1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 s jésuites (9 février 1924)a M. de Montherlant est considéré par plusieurs comme l’un des héritiers de Barrès. Le rappro
2 me l’un des héritiers de Barrès. Le rapprochement est peut-être prématuré, tout au plus peut-on dire qu’à l’heure présente
3 rément purement littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, cette inquié
4 la recherche de la vérité. Dès son premier livre, il s’est montré tout entier, il a bravement affirmé son unité. Car le te
5 cherche de la vérité. Dès son premier livre, il s’ est montré tout entier, il a bravement affirmé son unité. Car le temps n’
6 s son premier livre, il s’est montré tout entier, il a bravement affirmé son unité. Car le temps n’est plus, où les jeunes
7 il a bravement affirmé son unité. Car le temps n’ est plus, où les jeunes gens se faisaient, avec sérieux, des âmes excepti
8 esthétisme énervant qu’on appelle symbolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine de M. de Montherlant, qui en est sort
9 ssance à la doctrine de M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et casquée pour la lutte de l’après-guerre. ⁂ Deu
10 de l’après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme-t- il , se disputent le monde. L’une vient de l’Orient, et insinue dans le m
11 umanitarisme, le bolchévisme. L’autre philosophie est celle de l’antique Rome, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissanc
12 ordre, pour M. de Montherlant comme pour Maurras, est ce qu’il importe de sauvegarder, avant tout autre principe. Jusqu’ici
13 r M. de Montherlant comme pour Maurras, est ce qu’ il importe de sauvegarder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien d’
14 l dans cette conception simpliste du monde, qui n’ est en rien différente de celle de l’Action française ; remarquons toutef
15 atholicisme et du christianisme, le christianisme étant dans le même camp que la Réforme. M. de Montherlant n’est décidément
16 le même camp que la Réforme. M. de Montherlant n’ est décidément pas philosophe. Peut-être ne lui a-t-il manqué pour le dev
17 t décidément pas philosophe. Peut-être ne lui a-t- il manqué pour le devenir que le temps de méditer : il a quitté le collè
18 manqué pour le devenir que le temps de méditer : il a quitté le collège jésuite pour la tranchée, puis « le sport l’a sai
19 es et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d
20 n obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t- il ainsi évité le choc fatal pour tant d’autres du guerrier et du bourge
21 autres du guerrier et du bourgeois. Dernièrement, il abandonna le stade et rentra dans le monde où nous vivons tous. Écœur
22 où nous vivons tous. Écœuré du désordre général, il cherche des remèdes, et nous tend les premiers qui lui tombent sous l
23 . Dans sa hâte salvatrice, M. de Montherlant ne s’ est même pas demandé si ces deux contrepoisons pouvaient être administrés
24 e pas demandé si ces deux contrepoisons pouvaient être administrés ensemble. L’opération faite, il a pourtant fallu la justi
25 ent être administrés ensemble. L’opération faite, il a pourtant fallu la justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours
26 il a pourtant fallu la justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe de logique, admirablement masqués
27 Paradis à l’ombre des épées 1, son dernier livre, est consacrée à « fondre dans une unité supérieure » l’antinomie de l’esp
28 . « On se fait son unité comme on peut », avoue-t- il franchement. Il me semble bien paradoxal de vouloir unir dans une mêm
29 on unité comme on peut », avoue-t-il franchement. Il me semble bien paradoxal de vouloir unir dans une même philosophie la
30 ble d’autant plus paradoxal que M. de Montherlant est justement un des premiers Français qui ait compris que le but du spor
31 rs Français qui ait compris que le but du sport n’ est pas la performance, mais le style et la méthode, c’est-à-dire la form
32 eut oublier la partie doctrinaire de cette œuvre, elle ne lui est pas indispensable : « Ces simplifications valent ce que va
33 la partie doctrinaire de cette œuvre, elle ne lui est pas indispensable : « Ces simplifications valent ce que valent toutes
34 on idées générales, et j’avoue bien volontiers qu’ il n’est pas une opinion sur le monde à laquelle je ne préfère le monde 
35 ées générales, et j’avoue bien volontiers qu’il n’ est pas une opinion sur le monde à laquelle je ne préfère le monde ». Je
36 ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix sont désignés… ». Voici passer un coureur : « À peine a-t-il touché la pis
37 ignés… ». Voici passer un coureur : « À peine a-t- il touché la piste d’herbe, c’est une allégresse héroïque qu’infuse à so
38 ’air et le sol, dieux rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un et l’autre. Ainsi mon art, entre terre et ciel. Ma
39 re et ciel. Mais sa foulée, bondissante et posée, est pleine du désir de l’air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends
40 e et posée, est pleine du désir de l’air. Danse-t- il sur une musique que je n’entends pas ? » — Mais plus que le corps en
41 c’est la domination de la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cette domination qui est le but véritable du spor
42 qui est exaltante, et c’est cette domination qui est le but véritable du sport. On accepte une règle ; on l’assimile, à te
43 accepte une règle ; on l’assimile, à tel point qu’ elle n’est plus une entrave à la violence animale déchaînée dans le corps
44 une règle ; on l’assimile, à tel point qu’elle n’ est plus une entrave à la violence animale déchaînée dans le corps du jou
45 siode et qui gouverna le monde ancien : La moitié est plus grande que le tout ». Le sport comme un apprentissage de la vie 
46 ique tressé dans vos couronnes de laurier. Vous n’ êtes pas couronnés d’olivier. La main connaît la main dans la prise du tém
47 pas en vain. Le chef se dresse entre les dix qui sont à lui. Il dit : « Je ne demande pas qu’on m’aime. Je demande qu’on me
48 . Le chef se dresse entre les dix qui sont à lui. Il dit : « Je ne demande pas qu’on m’aime. Je demande qu’on me soit dévo
49 ne demande pas qu’on m’aime. Je demande qu’on me soit dévoué. » Ils disent : « Tu es notre capitaine. » Ces choses ne sont
50 qu’on m’aime. Je demande qu’on me soit dévoué. » Ils disent : « Tu es notre capitaine. » Ces choses ne sont pas dites en v
51 demande qu’on me soit dévoué. » Ils disent : « Tu es notre capitaine. » Ces choses ne sont pas dites en vain. Stades que p
52 disent : « Tu es notre capitaine. » Ces choses ne sont pas dites en vain. Stades que parcourent de jeunes et purs courages,
53 insi compris, plus que l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlant répondra :
54 . de Montherlant répondra : non, car la faiblesse est le péché capital pour le sportif. Or c’est la faiblesse « qui fait le
55 lesse « qui fait lever la haine ». « La faiblesse est mère du combat. » C’est donc à un lacédémonisme renouvelé que nous co
56 n peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’ elle sert mieux la démocratie que l’Église romaine, quoi qu’en pense M. de
57 pense M. de Montherlant. Et voici, ô paradoxe, qu’ il rejoint Kant, Kant qui écrit : « C’est sur des maximes, non sur la di
58  C’est sur des maximes, non sur la discipline, qu’ il faut fonder la conduite des jeunes gens : celle-ci empêche les abus,
59 es filles assez fortes pour pouvoir tout lire, et il n’y aura plus besoin de roman catholique. » C’est ce qu’on pourrait a
60 constructive » : porter l’effort sur ce qui doit être , et ce qui ne doit pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à l’
61 ffort sur ce qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-i
62 e. Ainsi l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t- il pas à combattre certaines faiblesses : il développe ses qualités, le
63 puise-t-il pas à combattre certaines faiblesses : il développe ses qualités, le reste s’arrange de soi-même. ⁂ M. de Month
64 ompte à distance de la contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de l
65 n sur laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jé
66 bâtie son œuvre. L’intéressant sera de voir ce qu’ il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin
67 rales » ne vaillent rien2 ; sa morale virile nous est néanmoins plus proche que la sensualité vaguement chrétienne de tel a
68 catholique. Et son lyrisme, encore un peu brutal, il saura le dompter, et atteindre au classicisme véritable. Voici un con
69 tructeur, un entraîneur, et qui joue franc jeu. S’ il faut lutter contre lui, nous savons qu’il observera les règles. Saluo
70 jeu. S’il faut lutter contre lui, nous savons qu’ il observera les règles. Saluons-le donc du salut des équipes avant le m
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
71 point de départ. Mais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils en reviennent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscient
72 part. Mais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils en reviennent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs m
73 (contrairement à ce que pense souvent le public), ils préparent l’avènement d’un classicisme nouveau. M. Meili a mis en évi
74 u peintre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili. Est -il besoin de souligner l’importance de telles prises de contact entre
75 intre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili. Est- il besoin de souligner l’importance de telles prises de contact entre ar
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
76 blement lucide, ce regard en arrière. Montherlant est dur pour ses erreurs plus encore que pour celles de l’adversaire, ce
77 us encore que pour celles de l’adversaire, ce qui est beaucoup dire. Il y avait dans le Paradis je ne sais quel relent de b
78 barie, un assez malsain goût du sang. Tout cela s’ est purifié dans le Chant funèbre. Et une phrase telle que « … Nous somme
79 e Chant funèbre. Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper en nous inquiétant de faire, à notre plac
80 nt de faire, à notre place modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’est une affirmation qui d’un coup condamne beaucoup
81 eaucoup d’antérieures protestations belliqueuses. Il nous montre « des Français qui pensent ces carnages inévitables, avec
82 x, et d’autres qui tiennent qu’une telle attitude est responsable de ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’a
83 titude est responsable de ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour
84 ude est responsable de ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour avoir
85 e ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour avoir contemplé Verdun,
86 gendaires de Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ ils trouvaient au front. D’une phrase, il justifie son livre : « Ranimons
87 e vie » qu’ils trouvaient au front. D’une phrase, il justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour les vouloir éviter,
88 t ces grandeurs pour n’en pas trop descendre ». N’ est -ce pas une éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe,
89 irent » du front dans notre paix lassée, ne prend- elle pas une pathétique signification ? Pourtant ici encore transparaît un
90 ore transparaît un doute, parfois : « On craint d’ être injuste en décidant si… cette absence de haine ; cette épouvante, dev
91 ontraires s’unissent dans la grandeur. La paix qu’ il appelle, c’est autre chose que l’absence de guerre, c’est une paix qu
92 travaillerait le levain des vertus guerrières. «  Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré de souven
93 des vertus guerrières. « Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré de souvenirs héroïques, peut-être t
94 paix, c’est vers de plus sereines exaltations qu’ il va porter son ardeur. Il va chercher le souvenir de l’aventure antiqu
95 sereines exaltations qu’il va porter son ardeur. Il va chercher le souvenir de l’aventure antique, et dans ce qui fut Rom
96 le souvenir de l’aventure antique, et dans ce qui fut Rome ou la Grèce, revivre sa tradition. Toute son œuvre pourrait se d
97 ent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais s’ il faut en voir la raison dans la force de la personnalité révélée ou da
98 Périlleuse carrière de la grandeur où Montherlant est entré de plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que de sacrifi
99 dans la guerre. Que de sacrifices ne lui devra-t- il pas offrir ainsi les romans « intéressants » ou « curieux » ; le « gr
100 sme » à la Chateaubriand, voire à la Barrès, dont il est capable et qu’il lui faudra livrer au « feu de vérité » qui brûle
101  » à la Chateaubriand, voire à la Barrès, dont il est capable et qu’il lui faudra livrer au « feu de vérité » qui brûle dan
102 and, voire à la Barrès, dont il est capable et qu’ il lui faudra livrer au « feu de vérité » qui brûle dans son temple inté
103 e vérité » qui brûle dans son temple intérieur, s’ il veut rester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’une génératio
104 , flamme d’une pureté si rare en notre siècle, qu’ elle paraît parfois, lorsque la tourmente humaine ne la moleste ni ne l’av
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
105 a significative pauvreté idéologique et morale qu’ il révèle. Le style brillant et elliptique qui tend à devenir notre ponc
106 a pensée. D’autant plus que les rares passages où il expose directement les principes de sa « révolution » semblent au con
107 e philosophie ou de psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en un court article de dictionnaire : « Sur
108 sychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonction
109 equel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la
110 ose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée d
111 sthétique ou morale. » (p. 42). Le surréalisme ne serait -il donc qu’une sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tou
112 ue ou morale. » (p. 42). Le surréalisme ne serait- il donc qu’une sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout !
113 méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est la seule attitude littéraire aujourd’hui concevable.
114 textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’ il est la seule attitude littéraire aujourd’hui concevable. Mais par que
115 tes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est la seule attitude littéraire aujourd’hui concevable. Mais par quelles
116 icheries plus ou moins conscientes M. Breton peut- il préconiser l’existence d’une littérature fondée sur de tels principes
117 ittérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule matière poétique. Dans le monde du Rêve autant de cellules i
118 de cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le poète étant un simple sténographe de ses rêves. So
119 êveurs. Toute poésie est incommunicable, le poète étant un simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette
120 e poète étant un simple sténographe de ses rêves. Soit . De ces faits, je tire cette conclusion pratique : inutile de publier
121 enait, qui écrivit : « Quand les livres se liront- ils d’eux-mêmes, sans le secours des lecteurs ? Quand les hommes se compr
122 s des lecteurs ? Quand les hommes se comprendront- ils individuellement ? » Que M. Breton donne des « recettes pour faire un
123 ecettes pour faire un poème » cette mystification est dans la logique de ses principes, mais je lui conteste le droit de fa
124 de la poésie pure. Les beautés que j’y vois ne me seraient -elles perceptibles que par le fait d’une fortuite coïncidence entre l
125 sie pure. Les beautés que j’y vois ne me seraient- elles perceptibles que par le fait d’une fortuite coïncidence entre l’unive
126 ds trop de choses dans ces poèmes qui devraient m’ être parfaitement impénétrables. Je crois même voir que M. Breton serait u
127 t impénétrables. Je crois même voir que M. Breton serait un très curieux poète s’il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pag
128 voir que M. Breton serait un très curieux poète s’ il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages où il voulut nous persua
129 l ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages où il voulut nous persuader que tout poème doit être une dictée non corrigé
130 s où il voulut nous persuader que tout poème doit être une dictée non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne de Poiss
131 nt rien à dire, mais savent admirablement parler. Ils érigent donc en doctrine leur impuissance. « Il n’y a pas de pensée h
132 Ils érigent donc en doctrine leur impuissance. «  Il n’y a pas de pensée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de
133 pensée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient- ils de métaphores comme d’autres de raisonnements. Plaisante ironie, si c
134 sonnements. Plaisante ironie, si cette attitude n’ était qu’une protestation contre nos poncifs intellectuels. Mais elle risqu
135 otestation contre nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bien de nous en rendre un peu plus esclaves. Car depuis Freud
136 dre un peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se réclament imprudemment, — on sait ce que c’est que la « liberté »
137 riaux de démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’ est pas ainsi que nous sortirons d’une anarchie dont les causes semblent
138 s, c’est que — pour reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva Dada du ridic
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
139 de la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié en France sur Van Gogh, depuis 1
140 vrage publié en France sur Van Gogh, depuis 1922. Il contient pourtant des vues assez neuves. M. Colin s’est contenté de n
141 ntient pourtant des vues assez neuves. M. Colin s’ est contenté de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle m
142 s critiques s’en dégagent avec évidence. Van Gogh fut une proie du génie. L’homme tel que nous le peint Paul Colin, est peu
143 génie. L’homme tel que nous le peint Paul Colin, est peu intéressant. On en a connu bien d’autres de ces jeunes gens préte
144 le, c’est que le plus sauvage génie ait choisi un être de cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s’en e
145 ême : « Il y a quelque chose au-dedans de moi. Qu’ est -ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies de
146 Qu’est-ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute p
147 le rebute pas. Une divine violence le travaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouissement d’Arles, jusqu’au jour où cette
148 nsomption frénétique terrassant un corps minable, il ne restera plus que les flammes, les soleils et aussi les grimaces de
149 et aussi les grimaces de douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché des médiocrités de cette
150 M. Colin n’a pas cherché à expliquer ce miracle. Il nous laisse à notre émotion devant le spectacle d’une œuvre qui ne du
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
151 r scientifique, « Prix Goncourt », curieux homme. Il se livre à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. I
152 x homme. Il se livre à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articl
153 vaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St John Perse.
154 vel. Car si la liquidation des questions traitées est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, discipl
155 la liquidation des questions traitées est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry,
156 quidation des questions traitées est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry, puis
157 s si bouillonnants, si mal équarris. Certes, ce n’ est pas lui qui se refuserait à écrire — comme le fait son maître : « La
158 quise sortit à cinq heures ». Une telle platitude est presque indispensable, mais il s’en permet d’autres qui le sont moins
159 e telle platitude est presque indispensable, mais il s’en permet d’autres qui le sont moins. On n’écrit pas un roman en tr
160 ndispensable, mais il s’en permet d’autres qui le sont moins. On n’écrit pas un roman en trois volumes sans y laisser des ma
161 nde pas non plus au puissant boxeur sur le ring d’ être bien peigné. Rabevel, c’était un portrait balzacien du brasseur d’af
162 e rustique de France ». En effet — le phénomène n’ est pas particulier à la France — les paysans sont en train de redevenir
163 e n’est pas particulier à la France — les paysans sont en train de redevenir serfs, serfs des syndicats et des capitalistes
164 inertie du peuple qui donnait tant de mal lorsqu’ il fallait l’éveiller, l’entraîne au-delà du but. Le Tarramagnou voit so
165 ramagnou voit son œuvre sabotée par des meneurs ; il tente en vain de ressaisir les foules : déjà elles huent sa modératio
166 ; il tente en vain de ressaisir les foules : déjà elles huent sa modération. Alors il va se jeter au-devant des troupes accou
167 es foules : déjà elles huent sa modération. Alors il va se jeter au-devant des troupes accourues, il meurt en clamant la p
168 s il va se jeter au-devant des troupes accourues, il meurt en clamant la paix. M. Fabre avait là les éléments d’un grand r
169 En fermant le livre on a presque l’impression qu’ il a réussi ce grand roman… Qu’y manque-t-il ? Un style ? L’absence de s
170 sion qu’il a réussi ce grand roman… Qu’y manque-t- il  ? Un style ? L’absence de style, n’est-ce pas le meilleur style pour
171 ’y manque-t-il ? Un style ? L’absence de style, n’ est -ce pas le meilleur style pour un romancier ? C’est plutôt, je crois,
172 t et le ton, surtout dans la première partie, qui est confuse. Non pas que le roman soit mal construit, au contraire. Mais
173 ère partie, qui est confuse. Non pas que le roman soit mal construit, au contraire. Mais le tissu des faits se relâche parfo
174 ues. Chef-d’œuvre ou pas chef-d’œuvre d’ailleurs, il reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’une saine puissance
175 f-d’œuvre d’ailleurs, il reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a
176 nou est un livre émouvant, d’une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réussi, une entreprise b
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
177 cuments. La littérature de ces dernières années n’ est qu’une forme de reportage international. L’Europe menant cette immens
178 seulement qu’on a imaginé un péril oriental, car il semble bien que dans le domaine de la culture le péril n’existe que p
179 t qu’on en parle, la vraie « question asiatique » étant une question politique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit un
180 renouveau, c’est à quelques savants européens qu’ il le devra, tandis que d’un mouvement inverse, le christianisme débarra
181 es pour s’y retremper. Les appels de l’Orient, ce sont les Keyserling, les Guénon, qui les font entendre, autant et plus que
182 e et les Gandhi, demi-européanisés. Ceci convenu, il faut reconnaître que l’enquête des Cahiers du Mois donne un fort inté
183 ymbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’ il s’agit, et Jean Schlumberger le définit encore : « … tout ce qui est
184 Schlumberger le définit encore : « … tout ce qui est opposé à l’esprit occidental, tout ce qui peut servir d’antidote à sa
185 ation qui n’a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classement parmi les réponses d’une extraord
186 on qui n’a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classement parmi les réponses d’une extraordinaire
187 — qui composent ce gros volume. Les points de vue sont si différents, si différentes même les conclusions tirées de points d
188 ment que la question ne se pose pas, puisque nous sommes chrétiens. (Mais le christianisme, religion missionnaire, ne peut nou
189 conclusions ou interrogations, ont le défaut de n’ être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour beauco
190 faits et des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’ est qu’un prétexte à variations sur le thème favori. M. Massis, par exemp
191 qui, eux, apportent des documents, savent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un écrivain gr
192 ortent des documents, savent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un écrivain grec, M. Embiri
193 avent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’ il s’agit de conclure. Un écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formu
194 es autres entendent vaguement par Orient : l’Asie est le subconscient du monde, formule qui, je pense, réunira tous les suf
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)
195 e de solitude (septembre 1925)f « Dès que nous sommes seuls, nous sommes des fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue q
196 embre 1925)f « Dès que nous sommes seuls, nous sommes des fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par le c
197 sant raccourci psychologique. « Tout homme normal est fait de plusieurs fous qui s’annulent », écrit-il. Ce fou qui veut êt
198 st fait de plusieurs fous qui s’annulent », écrit- il . Ce fou qui veut être soi purement, qui veut éliminer de soi tout ce
199 fous qui s’annulent », écrit-il. Ce fou qui veut être soi purement, qui veut éliminer de soi tout ce qui est déterminé par
200 oi purement, qui veut éliminer de soi tout ce qui est déterminé par l’extérieur, — ce fou que nous portons tous en nous, — 
201 érieur, — ce fou que nous portons tous en nous, —  il l’a isolé, incarné, nommé : Revert. Puis il l’a poussé impitoyablemen
202 us, — il l’a isolé, incarné, nommé : Revert. Puis il l’a poussé impitoyablement dans sa recherche d’un absolu qui se trouv
203 ement dans sa recherche d’un absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille ». L’expérience est terminée.
204 un absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille ». L’expérience est terminée. Artificielle comme tout
205 nt. Pour finir il « l’écrabouille ». L’expérience est terminée. Artificielle comme toute expérience, elle n’en est pas moin
206 st terminée. Artificielle comme toute expérience, elle n’en est pas moins probante. Une œuvre d’art que ce petit livre ? C’e
207 e. Artificielle comme toute expérience, elle n’en est pas moins probante. Une œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant
208 ration ; mais, puissante de sûreté et d’évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théorème de Spinoza. Une ironie
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Almanach 1925 (septembre 1925)
209 Almanach Fischer donnent une juste idée de ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, la maison pa
210 de entre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’ être un peu embourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps de la moi
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
211 gite l’Allemagne nouvelle — et peut-être parce qu’ il sait en sortir parfois — M. Otto Flakei a gardé son bon sens et son s
212 l’on a pu reprocher à ses tableaux de l’Europe qu’ il vient de parcourir quelque superficialité, du moins faut-il le louer
213 e parcourir quelque superficialité, du moins faut- il le louer d’avoir conservé une vision générale de notre temps et un év
214 oman sans exposer et discuter toutes les idées qu’ elles illustrent. Les personnages discutent certes, mais leurs actions sont
215 personnages discutent certes, mais leurs actions sont les meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent d’une accumulation d
216 et les fuites les plus folles hors de la réalité, ils forment un cortège pittoresque et désolant à celui qui, revenu de l’é
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
217 n prologue (septembre 1925)j M. Valéry Larbaud est vraiment un étonnant esprit. Pour présenter au public français cette
218 œuvre « d’importance européenne », croyez-vous qu’ il aille s’abandonner à l’émotion communicative de qui découvre un somme
219 gement, humour léger, notation suggestive, telles sont les vertus de sa critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer un
220 tive, telles sont les vertus de sa critique. Ce n’ est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre qu’on trouvera la mes
221 xemplaires ne suscitent un intérêt très profond : elles nous transportent au cœur de préoccupations des plus modernes, problè
222 nalité. Leur Prologue pourrait presque aussi bien être celui d’une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnag
223 être celui d’une pièce de Pirandello. N’annonce-t- il pas que les personnages des trois nouvelles « sont réels, très réels,
224 -il pas que les personnages des trois nouvelles «  sont réels, très réels, de la réalité la plus intime, de celle qu’ils se d
225 réels, de la réalité la plus intime, de celle qu’ ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de ne pas être…
226 ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’ être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent êtr
227 -mêmes dans leur pure volonté d’être ou de ne pas être … ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être, subissent, une
228 e ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ ils veulent être, subissent, une fois qu’ils sont, le grand malentendu de
229 e… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être , subissent, une fois qu’ils sont, le grand malentendu de la personnal
230 dello, s’ils veulent être, subissent, une fois qu’ ils sont, le grand malentendu de la personnalité. Tandis que chez Unamuno
231 o, s’ils veulent être, subissent, une fois qu’ils sont , le grand malentendu de la personnalité. Tandis que chez Unamuno une
232 es affole. Les plus beaux types créés par Unamuno sont ces femmes dures et passionnées, Raquel et Catherine, ou cet Alexandr
233 esque inhumaine torture et conduit au crime. Et s’ ils s’imposent comme types, c’est encore et uniquement par leur obsédante
234 impression de grandeur désolée qu’un Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
235 a pensée française (octobre 1925)k Peut-être n’ est -il pas trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau
236 nsée française (octobre 1925)k Peut-être n’est- il pas trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau cha
237 Vinet de M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’ il vient d’ajouter à sa grande étude sur les rapports du christianisme e
238 iellement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il ne pouvait trouver mieux que Vinet. Et j’imagine son étonnement à déc
239 originale de la plupart des idées dont lui-même s’ est fait le moderne champion. Pour ce qui concerne le Vinet juge des roma
240 ur ce qui concerne le Vinet juge des romantiques, il n’a pas eu trop de peine à l’annexer à son propre corps de doctrines
241 nes critiques. Dirai-je pourtant que je crains qu’ il n’ait été incité parfois, et presque inconsciemment, à gauchir légère
242 ques. Dirai-je pourtant que je crains qu’il n’ait été incité parfois, et presque inconsciemment, à gauchir légèrement la pe
243 me » de tout son mysticisme protestant. Et cela n’ est pas sans gêner M. Seillière. C’est peut-être pourquoi il insiste sur
244 sans gêner M. Seillière. C’est peut-être pourquoi il insiste sur le fait que Vinet se déclarait « un chrétien sans épithèt
245 se déclarait « un chrétien sans épithète ». Croit- il éluder ainsi le protestantisme de Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’e
246 éluder ainsi le protestantisme de Vinet ? Ne voit- il pas que rien n’est plus protestant qu’une telle attitude ? Mais ces r
247 otestantisme de Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’ est plus protestant qu’une telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu
248 testant qu’une telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’importance si l’on songe au service que M. Seillière nous re
249 ’un Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point d’appui plus central. Pour notre
250 isme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’est peut-être pas de pensée plus vivante, ni de plus tonique que ce
251 exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’ est peut-être pas de pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle de
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
252 ervielle, Gravitations (décembre 1925)l « Quel est celui-là qui s’avance » avec ce visage d’entre la vie et la mort « où
253 passage incessant d’oiseaux de la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes solennels ? » Une voix lente aux
254 lente aux méandres songeurs, une simplicité qui n’ est pas familière. C’est bien la poésie d’une époque tourmentée dans sa p
255 nges pour assembler un sourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer une anecdote purement poétique dans un monde qu’
256 r une anecdote purement poétique dans un monde qu’ il s’est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la description du m
257 anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’ est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la description du monde q
258 que dans un monde qu’il s’est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la description du monde qu’il invente nous lasse
259 dans un monde qu’il s’est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la description du monde qu’il invente nous lasse qua
260 l est parfois facile : la description du monde qu’ il invente nous lasse quand elle ne l’étonne plus assez lui-même (pourta
261 scription du monde qu’il invente nous lasse quand elle ne l’étonne plus assez lui-même (pourtant l’autel et le surréalisme l
262 ont enrichie d’images…). Je cite des noms : y a-t- il influence ou seulement co-génération ? Pour peu qu’ils sortent des ca
263 nfluence ou seulement co-génération ? Pour peu qu’ ils sortent des cafés littéraires, nos poètes respirent le même air du te
264 Leur originalité se retrouve dans la manière dont ils tentent de fuir l’inquiétude où ils baignent. Celui-ci vient à peine
265 manière dont ils tentent de fuir l’inquiétude où ils baignent. Celui-ci vient à peine de quitter l’air dur des pampas. « L
266 s les étoiles. J’avoue que l’univers intérieur où il lui arrive de graviter me trouble mieux que son lyrisme cosmique. On
267 ter me trouble mieux que son lyrisme cosmique. On est plus près de l’infini au fond de soi qu’au fond du ciel. l. « Jules
14 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
268 de forme et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle des Yeats, Synge, Joyce même… Trois noms qui permettent, je cro
269 que d’ailleurs Mlle Simone Téry ne fait pas. Car elle veut éviter l’emballement et conserver dans l’admiration son sens cri
270 et ses commentaires parfois un peu copieux ; mais elle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité de l’auteur à l’endroit
15 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
271 rète (décembre 1925)n La Révolution russe va-t- elle usurper dans le roman d’aventures le rôle de la mer Océane avec ses é
272 éclate le sinistre, et s’arrête au moment où l’on est sûr que ça brûle bien. Quel sujet plus riche pouvait-on rêver pour un
273 romantisme, dans le détail de la vie d’une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions de petits. V
274 la vie d’une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naître la révolution dans
275 it pas autrement que les individus. L’auteur, qui est l’un de ces Anglais, tombe malade avec à-propos et perd connaissance
276 femme, la vertueuse Véra avec un des Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu faim toute leur vie… Ma
277 rkovitch, derrière sa vitre, tremblait si fort qu’ il avait peur de trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la
278 ’il avait peur de trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi. Puis : — Quelle imprudence ! Avec l
279 lumière et peut-être du monde dans l’appartement. Il avait si froid que ses dents claquaient. Il quitta sa fenêtre, se tra
280 ment. Il avait si froid que ses dents claquaient. Il quitta sa fenêtre, se traîna jusqu’à l’angle le plus éloigné du rédui
281 olant sa patrie. Une effroyable acceptation, mais elle peut se muer instantanément en révolte. Aucun cadre logique ne déterm
282 dre logique ne détermine l’avenir le plus proche. Il n’y a pas même des forces endormies dans l’âme russe : mais des possi
283 és, à chaque instant, d’explosion. Le géant russe est un enfant : va-t-il rire, va-t-il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ?
284 d’explosion. Le géant russe est un enfant : va-t- il rire, va-t-il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ? Il sent autour de lu
285 Le géant russe est un enfant : va-t-il rire, va-t- il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ? Il sent autour de lui quelque chos
286 rire, va-t-il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ? Il sent autour de lui quelque chose qui le gêne. C’est l’empire. Il le r
287 de lui quelque chose qui le gêne. C’est l’empire. Il le renverse, pour voir. Pendant qu’il est encore ébahi du fracas, le
288 t l’empire. Il le renverse, pour voir. Pendant qu’ il est encore ébahi du fracas, le juif survient avec une méthode simplif
289 ’empire. Il le renverse, pour voir. Pendant qu’il est encore ébahi du fracas, le juif survient avec une méthode simplifiée
290 ages le suggèrent de toute la force du trouble qu’ ils créent en nous : Markovitch par exemple, ou Sémyonov, un cynique secr
16 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
291 ion au cours des siècles. Primitivement, le Saint est un homme que Dieu a mis à part par grâce pour qu’il serve. Mais très
292 un homme que Dieu a mis à part par grâce pour qu’ il serve. Mais très vite on étend l’appellation de saint à ceux qui par
293 élévation morale ou leurs souffrances semblent s’ être le plus rapprochés du Christ ; et dans l’Église persécutée, le martyr
294 souplesse dont fait preuve l’Église d’alors quand il s’agit d’adapter des traditions antiques au dogme en formation. Au Mo
295 s saints pour l’exemple de leur vie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’adresser le culte, en son cœur, du cro
296 cœur, du croyant. Le centre de gravité religieux est replacé en Christ. — Comment l’Église catholique réagit-elle ? En cod
297 é en Christ. — Comment l’Église catholique réagit- elle  ? En codifiant l’état de choses antérieur. Donc l’Église continue à f
298 ’a plus qu’un sens relatif pour nous protestants. Est -ce là nous juger ? Les catholiques nous reprochent d’avoir méconnu l’
299 dèle de la vocation, le protestantisme affirme qu’ il existe divers ordres de sainteté ». Cette mère qui s’est sacrifiée au
300 ste divers ordres de sainteté ». Cette mère qui s’ est sacrifiée aux siens, n’était-ce pas une sainte, comme ce missionnaire
301 té ». Cette mère qui s’est sacrifiée aux siens, n’ était -ce pas une sainte, comme ce missionnaire et cette diaconesse ? S’il n
302 te, comme ce missionnaire et cette diaconesse ? S’ il n’y a pas de saints protestants, il existe des saints dans le protest
303 iaconesse ? S’il n’y a pas de saints protestants, il existe des saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas de fin au
304 il existe des saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence
305 iste des saints dans le protestantisme. Mais il n’ est pas de fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’au
306 imites les plus hautes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il f
307 s ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignemen
308 de saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, telle est la pens
309 t véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, telle est la pensée qu’a vo
310 y a pas de saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le
311 e parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le protestantisme. La place nous manqu
312 estantisme. La place nous manque pour louer comme il conviendrait la clarté d’un exposé solidement documenté, et le scrupu
313 vanche du fameux scrupule protestant, qui ne peut être un danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’un esprit anim
314 ule protestant, qui ne peut être un danger lorsqu’ il n’est, comme ici, que la loyauté d’un esprit animé par une foi agissa
315 rotestant, qui ne peut être un danger lorsqu’il n’ est , comme ici, que la loyauté d’un esprit animé par une foi agissante.
17 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
316 ressaisissement profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’une lueur de conscience inquiète quelques chefs, montre
317 saisissement profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’une lueur de conscience inquiète quelques chefs, montre à qu
318 politiques, mais on a si souvent l’impression qu’ ils battent la mesure devant un orchestre qui, sans eux, jouerait aussi b
319 ssi mal. Quant aux meneurs de l’opinion publique, il est trop tard pour les éduquer, il faudrait balayer. Je parle en géné
320 mal. Quant aux meneurs de l’opinion publique, il est trop tard pour les éduquer, il faudrait balayer. Je parle en général,
321 nion publique, il est trop tard pour les éduquer, il faudrait balayer. Je parle en général, sachant bien qu’un Romier, un
322 bien qu’un Romier, un Bainville, quelques autres, sont parmi les plus conscients de ce temps ; mais si l’on songe aux batail
323 us les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il faudrait balayer, — et mettre qui à la place ? Nos penseurs, nos écri
324 à l’action, c’est encore pour cultiver leur moi. Ils y cherchent un fortifiant, je ne sais quelle excitation, quelle révél
325 vélation ou quel oubli. C’est un dilettantisme qu’ ils ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque une certitude fonciè
326 tantisme qu’ils ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque une certitude foncière, une foi en la valeur de l’action.
327 une foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à l’action sociale que l’époque réclame 1. C’est
328 rtance à leurs tentatives morales, si singulières soient -elles — dont le grand public reste le témoin souvent sceptique ou rai
329 à leurs tentatives morales, si singulières soient- elles — dont le grand public reste le témoin souvent sceptique ou railleur.
330 s dans le chaos des idées et des doctrines, et qu’ il n’existe pas d’esprit du siècle, hors un certain « confusionnisme ».
331 vées par une même tempête. L’unité de notre temps est en profondeur : c’est une unité d’inquiétude. Barrès et Gide : ils on
332  : c’est une unité d’inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices très différents de style, et dont les faça
333 nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec une profonde conviction ; par
334 viction ; par vertu. Ce qui n’a rien d’étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est
335  ; par vertu. Ce qui n’a rien d’étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu c
336 projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu cardinale pour le créateur. Mais quel est ce besoin si général
337 e est vertu cardinale pour le créateur. Mais quel est ce besoin si général de s’incarner, dans le héros de son roman, de se
338 ci la conception même de la littérature, telle qu’ elle apparaît chez les émules de Barrès comme chez ceux de Gide, qu’il fau
339 les émules de Barrès comme chez ceux de Gide, qu’ il faut préciser. L’éthique et l’esthétique convergent dans la littératu
340 our s’amuser : ni pour amuser un public. Un livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-même. On écr
341 uvrir des possibilités neuves, — pour le libérer. Il n’est pas question de rechercher ici les origines historiques d’une c
342 des possibilités neuves, — pour le libérer. Il n’ est pas question de rechercher ici les origines historiques d’une concept
343 e s’y appliqua dans un de ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal », le romantisme — et c’est plus
344 le romantisme — et c’est plus que probable. Mais il en tirait une raison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons le
345 ndamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’une époque s’est trompée, puisqu’elle seule perme
346 mner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’une époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la
347 e jusque-là : il est vain de dire qu’une époque s’ est trompée, puisqu’elle seule permet la suivante qui peut-être retrouver
348 vain de dire qu’une époque s’est trompée, puisqu’ elle seule permet la suivante qui peut-être retrouvera une nouvelle face d
349 naissance intégrale et culture de soi, telle peut être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il n’a pas fallu longtem
350 être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il n’a pas fallu longtemps aux Français pour pousser à bout l’expérience
351 n et les sens, entre le moi et le monde : l’ennui est venu avant l’épuisement des combinaisons possibles. Exaltation méthod
352 hodique de nos facultés de plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines douleurs, plaisirs rares ; et les dissonances le
353 sensibilités surmenées. Dégoût, parce que tout a été essayé. Dégoût, parce qu’on se connaît trop, et que plus rien ne reti
354 d. Révolution toujours ». « Pour nous, le salut n’ est nulle part… » « Je comprends la révolte des autres et quelles prières
355 ela fait à Dieu », disait Drieu la Rochelle. Mais il faudra bien se remettre à manger, tout de même nous avons un corps, e
356 ntaires la matière de quelques pamphlets par quoi il se raccroche au monde. Mais il a touché certains bas-fonds de l’âme o
357 pamphlets par quoi il se raccroche au monde. Mais il a touché certains bas-fonds de l’âme où s’éveille un désenchantement
358 des derniers venus, Marcel Arland, — plus jeune, il n’a pas fait la guerre — c’est le même désenchantement précoce, sans
359 sans la brusquerie de ses aînés. Encore un qui s’ est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point d’y percevoir comme un a
360 point d’y percevoir comme un appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secrète des inquiétudes modernes : la perte d’un
361 te des inquiétudes modernes : la perte d’une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’est peut
362 s : la perte d’une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’est peut-être que je suis médiocre
363 en vain sa Révélation : « C’est peut-être que je suis médiocre entre les hommes ». C’est plutôt qu’il est trop attaché enco
364 suis médiocre entre les hommes ». C’est plutôt qu’ il est trop attaché encore à se regarder chercher, absorbant son attenti
365 s médiocre entre les hommes ». C’est plutôt qu’il est trop attaché encore à se regarder chercher, absorbant son attention d
366 ant son attention dans une sincérité si voulue qu’ elle va parfois à l’encontre de son dessein. ⁂ Décidément nous sommes mala
367 is à l’encontre de son dessein. ⁂ Décidément nous sommes malades dans les profondeurs. Et le mal est si cruellement isolé, com
368 us sommes malades dans les profondeurs. Et le mal est si cruellement isolé, commenté par ceux qui le portent en eux qu’il e
369 isolé, commenté par ceux qui le portent en eux qu’ il en paraît plus incurable. Ces jeunes gens n’en finissent pas de peind
370 n’en finissent pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps de faire la critique des méthodes et des façons de vivre
371 en finissent pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps de faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant
372 adoxes, le chaos, etc. — Certes, aucune époque ne fut à la fois plus morale et plus immorale, parce qu’aucune ne s’est auta
373 lus morale et plus immorale, parce qu’aucune ne s’ est autant attachée à chercher dans le seul moi les fondements d’une éthi
374 ul moi les fondements d’une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une morale qui « déforme », qui mutile une tenda
375 ments mêlés de la personnalité. Toute tendance qu’ ils découvrent en eux est non seulement légitime à leurs yeux, mais « tab
376 onnalité. Toute tendance qu’ils découvrent en eux est non seulement légitime à leurs yeux, mais « tabou » ; et c’est vertu
377 on et folie, etc. Si je les cultive simultanément il est clair que les tendances négatives l’emportent, il est plus facile
378 et folie, etc. Si je les cultive simultanément il est clair que les tendances négatives l’emportent, il est plus facile et
379 st clair que les tendances négatives l’emportent, il est plus facile et plus enivrant de se laisser glisser que de constru
380 clair que les tendances négatives l’emportent, il est plus facile et plus enivrant de se laisser glisser que de construire.
