1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 pprochement est peut-être prématuré, tout au plus peut -on dire qu’à l’heure présente déjà, son œuvre, comme celle de Barrès,
2 s’est même pas demandé si ces deux contrepoisons pouvaient être administrés ensemble. L’opération faite, il a pourtant fallu la
3 l’esprit sportif. « On se fait son unité comme on peut  », avoue-t-il franchement. Il me semble bien paradoxal de vouloir uni
4 unité comme on peut », avoue-t-il franchement. Il me semble bien paradoxal de vouloir unir dans une même philosophie la mo
5 maîtres d’eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’autant plus paradoxal que M. de Montherlant est justement un
6 la formation du caractère, en définitive. Mais on peut oublier la partie doctrinaire de cette œuvre, elle ne lui est pas ind
7 ons, qu’on les appelle ou non idées générales, et j’ avoue bien volontiers qu’il n’est pas une opinion sur le monde à laque
8 ’il n’est pas une opinion sur le monde à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique de M. de Montherlan
9 sur le monde à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique de M. de Montherlant son admirable lyrisme de
10 utent, et il oscille entre l’un et l’autre. Ainsi mon art, entre terre et ciel. Mais sa foulée, bondissante et posée, est p
11 du désir de l’air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends pas ? » — Mais plus que le corps en mouvement, c’est la dom
12 e dresse entre les dix qui sont à lui. Il dit : «  Je ne demande pas qu’on m’aime. Je demande qu’on me soit dévoué. » Ils d
13 ui sont à lui. Il dit : « Je ne demande pas qu’on m’ aime. Je demande qu’on me soit dévoué. » Ils disent : « Tu es notre ca
14 à lui. Il dit : « Je ne demande pas qu’on m’aime. Je demande qu’on me soit dévoué. » Ils disent : « Tu es notre capitaine.
15  Je ne demande pas qu’on m’aime. Je demande qu’on me soit dévoué. » Ils disent : « Tu es notre capitaine. » Ces choses ne
16 que parcourent de jeunes et purs courages, donnez- moi votre silence jusqu’à l’heure. Que je taise votre mot de ralliement,
17 es, donnez-moi votre silence jusqu’à l’heure. Que je taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien de
18 cision. » On évitera ainsi tout niais romantisme. Je sais bien ce qu’on objectera : le sport ainsi compris, plus que l’app
19 thique du sport » tempérée de raison. Ce qu’on en peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’elle sert mieux la démocra
20 . Ce qu’on en peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’elle sert mieux la démocratie que l’Église romaine, quoi qu’
21 in : « Formez des jeunes filles assez fortes pour pouvoir tout lire, et il n’y aura plus besoin de roman catholique. » C’est ce
22 plus besoin de roman catholique. » C’est ce qu’on pourrait appeler une « morale constructive » : porter l’effort sur ce qui doit
23 n » que lui ont enseigné le sport et les anciens. J’ admets que ses « idées générales » ne vaillent rien2 ; sa morale viril
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
24 f remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
25 qui est beaucoup dire. Il y avait dans le Paradis je ne sais quel relent de barbarie, un assez malsain goût du sang. Tout
26 u la Grèce, revivre sa tradition. Toute son œuvre pourrait se définir : la lutte d’un tempérament avec la réalité. Tantôt c’est
27 revient souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais s’il faut en voir la raison dans la force de la personnalité
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
28 es tricheries plus ou moins conscientes M. Breton peut -il préconiser l’existence d’une littérature fondée sur de tels princi
29 ple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette conclusion pratique : inutile de publier des poèmes. Éluar
30 cation est dans la logique de ses principes, mais je lui conteste le droit de faire suivre son manifeste de proses — Poiss
31 n à sa défense de la poésie pure. Les beautés que j’ y vois ne me seraient-elles perceptibles que par le fait d’une fortuit
32 se de la poésie pure. Les beautés que j’y vois ne me seraient-elles perceptibles que par le fait d’une fortuite coïncidenc
33 fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien  ? Je comprends trop de choses dans ces poèmes qui devraient m’être pa
34 coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je comprends trop de choses dans ces poèmes qui devraient m’être parfait
35 ends trop de choses dans ces poèmes qui devraient m’ être parfaitement impénétrables. Je crois même voir que M. Breton sera
36 qui devraient m’être parfaitement impénétrables. Je crois même voir que M. Breton serait un très curieux poète s’il ne s’
37 poème doit être une dictée non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne de Poisson soluble cette « vieillerie poétiq
38 une grande part dans l’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher d’accuser Breton de préméditation… À quoi sert, dè
39 part dans l’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’ empêcher d’accuser Breton de préméditation… À quoi sert, dès lors, tou
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
40 ie lui-même : « Il y a quelque chose au-dedans de moi . Qu’est-ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont de gauches co
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
41 On s’étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouillonnants, si mal équarris. Certes, ce n’es
42 meilleur style pour un romancier ? C’est plutôt, je crois, une certaine harmonie générale dans le récit et le ton, surtou
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
43 tion asiatique » étant une question politique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour d’un renouveau, c’est à qu
44 qui est opposé à l’esprit occidental, tout ce qui peut servir d’antidote à sa fièvre et à sa logique. » On confond Japon et
45 (Mais le christianisme, religion missionnaire, ne peut nous donner qu’une supériorité provisoire et qui porte en son princip
46 s chrétiens qui n’ont pas eu de Moyen Âge », nous pourrons amener l’Asie à comprendre la religion romaine (ce christianisme médi
47 l’Asie est le subconscient du monde, formule qui, je pense, réunira tous les suffrages. Et chacun d’en tirer de nouvelles
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
48 ardé son bon sens et son sang-froid. Et si l’on a pu reprocher à ses tableaux de l’Europe qu’il vient de parcourir quelque
49 ’impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties de son dernier roman san
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
50 raire, problème de la personnalité. Leur Prologue pourrait presque aussi bien être celui d’une pièce de Pirandello. N’annonce-t-
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
51 ent chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il ne pouvait trouver mieux que Vinet. Et j’imagine son étonnement à découvrir dans
52 iste ». Il ne pouvait trouver mieux que Vinet. Et j’ imagine son étonnement à découvrir dans l’œuvre du penseur vaudois la
53 à son propre corps de doctrines critiques. Dirai- je pourtant que je crains qu’il n’ait été incité parfois, et presque inc
54 rps de doctrines critiques. Dirai-je pourtant que je crains qu’il n’ait été incité parfois, et presque inconsciemment, à g
55 moral, c’est-à-dire rationnel, dit M. Seillière — me paraît infiniment plus forte que celle d’un Maurras ou que celle d’un
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
56 e tous les jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très mal comme l’on cherche les morts… « … Cette chose haute à l
57 utel et le surréalisme l’ont enrichie d’images…). Je cite des noms : y a-t-il influence ou seulement co-génération ? Pour
58 cho a dompté Pégase et caracole dans les étoiles. J’ avoue que l’univers intérieur où il lui arrive de graviter me trouble
59 l’univers intérieur où il lui arrive de graviter me trouble mieux que son lyrisme cosmique. On est plus près de l’infini
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
60 n en faveur du passé, révolution tout de même, ne pouvait produire qu’une littérature très neuve de forme et traditionaliste d’
61 ts, Synge, Joyce même… Trois noms qui permettent, je crois, de parler d’un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ai
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
62 n Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté d’en écr
63 est sûr que ça brûle bien. Quel sujet plus riche pouvait -on rêver pour un psychologue de la puissance de Walpole, que l’âme ru
64 on d’idées en faits ou en situations dramatiques. Je donnerai tous les essais de M. de Voguë sur l’âme slave pour deux ou
65 e faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi . Puis : — Quelle imprudence ! Avec la lumière et peut-être du monde d
66 sa patrie. Une effroyable acceptation, mais elle peut se muer instantanément en révolte. Aucun cadre logique ne détermine l
67 e est un enfant : va-t-il rire, va-t-il pleurer ? m’ embrasser ou me tuer ? Il sent autour de lui quelque chose qui le gêne
68  : va-t-il rire, va-t-il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ? Il sent autour de lui quelque chose qui le gêne. C’est l’empir
14 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
69 les plus hautes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être
70 la revanche du fameux scrupule protestant, qui ne peut être un danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’un esprit
15 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
71 es pays nouveaux ou chute irrémédiable. Peut-être pouvons -nous choisir encore entre un ressaisissement profond et la ruine. Mai
72 trop tard pour les éduquer, il faudrait balayer. Je parle en général, sachant bien qu’un Romier, un Bainville, quelques a
73 a bêtise de tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il faudrait balayer, — et mettre qui à la place ? Nos pens
74 aient à l’action, c’est encore pour cultiver leur moi . Ils y cherchent un fortifiant, je ne sais quelle excitation, quelle
75 cultiver leur moi. Ils y cherchent un fortifiant, je ne sais quelle excitation, quelle révélation ou quel oubli. C’est un
76 i en la valeur de l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à l’action sociale que l’époque réclame 1. C’est aussi pour
77 listes adonnés à la culture et à la libération du moi paraissent bien les ancêtres des nouvelles générations de héros de ro
78 n d’étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu cardinale pour le créateur.
79 jourd’hui, et plusieurs déjà reconnaissent ne pas pouvoir les séparer. On n’écrit plus pour s’amuser : ni pour amuser un public
80 souvent, sur soi-même. On écrit pour cultiver son moi , pour l’éprouver et le prémunir, pour y découvrir des possibilités ne
81 t une raison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’une époque s’est trompée
82 Connaissance intégrale et culture de soi, telle peut être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il n’a pas fallu lo
83 équilibres entre la raison et les sens, entre le moi et le monde : l’ennui est venu avant l’épuisement des combinaisons po
84 rs ». « Pour nous, le salut n’est nulle part… » «  Je comprends la révolte des autres et quelles prières cela fait à Dieu »
85 end en vain sa Révélation : « C’est peut-être que je suis médiocre entre les hommes ». C’est plutôt qu’il est trop attaché
86 ne s’est autant attachée à chercher dans le seul moi les fondements d’une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’
87 ’est vertu que de favoriser son expansion. — Mais je trouve en moi ordre et désordre, raison et folie, etc. Si je les cult
88 e de favoriser son expansion. — Mais je trouve en moi ordre et désordre, raison et folie, etc. Si je les cultive simultaném
89 n moi ordre et désordre, raison et folie, etc. Si je les cultive simultanément il est clair que les tendances négatives l’
90 ient la suprême liberté. Le désir se précisait en moi de commettre enfin l’acte vraiment indéfendable de tout point de vue…
91 ’acte vraiment indéfendable de tout point de vue… J’ avais goûté à l’alcool singulièrement perfide de perdre ce que nous ch
92 nommait blasé. Rien n’était émoussé en nous, mais pouvions -nous faire abstraction du plan intellectuel sur lequel tout apparaît
93 ectuel sur lequel tout apparaît inutile et vain ? Je cite ces phrases, tirées d’un récit d’ailleurs admirable4, de Louis A
94 es, ni la pudeur, ni le remords, ni le respect de moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m
95 pudeur, ni le remords, ni le respect de moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’empêchero
96 i toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’ empêcheront de joindre ce que je désire ; ni rien — rien que l’orgueil
97 d’après-tombe qui m’empêcheront de joindre ce que je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant une chose si forte, de
98 ien que l’orgueil, sachant une chose si forte, de me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’une si hau
99 la perversion d’une vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité psychologique d’une attitude par aill
100 on sociale des écrivains ? Peut-être. En tout cas je vois bien le mal qu’ils ont fait et qu’au fond, leur refus d’agir sur
101 d’Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significatifs. 6. Aragon, loc. cit. 7. Le « g
102 lides suffirait à restaurer une élite, efficace. ( Je vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies, des Cahiers du Mois
16 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
103 férences et autant de cultes en trois jours, cela peut paraître excessif à qui n’a pas connu l’atmosphère particulière à ces
17 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
104 uer Mme Rivier d’avoir posé courageusement. Dirai- je que l’abus des points d’exclamation — trait commun à presque toutes l
105 s les femmes auteur, et qui plaît aux lectrices — m’ agace un peu ? C’est une vétille. s. Rougemont Denis de, « [Compte
18 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
106 tre qu’il ait trouvé, Jean Cocteau a réuni ce qui me paraît le meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’esthéti
107 e grabuge, qu’il aime pour les matériaux qu’on en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’es
108 es fantômes, sur le public. (Bientôt sur lui-même je le crains, pour renaître catholique.) Certes, il bannit le charme et
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
109 René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)u Les témoignages ne manquent pas sur la dé
110 René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)u Les témoignages ne manquent pas sur la détresse morale
111 ite par curiosité passagère, il monologue. « Oui, je le redirai, tous mes essais furent prétextes à me dissoudre, à me per
112 ssagère, il monologue. « Oui, je le redirai, tous mes essais furent prétextes à me dissoudre, à me perdre. » Vouloir la vér
113 je le redirai, tous mes essais furent prétextes à me dissoudre, à me perdre. » Vouloir la vérité pure sur soi, c’est se re
114 ous mes essais furent prétextes à me dissoudre, à me perdre. » Vouloir la vérité pure sur soi, c’est se refuser à l’élan v
115 de tout ce qui est constructif et créateur, voilà je pense le véritable désordre. Une intelligence parvenue au point où el
116 Rougemont Denis de, « [Compte rendu] René Crevel, Mon corps et moi  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève,
117 is de, « [Compte rendu] René Crevel, Mon corps et moi  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p.
20 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
118 f Cette conférence s’ouvrit par une bise qu’on peut bien dire du diable et se termina sous le plus beau soleil de printem
119 a de plus protestant — mais oui, M. Journet — et je ne crois pas qu’il puisse se produire ailleurs qu’en terre romande. C
120 — mais oui, M. Journet — et je ne crois pas qu’il puisse se produire ailleurs qu’en terre romande. C’est l’esprit de liberté,
121 vaincre. Après les exposés de Janson, de Brémond, j’ en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal de préjugés en matiè
122 ue chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de Maury sur Jacqu
123 tonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit qu’on ne peut juger les Associations qu’à leur façon de jouer le volley-ball ? Le C
124 rochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit dans ces quelques notes. 3. Il suffit encore : f 2.50,
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
125 tence… construire les villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’une « ville contemporaine ». Pures géométries de ver
22 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
126 einte imprévisible des choses. Amour de soi… Mais moi , qui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame de toute vie. Ha 
127 ois mots commence le drame de toute vie. Ha ! Qui je suis ? Mais je le sens très bien ! je sens très bien cette force — ic
128 ce le drame de toute vie. Ha ! Qui je suis ? Mais je le sens très bien ! je sens très bien cette force — ici, je tape du p
129 e. Ha ! Qui je suis ? Mais je le sens très bien ! je sens très bien cette force — ici, je tape du pied —, ces désirs, ce c
130 très bien ! je sens très bien cette force — ici, je tape du pied —, ces désirs, ce corps… J’ai un passé à moi, un milieu,
131 e — ici, je tape du pied —, ces désirs, ce corps… J’ ai un passé à moi, un milieu, des amis, ce tic. Mais encore, tant d’au
132 du pied —, ces désirs, ce corps… J’ai un passé à moi , un milieu, des amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres forces et ta
133 tant de bonheurs ou de dégoûts étranges viennent m’ habiter ; je ne sais plus… Je suis beaucoup de personnages, faudrait c
134 heurs ou de dégoûts étranges viennent m’habiter ; je ne sais plus… Je suis beaucoup de personnages, faudrait choisir. Vous
135 ts étranges viennent m’habiter ; je ne sais plus… Je suis beaucoup de personnages, faudrait choisir. Vous me direz qui je
136 s beaucoup de personnages, faudrait choisir. Vous me direz qui je suis, mes amis ; quel est le vrai ? — Ils me proposent v
137 personnages, faudrait choisir. Vous me direz qui je suis, mes amis ; quel est le vrai ? — Ils me proposent vingt visages
138 ges, faudrait choisir. Vous me direz qui je suis, mes amis ; quel est le vrai ? — Ils me proposent vingt visages que je pui
139 qui je suis, mes amis ; quel est le vrai ? — Ils me proposent vingt visages que je puis à peine reconnaître. Reste le mon
140 st le vrai ? — Ils me proposent vingt visages que je puis à peine reconnaître. Reste le monde, — les choses, les faits, la
141  les choses, les faits, la vie, comme ils disent. Je me suis abandonné au jeu du hasard, jusqu’au jour où l’on me fit comp
142 s choses, les faits, la vie, comme ils disent. Je me suis abandonné au jeu du hasard, jusqu’au jour où l’on me fit compren
143 abandonné au jeu du hasard, jusqu’au jour où l’on me fit comprendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’une habit
144 er follement d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ; je devins si faible et démuni, livré
145 e autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ; je devins si faible et démuni, livré aux regards d’une foule absurde, bi
146 nir un secret très simple, et un peu narquois ils me considéraient avec une pitié curieuse : je me sentis nu, tout le mond
147 is ils me considéraient avec une pitié curieuse : je me sentis nu, tout le monde devait voir en moi une tare que j’étais s
148 ils me considéraient avec une pitié curieuse : je me sentis nu, tout le monde devait voir en moi une tare que j’étais seul
149 e : je me sentis nu, tout le monde devait voir en moi une tare que j’étais seul à ignorer, était-ce ma fatigue seulement qu
150 nu, tout le monde devait voir en moi une tare que j’ étais seul à ignorer, était-ce ma fatigue seulement qui me rendait tou
151 moi une tare que j’étais seul à ignorer, était-ce ma fatigue seulement qui me rendait toutes choses si méticuleusement ins
152 seul à ignorer, était-ce ma fatigue seulement qui me rendait toutes choses si méticuleusement insupportables, si cruelleme
153 sentes et dures ? La cause de cette inadaptation, je la soupçonnais si grave, si fondamentale que je préférais me leurrer
154 , je la soupçonnais si grave, si fondamentale que je préférais me leurrer à combattre des imperfections de détail dont je
155 onnais si grave, si fondamentale que je préférais me leurrer à combattre des imperfections de détail dont je m’exagérais l
156 rrer à combattre des imperfections de détail dont je m’exagérais l’importance. Et c’est ainsi par feintes que je progressa
157 r à combattre des imperfections de détail dont je m’ exagérais l’importance. Et c’est ainsi par feintes que je progressais,
158 rais l’importance. Et c’est ainsi par feintes que je progressais, jusqu’au jour où je m’avouai un trouble que je me refusa
159 par feintes que je progressais, jusqu’au jour où je m’avouai un trouble que je me refusai pourtant à nommer peur de rire.
160 r feintes que je progressais, jusqu’au jour où je m’ avouai un trouble que je me refusai pourtant à nommer peur de rire. Ce
161 sais, jusqu’au jour où je m’avouai un trouble que je me refusai pourtant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond de
162 s, jusqu’au jour où je m’avouai un trouble que je me refusai pourtant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond de tou
163 e tous les plaisirs, cette envie de rire quand il m’ arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à pleure
164 m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul liait les pers
165 ncapacité à jouir de mes victoires, à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul liait les personnages auxquels je me prêtai
166 s, ce malaise seul liait les personnages auxquels je me prêtais. Mais en même temps que je le découvrais, dans tout mon êt
167 ce malaise seul liait les personnages auxquels je me prêtais. Mais en même temps que je le découvrais, dans tout mon être
168 es auxquels je me prêtais. Mais en même temps que je le découvrais, dans tout mon être une force aveugle de violence s’éta
169 ais en même temps que je le découvrais, dans tout mon être une force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’e
170 veugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’ entraîna sur les stades où je connus quelle confiance sourde aux contr
171 vée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où je connus quelle confiance sourde aux contradictions intimes exige un ac
172 saient brusquement les éléments désaccordés de ce moi que j’avais tant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un des pr
173 rusquement les éléments désaccordés de ce moi que j’ avais tant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un des premiers
174 s de ce moi que j’avais tant choyé. « Maintenant, m’ écriai-je — c’était un des premiers jours du printemps —, l’heure est
175 oi que j’avais tant choyé. « Maintenant, m’écriai- je — c’était un des premiers jours du printemps —, l’heure est venue de
176 omme ne se distingue plus de l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui la dompte, tout ce qui
177 e, et tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi de trop grand pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’était plus une do
178 mpte, tout ce qui sourd en moi de trop grand pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’était plus une douleur rare que j’aimai
179 ui sourd en moi de trop grand pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’était plus une douleur rare que j’aimais dans ces brut
180 ma joie ! » Ce n’était plus une douleur rare que j’ aimais dans ces brutalités, c’était ma liberté agissante. J’allais pli
181 ur rare que j’aimais dans ces brutalités, c’était ma liberté agissante. J’allais plier des résistances à mon gré, agir sur
182 ans ces brutalités, c’était ma liberté agissante. J’ allais plier des résistances à mon gré, agir sur les choses… Vers le s
183 berté agissante. J’allais plier des résistances à mon gré, agir sur les choses… Vers le soir, l’ardeur tombe : agir ? dans
184 ur tombe : agir ? dans quel sens ? Provisoirement j’ étais sauvé d’un désordre où l’on glisse vers la mort. L’important, c’
185 t de ne pas se défaire. Mais rien n’était résolu. Me voici devant quelques problèmes dont je sais qu’il est absolument vai
186 t résolu. Me voici devant quelques problèmes dont je sais qu’il est absolument vain de prétendre les résoudre, mais que je
187 solument vain de prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d’avoir résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème
188 qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la base. J’ aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche qui n’a que ce but
189 re. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde de m’ y perdre au début d’une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieu
190 re au début d’une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre pleinement. En priant, je m’arrête parfois,
191 rendre mieux apte à vivre pleinement. En priant, je m’arrête parfois, heureux : « J’ai donc la foi ? » Mais c’est encore
192 ndre mieux apte à vivre pleinement. En priant, je m’ arrête parfois, heureux : « J’ai donc la foi ? » Mais c’est encore une
193 ment. En priant, je m’arrête parfois, heureux : «  J’ ai donc la foi ? » Mais c’est encore une question… Je crois qu’il ne f
194 i donc la foi ? » Mais c’est encore une question… Je crois qu’il ne faut pas attendre immobile dans sa prière, qu’une révé
195 tion vienne chercher l’âme qui se sent misérable. Je ne recevrai pas une foi, mais peut-être arriverai-je à la vouloir, et
196 ne recevrai pas une foi, mais peut-être arriverai- je à la vouloir, et c’est le tout. S’il est une révélation, c’est en me
197 c’est le tout. S’il est une révélation, c’est en me rendant plus parfait que je lui préparerai les voies. Agir ? Sur moi
198 révélation, c’est en me rendant plus parfait que je lui préparerai les voies. Agir ? Sur moi d’abord. Il ne faut plus que
199 rfait que je lui préparerai les voies. Agir ? Sur moi d’abord. Il ne faut plus que je respecte tout en moi. Je ne suis dign
200 oies. Agir ? Sur moi d’abord. Il ne faut plus que je respecte tout en moi. Je ne suis digne que par ce que je puis devenir
201 d’abord. Il ne faut plus que je respecte tout en moi . Je ne suis digne que par ce que je puis devenir. Se perfectionner :
202 ord. Il ne faut plus que je respecte tout en moi. Je ne suis digne que par ce que je puis devenir. Se perfectionner : cela
203 ecte tout en moi. Je ne suis digne que par ce que je puis devenir. Se perfectionner : cela consiste à retrouver l’instinct
204 profond de l’homme, la vertu conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les plus favorables. J’ai d’autres instincts et
205 e peut dicter que les gestes les plus favorables. J’ ai d’autres instincts et je n’entends pas tous les cultiver pour cela
206 s les plus favorables. J’ai d’autres instincts et je n’entends pas tous les cultiver pour cela seul qu’ils sont naturels :
207 pas encore parfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma
208 Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces complic
209 cher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord do
210 eplacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord donc, choisir Mes instincts,
211 ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord donc, choisir Mes instincts, ensuite, les éduquer, se
212 es complices de mon destin. D’abord donc, choisir Mes instincts, ensuite, les éduquer, selon des lois établies par le conco
213 quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouver ces limites : la v
214 osent le plaisir et la conscience de Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouver ces limites : la vie moderne,
215 nt le plaisir et la conscience de Mes limites. Je m’ attache particulièrement à retrouver ces limites : la vie moderne, méc
216 uivant les directions de moindre résistance. Mais je ne m’emprisonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est de les porter
217 les directions de moindre résistance. Mais je ne m’ emprisonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est de les porter plus
218 Mais je ne m’emprisonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est de les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres
219 est de les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce lent effort naît une modestie que je m’enorgue
220 records. De ce lent effort naît une modestie que je m’enorgueillis un peu de connaître ; et de cette volonté d’un meilleu
221 cords. De ce lent effort naît une modestie que je m’ enorgueillis un peu de connaître ; et de cette volonté d’un meilleur m
222 de connaître ; et de cette volonté d’un meilleur moi , une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La sincérité m’appa
223 meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La sincérité m’apparaît parfois comme un arrêt artificiel
224 méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La sincérité m’ apparaît parfois comme un arrêt artificiel dans ma vie, une vue stupid
225 m’apparaît parfois comme un arrêt artificiel dans ma vie, une vue stupide sur mon état qui peut m’être dangereuse. (On don
226 arrêt artificiel dans ma vie, une vue stupide sur mon état qui peut m’être dangereuse. (On donne corps à une faiblesse en l
227 iel dans ma vie, une vue stupide sur mon état qui peut m’être dangereuse. (On donne corps à une faiblesse en la nommant ; or
228 ans ma vie, une vue stupide sur mon état qui peut m’ être dangereuse. (On donne corps à une faiblesse en la nommant ; or je
229 On donne corps à une faiblesse en la nommant ; or je ne veux plus de faiblesses4.) Et demain peut-être, agir dans le monde
230 es4.) Et demain peut-être, agir dans le monde, si je m’en suis d’abord rendu digne. L’époque nous veut, comme elle veut un
231 .) Et demain peut-être, agir dans le monde, si je m’ en suis d’abord rendu digne. L’époque nous veut, comme elle veut une c
232 époque nous veut, comme elle veut une conscience. Je fais partie d’un ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, j
233 partie d’un ensemble social et dans la mesure où j’ en dépends, je me dois de m’employer à sa sauvegarde ou à sa transform
234 nsemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’employer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il
235 mble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’employer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y
236 et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’ employer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une do
237 à sa transformation. Mais il y faut une doctrine, me dit-on. L’avouerai-je, quand je médite sur une doctrine possible, sur
238 ais il y faut une doctrine, me dit-on. L’avouerai- je , quand je médite sur une doctrine possible, sur une systématisation d
239 aut une doctrine, me dit-on. L’avouerai-je, quand je médite sur une doctrine possible, sur une systématisation de mes peti
240 une doctrine possible, sur une systématisation de mes petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’être dans un débat
241 r une systématisation de mes petites certitudes5, j’ éprouve vite le sentiment d’être dans un débat étranger à ce véritable
242 re dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment surmonter un malaise sans cesse renaissant, comment m’a
243 rmonter un malaise sans cesse renaissant, comment m’ adapter à l’existence que m’imposent mon corps et les lois du monde, e
244 e renaissant, comment m’adapter à l’existence que m’ imposent mon corps et les lois du monde, et comment augmenter ma puiss
245 t, comment m’adapter à l’existence que m’imposent mon corps et les lois du monde, et comment augmenter ma puissance de joui
246 corps et les lois du monde, et comment augmenter ma puissance de jouir, en même temps que ma puissance d’agir. Que tout c
247 ugmenter ma puissance de jouir, en même temps que ma puissance d’agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je le comp
248 d’agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je le comprends par éclairs, mais une secrète espérance m’emporte de nou
249 comprends par éclairs, mais une secrète espérance m’ emporte de nouveau, premier gage du divin… Reprendre l’offensive — au
250 r gage du divin… Reprendre l’offensive — au soir, je m’amuserai à mettre des étiquettes sur mes actes… Déjà je sens un sou
251 age du divin… Reprendre l’offensive — au soir, je m’ amuserai à mettre des étiquettes sur mes actes… Déjà je sens un sourir
252 u soir, je m’amuserai à mettre des étiquettes sur mes actes… Déjà je sens un sourire — en songeant à ces raisonnements que
253 serai à mettre des étiquettes sur mes actes… Déjà je sens un sourire — en songeant à ces raisonnements que je me tiens — p
254 un sourire — en songeant à ces raisonnements que je me tiens — plisser un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je l
255 sourire — en songeant à ces raisonnements que je me tiens — plisser un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je le d
256 es raisonnements que je me tiens — plisser un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme un écho p
257 ser un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme un écho profond, une attirance aussi d’ancienne
258 es folies… Combat, oscillations silencieuses dans ma demi-conscience. Joie, dégoût, lueurs éteintes dans une nuit froide.
