1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 rément purement littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, cette inquié
2 la recherche de la vérité. Dès son premier livre, il s’est montré tout entier, il a bravement affirmé son unité. Car le te
3 s son premier livre, il s’est montré tout entier, il a bravement affirmé son unité. Car le temps n’est plus, où les jeunes
4 esthétisme énervant qu’on appelle symbolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine de M. de Montherlant, qui en est sort
5 de l’après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme-t- il , se disputent le monde. L’une vient de l’Orient, et insinue dans le m
6 r M. de Montherlant comme pour Maurras, est ce qu’ il importe de sauvegarder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien d’
7 t décidément pas philosophe. Peut-être ne lui a-t- il manqué pour le devenir que le temps de méditer : il a quitté le collè
8 manqué pour le devenir que le temps de méditer : il a quitté le collège jésuite pour la tranchée, puis « le sport l’a sai
9 es et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d
10 n obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t- il ainsi évité le choc fatal pour tant d’autres du guerrier et du bourge
11 autres du guerrier et du bourgeois. Dernièrement, il abandonna le stade et rentra dans le monde où nous vivons tous. Écœur
12 où nous vivons tous. Écœuré du désordre général, il cherche des remèdes, et nous tend les premiers qui lui tombent sous l
13 ent être administrés ensemble. L’opération faite, il a pourtant fallu la justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours
14 . « On se fait son unité comme on peut », avoue-t- il franchement. Il me semble bien paradoxal de vouloir unir dans une mêm
15 on unité comme on peut », avoue-t-il franchement. Il me semble bien paradoxal de vouloir unir dans une même philosophie la
16 eut oublier la partie doctrinaire de cette œuvre, elle ne lui est pas indispensable : « Ces simplifications valent ce que va
17 on idées générales, et j’avoue bien volontiers qu’ il n’est pas une opinion sur le monde à laquelle je ne préfère le monde 
18 ignés… ». Voici passer un coureur : « À peine a-t- il touché la piste d’herbe, c’est une allégresse héroïque qu’infuse à so
19 ’air et le sol, dieux rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un et l’autre. Ainsi mon art, entre terre et ciel. Ma
20 e et posée, est pleine du désir de l’air. Danse-t- il sur une musique que je n’entends pas ? » — Mais plus que le corps en
21 accepte une règle ; on l’assimile, à tel point qu’ elle n’est plus une entrave à la violence animale déchaînée dans le corps
22 . Le chef se dresse entre les dix qui sont à lui. Il dit : « Je ne demande pas qu’on m’aime. Je demande qu’on me soit dévo
23 qu’on m’aime. Je demande qu’on me soit dévoué. » Ils disent : « Tu es notre capitaine. » Ces choses ne sont pas dites en v
24 n peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’ elle sert mieux la démocratie que l’Église romaine, quoi qu’en pense M. de
25 pense M. de Montherlant. Et voici, ô paradoxe, qu’ il rejoint Kant, Kant qui écrit : « C’est sur des maximes, non sur la di
26  C’est sur des maximes, non sur la discipline, qu’ il faut fonder la conduite des jeunes gens : celle-ci empêche les abus,
27 es filles assez fortes pour pouvoir tout lire, et il n’y aura plus besoin de roman catholique. » C’est ce qu’on pourrait a
28 e. Ainsi l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t- il pas à combattre certaines faiblesses : il développe ses qualités, le
29 puise-t-il pas à combattre certaines faiblesses : il développe ses qualités, le reste s’arrange de soi-même. ⁂ M. de Month
30 bâtie son œuvre. L’intéressant sera de voir ce qu’ il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin
31 catholique. Et son lyrisme, encore un peu brutal, il saura le dompter, et atteindre au classicisme véritable. Voici un con
32 tructeur, un entraîneur, et qui joue franc jeu. S’ il faut lutter contre lui, nous savons qu’il observera les règles. Saluo
33 jeu. S’il faut lutter contre lui, nous savons qu’ il observera les règles. Saluons-le donc du salut des équipes avant le m
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
34 part. Mais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils en reviennent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs m
35 (contrairement à ce que pense souvent le public), ils préparent l’avènement d’un classicisme nouveau. M. Meili a mis en évi
36 intre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili. Est- il besoin de souligner l’importance de telles prises de contact entre ar
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
37 eaucoup d’antérieures protestations belliqueuses. Il nous montre « des Français qui pensent ces carnages inévitables, avec
38 titude est responsable de ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour
39 e ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour avoir contemplé Verdun,
40 gendaires de Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ ils trouvaient au front. D’une phrase, il justifie son livre : « Ranimons
41 e vie » qu’ils trouvaient au front. D’une phrase, il justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour les vouloir éviter,
42 irent » du front dans notre paix lassée, ne prend- elle pas une pathétique signification ? Pourtant ici encore transparaît un
43 ontraires s’unissent dans la grandeur. La paix qu’ il appelle, c’est autre chose que l’absence de guerre, c’est une paix qu
44 travaillerait le levain des vertus guerrières. «  Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré de souven
45 paix, c’est vers de plus sereines exaltations qu’ il va porter son ardeur. Il va chercher le souvenir de l’aventure antiqu
46 sereines exaltations qu’il va porter son ardeur. Il va chercher le souvenir de l’aventure antique, et dans ce qui fut Rom
47 ent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais s’ il faut en voir la raison dans la force de la personnalité révélée ou da
48 dans la guerre. Que de sacrifices ne lui devra-t- il pas offrir ainsi les romans « intéressants » ou « curieux » ; le « gr
49 sme » à la Chateaubriand, voire à la Barrès, dont il est capable et qu’il lui faudra livrer au « feu de vérité » qui brûle
50 and, voire à la Barrès, dont il est capable et qu’ il lui faudra livrer au « feu de vérité » qui brûle dans son temple inté
51 e vérité » qui brûle dans son temple intérieur, s’ il veut rester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’une génératio
52 , flamme d’une pureté si rare en notre siècle, qu’ elle paraît parfois, lorsque la tourmente humaine ne la moleste ni ne l’av
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
53 a significative pauvreté idéologique et morale qu’ il révèle. Le style brillant et elliptique qui tend à devenir notre ponc
54 a pensée. D’autant plus que les rares passages où il expose directement les principes de sa « révolution » semblent au con
55 e philosophie ou de psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en un court article de dictionnaire : « Sur
56 ue ou morale. » (p. 42). Le surréalisme ne serait- il donc qu’une sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout !
57 méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est la seule attitude littéraire aujourd’hui concevable.
58 textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’ il est la seule attitude littéraire aujourd’hui concevable. Mais par que
59 icheries plus ou moins conscientes M. Breton peut- il préconiser l’existence d’une littérature fondée sur de tels principes
60 enait, qui écrivit : « Quand les livres se liront- ils d’eux-mêmes, sans le secours des lecteurs ? Quand les hommes se compr
61 s des lecteurs ? Quand les hommes se comprendront- ils individuellement ? » Que M. Breton donne des « recettes pour faire un
62 sie pure. Les beautés que j’y vois ne me seraient- elles perceptibles que par le fait d’une fortuite coïncidence entre l’unive
63 voir que M. Breton serait un très curieux poète s’ il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages où il voulut nous persua
64 l ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages où il voulut nous persuader que tout poème doit être une dictée non corrigé
65 nt rien à dire, mais savent admirablement parler. Ils érigent donc en doctrine leur impuissance. « Il n’y a pas de pensée h
66 Ils érigent donc en doctrine leur impuissance. «  Il n’y a pas de pensée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de
67 pensée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient- ils de métaphores comme d’autres de raisonnements. Plaisante ironie, si c
68 otestation contre nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bien de nous en rendre un peu plus esclaves. Car depuis Freud
69 dre un peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se réclament imprudemment, — on sait ce que c’est que la « liberté »
70 s, c’est que — pour reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva Dada du ridic
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
71 vrage publié en France sur Van Gogh, depuis 1922. Il contient pourtant des vues assez neuves. M. Colin s’est contenté de n
72 le rebute pas. Une divine violence le travaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouissement d’Arles, jusqu’au jour où cette
73 nsomption frénétique terrassant un corps minable, il ne restera plus que les flammes, les soleils et aussi les grimaces de
74 et aussi les grimaces de douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché des médiocrités de cette
75 M. Colin n’a pas cherché à expliquer ce miracle. Il nous laisse à notre émotion devant le spectacle d’une œuvre qui ne du
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
76 r scientifique, « Prix Goncourt », curieux homme. Il se livre à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. I
77 x homme. Il se livre à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articl
78 vaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St John Perse.
79 la liquidation des questions traitées est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry,
80 e telle platitude est presque indispensable, mais il s’en permet d’autres qui le sont moins. On n’écrit pas un roman en tr
81 inertie du peuple qui donnait tant de mal lorsqu’ il fallait l’éveiller, l’entraîne au-delà du but. Le Tarramagnou voit so
82 ramagnou voit son œuvre sabotée par des meneurs ; il tente en vain de ressaisir les foules : déjà elles huent sa modératio
83 ; il tente en vain de ressaisir les foules : déjà elles huent sa modération. Alors il va se jeter au-devant des troupes accou
84 es foules : déjà elles huent sa modération. Alors il va se jeter au-devant des troupes accourues, il meurt en clamant la p
85 s il va se jeter au-devant des troupes accourues, il meurt en clamant la paix. M. Fabre avait là les éléments d’un grand r
86 En fermant le livre on a presque l’impression qu’ il a réussi ce grand roman… Qu’y manque-t-il ? Un style ? L’absence de s
87 sion qu’il a réussi ce grand roman… Qu’y manque-t- il  ? Un style ? L’absence de style, n’est-ce pas le meilleur style pour
88 ues. Chef-d’œuvre ou pas chef-d’œuvre d’ailleurs, il reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’une saine puissance
89 nou est un livre émouvant, d’une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réussi, une entreprise b
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
90 seulement qu’on a imaginé un péril oriental, car il semble bien que dans le domaine de la culture le péril n’existe que p
91 renouveau, c’est à quelques savants européens qu’ il le devra, tandis que d’un mouvement inverse, le christianisme débarra
92 e et les Gandhi, demi-européanisés. Ceci convenu, il faut reconnaître que l’enquête des Cahiers du Mois donne un fort inté
93 ymbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’ il s’agit, et Jean Schlumberger le définit encore : « … tout ce qui est
94 ation qui n’a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classement parmi les réponses d’une extraord
95 qui, eux, apportent des documents, savent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un écrivain gr
96 ortent des documents, savent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un écrivain grec, M. Embiri
97 avent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’ il s’agit de conclure. Un écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formu
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)
98 st fait de plusieurs fous qui s’annulent », écrit- il . Ce fou qui veut être soi purement, qui veut éliminer de soi tout ce
99 érieur, — ce fou que nous portons tous en nous, —  il l’a isolé, incarné, nommé : Revert. Puis il l’a poussé impitoyablemen
100 us, — il l’a isolé, incarné, nommé : Revert. Puis il l’a poussé impitoyablement dans sa recherche d’un absolu qui se trouv
101 un absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille ». L’expérience est terminée. Artificielle comme tout
102 st terminée. Artificielle comme toute expérience, elle n’en est pas moins probante. Une œuvre d’art que ce petit livre ? C’e
103 ration ; mais, puissante de sûreté et d’évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théorème de Spinoza. Une ironie
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
104 gite l’Allemagne nouvelle — et peut-être parce qu’ il sait en sortir parfois — M. Otto Flakei a gardé son bon sens et son s
105 l’on a pu reprocher à ses tableaux de l’Europe qu’ il vient de parcourir quelque superficialité, du moins faut-il le louer
106 e parcourir quelque superficialité, du moins faut- il le louer d’avoir conservé une vision générale de notre temps et un év
107 oman sans exposer et discuter toutes les idées qu’ elles illustrent. Les personnages discutent certes, mais leurs actions sont
108 et les fuites les plus folles hors de la réalité, ils forment un cortège pittoresque et désolant à celui qui, revenu de l’é
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
109 œuvre « d’importance européenne », croyez-vous qu’ il aille s’abandonner à l’émotion communicative de qui découvre un somme
110 xemplaires ne suscitent un intérêt très profond : elles nous transportent au cœur de préoccupations des plus modernes, problè
111 être celui d’une pièce de Pirandello. N’annonce-t- il pas que les personnages des trois nouvelles « sont réels, très réels,
112 réels, de la réalité la plus intime, de celle qu’ ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de ne pas être…
113 e ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ ils veulent être, subissent, une fois qu’ils sont, le grand malentendu de
114 dello, s’ils veulent être, subissent, une fois qu’ ils sont, le grand malentendu de la personnalité. Tandis que chez Unamuno
115 esque inhumaine torture et conduit au crime. Et s’ ils s’imposent comme types, c’est encore et uniquement par leur obsédante
116 impression de grandeur désolée qu’un Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
117 nsée française (octobre 1925)k Peut-être n’est- il pas trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau cha
118 Vinet de M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’ il vient d’ajouter à sa grande étude sur les rapports du christianisme e
119 iellement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il ne pouvait trouver mieux que Vinet. Et j’imagine son étonnement à déc
120 ur ce qui concerne le Vinet juge des romantiques, il n’a pas eu trop de peine à l’annexer à son propre corps de doctrines
121 nes critiques. Dirai-je pourtant que je crains qu’ il n’ait été incité parfois, et presque inconsciemment, à gauchir légère
122 sans gêner M. Seillière. C’est peut-être pourquoi il insiste sur le fait que Vinet se déclarait « un chrétien sans épithèt
123 se déclarait « un chrétien sans épithète ». Croit- il éluder ainsi le protestantisme de Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’e
124 éluder ainsi le protestantisme de Vinet ? Ne voit- il pas que rien n’est plus protestant qu’une telle attitude ? Mais ces r
125 isme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’est peut-être pas de pensée plus vivante, ni de plus tonique que ce
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
126 nges pour assembler un sourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer une anecdote purement poétique dans un monde qu’
127 r une anecdote purement poétique dans un monde qu’ il s’est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la description du m
128 que dans un monde qu’il s’est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la description du monde qu’il invente nous lasse
129 l est parfois facile : la description du monde qu’ il invente nous lasse quand elle ne l’étonne plus assez lui-même (pourta
130 scription du monde qu’il invente nous lasse quand elle ne l’étonne plus assez lui-même (pourtant l’autel et le surréalisme l
131 ont enrichie d’images…). Je cite des noms : y a-t- il influence ou seulement co-génération ? Pour peu qu’ils sortent des ca
132 nfluence ou seulement co-génération ? Pour peu qu’ ils sortent des cafés littéraires, nos poètes respirent le même air du te
133 Leur originalité se retrouve dans la manière dont ils tentent de fuir l’inquiétude où ils baignent. Celui-ci vient à peine
134 manière dont ils tentent de fuir l’inquiétude où ils baignent. Celui-ci vient à peine de quitter l’air dur des pampas. « L
135 s les étoiles. J’avoue que l’univers intérieur où il lui arrive de graviter me trouble mieux que son lyrisme cosmique. On
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
136 que d’ailleurs Mlle Simone Téry ne fait pas. Car elle veut éviter l’emballement et conserver dans l’admiration son sens cri
137 et ses commentaires parfois un peu copieux ; mais elle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité de l’auteur à l’endroit
14 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
138 rète (décembre 1925)n La Révolution russe va-t- elle usurper dans le roman d’aventures le rôle de la mer Océane avec ses é
139 romantisme, dans le détail de la vie d’une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions de petits. V
140 femme, la vertueuse Véra avec un des Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu faim toute leur vie… Ma
141 rkovitch, derrière sa vitre, tremblait si fort qu’ il avait peur de trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la
142 ’il avait peur de trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi. Puis : — Quelle imprudence ! Avec l
143 lumière et peut-être du monde dans l’appartement. Il avait si froid que ses dents claquaient. Il quitta sa fenêtre, se tra
144 ment. Il avait si froid que ses dents claquaient. Il quitta sa fenêtre, se traîna jusqu’à l’angle le plus éloigné du rédui
145 olant sa patrie. Une effroyable acceptation, mais elle peut se muer instantanément en révolte. Aucun cadre logique ne déterm
146 dre logique ne détermine l’avenir le plus proche. Il n’y a pas même des forces endormies dans l’âme russe : mais des possi
147 d’explosion. Le géant russe est un enfant : va-t- il rire, va-t-il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ? Il sent autour de lu
148 Le géant russe est un enfant : va-t-il rire, va-t- il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ? Il sent autour de lui quelque chos
149 rire, va-t-il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ? Il sent autour de lui quelque chose qui le gêne. C’est l’empire. Il le r
150 de lui quelque chose qui le gêne. C’est l’empire. Il le renverse, pour voir. Pendant qu’il est encore ébahi du fracas, le
151 t l’empire. Il le renverse, pour voir. Pendant qu’ il est encore ébahi du fracas, le juif survient avec une méthode simplif
152 ages le suggèrent de toute la force du trouble qu’ ils créent en nous : Markovitch par exemple, ou Sémyonov, un cynique secr
15 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
153 un homme que Dieu a mis à part par grâce pour qu’ il serve. Mais très vite on étend l’appellation de saint à ceux qui par
154 souplesse dont fait preuve l’Église d’alors quand il s’agit d’adapter des traditions antiques au dogme en formation. Au Mo
155 é en Christ. — Comment l’Église catholique réagit- elle  ? En codifiant l’état de choses antérieur. Donc l’Église continue à f
156 dèle de la vocation, le protestantisme affirme qu’ il existe divers ordres de sainteté ». Cette mère qui s’est sacrifiée au
157 te, comme ce missionnaire et cette diaconesse ? S’ il n’y a pas de saints protestants, il existe des saints dans le protest
158 iaconesse ? S’il n’y a pas de saints protestants, il existe des saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas de fin au
159 il existe des saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence
160 imites les plus hautes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il f
161 s ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignemen
162 de saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, telle est la pens
163 estantisme. La place nous manque pour louer comme il conviendrait la clarté d’un exposé solidement documenté, et le scrupu
164 ule protestant, qui ne peut être un danger lorsqu’ il n’est, comme ici, que la loyauté d’un esprit animé par une foi agissa
16 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
165 ressaisissement profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’une lueur de conscience inquiète quelques chefs, montre
166 politiques, mais on a si souvent l’impression qu’ ils battent la mesure devant un orchestre qui, sans eux, jouerait aussi b
167 ssi mal. Quant aux meneurs de l’opinion publique, il est trop tard pour les éduquer, il faudrait balayer. Je parle en géné
168 nion publique, il est trop tard pour les éduquer, il faudrait balayer. Je parle en général, sachant bien qu’un Romier, un
169 us les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il faudrait balayer, — et mettre qui à la place ? Nos penseurs, nos écri
170 à l’action, c’est encore pour cultiver leur moi. Ils y cherchent un fortifiant, je ne sais quelle excitation, quelle révél
171 vélation ou quel oubli. C’est un dilettantisme qu’ ils ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque une certitude fonciè
172 tantisme qu’ils ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque une certitude foncière, une foi en la valeur de l’action.
173 une foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à l’action sociale que l’époque réclame 1. C’est
174 à leurs tentatives morales, si singulières soient- elles — dont le grand public reste le témoin souvent sceptique ou railleur.
175 s dans le chaos des idées et des doctrines, et qu’ il n’existe pas d’esprit du siècle, hors un certain « confusionnisme ».