381 ’est justement de quoi se glorifient ses tenants, ils y voient la suprême liberté. Le désir se précisait en moi de commettr
382 ilité, et bien que nous niions toute vérité, nous étions dominés par le sens d’une réalité morale absolue que certains d’entre
383 rtyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’ était pas ce qu’il y a vingt ans on nommait blasé. Rien n’était émoussé en
384 s ce qu’il y a vingt ans on nommait blasé. Rien n’ était émoussé en nous, mais pouvions-nous faire abstraction du plan intelle
385 e gratuite que prétendent mener les surréalistes, il n’a fallu que le temps pour une folie de s’emballer. La plupart des r
386 e et Aragon nous montrent le même personnage : un être sans foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre aucu
387 re aucun acte volontaire et raisonné parce que ce serait fausser quelque chose ; à la merci des circonstances extérieures qu’i
388 ose ; à la merci des circonstances extérieures qu’ il méprise toutes également ; n’attendant rien que de ses impulsions et
389 cidité parfois douloureuse ses propres actes dont il s’étonne mais qu’il se garde de juger5. Il y a véritablement une litt
390 ureuse ses propres actes dont il s’étonne mais qu’ il se garde de juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gr
391 stera caractéristique de notre époque. Mais Gide est responsable d’une autre méthode de culture de soi, « d’intensificatio
392 déjà une singulière préfiguration : Certes ce ne seront ni les lois importunes des hommes, ni les craintes, ni la pudeur, ni
393 incre. — Mais la joie d’une si haute victoire — n’ est pas si douce encore, n’est pas si bonne que de céder à vous, désirs,
394 si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’ est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’être vaincu sans batai
395 st pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’ être vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre de sophismes conduit
396 lité qu’on renoncera à la vertu, sous prétexte qu’ elle pousse à l’orgueil ; c’est par sincérité qu’on mentira, puisque parfo
397 par sincérité qu’on mentira, puisque parfois nous sommes spontanément portés à mentir. On en vient naturellement à considérer
398 lisme comme la seule vertu digne d’une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot de par
399 part de nos jeunes moralistes. Le mot de paradoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter à son excès toute chos
400 n excès toute chose, au-delà de toutes limites. «  Il n’y a que les excès qui méritent notre enthousiasme ». Mais « cette f
401 des actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t- il pas d’une fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours
402 s de notre psychologie. Images des surréalistes — ils l’indiquent eux-mêmes —, calembours, expression métaphorique et symbo
403 lique de la pensée : la littérature d’avant-garde est fille de la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour moderne, nerveux,
404 nerveux, saugrenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est un amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La luc
405 de Morand). La lucidité aiguë de nos psychologues est cet état presque inhumain de celui qui n’a pas dormi et qui « assiste
406 ensations, à ses automatismes. En art, la fatigue est un des états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le
407 t de l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complète contre celle d’aujourd’hui, parce que nous somme
408 mplète contre celle d’aujourd’hui, parce que nous sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore une fois, de renier l’immense effort
409 elle d’aujourd’hui, parce que nous sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore une fois, de renier l’immense effort pour se li
410 quoi beaucoup sacrifièrent leur jeunesse. (« Nous sommes une génération de cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou b
411 ne génération de cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donner une conscience à l’époque, ou se
412 es » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donner une conscience à l’époque, ou se défaire avec elle et dér
413 ner une conscience à l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient d’oubli — (mais avant de s’y perdre, quelle
414 garas 9 !) Quelques jeunes hommes l’ont compris. Ils sont modestes — ne s’isolant pas de la Société ; ils savent que pour
415 s 9 !) Quelques jeunes hommes l’ont compris. Ils sont modestes — ne s’isolant pas de la Société ; ils savent que pour lutte
416 sont modestes — ne s’isolant pas de la Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne méprisent pas la cultu
417 nt pas de la Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne méprisent pas la culture ; sans autre parti pris
418 res de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il
419 et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’ il n’y a de pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de lib
420 a de pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’ il n’y a de liberté que dans la soumission aux lois naturelles ; et leur
421 a soumission aux lois naturelles ; et leur effort est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs i
422 lles ; et leur effort est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs instincts, ni de les améliore
423 eurs instincts, ni de les améliorer 10. Tout ceci est assez nouveau. (Après tant de cocktails, quelle saveur a l’eau claire
424 leur misère. Pareils à ceux dont Vinet disait qu’ ils s’en vont « épiant toutes les émotions de l’âme, et lui multipliant s
425 ui multipliant ses douleurs en les lui nommant », ils décrivent le tourment dont sortira peut-être une foi nouvelle ; mais
426 dont sortira peut-être une foi nouvelle ; mais qu’ ils sachent, quand viendra le moment, détourner les yeux de leur recherch
427 de leur recherche pour contempler un absolu ; qu’ ils osent se faire violence pour se hisser dans la lumière. « Il vaut mie
428 faire violence pour se hisser dans la lumière. «  Il vaut mieux, dit encore Vinet, ne voir d’abord que les grands traits d
429 présence, non de nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques.
430 u. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ ils écrivent des odes civiques. Mais que nos moralistes — presque tous le
431 uviennent de penser en fonction du temps présent, soit qu’ils veuillent en améliorer les conditions, ou les transformer tota
432 t de penser en fonction du temps présent, soit qu’ ils veuillent en améliorer les conditions, ou les transformer totalement.
433 s ? Peut-être. En tout cas je vois bien le mal qu’ ils ont fait et qu’au fond, leur refus d’agir sur l’époque, c’est une man
434 gir sur l’époque, c’est une manière d’agir contre elle . 2. « La crise du concept de littérature », NRF, 1923. 3. « Il s’ét
435 ise du concept de littérature », NRF, 1923. 3. «  Il s’était développé en nous un goût furieux de l’expérience humaine. »
436 u concept de littérature », NRF, 1923. 3. « Il s’ était développé en nous un goût furieux de l’expérience humaine. » (Aragon)
437 expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout est fini » dans Libertinage. (NRF) 5. Détours de René Crevel ; les roma
438 ragon, loc. cit. 7. Le « goût du désastre » qui est au fond du romantisme moderne nous empêche secrètement de construire
439 construire et de nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’idéal goethéen : au lieu de tout composer en soi, on v
440 quiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont plus dangereuses que des expériences réelles » (Marcel Arland). 9. C
441 des expériences réelles » (Marcel Arland). 9. Ce serait au moins la liberté ! crieront les surréalistes. Voire. On est moins
442 la liberté ! crieront les surréalistes. Voire. On est moins libre à Moscou qu’à Montparnasse. D’ailleurs leurs théories nou
443 ahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’ il voulait…) o. « Adieu, beau désordre… (Notes sur la jeune littérature
18 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
444 es Objections des intellectuels au Dieu chrétien, fut introduit par M. Raymond de Saussure, psychanalyste distingué, qui se
445 es de l’Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soir
446 iences faites pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplacer un travail prom
447 ces faites pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplacer un travail promis p
448 deux ouvriers de Paris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlère
449 éré, au moral comme au physique. Chacun dit ce qu’ il pense sans se préoccuper d’être bien pensant et les Romands recouvren
450 e. Chacun dit ce qu’il pense sans se préoccuper d’ être bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis on
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)
451 tant d’autres, comme chaque soir un nouveau ciel. Il l’a transcrite en brèves notations lyriques suivant le rythme d’un so
452 prière. On sort lentement d’une chambre bleue qui est le mystère même, pour suivre la naissance et l’embrasement de la pass
453 tous les actes une signification plus profonde. ( Il serait aisé de montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de f
454 us les actes une signification plus profonde. (Il serait aisé de montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de famille
455 d’analyses de démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un monde poétique où il paraît inconvenant d’introduire
456 s tout cela est sublimé dans un monde poétique où il paraît inconvenant d’introduire le jargon de la science moderne.) Si
457 lleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. « Pierre Jean Jouve : Paulina 1880 (NRF, Paris) », B
20 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
458 aux prises avec une petite cité patricienne dont il devra portraiturer les gentilshommes archéologiques et les vieilles d
459 iques et les vieilles dames à principes. Voilà, n’ est -ce pas, un amusant sujet de conte moral, avec ses personnages un peu
460 vent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à être mise en action plutôt qu’en commentaires. Le talent de Mme de Wattevi
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
461 avec la muse, parce que c’est dimanche, parce qu’ il pleut et qu’on s’ennuie. Si la vie est bête à pleurer, sourire est mo
462 e, parce qu’il pleut et qu’on s’ennuie. Si la vie est bête à pleurer, sourire est moins fatigant. « Le paon dédaigne encor
463 n s’ennuie. Si la vie est bête à pleurer, sourire est moins fatigant. « Le paon dédaigne encor mais ne fait plus sa roue. »
464 encor mais ne fait plus sa roue. » Ce poète — qui fut aussi le prosateur charmant du Pédagogue et l’Amour — sourit avec une
22 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
465 eu le sens divin de la destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’exemples vivants qu’un véritable r
466 plètement résolu dès les premières pages, mais qu’ il faut louer Mme Rivier d’avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abu
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
467 t Sous ce titre, le plus étonnant peut-être qu’ il ait trouvé, Jean Cocteau a réuni ce qui me paraît le meilleur de son
468 e Secret professionnel, etc.) Sans doute faudrait- il préciser ce qu’il entend par ordre, et montrer que si cet ordre l’éca
469 nnel, etc.) Sans doute faudrait-il préciser ce qu’ il entend par ordre, et montrer que si cet ordre l’écarte de Dada, il ne
470 re, et montrer que si cet ordre l’écarte de Dada, il ne le conduit pas pour autant à l’Académie. Disons pour aller vite qu
471 volonté de construire jusque dans le grabuge, qu’ il aime pour les matériaux qu’on en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau
472 iaux qu’on en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en vers. Sa plus
473 ’on en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau est qu’ il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en vers. Sa plus incont
474 e] malheur de Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en vers. Sa plus incontestable réussite à ce
475 ur de Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’ est jamais moins qu’en vers. Sa plus incontestable réussite à ce jour est
476 en vers. Sa plus incontestable réussite à ce jour est le Secret professionnel, petit catéchisme cubiste qui dépasse de beau
477 sse de beaucoup les limites de cette école, et qu’ il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer de pédants exercices po
478 iques. Mais quelle intelligence, et dont l’audace est de se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les
479 ’audace est de se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les miracles les plus étonnants sont ceux de
480 en d’ailleurs que les miracles les plus étonnants sont ceux de la lumière. « Le mystère se passe en plein jour et à toute vi
481 e passe en plein jour et à toute vitesse. » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et de l’art qu’il défend en peinture
482 t bien la nouveauté de son théâtre et de l’art qu’ il défend en peinture, en musique. Suppression du clair-obscur et de la
483 r la pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas, il compte. ») Six projecteurs convergent sur une machine luisante et tou
484 achine luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité.
485 e précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que c’est toujours le même déclic. Cocteau le sait, et
486 s le même déclic. Cocteau le sait, et pour varier il tire tantôt à gauche tantôt à droite, sur Barrès, sur Wagner, sur que
487 je le crains, pour renaître catholique.) Certes, il bannit le charme et toute grâce vaporeuse. Mais ses fleurs de cristal
488 e grâce vaporeuse. Mais ses fleurs de cristal, si elles sont sans parfum, ne se faneront pas. t. « Jean Cocteau : Rappel à
489 e vaporeuse. Mais ses fleurs de cristal, si elles sont sans parfum, ne se faneront pas. t. « Jean Cocteau : Rappel à l’ord
24 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
490 ration surréaliste. Mais tandis que la plupart en sont encore à des symboles équivoques et, quoi qu’ils en disent, « artisti
491 sont encore à des symboles équivoques et, quoi qu’ ils en disent, « artistiqués », — ils n’osent plus le mensonge de l’art,
492 ues et, quoi qu’ils en disent, « artistiqués », —  ils n’osent plus le mensonge de l’art, et pas encore la vérité pure — Cre
493 ue de sa génération. Terrible aveu d’impuissance, il n’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un hôtel perdu, av
494 — avec une intelligence dont la triste profession est de détruire le désir qu’elle excite par curiosité passagère, il monol
495 la triste profession est de détruire le désir qu’ elle excite par curiosité passagère, il monologue. « Oui, je le redirai, t
496 le désir qu’elle excite par curiosité passagère, il monologue. « Oui, je le redirai, tous mes essais furent prétextes à m
497 monologue. « Oui, je le redirai, tous mes essais furent prétextes à me dissoudre, à me perdre. » Vouloir la vérité pure sur s
498 dont la pauvreté le rejette dans une angoisse qu’ il nomme « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui est constructif
499 e « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui est constructif et créateur, voilà je pense le véritable désordre. Une in
500 e désordre. Une intelligence parvenue au point où elle « ne semble avoir rien d’autre à faire que son propre procès », une
501 e procès », une intelligence qui se dégoûte, tel est le spectacle que nous dévoile cyniquement René Crevel. Il en est peu
502 ectacle que nous dévoile cyniquement René Crevel. Il en est peu de plus effrayants. Ah ! Seigneur, donnez-nous la force e
503 e que nous dévoile cyniquement René Crevel. Il en est peu de plus effrayants. Ah ! Seigneur, donnez-nous la force et le co
504 s sans dégoût implorait Baudelaire. Encore avait- il le courage de prier… u. « René Crevel : Mon corps et moi », Bibliot
25 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
505 nt — mais oui, M. Journet — et je ne crois pas qu’ il puisse se produire ailleurs qu’en terre romande. C’est l’esprit de li
506 mal de préjugés en matières sociales. Mais ce qui est peut-être plus important, on eut l’impression, durant les discussions
507 s objections que chacun se faisait à part soi, qu’ ils incarnaient les voix contradictoires d’un débat que tous menaient en
508 honore la liberté d’un culte moins platonique : n’ est -ce pas Léo qui prétendit qu’on ne peut juger les Associations qu’à le
509 rdot, entrant par la fenêtre, vint annoncer qu’on était libre — comme si on l’avait attendu pour le manifester ! — et qu’il s
510 i on l’avait attendu pour le manifester ! — et qu’ il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir to
511 que je n’ai pas dit dans ces quelques notes. 3. Il suffit encore : f 2.50, nom et adresse. e. « L’atmosphère d’Aubonne 
26 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
512 u aux charmes troubles et inhumains de la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et beau. Or « la g
513 la grande ville, phénomène de force en mouvement, est aujourd’hui une catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée de
514 rd’hui une catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usur
515 n’avoir pas été animée de l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des milliers d’êtres humains ». Elle
516 e use et conduit lentement l’usure des milliers d’ êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de travai
517 lentement l’usure des milliers d’êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de travail ou de repos, n
518 nt l’usure des milliers d’êtres humains ». Elle n’ est plus adaptée aux conditions nouvelles de travail ou de repos, ni dans
519 te 1000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant « la ville est une image puissante qui actionne notre esprit » après avoir été créée
520 puissante qui actionne notre esprit » après avoir été créée par lui, — comme la poésie. C’est ainsi que le problème de l’Ur
521 vilisation sous cet aspect comme sous les autres, il nous faut mieux que des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et
522 la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera plus fort que Mussolini (lequel s’est d’ailleurs inspiré de lui dans
523 n plan, ce sera plus fort que Mussolini (lequel s’ est d’ailleurs inspiré de lui dans son fameux discours aux édiles de Rome
524 n fameux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est une étude technique et un pamphlet dont l’argumentation serrée éclate
525 , du ciment armé. « Notre monde comme un ossuaire est couvert des détritus d’époques mortes. Une tâche nous incombe, constr
526 100 à l’heure des autos. Les maisons habitées ne sont plus que des enceintes transparentes, et minces en regard de leur hau
527 hitecture avec les ressources de la plastique qui est le jeu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie
528 pportunisme anarchique. Tirer des lignes droites, est le propre de l’homme. Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Crée
529 mineux à la place de nos cités congestionnées, ce serait peut-être tuer au soleil des germes de révolution. Déjà des ingénieur
530 des germes de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de haute poésie — la « 
531 homme sur la Nature. Architecture : « tout ce qui est au-delà du calcul… Ce sera la passion du siècle ». v. « Le Corbusie
532 tecture : « tout ce qui est au-delà du calcul… Ce sera la passion du siècle ». v. « Le Corbusier : Urbanisme (G. Crès, Par
27 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
533 euse (mai 1926)f Écrire, pas plus que vivre, n’ est de nos jours un art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur no
534 vivre, n’est de nos jours un art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si craintifs en même temps, si
535 ficiellement : nous comprenons que nos œuvres, si elles furent faites à l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans la
536 lement : nous comprenons que nos œuvres, si elles furent faites à l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ;
537 t d’écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux calculs les plus rusés. Nous choisissons les idées comme on
538 ssons les idées comme on choisit un amour dont on est anxieux de prévoir l’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint
539 mots commence le drame de toute vie. Ha ! Qui je suis  ? Mais je le sens très bien ! je sens très bien cette force — ici, je
540 étranges viennent m’habiter ; je ne sais plus… Je suis beaucoup de personnages, faudrait choisir. Vous me direz qui je suis,
541 rsonnages, faudrait choisir. Vous me direz qui je suis , mes amis ; quel est le vrai ? — Ils me proposent vingt visages que j
542 oisir. Vous me direz qui je suis, mes amis ; quel est le vrai ? — Ils me proposent vingt visages que je puis à peine reconn
543 irez qui je suis, mes amis ; quel est le vrai ? — Ils me proposent vingt visages que je puis à peine reconnaître. Reste le
544 le monde, — les choses, les faits, la vie, comme ils disent. Je me suis abandonné au jeu du hasard, jusqu’au jour où l’on
545 hoses, les faits, la vie, comme ils disent. Je me suis abandonné au jeu du hasard, jusqu’au jour où l’on me fit comprendre q
546 asard, jusqu’au jour où l’on me fit comprendre qu’ il n’est que le jeu de sauter follement d’une habitude dans une autre. I
547 , jusqu’au jour où l’on me fit comprendre qu’il n’ est que le jeu de sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne m
548 e sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ; je devins si faible et démuni,
549 détenir un secret très simple, et un peu narquois ils me considéraient avec une pitié curieuse : je me sentis nu, tout le m
550 , tout le monde devait voir en moi une tare que j’ étais seul à ignorer, était-ce ma fatigue seulement qui me rendait toutes c
551 voir en moi une tare que j’étais seul à ignorer, était -ce ma fatigue seulement qui me rendait toutes choses si méticuleuseme
552 d de tous les plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à ple
553 en même temps que je le découvrais, dans tout mon être une force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraî
554 ans tout mon être une force aveugle de violence s’ était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où je connus quelle
555 e une force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où je connus quelle confiance sour
556 e force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où je connus quelle confiance sourde au
557 ait un des premiers jours du printemps —, l’heure est venue de la violence. Jeunes tempêtes, lavez, bousculez ! La parole e
558 ce. Jeunes tempêtes, lavez, bousculez ! La parole est aux instincts combatifs et dominateurs par quoi l’homme ne se disting
559 i l’homme ne se distingue plus de l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui la dompte, tout ce q
560 trop grand pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’ était plus une douleur rare que j’aimais dans ces brutalités, c’était ma li
561 tombe : agir ? dans quel sens ? Provisoirement j’ étais sauvé d’un désordre où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est d
562 mportant, c’est de ne pas se défaire. Mais rien n’ était résolu. Me voici devant quelques problèmes dont je sais qu’il est abs
563 e voici devant quelques problèmes dont je sais qu’ il est absolument vain de prétendre les résoudre, mais que je dois feind
564 oici devant quelques problèmes dont je sais qu’il est absolument vain de prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d
565 i ? » Mais c’est encore une question… Je crois qu’ il ne faut pas attendre immobile dans sa prière, qu’une révélation vienn
566 re arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’ il est une révélation, c’est en me rendant plus parfait que je lui prépa
567 arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il est une révélation, c’est en me rendant plus parfait que je lui préparera
568 lui préparerai les voies. Agir ? Sur moi d’abord. Il ne faut plus que je respecte tout en moi. Je ne suis digne que par ce
569 l ne faut plus que je respecte tout en moi. Je ne suis digne que par ce que je puis devenir. Se perfectionner : cela consist
570 n’entends pas tous les cultiver pour cela seul qu’ ils sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers l
571 tends pas tous les cultiver pour cela seul qu’ils sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers la des
572 r pour cela seul qu’ils sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la const
573 l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’ est pas encore parfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est de che
574 puisque n’est pas encore parfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans
575 e parfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de
576 s’oppose au perfectionnement de l’esprit, puisqu’ elle ne permet que des associations suivant les directions de moindre rési
577 m’emprisonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est de les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De
578 s ma vie, une vue stupide sur mon état qui peut m’ être dangereuse. (On donne corps à une faiblesse en la nommant ; or je ne
579 demain peut-être, agir dans le monde, si je m’en suis d’abord rendu digne. L’époque nous veut, comme elle veut une conscien
580 is d’abord rendu digne. L’époque nous veut, comme elle veut une conscience. Je fais partie d’un ensemble social et dans la m
581 oyer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une doctrine, me dit-on. L’avouerai-je, quand je médite sur un
582 etites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’ être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment surmo
583 t s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’ ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent d’un flot fou ! R
584 ésirs. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ ils l’emportent d’un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’é
585 er, c’est se surpasser). J’entends des phrases qu’ il ne faut pas encore comprendre — tout est si fragile —, mais je sais q
586 hrases qu’il ne faut pas encore comprendre — tout est si fragile —, mais je sais quelle légèreté puissante, quelle confianc
587 rps et cet esprit… Créer, ou glisser au plaisir ? Êtes -vous belle, mon amie, — et vous, ma vie ? Certes, mais je vous aime m
588 son objet vivant. Pour moi, la sincérité ne peut être que spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire des idées qui m
589 té ne peut être que spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire des idées qui m’aideront. Une fois écrites elles prenn
590 écrire des idées qui m’aideront. Une fois écrites elles prennent un caractère de certitude qu’elles n’avaient pas encore en m
591 rites elles prennent un caractère de certitude qu’ elles n’avaient pas encore en moi. C’est en quoi ma sincérité est tendancie
592 ent pas encore en moi. C’est en quoi ma sincérité est tendancieuse. 5. Quant à adhérer à une doctrine toute faite, ce me s
593 rité d’un système, hors la religion. Un système n’ est pas vrai, il est utile. C’est pourquoi je ne puis comprendre les exco
594 ème, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile. C’est pourquoi je ne puis comprendre les excommunications
595 , hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile. C’est pourquoi je ne puis comprendre les excommunications et l
28 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
596 e sens envahi par un rythme impérieux au point qu’ il faut que certaines voix en moi taisent leur protestation, étouffées p
597 étouffées par des forces qui se lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’on l’éprouve d’abord trop vivement pour le j
598 premiers combats de taureaux du jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’une
599 plus ferme, d’une unité plus pure aussi. Le sujet était périlleux : si particulier, il prêtait à des abus de pittoresque, de
600 aussi. Le sujet était périlleux : si particulier, il prêtait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails tech
601 els Montherlant n’a pas toujours échappé, mais qu’ il domine dans l’ensemble et entraîne dans l’allure puissante à la fois
602 cription la plus réaliste de la vie animale. Et n’ est -ce pas justement parce qu’il est poète qu’il peut atteindre à pareill
603 a vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’ il est poète qu’il peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une
604 ie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’il peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une perp
605 t n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’ il peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une perpétuelle palp
606 vie anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’ il s’accorde d’emblée avec ce qu’il y a de plus bondissant en nous ; en
607 récit) sent ce que sent la bête en même temps qu’ elle . Et parce qu’il sait ce qu’elle va faire, il peut la dominer… : on ne
608 e sent la bête en même temps qu’elle. Et parce qu’ il sait ce qu’elle va faire, il peut la dominer… : on ne vainc vraiment
609 en même temps qu’elle. Et parce qu’il sait ce qu’ elle va faire, il peut la dominer… : on ne vainc vraiment que ce qu’on aim
610 qu’elle. Et parce qu’il sait ce qu’elle va faire, il peut la dominer… : on ne vainc vraiment que ce qu’on aime, et les vic
611 inc vraiment que ce qu’on aime, et les victorieux sont d’immenses amants »6. Mais envers les taureaux cet amour tourne en ad
612 le horreur sacrée. Voici Alban devant une bête qu’ il devra combattre le lendemain : « Salaud, cochon, saligaud ! » Il l’a
613 re le lendemain : « Salaud, cochon, saligaud ! » Il l’apostrophait ainsi tout bas, sur un ton révérenciel, et comme on dé
614 complissant sa destinée. Quelques secondes encore elle cligna des yeux et on vit sa respiration. Puis ses pattes se tendiren
615 t d’un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime
616 e l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme divine s’échappa, pleurant ses jeux, et
617 un peu pauvre pour fonder une religion. Mais ce n’ est peut-être qu’un rêve de poète. Il y a un autre Montherlant, plutôt st
618 d’un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’E
619 n autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espag
620 nt d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’ être , Montherlant impose un tempérament lyrique d’une puissance contagieus
621 défauts qui tueraient tout autre que lui. Certes, il ne soulève directement aucun des grands problèmes de l’heure. La viol
622 s de l’heure. La violence même qui sourd dans son être intime l’en empêche, le préserve des états d’incertitude douloureux,
623 d avec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit- il d’Alban — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste o
624 en, ni logicien, dit-il d’Alban — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idé
625 — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les soucis polit
626 che » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne m
627 mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas di
628 ntales. Le tragique de la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec pathétique. Mais c’est parce qu’il est po
629 agique de la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec pathétique. Mais c’est parce qu’il est poète : le chan
630 il le chante avec pathétique. Mais c’est parce qu’ il est poète : le chant fini, il n’y pense plus. On comprend qu’une tell
631 le chante avec pathétique. Mais c’est parce qu’il est poète : le chant fini, il n’y pense plus. On comprend qu’une telle at
632 Mais c’est parce qu’il est poète : le chant fini, il n’y pense plus. On comprend qu’une telle attitude agace des gens qui
633 ondes de leurs âmes séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là « qui cherchent en gémissant ». Mais cette p
634 hent en gémissant ». Mais cette personnalité dont il manifeste avec une magnifique insolence les forces créatrices, ne vau
635 gnifique insolence les forces créatrices, ne vaut- elle pas d’être élevée en témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue
636 solence les forces créatrices, ne vaut-elle pas d’ être élevée en témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue des athlète
637 peut entraîner l’âme dans un élan de grandeur. N’ est -ce point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d
638 à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait- il pas autant s’abandonner parfois à ces forces obscures qui nous replac
639 ontractée, par la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages viennent à l’appui de la th
640 ractée, par la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages viennent à l’appui de la théori
29 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
641 des ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’un Orient paradisiaque d’où nous viendraient un
642 de M. de Traz1, par les précisions importantes qu’ il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destin
643 lucide, avec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympa
644 vec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’ être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est
645 que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue. C’est parce que
646 etits chapitres à la fois si concis et achevés, n’ est ni un album de vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique
647 une sensibilité protestante — si passionné. Nul n’ est moins oriental que de Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tou
648 ’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne nous renseignent pas sur une partie orientale de lui-même, comme c
649 uvent le cas, mais bien sur l’Orient. Encore faut- il s’entendre : les meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres des
650 s’entendre : les meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plu
651 es Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que dans la peinture elle-même
652 me mesure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individus, et comme type
653 sure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’ est guère de comparaison valable qu’entre individus, et comme type d’indi
654 de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même. S’ il dit des Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’une politesse, leur para
655 qui lui permet de voir profond dans cet islam qu’ il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfia
656 éfiant », tandis que « l’attrait du christianisme est dans l’inquiétude qu’il nous inflige ». « Ils mettent leur âme en vei
657 attrait du christianisme est dans l’inquiétude qu’ il nous inflige ». « Ils mettent leur âme en veilleuse, dit-il des rêveu
658 sme est dans l’inquiétude qu’il nous inflige ». «  Ils mettent leur âme en veilleuse, dit-il des rêveurs orientaux. De leur
659 flige ». « Ils mettent leur âme en veilleuse, dit- il des rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’à leur mysticis
660 à leur mysticisme, partout c’est une démission qu’ ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait une vertu. E
661 oubli de soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et encore ceci que je
662 Ses remarques sur la psychologie de l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatation fondamentale que
663 ue « notre intelligence et celle de l’Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment collaborer, comment se compren
664 t menaçant ? Malgré l’« anxiété mélancolique » qu’ il éprouve à se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions de M. de T
665 Oriental, les conclusions de M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une matière si complexe — sont plutôt optimist
666 qu’on peut conclure en une matière si complexe — sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire à un péril oriental très p
667 une matière si complexe — sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire à un péril oriental très pressant, ni surtout qu
668 èses hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mais qui reste trop méfiant de tout
669 ne par un voyage à Jérusalem : le christianisme n’ est -il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages
670 ar un voyage à Jérusalem : le christianisme n’est- il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’u
671 aine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’ il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette
672 parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’ il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religion du « Prince
673 s, mais sans jamais s’y perdre ou se confondre en elles , révèle sa personnalité peut-être mieux que ne le feraient une suite
674 uite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le type du voyageur intelligent, qui n’accepte d
675 le type du voyageur intelligent, qui n’accepte d’ être séduit que pour « mieux comprendre », assez « fidèle » à ses origines
676 morceaux attestent la délicatesse, mais parce qu’ il sait y trouver les seuls motifs réels d’exaltation. 1. Le Dépaysem
30 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
677 s d’aujourd’hui. La « critique philosophique » qu’ il voudrait inaugurer « ne se contenterait pas d’étudier les œuvres pour
678 ais tâcherait d’épouser le dynamisme spirituel qu’ elle révèle, puis de les situer dans l’univers humain ». M. Fernandez a to
679 nivers humain ». M. Fernandez a tout le talent qu’ il faut pour lui faire acquérir droit de cité. Voici enfin un critique q
680 eprises par les générations précédentes. Parce qu’ elles se sont souvent enlisées dans leurs recherches, il ne les condamne pa
681 ar les générations précédentes. Parce qu’elles se sont souvent enlisées dans leurs recherches, il ne les condamne pas d’un «
682 s se sont souvent enlisées dans leurs recherches, il ne les condamne pas d’un « Jugement » sans issue sinon vers le passé
683 é catholique ; mais tenant compte de leur effort, il puise dans l’échec même de leurs analyses les éléments de sa synthèse
684 gatives. La critique de ces expériences négatives est contenue surtout dans ses essais sur Proust, Pater et Stendhal. Certe
685 ses essais sur Proust, Pater et Stendhal. Certes, il était temps que l’on dénonce la confusion romantique de l’art avec la
686 essais sur Proust, Pater et Stendhal. Certes, il était temps que l’on dénonce la confusion romantique de l’art avec la vie,
687 morale et l’esthétique modernes. Et à ce propos, il faut souhaiter que M. Fernandez aborde par ce biais l’œuvre de Gide,
688 ne autre me paraît liée à cette confusion. Mais s’ il est bien établi que les lois de la vie sont essentiellement différent
689 autre me paraît liée à cette confusion. Mais s’il est bien établi que les lois de la vie sont essentiellement différentes d
690 Mais s’il est bien établi que les lois de la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il ne s’en sui
691 tiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit nier toute communication dir
692 Autobiographie et le Roman, dont pour ma part je suis loin d’admettre plusieurs thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez
693 de prouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a,
694 un moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a, en fait, deux manières de se connaître, à savoir se
695 ncevoir et s’essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’ est -elle pas une façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici
696 oir et s’essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’est- elle pas une façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une
697 me paraît encore ambiguë : on peut se demander s’ il nie vraiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’il la condamne
698 raiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’ il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y décèle. Le meilleu
699 ’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’ il y décèle. Le meilleur morceau du livre est l’essai sur Proust et sa t
700 ions qu’il y décèle. Le meilleur morceau du livre est l’essai sur Proust et sa théorie des « intermittences du cœur » dont
701 ité — « mosaïque de sensations juxtaposées » — qu’ il définit sa propre théorie de la « garantie des sentiments », où l’on
702 héorie de la « garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe d’un moralisme nouveau qui se fonderait sol
703 e et proustienne a porté à un point si dangereux, il nous propose l’expérience d’un Newman, les exemples d’un Meredith et
704 théorie assez proche du cubisme littéraire, et qu’ il serait bien utile d’adopter, si l’on veut éviter les confusions qui s
705 orie assez proche du cubisme littéraire, et qu’il serait bien utile d’adopter, si l’on veut éviter les confusions qui sont en
706 d’adopter, si l’on veut éviter les confusions qui sont en train d’ôter sa valeur littéraire au genre le plus encombré et le
707 re au genre le plus encombré et le plus impur qui soit . On n’a pas ménagé les critiques à cette œuvre. Cela tient surtout à
708 es à cette œuvre. Cela tient surtout à sa forme : il est parfois agaçant de pressentir sous l’expression trop technique ou
709 à cette œuvre. Cela tient surtout à sa forme : il est parfois agaçant de pressentir sous l’expression trop technique ou obs
710 , mais péniblement comprimées. Ce défaut de forme est peut-être inhérent, dans une certaine mesure, au genre de critique pr
711 philosophes, et trop philosophe aux littérateurs. Il manque à M. Fernandez un certain recul par rapport à ses idées, on le
712 n peu gauche encore dans les positions conquises. Il n’empêche que son livre manifeste une belle unité de pensée, et qu’il
713 livre manifeste une belle unité de pensée, et qu’ il propose quelques directions très nettes de synthèse. Avec une œuvre c
714 s de Drieu la Rochelle, les Messages de Fernandez sont les premières contributions à l’établissement d’une éthique adaptée a
31 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)
715 ires taurologiques avec lesquels, pour communier, il faudrait sans doute être né sous le signe du Taureau. Mais il sera pa
716 lesquels, pour communier, il faudrait sans doute être né sous le signe du Taureau. Mais il sera pardonné à Montherlant beau
717 sans doute être né sous le signe du Taureau. Mais il sera pardonné à Montherlant beaucoup de défauts bien agaçants pour sa
718 s doute être né sous le signe du Taureau. Mais il sera pardonné à Montherlant beaucoup de défauts bien agaçants pour sa souv
719 ts bien agaçants pour sa souveraine désinvolture. Elle est tonique comme le spectacle des athlètes. Et c’est elle avant tout
720 en agaçants pour sa souveraine désinvolture. Elle est tonique comme le spectacle des athlètes. Et c’est elle avant tout que
721 tonique comme le spectacle des athlètes. Et c’est elle avant tout que j’admire dans ces Bestiaires, presque malgré leur suje
722 ité aux taureaux braves et simplets d’esprit ! Qu’ ils paissent éternellement dans les prairies célestes, pour avoir donné u
723 la nonchalance des vrais puissants, je compte qu’ il saura fonder sa gloire future sur des valeurs plus humaines. x. « H
32 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
724 sente au couchant, dans ce corridor de lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle devient plus secrète. Vers l’es
725 lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle devient plus secrète. Vers l’est, des collines fluides et roses. De l
726 — et derrière, elle devient plus secrète. Vers l’ est , des collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où s’
727 revenaient au pas des Cascine. Vers sept heures, il n’y en eut presque plus. Nous étions seuls sur le pavé qui exhalait s
728 ers sept heures, il n’y en eut presque plus. Nous étions seuls sur le pavé qui exhalait sa chaleur, au long des quais sans ban
729 utumance au monde de sensations inconnues où nous étions baignés nous promettait pourtant une connaissance plus intime de cert
730 e de certaine tristesse. Seule une maison blanche est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas d’elle que vient cette
731 blanche est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’ est pas d’elle que vient cette chanson jamais entendue qui nous accompagn
732 t arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas d’ elle que vient cette chanson jamais entendue qui nous accompagne depuis un
733 emplit notre monde à ce chant. L’odeur du fleuve est son parfum, le soleil rouge sa douleur. Les bœufs blancs, les roues p
734 l désir en nous de comprendre ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus de
735 la vie n’a presque plus de sens, comme le fleuve. Elle n’est qu’odeurs, formes mouvantes, remous dans l’air et musiques sour
736 n’a presque plus de sens, comme le fleuve. Elle n’ est qu’odeurs, formes mouvantes, remous dans l’air et musiques sourdes. P
737 es, remous dans l’air et musiques sourdes. Penser serait sacrilège, comme une barre droite au travers d’un tableau. Nos yeux o
738 ue des roseaux aux feuilles sèches… Puis la brume est venue comme une envie de sommeil. Une lampe dans la maison blanche no
739 n blanche nous a révélé proche la nuit. Nous nous sommes retournés vers la ville. Fleurs de lumières sur les champs sombres d
740 s de lumières sur les champs sombres du ciel de l’ est , et une façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato sur sa
741 me cette brume, une vie étrangère, une paix qui n’ est pas humaine, et qui nous laisse gourds et faibles, caressant en nous
742 fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’ être pliée au vent qui ne parle jamais. Nous fûmes si près de choir dans t
743 se d’être pliée au vent qui ne parle jamais. Nous fûmes si près de choir dans ton silence. Nature ! qui nous enivrait, promet
744 nité de cette façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous,
745 nes. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxue
746 . Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des
747 luxueux des rues. Le long de l’Arno, les façades sont jaunes et roses près de l’eau, puis perdent dans la nuit leurs lignes
748 tous les bruits de la ville en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par personne et les devantures ne ch
749 ds, musiques — cette vie rapide dans un décor qui est le rêve éternisé des plus voluptueuses intelligences — tous les table
750 si tu veux soudain le son grave de l’infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux, au plus beau ciel du monde. h.
