristan
fut donc d’ordonner la passion dans un cadre où elle pût s’exprimer e
552
ions et des réactions qu’il provoque. Le mythe de
Tristan
et Iseut, ce ne sera plus seulement le Roman, mais le phénomène qu’il
553
ce du lecteur à envisager mon projet. Le Roman de
Tristan
nous est « sacré » dans la mesure exacte où l’on estimera que je comm
554
it à voir l’un des commentateurs de la légende de
Tristan
la définir « une épopée de l’adultère ». La formule est sans doute ex
555
de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de
Tristan
, c’est qu’il permet de dégager une raison simple de notre confusion p
556
an3 Amors par force vos demeine ! Béroul.
Tristan
naît dans le malheur. Son père vient de mourir, et sa mère Blanchefle
557
Première prouesse ou performance : la victoire de
Tristan
sur le Morholt. Ce géant irlandais vient, comme le Minotaure, exiger
558
jeunes filles ou de jeunes gens de Cornouailles.
Tristan
obtient la permission de le combattre, au moment où il pourrait être
559
e empoisonnée. Sans espoir de survivre à son mal,
Tristan
s’embarque à l’aventure dans un bateau sans voile ni rames, emportant
560
éant Morholt était le frère de cette reine, aussi
Tristan
se garde-t-il d’avouer son nom et l’origine de son mal. Iseut, prince
561
dont un oiseau lui apporta un cheveu d’or. C’est
Tristan
qu’il envoie à la « quête » de l’inconnue. Une tempête rejette le hér
562
rée par un jeune paladin.) Blessé par le monstre,
Tristan
est soigné de nouveau par Iseut. Un jour, cette princesse découvre qu
563
le meurtrier de son oncle. Elle saisit l’épée de
Tristan
et menace de le tuer dans son bain. Alors, il lui révèle la mission d
564
le admire la beauté du jeune homme, à ce moment.)
Tristan
et la princesse voguent vers les terres de Marc. En haute mer, le ven
565
e l’importance du philtre, et présente l’amour de
Tristan
et d’Iseut comme une affection spontanée, apparue dès la scène du bai
566
us le verrons.) La faute est donc consommée. Mais
Tristan
reste lié par la mission qu’il a reçue du roi. Il conduit donc Iseut
567
des barons « félons » dénoncent au roi l’amour de
Tristan
et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (
568
» dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut.
Tristan
est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (scène du verger), il
569
les amants et leur tend un piège. Entre le lit de
Tristan
et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan, que Ma
570
elui de la reine, il sème de la « fleur de blé ».
Tristan
, que Marc a chargé d’une nouvelle mission, veut rejoindre une dernièr
571
ite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux et
Tristan
condamné à mort. Il s’évade (scène de la chapelle). Il délivre Iseut,
572
Marc les surprend endormis. Mais il se trouve que
Tristan
a déposé entre leurs corps son épée nue. Ému par ce qu’il prend pour
573
s épargne. Sans les réveiller, il prend l’épée de
Tristan
et dépose à sa place l’épée royale. Les trois ans écoulés, le philtr
574
ncêtre commun des cinq versions). Alors seulement
Tristan
se repent, Iseut se met à regretter la cour… Ils vont trouver l’ermit
575
nt trouver l’ermite Ogrin, par l’entremise duquel
Tristan
offre au roi de lui rendre sa femme. Marc promet son pardon. Les aman
576
l’approche du cortège royal. Iseut supplie encore
Tristan
de demeurer dans le pays jusqu’à ce qu’il soit certain que Marc la tr
577
’aider à descendre de sa barque. Le manant, c’est
Tristan
déguisé… Mais de nouvelles aventures entraînent au loin le chevalier.
578
eut, l’Iseut « aux blanches mains ». Et en effet,
Tristan
la laissera vierge, car il regrette « Iseut la bloie ». Enfin, blessé
579
ort, et de nouveau empoisonné par cette blessure,
Tristan
fait appeler la reine de Cornouailles, la seule qui puisse encore le
580
mentée par la jalousie, elle s’en vient au lit de
Tristan
et lui annonce que la voile est noire. Tristan meurt. Iseut la blonde
581
de Tristan et lui annonce que la voile est noire.
Tristan
meurt. Iseut la blonde débarque à cet instant, monte au château, embr
582
u voir qu’ils se réduisent à fort peu de choses :
Tristan
conduit Iseut au roi parce qu’il est lié par la fidélité du chevalier
583
s la forêt, parce que le philtre cesse d’agir ; —
Tristan
épouse Iseut aux blanches mains « pour son nom et pour sa beauté ». M
584
rs récents de la légende : tout au long du Roman,
Tristan
paraît physiquement supérieur à tous ses adversaires et, particulière
585
e : c’est l’enjeu habituel des tournois. Pourquoi
Tristan
n’use-t-il pas de ce droit ? Mise en éveil par cette première questio
586
ions, qui donne la raison de cet acte5. Pourquoi
Tristan
rend-il la reine à Marc, et cela même dans les versions où le philtre
587
nt même où ils acceptent de se quitter ? Pourquoi
Tristan
s’éloigne-t-il ensuite pour courir de nouvelles aventures, alors qu’i
588
ment étant acquis, la reine passe pour innocente.
Tristan
l’est donc aussi, et l’on ne voit plus du tout ce qui s’opposerait à
589
ils nous présenter tel un modèle de chevalerie ce
Tristan
qui a trompé son roi par les ruses les plus cyniques ; ou telle une v
590
ins ni menti ni trompé, et ce n’est pas le cas de
Tristan
… Enfin l’on en vient à douter de la valeur même des rares motifs allé
591
si la morale de la fidélité au suzerain exige que
Tristan
livre à Marc la fiancée qu’il alla quérir — et qu’il avait conquise d
592
upules sont bien tardifs et peu sincères, puisque
Tristan
n’a de cesse qu’il ne rentre à la cour, auprès d’Iseut… Et ce philtre
593
n’est guère pour le bonheur d’un couple. Et quand
Tristan
épouse l’autre Iseut « pour son nom et pour sa beauté » mais cependan
594
re Mariage Un moderne commentateur du Roman de
Tristan
et Iseut veut y voir un « conflit cornélien entre l’amour et le devoi
595
remière solution. Si l’on admet que l’aventure de
Tristan
devait servir à illustrer le conflit de la chevalerie et de la sociét
596
: il est « félon » s’il ne le fait pas. Or, dans
Tristan
, les barons dénoncent Iseut au roi Marc : ils devraient donc passer p
597
chez la comtesse de Champagne. (Appendice 3.) Si
Tristan
, et l’auteur du Roman, partagent une telle manière de voir, la féloni
598
raite dans le Morois, ou même du mariage blanc de
Tristan
. En effet, le « droit de la passion », au sens où l’entendent les mod
599
u sens où l’entendent les modernes, permettrait à
Tristan
d’enlever Iseut, après qu’ils ont bu le philtre. Cependant il la livr
600
aboutisse à l’« entière possession de sa dame ».
Tristan
choisira donc, dans ce cas, d’observer la fidélité féodale, masque et
601
obstacles extérieurs qui s’opposent à l’amour de
Tristan
sont dans un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne sont, à to
602
cle, ils en inventent : l’épée nue, le mariage de
Tristan
. Ils en inventent comme à plaisir, — bien qu’ils en souffrent. Serait
603
. Il faut avoir l’audace de poser la question :
Tristan
aime-t-il Iseut ? Est-il aimé par elle ? (Seules les questions « stup
604
s rapports de politesse conventionnelle. Et quand
Tristan
revient en quête d’Iseut, on se souvient que cette politesse fait pla
605
ivent dans la forêt de Morois, après l’évasion de
Tristan
. Aspre vie meinent et dure : Tant s’entr’aiment de bonne amor L’un p
606
me pus de lié partir, N’ele de moi… Ainsi parle
Tristan
. Et Iseut après lui : Sire, por Dieu omnipotent, Il ne m’aime pas, n
607
ain de la saint Jehan Aconpli furent li troi an.
Tristan
chassait dans la forêt. Soudain, il se souvient du monde. Il revoit l
608
e »… La décision de se séparer est bientôt prise.
Tristan
propose de « gerpir » en Bretagne. Auparavant, ils iront voir Ogrin l
609
avez mené ceste vie. Ainsi les admoneste Ogrin.
Tristan
li dist : or escoutez Si longuement l’avons menée Itel fu nostre dest
610
« patois du cœur ? ») Un dernier trait : lorsque
Tristan
reçoit la réponse favorable du roi acceptant de reprendre Iseut : De
611
du roi acceptant de reprendre Iseut : Dex ! dist
Tristan
, quel départie ! Mot est dolenz qui pert s’amie… C’est sur sa propr
612
he… Une seule réponse demeure ici digne du mythe.
Tristan
et Iseut ne s’aiment pas, ils l’ont dit et tout le confirme. Ce qu’il
613
l’instant de l’obstacle absolu, qui est la mort.
Tristan
aime se sentir aimer, bien plus qu’il n’aime Iseut la Blonde. Et Iseu
614
eut la Blonde. Et Iseut ne fait rien pour retenir
Tristan
près d’elle : il lui suffit d’un rêve passionné. Ils ont besoin l’un
615
rée ! « Mot est dolenz qui pert s’amie », soupire
Tristan
. Pourtant il sent déjà, au fond de la nuit qui vient, poindre la flam
616
nces extérieures adverses, entraves inventées par
Tristan
. Tristan ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. E
617
rieures adverses, entraves inventées par Tristan.
Tristan
ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. Et il n’es
618
rc, méfiance des barons, jugement de Dieu, etc.),
Tristan
bondit par-dessus l’obstacle (le saut d’un lit à l’autre en est le sy
619
menace tout extérieure, la prouesse par laquelle
Tristan
le surmonte est une affirmation de la vie. En tout cela, Tristan n’ob
620
onte est une affirmation de la vie. En tout cela,
Tristan
n’obéit qu’à la coutume féodale des chevaliers : il s’agit de faire p
621
rse qui se produit alors : l’épée nue déposée par
Tristan
entre leurs corps demeurés vêtus, c’est encore occasion de prouesse,
622
e son pouvoir social, l’obstacle légal, objectif.
Tristan
relève ce défi : d’où le rebondissement de l’action. Et ici le mot pr
623
le roi, et celui d’Iseut aux blanches mains avec
Tristan
. Le premier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il est symbolisé
624
sme en trouvera de plus fins.) Il faut voir comme
Tristan
le bouscule, et comme il s’en joue à plaisir ! Sans le mari, je ne do
625
i, je ne donne pas plus de trois ans à l’amour de
Tristan
et Iseut. Et en effet, la grande sagesse du vieux Béroul, c’est d’avo
626
x amants qu’à se marier. Or on ne conçoit pas que
Tristan
puisse jamais épouser Iseut. Elle est le type de femme qu’on n’épouse
627
des, l’on dirait même : plus intérieures. Lorsque
Tristan
soupire à voix basse après l’Iseut perdue, le frère d’Iseut aux blanc
628
ux femmes — est la seule « raison » du mariage de
Tristan
. L’on voit qu’il lui serait aisé de s’expliquer. Mais une fois de plu
629
ndra, et au seul titre de prétexte, pour empêcher
Tristan
de se dédire. C’est que l’amant pressent, dans cette nouvelle épreuve
630
t volontaire au terme d’une série d’épreuves dont
Tristan
sortira purifié ; vers une mort qui soit une transfiguration, et non
631
rait pas de mythe, il n’y aurait pas de roman, si
Tristan
et Iseut pouvaient dire quelle est la fin qu’ils se préparent de tout
632
amme d’amour » éclose aux « déserts » de la Nuit.