176  : c’est une unité d’inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices très différents de style, et dont les faça
177 viction ; par vertu. Ce qui n’a rien d’étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est
178 ci la conception même de la littérature, telle qu’ elle apparaît chez les émules de Barrès comme chez ceux de Gide, qu’il fau
179 les émules de Barrès comme chez ceux de Gide, qu’ il faut préciser. L’éthique et l’esthétique convergent dans la littératu
180 uvrir des possibilités neuves, — pour le libérer. Il n’est pas question de rechercher ici les origines historiques d’une c
181 e s’y appliqua dans un de ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal », le romantisme — et c’est plus
182 le romantisme — et c’est plus que probable. Mais il en tirait une raison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons le
183 ndamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’une époque s’est trompée, puisqu’elle seule perme
184 vain de dire qu’une époque s’est trompée, puisqu’ elle seule permet la suivante qui peut-être retrouvera une nouvelle face d
185 être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il n’a pas fallu longtemps aux Français pour pousser à bout l’expérience
186 ela fait à Dieu », disait Drieu la Rochelle. Mais il faudra bien se remettre à manger, tout de même nous avons un corps, e
187 ntaires la matière de quelques pamphlets par quoi il se raccroche au monde. Mais il a touché certains bas-fonds de l’âme o
188 pamphlets par quoi il se raccroche au monde. Mais il a touché certains bas-fonds de l’âme où s’éveille un désenchantement
189 des derniers venus, Marcel Arland, — plus jeune, il n’a pas fait la guerre — c’est le même désenchantement précoce, sans
190 point d’y percevoir comme un appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secrète des inquiétudes modernes : la perte d’un
191 te des inquiétudes modernes : la perte d’une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’est peut
192 s : la perte d’une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’est peut-être que je suis médiocre
193 suis médiocre entre les hommes ». C’est plutôt qu’ il est trop attaché encore à se regarder chercher, absorbant son attenti
194 ant son attention dans une sincérité si voulue qu’ elle va parfois à l’encontre de son dessein. ⁂ Décidément nous sommes mala
195 isolé, commenté par ceux qui le portent en eux qu’ il en paraît plus incurable. Ces jeunes gens n’en finissent pas de peind
196 n’en finissent pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps de faire la critique des méthodes et des façons de vivre
197 ments mêlés de la personnalité. Toute tendance qu’ ils découvrent en eux est non seulement légitime à leurs yeux, mais « tab
198 on et folie, etc. Si je les cultive simultanément il est clair que les tendances négatives l’emportent, il est plus facile
199 st clair que les tendances négatives l’emportent, il est plus facile et plus enivrant de se laisser glisser que de constru
200 ’est justement de quoi se glorifient ses tenants, ils y voient la suprême liberté. Le désir se précisait en moi de commettr
201 e gratuite que prétendent mener les surréalistes, il n’a fallu que le temps pour une folie de s’emballer. La plupart des r
202 ose ; à la merci des circonstances extérieures qu’ il méprise toutes également ; n’attendant rien que de ses impulsions et
203 cidité parfois douloureuse ses propres actes dont il s’étonne mais qu’il se garde de juger5. Il y a véritablement une litt
204 ureuse ses propres actes dont il s’étonne mais qu’ il se garde de juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gr
205 lité qu’on renoncera à la vertu, sous prétexte qu’ elle pousse à l’orgueil ; c’est par sincérité qu’on mentira, puisque parfo
206 n excès toute chose, au-delà de toutes limites. «  Il n’y a que les excès qui méritent notre enthousiasme ». Mais « cette f
207 des actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t- il pas d’une fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours
208 s de notre psychologie. Images des surréalistes — ils l’indiquent eux-mêmes —, calembours, expression métaphorique et symbo
209 elle d’aujourd’hui, parce que nous sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore une fois, de renier l’immense effort pour se li
210 ne génération de cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donner une conscience à l’époque, ou se
211 ner une conscience à l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient d’oubli — (mais avant de s’y perdre, quelle
212 garas 9 !) Quelques jeunes hommes l’ont compris. Ils sont modestes — ne s’isolant pas de la Société ; ils savent que pour
213 sont modestes — ne s’isolant pas de la Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne méprisent pas la cultu
214 nt pas de la Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne méprisent pas la culture ; sans autre parti pris
215 res de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il
216 et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’ il n’y a de pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de lib
217 a de pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’ il n’y a de liberté que dans la soumission aux lois naturelles ; et leur
218 lles ; et leur effort est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs instincts, ni de les améliore
219 leur misère. Pareils à ceux dont Vinet disait qu’ ils s’en vont « épiant toutes les émotions de l’âme, et lui multipliant s
220 ui multipliant ses douleurs en les lui nommant », ils décrivent le tourment dont sortira peut-être une foi nouvelle ; mais
221 dont sortira peut-être une foi nouvelle ; mais qu’ ils sachent, quand viendra le moment, détourner les yeux de leur recherch
222 de leur recherche pour contempler un absolu ; qu’ ils osent se faire violence pour se hisser dans la lumière. « Il vaut mie
223 faire violence pour se hisser dans la lumière. «  Il vaut mieux, dit encore Vinet, ne voir d’abord que les grands traits d
224 présence, non de nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques.
225 u. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ ils écrivent des odes civiques. Mais que nos moralistes — presque tous le
226 t de penser en fonction du temps présent, soit qu’ ils veuillent en améliorer les conditions, ou les transformer totalement.
227 s ? Peut-être. En tout cas je vois bien le mal qu’ ils ont fait et qu’au fond, leur refus d’agir sur l’époque, c’est une man
228 gir sur l’époque, c’est une manière d’agir contre elle . 2. « La crise du concept de littérature », NRF, 1923. 3. « Il s’ét
229 ise du concept de littérature », NRF, 1923. 3. «  Il s’était développé en nous un goût furieux de l’expérience humaine. »
230 ahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’ il voulait…) o. « Adieu, beau désordre… (Notes sur la jeune littérature
17 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
231 iences faites pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplacer un travail prom
232 deux ouvriers de Paris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlère
233 éré, au moral comme au physique. Chacun dit ce qu’ il pense sans se préoccuper d’être bien pensant et les Romands recouvren
18 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)
234 tant d’autres, comme chaque soir un nouveau ciel. Il l’a transcrite en brèves notations lyriques suivant le rythme d’un so
235 tous les actes une signification plus profonde. ( Il serait aisé de montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de f
236 s tout cela est sublimé dans un monde poétique où il paraît inconvenant d’introduire le jargon de la science moderne.) Si
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
237 aux prises avec une petite cité patricienne dont il devra portraiturer les gentilshommes archéologiques et les vieilles d
20 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
238 avec la muse, parce que c’est dimanche, parce qu’ il pleut et qu’on s’ennuie. Si la vie est bête à pleurer, sourire est mo
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
239 plètement résolu dès les premières pages, mais qu’ il faut louer Mme Rivier d’avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abu
22 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
240 t Sous ce titre, le plus étonnant peut-être qu’ il ait trouvé, Jean Cocteau a réuni ce qui me paraît le meilleur de son
241 e Secret professionnel, etc.) Sans doute faudrait- il préciser ce qu’il entend par ordre, et montrer que si cet ordre l’éca
242 nnel, etc.) Sans doute faudrait-il préciser ce qu’ il entend par ordre, et montrer que si cet ordre l’écarte de Dada, il ne
243 re, et montrer que si cet ordre l’écarte de Dada, il ne le conduit pas pour autant à l’Académie. Disons pour aller vite qu
244 volonté de construire jusque dans le grabuge, qu’ il aime pour les matériaux qu’on en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau
245 ’on en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau est qu’ il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en vers. Sa plus incont
246 e] malheur de Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en vers. Sa plus incontestable réussite à ce
247 sse de beaucoup les limites de cette école, et qu’ il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer de pédants exercices po
248 ’audace est de se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les miracles les plus étonnants sont ceux de
249 t bien la nouveauté de son théâtre et de l’art qu’ il défend en peinture, en musique. Suppression du clair-obscur et de la
250 r la pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas, il compte. ») Six projecteurs convergent sur une machine luisante et tou
251 e précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que c’est toujours le même déclic. Cocteau le sait, et
252 s le même déclic. Cocteau le sait, et pour varier il tire tantôt à gauche tantôt à droite, sur Barrès, sur Wagner, sur que
253 je le crains, pour renaître catholique.) Certes, il bannit le charme et toute grâce vaporeuse. Mais ses fleurs de cristal
254 e grâce vaporeuse. Mais ses fleurs de cristal, si elles sont sans parfum, ne se faneront pas. t. « Jean Cocteau : Rappel à
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
255 sont encore à des symboles équivoques et, quoi qu’ ils en disent, « artistiqués », — ils n’osent plus le mensonge de l’art,
256 ues et, quoi qu’ils en disent, « artistiqués », —  ils n’osent plus le mensonge de l’art, et pas encore la vérité pure — Cre
257 ue de sa génération. Terrible aveu d’impuissance, il n’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un hôtel perdu, av
258 la triste profession est de détruire le désir qu’ elle excite par curiosité passagère, il monologue. « Oui, je le redirai, t
259 le désir qu’elle excite par curiosité passagère, il monologue. « Oui, je le redirai, tous mes essais furent prétextes à m
260 dont la pauvreté le rejette dans une angoisse qu’ il nomme « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui est constructif
261 e désordre. Une intelligence parvenue au point où elle « ne semble avoir rien d’autre à faire que son propre procès », une
262 ectacle que nous dévoile cyniquement René Crevel. Il en est peu de plus effrayants. Ah ! Seigneur, donnez-nous la force e
263 s sans dégoût implorait Baudelaire. Encore avait- il le courage de prier… u. « René Crevel : Mon corps et moi », Bibliot
24 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
264 nt — mais oui, M. Journet — et je ne crois pas qu’ il puisse se produire ailleurs qu’en terre romande. C’est l’esprit de li
265 s objections que chacun se faisait à part soi, qu’ ils incarnaient les voix contradictoires d’un débat que tous menaient en
266 i on l’avait attendu pour le manifester ! — et qu’ il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir to
267 que je n’ai pas dit dans ces quelques notes. 3. Il suffit encore : f 2.50, nom et adresse. e. « L’atmosphère d’Aubonne 
25 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
268 u aux charmes troubles et inhumains de la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et beau. Or « la g
269 n’avoir pas été animée de l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des milliers d’êtres humains ». Elle
270 lentement l’usure des milliers d’êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de travail ou de repos, n
271 vilisation sous cet aspect comme sous les autres, il nous faut mieux que des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et
26 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
272 ficiellement : nous comprenons que nos œuvres, si elles furent faites à l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans la
273 irez qui je suis, mes amis ; quel est le vrai ? — Ils me proposent vingt visages que je puis à peine reconnaître. Reste le
274 le monde, — les choses, les faits, la vie, comme ils disent. Je me suis abandonné au jeu du hasard, jusqu’au jour où l’on
275 asard, jusqu’au jour où l’on me fit comprendre qu’ il n’est que le jeu de sauter follement d’une habitude dans une autre. I
276 e sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ; je devins si faible et démuni,
277 détenir un secret très simple, et un peu narquois ils me considéraient avec une pitié curieuse : je me sentis nu, tout le m
278 d de tous les plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à ple
279 e force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où je connus quelle confiance sourde au
280 e voici devant quelques problèmes dont je sais qu’ il est absolument vain de prétendre les résoudre, mais que je dois feind
281 i ? » Mais c’est encore une question… Je crois qu’ il ne faut pas attendre immobile dans sa prière, qu’une révélation vienn
282 re arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’ il est une révélation, c’est en me rendant plus parfait que je lui prépa
283 lui préparerai les voies. Agir ? Sur moi d’abord. Il ne faut plus que je respecte tout en moi. Je ne suis digne que par ce
284 n’entends pas tous les cultiver pour cela seul qu’ ils sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers l
285 s’oppose au perfectionnement de l’esprit, puisqu’ elle ne permet que des associations suivant les directions de moindre rési
286 is d’abord rendu digne. L’époque nous veut, comme elle veut une conscience. Je fais partie d’un ensemble social et dans la m
287 oyer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une doctrine, me dit-on. L’avouerai-je, quand je médite sur un
288 t s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’ ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent d’un flot fou ! R
289 ésirs. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ ils l’emportent d’un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’é
290 er, c’est se surpasser). J’entends des phrases qu’ il ne faut pas encore comprendre — tout est si fragile —, mais je sais q
291 écrire des idées qui m’aideront. Une fois écrites elles prennent un caractère de certitude qu’elles n’avaient pas encore en m
292 rites elles prennent un caractère de certitude qu’ elles n’avaient pas encore en moi. C’est en quoi ma sincérité est tendancie
293 ème, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile. C’est pourquoi je ne puis comprendre les excommunications
27 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
294 e sens envahi par un rythme impérieux au point qu’ il faut que certaines voix en moi taisent leur protestation, étouffées p
295 aussi. Le sujet était périlleux : si particulier, il prêtait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails tech
296 els Montherlant n’a pas toujours échappé, mais qu’ il domine dans l’ensemble et entraîne dans l’allure puissante à la fois
297 a vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’ il est poète qu’il peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une
298 t n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’ il peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une perpétuelle palp
299 vie anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’ il s’accorde d’emblée avec ce qu’il y a de plus bondissant en nous ; en
300 récit) sent ce que sent la bête en même temps qu’ elle . Et parce qu’il sait ce qu’elle va faire, il peut la dominer… : on ne
301 e sent la bête en même temps qu’elle. Et parce qu’ il sait ce qu’elle va faire, il peut la dominer… : on ne vainc vraiment
302 en même temps qu’elle. Et parce qu’il sait ce qu’ elle va faire, il peut la dominer… : on ne vainc vraiment que ce qu’on aim
303 qu’elle. Et parce qu’il sait ce qu’elle va faire, il peut la dominer… : on ne vainc vraiment que ce qu’on aime, et les vic
304 le horreur sacrée. Voici Alban devant une bête qu’ il devra combattre le lendemain : « Salaud, cochon, saligaud ! » Il l’a
305 re le lendemain : « Salaud, cochon, saligaud ! » Il l’apostrophait ainsi tout bas, sur un ton révérenciel, et comme on dé
306 complissant sa destinée. Quelques secondes encore elle cligna des yeux et on vit sa respiration. Puis ses pattes se tendiren
307 t d’un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime
308 e l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme divine s’échappa, pleurant ses jeux, et
309 d’un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’E
310 défauts qui tueraient tout autre que lui. Certes, il ne soulève directement aucun des grands problèmes de l’heure. La viol
311 d avec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit- il d’Alban — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste o
312 en, ni logicien, dit-il d’Alban — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idé
313 mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas di
314 ntales. Le tragique de la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec pathétique. Mais c’est parce qu’il est po
315 agique de la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec pathétique. Mais c’est parce qu’il est poète : le chan
316 il le chante avec pathétique. Mais c’est parce qu’ il est poète : le chant fini, il n’y pense plus. On comprend qu’une tell
317 Mais c’est parce qu’il est poète : le chant fini, il n’y pense plus. On comprend qu’une telle attitude agace des gens qui
318 hent en gémissant ». Mais cette personnalité dont il manifeste avec une magnifique insolence les forces créatrices, ne vau
319 gnifique insolence les forces créatrices, ne vaut- elle pas d’être élevée en témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue
320 à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait- il pas autant s’abandonner parfois à ces forces obscures qui nous replac
321 ontractée, par la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages viennent à l’appui de la th
28 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
322 des ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’un Orient paradisiaque d’où nous viendraient un
323 de M. de Traz1, par les précisions importantes qu’ il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destin
324 lucide, avec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympa
325 ’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne nous renseignent pas sur une partie orientale de lui-même, comme c
326 uvent le cas, mais bien sur l’Orient. Encore faut- il s’entendre : les meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres des
327 me mesure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individus, et comme type
328 de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même. S’ il dit des Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’une politesse, leur para
329 qui lui permet de voir profond dans cet islam qu’ il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfia
330 attrait du christianisme est dans l’inquiétude qu’ il nous inflige ». « Ils mettent leur âme en veilleuse, dit-il des rêveu
331 sme est dans l’inquiétude qu’il nous inflige ». «  Ils mettent leur âme en veilleuse, dit-il des rêveurs orientaux. De leur
332 flige ». « Ils mettent leur âme en veilleuse, dit- il des rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’à leur mysticis
333 à leur mysticisme, partout c’est une démission qu’ ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait une vertu. E
334 oubli de soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et encore ceci que je
335 t menaçant ? Malgré l’« anxiété mélancolique » qu’ il éprouve à se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions de M. de T
336 une matière si complexe — sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire à un péril oriental très pressant, ni surtout qu
337 ar un voyage à Jérusalem : le christianisme n’est- il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’u
338 aine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’ il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette
339 parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’ il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religion du « Prince
340 s, mais sans jamais s’y perdre ou se confondre en elles , révèle sa personnalité peut-être mieux que ne le feraient une suite
341 uite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le type du voyageur intelligent, qui n’accepte d
342 morceaux attestent la délicatesse, mais parce qu’ il sait y trouver les seuls motifs réels d’exaltation. 1. Le Dépaysem
29 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
343 s d’aujourd’hui. La « critique philosophique » qu’ il voudrait inaugurer « ne se contenterait pas d’étudier les œuvres pour
344 ais tâcherait d’épouser le dynamisme spirituel qu’ elle révèle, puis de les situer dans l’univers humain ». M. Fernandez a to
345 nivers humain ». M. Fernandez a tout le talent qu’ il faut pour lui faire acquérir droit de cité. Voici enfin un critique q
346 eprises par les générations précédentes. Parce qu’ elles se sont souvent enlisées dans leurs recherches, il ne les condamne pa
347 s se sont souvent enlisées dans leurs recherches, il ne les condamne pas d’un « Jugement » sans issue sinon vers le passé
348 é catholique ; mais tenant compte de leur effort, il puise dans l’échec même de leurs analyses les éléments de sa synthèse
349 ses essais sur Proust, Pater et Stendhal. Certes, il était temps que l’on dénonce la confusion romantique de l’art avec la
350 morale et l’esthétique modernes. Et à ce propos, il faut souhaiter que M. Fernandez aborde par ce biais l’œuvre de Gide,
351 ne autre me paraît liée à cette confusion. Mais s’ il est bien établi que les lois de la vie sont essentiellement différent
352 tiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit nier toute communication dir
353 un moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a, en fait, deux manières de se connaître, à savoir se
354 oir et s’essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’est- elle pas une façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une
355 me paraît encore ambiguë : on peut se demander s’ il nie vraiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’il la condamne
356 raiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’ il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y décèle. Le meilleu
357 ’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’ il y décèle. Le meilleur morceau du livre est l’essai sur Proust et sa t
358 ité — « mosaïque de sensations juxtaposées » — qu’ il définit sa propre théorie de la « garantie des sentiments », où l’on
359 e et proustienne a porté à un point si dangereux, il nous propose l’expérience d’un Newman, les exemples d’un Meredith et
360 théorie assez proche du cubisme littéraire, et qu’ il serait bien utile d’adopter, si l’on veut éviter les confusions qui s
361 es à cette œuvre. Cela tient surtout à sa forme : il est parfois agaçant de pressentir sous l’expression trop technique ou
362 philosophes, et trop philosophe aux littérateurs. Il manque à M. Fernandez un certain recul par rapport à ses idées, on le
363 n peu gauche encore dans les positions conquises. Il n’empêche que son livre manifeste une belle unité de pensée, et qu’il
364 livre manifeste une belle unité de pensée, et qu’ il propose quelques directions très nettes de synthèse. Avec une œuvre c
30 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)
365 ires taurologiques avec lesquels, pour communier, il faudrait sans doute être né sous le signe du Taureau. Mais il sera pa
366 sans doute être né sous le signe du Taureau. Mais il sera pardonné à Montherlant beaucoup de défauts bien agaçants pour sa
367 ts bien agaçants pour sa souveraine désinvolture. Elle est tonique comme le spectacle des athlètes. Et c’est elle avant tout
368 tonique comme le spectacle des athlètes. Et c’est elle avant tout que j’admire dans ces Bestiaires, presque malgré leur suje
369 ité aux taureaux braves et simplets d’esprit ! Qu’ ils paissent éternellement dans les prairies célestes, pour avoir donné u
370 la nonchalance des vrais puissants, je compte qu’ il saura fonder sa gloire future sur des valeurs plus humaines. x. « H
31 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
371 sente au couchant, dans ce corridor de lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle devient plus secrète. Vers l’es
372 lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle devient plus secrète. Vers l’est, des collines fluides et roses. De l
373 revenaient au pas des Cascine. Vers sept heures, il n’y en eut presque plus. Nous étions seuls sur le pavé qui exhalait s
374 t arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas d’ elle que vient cette chanson jamais entendue qui nous accompagne depuis un
375 la vie n’a presque plus de sens, comme le fleuve. Elle n’est qu’odeurs, formes mouvantes, remous dans l’air et musiques sour
376 nes. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxue
377 tous les bruits de la ville en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par personne et les devantures ne ch
32 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jacques Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)
378 c’est que le livre soit réellement amusant, et qu’ il trouve une sorte d’unité vivante dans le rythme des désirs jamais sim
379 aire sourire, on le sent ; pourtant l’on sourit : il faut bien croire qu’il y a là un talent, charmant, glacé, spirituelle
33 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
380 able… Mais ce cœur fatigué se reprend à souffrir, il ne sait plus de quels souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d
34 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
381 Chinois et sympathiser avec son idéal de culture. Il n’y a pas là deux points de vue irréductibles, du moins M. Malraux a
382 lraux a fait parler son Chinois de telle façon qu’ ils ne le paraissent point. Et alors le relativisme angoissant qui sembla
383 ord aujourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est- il pas de position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser sub
384 n’est-il pas de position plus périlleuse, puisqu’ elle risque de ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût de la des
35 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
385 mythe prendre corps parmi les ruines de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’une anarchie dont on ne veut pas a
386 ertu d’une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’ elle est plus nécessaire — provisoirement — que satisfaisante pour l’espri
387 s fluctuations de votre moi ? Votre sincérité est- elle consentement immédiat à toute impulsion spontanée (Gide), ou « perpét
388 ou « perpétuel effort pour créer son âme telle qu’ elle est » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout conserve
389 n personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’ il voit autour de lui — et l’étonnement indigné du spectateur. Pour parl
390 us avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule, une méthode d’observation
391 ant Fleurissoire « pour rien » ne songeait pas qu’ il allait faire école. Le fait est que ce geste symbolique a déclenché t
392 enchantés de l’affaire : « Gratuit ! », déclarent- ils chaque fois qu’ils ne comprennent pas. Il faudrait s’entendre. Et, ic
393 ire : « Gratuit ! », déclarent-ils chaque fois qu’ ils ne comprennent pas. Il faudrait s’entendre. Et, ici encore, prenons g
394 larent-ils chaque fois qu’ils ne comprennent pas. Il faudrait s’entendre. Et, ici encore, prenons garde de confondre le pl
395 action peut paraître gratuite au lecteur parce qu’ il ne sait pas tout sur le personnage. Mais quant à l’auteur, il n’y a p
396 as tout sur le personnage. Mais quant à l’auteur, il n’y a pas de gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’est jamai
397 lativement à un système restreint de références. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine de la morale, q
398 r à l’acte gratuit une valeur morale en disant qu’ il révèle ce qu’il y a de plus secret dans la personnalité. Ce serait un
399 peu gratuite que possible, d’un Julien Sorel, est- elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonne de
400 c’est bien le second. La qualité des souvenirs qu’ il me livre me renseigne assez exactement, non sur mon passé, mais sur l
401 on sur mon passé, mais sur le moment que je vis1. Il est bien clair qu’on ne saurait atteindre « la vérité sur soi » en se
402 de ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’ il s’acharne à approfondir — il était venu y chercher quelque raison de
403 Dans la solitude qu’il s’acharne à approfondir — il était venu y chercher quelque raison de vivre, il voulait se voir le
404 il était venu y chercher quelque raison de vivre, il voulait se voir le plus purement (« cette curiosité donnée comme rais
405 t ce « merveilleux contraire » de l’élan vital qu’ il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tristesse qui rôde dans
406 du sincérisme. C’est plus exactement faillite qu’ il faudrait. Faillite de toute introspection, en littérature et en moral
407 moral : je me compose plus laid que nature. Faut- il conclure avec Gide : « L’analyse psychologique a perdu pour moi tout
408 our où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’ il imagine d’éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, el
409 r. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, elle ne nous crée pas n’importe comment, mais selon certaines lois où se r
410 ertaines lois où se retrouve notre individualité. Elle nous crée tels que nous tendons à être (plutôt inférieurs, en vertu d
411 « un perpétuel effort pour créer son âme telle qu’ elle est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’un enrichissement,
412 el effort pour créer son âme telle qu’elle est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’une con
413 e cas extrême d’un Crevel nous montre assez ce qu’ il faut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans des limites assez
414 n Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans des limites assez étroites empiriq
415 différence. Pourquoi les romanciers modernes ont- ils tant de mal à créer des personnages ? C’est parce qu’une sorte de sin
416 e montre clairement. En morale : défaitisme quand il s’agit de gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, «
417 nt, et, bientôt, incapacité d’agir efficacement. ( Il faut, pour sauter, une confiance dans l’élan qui échappe à toute anal
418 t sincère aussi, qui révèle mon besoin de mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sincère. Peut-o
419 propres mensonges ? Peut-être juste assez pour qu’ ils vous aident3 — mais jamais au point d’oublier la vérité qu’on désirai
420 is au point d’oublier la vérité qu’on désirait qu’ ils cachent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste
421 ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente qu’est la sincérité
422 es paraphraser serait d’une ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons de cette recherche) : Puissie
423 nt à toute intervention qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que d’être leur propre témoin, intelligent mais immobil
424 nt en tant que personnes. Comment se trouveraient- ils , n’existant pas ? (François Mauriac.) La valeur morale de M. Godeau s
425 de M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’ il souffrirait de garder lui-même à son propre regard. Ainsi la valeur m
426 ard. Ainsi la valeur morale d’un homme équivalait- elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir sur lui-même. (Marcel J
427 morale d’un homme équivalait-elle à l’illusion qu’ il était capable d’entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’o
428 is si le personnage est maintenu jusqu’à la mort, il se confond avec l’homme même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jou
429 stre à la sincérité presque pure de cet âge. Mais il le faut dépasser.)   Si j’en crois l’intensité d’un sentiment intime,
430 ................................ Le vent se lève, il faut tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste luc
431 n particulière, ne pouvait non plus s’imaginer qu’ elle en pût être privée. Alors, acquiesçant vivement à l’invite que je sou
432 lus riche d’inconnu, je m’élançais sur la voie qu’ elle m’ouvrait, avec tant de rires amis, vers tout ce que momentanément je
433 de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’ il eût été loisible d’attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce
434 isie envers soi-même une volonté — si profonde qu’ elle n’a pas besoin de s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de
435 de nommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’une espèce de souffrance véritablement insupportab
436 premier exemple, ce serait le récit des gestes qu’ il m’aurait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’analyser. 2.