259 ant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent d’
260 iste, qu’ils l’emportent d’un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ; je pense au monde. Chant
261 flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’ écoute le vent ; je pense au monde. Chant des horizons, images qui s’é
262 , mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ; je pense au monde. Chant des horizons, images qui s’éclairent… Je vais é
263 onde. Chant des horizons, images qui s’éclairent… Je vais écrire autre chose que moi, je vais m’oublier, me perdre dans un
264 s qui s’éclairent… Je vais écrire autre chose que moi , je vais m’oublier, me perdre dans une vie nouvelle : (Créer, c’est s
265 s’éclairent… Je vais écrire autre chose que moi, je vais m’oublier, me perdre dans une vie nouvelle : (Créer, c’est se su
266 rent… Je vais écrire autre chose que moi, je vais m’ oublier, me perdre dans une vie nouvelle : (Créer, c’est se surpasser)
267 is écrire autre chose que moi, je vais m’oublier, me perdre dans une vie nouvelle : (Créer, c’est se surpasser). J’entends
268 s une vie nouvelle : (Créer, c’est se surpasser). J’ entends des phrases qu’il ne faut pas encore comprendre — tout est si
269 s encore comprendre — tout est si fragile —, mais je sais quelle légèreté puissante, quelle confiance vont guider ce corps
270 … Créer, ou glisser au plaisir ? Êtes-vous belle, mon amie, — et vous, ma vie ? Certes, mais je vous aime moins que je ne v
271 u plaisir ? Êtes-vous belle, mon amie, — et vous, ma vie ? Certes, mais je vous aime moins que je ne vous désire. (Ce dési
272 belle, mon amie, — et vous, ma vie ? Certes, mais je vous aime moins que je ne vous désire. (Ce désir qui me rend fort pou
273 ous, ma vie ? Certes, mais je vous aime moins que je ne vous désire. (Ce désir qui me rend fort pour — autre chose…) Ô lux
274 s aime moins que je ne vous désire. (Ce désir qui me rend fort pour — autre chose…) Ô luxe, ne pas aimer son plaisir ? Je
275 autre chose…) Ô luxe, ne pas aimer son plaisir ? Je reste candidat au salut. 4. La sincérité absolue, « scientifique »
276 alut. 4. La sincérité absolue, « scientifique » me paraît aller contre fin. Une attention trop directe et soutenue modif
277 irecte et soutenue modifie son objet vivant. Pour moi , la sincérité ne peut être que spontanée. Et spontanément je suis por
278 difie son objet vivant. Pour moi, la sincérité ne peut être que spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire des idées
279 érité ne peut être que spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire des idées qui m’aideront. Une fois écrites elles
280 spontanément je suis porté à écrire des idées qui m’ aideront. Une fois écrites elles prennent un caractère de certitude qu
281 ère de certitude qu’elles n’avaient pas encore en moi . C’est en quoi ma sincérité est tendancieuse. 5. Quant à adhérer à u
282 ’elles n’avaient pas encore en moi. C’est en quoi ma sincérité est tendancieuse. 5. Quant à adhérer à une doctrine toute
283 5. Quant à adhérer à une doctrine toute faite, ce me semble une dérision complète. Je m’étonne qu’après tant d’expériences
284 toute faite, ce me semble une dérision complète. Je m’étonne qu’après tant d’expériences ratées on puisse encore se persu
285 ute faite, ce me semble une dérision complète. Je m’ étonne qu’après tant d’expériences ratées on puisse encore se persuade
286 Je m’étonne qu’après tant d’expériences ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’un système, hors la religion. Un s
287 tème n’est pas vrai, il est utile. C’est pourquoi je ne puis comprendre les excommunications et les intransigeances. Toute
288 ns et les intransigeances. Toutes les aspirations me paraissent légitimes chez d’autres, même celles que je juge bon d’éli
289 raissent légitimes chez d’autres, même celles que je juge bon d’éliminer de moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mo
290 autres, même celles que je juge bon d’éliminer de moi . Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mouvement normal » de vie. g
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
291 Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)w Je ne crois pas exagéré de dire qu’en publiant ce recueil d’essais, M. F
292 e biais l’œuvre de Gide, qui plus qu’aucune autre me paraît liée à cette confusion. Mais s’il est bien établi que les lois
293 r toute communication directe entre l’œuvre et le moi , comme le fait M. Fernandez dans un essai sur l’Autobiographie et le
294 l’Autobiographie et le Roman, dont pour ma part je suis loin d’admettre plusieurs thèses beaucoup trop absolues. M. Fern
295 tente de prouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II
296 st-elle pas une façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subtiles, d’autant q
297 autant que la position de l’auteur dans cet essai me paraît encore ambiguë : on peut se demander s’il nie vraiment l’inter
298 teur dans cet essai me paraît encore ambiguë : on peut se demander s’il nie vraiment l’interaction de la vie et de l’art, ou
299 t de la philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse — une analyse qui retient les éléments de la personnalité m
300 l’homme dans l’élan qui fait sa véritable unité. Je me borne à signaler encore un thème qui revient dans la plupart de ce
301 homme dans l’élan qui fait sa véritable unité. Je me borne à signaler encore un thème qui revient dans la plupart de ces e
24 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
302 s, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)h Je ferme les Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe de violenc
303 (10 juillet 1926)h Je ferme les Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe de violence et de volupté », je me sen
304 s de ce « long songe de violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux au point qu’il faut que certai
305 e ce « long songe de violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux au point qu’il faut que certaines
306 périeux au point qu’il faut que certaines voix en moi taisent leur protestation, étouffées par des forces qui se lèvent. Ca
307 ’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’il peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une perpétuelle palpitati
308 elle. Et parce qu’il sait ce qu’elle va faire, il peut la dominer… : on ne vainc vraiment que ce qu’on aime, et les victorie
309 s une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée de
310 la fumée des sacrifices sanglants. Pour ma part, je le trouve assez peu humain et comme obsédé par une idée de violence t
311 lui-là. Et c’est un moraliste de grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devient naturel ce cri de sagesse orguei
312 t de la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit les choses sentimentales. Le tragique de la vie ne lui é
313 ce physique, un mouvement vers la vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan de grandeur. N’est-ce point une solution
314 é de la chenille. » (Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place de citer ici plusieurs autres passages qui préciser
25 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
315 intellectuel une « Question d’Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des prophètes — hindous à demi-européanis
316 orte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces confusions.
317 ’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois — je pense à certaines pages sur Jérusalem qui touchent particulièrement u
318 comme type d’individu européen Robert de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même. S’il dit des Égyptiens : « Le mensonge, a
319 e et en ont fait un plaisir. » Et encore ceci que je trouve si juste : « Ce qui définit le plus profondément l’Occidental,
320 r, comment se comprendre, et si c’est impossible, pourra-t -on du moins éviter le conflit que certains prétendent menaçant ? Malg
321 les conclusions de M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une matière si complexe — sont plutôt optimistes. Il ne p
322 nous enseigne comment éviter la nôtre. » La place me manque pour parler comme j’aurais voulu le faire des deux autres part
323 la nôtre. » La place me manque pour parler comme j’ aurais voulu le faire des deux autres parties du volume, d’une importa
324 te le ton mesuré qu’il s’impose d’ordinaire. Mais j’ avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’il fait
325 suré qu’il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’ a parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’il fait sentir part
26 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)
326 Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)x J’ éprouve quelque gêne à porter un jugement littéraire sur ce nouveau to
327 s prairies espagnoles pleines de simple grandeur, j’ ai supporté mille fastidieux détails techniques et des délires taurolo
328 ctacle des athlètes. Et c’est elle avant tout que j’ admire dans ces Bestiaires, presque malgré leur sujet trop pittoresque
329 de haut avec la nonchalance des vrais puissants, je compte qu’il saura fonder sa gloire future sur des valeurs plus humai
27 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
330 mières et des odeurs, espérant entrer là-bas dans je ne sais quelle harmonie plus reposante. Cette imparfaite accoutumance
28 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
331 upportable : « Orpha ne comprenait pas comment on pouvait tant souffrir et ne plus aimer ». Closain se tue pour finir le livre.
29 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
332 paraison de l’idéal asiatique avec le nôtre. Mais je crois que toute intelligence européenne libre peut souscrire aux crit
333 je crois que toute intelligence européenne libre peut souscrire aux critiques du Chinois et sympathiser avec son idéal de c
30 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
334 à refuser de nous affirmer avec une netteté qui a pu paraître parfois quelque peu impertinente. Le fait est que nous éprou
335 mpathie. Il est bien facile de s’écrier : « Après moi , le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler no
336 un… Et, peut-être, la considération du « déluge » peut -elle faire réfléchir utilement sur ses causes…   Nous ne proposerons
337 llettrienne. Que sommes-nous donc ? Le plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saurez un peu mieux quand vous aurez lu nos h
31 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
338 s votre idéal ou envers les fluctuations de votre moi  ? Votre sincérité est-elle consentement immédiat à toute impulsion sp
339 u jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule, une méthode d’observation et de déduction
340 d’observation et de déduction passablement sèche pourrait nous donner l’illusion et peut-être certains bénéfices de cette opéra
341 aussi les moins calculés », écrit Gide. D’où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits justifient :
342 rit ailleurs : « En chaque être, le pire instinct me paraissait le plus sincère. » La sincérité spontanée, vertu moderne e
343 plan littéraire avec le plan moral. Telle action peut paraître gratuite au lecteur parce qu’il ne sait pas tout sur le pers
344 u fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonne de me voir donner ici la préférence à l’acte volontaire, ou mieux : intéres
345 e, ou mieux : intéressé, tandis qu’en littérature je défends l’acte gratuit, je réponds que la littérature remplirait déjà
346 ndis qu’en littérature je défends l’acte gratuit, je réponds que la littérature remplirait déjà suffisamment son rôle en s
347 voluptueux. Sincérité envers soi-même Noli me tangere. Premier exemple. — Je m’assieds à mon bureau, je prends u
348 oi-même Noli me tangere. Premier exemple. —  Je m’assieds à mon bureau, je prends une feuille blanche, je vais écrire
349 même Noli me tangere. Premier exemple. — Je m’ assieds à mon bureau, je prends une feuille blanche, je vais écrire ce
350 me tangere. Premier exemple. — Je m’assieds à mon bureau, je prends une feuille blanche, je vais écrire ce que je trouv
351 Premier exemple. — Je m’assieds à mon bureau, je prends une feuille blanche, je vais écrire ce que je trouve en moi (s
352 ieds à mon bureau, je prends une feuille blanche, je vais écrire ce que je trouve en moi (sentiments, idées, souvenirs, dé
353 prends une feuille blanche, je vais écrire ce que je trouve en moi (sentiments, idées, souvenirs, désirs, élans, hésitatio
354 uille blanche, je vais écrire ce que je trouve en moi (sentiments, idées, souvenirs, désirs, élans, hésitations, obscurités
355 ns, hésitations, obscurités, etc.). Supposons que j’ éprouve un désir d’action vive, un élan vers certain but précis. Ou b
356 n vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’ aurais juste le temps de le noter avant de partir. Ou bien je me mettr
357 ste le temps de le noter avant de partir. Ou bien je me mettrai à l’analyser plus longuement. Mais alors je le fausse, pui
358 le temps de le noter avant de partir. Ou bien je me mettrai à l’analyser plus longuement. Mais alors je le fausse, puisqu
359 mettrai à l’analyser plus longuement. Mais alors je le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gest
360 plus longuement. Mais alors je le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences ma
361 quences matérielles. Ce n’est plus l’élan pur que je décris : c’est un élan freiné dans mon esprit, c’est le frein lui-mêm
362 lan pur que je décris : c’est un élan freiné dans mon esprit, c’est le frein lui-même, bientôt — par un mouvement normal de
363 alement c’est à la découverte d’une faiblesse que j’ aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomplir ce que l’élan ap
364 ne faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’ a retenu d’accomplir ce que l’élan appelait.   Second exemple. — J’ép
365 plir ce que l’élan appelait.   Second exemple. —  J’ éprouve le besoin de faire le point : à quoi en suis-je, qui suis-je ?
366 ouve le besoin de faire le point : à quoi en suis- je , qui suis-je ? Je revois des actes accomplis, je revis plus ou moins
367 n de faire le point : à quoi en suis-je, qui suis- je  ? Je revois des actes accomplis, je revis plus ou moins fortement des
368 faire le point : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois des actes accomplis, je revis plus ou moins fortement des sent
369 -je, qui suis-je ? Je revois des actes accomplis, je revis plus ou moins fortement des sentiments que je crois avoir éprou
370 revis plus ou moins fortement des sentiments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Parfois — rarement —,
371 ments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certaines s
372 à tel moment de mon passé. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certaines sensations profondes et indéfinie
373 de mon passé. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certaines sensations profondes et indéfinies (telle sensa
374 rrures, personne ne sait la richesse de ta vie…). J’ écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, je retrouve un
375 ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments qui se pr
376 Les gestes et les sentiments qui se proposaient à mon souvenir ont été passés au crible de la minute où je me penchais sur
377 souvenir ont été passés au crible de la minute où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’une image plus précise, ce
378 venir ont été passés au crible de la minute où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’une image plus précise, cette
379 ssés au crible de la minute où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’une image plus précise, cette minute est baign
380 onisme du souvenir. Si l’un de ces deux procédés peut m’apprendre quelque chose, c’est bien le second. La qualité des souve
381 e du souvenir. Si l’un de ces deux procédés peut m’ apprendre quelque chose, c’est bien le second. La qualité des souvenir
382 st bien le second. La qualité des souvenirs qu’il me livre me renseigne assez exactement, non sur mon passé, mais sur le m
383 e second. La qualité des souvenirs qu’il me livre me renseigne assez exactement, non sur mon passé, mais sur le moment que
384 l me livre me renseigne assez exactement, non sur mon passé, mais sur le moment que je vis1. Il est bien clair qu’on ne sau
385 tement, non sur mon passé, mais sur le moment que je vis1. Il est bien clair qu’on ne saurait atteindre « la vérité sur so
386 uée dans le premier exemple. C’est un cas-limite, j’ en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout un genre littéra
387 st le vide. Centre de soi, l’aspiration du néant. J’ ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qui était élan devient re
388 iration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes désirs
389 e qui était élan devient recul, et l’évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourrais
390 nt recul, et l’évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourrais me regarder sans rien
391 e mes désirs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ ai cru que je pourrais me regarder sans rien toucher en moi. En réalit
392 anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourrais me regarder sans rien toucher en moi. En réalité, je n’assis
393 iens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourrais me regarder sans rien toucher en moi. En réalité, je n’assiste pas à
394 e restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourrais me regarder sans rien toucher en moi. En réalité, je n’assiste pas à moi
395 que je pourrais me regarder sans rien toucher en moi . En réalité, je n’assiste pas à moi-même, mais à la destruction de mo
396 me regarder sans rien toucher en moi. En réalité, je n’assiste pas à moi-même, mais à la destruction de moi-même. Par les
397 uction de moi-même. Par les fissures, un instant, j’ ai pu soupçonner des profondeurs ; mais déjà c’est le chaos. Mon corp
398 n de moi-même. Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner des profondeurs ; mais déjà c’est le chaos. Mon corps et
399 nner des profondeurs ; mais déjà c’est le chaos. Mon corps et moi, le livre si poignant de René Crevel, est la démonstrati
400 ondeurs ; mais déjà c’est le chaos. Mon corps et moi , le livre si poignant de René Crevel, est la démonstration la plus cy
401 Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’acha
402 qui rôde dans certaine littérature d’aujourd’hui. J’ ai dit : ravages du sincérisme. C’est plus exactement faillite qu’il f
403 littérature et en morale. Impossibilité de faire mon autoportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de faire mon auto
404 . Impossibilité de faire mon autoportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de faire mon autoportrait moral : je me c
405 t moral : je bouge tout le temps. Danger de faire mon autoportrait moral : je me compose plus laid que nature. Faut-il conc
406 e temps. Danger de faire mon autoportrait moral : je me compose plus laid que nature. Faut-il conclure avec Gide : « L’ana
407 emps. Danger de faire mon autoportrait moral : je me compose plus laid que nature. Faut-il conclure avec Gide : « L’analys
408 vec Gide : « L’analyse psychologique a perdu pour moi tout intérêt du jour où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il
409 ologique a perdu pour moi tout intérêt du jour où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine d’éprouver. » Non.
410 gique a perdu pour moi tout intérêt du jour où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine d’éprouver. » Non. Ca
411 ajoutait que l’homme sincère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter d’être différent », ce qui est la négation de tout pro
412 ens de son intérêt propre, une analyse sincère ne puisse faire découvrir quelques richesses et ne serve parfois de contrôle ef
413 es en regard des dangers que la sincérité du noli me tangere fait courir, tant dans le domaine littéraire que dans celui d
414 morale : défaitisme quand il s’agit de gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, « réalisme » décourageant, et, bi
415 t Ramon Fernandez, « retient tous les éléments du moi , moins le principe unificateur ». De quelques sophismes libérateur
416 echerche, puis l’acceptation de toute tendance du moi , je réponds que le mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin
417 che, puis l’acceptation de toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin de m
418 nds que le mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin de mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne
419 ors impossible de faire rien qui ne soit sincère. Peut -on véritablement se mentir à soi-même, et surtout se prendre à ses pr
420 avoir toutes les pensées » (Rivière). Mais on ne peut se maintenir dans cet état. Ce « mensonge », ce choix faux mais bon,
421 ologie ou que le « style » est de l’homme même J’ en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût
422 homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’
423 peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’appeler sincérité et qui m
424 beaucoup continuaient d’appeler sincérité et qui me devenait inintelligible en même temps qu’odieux. Au hasard de quelque
425 temps qu’odieux. Au hasard de quelques lectures, je pris note des passages suivants (les paraphraser serait d’une ingrati
426 reste fort bien les jalons de cette recherche) : Puissiez -vous avouer moins de sincérité et montrer plus de style. (Georges Duh
427 refusent à toute intervention qui altérerait leur moi  ; ils ne souhaitent que d’être leur propre témoin, intelligent mais i
428 pure de cet âge. Mais il le faut dépasser.)   Si j’ en crois l’intensité d’un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle
429 j’en crois l’intensité d’un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que cel
430 intensité d’un sentiment intime, ce moi idéal que j’ appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’une ana
431 e, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’imaginait reten
432 pour l’ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais- je que c’est ma sincérité d’y aller par les moyens les plus efficaces ?
433 que de tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller par les moyens les plus efficaces ? Mais on nomme
434 ces ? Mais on nommera cela de l’hypocrisie. Soit, j’ accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’hypocrisie Non, non 
435 ela de l’hypocrisie. Soit, j’accepte. Et aussitôt j’ annonce : Éloge de l’hypocrisie Non, non !… Debout dans l’ère su
436 on, non !… Debout dans l’ère successive ! Brisez, mon corps, brisez cette forme pensive ! .................................
437 enter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’avais déjà invoquée, hypocrisie consolante et l
438 Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’avais déjà invoquée, hypocrisie consolante et libératrice. Mais tu
439 ée, hypocrisie consolante et libératrice. Mais tu m’ offrais un visage un peu crispé, signe d’une ironie secrète et pour mo
440 un peu crispé, signe d’une ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop visiblement, tu prêtais bien quel
441 op visiblement, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyranni
442 tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuffisant
443 quelques voiles à mon dégoût d’un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais un pli
444 Mais un pli de ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve de ma
445 ans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une sy
446 éal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une symphonie de joies ém
447 haque être un plus prenant sourire. Cependant que ma joie — un état de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle
448 ant que ma joie — un état de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possession particulière, ne pouvait non plus s
449 e satisfaire de telle possession particulière, ne pouvait non plus s’imaginer qu’elle en pût être privée. Alors, acquiesçant vi
450 ulière, ne pouvait non plus s’imaginer qu’elle en pût être privée. Alors, acquiesçant vivement à l’invite que je soupçonnai
451 rivée. Alors, acquiesçant vivement à l’invite que je soupçonnais la plus riche d’inconnu, je m’élançais sur la voie qu’ell
452 nvite que je soupçonnais la plus riche d’inconnu, je m’élançais sur la voie qu’elle m’ouvrait, avec tant de rires amis, ve
453 te que je soupçonnais la plus riche d’inconnu, je m’ élançais sur la voie qu’elle m’ouvrait, avec tant de rires amis, vers
454 iche d’inconnu, je m’élançais sur la voie qu’elle m’ ouvrait, avec tant de rires amis, vers tout ce que momentanément je ch
455 ant de rires amis, vers tout ce que momentanément je choisissais de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût
456 qu’il eût été loisible d’attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce but peut-être dérisoire vers quoi je me portai
457 ion, non pas ce but peut-être dérisoire vers quoi je me portais, mais bien ces figurants de mon bonheur que je me concilia
458 , non pas ce but peut-être dérisoire vers quoi je me portais, mais bien ces figurants de mon bonheur que je me conciliais
459 rs quoi je me portais, mais bien ces figurants de mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ainsi
460 rtais, mais bien ces figurants de mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ainsi que fidèle à so
461 is, mais bien ces figurants de mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ainsi que fidèle à soi-m
462 oit que ce constant et secret assujettissement au moi idéal exige une politique des sentiments plus subtile et, je pense, m
463 ige une politique des sentiments plus subtile et, je pense, moins vulgaire que cette agilité offensive qu’on appelle dans
464 arti. La sincérité crée en nous un fait accompli. J’ appelle hypocrisie envers soi-même une volonté — si profonde qu’elle n
465 s besoin de s’expliciter pour être efficace — qui m’ interdit de nommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peu
466 être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’une espèce de souff
467 rté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux
468 te certitude… Ô vérité, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La véritable
469 ité, non pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La véritable description de l’élan supposé
470 pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La véritable description de l’élan supposé dans le
471 mier exemple, ce serait le récit des gestes qu’il m’ aurait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’analyser. 2. D’
32 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
472 bliés sur le marbre vulgaire d’une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommation. Comme d’habitud
473 marbre vulgaire d’une table de café. Je venais de m’ asseoir et de commander une consommation. Comme d’habitude, un peu apr
474 ation. Comme d’habitude, un peu après six heures. J’ étais seul. Le café est un lieu anonyme bien plus propice au rêve que
475 est un lieu anonyme bien plus propice au rêve que ma chambre où m’attendent tous les soirs quand je rentre du bureau, les
476 onyme bien plus propice au rêve que ma chambre où m’ attendent tous les soirs quand je rentre du bureau, les gages insuppor
477 ue ma chambre où m’attendent tous les soirs quand je rentre du bureau, les gages insupportablement familiers d’une vie hon
478 ongeries les plus étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc d’ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont un pouv
479 eries les plus étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc d’ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont un pouvoir
480 d’ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur mon esprit. Non que cela m’intéresse au fond : les fai
481 s Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur mon esprit. Non que cela m’intéresse au fond : les faits-divers, rien de
482 n pouvoir tyrannique sur mon esprit. Non que cela m’ intéresse au fond : les faits-divers, rien de moins divers. Mais je su
483 nd : les faits-divers, rien de moins divers. Mais je suis pris dans l’absurde réseau des lignes, et cette mécanique me res
484 s l’absurde réseau des lignes, et cette mécanique me restitue chaque fois un peu plus de lassitude, un peu plus d’ennui. J
485 is un peu plus de lassitude, un peu plus d’ennui. J’ essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : perdre une
486 J’essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : perdre une rose pour le plaisir ! (Et je ne pensais même pas
487 me gênait : perdre une rose pour le plaisir ! (Et je ne pensais même pas, alors : une si belle rose.) Le tambour livra un
488 lentement vers la mienne et s’assit sans paraître me voir. Une grande figure aux joues mates, aux yeux clairs. Il déplia l
489 journal et se mit à lire les pages d’annonces. On m’ apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes pensées plus ra
490 es d’annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’ eus fini de boire, mes pensées plus rapides s’en allèrent un peu vers
491 pporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes pensées plus rapides s’en allèrent un peu vers l’avenir et j’osai que
492 lus rapides s’en allèrent un peu vers l’avenir et j’ osai quelques rêves. C’était, je m’en souviens, une petite automobile
493 vers l’avenir et j’osai quelques rêves. C’était, je m’en souviens, une petite automobile qui roulait dans la banlieue pri
494 rs l’avenir et j’osai quelques rêves. C’était, je m’ en souviens, une petite automobile qui roulait dans la banlieue printa
495 te salle à manger ; des jaquettes de couleur pour ma femme… Mais l’homme avait posé son journal. Soudain, portant la main
496 es traits. Puis il reprit les dés brusquement, et me fixant avec un léger sourire : — Jouez ! ordonna-t-il. La surprise va
497 re : — Jouez ! ordonna-t-il. La surprise vainquit ma timidité, je pris les dés et les jetai sans hésiter. Il compta de nou
498 ! ordonna-t-il. La surprise vainquit ma timidité, je pris les dés et les jetai sans hésiter. Il compta de nouveau, puis av
499 Vous avez gagné, c’est admirable, ah ! mon Dieu, je vous remercie, Monsieur… Il saisit son journal. Il en parcourait rapi
500 ges, la proie d’une agitation visible. Bientôt il m’ offrit de jouer un moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommations.
501 ment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagnai. Il demanda des portos. Je les gagnai et je les bus. D’autres
502 consommations. Je gagnai. Il demanda des portos. Je les gagnai et je les bus. D’autres encore. Ma tête commençait à oscil
503 e gagnai. Il demanda des portos. Je les gagnai et je les bus. D’autres encore. Ma tête commençait à osciller vaguement. Le
504 os. Je les gagnai et je les bus. D’autres encore. Ma tête commençait à osciller vaguement. Les couleurs du bar me rempliss
505 mençait à osciller vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient d’une joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux q
506 s du bar me remplissaient d’une joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’en moi-même posait ma raison
507 u bar me remplissaient d’une joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’en moi-même posait ma raison eff
508 is sans cesse aux questions qu’en moi-même posait ma raison effarée. L’étranger s’animait aussi : une fièvre faisait s’épa
509 si : une fièvre faisait s’épanouir sur son visage je ne sais quel plaisir cruel. C’était un jeu très simple où l’esprit li
510 ommandement de la main. Ce soir-là, une confiance me possédait, telle que je savais très clairement que je gagnerais à tou
511 Ce soir-là, une confiance me possédait, telle que je savais très clairement que je gagnerais à tout coup. L’étranger se mi
512 ossédait, telle que je savais très clairement que je gagnerais à tout coup. L’étranger se mit à discourir. Et dans mon ivr
513 tout coup. L’étranger se mit à discourir. Et dans mon ivresse, ses paroles peignaient des tableaux mouvants où je me voyais
514 , ses paroles peignaient des tableaux mouvants où je me voyais figurer comme une sorte de « personnage aux dés ». Ce furen
515 es paroles peignaient des tableaux mouvants où je me voyais figurer comme une sorte de « personnage aux dés ». Ce furent d
516 nées. Mais bientôt : — « Destin, s’écria-t-il, tu pourrais me remercier. Vois quels chemins de perdition j’ouvre sans cesse à ta
517 s bientôt : — « Destin, s’écria-t-il, tu pourrais me remercier. Vois quels chemins de perdition j’ouvre sans cesse à ta co
518 ais me remercier. Vois quels chemins de perdition j’ ouvre sans cesse à ta course aveugle ; tu n’aurais pas trouvé ça tout
519 s airs pessimistes. De nouveau, d’un coup de dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le voilà riche, le voi
520 corde pour les pendre, ha ha ha ! Tu pensais que j’ allais me cramponner à cette espèce de bonheur qu’ils croient lié à la
521 ur les pendre, ha ha ha ! Tu pensais que j’allais me cramponner à cette espèce de bonheur qu’ils croient lié à la possessi
522 onheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’ allais vivre aussi sur le dogme l’argent-fait-le-bonheur. En somme, tu
523 ’argent-fait-le-bonheur. En somme, tu croyais que j’ allais adhérer à l’idéologie socialiste, gros farceur, va. Quand je so
524 à l’idéologie socialiste, gros farceur, va. Quand je songe à tous ces gens qui perdent leur vie à la gagner9, et leur faço
525 autre, de douleurs en ivresses avec la même joie, mon cheval fou, mon beau Désir s’ébroue et part sitôt que je vais m’endor
526 rs en ivresses avec la même joie, mon cheval fou, mon beau Désir s’ébroue et part sitôt que je vais m’endormir, ah ! galope
527 al fou, mon beau Désir s’ébroue et part sitôt que je vais m’endormir, ah ! galope, caracole, éclabousse, ils n’y comprendr
528 mon beau Désir s’ébroue et part sitôt que je vais m’ endormir, ah ! galope, caracole, éclabousse, ils n’y comprendront jama
529 comprendront jamais rien, écoutez-les, comme ils me jugent et leurs cris indignés qui couvrent une angoisse. Ça les déran
530 blement, sauf un ou deux qui s’imaginent gagner à mes dépens, témoin ce brave homme qui est en train de me soutirer les que
531 dépens, témoin ce brave homme qui est en train de me soutirer les quelque billets de mille dont je venais de régler le sor
532 de me soutirer les quelque billets de mille dont je venais de régler le sort, puisque demain dès l’aube, j’irai tenter la
533 ais de régler le sort, puisque demain dès l’aube, j’ irai tenter la misère aux yeux las pleins de rêves, la misère qui fait
534 ient un brouillard de fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était assise à notre table, en robe roug
535 llard de fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était assise à notre table, en robe rouge, et très f
536 uilla sur les dés, et partit d’un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’é
537 e. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il fall
538 tranger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’ étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le c
539 ssus des rues parcourues de longs cris en voyage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et de cette nuit peut-être, je
540 s des rues parcourues de longs cris en voyage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et de cette nuit peut-être, je ne
541 pied délicieusement. Et de cette nuit peut-être, je ne saurai jamais rien… (sinon qu’au lendemain je n’avais plus un sou)
542 je ne saurai jamais rien… (sinon qu’au lendemain je n’avais plus un sou). Je n’ai jamais revu l’étranger. Quelquefois je
543 … (sinon qu’au lendemain je n’avais plus un sou). Je n’ai jamais revu l’étranger. Quelquefois je songe à ses paroles — ou
544 sou). Je n’ai jamais revu l’étranger. Quelquefois je songe à ses paroles — ou peut-être n’étaient-ce que celles de mes fol
545 paroles — ou peut-être n’étaient-ce que celles de mes folies ? Je me répète : paradoxes, mais cela ne suffit plus à m’en dé
546 peut-être n’étaient-ce que celles de mes folies ? Je me répète : paradoxes, mais cela ne suffit plus à m’en délivrer. Ma v
547 t-être n’étaient-ce que celles de mes folies ? Je me répète : paradoxes, mais cela ne suffit plus à m’en délivrer. Ma vie
548 me répète : paradoxes, mais cela ne suffit plus à m’ en délivrer. Ma vie m’a repris, je ne suis pas heureux. Je sais très b
549 adoxes, mais cela ne suffit plus à m’en délivrer. Ma vie m’a repris, je ne suis pas heureux. Je sais très bien que je devr
550 mais cela ne suffit plus à m’en délivrer. Ma vie m’ a repris, je ne suis pas heureux. Je sais très bien que je devrais ten
551 e suffit plus à m’en délivrer. Ma vie m’a repris, je ne suis pas heureux. Je sais très bien que je devrais tenter quelque
552 ivrer. Ma vie m’a repris, je ne suis pas heureux. Je sais très bien que je devrais tenter quelque chose. Je suis plein de
553 is, je ne suis pas heureux. Je sais très bien que je devrais tenter quelque chose. Je suis plein de rêves, certains soirs.