Tristan
, lui, ne peut rien avouer. Il veut comme s’il ne voulait pas. Il s’en
633
pas communicables au Jour10. Elles le méprisent.
Tristan
s’est fait prisonnier d’un délire auprès duquel pâlissent toute sages
634
procède. Levez-vous, orages sonores de la mort de
Tristan
et d’Isolde ! Vieille et grave mélodie, dit le héros, tes sons lamen
635
s d’aujourd’hui. Le succès prodigieux du Roman de
Tristan
révèle en nous, que nous le voulions ou non, une préférence intime po
636
à travers la douleur, c’est le secret du mythe de
Tristan
, l’amour-passion à la fois partagé et combattu, anxieux d’un bonheur
637
ormule du mythe. Amour réciproque, en ce sens que
Tristan
et Iseut « s’entr’aiment », ou du moins, qu’ils en sont persuadés. Et
638
xiie siècle : Béroul, Thomas, Eilhart, la Folie
Tristan
et le Roman en prose. Les versions ultérieures de Gottfried de Strasb
639
roi, pénétrant dans la retraite des amants « vit
Tristan
couché, et de l’autre côté de la grotte, Isolt. Les amants s’étaient
640
9. Rappelons ici ces étapes : Premier séjour de
Tristan
en Irlande. Ils se séparent sans s’aimer. — Second séjour : elle veut
641
tion et philtre, péché consommé ; Iseut livrée. —
Tristan
banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. — Tristan revient à la co
642
tan banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. —
Tristan
revient à la cour. Le « flagrant délit ». Ils sont séparés. — Ils se
643
séparent. — Rendez-vous chez Orri le forestier ;
Tristan
s’éloigne. — Tristan revient déguisé en fou ; s’éloigne. — Longue sép
644
ous chez Orri le forestier ; Tristan s’éloigne. —
Tristan
revient déguisé en fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de T
645
fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de
Tristan
. — Iseut approche et Tristan meurt. Puis mort d’Iseut. Résumons encor
646
paration, mariage de Tristan. — Iseut approche et
Tristan
meurt. Puis mort d’Iseut. Résumons encore : une seule longue période
647
nd la longue période de séparation (le mariage de
Tristan
). Auparavant : le Philtre ; à la fin : la double Mort ; entre-temps,
648
rame de Wagner, quand le roi surprend les amants,
Tristan
répond à ses questions douloureuses : « Ce mystère, je ne puis te le
649
s lois du corps n’explique nullement l’amour d’un
Tristan
, par exemple. Elle rend d’autant plus évidente l’intervention d’un fa
650
ntiquité n’a rien connu de semblable à l’amour de
Tristan
et d’Iseut. On sait assez que pour les Grecs et les Romains, l’amour
651
écis avec ce que l’on a dit plus haut du mythe de
Tristan
, qui voile et exprime à la fois le désir de mort. D’autre part, les d
652
récitatif du psaume. » Et l’on songe au secret de
Tristan
, qu’il ne peut « dire » mais seulement chanter… ⁂ Toute conception du
653
lancer le trille dont Wagner, au deuxième acte de
Tristan
, fera le cri sublime de Brengaine : « Habet acht ! Habet acht ! Schon
654
garde ! Voici que la nuit cède au jour ! ») Mais
Tristan
répond, lui aussi : « Qu’éternellement la nuit nous enveloppe ! » Tou
655
ous savons par ailleurs que l’anneau (échangé par
Tristan
et Iseut) est le signe d’une fidélité qui justement n’est pas celle d
656
ons le « narcissisme de la passion » (à propos de
Tristan
, chap. VIII du Livre Ier ). c) Le Familier des Amants est construit
657
occidentale mais aussi du lyrisme provençal et de
Tristan
. C’est l’oraison jaculatoire de sainte Thérèse : Je meurs de ne pas m
658
remonter vers le nord celtique, à la rencontre de
Tristan
… ⁂ Peut-on prouver que la poétique arabe a réellement influencé la c
659
t la légende et le mythe de la passion mortelle :
Tristan
. À cette montée puissante et comme universelle de l’Amour et du culte
660
du Nord, ceux du cycle d’Arthur, du Graal, et de
Tristan
, pour décrire des actions et des drames, et non plus seulement pour c
661
nous découvrons dans le roman breton — Lancelot,
Tristan
et tout le cycle arthurien — une transposition romanesque des règles
662
ge fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de
Tristan
dont les manuscrits sont perdus. Béroul était Normand, Thomas était A
663
Thomas était Anglais. Et en retour, la légende de
Tristan
se répandit très largement dans le Midi. Cette interaction si rapide
664
stique. Le point de départ de Lancelot — comme de
Tristan
— c’est le péché contre l’amour courtois, la possession physique d’un
665
du récit, et non plus de la simple chanson. Dans
Tristan
, la faute initiale est douloureusement rachetée par une longue pénite
666
e. 12.Des mythes celtiques au roman breton
Tristan
nous apparaît comme le plus purement courtois des romans bretons, en
667
puissante et simple du récit. Mais en même temps,
Tristan
est le plus « breton » des romans courtois, en ce sens qu’on y trouve
668
vidente de la première navigation à l’aventure de
Tristan
malade, en quête du baume magique. D’autre part, plusieurs récits de
669
rototypes assez exacts des situations du Roman de
Tristan
. Par exemple, dans l’idylle tragique de Diarmaid et Grainne, les deux
670
es rapprochements plus précis. On se rappelle que
Tristan
, après la mort de ses parents, fut élevé à la cour du roi Marc son on
671
e la famille maternelle, soit… des druides. »88
Tristan
élevé par Marc, son oncle maternel, devient ainsi, en vertu du foster
672
ueront pas de voir dans la liaison malheureuse de
Tristan
et d’Iseut le résultat d’un complexe œdipien : à quoi s’oppose toutef
673
accompagné de surenchère, subsiste également dans
Tristan
et les romans de la Table ronde. On y voit un grand nombre d’aventure
674
de se marier : le combat contre le Morholt, dans
Tristan
, illustre exactement cette coutume, sans faire d’ailleurs la moindre
675
Paris remarquait avec profondeur que le roman de
Tristan
et d’Iseut rend un son particulier, qui ne se trouve guère dans la li
676
t par l’origine celtique de ces poèmes. C’est par
Tristan
et par Arthur que le plus clair et le plus précieux du génie celtique
677
avoriser la confusion moderne entre la passion de
Tristan
et la pure sensualité. Quelques citations de Thomas, le plus conscien
678
ne ascèse, le « mal aimé » des troubadours. Voici
Tristan
livré au plus cruel conflit, lorsqu’au soir de ses noces avec Iseut a
679
s, il ne peut se résoudre à posséder sa femme : «
Tristan
désire Iseut aux blanches mains pour son nom et pour sa beauté, car,
680
uel qu’eût été ce nom sans sa beauté, le désir de
Tristan
ne s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et d
681
, le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ainsi
Tristan
veut se venger de sa douleur et de ses peines, et contre son mal, il
682
péra ses transmutations. Ainsi naquit le mythe de
Tristan
. Loin de moi la tentation d’analyser le processus de cette métamorpho
683
rtance proprement religieuse du mythe dualiste de
Tristan
. Mais aussi, pour la même raison, il avoue mieux que tous les autres
684
mple de l’amour ; c) il décide que le mariage de
Tristan
avec Iseut aux blanches mains ne fut pas « blanc », mais consommé. So
685
nt de l’aider à franchir une rivière : or c’était
Tristan
déguisé. Elle sort intacte de l’épreuve. Gottfried commente : « Ce fu
686
non moins que dans son enseignement, le mythe de
Tristan
se révèle comme foncièrement hérétique et dualiste. Il n’y a pas plac
687
parfois, semblent confondre avec la « science ».
Tristan
est un roman bien plus profondément et plus indiscutablement manichée
688
Gottfried jusqu’au pastiche94. Le célèbre duo de
Tristan
et d’Isolde mêlant leurs noms, niant leurs noms, chantant le dépassem
689
ans le mythe. Nous avons donc rejoint le Roman de
Tristan
et situé sa nécessité à telle date, à l’intersection de telles tradit
690
thares) y est remplacé par le Venusberg ! 90. Le
Tristan
et Iseut de Thomas, traduction française par J. Herbomez et R. Beauri
691
ux gros volumes parus en 1953 de Gottfried Weber,
Tristan
und die Krise des Hochmittelalterlichen Weltbildes um 1200. Ce travai
692
r l’auteur de la plus théologique des versions de
Tristan
. 95. Un seul exemple : Gottfried v. 18352 à 57 « Tristan und Isot,
693
95. Un seul exemple : Gottfried v. 18352 à 57 «
Tristan
und Isot, ir und ich… niwan ein Tristan und ein Isot » et Wagner, II,
694
52 à 57 « Tristan und Isot, ir und ich… niwan ein
Tristan
und ein Isot » et Wagner, II, 2, toute la fin de la scène : « nicht m
695
r, II, 2, toute la fin de la scène : « nicht mehr
Tristan
!… nicht mehr Isolde ! »
696
compte : à la sexualité. Or l’examen du Roman de
Tristan
et de ses sources historiques nous a conduit à renverser le rapport.
697
ogiques, on ne comprendrait plus rien au mythe de
Tristan
. La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’une faim de cher
698
e mystique Nous avons constaté que le Roman de
Tristan
est, à bien des égards, une première « profanation » de la mystique c
699
onsidère surtout le principe interne de l’action,
Tristan
évoque par la plupart de ses situations romanesques la progression d’
700
où nous pourrions induire un lecteur non prévenu.
Tristan
blessé s’embarque sur une nacelle sans gouvernail ni voile, muni seul
701
ns pittoresques. Presque tous publient le secret…
Tristan
, lui, a trouvé l’amour. Mais tout d’abord, il n’a pas su le reconnaît
702
cesse lointaine qu’il réserve à son seul plaisir,
Tristan
ignore que l’aventure pourrait aussi le concerner. Survient l’erreur
703
t, ce premier et décisif appel devrait introduire
Tristan
dans la voie des macérations et le conduire à l’endura. Mais emporté
704
nous », gémit Iseut (dans le Roman en prose). Et
Tristan
de répondre : « Si le monde entier était orendroit avec nous, je ne v
705
plus dures de l’état de purification ». (Ibid.)