33 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jacques Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)
751 us les allégories. L’étonnant, c’est que le livre soit réellement amusant, et qu’il trouve une sorte d’unité vivante dans le
752 c’est que le livre soit réellement amusant, et qu’ il trouve une sorte d’unité vivante dans le rythme des désirs jamais sim
753 aire sourire, on le sent ; pourtant l’on sourit : il faut bien croire qu’il y a là un talent, charmant, glacé, spirituelle
34 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
754 oètes, dissertent sur leurs fantaisies ? Ç’aurait été si délicieusement invraisemblable… Mais ce cœur fatigué se reprend à
755 able… Mais ce cœur fatigué se reprend à souffrir, il ne sait plus de quels souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d
756 parfois et nous fait regretter que l’auteur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’un pathétique assez neuf. z. « A
35 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
757 urope à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres persanes : le Chinois s’étonne non sans quelq
758 où l’idée de la civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondues ». Nous cherchons à conquérir non le monde, ma
759 social « comme une adroite fêlure ». Notre morale est entièrement subordonnée à l’action ; notre individualisme en naît log
760 al de l’Occident.) Et notre vertu suprême, aussi, est douloureuse : le sacrifice. Sans doute, cette « absurdité essentielle
761 Chinois et sympathiser avec son idéal de culture. Il n’y a pas là deux points de vue irréductibles, du moins M. Malraux a
762 lraux a fait parler son Chinois de telle façon qu’ ils ne le paraissent point. Et alors le relativisme angoissant qui sembla
763 ui tord aujourd’hui notre race… ». Et peut-être n’ est -il pas de position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser
764 ord aujourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est- il pas de position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser sub
765 n’est-il pas de position plus périlleuse, puisqu’ elle risque de ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût de la des
36 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
766 mythe prendre corps parmi les ruines de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’une anarchie dont on ne veut pas a
767 ertu d’une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’ elle est plus nécessaire — provisoirement — que satisfaisante pour l’espri
768 d’une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire — provisoirement — que satisfaisante pour l’esprit. C
769 lle définitions tendancieuses et contradictoires. Êtes -vous sincères en actes ou en pensées ; envers vous-mêmes ou quelque d
770 s les fluctuations de votre moi ? Votre sincérité est -elle consentement immédiat à toute impulsion spontanée (Gide), ou « p
771 s fluctuations de votre moi ? Votre sincérité est- elle consentement immédiat à toute impulsion spontanée (Gide), ou « perpét
772 ou « perpétuel effort pour créer son âme telle qu’ elle est » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout conserve
773 perpétuel effort pour créer son âme telle qu’elle est  » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout conserver en
774 liste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’ est pas encore mêlé de l’affaire. Au reste, on n’a pas attendu les éclair
775 n personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’ il voit autour de lui — et l’étonnement indigné du spectateur. Pour parl
776 us avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule, une méthode d’observation
777 é et spontanéité « Nos actes les plus sincères sont aussi les moins calculés », écrit Gide. D’où l’on peut tirer par une
778 tifient : sincérité = spontanéité. Mais la morale est ce qui s’oppose en premier lieu à la spontanéité. C’est pourquoi Gide
779 C’est pourquoi Gide écrit ailleurs : « En chaque être , le pire instinct me paraissait le plus sincère. » La sincérité spont
780 ant Fleurissoire « pour rien » ne songeait pas qu’ il allait faire école. Le fait est que ce geste symbolique a déclenché t
781 ne songeait pas qu’il allait faire école. Le fait est que ce geste symbolique a déclenché tout un mouvement littéraire, cel
782 aguère au surréalisme. Tous les héros de roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’abord de s’indi
783 enchantés de l’affaire : « Gratuit ! », déclarent- ils chaque fois qu’ils ne comprennent pas. Il faudrait s’entendre. Et, ic
784 ire : « Gratuit ! », déclarent-ils chaque fois qu’ ils ne comprennent pas. Il faudrait s’entendre. Et, ici encore, prenons g
785 larent-ils chaque fois qu’ils ne comprennent pas. Il faudrait s’entendre. Et, ici encore, prenons garde de confondre le pl
786 action peut paraître gratuite au lecteur parce qu’ il ne sait pas tout sur le personnage. Mais quant à l’auteur, il n’y a p
787 as tout sur le personnage. Mais quant à l’auteur, il n’y a pas de gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’est jamai
788 de gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’ est jamais que le résultat d’un mécanisme inconscient, aussi révélateur d
789 nage que ses actions les mieux concertées. Rien n’ est gratuit que relativement à un système restreint de références. Il ré
790 lativement à un système restreint de références. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine de la morale, q
791 r à l’acte gratuit une valeur morale en disant qu’ il révèle ce qu’il y a de plus secret dans la personnalité. Ce serait un
792 qu’il y a de plus secret dans la personnalité. Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins
793 de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque et plus « entachée d’utilitarisme », la décision ré
794 ssi peu gratuite que possible, d’un Julien Sorel, est -elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonn
795 peu gratuite que possible, d’un Julien Sorel, est- elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonne de
796 vrer en gestes, en conséquences matérielles. Ce n’ est plus l’élan pur que je décris : c’est un élan freiné dans mon esprit,
797 J’éprouve le besoin de faire le point : à quoi en suis -je, qui suis-je ? Je revois des actes accomplis, je revis plus ou moi
798 besoin de faire le point : à quoi en suis-je, qui suis -je ? Je revois des actes accomplis, je revis plus ou moins fortement
799 s, dans un ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments qui se proposaient à mon s
800 sentiments qui se proposaient à mon souvenir ont été passés au crible de la minute où je me penchais sur mon passé. Ou, po
801 pour user d’une image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le p
802 c’est bien le second. La qualité des souvenirs qu’ il me livre me renseigne assez exactement, non sur mon passé, mais sur l
803 on sur mon passé, mais sur le moment que je vis1. Il est bien clair qu’on ne saurait atteindre « la vérité sur soi » en se
804 sur mon passé, mais sur le moment que je vis1. Il est bien clair qu’on ne saurait atteindre « la vérité sur soi » en se ser
805 . C’est un cas-limite, j’en conviens. Pourtant, n’ est -ce pas le schéma de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de
806 assez précisément la forme d’un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un arrêt (l’auteur se met à
807 ’ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes désirs anciens ne me restit
808 orps et moi, le livre si poignant de René Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de ces ravages du s
809 de ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’ il s’acharne à approfondir — il était venu y chercher quelque raison de
810 Dans la solitude qu’il s’acharne à approfondir — il était venu y chercher quelque raison de vivre, il voulait se voir le
811 ns la solitude qu’il s’acharne à approfondir — il était venu y chercher quelque raison de vivre, il voulait se voir le plus p
812 il était venu y chercher quelque raison de vivre, il voulait se voir le plus purement (« cette curiosité donnée comme rais
813 t ce « merveilleux contraire » de l’élan vital qu’ il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tristesse qui rôde dans
814 du sincérisme. C’est plus exactement faillite qu’ il faudrait. Faillite de toute introspection, en littérature et en moral
815 moral : je me compose plus laid que nature. Faut- il conclure avec Gide : « L’analyse psychologique a perdu pour moi tout
816 ue a perdu pour moi tout intérêt du jour où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine d’éprouver. » Non. Car à s
817 our où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’ il imagine d’éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, el
818 r. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, elle ne nous crée pas n’importe comment, mais selon certaines lois où se r
819 ertaines lois où se retrouve notre individualité. Elle nous crée tels que nous tendons à être (plutôt inférieurs, en vertu d
820 vidualité. Elle nous crée tels que nous tendons à être (plutôt inférieurs, en vertu des remarques précédentes). Rivière défi
821 « un perpétuel effort pour créer son âme telle qu’ elle est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’un enrichissement,
822 perpétuel effort pour créer son âme telle qu’elle est  ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’u
823 el effort pour créer son âme telle qu’elle est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’une con
824 avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’ est -ce pas lui-même qui ajoutait que l’homme sincère « en vient à ne plus
825 ère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter d’ être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sinc
826 pouvoir même souhaiter d’être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme mo
827 e cas extrême d’un Crevel nous montre assez ce qu’ il faut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans des limites assez
828 n Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans des limites assez étroites empiriq
829 parfois de contrôle efficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard des dangers que la sincérité du noli me tangere fai
830 différence. Pourquoi les romanciers modernes ont- ils tant de mal à créer des personnages ? C’est parce qu’une sorte de sin
831 olontaire par lequel un Balzac les fait vivre. Ce serait fausser quelque chose à leurs yeux. Le cas des Faux-Monnayeurs le mon
832 e montre clairement. En morale : défaitisme quand il s’agit de gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, «
833 nt, et, bientôt, incapacité d’agir efficacement. ( Il faut, pour sauter, une confiance dans l’élan qui échappe à toute anal
834 s sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincérité obsti
835 e d’un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est -ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas sincère. Ou bien si l’o
836 sincère. Ou bien si l’on prétend que la sincérité est la recherche, puis l’acceptation de toute tendance du moi, je réponds
837 toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin de mentir. Il devient dès lors i
838 t sincère aussi, qui révèle mon besoin de mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sincère. Peut-o
839 devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sincère. Peut-on véritablement se mentir à soi-même, et surtout se pr
840 propres mensonges ? Peut-être juste assez pour qu’ ils vous aident3 — mais jamais au point d’oublier la vérité qu’on désirai
841 is au point d’oublier la vérité qu’on désirait qu’ ils cachent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste
842 n désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob.
843 t. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’ est pas menteur », dit Max Jacob. « Être sincère, c’est avoir toutes les
844 bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob. «  Être sincère, c’est avoir toutes les pensées » (Rivière). Mais on ne peut
845 », ce choix faux mais bon, nécessaire à la vie, n’ est -ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussit
846 faux mais bon, nécessaire à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indé
847 ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente qu’est la sincérité
848 us tire aussitôt de l’indétermination violente qu’ est la sincérité selon Rivière. La sincérité véritable vous pousse à fair
849 l’oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à
850 e ou que le « style » est de l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce
851 pris note des passages suivants (les paraphraser serait d’une ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalon
852 es paraphraser serait d’une ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons de cette recherche) : Puissie
853 ntrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne sommes pas, nous nous créons. Certains se refusent à toute intervention qui
854 nt à toute intervention qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que d’être leur propre témoin, intelligent mais immobil
855 qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que d’ être leur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes qui
856 eur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes qui s’ignorent en tant que personnes. Comment se trouveraie
857 nt en tant que personnes. Comment se trouveraient- ils , n’existant pas ? (François Mauriac.) La valeur morale de M. Godeau s
858 (François Mauriac.) La valeur morale de M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait de garder lui-même à son
859 de M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’ il souffrirait de garder lui-même à son propre regard. Ainsi la valeur m
860 ard. Ainsi la valeur morale d’un homme équivalait- elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir sur lui-même. (Marcel J
861 morale d’un homme équivalait-elle à l’illusion qu’ il était capable d’entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’o
862 ale d’un homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appe
863 l Jouhandeau.) Ce qu’on appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’il
864 Ce qu’on appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max J
865 (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le personnage est maintenu jusqu’à la mort, il se confond avec l’homme même. (André Mau
866 is si le personnage est maintenu jusqu’à la mort, il se confond avec l’homme même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jou
867 stre à la sincérité presque pure de cet âge. Mais il le faut dépasser.)   Si j’en crois l’intensité d’un sentiment intime,
868 i idéal que j’appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’imaginait retenir. Dès l
869 alyse désolée s’imaginait retenir. Dès lors, ce n’ est pas lâcher la proie pour l’ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais
870 efficaces ? Mais on nommera cela de l’hypocrisie. Soit , j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’hypocrisie Non,
871 ................................ Le vent se lève, il faut tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste luc
872 e chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque être un plus prenant sourire. Cependant que ma joie — un état de grâce, un
873 n particulière, ne pouvait non plus s’imaginer qu’ elle en pût être privée. Alors, acquiesçant vivement à l’invite que je sou
874 re, ne pouvait non plus s’imaginer qu’elle en pût être privée. Alors, acquiesçant vivement à l’invite que je soupçonnais la
875 lus riche d’inconnu, je m’élançais sur la voie qu’ elle m’ouvrait, avec tant de rires amis, vers tout ce que momentanément je
876 de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’ il eût été loisible d’attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce
877 ser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce but peut
878 ainsi que fidèle à soi-même au plus profond de l’ être , on entretient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’assuranc
879 elle de l’individu — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’
880 isie envers soi-même une volonté — si profonde qu’ elle n’a pas besoin de s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de
881 fonde qu’elle n’a pas besoin de s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je ne veux plus souffrir.
882 de nommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’une espèce de souffrance véritablement insupportab
883 ommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’ est peut-être qu’une espèce de souffrance véritablement insupportable, c’
884 certitude… Ô vérité, ma vérité, non pas ce que je suis , mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La véritable desc
885 que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être  !… 1. La véritable description de l’élan supposé dans le premier e
886 ion de l’élan supposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes qu’il m’aurait fait commettre. Manifester est plu
887 premier exemple, ce serait le récit des gestes qu’ il m’aurait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’analyser. 2.
888 gestes qu’il m’aurait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’analyser. 2. D’ailleurs toute la psychologie moderne
889 ans notre langage statique. 3. « Et certes quand il s’agit de parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certit
37 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
890 vue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de mauvaise méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadons que tout
891 lus que jamais, et plus que jamais, nous semble-t- il , notre revue a sa raison d’être. La vie d’aujourd’hui, on le sait, no
892 mais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison d’ être . La vie d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à r
893 araître parfois quelque peu impertinente. Le fait est que nous éprouvons irrésistiblement l’obligation d’être nous-mêmes. E
894 ue nous éprouvons irrésistiblement l’obligation d’ être nous-mêmes. Et, disons-le tout de suite, c’est en cela uniquement — ê
895 sons-le tout de suite, c’est en cela uniquement — être nous-mêmes — que consistera notre programme. Sans doute, les différen
896 . Sans doute, les différences s’accusent : mais n’ est -ce pas la meilleure raison pour nos aînés de chercher plus patiemment
897 aurions aller, et qui, nous voulons l’espérer, ne sera pas sans leur donner quelque bénéfice en retour. Certes, nous ne dema
898 ès tant d’autres, avant tant d’autres. « Amis, ce sont les jeunes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’emboîter le
899 ais seulement de retenir sa place au spectacle qu’ ils offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’
900 ’ils offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se dé
901 s offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détour
902 n a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un… Et, peut-être, la considération du « d
903 t, peut-être, la considération du « déluge » peut- elle faire réfléchir utilement sur ses causes…   Nous ne proposerons pas,
904 juger si nous avons de quoi faire les modestes…   Être nous-mêmes, avons-nous dit, c’est à la fois notre but et notre excuse
905 et notre excuse en publiant cette revue. Nous ne sommes pas « une revue littéraire de plus » ; nous ne voulons pas être « l’e
906 revue littéraire de plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression de la jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Be
907 tre « l’expression de la jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Belles-Lettres est toujours « autre chose ».) Nous ne p
908 mande ». Nous sommes autre chose. (Belles-Lettres est toujours « autre chose ».) Nous ne prétendons pas plus être « bien be
909 urs « autre chose ».) Nous ne prétendons pas plus être « bien bellettriens » — prétention éminemment peu bellettrienne. Que
910  » — prétention éminemment peu bellettrienne. Que sommes -nous donc ? Le plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saurez un pe
911 n peu mieux quand vous aurez lu nos huit numéros. Il faut que notre revue reste cette chose unique et indéfinissable, comm
38 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
912 reprenne mes paroles, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerr
913 magnifiques et hagardes pourraient enthousiasmer il leur réserve mieux encore : après une kyrielle d’injures qui ne font
914 nation d’autres fois si prestigieuse du poète : «  Ils m’ont suivi, les imbéciles », ricane-t-il ; et sans rire : « À mort c
915 te : « Ils m’ont suivi, les imbéciles », ricane-t- il  ; et sans rire : « À mort ceux qui paraphrasent ce que je dis ». Il y
916 plus original de la jeune littérature française. Il le proclame « J’appartiens à la grande race des torrents ». Génie iné
917 s à la grande race des torrents ». Génie inégal s’ il en fut, voici parmi trop de talents intéressants, un écrivain qui s’i
918 grande race des torrents ». Génie inégal s’il en fut , voici parmi trop de talents intéressants, un écrivain qui s’impose a
919 des qualités et des défauts pareillement énormes. Il faut remonter loin dans notre littérature pour trouver semblable domi
920 e domination de la langue. Et parmi les modernes, il bat tous les records de l’image, ce qui nous vaut avec des bizarrerie
921 itable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans rappeler c
922 est une suite de promenades dont la composition n’ est pas sans rappeler celle des Nuits d’octobre de Nerval ; forme qui per
923 de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’ est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plu
39 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
924 col roide, En souffrance mes baisers. L’amour est un alibi Nos lèvres sitôt que jointes, Ô dernier mensonge tu, Je
40 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
925 et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu’ il ne péchait que par excès de bonne humeur printanière, Urbain donc, pr
926 garçon d’une race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on ne saurait le taire, — Urbain dormait. L’étoi
927 on d’une race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on ne saurait le taire, — Urbain dormait. L’étoile, je
928 cintillement pudiquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira d’une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et
929 eux et ne vit rien. On rappelle que les étoiles s’ étaient décrochées de leur poste dans l’éternité. « Éternité désaffectée, c’e
930 . « Éternité désaffectée, c’est bien dommage, dit- il en s’étirant ; le printemps désormais rendra le ciel plus pâle, et no
931 ant considérables, au sens étymologique du terme. Il loucha vers le néant, retourna ses poches, ôta ses gants qu’il jeta,
932 s le néant, retourna ses poches, ôta ses gants qu’ il jeta, puis, après un grand coup de pied dans le vide symbolique des s
933 symbolique des systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’ il fit un pas dans une direction quelconque. L’étoile pleurait, sentimen
41 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
934 er 1927, l’information suivante : Mardi dernier a été célébré en l’église grecque de la rue Georges Bizet le mariage de M.
935 d avec la princesse Hélène-C. Soutzo. Les témoins étaient pour le marié : M. Philippe Berthelot, secrétaire général du ministre
42 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
936 le des Conférences, devant un très bel auditoire, est un des plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un
937 ntroversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lombard, recteur de l’U
938 oversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lombard, recteur de l’Unive
939 non d’après un système préconçu. (Cette attitude est plus rare qu’on ne le croit, de nos jours.) M. Esmonin montra avec be
940 loux de ses droits considérables encore ; puis ce sont les conseillers intimes du roi, un jésuite, le père Lachaise, un arch
941 r le ciel, persuadent Louis XIV que la révocation serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui faire pardonner les e
942 ou de force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins catholiques, si les pères sont hypocrites », écrit Madame de
943 enfants seront du moins catholiques, si les pères sont hypocrites », écrit Madame de Maintenon. Mais bientôt l’on voit la Fr
944 l’on voit la France se dépeupler ; des industries sont presque anéanties ; les conséquences funestes de l’acte de révocation
945 arrachées par Louis XIV au pape, les catholiques sont loin d’être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dan
946 ar Louis XIV au pape, les catholiques sont loin d’ être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une lettre
947 une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et les persécutions c
948 s. M. Esmonin s’abstient d’en faire un tableau qu’ il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs. Il termine en citant le
949 u’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’Albert Sorel, selon qui la date du 16
950 us réjouir de retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’ il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et
43 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
951 de feindre encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux de la Maladère pour se dépre
952 e meurtrir l’un l’autre. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’un mot, un geste décisif, ou certaine amitié de la saison s
953 issiper le charme perfide qui les tourmente. Mais il faudrait d’abord qu’ils se soient délivrés d’eux-mêmes pour que ce mo
954 de qui les tourmente. Mais il faudrait d’abord qu’ ils se soient délivrés d’eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient poss
955 les tourmente. Mais il faudrait d’abord qu’ils se soient délivrés d’eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient possibles. C’e
956 t délivrés d’eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est d’Armande surtout qu’on les attendrait, plus franche
957  : son amour ? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre d’une incurable adolescence, d’un défaitisme sentimental qui
958 ais combien cette analyse trahit Barbey : son art est justement de voiler les intentions du récit et de les exprimer seulem
959 ne image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n’ est qu’à force de discrétion dans les moyens qu’il parvient à une certain
960 n’est qu’à force de discrétion dans les moyens qu’ il parvient à une certaine puissance de l’effet, aux dernières pages. Il
961 rtaine puissance de l’effet, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère une étrange harmonie entre le climat des senti
962 des sentiments et celui des campagnes désolées où ils se développent. Paysages tristes et sans violence, autour de ces être
963 Paysages tristes et sans violence, autour de ces êtres dont la détresse est d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous
964 ns violence, autour de ces êtres dont la détresse est d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis
965 res dont la détresse est d’autant plus cruelle qu’ elle est contenue sous des dehors trop polis. Une fois fermé le livre de B
966 ont la détresse est d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis. Une fois fermé le livre de Barbe
967 cendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable, dont la brutalité si longtemps désirée délivre Jacques d’u
44 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
968 L’on aime que, pour certains hommes, écrire ne soit que le recensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’une ins
969 ur vie, ou l’aveu déguisé d’une insatisfaction qu’ elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne
970 ’une insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comp
971 ontclar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce journal bientôt les rejoindra
972 aux souvenirs. Cette façon de ne pas y tenir, qu’ il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-être ce qui nous le re
973 enir, qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-être ce qui nous le rend le plus sympathique. « Officiellement c
974 de ? heureux ? » pour lui, comme pour Barnabooth, il s’agit de « déjouer le complot de la commodité ». Mais plus voluptueu
975 lus voluptueux que philosophe, c’est à l’amour qu’ il ira demander la souffrance indispensable au perfectionnement de son â
976 notre plaisir, un peu plus viennois que naturel s’ il parle de choses d’art comme on fait dans Proust, si les passions qu’i
977 art comme on fait dans Proust, si les passions qu’ il nous peint sont ici tant soit peu russes, et là, gidiennes. Il se con
978 ait dans Proust, si les passions qu’il nous peint sont ici tant soit peu russes, et là, gidiennes. Il se connaît assez pour
979 t, si les passions qu’il nous peint sont ici tant soit peu russes, et là, gidiennes. Il se connaît assez pour savoir ce qui
980 sont ici tant soit peu russes, et là, gidiennes. Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou de
981 gidiennes. Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas n
982 stingué, — et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte de froideur que l’on dirait désintéressée s
983 orte de froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de souligner, plus que ses succès, certaines faibl
984 ner, plus que ses succès, certaines faiblesses qu’ il recherche secrètement, parce que de ces « ratages » naît le perpétuel
985  ratages » naît le perpétuel besoin d’évasion qui est la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non san
986 la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’ il consent, non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu d’une fondam
987 nce où souvent l’on finit. Et peut-être l’amour n’ est -il possible qu’entre deux cœurs que l’épreuve du plaisir n’a pas exté
988 où souvent l’on finit. Et peut-être l’amour n’est- il possible qu’entre deux cœurs que l’épreuve du plaisir n’a pas exténué
989 à se faire souffrir rejette l’un vers l’autre ces êtres égoïstes, et fonde lentement leur amour, à force de petites blessures
990 nt leur amour, à force de petites blessures. Ce n’ est pas le moins troublant d’une telle vie, cette sagesse un peu sombre q
991 près seulement toutes les morts du plaisir », car elle sait « qu’entre les êtres, le bonheur est un lien sans durée. Seules
992 morts du plaisir », car elle sait « qu’entre les êtres , le bonheur est un lien sans durée. Seules la souffrance ou de secrèt
993 », car elle sait « qu’entre les êtres, le bonheur est un lien sans durée. Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont
994 e secrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme dans le récit de
995 ecrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme dans le récit de cet
996 autaine. Que la composition de cette réminiscence soit assez facile et « artiste » on hésite à en faire reproche à l’auteur.
997 à l’auteur. Cette espèce de modestie de l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps que sévit l’inflation litt
998 flation littéraire la plus ridicule. Pourtant, qu’ elle ne laisse point oublier que ce livre d’une résonance si humaine, est
999 oublier que ce livre d’une résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et désinvolte, glacé, passionné. a
1000 vue de Genève, Genève, février 1927, p. 257. ae. Il manque sans doute un morceau de phrase dans l’édition originale.
45 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
1001 iste, mais vrai. » (Les journaux.) Mademoiselle, Il faut d’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux de vous écrir
1002 tant plus que vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que je vous dise qu’il fait très froid dans ma chambre : l
1003 — et pourtant… Il faut aussi que je vous dise qu’ il fait très froid dans ma chambre : le feu n’a pas pris, et d’ailleurs
1004 i le drame sur vos traits seulement ; l’écho n’en fut que plus douloureux dans mon cœur. Puis je vous ai oubliée. Puis je v
1005 de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la promesse. Vos regards rencontrèrent les miens plu
1006 nt les miens plus d’une fois pendant une danse qu’ il fit avec vous, mais vous les détourniez soudain comme pour vous arrac
1007 tirante ; et je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je dis menace, parce
1008 airs sombres vous effrayaient sans doute plus qu’ ils ne vous attiraient. Mais, maintenant, je pense que ces regards croisé
1009 de vous. Mon ami me fit un signe discret, et déjà il se préparait à vous rendre attentive à ma présence… Mais, alors, je n
1010 ssis à l’écart. On me demandait, en passant, si j’ étais malade. Je désignais d’un geste incertain quelques bouteilles de cham
1011 l’ivresse, mais non certaines douleurs. Même, je fus obligé de confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaie
1012 gentillesse d’une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au
1013 s d’oriflammes sur l’orchestre pensif. Ton regard est plus grand que le chant des violons. Aube dure ! En ma tête rôde ton
1014 , tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je suis revenu dans ces rues où je vous rencontrais parfois, du temps que j’i
1015 ant les ascenseurs. « Vers 4 heures, me disais-je elle y entrera, et, me glissant auprès d’elle, je pourrai lui dire très vi
1016 isais-je elle y entrera, et, me glissant auprès d’ elle , je pourrai lui dire très vite quelques mots si bouleversants qu’avan
1017 e la croise en route dans l’ascenseur descendant… Il aurait fallu monter, mais l’idée de vous trouver peut-être assise en
1018 aqué, souriante… Enfin, un peu après 6 heures, je suis sorti. Il y avait beaucoup de monde dans les rues, sous la pluie. Les
1019 femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui venait de tourner à l’angle de
1020 maladroits, contradictoires… Un autobus de luxe s’ était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur se pencher ve
1021 l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que des dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’ét
1022 dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’ était penchée vous ressemblait tant. Mais je n’osais presque pas la regarde
1023 edonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être était -ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt de la Place Saint-Michel, ell
1024 aurai jamais. À l’arrêt de la Place Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me regarder. Je descendis derrière elle.
1025 frôlant, sans me regarder. Je descendis derrière elle . Mais tout de suite des parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouc
1026 arché plusieurs heures avant de retrouver ma rue. Il doit être maintenant 5 heures du matin. Premiers appels d’autos dans
1027 usieurs heures avant de retrouver ma rue. Il doit être maintenant 5 heures du matin. Premiers appels d’autos dans la ville,
1028 atin. Premiers appels d’autos dans la ville, mais il me semble que toutes choses s’éloignent de moi vertigineusement, par
1029 aube incolore. Il y a vingt-quatre heures donc, j’ étais encore au bal. Cette constatation machinale ne correspond à rien dans
1030 che de tout ce qui me navre au plus intime de mon être … Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, entre deux
1031 me navre au plus intime de mon être… Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, entre deux phrases.) Mais vo
1032 ance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’un glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme 
1033 u, il n’y a plus qu’un glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait plus rien. 4. Encore un qui v
1034 sement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait plus rien. 4. Encore un qui vous aime, je ne vous dirai
46 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
1035 Orphée sans charme (février 1927)g « Cet âge est sans pitié. » « Le véritable symbole n’est jamais prévu par l’auteur
1036 t âge est sans pitié. » « Le véritable symbole n’ est jamais prévu par l’auteur », écrivait Cocteau dans la préface des Mar
1037 une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’ il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c
1038 ent concerté la possibilité. Orphée, par exemple, serait un poète surréaliste. « Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obte
1039 phée, par exemple, serait un poète surréaliste. «  Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un
1040 poète surréaliste. « Il faut jeter une bombe, dit- il , il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchis
1041 e surréaliste. « Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent
1042 r une bombe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traque
1043 faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inconnu ». Sa femme l’accuse de « vouloir faire a
1044  Madame Eurydice Reviendra Des Enfers. » — « Ce n’ est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une f
1045 Enfers. » — « Ce n’est pas une phrase, s’écrie-t- il , c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or
1046 Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce n’ est pas dépourvue de certaines des qualités qui, selon Max Jacob, permett
1047 agnebin (non pas Elie) pensait à quelqu’un lorsqu’ il écrivit certains vers qu’on peut lire plus haut : Les anges véritabl
1048 Les anges véritables qui connaissent les signes Sont moins bons acrobates… (etc.)… Cocteau s’est trop exercé avant de se
1049 nes Sont moins bons acrobates… (etc.)… Cocteau s’ est trop exercé avant de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’il
1050 exercé avant de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’il ne tombera pas. J’admire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités
1051 t de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’ il ne tombera pas. J’admire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités scéniques
1052 . ⁂ Certes, les qualités scéniques de cette pièce sont grandes. Je ne saurais même indiquer aucun endroit par où elle pèche
1053 Je ne saurais même indiquer aucun endroit par où elle pèche contre les principes chers à l’auteur du Secret professionnel e
1054 ai style de théâtre, d’une netteté qui pourtant n’ est pas maigre, d’une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un tr
1055 é dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il voulait. Et pou
1056 emble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’ il voulait. Et pourtant cette admirable machine ne m’inquiète guère : je
1057 dmirable machine ne m’inquiète guère : je sais qu’ elle le conduira où il veut, sans surprises. « Puisque ces mystères me dép
1058 m’inquiète guère : je sais qu’elle le conduira où il veut, sans surprises. « Puisque ces mystères me dépassent, feignons d
1059  Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur », disait le photographe des Mariés. Dans Orphée, le m
1060 phée, le mystère ne peut plus dépasser l’auteur : il l’a trop bien organisé. En somme, ce qu’il faut reprocher à Cocteau,
1061 teur : il l’a trop bien organisé. En somme, ce qu’ il faut reprocher à Cocteau, c’est d’avoir réussi complètement une pièce
1062 fois de plus que l’atmosphère de l’« art pur » n’ est pas respirable. Il ne manque rien à Orphée, sinon peut-être cette ind
1063 atmosphère de l’« art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien à Orphée, sinon peut-être cette indispensable « part d
1064 spensable « part de Dieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imperfection secrète qui fait naître l’a
1065 te qui fait naître l’amour. Parce que la création est venue après la théorie. Parce qu’une fois de plus, Cocteau a comprimé
1066 s règles de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète :
1067 les de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète : j’e
1068 mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète : j’en verrais une
1069 e rose, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète : j’en verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que
1070 M. Zimmer, dans la Gazette de Lausanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conjugal ». Vraiment, nous
47 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
1071 « Messieurs, disait Dardel, y a pas à tortiller, il faut faire quelque chose. Nous devons, nous pouvons faire quelque cho
1072 pouvons faire quelque chose. Que diable ! nous ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 e
1073 iable ! nous ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jér
1074 onsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’ il s’agit de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper
1075 vaient en hurlant : « Bas-toi là, bas-toi là ! »… Est -il plus atroce spectacle que celui d’une maîtresse jadis belle et dis
1076 nt en hurlant : « Bas-toi là, bas-toi là ! »… Est- il plus atroce spectacle que celui d’une maîtresse jadis belle et disert
1077 ellettriens avaient fui. Au détour d’une ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui hantait les lim
1078 s rêves qui hantait les limbes depuis un an déjà. Ils ne tardèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance de Cinématoma
1079 . Naissance de Cinématoma Cinq bellettriens furent commis au soin d’engendrer cet adorable monstre. Ils se réunissent pa
1080 commis au soin d’engendrer cet adorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’un feu et le contemplent un certain te
1081 io né entre deux cafés-nature, et presque sans qu’ il s’en soit rendu compte. Clerc entrevoit un projet à deux faces. Lugin
1082 tre deux cafés-nature, et presque sans qu’il s’en soit rendu compte. Clerc entrevoit un projet à deux faces. Lugin, qui est
1083 lerc entrevoit un projet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé,
1084  la Montagne » ne saura venir au prophète, même s’ il se nomme Mossoul. Pourtant, au milieu de ce paludesque et stérile con
1085 , une idée de génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « L
1086 tte martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à temps pour assister à la cérémonie de la pose du point
1087 teur de Gogol à l’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’écran. Pitoëff avait prêté un accent, Mme d’Assilva deux
1088 et cent doigts dans deux lits. Combien cela fait- il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s
48 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
1089 rte que l’espèce de romantisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec un mouvement dont lui-même s’est plu à relever
1090 boutit coïncide avec un mouvement dont lui-même s’ est plu à relever les indices chez ses jeunes contemporains, et qu’il vie
1091 les indices chez ses jeunes contemporains, et qu’ il vient appuyer de son autorité de critique et surtout de son expérienc
1092 se plaisent nos jeunes poètes cosmopolites, mais il garde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’un homme qui en s
1093 rêverie d’un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour porter tant de richesses avec cette mélanc
1094 d’un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour porter tant de richesses avec cette mélancolique grâ
1095 mélancolique grâce. Si quelques-uns de ses bijoux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié
1096 l’un de ses personnages pour remercier ; (pouvait- il mieux trouver qu’un René Dubardeau pour cette ambassade). Parfois l’o
1097 tesse Rezzovitch a rencontré M. Paul Morand, mais elle a dû le trouver un peu froid, n’aura pas été tentée de lui faire ces
1098 ais elle a dû le trouver un peu froid, n’aura pas été tentée de lui faire ces confidences qu’elle livre si facilement au hé
1099 ra pas été tentée de lui faire ces confidences qu’ elle livre si facilement au héros plus confiant et secrètement incertain d
1100 femme qui incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’ il attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jam
1101 attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa femme, « mais comme on aime u
1102 onfidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa femme, « mais comme on aime une petite maison de provi
1103 gagne la puissance d’une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, e
1104 l lui écrit de longues lettres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, et qu’elle l’aurait peut-être aimé. Enfin, divorcé,
1105 tres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, et qu’ elle l’aurait peut-être aimé. Enfin, divorcé, seul, il la revoit dans une
1106 le l’aurait peut-être aimé. Enfin, divorcé, seul, il la revoit dans une vision prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé
1107 rgueilleuse raison à nous tromper sur tout ce qui est profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré ». M. Jalo
1108 s tromper sur tout ce qui est profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’un ré
1109 mer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’ il maintient entre ces deux inconscients : l’époque et l’être secret du
1110 tient entre ces deux inconscients : l’époque et l’ être secret du héros. Il sait mieux que quiconque aujourd’hui faire éclate
1111 nconscients : l’époque et l’être secret du héros. Il sait mieux que quiconque aujourd’hui faire éclater dans un cadre très
1112 nt dessinés un de ces drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger du drame qui se joue entre deux êtres,
1113 nne ne peut juger du drame qui se joue entre deux êtres , personne, pas même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge d’or, un d
1114 as la fin ni le sens véritable, mais seulement qu’ elles ont fait souffrir. Rendez-vous manqués, lettres perdues, aveux incomp
1115 dans l’une des dernières phrases de Sylvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). Mais le ton reste si léger, spirituel, fan
1116 touche pour peindre un personnage épisodique : «  Il confondait la rose et la pivoine, l’orange et l’ananas… »). Une telle
49 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
1117 ou L’éloge du Miracle (mars 1927)i Surprendre est peu de chose, il faut transplanter. Max Jacob. Ce soir-là, le progra
1118 cle (mars 1927)i Surprendre est peu de chose, il faut transplanter. Max Jacob. Ce soir-là, le programme comprenait :
1119 décor très pauvre, légèrement coloré. Le principe est simple : « Je vous aime » se traduit par trois ou quatre claques sur
1120 e cadavre encore tout chaud ». Affreux. Aussi : «  Elle mourut. » On voit que cette bande est antérieure à l’époque du long b
1121 Aussi : « Elle mourut. » On voit que cette bande est antérieure à l’époque du long baiser de conclusion. Le film japonais 
1122 ons rapides. Un chasseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclata
1123 e, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont embrumés dans mon souvenir par le rayonnement de la robe, fleur qui s
1124 clé… Un enterrement bourgeois, mais le corbillard est traîné par un dromadaire, d’ailleurs dételé. Les amis affligés mangen
1125 onnes et suivent à grands sauts lents, solennels. Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois
1126 t.) Enfin le cercueil roule dans les marguerites, il en sort un chef d’orchestre dont la baguette éteint tous les personna
1127 s demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même essence que le nôtre. Le
1128 Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même essence que le nôtre. Les gens rient à l’enterrement au ralen
1129 ement des têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’ est pas le bon rire de cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent
1130 le bon rire de cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où ils pourront se pousser en disant : « C’
1131 danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où ils pourront se pousser en disant : « C’que c’est cochon ! » Mais le mome
1132 que c’est cochon ! » Mais le moment ne vient pas, ils sont déçus. Enfin, mon voisin, un agent, murmure : « On va tous deven
1133 c’est cochon ! » Mais le moment ne vient pas, ils sont déçus. Enfin, mon voisin, un agent, murmure : « On va tous devenir fo
1134 ous mais accueille le résultat avec la naïveté qu’ il faut, approuve et dit : « C’est bien ça, c’est comme quand on rêve. »
1135 ma doit nous « transplanter », un certain naturel est de rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritable miracle auquel no
1136 le auquel nous assistons. Mais de pareils défauts sont presque inévitables dans une production de début, et Entr’acte mérite
1137 ns une production de début, et Entr’acte mérite d’ être ainsi qualifié : c’est peut-être le premier film où l’on a fait du ci
1138 geste de l’acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mais comme pour le film 1905, on a sans cesse
1139 ns, c’est le fait d’un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films
1140 is ce sont là critiques de style. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair un sens du miracle assez bo
1141 cinéma. C’est la photographie d’une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné.
1142 e qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’ est pas encore un miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec
1143 de découvrir la richesse immédiate. Surréel qui n’ est pas synonyme d’incompréhensible, non Madame, car alors quoi de plus s
1144 s quoi de plus surréaliste que le film 1905. Ce n’ est peut-être qu’une question d’imagination ; il reste qu’un film comme E
1145 e n’est peut-être qu’une question d’imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une aide puissante. Nous faisons
1146 imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une aide puissante. Nous faisons nos premiers pas, étourdis, dans un
1147 un pays d’illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous frotter les yeux… Peut-être, quand nos regards plus ass
50 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
1148 Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)ag Il faut souhaiter que ce témoignage sur les générations nouvelles et leu
1149 ge sur les générations nouvelles et leurs maîtres soit lu par tous ceux qui cherchent à s’orienter dans la crise moderne. M.