554 is très bien que je devrais tenter quelque chose. Je suis plein de rêves, certains soirs. Il faut pourtant rentrer chez mo
555 es, certains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi , et ma femme m’embrasse et me regarde avec inquiétude, parce que je n
556 ains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi, et ma femme m’embrasse et me regarde avec inquiétude, parce que je ne suis
557 s. Il faut pourtant rentrer chez moi, et ma femme m’ embrasse et me regarde avec inquiétude, parce que je ne suis plus tout
558 rtant rentrer chez moi, et ma femme m’embrasse et me regarde avec inquiétude, parce que je ne suis plus tout à fait le mêm
559 embrasse et me regarde avec inquiétude, parce que je ne suis plus tout à fait le même. Puis elle me laisse, parce que le l
560 ue je ne suis plus tout à fait le même. Puis elle me laisse, parce que le lait va monter. Alors, dans ma chambre, avant d’
561 laisse, parce que le lait va monter. Alors, dans ma chambre, avant d’aller souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux da
562 er. Alors, dans ma chambre, avant d’aller souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et je voudrais pouvo
563 Alors, dans ma chambre, avant d’aller souper, je m’ abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et je voudrais pouvoir
564 ma chambre, avant d’aller souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et je voudrais pouvoir pleurer sur m
565 abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et je voudrais pouvoir pleurer sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, soudain
566 n lit, les cheveux dans les mains. Et je voudrais pouvoir pleurer sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris e
567 ans les mains. Et je voudrais pouvoir pleurer sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et de désespoir,
568 Et je voudrais pouvoir pleurer sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et de désespoir, ô vie sans fau
569 joie… Ah ! plus amère, plus amère encore, saurai- je un jour te désirer, te haïr… 9. Calembour sur une idée juste. (Note
33 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
570 Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)ab «  Je n’admets pas qu’on reprenne mes paroles, qu’on me les oppose. Ce ne s
571 nvier 1927)ab « Je n’admets pas qu’on reprenne mes paroles, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité d
572 Je n’admets pas qu’on reprenne mes paroles, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité de paix. Entre moi
573 ne sont pas les termes d’un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour les critiques, « punaises glab
574 ux que certaines envolées magnifiques et hagardes pourraient enthousiasmer il leur réserve mieux encore : après une kyrielle d’inj
575 on d’autres fois si prestigieuse du poète : « Ils m’ ont suivi, les imbéciles », ricane-t-il ; et sans rire : « À mort ceux
576 sans rire : « À mort ceux qui paraphrasent ce que je dis ». Il y a chez Aragon une folie de la persécution, qui se cherche
577 sse ? » Tant d’insistance dans le mauvais goût ne m’ empêchera pas de le dire, Aragon possède le tempérament le plus hardi
578 la jeune littérature française. Il le proclame «  J’ appartiens à la grande race des torrents ». Génie inégal s’il en fut,
579 un des plus significatifs du romantisme nouveau. J’ ai nommé Rousseau, Nerval Musset : mais voyez un Rousseau sans tendres
34 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
580 i fume… Et tu laisses, ô col roide, En souffrance mes baisers. L’amour est un alibi Nos lèvres sitôt que jointes, Ô
581 lèvres sitôt que jointes, Ô dernier mensonge tu, Je m’enfuis vers d’autres rêves Où sourient quels anges fous. L’horaire
582 vres sitôt que jointes, Ô dernier mensonge tu, Je m’ enfuis vers d’autres rêves Où sourient quels anges fous. L’horaire dic
583 icte un adieu, La mode qu’on rie des pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’un faux nom. d. Rougemont Deni
35 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
584 l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte de froideur
585 les la souffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme
586 ies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme
36 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
587 Les journaux.) Mademoiselle, Il faut d’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux de vous écrire au moment où je va
588 journaux.) Mademoiselle, Il faut d’abord que je m’ excuse : c’est un peu prétentieux de vous écrire au moment où je vais
589 st un peu prétentieux de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’autant plus que vous n’y croirez pas — et pourtan
590 u prétentieux de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’autant plus que vous n’y croirez pas — et pourtant… Il fa
591 n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que je vous dise qu’il fait très froid dans ma chambre : le feu n’a pas pris
592 aussi que je vous dise qu’il fait très froid dans ma chambre : le feu n’a pas pris, et d’ailleurs cela n’en vaut plus la p
593 s cette phrase quelque allusion de mauvais goût.) Je vous ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lieux de plaisir, com
594 iles. La première fois, au théâtre. Dans l’ombre, j’ ai suivi le drame sur vos traits seulement ; l’écho n’en fut que plus
595 lement ; l’écho n’en fut que plus douloureux dans mon cœur. Puis je vous ai oubliée. Puis je vous ai revue, aux courses, et
596 n’en fut que plus douloureux dans mon cœur. Puis je vous ai oubliée. Puis je vous ai revue, aux courses, et c’est là que
597 reux dans mon cœur. Puis je vous ai oubliée. Puis je vous ai revue, aux courses, et c’est là que j’ai découvert que vous e
598 is je vous ai revue, aux courses, et c’est là que j’ ai découvert que vous existiez en moi, à certain désagrément que j’eus
599 c’est là que j’ai découvert que vous existiez en moi , à certain désagrément que j’eus de vous voir si entourée… D’autres f
600 e vous existiez en moi, à certain désagrément que j’ eus de vous voir si entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage d
601 ue j’eus de vous voir si entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les dire. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’ava
602 ourage de les dire. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’ avais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il
603 n, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la prom
604 s demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la promesse. Vos regards rencontrèrent
605 mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’ en avait donné la promesse. Vos regards rencontrèrent les miens plus d
606 vait donné la promesse. Vos regards rencontrèrent les miens plus d’une fois pendant une danse qu’il fit avec vous, mais vous les
607 racher à une obsession secrètement attirante ; et je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouviez v
608 ètement attirante ; et je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je dis m
609 telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je dis menace, parce que mes airs sombres vous effrayaient sans doute pl
610 iez vaguement la menace. Je dis menace, parce que mes airs sombres vous effrayaient sans doute plus qu’ils ne vous attiraie
611 plus qu’ils ne vous attiraient. Mais, maintenant, je pense que ces regards croisés n’avaient aucune signification et que m
612 rds croisés n’avaient aucune signification et que mon anxiété seule leur prêtait quelque intention. Quand enfin l’orchestre
613 lque intention. Quand enfin l’orchestre s’arrêta, je me trouvais tout près de vous. Mon ami me fit un signe discret, et dé
614 e intention. Quand enfin l’orchestre s’arrêta, je me trouvais tout près de vous. Mon ami me fit un signe discret, et déjà
615 estre s’arrêta, je me trouvais tout près de vous. Mon ami me fit un signe discret, et déjà il se préparait à vous rendre at
616 arrêta, je me trouvais tout près de vous. Mon ami me fit un signe discret, et déjà il se préparait à vous rendre attentive
617 et déjà il se préparait à vous rendre attentive à ma présence… Mais, alors, je ne sais quel démon du malheur me paralysa.
618 vous rendre attentive à ma présence… Mais, alors, je ne sais quel démon du malheur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’im
619 ce… Mais, alors, je ne sais quel démon du malheur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image d’un couple heureux et banal,
620 rs, je ne sais quel démon du malheur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image d’un couple heureux et banal, votre sourir
621 uple heureux et banal, votre sourire répondant au mien , comme on voit au dénouement des films populaires et sur des cartes p
622 strées. Déjà la foule des danseurs nous séparait, mon ami se détournait, un peu vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un co
623 ge de rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une invincible lassitude me saisir et m’assis à l’écart. On me
624 nse reprenait. Je sentis une invincible lassitude me saisir et m’assis à l’écart. On me demandait, en passant, si j’étais
625 . Je sentis une invincible lassitude me saisir et m’ assis à l’écart. On me demandait, en passant, si j’étais malade. Je dé
626 ible lassitude me saisir et m’assis à l’écart. On me demandait, en passant, si j’étais malade. Je désignais d’un geste inc
627 ’assis à l’écart. On me demandait, en passant, si j’ étais malade. Je désignais d’un geste incertain quelques bouteilles de
628 . On me demandait, en passant, si j’étais malade. Je désignais d’un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides
629 nne l’ivresse, mais non certaines douleurs. Même, je fus obligé de confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jo
630 eurs. Même, je fus obligé de confier à un ami que j’ en avais repris … Les archets jouaient sur mes nerfs. Le jazz martelai
631 que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes nerfs. Le jazz martelait mon désespoir. Désespoir étroit, ces œillère
632 archets jouaient sur mes nerfs. Le jazz martelait mon désespoir. Désespoir étroit, ces œillères géantes aux pensées, le cie
633 ssue, pesant comme l’envie d’un sommeil sans fin… J’ avais soif, mais la seule vue d’un liquide me soulevait le cœur. L’aub
634 fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les lampes, et le
635 ans un matin sourd, frileux, qui avait la nausée. Je rentrai seul. Voici quelques mots que j’écrivis à ma table en désordr
636 nausée. Je rentrai seul. Voici quelques mots que j’ écrivis à ma table en désordre où je venais de jeter mon col de smokin
637 rentrai seul. Voici quelques mots que j’écrivis à ma table en désordre où je venais de jeter mon col de smoking et un œill
638 ques mots que j’écrivis à ma table en désordre où je venais de jeter mon col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d
639 ivis à ma table en désordre où je venais de jeter mon col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme don
640 esse d’une autre femme dont le seul défaut fut de m’ aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au somme
641 us grand que le chant des violons. Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme une femme nue dans une chambre étroite…
642 ir, comme une femme nue dans une chambre étroite… J’ ai dormi quelques heures, d’un sommeil triste, tout enfiévré par la cr
643 ste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je suis revenu dans ces rues où je vous rencontrais parfois, du temps qu
644 e du réveil. Puis je suis revenu dans ces rues où je vous rencontrais parfois, du temps que j’ignorais vous aimer. En sort
645 rues où je vous rencontrais parfois, du temps que j’ ignorais vous aimer. En sortant du bal, au vestiaire, je vous avais en
646 rais vous aimer. En sortant du bal, au vestiaire, je vous avais entendue donner un rendez-vous au thé du Printemps. J’ai r
647 tendue donner un rendez-vous au thé du Printemps. J’ ai rôdé dans la joie féminine des grands magasins, n’osant pas repasse
648 p souvent devant les ascenseurs. « Vers 4 heures, me disais-je elle y entrera, et, me glissant auprès d’elle, je pourrai l
649 devant les ascenseurs. « Vers 4 heures, me disais- je elle y entrera, et, me glissant auprès d’elle, je pourrai lui dire tr
650 « Vers 4 heures, me disais-je elle y entrera, et, me glissant auprès d’elle, je pourrai lui dire très vite quelques mots s
651 je elle y entrera, et, me glissant auprès d’elle, je pourrai lui dire très vite quelques mots si bouleversants qu’avant le
652 elle y entrera, et, me glissant auprès d’elle, je pourrai lui dire très vite quelques mots si bouleversants qu’avant le dernier
653 ots si bouleversants qu’avant le dernier étage… » Je délirais, bien sûr. Je m’imaginais que les vendeuses me dévisageaient
654 ’avant le dernier étage… » Je délirais, bien sûr. Je m’imaginais que les vendeuses me dévisageaient de plus en plus impude
655 ant le dernier étage… » Je délirais, bien sûr. Je m’ imaginais que les vendeuses me dévisageaient de plus en plus impudemme
656 irais, bien sûr. Je m’imaginais que les vendeuses me dévisageaient de plus en plus impudemment : je devais paraître si per
657 es me dévisageaient de plus en plus impudemment : je devais paraître si perdu. Chaque fois qu’un paquet de dix personnes s
658 ngouffrait dans la cage rouge et or et s’élevait, j’ éprouvais un petit arrachement, comme précisément un enfant qui monte
659 sément un enfant qui monte pour la première fois… Je me disais encore : Si je prends cet ascenseur et que je la croise en
660 ent un enfant qui monte pour la première fois… Je me disais encore : Si je prends cet ascenseur et que je la croise en rou
661 e pour la première fois… Je me disais encore : Si je prends cet ascenseur et que je la croise en route dans l’ascenseur de
662 disais encore : Si je prends cet ascenseur et que je la croise en route dans l’ascenseur descendant… Il aurait fallu monte
663 i laqué, souriante… Enfin, un peu après 6 heures, je suis sorti. Il y avait beaucoup de monde dans les rues, sous la pluie
664 es autobus passaient par groupes. Plusieurs fois, j’ ai cru vous reconnaître dans la foule qui se précipitait, mais je n’av
665 econnaître dans la foule qui se précipitait, mais je n’avais pas pris de numéro, je ne pouvais pas monter. Je finissais pa
666 précipitait, mais je n’avais pas pris de numéro, je ne pouvais pas monter. Je finissais par vous voir partout. Chaque vis
667 pitait, mais je n’avais pas pris de numéro, je ne pouvais pas monter. Je finissais par vous voir partout. Chaque visage de femm
668 ais pas pris de numéro, je ne pouvais pas monter. Je finissais par vous voir partout. Chaque visage de femme révélait soud
669 vait votre démarche. Mais, pendant ce temps, vous pouviez paraître enfin où mon désir surmené vous appelait encore, haletant. E
670 pendant ce temps, vous pouviez paraître enfin où mon désir surmené vous appelait encore, haletant. Et le temps passait, à
671 chant désespéré qui vous appelait, assourdissant mes pensées ; et ces élans réticents, maladroits, contradictoires… Un aut
672 s… Un autobus de luxe s’était arrêté tout près de moi . Je vis un visage à l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai.
673 autobus de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n
674 un visage à l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que des dames. Personne ne parlait. La jeune fem
675 e qui s’était penchée vous ressemblait tant. Mais je n’osais presque pas la regarder, à cause d’une incertitude qui redonn
676 d’une incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être était-ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt de
677 on empire à ma timidité. Peut-être était-ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt de la Place Saint-Michel, elle sortit, en
678 l’arrêt de la Place Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me regarder. Je descendis derrière elle. Mais tout de s
679 ce Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me regarder. Je descendis derrière elle. Mais tout de suite des paraplui
680 el, elle sortit, en me frôlant, sans me regarder. Je descendis derrière elle. Mais tout de suite des parapluies la dérobèr
681 Mais tout de suite des parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un si
682 ies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’ attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement particulièrement dou
683 ent avec un sifflement particulièrement doux pour ma fatigue, et ces gens pressés et songeurs respectaient la folie doulou
684 taient la folie douloureuse qui devait contracter mon visage. Je promenais sur tous des regards angoissés, avides, imploran
685 lie douloureuse qui devait contracter mon visage. Je promenais sur tous des regards angoissés, avides, implorants. Oh ! to
686 s, avides, implorants. Oh ! toutes les femmes que j’ ai fait souffrir cette nuit d’un long regard de damné. À minuit, telle
687 g regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments de rêves et les personnages des af
688 damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments de rêves et les personnages des affiches, tout
689 s fin dans les couloirs implacablement brillants, je me pris à parler à haute voix, par bribes de phrases incohérentes. Je
690 in dans les couloirs implacablement brillants, je me pris à parler à haute voix, par bribes de phrases incohérentes. Je vo
691 à haute voix, par bribes de phrases incohérentes. Je voyais avec une sombre joie les employés et les voyageurs s’inquiéter
692 employés et les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’ entraîna de force sur un trottoir roulant qui me remonta dans la rue.
693 n m’entraîna de force sur un trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume m’apaisa. Sur la promes
694 me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume m’ apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux, on me lais
695 aîcheur de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux, on me laissa rentrer seul. Je ne sais co
696 la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux, on me laissa rentrer seul. Je ne sais comment j’y p
697 brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux, on me laissa rentrer seul. Je ne sais comment j’y parv
698 a promesse que je fis que je me sentais mieux, on me laissa rentrer seul. Je ne sais comment j’y parvins. Je crois que j’a
699 e je me sentais mieux, on me laissa rentrer seul. Je ne sais comment j’y parvins. Je crois que j’ai marché plusieurs heure
700 ux, on me laissa rentrer seul. Je ne sais comment j’ y parvins. Je crois que j’ai marché plusieurs heures avant de retrouve
701 ssa rentrer seul. Je ne sais comment j’y parvins. Je crois que j’ai marché plusieurs heures avant de retrouver ma rue. Il
702 eul. Je ne sais comment j’y parvins. Je crois que j’ ai marché plusieurs heures avant de retrouver ma rue. Il doit être mai
703 e j’ai marché plusieurs heures avant de retrouver ma rue. Il doit être maintenant 5 heures du matin. Premiers appels d’aut
704 n. Premiers appels d’autos dans la ville, mais il me semble que toutes choses s’éloignent de moi vertigineusement, par cet
705 ais il me semble que toutes choses s’éloignent de moi vertigineusement, par cette aube incolore. Il y a vingt-quatre heures
706 e aube incolore. Il y a vingt-quatre heures donc, j’ étais encore au bal. Cette constatation machinale ne correspond à rien
707 constatation machinale ne correspond à rien dans mon esprit. Peut-être que j’ai perdu la notion du temps. Je ne me souvien
708 correspond à rien dans mon esprit. Peut-être que j’ ai perdu la notion du temps. Je ne me souviens plus que de cette décep
709 rit. Peut-être que j’ai perdu la notion du temps. Je ne me souviens plus que de cette déception insupportable et définitiv
710 eut-être que j’ai perdu la notion du temps. Je ne me souviens plus que de cette déception insupportable et définitive de m
711 de cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous en accuse pas. À peine si je puis encore évoquer vo
712 ception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous en accuse pas. À peine si je puis encore évoquer votre visage
713 e mon désir. Je ne vous en accuse pas. À peine si je puis encore évoquer votre visage. Peut-être ne vous ai-je pas vraimen
714 encore évoquer votre visage. Peut-être ne vous ai- je pas vraiment aimée, mais bien ce goût profond de ma destruction, ce r
715 pas vraiment aimée, mais bien ce goût profond de ma destruction, ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qui m
716 ngement, cette sournoise recherche de tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est chargé, sur cette t
717 cherche de tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, entre
718 n être… Le revolver est chargé, sur cette table. ( Je le caresse, entre deux phrases.) Mais voici que ce geste de ma mort a
719 , entre deux phrases.) Mais voici que ce geste de ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne comprends plus
720 hrases.) Mais voici que ce geste de ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne comprends plus pourquoi je de
721 e ce geste de ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne comprends plus pourquoi je devrais me tuer, pourquo
722 e geste de ma mort aussi me lasse, l’image que je m’ en forme… Je ne comprends plus pourquoi je devrais me tuer, pourquoi j
723 a mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne comprends plus pourquoi je devrais me tuer, pourquoi je souffre, c
724 que je m’en forme… Je ne comprends plus pourquoi je devrais me tuer, pourquoi je souffre, ce que c’est que la souffrance,
725 n forme… Je ne comprends plus pourquoi je devrais me tuer, pourquoi je souffre, ce que c’est que la souffrance, ce que c’e
726 prends plus pourquoi je devrais me tuer, pourquoi je souffre, ce que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma
727 ce que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’un glissement gris, sans fin
728 c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’un glissement gris, sans fin… Il fau
729 qu’un glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait plus rien. 4. Encore un qui vous aime, je ne
730 y aurait plus rien. 4. Encore un qui vous aime, je ne vous dirai pas son nom. i. Rougemont Denis de, « Lettre du survi
37 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
731 n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est d’y découvrir possibles deux interprétations sym
732 deux interprétations symboliques au moins ; de ne pouvoir m’empêcher d’y songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne
733 erprétations symboliques au moins ; de ne pouvoir m’ empêcher d’y songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne po
734 r sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’en avoir plus ou moins co
735 esse en lisant cette « tragédie » ; de ne pouvoir m’ empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’en avoir plus ou moins consc
736 sez simples dont l’étude charme le psychanalyste. Je pourrais poursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi des sortes de calem
737 simples dont l’étude charme le psychanalyste. Je pourrais poursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi des sortes de calembours… A
738 licité à chausse-trappes, cette habileté surtout. Je ne sais si ce malicieux Gagnebin (non pas Elie) pensait à quelqu’un l
739 à quelqu’un lorsqu’il écrivit certains vers qu’on peut lire plus haut : Les anges véritables qui connaissent les signes Son
740 rop exercé avant de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’il ne tombera pas. J’admire sans émoi. ⁂ Certes, les qual
741 la corde raide. Je suis sûr qu’il ne tombera pas. J’ admire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités scéniques de cette pièce sont
742 s qualités scéniques de cette pièce sont grandes. Je ne saurais même indiquer aucun endroit par où elle pèche contre les p
743 l voulait. Et pourtant cette admirable machine ne m’ inquiète guère : je sais qu’elle le conduira où il veut, sans surprise
744 ant cette admirable machine ne m’inquiète guère : je sais qu’elle le conduira où il veut, sans surprises. « Puisque ces my
745 ù il veut, sans surprises. « Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur », disait le photographe
746 hotographe des Mariés. Dans Orphée, le mystère ne peut plus dépasser l’auteur : il l’a trop bien organisé. En somme, ce qu’i
747 s parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète : j’ en verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que je ne sais pa
748 teau est un poète : j’en verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui autrement que par m
749 ais une preuve, pour mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui autrement que par métaphores.) 5. M. Zimmer,
38 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
750 r, il faut faire quelque chose. Nous devons, nous pouvons faire quelque chose. Que diable ! nous ne sommes pas des imbéciles, n
39 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
751 t allusion aux divers points de vue auxquels on a pu se placer pour juger la révocation. M. Esmonin, lui, se place au poin
752 arguties juridiques. Et les statistiques faussées peuvent faire croire à une très forte diminution du nombre des protestants. A
753 e nos jours encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjouir de retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’il va consacr
40 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
754 Edmond Jaloux, Ô toi que j’ eusse aimée… (mars 1927)af M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare d’
755 ses bijoux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’ y vois un signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envo
756 envoie l’un de ses personnages pour remercier ; ( pouvait -il mieux trouver qu’un René Dubardeau pour cette ambassade). Parfois
757 rames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger du drame qui se joue entre deux êtres, personne, pas même eux »
758 nis de, « [Compte rendu] Edmond Jaloux, Ô toi que j’ eusse aimée…  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève,
41 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
759 re, légèrement coloré. Le principe est simple : «  Je vous aime » se traduit par trois ou quatre claques sur la poitrine ;
760 Quelques miracles qui suivent sont embrumés dans mon souvenir par le rayonnement de la robe, fleur qui s’ouvre pour dégage
761 el renversé, maisons obliques, montagnes russes. ( J’ ai regretté que René Clair ne nous donne pas la vision du mort.) Enfin
762 et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même essence que le n
763 euse paraît, ils n’attendent que le moment où ils pourront se pousser en disant : « C’que c’est cochon ! » Mais le moment ne vie
764 is le moment ne vient pas, ils sont déçus. Enfin, mon voisin, un agent, murmure : « On va tous devenir fous ! » — « Hé ! lu
765  : « On va tous devenir fous ! » — « Hé ! lui dis- je , si seulement. » Mais tout de même, là par exemple, où nous ne pouvon
766 . » Mais tout de même, là par exemple, où nous ne pouvons nous empêcher d’admirer l’utilisation artistique ingénieuse et précis
767 é Clair un sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas du miracle genre conte de fée, comme le Voyage imaginair
768 e le Voyage imaginaire en montre (beaucoup trop à mon gré). Qu’une sorcière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’é
769 ées paraissent vieux jeu avec leur baguette, pour moi qui chaque soir crée ma chambre en tournant un commutateur. Le vrai m
770 avec leur baguette, pour moi qui chaque soir crée ma chambre en tournant un commutateur. Le vrai miracle du cinéma, c’est,
771 et l’espace en relation se modifie pour maintenir je ne sais quelle harmonie… C’est une réalité aussi réelle que celle don
772 alors comme l’une seulement des mille figures que peut revêtir une substantia dont nos sens trop faibles — bornés encore par
42 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
773 ns rare des directions générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’analyse qui conduit à la dispersion autant qu’à l’approfondiss
774 la dispersion autant qu’à l’approfondissement du moi , soif de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’ab
775 . Rops a-t-il trop négligé le rôle extérieur, que je crois décisif, des conditions de la vie moderne.) Après avoir défini
776 n inquiet qui veut le rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer en deux mots : inquiétude ou foi. Dès lors sont-elles vrai
43 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
777 s Aragon, le beau prétexte (avril 1927)o Ah ! je sens qu’une puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi
778 sens qu’une puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle peut
779 n être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si cela
780 les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si cela doit m’anéantir.
781 ésormais vibrer à sa fantaisie, même si cela doit m’ anéantir. Hoffmann. I (Notes écrites en décembre 1925, au sorti
782 férence sur le Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne une rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau de flammes, p
783 manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé de
784 à-bas dans un rayon échappé des Enfers — auxquels je crois encore, et pas seulement pour le pittoresque. — Attrape !   Il
785 la Poésie.   On dit : « Des mots ! » au lieu de «  Je ne comprends pas ». On dit : « Je ne comprends pas », et l’on pense :
786  » au lieu de « Je ne comprends pas ». On dit : «  Je ne comprends pas », et l’on pense : « C’est donc incompréhensible ».
787 incompréhensible !, trois mots dont l’un savant. Je ne connais pas de meilleur remède contre Dieu. Monsieur, vous avez di
788 st incompréhensible ! » — avec une indignation où j’ admire une pointe d’ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mi
789 pointe d’ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe d’aise extrême, vos glandes salivaires, pourtant
790  ». Ultime affirmation d’une foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la Croix, il n’y a peut-être pas
791 et dire qu’elle est née dans un café de Paris. «  Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Riez-en donc, p
792 s un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Riez-en donc, pantins officiels, et vous re
793 iels, et vous repus, et vous, dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtr
794 ous empêtrer de dogmes bassement ingénieux : « Si j’ essaie un instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je m
795 bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’ élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle puiss
796 t de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir d’argument à un homme. 
797 e m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir d’argument à un homme. » V
798 ion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir d’argument à un homme. » Voilà qui nous fait oubl
799 spérer plus aucun pardon. II Novembre 1926. Je viens de retrouver quelques pages écrites il y a un an, tel soir de c
800 ur, son incontestable « séduction ». Pour un peu, je découvrais une manière de prophète un brin janséniste chez ce poète.