Tristan
n’est qu’une impure et parfois équivoque traduction de la mystique co
706
loin plus la désire ? Jamais l’amour n’enflamme
Tristan
si follement que lorsqu’il est séparé de sa « dame ». La psychologie
707
utre chose, le symbole de l’Amour lumineux. Quand
Tristan
erre au loin, il l’aime davantage, et plus il aime, plus il endure de
708
a situation mystique (par l’autre extrême) : plus
Tristan
aime, et plus il se veut séparé, c’est-à-dire rejeté par l’amour. Au
709
ment. C’est quand, le philtre ayant cessé d’agir,
Tristan
et Iseut vont trouver l’ermite Ogrin dans sa cellule. Rencontre de ce
710
our obéir sans tourments. Je ne trouve rien, dans
Tristan
, qui rappelle le « rejet des dons » dont parlent Eckhart et saint Jea
711
la prouesse qui est le moteur des hauts faits de
Tristan
. Comme tous les passionnés, il aime avec témérité la sensation de pui
712
bjet vivant et extérieur. Ainsi nous avons vu que
Tristan
aime Iseut non point dans sa réalité, mais en tant qu’elle éveille en
713
e, que Béroul et Thomas ont composé la légende de
Tristan
. La croisade des albigeois a saccagé la civilisation courtoise du Lan
714
comme de sa « bien-aimée ennemie », et gémit, tel
Tristan
se séparant d’Iseut lorsqu’il la rend à son époux : Ô dure départie
715
its de Chrétien de Troyes. On traduit le Roman de
Tristan
dans toutes les langues d’Occident. L’Anglais Thomas Malory, à la fin
716
te prose narrative, et Brunetto Latini extrait de
Tristan
(dans sa Rhétorique) le portrait de la femme idéale. De là, jusqu’au
717
volonté de mort, si secrète et métaphysique dans
Tristan
: c’est simplement le point d’honneur, manie sociale. C’est l’héroïne
718
mort libératrice. Mais la dialectique sauvage de
Tristan
n’est plus ici que coquetterie, et le combat du Jour et de la Nuit se
719
dèle amant et de la plus fidèle amante. (Thème de
Tristan
: c’est le rachat de la fatalité du philtre.) Céladon s’avance, mais
720
ants au terme des trois ans passés dans la forêt.
Tristan
avait le recours de rendre Iseut à son mari. Alidor est contraint d’i
721
montre si sensible — l’opinion est toujours avec
Tristan
contre le roi Marc, avec le séducteur contre le mari trompé ; elle n’
722
t de l’amante, renversant toute la dialectique de
Tristan
et de Roméo : Et la mort à mes yeux dérobant la clarté rend au jour
723
he devait faire apparaître l’antithèse absolue de
Tristan
. Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xviiie , du
724
Don Juan du théâtre148 comme le reflet inversé de
Tristan
. Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des personnages, d
725
rd il vient de suspendre sa course. Au contraire,
Tristan
vient en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hyp
726
possédé à l’infini se concentre le monde entier.
Tristan
n’a plus besoin du monde — parce qu’il aime ! Tandis que Don Juan, to
727
oin qu’elle existe pour trouver goût à la violer.
Tristan
, lui, se voit libéré du jeu des règles, des péchés et des vertus, par
728
n de plus en plus décevante et méprisable — quand
Tristan
est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un
729
tés qui eussent déshonoré un véritable chevalier.
Tristan
, mélancolique et courageux, n’abdique au contraire son orgueil qu’à l
730
distingue dans la contradiction de Don Juan et de
Tristan
, dans la tension insupportable de l’esprit qui vit cette contradictio
731
er n’est pas une renaissance du mythe primitif de
Tristan
. Il n’a pas la violence sauvage de la légende, et encore moins son ar
732
mitié tempèrent les emportements de l’amour… » Le
Tristan
qui se réveille en lui après la « faute » de la possession se passera
733
os de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégèse de
Tristan
, notre dialectique de l’obstacle. Il y a pourtant cette différence ca
734
e l’indicible, elle a forcé le dernier mystère de
Tristan
. Mon propos n’est point de recenser les innombrables manifestations d
735
ni se posséder ni être possédé. Nous savions que
Tristan
n’aimait pas Iseut pour elle-même, mais seulement pour l’amour de l’A
736
ent, et qui surtout ne fut pas réellement aimé. »
Tristan
aimait, Don Juan était aimé ; mais celui qui n’a du premier que la no
737
upté d’amour ! » L’homme qui a écrit cela (dans
Tristan
et Isolde) savait que la passion est quelque chose de plus que l’erre
738
ux passions qui tendent à sa perte.) En composant
Tristan
, Wagner a violé le tabou : il a tout dit, tout avoué par les paroles
739
venger l’affront subi. Le philtre qu’elle offre à
Tristan
est destiné à le faire mourir : mais d’une mort que l’Amour condamne,
740
breuvage d’initiation. Ainsi l’étreinte unique de
Tristan
et d’Isolde aussitôt qu’ils ont bu, c’est le baiser unique du sacreme
741
semble et pourtant ils sont deux. Il y a ce et de
Tristan
« et » Isolde qui signifie leur dualité créée. À ce moment la musique
742
fois revient le jour : le traître Mélot162 blesse
Tristan
. Mais la passion a désormais vaincu, elle vole au jour son apparente
743
que chantera Isolde agonisante sur le cadavre de
Tristan
, dans l’extase de la « joie la plus haute ». Initiation, passion, acc
744
a. Ainsi, ce n’est point un hasard si le mythe de
Tristan
et celui de Don Juan n’ont pu recevoir leur expression achevée que da
745
st la mère et la fille. Toutefois, dans le cas de
Tristan
, l’élément plastique inhérent à toute mise en scène théâtrale se trou
746
solument contradictoire avec celui qui faisait de
Tristan
la glorification du désir sensuel — c’est le rappel de l’influence de
747
i dégradée et dégradante, par rapport au mythe de
Tristan
, que le serait par exemple l’alcoolisme par rapport à l’ivresse divin
748
Époque, c’est simplement l’adaptation du mythe de
Tristan
à la mesure d’une société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ; T
749
société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ;
Tristan
, le jeune premier, ou gigolo ; Iseut, l’épouse insatisfaite, oisive e
750
ce qu’avaient voulu contenir le mythe originel de
Tristan
, puis ses substituts littéraires. Le xixe siècle bourgeois vit se ré
751
oici ceux qui remplissent de rêverie les livres —
Tristan
et Lancelot et les autres errants — auxquels il faut que le vulgaire
752
laisse échapper le grand cri du romantisme et de
Tristan
: « Amoris impulsio, culpæ justificatio. » 153. Est-ce la faute à R
753
egel commença en 1808 une rédaction modernisée de
Tristan
. Puis Rückert, Immermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent des Tri
754
mmermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent des
Tristan
(poèmes et drames). Le poème de Platen débute ainsi : « Celui dont le
755
s, et non pas cette interminable gesticulation de
Tristan
essoufflé sur sa couche, d’Isolde entravée par ses voiles… Note de 19
756
iles… Note de 1954 : la mise en scène nouvelle de
Tristan
à Bayreuth, œuvre de Wieland Wagner, comble les vœux que j’exprimais
757
un équivalent sportif de la fonction mythique du
Tristan
telle que nous la définissions : exprimer la passion dans toute sa fo
758
opre à restituer l’atmosphère de rêve du Roman de
Tristan
que les descriptions de tournois qu’on peut lire dans les œuvres de C
759
alier au cygne ou porte les armes de Lancelot, de
Tristan
ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie est répandu
760
lques touches pour l’indiquer. Don Juan succède à
Tristan
, la volupté perverse à la passion mortelle. Et la guerre en même temp
761
ien plus que relation avec l’aimée. Ce que désire
Tristan
, c’est la brûlure d’amour plus que la possession d’Iseut. Car la brûl
762
s provençaux et des romans bretons, l’adultère de
Tristan
reste une faute189, mais il se trouve revêtir en même temps l’aspect
763
sabée commet un crime et se rend méprisable. Mais
Tristan
, s’il enlève Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui était
764
la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce
Tristan
qu’il porte en soi comme son génie caché ! Et plus rien ne compte en
765
oi l’on aime souffrir, et faire souffrir. Lorsque
Tristan
emmène Iseut dans la forêt, où plus rien ne s’oppose à leur union, le
766
zon mystique s’est refermé depuis longtemps. Pour
Tristan
, Iseut figurait le symbole du Désir lumineux : son au-delà, c’était l
767
s rythmes du désir charnel ; mais tandis que pour
Tristan
l’infini, c’est l’éternité sans retour où s’évanouit la conscience do
768
ue en infidélité. Qui ne sent la dégradation d’un
Tristan
qui a plusieurs Iseut ? Pourtant ce n’est pas lui qu’il convient d’ac
769
n de l’âme dressée contre le monde. Mais alors le
Tristan
moderne glisse vers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux amo
770
. Aimer d’amour-passion signifiait « vivre » pour
Tristan
, car la vraie vie qu’il appelait, c’était la mort transfigurante. Mai
771
t de nos contemporains sont en proie au délire de
Tristan
. Bien peu ont assez soif pour boire le philtre, et j’en vois moins en
772
t munie d’une dot adéquate — dont je veux être le
Tristan
. » Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui dure sur l
773
cation. ⁂ Cependant, tout n’est pas encore clair.
Tristan
lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour n
774
toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de
Tristan
. C’est un narcissisme mystique, mais qui s’ignore, naturellement, et
775
analyse des légendes courtoises nous a révélé que
Tristan
n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort,
776
e la seule délivrance du moi coupable et asservi.
Tristan
n’est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau pr
777
me voue sa fidélité. Et tandis que la fidélité de
Tristan
était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la créatio
778
lus de la vie pour la mort (c’était la passion de
Tristan
). L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux\ et so
779
mort (c’était la passion de Tristan). L’amour de
Tristan
et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux\ et son aboutissement suprê
780
destins singuliers : « Non plus d’Isolde, plus de
Tristan
, plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’être
781
la « fatalité » de la passion est accréditée par
Tristan
. Excuse et alibi qui ne peuvent tromper que celui qui veut être tromp
782
réfute les croyances courantes, nées du mythe de
Tristan
et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tout à fait
783
: 1954.) 200. Je m’en tiens au cas-limite de
Tristan
. Il y a des cas de passion dans le mariage chrétien ; et des états de
784
i que mon analyse se borne à la légende écrite de
Tristan
. C’est d’elle seule que je parle quand je parle du mythe « primitif »
785
nier ont cru pouvoir attribuer aux personnages de
Tristan
et d’Iseut (ou Essylt) dans la mythologie celtique. Dès le viie sièc
786
dans la mythologie celtique. Dès le viie siècle,
Tristan
aurait été un demi-dieu, le héraut symbolique des mystères, le « gard
787
e.) On a voulu voir également dans la rivalité de
Tristan
et de Marc le symbole de la lutte entre les Bretons armoricains et le
788
, l’auteur du Roman en prose et celui de la Folie
Tristan
n’étaient pas initiés à cette tradition. Ils ignoraient le sens primi
789
e. Les faits que nous décrit l’auteur de la Folie
Tristan
étaient sans doute à l’origine tout autre chose qu’une suite d’extrav
790
és. La maison de verre par exemple, dans laquelle
Tristan
fou veut emmener Iseut, était dans la mythologie druidique le vaissea
791
jusqu’au cercle céleste du Gwynfyd. Dans la Folie
Tristan
, la maison de verre n’est plus qu’une image émouvante née de la fanta
792
de l’amoureux. De même, chez Thomas, le départ de
Tristan
pour la Bretagne n’a plus aucun sens « historique » défini ; etc. C’e
793
rt analogue — dans sa forme — à celle du Roman de
Tristan
. Or il est évident que cette situation ne peut être qu’une invention
794
ui est cléricale et féodale). Cette analogie avec
Tristan
nous donne un repère pour apprécier la transformation que les Béroul
795
ataille par les plaines herbues… L’analogie avec
Tristan
est très frappante. Il s’agit dans les deux cas : D’un vassal puissan
796
ifférences ne sont pas moins significatives. Dans
Tristan
, c’est la jalousie d’Iseut aux blanches mains qui provoque la catastr
797
diction VII. 2. À rapprocher du mariage blanc de
Tristan
: Jugement de la reine Eléonore : Demande. Un amant heureux avait d
798
rs et à la foi promise. Or on n’a pas oublié que
Tristan
épouse la seconde Iseut alors qu’il croit que la première le néglige.