1150 ême temps par cette solution universelle, la foi, il résume en lui cette inquiétude qui fait la grandeur et la misère de l
1151 fait la grandeur et la misère de l’époque — et qu’ il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte, où sa jeunesse ne
1152 nte, où sa jeunesse ne verrait qu’une abdication. Il décrit la « génération nouvelle » avec une intelligente sympathie et
1153 de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les grands traits de notre inquiétude. (Mais peut-être M. Rops a
1154 de notre inquiétude. (Mais peut-être M. Rops a-t- il trop négligé le rôle extérieur, que je crois décisif, des conditions
1155 ites qui s’offrent aux jeunes gens d’aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différer notre inquiét
1156 raît sans remède. Mais, ici, M. Daniel-Rops n’a-t- il pas cédé à la tentation de créer des dilemmes irréductibles, suprême
1157 ésumer en deux mots : inquiétude ou foi. Dès lors sont -elles vraiment les deux termes d’un dilemme, l’une n’étant que le che
1158 r en deux mots : inquiétude ou foi. Dès lors sont- elles vraiment les deux termes d’un dilemme, l’une n’étant que le chemin qu
1159 es vraiment les deux termes d’un dilemme, l’une n’ étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi naît de l’inquiétude au
1160 l’inquiétude autant que la sérénité… Au reste, n’ est -elle pas de M. Rops lui-même, cette phrase qui formule admirablement
1161 nquiétude autant que la sérénité… Au reste, n’est- elle pas de M. Rops lui-même, cette phrase qui formule admirablement les e
1162 inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le chercher encore… » ag. « Daniel-Rops : Notre inquiétu
51 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
1163 7)j Ah ! je sens qu’une puissance étrangère s’ est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âm
1164 s qu’une puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle peut fair
1165 saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’ elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si cela doit m’anéan
1166 pas seulement pour le pittoresque. — Attrape !   Il n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour f
1167  Attrape !   Il n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en nous l’appel vertigineu
1168 mais c’est pour détourner nos regards de cela qu’ il faut bien nommer le Vide. Tant de séductions nous ont en vain tentés,
1169 . On dit : « C’est incompréhensible ! » — et l’on est enfin rassuré. C’est incompréhensible !, trois mots dont l’un savant
1170 malaise, et vous rallumez votre cigare. Vous vous êtes assuré que la porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre de ce cô
1171 rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’ être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais déjà
1172 les s’efforcent — mais déjà c’est de plus loin qu’ il les nargue. Il connaît enfin une solitude défendue de tous côtés par
1173 — mais déjà c’est de plus loin qu’il les nargue. Il connaît enfin une solitude défendue de tous côtés par ses rires scand
1174 abiles à l’immobilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’un
1175 7. » Il s’agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une des tentatives de libération les plus violentes
1176 tisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. «  Il s’agit de rendre impraticables quelques portes de sortie » ou comprom
1177 elques portes de sortie » ou compromis :   « Nous étions dominés par le sens d’une réalité morale absolue que certains d’entre
1178 Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit jamais abaissée une civilisation. Mais nous sommes encore quelques-un
1179 soit jamais abaissée une civilisation. Mais nous sommes encore quelques-uns à jouer nos derniers atouts sur notre salut. Nous
1180 courons enfin l’Aventure. « Le salut pour nous n’ est nulle part9 ». Ultime affirmation d’une foi que plus rien ne peut dup
1181 eut duper. Depuis certaines paroles sur la Croix, il n’y a peut-être pas eu d’expression plus haute de l’angoisse humaine,
1182 , et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’ elle est née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’att
1183 vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’elle est née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends
1184 a notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’ elle puisse en aucun cas servir d’argument à un homme. » Voilà qui nous fa
1185 oublier certaines morales d’extrême moyenne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’on veut nommer
1186 rophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’ est pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût un sens, il faudrait
1187 enoux qu’on attendra : pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport au soleil
1188 attendra : pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport au soleil. Quelques ges
1189 les messages égarés de l’infini… Un tel homme, —  est -ce encore Aragon, sinon qui ? — sa grandeur, c’est qu’il lui faut att
1190 ncore Aragon, sinon qui ? — sa grandeur, c’est qu’ il lui faut atteindre Dieu ou n’espérer plus aucun pardon. II Nove
1191 Et voici Aragon revêtu d’une dignité tragique qu’ il trouverait sans doute un peu ridicule. C’est ainsi que l’on arrive à
1192 du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’ être pas qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset, seuleme
1193 ment transposé dans notre siècle et chez qui tout est devenu de quelques degrés plus violent, plus acerbe, plus profond. En
1194 a grande race des torrents. » Une belle phrase, n’ est -ce pas ? Je ne sais qu’un Montherlant qui pourrait l’oser dire comme
1195 Et ce que je prenais pour le ton prophétique, ne serait -ce pas plutôt une sorte de donquichottisme assez fréquent dans les ca
1196 assez fréquent dans les cafés littéraires et dont il serait le premier à s’amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêve
1197 ez fréquent dans les cafés littéraires et dont il serait le premier à s’amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêves et la
1198 e littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du christianisme dans les âmes profondes ou délicates q
1199 nisme dans les âmes profondes ou délicates qui ne sont pas devenues chrétiennes. » « Le salut pour nous n’est nulle part. »
1200 as devenues chrétiennes. » « Le salut pour nous n’ est nulle part. » Nulle part, pensais-je : le salut n’est pas là, ou là,
1201 nulle part. » Nulle part, pensais-je : le salut n’ est pas là, ou là, à Rome, à Athènes, à Moscou, dans cette doctrine, dans
1202 ez basses, nous le savons… Mais pour Aragon, ce n’ est point façon de parler. Son « nulle part » est sans dérobade possible
1203 e n’est point façon de parler. Son « nulle part » est sans dérobade possible par sous-entendu. Pas plus « ailleurs » que su
1204 Crevel. Pourtant, le plus irrévocable désespoir n’ est encore qu’un appel à la foi la plus haute.   1er mai 1927. Mieux vau
1205 iasme trompe moins que le bon sens. Don Quichotte est tout de même moins misérable que Clément Vautel — et si ce nom revien
1206 mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parce qu’ elle n’a pas mérité du premier coup qu’on se donne la peine de l’écraser,
1207 qu’on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’ il symbolise tout cet état d’esprit « bien Parisien » dont de récentes s
1208 ules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens crit
1209 se ici certain sens critique dont on voudrait que soient justiciables les œuvres d’un écrivain, les démarches de sa pensée, se
1210 re armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes — de
1211 s tromper sur ce qu’il y a de profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. » (Edmond Jaloux.) Entre un monsi
1212 . — Il y a un certain temps déjà que nous ne nous sommes revus. Mais je suis vos travaux avec intérêt, et il m’a paru que depu
1213 temps déjà que nous ne nous sommes revus. Mais je suis vos travaux avec intérêt, et il m’a paru que depuis quelque temps… en
1214 revus. Mais je suis vos travaux avec intérêt, et il m’a paru que depuis quelque temps… enfin, comment dirais-je… je me su
1215 is quelque temps… enfin, comment dirais-je… je me suis dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelque utilité…
1216 suis dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelque utilité… Moi. — Ah ! oui, oui… c’est cela, utilité,… en e
1217 jours-ci, beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’ êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-mo
1218 , à mon estime la plus vive. Mais décidément nous sommes débordés, voyez vous-même, pas moyen de causer aujourd’hui… Quoi ?… B
1219 ire sans vous. Mais n’oubliez pas que « l’artiste serait peu de chose s’il ne spéculait sur l’incertain », c’est un académicie
1220 oubliez pas que « l’artiste serait peu de chose s’ il ne spéculait sur l’incertain », c’est un académicien qui l’a dit. Vou
1221 Il y a des gens qui croient avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine de telle doctrine mystique une exaltation nerv
1222 e exaltation nerveuse ou des troubles organiques. Ils opposent à ces « délires » les thèses rassurantes de la « saine raiso
1223 si cela ne condamne pas et la santé et la raison. Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition
1224 la ne condamne pas et la santé et la raison. Il s’ est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gréco
1225 écarter. Voilà bien leur désinvolture, car enfin, elle est déesse. Mais entre leurs mains qu’est-elle devenue ? C’est bien l
1226 er. Voilà bien leur désinvolture, car enfin, elle est déesse. Mais entre leurs mains qu’est-elle devenue ? C’est bien leur
1227 enfin, elle est déesse. Mais entre leurs mains qu’ est -elle devenue ? C’est bien leur faute si elle nous apparaît aujourd’hu
1228 n, elle est déesse. Mais entre leurs mains qu’est- elle devenue ? C’est bien leur faute si elle nous apparaît aujourd’hui com
1229 ns qu’est-elle devenue ? C’est bien leur faute si elle nous apparaît aujourd’hui comme une vieille courtisane assagie, parfo
1230 c’est vous qui l’aurez voulu, mais tant pis, nous serons du Nord. Nous serons romantiques. Nous serons barbares, désordonnés,
1231 z voulu, mais tant pis, nous serons du Nord. Nous serons romantiques. Nous serons barbares, désordonnés, brumeux, absurdes, vi
1232 ous serons du Nord. Nous serons romantiques. Nous serons barbares, désordonnés, brumeux, absurdes, vivants, libres. Avec la po
1233 esprit contre votre raison. Et avec Aragon lorsqu’ il vous crie : « À bas le clair génie français. » Alors la voix de Rimba
1234  » Alors la voix de Rimbardk à la cantonade : Qu’ il vienne, qu’il vienne Le temps dont on s’éprenne ! Les œuvres les pl
1235 ix de Rimbardk à la cantonade : Qu’il vienne, qu’ il vienne Le temps dont on s’éprenne ! Les œuvres les plus significati
1236 Les œuvres les plus significatives de ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait
1237 bscurité que l’on fait à la littérature moderne n’ est qu’une manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quel
1238 lques centaines (?) d’individus pour qui l’esprit est la seule réalité. C’est pourquoi nous ne pourrons plus séparer du con
1239 Réforme, Karl Marx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à nous, dans tel dom
1240 ci que je ne puis pardonner aux surréalistes : qu’ ils aient voulu s’allier aux dogmatiques d’extrême gauche. Je ne dirai pa
1241 0 ans, une révolution en fonction du capitalisme. Est -ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer de cette manie française,
1242 langue et de crier rouge pour la simple raison qu’ ils ont dit blanc ? Pensez-vous combattre cet esprit « bien français » qu
1243 e mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’ il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y a de plus fran
1244 ce qu’il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y a de plus français ; que c’est elle qui donne au surréalis
1245 ême est ce qu’il y a de plus français ; que c’est elle qui donne au surréalisme ce petit côté jacobin si authentiquement, si
1246 t, si déplorablement français. Et puisque nous en sommes au surréalisme, ce produit parisien qui, comme tout ce qui est parisi
1247 lisme, ce produit parisien qui, comme tout ce qui est parisien, hait Paris mais ne saurait vivre ailleurs… Mais non, il y a
1248 trop à dire, et puis l’on croirait encore que je suis avec ceux qui traitent Aragon, Breton et leurs amis alternativement d
1249 de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des discussions énervantes où s’épuise vainement une d
1250 n et les surréalistes auront raison même encore s’ ils ont tort, envers et contre toutes les critiques qu’on pourrait leur a
1251 parce que ces « maudits » ont la grâce, parce qu’ ils sont la vie, même quand ils appellent la mort, parce qu’ils ont la pa
1252 ce que ces « maudits » ont la grâce, parce qu’ils sont la vie, même quand ils appellent la mort, parce qu’ils ont la passion
1253 nt la grâce, parce qu’ils sont la vie, même quand ils appellent la mort, parce qu’ils ont la passion et l’incommunicable se
1254 a vie, même quand ils appellent la mort, parce qu’ ils ont la passion et l’incommunicable secret de l’invention.   Il nous f
1255 sion et l’incommunicable secret de l’invention.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violen
1256 à la limite de nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande joie. Saint-John Perse. Nous appelions une Révolutio
1257 gloire et la sénilité, etc., etc. Et certes ce n’ étaient pas des êtres, mais leurs abstractions que nous haïssions. Notre hain
1258 nilité, etc., etc. Et certes ce n’étaient pas des êtres , mais leurs abstractions que nous haïssions. Notre haine de certaine
1259 ïssions. Notre haine de certaine morale ne venait- elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humai
1260 de révolution pour vivre, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme de magnifique perdition dans des choses plus grandes
1261 volution — la russe, par exemple — parce que ce n’ est pas encore assez révolution ; parce que cette révolution ne demandait
1262 tion ne demandait qu’à s’asseoir et que son siège était fait. Nous aimions la Révolution qui nous perdrait corps et biens dan
1263 urt que de vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. «  Il s’y retrouve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore un qui rue
1264 Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore un qui rue dans les brancards
1265 sille : Nous avons tous fait ça Plus ou moins, n’ est -ce pas ? Et puis l’aiguille divague vers des souvenirs, quand nous a
1266 mais voyons des affaires plus sérieuses. Et tout est dit. Ah ! c’est vrai, il allait oublier, il y a encore cette histoire
1267 plus sérieuses. Et tout est dit. Ah ! c’est vrai, il allait oublier, il y a encore cette histoire, comment dites-vous, sur
1268 ncore des gens pour qui les limites de l’anarchie sont  : chanter l’Internationale dans les rues, faire la noce, écrire un li
1269 ce définitive de notre absurdité. Car l’homme « s’ est fait une vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se de
1270 rité changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se contenter13 ». Acc
1271 nte, de laquelle il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience de
1272 hoix : inconscience de ruminants ou neurasthénie, est -ce que vraiment vous vous êtes tellement amusés avec vos chers princi
1273 ts ou neurasthénie, est-ce que vraiment vous vous êtes tellement amusés avec vos chers principes. Révolution, ce n’est plus
1274 musés avec vos chers principes. Révolution, ce n’ est plus détruire, ce n’est plus combattre, c’est l’épanouissement violen
1275 ncipes. Révolution, ce n’est plus détruire, ce n’ est plus combattre, c’est l’épanouissement violent d’une immense fleur pa
1276 lies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amo
1277 prodiges à cette invite la plus persuasive : nous sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague de rêves (dans Commerce). 8.
1278 e rêve, c’est la tyrannie des souvenirs ; et ce n’ est pas se libérer que de brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul
1279 doxal. 11. Les livres les plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches. Très loin de
52 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
1280 rrait, École suivait une femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’une sai
1281 ’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où détress
1282 et qu’on ne manque pas le train bleu d’un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qui se passaient
1283 u’on ne manque pas le train bleu d’un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qui se passaient de l’
1284 le train bleu d’un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qui se passaient de l’une à l’autre d
1285 ries de profils jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement. Soudain l
1286 yeux bleus, son éblouissement. Soudain la voici, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’un luxe mécanique, le visa
1287 d’un luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passant près de lui le sourire d’amitié mortel de tout ce
1288 e d’amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceu
1289 mitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’ est trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui
1290 out ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’ est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherc
1291 ui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle . Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âm
1292 rrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes.
1293 e ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux du paradis : « Qui va à la chasse perd sa place, nou
1294 t immédiatement un fauteuil et un violon, pour qu’ il en joue, au printemps, s’il savait … R.S.V.P. À Max-Marc-Jean J
1295 et un violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’ il savait … R.S.V.P. À Max-Marc-Jean Jacob Reymond. Une étoile à
1296 ain et l’abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous une tab
1297 revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous une table, complètement ivre, et Bet
1298 le : « Mon chéri, si j’aime la comtesse ? Mais tu es si laid que cela me donne encore plus de plaisir. » Le duc paya et s’
1299 sir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’ était pas lui. L’enterrement aura lieu sans suite. Suicide du Marquis
1300 sa cette main cruelle… et quitta le bal au matin. Il neigeait dans les rues sourdes comme un songe de son enfance. Aux fen
1301 e jour tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sour
1302 flocons, plus perfides que des murmures d’adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive des jardins. Une fenêt
1303 dans l’amitié pensive des jardins. Une fenêtre s’ était ouverte et des accords échappés tombaient, les ailes coupées. Puis le
1304 cide ou la promenade en bateau À Grego More. Il disait : « Je suis né pour la mort. » Il fait assez beau pour que s’o
1305 ade en bateau À Grego More. Il disait : « Je suis né pour la mort. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur de l’a
1306 More. Il disait : « Je suis né pour la mort. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un ca
1307 l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et des êtres véritables.
1308 spire déjà l’odeur merveilleuse des objets et des êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucement vers le soleil du
1309 tement, voici que tout va s’ouvrir, qu’un monde s’ est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins somptueuse. Et bien sûr,
1310 , qu’un monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’ est pas moins somptueuse. Et bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est une quest
1311 s bougé. C’est une question d’amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un lâche. Parce que je revi
1312 i, qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’ il est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui
1313 qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aus
53 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
1314 stes neuchâtelois (avril 1927)j Neuchâtel va-t- elle redevenir le centre artistique qu’elle fut au siècle passé ? Allons-n
1315 hâtel va-t-elle redevenir le centre artistique qu’ elle fut au siècle passé ? Allons-nous assister à un regroupement de ses f
1316 va-t-elle redevenir le centre artistique qu’elle fut au siècle passé ? Allons-nous assister à un regroupement de ses force
1317 groupement de ses forces créatrices ? La question est peut-être prématurée. Mais le seul fait qu’elle se pose me paraît ind
1318 on est peut-être prématurée. Mais le seul fait qu’ elle se pose me paraît indiquer que l’un au moins des deux éléments nécess
1319 de jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’ il est possible déjà de discerner parmi eux certaines tendances générale
1320 jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà de discerner parmi eux certaines tendances générales, n
1321 ’ignorent rien des courants les plus modernes, et sont bien situés pour n’en prendre que le meilleur ; mais l’émulation, l’a
1322 faire le procès, mais qui expliquent, me semble-t- il , pour une part, la dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde
1323 s d’avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés comme vertus cardinales, et qui forme ailleurs le premier publ
1324 face de ce qu’on nomme le gros public. L’épreuve est pénible, énervante, souvent fatale aux novateurs. Alors ils s’en vont
1325 e, énervante, souvent fatale aux novateurs. Alors ils s’en vont à Paris, ou bien ils se retirent dans une solitude plus eff
1326 x novateurs. Alors ils s’en vont à Paris, ou bien ils se retirent dans une solitude plus effective, quitte à nous revenir m
1327 ur en effet l’on apprend que tel tableau de jeune est « coté » chez un gros marchand. Aussitôt, les feuilles locales retent
1328 nt d’un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’ il rentre au foyer dans une Rolls-Royce et fortune faite, tout le monde
1329 . « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’ il en faille gémir. Une certaine résistance est nécessaire pour que la f
1330 as qu’il en faille gémir. Une certaine résistance est nécessaire pour que la force se développe. N’était certain petit plai
1331 est nécessaire pour que la force se développe. N’ était certain petit plaisir d’impertinence, je me fusse dispensé de redire
1332 était certain petit plaisir d’impertinence, je me fusse dispensé de redire ces lieux communs, auxquels pourtant nos circonsta
1333 i les peintres dont nous allons parler méritent d’ être appelés jeunes, c’est par leurs œuvres avant tout. D’autre part je pr
1334 me la peinture à la photographie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer de contagion contre lequel je ne saurais me prém
1335 arriva de Genève il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits paysages, il dessinait d
1336 ait alors des natures mortes, de petits paysages, il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était un peu plus Blanchet q
1337 encore du flou, des courbes complaisantes. Meili est devenu plus net, plus cruel aussi. À Marin, près Neuchâtel, dans cett
1338 einte en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’est livré pendant quelques années à des recherches un peu théorique
1339 en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’ est livré pendant quelques années à des recherches un peu théoriques et a
1340 t personnages semblent d’une matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement. Il manque à ces recompositi
1341 out est lisse et parfait. Trop parfait seulement. Il manque à ces recompositions de la nature, à ces natures remises à neu
1342 , cette tête prisonnière qui regarde ailleurs… Qu’ il sorte enfin et se mette à graver les scènes qu’il voit dans la petite
1343 il sorte enfin et se mette à graver les scènes qu’ il voit dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille de constater co
1344 la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’ il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est
1345 gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’un art très volont
1346 mum d’expression. Cette « simplicité précieuse », il sait la conférer à tout ce qu’il touche, qu’il décore une bannière, f
1347 ité précieuse », il sait la conférer à tout ce qu’ il touche, qu’il décore une bannière, fabrique une poupée, compose une a
1348 », il sait la conférer à tout ce qu’il touche, qu’ il décore une bannière, fabrique une poupée, compose une affiche ou une
1349 oupée, compose une affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de c
1350 es. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’ il glisse si souvent là où on l’attend le moins. Conrad Meili apporte ch
1351 rant dans des formes claires a su les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément de vitalité combative qui manque trop
1352 bative qui manque trop souvent au Neuchâtelois. S’ il casse des vitres, ce n’est pas seulement pour le plaisir, mais plutôt
1353 vent au Neuchâtelois. S’il casse des vitres, ce n’ est pas seulement pour le plaisir, mais plutôt par amour du courant d’air
1354 érange toujours quelques frileux, mais les autres sont soulagés. Et ne fût-ce qu’en prenant une initiative comme celle de Ne
1355 ues frileux, mais les autres sont soulagés. Et ne fût -ce qu’en prenant une initiative comme celle de Neuchâtel 1927 7 il au
1356 nt une initiative comme celle de Neuchâtel 1927 7 il aura bien mérité sa place parmi les artistes neuchâtelois. Actuelleme
1357 d’autres rapprochements moins paradoxaux. Donzé n’ est pas de ceux pour qui la peinture consiste à habiller une idée. Voyez
1358 habiller une idée. Voyez son portrait de Meili : il ne prend pas le sujet par l’intérieur, mais il taille ce visage dans
1359  : il ne prend pas le sujet par l’intérieur, mais il taille ce visage dans une pâte riche et un peu lourde, son pinceau la
1360 ceau la palpe, la presse, la réduit à la forme qu’ il voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une
1361 icate quand du haut de San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des jaunes jamais mièvres, sous l’œi
1362 Donzé touché à son tour par la grâce décorative, il n’en reste qu’un, du moins à Neuchâtel même : Eugène Bouvier. Ce garç
1363 ique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais il a toujours l’air de songer à la Hollande, sa seconde patrie si la pei
1364 r à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa première et Neuchâtel la troisième… Il y a par Eugène Bouvier quel
1365 s défauts mêmes ou ses fausses négligences ; mais il faut pour comprendre cet art emprunter de singuliers chemins d’accès.
1366 satisfaisant. Ce lyrique, ce mystique exige pour être compris une complicité de sentiments ou d’état d’âme. Je ne verrais g
1367 ses aînés, dont on le puisse rapprocher, parce qu’ il est un des rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant
1368 aînés, dont on le puisse rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant tou
1369 ires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il semble toujours qu’il peigne entre deux pluies. Il aime ces heures où
1370 t sur les toiles de Meuron. Il semble toujours qu’ il peigne entre deux pluies. Il aime ces heures où ciel et onde se mêlen
1371 l semble toujours qu’il peigne entre deux pluies. Il aime ces heures où ciel et onde se mêlent, et sait rendre mieux que p
1372 -je, Bouvier va peindre. Comme peintre religieux, il se cherche encore. On a pourtant l’impression, à voir ses dernières t
1373 une plus grande certitude intérieure. Les visages sont plus calmes, les couleurs s’avivent, le soleil est sur le point de re
1374 nt plus calmes, les couleurs s’avivent, le soleil est sur le point de reparaître… Charles Humbert ou comment on passe en c
1375 ment on passe en cinq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles Humbert ne devînt le ch
1376 t on passe en cinq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d
1377 le chef d’une école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes qui décidément l’étaient, à faire froid d
1378 . Il peignait des natures mortes qui décidément l’ étaient , à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’une bizarre fantais
1379 un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine Woog, G. H. Dessoulavy)… Mais déjà par
1380 issaient dans les Voix (cette courageuse revue qu’ il avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins d’un dynamisme impétu
1381 sait trop lâche. Mais aujourd’hui la mue semble s’ être opérée. Humbert est rendu à lui-même. Il atteint son équilibre et sa
1382 aujourd’hui la mue semble s’être opérée. Humbert est rendu à lui-même. Il atteint son équilibre et sa maîtrise avec une to
1383 mble s’être opérée. Humbert est rendu à lui-même. Il atteint son équilibre et sa maîtrise avec une toile comme le Potier.
1384 e avec une toile comme le Potier. Si la couleur n’ est pas encore aussi plantureuse que les formes, il y a une belle richess
1385 z un Charles Humbert livré à sa fougue originale. Il y en a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit de le voir peint
1386 le. Il y en a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit de le voir peint par lui-même pour s’en assurer. La tête large
1387 i semble se faire une volupté de la discipline qu’ elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renaissance » : le costume
1388 qui fait encore plus « Renaissance » : le costume est drapé avec un soin minutieux, mais une grande mèche insolente retombe
1389 le visage. Aurèle tient un livre ouvert, et ce n’ est pas je pense qu’il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’il do
1390 ient un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’ il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’il doit avoir faite lui-
1391 ert, et ce n’est pas je pense qu’il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’il doit avoir faite lui-même. Car il est
1392 u’il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’ il doit avoir faite lui-même. Car il est artisan, dans le beau sens anci
1393 r la reliure qu’il doit avoir faite lui-même. Car il est artisan, dans le beau sens ancien du terme, tout comme son frère
1394 a reliure qu’il doit avoir faite lui-même. Car il est artisan, dans le beau sens ancien du terme, tout comme son frère Char
1395 ise aux dieux que les visages qui s’y reflèteront soient aussi beaux que ceux qu’il peint ou modèle, le soir, à la lampe, en c
1396 ui s’y reflèteront soient aussi beaux que ceux qu’ il peint ou modèle, le soir, à la lampe, en compagnie de sa femme (elle
1397 e, le soir, à la lampe, en compagnie de sa femme ( elle peint aussi, d’un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait so
1398 voici François Barraud, le plus jeune des frères. Il vient apporter des dessins qui ressemblent beaucoup aux petites huile
1399 enforce l’expression. Décidément ces trois frères sont une école. Délaissant un moment ce trésor du meilleur réalisme, que n
1400 urions trouver guide plus pittoresque. Celui-ci s’ était égaré en avant, très en avant, sans s’en apercevoir, peut-être. Il su
1401 , très en avant, sans s’en apercevoir, peut-être. Il suivait son petit bonhomme de chemin sans se douter qu’il avait pris
1402 it son petit bonhomme de chemin sans se douter qu’ il avait pris quelques années d’avance sur ses contemporains. Un jour le
1403 u à peu des choses bien curieuses sur son compte. Il a fait de la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et
1404 . Il a fait de la pâtisserie, mais on m’assure qu’ il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse
1405 n m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des tableaux my
1406 d’oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des tableaux mystérieux qu’il relègue dans son atelie
1407 se. Il déniche à Paris des tableaux mystérieux qu’ il relègue dans son atelier, pêle-mêle avec les siens. Vous retournez un
1408 c’est un Renoir… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mouvement per
1409 bjet le plus banal se charge de mystère. Que va-t- il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe de quel occulte prod
1410 e. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe de quel occulte prodige ? Intrigué, vous reprenez ce que vou
1411 e ? Intrigué, vous reprenez ce que vous pensiez n’ être qu’une épure : c’est intitulé « nature morte ». Pourquoi pas naissanc
1412 nouvelles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges à chimères. C’est ainsi qu’on fait une découverte. Attenti
1413 e de ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier ou artiste pour changer en instruments métaphysique
1414 machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier ou artiste pour changer en instruments métaphysiques ces bonn
1415 res, rappelons le souvenir de Charles Harder, qui est mort jeune, sans avoir pu donner toute sa mesure. Il a laissé surtout
1416 mort jeune, sans avoir pu donner toute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle, d’u
1417 rincipes cubistes dans un art dont la genèse même est cubiste en quelque sorte, supposant une décomposition primitive en pl
1418 décomposition primitive en plans. C’est ainsi qu’ il atteint d’emblée dans ses statues à un beau style dépouillé et hardi.
1419 ement féminine, une élégance aiguë. Notre revue n’ est certes pas complète. Mais elle a du moins l’avantage de grouper des a
1420 iguë. Notre revue n’est certes pas complète. Mais elle a du moins l’avantage de grouper des artistes qui, par le fait des ci
1421 r un mouvement actif déjà, et dont Neuchâtel 1927 sera la première manifestation collective. Est-il possible, au sein de ce
1422 1927 sera la première manifestation collective. Est -il possible, au sein de ce mouvement, d’en distinguer d’autres plus o
1423 7 sera la première manifestation collective. Est- il possible, au sein de ce mouvement, d’en distinguer d’autres plus orga
1424 t-être à la formation d’un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des œuvres aussi différentes par le
1425 aussi différentes par leur objet et le domaine où elles se réalisent que celles de Le Corbusier8, Meili, Evard, Perrin, manif
1426 tier, un goût pour la construction rigoureuse qui sont des éléments peut-être insuffisants pour caractériser une école, mais
1427 de classicisme moderne dont les frères Barraud ne seraient pas très éloignés par d’autres côtés. Un avenir peut-être proche dira
1428 e réalité artistique. Pour aujourd’hui, notre but serait suffisamment atteint si nous n’avions fait qu’affirmer l’existence et
1429 une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’ est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’une maigre végétation
1430 rmonie des lignes ; où la lumière éclaire plus qu’ elle ne caresse ; où pourtant les hivers les plus durs réservent des douce
54 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
1431 rofond. Une famille juive dans le Marais. Le père est un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ambition que pour
1432 ance. C’est par l’argent qu’on domine notre âge : il devient grand industriel, assure sa fortune au prix du peu cynique re
1433 e honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a renié ses parents, non leurs ambitions. S
1434 montant son dégoût, le père ajoute : « Notre sang sera vainqueur… Qu’ils m’oublient, qu’ils me méprisent ! Je les vois régne
1435 le père ajoute : « Notre sang sera vainqueur… Qu’ ils m’oublient, qu’ils me méprisent ! Je les vois régner. Je salue leur L
1436  Notre sang sera vainqueur… Qu’ils m’oublient, qu’ ils me méprisent ! Je les vois régner. Je salue leur Loi. » Le récit gras
1437 ourne, méprisant : « Mais oui, je ne nie rien, je suis sans scrupules, on connaît mon orgueil : osez donc me condamner d’êtr
1438 on connaît mon orgueil : osez donc me condamner d’ être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin que
55 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
1439 ort difficile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous coul
1440 aiment ? C’est l’exigence d’une détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme illusoire et livre l’individ
1441 l’individu pieds et poings liés à l’obsession qu’ il voulait avouer pour s’en délivrer peut-être. Cette sincérité ne serai
1442 pour s’en délivrer peut-être. Cette sincérité ne serait -elle à son tour que le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond
1443 ’en délivrer peut-être. Cette sincérité ne serait- elle à son tour que le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond de c
1444 de ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’ elle s’acharne sur le détail dégoûtant et mesquin de certain milieu bourge
1445 ilieu bourgeois, et l’on voit bien que l’auteur n’ est pas encore détaché de la matière pour en tirer une œuvre d’art. La si
56 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
1446 me certaines herbes. Capitale de la douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette ville, Éluard est le plus
1447 es syllabes sereines, et dans cette ville, Éluard est le plus séduisant, le plus dangereusement gracieux des noctambules. R
1448 ves éveillés, entre deux gorgées d’un élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’auteur. Beaucoup
1449 il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’auteur. Beaucoup d’oiseaux volètent, se balancent au bord des verre
1450 verres, se posent sur les cordes d’une lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur d’une
1451 ne femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué
1452 e sent presque pas sa blessure. Mais c’est ici qu’ il s’agit de ne pas confondre inexplicable avec incompréhensible. aj.
57 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
1453 e dans les idées (mai 1927)al « De quoi s’agit- il  ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant
1454 pensée d’apologie, ou même simplement un besoin d’ être aimés qui faussaient leurs voix pour les rendre plus touchantes. Celu
1455 Celui-ci bat sa coulpe avec une saine rudesse. «  Il s’examine jusqu’au ventre de sa mère et cognoit que dès lors il a est
1456 usqu’au ventre de sa mère et cognoit que dès lors il a esté corrompu et infect et adonné à mal » (Calvin). Le tableau n’es
1457 t infect et adonné à mal » (Calvin). Le tableau n’ est pas beau, mais on y sent une « patte » qui révèle encore dans le fond
1458 s des morceaux très divers qui composent ce livre sont bien mauvais, à côté d’autres magnifiquement jetés. Mais cette imperf
1459 magnifiquement jetés. Mais cette imperfection, s’ il ne peut encore s’en tirer, du moins l’avoue-t-il avec une franchise q
1460 ’il ne peut encore s’en tirer, du moins l’avoue-t- il avec une franchise qui la rend sympathique. Et puis, tout de même, on
1461 ui la rend sympathique. Et puis, tout de même, on est bien heureux de rencontrer chez les jeunes écrivains français un homm
1462 s maîtres comme Keyserling, Ferrero, commencent à être prises au sérieux en France par quelques jeunes gens. Il faut louer D
1463 es au sérieux en France par quelques jeunes gens. Il faut louer Drieu d’avoir échappé au surréalisme en tant qu’il n’est q
1464 r Drieu d’avoir échappé au surréalisme en tant qu’ il n’est que le triomphe de la littérature sur la vie, mais d’avoir su e
1465 eu d’avoir échappé au surréalisme en tant qu’il n’ est que le triomphe de la littérature sur la vie, mais d’avoir su en gard
58 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
1466 cérémonie : « La jeunesse, Monsieur…, la jeunesse est l’âge où l’on atteint la vie. On s’y maintient cinq ans, dix ans au p
1467 logé, nourri, blanchi, mais non point diverti. J’ étais bon, Monsieur, normalement bon. L’idée, par exemple, d’étrangler un c
1468 isir me répugnait. Je détestais de peiner quelque être , même ennemi, — car celui-là je le méprisais trop sincèrement. » Vers
1469 vaient vierge et c’était la joie de leur vie, car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leur devais. Pourtant
1470 pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’ elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je l’embrassai
1471 ur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’ elle pleurait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heure, je connaissais
1472 quart d’heure, je connaissais l’amour dans ce qu’ il a de plus étrangement prosaïque à la fois et bêtement heureux. Le len
1473 aïque à la fois et bêtement heureux. Le lendemain était le premier jour du printemps. Les rues riaient. Le ciel descendait da
1474 Je sortis avec cette femme, qui m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison.
1475 ur de la saison. — Au soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de ses lèvres sans une parole quand je vins lui so
1476 endemain, ses cheveux avaient légèrement blanchi. Il me regardait avec une terreur ou je crus distinguer je ne sais quelle
1477 lle déchirante nostalgie. Pour lui, sans doute, j’ étais perdu. Mais il souffrait d’autre chose encore : il se savait vieux, m
1478 talgie. Pour lui, sans doute, j’étais perdu. Mais il souffrait d’autre chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je
1479 s perdu. Mais il souffrait d’autre chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je songeais justement à un sourire de
1480 songeais justement à un sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un silence vertigineux. Il vit mon
1481 ’adresser la parole après un silence vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara de mon corps tout
1482 urus dans ma chambre. Une demi-heure plus tard, j’ étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je
1483 nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — J
1484 s dans une direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’articles
1485 res : c’était l’annonce du décès de mon père. » J’ étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une brise passa, et une f
1486 reux — celui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se fut endormie, je me rhabillai. Je ne trouvai que 100 francs dans s
1487 elui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se fut endormie, je me rhabillai. Je ne trouvai que 100 francs dans son sac
1488 quel rapide de l’Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au m
1489 au moment de m’endormir, que ma passion du vol n’ était qu’une longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie
1490 penseront jamais cette escroquerie morale dont je fus la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais i
1491 de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsieur, pour critiquer les modalités de ma vengeance
1492 quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsieur, pour critiquer les modalités de ma vengeance. Ve
1493 . Veuillez ne voir dans la confusion où je parais être engagé, du plan moral avec l’économique, qu’une expression nouvelle,
1494 et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu’ ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes de la société. » C’est
1495 Prêté — rendu, pour la gloire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il
1496 prit un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit- il , de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore qu
1497 avorable, croyez-le bien… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus généralement répandus,
1498 rai, cher Monsieur, que l’analyse psychologique n’ est pas mon fort. Je me contente de quelques observations théoriques que
1499 n parut satisfait de cette dernière plaisanterie. Il but avec beaucoup de délicatesse quelques gorgées d’eau minérale. Isi
1500 t endroit. « Une chose avant tout me frappe — dit- il , lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est de mauvaise politi
1501 il, lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est de mauvaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie.
1502 e, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît comme un divertis
1503 c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît comme un divertisseme
1504 tre vie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît comme un divertissement perpétuel et dénué d’inquiétude. E
1505 sement perpétuel et dénué d’inquiétude. Et cela n’ est pas sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin, si je suis ici à vous éc
1506 as sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin, si je suis ici à vous écouter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’appel
1507 ici à vous écouter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle
1508 irer de votre conduite les conclusions morales qu’ elle paraît impliquer, c’est ce caractère de, comment dirai-je…, de juvéni
1509 it de quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » —
1510 l’agressif — effet d’une timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots, vous ne me trouvez pas sérieu
1511 mots, vous ne me trouvez pas sérieux. Le reproche est grave. Je ne saurais y répondre. Je pourrais vous dire que si vous me
1512 vous dire que si vous me trouvez un peu potache, il n’est pas prouvé par là que le potache n’ait point raison. Mais juste
1513 dire que si vous me trouvez un peu potache, il n’ est pas prouvé par là que le potache n’ait point raison. Mais justement j
1514 agréablement paradoxal. Seulement, pour quiconque est aussi profondément persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre
1515 aines de mes plaisanteries la dérision secrète qu’ elles masquent par caprice. ...............................................