801 te un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais plutôt comme un Musset10 plus véritablement désespéré. Un
802 de son tempérament vif, insolent et ombrageux. «  J’ appartiens à la grande race des torrents. » Une belle phrase, n’est-ce
803 des torrents. » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’un Montherlant qui pourrait l’oser dire comme Aragon sans
804 , n’est-ce pas ? Je ne sais qu’un Montherlant qui pourrait l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et ce que je prenais pour le
805 l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et ce que je prenais pour le ton prophétique, ne serait-ce pas plutôt une sorte de
806 ique — mais la plus belle, — ce qui tressaille et m’ atteint au vif, c’est tout de même un désespoir en quoi je ne vais pas
807 t au vif, c’est tout de même un désespoir en quoi je ne vais pas m’empêcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de
808 tout de même un désespoir en quoi je ne vais pas m’ empêcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespo
809 te de notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapproche
810 de notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochemen
811 pour nous n’est nulle part. » Nulle part, pensais- je  : le salut n’est pas là, ou là, à Rome, à Athènes, à Moscou, dans cet
812 art sur cette terre où l’orgueil des hommes croit pouvoir nous le désigner, veut nous l’imposer pour quelles fins assez basses,
813 le que Clément Vautel — et si ce nom revient sous ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parce qu’ell
814 le craindre11. Si dans un essai sur la sincérité j’ ai soutenu qu’une introspection immobile ne retient rien de la réalité
815 mobile ne retient rien de la réalité vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler des choses de la foi comme é
816 comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critique dont on voudrait que soient justicia
817 d Jaloux.) Entre un monsieur en noir : Permettez- moi de me présenter… d’ailleurs une ancienne connaissance… le Sens Critiq
818 x.) Entre un monsieur en noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs une ancienne connaissance… le Sens Critique. M
819 urs une ancienne connaissance… le Sens Critique. Moi (gêné)… Rougemont. Le Sens Critique. — Il y a un certain temps déjà
820 in temps déjà que nous ne nous sommes revus. Mais je suis vos travaux avec intérêt, et il m’a paru que depuis quelque temp
821 vus. Mais je suis vos travaux avec intérêt, et il m’ a paru que depuis quelque temps… enfin, comment dirais-je… je me suis
822 u que depuis quelque temps… enfin, comment dirais- je … je me suis dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelq
823 e depuis quelque temps… enfin, comment dirais-je… je me suis dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelque u
824 epuis quelque temps… enfin, comment dirais-je… je me suis dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelque util
825 mps… enfin, comment dirais-je… je me suis dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelque utilité… Moi. — Ah 
826 … enfin, comment dirais-je… je me suis dit que je pourrais , en quelque sorte, vous être de quelque utilité… Moi. — Ah ! oui, ou
827 en quelque sorte, vous être de quelque utilité… Moi . — Ah ! oui, oui… c’est cela, utilité,… en effet,… oui, oui, très int
828 en effet,… oui, oui, très intéressant. Seulement, mon cher Monsieur, nous n’avons pas le temps ces jours-ci, beaucoup trop
829 mer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez- moi  : submergés, absolument… Le Sens Critique. — Justement j’aurais en q
830 ergés, absolument… Le Sens Critique. — Justement j’ aurais en quelque manière la prétention… Moi. — Que voilà un singulie
831 ement j’aurais en quelque manière la prétention… Moi . — Que voilà un singulier impertinent de votre part. (Le reconduisant
832 tre part. (Le reconduisant :) Croyez, Monsieur, à mon estime la plus vive. Mais décidément nous sommes débordés, voyez vous
833 jourd’hui… Quoi ?… Bon, bon, c’est entendu, on ne peut rien faire sans vous. Mais n’oubliez pas que « l’artiste serait peu d
834  », c’est un académicien qui l’a dit. Voulez-vous me faire quelque chose là-dessus pour la Revue ? Mais plus tard, plus ta
835 hode ! (Sort le Sens Critique, un peu bousculé.) Moi . — Vous disiez, ma vie ? La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derr
836 Critique, un peu bousculé.) Moi. — Vous disiez, ma vie ? La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derrière un rideau). — 
837 s oui, la Muse, sortant de derrière un rideau). —  J’ attends votre plaisir… III Il y a des gens qui croient avoir tou
838 prit est la seule réalité. C’est pourquoi nous ne pourrons plus séparer du concept de l’esprit celui de Révolution. Et j’entends
839 er du concept de l’esprit celui de Révolution. Et j’ entends ce mot dans son sens le plus vaste. Il y a eu quatre-vingt-tre
840 à nous, dans tel domaine. Et c’est même ceci que je ne puis pardonner aux surréalistes : qu’ils aient voulu s’allier aux
841 voulu s’allier aux dogmatiques d’extrême gauche. Je ne dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli de crier merde pou
842 ous ne dites pas aussi merde pour Marx ou Lénine, je le dirai pour vous. Quand on a entrepris la Révolution au nom de l’es
843 ction du capitalisme. Est-ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer de cette manie française, la politique, et ne voyez-vous
844 ait trop à dire, et puis l’on croirait encore que je suis avec ceux qui traitent Aragon, Breton et leurs amis alternativem
845 tort, envers et contre toutes les critiques qu’on pourrait leur adresser, parce que ces « maudits » ont la grâce, parce qu’ils s
846 cher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’optimisme, tyranniques évide
847 abe, examens de conscience toujours ratés — on ne m’ y prendra plus ! — morales américaines et hygiéniques en tous genres,
848 . 11. Les livres les plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derri
849 livres les plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derrière viennen
850 ndus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derrière viennent des France et des B
44 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
851 ues tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ailleur
852 ement ivre, et Bettina lui disait à l’oreille : «  Mon chéri, si j’aime la comtesse ? Mais tu es si laid que cela me donne e
853 Bettina lui disait à l’oreille : « Mon chéri, si j’ aime la comtesse ? Mais tu es si laid que cela me donne encore plus de
854 j’aime la comtesse ? Mais tu es si laid que cela me donne encore plus de plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que
855 menade en bateau À Grego More. Il disait : «  Je suis né pour la mort. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur d
856 Et l’eau n’est pas moins somptueuse. Et bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est une question d’amitié. Pourtant je suis seul dè
857 pas bougé. C’est une question d’amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un lâche. Parce que je
858 amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un lâche. Parce que je reviens seul. Mais moi, qui regar
859 te heure, et mes amis fuiront un lâche. Parce que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme de l’autre bord, je songe q
860 fuiront un lâche. Parce que je reviens seul. Mais moi , qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à
861 eul. Mais moi, qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes dames où je préfér
862 l est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi — me rendre seul et sans argent. Je ne voula
863 es grandes dames où je préférais — et lui aussi — me rendre seul et sans argent. Je ne voulais pas le retenir, Je ne pouva
864 s — et lui aussi — me rendre seul et sans argent. Je ne voulais pas le retenir, Je ne pouvais pas le suivre. On dit de ces
865 eul et sans argent. Je ne voulais pas le retenir, Je ne pouvais pas le suivre. On dit de ces phrases. Même, on en pleure.
866 sans argent. Je ne voulais pas le retenir, Je ne pouvais pas le suivre. On dit de ces phrases. Même, on en pleure. q. Roug
45 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
867 tre prématurée. Mais le seul fait qu’elle se pose me paraît indiquer que l’un au moins des deux éléments nécessaires à ce
868 ir autour d’eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès, mais qui expliquent, me semble-t-il, pou
869 ne vais pas faire le procès, mais qui expliquent, me semble-t-il, pour une part, la dispersion des efforts artistiques. To
870 fils d’un tel père. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’il en faille gémir. Une certaine résistance est néces
871 pe. N’était certain petit plaisir d’impertinence, je me fusse dispensé de redire ces lieux communs, auxquels pourtant nos
872 N’était certain petit plaisir d’impertinence, je me fusse dispensé de redire ces lieux communs, auxquels pourtant nos cir
873 moins d’incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’ en voudra pas de ne citer ni dates de naissance, ni traits d’enfance g
874 , c’est par leurs œuvres avant tout. D’autre part je préfère la légende à l’histoire comme la peinture à la photographie.
875 t un merveilleux foyer de contagion contre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucun de ces appareils à jugeme
876 ux foyer de contagion contre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucun de ces appareils à jugements garantis q
877 rticle consacré aux jeunes artistes neuchâtelois, je vous présente Conrad Meili, un Zurichois qui nous arriva de Genève il
878 usse, à cause de sa chevelure, sans doute ! On ne pourrait pas se tromper plus. ⁂ À vrai dire j’en vois peu parmi les jeunes qui
879 On ne pourrait pas se tromper plus. ⁂ À vrai dire j’ en vois peu parmi les jeunes qui vouent tout leur amour à la peinture
880 es qui vouent tout leur amour à la peinture pure. Je crois même que, Paul Donzé touché à son tour par la grâce décorative,
881 nsinue dans toute sa palette, ce charme enfin, ce je ne sais quoi qu’on cherche en vain chez beaucoup des meilleurs de nos
882 ris une complicité de sentiments ou d’état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron, parmi ses aînés, dont on le pui
883 que Louis de Meuron, parmi ses aînés, dont on le puisse rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres de ce pays pour qui
884 ères précipitations » annonce le bulletin. Tiens, me dis-je, Bouvier va peindre. Comme peintre religieux, il se cherche en
885 écipitations » annonce le bulletin. Tiens, me dis- je , Bouvier va peindre. Comme peintre religieux, il se cherche encore. O
886 s de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’une école du gris-no
887 révélant un tempérament très rassurant. C’était, je crois, le vrai Humbert qui commençait à s’affirmer. Puis il y eut une
888 gement et d’une abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup attendre de ce tempérament qui fait jaillir
889 ge. Aurèle tient un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’il doit avoi
890 r son compte. Il a fait de la pâtisserie, mais on m’ assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre une feuill
891 de Charles Harder, qui est mort jeune, sans avoir pu donner toute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins, d’une sûreté
892 mposer. Léon Perrin a compris tout le parti qu’on pouvait tirer des principes cubistes dans un art dont la genèse même est cubi
893 r évolué vers une plus grande harmonie de lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste un heureux équ
894 non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon de style donnée par le cubisme aux artiste
895 ne part il y a des préoccupations décoratives qui pourraient aboutir peut-être à la formation d’un groupe dont l’activité serait f
46 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
896 père ajoute : « Notre sang sera vainqueur… Qu’ils m’ oublient, qu’ils me méprisent ! Je les vois régner. Je salue leur Loi.
897 re sang sera vainqueur… Qu’ils m’oublient, qu’ils me méprisent ! Je les vois régner. Je salue leur Loi. » Le récit grassem
898 inqueur… Qu’ils m’oublient, qu’ils me méprisent ! Je les vois régner. Je salue leur Loi. » Le récit grassement pittoresque
899 blient, qu’ils me méprisent ! Je les vois régner. Je salue leur Loi. » Le récit grassement pittoresque dans la description
900 t dont le profond ricanement se prolonge en nous. Je crois entendre Jacob qui se retourne, méprisant : « Mais oui, je ne n
901 re Jacob qui se retourne, méprisant : « Mais oui, je ne nie rien, je suis sans scrupules, on connaît mon orgueil : osez do
902 retourne, méprisant : « Mais oui, je ne nie rien, je suis sans scrupules, on connaît mon orgueil : osez donc me condamner
903 e ne nie rien, je suis sans scrupules, on connaît mon orgueil : osez donc me condamner d’être plus fort que cette bourgeois
904 ans scrupules, on connaît mon orgueil : osez donc me condamner d’être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suiv
905 geoisie fatiguée, et de suivre le destin que vous m’ avez assigné à force de m’humilier et de me craindre. » ah. Rougemo
906 ivre le destin que vous m’avez assigné à force de m’ humilier et de me craindre. » ah. Rougemont Denis de, « [Compte ren
907 e vous m’avez assigné à force de m’humilier et de me craindre. » ah. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Bernard Lecac
47 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
908 ’on en vient à une conception de la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout dire, vraiment ? C’est l’exigence d
909 e », c’est encore l’« élan mortel » que décrivait Mon Corps et Moi. Quand l’analyse féroce de Crevel fouille les pensées de
910 core l’« élan mortel » que décrivait Mon Corps et Moi . Quand l’analyse féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou de
911 de document humain, nuit à sa valeur littéraire. Je n’aime guère ce style abstrait, semé de redites et d’expressions tout
48 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
912 e tache de couleur, plus sentimental que cruel. «  J’ ai la beauté facile et c’est heureux. » Il y a aussi un certain tragiq
49 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
913 s le fond quelque chose de solide, d’authentique. J’ aime cette violence de redressement où je distingue bien autre chose q
914 entique. J’aime cette violence de redressement où je distingue bien autre chose que les « éclats de l’impuissance ». Un pl
915 fiquement jetés. Mais cette imperfection, s’il ne peut encore s’en tirer, du moins l’avoue-t-il avec une franchise qui la re
916 our la pureté, un « jusqu’au boutisine » qui seul peut redonner quelque vitalité à notre civilisation, — et je sais bien que
917 onner quelque vitalité à notre civilisation, — et je sais bien que c’est là un des signes de sa décadence. Il y a du chiru
50 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
918 t du pickpocket (fragment) (mai 1927)s t … et je jure par Mercure, dieu du commerce, qu’on m’a appris à voler. Aristo
919 … et je jure par Mercure, dieu du commerce, qu’on m’ a appris à voler. Aristophane (« Les Chevaliers »). Dès qu’on eut dé
920 ue l’esprit s’établit sur ses positions. Or donc, j’ avais vingt ans. Je vivais chez mes parents, comme tant d’autres à cet
921 it sur ses positions. Or donc, j’avais vingt ans. Je vivais chez mes parents, comme tant d’autres à cet âge, logé, nourri,
922 tions. Or donc, j’avais vingt ans. Je vivais chez mes parents, comme tant d’autres à cet âge, logé, nourri, blanchi, mais n
923 e, logé, nourri, blanchi, mais non point diverti. J’ étais bon, Monsieur, normalement bon. L’idée, par exemple, d’étrangler
924 par exemple, d’étrangler un chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner quelque être, même ennemi, — car ce
925 d’étrangler un chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner quelque être, même ennemi, — car celui-là je le m
926 peiner quelque être, même ennemi, — car celui-là je le méprisais trop sincèrement. » Vers cette époque, une femme me rega
927 trop sincèrement. » Vers cette époque, une femme me regarda longuement. » Mes parents me savaient vierge et c’était la jo
928 cette époque, une femme me regarda longuement. » Mes parents me savaient vierge et c’était la joie de leur vie, car ils ai
929 e, une femme me regarda longuement. » Mes parents me savaient vierge et c’était la joie de leur vie, car ils aimaient en m
930 c’était la joie de leur vie, car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leur devais. Pourtant, je ne détourna
931 ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leur devais. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux de cette
932 essus tout la vertu que je leur devais. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’elle ne
933 que je leur devais. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de
934 tte femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi . Un soir qu’elle pleurait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heur
935 ouffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heure, je connaissais l’amour dans
936 ait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heure, je connaissais l’amour dans ce qu’il a de plus étrangement prosaïque à l
937 scendait dans la ville, on marchait dans le bleu. Je sortis avec cette femme, qui m’aimait, et nous étions très jolis de b
938 ait dans le bleu. Je sortis avec cette femme, qui m’ aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’insouciance dans le
939 ouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de ses lèvres sans une parole
940 son. — Au soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de ses lèvres sans une parole quand je vins lui souhaiter le bo
941 ura mon front de ses lèvres sans une parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le lendemain, ses cheveux avaient légè
942 emain, ses cheveux avaient légèrement blanchi. Il me regardait avec une terreur ou je crus distinguer je ne sais quelle dé
943 ment blanchi. Il me regardait avec une terreur ou je crus distinguer je ne sais quelle déchirante nostalgie. Pour lui, san
944 regardait avec une terreur ou je crus distinguer je ne sais quelle déchirante nostalgie. Pour lui, sans doute, j’étais pe
945 uelle déchirante nostalgie. Pour lui, sans doute, j’ étais perdu. Mais il souffrait d’autre chose encore : il se savait vie
946 chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je songeais justement à un sourire de mon amie quand il voulut m’adresse
947 intenant. » Je songeais justement à un sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un silence vertigineu
948 ustement à un sourire de mon amie quand il voulut m’ adresser la parole après un silence vertigineux. Il vit mon sourire et
949 er la parole après un silence vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara de mon corps tout entier,
950 mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte et courus dans
951 Alors une rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte et courus dans ma chambre. Une demi-
952 e criai un juron, claquai la porte et courus dans ma chambre. Une demi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un m
953 courus dans ma chambre. Une demi-heure plus tard, j’ étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit e
954 bre. Une demi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’ écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans u
955 d, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il
956 ivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce fut celle de
957 advint que ce fut celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’articles sur la mode et la politique, que j
958 celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! —  Je vécus d’articles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers
959 vécus d’articles sur la mode et la politique, que j’ envoyais à divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien de mon pa
960 ers journaux. Un jour, parcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon nom en grosses le
961 . Un jour, parcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon nom en grosses lettres : c’é
962 rcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon nom en grosses lettres : c’était l’annonce
963 n de mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon nom en grosses lettres : c’était l’annonce du décès de mon pè
964 n pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon nom en grosses lettres : c’était l’annonce du décès de mon père. » J’
965 n grosses lettres : c’était l’annonce du décès de mon père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une brise
966 ttres : c’était l’annonce du décès de mon père. » J’ étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une brise passa, et
967 rise passa, et une femme en robe bleue légère qui me regarda un instant, si doucement… Je me levai sans payer, je partis p
968 e légère qui me regarda un instant, si doucement… Je me levai sans payer, je partis par les rues, une joie violente commen
969 égère qui me regarda un instant, si doucement… Je me levai sans payer, je partis par les rues, une joie violente commençai
970 un instant, si doucement… Je me levai sans payer, je partis par les rues, une joie violente commençait à m’envahir, contre
971 rtis par les rues, une joie violente commençait à m’ envahir, contre laquelle je luttais obscurément pour augmenter ma volu
972 violente commençait à m’envahir, contre laquelle je luttais obscurément pour augmenter ma volupté. Bientôt je ne pus me t
973 re laquelle je luttais obscurément pour augmenter ma volupté. Bientôt je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans un é
974 is obscurément pour augmenter ma volupté. Bientôt je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans un établissement luxueux
975 curément pour augmenter ma volupté. Bientôt je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’où s
976 ment pour augmenter ma volupté. Bientôt je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’où sort
977 olupté. Bientôt je ne pus me tenir de chantonner. J’ entrai dans un établissement luxueux d’où sortaient à chaque tour du t
978 eflétaient de nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ ouvris firent tourner des soleils sur les parois claires. Du balcon, o
979 avenir de bonheur fiévreux — celui justement que j’ entrevoyais. » Quand elle se fut endormie, je me rhabillai. Je ne trou
980 que j’entrevoyais. » Quand elle se fut endormie, je me rhabillai. Je ne trouvai que 100 francs dans son sac à main : c’ét
981 e j’entrevoyais. » Quand elle se fut endormie, je me rhabillai. Je ne trouvai que 100 francs dans son sac à main : c’était
982 s. » Quand elle se fut endormie, je me rhabillai. Je ne trouvai que 100 francs dans son sac à main : c’était assez pour me
983 0 francs dans son sac à main : c’était assez pour me permettre d’entreprendre quelques beaux vols… » Dès lors, je vécus, c
984 e d’entreprendre quelques beaux vols… » Dès lors, je vécus, comme vous me voyez vivre encore, dans un état de sincérité pe
985 ques beaux vols… » Dès lors, je vécus, comme vous me voyez vivre encore, dans un état de sincérité perpétuelle envers tous
986 dans un état de sincérité perpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec un enthousiasme juvénile, c’est-à-dire cyniqu
987 ffres du hasard, ce poète immoral et malicieux. » Je ne sais dans quel rapide de l’Europe centrale — région où l’on est fo
988 ’on est forcé de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de m’endormir, que ma passion du vol n’
989 de soi-même — je découvris une nuit, au moment de m’ endormir, que ma passion du vol n’était qu’une longue vengeance. Ne m’
990 découvris une nuit, au moment de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’une longue vengeance. Ne m’avait-on pas dér
991 assion du vol n’était qu’une longue vengeance. Ne m’ avait-on pas dérobé des années de joie au profit d’une vertu que tout
992 années de joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le ressort secret de la vert
993 d’une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le ressort secret de la vertu dans laquelle on m’ava
994 ue le ressort secret de la vertu dans laquelle on m’ avait emprisonné c’était un bas opportunisme social, résultante des pa
995 lles filles, sans capitalistes et sans gendarmes. Je sais bien ce que vous me direz : Les millions que je pourrais leur so
996 istes et sans gendarmes. Je sais bien ce que vous me direz : Les millions que je pourrais leur soustraire ne compenseront
997 sais bien ce que vous me direz : Les millions que je pourrais leur soustraire ne compenseront jamais cette escroquerie mor
998 s bien ce que vous me direz : Les millions que je pourrais leur soustraire ne compenseront jamais cette escroquerie morale dont
999 compenseront jamais cette escroquerie morale dont je fus la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Ma
1000 la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsieur, pour critiquer les modalit
1001 p tard, Monsieur, pour critiquer les modalités de ma vengeance. Veuillez ne voir dans la confusion où je parais être engag
1002 vengeance. Veuillez ne voir dans la confusion où je parais être engagé, du plan moral avec l’économique, qu’une expressio
1003 e expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes d
1004 avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que j’ édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis graver : Prêté — re
1005 uit du vol d’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis graver : Prêté — rendu, pour la
1006 que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire de l’Église. (Ici, il but
1007 ise. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hô
1008 ous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelque
1009 eepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’amuse à jouer le pickpocket. Cela permet, avec un minimum d’adresse
1010 ings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’ amuse à jouer le pickpocket. Cela permet, avec un minimum d’adresse, d
1011 , croyez-le bien… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus généralement répandus, j’ai
1012 plus vulgaires et des plus généralement répandus, j’ ai vite fait de classer mon monde d’après les quelques réactions éléme
1013 généralement répandus, j’ai vite fait de classer mon monde d’après les quelques réactions élémentaires qui ne manquent jam
1014 ne manquent jamais de succéder au moindre vol. » J’ ajouterai, cher Monsieur, que l’analyse psychologique n’est pas mon fo
1015 r Monsieur, que l’analyse psychologique n’est pas mon fort. Je me contente de quelques observations théoriques que je tiens
1016 , que l’analyse psychologique n’est pas mon fort. Je me contente de quelques observations théoriques que je tiens pour vra
1017 ue l’analyse psychologique n’est pas mon fort. Je me contente de quelques observations théoriques que je tiens pour vraies
1018 contente de quelques observations théoriques que je tiens pour vraies, et j’en vérifie les manifestations vivantes avec u
1019 ervations théoriques que je tiens pour vraies, et j’ en vérifie les manifestations vivantes avec une prodigalité d’épreuves
1020 ves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où je vois le véritable intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule une ce
1021 et enjolivures où je vois le véritable intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement na
1022 eule une certaine caresse de l’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaque minute auquel succède i
1023 taine caresse de l’événement naissant peut encore m’ émouvoir. C’est un plaisir de chaque minute auquel succède immédiateme
1024 e minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je rêve beaucoup. Cela explique, m’a-t-on dit, le peu de goût que j’ai p
1025 ment le sommeil. Je rêve beaucoup. Cela explique, m’ a-t-on dit, le peu de goût que j’ai pour la poésie imprimée. » J’allai
1026 . Cela explique, m’a-t-on dit, le peu de goût que j’ ai pour la poésie imprimée. » J’allais oublier de vous dire qu’on me n
1027 e peu de goût que j’ai pour la poésie imprimée. » J’ allais oublier de vous dire qu’on me nomme Saint-Julien. Vous n’ignore
1028 e imprimée. » J’allais oublier de vous dire qu’on me nomme Saint-Julien. Vous n’ignorez point que l’on considère ce saint
1029 l’agacer en maint endroit. « Une chose avant tout me frappe — dit-il, lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est de
1030 ie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’ apparaît comme un divertissement perpétuel et dénué d’inquiétude. Et c
1031 uel et dénué d’inquiétude. Et cela n’est pas sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin, si je suis ici à vous écouter, c’est
1032 iétude. Et cela n’est pas sans me charmer, croyez- moi . Car, enfin, si je suis ici à vous écouter, c’est que je cherche ce q
1033 t pas sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin, si je suis ici à vous écouter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’
1034 , enfin, si je suis ici à vous écouter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de l’e
1035 ourdeur de l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les con
1036 ne règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle pa
1037 t impliquer, c’est ce caractère de, comment dirai- je …, de juvénile insouciance, pour ne pas dire inconscience ! qui s’atta
1038 n actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit Saint-Julien, par pitié pour Isidore dont l
1039 l paraissait lui-même gêné. En deux mots, vous ne me trouvez pas sérieux. Le reproche est grave. Je ne saurais y répondre.
1040 ne me trouvez pas sérieux. Le reproche est grave. Je ne saurais y répondre. Je pourrais vous dire que si vous me trouvez u
1041 Le reproche est grave. Je ne saurais y répondre. Je pourrais vous dire que si vous me trouvez un peu potache, il n’est pa
1042 reproche est grave. Je ne saurais y répondre. Je pourrais vous dire que si vous me trouvez un peu potache, il n’est pas prouvé
1043 ais y répondre. Je pourrais vous dire que si vous me trouvez un peu potache, il n’est pas prouvé par là que le potache n’a
1044 que le potache n’ait point raison. Mais justement je n’éprouve aucun désir d’avoir raison. Je sens aussi bien que vous ce
1045 ustement je n’éprouve aucun désir d’avoir raison. Je sens aussi bien que vous ce que mes principes peuvent avoir de « bien
1046 ’avoir raison. Je sens aussi bien que vous ce que mes principes peuvent avoir de « bien jeune », de banal presque, et, pis,
1047 Je sens aussi bien que vous ce que mes principes peuvent avoir de « bien jeune », de banal presque, et, pis, d’agréablement pa
1048 our quiconque est aussi profondément persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre ge
1049 apprendrez-vous à découvrir derrière certaines de mes plaisanteries la dérision secrète qu’elles masquent par caprice. ....
51 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
1050 vous n’aviez pas lu ce livre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais un devoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’e
52 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
1051 e (juillet 1927)v I Parler littérature Si je prononce le nom de tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… 
1052 Si je prononce le nom de tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge ; et sur moi les foudres de
1053 is : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge ; et sur moi les foudres de votre paradis poétique. Si je cite tel auteur dont nou
1054 sur moi les foudres de votre paradis poétique. Si je cite tel auteur dont nous fîmes notre nourriture une saison de naguèr
1055 re. Alors, quelque paysan du Danube survenant : — Je vous croyais écrivain ? — Hélas ! soupirez-vous. Mais j’ai tué la lit
1056 croyais écrivain ? — Hélas ! soupirez-vous. Mais j’ ai tué la littérature en moi, n’en parlez plus, j’en sors, je l’abando
1057  ! soupirez-vous. Mais j’ai tué la littérature en moi , n’en parlez plus, j’en sors, je l’abandonne… Mais notre paysan, rusé
1058 j’ai tué la littérature en moi, n’en parlez plus, j’ en sors, je l’abandonne… Mais notre paysan, rusé : — Vous l’abandonnez
1059 littérature en moi, n’en parlez plus, j’en sors, je l’abandonne… Mais notre paysan, rusé : — Vous l’abandonnez ? Pour quo
1060 ous l’abandonnez ? Pour quoi ? — Pour la vie ! Or je pense, à part moi : j’ai lu ça quelque part. Voyez ma franchise. Un p
1061 ? Pour quoi ? — Pour la vie ! Or je pense, à part moi  : j’ai lu ça quelque part. Voyez ma franchise. Un peu grosse, n’est-c
1062 quoi ? — Pour la vie ! Or je pense, à part moi : j’ ai lu ça quelque part. Voyez ma franchise. Un peu grosse, n’est-ce pas
1063 ense, à part moi : j’ai lu ça quelque part. Voyez ma franchise. Un peu grosse, n’est-ce pas ? D’autres prennent soin que l
1064 ’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous suis. Vous y entrez plein de mépris pour Paul Morand par qui déc
1065 sa gueule de bois pour en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre indignation, quand il m’échappe une cita
1066 herche les raisons de votre indignation, quand il m’ échappe une citation. Seraient-ce les guillemets qui vous choquent ?  