799
usement notre conception des amours d’Iseut et de
Tristan
, nous ne pouvons avoir de doutes sur la nature des sentiments dont Th
800
usement notre conception des amours d’Iseut et de
Tristan
»… 6.Freud et les surréalistes Sur les relations entre Freud et
801
Rivalen pour Blanchefleur (ce sont les parents de
Tristan
) accumule les expressions religieuses les plus insistantes : Alors l
802
lui dans la mort. Extase des derniers instants de
Tristan
et d’Isolde, ou des amants de Vérone. La contradiction torturante que
803
lui dans la mort. Extase des derniers instants de
Tristan
et d’Isolde, ou des amants de Vérone. La contradiction torturante que
804
ui dans la mort. Extase des derniers instants, de
Tristan
et d’Isolde, ou des amants de Vérone. La contradiction torturante que
805
imitations de la vie, — la joie devant la mort de
Tristan
et d’Isolde… IIIMystique et personne L’exemple des romantiques
806
xorable qui circonvient les rencontres fameuses :
Tristan
devant la cour d’Irlande est reçu par la fille du roi selon l’usage e
807
, dont la doctrine fut reprise par les auteurs du
Tristan
, d’où sont issus presque tous nos romans, étaient nourris de l’hérési
808
quelques jours de lecture des textes primitifs de
Tristan
, dans la petite salle où j’étais souvent seul de la bibliothèque Maza
809
étendre au cœur même de l’été qui vient, on donne
Tristan
à l’Opéra. J’ai pris les deux dernières places libres. Le taxi qui no
810
u xiie siècle par les troubadours et le roman de
Tristan
. Il faudrait au moins distinguer amour et sexualité. Il n’est pas exa
811
xorable qui circonvient les rencontres fameuses :
Tristan
devant la cour d’Irlande est reçu par la fille du roi selon l’usage e
812
par la révélation d’amour, se muer en l’image de
Tristan
. Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu’il ne p
813
evivra éternellement ! Ainsi Nietzsche devient le
Tristan
d’un Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement loin
814
l’instinct même et du plaisir. C’est ce qui jette
Tristan
et Iseut dans la mort, souhaitée comme un suprême accomplissement. La
815
toutes les langues d’Europe, du roman (dérivé de
Tristan
), du tableau de chevalet ou de l’opéra, du concerto, de la symphonie
816
en prose dès la fin du même siècle : le Roman de
Tristan
et Iseut. Du Midi des troubadours, inventeurs de notre lyrisme, au No
817
us grands érudits l’ont décrite. Mais le roman de
Tristan
ne fut pas imité par les seuls écrivains depuis près de huit siècles
818
e le jeune Européen moyen ne ressemble pas plus à
Tristan
que n’importe quel fidèle endimanché aux martyrs dont le sang fut la
819
monde féodal, qui est le monde des « fidélités ».
Tristan
, pris de passion, viole tous les interdits moraux, sociaux et religie
820
e de la loi : ama et fac quod vis ! La passion de
Tristan
ne pouvait se déclarer dans sa grandeur tragique et obsédante qu’au s
821
lis parlant de sa fiancée perdue. Sur la tombe de
Tristan
et d’Iseut, deux plantes en une nuit s’élèvent et s’enlacent. Et ce s
822
rage doit paraître à la fin de cette année. 10.
Tristan
, de Gottfried de Strasbourg. 11. Bien qu’ils vident l’un et l’autre
823
t la légende et le mythe de la passion mortelle :
Tristan
. À cette montée puissante et comme universelle de l’Amour et du cult
824
du Nord, ceux du cycle d’Arthur, du Graal, et de
Tristan
, pour décrire des actions et des drames, et non plus seulement pour c
825
pour la première fois clairement dans le mythe de
Tristan
. Dès lors je dépassais largement mon sujet : il ne s’agissait plus d’
826
itial : dénoncer la crise du mariage. Le mythe de
Tristan
, dégradé, édulcoré, à l’état inconscient habite toujours les esprits.
827
t Thomas d’Aquin : Somme théologique. 8. Béroul :
Tristan
. 9. Chrétien de Troyes : Le Chevalier au lion. 10. Rabelais : Pantagr
828
en prose dès la fin du même siècle : le Roman de
Tristan
et Iseut. Du Midi des troubadours, inventeurs de notre lyrisme, au No
829
us grands érudits l’ont décrite. Mais le roman de
Tristan
ne fut pas imité par les seuls écrivains depuis près de huit siècles
830
e le jeune Européen moyen ne ressemble pas plus à
Tristan
que n’importe quel fidèle endimanché aux martyrs dont le sang fut la
831
monde féodal qui est le monde des « fidélités ».
Tristan
pris de passion viole tous les interdits moraux, sociaux et religieux
832
e de la loi : ama et fac quod vis ! La passion de
Tristan
ne pouvait se déclarer dans sa grandeur tragique et obsédante qu’au s
833
lis parlant de sa fiancée perdue. Sur la tombe de
Tristan
et d’Iseut, deux plantes en une nuit s’élèvent et s’enlacent. Et ce s
834
sion révisée de cet ouvrage a paru en 1956. 35.
Tristan
, de Gottfried de Strasbourg. 36. Bien qu’ils vident l’un et l’autre
835
Nouvelles métamorphoses de
Tristan
(février 1959)ar La passion est cette forme de l’amour qui refuse
836
transparaît, dominateur, l’archétype médiéval de
Tristan
. Je ne sais à vrai dire si la passion naît de la distance, ou l’inver
837
cle Trois œuvres où transparaît l’archétype de
Tristan
nous sont données vers ce milieu du siècle par l’Europe, l’Amérique e
838
donc, dans ces trois œuvres, qu’à l’apparition de
Tristan
, dictant impérieusement — à l’insu des auteurs — la rhétorique profon
839
e — on aura reconnu les personnages du drame, ces
Tristan
séparés d’une Iseut « interdite » par un roi Marc, qui est la Morale
840
’un Béroul. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de
Tristan
n’était pas moins choquant au xiie siècle que ne l’est aujourd’hui L
841
trement bouleversants ! Les premières versions de
Tristan
glorifiaient une forme d’amour non seulement opposée au mariage, mais
842
et situations les plus typiques de la légende de
Tristan
. Mais il est curieux de noter qu’à chaque fois un point d’ironie frap
843
insi, la mère du héros meurt très tôt (comme dans
Tristan
), mais voici le ton du récit : « Ma très photogénique mère mourut dan
844
rave mélodie » qui marque la mort de la mère dans
Tristan
!) Le nom de l’hôtel où se passe la nuit de la séduction, les Chasseu
845
ement l’état de transe de la scène des aveux dans
Tristan
, mais toute la description du lieu vise précisément à le désenchanter
846
t de l’erreur « fatale » de Brangien.) Comme dans
Tristan
, il est vrai, la polémique contre le mariage au nom de l’amour-passio
847
e l’amour-passion anime tout le récit. Comme dans
Tristan
, l’on sent que l’auteur n’est pas intéressé par le côté sexuel de son
848
ar la magie de l’Éros, et il le dit75. Comme dans
Tristan
, « les amants fuient le monde et lui, eux ». Enfin, comme dans Trista
849
fuient le monde et lui, eux ». Enfin, comme dans
Tristan
, ils meurent à peu de temps l’un de l’autre, séparés. Mais leur mort
850
l qu’il est, cet ouvrage parfait reste, aussi, un
Tristan
manqué. Et cela tient à l’immaturité de l’objet même de la passion dé
851
de l’indistinction que chante le deuxième acte de
Tristan
: La nuit brillante enferme en ses bras maternels toutes les contrad
852
e monde existe encore et les appelle… « Deh ! dit
Tristan
, quelle départie ! » Mais il y a plus. La lucidité de Musil s’attaque
853
te « Iseut » inaccessible, dont il semble être le
Tristan
? Et quel est le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à lire plus ava
854
e, la maîtresse clandestine, interdite, enlevée à
Tristan
par l’homme qui symbolise le Pouvoir régnant, — la fuite dans la forê
855
t les mêmes péripéties dans tous les temps depuis
Tristan
, depuis l’épiphanie grandiose et décisive de l’archétype de la passio
856
articulière du régime politique au pouvoir. Ainsi
Tristan
, modèle du chevalier, est contraint de violer le sacré féodal, devien
857
fficace tandis que la censure hésite. Le Roman de
Tristan
n’apparut dans l’histoire qu’au temps où la réforme grégorienne et le
858
ls encore provoquer les épiphanies romanesques de
Tristan
et de l’amour-passion ? Le totalitarisme soviétique et le conformisme
859
ieux de Lolita. ar. « Nouvelles métamorphoses de
Tristan
», Preuves, Paris, n° 96, février 1959, p. 14-27.
860
lobant le mariage d’amour, la passion mystique de
Tristan
et la licence impie de Don Juan (l’une au-delà et l’autre en deçà du
861
la mystique d’amour, Héloïse et la passion vécue,
Tristan
et la passion rêvée, le culte de la Dame et le culte de la Vierge, le
862
s majeurs de l’érotique occidentale : Don Juan et
Tristan
, en suivant leurs métamorphoses dans la vie et l’œuvre de Kierkegaard
863
si nous fera-t-elle entrevoir comment le mythe de
Tristan
— en dépit du pseudo-bouddhisme tardivement emprunté par Wagner à Sch
864
e sensible, — et c’est pourquoi j’ai osé dire que
Tristan
n’aimait pas Iseut — cette passion n’est-elle pas mieux vue si l’on é
865
e », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur de
Tristan
», motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alors dans
866
endrait cet amour, à qui irait-il ? La passion de
Tristan
est la preuve de l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanishad. 83
867
a vécu l’amour unique, la passion malheureuse de
Tristan
, mais ses premiers grands livres pseudonymes évoquent le vol d’un som
868
est circonscrit par l’éternité. Kierkegaard et
Tristan
Kierkegaard fut pourtant le contraire d’un Don Juan. Dans ses rapp
869
ique et longuement malheureux pour Régine, il fut
Tristan
. Cependant, je n’ai trouvé dans toute son œuvre que de rares allusion
870
à l’Hamlet de Shakespeare, et pas une mention de
Tristan
— pour des centaines de pages enthousiastes et lyriques sur le Don Ju
871
se avec l’Éros, avec la vie. Et c’est le mythe de
Tristan
qui reparaît enfin ! On sait assez que le paradoxe est la catégorie f
872
ique que symbolisent les mythes de Don Juan et de
Tristan
. Suivons maintenant les phases de leur grande polémique dans l’œuvre
873
ourrait supporter l’audition du troisième acte de
Tristan
« à moins de suffoquer sous la tension convulsive de toutes les fibre
874
e : dans ce que Nietzsche exprime consciemment —,
Tristan
s’est évanoui et Don Juan domine tout. Wagner n’est plus « mon noble
875
bschen, loin de Bayreuth surtout — où l’auteur de
Tristan
est l’époux comblé de Cosima… — loin du Nord désormais détesté, Nietz
876
étaphysique) ». 108. Cf. supra, « Kierkegaard et
Tristan
». 109. Aurore, n° 27. 110. Aurore, n° 503. 111. Généalogie de
877
La beauté fait pleurer les meilleures larmes » —
Tristan
. Preuve : sentir intensément. Pique La forme indique le nomb
878
le Don Juan du théâtre comme le reflet inversé de
Tristan
. Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des personnages, d
879
rd il vient de suspendre sa course. Au contraire,
Tristan
vient en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hyp
880
possédé à l’infini se concentre le monde entier.
Tristan
n’a plus besoin du monde — parce qu’il aime ! Tandis que Don Juan, to
881
oin qu’elle existe pour trouver goût à la violer.