1516 les idées émises dans la Revue de Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’elles n’engagent pas sa responsabilité. (
1517 e Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’ elles n’engagent pas sa responsabilité. (N. de la R.) »
59 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
1518 atique, le mépris enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’un livre récent sur
1519 s qui sont à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux rom
1520 est tiré d’un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est -ce vraiment aux romantiques de 1830 que ces reproches s’adressent, ou
1521 lante des pommes de terre, jeune homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne de 200 mètres, ce qui représente quatre kilom
1522 nte quatre kilomètres de plantation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de leur crise, les valeurs auron
1523 ntation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de leur crise, les valeurs auront retrouvé leur stabilité, et
1524 e cette méthode ne suffirait pas à supprimer. Or, ils nous paraissent entraîner assez naturellement chez des jeunes « et qu
1525 ste à nos yeux sacro-sainte : la liberté. Alors n’ est -ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z., de ce conseil que vous avou
1526 . Z., de ce conseil que vous avouez modestement n’ être pas inédit. Mais point n’est besoin de rappeler Candide : nous penson
1527 vouez modestement n’être pas inédit. Mais point n’ est besoin de rappeler Candide : nous pensons que bien avant Voltaire il
1528 er cette méthode à leurs petits. Le « satisfait » est un être inadmissible aujourd’hui. À plus forte raison, le satisfait a
1529 e méthode à leurs petits. Le « satisfait » est un être inadmissible aujourd’hui. À plus forte raison, le satisfait artificie
60 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
1530 attardez aux terrasses des cafés. Peut-être va-t- elle revenir avec son Johannes laqué. Ah ! comme vous sauriez lui plaire,
1531 irard : lui seul connaît l’adresse de Patsy, mais il ne veut pas vous la donner. Alors pour vous venger, vous lui dites qu
1532 ger, vous lui dites que, « d’abord », son livre n’ est pas sérieux. Il sourit. Vous ajoutez que le lyrisme des noms géograph
1533 es que, « d’abord », son livre n’est pas sérieux. Il sourit. Vous ajoutez que le lyrisme des noms géographiques vous fatig
1534 rocédés lassants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à des Vénézuéliennes ou à Gérard de Nerval. Bientôt vous vous c
1535 à Gérard de Nerval. Bientôt vous vous calmez. Car il semble aujourd’hui que ce globe dans son voyage « est arrivé à un end
1536 semble aujourd’hui que ce globe dans son voyage «  est arrivé à un endroit de l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnais
1537 du bonheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard est un peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus
1538 lus sa drôlerie, son aisance. Vous accordez que s’ il force un peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité
1539 visage s’assombrit un peu. « Tous nos ennuis nous seraient épargnés si nous ne regardions que les jambes des femmes », dit-il, p
1540 us ne regardions que les jambes des femmes », dit- il , pour vous apprendre ! — sans se douter que rien ne saurait vous ravi
1541 oir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’ est pas impunément concitoyen de cet oncle Abraham qui interdit à Paterne
1542 es cafés. Et puis, c’est égal, ce soir, tout cela est sans importance, car voici « l’heure des petits arbres pourpres, l’he
61 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
1543 uelque part. Voyez ma franchise. Un peu grosse, n’ est -ce pas ? D’autres prennent soin que leurs sincérités gardent au moins
1544 cérités gardent au moins l’excuse d’une audace qu’ ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous suis. Vous y ent
1545 omptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous suis . Vous y entrez plein de mépris pour Paul Morand par qui découvrîtes l
1546 de Cambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard1
1547 ntemple au miroir de son monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Poisson dans l’eau, plumes dans le v
1548 , plumes dans le vent, poète au bar, le paradis n’ est pas si cher. Il y en a aussi qui posent pour le diable et ne se baign
1549 vent, poète au bar, le paradis n’est pas si cher. Il y en a aussi qui posent pour le diable et ne se baignent que dans des
1550 baignent que dans des bénitiers : on voit trop qu’ ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir d’être nu devant un public sup
1551 p qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir d’ être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pudeur,
1552 e cherche les raisons de votre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraient-ce les guillemets qui vous choquent 
1553 tre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraient -ce les guillemets qui vous choquent ?   La vie ! — proclamiez-vous… S
1554 qui vous choquent ?   La vie ! — proclamiez-vous… Soit . Mais maintenant je vais me fâcher chaque fois que vous direz : « ext
1555 qui ne pouvez pas même admettre que la simplicité est simple simplement. La bouche brûlée d’alcools, vous découvrez à l’eau
1556 ls, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’eau est incolore, inodore et sans saveur. Mais fraîche. Ainsi, jusque dans vo
1557 compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Mais ce refus n’est pas s
1558 angereuse tant que vous voudrez). Mais ce refus n’ est pas seulement comme vous pensez, d’une ingratitude salutaire, c’est r
1559 nce : nommer une chose, c’est avoir puissance sur elle . Images, pensées des autres, je vous ai mis un collier avec le nom du
1560 ermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes . Vous n’allez pas me surprendre par-derrière. Une fois — et ce n’est
1561 as me surprendre par-derrière. Une fois — et ce n’ est pas que je m’en vante, — j’ai tué un amour naissant, à force de le cr
1562 illit, s’entrechoque, s’annule. Poussière. Ma vie est ailleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce c
1563 le. Poussière. Ma vie est ailleurs. L’addition, s’ il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulac
1564 Ma vie est ailleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui
1565 vie est ailleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui son
1566 de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisanc
1567 s de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de la littérature On reconnaît
1568 On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’ il ne tolère pas qu’on lui parle littérature. Mais il y a des mépris qui
1569 lui parle littérature. Mais il y a des mépris qui sont de sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’Église et les cu
1570 r. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’ il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature 
1571 tuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’ elle . Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette attente
1572 chose que la littérature. Que la littérature nous est un moyen seulement d’atteindre et de préparer d’autres choses, d’autr
1573 es, d’autres actions, ou des états intérieurs qui sont parfois des actions en puissance15. Il faudrait des choses plus lourd
1574 eurs qui sont parfois des actions en puissance15. Il faudrait des choses plus lourdes et plus irrésistibles, percutantes.
1575 e que rien de ce qui nous importe véritablement n’ est dicible. (Depuis le temps qu’on sait que la lettre tue ce qu’elle pré
1576 epuis le temps qu’on sait que la lettre tue ce qu’ elle prétend exprimer ; depuis le temps qu’on l’oublie.) Vous me direz que
1577 e.) Vous me direz que la poésie, l’état poétique, est notre seul moyen de connaissance concrète du monde. Mais c’est à cond
1578 écrive pas, même en pensée. La poésie pure écrite est inconcevable : cela consisterait dans l’expression directe de la réal
1579 l’expression directe de la réalité individuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’il deviendrait inutile de la publi
1580 pression directe de la réalité individuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’il deviendrait inutile de la publier. Et
1581 viduelle. Elle serait tellement incommunicable qu’ il deviendrait inutile de la publier. Et même, en passant à la limite, o
1582 , en passant à la limite, on peut imaginer que si elle était réalisée, on ne s’en apercevrait pas. Je pressens encore dans v
1583 passant à la limite, on peut imaginer que si elle était réalisée, on ne s’en apercevrait pas. Je pressens encore dans vos poè
1584 n les rites d’une esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous importent. Vous
1585 te esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ ils perdent même la problématique utilité de liaison qui était leur excus
1586 dent même la problématique utilité de liaison qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a
1587 du point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfait dans certains
1588 conscience tue la connaissance. (« Connaissance » étant pris avec son sens le plus profond, qui est proche du sens biblique.
1589 e » étant pris avec son sens le plus profond, qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas de la connaissance abstrait
1590 le plus profond, qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas de la connaissance abstraite et rationnelle dont le mon
1591 ture : un vice ? Peut-être. Ou une maladie ? Ce n’ est pas en l’ignorant par attitude que vous la guérirez. Au contraire, il
1592 par attitude que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit de l’envisager sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J
1593 ontre, c’est d’un ridicule écrasant : mais rien n’ est plus facile que d’y échapper. III Sur l’utilité de la littérature
1594 tilité de la littérature Montherlant me paraît être le moins « littératuré » des écrivains d’aujourd’hui. Quand il parle
1595  littératuré » des écrivains d’aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre un peu les pieds dan
1596 ivains d’aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de
1597 sez drôle de voir le malaise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréador ses familiarités avec une Muse qu’ils
1598 s à ce toréador ses familiarités avec une Muse qu’ ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la dernière mode
1599 savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs, qu’ elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse viv
1600 apperai pas plus qu’un autre : et qu’un beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; mais, pour sûr, jamais vivre pou
1601 s. » Chercher des hommes ! Ah ! cher ami, nous ne sommes pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous s
1602 ommes ! Ah ! cher ami, nous ne sommes pas tant, n’ est -ce pas, à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle
1603 suivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’ elle nous vaut : les mépris, les haines douloureuses ou grossières de tous
1604 re acceptation des réalités spirituelles parce qu’ elles troublent leurs bureaucratiques sécurités. Pourtant, vous voyez bien
1605  » peuvent encore se reconnaître. Quand bien même elle n’aurait plus d’autre excuse que celle-là, la littérature mériterait
1606 elle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’ elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes cert
1607 là, la littérature mériterait d’exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes certitude
1608 -même ; que la mienne m’aide à découvrir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini
1609 e m’aide à découvrir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini une « maladie »
1610 quelque bien pour ma vie. Le jour où les soins qu’ elle exige me coûteront des sacrifices plus grands que les bienfaits que j
1611 plus grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera temps de songer sérieusement à m’en guérir. Vous me demanderez «
1612 us grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera temps de songer sérieusement à m’en guérir. Vous me demanderez « alor
1613 manderez « alors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philippe Soupault, que «
1614 aragraphe, après « Narcisse », sans qu’on sache s’ il s’agit d’une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des
1615 angent leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Mora
1616 seront des romans « bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus
1617  ». Leurs amours sont des pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à les écrire ». o. « La part
1618 rs amours sont des pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à les écrire ». o. « La part du feu.
1619 astiches de Morand, et ils en sont tout fiers : «  Il n’y a plus qu’à les écrire ». o. « La part du feu. Lettres sur le mé
62 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
1620 , rédigés par Drieu la Rochelle et Emmanuel Berl, sont — avec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue frança
1621 tidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communis
1622 émocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme.
63 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
1623 — en ceci au moins. Nous nous retirons : et ce n’ est pas que nous ayons brûlé toutes nos cartouches. Ni que l’indignation
1624 ns de nos articles nous épouvante. Notre retraite est toute « statutaire » — si l’on ose dire. Elle nous permet donc de con
1625 aite est toute « statutaire » — si l’on ose dire. Elle nous permet donc de considérer la situation sans fièvre, sans lamenta
1626 fois traités de fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « s
1627 re). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir. On s’ est beaucoup étonné de nous voir « si différents » de nos aînés. Nous avo
1628 eproches contradictoires. Nous les additionnons : ils s’annulent. Il reste à dire deux mots sur la paradoxale situation int
1629 ictoires. Nous les additionnons : ils s’annulent. Il reste à dire deux mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’u
1630 homme qui recherche activement la Sagesse (« Ça n’ est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités 
1631 ences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’attendent de nous que d’innocentes farces — ou
1632 se préoccuper de prévoir les conséquences, puisqu’ il n’en est aucune qui ne soit connue d’avance et stérilisée par la loi,
1633 cuper de prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue d’avance et stérilisée par la loi, les mœur
1634 es conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue d’avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude. No
1635 olution Tous les malentendus viennent de là. Nous sommes assez sages et assez fous pour ne pas en gémir et pour en accepter le
1636 mitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’ est compris. Que pouvions-nous espérer d’autre ? Il y eut quelques découv
1637 e. Que nous apportera le Central de Genève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’anarchie, l’ironie,
1638 illard, et même, et surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins g
1639 ves, quoi !) Et puis, qui sait, peut-être sauront- ils rallier le dernier disciple du Bienheureux Jean… Et puis, en voilà as
1640 ter à cette lourde charge le poids de nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! comme nous y tenons ! q. «
1641 à cette lourde charge le poids de nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! comme nous y tenons ! q. « Adie
64 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
1642 Ces trois nouvelles n’ont guère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, des évocations intéri
1643 ont guère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, des évocations intérieures, — et dans l’aban
1644 nseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être … Un homme médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu
1645 ôté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ ils ont aimé tous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’un été
1646 eux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent troubl
1647 vissantes amours d’adolescents. Et c’est Un vieil été . Cette nouvelle, très supérieure aux deux autres, est une réussite ra
1648 Cette nouvelle, très supérieure aux deux autres, est une réussite rare par la justesse de l’observation autant que par la
1649 avi de tant d’adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences av
1650 et d’une si subtile convenance avec son objet qu’ il en saisit sans mièvrerie ni vulgarité la grâce un peu trouble et l’in
65 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
1651 fumeux pour caractériser tout lyrisme germanique, il faudra opposer l’excellent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est un recu
1652 et essais, dont certains — le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux que personne d
1653 scandinaves et des romantiques allemands parce qu’ il partage avec eux ce goût du rêve préféré à la vie, — à ce qu’on appel
1654 hèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie que le vrai, je veux dire, plus rilkienne que ne
1655 que le vrai, je veux dire, plus rilkienne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme une de ces âmes mystiques et raffinées
1656 ilke, je compris que cet univers dont je rêvais n’ était pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérienc
1657 Mais une telle « expérience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu
1658 ience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ils possèdent déjà, au
1659 is, ne peut être sensible qu’à des êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ils possèdent déjà, au moins obscurém
1660 e peut être sensible qu’à des êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ils possèdent déjà, au moins obscurément,
1661 res pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ ils possèdent déjà, au moins obscurément, le sens des réalités sur lesque
1662 aux convertis — qui n’ont plus besoin de preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend un merveilleux piège sentimenta
1663 piège sentimental à la raison raisonnante. Et qu’ il nous mène un peu plus loin que la sempiternelle « stratégie littérair
1664 , de gazetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît- il , ne sont pas d’actualité : la solitude, la maladie, la peur. ao. « 
1665 zetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actualité : la solitude, la maladie, la peur. ao. « Edmond Ja
66 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
1666 auteur raconte dans une lettre à une amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dans le Midi. Récit alerte et fa
1667 . Bien sûr, c’est cela, le malaise d’écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrassé du tout pour v
1668 rique », histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a des façons parfois bien désobligeantes de voir juste. Et quand son
1669 « si arbitraire et si facultative », je me dis qu’ il n’en saurait être autrement tant qu’on se tient à cette attitude scie
1670 et si facultative », je me dis qu’il n’en saurait être autrement tant qu’on se tient à cette attitude scientifique, vis-à-vi
1671 ène littéraire. La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaine
1672 nspiration. D’autre part la simplicité de l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, — encore que Bopp
1673 e, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’ il était de taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre pl
1674 — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était de taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de
1675 ait de taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de choses qu’il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages
1676 s dédales ! Mais il a su mettre plus de choses qu’ il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages. Beaucoup sont excellentes et le
1677 il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages. Beaucoup sont excellentes et leur facilité même est une réussite. Léon Bopp, c’est
1678 . Beaucoup sont excellentes et leur facilité même est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’un tempérament avec l’espr
1679 une secrète complaisance à se regarder vivre qui est bien d’aujourd’hui — entre autres. ap. « Léon Bopp : Interférences
67 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
1680 ion. Comme d’habitude, un peu après six heures. J’ étais seul. Le café est un lieu anonyme bien plus propice au rêve que ma ch
1681 e, un peu après six heures. J’étais seul. Le café est un lieu anonyme bien plus propice au rêve que ma chambre où m’attende
1682 : les faits-divers, rien de moins divers. Mais je suis pris dans l’absurde réseau des lignes, et cette mécanique me restitue
1683 e grande figure aux joues mates, aux yeux clairs. Il déplia le journal et se mit à lire les pages d’annonces. On m’apporta
1684 on journal. Soudain, portant la main à son gilet, il en retira trois dés qu’il jeta sur la table. Les yeux brillants, il c
1685 nt la main à son gilet, il en retira trois dés qu’ il jeta sur la table. Les yeux brillants, il compta. Une indécision paru
1686 dés qu’il jeta sur la table. Les yeux brillants, il compta. Une indécision parut sur ses traits. Puis il reprit les dés b
1687 compta. Une indécision parut sur ses traits. Puis il reprit les dés brusquement, et me fixant avec un léger sourire : — Jo
1688 ixant avec un léger sourire : — Jouez ! ordonna-t- il . La surprise vainquit ma timidité, je pris les dés et les jetai sans
1689 idité, je pris les dés et les jetai sans hésiter. Il compta de nouveau, puis avec une légère exaltation : — Vous avez gagn
1690 rable, ah ! mon Dieu, je vous remercie, Monsieur… Il saisit son journal. Il en parcourait rapidement les pages, la proie d
1691 e vous remercie, Monsieur… Il saisit son journal. Il en parcourait rapidement les pages, la proie d’une agitation visible.
1692 pages, la proie d’une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommatio
1693 fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagnai. Il demanda des portos. Je les gagnai et je les bus. D’autres encore. Ma
1694 rer comme une sorte de « personnage aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues de sa vie, brillantes ou misérables, pas
1695 passionnées. Mais bientôt : — « Destin, s’écria-t- il , tu pourrais me remercier. Vois quels chemins de perdition j’ouvre sa
1696 que tu n’as pas beaucoup d’imagination, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situations com
1697 allais me cramponner à cette espèce de bonheur qu’ ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aussi sur le dogme
1698 cours de bourse. « Heureux quoique pauvre » comme ils disent dans leurs manuels scolaires. Les voler, pour leur apprendre.
1699 asse d’impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier de plaisirs, avec as
1700 rs d’amour — ô vertige sans prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caisses d’épargne, monuments d’une bassesse morale in
1701 issance à concevoir un autre bonheur que celui qu’ ils ont reçu de papa-maman et l’Habitude, leur marraine aux dents jaunes.
1702 is m’endormir, ah ! galope, caracole, éclabousse, ils n’y comprendront jamais rien, écoutez-les, comme ils me jugent et leu
1703 n’y comprendront jamais rien, écoutez-les, comme ils me jugent et leurs cris indignés qui couvrent une angoisse. Ça les dé
1704 nt gagner à mes dépens, témoin ce brave homme qui est en train de me soutirer les quelque billets de mille dont je venais d
1705 isère qui fait des soirs si doux aux amants quand ils n’ont plus que des baisers au goût d’adieu, et l’avenir où se mêlent
1706 incertaines, une tendresse éperdue et la mort. » Il ferma les yeux sur des visions. Les lustres doraient un brouillard de
1707 a musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était assise à notre table, en robe rouge, et très fardée. Elle jouait avec
1708 ise à notre table, en robe rouge, et très fardée. Elle jouait avec la rose. Les dés roulèrent, pour un dernier enjeu. Alors
1709 ’effeuilla sur les dés, et partit d’un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regarder bizarrement et
1710 anger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’ étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café d
1711 arrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la rumeur des c
1712 elquefois je songe à ses paroles — ou peut-être n’ étaient -ce que celles de mes folies ? Je me répète : paradoxes, mais cela ne
1713 it plus à m’en délivrer. Ma vie m’a repris, je ne suis pas heureux. Je sais très bien que je devrais tenter quelque chose. J
1714 très bien que je devrais tenter quelque chose. Je suis plein de rêves, certains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi, et
1715 ue chose. Je suis plein de rêves, certains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi, et ma femme m’embrasse et me regarde
1716 se et me regarde avec inquiétude, parce que je ne suis plus tout à fait le même. Puis elle me laisse, parce que le lait va m
1717 rce que je ne suis plus tout à fait le même. Puis elle me laisse, parce que le lait va monter. Alors, dans ma chambre, avant
68 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
1718 anvier 1928)aq C’est un livre sympathique ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’est pas si fréquente dans la
1719 e ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’ est pas si fréquente dans la production actuelle. On retrouve aux premier
1720 tions lyriques à leur propos. Mais dans ce roman, il n’y a plus seulement la femme, avec le miracle perpétuel de sa sensib
1721 re et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’elle sub
1722 r ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’ elle subit comme jeune épouse d’un comte polonais, grand seigneur médiatis
1723 iatisé, vaguement prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté
1724 ais) assez peu intéressante à vrai dire, parce qu’ elle n’est pas à l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la te
1725 sez peu intéressante à vrai dire, parce qu’elle n’ est pas à l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la techniqu
1726 récède. Ces défaillances de la technique du roman sont sauvées par un style brillant, plein de trouvailles spirituelles, mal
1727 spirituelles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’ est pas qu’il ne s’y glisse quelque préciosité ou quelques « pointes » fa
1728 es, malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas qu’ il ne s’y glisse quelque préciosité ou quelques « pointes » faciles mais
69 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1729 (février 1928)a On a trop dit que notre époque est chaotique. Je crois bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu
1730 avènement de cette organisation toute-puissante n’ est plus qu’une question de quelques années. Mais peut-être est-il temps
1731 u’une question de quelques années. Mais peut-être est -il temps encore. Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’
1732 e question de quelques années. Mais peut-être est- il temps encore. Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’une
1733 oursuit depuis près de deux siècles, l’Occidental est saisi d’un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait
1734 les, l’Occidental est saisi d’un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être dans ces buts une abs
1735 urdité fondamentale. L’infaillible progrès aurait- il fait fausse route ? Est-il temps encore de le détourner du désastre s
1736 infaillible progrès aurait-il fait fausse route ? Est -il temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il
1737 illible progrès aurait-il fait fausse route ? Est- il temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il ent
1738 de le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident ? Cris dans le désert. Déserts des villes fiévreu
1739 le rêve, dans l’utopie, dans une belle doctrine… Il faudrait d’abord prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien d’
1740 certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensible. L’homme moderne recule devant l’évidence de la banq
1741 e de la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu se tromper, et se tro
1742 re ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’en croire nos yeux.
1743 moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’ est approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste
1744 immense de ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a senti en lui son incarnation la plus parfaite.
1745 e de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’ il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe
1746 telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « 
1747 dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec des outils
1748 er avec des outils, « et c’est avec des outils qu’ il joue encore à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement de ces a
1749 vec des outils qu’il joue encore à présent », dit‑ il . Le plus mémorable événement de ces années de jeunesse, son « chemin
1750 nnées de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’« humour » il met dans l’
1751 ans qu’on sache au juste quelle dose d’« humour » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’une locomotive routière.
1752 u jour présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse
1753 nne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse sont  : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion,
1754 ère automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’ il est simple mécanicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société des
1755 automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il est simple mécanicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société des auto
1756 u, alors qu’il est simple mécanicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société des automobiles Ford, « et commence à réal
1757 ait ajouter à ces chiffres celui des milliards qu’ il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résultat
1758 s celui des milliards qu’il possède, ou plutôt qu’ il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire de son activit
1759 ds qu’il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’ est pour lui qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie
1760 aire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est
1761 sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire :
1762 mais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voit
1763 r. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la
1764 Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la poss
1765 ibilité d’augmenter encore cette production. Ford est le plus puissant industriel du monde ; le plus riche, au point qu’il
1766 industriel du monde ; le plus riche, au point qu’ il peut parler d’égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aus
1767 alaires, des conditions de travail et de repos qu’ il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution définitive a
1768 européens ne sauraient l’atteindre. Au contraire, il a résolu la question sociale d’une façon qui ne devrait pas déplaire
1769 en supprimant l’esclavage financier de l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des classes. Il se dé
1770 principale cause avouée de la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de nett
1771 épandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t- il , en souhaitant que les industriels européens s’en inspirent toujours
1772 rent toujours plus. Ford leur montre le chemin qu’ ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils
1773 toujours plus. Ford leur montre le chemin qu’ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y eng
1774 u’ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendan
1775 ls seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu
1776 igés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu’il reste quelques
1777 y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu’ il reste quelques chances encore de régler pacifiquement le conflit du c
1778 ne le premier exemple de son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civilisation occidentale. Voici do
1779 veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il sem
1780 vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa carrière — pensée, méthode, technique — soit cond
1781 toute sa carrière — pensée, méthode, technique — soit conditionnée jusque dans le détail par une idée fixe primitive. Consi
1782 tière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplai
1783 t par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il fonde une usine pour multiplier les réalisations. Bientôt, élargissan
1784 réalisations. Bientôt, élargissant son ambition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur de l’humanité par la possessi
1785 é par la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les pl
1786 ar la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les plus r
1787 omobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les plus rationnelles de la pro
1788 ormes d’autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’intérêt de la production, il faut créer la conso
1789 il faut vendre ; dans l’intérêt de la production, il faut créer la consommation. La réclame s’en charge. Par le procédé tr
1790 mple de la répétition, on fait croire aux gens qu’ ils ne peuvent plus vivre heureux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La p
1791 lancée. La passion de Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité p
1792 s sophismes plus ou moins conscients par lesquels il prétend ramener le bénéfice de la production à celui du consommateur.
1793 prix, on ne trouve toujours des clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du clie
1794 rs des clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un p
1795 l que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un peu les causes réelles
1796 les de cet abaissement de prix — la concurrence n’ étant bien entendu qu’une cause accessoire. Dire que l’état du marché est t
1797 u’une cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’achète plus, cela signifie parfois que la marchan
1798 te plus, cela signifie parfois que la marchandise est momentanément trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a de tel
1799 ; mais surtout que le besoin qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industriel n’ait plus q
1800 qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industriel n’ait plus qu’à plier bagage. Mais c’es
1801 montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non pas le plaisir ou l’intérêt véritab
1802 ayant disparu, la production devant se maintenir, il n’y a qu’une solution : recréer le besoin. Pour cela, on abaisse les
1803 abaisse les prix. Le client fait la comparaison. Il est impressionné par la baisse, au point qu’il en oublie que cela ne
1804 aisse les prix. Le client fait la comparaison. Il est impressionné par la baisse, au point qu’il en oublie que cela ne l’in
1805 n. Il est impressionné par la baisse, au point qu’ il en oublie que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il va
1806 n oublie que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il va gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers un ob
1807 cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’ il va gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers un objet que, san
1808 ancs moins chers un objet que, sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse.
1809 isse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse. L’industriel comptait. La tromperie est pré
1810 e, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse. L’industriel comptait. La tromperie est prémédi
1811 ar la baisse. L’industriel comptait. La tromperie est préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’est pas que l’industriel ai
1812 rie est préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’ est pas que l’industriel ait forcé (psychologiquement) le client à faire
1813 lient à faire une dépense superflue ; le scandale est qu’il l’ait trompé sur ses véritables besoins. Car cela va bien plus
1814 faire une dépense superflue ; le scandale est qu’ il l’ait trompé sur ses véritables besoins. Car cela va bien plus profon
1815 ar cela va bien plus profond, cette tromperie-là. Elle peut amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain
1816 servation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de la réclame a même bu
1817 lame a même but, mêmes effets. Mais le plus grave est peut-être le sophisme du loisir. M. Guglielmo Ferrero a fort bien mon
1818 on », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford re
1819 dre dans son engrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produits Ford qu’il faut
1820 n engrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produits Ford qu’il faut user, etc.
1821 ngrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produits Ford qu’il faut user, etc. Il
1822 st déterminé par la réclame, les produits Ford qu’ il faut user, etc. Il a pour but véritable d’augmenter la consommation.
1823 réclame, les produits Ford qu’il faut user, etc. Il a pour but véritable d’augmenter la consommation. Il rend plus comple
1824 a pour but véritable d’augmenter la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à
1825 end plus complet l’esclavage de l’ouvrier, puisqu’ il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la production. Cercle vici
1826 e vicieux : plus la production s’intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsiste
1827 re humaine a des limites. Et le temps approche où elles seront atteintes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford est con
1828 aine a des limites. Et le temps approche où elles seront atteintes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford est conscient
1829 ntes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je
1830 er sur les sujets les plus divers. Les aphorismes sont assez révélateurs de la mentalité capitaliste américaine. Voici, par
1831 déale réduite au rôle d’huile dans les rouages, n’ est -ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simpli
1832 n fabrique, on transporte. » « Toute notre gloire est dans nos œuvres, dans le prix que nous payons à la terre la satisfact
1833 nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom philosophique : c’e
1834 in de son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop dans ce que nous fa
1835 production matérielle et vers la richesse qui en est le fruit. On ne saurait mieux dire. Mais il faudrait en tirer des co
1836 en est le fruit. On ne saurait mieux dire. Mais il faudrait en tirer des conséquences, alors que Ford passe outre et se
1837 e et se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’
1838 uter des points de technique. Il n’a pas senti qu’ il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’ailleurs, les idées
1839 e. D’ailleurs, les idées générales de cette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes t
1840 ette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile.
1841 à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le technicien parfait qui combat les techniciens imparf
1842 en parfait qui combat les techniciens imparfaits. Il ne se demande jamais si la technique même la plus perfectionnée mérit
1843 me la plus perfectionnée mérite les sacrifices qu’ elle exige de l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimis
1844 orte à coup sûr l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie de celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus g
1845 philosophie la plus rudimentaire. Le phénomène n’ est pas nouveau en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce no
1846 Le phénomène n’est pas nouveau en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce notre pensée qui, à force de subtil
1847 phénomène n’est pas nouveau en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce notre pensée qui, à force de subtiliser
1848 u en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est -ce notre pensée qui, à force de subtiliser, est devenue trop faible p
1849 . Est-ce notre pensée qui, à force de subtiliser, est devenue trop faible pour nous conduire ? Ou bien est-ce notre action
1850 devenue trop faible pour nous conduire ? Ou bien est -ce notre action qui est devenue trop effrénée, trop folle, pour être
1851 r nous conduire ? Ou bien est-ce notre action qui est devenue trop effrénée, trop folle, pour être justiciable encore de no
1852 n qui est devenue trop effrénée, trop folle, pour être justiciable encore de nos vérités essentielles ? Il semble bien que n
1853 justiciable encore de nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononcé définitivement le divorce de
1854 s chances. J’accorderai que le progrès matériel n’ est pas mauvais en soi. Mais par l’importance qu’il a prise dans notre vi
1855 ’est pas mauvais en soi. Mais par l’importance qu’ il a prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but vérita
1856 is par l’importance qu’il a prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but véritable : aller à l’Esprit, y c
1857 l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n’est gratuit. Nous payons notre pass
1858 es humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n’ est gratuit. Nous payons notre passion de posséder la matière du prix de
1859 ses de l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, «  il se passera bien de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’es
1860 bien de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’ elle n’est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou au
1861 e cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’ est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autres œ
1862 ture ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autres œuvres destinées
1863 ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autres œuvres destinées à ch
1864 er mutuellement leur culture », dit Ford. Et tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel, de nos jours, on tranche les
1865 jours, on tranche les grandes questions humaines est une des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette
1866 l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être  » ou ne pas en être Une fois qu’on a compris à quel point le fordi
1867 resse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a compris à quel point le fordisme et l’Esprit sont
1868 on a compris à quel point le fordisme et l’Esprit sont incompatibles, le monde moderne impose ce dilemme : « en être » ou ne
1869 tibles, le monde moderne impose ce dilemme : « en être  » ou ne pas en être, c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’ab
1870 erne impose ce dilemme : « en être » ou ne pas en être , c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’abrutir spirituellemen
1871 écanique bien huilée, au mouvement si régulier qu’ il en devient insensible et que la fatigue semble disparaître, l’homme s
1872 s d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’ il sent immuable comme la mort le restitue au monde vers 5 heures du soi
1873 oublier jusqu’à l’existence, et à une liberté qu’ il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subti
1874 mande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docilement l’abstraite et commerciale nécessité. Ennui, fatigue
1875 re. Cela s’appelle encore vivre. Mais l’homme qui était un membre vivant dans le corps de la Nature, lié par les liens les pl
1876 es exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par là même, avec l
1877 turelles, et par là même, avec les surnaturelles. Il en ressent une vague et intermittente détresse, — qu’il met d’ailleur
1878 ressent une vague et intermittente détresse, — qu’ il met d’ailleurs sur le compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquête
1879 aissé oublier les valeurs de l’esprit au point qu’ il n’éprouve plus même cette carence ; seulement, peu à peu, il découvre
1880 e plus même cette carence ; seulement, peu à peu, il découvre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactio
1881 te carence ; seulement, peu à peu, il découvre qu’ il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielles,
1882 t ; fatigué de trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts de sa joie : l’effor
1883 factions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts de sa joie : l’effort libre et généreux, le sent
1884 mirer la nature entre 17 et 19 heures : vraiment, il ne lui manque plus rien — que l’envie. Mauvais travail. Il a perdu le
1885 manque plus rien — que l’envie. Mauvais travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique, de l’effort humain. Il ne peut p
1886 le sens religieux, cosmique, de l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le monde, lui attribue
1887 dans le monde, lui attribuer sa véritable valeur. Il sent obscurément que son travail est antinaturel. Il le méprise ou le
1888 table valeur. Il sent obscurément que son travail est antinaturel. Il le méprise ou le subit, mais, jusque dans son repos,
1889 sent obscurément que son travail est antinaturel. Il le méprise ou le subit, mais, jusque dans son repos, il en est l’escl
1890 méprise ou le subit, mais, jusque dans son repos, il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature,
1891 e ou le subit, mais, jusque dans son repos, il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est
1892 usque dans son repos, il en est l’esclave. Pour s’ être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus sai
1893 ur s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les ch
1894 s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les choses
1895 isir que des rapports abstraits entre les choses. Il ne comprend presque plus rien à l’Univers. Par la technique, l’Occide
1896 gences telles que l’Esprit ne peut les supporter. Il abandonne donc la place, mais c’est pourtant lui seul qui nous permet
1897 jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne s
1898 toire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons,
1899 Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort de l’acquérir
1900 epter l’esprit, et ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibilité spirituelle deviennent par le seu
1901 un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’ est pas un luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de l
1902 es anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’ est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exi
1903 faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction a
1904 il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction avec celles que le développement de la technique imp
1905 ment de la technique impose au monde moderne. Ces êtres , d’une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose d
1906 » très spécial, — on les écarte des engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on
1907 ages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes privilégiées
1908 es forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’ elles les rendent inutilisables dans les rouages de la vie moderne. Le trio
1909 centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dernière rigueur : avec la rigueur de la néce
1910 igueur : avec la rigueur de la nécessité — puisqu’ elle est inutile au grand dessein matérialiste de l’Occident. La logique,
1911 r : avec la rigueur de la nécessité — puisqu’elle est inutile au grand dessein matérialiste de l’Occident. La logique, parl
1912 à vouloir en revenir à la période préindustrielle soit autre chose qu’une échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, i
1913 échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soi
1914 ppatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’ est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soient-il
1915 de se désintéresser simplement des buts — si bas soient -ils — d’une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de p
1916 désintéresser simplement des buts — si bas soient- ils — d’une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr
1917 sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mysticisme exasp
1918 ’aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’ il est possible d’échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la soluti
1919 jourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution :
1920 évélé que les livres les plus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément
1921 el. Dans les pays de langue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amér
70 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
1922 sayer de se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce que cela vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais
1923 d’une révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait
1924 osait qu’une frileuse nostalgie. Mais qui fallait- il accuser de cette duperie, qui rendre responsable de ma déception, sin
1925 ime — bien qu’on pense généralement le contraire. Il est très vrai que les notions réaliste et idéaliste du monde ne sont
1926 — bien qu’on pense généralement le contraire. Il est très vrai que les notions réaliste et idéaliste du monde ne sont sépa
1927 que les notions réaliste et idéaliste du monde ne sont séparées que par un léger décalage dans la chronologie de nos sentime
1928 ine idée que j’avais d’un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’on do
1929 is le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’une fanfare militaire,
1930 des parois, noir et blanc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par
1931 évadé dans son rêve, beaucoup plus loin que moi, il n’entend pas ma question. L’envie me prend d’aller le rejoindre. Me v
1932 s forces inconnues et menaçantes. Mais la musique est si légère, la voix de la jeune fille si transparente : la mort même e
1933 sparente : la mort même en devient moins brutale. Elle rôde ici comme une tristesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approch
1934 ale. Elle rôde ici comme une tristesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche d’une grandeur où se perdraient nos amours
1935 le rôde ici comme une tristesse amoureuse. Elle n’ est plus que l’approche d’une grandeur où se perdraient nos amours terres
1936 e que le pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre… Mon voisin avait parlé tout haut ; personne
1937 nne pourtant ne se détournait. Comment pouvais-je être le seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul vous ve
1938 le seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit- il , que seul vous venez d’atteindre au monde des êtres véritables. Nous
1939 -il, que seul vous venez d’atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous me voyez parce que vous compr
1940 rbe noire. Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, p
1941 r, pouvait passer pour une élégance très moderne. Il n’y avait dans toute sa personne rien de positivement démodé ; je n’e
1942 é ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté la première recon
1943 es de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, comme des amis qui se connaissent depuis si longtem
1944 omard enrubanné. « Cela vexe les Viennois, me dit- il , parce qu’ils y voient une façon de me moquer de leurs petits chiens
1945 né. « Cela vexe les Viennois, me dit-il, parce qu’ ils y voient une façon de me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’
1946 me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. » Il y avait peu de monde dans les rues. Des jeunes gens
1947 rd, malgré les apparences, cette vie sentimentale est une des seules réalités qui correspondent encore à l’image classique
1948 acité définitive à se passionner pour quoi que ce soit . Cette ville, qui est toute caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’a
1949 assionner pour quoi que ce soit. Cette ville, qui est toute caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que
1950 s une chose que je comprends assez bien, ajouta-t- il , mais pour d’autres raisons qu’eux, probablement… À ce moment, comme
1951 ses manches. De terreur, le homard avait rougi : il conserva toute la nuit une magnifique couleur orangée. Gérard semblai
1952 manque de caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont, par
1953 d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont , par nature et par attitude, des gens fatigués. — Pour moi, dit Gérar
1954 lus deux, en y réfléchissant bien, mais peut-être était -ce la même sous deux attributs différents. Toutes les femmes qui m’on
1955 mes qui m’ont retenu un instant, c’était parce qu’ elles évoquaient cet amour, c’était parce que je découvrais en elles de sec
1956 ent cet amour, c’était parce que je découvrais en elles de secrètes ressemblances, qui pour d’autres paraissaient purement my
1957 t jamais rien, dès qu’on aime… Oh ! cette femme ! elle n’était qu’un regard, un certain regard, mais j’ai su en retrouver la
1958 s rien, dès qu’on aime… Oh ! cette femme ! elle n’ était qu’un regard, un certain regard, mais j’ai su en retrouver la sensati
1959 paya quelques œillets rouges en lui expliquant qu’ elle devait les donner à la première jolie femme qui passerait seule. Nous
1960 ourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut , hélas, non moins inévitable : la jeune femme refusa d’abord les fleu
1961 eurs pour se donner le temps de regarder autour d’ elle  ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle finit
1962 êt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle finit donc par accepter et vint à nous avec un sourire du type le plu
1963 avec un sourire du type le plus courant : « Vous êtes bien gentils, messieurs ! » Il n’y avait plus qu’à lui prendre chacun
1964 courant : « Vous êtes bien gentils, messieurs ! » Il n’y avait plus qu’à lui prendre chacun un bras, une femme pour deux h
1965 hacun un bras, une femme pour deux hommes — et ce fut bien dans cette anecdote dont Gérard attendait évidemment quelque cho
1966 chose contraire à la coutume viennoise. L’enfant était charmante, comme elles le sont presque toutes dans cette ville, — du
1967 outume viennoise. L’enfant était charmante, comme elles le sont presque toutes dans cette ville, — du type que Gérard et Théo
1968 ennoise. L’enfant était charmante, comme elles le sont presque toutes dans cette ville, — du type que Gérard et Théo nommaie
1969 c’est que de prendre des femmes au hasard, disait- il . Je sens très bien que nous allons nous ennuyer terriblement. Du moin
1970 . Du moins, moi. Pour vous, c’est différent, vous êtes moderne, vous vous contentez peut-être de cette pêche miraculeuse — c
1971 que j’ai vécu d’illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir q
1972 plaisir qu’on vient chercher ici avec le premier être venu. — Certes, je comprends que l’Europe est en décadence quand je l
1973 er être venu. — Certes, je comprends que l’Europe est en décadence quand je la regarde s’amuser. Je vois se perdre ce sens
1974 qui seules faisaient sa dignité humaine, parce qu’ elles le rattachaient aux buts les plus hauts de notre vie. Ces citadins bl
1975 és s’amusent plus grossièrement que des barbares, ils s’imaginent pouvoir faire une place dans leur vie aux “divertissement
1976 la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que
1977 ntent ne savent plus ce que c’est que le plaisir. Ils prennent au hasard des liqueurs qui n’ont pas été préparées pour leur
1978 Ils prennent au hasard des liqueurs qui n’ont pas été préparées pour leur soif. Ils ne savent plus les signes ni les ressem
1979 ueurs qui n’ont pas été préparées pour leur soif. Ils ne savent plus les signes ni les ressemblances. Aussi l’ennui règne-t
1980 ignes ni les ressemblances. Aussi l’ennui règne-t- il bruyamment dans ces lieux : cet orchestre triomphant suffit à peine à
1981 , ou luisants de concupiscences élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la démocratie des plaisirs achetés au déta
1982 dans une foire éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que celle-là qui danse en ro
1983 comme c’est odieux qu’une créature aussi parfaite soit touchée par les mains outrageusement baguées de ces courtiers alourdi
1984 eligieux de la beauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend plus rien. » Des bugles agonisaient, aux d
1985 eauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend plus rien. » Des bugles agonisaient, aux dernières mesure
1986 pas moins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit- elle d’un ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux l
1987 einte aux lois du genre le plus conventionnel qui soit . Gérard la regarda avec une certaine pitié : « Chère enfant, dit-il d
1988 rda avec une certaine pitié : « Chère enfant, dit- il doucement, pauvre colombe dépareillée, vous n’avez pas de ressemblanc
1989 oir délivré le homard qui, laissé au vestiaire, y était l’objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part
1990 malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but. Vous savez, je lance mes f
1991 répondais rien : « Avez-vous sommeil ? demanda-t- il . Moi pas. D’ailleurs j’ai oublié mes clefs il y a très, très longtemp
1992 y a très, très longtemps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça :
1993 très, très longtemps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nu
1994 t dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire et blanche. » Je ressentis quelque ém
1995 r. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire et blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe de cette ph
1996 ïe de cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’ il arrive aux meilleurs de se répéter, et que c’était la première fois d
1997 ous parlèrent, bientôt dissous dans le vent. Tout était reflet, passages, allusions. Plus tard, dans un petit bar laqué de no
1998 ée ; un piano dissimulé joue très doucement. Nous sommes assis autour d’une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, pench
1999 uarium de rêves, discourt et décrit les images qu’ il y découvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras de Cl
2000 y découvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras de Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglais
2001 utôt, par je ne sais quelle erreur d’images, — ce serait la gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans le lointain, Aurélia lui
2002 minute toutes les incarnations d’un amour dont l’ être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultanéité de ses manifest
2003 parle avec une liberté magnifique et angoissante. Il mêle tout dans le temps et l’espace. Cent années et tous les visages
2004 le côté terrestre des choses dont l’autre moitié sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié d’ombre. Et parce que tou
2005 e que tout revit en un instant dans cette vision, il connaît enfin la substance véritable et unique de toutes ses amours,
2006 bstance véritable et unique de toutes ses amours, il communie avec quelque chose d’éternel. Tous les drames du monde ne so
2007 lque chose d’éternel. Tous les drames du monde ne sont que décors mouvants dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne son
2008 s mouvants dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne sont que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame de son destin
2009 nts dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne sont que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame de son destin est ail
2010 épisodes, symboles : le vrai drame de son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des généalogies étourdi
2011 boles : le vrai drame de son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des généalogies étourdissantes qui c
2012 es choses n’ont d’intérêt que par les rapports qu’ il leur devine avec la réalité extra-terrestre. Il m’enseigne que la pas
2013 u’il leur devine avec la réalité extra-terrestre. Il m’enseigne que la passion seule, par la souffrance qu’elle entraîne,
2014 seigne que la passion seule, par la souffrance qu’ elle entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leur
2015 . La fatigue calme son lyrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces superstitions qui n
2016 t son exaltation. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos s
2017 de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos savants retombés en pleine barbarie spirituel
2018 savants retombés en pleine barbarie spirituelle. Il plaisante. Il dit que la vie ressemble surtout à un film où les épiso
2019 bés en pleine barbarie spirituelle. Il plaisante. Il dit que la vie ressemble surtout à un film où les épisodes s’appellen
2020 se voient par transparence au travers de l’autre. Il dit : « Pour celui qui saisit les correspondances, chaque geste, chaq
2021 us le soleil, et même ailleurs. Croyez-moi, ce qu’ il faudrait écrire, c’est une Vie simultanée de Gérard, qui tiendrait to
2022 presque plus rien ; à peine, de temps en temps, s’ il parlait à voix basse à son homard, qui semblait d’ailleurs endormi. E
2023 tant, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu’ il en était ainsi chaque nuit, que l’animal devenait nerveux et que depu
2024 le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu’il en était ainsi chaque nuit, que l’animal devenait nerveux et que depuis quelqu
2025 devenait nerveux et que depuis quelques semaines, il avait dû le mettre au caviar. Il en demanda donc une petite portion e
2026 elques semaines, il avait dû le mettre au caviar. Il en demanda donc une petite portion et la fit prendre au homard avec t
2027 ut cela s’empila dans des autos ; en dix minutes, il n’y eut plus personne, la place s’éteignit. Mais Gérard ? Ses yeux s’
2028 ne, la place s’éteignit. Mais Gérard ? Ses yeux s’ étaient fixés intensément, à la sortie des invités, sur une femme qui s’en al
2029 rs en bandeaux, au teint pâle, l’air d’autrefois. Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apaisée, je m’ape
2030 l avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apaisée, je m’aperçus que j’étais seul. Une dernière auto, extraordin
2031 Quand la place se fut apaisée, je m’aperçus que j’ étais seul. Une dernière auto, extraordinairement silencieuse, absolument s
2032 de la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient baissés. Déjà on criait les journaux du matin, des triporteurs passèr
71 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
2033 oir en Jules Verne qu’un précurseur ? Jules Verne est un créateur, dont les inventions se suffisent et suffisent à notre jo
2034 ons se suffisent et suffisent à notre joie. Ce ne sont pas les savants qui sont prophètes, mais les poètes. Or Jules Verne f
2035 sent à notre joie. Ce ne sont pas les savants qui sont prophètes, mais les poètes. Or Jules Verne fut poète avant tout — et
2036 i sont prophètes, mais les poètes. Or Jules Verne fut poète avant tout — et ce livre le fera bien voir aux sceptiques. Il a
2037 t — et ce livre le fera bien voir aux sceptiques. Il a aimé la science parce qu’elle ouvre des perspectives d’évasion — où
2038 oir aux sceptiques. Il a aimé la science parce qu’ elle ouvre des perspectives d’évasion — où seuls les poètes savent se perd
2039 iennent de merveilleux calembours, où les savants sont réellement dans la lune, ou bien descendent au fond des mers adorer l
2040 ythes modernes, du seul écrivain dont l’influence soit comparable à celle du cinéma ! Claretie raconte que les détenus des m
2041 se jetaient sur ces volumes « au travers desquels ils respiraient l’air du monde ». N’en ferons-nous pas autant, emprisonné
2042 N’en ferons-nous pas autant, emprisonnés que nous sommes dans une civilisation qui, selon l’expression de Jules Verne désabusé
2043 e ce libertaire, cela constituait un jugement !) Serons -nous longtemps encore dupes d’une conception de la littérature si péd
2044 d’une conception de la littérature si pédante qu’ elle exclut un de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est styli
2045 t un de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’ il n’est styliste ni psychologue ? Laisserons-nous Jules Verne aux enfan
2046 de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’ est styliste ni psychologue ? Laisserons-nous Jules Verne aux enfants ? J
2047 s ? J’allais oublier que la littérature enfantine est le dernier bateau. Pour ce coup, voilà qui ne m’empêchera pas d’y mon
2048 ce coup, voilà qui ne m’empêchera pas d’y monter, il suffit que cet obsédant capitaine Nemo soit à bord, je soupçonne que
2049 monter, il suffit que cet obsédant capitaine Nemo soit à bord, je soupçonne que ce bateau n’est autre que La Liberté. ar.