1067 La vie ! — proclamiez-vous… Soit. Mais maintenant je vais me fâcher chaque fois que vous direz : « extravagant », « invrai
1068 — proclamiez-vous… Soit. Mais maintenant je vais me fâcher chaque fois que vous direz : « extravagant », « invraisemblabl
1069 rd’hui de la simplicité. Littérateur, va ! qui ne pouvez pas même admettre que la simplicité est simple simplement. La bouche
1070 oût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas faire que nous n’ayons rien lu. Vous refusez de compter avec cett
1071 atitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois envahi par des démons que vous prétendez m’interdire de nom
1072 ous vois envahi par des démons que vous prétendez m’ interdire de nommer. Mais moi je partage avec certains Orientaux cette
1073 ns que vous prétendez m’interdire de nommer. Mais moi je partage avec certains Orientaux cette croyance : nommer une chose,
1074 ue vous prétendez m’interdire de nommer. Mais moi je partage avec certains Orientaux cette croyance : nommer une chose, c’
1075 r puissance sur elle. Images, pensées des autres, je vous ai mis un collier avec le nom du propriétaire ; tirez un peu sur
1076 du propriétaire ; tirez un peu sur la laisse, que j’ éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes. Vo
1077 un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes. Vous n’allez pas me surpre
1078 r la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes. Vous n’allez pas me surprendre par-
1079 e j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes. Vous n’allez pas me surprendre par-derrière. Une f
1080 ous tiens. Je sais où vous êtes. Vous n’allez pas me surprendre par-derrière. Une fois — et ce n’est pas que je m’en vante
1081 ndre par-derrière. Une fois — et ce n’est pas que je m’en vante, — j’ai tué un amour naissant, à force de le crier sur les
1082 e par-derrière. Une fois — et ce n’est pas que je m’ en vante, — j’ai tué un amour naissant, à force de le crier sur les to
1083 . Une fois — et ce n’est pas que je m’en vante, —  j’ ai tué un amour naissant, à force de le crier sur les toits. Ainsi, pa
1084 , parler littérature, c’est faire la part du feu. Je dis ces noms, ces opinions, ces titres de livres : tout cela jaillit,
1085 cela jaillit, s’entrechoque, s’annule. Poussière. Ma vie est ailleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir
1086 ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette attente également exagérés. Vous
1087 attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette attente également exagérés. Vous savez bien
1088 c’est-à-dire agissantes, que nulle poésie même ne peut dire, parce que rien de ce qui nous importe véritablement n’est dicib
1089 exprimer ; depuis le temps qu’on l’oublie.) Vous me direz que la poésie, l’état poétique, est notre seul moyen de connais
1090 e la publier. Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si elle était réalisée, on ne s’en apercevrait pas. Je p
1091 elle était réalisée, on ne s’en apercevrait pas. Je pressens encore dans vos poèmes les plus obscurs des allusions furtiv
1092 esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous importent. Vous le savez. Alors vous
1093 ur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de nous battre co
1094 ger sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J’ avoue prendre à cette étude un intérêt bien vif. Et cela fournit un me
1095 II Sur l’utilité de la littérature Montherlant me paraît être le moins « littératuré » des écrivains d’aujourd’hui. Qua
1096 tient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que je n’y éch
1097 los de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que je n’y échapperai pas plus
1098 isse vivre de ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’ affirme que je n’y échapperai pas plus qu’un autre : et qu’un beau soi
1099 ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que je n’y échapperai pas plus qu’un autre : et qu’un beau soir il faille éc
1100 e pour écrire16. De tous les prétextes que l’on a pu avancer pour légitimer l’activité littéraire, le plus satisfaisant, c
1101 es douloureuses ou grossières de tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent y voir que révoltes contre leurs morales, ou menaces po
1102 e le plus certain par lequel ces « quelques-uns » peuvent encore se reconnaître. Quand bien même elle n’aurait plus d’autre exc
1103 culeuses.   Voici donc les seules révélations que j’ attende de la littérature : que celle des autres m’aide à prendre cons
1104 ’attende de la littérature : que celle des autres m’ aide à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide à découvr
1105 à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’ aide à découvrir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus de mép
1106 onde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ ai défini une « maladie » dont je parviens à tirer quelque bien pour m
1107 ni d’adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à tirer quelque bien pour ma vie. Le jour où les soins qu’el
1108 adie » dont je parviens à tirer quelque bien pour ma vie. Le jour où les soins qu’elle exige me coûteront des sacrifices p
1109 n pour ma vie. Le jour où les soins qu’elle exige me coûteront des sacrifices plus grands que les bienfaits que j’en escom
1110 des sacrifices plus grands que les bienfaits que j’ en escompte, il sera temps de songer sérieusement à m’en guérir. Vous
1111 escompte, il sera temps de songer sérieusement à m’ en guérir. Vous me demanderez « alors » ce que j’attends de ma vie. Je
1112 temps de songer sérieusement à m’en guérir. Vous me demanderez « alors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de v
1113 m’en guérir. Vous me demanderez « alors » ce que j’ attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathi
1114 Vous me demanderez « alors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philippe
1115 demanderez « alors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philippe Soupault
1116 ès belle histoire ». (Et vous verriez à quoi cela peut servir, une citation.) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me pren
1117 citation.) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, allons ailleur
1118 ur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’ en vois certains qui arrangent leur vie de telle sorte que leurs mémoi
53 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
1119 rement et pour elle-même. Nous regrettons de n’en pouvoir citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu : « On voit
54 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
1120 e l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un jeune homme moins grave et qui manifeste franchement sa
1121 pe pas. Deux ou trois mots, on s’est compris. Que pouvions -nous espérer d’autre ? Il y eut quelques découvertes qui nous consolè
55 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
1122 danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de son ami suicidé pour une fem
1123 une étrangère dont on rêve à 15 ans ; et voici ce je ne sais quoi, ce délice furtif, ce que l’auteur lui-même appelle « ce
1124 ire, intermittente, un peu émiettée, éventée, que je trouve dans une ancienne réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. Vaud
56 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
1125 œuvre, qui est peut-être plus vraie que le vrai, je veux dire, plus rilkienne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme un
1126 u nom d’une science ou au nom de l’esprit. « Pour moi qui aime plus que tout la poésie, écrit Jaloux, aussitôt que je vis R
1127 us que tout la poésie, écrit Jaloux, aussitôt que je vis Rilke, je compris que cet univers dont je rêvais n’était pas un o
1128 poésie, écrit Jaloux, aussitôt que je vis Rilke, je compris que cet univers dont je rêvais n’était pas un objet de songe
1129 que je vis Rilke, je compris que cet univers dont je rêvais n’était pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais une te
1130 is d’expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres pour qui elle est en somm
1131 ce ». Mais une telle « expérience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres pour qui elle est en somme inutile : par
57 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
1132 « fatale », « si arbitraire et si facultative », je me dis qu’il n’en saurait être autrement tant qu’on se tient à cette
1133 fatale », « si arbitraire et si facultative », je me dis qu’il n’en saurait être autrement tant qu’on se tient à cette att
58 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
1134 ciles mais cela même ne manque pas de naturel… On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse plus organique du
59 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1135 On a trop dit que notre époque est chaotique. Je crois bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu de période où
1136 . Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant de regarde
1137 ’en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Ford comme un symbole du monde moderne, et le meilleur,
1138 en lui son incarnation la plus parfaite. Qu’on ne m’ accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l
1139 on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je prends pour la juger ce que
1140 bjet de ma critique pour faciliter l’accusation : je prends pour la juger ce que l’époque m’offre de mieux réussi. Voici l
1141 usation : je prends pour la juger ce que l’époque m’ offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte da
1142 Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à joue
1143 ie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des
1144 outière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’ aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma grande et co
1145 us cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine ro
1146 le progrès de sa production, d’année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des milliards qu’il possède, ou plutôt q
1147 dustriel du monde ; le plus riche, au point qu’il peut parler d’égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aussi. S
1148 lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté.
1149 classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on aj
1150 nry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t-il, en souhaitant que les industriels europé
1151 Mais à quoi ? C’est la plus grave question qu’on puisse poser à notre temps. II. M. Ford a ses idées, ou la philosophie de
1152 netteté et cette décision qu’une passion contenue peut donner à l’homme d’action. Enfin, le voici en mesure de produire des
1153 re des quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’intérêt de la production, il faut
1154 la répétition, on fait croire aux gens qu’ils ne peuvent plus vivre heureux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La passion de F
1155 utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les sophismes plus ou moins conscients par lesquels il préten
1156 t. La tromperie est préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’est pas que l’industriel ait forcé (psychologiquement) le cli
1157 la va bien plus profond, cette tromperie-là. Elle peut amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain, par
1158 comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford relâche le
1159 réer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais la nature humaine a des limites. Et
1160 t le temps approche où elles seront atteintes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et de l’av
1161 cient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peut très bien envahir u
1162 ts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peut très bien envahir un cerveau m
1163 mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peut très bien envahir un cerveau moderne au point d’en exclure toute cons
1164 soins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom philosophique : c’est au pl
1165 rs, voici des déclarations plus nettes encore : «  Je ne considère pas les machines Ford simplement comme des machines. J’y
1166 les machines Ford simplement comme des machines. J’ y vois la réalisation concrète d’une théorie qui tend à faire de ce mo
1167 e salut par l’auto. Philosophie réclame. « Ce que j’ ai à cœur, aujourd’hui, c’est de démontrer que les idées mises en prat
1168 ale aux plus grands esprits de tous les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosopher. Je le veux. Mais si
1169 dira que Ford a mieux à faire que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées », c’est pour souli
1170 x à faire que de philosopher. Je le veux. Mais si j’ insiste un peu sur ses « idées », c’est pour souligner ce hiatus étran
1171 pour souligner ce hiatus étrange : l’homme qu’on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un de ceux qui influent le plus sur
1172 ourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée d’une catastrophe
1173 plus difficile et la plus grave : celle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « rien de no
1174 ela ratait, on gardait toutes les autres chances. J’ accorderai que le progrès matériel n’est pas mauvais en soi. Mais par
1175 rit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous savons assez en quel mépris l’homm
1176 t ira bien. (On pense que les formes de la morale peuvent exister sans leur substance religieuse.) L’homme moderne manie les ch
1177 ns religieux, cosmique, de l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le monde, lui attribuer sa vér
1178 que a révélé des exigences telles que l’Esprit ne peut les supporter. Il abandonne donc la place, mais c’est pourtant lui se
1179 ésirer. 2° Accepter l’esprit, et ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibilité spirituelle dev
1180 re grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes privilégiées de l’esprit : fortunes oisives ou mi
1181 is possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’une at
1182 ouvez servir Dieu et Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’une attitude réactionnaire qui consisterait à vouloir
1183 es termes avec netteté et courage. Pour le reste, je pense que c’est une question de foi. 1. Une enquête faite à Genève
1184 que les livres les plus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vau
1185 ivres les plus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans l
1186 grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de langue alle
1187 s est encore plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford,
1188 mérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œuvre, Paris, Payot, 1925. 3. L’Illustration, 20 novembr
1189 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œuvre, Paris, Payot, 1925. 3. L’Illustration, 20 novembre 1926. 4.
60 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
1190 À Pierre Jeanneret et à son étoile nervalienne. Je vins à Vienne pour fuir l’Amérique. Mais les Viennois avaient fui dan
1191 assez de passants pour qu’on la sentît déserte ne me proposait qu’une frileuse nostalgie. Mais qui fallait-il accuser de c
1192 cuser de cette duperie, qui rendre responsable de ma déception, sinon moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’un d
1193 ndre responsable de ma déception, sinon moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’un désir vraiment pur parvient tou
1194 sponsable de ma déception, sinon moi-même, me dis- je bientôt. Car je professe qu’un désir vraiment pur parvient toujours à
1195 déception, sinon moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’un désir vraiment pur parvient toujours à créer son objet
1196 es. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’ avais d’un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compr
1197 rtaine idée que j’avais d’un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’o
1198 à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’Hoffmann. Je comprends aujourd’hui le lien qui unissait dans mon esprit Vienne et
1199 e comprends aujourd’hui le lien qui unissait dans mon esprit Vienne et Hoffmann : c’était le souvenir de Gérard de Nerval.
1200 n : c’était le souvenir de Gérard de Nerval. Mais je pense que je n’avais même pas prononcé intérieurement ce nom lorsque
1201 e souvenir de Gérard de Nerval. Mais je pense que je n’avais même pas prononcé intérieurement ce nom lorsque je m’assis da
1202 s même pas prononcé intérieurement ce nom lorsque je m’assis dans l’ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé de me trouv
1203 ême pas prononcé intérieurement ce nom lorsque je m’ assis dans l’ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé de me trouver
1204 s l’ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’on attend dans ce
1205 ces, une fois de plus manquait le rendez-vous que j’ avais demandé au hasard d’arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’e
1206 . Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’une fanfare milit
1207 t patriotes au son d’une fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’un monde que suscite en moi seul peut-être cett
1208 atriotes au son d’une fanfare militaire, ainsi je m’ abandonne au rêve d’un monde que suscite en moi seul peut-être cette p
1209 je m’abandonne au rêve d’un monde que suscite en moi seul peut-être cette plainte heureuse des violons. Le diable sort des
1210 aturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je comprends mal. Je me penche vers un voisin pour lui demander je ne sa
1211 cela chanté dans une langue que je comprends mal. Je me penche vers un voisin pour lui demander je ne sais plus quoi. Mais
1212 a chanté dans une langue que je comprends mal. Je me penche vers un voisin pour lui demander je ne sais plus quoi. Mais sa
1213 al. Je me penche vers un voisin pour lui demander je ne sais plus quoi. Mais sans doute évadé dans son rêve, beaucoup plus
1214 doute évadé dans son rêve, beaucoup plus loin que moi , il n’entend pas ma question. L’envie me prend d’aller le rejoindre.
1215 rêve, beaucoup plus loin que moi, il n’entend pas ma question. L’envie me prend d’aller le rejoindre. Me voici tout abando
1216 oin que moi, il n’entend pas ma question. L’envie me prend d’aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’u
1217 question. L’envie me prend d’aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’un amour tragiquement mêlé à des
1218 orme blanche, sous un brusque faisceau de lumière m’ apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens voluptueusement
1219 ceau de lumière m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige de te revoir,
1220 ière m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige de te revoir, vertige de
1221 e m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige de te revoir, vertige de te
1222 ’est toi, parce que c’est bien toi de nouveau qui m’ appelles et qui vas me quitter… — C’est une chose singulière, prononce
1223 est bien toi de nouveau qui m’appelles et qui vas me quitter… — C’est une chose singulière, prononce une voix, à côté de m
1224 ne chose singulière, prononce une voix, à côté de moi , c’est une chose singulière que le pouvoir de cette musique. Voici qu
1225 à côté de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre… Mon vo
1226 que. Voici que vous êtes tout près de comprendre… Mon voisin avait parlé tout haut ; personne pourtant ne se détournait. Co
1227 aut ; personne pourtant ne se détournait. Comment pouvais -je être le seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul
1228 rsonne pourtant ne se détournait. Comment pouvais- je être le seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul vo
1229 vais-je être le seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez d’atteindre au monde des êtres vérit
1230 des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous me voyez parce que vous comprenez certaines choses par votre souffrance…
1231 scène, un reflet balaya le parterre, le visage de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis que
1232 eflet balaya le parterre, le visage de mon voisin m’ apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis que je l’avai
1233 m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait une cape bleu sombre,
1234 le dans son collier de barbe noire. Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode de 1
1235 leu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance très moderne. Il n’y avait dans toute sa per
1236 s toute sa personne rien de positivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit d’immatériel. D’aille
1237 ue ce soit d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’ avait jeté la première reconnaissance empêcha ma raison d’intervenir e
1238 ù m’avait jeté la première reconnaissance empêcha ma raison d’intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris
1239 mpêcha ma raison d’intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes et d
1240 son d’intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes et d’évidences opa
1241 es. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi , sans nous être rien dit d’autre, comme des amis qui se connaissent d
1242 ameux homard enrubanné. « Cela vexe les Viennois, me dit-il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer de leurs petits
1243 is, me dit-il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. » Il
1244 açon de me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. » Il y avait peu de monde dans les rues. Des je
1245 p s’amuser. — Ceci du moins n’a guère changé, dis- je , songeant aux Amours de Vienne. — Certes, répondit Gérard, malgré les
1246 eur de l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que je comprends assez bien, ajouta-t-il, mais pour d’autres raisons qu’eux,
1247 nature et par attitude, des gens fatigués. — Pour moi , dit Gérard, je situe l’amour dans un monde où la question fidélité o
1248 itude, des gens fatigués. — Pour moi, dit Gérard, je situe l’amour dans un monde où la question fidélité ou inconstance ne
1249 té ou inconstance ne se pose plus. Vous le savez, je n’ai aimé qu’une femme — au plus deux, en y réfléchissant bien, mais
1250 deux attributs différents. Toutes les femmes qui m’ ont retenu un instant, c’était parce qu’elles évoquaient cet amour, c’
1251 qu’elles évoquaient cet amour, c’était parce que je découvrais en elles de secrètes ressemblances, qui pour d’autres para
1252 lle n’était qu’un regard, un certain regard, mais j’ ai su en retrouver la sensation jusque dans les choses — et c’est cela
1253 ’est cela seul qui donna un sens au monde. — Mais je bavarde, je philosophe, et vous allez me dire que c’est trop facile p
1254 ul qui donna un sens au monde. — Mais je bavarde, je philosophe, et vous allez me dire que c’est trop facile pour un homme
1255 . — Mais je bavarde, je philosophe, et vous allez me dire que c’est trop facile pour un homme retiré du monde depuis si lo
1256 vrons-nous plutôt à une petite malice dont l’idée me vient à la vue de cette vendeuse de fleurs. C’était la petite bossue
1257 héo nommaient « biondo et grassotto », et qu’avec mes amis nous devions baptiser en style viennois « Mehlspeis-Schlagobers 
1258 t que de prendre des femmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nous allons nous ennuyer terriblement. Du moins, m
1259 nous allons nous ennuyer terriblement. Du moins, moi . Pour vous, c’est différent, vous êtes moderne, vous vous contentez p
1260 ux de plaisir — autre façon de parler. On dit que j’ ai vécu d’illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure quali
1261 chercher ici avec le premier être venu. — Certes, je comprends que l’Europe est en décadence quand je la regarde s’amuser.
1262 je comprends que l’Europe est en décadence quand je la regarde s’amuser. Je vois se perdre ce sens des correspondances se
1263 pe est en décadence quand je la regarde s’amuser. Je vois se perdre ce sens des correspondances secrètes et spontanées du
1264 s grossièrement que des barbares, ils s’imaginent pouvoir faire une place dans leur vie aux “divertissements” entre 10 heures d
1265 be mauve, avec tant de gravité et de détachement. Je viens souvent la regarder, à cause de la noblesse de sa danse. Je la
1266 la regarder, à cause de la noblesse de sa danse. Je la nomme Clarissa, parce que cela lui va. Mais comme c’est odieux qu’
1267 qu’avec un sentiment religieux de la beauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend plus rien. » Des bu
1268 mbre de cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but. Vous savez, je lance mes filets dans l’eau des
1269 us douce à mes vagabondages sans but. Vous savez, je lance mes filets dans l’eau des nuits, et quelquefois j’en ramène des
1270 à mes vagabondages sans but. Vous savez, je lance mes filets dans l’eau des nuits, et quelquefois j’en ramène des animaux a
1271 e mes filets dans l’eau des nuits, et quelquefois j’ en ramène des animaux aux yeux bizarres où je sais lire les signes. »
1272 fois j’en ramène des animaux aux yeux bizarres où je sais lire les signes. » Comme je ne répondais rien : « Avez-vous somm
1273 yeux bizarres où je sais lire les signes. » Comme je ne répondais rien : « Avez-vous sommeil ? demanda-t-il. Moi pas. D’ai
1274 ondais rien : « Avez-vous sommeil ? demanda-t-il. Moi pas. D’ailleurs j’ai oublié mes clefs il y a très, très longtemps… Et
1275 -vous sommeil ? demanda-t-il. Moi pas. D’ailleurs j’ ai oublié mes clefs il y a très, très longtemps… Et pas de Lune ce soi
1276 l ? demanda-t-il. Moi pas. D’ailleurs j’ai oublié mes clefs il y a très, très longtemps… Et pas de Lune ce soir, il serait
1277 erait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire et blanche. » Je ressentis quelque
1278 il prononça : « La nuit sera noire et blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe de cette phrase célèbre. Ensuite,
1279 motion à l’ouïe de cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs de se répéter, et que c’était la pr
1280 ctavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur d’images, — ce serait la gravité énigmatique d’
1281 rai drame de son destin est ailleurs. Il se met à m’ expliquer des signes, des généalogies étourdissantes qui commencent à
1282 l leur devine avec la réalité extra-terrestre. Il m’ enseigne que la passion seule, par la souffrance qu’elle entraîne, nou
1283 sme et son exaltation. Il semble se rapprocher de moi . Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que pour n
1284 on exaltation. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos sava
1285 u’il y a sous le soleil, et même ailleurs. Croyez- moi , ce qu’il faudrait écrire, c’est une Vie simultanée de Gérard, qui ti
1286 e à chaque instant, le homard se réveilla. Gérard m’ expliqua qu’il en était ainsi chaque nuit, que l’animal devenait nerve
1287 nt d’un œil las, trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en
1288 d’un œil las, trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en cr
1289 nt pour des baise-mains silencieux et mécaniques. Je reconnus des princes aux faces maigres qui ressemblaient terriblement
1290 ré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apaisée, je m’aperçus que j’étais seul. Une dernière auto, extraordinairement sil
1291 : Marie Pleyel. Quand la place se fut apaisée, je m’ aperçus que j’étais seul. Une dernière auto, extraordinairement silenc
1292 . Quand la place se fut apaisée, je m’aperçus que j’ étais seul. Une dernière auto, extraordinairement silencieuse, absolum
1293 t silencieuse, absolument silencieuse fila devant moi  ; je reconnus la voiture de la femme aux bandeaux noirs. Mais les rid
1294 ncieuse, absolument silencieuse fila devant moi ; je reconnus la voiture de la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux
1295 matin, des triporteurs passèrent à toute vitesse, m’ éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debou
1296 boussant de neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose comme « pâtisserie-crème fouettée
61 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
1297 logue ? Laisserons-nous Jules Verne aux enfants ? J’ allais oublier que la littérature enfantine est le dernier bateau. Pou
1298 est le dernier bateau. Pour ce coup, voilà qui ne m’ empêchera pas d’y monter, il suffit que cet obsédant capitaine Nemo so
1299 ffit que cet obsédant capitaine Nemo soit à bord, je soupçonne que ce bateau n’est autre que La Liberté. ar. Rougemont
62 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
1300 seul talent de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admire autant le talent de celui qui mène 6
1301 i le rendrait digne à mes yeux, de considération. J’ admire autant le talent de celui qui mène 60 parties d’échecs simultan
1302 arties d’échecs simultanément, et c’est naturel : je m’en avoue plus éloigné et m’en sais plus dépourvu si possible. Je ne
1303 ies d’échecs simultanément, et c’est naturel : je m’ en avoue plus éloigné et m’en sais plus dépourvu si possible. Je ne de
1304 et c’est naturel : je m’en avoue plus éloigné et m’ en sais plus dépourvu si possible. Je ne demande aux écrivains que des
1305 s éloigné et m’en sais plus dépourvu si possible. Je ne demande aux écrivains que des révélations, ou mieux, qu’ils les fa
1306 ait vraiment donné quelque chose. C’est pourquoi j’ ai lu ce livre, malgré son premier chapitre, variation sur un mot bien
1307 itte à renaître heureusement) sur des gens qui ne m’ intéressent pas ou bien qui ne sont pas atteints par ces épithètes drô
63 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
1308 es chefs (c’est lui qui parle au nom de l’auteur, je pense) : « Il me semble que je lutte contre l’absurde humain, en fais
1309 ui qui parle au nom de l’auteur, je pense) : « Il me semble que je lutte contre l’absurde humain, en faisant ce que je fai
1310 u nom de l’auteur, je pense) : « Il me semble que je lutte contre l’absurde humain, en faisant ce que je fais ici… » L’éva
1311 lutte contre l’absurde humain, en faisant ce que je fais ici… » L’évasion dans l’action — révolutionnaire ou autre — rêvé
64 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
1312 ner. Il reste qu’il a voulu la vivre et qu’il l’a pu , étant roi. Il offre ainsi l’image d’un romantisme assez morose ; mai
65 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
1313 lables mythomanes. Le cas méritait d’être exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une courte nouvell
1314 l’insolence d’une psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation
66 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
1315 impatient, demande-t-il aux êtres plus qu’ils ne peuvent donner… D’ailleurs on ne lui doit rien, n’est-ce pas ? Il en tombe d’
1316 e : il n’écrit pas de livre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derrière le feuillet suivant, entraîn
1317 ne pas exister. Non : il a remarqué que l’époque peut être définie par l’abondance des autobiographies, mais aussi bien par
1318 n installe un sur sa table de travail, de façon à pouvoir s’y surprendre à tout instant. Cet exercice — essayez ! — ne tarde pa
1319 tion et n’y trouve que le désir d’une révélation. Peut -on s’hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a plus que cette inca
1320 l n’y a plus que cette incantation à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective
1321 nuant vertigineusement et l’égarent dans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal de superstitions. Enfin cette expér
1322 leur réponse, il répète à plusieurs reprises : «  Je ne sais pas : je suis !… Je ne sais plus… mais je suis ! » Un peu pl
1323 répète à plusieurs reprises : « Je ne sais pas : je suis !… Je ne sais plus… mais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut u
1324 lusieurs reprises : « Je ne sais pas : je suis !… Je ne sais plus… mais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de g
1325 Je ne sais pas : je suis !… Je ne sais plus… mais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes
1326 Stéphane rendu à la santé écrivait : « Ton visage me cache tous les miroirs » — à une femme qu’il aimait. n. Rougemont
67 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
1327 Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)ax Le critique se se
1328 Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)ax Le critique se sent désarmé e
1329 Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)ax Le critique se sent désarmé et légè
1330 ndre d’un air connaisseur que c’est bien composé. J’ avoue prendre cette autobiographie tellement au sérieux que j’ai été b
1331 dre cette autobiographie tellement au sérieux que j’ ai été bien étonné du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’un h
1332 doucement comique, si émouvant : « À cette époque je croyais fortement en l’existence d’une espèce de secrète et à peu prè
1333 gosses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et les autres”, me disais-je parfois, et il y avait des moments où j’
1334 ous nous livrons, voilà tout, moi et les autres”, me disais-je parfois, et il y avait des moments où j’arrivais presque à
1335 ivrons, voilà tout, moi et les autres”, me disais- je parfois, et il y avait des moments où j’arrivais presque à me convain
1336 e disais-je parfois, et il y avait des moments où j’ arrivais presque à me convaincre que si je m’approchais tout à coup pa
1337 et il y avait des moments où j’arrivais presque à me convaincre que si je m’approchais tout à coup par-derrière d’un homme
1338 ents où j’arrivais presque à me convaincre que si je m’approchais tout à coup par-derrière d’un homme ou d’une femme quelc
1339 s où j’arrivais presque à me convaincre que si je m’ approchais tout à coup par-derrière d’un homme ou d’une femme quelconq
1340 sais “houu !” il ou elle se secouerait enfin, que moi aussi je me secouerais, et que nous nous en irions bras dessus, bras
1341  !” il ou elle se secouerait enfin, que moi aussi je me secouerais, et que nous nous en irions bras dessus, bras dessous e
1342 il ou elle se secouerait enfin, que moi aussi je me secouerais, et que nous nous en irions bras dessus, bras dessous en r
1343 a contribué davantage que n’importe quel autre de mon temps à faire aboutir la standardization à sa fin logique, ne pourrai
1344 e aboutir la standardization à sa fin logique, ne pourrait -il pas être considéré un jour comme le grand tueur de son époque ? Re
1345 ont Denis de, « [Compte rendu] Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme  », Bibliothèque universelle et Revue
1346 , « [Compte rendu] Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève,
1347 mpte rendu] Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève
68 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
1348 e où la poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis de sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une m
1349 réhensible et légitime. 4. Je suis de sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystique. Mais parce que
1350 est essentiellement une mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, je ne puis dire grand-chose de plus. On ne se com
1351 e mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, je ne puis dire grand-chose de plus. On ne se comprend bien qu’entre jeu
1352 poète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à le leur dire ici : les anciens bellettriens qui ont perdu tou
69 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Avant-propos
1353 sez pour indiquer leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique deux pe
1354 pour indiquer leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique deux petit
1355 tion publique deux petits livres1 excellents dont je considère les thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance, de M. A
1356 gnement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moins philosophique et point du tout tec
1357 , moins philosophique et point du tout technique. J’ apporte un témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marqu
1358 émoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me blesse, la liais
1359 marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tout ce qui moleste
1360 fatale avec la démocratie, de tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autres à qui forcément, je
1361 doute celle de beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un régime radical à sécrétion socialiste
1362 e à elle prolonge abusivement sa terne existence. Je l’ai subi ; l’on va voir comment. De pareils souvenirs légitiment tou
1363 e pareils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, parce que j’en ai gros sur le cœur. D’ailleurs, ce pe
1364 nt toutes les haines. Je serai méchant, parce que j’ en ai gros sur le cœur. D’ailleurs, ce petit écrit ne peut servir à r
1365 gros sur le cœur. D’ailleurs, ce petit écrit ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je co
1366 — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Définition du naïf dans le
1367 tient des idées qui ne rapportent rien. En effet, je ne représente aucun parti, aucune firme. Je ne voyage pour personne.
1368 ffet, je ne représente aucun parti, aucune firme. Je ne voyage pour personne. Je ne prétends pas même parler au nom de ma
1369 parti, aucune firme. Je ne voyage pour personne. Je ne prétends pas même parler au nom de ma génération, ne m’étant pas l
1370 ersonne. Je ne prétends pas même parler au nom de ma génération, ne m’étant pas livré à l’enquête préalable qui seule eût
1371 tends pas même parler au nom de ma génération, ne m’ étant pas livré à l’enquête préalable qui seule eût pu, à la rigueur,
1372 ant pas livré à l’enquête préalable qui seule eût pu , à la rigueur, me donner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’
1373 enquête préalable qui seule eût pu, à la rigueur, me donner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’à droite comme à g
1374 gueur, me donner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le p
1375 ond miraculeusement, gémir n’est pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans condition
1376 s un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer u
1377 molir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me conten
1378 est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe
1379 pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe es
1380 rme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie, même si
1381 s capable d’en faire soi-même une meilleure. Mais j’ aperçois là-bas, vautré derrière son bock, le Citoyen conscient et org
1382 se ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mettez-lui
1383 s, des bretzels, sa petite amie, au secours ! Car j’ ai encore deux mots à dire. Dès qu’une voix s’élève pour mettre en dou
1384 signalent bien souvent nos tolérants par inertie, je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je
1385 uvent nos tolérants par inertie, je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les class
1386 nt nos tolérants par inertie, je ne sais. Mais je m’ attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer
1387 m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories dont je vais régler
1388 à les classer par avance en deux catégories dont je vais régler le compte sommairement. Cela n’empêchera personne de me r
1389 compte sommairement. Cela n’empêchera personne de me resservir ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant ic
1390 réduits à néant ici même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. Réponses du
1391 ettres A ou B, selon. A. Réponses du type : on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont
1392 es qui parlent ainsi, ceux qui croient aux faits. Je leur réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces f
1393 croient aux faits. Je leur réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vert
1394 aux faits. Je leur réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu m
1395 dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent , en vertu même de leur scepticisme quant à la valeur réformatrice des
1396 ticisme quant à la valeur réformatrice des idées, m’ accuser de faire une critique dangereuse. 3° que néanmoins je crois à
1397 e faire une critique dangereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certaines utopies. (Les religions, la découvert
1398 ° On a le droit d’aller contre l’époque, et on le peut efficacement. 2° Rira bien qui rira le dernier. B. Réponses du type :
1399 tolérante qui se livrent à ces excès de langage, je les renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet aspect du p
1400 langage, je les renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet aspect du problème que l’on peut appeler la question
1401 ù je traiterai de cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Certains, en effet, tirent toute leur f
1402 la rigueur jusque dans leurs raisonnements. Pour moi qui cherche à démêler la vérité sans égard aux dérangements, même vio
1403 violents, que cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du fait et du droi
1404 lents, que cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du fait et du droit ;
1405 classique du fait et du droit ; et c’est pourquoi je considérerai d’abord l’instruction publique dans ses réalisations act
1406 lles, puis au terme de ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant de laideurs et d’outrages au bo
1407 oir si tant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre institution-tabou. 1. Je n
1408 par le but final de notre institution-tabou. 1. Je ne puis naturellement pas mentionner tous les ouvrages scientifiques.