Tristan
, lui, se voit libéré du jeu des règles, des péchés et des vertus, par
882
n de plus en plus décevante et méprisable — quand
Tristan
est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un
883
tés qui eussent déshonoré un véritable chevalier.
Tristan
, mélancolique et courageux, n’abdique au contraire son orgueil qu’à l
884
à la main.123 Ou simplement en quelques mots :
Tristan
, triste temps, joyeuse éternité. — Don Juan, joyeux moments, éternité
885
ique actuelle. Don Juan n’est pas concevable sans
Tristan
, et sans lui n’eût pas vu le jour. Mais ce lien de genèse réciproque
886
cale de l’autre. (Pire qu’un Don Juan, pire qu’un
Tristan
, seraient un Don Juan marié ou un Tristan coureur.) Enfin, pour la Ps
887
e qu’un Tristan, seraient un Don Juan marié ou un
Tristan
coureur.) Enfin, pour la Psychologie, toute apparition de l’un des my
888
sociées, Don Juan peut régir telle d’entre elles,
Tristan
telle autre. La filiation des mythes ne pose guère de problèmes. La l
889
mythes ne pose guère de problèmes. La légende de
Tristan
date du xiie siècle, celle de Don Juan ne remonte guère qu’à la Rena
890
la passion devait faire apparaître l’antithèse de
Tristan
. Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xviiie , du
891
bservons aussi que Don Juan succède normalement à
Tristan
, comme le cosmopolite au féodal. Si Tristan quitte ses terres, s’éloi
892
ent à Tristan, comme le cosmopolite au féodal. Si
Tristan
quitte ses terres, s’éloigne de la Cour, son « errance » traduit dans
893
de la psychologie individuelle, l’antériorité de
Tristan
me paraît encore plus évidente. L’amour-passion n’est ressenti dans s
894
brèves rencontres érotiques. De ce point de vue,
Tristan
serait un mari manqué pour avoir manqué le social et surcompensé cet
895
ec par la passion ; tandis que Don Juan serait un
Tristan
manqué, pour avoir reculé à la fois devant le social et le sentimenta
896
der la durée, l’autre en faire fi. L’un se voudra
Tristan
, l’autre Don Juan. Don Juan nous chante qu’il n’est heureux que dans
897
faisait tuer avant l’aube ses amants d’une nuit.
Tristan
veut au contraire l’éternité, car il veut échapper à la souffrance, e
898
à cause de l’illusion, dit le bouddhisme — c’est
Tristan
qui a raison contre le mariage. S’il n’est pas d’autre vie ni d’autre
899
a vie est seul en mesure de condamner Don Juan et
Tristan
à la fois ; mais il n’a plus de raison de le faire… Le bonheur. —
900
he à l’annonce de la mort de Wagner : le motif de
Tristan
reparaît peu après dans le second Zarathoustra : « Car je t’aime, ô é
901
e donc une libération. Libération est la voie de
Tristan
. Sa passion veut aimer sans limites, au-delà des formes et du temps,
902
e » !) que nous laissent les dernières mesures de
Tristan
. L’amour. — Ici la dialectique des deux mythes se resserre. Elle a
903
de prochain, mais seulement des objets. Mais pour
Tristan
, si le dernier obstacle qui nourrit sa passion est dans le moi distin
904
erdent pour sauver leur vie les raisons de vivre,
Tristan
perd à cause de l’amour les raisons humaines d’aimer. Dans la pureté
905
, l’extraversion de Don Juan et l’introversion de
Tristan
anéantissent, chacune à sa manière, la réalité du prochain. Don Juan
906
à sa manière, la réalité du prochain. Don Juan et
Tristan
, symboles de l’âme, ne sont en fait que deux manières d’aimer sans ai
907
e la France et lui, quand il était le plus fort —
Tristan
plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas déposé une épée symbolique
908
32. Je traduis ici les derniers vers du livret de
Tristan
, tel qu’il est chanté : Nietzsche, dans l’Origine de la tragédie, cit
909
Tristan
et Iseut à travers le temps (1961)t I. Qui d’entre vous ne se
910
e vous ne se souvient de cette première phrase du
Tristan
rendu naguère au grand public européen par les soins de Joseph Bédier
911
des légendes arthuriennes, et d’abord de celle de
Tristan
, ce plaisir « à jamais littéraire » pour reprendre le mot de Valéry,
912
lle ne paraît à première vue : avec la légende de
Tristan
, c’est l’étymologie de nos passions que ces savants ont retrouvée. Se
913
ela donne à peu près ceci : « Les restitutions de
Tristan
servent à faire entendre la force du mythe, par la liaison qui se tro
914
, en effet, les textes primitifs de la légende de
Tristan
, qui remontent aux xiie et xiiie siècles, expriment bien autre chos
915
ar excellence de l’âme. Or c’est dans le mythe de
Tristan
qu’il a trouvé son expression la plus totale, délicieuse et tragique
916
qu’il entretient au niveau de l’existence banale.
Tristan
, c’est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, plus fo
917
nue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe de
Tristan
élève ainsi devant nos yeux, ce qu’il illustre en sa simplicité majes
918
isé par l’Église. C’est le mariage. Constater que
Tristan
est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, c’est reco
919
tre aussi que la vraie victime du mythe n’est pas
Tristan
, n’est pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui triomphe au
920
amais qu’une version renouvelée de l’archétype de
Tristan
et Iseut. Ils cherchent donc partout l’obstacle qui résiste, et n’en
921
reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif de
Tristan
: la surprise opposée à la fidélité, l’excitation rapide au lieu de l
922
e, celui-là justement dont triomphe la passion de
Tristan
et d’Iseut : et c’est la mort. J’ai laissé jusqu’ici dans l’ombre cet
923
’ange, et femme, figure la conclusion du mythe de
Tristan
: ce qui se passe trois jours après la mort d’amour. Iseut n’évoque-t
924
été, sur la Terre, le véritable objet du désir de
Tristan
, sa princesse lointaine et son « amour de loin » comme parlait le tro
925
oubadour Jaufré Rudel ? L’apparent narcissisme de
Tristan
trouverait ici son interprétation spirituelle. Toute filiation histor
926
re qu’ils ont bien mérité, mais de l’âme. t. «
Tristan
et Iseut à travers le temps », Bulletin de l’Académie royale de langu
927
indiquer d’intéressantes théories sur le roman de
Tristan
et Iseut, en réponse à M. Maurice Delbouille qui avait traité le même
928
édiévale en invitant à sa tribune, pour y évoquer
Tristan
et Iseut sous un angle tout différent, M. Denis de Rougemont, qui a t
929
de Rougemont, qui a traité, lui, du « mythe » de
Tristan
et Iseut dans plusieurs ouvrages. M. Robert Guiette, directeur de l’A
930
es analyses l’ont conduit à retrouver le mythe de
Tristan
dans ses métamorphoses les plus récentes. C’est en somme, après l’exp
931
oir épousé la formule dynamique de Don Juan et de
Tristan
; enfin, l’on reviendra au problème capital, celui de la personne en
932
lobant le mariage d’amour, la passion mystique de
Tristan
et la licence impie de Don Juan (l’une au-delà et l’autre en deçà du
933
et la musique, L’Alternative, Les Fleurs du mal,
Tristan
, témoignent d’une prise de conscience très profondément renouvelée de
934
es extrêmes de l’érotique occidentale : Don Juan,
Tristan
. 9. Le mot apparaît chez Kierkegaard dès 1843. On le trouvait déjà
935
pé tous leurs pouvoirs contagieux et révélateurs.
Tristan
, Faust, Hamlet et Don Juan sont bel et bien les créations imaginaires
936
nt attaché leur nom de fable, Œdipe ou Prométhée,
Tristan
, Faust ou Don Juan, mais aussi dans les innombrables descendants que
937
il a le goût de la facilité et du changement ; ou
Tristan
s’il se sent plus doué pour le malheur d’amour, ou la fidélité. La se
938
au d’aventuriers-penseurs de notre temps. Je vois
Tristan
dans la passion intellectuelle de Kierkegaard, dont le « paradoxe abs
939
ent de blasphémer — et j’en connais — en voyant «
Tristan
» dans ce siècle. S’il est vrai que les mythes nous en apprennent bie
940
eur valeur figurante. Nul Européen n’a jamais été
Tristan
, ni Don Juan, — et pas plus dans le passé qu’aujourd’hui ; mais sans
941
la mystique d’amour, Héloïse et la passion vécue,
Tristan
et la passion rêvée, le culte de la Dame et le culte de la Vierge, le
942
Nouvelles métamorphoses de
Tristan
La passion est cette forme de l’amour qui refuse l’immédiat, fuit l
943
transparaît, dominateur, l’archétype médiéval de
Tristan
. Je ne sais à vrai dire si la passion naît de la distance, ou l’inver
944
cle Trois œuvres où transparaît l’archétype de
Tristan
nous sont données vers ce milieu du siècle par l’Europe, l’Amérique e
945
donc, dans ces trois œuvres, qu’à l’apparition de
Tristan
, dictant impérieusement — à l’insu des auteurs — la rhétorique profon
946
e — on aura reconnu les personnages du drame, ces
Tristan
séparés d’une Iseut « interdite » par un roi Marc qui est la Morale c
947
’un Béroul. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de
Tristan
n’était pas moins choquant au xiie siècle que ne l’est aujourd’hui L
948
trement bouleversants ! Les premières versions de
Tristan
glorifiaient une forme d’amour non seulement opposée au mariage, mais
949
et situations les plus typiques de la légende de
Tristan
. Mais il est curieux de noter qu’à chaque fois un point d’ironie frap
950
insi, la mère du héros meurt très tôt (comme dans
Tristan
), mais voici le ton du récit : « Ma très photogénique mère mourut dan
951
rave mélodie » qui marque la mort de la mère dans
Tristan
!) Le nom de l’hôtel où se passe la nuit de la séduction, les Chasseu
952
ement l’état de transe de la scène des aveux dans
Tristan
, mais toute la description du lieu vise précisément à le désenchanter
953
t de l’erreur « fatale » de Brangien.) Comme dans
Tristan
, il est vrai, la polémique contre le mariage au nom de l’amour-passio
954
e l’amour-passion anime tout le récit. Comme dans
Tristan
, l’on sent que l’auteur n’est pas intéressé par le côté sexuel de son
955
ar la magie de l’Éros, et il le dit19. Comme dans
Tristan
, « les amants fuient le monde et lui, eux ». Enfin, comme dans Trista
956
fuient le monde et lui, eux ». Enfin, comme dans
Tristan
, ils meurent à peu de temps l’un de l’autre, séparés. Mais leur mort
957
l qu’il est, cet ouvrage parfait reste, aussi, un
Tristan
manqué. Et cela tient à l’immaturité de l’objet même de la passion dé
958
de l’indistinction que chante le deuxième acte de
Tristan
: La nuit brillante enferme en ses bras maternels toutes les contrad
959
e monde existe encore et les appelle… « Deh ! dit
Tristan
, quelle départie ! ». Mais il y a plus. La lucidité de Musil s’attaqu
960
te « Iseut » inaccessible, dont il semble être le
Tristan
? Et quel est le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à lire plus ava
961
e, la maîtresse clandestine, interdite, enlevée à
Tristan
par l’homme qui symbolise le Pouvoir régnant, — la fuite dans la forê
962
t les mêmes péripéties dans tous les temps depuis
Tristan
, depuis l’épiphanie grandiose et décisive de l’archétype de la passio
963
rticulière du régime politique au pouvoir. Ainsi,
Tristan
, modèle du chevalier, est contraint de violer le sacré féodal, devien
964
fficace tandis que la censure hésite. Le Roman de
Tristan
n’apparut dans l’histoire qu’au temps où la réforme grégorienne et le
965
ls encore provoquer les épiphanies romanesques de
Tristan
et de l’amour-passion ? Le totalitarisme soviétique et le conformisme
966
par la révélation d’amour, se muer en l’image de
Tristan
. Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu’il ne p
967
evivra éternellement ! Ainsi Nietzsche devient le
Tristan
d’un Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement loin
968
a vécu l’amour unique, la passion malheureuse de
Tristan
, mais ses premiers grands livres pseudonymes évoquent le vol d’un som
969
t circonscrit par l’éternité. IIKierkegaard et
Tristan
Kierkegaard fut pourtant le contraire d’un Don Juan. Dans ses rapp
970
ique et longuement malheureux pour Régine, il fut
Tristan
. Cependant, je n’ai trouvé dans tout son œuvre que de rares allusions
971
à l’Hamlet de Shakespeare, et pas une mention de
Tristan
— pour des centaines de pages enthousiastes et lyriques sur le Don Ju
972
et dans sa ruse avec la vie. Et c’est le mythe de
Tristan
qui reparaît enfin ! ⁂ On sait assez que le paradoxe est la catégorie
973
ique que symbolisent les mythes de Don Juan et de
Tristan
. Suivons maintenant les phases de leur grande polémique dans l’œuvre
974
ourrait supporter l’audition du troisième acte de
Tristan
« à moins de suffoquer sous la tension convulsive de toutes les fibre
975
e : dans ce que Nietzsche exprime consciemment —,
Tristan
s’est évanoui et Don Juan domine tout. Wagner n’est plus « mon noble
976
bschen, loin de Bayreuth surtout — où l’auteur de
Tristan
est l’époux comblé de Cosima… — loin du Nord désormais détesté, Nietz
977
le Don Juan du théâtre comme le reflet inversé de
Tristan
. Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des personnages, d
978
rd il vient de suspendre sa course. Au contraire,
Tristan
vient en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hyp
979
possédé à l’infini se concentre le monde entier.