2050 ne Nemo soit à bord, je soupçonne que ce bateau n’ est autre que La Liberté. ar. « M. Allotte De La Fuye : Jules Verne, sa
72 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
2051 Aragon, Traité du style (août 1928)as Ce n’ est pas le seul talent de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de
2052 e aux écrivains que des révélations, ou mieux, qu’ ils les favorisent par leurs écrits. Aragon, qui a le sens de l’amour, a
2053 conséquemment beaucoup de choses vraies (belles). Il est même un des très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné qu
2054 séquemment beaucoup de choses vraies (belles). Il est même un des très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné quelqu
2055 des gens qui ne m’intéressent pas ou bien qui ne sont pas atteints par ces épithètes drôles ou quelconques. Mais la seconde
2056 s ou quelconques. Mais la seconde partie du livre est admirable ; il suffit. Le titre ne ment pas ; ce livre traite du styl
2057 . Mais la seconde partie du livre est admirable ; il suffit. Le titre ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups d’ex
2058 te du style, à coups d’exemples qui méritent de l’ être . Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépasse ces surréalistes, ces orthod
2059 s Nymphes ». Mais donner l’air bête à ceux qui le sont en créant une belle œuvre serait, par exemple, plus efficace. Aragon
2060 bête à ceux qui le sont en créant une belle œuvre serait , par exemple, plus efficace. Aragon se retourne sans cesse pour crier
2061 our crier : Lâches, vous refusez d’avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le
2062 e de voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le tient magnifiquement. Mais qu’on nous laisse chercher plus loin, d
73 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
2063 es surréalistes débattent la question de savoir s’ ils vont se taire ou non. Mais leur silence ne doit pas entraîner, à leur
2064 leur point de vue, celui d’autrui sur eux-mêmes. Ils se tournent donc naturellement vers l’action, c’est-à-dire — nous som
2065 naturellement vers l’action, c’est-à-dire — nous sommes en France — vers la politique. Or ces ennemis de toute littérature vo
2066 à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pratique universellement méprisées. Mais les surréalistes ont leur
2067 onsabilité là-dedans ; leur défense de l’esprit s’ est bornée jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre un état de ch
2068 re un état de choses justement détesté, mais dont ils participent plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent de fair
2069 tement détesté, mais dont ils participent plus qu’ ils ne le croient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette
2070 ils participent plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan
2071 participent plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan qui no
2072 ance positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le courage de se soumettre au concret d
2073 e positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’
2074 u’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils compre
2075 e courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « service dans le temple » s’accommode mal de t
2076 en très beau style contre un monde très laid dont ils n’ont pas encore renoncé à chatouiller le snobisme. at. « Pierre Na
74 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
2077 emps — argent, races — et ses rares passions, qui sont la domination et la démolition, l’organisation et le sabotage. On y d
2078 es chefs pour l’une ou l’autre de ces attitudes. ( Elles ne sont pas essentiellement contradictoires : elles représentent deux
2079 pour l’une ou l’autre de ces attitudes. (Elles ne sont pas essentiellement contradictoires : elles représentent deux manière
2080 les ne sont pas essentiellement contradictoires : elles représentent deux manières de sentir l’unité d’une époque obsédée d’a
2081 forme abstraite et poétique. Mais cette fois tout est concrétisé en hommes, en meurtres, en décrets. Qu’il décrive la vie i
2082 concrétisé en hommes, en meurtres, en décrets. Qu’ il décrive la vie intense et instable des acteurs du drame, l’aspect quo
2083 art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté de le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, s
2084 it parfois tenté de le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et il ne se borne p
2085 parfois tenté de le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et il ne se borne pas à
2086 plus nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et il ne se borne pas à des effets pittoresques : ce récit coloré et précis
2087 e récit coloré et précis, admirablement objectif, est aussi, mais à coups de faits, une discussion d’idées. Il est surtout
2088 i, mais à coups de faits, une discussion d’idées. Il est surtout la description d’une angoisse que le nihilisme de M. Malr
2089 mais à coups de faits, une discussion d’idées. Il est surtout la description d’une angoisse que le nihilisme de M. Malraux
2090 t lui qui parle au nom de l’auteur, je pense) : «  Il me semble que je lutte contre l’absurde humain, en faisant ce que je
2091 écue, avant de la décrire ; et cet aveu de Garine est décisif : « La Révolution… tout ce qui n’est pas elle est pire qu’ell
2092 rine est décisif : « La Révolution… tout ce qui n’ est pas elle est pire qu’elle… » Expérience faite, l’absurde retrouve ses
2093 décisif : « La Révolution… tout ce qui n’est pas elle est pire qu’elle… » Expérience faite, l’absurde retrouve ses droits.
2094 sif : « La Révolution… tout ce qui n’est pas elle est pire qu’elle… » Expérience faite, l’absurde retrouve ses droits. C’es
2095 évolution… tout ce qui n’est pas elle est pire qu’ elle … » Expérience faite, l’absurde retrouve ses droits. C’est ainsi que,
2096 asqué par l’enchaînement passionnant de l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Cette intellige
2097 quelque chose de trop aigu, de dangereux. Mais qu’ elles s’appliquent à distinguer les forces déterminantes de l’heure, à les
75 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
2098 s de l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’ est -ce point trop demander à une existence bien indécise, que son échec m
2099 sion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’ est pas forcément prince du rêve ; et par ailleurs ce livre sait bien le
2100 qualité de l’illusion dont se nourrit Louis II n’ est ni aussi pure ni aussi rare qu’on voudrait l’imaginer. Il reste qu’il
2101 ssi pure ni aussi rare qu’on voudrait l’imaginer. Il reste qu’il a voulu la vivre et qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ain
2102 aussi rare qu’on voudrait l’imaginer. Il reste qu’ il a voulu la vivre et qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d
2103 l’imaginer. Il reste qu’il a voulu la vivre et qu’ il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’un romantisme assez moros
2104 Il reste qu’il a voulu la vivre et qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’un romantisme assez morose ; mais à gra
2105 u’il a voulu la vivre et qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’un romantisme assez morose ; mais à grande éche
2106 osait par hasard de moyens d’action puissants : s’ il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’il a eu peur c’est qu’il n’
2107 d’action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’ il a eu peur, et s’il a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet d
2108  : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’ il a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopi
2109 c’est qu’il a eu peur, et s’il a eu peur c’est qu’ il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopin, c’était l’amour, do
2110 ence d’amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’illusi
2111 llusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’ il préfère parler d’illusion là où nos psychiatres proposeraient de moin
2112 res proposeraient de moins jolis mots ; mais ce n’ est pas la moindre habileté du biographe. D’ailleurs, réussir un livre at
2113 réussir un livre attrayant sur une vie manquée n’ était pas un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’une façon fort a
76 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
2114 autour de sa vie le plus grand mystère. Cependant il aime à raconter certaines scènes terrifiantes de la révolution : il a
2115 certaines scènes terrifiantes de la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traque à Paris même… Il
2116 aines scènes terrifiantes de la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traque à Paris même… Il subjug
2117 ntes de la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traque à Paris même… Il subjugue le jeune Français
2118 de la révolution : il a été condamné à mort, il s’ est évadé, on le traque à Paris même… Il subjugue le jeune Français par c
2119 mort, il s’est évadé, on le traque à Paris même… Il subjugue le jeune Français par ces évocations et l’espèce de fièvre q
2120 nçais par ces évocations et l’espèce de fièvre qu’ il y apporte. Mais plusieurs incidents éveillent les soupçons du « petit
2121 éveillent les soupçons du « petit-bourgeois » qu’ il a choisi comme public, et brusquement le mot éclate : menteur. Feinte
2122 ique confession qui doit expliquer sa mort et qui est aussi fausse que le reste. Ce mensonge qui va jusqu’à la mort, inclus
2123 connu de semblables mythomanes. Le cas méritait d’ être exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une cou
2124 exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une courte nouvelle, d’ailleurs assez dense, et dont le mérit
2125 uvelle, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’être simple et précise dans l’exposé, sans rien simplifier ni préci
2126 , d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’ être simple et précise dans l’exposé, sans rien simplifier ni préciser à l
2127 vant-garde une confusion assez tragique, parce qu’ elle constitue une tentation pour tous les poètes. Le désir de « plus vrai
2128 tout, peut conduire à préférer un mensonge qui n’ est , hélas, qu’une déformation de cette réalité détestée. Le mythomane br
2129 u. Jusque dans la ruse que ses mensonges exigent, il se reconnaît tributaire de la « vérité trop évidente » ; alors qu’il
2130 butaire de la « vérité trop évidente » ; alors qu’ il la faudrait, sans rien fausser, transcender… aw. « Daniel-Rops : Le
77 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
2131 Tire-toi de tes ombres… » Paul Valéry. Stéphane est maniaque, comme tous les jeunes gens de sa génération. Seulement chez
2132 s de sa génération. Seulement chez lui, cela ne s’ est pas porté sur les autos. Il préfère s’intéresser aux divers types hum
2133 chez lui, cela ne s’est pas porté sur les autos. Il préfère s’intéresser aux divers types humains. Mais on lui sait peu d
2134 lui sait peu de grés de sa curiosité. Sans doute est -il trop impatient, demande-t-il aux êtres plus qu’ils ne peuvent donn
2135 sait peu de grés de sa curiosité. Sans doute est- il trop impatient, demande-t-il aux êtres plus qu’ils ne peuvent donner…
2136 sité. Sans doute est-il trop impatient, demande-t- il aux êtres plus qu’ils ne peuvent donner… D’ailleurs on ne lui doit ri
2137 ans doute est-il trop impatient, demande-t-il aux êtres plus qu’ils ne peuvent donner… D’ailleurs on ne lui doit rien, n’est-
2138 il trop impatient, demande-t-il aux êtres plus qu’ ils ne peuvent donner… D’ailleurs on ne lui doit rien, n’est-ce pas ? Il
2139 peuvent donner… D’ailleurs on ne lui doit rien, n’ est -ce pas ? Il en tombe d’accord ; accepte d’attendre comme un enfant sa
2140 r… D’ailleurs on ne lui doit rien, n’est-ce pas ? Il en tombe d’accord ; accepte d’attendre comme un enfant sage que le mo
2141 n son temps, sa petite part. On lui a expliqué qu’ il fallait la mériter et tâcher de devenir quelqu’un. En d’autres termes
2142 ermes, on lui conseille de rentrer en lui-même. «  Il se ramène en soi, n’ayant plus où se prendre » comme parle un de nos
2143 de nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’ il n’est pas encore quelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il est. C
2144 s classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’ est pas encore quelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il est. C’est u
2145 encore quelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’ il est. C’est une autre manie de sa génération. Mais là encore il se sin
2146 ore quelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il est . C’est une autre manie de sa génération. Mais là encore il se singula
2147 une autre manie de sa génération. Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de livre pour y pourchasser un moi qu
2148 sa génération. Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de livre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de
2149 e, et là déclare froidement ne pas exister. Non : il a remarqué que l’époque peut être définie par l’abondance des autobio
2150 as exister. Non : il a remarqué que l’époque peut être définie par l’abondance des autobiographies, mais aussi bien par cell
2151 aussi bien par celle des miroirs. C’est pourquoi il en installe un sur sa table de travail, de façon à pouvoir s’y surpre
2152 des heures entières à se regarder dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvr
2153 son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de p
2154 e genre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigué, il veut voir encore cette fatigue dans son regard :
2155 enre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigué, il veut voir encore cette fatigue dans son regard : app
2156 uent à n’en pas finir. Quand il est très fatigué, il veut voir encore cette fatigue dans son regard : appuyé sur lui-même
2157 tte fatigue dans son regard : appuyé sur lui-même il se perd en méditations éléates. Le sommeil l’en délivre. Au matin il
2158 ations éléates. Le sommeil l’en délivre. Au matin il court se voir : il est laid. Lâchement il se prend en pitié. Ces séan
2159 sommeil l’en délivre. Au matin il court se voir : il est laid. Lâchement il se prend en pitié. Ces séances lui font du mal
2160 meil l’en délivre. Au matin il court se voir : il est laid. Lâchement il se prend en pitié. Ces séances lui font du mal, l’
2161 u matin il court se voir : il est laid. Lâchement il se prend en pitié. Ces séances lui font du mal, l’énervent, mais l’av
2162 ances lui font du mal, l’énervent, mais l’aveu qu’ il en consent l’attache plus secrètement à son aventure. Nous vivons da
2163 n offre à Stéphane sa tête, son portrait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en
2164 son image descend en face de lui par l’ascenseur, elle le suit au long des trottoirs, il l’aperçoit entre des souliers, des
2165 l’ascenseur, elle le suit au long des trottoirs, il l’aperçoit entre des souliers, des étiquettes, des poupées ; elle le
2166 entre des souliers, des étiquettes, des poupées ; elle le précède au restaurant, le nargue brièvement au passage des autos,
2167 oiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’angoisse qu’ il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais s’
2168 est avec une sorte d’angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive de
2169 goisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’ il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive de prendre son image pour
2170 sse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive de prendre son image pour cell
2171 ut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais s’ il lui arrive de prendre son image pour celle de n’importe quel passant,
2172 e son image pour celle de n’importe quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profondément différent de cette ap
2173 si profondément différent de cette apparence, qu’ il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y c
2174 éalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve que le désir d’une révélation.
2175 on. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a plus que cette incantation à soi-même qui pourrait lui rendre l
2176 à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude d’ être . Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en diminua
2177 qui pourrait lui rendre la certitude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en diminuant vertig
2178 ne à une découverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau des miroirs.
2179 onne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane est en train de se perdre pour avoir voulu se constater. Va-t-il découvri
2180 de se perdre pour avoir voulu se constater. Va-t- il découvrir aussi qu’on ne comprend que ce qu’on dépasse ? Et qu’il fau
2181 si qu’on ne comprend que ce qu’on dépasse ? Et qu’ il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne un bes
2182 dans l’homme moderne un besoin de vérifier qui n’ est plus légitime dès l’instant qu’il se traduit par la négation de l’inv
2183 vérifier qui n’est plus légitime dès l’instant qu’ il se traduit par la négation de l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu con
2184 Stéphane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, i
2185 est un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’ il est. Semblablement, il ne sait plus aimer. (Ces jeunes gens ne veulen
2186 t un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est . Semblablement, il ne sait plus aimer. (Ces jeunes gens ne veulent pa
2187 téphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, il ne sait plus aimer. (Ces jeunes gens ne veulent pas se fatiguer pour
2188 d’une aventure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lecteur dérisoirement troublé par la crainte de n’avoi
2189 ne aventure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lecteur dérisoirement troublé par la crainte de n’avoir pa
2190 te aux considérations précédentes lui échappe, qu’ il y voie une de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière.
2191 re miroir, nous perdons une Eurydice. Les miroirs sont peut-être la mort. La mort absolue, celle qui n’est pas une vie nouve
2192 t peut-être la mort. La mort absolue, celle qui n’ est pas une vie nouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’évid
2193 à propos de rien, Stéphane pense avec fièvre : «  Il faudrait briser tous les miroirs. Alors tu te verrais en vérité. Peut
2194 sous un autre visage. Car oublier son visage, ne serait -ce pas devenir un centre de pur esprit ? » C’est un premier filet d’e
2195 de s’hypnotiser l’irrite toujours vaguement. Mais il fuit son propre regard, il se cherche dans d’autres yeux, c’est pourq
2196 ujours vaguement. Mais il fuit son propre regard, il se cherche dans d’autres yeux, c’est pourquoi il fait peur à certaine
2197 il se cherche dans d’autres yeux, c’est pourquoi il fait peur à certaines femmes. Un soir, après quelques alcools et un
2198 une amie d’une beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lu
2199 ir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt dans une nais
2200 de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt dans une naissance. Stépha
2201 appels qui reçoivent en même temps leur réponse, il répète à plusieurs reprises : « Je ne sais pas : je suis !… Je ne sai
2202 pète à plusieurs reprises : « Je ne sais pas : je suis  !… Je ne sais plus… mais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jou
2203 ne sais pas : je suis !… Je ne sais plus… mais je suis  ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les
2204 sais plus… mais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les
2205 sage me cache tous les miroirs » — à une femme qu’ il aimait. m. « Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même », Ca
78 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
2206 Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)ax Le critique se sent désarmé et légèremen
2207 i raconte sa vie avec une émouvante simplicité et il faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’un air connaisseur qu
2208 ette autobiographie tellement au sérieux que j’ai été bien étonné du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’un homme d
2209 au sérieux que j’ai été bien étonné du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’un homme de lettres. En réalité, on ne
2210 j’ai été bien étonné du passage où il rappelle qu’ il écrit la vie d’un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas enc
2211 sous cet aspect dans ces deux premiers tomes, où il décrit des scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’a
2212 et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à une allure libre
2213 perspectives saisissantes sur l’époque. Anderson est avant tout un poète, un homme qui aime inventer et que cela console d
2214 nent nous rapprendre que les sources de la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait être, avec sa
2215 nt dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait être, avec sa verve doucement comique, si émouvant : « À cette é
2216 notre maison. Voici un de ces passages où il sait être , avec sa verve doucement comique, si émouvant : « À cette époque je c
2217 mme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfin, que moi aussi je me secouerais, et que n
2218 d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfin, que moi aussi je me secouerais, et que nous nous
2219 la standardization à sa fin logique, ne pourrait- il pas être considéré un jour comme le grand tueur de son époque ? Rendr
2220 ndardization à sa fin logique, ne pourrait-il pas être considéré un jour comme le grand tueur de son époque ? Rendre impuiss
2221 à la présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spécialité était l’assassinat du corps hu
2222 cte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spécialité était l’assassinat du corps humain, mais qui raconte dans son autobiographi
2223 te dans son autobiographie que son désir constant était que tous les hommes vivant sous lui conservassent la virilité et le r
2224 ui conservassent la virilité et le respect de soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les anciens. Ford p
2225 ax. « Sherwood Anderson : Mon père et moi et Je suis un homme (Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève,
79 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
2226 ervelles et les réputations. 3. Belles-Lettres n’ est compréhensible et légitime que dans la mesure où la poésie est compré
2227 sible et légitime que dans la mesure où la poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis de sang-froid, je dis : Belles
2228 ù la poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis de sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystiq
2229 4. Je suis de sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, j
2230 t essentiellement une mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, je ne puis dire grand-chose de plus. On ne se comprend
2231 qu’entre jeunes hommes ivres. Mais alors point n’ est besoin de formuler cette ivresse ; autrement que par des cris. 5. Ave
2232 s et turpitudes que cela comporte, Belles-Lettres est une liberté. Une rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour
2233 perdu toute foi ne connaîtront pas de pardon. Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont foncièrement mauvai
2234 e connaîtront pas de pardon. Car ils ont vu, et s’ ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont foncièrement mauvais.) 6. Peu de cho
2235 Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ ils sont foncièrement mauvais.) 6. Peu de choses dans le monde moderne on
2236 ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont foncièrement mauvais.) 6. Peu de choses dans le monde moderne ont enc
2237 t encore une « essence ». Celle de Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éternel et à Satan pareillement. Et ceux qu’ell
2238 r à l’Éternel et à Satan pareillement. Et ceux qu’ elle enivre entrent en état de grâce ou de blasphème, selon. Mais ce qui i
2239 blasphème, selon. Mais ce qui importe d’abord, n’ est -ce point de se livrer, purement et simplement. 7. (Secret). r. « Be
80 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
2240 erment sur le vide   Tu pleurerais Mais la grâce est facile comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie com
2241 urerais Mais la grâce est facile comme un matin d’ été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’u
2242 de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été   qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des mains de mon a
2243 vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoile de jour
2244 s ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoile de jour I
2245 ù mieux qu’ici l’on meurt. Étoile de jour Il naissait à son destin des rayons glissent et rient c’est la caresse d
81 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
2246 té dans une ballade fameuse « Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut se permettre quelques malices, quelques jeux
2247 s jeux d’esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous avec le sourire par la clientèle des librairi
2248 ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’ être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes, en m
2249 ître et que cela n’a point stérilisé : sa nature, il est vrai, s’y prêtait, peu complexe et comme réduite à deux dimension
2250 e et que cela n’a point stérilisé : sa nature, il est vrai, s’y prêtait, peu complexe et comme réduite à deux dimensions ;
2251 it critique fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle de « ses quelques succès, si disproportionnés avec son mérite »
2252 es succès, si disproportionnés avec son mérite ». Il ajoute : « j’ai eu la chance de discerner très jeune, avec une clairv
2253 la perspective manque souvent à ces récits : ce n’ est point un paysage d’âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée,
2254 is l’anecdote bien tournée, des noms connus. Tout est sur le même plan ; le dessin d’ailleurs est élégant. Mais comme tout
2255 Tout est sur le même plan ; le dessin d’ailleurs est élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’
2256 Mais comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est -ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots
82 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
2257 voix haute, aucune couleur vive. Les journaux qu’ ils lisent annoncent chaque jour quelque catastrophe imminente, une révol
2258 à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s’arranger, comme au
2259 comme au dernier acte d’une opérette. Ce peuple s’ est résigné avec une facilité incroyable à la défaite, au marxisme, au ch
2260 un coussin aux curieux dessins noirs et blancs : il représente l’ancienne Hongrie découpée en blanc sur fond noir et port
2261 iers de notre pays ?… Non, non, jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte de la neige (une boue ocre, épaisse, on envi
2262 ds comme une nuée d’insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et d’ins
2263 ns munichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est le Parlement. Et voici la trouée du Danube, Bude solidement amarrée à
2264 auve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et nue, mais dans son
2265 superbement cette ville désordonnée. Derrière, ce sont des rues silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à un ét
2266 ylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’ elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gens qui vous ont reçu co
2267 votre bonheur et vous voyez bien que Mme Varshany est une grande artiste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’ent
2268 ue Mme Varshany est une grande artiste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’un des archiducs. Car ce peup
83 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
2269 Saisir (juin 1929)ay Ce petit livre de poèmes est comme une initiation au silence. Il faut s’en approcher avec une douc
2270 re de poèmes est comme une initiation au silence. Il faut s’en approcher avec une douceur patiente, et le laisser créer en
2271 ilence particulier avant d’entendre les signes qu’ il nous propose. Une telle poésie n’offre aux sens que peu d’images (à p
2272 sur la nuance mate d’un paravent chinois). Ce qu’ elle décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des
2273 ate d’un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste im
2274 ue dans le silence « aux yeux gelés de rêverie », il se confond avec l’ombre du monde. Et l’âme peut enfin « saisir » dans
2275 nfin « saisir » dans leur réalité les choses dont elle s’est dégagée et qu’elle voit dans une autre lumière : « Tout semblai
2276 saisir » dans leur réalité les choses dont elle s’ est dégagée et qu’elle voit dans une autre lumière : « Tout semblait vivr
2277 réalité les choses dont elle s’est dégagée et qu’ elle voit dans une autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’un insi
2278 ’un insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus profond en soi-même ; son art y gagne en densité, e
2279 uce et virile ; et quel beau titre ! « Saisir » n’ est -ce point l’acte essentiel de la poésie ? Toute poésie véritable n’est
2280 essentiel de la poésie ? Toute poésie véritable n’ est -elle pas proprement « saisissante » ? Mais le plus émouvant, c’est ic
2281 ntiel de la poésie ? Toute poésie véritable n’est- elle pas proprement « saisissante » ? Mais le plus émouvant, c’est ici l’a
84 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
2282 rlin (15 juillet 1929)n « Je lui ai raconté qu’ il habite une chaumière au bord d’un ruisseau, qu’il dort les portes ouv
2283 il habite une chaumière au bord d’un ruisseau, qu’ il dort les portes ouvertes, et pendant des heures récite des odes grecq
2284 esse de Homburg lui a fait cadeau d’un piano dont il a coupé les cordes, mais pas toutes, en sorte que plusieurs touches s
2285 urs touches sonnent encore, et c’est là-dessus qu’ il improvise, oh ! j’aimerais tant aller là-bas, cette folie m’apparaît
2286 rminant sa lettre sur Hölderlin : « Ce piano dont il a cassé les cordes, c’est vraiment l’image de son âme ; j’ai voulu at
2287 lu attirer là-dessus l’attention du médecin, mais il est plus difficile de se faire comprendre par un sot que par un fou. 
2288 attirer là-dessus l’attention du médecin, mais il est plus difficile de se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’
2289 temps doit vouer l’attention la plus grave — car il vécut dans ces marches de l’esprit humain qui confinent peut-être à l
2290 u’aujourd’hui le hasard qui m’amène à Tubingue ne soit pas seulement un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de la pl
2291 s ce siècle, où tant de voix l’appellent, combien sont dignes de s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qu
2292 don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’ est posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au vi
2293 e Grand Jeu. Dix années où le génie tourmente cet être faible, humilié par le monde. L’amour s’éloigne le premier, quand Höl
2294 t à peine sensible dans son œuvre. Car ce poète n’ est peut-être que le lieu de sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui
2295 connaît pas son auteur. Qui parle par sa bouche ? Il règne dans ses Hymnes une sérénité presque effrayante. Vient le temps
2296 de son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette encore quelques cris brisés : « Ô vieux démon ! — je te rappell
2297 sse. » Mais le feu s’éteint — l’esprit souffle où il veut. Juin 1802 : au moment où meurt Diotima, Hölderlin errant loin d
2298 moment où meurt Diotima, Hölderlin errant loin d’ elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ; sa f
2299 oin d’elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte d
2300 sson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce qui fut Hölderlin signe maintenant Scardanelli des quatrains qu’il donne aux
2301 lin signe maintenant Scardanelli des quatrains qu’ il donne aux visiteurs venus pour contempler la victime d’un miracle. — 
2302 le. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la maison, en attenda
2303 e penchent vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d’une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un r
2304 be, hauts et sombres, qui paraîtraient immenses s’ ils n’étaient à demi encombrés d’armoires. Un couloir, la chambre. L’homm
2305 uts et sombres, qui paraîtraient immenses s’ils n’ étaient à demi encombrés d’armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me c
2306 s. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propriétaire actuel. « Monsieur connaît Hölderlin ? — questionne-t
2307 el. « Monsieur connaît Hölderlin ? — questionne-t- il , méfiant — bon, bon, parce qu’il y en a qui viennent, n’est-ce pas, i
2308 ? — questionne-t-il, méfiant — bon, bon, parce qu’ il y en a qui viennent, n’est-ce pas, ils ne savent pas trop qui c’était
2309 nt — bon, bon, parce qu’il y en a qui viennent, n’ est -ce pas, ils ne savent pas trop qui c’était… Alors vous devez connaîtr
2310 n, parce qu’il y en a qui viennent, n’est-ce pas, ils ne savent pas trop qui c’était… Alors vous devez connaître ces portra
2311 lus affreuses sur son compte, simplement parce qu’ il a aimé une femme, pour écrire Hypérion, et pour les gens d’ici, aimer
2312 e familièrement l’image d’une femme par le nom qu’ elle portait au mystère de l’amour… Trois petites fenêtres ornées de cactu
2313 son banc et ses lilas fleuris qui trempent… Tout est familier, paisible au soleil. Il passait des heures à cette fenêtre,
2314 trempent… Tout est familier, paisible au soleil. Il passait des heures à cette fenêtre, à marmotter. Vingt-sept ans dans
2315 a jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’ elles ont fui. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plus rie
2316 ongtemps qu’elles ont fui. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plus rien, je n’aime plus vivre. Il y avait
2317 i. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plus rien, je n’aime plus vivre. Il y avait encore plus de paix que
2318 ur l’île n’existait pas, en face, ni les maisons. Il voyait des prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau
2319 es, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux :
2320 ux : « La perfection n’a pas de plainte »… Vivait- il encore ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais le gardien : il y est comme
2321 e ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais le gardien : il y est comme chez lui. — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh ! répond-il, j
2322 e lieu soudain m’angoisse. Mais le gardien : il y est comme chez lui. — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh ! répond-il, je pour
2323 ez lui. — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh ! répond- il , je pourrais aussi bien habiter la chambre. Il ne vient pas tant de v
2324 nd-il, je pourrais aussi bien habiter la chambre. Il ne vient pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4… Une rue étouff
2325 encontrent, qui montent au Séminaire protestant : il leur fait de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’une gra
2326 s les marronniers. À quatre heures, l’orchestre s’ est mis à jouer des ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de m
2327 qui lisent des magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des adolescents balafrés
2328 ie normale. Il y a pourtant cette petite chambre… Est -ce que tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser par
2329 Est-ce que tout cela existe dans le même monde ? ( Il est bon de poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi
2330 -ce que tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vé
2331 rop courts, qui se promènent tout seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose de terrible, où il a perdu son âme. Et p
2332 rts, qui se promènent tout seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n
2333 , il lui est arrivé quelque chose de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux corps radotant.
2334 chose de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes
2335 de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’ est revenu qu’un vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes gens ?
2336 rps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes gens ?… Il a eu tort, sans doute. Tout le monde s’accorde à trouver malsain ce g
2337 de « bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’ il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je n
2338 ir de je ne sais quelle revanche du médiocre dont ils se sentent bénéficiaires. Ah ! vraiment les malins ! qui ont préféré
2339 éféré faire tout de suite la bête : comme cela on est mieux pour donner le coup de pied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina —
2340 ied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus divine, quand c’est une telle femme qui la con
2341 tons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus divine, quand c’est une telle femme qui la confesse : « Celui qu
2342 es musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde
2343 siquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde, de
2344 urs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut- il donc que l’un des deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain
2345 lement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique
2346 multanés ?… Le tragique de la facilité, c’est qu’ elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, t
2347 s ?… Le tragique de la facilité, c’est qu’elle n’ est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, triomph
2348 est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, triomphante, à beau fixe. Pourquoi troubler
2349 ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est -ce qu’ils ne soupçonnent jamais rien ? Ou bien, peut-être, seulement,
2350 ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est-ce qu’ ils ne soupçonnent jamais rien ? Ou bien, peut-être, seulement, quand l’a
2351 etite fièvre, — cette semaine de leur jeunesse où ils ont cru pressentir de grandes choses généreuses autour d’eux… Cela s’
2352 ment, nous fait comprendre, dans le temps même qu’ il nous entr’ouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait le monde… Mais que
2353 s le temps même qu’il nous entr’ouvre le ciel, qu’ il est bon qu’il y ait le monde… Mais que cette musique vulgaire, par qu
2354 e temps même qu’il nous entr’ouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait le monde… Mais que cette musique vulgaire, par quel h
2355 ttina von Arnim-Brentano : Die Günderode. 12. Où il était précepteur. Madame Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des
2356 na von Arnim-Brentano : Die Günderode. 12. Où il était précepteur. Madame Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des poèmes
2357 rode. 12. Où il était précepteur. Madame Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des poèmes. n. « La tour de Hölderlin »,
85 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
2358 ges (août 1929)az Après cet austère Pays qui n’ est à personne paru l’année dernière — un livre assez troublant et qu’on
2359 isme, à notre cher romantisme. La Clef des songes est de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger, un
2360 ard, complice des poètes, lui fait rencontrer des êtres bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemin, Han
2361 fait rencontrer des êtres bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur d’oies, le gu
2362 venirs attristés par le temps, des visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes, des bonheurs qui signifient plus de déses
2363 des bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ ils ne s’en doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein de malices
2364 e malices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’ il s’égare parfois dans les maisons des grands bourgeois, où tout, souda
2365 t tendre que prennent les hommes en liberté. Mais ils ne sont jamais méchants, et seulement aux dernières pages du livre, u
2366 e que prennent les hommes en liberté. Mais ils ne sont jamais méchants, et seulement aux dernières pages du livre, un peu am
2367 peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extér
2368 e tout souci de vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un de ces miracles
2369 erait qu’invention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que
2370 us avons besoin pour croire que le monde actuel n’ est pas un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre de Jean Cassou, et
86 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
2371 29)ba À lire ce petit livre et le parallèle qu’ il établit entre le yogabb telle que l’enseignaient les upanishads et la
2372 a tentative poétique de Rimbaud, l’on s’étonne qu’ il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie
2373 d l’auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notr
2374 voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’ il est bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour
2375 yance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour fai
2376 bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût -ce que pour faite honte à ceux qui sont encore capables d’une telle h
2377 temps, ne fût-ce que pour faite honte à ceux qui sont encore capables d’une telle honte, de leur indifférence à l’endroit d
2378 elle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’ être le plus monstrueusement pur qui se soit révélé par le truchement de l
2379 roit de l’être le plus monstrueusement pur qui se soit révélé par le truchement de la poésie française. — Livre un peu didac
2380 uiert l’œuvre de Rimbaud. Regrettons seulement qu’ il n’élargisse pas plus une question aussi centrale — qui est, si l’on v
2381 rgisse pas plus une question aussi centrale — qui est , si l’on veut, la question d’Orient-Occident. Et pourquoi cette hosti
2382 ée par Claudel et Isabelle Rimbaud ? Si Claudel s’ est montré partial en faisant de Rimbaud, « mystique à l’état sauvage »,
2383 e à l’état sauvage », un catholique qui s’ignore, il n’est pas plus admissible d’inférer du mépris de Rimbaud pour le cath
2384 ’état sauvage », un catholique qui s’ignore, il n’ est pas plus admissible d’inférer du mépris de Rimbaud pour le catholicis
2385 e, Genève, août 1929, p. 250-251. bb. Le féminin est ici conservé, conformément au texte original.