70 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 1. Mes prisons
1409 1. Mes prisons Il existe des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs
1410 pissier par le prix du mètre courant. Encore que je prenne les sentiments trop au sérieux pour faire ici du sentiment, je
1411 ents trop au sérieux pour faire ici du sentiment, je suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui fait très bie
1412 grandes personnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile m
1413 dissonance douloureuse2. Deux angoisses dominent mon enfance : les séances chez le dentiste et l’horaire des leçons. Ce ma
1414 règle méchante, ce souci qui renaît chaque jour, je pense que tout cela tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans,
1415 tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans, j’ avais appris à lire, en cachette, avec une sœur aînée. L’année suivant
1416 chette, avec une sœur aînée. L’année suivante, on me mit à l’école, parce que c’est la loi. La première classe fut agréabl
1417 e c’est la loi. La première classe fut agréable : j’ alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais délicieusemen
1418 fut agréable : j’alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais délicieusement seul parmi ces petits êtres en t
1419 ’alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’ étais délicieusement seul parmi ces petits êtres en tabliers bleus qui
1420 urs bâtons en rêvant à leur manière. Un jour cela m’ ennuya. Sachant lire, je ne pensais pas devoir suivre syllabe après sy
1421 eur manière. Un jour cela m’ennuya. Sachant lire, je ne pensais pas devoir suivre syllabe après syllabe les ânonnements de
1422 déchiffraient les premières phrases exemplaires. ( J’ aimais pourtant Zoé lave à la fontaine, à cause du nom.) Quand venait
1423 lave à la fontaine, à cause du nom.) Quand venait mon tour, je savais rarement où l’on en était. Cela m’attira des reproche
1424 fontaine, à cause du nom.) Quand venait mon tour, je savais rarement où l’on en était. Cela m’attira des reproches acides,
1425 n tour, je savais rarement où l’on en était. Cela m’ attira des reproches acides, et naturellement, la phrase sacrée : « Il
1426 bles exemples cet axiome qui devint la formule de mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avait su
1427 douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’ avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse plus aucune velléi
1428 régime, on m’avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse plus aucune velléité d’originalité. Mais pour être rentr
1429 e velléité d’originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit au monde, ver
1430 ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge de 18 ans, crispé et méfiant, sans cesse
1431 une importance.) Quant à l’autre « évidence » que je viens de citer, je découvris un jour qu’elle contient la cause déterm
1432 ant à l’autre « évidence » que je viens de citer, je découvris un jour qu’elle contient la cause déterminante de notre mal
1433 ntient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette
1434 notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’ habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n’osais m’en servir cra
1435 ut un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n’osais m’en servir craignant peut-être des déco
1436 uer à cette idée. Je tenais cette clef et n’osais m’ en servir craignant peut-être des découvertes qui eussent ruiné trop d
1437 eussent ruiné trop de certitudes apprises. Enfin j’ ouvris, c’est-à-dire que je me posai la question : est-ce vrai que tou
1438 itudes apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posai la question : est-ce vrai que tous les hommes doivent être é
1439 des apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posai la question : est-ce vrai que tous les hommes doivent être égau
1440 onquêtes. C’était découvrir notre asservissement. Je songeai aux vertueuses indignations de nos maîtres quand ils dénonçai
1441 issèrent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts d
1442 de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immortels p
1443 rmisme indispensable aux « immortels principes ». Je n’allai pas tout de suite jusqu’à les mettre en doute : mais un jour
1444 suite jusqu’à les mettre en doute : mais un jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde déco
1445 ris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si évident, si parfaitement
1446 r est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nou
1447 exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Mais moi , j’avais trop souffert de cette compression morale pour, une fois mat
1448 érait ce mépris et le rendait agressif. Mais moi, j’ avais trop souffert de cette compression morale pour, une fois matérie
1449 délivré, en supporter longtemps encore l’action. Je n’eus pas plus tôt découvert et nommé cet asservissement de l’esprit
1450 vissement de l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités les
1451 ythes stériles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie.
71 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 2. Description du monstre
1452 2. Description du monstre Le service militaire me permit de retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai auss
1453 ermit de retrouver quelques-unes de ces réalités. J’ y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’anciens camarades d’école
1454 ernité véritable. Mais c’est en caserne aussi que je devais retrouver les instituteurs. Ceux-là n’avaient pas bougé. Et po
1455 ne question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand nombre de
1456 ans un très grand nombre de cas, mais pourquoi ai- je envie de le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par
1457 envie de le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son incompréhension méthodique des hommes et son mépr
1458 ensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas plus, de peur de m’échauffer inutilement. Si l’on me p
1459 aysanne. Mais je n’en dirai pas plus, de peur de m’ échauffer inutilement. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’o
1460 plus, de peur de m’échauffer inutilement. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que
1461 chauffer inutilement. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les instituteurs ga
1462 ilement. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les instituteurs galonnés causen
1463 ment. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’ oublierais au point d’insinuer que les instituteurs galonnés causent a
1464 i signent des manifestes en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. Au vill
1465 que c’est là son affaire : Monsieur en un mot est M’ sieu l’Instituteur. Signes particuliers : cheveux longs, regard profon
1466 s posthumes : l’artiste photographe et le régent. J’ ai fait allusion au lieutenant-instituteur qui veut faire de la pédago
1467 s témoigne de la même maladresse professionnelle. J’ en connaissais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de
1468 e dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : «  J’ ai bien su mater les quarante hommes de ma section, je saurai aussi vo
1469 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mener l
1470 bien su mater les quarante hommes de ma section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mener l’enseignemen
1471 , je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mener l’enseignement donné par des êtres qui brouillent à ce point le
1472 les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des petits bourgeois. Ils
1473 que certaines autres maladies dites « sociales ». Je reviendrai peut-être sur ce point. Pour l’instant je ne veux que décr
1474 reviendrai peut-être sur ce point. Pour l’instant je ne veux que décrire l’école telle qu’on la voit. Après les personnes,
1475 rridors et les habits des écoliers empeste encore mes souvenirs. Et la poussière dans l’air, l’encre sur les tables — c’éta
1476 que c’est un grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’un tel milieu, moral et matériel ? L’
72 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 3. Anatomie du monstre
1477 3. Anatomie du monstre Ayant épanché un peu de ma rancune, à seule fin de montrer pour quelles raisons j’ai entrepris d
1478 cune, à seule fin de montrer pour quelles raisons j’ ai entrepris de combattre l’instruction publique — on ne me contestera
1479 epris de combattre l’instruction publique — on ne me contestera pas ces raisons puisqu’elles me sont absolument personnell
1480  on ne me contestera pas ces raisons puisqu’elles me sont absolument personnelles et qu’elles ont la valeur d’un témoignag
1481 n témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un petit examen aux principes de cette institution passi
1482 ssée : mais celles-là sont les plus vives. Enfin, je tiens à reconnaître qu’ici je ne cherche point l’équité. Pas plus que
1483 plus vives. Enfin, je tiens à reconnaître qu’ici je ne cherche point l’équité. Pas plus que vous qui défendez de parti pr
1484 s plus que vous qui défendez de parti pris ce que j’ attaque. L’esprit d’équité, avec son préjugé pacifiste n’est pas toujo
1485 pas toujours l’esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la vérité à la tranquillité bour
1486 ordonnent la vérité à la tranquillité bourgeoise. Je tiens le « gain de paix » pour illusoire : il consiste à repousser la
1487 que déjà plusieurs proposent de trancher le nœud. Je me bornerai à l’examen des caractères les plus généraux de l’instruct
1488 déjà plusieurs proposent de trancher le nœud. Je me bornerai à l’examen des caractères les plus généraux de l’instruction
1489 justement par cette psychologie de l’enfant dont je disais tout à l’heure que la connaissance n’est pas exigée de ceux qu
1490 utes les particularités, toutes les « prises » où pourrait s’accrocher l’intérêt. Ils dispensent de tout contact direct avec ce
1491 s de deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ ai oublié le nom. Une autre conséquence du gavage, c’est qu’on ne peut
1492 . Une autre conséquence du gavage, c’est qu’on ne peut laisser aux élèves le temps qu’il faut pour assimiler ce qu’ils appre
1493 aît que cela facilite le travail du maître. Il se peut . Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de
1494 ut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on d
1495 le est comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise autrement — est essentiellement négative. Elle consiste
1496 ue notre peuple met dans cette expression !) Pour moi ce que je retire de plus évident de mon expérience scolaire, c’est un
1497 uple met dans cette expression !) Pour moi ce que je retire de plus évident de mon expérience scolaire, c’est une grosse v
1498 n !) Pour moi ce que je retire de plus évident de mon expérience scolaire, c’est une grosse vérité que le bon sens m’eût pa
1499 scolaire, c’est une grosse vérité que le bon sens m’ eût par ailleurs fait voir : il n’y a pas d’égalité réelle possible ta
1500 e possible tant que la loi est la même pour tous. Je ne parle pas des manuels d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré
1501 ole est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais
1502 out de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là
1503 ie. Il y a là une préméditation de médiocrité que je ne puis m’empêcher de trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a
1504 là une préméditation de médiocrité que je ne puis m’ empêcher de trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a de bons poi
1505 es bons points vont aux parfaits imitateurs. Oyez- moi tous ces petits phonographes…ographes…graphes…graphes… Enfoncés, les
1506 e d’imbéciles ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantage des gens en place, vieille histoire. On m’object
1507 ’avantage des gens en place, vieille histoire. On m’ objectera sans doute quelques « brillantes carrières » fournies par d’
1508 ces brillants météores ne troublent pas beaucoup ma superstition, par ailleurs fort grande. Tous ceux qui ont eu l’occasi
1509 tion publique qu’ils ont subies. Le dilemme J’ ai indiqué que les principes de l’instruction publique ne coïncident q
1510 cident qu’accidentellement avec ceux du bon sens. Je m’en tiendrai là, renonçant pour cette fois à démontrer, ce qui serai
1511 ent qu’accidentellement avec ceux du bon sens. Je m’ en tiendrai là, renonçant pour cette fois à démontrer, ce qui serait f
73 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 4. L’illusion réformiste
1512 entendu, tout cela a été dit. (Un peu autrement, j’ en conviens.) On n’a pas attendu ma colère pour entreprendre ce travai
1513 peu autrement, j’en conviens.) On n’a pas attendu ma colère pour entreprendre ce travail de démolition. Il suffit pour s’e
1514 e mettra à marcher dans le couloir en s’écriant : je marche, ou : j’arpente ; un autre restera assis, en affirmant : je si
1515 er dans le couloir en s’écriant : je marche, ou : j’ arpente ; un autre restera assis, en affirmant : je siège ; un troisiè
1516 ’arpente ; un autre restera assis, en affirmant : je siège ; un troisième lèvera la main, et dira : je lève la main, — au
1517 je siège ; un troisième lèvera la main, et dira : je lève la main, — au lieu de demander ce qu’on croit. Tout porte à crai
1518 la faveur du tumulte l’un ou l’autre proclamant : je sors ! ne traduise incontinent ce verbe en action et ne disparaisse à
1519 graves, parce qu’elles sont comiques précisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’une autre nature. Elle prétend
1520 ces mêmes de sa liberté. « Instruire en amusant » peut être la formule d’une tromperie subtile et plus grave que la brutalit
1521 de réaction vive de la part des écoliers. Enfin, je n’aime pas qu’on traite le gosse comme un organisme dont il s’agit d’
1522 n enfant de 6 ans… Mettez ensemble trois enfants… Je reconnais que les buts de l’école nouvelle sont honnêtement scientifi
1523 ssés. Mais l’enfant-cobaye vaut l’enfant-citoyen. Moi je voudrais l’enfant tout court. Or il paraît que c’est très dangereu
1524 . Mais l’enfant-cobaye vaut l’enfant-citoyen. Moi je voudrais l’enfant tout court. Or il paraît que c’est très dangereux.
1525 Or il paraît que c’est très dangereux. Néanmoins je soupçonne dans tous ces mouvements des possibilités lointaines qui so
1526 vements des possibilités lointaines qui sont pour me plaire ; un grignotement du système officiel qui pourrait bien un jou
1527 plaire ; un grignotement du système officiel qui pourrait bien un jour l’atteindre au cœur, et je vois tout ce que cela entraîn
1528 qui pourrait bien un jour l’atteindre au cœur, et je vois tout ce que cela entraînerait, dans une ruine d’où renaîtrait pe
1529 s une ruine d’où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à un enseignement sans école. Je songe au maître antique, dont
1530 ’humanité… Je songe à un enseignement sans école. Je songe au maître antique, dont toute la personne était un enseignement
1531 ui sait ?… En attendant, puisqu’il faut attendre, je salue ces jeunes gens qui appliquent avec ferveur les principes de l’
1532 es joyeuses sont de vraies foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur faire remarquer d’autant plus libremen
1533 de vraies foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur faire remarquer d’autant plus librement qu’ils trahiss
1534 rie de petits démocrates conscients et organisés. Je crains que ce malentendu ne soit décidément trop gros pour échapper p
1535 plus longtemps à MM. les Inspecteurs des Écoles. Je le crains, dis-je ; car le monde ne progresse qu’à la faveur de malen
1536 MM. les Inspecteurs des Écoles. Je le crains, dis- je  ; car le monde ne progresse qu’à la faveur de malentendus (si tant es
1537 à cependant une possibilité pratique d’en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de vue de la vérité, force nous est de r
1538 tiennent lieu. 8. Voir à l’appendice le sens que je donne à ce mot.
74 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 5. La machine à fabriquer des électeurs
1539 5. La machine à fabriquer des électeurs Je crois à l’absurdité de fait de l’instruction publique. Je crois aussi
1540 à l’absurdité de fait de l’instruction publique. Je crois aussi qu’on ne peut réformer l’absurde. Je demande seulement qu
1541 e l’instruction publique. Je crois aussi qu’on ne peut réformer l’absurde. Je demande seulement qu’on m’explique pourquoi il
1542 Je crois aussi qu’on ne peut réformer l’absurde. Je demande seulement qu’on m’explique pourquoi il triomphe et se perpétu
1543 ut réformer l’absurde. Je demande seulement qu’on m’ explique pourquoi il triomphe et se perpétue ; de quel droit il nous é
1544 qu’ensemble. Il n’y aura qu’une oraison. Laïque. J’ entends qu’on ne me conteste pas cette thèse. Elle est glorifiée dans
1545 y aura qu’une oraison. Laïque. J’entends qu’on ne me conteste pas cette thèse. Elle est glorifiée dans tous les banquets o
1546 s idéologies enivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ ai l’honneur de partager avec mes adversaires se trouve correspondre à
1547 s, cette idée que j’ai l’honneur de partager avec mes adversaires se trouve correspondre à des faits patents et simples ; i
1548 tion publique est pratiquement irréalisable. Ici, je demanderai poliment au lecteur de vouloir bien ne point trop faire la
1549 e vouloir bien ne point trop faire la bête, sinon je me verrai contraint de lui expliquer un certain nombre de vérités tel
1550 ouloir bien ne point trop faire la bête, sinon je me verrai contraint de lui expliquer un certain nombre de vérités tellem
1551 t pas sans quelque indécence. Et d’abord, il faut pouvoir lire, écrire et compter pour suivre la campagne électorale, voter et
1552 e satisfaction sordide et mal dissimulée. Certes, je ne prétends pas que les créateurs de l’instruction publique aient eu
1553 eu pleine conscience de ce qu’ils faisaient — et je les excuse pour autant10. Je dis simplement ceci : leur œuvre n’a été
1554 u’ils faisaient — et je les excuse pour autant10. Je dis simplement ceci : leur œuvre n’a été possible que parce qu’elle é
1555 utés pour célébrer les bienfaits sociaux, que dis- je , la valeur hautement moralisatrice de ces glapissants entonnoirs. D’
1556 on non moins flagrante, dans ses suites normales. Je n’en veux pas d’autre preuve que l’état grotesquement arriéré de notr
1557 s (si possible radicaux, en tout cas démocrates). Je me souviens d’un dessin humoristique publié en 1914, représentant l’œ
1558 si possible radicaux, en tout cas démocrates). Je me souviens d’un dessin humoristique publié en 1914, représentant l’œuvr
1559 ter, malgré ses ratés assez fréquents. Maintenant je vous demande un peu quel intérêt il y aurait à perfectionner l’instru
1560 ques, voire aux besoins purement sentimentaux qui peuvent apparaître chez les enfants ? Ce serait de l’art pour l’art. On ne pe
1561 es enfants ? Ce serait de l’art pour l’art. On ne peut pas en demander tant aux gouvernements. La réforme scolaire, politiqu
1562 Tout se tient, comme vous dites, sans doute pour m’ ôter l’envie de bousculer quoi que ce soit. J’aime les tremblements de
1563 our m’ôter l’envie de bousculer quoi que ce soit. J’ aime les tremblements de terre, vous tombez mal. J’appartiens à cette
1564 ’aime les tremblements de terre, vous tombez mal. J’ appartiens à cette espèce de gens qui font confiance à leur sensibilit
1565 qu’aux idées des autres. Or, c’est une révolte de ma sensibilité qui me dresse contre l’École. Mes arguments ne se mettent
1566 tres. Or, c’est une révolte de ma sensibilité qui me dresse contre l’École. Mes arguments ne se mettent en branle qu’après
1567 e de ma sensibilité qui me dresse contre l’École. Mes arguments ne se mettent en branle qu’après coup. Et quand vous les dé
1568 qu’après coup. Et quand vous les démoliriez tous, ma rage n’en serait pas moins légitime. Je lui donne raison par définiti
1569 iez tous, ma rage n’en serait pas moins légitime. Je lui donne raison par définition. Après tout, peu m’importent les idéo
1570 lui donne raison par définition. Après tout, peu m’ importent les idéologies politiques, et peu m’importerait que l’École
1571 peu m’importent les idéologies politiques, et peu m’ importerait que l’École soit une machine à fabriquer de la démocratie
1572 oit une machine à fabriquer de la démocratie — si je ne sentais menacées dans cette aventure des valeurs d’âme auxquelles
1573 dans cette aventure des valeurs d’âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement d
1574 valeurs d’âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement de l’évolution dont je vie
1575 émocratie est l’aboutissement de l’évolution dont je viens de décrire la marche nécessaire11. On ne manquera pas d’insinue
1576 es douleurs de jeunes bourgeois. Essayer de venir me dire ça chez moi, n’est-ce pas, mes agneaux. C’est justement dans la
1577 eunes bourgeois. Essayer de venir me dire ça chez moi , n’est-ce pas, mes agneaux. C’est justement dans la mesure où je part
1578 sayer de venir me dire ça chez moi, n’est-ce pas, mes agneaux. C’est justement dans la mesure où je participais de l’écœura
1579 s, mes agneaux. C’est justement dans la mesure où je participais de l’écœurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d’
1580 participais de l’écœurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d’un régime nocif pour tout ce qu’il y a d’authentiquem
1581 ticipais de l’écœurant optimisme bourgeois que je m’ accommodais d’un régime nocif pour tout ce qu’il y a d’authentiquement
1582 âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce peut être le signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a de révoluti
1583 ièges, ils comprendront le sens des images.) 9. J’ emploie ce mot au sens fort, au sens enivrant, 100 %. Beaucoup de gens
1584 opposés coïncident en tant de points — voilà qui m’ inquiéterait, à votre place.
75 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 6. La trahison de l’instruction publique
1585 nous promet de tous côtés de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouissent mauvaisement. (« C’est bien fait. C
1586 cliché, mais schématiques. Or l’École radicale ne peut pas être idéaliste : car elle deviendrait un danger pour le désordre
1587 roduction. Le culte des valeurs désintéressées ne peut que diminuer le « rendement » quantitatif de ceux qui s’y livrent. Je
1588  rendement » quantitatif de ceux qui s’y livrent. Je ne veux pas me poser ici en défenseur des vertus patriarcales. Mais j
1589 antitatif de ceux qui s’y livrent. Je ne veux pas me poser ici en défenseur des vertus patriarcales. Mais je m’adresse aux
1590 er ici en défenseur des vertus patriarcales. Mais je m’adresse aux démocrates convaincus, partisans des « lumières », et q
1591 ici en défenseur des vertus patriarcales. Mais je m’ adresse aux démocrates convaincus, partisans des « lumières », et qui
1592 s ça, à la famille, « cette cellule sociale ». Et je les traite de mauvais plaisants. Admirez mon extrême modération. Ceci
1593 ». Et je les traite de mauvais plaisants. Admirez mon extrême modération. Ceci fait, constatez avec moi que la famille étai
1594 mon extrême modération. Ceci fait, constatez avec moi que la famille était encore un milieu naturel, donc normatif. Le coll
1595 Il est vrai qu’elle est anormalement insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin d’une purge violente qui chasse ce ver
1596 sse ce ver solitaire du matérialisme. Et quand on m’ aura démontré que les besoins de l’époque exigent une organisation à o
1597 que exigent une organisation à outrance du monde, je répondrai que dans la mesure où cette exigence est satisfaite naît un
1598 ardisation de toutes les mesquineries naturelles ( je ne fais le procès de la bêtise humaine qu’en tant qu’elle est cultivé
76 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 7. L’Instruction publique contre le progrès
1599 le reste, pensez-vous. Il faut avouer qu’avec ce je ne sais quoi de déclamatoire, de… journalistique, de bedonnant creux,
1600 s vous aimez les idées généreuses, n’est-ce pas ? J’ en étais sûr. Cependant j’ai peur que mon progrès ne soit pas le vôtre
1601 éreuses, n’est-ce pas ? J’en étais sûr. Cependant j’ ai peur que mon progrès ne soit pas le vôtre, et même que sa nature ne
1602 -ce pas ? J’en étais sûr. Cependant j’ai peur que mon progrès ne soit pas le vôtre, et même que sa nature ne l’entraîne dan
1603 ri duquel on distille du radicalisme intégral. On me fera observer que beaucoup des servants de la machine sont socialiste
1604 cialistes : voilà qui ne change pas le rendement, j’ imagine, ni la nature des produits excrétés. On forme nos gosses, dès
1605 pprend les questions aussi bien que les réponses. J’ avoue que je trouve ça très fort : avoir obtenu un conformisme de la c
1606 uestions aussi bien que les réponses. J’avoue que je trouve ça très fort : avoir obtenu un conformisme de la curiosité. Il
1607 us allez feindre de trouver bien bonne celle-ci : je prétends que l’instruction publique est une puissance conservatrice.
1608 s’enlise notre civilisation ; et où la Démocratie peut se conserver des siècles encore… Or si je dis que l’École est contre
1609 ratie peut se conserver des siècles encore… Or si je dis que l’École est contre le progrès, c’est que le progrès consiste
1610 ser le citoyen, de retrouver l’homme tout entier. Je distingue dans cette opération deux temps : d’abord critiquer ce qui
1611 our les jeux nouveaux que l’humanité de demain ne peut manquer d’inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une intention provi
1612 l’humanité de demain ne peut manquer d’inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une intention providentielle dans cet amou
1613 de demain ne peut manquer d’inventer. Je ne puis m’ empêcher de voir une intention providentielle dans cet amour de la des
1614 u passé. Mais la considération de régimes anciens peut nous amener à constater, sans plus, que notre soi-disant progrès soci
1615 it est la jalousie rancie armée de pédantisme, et je ne parle pas du décor, des odeurs, de la poussière, des petites habit
1616 rité des électeurs les considèrent comme tels. Et je ne me tiendrai pas pour battu quand on m’aura fait remarquer que la p
1617 es électeurs les considèrent comme tels. Et je ne me tiendrai pas pour battu quand on m’aura fait remarquer que la plupart
1618 els. Et je ne me tiendrai pas pour battu quand on m’ aura fait remarquer que la plupart des intellectuels sont convertis de
1619 pposons tout cela fait. Respirons. Mais déjà vous m’ attendez à ce tournant et vous me sommez de dire comment, maintenant,
1620 . Mais déjà vous m’attendez à ce tournant et vous me sommez de dire comment, maintenant, je vais m’y prendre pour préparer
1621 nt et vous me sommez de dire comment, maintenant, je vais m’y prendre pour préparer les temps nouveaux. Énorme question. A
1622 us me sommez de dire comment, maintenant, je vais m’ y prendre pour préparer les temps nouveaux. Énorme question. Aurai-je
1623 éparer les temps nouveaux. Énorme question. Aurai- je la naïveté non moins énorme d’esquisser ici la réponse que je lui rés
1624 é non moins énorme d’esquisser ici la réponse que je lui réserve ? L’instruction publique est la forme la plus commune de
1625 complète, à un degré supérieur d’inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’intégrer la raison.
1626 sera au tour de l’instinct d’intégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce temps. Et que le véritable progrès ve
1627 tout ce qui entrave cet avènement. C’est pourquoi je réclame l’expulsion de la congrégation radicale des instituteurs. On
1628 de la congrégation radicale des instituteurs. On me demande encore ce que je mettrais à la place. Et parce que je ne prop
1629 ale des instituteurs. On me demande encore ce que je mettrais à la place. Et parce que je ne propose rien de bien précis,
1630 ncore ce que je mettrais à la place. Et parce que je ne propose rien de bien précis, on triomphe grossièrement. J’aurais v
1631 e rien de bien précis, on triomphe grossièrement. J’ aurais voulu vous voir demander à un sujet de Louis XIV ce qu’il conce
1632 de Saint-Guy politique dont rien de leur temps ne pouvait offrir la moindre préfiguration ? Eh bien ! induisez de cette similit
77 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Appendice. Utopie
1633 . Utopie Un os à la meute. (Et figurez-vous que j’ ai la ferme intention de vous faire rigoler, si cela peut vous rassure
1634 la ferme intention de vous faire rigoler, si cela peut vous rassurer quant à ma santé mentale.) La question est de savoir si
1635 faire rigoler, si cela peut vous rassurer quant à ma santé mentale.) La question est de savoir si nous serons des hommes d
1636 eule une grande vague de l’imagination collective peut désensabler le vieux bateau occidental. Un nouvel état d’esprit : voi
1637 intenant se constituent ces élites, et cela ne se peut que si les tenants de l’ordre spirituel retrouvent le courage d’être,
1638 gré les mots14, des anarchistes et des utopistes. J’ appelle anarchiste, tout ce qui est violemment et intégralement humain
1639 espèce, un anarchiste embrigadé. L’anarchiste que j’ aime est simplement un homme libre qui a une foi (ou un amour) et qui
1640 (ou un amour) et qui s’y consacre. (Mais alors !… Je vois à votre mine stupidement rassurée que vous vous dites : c’est to
1641 rassurée que vous vous dites : c’est tout à fait moi  ! — Détrompez-vous. Vous ne savez pas ce que c’est que libre, ou cons
1642 Que faire, diront les gens de bonne volonté dont mon imagination romantique suppose l’existence. Que faire ? Voir et pense
1643 les effets suivront infailliblement. Par exemple, je vous demande une fois pour toutes si vous tenez, oui ou non, M. W. Ro
1644 erce leur mépris pour l’instruction publique. Ils peuvent dire ce qu’ils veulent à propos de n’importe quoi, comme on sait, et
1645 de moins qu’une rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’est ainsi qu’on peut imaginer sans trop d’invraisemb
1646 lisme, ce que je propose-là. Et c’est ainsi qu’on peut imaginer sans trop d’invraisemblance de petites réformes. Mais j’en a
1647 trop d’invraisemblance de petites réformes. Mais j’ en ai assez dit pour éviter ce malentendu : je ne crois pas à la possi
1648 ais j’en ai assez dit pour éviter ce malentendu : je ne crois pas à la possibilité d’une réforme suffisante. C’est une rév
1649 quel emploi utopique de l’organisation existante peut -on imaginer ? L’école devrait donner à l’enfant ce que son entourage
1650 devrait donner à l’enfant ce que son entourage ne peut plus lui donner : des modèles de pensée. Un entraînement de l’esprit,
1651 és. On croit devoir se défendre : on se moque. On me dit : vous ne voyez tout de même pas une classe de gamins répétant la
1652 nullement de cela. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que je m’en doute. Mais l’Occidental aussi pratique son yog
1653 a. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que je m’en doute. Mais l’Occidental aussi pratique son yoga à lui : toutes
1654 Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que je m’ en doute. Mais l’Occidental aussi pratique son yoga à lui : toutes les
1655 r une grande intensité avec un minimum de moyens. J’ en citerai deux exemples : la discipline jésuite et le drill militaire
1656 uent des sources d’énergie nouvelle. Le parallèle peut être poussé dans les détails. Il s’agit bien d’un geste identique, ex
1657 yoga corporel, le yoga est un drill de l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux et impopulaires. Tout comm
1658 leurs. Tant mieux. Il y a beaucoup de gens qui ne peuvent pas séparer une méthode des fins auxquelles on l’applique généralemen
1659 n l’applique généralement. Ces gens-là diront que je veux militariser l’enseignement ou transformer les collèges en couven
1660 stent cachées aux agités ; la nature par exemple. Je ne demande pas qu’on nous enseigne le goût de la nature. Mais qu’on n
1661 e le temps de la regarder. De faire connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré de dire que tout homme gagnerait à poss
1662 avons vu qu’elle préfère les étouffer. Cependant, je ne crois pas qu’il soit bon que tous progressent de la même manière.