Tristan
n’a plus besoin du monde — parce qu’il aime ! Tandis que Don Juan, to
980
oin qu’elle existe pour trouver goût à la violer.
Tristan
, lui, se voit libéré du jeu des règles, des péchés et des vertus, par
981
n de plus en plus décevante et méprisable — quand
Tristan
est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un
982
tés qui eussent déshonoré un véritable chevalier.
Tristan
, mélancolique et courageux, n’abdique au contraire son orgueil qu’à l
983
e à la main.49 Ou simplement en quelques mots :
Tristan
, triste temps, joyeuse éternité. — Don Juan, joyeux moments, éternité
984
ique actuelle. Don Juan n’est pas concevable sans
Tristan
, et sans lui n’eût pas vu le jour. Mais ce lien de genèse réciproque
985
cale de l’autre. (Pire qu’un Don Juan, pire qu’un
Tristan
, seraient un Don Juan marié ou un Tristan coureur.) Enfin, pour la Ps
986
e qu’un Tristan, seraient un Don Juan marié ou un
Tristan
coureur.) Enfin, pour la Psychologie, toute apparition de l’un des my
987
sociées, Don Juan peut régir telle d’entre elles,
Tristan
telle autre. La filiation des mythes ne pose guère de problèmes. La l
988
mythes ne pose guère de problèmes. La légende de
Tristan
date du xiie siècle, celle de Don Juan ne remonte guère qu’à la Rena
989
la passion devait faire apparaître l’antithèse de
Tristan
. Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xviiie , du
990
bservons aussi que Don Juan succède normalement à
Tristan
, comme le cosmopolite au féodal. Si Tristan quitte ses terres, s’éloi
991
ent à Tristan, comme le cosmopolite au féodal. Si
Tristan
quitte ses terres, s’éloigne de la Cour, son « errance » traduit dans
992
de la psychologie individuelle, l’antériorité de
Tristan
apparaît encore plus évidente. L’amour-passion n’est ressenti dans sa
993
brèves rencontres érotiques. De ce point de vue,
Tristan
serait un mari manqué pour avoir manqué le social et surcompensé cet
994
ec par la passion ; tandis que Don Juan serait un
Tristan
manqué, pour avoir reculé à la fois devant le social et le sentimenta
995
der la durée, l’autre en faire fi. L’un se voudra
Tristan
, l’autre Don Juan. Don Juan nous chante qu’il n’est heureux que dans
996
faisait tuer avant l’aube ses amants d’une nuit.
Tristan
veut au contraire l’éternité, car il veut échapper à la souffrance, e
997
à cause de l’illusion, dit le bouddhisme — c’est
Tristan
qui a raison contre le mariage. S’il n’est pas d’autre vie ni d’autre
998
a vie est seul en mesure de condamner Don Juan et
Tristan
à la fois ; mais il n’a plus de raisons de le faire… Le Bonheur. — M
999
he à l’annonce de la mort de Wagner : le motif de
Tristan
reparaît peu après dans le second Zarathoustra : « Car je t’aime, ô é
1000
e donc une libération. Libération est la voie de
Tristan
. Sa passion veut aimer sans limites au-delà des formes et du temps, a
1001
e » !) que nous laissent les dernières mesures de
Tristan
. L’amour. — Ici la dialectique des deux mythes se resserre. Elle att
1002
de prochain, mais seulement des objets. Mais pour
Tristan
, si le dernier obstacle qui nourrit sa passion est dans le moi distin
1003
dent, pour sauver leur vie, les raisons de vivre,
Tristan
perd, à cause de l’amour les raisons humaines d’aimer. Dans la puret
1004
, l’extraversion de Don Juan et l’introversion de
Tristan
anéantissent, chacun à sa manière, la réalité du prochain. Don Juan e
1005
à sa manière, la réalité du prochain. Don Juan et
Tristan
, symboles de l’âme, ne sont en fait que deux manières d’aimer sans ai
1006
e la France et lui, quand il était le plus fort —
Tristan
plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas déposé une épée symbolique
1007
7. Romains, 7, 6. 58. Derniers vers du livret de
Tristan
.
1008
mour et l’Occident et à ses analyses du mythe de
Tristan
. « C’est là, ajouta-t-il, et non dans les ouvrages des psychanalystes
1009
x mythes normalement exclusifs l’un de l’autre de
Tristan
et de Don Juan62. André Walter, ou l’angélisme Dès le premier l
1010
le premier livre de Gide, toutes les « notes » de
Tristan
sont manifestes. L’amour est lié à la séparation des deux amants : la
1011
s du mythe : car il est inconcevable à jamais que
Tristan
et Iseut se marient et s’ils le font pourtant, ce ne sera qu’apparenc
1012
surgit comme pour venger la douleur inhumaine de
Tristan
. Il se déguise un peu, pour mieux se faire admettre. Il prétend tout
1013
être plus le maître — l’un devenant la proie de «
Tristan
» et l’autre de « Don Juan » ? A-t-il été victime des dieux, j’entend
1014
a plus ! Il ne saura plus où le prendre ! Je suis
Tristan
, voyez mon âme, c’est un ange. Je suis Don Juan, voyez mon corps, bêt
1015
l à tête de scarabée79 » les figures alternées de
Tristan
et Don Juan. Ces deux « extrêmes » dont il s’était loué d’avoir su pr
1016
ecs (Prométhée, Thésée, Eurydice). Pas un mot sur
Tristan
même dans ses premières œuvres ; et pour Wagner, « une aversion passi
1017
te même lecture fut décisive pour Wagner écrivant
Tristan
: le nirvana qu’invoque André Walter, c’est la « joie suprême » d’Iso
1018
nt l’ici-bas de Don Juan à l’au-delà angélique de
Tristan
. 68. J. Delay, op. cit., II, p. 598. 69. Si le grain ne meurt, p.
1019
ssi nous fera-telle entrevoir comment le mythe de
Tristan
— en dépit du pseudo-bouddhisme tardivement emprunté par Wagner à Sch
1020
e sensible, — et c’est pourquoi j’ai osé dire que
Tristan
n’aimait pas Iseut — cette passion n’est-elle pas mieux vue si l’on é
1021
e », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur de
Tristan
», motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alors dans
1022
endrait cet amour, à qui irait-il ? La passion de
Tristan
est la preuve de l’âme, s’il en fût jamais. 115. Katha upanishad. 1
1023
nt que sexe en général. (Au contraire, l’amour de
Tristan
faisait d’une seule, élue, la Femme unique.) Cette forme du désir par
1024
La beauté fait pleurer les meilleures larmes ». —
Tristan
. Preuve : sentir intensément. Trèfle ♣ La forme indique le nombre 3.
1025
saint Jean de la Croix, Novalis, et Wagner (dans
Tristan
). 129. Paul Éluard. 130. Marc, 4, 32.
1026
ter, de devenir une passion. Et c’est le roman de
Tristan
et Iseut qui restera le prototype éternel de l’amour-passion qui se n
1027
les qu’on lui oppose, qui les invente au besoin :
Tristan
aurait pu garder Iseut aux cheveux d’or qu’il est allé conquérir pour
1028
du temps sanctionnaient le droit du plus fort et
Tristan
apparaît tout au long du roman comme supérieur aux autres. Or il n’us
1029
pas de ce droit et livre Iseut au roi Marc. Quand
Tristan
et Iseut, chassés de la cour de Marc vivent seuls dans la forêt, ils
1030
toujours aussi fort pour Iseut aux cheveux d’or,
Tristan
accepte pour la deuxième fois de la rendre au roi et décide d’épouser
1031
er lui-même Iseut aux blanches mains. Le roman de
Tristan
est en somme une longue suite de séparations et de revoirs successifs
1032
s de séparations sont aussi souvent inventées par
Tristan
qu’imposées par l’extérieur. Ce roman de Tristan dont le succès prodi
1033
Tristan qu’imposées par l’extérieur. Ce roman de
Tristan
dont le succès prodigieux révèle notre préférence pour le malheur, l’
1034
dégager du fouillis des apparences quotidiennes.
Tristan
, c’est un « type » de relations de l’homme et de la femme dans un gro
1035
s rêves. Quel rapport a donc au juste le roman de
Tristan
et la crise du mariage ? C’est que finalement notre crise du mariage
1036
èce de boulevard (le roi Marc est devenu le cocu,
Tristan
, le jeune premier, Iseut, l’épouse insatisfaite et oisive) ; l’adultè
1037
lle, ce sera la vraie vie, l’épanouissement de ce
Tristan
qu’il porte en soi. Mais aussitôt paraît une anxiété dans l’entourage
1038
u dans les bras d’un autre). Cet amour-passion de
Tristan
et Iseut qui se dénouait dans la mort, se dénouera alors un jour ou l
1039
bien de l’autre et agir pour ce bien. L’amour de
Tristan
et d’Iseut, et la passion, c’est l’angoisse d’être deux. L’amour dans
1040
ace du mariage, c’est la passion. Que le mythe de
Tristan
, origine de tous nos malheurs, soit définitivement balayé des conscie
1041
, dont la doctrine fut reprise par les auteurs du
Tristan
, d’où sont issus presque tous nos romans, étaient nourris de l’hérési
1042
Tripoli, la « princesse lointaine ». Le roman de
Tristan
et Iseut, un peu plus tard, va fixer pour des siècles le modèle de pr
1043
us intérieur à la psychologie des amants, lorsque
Tristan
déposera entre Iseut et lui, chassés dans la forêt et libres de s’aba
1044
la plus vague et conventionnelle, dans le roman :
Tristan
est simplement « le plus fort », Iseut « la plus belle et blonde »).