437 ans notre langage statique. 3. « Et certes quand il s’agit de parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certit
36 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
438 lus que jamais, et plus que jamais, nous semble-t- il , notre revue a sa raison d’être. La vie d’aujourd’hui, on le sait, no
439 ais seulement de retenir sa place au spectacle qu’ ils offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’
440 ’ils offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se dé
441 t, peut-être, la considération du « déluge » peut- elle faire réfléchir utilement sur ses causes…   Nous ne proposerons pas,
442 n peu mieux quand vous aurez lu nos huit numéros. Il faut que notre revue reste cette chose unique et indéfinissable, comm
37 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
443 magnifiques et hagardes pourraient enthousiasmer il leur réserve mieux encore : après une kyrielle d’injures qui ne font
444 nation d’autres fois si prestigieuse du poète : «  Ils m’ont suivi, les imbéciles », ricane-t-il ; et sans rire : « À mort c
445 te : « Ils m’ont suivi, les imbéciles », ricane-t- il  ; et sans rire : « À mort ceux qui paraphrasent ce que je dis ». Il y
446 plus original de la jeune littérature française. Il le proclame « J’appartiens à la grande race des torrents ». Génie iné
447 s à la grande race des torrents ». Génie inégal s’ il en fut, voici parmi trop de talents intéressants, un écrivain qui s’i
448 des qualités et des défauts pareillement énormes. Il faut remonter loin dans notre littérature pour trouver semblable domi
449 e domination de la langue. Et parmi les modernes, il bat tous les records de l’image, ce qui nous vaut avec des bizarrerie
38 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
450 et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu’ il ne péchait que par excès de bonne humeur printanière, Urbain donc, pr
451 garçon d’une race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on ne saurait le taire, — Urbain dormait. L’étoi
452 cintillement pudiquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira d’une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et
453 . « Éternité désaffectée, c’est bien dommage, dit- il en s’étirant ; le printemps désormais rendra le ciel plus pâle, et no
454 ant considérables, au sens étymologique du terme. Il loucha vers le néant, retourna ses poches, ôta ses gants qu’il jeta,
455 s le néant, retourna ses poches, ôta ses gants qu’ il jeta, puis, après un grand coup de pied dans le vide symbolique des s
456 symbolique des systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’ il fit un pas dans une direction quelconque. L’étoile pleurait, sentimen
39 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
457 ntroversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lombard, recteur de l’U
458 s. M. Esmonin s’abstient d’en faire un tableau qu’ il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs. Il termine en citant le
459 u’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’Albert Sorel, selon qui la date du 16
460 us réjouir de retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’ il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et
40 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
461 de feindre encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux de la Maladère pour se dépre
462 e meurtrir l’un l’autre. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’un mot, un geste décisif, ou certaine amitié de la saison s
463 issiper le charme perfide qui les tourmente. Mais il faudrait d’abord qu’ils se soient délivrés d’eux-mêmes pour que ce mo
464 de qui les tourmente. Mais il faudrait d’abord qu’ ils se soient délivrés d’eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient poss
465  : son amour ? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre d’une incurable adolescence, d’un défaitisme sentimental qui
466 n’est qu’à force de discrétion dans les moyens qu’ il parvient à une certaine puissance de l’effet, aux dernières pages. Il
467 rtaine puissance de l’effet, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère une étrange harmonie entre le climat des senti
468 des sentiments et celui des campagnes désolées où ils se développent. Paysages tristes et sans violence, autour de ces être
469 res dont la détresse est d’autant plus cruelle qu’ elle est contenue sous des dehors trop polis. Une fois fermé le livre de B
41 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
470 ur vie, ou l’aveu déguisé d’une insatisfaction qu’ elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne
471 ontclar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce journal bientôt les rejoindra
472 aux souvenirs. Cette façon de ne pas y tenir, qu’ il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-être ce qui nous le re
473 de ? heureux ? » pour lui, comme pour Barnabooth, il s’agit de « déjouer le complot de la commodité ». Mais plus voluptueu
474 lus voluptueux que philosophe, c’est à l’amour qu’ il ira demander la souffrance indispensable au perfectionnement de son â
475 notre plaisir, un peu plus viennois que naturel s’ il parle de choses d’art comme on fait dans Proust, si les passions qu’i
476 art comme on fait dans Proust, si les passions qu’ il nous peint sont ici tant soit peu russes, et là, gidiennes. Il se con
477 sont ici tant soit peu russes, et là, gidiennes. Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou de
478 stingué, — et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte de froideur que l’on dirait désintéressée s
479 orte de froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de souligner, plus que ses succès, certaines faibl
480 ner, plus que ses succès, certaines faiblesses qu’ il recherche secrètement, parce que de ces « ratages » naît le perpétuel
481 la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’ il consent, non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu d’une fondam
482 où souvent l’on finit. Et peut-être l’amour n’est- il possible qu’entre deux cœurs que l’épreuve du plaisir n’a pas exténué
483 près seulement toutes les morts du plaisir », car elle sait « qu’entre les êtres, le bonheur est un lien sans durée. Seules
484 e secrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme dans le récit de
485 flation littéraire la plus ridicule. Pourtant, qu’ elle ne laisse point oublier que ce livre d’une résonance si humaine, est
486 vue de Genève, Genève, février 1927, p. 257. ae. Il manque sans doute un morceau de phrase dans l’édition originale.
42 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
487 iste, mais vrai. » (Les journaux.) Mademoiselle, Il faut d’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux de vous écrir
488 tant plus que vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que je vous dise qu’il fait très froid dans ma chambre : l
489 — et pourtant… Il faut aussi que je vous dise qu’ il fait très froid dans ma chambre : le feu n’a pas pris, et d’ailleurs
490 de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la promesse. Vos regards rencontrèrent les miens plu
491 nt les miens plus d’une fois pendant une danse qu’ il fit avec vous, mais vous les détourniez soudain comme pour vous arrac
492 airs sombres vous effrayaient sans doute plus qu’ ils ne vous attiraient. Mais, maintenant, je pense que ces regards croisé
493 de vous. Mon ami me fit un signe discret, et déjà il se préparait à vous rendre attentive à ma présence… Mais, alors, je n
494 ant les ascenseurs. « Vers 4 heures, me disais-je elle y entrera, et, me glissant auprès d’elle, je pourrai lui dire très vi
495 isais-je elle y entrera, et, me glissant auprès d’ elle , je pourrai lui dire très vite quelques mots si bouleversants qu’avan
496 e la croise en route dans l’ascenseur descendant… Il aurait fallu monter, mais l’idée de vous trouver peut-être assise en
497 femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui venait de tourner à l’angle de
498 l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que des dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’ét
499 aurai jamais. À l’arrêt de la Place Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me regarder. Je descendis derrière elle.
500 frôlant, sans me regarder. Je descendis derrière elle . Mais tout de suite des parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouc
501 arché plusieurs heures avant de retrouver ma rue. Il doit être maintenant 5 heures du matin. Premiers appels d’autos dans
502 atin. Premiers appels d’autos dans la ville, mais il me semble que toutes choses s’éloignent de moi vertigineusement, par
503 ance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’un glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme 
504 u, il n’y a plus qu’un glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait plus rien. 4. Encore un qui v
505 sement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait plus rien. 4. Encore un qui vous aime, je ne vous dirai
43 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
506 une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’ il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c
507 phée, par exemple, serait un poète surréaliste. «  Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un
508 poète surréaliste. « Il faut jeter une bombe, dit- il , il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchis
509 e surréaliste. « Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent
510 r une bombe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traque
511 faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inconnu ». Sa femme l’accuse de « vouloir faire a
512 Enfers. » — « Ce n’est pas une phrase, s’écrie-t- il , c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or
513 agnebin (non pas Elie) pensait à quelqu’un lorsqu’ il écrivit certains vers qu’on peut lire plus haut : Les anges véritabl
514 t de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’ il ne tombera pas. J’admire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités scéniques
515 Je ne saurais même indiquer aucun endroit par où elle pèche contre les principes chers à l’auteur du Secret professionnel e
516 é dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il voulait. Et pou
517 emble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’ il voulait. Et pourtant cette admirable machine ne m’inquiète guère : je
518 dmirable machine ne m’inquiète guère : je sais qu’ elle le conduira où il veut, sans surprises. « Puisque ces mystères me dép
519 m’inquiète guère : je sais qu’elle le conduira où il veut, sans surprises. « Puisque ces mystères me dépassent, feignons d
520 phée, le mystère ne peut plus dépasser l’auteur : il l’a trop bien organisé. En somme, ce qu’il faut reprocher à Cocteau,
521 teur : il l’a trop bien organisé. En somme, ce qu’ il faut reprocher à Cocteau, c’est d’avoir réussi complètement une pièce
522 atmosphère de l’« art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien à Orphée, sinon peut-être cette indispensable « part d
523 s règles de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète :
524 M. Zimmer, dans la Gazette de Lausanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conjugal ». Vraiment, nous
44 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
525 « Messieurs, disait Dardel, y a pas à tortiller, il faut faire quelque chose. Nous devons, nous pouvons faire quelque cho
526 onsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’ il s’agit de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper
527 nt en hurlant : « Bas-toi là, bas-toi là ! »… Est- il plus atroce spectacle que celui d’une maîtresse jadis belle et disert
528 ellettriens avaient fui. Au détour d’une ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui hantait les lim
529 s rêves qui hantait les limbes depuis un an déjà. Ils ne tardèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance de Cinématoma
530 commis au soin d’engendrer cet adorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’un feu et le contemplent un certain te
531 io né entre deux cafés-nature, et presque sans qu’ il s’en soit rendu compte. Clerc entrevoit un projet à deux faces. Lugin
532  la Montagne » ne saura venir au prophète, même s’ il se nomme Mossoul. Pourtant, au milieu de ce paludesque et stérile con
533 , une idée de génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « L
534 tte martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à temps pour assister à la cérémonie de la pose du point
535 et cent doigts dans deux lits. Combien cela fait- il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s
45 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
536 rte que l’espèce de romantisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec un mouvement dont lui-même s’est plu à relever
537 les indices chez ses jeunes contemporains, et qu’ il vient appuyer de son autorité de critique et surtout de son expérienc
538 se plaisent nos jeunes poètes cosmopolites, mais il garde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’un homme qui en s
539 rêverie d’un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour porter tant de richesses avec cette mélanc
540 l’un de ses personnages pour remercier ; (pouvait- il mieux trouver qu’un René Dubardeau pour cette ambassade). Parfois l’o
541 tesse Rezzovitch a rencontré M. Paul Morand, mais elle a dû le trouver un peu froid, n’aura pas été tentée de lui faire ces
542 ra pas été tentée de lui faire ces confidences qu’ elle livre si facilement au héros plus confiant et secrètement incertain d
543 femme qui incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’ il attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jam
544 attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa femme, « mais comme on aime u
545 onfidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa femme, « mais comme on aime une petite maison de provi
546 gagne la puissance d’une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, e
547 l lui écrit de longues lettres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, et qu’elle l’aurait peut-être aimé. Enfin, divorcé,
548 tres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, et qu’ elle l’aurait peut-être aimé. Enfin, divorcé, seul, il la revoit dans une
549 le l’aurait peut-être aimé. Enfin, divorcé, seul, il la revoit dans une vision prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé
550 s tromper sur tout ce qui est profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’un ré
551 mer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’ il maintient entre ces deux inconscients : l’époque et l’être secret du
552 nconscients : l’époque et l’être secret du héros. Il sait mieux que quiconque aujourd’hui faire éclater dans un cadre très
553 nt dessinés un de ces drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger du drame qui se joue entre deux êtres,
554 as la fin ni le sens véritable, mais seulement qu’ elles ont fait souffrir. Rendez-vous manqués, lettres perdues, aveux incomp
555 touche pour peindre un personnage épisodique : «  Il confondait la rose et la pivoine, l’orange et l’ananas… »). Une telle
46 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
556 cle (mars 1927)i Surprendre est peu de chose, il faut transplanter. Max Jacob. Ce soir-là, le programme comprenait :
557 e cadavre encore tout chaud ». Affreux. Aussi : «  Elle mourut. » On voit que cette bande est antérieure à l’époque du long b
558 ons rapides. Un chasseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclata
559 onnes et suivent à grands sauts lents, solennels. Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois
560 t.) Enfin le cercueil roule dans les marguerites, il en sort un chef d’orchestre dont la baguette éteint tous les personna
561 le bon rire de cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où ils pourront se pousser en disant : « C’
562 danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où ils pourront se pousser en disant : « C’que c’est cochon ! » Mais le mome
563 que c’est cochon ! » Mais le moment ne vient pas, ils sont déçus. Enfin, mon voisin, un agent, murmure : « On va tous deven
564 ous mais accueille le résultat avec la naïveté qu’ il faut, approuve et dit : « C’est bien ça, c’est comme quand on rêve. »
565 geste de l’acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mais comme pour le film 1905, on a sans cesse
566 is ce sont là critiques de style. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair un sens du miracle assez bo
567 e n’est peut-être qu’une question d’imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une aide puissante. Nous faisons
47 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
568 Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)ag Il faut souhaiter que ce témoignage sur les générations nouvelles et leu
569 ême temps par cette solution universelle, la foi, il résume en lui cette inquiétude qui fait la grandeur et la misère de l
570 fait la grandeur et la misère de l’époque — et qu’ il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte, où sa jeunesse ne
571 nte, où sa jeunesse ne verrait qu’une abdication. Il décrit la « génération nouvelle » avec une intelligente sympathie et
572 de notre inquiétude. (Mais peut-être M. Rops a-t- il trop négligé le rôle extérieur, que je crois décisif, des conditions
573 ites qui s’offrent aux jeunes gens d’aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différer notre inquiét
574 raît sans remède. Mais, ici, M. Daniel-Rops n’a-t- il pas cédé à la tentation de créer des dilemmes irréductibles, suprême
575 r en deux mots : inquiétude ou foi. Dès lors sont- elles vraiment les deux termes d’un dilemme, l’une n’étant que le chemin qu
576 nquiétude autant que la sérénité… Au reste, n’est- elle pas de M. Rops lui-même, cette phrase qui formule admirablement les e
577 inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le chercher encore… » ag. « Daniel-Rops : Notre inquiétu
48 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
578 saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’ elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si cela doit m’anéan
579 pas seulement pour le pittoresque. — Attrape !   Il n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour f
580  Attrape !   Il n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en nous l’appel vertigineu
581 mais c’est pour détourner nos regards de cela qu’ il faut bien nommer le Vide. Tant de séductions nous ont en vain tentés,
582 les s’efforcent — mais déjà c’est de plus loin qu’ il les nargue. Il connaît enfin une solitude défendue de tous côtés par
583 — mais déjà c’est de plus loin qu’il les nargue. Il connaît enfin une solitude défendue de tous côtés par ses rires scand
584 abiles à l’immobilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’un
585 tisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. «  Il s’agit de rendre impraticables quelques portes de sortie » ou comprom
586 eut duper. Depuis certaines paroles sur la Croix, il n’y a peut-être pas eu d’expression plus haute de l’angoisse humaine,
587 , et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’ elle est née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’att
588 a notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’ elle puisse en aucun cas servir d’argument à un homme. » Voilà qui nous fa
589 enoux qu’on attendra : pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport au soleil
590 ncore Aragon, sinon qui ? — sa grandeur, c’est qu’ il lui faut atteindre Dieu ou n’espérer plus aucun pardon. II Nove
591 Et voici Aragon revêtu d’une dignité tragique qu’ il trouverait sans doute un peu ridicule. C’est ainsi que l’on arrive à
592 assez fréquent dans les cafés littéraires et dont il serait le premier à s’amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêve
593 mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parce qu’ elle n’a pas mérité du premier coup qu’on se donne la peine de l’écraser,
594 qu’on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’ il symbolise tout cet état d’esprit « bien Parisien » dont de récentes s
595 s tromper sur ce qu’il y a de profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. » (Edmond Jaloux.) Entre un monsi
596 revus. Mais je suis vos travaux avec intérêt, et il m’a paru que depuis quelque temps… enfin, comment dirais-je… je me su
597 oubliez pas que « l’artiste serait peu de chose s’ il ne spéculait sur l’incertain », c’est un académicien qui l’a dit. Vou
598 Il y a des gens qui croient avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine de telle doctrine mystique une exaltation nerv
599 e exaltation nerveuse ou des troubles organiques. Ils opposent à ces « délires » les thèses rassurantes de la « saine raiso
600 si cela ne condamne pas et la santé et la raison. Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition
601 écarter. Voilà bien leur désinvolture, car enfin, elle est déesse. Mais entre leurs mains qu’est-elle devenue ? C’est bien l
602 n, elle est déesse. Mais entre leurs mains qu’est- elle devenue ? C’est bien leur faute si elle nous apparaît aujourd’hui com
603 ns qu’est-elle devenue ? C’est bien leur faute si elle nous apparaît aujourd’hui comme une vieille courtisane assagie, parfo
604 esprit contre votre raison. Et avec Aragon lorsqu’ il vous crie : « À bas le clair génie français. » Alors la voix de Rimba
605  » Alors la voix de Rimbardk à la cantonade : Qu’ il vienne, qu’il vienne Le temps dont on s’éprenne ! Les œuvres les pl
606 ix de Rimbardk à la cantonade : Qu’il vienne, qu’ il vienne Le temps dont on s’éprenne ! Les œuvres les plus significati
607 Réforme, Karl Marx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à nous, dans tel dom
608 ci que je ne puis pardonner aux surréalistes : qu’ ils aient voulu s’allier aux dogmatiques d’extrême gauche. Je ne dirai pa
609 langue et de crier rouge pour la simple raison qu’ ils ont dit blanc ? Pensez-vous combattre cet esprit « bien français » qu
610 e mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’ il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y a de plus fran
611 ême est ce qu’il y a de plus français ; que c’est elle qui donne au surréalisme ce petit côté jacobin si authentiquement, si
612 n et les surréalistes auront raison même encore s’ ils ont tort, envers et contre toutes les critiques qu’on pourrait leur a
613 parce que ces « maudits » ont la grâce, parce qu’ ils sont la vie, même quand ils appellent la mort, parce qu’ils ont la pa
614 nt la grâce, parce qu’ils sont la vie, même quand ils appellent la mort, parce qu’ils ont la passion et l’incommunicable se
615 a vie, même quand ils appellent la mort, parce qu’ ils ont la passion et l’incommunicable secret de l’invention.   Il nous f
616 sion et l’incommunicable secret de l’invention.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violen
617 ïssions. Notre haine de certaine morale ne venait- elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humai
618 urt que de vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. «  Il s’y retrouve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore un qui rue
619 Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore un qui rue dans les brancards
620 plus sérieuses. Et tout est dit. Ah ! c’est vrai, il allait oublier, il y a encore cette histoire, comment dites-vous, sur
621 rité changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se contenter13 ». Acc
622 nte, de laquelle il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience de
49 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
623 et qu’on ne manque pas le train bleu d’un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qui se passaient
624 le train bleu d’un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qui se passaient de l’une à l’autre d
625 ries de profils jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement. Soudain l
626 yeux bleus, son éblouissement. Soudain la voici, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’un luxe mécanique, le visa
627 d’un luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passant près de lui le sourire d’amitié mortel de tout ce
628 e d’amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceu
629 ui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle . Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âm
630 rrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes.