1663 sse quelque chose comme l’instruction privée : et moi je la voudrais secrète. Vous verrez bien. Cela se fera sans vous. Déj
1664 quelque chose comme l’instruction privée : et moi je la voudrais secrète. Vous verrez bien. Cela se fera sans vous. Déjà r
1665 ue saveur à ses jugements. C’est pourquoi l’on ne peut plus attaquer un fonctionnaire dans son activité publique sans que de
1666 e de ce M. Machin, membre du conseil de paroisse. Je préciserai donc : je tiens l’École pour criminelle. Mais je ne tiens
1667 mbre du conseil de paroisse. Je préciserai donc : je tiens l’École pour criminelle. Mais je ne tiens pas tous les institut
1668 rai donc : je tiens l’École pour criminelle. Mais je ne tiens pas tous les instituteurs pour gibier de potence. Ils font b
1669 de toute destination religieuse particulière. On peut faire des haltères et rester pacifiste. NOTE C Vous parlez de la gran
1670 ste. NOTE C Vous parlez de la grande vulgarité de mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein sens du mot, c’est le genre d
1671 pparaissent ici que pour impressionner le public. Je n’ai pas besoin de leurs attendus pour juger. 14. Ces deux mots en e
1672 promet des confitures à l’enfant, s’il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime que la liberté.
1673 met des confitures à l’enfant, s’il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime que la liberté.
1674 des confitures à l’enfant, s’il est sage. Moi je m’ en moque. Je n’aime que la liberté.
1675 res à l’enfant, s’il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime que la liberté.
78 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
1676 … Ailleurs Colombes lumineuses des mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne laissiez le
1677 n retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoile de
79 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
1678 épété dans une ballade fameuse « Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut se permettre quelques malices, quelques
1679 se « Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut se permettre quelques malices, quelques jeux d’esprit ou de méchancet
1680 omme réduite à deux dimensions ; la conscience ne pouvait y tuer un lyrisme quasi inexistant, mais bien y exciter un esprit cri
1681 disproportionnés avec son mérite ». Il ajoute : «  j’ ai eu la chance de discerner très jeune, avec une clairvoyance singuli
1682 ner très jeune, avec une clairvoyance singulière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse de ne rien tenter au-delà ». C
1683 clairvoyance singulière, mes propres limites, et j’ ai eu la sagesse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’éco
80 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
1684 uffit à vous en donner la sensation : ce que vous pourrez voir durant le reste de votre séjour ne fera que confirmer cette prem
81 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
1685  », il se confond avec l’ombre du monde. Et l’âme peut enfin « saisir » dans leur réalité les choses dont elle s’est dégagée
82 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
1686 La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)o «  Je lui ai raconté qu’il habite une chaumière au bord d’un ruisseau, qu’i
1687 encore, et c’est là-dessus qu’il improvise, oh ! j’ aimerais tant aller là-bas, cette folie m’apparaît comme une chose si
1688 e, oh ! j’aimerais tant aller là-bas, cette folie m’ apparaît comme une chose si douce et si grande… »11 Et Bettina termin
1689 é les cordes, c’est vraiment l’image de son âme ; j’ ai voulu attirer là-dessus l’attention du médecin, mais il est plus di
1690 dre par un sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’ occupant assez longuement d’un des poètes auxquels notre temps doit vo
1691 s d’entre nous se préparent à tenter le climat, —  j’ avais rêvé sur ce passage de l’émouvante Bettina, rêvé sans doute asse
1692 ez profondément pour qu’aujourd’hui le hasard qui m’ amène à Tubingue ne soit pas seulement un hasard… Hier, c’était la Pen
1693 encore quelques cris brisés : « Ô vieux démon ! —  je te rappelle — Ou bien envoie — un héros — Ou bien — la sagesse. » Mai
1694 racle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la maison, en at
1695 ure. Il y a là une station de canots de louage où j’ ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’un « Hypérion ».
1696 lderlin » à côté d’un « Hypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « Nietzsche » à fond plat. Des saules se pen
1697 s d’armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propriétaire actuel. « Monsieur connaît Hölderlin ? — 
1698 vous devez connaître ces portraits ? — (et comme je considère un ravissant médaillon de marbre) — Ça, c’est Diotima. » On
1699 — Ça, c’est Diotima. » On rougirait à moins. — «  Je ne puis pas parler de lui, ici à Francfort, écrivait Bettina, car aus
1700 n grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemps, si longt
1701 ont fui. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plus rien, je n’aime plus vivre. Il y avait encore plus de p
1702 i et juin sont lointains, Je ne suis plus rien, je n’aime plus vivre. Il y avait encore plus de paix que maintenant. La
1703 de plainte »… Vivait-il encore ? Ce lieu soudain m’ angoisse. Mais le gardien : il y est comme chez lui. — Dormez-vous dan
1704 ui. — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh ! répond-il, je pourrais aussi bien habiter la chambre. Il ne vient pas tant de visit
1705 — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh ! répond-il, je pourrais aussi bien habiter la chambre. Il ne vient pas tant de visiteurs, et
1706 tues et les contreforts de l’Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour le fou au profil de vieille femme qui pr
1707 approchent, tournoyent lentement dans la musique. Je n’aime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume de bain, qui pag
1708 nts serrées. (« Weg zur Kraft und Schönheit ! »). J’ aime les bateaux plats et incertains, avec des Daphnés dedans, qui ne
1709 trouver malsain ce genre de tentatives : cela ne peut que mal finir. Ceux du bon sens hochent la tête et citent la phrase l
1710 . Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du médiocre dont ils se sentent bénéficiaires
1711 c que l’un des deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facilité, c’est qu’elle
1712 que vulgaire, par quel hasard, donne l’accord qui m’ ouvre un vrai silence : déjà je leur échappe — je t’échappe ô douceur
1713 donne l’accord qui m’ouvre un vrai silence : déjà je leur échappe — je t’échappe ô douceur de vivre ! Tout redevient autou
1714 m’ouvre un vrai silence : déjà je leur échappe — je t’échappe ô douceur de vivre ! Tout redevient autour de moi insuffisa
1715 ppe ô douceur de vivre ! Tout redevient autour de moi insuffisant, transitoire, allusif. Tout se remet à signifier l’absenc
83 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
1716 ur qu’une telle interprétation voie le jour. Cela pourrait donner lieu à de mélancoliques réflexions sur le génie « poétique » f
1717 isme à son mépris pour la révélation évangélique. Je ne vois là que l’indice d’une confusion bien française, hélas. ba.
84 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
1718 la défense contre ses adversaires de tous bords. Je voudrais souligner seulement la beauté de l’effort désintéressé de Ju
1719 de répondre pour nous-mêmes à sa mise en demeure. Je suis loin de partager toutes les idées de M. Benda, sur le plan philo
1720 nda, sur le plan philosophique en particulier, où je me sens bien plus près de M. Gabriel Marcel, qu’il attaque. (M. Benda
1721 , sur le plan philosophique en particulier, où je me sens bien plus près de M. Gabriel Marcel, qu’il attaque. (M. Benda tr
1722 ahit pas.) D’autre part, de plus impertinents que moi ne manqueront pas de faire observer que la « fin de l’éternel », la c
1723 C’est un extrême, un pic trop élevé pour qu’on y puisse vivre, c’est l’impossible. Mais justement, la gloire de M. Benda sera
1724 n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui me viennent l’esprit : Julien Benda… », écrit Aragon. Et Daudet nous app
85 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
1725 les précieuses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes
1726 rt d’un poète en état, sans doute, d’inspiration. Je trouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration d
1727 ration. Je trouve dans une enveloppe qu’hier vous m’ adressâtes une déclaration d’amour destinée à une femme blonde. Je sui
1728 déclaration d’amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’est. J’ai fait suivre. Alexandrine un
1729 destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’est. J’ai fait suivre. Alexandrine un jour m’a laissé ente
1730 me blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’est. J’ ai fait suivre. Alexandrine un jour m’a laissé entendre qu’elle vous a
1731 qui c’est. J’ai fait suivre. Alexandrine un jour m’ a laissé entendre qu’elle vous aime. Elle attend votre lettre depuis d
1732 s aime. Elle attend votre lettre depuis des mois. Je pense que ces lignes vous trouveront réunis. Avec ma bénédiction, je
1733 pense que ces lignes vous trouveront réunis. Avec ma bénédiction, je suis votre amie Joséphine. » — Le poète reprit son ma
1734 gnes vous trouveront réunis. Avec ma bénédiction, je suis votre amie Joséphine. » — Le poète reprit son manuscrit et concl
86 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Avant-propos
1735 sez pour indiquer leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique deux pe
1736 pour indiquer leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique deux petit
1737 tion publique deux petits livres1 excellents dont je considère les thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance, de M. A
1738 gnement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moins philosophique et point du tout tec
1739 , moins philosophique et point du tout technique. J’ apporte un témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marqu
1740 émoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me blesse, la liais
1741 marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tout ce qui moleste
1742 fatale avec la démocratie, de tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autres à qui forcément, je
1743 doute celle de beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un régime radical à sécrétion socialiste,
1744 e à elle prolonge abusivement sa terne existence. Je l’ai subi ; l’on va voir comment. De pareils souvenirs légitiment tou
1745 e pareils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, parce que j’en ai gros sur le cœur. D’ailleurs, ce pet
1746 nt toutes les haines. Je serai méchant, parce que j’ en ai gros sur le cœur. D’ailleurs, ce petit écrit ne peut servir à ri
1747 i gros sur le cœur. D’ailleurs, ce petit écrit ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je co
1748 — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Définition du naïf dans le
1749 tient des idées qui ne rapportent rien. En effet, je ne représente aucun parti, aucune firme. Je ne voyage pour personne.
1750 ffet, je ne représente aucun parti, aucune firme. Je ne voyage pour personne. Je ne prétends pas même parler au nom de ma
1751 parti, aucune firme. Je ne voyage pour personne. Je ne prétends pas même parler au nom de ma génération, ne m’étant pas l
1752 ersonne. Je ne prétends pas même parler au nom de ma génération, ne m’étant pas livré à l’enquête préalable qui seule eût
1753 tends pas même parler au nom de ma génération, ne m’ étant pas livré à l’enquête préalable qui seule eût pu, à la rigueur,
1754 ant pas livré à l’enquête préalable qui seule eût pu , à la rigueur, me donner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’à
1755 enquête préalable qui seule eût pu, à la rigueur, me donner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’à droite comme à ga
1756 igueur, me donner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le p
1757 ond miraculeusement, gémir n’est pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans condition
1758 s un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer u
1759 molir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me conten
1760 est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe
1761 pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe es
1762 rme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie, même si
1763 s capable d’en faire soi-même une meilleure. Mais j’ aperçois là-bas, vautré derrière son bock, le Citoyen conscient et org
1764 se ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mettez-lui
1765 2, des bretzels, sa petite amie, au secours ! Car j’ ai encore deux mots à dire. Dès qu’une voix s’élève pour mettre en dou
1766 signalent bien souvent nos tolérants par inertie, je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je
1767 uvent nos tolérants par inertie, je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les class
1768 nt nos tolérants par inertie, je ne sais. Mais je m’ attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer
1769 m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories dont je vais régler
1770 à les classer par avance en deux catégories dont je vais régler le compte sommairement. Cela n’empêchera personne de me r
1771 compte sommairement. Cela n’empêchera personne de me resservir ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant ic
1772 réduits à néant ici même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. Réponses du
1773 ettres A ou B, selon. A. Réponses du type : on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont
1774 es qui parlent ainsi, ceux qui croient aux faits. Je leur réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces f
1775 croient aux faits. Je leur réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vert
1776 aux faits. Je leur réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu m
1777 dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent , en vertu même de leur scepticisme quant à la valeur réformatrice des
1778 ticisme quant à la valeur réformatrice des idées, m’ accuser de faire une critique dangereuse ; 3° que néanmoins je crois à
1779 faire une critique dangereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certaines utopies. (Les religions, la découvert
1780 ° On a le droit d’aller contre l’époque, et on le peut efficacement. 2° rira bien qui rira le dernier. B. Réponses du type 
1781 tolérante qui se livrent à ces excès de langage. Je les renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet aspect du p
1782 langage. Je les renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet aspect du problème que l’on peut appeler la question
1783 ù je traiterai de cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Certains, en effet, tirent toute leur f
1784 la rigueur jusque dans leurs raisonnements. Pour moi qui cherche à démêler la vérité sans égards aux dérangements, même vi
1785 violents, que cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du fait et du droi
1786 lents, que cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du fait et du droit ;
1787 classique du fait et du droit ; et c’est pourquoi je considérerai d’abord l’instruction publique dans ses réalisations act
1788 lles, puis au terme de ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant de laideurs et d’outrages au bo
1789 oir si tant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre institution-tabou.   1. Je
1790 r le but final de notre institution-tabou.   1. Je ne puis naturellement pas mentionner tous les ouvrages scientifiques.
87 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 1. Mes prisons
1791 1. Mes prisons Il existe des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs
1792 pissier par le prix du mètre courant. Encore que je prenne les sentiments trop au sérieux pour faire ici du sentiment, je
1793 ents trop au sérieux pour faire ici du sentiment, je suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui fait très bie
1794 grandes personnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile m
1795 dissonance douloureuse. 3 Deux angoisses dominent mon enfance : les séances chez le dentiste et l’horaire des leçons. Ce ma
1796 règle méchante, ce souci qui renaît chaque jour, je pense que tout cela tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans,
1797 tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans, j’ avais appris à lire, en cachette avec ma sœur aînée. L’année suivante,
1798 À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette avec ma sœur aînée. L’année suivante, on me mit à l’école, parce que c’est la
1799 cachette avec ma sœur aînée. L’année suivante, on me mit à l’école, parce que c’est la loi. La première classe fut agréabl
1800 e c’est la loi. La première classe fut agréable : j’ alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais délicieusemen
1801 fut agréable : j’alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais délicieusement seul parmi ces petits êtres en t
1802 ’alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’ étais délicieusement seul parmi ces petits êtres en tabliers bleus qui
1803 urs bâtons en rêvant à leur manière. Un jour cela m’ ennuya. Sachant lire, je ne pensais pas devoir suivre syllabe après sy
1804 eur manière. Un jour cela m’ennuya. Sachant lire, je ne pensais pas devoir suivre syllabe après syllabe les ânonnements de
1805 déchiffraient les premières phrases exemplaires. ( J’ aimais pourtant Zoé lave à la fontaine, à cause du nom.) Quand venait
1806 lave à la fontaine, à cause du nom.) Quand venait mon tour, je savais rarement où l’on en était. Cela m’attira des reproche
1807 fontaine, à cause du nom.) Quand venait mon tour, je savais rarement où l’on en était. Cela m’attira des reproches acides,
1808 n tour, je savais rarement où l’on en était. Cela m’ attira des reproches acides, et naturellement, la phrase sacrée : « Il
1809 bles exemples cet axiome qui devint la formule de mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avait su
1810 douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’ avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse plus aucune velléi
1811 régime, on m’avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse plus aucune velléité d’originalité. Mais pour être rent
1812 velléité d’originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit au monde, ver
1813 ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge de 18 ans, crispé et méfiant, sans cesse
1814 une importance.) Quant à l’autre « évidence » que je viens de citer, je découvris un jour qu’elle contient la cause déterm
1815 ant à l’autre « évidence » que je viens de citer, je découvris un jour qu’elle contient la cause déterminante de notre mal
1816 ntient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette
1817 notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’ habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n’osais m’en servir cra
1818 ut un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n’osais m’en servir craignant peut-être des déco
1819 uer à cette idée. Je tenais cette clef et n’osais m’ en servir craignant peut-être des découvertes qui eussent ruiné trop d
1820 eussent ruiné trop de certitudes apprises. Enfin j’ ouvris, c’est-à-dire que je me posais la question : est-ce vrai que to
1821 itudes apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posais la question : est-ce vrai que tous les hommes doivent être
1822 des apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posais la question : est-ce vrai que tous les hommes doivent être éga
1823 onquêtes. C’était découvrir notre asservissement. Je songeai aux vertueuses indignations de nos maîtres quand ils dénonçai
1824 issèrent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts d
1825 de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immortels p
1826 rmisme indispensable aux « immortels principes ». Je n’allai pas tout de suite jusqu’à les mettre en doute : mais un jour
1827 suite jusqu’à les mettre en doute : mais un jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde déco
1828 ris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si évident, si parfaitement
1829 r est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nou
1830 exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Mais moi , j’avais trop souffert de cette compression morale pour, une fois mat
1831 érait ce mépris et le rendait agressif. Mais moi, j’ avais trop souffert de cette compression morale pour, une fois matérie
1832 délivré, en supporter longtemps encore l’action. Je n’eus pas plus tôt découvert et nommé cet asservissement de l’esprit
1833 vissement de l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités les
1834 ythes stériles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie.  
88 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 2. Description du monstre
1835 2. Description du monstre Le service militaire me permit de retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai auss
1836 ermit de retrouver quelques-unes de ces réalités. J’ y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’anciens camarades d’école
1837 ernité véritable. Mais c’est en caserne aussi que je devais retrouver les instituteurs. Ceux-là n’avaient pas bougé. Et po
1838 ne question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand nombre de
1839 ans un très grand nombre de cas, mais pourquoi ai- je envie de le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par
1840 envie de le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son incompréhension méthodique des hommes et son mépr
1841 sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas plus, de peur de m’échauffer inutilement. Si l’on me p
1842 paysanne. Mais je n’en dirai pas plus, de peur de m’ échauffer inutilement. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’o
1843 plus, de peur de m’échauffer inutilement. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que
1844 chauffer inutilement. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les instituteurs ga
1845 ilement. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les instituteurs galonnés causen
1846 ment. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’ oublierais au point d’insinuer que les instituteurs galonnés causent a
1847 i signent des manifestes en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. J’ai fa
1848 peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. J’ ai fait allusion au lieutenant-instituteur qui veut faire de la pédago
1849 s témoigne de la même maladresse professionnelle. J’ en connais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10
1850 e dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : «  J’ ai bien su mater les quarante hommes de ma section, je saurai aussi vo
1851 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mener l
1852 bien su mater les quarante hommes de ma section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mener l’enseignemen
1853 , je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mener l’enseignement donné par des êtres qui brouillent à ce point le
1854 les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des petits-bourgeois. Ils
1855 que certaines autres maladies dites « sociales ». Je reviendrai peut-être sur ce point. Pour l’instant je ne veux que décr
1856 reviendrai peut-être sur ce point. Pour l’instant je ne veux que décrire l’école telle qu’on la voit. Après les personnes,
1857 rridors et les habits des écoliers empeste encore mes souvenirs. Et la poussière dans l’air, l’encre sur les tables — c’éta
1858 que c’est un grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’un tel milieu, moral et matériel ? L’
89 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 3. Anatomie du monstre
1859 3. Anatomie du monstre Ayant épanché un peu de ma rancune, à seule fin de montrer pour quelles raisons j’ai entrepris d
1860 cune, à seule fin de montrer pour quelles raisons j’ ai entrepris de combattre l’instruction publique — on ne me contestera
1861 epris de combattre l’instruction publique — on ne me contestera pas ces raisons puisqu’elles me sont absolument personnell
1862  on ne me contestera pas ces raisons puisqu’elles me sont absolument personnelles et qu’elles ont la valeur d’un témoignag
1863 n témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un petit examen aux principes de cette institution passi
1864 téressée : mais celle-là est la plus vive. Enfin, je tiens à reconnaître qu’ici je ne cherche point l’équité. Pas plus que
1865 a plus vive. Enfin, je tiens à reconnaître qu’ici je ne cherche point l’équité. Pas plus que vous, qui défendez de parti p
1866 plus que vous, qui défendez de parti pris ce que j’ attaque. L’esprit d’équité, avec son préjugé pacifiste n’est pas toujo
1867 pas toujours l’esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la vérité à la tranquillité bour
1868 ordonnent la vérité à la tranquillité bourgeoise. Je tiens le « gain de paix » pour illusoire : il consiste à repousser la
1869 que déjà plusieurs proposent de trancher le nœud. Je me bornerai à l’examen des caractères les plus généraux de l’instruct
1870 déjà plusieurs proposent de trancher le nœud. Je me bornerai à l’examen des caractères les plus généraux de l’instruction
1871 justement par cette psychologie de l’enfant dont je disais tout à l’heure que la connaissance n’est pas exigée de ceux qu
1872 utes les particularités, toutes les « prises » où pourrait s’accrocher l’intérêt. Ils dispensent de tout contact direct avec ce
1873 s de deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ ai oublié le nom. Une autre conséquence du gavage, c’est qu’on ne peut
1874 . Une autre conséquence du gavage, c’est qu’on ne peut laisser aux élèves le temps qu’il faut pour assimiler ce qu’ils appre
1875 aît que cela facilite le travail du maître. Il se peut . Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de
1876 ut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on d
1877 le est comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise autrement — est essentiellement négative. Elle consiste
1878 ue notre peuple met dans cette expression !) Pour moi , ce que je retire de plus évident de mon expérience scolaire, c’est u
1879 ple met dans cette expression !) Pour moi, ce que je retire de plus évident de mon expérience scolaire, c’est une grosse v
1880  !) Pour moi, ce que je retire de plus évident de mon expérience scolaire, c’est une grosse vérité que le bon sens m’eût pa
1881 scolaire, c’est une grosse vérité que le bon sens m’ eût par ailleurs fait voir : il n’y a pas d’égalité réelle possible ta
1882 e possible tant que la loi est la même pour tous. Je ne parle pas des manuels d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré
1883 ole est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais
1884 out de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là
1885 ie. Il y a là une préméditation de médiocrité que je ne puis m’empêcher de trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a
1886 là une préméditation de médiocrité que je ne puis m’ empêcher de trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a de bons po
1887 es bons points vont aux parfaits imitateurs. Oyez- moi tous ces petits phonographes… ographes… graphes… graphes… Enfoncés, l
1888 e d’imbéciles ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantage des gens en place, vieille histoire. On m’object
1889 ’avantage des gens en place, vieille histoire. On m’ objectera sans doute quelques « brillantes carrières » fournies par d’
1890 ces brillants météores ne troublent pas beaucoup ma superstition, par ailleurs fort grande. Tous ceux qui ont eu l’occasi
1891 publique qu’ils ont subies. 3.h. Le dilemme J’ ai indiqué que les principes de l’instruction publique ne coïncident q
1892 cident qu’accidentellement avec ceux du bon sens. Je m’en tiendrai là, renonçant pour cette fois à démontrer, ce qui serai
1893 ent qu’accidentellement avec ceux du bon sens. Je m’ en tiendrai là, renonçant pour cette fois à démontrer, ce qui serait f
90 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 4. L’illusion réformiste
1894 entendu, tout cela a été dit. (Un peu autrement, j’ en conviens). On n’a pas attendu ma colère pour entreprendre ce travai
1895 peu autrement, j’en conviens). On n’a pas attendu ma colère pour entreprendre ce travail de démolition. Il suffit pour s’e
1896 e mettra à marcher dans le couloir en s’écriant : je marche, ou : j’arpente ; un autre restera assis, en affirmant : je si
1897 er dans le couloir en s’écriant : je marche, ou : j’ arpente ; un autre restera assis, en affirmant : je siège ; un troisiè
1898 ’arpente ; un autre restera assis, en affirmant : je siège ; un troisième lèvera la main, et dira : je lève la main, — au
1899 je siège ; un troisième lèvera la main, et dira : je lève la main, — au lieu de demander ce qu’on croit. Tout porte à crai
1900 la faveur du tumulte l’un ou l’autre proclamant : je sors ! ne traduise incontinent ce verbe en action et ne disparaisse à
1901 graves, parce qu’elles sont comiques précisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’une autre nature. Elle prétend
1902 ces mêmes de sa liberté. « Instruire en amusant » peut être la formule d’une tromperie subtile et plus grave que la brutalit
1903 de réaction vive de la part des écoliers. Enfin, je n’aime pas qu’on traite le gosse comme un organisme dont il s’agit d’
1904 n enfant de 6 ans… Mettez ensemble trois enfants… Je reconnais que les buts de l’école nouvelle sont honnêtement scientifi
1905 ssés. Mais l’enfant-cobaye vaut l’enfant-citoyen. Moi , je voudrais l’enfant tout court. Or il paraît que c’est très dangere
1906 Mais l’enfant-cobaye vaut l’enfant-citoyen. Moi, je voudrais l’enfant tout court. Or il paraît que c’est très dangereux.
1907 Or il paraît que c’est très dangereux. Néanmoins, je soupçonne dans tous ces mouvements des possibilités lointaines qui so
1908 vements des possibilités lointaines qui sont pour me plaire ; un grignotement du système officiel qui pourrait bien un jou
1909 plaire ; un grignotement du système officiel qui pourrait bien un jour l’atteindre au cœur, et je vois tout ce que cela entraîn
1910 qui pourrait bien un jour l’atteindre au cœur, et je vois tout ce que cela entraînerait, dans une ruine d’où renaîtrait pe
1911 s une ruine d’où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à un enseignement sans école. Je songe au maître antique, dont
1912 ’humanité… Je songe à un enseignement sans école. Je songe au maître antique, dont toute la personne était un enseignement
1913 ui sait ?… En attendant, puisqu’il faut attendre, je salue ces jeunes gens qui appliquent avec ferveur les principes de l’
1914 les classes sont de vraies foires ; ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur faire remarquer d’autant plus libremen
1915 de vraies foires ; ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur faire remarquer d’autant plus librement qu’ils trahiss
1916 rie de petits démocrates conscients et organisés. Je crains que ce malentendu ne soit décidément trop gros pour échapper p
1917 plus longtemps à MM. les Inspecteurs des Écoles. Je le crains, dis-je ; car le monde ne progresse qu’à la faveur de malen
1918 MM. les Inspecteurs des Écoles. Je le crains, dis- je  ; car le monde ne progresse qu’à la faveur de malentendus (si tant es
1919 à cependant une possibilité pratique d’en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de vue de la vérité, force nous est de r
1920 tiennent lieu. 8. Voir à l’appendice le sens que je donne à ce mot, p. 57.