1045
blonde »). Si bien qu’on est en droit de dire que
Tristan
n’aime pas l’Iseut réelle, ni Iseut le Tristan réel, mais que l’un et
1046
e l’Isolde de Wagner en mourant sur le cadavre de
Tristan
: l’obstacle suprême qu’est la mort a porté la passion à son climax.
1047
riage, ouvertement. En termes de morale courante,
Tristan
peut être défini comme une glorification de l’adultère. Et l’on a vu
1048
ous-produit vulgarisé de la passion illustrée par
Tristan
. Comme la passion, la romance est une intoxication qui fait dire à se
1049
nt elle trouve encore à se nourrir. La passion de
Tristan
fondait une sorte de fidélité jusqu’à la mort, fidélité à un rêve il
1050
ssions secrètes et mortelles, dignes du modèle de
Tristan
, mais rares, décriées et honteuses, par là même sans danger du point
1051
: l’honneur, la passion amoureuse, la légende de
Tristan
, modèle de tous les romans au vrai sens du terme, puis la légende de
1052
sion suppose toujours entre le sujet et l’objet —
Tristan
et Iseut — un roi Marc qui les sépare : la morale, la société, le pèr
1053
l qu’on le rêve — l’amour-passion — est né avec «
Tristan
et Iseut » et que, depuis des siècles, nous vivons sous l’emprise de
1054
la surestimation de la passion, issue du mythe de
Tristan
, et de toute la littérature romanesque, se sont ajoutés tous les tabo
1055
es troubadours, les romanciers de la Table ronde,
Tristan
ont affiné et « compliqué » les sentiments, donc ont fait faire d’éno
1056
ichesse autant que de l’épée. Don Juan a remplacé
Tristan
. Seul Rousseau s’inspire de l’Astrée, de Pétrarque, des troubadours e
1057
orrespond qu’à des permissions extérieures. Voyez
Tristan
et Iseut. Quand ils ont supprimé l’obstacle qui empêchait et exaltait
1058
té. La passion est toujours possible. Le mythe de
Tristan
et Iseut est assez rusé pour se reproduire, quelles que soient les ci
1059
Le testament de
Tristan
(14-15 novembre 1970)ak Il a choisi le pays de son nom contre le c
1060
e. À l’autre extrême, le général de Gaulle fut le
Tristan
de la passion nationale. Son Iseut, c’est la France, et il est près d
1061
e la France et lui, quand il était le plus fort —
Tristan
plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas déposé une épée symbolique
1062
t plébiscité comme un second Charles le Grand. Ce
Tristan
de la nation déifiée, cet ennemi juré de l’Europe « intégrée », était
1063
ns la page si belle qui règle ses obsèques, c’est
Tristan
qui revient dans sa pleine stature : écartant les barons et le Pays l
1064
symbolisée par son armée… ak. « Le testament de
Tristan
», Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, n° 266, 14-
1065
raissait éclatante entre l’amour dans le mythe de
Tristan
et l’amour dans le mariagev. Daniel-Rops, qui dirigeait la collection
1066
n petit livre en deux volets opposant le mythe de
Tristan
et l’amour dans le mariage. Et nous avons pris date. Je devais lui do
1067
C’est au fond contre la vulgarisation du mythe de
Tristan
que je m’élevais, surtout dans L’Amour et l’Occident , et non pas co
1068
l’instinct même et du plaisir. C’est ce qui jette
Tristan
et Iseut dans la mort, souhaitée comme un suprême accomplissement. La
1069
: l’honneur, la passion amoureuse, la légende de
Tristan
, modèle de tous les romans au vrai sens du terme, puis la légende de
1070
ventureuse d’un Lancelot et d’un Perceval ou d’un
Tristan
, symbole mystique. Faut‑il enfin rappeler l’apport arabe, qui ne se l
1071
dours. Finalement, j’ai découvert que le mythe de
Tristan
et Iseut est l’ennemi intime du mariage et du couple. C’est un mythe
1072
s’ils n’ont jamais lu une ligne de l’histoire de
Tristan
. La passion amoureuse qui nous paraît si naturelle est en réalité exc
1073
poésie des troubadours, Héloïse et Abélard, puis
Tristan
et Iseut, prototype éternel de l’amour-passion : et c’est de là que v
1074
eut-on imaginer Iseut devenant Mme Tristan ! Mais
Tristan
et Iseut n’ont-ils pas été merveilleusement heureux ? Ils ont été mer
1075
ous dire pourquoi, car tout est parti du mythe de
Tristan
. La Rochefoucauld a fort bien compris que l’amour est essentiellement
1076
couple. L’une qui veut le dépasser par en haut —
Tristan
— l’autre par en bas — Don Juan. Nous versons continuellement dans l’
1077
ersons continuellement dans l’un ou dans l’autre.
Tristan
est l’homme d’un seul amour fatal. Don Juan, héros d’un siècle cyniqu
1078
xviiie , incapable de passion, est l’antithèse de
Tristan
, son double négatif, l’homme des rencontres sans lendemain, infidèle
1079
és, de Robert Musil. J’ai retrouvé l’archétype de
Tristan
à travers ces trois livres ; les trois en sont des reviviscences prob
1080
nces probablement inconscientes. Dans le mythe de
Tristan
, l’obstacle est l’époux d’Iseut, le roi Marc. Dans Lolita, c’est l’âg
1081
us, quel serait le couple idéal ? Je voudrais que
Tristan
découvre Iseut, qu’Iseut découvre Tristan, et qu’ils sachent leurs no
1082
ais que Tristan découvre Iseut, qu’Iseut découvre
Tristan
, et qu’ils sachent leurs noms. Je voudrais qu’ils cessent de dire com
1083
l’opéra de Wagner : « Non, plus d’Isolde, plus de
Tristan
. » Le masochiste intégral ne vaut rien pour aimer. Tristan n’aime pas
1084
» Le masochiste intégral ne vaut rien pour aimer.
Tristan
n’aime pas réellement Isolde. Il ne la voit pas. Il projette. Ce qu’i
1085
mariage dans l’amour. La passion représentée par
Tristan
, qui est le grand mythe de la passion originelle en Occident. Et d’au
1086
et animent les Européens sur le plan de l’amour :
Tristan
, d’un côté ; Don Juan, de l’autre. Tous deux adversaires du mariage.
1087
an, de l’autre. Tous deux adversaires du mariage.
Tristan
, parce qu’il dépasse le mariage vers un au-delà où il n’a plus besoin
1088
et le soir même je vais à l’Opéra, où l’on donne
Tristan
, cette revanche de la Nuit. Habet Acht ! Habet Acht ! Schon weicht d
1089
ais-je dit, par exemple, que « l’amour-passion de
Tristan
n’est rien d’autre que le catharisme » ?) Et quand il parle de la Réf
1090
ne sont très loin de l’endura d’amour dont meurt
Tristan
et où Isolde le rejoint en « joie suprême ». H. Davenson lui-même ind
1091
du Graal, Gauvain, Perceval, la belle histoire de
Tristan
et Iseut ». Aux exemples qu’il donne (Cercamon, Barbezieux, et le rom
1092
édante de la mort ne sont-ils pas ici, comme dans
Tristan
, liés par les complicités profondes du vertige ? Le Ciel me garde d’a
1093
che de sa mort ». Je lis et je revis l’émotion de
Tristan
. Je propose que cette émotion soit seule arbitre entre nos thèses. J
1094
à l’époque, mais il nous reste les lettres de ce
Tristan
châtié et repenti à cette Iseut devenue abbesse malgré elle, mais qui
1095
tage, aujourd’hui, sur le thème de l’inceste dans
Tristan
, et sur ses aspects œdipiens (indiqués très nettement, sinon bien dév
1096
par exemple au chapitre 12 du livre II). Certes,
Tristan
n’a pas pu désirer sa mère, qui est morte en couches. Mais sa tristes
1097
man en Prose. On y voit tout d’abord l’adolescent
Tristan
, âgé de 14 ou 15 ans, séjourner chez son oncle le roi Marc « comme un
1098
comparaison de lui ». À ce moment donc, Marc aime
Tristan
, qu’il ignore être son neveu. Puis Tristan triomphe du Morholt, et ré
1099
c aime Tristan, qu’il ignore être son neveu. Puis
Tristan
triomphe du Morholt, et révèle sa naissance royale. Mais, blessé, il
1100
, le Roman nous dit : « Le roi Marc prend bientôt
Tristan
en haine, car il le craint plus qu’autrefois. » Il envoie donc son ne
1101
d’Iseut, qu’il veut pour femme, sachant bien que
Tristan
risque sa vie s’il retourne au pays du Morholt. Et Tristan le sait au
1102
isque sa vie s’il retourne au pays du Morholt. Et
Tristan
le sait aussi : « Quand Tristan entend cette nouvelle, il pense que s
1103
ys du Morholt. Et Tristan le sait aussi : « Quand
Tristan
entend cette nouvelle, il pense que son oncle l’envoie en Irlande plu
1104
en venant au monde.) Conquis par les prouesses de
Tristan
, le roi d’Irlande lui dit enfin : « Tristan vous avez tant fait…, je
1105
es de Tristan, le roi d’Irlande lui dit enfin : «
Tristan
vous avez tant fait…, je vous remets Iseut pour vous ou pour votre on
1106
perte du sein maternel, sevrage), on comprend que
Tristan
ne puisse aimer (au sens du dürfen allemand, ou permission) que si l’
1107
uvent donc dans les relations triangulaires entre
Tristan
, Marc et Iseut. Ces contradictions sont illustrées par tous les épiso
1108
t vaut mieux que la vie quotidienne partagée). Si
Tristan
décidait de garder Iseut pour lui, il violerait le tabou courtois. S’
1109
ifférencie de la nature248, alors nous voyons que
Tristan
, poème du Triangle essentiel (Père, Mère et Fils) et de la primordial
1110
(au surplus compliqués de drogue) comme celui de
Tristan
et d’Iseut. La passion une fois déclarée exige beaucoup plus que cett
1111
le mise en présence de deux êtres. Dans le cas de
Tristan
et d’Iseut, il en va bien ainsi, selon Thomas ; mais selon Béroul, c’
1112
e confession qu’il met dans leur bouche (p. 40) :
Tristan
: Qu’el m’aime, c’est par la poison Ge ne me pus de lié partir N’ele
1113
u’il a tué, et sans espoir de survivre à son mal,
Tristan
s’embarque à l’aventure dans une nacelle sans voile ni rames, emporta
1114
igations solitaires, Iseut intervient pour guérir
Tristan
des effets du poison, puis ils sont de nouveau séparés. Mais quand il
1115
assif ou extatique, elle est mortelle, comme chez
Tristan
et quelques-uns des grands mystiques. Reste à voir ce qu’elle peut pr
1116
Quête du Graal, de la tragédie d’Œdipe à celle de
Tristan
, toutes les grandes œuvres de la littérature mondiale, jusqu’au xiie
1117
La Merveilleuse histoire de
Tristan
et Iseut [préface] (1973)af Gaston Paris, Joseph Bédier, Ernest Vi
1118
xxe siècle les textes originaux de la légende de
Tristan
et son contexte culturel et historique, ont fait bien plus qu’une œuv
1119
lle ne paraît à première vue : avec la légende de
Tristan
, c’est l’étymologie de nos passions que ces savants ont retrouvée. Se
1120
ela donne à peu près ceci : « Les restitutions de
Tristan
servent à faire entendre la force du mythe, par la liaison qui se tro
1121
, en effet, les textes primitifs de la légende de
Tristan
, qui remontent aux xiie et xiiie siècles, expriment bien autre chos
1122
r excellence de l’âme. Or, c’est dans le mythe de
Tristan
qu’il a trouvé son expression la plus totale, délicieuse et tragique
1123
ans sa pleine stature et ses profonds pouvoirs. ⁂
Tristan
, c’est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, plus fo
1124
nue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe de
Tristan
élève ainsi devant nos yeux, ce qu’il illustre en sa simplicité majes
1125
isé par l’Église. C’est le mariage. Constater que
Tristan
est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, c’est reco
1126
tre aussi que la vraie victime du mythe n’est pas
Tristan
, n’est pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui triomphe au
1127
amais qu’une version renouvelée de l’archétype de
Tristan
et Iseut. Ils cherchent donc partout l’obstacle qui résiste, et n’en
1128
reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif de
Tristan
: la surprise opposée à la fidélité, l’excitation rapide au lieu de l
1129
e, celui-là justement dont triomphe la passion de
Tristan
et d’Iseut : et c’est la mort. ⁂ J’ai laissé jusqu’ici dans l’ombre c
1130
’ange, et femme, figure la conclusion du mythe de
Tristan
: ce qui se passe trois jours après la mort d’amour. Iseut n’évoque-t
1131
été, sur la Terre, le véritable objet du désir de
Tristan
, sa princesse lointaine et son « amour de loin » comme parlait le tro
1132
oubadour Jaufré Rudel ? L’apparent narcissisme de
Tristan
trouverait ici son interprétation spirituelle. Toute filiation histor
1133
n’éclate malgré lui que dans l’épisode bref, tel
Tristan
fou ; Mary plus pittoresque et foisonnant, au détail descriptif savou
1134
Bédier et Mary, comme Wagner, sont des auteurs de
Tristan
, à peu près au même titre que Béroul ou Thomas, Gottfried, Eilhart, C
1135
la mort comme nul moderne adaptateur ne l’a osé.