631 e ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux du paradis : « Qui va à la chasse perd sa place, nou
632 t immédiatement un fauteuil et un violon, pour qu’ il en joue, au printemps, s’il savait … R.S.V.P. À Max-Marc-Jean J
633 et un violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’ il savait … R.S.V.P. À Max-Marc-Jean Jacob Reymond. Une étoile à
634 sa cette main cruelle… et quitta le bal au matin. Il neigeait dans les rues sourdes comme un songe de son enfance. Aux fen
635 e jour tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sour
636 flocons, plus perfides que des murmures d’adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive des jardins. Une fenêt
637 cide ou la promenade en bateau À Grego More. Il disait : « Je suis né pour la mort. » Il fait assez beau pour que s’o
638 More. Il disait : « Je suis né pour la mort. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un ca
639 l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et des êtres véritables.
640 i, qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’ il est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui
50 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
641 stes neuchâtelois (avril 1927)j Neuchâtel va-t- elle redevenir le centre artistique qu’elle fut au siècle passé ? Allons-n
642 hâtel va-t-elle redevenir le centre artistique qu’ elle fut au siècle passé ? Allons-nous assister à un regroupement de ses f
643 on est peut-être prématurée. Mais le seul fait qu’ elle se pose me paraît indiquer que l’un au moins des deux éléments nécess
644 de jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’ il est possible déjà de discerner parmi eux certaines tendances générale
645 faire le procès, mais qui expliquent, me semble-t- il , pour une part, la dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde
646 e, énervante, souvent fatale aux novateurs. Alors ils s’en vont à Paris, ou bien ils se retirent dans une solitude plus eff
647 x novateurs. Alors ils s’en vont à Paris, ou bien ils se retirent dans une solitude plus effective, quitte à nous revenir m
648 nt d’un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’ il rentre au foyer dans une Rolls-Royce et fortune faite, tout le monde
649 . « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’ il en faille gémir. Une certaine résistance est nécessaire pour que la f
650 arriva de Genève il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits paysages, il dessinait d
651 ait alors des natures mortes, de petits paysages, il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était un peu plus Blanchet q
652 einte en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’est livré pendant quelques années à des recherches un peu théorique
653 out est lisse et parfait. Trop parfait seulement. Il manque à ces recompositions de la nature, à ces natures remises à neu
654 , cette tête prisonnière qui regarde ailleurs… Qu’ il sorte enfin et se mette à graver les scènes qu’il voit dans la petite
655 il sorte enfin et se mette à graver les scènes qu’ il voit dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille de constater co
656 la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’ il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est
657 mum d’expression. Cette « simplicité précieuse », il sait la conférer à tout ce qu’il touche, qu’il décore une bannière, f
658 ité précieuse », il sait la conférer à tout ce qu’ il touche, qu’il décore une bannière, fabrique une poupée, compose une a
659 », il sait la conférer à tout ce qu’il touche, qu’ il décore une bannière, fabrique une poupée, compose une affiche ou une
660 oupée, compose une affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de c
661 es. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’ il glisse si souvent là où on l’attend le moins. Conrad Meili apporte ch
662 rant dans des formes claires a su les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément de vitalité combative qui manque trop
663 bative qui manque trop souvent au Neuchâtelois. S’ il casse des vitres, ce n’est pas seulement pour le plaisir, mais plutôt
664 nt une initiative comme celle de Neuchâtel 1927 7 il aura bien mérité sa place parmi les artistes neuchâtelois. Actuelleme
665 habiller une idée. Voyez son portrait de Meili : il ne prend pas le sujet par l’intérieur, mais il taille ce visage dans
666  : il ne prend pas le sujet par l’intérieur, mais il taille ce visage dans une pâte riche et un peu lourde, son pinceau la
667 ceau la palpe, la presse, la réduit à la forme qu’ il voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une
668 icate quand du haut de San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des jaunes jamais mièvres, sous l’œi
669 Donzé touché à son tour par la grâce décorative, il n’en reste qu’un, du moins à Neuchâtel même : Eugène Bouvier. Ce garç
670 ique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais il a toujours l’air de songer à la Hollande, sa seconde patrie si la pei
671 s défauts mêmes ou ses fausses négligences ; mais il faut pour comprendre cet art emprunter de singuliers chemins d’accès.
672 ses aînés, dont on le puisse rapprocher, parce qu’ il est un des rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant
673 ires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il semble toujours qu’il peigne entre deux pluies. Il aime ces heures où
674 t sur les toiles de Meuron. Il semble toujours qu’ il peigne entre deux pluies. Il aime ces heures où ciel et onde se mêlen
675 l semble toujours qu’il peigne entre deux pluies. Il aime ces heures où ciel et onde se mêlent, et sait rendre mieux que p
676 -je, Bouvier va peindre. Comme peintre religieux, il se cherche encore. On a pourtant l’impression, à voir ses dernières t
677 ment on passe en cinq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles Humbert ne devînt le ch
678 le chef d’une école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes qui décidément l’étaient, à faire froid d
679 un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine Woog, G. H. Dessoulavy)… Mais déjà par
680 issaient dans les Voix (cette courageuse revue qu’ il avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins d’un dynamisme impétu
681 mble s’être opérée. Humbert est rendu à lui-même. Il atteint son équilibre et sa maîtrise avec une toile comme le Potier.
682 z un Charles Humbert livré à sa fougue originale. Il y en a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit de le voir peint
683 le. Il y en a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit de le voir peint par lui-même pour s’en assurer. La tête large
684 i semble se faire une volupté de la discipline qu’ elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renaissance » : le costume
685 ient un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’ il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’il doit avoir faite lui-
686 ert, et ce n’est pas je pense qu’il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’il doit avoir faite lui-même. Car il est
687 u’il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’ il doit avoir faite lui-même. Car il est artisan, dans le beau sens anci
688 r la reliure qu’il doit avoir faite lui-même. Car il est artisan, dans le beau sens ancien du terme, tout comme son frère
689 ui s’y reflèteront soient aussi beaux que ceux qu’ il peint ou modèle, le soir, à la lampe, en compagnie de sa femme (elle
690 e, le soir, à la lampe, en compagnie de sa femme ( elle peint aussi, d’un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait so
691 voici François Barraud, le plus jeune des frères. Il vient apporter des dessins qui ressemblent beaucoup aux petites huile
692 , très en avant, sans s’en apercevoir, peut-être. Il suivait son petit bonhomme de chemin sans se douter qu’il avait pris
693 it son petit bonhomme de chemin sans se douter qu’ il avait pris quelques années d’avance sur ses contemporains. Un jour le
694 u à peu des choses bien curieuses sur son compte. Il a fait de la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et
695 . Il a fait de la pâtisserie, mais on m’assure qu’ il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse
696 n m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des tableaux my
697 d’oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des tableaux mystérieux qu’il relègue dans son atelie
698 se. Il déniche à Paris des tableaux mystérieux qu’ il relègue dans son atelier, pêle-mêle avec les siens. Vous retournez un
699 bjet le plus banal se charge de mystère. Que va-t- il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe de quel occulte prod
700 e de ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier ou artiste pour changer en instruments métaphysique
701 mort jeune, sans avoir pu donner toute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle, d’u
702 décomposition primitive en plans. C’est ainsi qu’ il atteint d’emblée dans ses statues à un beau style dépouillé et hardi.
703 iguë. Notre revue n’est certes pas complète. Mais elle a du moins l’avantage de grouper des artistes qui, par le fait des ci
704 7 sera la première manifestation collective. Est- il possible, au sein de ce mouvement, d’en distinguer d’autres plus orga
705 aussi différentes par leur objet et le domaine où elles se réalisent que celles de Le Corbusier8, Meili, Evard, Perrin, manif
706 rmonie des lignes ; où la lumière éclaire plus qu’ elle ne caresse ; où pourtant les hivers les plus durs réservent des douce
51 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
707 ance. C’est par l’argent qu’on domine notre âge : il devient grand industriel, assure sa fortune au prix du peu cynique re
708 e honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a renié ses parents, non leurs ambitions. S
709 le père ajoute : « Notre sang sera vainqueur… Qu’ ils m’oublient, qu’ils me méprisent ! Je les vois régner. Je salue leur L
710  Notre sang sera vainqueur… Qu’ils m’oublient, qu’ ils me méprisent ! Je les vois régner. Je salue leur Loi. » Le récit gras
52 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
711 aiment ? C’est l’exigence d’une détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme illusoire et livre l’individ
712 l’individu pieds et poings liés à l’obsession qu’ il voulait avouer pour s’en délivrer peut-être. Cette sincérité ne serai
713 ’en délivrer peut-être. Cette sincérité ne serait- elle à son tour que le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond de c
714 de ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’ elle s’acharne sur le détail dégoûtant et mesquin de certain milieu bourge
53 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
715 ves éveillés, entre deux gorgées d’un élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’auteur. Beaucoup
716 verres, se posent sur les cordes d’une lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur d’une
717 e sent presque pas sa blessure. Mais c’est ici qu’ il s’agit de ne pas confondre inexplicable avec incompréhensible. aj.
54 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
718 e dans les idées (mai 1927)al « De quoi s’agit- il  ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant
719 Celui-ci bat sa coulpe avec une saine rudesse. «  Il s’examine jusqu’au ventre de sa mère et cognoit que dès lors il a est
720 usqu’au ventre de sa mère et cognoit que dès lors il a esté corrompu et infect et adonné à mal » (Calvin). Le tableau n’es
721 magnifiquement jetés. Mais cette imperfection, s’ il ne peut encore s’en tirer, du moins l’avoue-t-il avec une franchise q
722 ’il ne peut encore s’en tirer, du moins l’avoue-t- il avec une franchise qui la rend sympathique. Et puis, tout de même, on
723 es au sérieux en France par quelques jeunes gens. Il faut louer Drieu d’avoir échappé au surréalisme en tant qu’il n’est q
724 r Drieu d’avoir échappé au surréalisme en tant qu’ il n’est que le triomphe de la littérature sur la vie, mais d’avoir su e
55 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
725 vaient vierge et c’était la joie de leur vie, car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leur devais. Pourtant
726 pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’ elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je l’embrassai
727 ur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’ elle pleurait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heure, je connaissais
728 quart d’heure, je connaissais l’amour dans ce qu’ il a de plus étrangement prosaïque à la fois et bêtement heureux. Le len
729 ur de la saison. — Au soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de ses lèvres sans une parole quand je vins lui so
730 endemain, ses cheveux avaient légèrement blanchi. Il me regardait avec une terreur ou je crus distinguer je ne sais quelle
731 talgie. Pour lui, sans doute, j’étais perdu. Mais il souffrait d’autre chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je
732 s perdu. Mais il souffrait d’autre chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je songeais justement à un sourire de
733 songeais justement à un sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un silence vertigineux. Il vit mon
734 ’adresser la parole après un silence vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara de mon corps tout
735 nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — J
736 reux — celui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se fut endormie, je me rhabillai. Je ne trouvai que 100 francs dans s
737 de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsieur, pour critiquer les modalités de ma vengeance
738 et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu’ ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes de la société. » C’est
739 Prêté — rendu, pour la gloire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il
740 prit un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit- il , de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore qu
741 n parut satisfait de cette dernière plaisanterie. Il but avec beaucoup de délicatesse quelques gorgées d’eau minérale. Isi
742 t endroit. « Une chose avant tout me frappe — dit- il , lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est de mauvaise politi
743 e, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît comme un divertis
744 tre vie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît comme un divertissement perpétuel et dénué d’inquiétude. E
745 irer de votre conduite les conclusions morales qu’ elle paraît impliquer, c’est ce caractère de, comment dirai-je…, de juvéni
746 l’agressif — effet d’une timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots, vous ne me trouvez pas sérieu
747 vous dire que si vous me trouvez un peu potache, il n’est pas prouvé par là que le potache n’ait point raison. Mais juste
748 aines de mes plaisanteries la dérision secrète qu’ elles masquent par caprice. ...............................................
749 e Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’ elles n’engagent pas sa responsabilité. (N. de la R.) »
56 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
750 e cette méthode ne suffirait pas à supprimer. Or, ils nous paraissent entraîner assez naturellement chez des jeunes « et qu
57 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
751 attardez aux terrasses des cafés. Peut-être va-t- elle revenir avec son Johannes laqué. Ah ! comme vous sauriez lui plaire,
752 irard : lui seul connaît l’adresse de Patsy, mais il ne veut pas vous la donner. Alors pour vous venger, vous lui dites qu
753 es que, « d’abord », son livre n’est pas sérieux. Il sourit. Vous ajoutez que le lyrisme des noms géographiques vous fatig
754 rocédés lassants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à des Vénézuéliennes ou à Gérard de Nerval. Bientôt vous vous c
755 à Gérard de Nerval. Bientôt vous vous calmez. Car il semble aujourd’hui que ce globe dans son voyage « est arrivé à un end
756 lus sa drôlerie, son aisance. Vous accordez que s’ il force un peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité
757 us ne regardions que les jambes des femmes », dit- il , pour vous apprendre ! — sans se douter que rien ne saurait vous ravi
58 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
758 cérités gardent au moins l’excuse d’une audace qu’ ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous suis. Vous y ent
759 ntemple au miroir de son monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Poisson dans l’eau, plumes dans le v
760 vent, poète au bar, le paradis n’est pas si cher. Il y en a aussi qui posent pour le diable et ne se baignent que dans des
761 baignent que dans des bénitiers : on voit trop qu’ ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir d’être nu devant un public sup
762 e cherche les raisons de votre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraient-ce les guillemets qui vous choquent 
763 nce : nommer une chose, c’est avoir puissance sur elle . Images, pensées des autres, je vous ai mis un collier avec le nom du
764 le. Poussière. Ma vie est ailleurs. L’addition, s’ il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulac
765 Ma vie est ailleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui
766 On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’ il ne tolère pas qu’on lui parle littérature. Mais il y a des mépris qui
767 r. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’ il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature 
768 tuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’ elle . Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette attente
769 eurs qui sont parfois des actions en puissance15. Il faudrait des choses plus lourdes et plus irrésistibles, percutantes.
770 epuis le temps qu’on sait que la lettre tue ce qu’ elle prétend exprimer ; depuis le temps qu’on l’oublie.) Vous me direz que
771 l’expression directe de la réalité individuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’il deviendrait inutile de la publi
772 viduelle. Elle serait tellement incommunicable qu’ il deviendrait inutile de la publier. Et même, en passant à la limite, o
773 , en passant à la limite, on peut imaginer que si elle était réalisée, on ne s’en apercevrait pas. Je pressens encore dans v
774 n les rites d’une esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous importent. Vous
775 te esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ ils perdent même la problématique utilité de liaison qui était leur excus
776 le plus profond, qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas de la connaissance abstraite et rationnelle dont le mon
777 par attitude que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit de l’envisager sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J
778  littératuré » des écrivains d’aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre un peu les pieds dan
779 ivains d’aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de
780 sez drôle de voir le malaise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréador ses familiarités avec une Muse qu’ils
781 s à ce toréador ses familiarités avec une Muse qu’ ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la dernière mode
782 savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs, qu’ elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse viv
783 apperai pas plus qu’un autre : et qu’un beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; mais, pour sûr, jamais vivre pou
784 suivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’ elle nous vaut : les mépris, les haines douloureuses ou grossières de tous
785 re acceptation des réalités spirituelles parce qu’ elles troublent leurs bureaucratiques sécurités. Pourtant, vous voyez bien
786  » peuvent encore se reconnaître. Quand bien même elle n’aurait plus d’autre excuse que celle-là, la littérature mériterait
787 elle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’ elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes cert
788 e m’aide à découvrir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini une « maladie »
789 quelque bien pour ma vie. Le jour où les soins qu’ elle exige me coûteront des sacrifices plus grands que les bienfaits que j
790 plus grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera temps de songer sérieusement à m’en guérir. Vous me demanderez «
791 aragraphe, après « Narcisse », sans qu’on sache s’ il s’agit d’une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des
792  ». Leurs amours sont des pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à les écrire ». o. « La part
793 astiches de Morand, et ils en sont tout fiers : «  Il n’y a plus qu’à les écrire ». o. « La part du feu. Lettres sur le mé
59 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
794 tidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communis
60 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
795 aite est toute « statutaire » — si l’on ose dire. Elle nous permet donc de considérer la situation sans fièvre, sans lamenta
796 eproches contradictoires. Nous les additionnons : ils s’annulent. Il reste à dire deux mots sur la paradoxale situation int
797 ictoires. Nous les additionnons : ils s’annulent. Il reste à dire deux mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’u
798 ences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’attendent de nous que d’innocentes farces — ou
799 se préoccuper de prévoir les conséquences, puisqu’ il n’en est aucune qui ne soit connue d’avance et stérilisée par la loi,
800 illard, et même, et surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins g
801 ves, quoi !) Et puis, qui sait, peut-être sauront- ils rallier le dernier disciple du Bienheureux Jean… Et puis, en voilà as
802 ter à cette lourde charge le poids de nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! comme nous y tenons ! q. «
61 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
803 Ces trois nouvelles n’ont guère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, des évocations intéri
804 ôté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ ils ont aimé tous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’un été
805 et d’une si subtile convenance avec son objet qu’ il en saisit sans mièvrerie ni vulgarité la grâce un peu trouble et l’in
62 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
806 fumeux pour caractériser tout lyrisme germanique, il faudra opposer l’excellent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est un recu
807 scandinaves et des romantiques allemands parce qu’ il partage avec eux ce goût du rêve préféré à la vie, — à ce qu’on appel
808 is, ne peut être sensible qu’à des êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ils possèdent déjà, au moins obscurém
809 res pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ ils possèdent déjà, au moins obscurément, le sens des réalités sur lesque
810 aux convertis — qui n’ont plus besoin de preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend un merveilleux piège sentimenta
811 piège sentimental à la raison raisonnante. Et qu’ il nous mène un peu plus loin que la sempiternelle « stratégie littérair
812 , de gazetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît- il , ne sont pas d’actualité : la solitude, la maladie, la peur. ao. « 
63 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
813 auteur raconte dans une lettre à une amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dans le Midi. Récit alerte et fa
814 rique », histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a des façons parfois bien désobligeantes de voir juste. Et quand son
815 « si arbitraire et si facultative », je me dis qu’ il n’en saurait être autrement tant qu’on se tient à cette attitude scie
816 e, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’ il était de taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre pl
817 ait de taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de choses qu’il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages
818 s dédales ! Mais il a su mettre plus de choses qu’ il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages. Beaucoup sont excellentes et le
64 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
819 e grande figure aux joues mates, aux yeux clairs. Il déplia le journal et se mit à lire les pages d’annonces. On m’apporta
820 on journal. Soudain, portant la main à son gilet, il en retira trois dés qu’il jeta sur la table. Les yeux brillants, il c
821 nt la main à son gilet, il en retira trois dés qu’ il jeta sur la table. Les yeux brillants, il compta. Une indécision paru
822 dés qu’il jeta sur la table. Les yeux brillants, il compta. Une indécision parut sur ses traits. Puis il reprit les dés b
823 compta. Une indécision parut sur ses traits. Puis il reprit les dés brusquement, et me fixant avec un léger sourire : — Jo
824 ixant avec un léger sourire : — Jouez ! ordonna-t- il . La surprise vainquit ma timidité, je pris les dés et les jetai sans
825 idité, je pris les dés et les jetai sans hésiter. Il compta de nouveau, puis avec une légère exaltation : — Vous avez gagn
826 rable, ah ! mon Dieu, je vous remercie, Monsieur… Il saisit son journal. Il en parcourait rapidement les pages, la proie d
827 e vous remercie, Monsieur… Il saisit son journal. Il en parcourait rapidement les pages, la proie d’une agitation visible.