87 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
2386 da, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)bc Ce n’ est plus l’heure de venir prendre position dans un débat où les voix les
2387 ébat où les voix les mieux écoutées ont dit ce qu’ elles avaient à dire. Et d’autre part, les lecteurs de cette revue connaiss
2388 ntéressé de Julien Benda, et l’obligation où nous sommes tous désormais de répondre pour nous-mêmes à sa mise en demeure. Je s
2389 répondre pour nous-mêmes à sa mise en demeure. Je suis loin de partager toutes les idées de M. Benda, sur le plan philosophi
2390 e me sens bien plus près de M. Gabriel Marcel, qu’ il attaque. (M. Benda trahit à son tour quand il tire argument contre un
2391 qu’il attaque. (M. Benda trahit à son tour quand il tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin
2392 e argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’ elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand cela serait ! dirons-nous
2393 « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand cela serait  ! dirons-nous, — avec le Benda qui ne trahit pas.) D’autre part, de p
2394 l’éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exactement aussi vieux que le monde. Mais M. Benda disti
2395 vieux que le monde. Mais M. Benda distinguera, et ils seront confondus. Car il y a un sophiste en M. Benda, un polémiste qu
2396 x que le monde. Mais M. Benda distinguera, et ils seront confondus. Car il y a un sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue
2397 qui joue de la raison ratiocinante tout comme si elle n’était pas le contraire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui n
2398 ue de la raison ratiocinante tout comme si elle n’ était pas le contraire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’ente
2399 de la difficulté elle-même. Mais pour gênante que soit souvent son adresse de logicien, elle ne doit pas nous masquer l’auda
2400 gênante que soit souvent son adresse de logicien, elle ne doit pas nous masquer l’audace tranquille et admirable de son poin
2401 impossible. Mais justement, la gloire de M. Benda sera d’avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui demande l’impossibl
2402 u’on lui demande l’impossible. Et quand bien même elle croirait n’en avoir plus besoin. Cet extrémisme de la pensée intempor
2403 agon. Et Daudet nous apprend que « le petit Benda est un fameux serin ». Mais ces affirmations sont exactement celles qu’il
2404 enda est un fameux serin ». Mais ces affirmations sont exactement celles qu’il fallait attendre de ces auteurs. Ce qu’on ne
2405 . Mais ces affirmations sont exactement celles qu’ il fallait attendre de ces auteurs. Ce qu’on ne viendra pas disputer à M
2406 même qui paraît anarchique dans un monde où tout est bon à quelque chose, où rien plus n’est tenu pour vrai que relativeme
2407 e où tout est bon à quelque chose, où rien plus n’ est tenu pour vrai que relativement à un rendement. Rien, pas même la rel
88 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
2408 une fois un jeune homme comme les autres. Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire d’ailes. Allait-on s’émerveill
2409 inrent lui dire ses amis, — l’orgueil t’aveugle-t- il  ? Veux-tu conserver, ô cruel, des ailes qui donnent des rhumes à ton
2410 ailes qui donnent des rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux meilleurs esprits ? Voici que tu t’apprêtes visibleme
2411 ids de cette accusation, comment ne point céder : il fit couper ses ailes. On le félicita de son retour à l’état normal, q
2412 On le félicita de son retour à l’état normal, qui est pédestre. Mais à partir de ce jour, on lui fit sentir qu’il était dev
2413 e. Mais à partir de ce jour, on lui fit sentir qu’ il était devenu beaucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a des ailes sera
2414 Mais à partir de ce jour, on lui fit sentir qu’il était devenu beaucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a des ailes sera persé
2415 aucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a des ailes sera persécuté à cause de ses ailes, mais celui qui n’en a pas sera mépris
2416 é à cause de ses ailes, mais celui qui n’en a pas sera méprisé parce qu’il n’en a pas. Le libéralisme Seigneur ! clama
2417 , mais celui qui n’en a pas sera méprisé parce qu’ il n’en a pas. Le libéralisme Seigneur ! clamaient-ils, combien co
2418 a pas. Le libéralisme Seigneur ! clamaient- ils , combien complexes sont les problèmes que vous proposez à notre bonne
2419 me Seigneur ! clamaient-ils, combien complexes sont les problèmes que vous proposez à notre bonne volonté gémissante ! Di
2420 porteur d’une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements de rag
2421 nt la Démocratie outragée, les autres disaient qu’ il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher le
2422 rti, l’ange trouva son salut dans un subterfuge : il insinua qu’il parlait au nom d’une secte orientale. Aussitôt la discu
2423 ouva son salut dans un subterfuge : il insinua qu’ il parlait au nom d’une secte orientale. Aussitôt la discussion de repre
2424 ur la nature de l’inspiration, un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un film voluptueux. Il aima l’héroïne, mai
2425 Il alla au cinéma. On donnait un film voluptueux. Il aima l’héroïne, mais sans espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, d
2426 voluptueux. Il aima l’héroïne, mais sans espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine de couples à
2427 rie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde assise près de lui. Ayant demandé un timbr
2428 l’attention de la femme blonde — sans résultat —, il écrivit une adresse réelle, et mit la lettre dans la première boîte v
2429 ettre dans la première boîte venue. Le lendemain, il reçut une réponse : « Vous avez commis une erreur, cher ami, mais bie
2430 claration d’amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’est. J’ai fait suivre. Alexandrine un jour
2431 uivre. Alexandrine un jour m’a laissé entendre qu’ elle vous aime. Elle attend votre lettre depuis des mois. Je pense que ces
2432 ne un jour m’a laissé entendre qu’elle vous aime. Elle attend votre lettre depuis des mois. Je pense que ces lignes vous tro
2433 s vous trouveront réunis. Avec ma bénédiction, je suis votre amie Joséphine. » — Le poète reprit son manuscrit et conclut :
2434 reprit son manuscrit et conclut : « L’inspiration est le nom qu’on donne en poésie à une suite de malentendus heureusement
89 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Avant-propos
2435 Avant-propos Le dire une bonne fois. Il ne faut pas songer à décrire en quarante petites pages tous les méfai
2436 r leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique deux petits livres1 exc
2437 que, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’ il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moin
2438 , décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moins ph
2439 qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moins philosophique et point du tout technique. J’ap
2440 us un régime radical à sécrétion socialiste qui a été établi par coup de force, que les libéraux ont admis, conformément à
2441 âtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle prolonge abusivement sa terne existence. Je l’ai subi ; l’on va voir
2442 areils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, parce que j’en ai gros sur le cœur. D’ailleurs, ce petit éc
2443 rit ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté.
2444 ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Défi
2445 nds pas même parler au nom de ma génération, ne m’ étant pas livré à l’enquête préalable qui seule eût pu, à la rigueur, me do
2446 le. Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’être compli
2447 Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’être complices d
2448 s nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’ être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait l’es
2449 plices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’ est en fait l’esprit démocratique. Là-dessus, ces messieurs se lamentent,
2450 mour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’ est pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde auss
2451 e l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’ est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitup
2452 . Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie, même si l’on n’est pa
2453 érer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie, même si l’on n’est pas capable d’en faire soi-
2454 a soupe est brûlée, on la renvoie, même si l’on n’ est pas capable d’en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas
2455 Citoyen conscient et organisé pour la discussion. Il retrousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de
2456 isé pour la discussion. Il retrousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh !
2457 sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mettez-lui les mains sur la bouche ! Donnez-lui s
2458 lique, on crie sur tous les bancs : « Alors, vous êtes pour un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vrai
2459 ment exagéré pour la jugeote de l’adversaire ou s’ il traduit simplement cette mauvaise foi pas même consciente, cette lâch
2460 type : on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi,
2461 e l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi, ceux qui croient aux faits. Je le
2462 ux qui croient aux faits. Je leur réponds : 1° qu’ ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuve
2463 ent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ ils ne peuvent, en vertu même de leur scepticisme quant à la valeur réfor
2464 n qui rira le dernier. B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’
2465 s un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une démocratie progressiste et tolérante qui se livre
2466 les discussions de la tranquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les principes. Tourmentés par les scrupules d
2467 és par les scrupules de leur conscience libérale, ils fuient la rigueur jusque dans leurs raisonnements. Pour moi qui cherc
2468 ant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre institution-tabou. 1. Je ne pui
90 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 1. Mes prisons
2469 1. Mes prisons Il existe des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’
2470 ndrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ ils les confondent avec ceux de leur enfance et les font indûment partici
2471 t participer de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’« il n’y a rien au-dessus » de la tâch
2472 Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’«  il n’y a rien au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces b
2473 roit… Et de ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement séparer les calculs du raisonnement, par une
2474 s trop au sérieux pour faire ici du sentiment, je suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dan
2475 plier le tapissier par le prix du mètre courant n’ est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les
2476 tre courant n’est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur de
2477 mmêlent… Et c’est cela l’enfance insouciante ? Qu’ est -ce qui ressemble plus au souci quotidien des grandes personnes ? Mais
2478 quotidien des grandes personnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes da
2479 qu’on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’ il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les to
2480 guliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’ est qu’une dissonance douloureuse2. Deux angoisses dominent mon enfance :
2481 école, parce que c’est la loi. La première classe fut agréable : j’alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais
2482 lignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’ étais délicieusement seul parmi ces petits êtres en tabliers bleus qui alig
2483 uoi, j’étais délicieusement seul parmi ces petits êtres en tabliers bleus qui alignaient leurs bâtons en rêvant à leur manièr
2484 nd venait mon tour, je savais rarement où l’on en était . Cela m’attira des reproches acides, et naturellement, la phrase sacr
2485 es acides, et naturellement, la phrase sacrée : «  Il faut que tous fassent la même chose, ici ! » Dans la suite, on se cha
2486 sse plus aucune velléité d’originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit a
2487 iginalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge de 18 an
2488 garde contre moi-même à cause des autres desquels il ne fallait pas différer, profondément hypocrite donc, et le cerveau s
2489 type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être égaux en tout. Deux fois deux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait
2490  » que je viens de citer, je découvris un jour qu’ elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un cert
2491 contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais ce
2492 uvris, c’est-à-dire que je me posai la question : est -ce vrai que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la premiè
2493 uestion : est-ce vrai que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai
2494 ivent être égaux en tout ? Et la première réponse fut  : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende
2495 être égaux en tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses
2496 out ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses conquêtes. C’étai
2497 aux vertueuses indignations de nos maîtres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducation jésuite ». Nous éti
2498 marque indélébile de l’éducation jésuite ». Nous étions marqués par Numa Droz et les manuels des Frères ∴, par l’esprit petit
2499 s des Frères ∴, par l’esprit petit-bourgeois, qui est une généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui
2500 e l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu
2501 rois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verde
2502 ar les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent- ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. M
2503 laissèrent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’ il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressor
2504 é des décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immortels principes ». Je n’a
2505 ettre en doute : mais un jour je compris que ce n’ étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplif
2506 compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si évident, si parfaiteme
2507 t comme l’achèvement idéal et nécessaire — et qui était le seul pour lequel on nous préparait —, c’était un système d’abstrac
2508 i les charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure e
2509 s charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte
2510 e dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs besoins. Nous ne croyions pl
2511 s miracles ne trompent que les illettrés, mais qu’ il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée. O
2512 -être matériel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de
2513 ions nous empêcher de croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas de choses douloureusement ennuye
2514 s un tas de choses douloureusement ennuyeuses qui sont dans les livres — et nulle part ailleurs. Maigre nourriture pour nos
91 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 2. Description du monstre
2515 nnues d’anciens camarades d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’autant mieux qu’on était devenus pl
2516 ient changé ! On s’entendait d’autant mieux qu’on était devenus plus différents. Car ces différences sont les premières marqu
2517 tait devenus plus différents. Car ces différences sont les premières marques de la vie vécue et l’on aime à y découvrir la s
2518 urs. Ceux-là n’avaient pas bougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon é
2519 eux-là n’avaient pas bougé. Et pour cause : ils n’ étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un
2520 a pas de solution de continuité, la différence n’ étant qu’une question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire es
2521 ’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand nombre de cas, mais pou
2522 e de le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son incompréhension méthodique des hommes et son mépris po
2523 que des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’ il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’être
2524 des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’être cons
2525 u troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’ être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une façon li
2526 nte d’être consciencieux, à une façon blessante d’ être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une façon
2527 er les choses, à une façon théorique de juger les êtres . Ces distributeurs automatiques (brevetés par le gouvernement) de la
2528 ire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsable, cela se voit de
2529 ir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le pl
2530 faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter
2531 n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensibles au
2532 ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en di
2533 auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas
2534 spect et trémolo d’un môssieu très instruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’un de ces cuistres pédants qu’on aime
2535 ssieu très instruit, vous êtes presque certain qu’ il s’agit d’un de ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des fa
2536 pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où ils sont drôles, mais non point dans la vie courante où ils le sont beauc
2537 ants qu’on aime rencontrer dans des farces où ils sont drôles, mais non point dans la vie courante où ils le sont beaucoup m
2538 nt drôles, mais non point dans la vie courante où ils le sont beaucoup moins. Le Messieu fait sans doute des vers sur la vi
2539 es, mais non point dans la vie courante où ils le sont beaucoup moins. Le Messieu fait sans doute des vers sur la violette,
2540 riodiquement, comme on fait… un rhume de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées modernes sur tous les suje
2541 rhume de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées modernes sur tous les sujets, espécialement sur la pédago
2542 ie. Ce mot revient souvent dans sa conversation ; il le prononce avec un inimitable sérieux, avec un P majuscule. On sent
2543 ent que c’est là son affaire : Monsieur en un mot est M’sieu l’Instituteur. Signes particuliers : cheveux longs, regard pro
2544 ceur. Car le type populaire du poète romantique s’ est dégradé en deux sous-types posthumes : l’artiste photographe et le ré
2545 ne à quoi peut mener l’enseignement donné par des êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque pendant que n
2546 les méthodes. Simple remarque pendant que nous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la
2547 que pendant que nous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est
2548 la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est -ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprègne l’enseignement primaire
2549 ue l’apport des instituteurs, ou bien préexiste-t- il dans les principes mêmes de l’École, et attire-t-il les petits bourge
2550 dans les principes mêmes de l’École, et attire-t- il les petits bourgeois comme le portrait de Numa Droz attirait les mouc
2551 de Numa Droz attirait les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des pe
2552 t ni l’envie de dire du mal des petits bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe quelle autre classe de
2553 l’envie de dire du mal des petits bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe quelle autre classe de la s
2554 prit petit-bourgeois pris abstraitement et tel qu’ il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesquine
2555 t et tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même tit
2556 est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autres maladies dites « sociales »
2557 es personnes, le décor. La laideur des collèges n’ est pas accidentelle. C’est celle même du régime. l’architecture de nos «
2558 un grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’un tel milieu, moral et matériel ? L’école publ
2559 riel ? L’école publique, telle que nous la voyons est semblable à tous ces monuments « de la mauvaise époque » qui sont dan
2560 tous ces monuments « de la mauvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècle. Ils ne parviennent ni à la
2561 ui sont dans nos villes l’apport du xixe siècle. Ils ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodé
2562 ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’
2563 parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’absen
2564 sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un style ; c’est même le
2565 le 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un style ; c’est même le pire.
92 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 3. Anatomie du monstre
2566 ique — on ne me contestera pas ces raisons puisqu’ elles me sont absolument personnelles et qu’elles ont la valeur d’un témoig
2567 ne me contestera pas ces raisons puisqu’elles me sont absolument personnelles et qu’elles ont la valeur d’un témoignage, ni
2568 uisqu’elles me sont absolument personnelles et qu’ elles ont la valeur d’un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je
2569 ont la valeur d’un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un petit examen aux principes de cette
2570 la valeur d’un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un petit examen aux principes de cette inst
2571 ion passionnément détestée. Vous allez voir comme il bafouillent leur « par cœur non compris ». Aux yeux de beaucoup de ge
2572 mpris ». Aux yeux de beaucoup de gens, la passion est aveuglante : cela tient pour une bonne part à ce que ces personnes on
2573 part à ce que ces personnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste de dire que la passion n’a qu’une clairvoyance inté
2574 t à ce que ces personnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste de dire que la passion n’a qu’une clairvoyance intéressée 
2575 a qu’une clairvoyance intéressée : mais celles-là sont les plus vives. Enfin, je tiens à reconnaître qu’ici je ne cherche po
2576 . L’esprit d’équité, avec son préjugé pacifiste n’ est pas toujours l’esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de c
2577 pacifiste n’est pas toujours l’esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la vérité à la
2578 ujours l’esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la vérité à la tranquillité bourgeoise.
2579 se. Je tiens le « gain de paix » pour illusoire : il consiste à repousser la difficulté dans l’avenir, d’une ou deux génér
2580 enir, d’une ou deux générations. Pendant ce temps elle s’aggrave, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans de radicali
2581 uante ans de radicalisme sur les bras. L’écheveau est tellement embrouillé que déjà plusieurs proposent de trancher le nœud
2582 es. La somme et l’arrangement des parties doivent être identiques pour tous les écoliers. Ce plan régit les huit années régl
2583 une vue aussi large que simplifiée. Remarquons qu’ il suffit pour établir ce programme de disposer d’une ou deux feuilles d
2584 ers rectangulaires, bien proprement.) Évidemment, il est préférable de savoir aussi les noms des sciences élémentaires. Ma
2585 rectangulaires, bien proprement.) Évidemment, il est préférable de savoir aussi les noms des sciences élémentaires. Mais i
2586 ir aussi les noms des sciences élémentaires. Mais il n’est en aucune façon nécessaire de connaître la psychologie des enfa
2587 ssi les noms des sciences élémentaires. Mais il n’ est en aucune façon nécessaire de connaître la psychologie des enfants, n
2588 sciences dont on écrit les noms dans les casiers. Est -ce que l’étude du trapézoïde est particulièrement indiquée pour prépa
2589 ans les casiers. Est-ce que l’étude du trapézoïde est particulièrement indiquée pour préparer les élèves à une composition
2590 enfin des rythmes naturels de l’esprit humain, qu’ il se trouve que le Créateur n’a point accordés à l’actuelle division ho
2591 comprenons pas la plaisanterie et que notre temps est précieux. D’ailleurs, les enfants ne se plaignent pas, de quoi vous p
2592 l’esprit de ces enfants… — Mais on nous paye, et ils n’en meurent pas. Les examens Ce sont en principe des « contrôl
2593 ye, et ils n’en meurent pas. Les examens Ce sont en principe des « contrôles » comparables à ceux que l’on établit lor
2594 urveiller. Mais en matière de sport, la tricherie est difficile, tandis qu’à l’école elle est de règle. Car la qualité et l
2595 , la tricherie est difficile, tandis qu’à l’école elle est de règle. Car la qualité et la quantité des réponses « fournies »
2596 tricherie est difficile, tandis qu’à l’école elle est de règle. Car la qualité et la quantité des réponses « fournies » par
2597 nt je disais tout à l’heure que la connaissance n’ est pas exigée de ceux qui établissent les programmes et les examens. « L
2598 plume de divers maîtres primaires et secondaires. Ils n’en sont pas moins devenus le but même de l’instruction ; la fin qui
2599 divers maîtres primaires et secondaires. Ils n’en sont pas moins devenus le but même de l’instruction ; la fin qui justifie
2600 aisanteries de gros calibre, car à la vérité ce n’ est pas d’enseigner qu’il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrô
2601 ibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’ il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l’État, voyons d
2602 nnaissances De l’existence des programmes, qui est un fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (
2603 un fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (réservons le mot d’idéal), découle cette exigence thé
2604 éorique : tous les enfants doivent à tout instant être en mesure 1° d’ingurgiter la même quantité de « matière » ; 2° d’en r
2605 mps. Contentons-nous de remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc sur une tranquille méconnaissa
2606 e ou deux autres bêtises de cette épaisseur, mais il faut reconnaître que jamais on n’avait songé à leur donner une extens
2607 ralentissent et que les plus faibles se forcent. Elle ne convient qu’aux médiocres, dont elle assure le triomphe. L’école s
2608 forcent. Elle ne convient qu’aux médiocres, dont elle assure le triomphe. L’école s’attaque impitoyablement aux natures d’e
2609 régime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand on leur dit que la Suisse est caractérisé
2610 âchent tout rouge quand on leur dit que la Suisse est caractérisée, aux yeux de l’étranger impartial, par sa culture intens
2611 e plus parfait s’appelle le manuel. Un bon manuel est un résumé clair et portatif des résultats actuels d’une science. Le b
2612 u’on commence par apprendre le résumé. D’ailleurs elle s’arrête là. Les manuels ne correspondent à aucune réalité. Ils ne re
2613 à. Les manuels ne correspondent à aucune réalité. Ils ne renferment rien qui soit de première main, rien qui soit authentiq
2614 dent à aucune réalité. Ils ne renferment rien qui soit de première main, rien qui soit authentique. Ils négligent toutes les
2615 nferment rien qui soit de première main, rien qui soit authentique. Ils négligent toutes les particularités, toutes les « pr
2616 soit de première main, rien qui soit authentique. Ils négligent toutes les particularités, toutes les « prises » où pourrai
2617 les « prises » où pourrait s’accrocher l’intérêt. Ils dispensent de tout contact direct avec ce dont ils traitent. Or la va
2618 ls dispensent de tout contact direct avec ce dont ils traitent. Or la valeur éducative des choses n’apparaît qu’à celui qui
2619 raît qu’à celui qui entre en commerce intime avec elles . On apprend plus de deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ai
2620 ’est qu’on ne peut laisser aux élèves le temps qu’ il faut pour assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher l
2621 x élèves le temps qu’il faut pour assimiler ce qu’ ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a
2622 s qu’il faut pour assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’une valeur é
2623 ’il faut pour assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’une valeur éducat
2624 l. Or ce travail n’a qu’une valeur éducatrice : s’ il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles
2625 ce travail n’a qu’une valeur éducatrice : s’il n’ est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce
2626 qu’une valeur éducatrice : s’il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’on nommait a
2627 une valeur éducatrice : s’il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’on nommait autre
2628  : s’il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’on nommait autrefois la belle ouvrage 
2629 tre conception pénitentiaire de l’école. Mais, s’ il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindriss
2630 conception pénitentiaire de l’école. Mais, s’il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindrissent.
2631 . Mais, s’il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindrissent. La discipline scolaire consiste à
2632 s, s’il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindrissent. La discipline scolaire consiste à faire t
2633 mmobiles et muets 6 heures par jour durant 8 ans. Il paraît que cela facilite le travail du maître. Il se peut. Tout dépen
2634 Il paraît que cela facilite le travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il
2635 end de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’ il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces
2636 de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces peti
2637 ue la discipline perd tout son sens éducatif et n’ est plus qu’une entrave énervante, un système de vexations mesquines, pro
2638 ue Tous les pontifes de l’instruction publique sont d’accord sur ce point : l’école primaire doit être une école de Démoc
2639 ont d’accord sur ce point : l’école primaire doit être une école de Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’i
2640 école primaire doit être une école de Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’instruction civique sont insuf
2641 sur le fait que les leçons d’instruction civique sont insuffisantes pour former le petit citoyen : il faut que l’enseigneme
2642 sont insuffisantes pour former le petit citoyen : il faut que l’enseignement tout entier soit occasion de développer les v
2643 citoyen : il faut que l’enseignement tout entier soit occasion de développer les vertus sociales de l’élève. « Une classe e
2644 pper les vertus sociales de l’élève. « Une classe est une société en miniature. » Ceci est une énorme bourde. Juxtaposez tr
2645 « Une classe est une société en miniature. » Ceci est une énorme bourde. Juxtaposez trente enfants sur les bancs d’une sall
2646 e, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à aucun état social existant. Ce qui est vrai, c’est que le fait, abs
2647 que ce soit à aucun état social existant. Ce qui est vrai, c’est que le fait, absolument nouveau dans l’Histoire, que l’on
2648 sme. La culture de l’esprit démocratique telle qu’ elle est comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise aut
2649 La culture de l’esprit démocratique telle qu’elle est comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise autreme
2650 le qu’elle est comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise autrement — est essentiellement négative. Elle
2651 t comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise autrement — est essentiellement négative. Elle consiste à pe
2652 teurs — et elle ne peut être comprise autrement — est essentiellement négative. Elle consiste à persécuter ceux qui, en que
2653 omprise autrement — est essentiellement négative. Elle consiste à persécuter ceux qui, en quelque manière que ce soit, voudr
2654 à persécuter ceux qui, en quelque manière que ce soit , voudraient « se distinguer ». (Le mépris que notre peuple met dans c
2655 té que le bon sens m’eût par ailleurs fait voir : il n’y a pas d’égalité réelle possible tant que la loi est la même pour
2656 y a pas d’égalité réelle possible tant que la loi est la même pour tous. Je ne parle pas des manuels d’histoire, dont il es
2657 ous. Je ne parle pas des manuels d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent une image mensongère de l’anc
2658 . Je ne parle pas des manuels d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent une image mensongère de l’ancienn
2659 s d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ ils donnent une image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du peupl
2660 ’usage du peuple souverain qui ne manque pas d’en être flatté. Et puis, quelle est cette préparation à la vie qui commence p
2661 i ne manque pas d’en être flatté. Et puis, quelle est cette préparation à la vie qui commence par nous soustraire à l’influ
2662 nous soustraire à l’influence de la vie ? Quelle est cette éducation sociale qui enlève l’enfant à la famille ?5 Quel est
2663 sociale qui enlève l’enfant à la famille ?5 Quel est cet instrument de perfectionnement civique qui assure l’écrasement de
2664 on élève Le bon sens voudrait que le bon élève soit celui qui sait utiliser pour son profit humain la petite somme de con
2665 , ni plus ni moins.) Ou encore : que le bon élève soit celui qui supporte le mieux le traitement scolaire ; celui dont la va
2666 ées par l’école publique. Mais l’idéal de l’école est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit
2667 ole publique. Mais l’idéal de l’école est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit tout de nob
2668 publique. Mais l’idéal de l’école est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit tout de nobless
2669 est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’ il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonne
2670 même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de
2671 et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’ il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une préméditation de méd
2672 grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’ est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une préméditation de médiocrit
2673 puis m’empêcher de trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a de bons points. Or les bons points vont aux parfaits imit
2674 iver. Déjà la terre a revêtu son blanc manteau. » Elle aura 10 sur 10. Mais on donnera 3 sur 10 à Sylvie Z pour avoir trouvé
2675 a 3 sur 10 à Sylvie Z pour avoir trouvé : « Quant il neige, c’est comme des petits morceaux de vouate. » Il est évident qu
2676 ige, c’est comme des petits morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la mesure où l’
2677 , c’est comme des petits morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la mesure où l’inve
2678 s morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la mesure où l’invention est supérieure à
2679 périeure à Victoria dans la mesure où l’invention est supérieure à l’imitation. Mais Victoria montre une âme docile, un ras
2680 de ceux qui voient avec leurs yeux. Le bon élève est aussi l’élève discipliné. L’école veut que partout la valeur cède le
2681 eut que partout la valeur cède le pas à la règle. Elle cherche à développer chez nos petits Helvètes un légalisme écœurant6,
2682 mbéciles ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantage des gens en place, vieille histoire. On m’objectera s
2683 -thème, voire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit de réussites qui, pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’amb
2684 un grand nombre de régents, ne laissent pas que d’ être assez spéciales. Il arrive en effet que nos petits futurs grrrands ci
2685 ents, ne laissent pas que d’être assez spéciales. Il arrive en effet que nos petits futurs grrrands citoyens ayant accompl
2686 bons élèves de diverses classes d’un collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité de leur jugement s
2687 er que la force et l’originalité de leur jugement sont en raison inverse du nombre d’années d’instruction publique qu’ils on
2688 erse du nombre d’années d’instruction publique qu’ ils ont subies. Le dilemme J’ai indiqué que les principes de l’inst
2689 là, renonçant pour cette fois à démontrer, ce qui serait facile, qu’ils constituent une inversion méthodique de toutes les loi
2690 cette fois à démontrer, ce qui serait facile, qu’ ils constituent une inversion méthodique de toutes les lois divines et hu
2691 thode d’abâtardissement de la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes dérivent nécessairement du fa
2692 de d’abâtardissement de la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes dérivent nécessairement du fait q
2693 cipes dérivent nécessairement du fait que l’école est publique, obligatoire, et soumise au contrôle de l’État. Alors ? Ou
2694 vous combattez l’instruction publique — mais vous êtes , de ce fait, contre le régime. Il y a là, dirait M. Prudhomme, un bie
2695 M. Prudhomme, un bien grave dilemme. 4. Ce ne sont pas seulement les meilleurs qui sont sacrifiés. Voici ce que M. E. Du
2696 4. Ce ne sont pas seulement les meilleurs qui sont sacrifiés. Voici ce que M. E. Duvillard dit des enfants peu doués pou
2697 École de demain, Genève, Kündig, 1918, p. 12. 5. Il est peut-être avantageux dans certains cas de soustraire l’enfant à l
2698 le de demain, Genève, Kündig, 1918, p. 12. 5. Il est peut-être avantageux dans certains cas de soustraire l’enfant à l’inf
2699 re ? 6. Justice démocratique, égalité, légalité, sont les meilleures armes de la bassesse contre toute valeur réelle, absol
93 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 4. L’illusion réformiste
2700 L’illusion réformiste Bien entendu, tout cela a été dit. (Un peu autrement, j’en conviens.) On n’a pas attendu ma colère
2701 olère pour entreprendre ce travail de démolition. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir l’abondante littérature publ
2702 incipe de l’instruction publique. Les réformes qu’ ils ont proposées jusqu’ici sont en général judicieuses, dictées par le b
2703 ique. Les réformes qu’ils ont proposées jusqu’ici sont en général judicieuses, dictées par le bon sens7 et retouchées par le
2704 toute science. On a constaté que l’école actuelle est fondée sur une remarquable ignorance de la psychologie infantile. Où
2705 oulu apporter de la science. Mais c’est un art qu’ il faudrait. Sinon l’on retombera dans des absurdités. On a créé par exe
2706 es noms des rues et places de leur ville, comme s’ ils étaient tous destinés à la profession de chauffeurs de taxi. Si cette
2707 oms des rues et places de leur ville, comme s’ils étaient tous destinés à la profession de chauffeurs de taxi. Si cette concept
2708 de taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à craindre que l’école nouvelle n’apporte bientôt sa méthode rati
2709 taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à craindre que l’école nouvelle n’apporte bientôt sa méthode rationne
2710 s déponents ; désormais l’étude des verbes actifs sera aussi active, un élève se mettra à marcher dans le couloir en s’écria
2711 nt le meilleur parti possible de l’exercice ; car il ne manque à ce système, avouez-le, que juste la spontanéité nécessair
2712 ue juste la spontanéité nécessaire pour que ça ne soit pas une lourde farce. Ces exagérations ne sont pas bien graves, parce
2713 ne soit pas une lourde farce. Ces exagérations ne sont pas bien graves, parce qu’elles sont comiques précisément. Je ferai à
2714 es exagérations ne sont pas bien graves, parce qu’ elles sont comiques précisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’
2715 gérations ne sont pas bien graves, parce qu’elles sont comiques précisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’une a
2716 l’école nouvelle un reproche d’une autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux enfants en leur rendant le travail
2717 ant la possibilité de trouver par eux-mêmes ce qu’ ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’une liberté méthodiquement organ
2718 ar eux-mêmes ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’ est -ce qu’une liberté méthodiquement organisée ? En réalité, cet amusemen
2719 donne à ses ouvriers un second dimanche, afin qu’ ils consomment deux fois plus de machines. Jeu du chat avec la souris. On
2720 êmes de sa liberté. « Instruire en amusant » peut être la formule d’une tromperie subtile et plus grave que la brutalité pri
2721 et plus grave que la brutalité primaire, parce qu’ elle n’excite pas de réaction vive de la part des écoliers. Enfin, je n’ai
2722 pas qu’on traite le gosse comme un organisme dont il s’agit d’obtenir le rendement le plus élevé. On cultive les petits d’
2723 ts… Je reconnais que les buts de l’école nouvelle sont honnêtement scientifiques, et désintéressés. Mais l’enfant-cobaye vau
2724 -citoyen. Moi je voudrais l’enfant tout court. Or il paraît que c’est très dangereux. Néanmoins je soupçonne dans tous ces
2725 us ces mouvements des possibilités lointaines qui sont pour me plaire ; un grignotement du système officiel qui pourrait bie
2726 e songe au maître antique, dont toute la personne était un enseignement, et qui n’avait pas des élèves, mais des disciples. C
2727 nce spirituelle. Qui sait ?… En attendant, puisqu’ il faut attendre, je salue ces jeunes gens qui appliquent avec ferveur l
2728 uent des programmes, et dont les classes joyeuses sont de vraies foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur f
2729 dont les classes joyeuses sont de vraies foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur faire remarquer d’autant
2730 e leur faire remarquer d’autant plus librement qu’ ils trahissent le dessein profond de l’instruction publique, qu’ils trahi
2731 le dessein profond de l’instruction publique, qu’ ils trahissent leur mission officielle. Ils éduquent de futurs anarchiste
2732 lique, qu’ils trahissent leur mission officielle. Ils éduquent de futurs anarchistes8, bravo ! Mais ce qu’on leur avait con
2733 ents et organisés. Je crains que ce malentendu ne soit décidément trop gros pour échapper plus longtemps à MM. les Inspecteu
2734 progresse qu’à la faveur de malentendus (si tant est qu’il progresse). L’école nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire q
2735 sse qu’à la faveur de malentendus (si tant est qu’ il progresse). L’école nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire qu’à la
2736 as. Mais du point de vue de la vérité, force nous est de reconnaître que notre dilemme subsiste dans son intégrité et son u
94 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 5. La machine à fabriquer des électeurs
2737 e. Je demande seulement qu’on m’explique pourquoi il triomphe et se perpétue ; de quel droit il nous écrase. La réponse es
2738 urquoi il triomphe et se perpétue ; de quel droit il nous écrase. La réponse est simple, terriblement simple : du droit de
2739 rpétue ; de quel droit il nous écrase. La réponse est simple, terriblement simple : du droit de la Démocratie. L’instructio
2740 mocratie. L’instruction publique et la Démocratie sont sœurs siamoises. Elles sont nées en même temps. Elles ont cru et embe
2741 n publique et la Démocratie sont sœurs siamoises. Elles sont nées en même temps. Elles ont cru et embelli d’un même mouvement
2742 ique et la Démocratie sont sœurs siamoises. Elles sont nées en même temps. Elles ont cru et embelli d’un même mouvement. Mor
2743 t sœurs siamoises. Elles sont nées en même temps. Elles ont cru et embelli d’un même mouvement. Morigéner l’une c’est faire p
2744 que dit l’une, c’est savoir ce que l’autre pense. Elles ne mourront qu’ensemble. Il n’y aura qu’une oraison. Laïque. J’entend
2745 que l’autre pense. Elles ne mourront qu’ensemble. Il n’y aura qu’une oraison. Laïque. J’entends qu’on ne me conteste pas c
2746 . J’entends qu’on ne me conteste pas cette thèse. Elle est glorifiée dans tous les banquets officiels par des orateurs émus
2747 ntends qu’on ne me conteste pas cette thèse. Elle est glorifiée dans tous les banquets officiels par des orateurs émus et i
2748 uve correspondre à des faits patents et simples ; il serait vraiment dommage de priver ces Messieurs d’une aubaine pour eu
2749 correspondre à des faits patents et simples ; il serait vraiment dommage de priver ces Messieurs d’une aubaine pour eux si ra
2750 est que la Démocratie sans l’instruction publique est pratiquement irréalisable. Ici, je demanderai poliment au lecteur de
2751 a n’irait pas sans quelque indécence. Et d’abord, il faut pouvoir lire, écrire et compter pour suivre la campagne électora
2752 , voter et truquer légalement les votes. Ensuite, il faut de l’histoire, et de l’instruction civique, pour qu’on sache à q
2753 ique, pour qu’on sache à quoi cela rime. Ensuite, il faut une discipline sévère dès l’enfance pour façonner des contribuab
2754 ur façonner des contribuables inoffensifs. Enfin, il faut un nombre considérable de leçons, et le plus longtemps possible,
2755 it pas le temps de se rendre compte que tout cela est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps d’écouter la nature qui répète
2756 fois, une seule fois, sait bien que tout le reste est absurde. Et voilà pour les sœurs siamoises. Continuons. La démocratie
2757 ocratie doit à l’École de vivre encore. Mais ce n’ est de la part de notre Institutrice qu’un rendu. Car dans ce monde-là « 
2758 endu. Car dans ce monde-là « tout se paye » comme ils disent avec une satisfaction sordide et mal dissimulée. Certes, je ne
2759 tion publique aient eu pleine conscience de ce qu’ ils faisaient — et je les excuse pour autant10. Je dis simplement ceci :
2760 autant10. Je dis simplement ceci : leur œuvre n’a été possible que parce qu’elle était liée aux intérêts de la démocratie.