Tristan
surpris par le roi Marc implore son pardon pour la Reine mais dit de
1136
ne mais dit de lui-même : « Ah ! Mort, viens voir
Tristan
et finis ses douleurs ! » Il en reste chez Bédier : « Que m’importe d
1137
doute mieux. Dans le même Roman en prose, lorsque
Tristan
meurt : « Douce amie, je ne vous verrai plus. Adieu, je m’en vais et
1138
e Gaston Paris. af. La Merveilleuse histoire de
Tristan
et Iseut, Gallimard, 1973, p. 8-25. Préface à l’édition d’André Mary.
1139
, bien avant le Moyen Âge courtois et le roman de
Tristan
et Iseut, qui contient d’ailleurs tant de réminiscences de l’Antiquit
1140
rt » qui est, comme nous le verrons, le secret de
Tristan
. La révolution chrétienne Cinq siècles après Platon, Plutarque
1141
venture d’Héloïse et Abélard apparaît le roman de
Tristan
et Iseut. Plusieurs allusions dans des poésies de troubadours datant
1142
ion (en langue romane — d’où le nom de roman), le
Tristan
et Iseut de Béroul, commence à circuler en Europe. Tous les éléments
1143
dans la cortezia se retrouvent dans l’histoire de
Tristan
: désir exaspéré par les obstacles de toute nature à sa conservation
1144
vice de la Dame à laquelle l’homme sacrifie tout (
Tristan
renonce à son rang à la cour, faillit à l’honneur du chevalier et à l
1145
domine le roman est gnostique… Ainsi, le roman de
Tristan
décrit, analyse et déploie dans la durée tous les motifs psychologiqu
1146
ès les premiers instants, va peser sur l’amour de
Tristan
et d’Iseut. Car le trio Tristan-Iseut-roi Marc correspond non pas, ce
1147
té psychosociale, au trio œdipien fils-mère-père.
Tristan
naît dans le malheur parental : son père vient de mourir et sa mère,
1148
ateur, en vertu d’une institution dite fosterage.
Tristan
est donc, en droit, le « fils » de Marc. Chargé par ce dernier de la
1149
pont brûlant du bateau qui les ramène d’Irlande.
Tristan
, qui est le plus fort des chevaliers et qui a conquis Iseut par valeu
1150
es ruses inépuisables de l’amour-passion. Quant à
Tristan
, du preux chevalier à l’amoureux transi des romantiques, du héros emp
1151
e du Nord et l’Angleterre celtique. La légende de
Tristan
et Iseut reste le prototype éternel de l’Amour, inventé par la poésie
1152
i-femme-amant ou maîtresse.) La descendance de
Tristan
Le roman le plus littéraire de la littérature française est sans d
1153
oise et la plus belle épiphanie du mythe avant le
Tristan
et Isolde de Wagner. Ici la mort par amour n’est plus seulement métap
1154
de l’amour courtois et de la passion fatale, à la
Tristan
, dont on peut voir qu’elle est devenue la manière de « ressentir l’am
1155
ument à toute épreuve du philtre. Ici, comme pour
Tristan
, « le Destin » va servir d’alibi à la responsabilité (culpabilité) de
1156
ètement anxieuse. Or, Don Juan est l’antithèse de
Tristan
, son négatif parfait : infidèle par définition, homme des rencontres
1157
emmes celle qui pourrait retenir son amour, quand
Tristan
était l’homme d’un seul amour fatal mais dans lequel il trouvait tout
1158
s la mélancolie profonde qui baigne l’histoire de
Tristan
s’attache encore au roman de Rousseau comme à tous ceux qu’il fera na
1159
raduira le mieux l’action souterraine du mythe de
Tristan
, réactivé par les tabous de la nouvelle société, et qui réinventera l
1160
une version renouvelée de l’archétype courtois de
Tristan
et Iseut. Ils cherchent partout l’obstacle qui résiste et ils n’en tr
1161
ie et pollution comprises, mais aussi le Roman de
Tristan
, et l’amour-passion, la Comédie et les deux Sommes, les mystiques esp
1162
n fait, n’est qu’une sorte d’utopie unificatrice.
Tristan
en est l’archétype. Manifestement — et je l’ai prouvé —, Tristan n’ai
1163
l’archétype. Manifestement — et je l’ai prouvé —,
Tristan
n’aime pas Iseut. Il aime l’amour dans lequel l’identité d’Iseut s’an
1164
equel l’identité d’Iseut s’anéantit et disparaît.
Tristan
pénètre dans cet état passionnel grâce à un philtre dont les chroniqu
1165
ment ainsi que procèdent les États-nations. Comme
Tristan
, ils disent « seul je suis, moi,ax le monde » et, face à cette certit
1166
tay, cet analogue du philtre, de la drogue. Comme
Tristan
, l’État-nation veut être seul au monde. Il ne reconnaît rien au-dessu
1167
vous avez écrit un article intitulé « La mort de
Tristan
» ? La comparaison s’imposait… De Gaulle était une sorte de Tristan d
1168
paraison s’imposait… De Gaulle était une sorte de
Tristan
dont l’Iseut aurait été la France. Il le dit d’ailleurs dès les premi
1169
ée à des malheurs exemplaires. »ba Et de même que
Tristan
n’aimait pas Iseut mais l’amour, de Gaulle méprisa les Français pour
1170
i grand rôle dans toutes les versions du mythe de
Tristan
), n’était-ce pas ainsi qu’il désignait les hommes de parti qui risqua
1171
Marcbb, qui symbolise la légalité, que du côté de
Tristan
. Le drame, c’est que le roi Marc est plutôt ennuyeux… Ennuyeux comme
1172
’Occident qui est une méditation sur le mythe de
Tristan
et Iseut, sur le goût des Occidentaux pour l’amour impossible, et vot
1173
ription de l’amour-passion dont l’archétype reste
Tristan
et Iseut. En lisant leur histoire attentivement, on constate que Tris
1174
sant leur histoire attentivement, on constate que
Tristan
n’aime pas Iseut ; il aime seulement aimer, être amoureux et il proje
1175
qu’elle est comme « personne ». Or, c’est grave.
Tristan
vit en quelque sorte un amour totalitaire : il est seul dans son mond
1176
xiie siècle (romans de la Table ronde, mythe de
Tristan
). L’apport arabe est triple : éléments de chimie et de mathématiques,
1177
ours du xiie siècle. Tous nos romans dérivent du
Tristan
primitif de l’Anglo-Normand Béroul, dans la mesure où ils sont de vra
1178
ne nous ont rien laissé qui se puisse comparer à
Tristan
ni à Werther, à Novalis, ni aux chefs-d’œuvre des Brontë, de Thomas H
1179
sabéthains, le xiie siècle des troubadours et de
Tristan
, les premiers siècles du christianisme ? Définissons d’abord nos term
1180
ie siècle par les troubadours et par le roman de
Tristan
. Il faudrait au moins distinguer amour et sexualité. Il n’est pas exa
1181
e « Princesse de légendes », cette Iseut que, tel
Tristan
, il n’aime jamais autant que lorsqu’il s’en voit séparé ? (D’où sa se
1182
es régions II, p. 82). 30. Cf. « Le testament de
Tristan
», Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, n° 266, 14-
1183
dait La Rochefoucault. C’est le mythe médiéval de
Tristan
qui a « parlé d’amour » à l’Europe puis à l’Occident tout entier, du
1184
Faust sera son héros tragique. Reflet inversé de
Tristan
, homme de mille et trois femmes quand Tristan l’est d’une seule, il o
1185
de Tristan, homme de mille et trois femmes quand
Tristan
l’est d’une seule, il occupe la scène d’un bond quand Tristan s’y ava
1186
t d’une seule, il occupe la scène d’un bond quand
Tristan
s’y avance avec toute la lenteur de celui qu’hypnotise un objet merve
1187
art c’est-à-dire au xiie siècle, par le mythe de
Tristan
et Iseut. L’amour qui unit ces deux héros, je l’ai défini comme se no
1188
ntaient que j’avais parlé avec plus de chaleur de
Tristan
que du mariage n’avaient pas tout à fait tort. Aujourd’hui encore, je
1189
erai pas au grand duo d’amour du deuxième acte de
Tristan
, surtout au moment sublime où Brangaine du haut de la tour avertit le
1190
plus précisément, avec à l’origine la légende de
Tristan
et la poésie des troubadours. Ceci m’a amené à formuler des considéra
1191
i de la France, dont on a reconnu l’influence sur
Tristan
et la quête du Graal. Or, je l’avais dit avant la guerre et l’on m’a
1192
rême accomplissement, comme le montre le roman de
Tristan
, le mythe de Tristan, pour mieux dire. J’ai découvert en écrivant ce
1193
comme le montre le roman de Tristan, le mythe de
Tristan
, pour mieux dire. J’ai découvert en écrivant ce livre que les notions
1194
n Âge un rôle un peu analogue à celui du Roman de
Tristan
pour l’Europe. Cette découverte éblouie m’a fait écrire en trois mois
1195
t, c’est dans la mort que les amants légendaires,
Tristan
et Iseut, trouveront le couronnement de leur passion, la « joie suprê
1196
s chanté par les troubadours et du grand mythe de
Tristan
et Iseut dont le sens ultime est que Tristan n’aime pas Iseut dans sa
1197
e de Tristan et Iseut dont le sens ultime est que
Tristan
n’aime pas Iseut dans sa réalité. Ce qu’il aime, c’est aimer, être ai