828 pages, la proie d’une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommatio
829 fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagnai. Il demanda des portos. Je les gagnai et je les bus. D’autres encore. Ma
830 passionnées. Mais bientôt : — « Destin, s’écria-t- il , tu pourrais me remercier. Vois quels chemins de perdition j’ouvre sa
831 allais me cramponner à cette espèce de bonheur qu’ ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aussi sur le dogme
832 cours de bourse. « Heureux quoique pauvre » comme ils disent dans leurs manuels scolaires. Les voler, pour leur apprendre.
833 asse d’impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier de plaisirs, avec as
834 rs d’amour — ô vertige sans prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caisses d’épargne, monuments d’une bassesse morale in
835 issance à concevoir un autre bonheur que celui qu’ ils ont reçu de papa-maman et l’Habitude, leur marraine aux dents jaunes.
836 is m’endormir, ah ! galope, caracole, éclabousse, ils n’y comprendront jamais rien, écoutez-les, comme ils me jugent et leu
837 n’y comprendront jamais rien, écoutez-les, comme ils me jugent et leurs cris indignés qui couvrent une angoisse. Ça les dé
838 isère qui fait des soirs si doux aux amants quand ils n’ont plus que des baisers au goût d’adieu, et l’avenir où se mêlent
839 incertaines, une tendresse éperdue et la mort. » Il ferma les yeux sur des visions. Les lustres doraient un brouillard de
840 ise à notre table, en robe rouge, et très fardée. Elle jouait avec la rose. Les dés roulèrent, pour un dernier enjeu. Alors
841 ’effeuilla sur les dés, et partit d’un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regarder bizarrement et
842 arrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la rumeur des c
843 ue chose. Je suis plein de rêves, certains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi, et ma femme m’embrasse et me regarde
844 rce que je ne suis plus tout à fait le même. Puis elle me laisse, parce que le lait va monter. Alors, dans ma chambre, avant
65 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
845 anvier 1928)aq C’est un livre sympathique ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’est pas si fréquente dans la
846 tions lyriques à leur propos. Mais dans ce roman, il n’y a plus seulement la femme, avec le miracle perpétuel de sa sensib
847 r ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’ elle subit comme jeune épouse d’un comte polonais, grand seigneur médiatis
848 ais) assez peu intéressante à vrai dire, parce qu’ elle n’est pas à l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la te
849 es, malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas qu’ il ne s’y glisse quelque préciosité ou quelques « pointes » faciles mais
66 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
850 e question de quelques années. Mais peut-être est- il temps encore. Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’une
851 les, l’Occidental est saisi d’un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être dans ces buts une abs
852 urdité fondamentale. L’infaillible progrès aurait- il fait fausse route ? Est-il temps encore de le détourner du désastre s
853 illible progrès aurait-il fait fausse route ? Est- il temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il ent
854 de le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident ? Cris dans le désert. Déserts des villes fiévreu
855 le rêve, dans l’utopie, dans une belle doctrine… Il faudrait d’abord prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien d’
856 e de la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu se tromper, et se tro
857 re ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’en croire nos yeux.
858 e de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’ il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe
859 telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « 
860 dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec des outils
861 er avec des outils, « et c’est avec des outils qu’ il joue encore à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement de ces a
862 vec des outils qu’il joue encore à présent », dit‑ il . Le plus mémorable événement de ces années de jeunesse, son « chemin
863 nnées de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’« humour » il met dans l’
864 ans qu’on sache au juste quelle dose d’« humour » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’une locomotive routière.
865 ère automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’ il est simple mécanicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société des
866 u, alors qu’il est simple mécanicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société des automobiles Ford, « et commence à réal
867 ait ajouter à ces chiffres celui des milliards qu’ il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résultat
868 s celui des milliards qu’il possède, ou plutôt qu’ il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire de son activit
869 mais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voit
870 r. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la
871 industriel du monde ; le plus riche, au point qu’ il peut parler d’égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aus
872 alaires, des conditions de travail et de repos qu’ il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution définitive a
873 européens ne sauraient l’atteindre. Au contraire, il a résolu la question sociale d’une façon qui ne devrait pas déplaire
874 en supprimant l’esclavage financier de l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des classes. Il se dé
875 principale cause avouée de la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de nett
876 épandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t- il , en souhaitant que les industriels européens s’en inspirent toujours
877 rent toujours plus. Ford leur montre le chemin qu’ ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils
878 u’ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendan
879 igés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu’il reste quelques
880 y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu’ il reste quelques chances encore de régler pacifiquement le conflit du c
881 ne le premier exemple de son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civilisation occidentale. Voici do
882 vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa carrière — pensée, méthode, technique — soit cond
883 tière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplai
884 t par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il fonde une usine pour multiplier les réalisations. Bientôt, élargissan
885 réalisations. Bientôt, élargissant son ambition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur de l’humanité par la possessi
886 é par la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les pl
887 omobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les plus rationnelles de la pro
888 ormes d’autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’intérêt de la production, il faut créer la conso
889 il faut vendre ; dans l’intérêt de la production, il faut créer la consommation. La réclame s’en charge. Par le procédé tr
890 mple de la répétition, on fait croire aux gens qu’ ils ne peuvent plus vivre heureux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La p
891 lancée. La passion de Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité p
892 s sophismes plus ou moins conscients par lesquels il prétend ramener le bénéfice de la production à celui du consommateur.
893 rs des clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un p
894 qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industriel n’ait plus qu’à plier bagage. Mais c’es
895 ayant disparu, la production devant se maintenir, il n’y a qu’une solution : recréer le besoin. Pour cela, on abaisse les
896 abaisse les prix. Le client fait la comparaison. Il est impressionné par la baisse, au point qu’il en oublie que cela ne
897 n. Il est impressionné par la baisse, au point qu’ il en oublie que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il va
898 n oublie que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il va gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers un ob
899 cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’ il va gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers un objet que, san
900 ancs moins chers un objet que, sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse.
901 isse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse. L’industriel comptait. La tromperie est pré
902 faire une dépense superflue ; le scandale est qu’ il l’ait trompé sur ses véritables besoins. Car cela va bien plus profon
903 ar cela va bien plus profond, cette tromperie-là. Elle peut amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain
904 on », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford re
905 n engrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produits Ford qu’il faut user, etc.
906 st déterminé par la réclame, les produits Ford qu’ il faut user, etc. Il a pour but véritable d’augmenter la consommation.
907 réclame, les produits Ford qu’il faut user, etc. Il a pour but véritable d’augmenter la consommation. Il rend plus comple
908 a pour but véritable d’augmenter la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à
909 end plus complet l’esclavage de l’ouvrier, puisqu’ il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la production. Cercle vici
910 e vicieux : plus la production s’intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsiste
911 re humaine a des limites. Et le temps approche où elles seront atteintes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford est con
912 nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom philosophique : c’e
913 en est le fruit. On ne saurait mieux dire. Mais il faudrait en tirer des conséquences, alors que Ford passe outre et se
914 e et se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’
915 uter des points de technique. Il n’a pas senti qu’ il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’ailleurs, les idées
916 ette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile.
917 en parfait qui combat les techniciens imparfaits. Il ne se demande jamais si la technique même la plus perfectionnée mérit
918 me la plus perfectionnée mérite les sacrifices qu’ elle exige de l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimis
919 Le phénomène n’est pas nouveau en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce notre pensée qui, à force de subtil
920 justiciable encore de nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononcé définitivement le divorce de
921 ’est pas mauvais en soi. Mais par l’importance qu’ il a prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but vérita
922 is par l’importance qu’il a prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but véritable : aller à l’Esprit, y c
923 l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n’est gratuit. Nous payons notre pass
924 ses de l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, «  il se passera bien de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’es
925 bien de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’ elle n’est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou au
926 ture ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autres œuvres destinées
927 écanique bien huilée, au mouvement si régulier qu’ il en devient insensible et que la fatigue semble disparaître, l’homme s
928 s d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’ il sent immuable comme la mort le restitue au monde vers 5 heures du soi
929 oublier jusqu’à l’existence, et à une liberté qu’ il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subti
930 mande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docilement l’abstraite et commerciale nécessité. Ennui, fatigue
931 es exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par là même, avec l
932 turelles, et par là même, avec les surnaturelles. Il en ressent une vague et intermittente détresse, — qu’il met d’ailleur
933 ressent une vague et intermittente détresse, — qu’ il met d’ailleurs sur le compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquête
934 aissé oublier les valeurs de l’esprit au point qu’ il n’éprouve plus même cette carence ; seulement, peu à peu, il découvre
935 e plus même cette carence ; seulement, peu à peu, il découvre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactio
936 te carence ; seulement, peu à peu, il découvre qu’ il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielles,
937 t ; fatigué de trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts de sa joie : l’effor
938 factions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts de sa joie : l’effort libre et généreux, le sent
939 mirer la nature entre 17 et 19 heures : vraiment, il ne lui manque plus rien — que l’envie. Mauvais travail. Il a perdu le
940 manque plus rien — que l’envie. Mauvais travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique, de l’effort humain. Il ne peut p
941 le sens religieux, cosmique, de l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le monde, lui attribue
942 dans le monde, lui attribuer sa véritable valeur. Il sent obscurément que son travail est antinaturel. Il le méprise ou le
943 sent obscurément que son travail est antinaturel. Il le méprise ou le subit, mais, jusque dans son repos, il en est l’escl
944 méprise ou le subit, mais, jusque dans son repos, il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature,
945 ur s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les ch
946 isir que des rapports abstraits entre les choses. Il ne comprend presque plus rien à l’Univers. Par la technique, l’Occide
947 gences telles que l’Esprit ne peut les supporter. Il abandonne donc la place, mais c’est pourtant lui seul qui nous permet
948 toire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons,
949 faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction a
950 » très spécial, — on les écarte des engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on
951 ages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes privilégiées
952 es forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’ elles les rendent inutilisables dans les rouages de la vie moderne. Le trio
953 igueur : avec la rigueur de la nécessité — puisqu’ elle est inutile au grand dessein matérialiste de l’Occident. La logique,
954 échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soi
955 désintéresser simplement des buts — si bas soient- ils — d’une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr
956 sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mysticisme exasp
957 ’aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’ il est possible d’échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la soluti
67 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
958 osait qu’une frileuse nostalgie. Mais qui fallait- il accuser de cette duperie, qui rendre responsable de ma déception, sin
959 ime — bien qu’on pense généralement le contraire. Il est très vrai que les notions réaliste et idéaliste du monde ne sont
960 évadé dans son rêve, beaucoup plus loin que moi, il n’entend pas ma question. L’envie me prend d’aller le rejoindre. Me v
961 sparente : la mort même en devient moins brutale. Elle rôde ici comme une tristesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approch
962 ale. Elle rôde ici comme une tristesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche d’une grandeur où se perdraient nos amours
963 le seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit- il , que seul vous venez d’atteindre au monde des êtres véritables. Nous
964 rbe noire. Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, p
965 r, pouvait passer pour une élégance très moderne. Il n’y avait dans toute sa personne rien de positivement démodé ; je n’e
966 omard enrubanné. « Cela vexe les Viennois, me dit- il , parce qu’ils y voient une façon de me moquer de leurs petits chiens
967 né. « Cela vexe les Viennois, me dit-il, parce qu’ ils y voient une façon de me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’
968 s une chose que je comprends assez bien, ajouta-t- il , mais pour d’autres raisons qu’eux, probablement… À ce moment, comme
969 ses manches. De terreur, le homard avait rougi : il conserva toute la nuit une magnifique couleur orangée. Gérard semblai
970 mes qui m’ont retenu un instant, c’était parce qu’ elles évoquaient cet amour, c’était parce que je découvrais en elles de sec
971 ent cet amour, c’était parce que je découvrais en elles de secrètes ressemblances, qui pour d’autres paraissaient purement my
972 t jamais rien, dès qu’on aime… Oh ! cette femme ! elle n’était qu’un regard, un certain regard, mais j’ai su en retrouver la
973 paya quelques œillets rouges en lui expliquant qu’ elle devait les donner à la première jolie femme qui passerait seule. Nous
974 eurs pour se donner le temps de regarder autour d’ elle  ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle finit
975 êt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle finit donc par accepter et vint à nous avec un sourire du type le plu
976 courant : « Vous êtes bien gentils, messieurs ! » Il n’y avait plus qu’à lui prendre chacun un bras, une femme pour deux h
977 outume viennoise. L’enfant était charmante, comme elles le sont presque toutes dans cette ville, — du type que Gérard et Théo
978 c’est que de prendre des femmes au hasard, disait- il . Je sens très bien que nous allons nous ennuyer terriblement. Du moin
979 qui seules faisaient sa dignité humaine, parce qu’ elles le rattachaient aux buts les plus hauts de notre vie. Ces citadins bl
980 és s’amusent plus grossièrement que des barbares, ils s’imaginent pouvoir faire une place dans leur vie aux “divertissement
981 ntent ne savent plus ce que c’est que le plaisir. Ils prennent au hasard des liqueurs qui n’ont pas été préparées pour leur
982 ueurs qui n’ont pas été préparées pour leur soif. Ils ne savent plus les signes ni les ressemblances. Aussi l’ennui règne-t
983 ignes ni les ressemblances. Aussi l’ennui règne-t- il bruyamment dans ces lieux : cet orchestre triomphant suffit à peine à
984 eauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend plus rien. » Des bugles agonisaient, aux dernières mesure
985 pas moins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit- elle d’un ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux l
986 rda avec une certaine pitié : « Chère enfant, dit- il doucement, pauvre colombe dépareillée, vous n’avez pas de ressemblanc
987 répondais rien : « Avez-vous sommeil ? demanda-t- il . Moi pas. D’ailleurs j’ai oublié mes clefs il y a très, très longtemp
988 y a très, très longtemps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça :
989 t dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire et blanche. » Je ressentis quelque ém
990 ïe de cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’ il arrive aux meilleurs de se répéter, et que c’était la première fois d
991 uarium de rêves, discourt et décrit les images qu’ il y découvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras de Cl
992 parle avec une liberté magnifique et angoissante. Il mêle tout dans le temps et l’espace. Cent années et tous les visages
993 e que tout revit en un instant dans cette vision, il connaît enfin la substance véritable et unique de toutes ses amours,
994 bstance véritable et unique de toutes ses amours, il communie avec quelque chose d’éternel. Tous les drames du monde ne so
995 s mouvants dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne sont que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame de son destin
996 boles : le vrai drame de son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des généalogies étourdissantes qui c
997 es choses n’ont d’intérêt que par les rapports qu’ il leur devine avec la réalité extra-terrestre. Il m’enseigne que la pas
998 u’il leur devine avec la réalité extra-terrestre. Il m’enseigne que la passion seule, par la souffrance qu’elle entraîne,
999 seigne que la passion seule, par la souffrance qu’ elle entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leur
1000 . La fatigue calme son lyrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces superstitions qui n
1001 t son exaltation. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos s
1002 savants retombés en pleine barbarie spirituelle. Il plaisante. Il dit que la vie ressemble surtout à un film où les épiso
1003 bés en pleine barbarie spirituelle. Il plaisante. Il dit que la vie ressemble surtout à un film où les épisodes s’appellen
1004 se voient par transparence au travers de l’autre. Il dit : « Pour celui qui saisit les correspondances, chaque geste, chaq
1005 us le soleil, et même ailleurs. Croyez-moi, ce qu’ il faudrait écrire, c’est une Vie simultanée de Gérard, qui tiendrait to
1006 presque plus rien ; à peine, de temps en temps, s’ il parlait à voix basse à son homard, qui semblait d’ailleurs endormi. E
1007 tant, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu’ il en était ainsi chaque nuit, que l’animal devenait nerveux et que depu
1008 devenait nerveux et que depuis quelques semaines, il avait dû le mettre au caviar. Il en demanda donc une petite portion e
1009 elques semaines, il avait dû le mettre au caviar. Il en demanda donc une petite portion et la fit prendre au homard avec t
1010 ut cela s’empila dans des autos ; en dix minutes, il n’y eut plus personne, la place s’éteignit. Mais Gérard ? Ses yeux s’
1011 rs en bandeaux, au teint pâle, l’air d’autrefois. Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apaisée, je m’ape
68 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
1012 t — et ce livre le fera bien voir aux sceptiques. Il a aimé la science parce qu’elle ouvre des perspectives d’évasion — où
1013 oir aux sceptiques. Il a aimé la science parce qu’ elle ouvre des perspectives d’évasion — où seuls les poètes savent se perd
1014 se jetaient sur ces volumes « au travers desquels ils respiraient l’air du monde ». N’en ferons-nous pas autant, emprisonné
1015 d’une conception de la littérature si pédante qu’ elle exclut un de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est styli
1016 t un de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’ il n’est styliste ni psychologue ? Laisserons-nous Jules Verne aux enfan
1017 ce coup, voilà qui ne m’empêchera pas d’y monter, il suffit que cet obsédant capitaine Nemo soit à bord, je soupçonne que
69 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
1018 e aux écrivains que des révélations, ou mieux, qu’ ils les favorisent par leurs écrits. Aragon, qui a le sens de l’amour, a
1019 conséquemment beaucoup de choses vraies (belles). Il est même un des très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné qu
1020 . Mais la seconde partie du livre est admirable ; il suffit. Le titre ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups d’ex
1021 our crier : Lâches, vous refusez d’avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le
1022 e de voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le tient magnifiquement. Mais qu’on nous laisse chercher plus loin, d
70 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
1023 es surréalistes débattent la question de savoir s’ ils vont se taire ou non. Mais leur silence ne doit pas entraîner, à leur
1024 leur point de vue, celui d’autrui sur eux-mêmes. Ils se tournent donc naturellement vers l’action, c’est-à-dire — nous som
1025 re un état de choses justement détesté, mais dont ils participent plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent de fair
1026 tement détesté, mais dont ils participent plus qu’ ils ne le croient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette
1027 ils participent plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan
1028 ance positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le courage de se soumettre au concret d
1029 u’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils compre
1030 e courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « service dans le temple » s’accommode mal de t
1031 en très beau style contre un monde très laid dont ils n’ont pas encore renoncé à chatouiller le snobisme. at. « Pierre Na
71 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
1032 es chefs pour l’une ou l’autre de ces attitudes. ( Elles ne sont pas essentiellement contradictoires : elles représentent deux
1033 les ne sont pas essentiellement contradictoires : elles représentent deux manières de sentir l’unité d’une époque obsédée d’a
1034 concrétisé en hommes, en meurtres, en décrets. Qu’ il décrive la vie intense et instable des acteurs du drame, l’aspect quo
1035 it parfois tenté de le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et il ne se borne p
1036 plus nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et il ne se borne pas à des effets pittoresques : ce récit coloré et précis
1037 i, mais à coups de faits, une discussion d’idées. Il est surtout la description d’une angoisse que le nihilisme de M. Malr
1038 t lui qui parle au nom de l’auteur, je pense) : «  Il me semble que je lutte contre l’absurde humain, en faisant ce que je
1039 décisif : « La Révolution… tout ce qui n’est pas elle est pire qu’elle… » Expérience faite, l’absurde retrouve ses droits.