2761 t ceci : leur œuvre n’a été possible que parce qu’ elle était liée aux intérêts de la démocratie. Car il faut bien se représe
2762 i : leur œuvre n’a été possible que parce qu’elle était liée aux intérêts de la démocratie. Car il faut bien se représenter q
2763 lle était liée aux intérêts de la démocratie. Car il faut bien se représenter qu’elle n’était encore au xviiie siècle qu’
2764 la démocratie. Car il faut bien se représenter qu’ elle n’était encore au xviiie siècle qu’une utopie de partisans. Il ne se
2765 cratie. Car il faut bien se représenter qu’elle n’ était encore au xviiie siècle qu’une utopie de partisans. Il ne serait guè
2766 ore au xviiie siècle qu’une utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’hui qu’on répande univer
2767 xviiie siècle qu’une utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’hui qu’on répande universellement
2768 atoirement l’art du saxophone ou de la balalaïka. Soyez certains qu’il ne manque à cette plaisanterie, pour prendre corps, qu
2769 u saxophone ou de la balalaïka. Soyez certains qu’ il ne manque à cette plaisanterie, pour prendre corps, que l’appui intér
2770 e notre instrument de progrès par excellence. Car il n’est qu’une explication vraisemblable de cette incurie : l’école, so
2771 re instrument de progrès par excellence. Car il n’ est qu’une explication vraisemblable de cette incurie : l’école, sous sa
2772 it suffisamment son rôle politique et social, qui est de fabriquer des électeurs (si possible radicaux, en tout cas démocra
2773 emen et rendait des tommies. La machine scolaire, elle , dévore des enfants tout vifs et rend des citoyens à l’œil torve. Dur
2774 il torve. Durant l’opération, tous les crânes ont été décervelés et dotés d’une petite mécanique à quatre sous qui suffit à
2775 taux qui peuvent apparaître chez les enfants ? Ce serait de l’art pour l’art. On ne peut pas en demander tant aux gouvernement
2776 vernements. La réforme scolaire, politiquement, n’ est pas rentable. Il est clair que si le but principal de l’instruction p
2777 orme scolaire, politiquement, n’est pas rentable. Il est clair que si le but principal de l’instruction publique était d’é
2778 e scolaire, politiquement, n’est pas rentable. Il est clair que si le but principal de l’instruction publique était d’éduqu
2779 que si le but principal de l’instruction publique était d’éduquer le peuple d’une façon désintéressée, les gouvernements sera
2780 uple d’une façon désintéressée, les gouvernements seraient un peu plus fous qu’on n’ose les imaginer de ne pas entreprendre sur
2781 r l’heure une véritable révolution scolaire ; car il ne faudrait pas moins pour que l’école rattrape l’époque… Mais les go
2782 ape l’époque… Mais les gouvernements savent ce qu’ ils font. Tout se tient, comme vous dites, sans doute pour m’ôter l’envie
2783 oute pour m’ôter l’envie de bousculer quoi que ce soit . J’aime les tremblements de terre, vous tombez mal. J’appartiens à ce
2784 . Et quand vous les démoliriez tous, ma rage n’en serait pas moins légitime. Je lui donne raison par définition. Après tout, p
2785 gies politiques, et peu m’importerait que l’École soit une machine à fabriquer de la démocratie — si je ne sentais menacées
2786 e tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement de l’évolution dont je viens de décrire la marche néc
2787 ourgeois. Essayer de venir me dire ça chez moi, n’ est -ce pas, mes agneaux. C’est justement dans la mesure où je participais
2788 peuple souffrent moins d’un tel régime, c’est qu’ ils n’ont pas d’eux-mêmes une connaissance aussi sensible. Ils ignorent c
2789 pas d’eux-mêmes une connaissance aussi sensible. Ils ignorent ce qu’étiolent en eux les droits de l’homme. Mais attendez,
2790 attendez, si quelques-uns allaient se réveiller… Il suffit d’un peu de chaleur d’âme pour amorcer le dégel de ces princip
2791 our amorcer le dégel de ces principes, et ce peut être le signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a de révolution vé
2792 être le signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a de révolution véritable que de la sensibilité. (Le jour où l’on
2793 où l’on culbutera ces Messieurs de leurs sièges, ils comprendront le sens des images.) 9. J’emploie ce mot au sens fort,
2794 ésente. 10. Voir note A à la fin du cahier. 11. Est -il besoin de déclarer formellement qu’une telle attitude n’est en auc
2795 te. 10. Voir note A à la fin du cahier. 11. Est- il besoin de déclarer formellement qu’une telle attitude n’est en aucune
2796 de déclarer formellement qu’une telle attitude n’ est en aucune façon tributaire de l’idéologie réactionnaire à la mode. Ma
95 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 6. La trahison de l’instruction publique
2797 , le procureur prit un ton plus grave.) L’école s’ est vendue à des intérêts politiques. C’était là, nous venons de le voir,
2798 venons de le voir, son unique moyen de parvenir. Elle participe donc sur une vaste échelle à cette « Trahison des clercs »
2799 oque paiera cher ce crime contre la civilisation. Elle ne croit plus qu’au péché contre les lois sociales, eh bien ! elle ap
2800 s qu’au péché contre les lois sociales, eh bien ! elle apprendra que le seul péché qui n’a pas de pardon c’est le péché cont
2801 on c’est le péché contre l’Esprit. Aujourd’hui qu’ il suffit d’un peu de bon sens et d’information pour jouer au prophète,
2802 s promet de tous côtés de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouissent mauvaisement. (« C’est bien fait. C’étai
2803 cole prétend ouvertement nous éduquer. D’ailleurs elle y est obligée dans la mesure où elle réalise son ambition : soustrair
2804 étend ouvertement nous éduquer. D’ailleurs elle y est obligée dans la mesure où elle réalise son ambition : soustraire les
2805 . D’ailleurs elle y est obligée dans la mesure où elle réalise son ambition : soustraire les enfants à l’Église et à la fami
2806 ais schématiques. Or l’École radicale ne peut pas être idéaliste : car elle deviendrait un danger pour le désordre établi. L
2807 l’École radicale ne peut pas être idéaliste : car elle deviendrait un danger pour le désordre établi. L’idéalisme est forcém
2808 it un danger pour le désordre établi. L’idéalisme est forcément révolutionnaire dans un monde organisé pour la production.
2809 ion. Ceci fait, constatez avec moi que la famille était encore un milieu naturel, donc normatif. Le collège au contraire est
2810 u naturel, donc normatif. Le collège au contraire est un milieu antinaturel, et les normes sociales qu’on prétend y substit
2811 qu’on prétend y substituer à celles de la famille sont falsifiées. Non seulement l’École ne constitue pas le pôle idéaliste
2812 st l’aspect négatif de sa trahison —, mais encore elle tend à développer tout ce qu’il y a de spécifiquement malfaisant dans
2813 alfaisant dans l’esprit moderne. C’est sa façon à elle de répondre aux besoins de l’époque. Pauvre époque ! On parle sans ce
2814 uvre époque ! On parle sans cesse de ses besoins. Il est vrai qu’elle est anormalement insatiable… Je crois qu’elle a surt
2815 e époque ! On parle sans cesse de ses besoins. Il est vrai qu’elle est anormalement insatiable… Je crois qu’elle a surtout
2816 n parle sans cesse de ses besoins. Il est vrai qu’ elle est anormalement insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin d’une
2817 le sans cesse de ses besoins. Il est vrai qu’elle est anormalement insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin d’une purg
2818 qu’elle est anormalement insatiable… Je crois qu’ elle a surtout besoin d’une purge violente qui chasse ce ver solitaire du
2819 je répondrai que dans la mesure où cette exigence est satisfaite naît un nouveau besoin qui est précisément d’échapper à ce
2820 xigence est satisfaite naît un nouveau besoin qui est précisément d’échapper à cette organisation. Or il semble bien que no
2821 t précisément d’échapper à cette organisation. Or il semble bien que nous en soyons-là, s’il faut en croire les signes de
2822 cette organisation. Or il semble bien que nous en soyons -là, s’il faut en croire les signes de révolte qui apparaissent de tou
2823 ation. Or il semble bien que nous en soyons-là, s’ il faut en croire les signes de révolte qui apparaissent de toutes parts
2824 nne les germes d’une renaissance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favorise le culte exclusif de l’utile, l’i
2825 s d’une renaissance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favorise le culte exclusif de l’utile, l’incompréhensio
2826 sance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favorise le culte exclusif de l’utile, l’incompréhension brutale de l
2827 lles, l’habitude de l’ersatz et du travail bâclé. Elle apprend à lire les journaux, mais en même temps que cette drogue, ell
2828 es journaux, mais en même temps que cette drogue, elle devrait fournir son contrepoison. Au contraire, elle prépare de consc
2829 e devrait fournir son contrepoison. Au contraire, elle prépare de consciencieuses poires, des esclaves du mot. Il est clair,
2830 e de consciencieuses poires, des esclaves du mot. Il est clair, par exemple, que seules les victimes de l’instruction helv
2831 e consciencieuses poires, des esclaves du mot. Il est clair, par exemple, que seules les victimes de l’instruction helvétiq
2832 e seules les victimes de l’instruction helvétique sont capables d’absorber sans fou rire les discours de tirs fédéraux. On a
2833 de travaux forcés. L’école donne à l’enfant ce qu’ il faut pour se résigner à l’état de citoyen bagnard auquel il est promi
2834 ur se résigner à l’état de citoyen bagnard auquel il est promis. Mais elle tue tout ce qui lui donnerait l’envie de se lib
2835 se résigner à l’état de citoyen bagnard auquel il est promis. Mais elle tue tout ce qui lui donnerait l’envie de se libérer
2836 tat de citoyen bagnard auquel il est promis. Mais elle tue tout ce qui lui donnerait l’envie de se libérer — et peut-être le
2837 fais le procès de la bêtise humaine qu’en tant qu’ elle est cultivée par l’État), l’École, après avoir entraîné l’âme moderne
2838 le procès de la bêtise humaine qu’en tant qu’elle est cultivée par l’État), l’École, après avoir entraîné l’âme moderne dan
2839 y enferme et l’y laisse crever de faim. Par ce qu’ elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’elle enseigne à connaître,
2840 u’elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’ elle enseigne à connaître, elle constitue la plus grande force antireligie
2841 ien plus que par ce qu’elle enseigne à connaître, elle constitue la plus grande force antireligieuse de ce temps. L’instruct
96 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 7. L’Instruction publique contre le progrès
2842 qui a meilleure façon que le reste, pensez-vous. Il faut avouer qu’avec ce je ne sais quoi de déclamatoire, de… journalis
2843 et d’ailleurs vous aimez les idées généreuses, n’ est -ce pas ? J’en étais sûr. Cependant j’ai peur que mon progrès ne soit
2844 s aimez les idées généreuses, n’est-ce pas ? J’en étais sûr. Cependant j’ai peur que mon progrès ne soit pas le vôtre, et mêm
2845 étais sûr. Cependant j’ai peur que mon progrès ne soit pas le vôtre, et même que sa nature ne l’entraîne dans une direction
2846 ir inventé un instrument de progrès : encore faut- il le mettre en marche. Et où le conduire ? Il y a beaucoup de routes, m
2847 érez le sur-place. Ainsi l’instruction publique s’ est arrêtée aux environs de 1880 et depuis lors n’a guère bougé. Le moteu
2848 blic s’aperçoit que « l’instrument de progrès » n’ est qu’un camouflage à l’abri duquel on distille du radicalisme intégral.
2849 observer que beaucoup des servants de la machine sont socialistes : voilà qui ne change pas le rendement, j’imagine, ni la
2850 e de 6 ans, à ne se point poser de questions dont ils n’aient appris par cœur la réponse. Regardez un écolier préparer ses
2851 un écolier préparer ses devoirs, c’est frappant : il apprend les questions aussi bien que les réponses. J’avoue que je tro
2852 rt : avoir obtenu un conformisme de la curiosité. Il est vrai qu’il ne fallait pas moins pour assurer la sécurité d’un rég
2853 : avoir obtenu un conformisme de la curiosité. Il est vrai qu’il ne fallait pas moins pour assurer la sécurité d’un régime
2854 nu un conformisme de la curiosité. Il est vrai qu’ il ne fallait pas moins pour assurer la sécurité d’un régime établi dans
2855 auteuils ; car un peuple d’électeurs fantaisistes serait parfois tenté de retirer brusquement ces sièges, farce connue et qui
2856 celle-ci : je prétends que l’instruction publique est une puissance conservatrice. — Pas moins ! Elle est destinée à légiti
2857 ue est une puissance conservatrice. — Pas moins ! Elle est destinée à légitimer par la force de l’inertie et à perpétuer méc
2858 t une puissance conservatrice. — Pas moins ! Elle est destinée à légitimer par la force de l’inertie et à perpétuer mécaniq
2859 ’inertie et à perpétuer mécaniquement tout ce qui est depuis Numa Droz. Conservatrice, et non pas réactionnaire, non, même
2860 e réaction collaborent à leur manière au progrès, elles corrigent, stimulent, vivifient. L’École se contente d’être figée. Es
2861 gent, stimulent, vivifient. L’École se contente d’ être figée. Est-ce un frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’enlise
2862 ent, vivifient. L’École se contente d’être figée. Est -ce un frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’enlise notre civil
2863 rver des siècles encore… Or si je dis que l’École est contre le progrès, c’est que le progrès consiste à dépasser la Démocr
2864 int de le dire, avec ce sens exquis du cliché qui est un hommage à vos maîtres respectés. La Démocratie, par le moyen de l’
2865 ’instruction publique, limite l’homme au citoyen. Il s’agit donc de dépasser le citoyen, de retrouver l’homme tout entier.
2866 e opération deux temps : d’abord critiquer ce qui est — par la comparaison avec ce qui fut, ou ce qui devrait être ; ensuit
2867 iquer ce qui est — par la comparaison avec ce qui fut , ou ce qui devrait être ; ensuite, préparer le terrain pour les jeux
2868 la comparaison avec ce qui fut, ou ce qui devrait être  ; ensuite, préparer le terrain pour les jeux nouveaux que l’humanité
2869 social correspond à un recul humain. Par exemple, est -ce un progrès que d’avoir remplacé les hiérarchies de tradition, avec
2870 t de grandeur que ce mot comporte — quelles qu’en soient d’ailleurs les réalisations —, par des hiérarchies rond-de-cuiresques
2871 des hiérarchies rond-de-cuiresques dont l’origine est un pis-aller, dont la méthode est le tirage au flanc lucratif, dont l
2872 dont l’origine est un pis-aller, dont la méthode est le tirage au flanc lucratif, dont l’esprit est la jalousie rancie arm
2873 de est le tirage au flanc lucratif, dont l’esprit est la jalousie rancie armée de pédantisme, et je ne parle pas du décor,
2874 critique du fonctionnarisme, vous alliez le dire, est un ramassis de lieux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup q
2875 z le dire, est un ramassis de lieux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup que la majorité des électeurs les consi
2876 a fait remarquer que la plupart des intellectuels sont convertis depuis longtemps à ces idées antidémocratiques : il est tem
2877 depuis longtemps à ces idées antidémocratiques : il est temps qu’elles débordent ce cercle étroit et distingué. Il y a de
2878 puis longtemps à ces idées antidémocratiques : il est temps qu’elles débordent ce cercle étroit et distingué. Il y a de gra
2879 s à ces idées antidémocratiques : il est temps qu’ elles débordent ce cercle étroit et distingué. Il y a de grands balayages à
2880 mportera toutes ces statistiques et ces journaux, il en restera toujours assez pour allumer des feux de joie, etc. Bon. Su
2881 onse que je lui réserve ? L’instruction publique est la forme la plus commune de la peste rationaliste qui sévit dans le m
2882 a notion de démocratie, vous trouvez bien vite qu’ elle repose sur des postulats rationalistes. En vérité, démocratie et rati
2883 alistes. En vérité, démocratie et rationalisme ne sont que deux aspects, l’un politique, l’autre intellectuel, d’une même me
2884 ique, l’autre intellectuel, d’une même mentalité. Elle s’est développée au xviiie dans l’aristocratie qui n’y voyait qu’un
2885 ’autre intellectuel, d’une même mentalité. Elle s’ est développée au xviiie dans l’aristocratie qui n’y voyait qu’un jeu. D
2886 ie qui n’y voyait qu’un jeu. Durant tout le xixe elle est descendue dans la bourgeoisie et dans le peuple ; elle y est deve
2887 i n’y voyait qu’un jeu. Durant tout le xixe elle est descendue dans la bourgeoisie et dans le peuple ; elle y est devenue
2888 descendue dans la bourgeoisie et dans le peuple ; elle y est devenue une tyrannie. Avant il y avait la Raison et les sentime
2889 ue dans la bourgeoisie et dans le peuple ; elle y est devenue une tyrannie. Avant il y avait la Raison et les sentiments. M
2890 s empêche de devenir autre chose que des utopies. Il s’agit donc en premier lieu de le démasquer et de le pourchasser dans
2891 première tâche constitue un programme si riche qu’ il est superflu d’en formuler une seconde. Laissons ce soin, à des génér
2892 mière tâche constitue un programme si riche qu’il est superflu d’en formuler une seconde. Laissons ce soin, à des génératio
2893 gélienne ; on y retrouve facilement les triades : être —négation de l’être — nouvel être. Notre époque serait le deuxième te
2894 ouve facilement les triades : être —négation de l’ être — nouvel être. Notre époque serait le deuxième temps d’une de ces tri
2895 t les triades : être —négation de l’être — nouvel être . Notre époque serait le deuxième temps d’une de ces triades. Son rati
2896 e —négation de l’être — nouvel être. Notre époque serait le deuxième temps d’une de ces triades. Son rationalisme nie l’être s
2897 emps d’une de ces triades. Son rationalisme nie l’ être sous toutes ses formes, traduit tout en relations et veut rendre tout
2898 lui, calculables, chiffrables. Dans la mesure où il y parvient, il tue les existences particulières, ou bien c’est qu’ell
2899 es, chiffrables. Dans la mesure où il y parvient, il tue les existences particulières, ou bien c’est qu’elles sont déjà mo
2900 ue les existences particulières, ou bien c’est qu’ elles sont déjà mortes. Mais le temps vient où elles renaîtront à une vie n
2901 existences particulières, ou bien c’est qu’elles sont déjà mortes. Mais le temps vient où elles renaîtront à une vie nouvel
2902 qu’elles sont déjà mortes. Mais le temps vient où elles renaîtront à une vie nouvelle et plus complète, à un degré supérieur
2903 périeur d’inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’intégrer la raison. Je crois que nous approch
2904 vous voir demander à un sujet de Louis XIV ce qu’ il concevait à la place de la royauté absolue. Il eût fallu certes une i
2905 qu’il concevait à la place de la royauté absolue. Il eût fallu certes une imagination prodigieuse au dit sujet pour se rep
2906 seau, à la veille de la Révolution, soupçonnaient- ils que la république qu’ils appelaient serait livrée cent ans plus tard
2907 évolution, soupçonnaient-ils que la république qu’ ils appelaient serait livrée cent ans plus tard à peine à la folie démocr
2908 çonnaient-ils que la république qu’ils appelaient serait livrée cent ans plus tard à peine à la folie démocratique, à cette da
2909 déjà secrètement, que ce mépris et ce scepticisme sont d’un ridicule écrasant, sous lequel vous ne tarderez pas à périr. 1
97 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Appendice. Utopie
2910 s rassurer quant à ma santé mentale.) La question est de savoir si nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou des pant
2911 santé mentale.) La question est de savoir si nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiend
2912 s s’accordent sur un point : le salut de l’Europe est lié à la naissance d’une nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à d
2913 ilà bien ce que l’École empêche même de concevoir Elle cultive ce qu’il y a d’anti-irrationnel dans la nature de l’homme. El
2914 y a d’anti-irrationnel dans la nature de l’homme. Elle punit froidement la spontanéité et l’invention. Elle dénature le sens
2915 e punit froidement la spontanéité et l’invention. Elle dénature le sens de la liberté. Elle détruit tout ce qui permettrait
2916 l’invention. Elle dénature le sens de la liberté. Elle détruit tout ce qui permettrait d’échapper à la mécanique. Bref, elle
2917 qui permettrait d’échapper à la mécanique. Bref, elle perpétue ce manque d’imagination dont les conséquences seront matérie
2918 tue ce manque d’imagination dont les conséquences seront matériellement catastrophiques pour peu que cela continue. Qu’on ne s
2919 qui tient lieu d’imagination à l’homme moderne n’ est pas créateur d’êtres spirituellement vivants, ni d’aucune grandeur su
2920 magination à l’homme moderne n’est pas créateur d’ êtres spirituellement vivants, ni d’aucune grandeur supérieure à la somme d
2921 e grandeur supérieure à la somme de ses éléments. Il n’engendre pas, il ajuste. Quand nous aurons épuisé toutes les combin
2922 re à la somme de ses éléments. Il n’engendre pas, il ajuste. Quand nous aurons épuisé toutes les combinaisons de vitesse e
2923 uction publique. Cela promet des grabuges inouïs. Il ne tient peut-être qu’à une forte équipe d’idéalistes pratiques d’en
2924 e d’une civilisation aux ordres de l’Esprit. Mais il faudrait que dès maintenant se constituent ces élites, et cela ne se
2925 ants de l’ordre spirituel retrouvent le courage d’ être , malgré les mots14, des anarchistes et des utopistes. J’appelle anarc
2926 des utopistes. J’appelle anarchiste, tout ce qui est violemment et intégralement humain. L’anarchie est un degré d’intensi
2927 st violemment et intégralement humain. L’anarchie est un degré d’intensité dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste,
2928 extrémiste, de droite comme de gauche, se trouve être dans une certaine mesure un anarchiste s’il défend son opinion de tou
2929 uve être dans une certaine mesure un anarchiste s’ il défend son opinion de toutes ses forces. Mais c’est un anarchiste de
2930 un anarchiste embrigadé. L’anarchiste que j’aime est simplement un homme libre qui a une foi (ou un amour) et qui s’y cons
2931 l’inventeur. Les sots vont répétant que c’est un être qui ignore le réel. C’est justement parce qu’il le connaît mieux qu’e
2932 être qui ignore le réel. C’est justement parce qu’ il le connaît mieux qu’eux qu’il y a vu des fissures et des possibilités
2933 ignifie pas s’y soumettre sans combat. L’utopiste est celui qui ne se résigne à aucun état de choses. Il est pour le « mieu
2934 t celui qui ne se résigne à aucun état de choses. Il est pour le « mieux » contre le « bien ». Sans lui l’humanité s’avach
2935 elui qui ne se résigne à aucun état de choses. Il est pour le « mieux » contre le « bien ». Sans lui l’humanité s’avachirai
2936 Sans lui l’humanité s’avachirait totalement. Mais il est dans l’ordre qu’elle beugle longuement tout en le suivant. Que fa
2937 s lui l’humanité s’avachirait totalement. Mais il est dans l’ordre qu’elle beugle longuement tout en le suivant. Que faire,
2938 vachirait totalement. Mais il est dans l’ordre qu’ elle beugle longuement tout en le suivant. Que faire, diront les gens de b
2939 us, pour l’esprit le plus dangereusement plat qui soit . (Il est plus que plat : il est creux.) Si beaucoup de personnes répo
2940 r l’esprit le plus dangereusement plat qui soit. ( Il est plus que plat : il est creux.) Si beaucoup de personnes répondent
2941 ’esprit le plus dangereusement plat qui soit. (Il est plus que plat : il est creux.) Si beaucoup de personnes répondent oui
2942 ereusement plat qui soit. (Il est plus que plat : il est creux.) Si beaucoup de personnes répondent oui, cela finira par c
2943 usement plat qui soit. (Il est plus que plat : il est creux.) Si beaucoup de personnes répondent oui, cela finira par créer
2944 nion. Et l’opinion publique mène le monde, paraît- il . À ce propos : que les journalistes s’engagent désormais à ne publier
2945 ne perce leur mépris pour l’instruction publique. Ils peuvent dire ce qu’ils veulent à propos de n’importe quoi, comme on s
2946 ur l’instruction publique. Ils peuvent dire ce qu’ ils veulent à propos de n’importe quoi, comme on sait, et ils auraient là
2947 ent à propos de n’importe quoi, comme on sait, et ils auraient là l’occasion de racheter bien des choses. Ce n’est rien de
2948 t là l’occasion de racheter bien des choses. Ce n’ est rien de moins qu’une rédemption du journalisme, ce que je propose-là.
2949 d’une réforme suffisante. C’est une révolution qu’ il faut. Alors, supprimer les écoles, raser les collèges, renvoyer les i
2950 ire et on lui bourre le crâne pour l’en empêcher. Il s’agit de lui faire comprendre que l’école est le plus gros obstacle
2951 er. Il s’agit de lui faire comprendre que l’école est le plus gros obstacle à sa culture. Et c’est cela, préparer le terrai
2952 Et c’est cela, préparer le terrain. D’autre part, il faut partir de ce qui est. Mais comment retourner contre l’ennemi ses
2953 e terrain. D’autre part, il faut partir de ce qui est . Mais comment retourner contre l’ennemi ses propres batteries ? Autre
2954 es mortes. Une technique spirituelle. Et puis, qu’ il en fasse ce qu’il voudra. Les Orientaux appellent yoga cette culture
2955 hnique spirituelle. Et puis, qu’il en fasse ce qu’ il voudra. Les Orientaux appellent yoga cette culture des facultés physi
2956 d’une concentration, dans quelque domaine que ce soit . Si l’Occident comprenait cette vérité élémentaire et en tirait des c
2957 tirait des conclusions immédiates, non seulement il serait sauvé du désastre, mais il recouvrerait la domination du monde
2958 rait des conclusions immédiates, non seulement il serait sauvé du désastre, mais il recouvrerait la domination du monde16 et n
2959 , non seulement il serait sauvé du désastre, mais il recouvrerait la domination du monde16 et non plus en barbare cette fo
2960 nt à des exercices de contrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous ju
2961 piration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que je m’en doute. Mais l’Occidental auss
2962 ussi pratique son yoga à lui : toutes les fois qu’ il veut obtenir une grande intensité avec un minimum de moyens. J’en cit
2963 des sources d’énergie nouvelle. Le parallèle peut être poussé dans les détails. Il s’agit bien d’un geste identique, exécuté
2964 . Le parallèle peut être poussé dans les détails. Il s’agit bien d’un geste identique, exécuté dans deux plans différents.
2965 que, exécuté dans deux plans différents. Le drill est un yoga corporel, le yoga est un drill de l’esprit. Je sais que ces d
2966 ifférents. Le drill est un yoga corporel, le yoga est un drill de l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux e
2967 t un drill de l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux et impopulaires. Tout comme ce qu’ils désignent d’aill
2968 bien dangereux et impopulaires. Tout comme ce qu’ ils désignent d’ailleurs. Tant mieux. Il y a beaucoup de gens qui ne peuv
2969 pensée au garde-à-vous durant quelques instants, il s’épargnerait de longs énervements. Il n’y a pas là de quoi se tordre
2970 instants, il s’épargnerait de longs énervements. Il n’y a pas là de quoi se tordre. Car tout cela nous donnerait des anné
2971 la regarder. De faire connaissance. Je ne sais s’ il est très exagéré de dire que tout homme gagnerait à posséder une plus
2972 regarder. De faire connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré de dire que tout homme gagnerait à posséder une plus gra
2973 que devrait s’employer l’école. Nous avons vu qu’ elle préfère les étouffer. Cependant, je ne crois pas qu’il soit bon que t
2974 éfère les étouffer. Cependant, je ne crois pas qu’ il soit bon que tous progressent de la même manière. Dans un système de
2975 re les étouffer. Cependant, je ne crois pas qu’il soit bon que tous progressent de la même manière. Dans un système de cultu
2976 se légitimeraient du même coup ; car sur ce plan elles ne font que traduire la diversité des besoins individuels. Méditez un
2977 sants. De même, le bien supérieur de quelques-uns est plus utile à tous que le bien médiocre de beaucoup. La valeur vaut mi
2978 coup. La valeur vaut mieux que le nombre parce qu’ elle le contient en puissance. Et c’est pourquoi l’aristocratie de l’espri
2979 nce. Et c’est pourquoi l’aristocratie de l’esprit est nécessaire au bien public. Certains proposent en rougissant de leur h
2980 fera sans vous. Déjà revient le temps des mages : ils comprennent les théories d’Einstein, ils composent de la poésie pure,
2981 mages : ils comprennent les théories d’Einstein, ils composent de la poésie pure, ils mesurent des sensibilités secondes e
2982 ries d’Einstein, ils composent de la poésie pure, ils mesurent des sensibilités secondes et tout un arc-en-ciel de sentimen
2983 … Par la force des choses et de l’Esprit, l’homme sera-t -il sauvé de sa folie démocratique ?   Areuse, 26 décembre 1928-10 ja
2984 a force des choses et de l’Esprit, l’homme sera-t- il sauvé de sa folie démocratique ?   Areuse, 26 décembre 1928-10 janvi
2985 e, 26 décembre 1928-10 janvier 1929.   NOTE A On est toujours tenté d’attribuer à ses adversaires des intentions noires et
2986 noires et consciemment criminelles. Ce travers a été développé jusqu’au ridicule par la démocratie. Les journaux, les cerc
2987 ue n’importe qui juge et contrôle n’importe quoi, il faut bien inventer des dessous pour redonner quelque saveur à ses jug
2988 re : « Mais Monsieur, M. Machin que vous attaquez est pourtant un très brave homme, il fait partie du conseil de la paroiss
2989 e vous attaquez est pourtant un très brave homme, il fait partie du conseil de la paroisse, etc. » — Il semble qu’en attaq
2990 l fait partie du conseil de la paroisse, etc. » —  Il semble qu’en attaquant ses idées et leurs réalisations ont ait porté
2991 pas tous les instituteurs pour gibier de potence. Ils font beaucoup de mal, mais ils sont les premières victimes du système
2992 gibier de potence. Ils font beaucoup de mal, mais ils sont les premières victimes du système qu’il propagent et qui les fai
2993 er de potence. Ils font beaucoup de mal, mais ils sont les premières victimes du système qu’il propagent et qui les fait viv
2994 ais ils sont les premières victimes du système qu’ il propagent et qui les fait vivre. La question se complique dès que l’i
2995 ur prend conscience de la nocivité de son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont-ils dans la même mesure conscie
2996 rend conscience de la nocivité de son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont-ils dans la même mesure conscients d
2997 son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont -ils dans la même mesure conscients des fins qu’on assigne à leur acti
2998 action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont- ils dans la même mesure conscients des fins qu’on assigne à leur activité
2999 uiconque a une foi et la conscience de cette foi, il n’est d’enseignement véritable que religieux. Mais les questions conf
3000 que a une foi et la conscience de cette foi, il n’ est d’enseignement véritable que religieux. Mais les questions confession
3001 ez de la grande vulgarité de mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein sens du mot, c’est le genre distingué de la bourge
3002 n effet, terrorisent à tel point les bourgeois qu’ ils n’en distinguent plus même le sens. Ils les lancent à la tête de tous
3003 rgeois qu’ils n’en distinguent plus même le sens. Ils les lancent à la tête de tous ceux qui les dérangent, comme des pavés
3004 puis. 16. On promet des confitures à l’enfant, s’ il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime que la liberté.
3005 s. 16. On promet des confitures à l’enfant, s’il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime que la liberté.
98 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Avant-propos
3006 Avant-propos Le dire une bonne fois.   Il ne faut pas songer à décrire en 50 petites pages tous les méfaits de
3007 r leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique deux petits livres1 exc
3008 que, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’ il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moin
3009 , décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moins ph
3010 qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moins philosophique et point du tout technique. J’ap
3011 s un régime radical à sécrétion socialiste, qui a été établi par coup de force, que les libéraux ont admis, conformément à
3012 âtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle prolonge abusivement sa terne existence. Je l’ai subi ; l’on va voir
3013 areils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, parce que j’en ai gros sur le cœur. D’ailleurs, ce petit écr
3014 rit ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté.
3015 ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Défi
3016 nds pas même parler au nom de ma génération, ne m’ étant pas livré à l’enquête préalable qui seule eût pu, à la rigueur, me do
3017 ile. Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’être compli
3018 Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’être complices d
3019 s nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’ être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait l’es
3020 plices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’ est en fait l’esprit démocratique. Là-dessus, ces messieurs se lamentent,
3021 mour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’ est pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde auss
3022 e l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’ est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitup
3023 . Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie, même si l’on n’est pa
3024 érer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie, même si l’on n’est pas capable d’en faire soi-
3025 a soupe est brûlée, on la renvoie, même si l’on n’ est pas capable d’en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas
3026 Citoyen conscient et organisé pour la discussion. Il retrousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de
3027 isé pour la discussion. Il retrousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh !
3028 sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mettez-lui les mains sur la bouche ! Donnez-lui s
3029 lique, on crie sur tous les bancs : « Alors, vous êtes pour un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vrai
3030 ent exagéré pour la jugeotte de l’adversaire ou s’ il traduit simplement cette mauvaise foi pas même consciente, cette lâch
3031 type : on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi,
3032 e l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi, ceux qui croient aux faits. Je le
3033 ux qui croient aux faits. Je leur réponds : 1° qu’ ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuve
3034 ent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ ils ne peuvent, en vertu même de leur scepticisme quant à la valeur réfor
3035 qui rira le dernier. B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’
3036 s un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une démocratie progressiste et tolérante qui se livre
3037 les discussions de la tranquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les principes. Tourmentés par les scrupules d
3038 és par les scrupules de leur conscience libérale, ils fuient la rigueur jusque dans leurs raisonnements. Pour moi qui cherc
3039 ant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre institution-tabou.   1. Je ne p
99 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 1. Mes prisons
3040 1. Mes prisons Il existe des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’
3041 ndrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ ils les confondent avec ceux de leur enfance et les font indûment partici
3042 t participer de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’ « il n’y a rien au-dessus » de la tâc
3043 Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’ «  il n’y a rien au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces b
3044 roit… Et de ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement séparer les calculs du raisonnement, par une
3045 s trop au sérieux pour faire ici du sentiment, je suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dan
3046 plier le tapissier par le prix du mètre courant n’ est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les
3047 tre courant n’est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur de
3048 mmêlent… Et c’est cela l’enfance insouciante ? Qu’ est -ce qui ressemble plus au souci quotidien des grandes personnes ? Mais
3049 quotidien des grandes personnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes da
3050 qu’on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’ il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les to
3051 guliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’ est qu’une dissonance douloureuse. 3 Deux angoisses dominent mon enfance 
3052 école, parce que c’est la loi. La première classe fut agréable : j’alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais
3053 lignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’ étais délicieusement seul parmi ces petits êtres en tabliers bleus qui alig
3054 uoi, j’étais délicieusement seul parmi ces petits êtres en tabliers bleus qui alignaient leurs bâtons en rêvant à leur manièr
3055 nd venait mon tour, je savais rarement où l’on en était . Cela m’attira des reproches acides, et naturellement, la phrase sacr
3056 es acides, et naturellement, la phrase sacrée : «  Il faut que tous fassent la même chose ici ! » Dans la suite, on se char
3057 se plus aucune velléité d’originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit a
3058 ginalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge de 18 an
3059 garde contre moi-même à cause des autres desquels il ne fallait pas différer, profondément hypocrite donc, et le cerveau s
3060 type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être égaux en tout. Deux fois deux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait
3061  » que je viens de citer, je découvris un jour qu’ elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un cert
3062 contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais ce
3063 vris, c’est-à-dire que je me posais la question : est -ce vrai que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la premiè
3064 uestion : est-ce vrai que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai
3065 ivent être égaux en tout ? Et la première réponse fut  : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende
3066 être égaux en tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses
3067 out ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses conquêtes. C’étai
3068 aux vertueuses indignations de nos maîtres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducation jésuite ». Nous éti
3069 marque indélébile de l’éducation jésuite ». Nous étions marqués par Numa Droz, par l’esprit petit-bourgeois, qui est une géné
3070 par Numa Droz, par l’esprit petit-bourgeois, qui est une généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui
3071 e l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu
3072 rois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verde
3073 ar les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent- ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. M
3074 laissèrent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’ il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressor
3075 é des décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immortels principes ». Je n’a
3076 ettre en doute : mais un jour je compris que ce n’ étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplif
3077 compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si évident, si parfaiteme
3078 t comme l’achèvement idéal et nécessaire — et qui était le seul pour lequel on nous préparait — c’était un système d’abstract
3079 i les charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure e
3080 s charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte
3081 e dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs besoins. Nous ne croyions pl
3082 s miracles ne trompent que les illettrés, mais qu’ il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée. O
3083 -être matériel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de
3084 ions nous empêcher de croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas de choses douloureusement ennuye
3085 s un tas de choses douloureusement ennuyeuses qui sont dans les livres — et nulle part ailleurs. Nous arrivions dans la vie
100 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 2. Description du monstre
3086 nnues d’anciens camarades d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’autant mieux qu’on était devenu plu
3087 ient changé ! On s’entendait d’autant mieux qu’on était devenu plus différents. Car ces différences sont les premières marque
3088 était devenu plus différents. Car ces différences sont les premières marques de la vie vécue et l’on aime à y découvrir la s
3089 urs. Ceux-là n’avaient pas bougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon é
3090 eux-là n’avaient pas bougé. Et pour cause : ils n’ étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un
3091 bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continuité, la différence n’était qu’une que
3092 a pas de solution de continuité, la différence n’ était qu’une question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire es
3093 ’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand nombre de cas, mais pou
3094 e de le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son incompréhension méthodique des hommes et son mépris po
3095 que des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’ il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’être
3096 des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’être cons
3097 u troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’ être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une façon li
3098 nte d’être consciencieux, à une façon blessante d’ être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une façon
3099 er les choses, à une façon théorique de juger les êtres . Ces distributeurs automatiques (brevetés par le gouvernement) de la
3100 ire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsable, cela se voit de
3101 ir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le pl
3102 faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter
3103 n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensibles au
3104 ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en dir
3105 auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas p
3106 ne à quoi peut mener l’enseignement donné par des êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque, pendant que
3107 es méthodes. Simple remarque, pendant que nous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la
3108 ue, pendant que nous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est
3109 la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est -ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprègne l’enseignement primaire
3110 ue l’apport des instituteurs, ou bien préexiste-t- il dans les principes mêmes de l’École, et attire-t-il les petits bourge
3111 dans les principes mêmes de l’École, et attire-t- il les petits bourgeois comme le portrait de Numa Droz attirait les mouc
3112 de Numa Droz attirait les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des pe
3113 t ni l’envie de dire du mal des petits-bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe quelle autre classe de
3114 l’envie de dire du mal des petits-bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe quelle autre classe de la s
3115 prit petit-bourgeois pris abstraitement et tel qu’ il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesquine
3116 t et tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même tit
3117 est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autres maladies dites « sociales »
3118 ersonnes, le décor. La laideur des « collèges » n’ est pas accidentelle. C’est celle même du régime. L’architecture de nos «
3119 un grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’un tel milieu, moral et matériel ? L’école publ
3120 riel ? L’école publique, telle que nous la voyons est semblable à tous ces monuments « de la mauvaise époque » qui sont dan
3121 tous ces monuments « de la mauvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècle. Ils ne parviennent ni à la
3122 ui sont dans nos villes l’apport du xixe siècle. Ils ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodé
3123 ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’
3124 parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’absen
3125 sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un style : c’est même le
3126 le 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un style : c’est même le pire.