91 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 5. La machine à fabriquer des électeurs
1921 5. La machine à fabriquer des électeurs Je crois à l’absurdité de fait de l’instruction publique. Je crois aussi
1922 à l’absurdité de fait de l’instruction publique. Je crois aussi qu’on ne peut réformer l’absurde. Je demande seulement qu
1923 e l’instruction publique. Je crois aussi qu’on ne peut réformer l’absurde. Je demande seulement qu’on m’explique pourquoi il
1924 Je crois aussi qu’on ne peut réformer l’absurde. Je demande seulement qu’on m’explique pourquoi il triomphe et se perpétu
1925 ut réformer l’absurde. Je demande seulement qu’on m’ explique pourquoi il triomphe et se perpétue ; de quel droit il nous é
1926 qu’ensemble. Il n’y aura qu’une oraison. Laïque. J’ entends qu’on ne me conteste pas cette thèse. Elle est glorifiée dans
1927 y aura qu’une oraison. Laïque. J’entends qu’on ne me conteste pas cette thèse. Elle est glorifiée dans tous les banquets o
1928 s idéologies enivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ ai l’honneur de partager avec mes adversaires se trouve correspondre à
1929 s, cette idée que j’ai l’honneur de partager avec mes adversaires se trouve correspondre à des faits patents et simples ; i
1930 tion publique est pratiquement irréalisable. Ici, je demanderai poliment au lecteur de vouloir bien ne point trop faire la
1931 e vouloir bien ne point trop faire la bête, sinon je me verrai contraint de lui expliquer un certain nombre de vérités tel
1932 ouloir bien ne point trop faire la bête, sinon je me verrai contraint de lui expliquer un certain nombre de vérités tellem
1933 t pas sans quelque indécence. Et d’abord, il faut pouvoir lire, écrire et compter pour suivre la campagne électorale, voter et
1934 ne satisfaction sordide et mal dissimulée. Certes je ne prétends pas que les créateurs de l’instruction publique aient ple
1935 ent pleine conscience de ce qu’ils faisaient — et je les excuse pour autant 10. Je dis simplement ceci : leur œuvre n’a ét
1936 ’ils faisaient — et je les excuse pour autant 10. Je dis simplement ceci : leur œuvre n’a été possible que parce qu’elle é
1937 utés pour célébrer les bienfaits sociaux, que dis- je , la valeur hautement moralisatrice de ces glapissants entonnoirs. D’a
1938 on non moins flagrante, dans ses suites normales. Je n’en veux pas d’autre preuve que l’état grotesquement arriéré de notr
1939 s (si possible radicaux, en tout cas démocrates). Je me souviens d’un dessin humoristique publié en 1914, représentant l’œ
1940 si possible radicaux, en tout cas démocrates). Je me souviens d’un dessin humoristique publié en 1914, représentant l’œuvr
1941 ter, malgré ses ratés assez fréquents. Maintenant je vous demande un peu quel intérêt il y aurait à perfectionner l’instru
1942 ques, voire aux besoins purement sentimentaux qui peuvent apparaître chez les enfants ? Ce serait de l’art pour l’art. On ne pe
1943 es enfants ? Ce serait de l’art pour l’art. On ne peut pas en demander tant aux gouvernements. La réforme scolaire, politiqu
1944 Tout se tient, comme vous dites, sans doute pour m’ ôter l’envie de bousculer quoi que ce soit. J’aime bien les tremblemen
1945 our m’ôter l’envie de bousculer quoi que ce soit. J’ aime bien les tremblements de terre, vous tombez mal. J’appartiens à c
1946 bien les tremblements de terre, vous tombez mal. J’ appartiens à cette espèce de gens qui font confiance à leur sensibilit
1947 qu’aux idées des autres. Or, c’est une révolte de ma sensibilité qui me dresse contre l’École. Mes arguments ne se mettent
1948 tres. Or, c’est une révolte de ma sensibilité qui me dresse contre l’École. Mes arguments ne se mettent en branle qu’après
1949 e de ma sensibilité qui me dresse contre l’École. Mes arguments ne se mettent en branle qu’après coup. Et quand vous les dé
1950 qu’après coup. Et quand vous les démoliriez tous, ma rage n’en serait pas moins légitime. Je lui donne raison par définiti
1951 iez tous, ma rage n’en serait pas moins légitime. Je lui donne raison par définition. Après tout, peu m’importent les idéo
1952 lui donne raison par définition. Après tout, peu m’ importent les idéologies politiques, et peu m’importerait que l’École
1953 peu m’importent les idéologies politiques, et peu m’ importerait que l’École soit une machine à fabriquer de la démocratie
1954 oit une machine à fabriquer de la démocratie — si je ne sentais menacées dans cette aventure des valeurs d’âme auxquelles
1955 dans cette aventure des valeurs d’âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement d
1956 valeurs d’âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement de l’évolution dont je vie
1957 émocratie est l’aboutissement de l’évolution dont je viens de décrire la marche nécessaire 11. On ne manquera pas d’insinu
1958 tes douleurs de jeune bourgeois. Essayez de venir me dire ça chez moi, n’est-ce pas, mes agneaux. C’est justement dans la
1959 jeune bourgeois. Essayez de venir me dire ça chez moi , n’est-ce pas, mes agneaux. C’est justement dans la mesure où je part
1960 sayez de venir me dire ça chez moi, n’est-ce pas, mes agneaux. C’est justement dans la mesure où je participais de l’écoeur
1961 s, mes agneaux. C’est justement dans la mesure où je participais de l’écoeurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d
1962 articipais de l’écoeurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d’un régime nocif pour tout ce qu’il y a d’authentiquem
1963 icipais de l’écoeurant optimisme bourgeois que je m’ accommodais d’un régime nocif pour tout ce qu’il y a d’authentiquement
1964 âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce peut être le signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a pas de révo
1965 ièges, ils comprendront le sens des images.) 9. J’ emploie ce mot au sens fort, au sens enivrant, 100 %. Beaucoup de gens
1966 opposés coïncident en tant de points — voilà qui m’ inquiéterait, à votre place.
92 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 6. La trahison de l’instruction publique
1967 nous promet de tous côtés de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouissent mauvaisement. (« C’est bien fait. C
1968 cliché, mais schématiques. Or l’École radicale ne peut pas être idéaliste : car elle deviendrait un danger pour le désordre
1969 roduction. Le culte des valeurs désintéressées ne peut que diminuer le « rendement » quantitatif de ceux qui s’y livrent. Je
1970  rendement » quantitatif de ceux qui s’y livrent. Je ne veux pas me poser ici en défenseur des vertus patriarcales. Mais j
1971 antitatif de ceux qui s’y livrent. Je ne veux pas me poser ici en défenseur des vertus patriarcales. Mais je m’adresse aux
1972 er ici en défenseur des vertus patriarcales. Mais je m’adresse aux démocrates convaincus, partisans des « lumières » et qu
1973 ici en défenseur des vertus patriarcales. Mais je m’ adresse aux démocrates convaincus, partisans des « lumières » et qui p
1974 s ça, à la famille, « cette cellule sociale ». Et je les traite de mauvais plaisants. Admirez mon extrême modération. Ceci
1975 ». Et je les traite de mauvais plaisants. Admirez mon extrême modération. Ceci fait, constatez avec moi que la famille étai
1976 mon extrême modération. Ceci fait, constatez avec moi que la famille était encore un milieu naturel, donc normatif. Le coll
1977 Il est vrai qu’elle est anormalement insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin d’une purge violente qui chasse ce ver
1978 sse ce ver solitaire du matérialisme. Et quand on m’ aura démontré que les besoins de l’époque exigent une organisation à o
1979 que exigent une organisation à outrance du monde, je répondrai que dans la mesure où cette exigence est satisfaite naît un
1980 ardisation de toutes les mesquineries naturelles ( je ne fais le procès de la bêtise humaine qu’en tant qu’elle est cultivé
93 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 7. L’instruction publique contre le progrès
1981 le reste, pensez-vous. Il faut avouer qu’avec ce je ne sais quoi de déclamatoire, de… journalistique, de bedonnant creux,
1982 , vous aimez les idées généreuses, n’est-ce pas ? J’ en étais sûr. Cependant j’ai peur que mon progrès ne soit pas le vôtre
1983 éreuses, n’est-ce pas ? J’en étais sûr. Cependant j’ ai peur que mon progrès ne soit pas le vôtre, et même que sa nature ne
1984 -ce pas ? J’en étais sûr. Cependant j’ai peur que mon progrès ne soit pas le vôtre, et même que sa nature ne l’entraîne dan
1985 ri duquel on distille du radicalisme intégral. On me fera observer que beaucoup des servants de la machine sont socialiste
1986 ervateurs : voilà qui ne change pas le rendement, j’ imagine, ni la nature des produits excrétés. On forme nos gosses, dès
1987 pprend les questions aussi bien que les réponses. J’ avoue que je trouve ça très fort : avoir obtenu un conformisme de la c
1988 uestions aussi bien que les réponses. J’avoue que je trouve ça très fort : avoir obtenu un conformisme de la curiosité. Il
1989 us allez feindre de trouver bien bonne celle-ci : je prétends que l’instruction publique est une puissance conservatrice.
1990 s’enlise notre civilisation ; et où la Démocratie peut se conserver des siècles encore… Or si je dis que l’École est contre
1991 ratie peut se conserver des siècles encore… Or si je dis que l’École est contre le progrès, c’est que le progrès consiste
1992 ser le citoyen, de retrouver l’homme tout entier. Je distingue dans cette opération deux temps : d’abord critiquer ce qui
1993 our les jeux nouveaux que l’humanité de demain ne peut manquer de s’inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une intention pr
1994 humanité de demain ne peut manquer de s’inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une intention providentielle dans cet amou
1995 demain ne peut manquer de s’inventer. Je ne puis m’ empêcher de voir une intention providentielle dans cet amour de la des
1996 u passé. Mais la considération de régimes anciens peut nous amener à constater, sans plus, que notre soi-disant progrès soci
1997 it est la jalousie rancie armée de pédantisme, et je ne parle pas du décor, des odeurs, de la poussière, des petites habit
1998 rité des électeurs les considèrent comme tels. Et je ne me tiendrai pas pour battu quand on m’aura fait remarquer que la p
1999 es électeurs les considèrent comme tels. Et je ne me tiendrai pas pour battu quand on m’aura fait remarquer que la plupart
2000 els. Et je ne me tiendrai pas pour battu quand on m’ aura fait remarquer que la plupart des intellectuels se sont convertis
2001 pposons tout cela fait. Respirons. Mais déjà vous m’ attendez à ce tournant et vous me sommez de dire comment, maintenant,
2002 . Mais déjà vous m’attendez à ce tournant et vous me sommez de dire comment, maintenant, je vais m’y prendre pour préparer
2003 nt et vous me sommez de dire comment, maintenant, je vais m’y prendre pour préparer les temps nouveaux. Énorme question. A
2004 us me sommez de dire comment, maintenant, je vais m’ y prendre pour préparer les temps nouveaux. Énorme question. Aurai-je
2005 éparer les temps nouveaux. Énorme question. Aurai- je la naïveté non moins énorme d’esquisser ici la réponse que je lui rés
2006 é non moins énorme d’esquisser ici la réponse que je lui réserve ? L’instruction publique est la forme la plus commune de
2007 complète, à un degré supérieur d’inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’intégrer la raison.
2008 sera au tour de l’instinct d’intégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce temps. Et que le véritable progrès ve
2009 tout ce qui entrave cet avènement. C’est pourquoi je réclame l’expulsion de la congrégation radicale des instituteurs. On
2010 de la congrégation radicale des instituteurs. On me demande encore ce que je mettrais à la place. Et parce que je ne prop
2011 ale des instituteurs. On me demande encore ce que je mettrais à la place. Et parce que je ne propose rien de bien précis,
2012 ncore ce que je mettrais à la place. Et parce que je ne propose rien de bien précis, on triomphe grossièrement. J’aurais v
2013 e rien de bien précis, on triomphe grossièrement. J’ aurais voulu vous voir demander à un sujet de Louis XIV ce qu’il conce
2014 de Saint-Guy politique dont rien de leur temps ne pouvait offrir la moindre préfiguration ? Eh bien ! induisez de cette similit
94 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Appendice. Utopie
2015 . Utopie Un os à la meute. (Et figurez-vous que j’ ai la ferme intention de vous faire rigoler, si cela peut vous rassure
2016 la ferme intention de vous faire rigoler, si cela peut vous rassurer quant à ma santé morale.) La question est de savoir si
2017 faire rigoler, si cela peut vous rassurer quant à ma santé morale.) La question est de savoir si nous serons des hommes de
2018 eule une grande vague de l’imagination collective peut désensabler le vieux bateau occidental. Un nouvel état d’esprit : voi
2019 aintenant se constituent ces élites et cela ne se peut que si les tenants de l’ordre spirituel retrouvent le courage d’être,
2020 ré les mots 14, des anarchistes et des utopistes. J’ appelle anarchiste, tout ce qui est violemment et intégralement humain
2021 espèce, un anarchiste embrigadé. L’anarchiste que j’ aime est simplement un homme libre qui a une foi (ou un amour) et qui
2022 (ou un amour) et qui s’y consacre. (Mais alors !… Je vois à votre mine stupidement rassurée que vous vous dites : c’est to
2023 rassurée que vous vous dites : c’est tout à fait moi  ! — Détrompez-vous. Vous ne savez pas ce que c’est que libre ou consa
2024 Que faire, diront les gens de bonne volonté dont mon imagination romantique suppose l’existence. Que faire ? Voir et pense
2025 les effets suivront infailliblement. Par exemple, je vous demande une fois pour toutes si vous tenez, oui ou non, M. W. Ro
2026 erce leur mépris pour l’instruction publique. Ils peuvent dire ce qu’ils veulent à propos de n’importe quoi, comme on sait, et
2027 de moins qu’une rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’est ainsi qu’on peut imaginer sans trop d’invraisemb
2028 lisme, ce que je propose-là. Et c’est ainsi qu’on peut imaginer sans trop d’invraisemblance de petites réformes. Mais j’en a
2029 trop d’invraisemblance de petites réformes. Mais j’ en ai assez dit pour éviter ce malentendu : je ne crois pas à la possi
2030 ais j’en ai assez dit pour éviter ce malentendu : je ne crois pas à la possibilité d’une réforme suffisante. C’est une rév
2031 quel emploi utopique de l’organisation existante peut -on imaginer ? L’école devrait donner à l’enfant ce que son entourage
2032 devrait donner à l’enfant ce que son entourage ne peut plus lui donner : des modèles de pensées. Un entraînement de l’esprit
2033 és. On croit devoir se défendre : on se moque. On me dit : vous ne voyez tout de même pas une classe de gamins répétant la
2034 nullement de cela. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que je m’en doute. Mais l’Occidental aussi pratique son yog
2035 a. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que je m’en doute. Mais l’Occidental aussi pratique son yoga à lui : toutes
2036 Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que je m’ en doute. Mais l’Occidental aussi pratique son yoga à lui : toutes les
2037 r une grande intensité avec un minimum de moyens. J’ en citerai deux exemples : la discipline jésuite et le drill militaire
2038 uent des sources d’énergie nouvelle. Le parallèle peut être poussé dans les détails. Il s’agit bien d’un geste identique, ex
2039 yoga corporel, le yoga est un drill de l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux et impopulaires. Tout comm
2040 leurs. Tant mieux. Il y a beaucoup de gens qui ne peuvent pas séparer une méthode des fins auxquelles on l’applique généralemen
2041 n l’applique généralement. Ces gens-là diront que je veux militariser l’enseignement ou transformer les collèges en couven
2042 stent cachées aux agités ; la nature par exemple. Je ne demande pas qu’on nous enseigne le goût de la nature. Mais qu’on n
2043 e le temps de la regarder. De faire connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré de dire que tout homme gagnerait à poss
2044 avons vu qu’elle préfère les étouffer. Cependant, je ne crois pas qu’il soit bon que tous progressent de la même manière.
2045 sse quelque chose comme l’instruction privée : et moi je la voudrais secrète. Vous verrez bien. Cela se fera sans vous. Déj
2046 quelque chose comme l’instruction privée : et moi je la voudrais secrète. Vous verrez bien. Cela se fera sans vous. Déjà r
2047 ue saveur à ses jugements. C’est pourquoi l’on ne peut plus attaquer un fonctionnaire dans ses activités publiques sans que
2048 e de ce M. Machin, membre du conseil de paroisse. Je préciserai donc : je tiens l’École pour criminelle. Mais je ne tiens
2049 mbre du conseil de paroisse. Je préciserai donc : je tiens l’École pour criminelle. Mais je ne tiens pas tous les institut
2050 rai donc : je tiens l’École pour criminelle. Mais je ne tiens pas tous les instituteurs pour gibier de potence. Ils font b
2051 de toute destination religieuse particulière. On peut faire des haltères et rester pacifiste. NOTE C Vous parlez de la gran
2052 ste. NOTE C Vous parlez de la grande vulgarité de mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein sens du mot, c’est le genre d
2053 pparaissent ici que pour impressionner le public. Je n’ai pas besoin de leurs attendus pour juger. 14. Ces deux mots en e
2054 n promet des confitures à l’enfant s’il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime que la liberté.
2055 omet des confitures à l’enfant s’il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime que la liberté.
2056 t des confitures à l’enfant s’il est sage. Moi je m’ en moque. Je n’aime que la liberté.
2057 ures à l’enfant s’il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime que la liberté.
95 1930, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)
2058 lement funestes, également démesurées, l’homme ne peut subsister qu’en tant que son génie parvient à composer les deux péril
2059 stration des puissances de nature inhumaine. Nous pourrons définir un tel humanisme : l’organe d’équilibre de la civilisation. N
2060 e scientifique. Cherchant des lois, la science ne peut trouver que des déterminismes. Soumettre l’esprit à ses méthodes, c’e
2061 Seul un parti pris constant en faveur de l’esprit peut maintenir l’équilibre de l’esprit et de la matière. L’humanisme moder
2062 pensée qui par ailleurs participe de la liberté : j’ entends la pensée mystique. L’expérience mystique a la même extension
2063 tte fatalité qui est le signe du monde matériel. Je vois l’humanisme nouveau sous l’aspect d’une culture des facultés mys
2064 particulière, antérieure à n’importe quel dogme. Je ne crois pas qu’il existe d’autres facultés capables d’équilibrer en
2065 ables d’équilibrer en nous l’esprit de géométrie. J’ imagine une méthode, une façon d’appréhender la vie, de hiérarchiser n
2066 it pas de l’existence la poésie, ce sens du Réel. Je vois se composer en cette méthode — peut-être séculairement — ce que
2067 sans doute… Mais tout commence par des rêves. Et je ne vois rien d’autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’un n
2068 rtain qu’il a perdu son ascendant. D’ailleurs son pouvoir , s’il en eut, ne s’étendit guère au-delà des limites du monde roman.
2069 ’homme se propose ont ceci d’insuffisant : qu’ils peuvent être atteints. Mais ce qui parfait la stature de l’homme, c’est l’eff
2070 faux dieux — le fascinant éclat de ce vide ? 5. Je songe à la « psychologie scientifique » et à ce leurre qu’est l’attit
2071 t à ce leurre qu’est l’attitude paralléliste. 6. J’ exagère probablement, car la sincérité de ce néo-scientisme tempéré — 
96 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henri Michaux, Mes propriétés (mars 1930)
2072 Henri Michaux, Mes propriétés (mars 1930)bd Si vous avez la curiosité, mieux, le goût
2073 r que l’esprit pénètre dans la poésie, vous lirez Mes Propriétés. Il se peut que vous les trouviez médiocrement riantes, au
2074 dans la poésie, vous lirez Mes Propriétés. Il se peut que vous les trouviez médiocrement riantes, au premier coup d’œil, as
2075 émouvante bizarrerie (Mort d’un Page). Cependant je préfère ses proses : il y a ici plus qu’une manière et qu’un ton, il
2076 mps — depuis les Trivia de Logan Pearsall Smith — je n’avais pas lu de livre où s’exprimât avec une pareille sécurité dans
2077 ugemont Denis de, « [Compte rendu] Henri Michaux, Mes propriétés  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, m
97 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Kikou Yamata, Saisons suisses (mars 1930)
2078 matin plein de mouettes — « Un beau bruit d’ailes me fait un ciel » — la vaporeuse beauté du lac de Neuchâtel. Mlle Kikou
2079 eût pensé qu’avec un jeu de noirs et de gris l’on pût recréer toute la ferveur d’un coucher de soleil. Des formes purifiées
98 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Jullien du Breuil, Kate (avril 1930)
2080 e genre de livres — ils se multiplient — vient, à mon sens, de quelque chose qu’ils expriment sans doute inconsciemment et
99 1930, Articles divers (1924–1930). Le prisonnier de la nuit (avril 1930)
2081 coupole errante des prières à dieux perdus. II Je ne sais pas où tu m’entends mais ces hauts murs d’ombre et de vent au
2082 rières à dieux perdus. II Je ne sais pas où tu m’ entends mais ces hauts murs d’ombre et de vent autour du monde où nous
2083 us qui rôdent à la recherche d’un corps faible. Je ne sais pas où tu m’attends mais je sais comment tu pleurais. Au carr
2084 cherche d’un corps faible. Je ne sais pas où tu m’ attends mais je sais comment tu pleurais. Au carrefour des cris perdus
2085 rps faible. Je ne sais pas où tu m’attends mais je sais comment tu pleurais. Au carrefour des cris perdus j’écoute encor
2086 comment tu pleurais. Au carrefour des cris perdus j’ écoute encore une voix nue qui vient de dire ton nom même avec l’accen
2087 dire ton nom même avec l’accent de notre amour et mon visage est immobile tourné vers l’ombre où tu m’entends. III Fais
2088 mon visage est immobile tourné vers l’ombre où tu m’ entends. III Fais rentrer dans leur peau d’ombre ces mots qui voud
2089 lèvres battent doucement écoute-les. IV Tends moi la main à travers cette ombre rapide si je te joins nous la tiendrons
2090 Tends moi la main à travers cette ombre rapide si je te joins nous la tiendrons captive écoute les cloches et le scintille
2091 x profondes qui échangent leurs douceurs. Tiens moi bien nous allons partir l’air s’entrouvre un feu rose éclôt voici ton
2092 rose éclôt voici ton heure au regard le plus pur je suis à toi dans le triomphe du silence sereine tu es toujours plus se
2093 V Oh qui a retiré tes mains des miennes quand je te regardais trop profond pour te voir ? Maintenant je suis seul à re
2094 regardais trop profond pour te voir ? Maintenant je suis seul à redescendre au jour dans l’aube sans refuges… VI Prison
100 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les soirées du Brambilla-club (mai 1930)
2095 oésie, et la France c’est la Chambre des Députés, je n’en veux pas démordre, et la Légion d’honneur — je vous la laisse, l
2096 n’en veux pas démordre, et la Légion d’honneur — je vous la laisse, la Légion d’honneur. Quand vous prenez un taxi passé
2097 lemand, — et l’allemand littéraire y suffit. Pour moi , je ne me sens pas trop embarrassé ; comme j’habite l’Odéon, c’est to
2098 d, — et l’allemand littéraire y suffit. Pour moi, je ne me sens pas trop embarrassé ; comme j’habite l’Odéon, c’est toujou
2099 t l’allemand littéraire y suffit. Pour moi, je ne me sens pas trop embarrassé ; comme j’habite l’Odéon, c’est toujours le
2100 ur moi, je ne me sens pas trop embarrassé ; comme j’ habite l’Odéon, c’est toujours le fantôme de l’Odéon qui m’accompagne
2101 l’Odéon, c’est toujours le fantôme de l’Odéon qui m’ accompagne et nous ne disons presque rien, nous savons les mêmes histo
2102 t des noctambules préfèrent d’aller à pied ; mais moi je me méfie ; se promener seul la nuit dans une ville étrangère, n’es
2103 s noctambules préfèrent d’aller à pied ; mais moi je me méfie ; se promener seul la nuit dans une ville étrangère, n’est-c
2104 octambules préfèrent d’aller à pied ; mais moi je me méfie ; se promener seul la nuit dans une ville étrangère, n’est-ce p
2105 -ce point la définition même de la luxure ? Quand je vais à pied, j’oublie en chemin les meilleures phrases que j’avais pr
2106 inition même de la luxure ? Quand je vais à pied, j’ oublie en chemin les meilleures phrases que j’avais préparées pour sub
2107 ed, j’oublie en chemin les meilleures phrases que j’ avais préparées pour subjuguer mes amies, je m’intéresse aux cravates,
2108 ures phrases que j’avais préparées pour subjuguer mes amies, je m’intéresse aux cravates, enfin, je sens mon esprit qui se
2109 s que j’avais préparées pour subjuguer mes amies, je m’intéresse aux cravates, enfin, je sens mon esprit qui se dégrade as
2110 ue j’avais préparées pour subjuguer mes amies, je m’ intéresse aux cravates, enfin, je sens mon esprit qui se dégrade assez
2111 er mes amies, je m’intéresse aux cravates, enfin, je sens mon esprit qui se dégrade assez rapidement et se dissout dans un
2112 mies, je m’intéresse aux cravates, enfin, je sens mon esprit qui se dégrade assez rapidement et se dissout dans une sentime
2113 n’est pas venue… (C’est ici le lieu de l’avouer : je ne saurais entretenir que mes rapports de politesse distante avec les
2114 e lieu de l’avouer : je ne saurais entretenir que mes rapports de politesse distante avec les personnes qui ont dit, ne fût
2115 ui ont dit, ne fût-ce qu’une fois en leur vie : «  J’ ai horreur de la sentimentalité ».) Nous voici donc en taxi, « nous de
2116 s deux le fantôme » comme on disait au village où je suis né, qui n’est pas ma patrie. Ce soir-là, le fantôme ayant envie
2117 on disait au village où je suis né, qui n’est pas ma patrie. Ce soir-là, le fantôme ayant envie de manger ferme a donné au
2118 ur l’adresse d’un ogre. C’est tout près parce que j’ ai peur. En même temps c’est très loin parce que je me réjouis. La Mai
2119 ’ai peur. En même temps c’est très loin parce que je me réjouis. La Maison des Ogres est au 53 rue de Rennes ; je ne vous
2120 peur. En même temps c’est très loin parce que je me réjouis. La Maison des Ogres est au 53 rue de Rennes ; je ne vous le
2121 is. La Maison des Ogres est au 53 rue de Rennes ; je ne vous le confie pas sans un secret tremblement. Nous embarquons Jea
2122 t d’un poète authentique. Le pittoresque. D’abord je crains que la notion n’en soit toute relative aux modes de « vie » bo
2123 « vie » bourgeois ; et puis la, comédie n’est pas mon fort, même la triste. Je n’aime plus que les choses lentement émouvan
2124 s la, comédie n’est pas mon fort, même la triste. Je n’aime plus que les choses lentement émouvantes, monotones et aiguës,
2125 ail jusqu’à l’aube, la naissance d’un visage dans ma mémoire (d’heure en heure ces yeux plus vivants…) De là, je le suppos
2126 (d’heure en heure ces yeux plus vivants…) De là, je le suppose, une certaine misanthropie en germe : les êtres changent t
2127 nthropie en germe : les êtres changent trop vite, je n’ai pas le temps de me laisser envoûter ou de les rendre esclaves, h
2128 êtres changent trop vite, je n’ai pas le temps de me laisser envoûter ou de les rendre esclaves, hors de quoi je ne sais p
2129 envoûter ou de les rendre esclaves, hors de quoi je ne sais pas de commerce humain qui vaille la peine, qui vaille l’amou
2130 d enfin qu’il est perdu, il découvre la liberté. ( Je pense à la boussole autant qu’au sens moral.) Le goût de se perdre es
2131 des plus profonds mystères de notre condition, et je ne crois pas trop absurde d’y chercher l’origine non seulement des pa
2132 rquoi ne pas se perdre sans arrière-pensée ? S’il me reste un espoir au sein de mes erreurs les moins préméditées, c’est s
2133 rière-pensée ? S’il me reste un espoir au sein de mes erreurs les moins préméditées, c’est sans doute celui d’être trouvé.
2134 réméditées, c’est sans doute celui d’être trouvé. J’ ai toujours méprisé le geste de l’homme qui, le soir dans sa chambre d
2135 uble tour. Ah ! qu’une nuit enfin, à la faveur de mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que des êtres rêvés m’emportent ! — 
2136 qu’une nuit enfin, à la faveur de mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que des êtres rêvés m’emportent ! — Ils me conduira
2137 meil, on me vole à moi-même ! Que des êtres rêvés m’ emportent ! — Ils me conduiraient là où je ne sais pas que j’ai si gra
2138 oi-même ! Que des êtres rêvés m’emportent ! — Ils me conduiraient là où je ne sais pas que j’ai si grand désir d’aller… Es
2139 s rêvés m’emportent ! — Ils me conduiraient là où je ne sais pas que j’ai si grand désir d’aller… Est-ce ici ? Je regarde
2140  ! — Ils me conduiraient là où je ne sais pas que j’ ai si grand désir d’aller… Est-ce ici ? Je regarde autour de moi : des
2141 pas que j’ai si grand désir d’aller… Est-ce ici ? Je regarde autour de moi : des murs sans yeux dominent des baraques épar
2142 désir d’aller… Est-ce ici ? Je regarde autour de moi  : des murs sans yeux dominent des baraques éparses dans une brousse o
2143 bouger les jambes. Nous suivons à tâtons. Ce que je pressentais ne tarde pas à se produire : des aboiements fous et une e
2144 le : c’est tout de suite écœurant et prétentieux. Je suis de ceux qui mangent sans faire d’histoires. Je remarque simpleme
2145 suis de ceux qui mangent sans faire d’histoires. Je remarque simplement qu’on n’est jamais mieux pour parler qu’en face d
2146 pure. Edmond Jaloux préside à cette agape dont il m’ est impossible de nommer tous les officiants visibles ou virtuels, et
2147 ticulier à le parfaire ? — il est bientôt minuit. Mon fantôme est là. Un chien, Dick, est là. Pierre Girard n’est pas là, n
2148 mbast et Mlle Monnier sont là. Jacques Chenevière pourrait très bien être là, puisqu’en ma voisine, je reconnais la Jeune fille
2149 Chenevière pourrait très bien être là, puisqu’en ma voisine, je reconnais la Jeune fille de neige. On la sent prête à fon
2150 pourrait très bien être là, puisqu’en ma voisine, je reconnais la Jeune fille de neige. On la sent prête à fondre de tendr
2151 es Petit, égaré, en ayant soin d’ajouter ceux que j’ oublie, vous obtiendrez le chiffre exact des participants ; calculez l
2152 de l’Italie et une certaine qualité de désespoir, je retrouve les contes d’Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt qu
2153 vivre plutôt que d’en parler vous voyez bien que j’ ai quitté cette table écroulée, dans la fumée et les évocations, sous
2154 ui cachait le front des palais, une nuit d’hiver, je chantonnais la Barcarolle en descendant le Grand Canal, — c’est une r
2155 ériennes, des chansons populaires qui sont ce que je connais de plus indiciblement nostalgique. Und solltest du im Leben
2156 nes. Un grand verre de bière à l’auberge déserte, ma pipe et mon chien qui bougonne. La petite maison du colonel en retrai
2157 nd verre de bière à l’auberge déserte, ma pipe et mon chien qui bougonne. La petite maison du colonel en retraite a des fen
2158 l est temps de mettre à ces fariboles un terme19. J’ ai du solide à équarrir. Et auparavant, j’aimerais lire un peu. Mes au
2159 erme19. J’ai du solide à équarrir. Et auparavant, j’ aimerais lire un peu. Mes auteurs ? Goethe en tout temps ; Rodolphe To
2160 équarrir. Et auparavant, j’aimerais lire un peu. Mes auteurs ? Goethe en tout temps ; Rodolphe Toepffer (admiré par Goethe