1040 évolution… tout ce qui n’est pas elle est pire qu’ elle … » Expérience faite, l’absurde retrouve ses droits. C’est ainsi que,
1041 asqué par l’enchaînement passionnant de l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Cette intellige
1042 quelque chose de trop aigu, de dangereux. Mais qu’ elles s’appliquent à distinguer les forces déterminantes de l’heure, à les
72 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
1043 ssi pure ni aussi rare qu’on voudrait l’imaginer. Il reste qu’il a voulu la vivre et qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ain
1044 aussi rare qu’on voudrait l’imaginer. Il reste qu’ il a voulu la vivre et qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d
1045 l’imaginer. Il reste qu’il a voulu la vivre et qu’ il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’un romantisme assez moros
1046 u’il a voulu la vivre et qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’un romantisme assez morose ; mais à grande éche
1047 osait par hasard de moyens d’action puissants : s’ il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’il a eu peur c’est qu’il n’
1048 d’action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’ il a eu peur, et s’il a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet d
1049  : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’ il a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopi
1050 c’est qu’il a eu peur, et s’il a eu peur c’est qu’ il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopin, c’était l’amour, do
1051 llusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’ il préfère parler d’illusion là où nos psychiatres proposeraient de moin
73 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
1052 autour de sa vie le plus grand mystère. Cependant il aime à raconter certaines scènes terrifiantes de la révolution : il a
1053 certaines scènes terrifiantes de la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traque à Paris même… Il
1054 ntes de la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traque à Paris même… Il subjugue le jeune Français
1055 mort, il s’est évadé, on le traque à Paris même… Il subjugue le jeune Français par ces évocations et l’espèce de fièvre q
1056 nçais par ces évocations et l’espèce de fièvre qu’ il y apporte. Mais plusieurs incidents éveillent les soupçons du « petit
1057 éveillent les soupçons du « petit-bourgeois » qu’ il a choisi comme public, et brusquement le mot éclate : menteur. Feinte
1058 vant-garde une confusion assez tragique, parce qu’ elle constitue une tentation pour tous les poètes. Le désir de « plus vrai
1059 u. Jusque dans la ruse que ses mensonges exigent, il se reconnaît tributaire de la « vérité trop évidente » ; alors qu’il
1060 butaire de la « vérité trop évidente » ; alors qu’ il la faudrait, sans rien fausser, transcender… aw. « Daniel-Rops : Le
74 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
1061 chez lui, cela ne s’est pas porté sur les autos. Il préfère s’intéresser aux divers types humains. Mais on lui sait peu d
1062 sait peu de grés de sa curiosité. Sans doute est- il trop impatient, demande-t-il aux êtres plus qu’ils ne peuvent donner…
1063 sité. Sans doute est-il trop impatient, demande-t- il aux êtres plus qu’ils ne peuvent donner… D’ailleurs on ne lui doit ri
1064 il trop impatient, demande-t-il aux êtres plus qu’ ils ne peuvent donner… D’ailleurs on ne lui doit rien, n’est-ce pas ? Il
1065 r… D’ailleurs on ne lui doit rien, n’est-ce pas ? Il en tombe d’accord ; accepte d’attendre comme un enfant sage que le mo
1066 n son temps, sa petite part. On lui a expliqué qu’ il fallait la mériter et tâcher de devenir quelqu’un. En d’autres termes
1067 ermes, on lui conseille de rentrer en lui-même. «  Il se ramène en soi, n’ayant plus où se prendre » comme parle un de nos
1068 de nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’ il n’est pas encore quelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il est. C
1069 encore quelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’ il est. C’est une autre manie de sa génération. Mais là encore il se sin
1070 une autre manie de sa génération. Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de livre pour y pourchasser un moi qu
1071 sa génération. Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de livre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de
1072 e, et là déclare froidement ne pas exister. Non : il a remarqué que l’époque peut être définie par l’abondance des autobio
1073 aussi bien par celle des miroirs. C’est pourquoi il en installe un sur sa table de travail, de façon à pouvoir s’y surpre
1074 des heures entières à se regarder dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvr
1075 son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de p
1076 e genre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigué, il veut voir encore cette fatigue dans son regard :
1077 uent à n’en pas finir. Quand il est très fatigué, il veut voir encore cette fatigue dans son regard : appuyé sur lui-même
1078 tte fatigue dans son regard : appuyé sur lui-même il se perd en méditations éléates. Le sommeil l’en délivre. Au matin il
1079 ations éléates. Le sommeil l’en délivre. Au matin il court se voir : il est laid. Lâchement il se prend en pitié. Ces séan
1080 sommeil l’en délivre. Au matin il court se voir : il est laid. Lâchement il se prend en pitié. Ces séances lui font du mal
1081 u matin il court se voir : il est laid. Lâchement il se prend en pitié. Ces séances lui font du mal, l’énervent, mais l’av
1082 ances lui font du mal, l’énervent, mais l’aveu qu’ il en consent l’attache plus secrètement à son aventure. Nous vivons da
1083 n offre à Stéphane sa tête, son portrait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en
1084 son image descend en face de lui par l’ascenseur, elle le suit au long des trottoirs, il l’aperçoit entre des souliers, des
1085 l’ascenseur, elle le suit au long des trottoirs, il l’aperçoit entre des souliers, des étiquettes, des poupées ; elle le
1086 entre des souliers, des étiquettes, des poupées ; elle le précède au restaurant, le nargue brièvement au passage des autos,
1087 oiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’angoisse qu’ il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais s’
1088 est avec une sorte d’angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive de
1089 goisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’ il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive de prendre son image pour
1090 ut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais s’ il lui arrive de prendre son image pour celle de n’importe quel passant,
1091 e son image pour celle de n’importe quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profondément différent de cette ap
1092 si profondément différent de cette apparence, qu’ il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y c
1093 éalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve que le désir d’une révélation.
1094 on. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a plus que cette incantation à soi-même qui pourrait lui rendre l
1095 qui pourrait lui rendre la certitude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en diminuant vertig
1096 ne à une découverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau des miroirs.
1097 de se perdre pour avoir voulu se constater. Va-t- il découvrir aussi qu’on ne comprend que ce qu’on dépasse ? Et qu’il fau
1098 si qu’on ne comprend que ce qu’on dépasse ? Et qu’ il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne un bes
1099 vérifier qui n’est plus légitime dès l’instant qu’ il se traduit par la négation de l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu con
1100 est un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’ il est. Semblablement, il ne sait plus aimer. (Ces jeunes gens ne veulen
1101 téphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, il ne sait plus aimer. (Ces jeunes gens ne veulent pas se fatiguer pour
1102 d’une aventure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lecteur dérisoirement troublé par la crainte de n’avoi
1103 te aux considérations précédentes lui échappe, qu’ il y voie une de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière.
1104 à propos de rien, Stéphane pense avec fièvre : «  Il faudrait briser tous les miroirs. Alors tu te verrais en vérité. Peut
1105 de s’hypnotiser l’irrite toujours vaguement. Mais il fuit son propre regard, il se cherche dans d’autres yeux, c’est pourq
1106 ujours vaguement. Mais il fuit son propre regard, il se cherche dans d’autres yeux, c’est pourquoi il fait peur à certaine
1107 il se cherche dans d’autres yeux, c’est pourquoi il fait peur à certaines femmes. Un soir, après quelques alcools et un
1108 une amie d’une beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lu
1109 de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt dans une naissance. Stépha
1110 appels qui reçoivent en même temps leur réponse, il répète à plusieurs reprises : « Je ne sais pas : je suis !… Je ne sai
1111 sage me cache tous les miroirs » — à une femme qu’ il aimait. m. « Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même », Ca
75 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
1112 i raconte sa vie avec une émouvante simplicité et il faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’un air connaisseur qu
1113 au sérieux que j’ai été bien étonné du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’un homme de lettres. En réalité, on ne
1114 j’ai été bien étonné du passage où il rappelle qu’ il écrit la vie d’un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas enc
1115 sous cet aspect dans ces deux premiers tomes, où il décrit des scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’a
1116 nt dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait être, avec sa verve doucement comique, si émouvant : « À cette é
1117 mme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfin, que moi aussi je me secouerais, et que n
1118 d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfin, que moi aussi je me secouerais, et que nous nous
1119 la standardization à sa fin logique, ne pourrait- il pas être considéré un jour comme le grand tueur de son époque ? Rendr
76 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
1120 perdu toute foi ne connaîtront pas de pardon. Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont foncièrement mauvai
1121 e connaîtront pas de pardon. Car ils ont vu, et s’ ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont foncièrement mauvais.) 6. Peu de cho
1122 Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ ils sont foncièrement mauvais.) 6. Peu de choses dans le monde moderne on
1123 r à l’Éternel et à Satan pareillement. Et ceux qu’ elle enivre entrent en état de grâce ou de blasphème, selon. Mais ce qui i
77 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
1124 vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoile de jour
1125 ù mieux qu’ici l’on meurt. Étoile de jour Il naissait à son destin des rayons glissent et rient c’est la caresse d
78 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
1126 ître et que cela n’a point stérilisé : sa nature, il est vrai, s’y prêtait, peu complexe et comme réduite à deux dimension
1127 it critique fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle de « ses quelques succès, si disproportionnés avec son mérite »
1128 es succès, si disproportionnés avec son mérite ». Il ajoute : « j’ai eu la chance de discerner très jeune, avec une clairv
79 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
1129 voix haute, aucune couleur vive. Les journaux qu’ ils lisent annoncent chaque jour quelque catastrophe imminente, une révol
1130 un coussin aux curieux dessins noirs et blancs : il représente l’ancienne Hongrie découpée en blanc sur fond noir et port
1131 auve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et nue, mais dans son
1132 ylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’ elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gens qui vous ont reçu co
80 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
1133 re de poèmes est comme une initiation au silence. Il faut s’en approcher avec une douceur patiente, et le laisser créer en
1134 ilence particulier avant d’entendre les signes qu’ il nous propose. Une telle poésie n’offre aux sens que peu d’images (à p
1135 sur la nuance mate d’un paravent chinois). Ce qu’ elle décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des
1136 ue dans le silence « aux yeux gelés de rêverie », il se confond avec l’ombre du monde. Et l’âme peut enfin « saisir » dans
1137 nfin « saisir » dans leur réalité les choses dont elle s’est dégagée et qu’elle voit dans une autre lumière : « Tout semblai
1138 réalité les choses dont elle s’est dégagée et qu’ elle voit dans une autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’un insi
1139 ntiel de la poésie ? Toute poésie véritable n’est- elle pas proprement « saisissante » ? Mais le plus émouvant, c’est ici l’a
81 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
1140 rlin (15 juillet 1929)n « Je lui ai raconté qu’ il habite une chaumière au bord d’un ruisseau, qu’il dort les portes ouv
1141 il habite une chaumière au bord d’un ruisseau, qu’ il dort les portes ouvertes, et pendant des heures récite des odes grecq
1142 esse de Homburg lui a fait cadeau d’un piano dont il a coupé les cordes, mais pas toutes, en sorte que plusieurs touches s
1143 urs touches sonnent encore, et c’est là-dessus qu’ il improvise, oh ! j’aimerais tant aller là-bas, cette folie m’apparaît
1144 rminant sa lettre sur Hölderlin : « Ce piano dont il a cassé les cordes, c’est vraiment l’image de son âme ; j’ai voulu at
1145 lu attirer là-dessus l’attention du médecin, mais il est plus difficile de se faire comprendre par un sot que par un fou. 
1146 temps doit vouer l’attention la plus grave — car il vécut dans ces marches de l’esprit humain qui confinent peut-être à l
1147 connaît pas son auteur. Qui parle par sa bouche ? Il règne dans ses Hymnes une sérénité presque effrayante. Vient le temps
1148 de son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette encore quelques cris brisés : « Ô vieux démon ! — je te rappell
1149 sse. » Mais le feu s’éteint — l’esprit souffle où il veut. Juin 1802 : au moment où meurt Diotima, Hölderlin errant loin d
1150 moment où meurt Diotima, Hölderlin errant loin d’ elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ; sa f
1151 lin signe maintenant Scardanelli des quatrains qu’ il donne aux visiteurs venus pour contempler la victime d’un miracle. — 
1152 be, hauts et sombres, qui paraîtraient immenses s’ ils n’étaient à demi encombrés d’armoires. Un couloir, la chambre. L’homm
1153 el. « Monsieur connaît Hölderlin ? — questionne-t- il , méfiant — bon, bon, parce qu’il y en a qui viennent, n’est-ce pas, i
1154 ? — questionne-t-il, méfiant — bon, bon, parce qu’ il y en a qui viennent, n’est-ce pas, ils ne savent pas trop qui c’était
1155 n, parce qu’il y en a qui viennent, n’est-ce pas, ils ne savent pas trop qui c’était… Alors vous devez connaître ces portra
1156 lus affreuses sur son compte, simplement parce qu’ il a aimé une femme, pour écrire Hypérion, et pour les gens d’ici, aimer
1157 e familièrement l’image d’une femme par le nom qu’ elle portait au mystère de l’amour… Trois petites fenêtres ornées de cactu
1158 trempent… Tout est familier, paisible au soleil. Il passait des heures à cette fenêtre, à marmotter. Vingt-sept ans dans
1159 a jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’ elles ont fui. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plus rie
1160 ur l’île n’existait pas, en face, ni les maisons. Il voyait des prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau
1161 ux : « La perfection n’a pas de plainte »… Vivait- il encore ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais le gardien : il y est comme
1162 e ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais le gardien : il y est comme chez lui. — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh ! répond-il, j
1163 ez lui. — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh ! répond- il , je pourrais aussi bien habiter la chambre. Il ne vient pas tant de v
1164 nd-il, je pourrais aussi bien habiter la chambre. Il ne vient pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4… Une rue étouff
1165 encontrent, qui montent au Séminaire protestant : il leur fait de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’une gra
1166 Est-ce que tout cela existe dans le même monde ? ( Il est bon de poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi
1167 rop courts, qui se promènent tout seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose de terrible, où il a perdu son âme. Et p
1168 , il lui est arrivé quelque chose de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux corps radotant.
1169 chose de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes
1170 rps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes gens ?… Il a eu tort, sans doute. Tout le monde s’accorde à trouver malsain ce g
1171 de « bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’ il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je n
1172 ir de je ne sais quelle revanche du médiocre dont ils se sentent bénéficiaires. Ah ! vraiment les malins ! qui ont préféré
1173 es musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde
1174 urs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut- il donc que l’un des deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain
1175 multanés ?… Le tragique de la facilité, c’est qu’ elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, t
1176 est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, triomphante, à beau fixe. Pourquoi troubler
1177 ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est-ce qu’ ils ne soupçonnent jamais rien ? Ou bien, peut-être, seulement, quand l’a
1178 etite fièvre, — cette semaine de leur jeunesse où ils ont cru pressentir de grandes choses généreuses autour d’eux… Cela s’
1179 ment, nous fait comprendre, dans le temps même qu’ il nous entr’ouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait le monde… Mais que
1180 s le temps même qu’il nous entr’ouvre le ciel, qu’ il est bon qu’il y ait le monde… Mais que cette musique vulgaire, par qu
1181 ttina von Arnim-Brentano : Die Günderode. 12. Où il était précepteur. Madame Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des
82 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
1182 fait rencontrer des êtres bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur d’oies, le gu
1183 des bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ ils ne s’en doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein de malices
1184 e malices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’ il s’égare parfois dans les maisons des grands bourgeois, où tout, souda
1185 t tendre que prennent les hommes en liberté. Mais ils ne sont jamais méchants, et seulement aux dernières pages du livre, u
83 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
1186 29)ba À lire ce petit livre et le parallèle qu’ il établit entre le yogabb telle que l’enseignaient les upanishads et la
1187 a tentative poétique de Rimbaud, l’on s’étonne qu’ il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie
1188 voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’ il est bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour
1189 uiert l’œuvre de Rimbaud. Regrettons seulement qu’ il n’élargisse pas plus une question aussi centrale — qui est, si l’on v
1190 e à l’état sauvage », un catholique qui s’ignore, il n’est pas plus admissible d’inférer du mépris de Rimbaud pour le cath
84 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
1191 ébat où les voix les mieux écoutées ont dit ce qu’ elles avaient à dire. Et d’autre part, les lecteurs de cette revue connaiss
1192 e me sens bien plus près de M. Gabriel Marcel, qu’ il attaque. (M. Benda trahit à son tour quand il tire argument contre un
1193 qu’il attaque. (M. Benda trahit à son tour quand il tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin
1194 e argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’ elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand cela serait ! dirons-nous
1195 vieux que le monde. Mais M. Benda distinguera, et ils seront confondus. Car il y a un sophiste en M. Benda, un polémiste qu
1196 qui joue de la raison ratiocinante tout comme si elle n’était pas le contraire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui n
1197 gênante que soit souvent son adresse de logicien, elle ne doit pas nous masquer l’audace tranquille et admirable de son poin
1198 u’on lui demande l’impossible. Et quand bien même elle croirait n’en avoir plus besoin. Cet extrémisme de la pensée intempor
1199 . Mais ces affirmations sont exactement celles qu’ il fallait attendre de ces auteurs. Ce qu’on ne viendra pas disputer à M
85 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
1200 une fois un jeune homme comme les autres. Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire d’ailes. Allait-on s’émerveill
1201 inrent lui dire ses amis, — l’orgueil t’aveugle-t- il  ? Veux-tu conserver, ô cruel, des ailes qui donnent des rhumes à ton
1202 ids de cette accusation, comment ne point céder : il fit couper ses ailes. On le félicita de son retour à l’état normal, q
1203 e. Mais à partir de ce jour, on lui fit sentir qu’ il était devenu beaucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a des ailes sera
1204 , mais celui qui n’en a pas sera méprisé parce qu’ il n’en a pas. Le libéralisme Seigneur ! clamaient-ils, combien co
1205 a pas. Le libéralisme Seigneur ! clamaient- ils , combien complexes sont les problèmes que vous proposez à notre bonne
1206 nt la Démocratie outragée, les autres disaient qu’ il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher le
1207 rti, l’ange trouva son salut dans un subterfuge : il insinua qu’il parlait au nom d’une secte orientale. Aussitôt la discu
1208 ouva son salut dans un subterfuge : il insinua qu’ il parlait au nom d’une secte orientale. Aussitôt la discussion de repre
1209 ur la nature de l’inspiration, un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un film voluptueux. Il aima l’héroïne, mai
1210 Il alla au cinéma. On donnait un film voluptueux. Il aima l’héroïne, mais sans espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, d
1211 voluptueux. Il aima l’héroïne, mais sans espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine de couples à
1212 rie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde assise près de lui. Ayant demandé un timbr
1213 l’attention de la femme blonde — sans résultat —, il écrivit une adresse réelle, et mit la lettre dans la première boîte v
1214 ettre dans la première boîte venue. Le lendemain, il reçut une réponse : « Vous avez commis une erreur, cher ami, mais bie
1215 uivre. Alexandrine un jour m’a laissé entendre qu’ elle vous aime. Elle attend votre lettre depuis des mois. Je pense que ces
1216 ne un jour m’a laissé entendre qu’elle vous aime. Elle attend votre lettre depuis des mois. Je pense que ces lignes vous tro
86 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Avant-propos
1217 Avant-propos Le dire une bonne fois. Il ne faut pas songer à décrire en quarante petites pages tous les méfai
1218 r leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique deux petits livres1 exc
1219 que, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’ il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moin
1220 âtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle prolonge abusivement sa terne existence. Je l’ai subi ; l’on va voir
1221 rit ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté.
1222 le. Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’être compli
1223 Citoyen conscient et organisé pour la discussion. Il retrousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de
1224 isé pour la discussion. Il retrousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh !
1225 sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mettez-lui les mains sur la bouche ! Donnez-lui s
1226 ment exagéré pour la jugeote de l’adversaire ou s’ il traduit simplement cette mauvaise foi pas même consciente, cette lâch
1227 ux qui croient aux faits. Je leur réponds : 1° qu’ ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuve
1228 ent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ ils ne peuvent, en vertu même de leur scepticisme quant à la valeur réfor
1229 les discussions de la tranquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les principes. Tourmentés par les scrupules d
1230 és par les scrupules de leur conscience libérale, ils fuient la rigueur jusque dans leurs raisonnements. Pour moi qui cherc
87 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 1. Mes prisons
1231 1. Mes prisons Il existe des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’
1232 ndrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ ils les confondent avec ceux de leur enfance et les font indûment partici
1233 t participer de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’« il n’y a rien au-dessus » de la tâch
1234 Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’«  il n’y a rien au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces b
1235 roit… Et de ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement séparer les calculs du raisonnement, par une
1236 qu’on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’ il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les to
1237 es acides, et naturellement, la phrase sacrée : «  Il faut que tous fassent la même chose, ici ! » Dans la suite, on se cha
1238 garde contre moi-même à cause des autres desquels il ne fallait pas différer, profondément hypocrite donc, et le cerveau s
1239  » que je viens de citer, je découvris un jour qu’ elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un cert
1240 contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais ce
1241 être égaux en tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses
1242 aux vertueuses indignations de nos maîtres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducation jésuite ». Nous éti
1243 ar les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent- ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. M
1244 laissèrent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’ il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressor
1245 i les charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure e
1246 e dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs besoins. Nous ne croyions pl
1247 s miracles ne trompent que les illettrés, mais qu’ il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée. O
88 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 2. Description du monstre
1248 nnues d’anciens camarades d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’autant mieux qu’on était devenus pl
1249 urs. Ceux-là n’avaient pas bougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon é
1250 que des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’ il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’être
1251 ire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsable, cela se voit de
1252 ir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le pl
1253 faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter
1254 n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensibles au
1255 ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en di
1256 ssieu très instruit, vous êtes presque certain qu’ il s’agit d’un de ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des fa
1257 pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où ils sont drôles, mais non point dans la vie courante où ils le sont beauc
1258 nt drôles, mais non point dans la vie courante où ils le sont beaucoup moins. Le Messieu fait sans doute des vers sur la vi
1259 riodiquement, comme on fait… un rhume de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées modernes sur tous les suje
1260 rhume de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées modernes sur tous les sujets, espécialement sur la pédago
1261 ie. Ce mot revient souvent dans sa conversation ; il le prononce avec un inimitable sérieux, avec un P majuscule. On sent
1262 que pendant que nous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est
1263 ue l’apport des instituteurs, ou bien préexiste-t- il dans les principes mêmes de l’École, et attire-t-il les petits bourge
1264 dans les principes mêmes de l’École, et attire-t- il les petits bourgeois comme le portrait de Numa Droz attirait les mouc
1265 t ni l’envie de dire du mal des petits bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe quelle autre classe de
1266 prit petit-bourgeois pris abstraitement et tel qu’ il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesquine
1267 ui sont dans nos villes l’apport du xixe siècle. Ils ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodé
1268 ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’
89 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 3. Anatomie du monstre
1269 ique — on ne me contestera pas ces raisons puisqu’ elles me sont absolument personnelles et qu’elles ont la valeur d’un témoig
1270 uisqu’elles me sont absolument personnelles et qu’ elles ont la valeur d’un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je
1271 ont la valeur d’un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un petit examen aux principes de cette
1272 ion passionnément détestée. Vous allez voir comme il bafouillent leur « par cœur non compris ». Aux yeux de beaucoup de ge
1273 part à ce que ces personnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste de dire que la passion n’a qu’une clairvoyance inté
1274 pacifiste n’est pas toujours l’esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la vérité à la
1275 se. Je tiens le « gain de paix » pour illusoire : il consiste à repousser la difficulté dans l’avenir, d’une ou deux génér
1276 enir, d’une ou deux générations. Pendant ce temps elle s’aggrave, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans de radicali
1277 une vue aussi large que simplifiée. Remarquons qu’ il suffit pour établir ce programme de disposer d’une ou deux feuilles d
1278 ers rectangulaires, bien proprement.) Évidemment, il est préférable de savoir aussi les noms des sciences élémentaires. Ma
1279 ir aussi les noms des sciences élémentaires. Mais il n’est en aucune façon nécessaire de connaître la psychologie des enfa
1280 enfin des rythmes naturels de l’esprit humain, qu’ il se trouve que le Créateur n’a point accordés à l’actuelle division ho
1281 l’esprit de ces enfants… — Mais on nous paye, et ils n’en meurent pas. Les examens Ce sont en principe des « contrôl
1282 , la tricherie est difficile, tandis qu’à l’école elle est de règle. Car la qualité et la quantité des réponses « fournies »
1283 plume de divers maîtres primaires et secondaires. Ils n’en sont pas moins devenus le but même de l’instruction ; la fin qui
1284 ibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’ il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l’État, voyons d
1285 e ou deux autres bêtises de cette épaisseur, mais il faut reconnaître que jamais on n’avait songé à leur donner une extens
1286 ralentissent et que les plus faibles se forcent. Elle ne convient qu’aux médiocres, dont elle assure le triomphe. L’école s
1287 forcent. Elle ne convient qu’aux médiocres, dont elle assure le triomphe. L’école s’attaque impitoyablement aux natures d’e
1288 régime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand on leur dit que la Suisse est caractérisé
1289 u’on commence par apprendre le résumé. D’ailleurs elle s’arrête là. Les manuels ne correspondent à aucune réalité. Ils ne re
1290 à. Les manuels ne correspondent à aucune réalité. Ils ne renferment rien qui soit de première main, rien qui soit authentiq
1291 soit de première main, rien qui soit authentique. Ils négligent toutes les particularités, toutes les « prises » où pourrai
1292 les « prises » où pourrait s’accrocher l’intérêt. Ils dispensent de tout contact direct avec ce dont ils traitent. Or la va
1293 ls dispensent de tout contact direct avec ce dont ils traitent. Or la valeur éducative des choses n’apparaît qu’à celui qui
1294 raît qu’à celui qui entre en commerce intime avec elles . On apprend plus de deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ai
1295 ’est qu’on ne peut laisser aux élèves le temps qu’ il faut pour assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher l
1296 x élèves le temps qu’il faut pour assimiler ce qu’ ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a
1297 s qu’il faut pour assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’une valeur é
1298 l. Or ce travail n’a qu’une valeur éducatrice : s’ il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles
1299 qu’une valeur éducatrice : s’il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’on nommait a
1300 tre conception pénitentiaire de l’école. Mais, s’ il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindriss
1301 . Mais, s’il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindrissent. La discipline scolaire consiste à
1302 mmobiles et muets 6 heures par jour durant 8 ans. Il paraît que cela facilite le travail du maître. Il se peut. Tout dépen
1303 Il paraît que cela facilite le travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il
1304 end de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’ il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces
1305 école primaire doit être une école de Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’instruction civique sont insuf
1306 sont insuffisantes pour former le petit citoyen : il faut que l’enseignement tout entier soit occasion de développer les v
1307 sme. La culture de l’esprit démocratique telle qu’ elle est comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise aut
1308 le qu’elle est comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise autrement — est essentiellement négative. Elle
1309 omprise autrement — est essentiellement négative. Elle consiste à persécuter ceux qui, en quelque manière que ce soit, voudr
1310 té que le bon sens m’eût par ailleurs fait voir : il n’y a pas d’égalité réelle possible tant que la loi est la même pour
1311 ous. Je ne parle pas des manuels d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent une image mensongère de l’anc
1312 s d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ ils donnent une image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du peupl
1313 ole publique. Mais l’idéal de l’école est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit tout de nob
1314 est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’ il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonne
1315 et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’ il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une préméditation de méd
1316 iver. Déjà la terre a revêtu son blanc manteau. » Elle aura 10 sur 10. Mais on donnera 3 sur 10 à Sylvie Z pour avoir trouvé
1317 a 3 sur 10 à Sylvie Z pour avoir trouvé : « Quant il neige, c’est comme des petits morceaux de vouate. » Il est évident qu
1318 ige, c’est comme des petits morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la mesure où l’
1319 eut que partout la valeur cède le pas à la règle. Elle cherche à développer chez nos petits Helvètes un légalisme écœurant6,
1320 -thème, voire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit de réussites qui, pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’amb
1321 ents, ne laissent pas que d’être assez spéciales. Il arrive en effet que nos petits futurs grrrands citoyens ayant accompl
1322 erse du nombre d’années d’instruction publique qu’ ils ont subies. Le dilemme J’ai indiqué que les principes de l’inst
1323 cette fois à démontrer, ce qui serait facile, qu’ ils constituent une inversion méthodique de toutes les lois divines et hu
1324 thode d’abâtardissement de la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes dérivent nécessairement du fa
1325 École de demain, Genève, Kündig, 1918, p. 12. 5. Il est peut-être avantageux dans certains cas de soustraire l’enfant à l
90 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 4. L’illusion réformiste
1326 olère pour entreprendre ce travail de démolition. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir l’abondante littérature publ
1327 incipe de l’instruction publique. Les réformes qu’ ils ont proposées jusqu’ici sont en général judicieuses, dictées par le b
1328 oulu apporter de la science. Mais c’est un art qu’ il faudrait. Sinon l’on retombera dans des absurdités. On a créé par exe
1329 es noms des rues et places de leur ville, comme s’ ils étaient tous destinés à la profession de chauffeurs de taxi. Si cette
1330 de taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à craindre que l’école nouvelle n’apporte bientôt sa méthode rati
1331 nt le meilleur parti possible de l’exercice ; car il ne manque à ce système, avouez-le, que juste la spontanéité nécessair
1332 es exagérations ne sont pas bien graves, parce qu’ elles sont comiques précisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’
1333 l’école nouvelle un reproche d’une autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux enfants en leur rendant le travail
1334 ant la possibilité de trouver par eux-mêmes ce qu’ ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’une liberté méthodiquement organ
1335 donne à ses ouvriers un second dimanche, afin qu’ ils consomment deux fois plus de machines. Jeu du chat avec la souris. On
1336 et plus grave que la brutalité primaire, parce qu’ elle n’excite pas de réaction vive de la part des écoliers. Enfin, je n’ai
1337 pas qu’on traite le gosse comme un organisme dont il s’agit d’obtenir le rendement le plus élevé. On cultive les petits d’
1338 -citoyen. Moi je voudrais l’enfant tout court. Or il paraît que c’est très dangereux. Néanmoins je soupçonne dans tous ces
1339 nce spirituelle. Qui sait ?… En attendant, puisqu’ il faut attendre, je salue ces jeunes gens qui appliquent avec ferveur l
1340 dont les classes joyeuses sont de vraies foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur faire remarquer d’autant
1341 e leur faire remarquer d’autant plus librement qu’ ils trahissent le dessein profond de l’instruction publique, qu’ils trahi
1342 le dessein profond de l’instruction publique, qu’ ils trahissent leur mission officielle. Ils éduquent de futurs anarchiste
1343 lique, qu’ils trahissent leur mission officielle. Ils éduquent de futurs anarchistes8, bravo ! Mais ce qu’on leur avait con
1344 sse qu’à la faveur de malentendus (si tant est qu’ il progresse). L’école nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire qu’à la
91 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 5. La machine à fabriquer des électeurs
1345 e. Je demande seulement qu’on m’explique pourquoi il triomphe et se perpétue ; de quel droit il nous écrase. La réponse es
1346 urquoi il triomphe et se perpétue ; de quel droit il nous écrase. La réponse est simple, terriblement simple : du droit de
1347 n publique et la Démocratie sont sœurs siamoises. Elles sont nées en même temps. Elles ont cru et embelli d’un même mouvement
1348 t sœurs siamoises. Elles sont nées en même temps. Elles ont cru et embelli d’un même mouvement. Morigéner l’une c’est faire p
1349 que dit l’une, c’est savoir ce que l’autre pense. Elles ne mourront qu’ensemble. Il n’y aura qu’une oraison. Laïque. J’entend
1350 que l’autre pense. Elles ne mourront qu’ensemble. Il n’y aura qu’une oraison. Laïque. J’entends qu’on ne me conteste pas c
1351 . J’entends qu’on ne me conteste pas cette thèse. Elle est glorifiée dans tous les banquets officiels par des orateurs émus
1352 uve correspondre à des faits patents et simples ; il serait vraiment dommage de priver ces Messieurs d’une aubaine pour eu
1353 a n’irait pas sans quelque indécence. Et d’abord, il faut pouvoir lire, écrire et compter pour suivre la campagne électora
1354 , voter et truquer légalement les votes. Ensuite, il faut de l’histoire, et de l’instruction civique, pour qu’on sache à q
1355 ique, pour qu’on sache à quoi cela rime. Ensuite, il faut une discipline sévère dès l’enfance pour façonner des contribuab
1356 ur façonner des contribuables inoffensifs. Enfin, il faut un nombre considérable de leçons, et le plus longtemps possible,
1357 endu. Car dans ce monde-là « tout se paye » comme ils disent avec une satisfaction sordide et mal dissimulée. Certes, je ne
1358 tion publique aient eu pleine conscience de ce qu’ ils faisaient — et je les excuse pour autant10. Je dis simplement ceci :
1359 t ceci : leur œuvre n’a été possible que parce qu’ elle était liée aux intérêts de la démocratie. Car il faut bien se représe
1360 lle était liée aux intérêts de la démocratie. Car il faut bien se représenter qu’elle n’était encore au xviiie siècle qu’
1361 la démocratie. Car il faut bien se représenter qu’ elle n’était encore au xviiie siècle qu’une utopie de partisans. Il ne se
1362 ore au xviiie siècle qu’une utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’hui qu’on répande univer
1363 u saxophone ou de la balalaïka. Soyez certains qu’ il ne manque à cette plaisanterie, pour prendre corps, que l’appui intér
1364 e notre instrument de progrès par excellence. Car il n’est qu’une explication vraisemblable de cette incurie : l’école, so
1365 emen et rendait des tommies. La machine scolaire, elle , dévore des enfants tout vifs et rend des citoyens à l’œil torve. Dur
1366 orme scolaire, politiquement, n’est pas rentable. Il est clair que si le but principal de l’instruction publique était d’é
1367 r l’heure une véritable révolution scolaire ; car il ne faudrait pas moins pour que l’école rattrape l’époque… Mais les go
1368 ape l’époque… Mais les gouvernements savent ce qu’ ils font. Tout se tient, comme vous dites, sans doute pour m’ôter l’envie
1369 peuple souffrent moins d’un tel régime, c’est qu’ ils n’ont pas d’eux-mêmes une connaissance aussi sensible. Ils ignorent c
1370 pas d’eux-mêmes une connaissance aussi sensible. Ils ignorent ce qu’étiolent en eux les droits de l’homme. Mais attendez,
1371 attendez, si quelques-uns allaient se réveiller… Il suffit d’un peu de chaleur d’âme pour amorcer le dégel de ces princip
1372 être le signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a de révolution véritable que de la sensibilité. (Le jour où l’on
1373 où l’on culbutera ces Messieurs de leurs sièges, ils comprendront le sens des images.) 9. J’emploie ce mot au sens fort,
1374 te. 10. Voir note A à la fin du cahier. 11. Est- il besoin de déclarer formellement qu’une telle attitude n’est en aucune
92 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 6. La trahison de l’instruction publique
1375 venons de le voir, son unique moyen de parvenir. Elle participe donc sur une vaste échelle à cette « Trahison des clercs »
1376 oque paiera cher ce crime contre la civilisation. Elle ne croit plus qu’au péché contre les lois sociales, eh bien ! elle ap
1377 s qu’au péché contre les lois sociales, eh bien ! elle apprendra que le seul péché qui n’a pas de pardon c’est le péché cont
1378 on c’est le péché contre l’Esprit. Aujourd’hui qu’ il suffit d’un peu de bon sens et d’information pour jouer au prophète,
1379 cole prétend ouvertement nous éduquer. D’ailleurs elle y est obligée dans la mesure où elle réalise son ambition : soustrair
1380 . D’ailleurs elle y est obligée dans la mesure où elle réalise son ambition : soustraire les enfants à l’Église et à la fami
1381 l’École radicale ne peut pas être idéaliste : car elle deviendrait un danger pour le désordre établi. L’idéalisme est forcém
1382 st l’aspect négatif de sa trahison —, mais encore elle tend à développer tout ce qu’il y a de spécifiquement malfaisant dans
1383 alfaisant dans l’esprit moderne. C’est sa façon à elle de répondre aux besoins de l’époque. Pauvre époque ! On parle sans ce
1384 uvre époque ! On parle sans cesse de ses besoins. Il est vrai qu’elle est anormalement insatiable… Je crois qu’elle a surt
1385 n parle sans cesse de ses besoins. Il est vrai qu’ elle est anormalement insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin d’une
1386 qu’elle est anormalement insatiable… Je crois qu’ elle a surtout besoin d’une purge violente qui chasse ce ver solitaire du
1387 t précisément d’échapper à cette organisation. Or il semble bien que nous en soyons-là, s’il faut en croire les signes de
1388 ation. Or il semble bien que nous en soyons-là, s’ il faut en croire les signes de révolte qui apparaissent de toutes parts
1389 nne les germes d’une renaissance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favorise le culte exclusif de l’utile, l’i
1390 sance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favorise le culte exclusif de l’utile, l’incompréhension brutale de l
1391 lles, l’habitude de l’ersatz et du travail bâclé. Elle apprend à lire les journaux, mais en même temps que cette drogue, ell
1392 es journaux, mais en même temps que cette drogue, elle devrait fournir son contrepoison. Au contraire, elle prépare de consc
1393 e devrait fournir son contrepoison. Au contraire, elle prépare de consciencieuses poires, des esclaves du mot. Il est clair,
1394 e de consciencieuses poires, des esclaves du mot. Il est clair, par exemple, que seules les victimes de l’instruction helv
1395 de travaux forcés. L’école donne à l’enfant ce qu’ il faut pour se résigner à l’état de citoyen bagnard auquel il est promi
1396 ur se résigner à l’état de citoyen bagnard auquel il est promis. Mais elle tue tout ce qui lui donnerait l’envie de se lib
1397 tat de citoyen bagnard auquel il est promis. Mais elle tue tout ce qui lui donnerait l’envie de se libérer — et peut-être le
1398 fais le procès de la bêtise humaine qu’en tant qu’ elle est cultivée par l’État), l’École, après avoir entraîné l’âme moderne
1399 y enferme et l’y laisse crever de faim. Par ce qu’ elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’elle enseigne à connaître,
1400 u’elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’ elle enseigne à connaître, elle constitue la plus grande force antireligie
1401 ien plus que par ce qu’elle enseigne à connaître, elle constitue la plus grande force antireligieuse de ce temps. L’instruct
93 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 7. L’Instruction publique contre le progrès
1402 qui a meilleure façon que le reste, pensez-vous. Il faut avouer qu’avec ce je ne sais quoi de déclamatoire, de… journalis
1403 ir inventé un instrument de progrès : encore faut- il le mettre en marche. Et où le conduire ? Il y a beaucoup de routes, m
1404 e de 6 ans, à ne se point poser de questions dont ils n’aient appris par cœur la réponse. Regardez un écolier préparer ses
1405 un écolier préparer ses devoirs, c’est frappant : il apprend les questions aussi bien que les réponses. J’avoue que je tro
1406 rt : avoir obtenu un conformisme de la curiosité. Il est vrai qu’il ne fallait pas moins pour assurer la sécurité d’un rég
1407 nu un conformisme de la curiosité. Il est vrai qu’ il ne fallait pas moins pour assurer la sécurité d’un régime établi dans
1408 ue est une puissance conservatrice. — Pas moins ! Elle est destinée à légitimer par la force de l’inertie et à perpétuer méc
1409 e réaction collaborent à leur manière au progrès, elles corrigent, stimulent, vivifient. L’École se contente d’être figée. Es
1410 ’instruction publique, limite l’homme au citoyen. Il s’agit donc de dépasser le citoyen, de retrouver l’homme tout entier.
1411 z le dire, est un ramassis de lieux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup que la majorité des électeurs les consi
1412 depuis longtemps à ces idées antidémocratiques : il est temps qu’elles débordent ce cercle étroit et distingué. Il y a de
1413 s à ces idées antidémocratiques : il est temps qu’ elles débordent ce cercle étroit et distingué. Il y a de grands balayages à
1414 mportera toutes ces statistiques et ces journaux, il en restera toujours assez pour allumer des feux de joie, etc. Bon. Su
1415 a notion de démocratie, vous trouvez bien vite qu’ elle repose sur des postulats rationalistes. En vérité, démocratie et rati
1416 ique, l’autre intellectuel, d’une même mentalité. Elle s’est développée au xviiie dans l’aristocratie qui n’y voyait qu’un
1417 ie qui n’y voyait qu’un jeu. Durant tout le xixe elle est descendue dans la bourgeoisie et dans le peuple ; elle y est deve
1418 descendue dans la bourgeoisie et dans le peuple ; elle y est devenue une tyrannie. Avant il y avait la Raison et les sentime
1419 s empêche de devenir autre chose que des utopies. Il s’agit donc en premier lieu de le démasquer et de le pourchasser dans
1420 première tâche constitue un programme si riche qu’ il est superflu d’en formuler une seconde. Laissons ce soin, à des génér
1421 lui, calculables, chiffrables. Dans la mesure où il y parvient, il tue les existences particulières, ou bien c’est qu’ell
1422 es, chiffrables. Dans la mesure où il y parvient, il tue les existences particulières, ou bien c’est qu’elles sont déjà mo
1423 ue les existences particulières, ou bien c’est qu’ elles sont déjà mortes. Mais le temps vient où elles renaîtront à une vie n
1424 qu’elles sont déjà mortes. Mais le temps vient où elles renaîtront à une vie nouvelle et plus complète, à un degré supérieur
1425 vous voir demander à un sujet de Louis XIV ce qu’ il concevait à la place de la royauté absolue. Il eût fallu certes une i
1426 qu’il concevait à la place de la royauté absolue. Il eût fallu certes une imagination prodigieuse au dit sujet pour se rep
1427 seau, à la veille de la Révolution, soupçonnaient- ils que la république qu’ils appelaient serait livrée cent ans plus tard
1428 évolution, soupçonnaient-ils que la république qu’ ils appelaient serait livrée cent ans plus tard à peine à la folie démocr
94 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Appendice. Utopie
1429 ilà bien ce que l’École empêche même de concevoir Elle cultive ce qu’il y a d’anti-irrationnel dans la nature de l’homme. El
1430 y a d’anti-irrationnel dans la nature de l’homme. Elle punit froidement la spontanéité et l’invention. Elle dénature le sens
1431 e punit froidement la spontanéité et l’invention. Elle dénature le sens de la liberté. Elle détruit tout ce qui permettrait
1432 l’invention. Elle dénature le sens de la liberté. Elle détruit tout ce qui permettrait d’échapper à la mécanique. Bref, elle
1433 qui permettrait d’échapper à la mécanique. Bref, elle perpétue ce manque d’imagination dont les conséquences seront matérie
1434 e grandeur supérieure à la somme de ses éléments. Il n’engendre pas, il ajuste. Quand nous aurons épuisé toutes les combin
1435 re à la somme de ses éléments. Il n’engendre pas, il ajuste. Quand nous aurons épuisé toutes les combinaisons de vitesse e
1436 uction publique. Cela promet des grabuges inouïs. Il ne tient peut-être qu’à une forte équipe d’idéalistes pratiques d’en
1437 e d’une civilisation aux ordres de l’Esprit. Mais il faudrait que dès maintenant se constituent ces élites, et cela ne se
1438 uve être dans une certaine mesure un anarchiste s’ il défend son opinion de toutes ses forces. Mais c’est un anarchiste de
1439 être qui ignore le réel. C’est justement parce qu’ il le connaît mieux qu’eux qu’il y a vu des fissures et des possibilités
1440 t celui qui ne se résigne à aucun état de choses. Il est pour le « mieux » contre le « bien ». Sans lui l’humanité s’avach
1441 Sans lui l’humanité s’avachirait totalement. Mais il est dans l’ordre qu’elle beugle longuement tout en le suivant. Que fa
1442 vachirait totalement. Mais il est dans l’ordre qu’ elle beugle longuement tout en le suivant. Que faire, diront les gens de b
1443 r l’esprit le plus dangereusement plat qui soit. ( Il est plus que plat : il est creux.) Si beaucoup de personnes répondent
1444 ereusement plat qui soit. (Il est plus que plat : il est creux.) Si beaucoup de personnes répondent oui, cela finira par c
1445 nion. Et l’opinion publique mène le monde, paraît- il . À ce propos : que les journalistes s’engagent désormais à ne publier
1446 ne perce leur mépris pour l’instruction publique. Ils peuvent dire ce qu’ils veulent à propos de n’importe quoi, comme on s
1447 ur l’instruction publique. Ils peuvent dire ce qu’ ils veulent à propos de n’importe quoi, comme on sait, et ils auraient là
1448 ent à propos de n’importe quoi, comme on sait, et ils auraient là l’occasion de racheter bien des choses. Ce n’est rien de
1449 d’une réforme suffisante. C’est une révolution qu’ il faut. Alors, supprimer les écoles, raser les collèges, renvoyer les i
1450 ire et on lui bourre le crâne pour l’en empêcher. Il s’agit de lui faire comprendre que l’école est le plus gros obstacle
1451 Et c’est cela, préparer le terrain. D’autre part, il faut partir de ce qui est. Mais comment retourner contre l’ennemi ses
1452 es mortes. Une technique spirituelle. Et puis, qu’ il en fasse ce qu’il voudra. Les Orientaux appellent yoga cette culture
1453 hnique spirituelle. Et puis, qu’il en fasse ce qu’ il voudra. Les Orientaux appellent yoga cette culture des facultés physi
1454 tirait des conclusions immédiates, non seulement il serait sauvé du désastre, mais il recouvrerait la domination du monde
1455 , non seulement il serait sauvé du désastre, mais il recouvrerait la domination du monde16 et non plus en barbare cette fo
1456 nt à des exercices de contrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous ju
1457 ussi pratique son yoga à lui : toutes les fois qu’ il veut obtenir une grande intensité avec un minimum de moyens. J’en cit
1458 . Le parallèle peut être poussé dans les détails. Il s’agit bien d’un geste identique, exécuté dans deux plans différents.
1459 bien dangereux et impopulaires. Tout comme ce qu’ ils désignent d’ailleurs. Tant mieux. Il y a beaucoup de gens qui ne peuv
1460 pensée au garde-à-vous durant quelques instants, il s’épargnerait de longs énervements. Il n’y a pas là de quoi se tordre
1461 instants, il s’épargnerait de longs énervements. Il n’y a pas là de quoi se tordre. Car tout cela nous donnerait des anné
1462 la regarder. De faire connaissance. Je ne sais s’ il est très exagéré de dire que tout homme gagnerait à posséder une plus
1463 que devrait s’employer l’école. Nous avons vu qu’ elle préfère les étouffer. Cependant, je ne crois pas qu’il soit bon que t
1464 éfère les étouffer. Cependant, je ne crois pas qu’ il soit bon que tous progressent de la même manière. Dans un système de
1465 se légitimeraient du même coup ; car sur ce plan elles ne font que traduire la diversité des besoins individuels. Méditez un
1466 coup. La valeur vaut mieux que le nombre parce qu’ elle le contient en puissance. Et c’est pourquoi l’aristocratie de l’espri
1467 fera sans vous. Déjà revient le temps des mages : ils comprennent les théories d’Einstein, ils composent de la poésie pure,
1468 mages : ils comprennent les théories d’Einstein, ils composent de la poésie pure, ils mesurent des sensibilités secondes e
1469 ries d’Einstein, ils composent de la poésie pure, ils mesurent des sensibilités secondes et tout un arc-en-ciel de sentimen
1470 a force des choses et de l’Esprit, l’homme sera-t- il sauvé de sa folie démocratique ?   Areuse, 26 décembre 1928-10 janvi
1471 ue n’importe qui juge et contrôle n’importe quoi, il faut bien inventer des dessous pour redonner quelque saveur à ses jug
1472 e vous attaquez est pourtant un très brave homme, il fait partie du conseil de la paroisse, etc. » — Il semble qu’en attaq
1473 l fait partie du conseil de la paroisse, etc. » —  Il semble qu’en attaquant ses idées et leurs réalisations ont ait porté
1474 pas tous les instituteurs pour gibier de potence. Ils font beaucoup de mal, mais ils sont les premières victimes du système
1475 gibier de potence. Ils font beaucoup de mal, mais ils sont les premières victimes du système qu’il propagent et qui les fai
1476 ais ils sont les premières victimes du système qu’ il propagent et qui les fait vivre. La question se complique dès que l’i
1477 ur prend conscience de la nocivité de son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont-ils dans la même mesure conscie
1478 action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont- ils dans la même mesure conscients des fins qu’on assigne à leur activité
1479 uiconque a une foi et la conscience de cette foi, il n’est d’enseignement véritable que religieux. Mais les questions conf
1480 n effet, terrorisent à tel point les bourgeois qu’ ils n’en distinguent plus même le sens. Ils les lancent à la tête de tous
1481 rgeois qu’ils n’en distinguent plus même le sens. Ils les lancent à la tête de tous ceux qui les dérangent, comme des pavés
1482 puis. 16. On promet des confitures à l’enfant, s’ il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime que la liberté.
95 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Avant-propos
1483 Avant-propos Le dire une bonne fois.   Il ne faut pas songer à décrire en 50 petites pages tous les méfaits de
1484 r leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique deux petits livres1 exc
1485 que, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’ il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moin
1486 âtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle prolonge abusivement sa terne existence. Je l’ai subi ; l’on va voir
1487 rit ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté.
1488 ile. Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’être compli
1489 Citoyen conscient et organisé pour la discussion. Il retrousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de
1490 isé pour la discussion. Il retrousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh !
1491 sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mettez-lui les mains sur la bouche ! Donnez-lui s
1492 ent exagéré pour la jugeotte de l’adversaire ou s’ il traduit simplement cette mauvaise foi pas même consciente, cette lâch
1493 ux qui croient aux faits. Je leur réponds : 1° qu’ ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuve
1494 ent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ ils ne peuvent, en vertu même de leur scepticisme quant à la valeur réfor
1495 les discussions de la tranquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les principes. Tourmentés par les scrupules d
1496 és par les scrupules de leur conscience libérale, ils fuient la rigueur jusque dans leurs raisonnements. Pour moi qui cherc
96 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 1. Mes prisons
1497 1. Mes prisons Il existe des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’
1498 ndrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ ils les confondent avec ceux de leur enfance et les font indûment partici
1499 t participer de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’ « il n’y a rien au-dessus » de la tâc
1500 Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’ «  il n’y a rien au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces b
1501 roit… Et de ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement séparer les calculs du raisonnement, par une
1502 qu’on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’ il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les to
1503 es acides, et naturellement, la phrase sacrée : «  Il faut que tous fassent la même chose ici ! » Dans la suite, on se char
1504 garde contre moi-même à cause des autres desquels il ne fallait pas différer, profondément hypocrite donc, et le cerveau s
1505  » que je viens de citer, je découvris un jour qu’ elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un cert
1506 contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais ce
1507 être égaux en tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses
1508 aux vertueuses indignations de nos maîtres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducation jésuite ». Nous éti
1509 ar les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent- ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. M
1510 laissèrent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’ il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressor
1511 i les charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure e
1512 e dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs besoins. Nous ne croyions pl
1513 s miracles ne trompent que les illettrés, mais qu’ il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée. O
97 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 2. Description du monstre
1514 nnues d’anciens camarades d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’autant mieux qu’on était devenu plu
1515 urs. Ceux-là n’avaient pas bougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon é
1516 bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continuité, la différence n’était qu’une que
1517 que des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’ il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’être
1518 ire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsable, cela se voit de
1519 ir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le pl
1520 faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter
1521 n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensibles au
1522 ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en dir
1523 ue, pendant que nous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est
1524 ue l’apport des instituteurs, ou bien préexiste-t- il dans les principes mêmes de l’École, et attire-t-il les petits bourge
1525 dans les principes mêmes de l’École, et attire-t- il les petits bourgeois comme le portrait de Numa Droz attirait les mouc
1526 t ni l’envie de dire du mal des petits-bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe quelle autre classe de
1527 prit petit-bourgeois pris abstraitement et tel qu’ il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesquine
1528 ui sont dans nos villes l’apport du xixe siècle. Ils ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodé
1529 ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’
98 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 3. Anatomie du monstre
1530 ique — on ne me contestera pas ces raisons puisqu’ elles me sont absolument personnelles et qu’elles ont la valeur d’un témoig
1531 uisqu’elles me sont absolument personnelles et qu’ elles ont la valeur d’un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je
1532 ont la valeur d’un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un petit examen aux principes de cette
1533 n passionnément détestée. Vous allez voir comment ils bafouillent leur « par cœur non compris ». Aux yeux de beaucoup de ge
1534 part à ce que ces personnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste de dire que la passion n’a qu’une clairvoyance inté
1535 pacifiste n’est pas toujours l’esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la vérité à la
1536 se. Je tiens le « gain de paix » pour illusoire : il consiste à repousser la difficulté dans l’avenir, d’une ou deux génér
1537 enir, d’une ou deux générations. Pendant ce temps elle s’aggrave, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans de radicali
1538 une vue aussi large que simplifiée. Remarquons qu’ il suffit pour établir ce programme de disposer d’une ou deux feuilles d
1539 ers rectangulaires, bien proprement). Évidemment, il est préférable de savoir aussi les noms des sciences élémentaires. Ma
1540 ir aussi les noms des sciences élémentaires. Mais il n’est en aucune façon nécessaire de connaître la psychologie des enfa
1541 enfin des rythmes naturels de l’esprit humain, qu’ il se trouve que le Créateur n’a point accordés à l’actuelle division ho
1542 l’esprit de ces enfants… — Mais on nous paye, et ils n’en meurent pas. 3.b. Les examens Ce sont en principe des « co
1543 , la tricherie est difficile, tandis qu’à l’école elle est de règle. Car la qualité et la quantité des réponses « fournies »
1544 plume de divers maîtres primaires et secondaires. Ils n’en sont pas moins devenus le but même de l’instruction ; la fin qui
1545 ibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’ il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l’État, voyons d
1546 e ou deux autres bêtises de cette épaisseur, mais il faut reconnaître que jamais on n’avait songé à leur donner une extens
1547 ralentissent et que les plus faibles se forcent. Elle ne convient donc qu’aux médiocres, dont elle assure le triomphe. L’éc
1548 ent. Elle ne convient donc qu’aux médiocres, dont elle assure le triomphe. L’école s’attaque impitoyablement aux natures d’e
1549 régime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand on leur dit que la Suisse est caractérisé
1550 u’on commence par apprendre le résumé. D’ailleurs elle s’arrête là. Les manuels ne correspondent à aucune réalité. Ils ne re
1551 à. Les manuels ne correspondent à aucune réalité. Ils ne renferment rien qui soit de première main, rien qui soit authentiq
1552 soit de première main, rien qui soit authentique. Ils négligent toutes les particularités, toutes les « prises » où pourrai
1553 les « prises » où pourrait s’accrocher l’intérêt. Ils dispensent de tout contact direct avec ce dont ils traitent. Or la va
1554 ls dispensent de tout contact direct avec ce dont ils traitent. Or la valeur éducative des choses n’apparaît qu’à celui qui
1555 raît qu’à celui qui entre en commerce intime avec elles . On apprend plus de deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ai
1556 ’est qu’on ne peut laisser aux élèves le temps qu’ il faut pour assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher l
1557 x élèves le temps qu’il faut pour assimiler ce qu’ ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a
1558 s qu’il faut pour assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’une valeur é
1559 l. Or ce travail n’a qu’une valeur éducatrice : s’ il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles
1560 qu’une valeur éducatrice : s’il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’on nommait a
1561 otre conception pénitentiaire de l’école. Mais, s’ il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindriss
1562 e. Mais, s’il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindrissent. La discipline scolaire consiste à
1563 mmobiles et muets 6 heures par jour durant 8 ans. Il paraît que cela facilite le travail du maître. Il se peut. Tout dépen
1564 Il paraît que cela facilite le travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il
1565 end de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’ il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces
1566 école primaire doit être une école de Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’instruction civique sont insuf
1567 sont insuffisantes pour former le petit citoyen : il faut que l’enseignement tout entier soit occasion de développer les v
1568 sme. La culture de l’esprit démocratique telle qu’ elle est comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise aut
1569 le qu’elle est comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise autrement — est essentiellement négative. Elle
1570 omprise autrement — est essentiellement négative. Elle consiste à persécuter ceux qui, en quelque manière que ce soit, voudr
1571 té que le bon sens m’eût par ailleurs fait voir : il n’y a pas d’égalité réelle possible tant que la loi est la même pour
1572 ous. Je ne parle pas des manuels d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent une image mensongère de l’anc
1573 s d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ ils donnent une image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du peupl
1574 ole publique. Mais l’idéal de l’école est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit tout de nob
1575 est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’ il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonne
1576 et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’ il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une préméditation de méd
1577 iver. Déjà la terre a revêtu son blanc manteau. » Elle aura 10 sur 10. Mais on donnera 3 sur 10 à Sylvie pour avoir trouvé :
1578 era 3 sur 10 à Sylvie pour avoir trouvé : « Quand il neige, c’est comme des petits morceaux de vouate. » Il est évident qu
1579 ige, c’est comme des petits morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la mesure où l’
1580 eut que partout la valeur cède le pas à la règle. Elle cherche à développer chez nos petits Helvètes un légalisme écoeurant 
1581 thèmes, voire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit de réussites qui, pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’amb
1582 ents, ne laissent pas que d’être assez spéciales. Il arrive en effet que nos petits futurs grands citoyens ayant accompli
1583 erse du nombre d’années d’instruction publique qu’ ils ont subies. 3.h. Le dilemme J’ai indiqué que les principes de l
1584 cette fois à démontrer, ce qui serait facile, qu’ ils constituent une inversion méthodique de toutes les lois divines et hu
1585 éthode d’abâtardissement du peuple. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes dérivent nécessairement du fa
1586 ité et au vice. » L’école de demain, page 12. 5. Il est peut-être avantageux dans certains cas de soustraire l’enfant à l
99 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 4. L’illusion réformiste
1587 olère pour entreprendre ce travail de démolition. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir l’abondante littérature publ
1588 incipe de l’instruction publique. Les réformes qu’ ils ont proposées jusqu’ici sont en général judicieuses, dictées par le b
1589 oulu apporter de la science. Mais c’est un art qu’ il faudrait. Sinon l’on retombera dans des absurdités. On a créé par ex
1590 es noms des rues et places de leur ville, comme s’ ils étaient tous destinés à la profession de chauffeurs de taxi. Si cette
1591 de taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à craindre que l’école nouvelle n’apporte bientôt sa méthode rati
1592 nt le meilleur parti possible de l’exercice ; car il ne manque à ce système, avouez-le, que juste la spontanéité nécessair
1593 es exagérations ne sont pas bien graves, parce qu’ elles sont comiques précisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’
1594 l’école nouvelle un reproche d’une autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux enfants en leur rendant le travail
1595 ant la possibilité de trouver par eux-mêmes ce qu’ ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’une liberté méthodiquement organ
1596 i donne à ses ouvriers un second dimanche afin qu’ ils consomment deux fois plus de machines. Jeu du chat avec la souris. On
1597 et plus grave que la brutalité primaire, parce qu’ elle n’excite pas de réaction vive de la part des écoliers. Enfin, je n’ai
1598 pas qu’on traite le gosse comme un organisme dont il s’agit d’obtenir le rendement le plus élevé. On cultive les petits d’
1599 citoyen. Moi, je voudrais l’enfant tout court. Or il paraît que c’est très dangereux. Néanmoins, je soupçonne dans tous ce
1600 nce spirituelle. Qui sait ?… En attendant, puisqu’ il faut attendre, je salue ces jeunes gens qui appliquent avec ferveur l
1601 ammes et dont les classes sont de vraies foires ; ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur faire remarquer d’autant
1602 e leur faire remarquer d’autant plus librement qu’ ils trahissent le destin profond de l’instruction publique, qu’ils trahis
1603 t le destin profond de l’instruction publique, qu’ ils trahissent leur mission officielle. Ils éduquent de futurs anarchiste
1604 lique, qu’ils trahissent leur mission officielle. Ils éduquent de futurs anarchistes 8, bravo ! Mais ce qu’on leur avait co
1605 sse qu’à la faveur de malentendus (si tant est qu’ il progresse.) L’école nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire qu’à la
100 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 5. La machine à fabriquer des électeurs
1606 e. Je demande seulement qu’on m’explique pourquoi il triomphe et se perpétue ; de quel droit il nous écrase. La réponse es
1607 urquoi il triomphe et se perpétue ; de quel droit il nous écrase. La réponse est simple, terriblement simple : du droit de
1608 n publique et la Démocratie sont sœurs siamoises. Elles sont nées en même temps. Elles ont crû et embelli d’un même mouvement
1609 t sœurs siamoises. Elles sont nées en même temps. Elles ont crû et embelli d’un même mouvement. Morigéner l’une c’est faire p
1610 que dit l’une, c’est savoir ce que l’autre pense. Elles ne mourront qu’ensemble. Il n’y aura qu’une oraison. Laïque. J’entend
1611 que l’autre pense. Elles ne mourront qu’ensemble. Il n’y aura qu’une oraison. Laïque. J’entends qu’on ne me conteste pas c
1612 . J’entends qu’on ne me conteste pas cette thèse. Elle est glorifiée dans tous les banquets officiels par des orateurs émus
1613 uve correspondre à des faits patents et simples ; il serait vraiment dommage de priver ces Messieurs d’une aubaine pour eu
1614 a n’irait pas sans quelque indécence. Et d’abord, il faut pouvoir lire, écrire et compter pour suivre la campagne électora
1615 , voter et truquer légalement les votes. Ensuite, il faut de l’histoire, et de l’instruction civique, pour qu’on sache à q
1616 ique, pour qu’on sache à quoi cela rime. Ensuite, il faut une discipline sévère dès l’enfance pour façonner des contribuab
1617 ur façonner des contribuables inoffensifs. Enfin, il faut un nombre considérable de leçons, et le plus longtemps possible,
1618 endu. Car dans ce monde-là « tout se paye » comme ils disent avec une satisfaction sordide et mal dissimulée. Certes je ne
1619 ruction publique aient pleine conscience de ce qu’ ils faisaient — et je les excuse pour autant 10. Je dis simplement ceci :
1620 t ceci : leur œuvre n’a été possible que parce qu’ elle était liée aux intérêts de la démocratie. Car il faut bien se représe
1621 lle était liée aux intérêts de la démocratie. Car il faut bien se représenter qu’elle n’était encore au xviiie siècle qu’
1622 la démocratie. Car il faut bien se représenter qu’ elle n’était encore au xviiie siècle qu’une utopie de partisans. Il ne se
1623 ore au xviiie siècle qu’une utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’hui qu’on répande univer
1624 u saxophone ou de la balalaïka. Soyez certains qu’ il ne manque à cette plaisanterie, pour prendre corps, que l’appui intér
1625 e notre instrument de progrès par excellence. Car il n’est qu’une explication vraisemblable de cette incurie : l’école, so
1626 emen et rendait des tommies. La machine scolaire, elle , dévore des enfants tout vifs et rend des citoyens à l’œil torve. Dur
1627 orme scolaire, politiquement, n’est pas rentable. Il est clair que si le but principal de l’instruction publique était d’é
1628 r l’heure une véritable révolution scolaire ; car il ne faudrait pas moins pour que l’école rattrape l’époque… Mais les go
1629 ape l’époque… Mais les gouvernements savent ce qu’ ils font. Tout se tient, comme vous dites, sans doute pour m’ôter l’envie
1630 peuple souffrent moins d’un tel régime, c’est qu’ ils n’ont pas d’eux-mêmes une connaissance aussi sensible. Mais attendez,
1631 attendez, si quelques-uns allaient se réveiller… Il suffit d’un peu de chaleur d’âme pour amorcer le dégel de ces princip
1632 être le signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a pas de révolution véritable que de la sensibilité. (Le jour où
1633 où l’on culbutera ces Messieurs de leurs sièges, ils comprendront le sens des images.) 9. J’emploie ce mot au sens fort,
1634 0. Voir note A à la fin du livre, p. 65. 11. Est- il besoin de déclarer formellement qu’une telle attitude n’est en aucune