1
ontherlant est considéré par plusieurs comme l’un
des
héritiers de Barrès. Le rapprochement est peut-être prématuré, tout a
2
œuvre, comme celle de Barrès, nous offre plus qu’
un
agrément purement littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique de n’
3
s offre plus qu’un agrément purement littéraire :
une
leçon d’énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au
4
s, où les jeunes gens se faisaient, avec sérieux,
des
âmes exceptionnellement compliquées, qui s’exprimaient en une langue
5
eptionnellement compliquées, qui s’exprimaient en
une
langue plus compliquée encore et nuancée jusqu’à l’ennui. La guerre a
6
de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’
une
façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité
7
vons tous. Écœuré du désordre général, il cherche
des
remèdes, et nous tend les premiers qui lui tombent sous la main : le
8
de logique, admirablement masqués d’ailleurs par
des
façons cavalières un peu intimidantes. Toute une partie du Paradis à
9
ment masqués d’ailleurs par des façons cavalières
un
peu intimidantes. Toute une partie du Paradis à l’ombre des épées 1,
10
des façons cavalières un peu intimidantes. Toute
une
partie du Paradis à l’ombre des épées 1, son dernier livre, est consa
11
timidantes. Toute une partie du Paradis à l’ombre
des
épées 1, son dernier livre, est consacrée à « fondre dans une unité s
12
son dernier livre, est consacrée à « fondre dans
une
unité supérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de l’esprit
13
Il me semble bien paradoxal de vouloir unir dans
une
même philosophie la morale jésuite, faite de règles et de contraintes
14
berté et l’initiative individuelles, et la morale
des
sports anglais, morale qui veut former des hommes maîtres d’eux-mêmes
15
morale des sports anglais, morale qui veut former
des
hommes maîtres d’eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’
16
lus paradoxal que M. de Montherlant est justement
un
des premiers Français qui ait compris que le but du sport n’est pas l
17
paradoxal que M. de Montherlant est justement un
des
premiers Français qui ait compris que le but du sport n’est pas la pe
18
rales, et j’avoue bien volontiers qu’il n’est pas
une
opinion sur le monde à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère
19
rlant son admirable lyrisme de poète du stade. En
un
style d’une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mai
20
dmirable lyrisme de poète du stade. En un style d’
une
fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’on sent
21
n un style d’une fermeté presque brutale parfois,
un
style de sportif, mais qu’on sent humaniste et poète, un style à la f
22
e de sportif, mais qu’on sent humaniste et poète,
un
style à la fois bref et chaud, imagé et réaliste, M. de Montherlant c
23
rlant chante cette « violence ordonnée et calme »
des
« grands corps athlétiques ». Sur le stade au soleil se déploient les
24
es, … cinq sur dix sont désignés… ». Voici passer
un
coureur : « À peine a-t-il touché la piste d’herbe, c’est une allégre
25
: « À peine a-t-il touché la piste d’herbe, c’est
une
allégresse héroïque qu’infuse à son corps la douce matière. L’air et
26
sée, est pleine du désir de l’air. Danse-t-il sur
une
musique que je n’entends pas ? » — Mais plus que le corps en mouvemen
27
ion qui est le but véritable du sport. On accepte
une
règle ; on l’assimile, à tel point qu’elle n’est plus une entrave à l
28
e ; on l’assimile, à tel point qu’elle n’est plus
une
entrave à la violence animale déchaînée dans le corps du joueur à la
29
du joueur à la vue de la prairie rase où rebondit
un
ballon. Si l’on considère la vie sociale comme un jeu sérieux dont on
30
un ballon. Si l’on considère la vie sociale comme
un
jeu sérieux dont on respecte les règles, non plus comme une lutte sau
31
rieux dont on respecte les règles, non plus comme
une
lutte sauvage et déloyale, la morale d’équipe devient toute la morale
32
mble (Montherlant insiste plutôt sur le sentiment
des
hiérarchies que sur celui de la solidarité, comme bien l’on pense). E
33
tié est plus grande que le tout ». Le sport comme
un
apprentissage de la vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a
34
vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a
un
brin du myrte civique tressé dans vos couronnes de laurier. Vous n’êt
35
taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre
des
épées. Rien de moins artificiellement moderne que ce lyrisme sobre e
36
« La faiblesse est mère du combat. » C’est donc à
un
lacédémonisme renouvelé que nous conduirait cette « éthique du sport
37
qu’il rejoint Kant, Kant qui écrit : « C’est sur
des
maximes, non sur la discipline, qu’il faut fonder la conduite des jeu
38
sur la discipline, qu’il faut fonder la conduite
des
jeunes gens : celle-ci empêche les abus, mais celles-là forment l’esp
39
ant illustre sa propre pensée de cette citation d’
un
dominicain : « Formez des jeunes filles assez fortes pour pouvoir tou
40
nsée de cette citation d’un dominicain : « Formez
des
jeunes filles assez fortes pour pouvoir tout lire, et il n’y aura plu
41
man catholique. » C’est ce qu’on pourrait appeler
une
« morale constructive » : porter l’effort sur ce qui doit être, et ce
42
ortive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici
un
homme, et non plus seulement un homme de lettres. Un homme en qui s’é
43
Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement
un
homme de lettres. Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d
44
homme, et non plus seulement un homme de lettres.
Un
homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’une jeunesse saine e
45
homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’
une
jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » que l
46
autre écrivain catholique. Et son lyrisme, encore
un
peu brutal, il saura le dompter, et atteindre au classicisme véritabl
47
ter, et atteindre au classicisme véritable. Voici
un
constructeur, un entraîneur, et qui joue franc jeu. S’il faut lutter
48
au classicisme véritable. Voici un constructeur,
un
entraîneur, et qui joue franc jeu. S’il faut lutter contre lui, nous
49
il observera les règles. Saluons-le donc du salut
des
équipes avant le match : « En l’honneur d’Henry de Montherlant, hip,
50
ris. 2. L’attitude de M. de Montherlant légitime
une
telle « simplification ». a. « M. de Montherlant, le sport et les jé
51
r, dans la salle du Lyceum, M. Conrad Meili parla
des
écoles qui représentent la peinture française, des débuts du xixe si
52
es écoles qui représentent la peinture française,
des
débuts du xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme de David et
53
es français ont accompli, durant le xixe siècle,
une
exploration merveilleuse dans les domaines du romantisme, du naturali
54
e souvent le public), ils préparent l’avènement d’
un
classicisme nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de la pe
55
évidence cette courbe de la peinture moderne avec
une
netteté et un relief remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a
56
courbe de la peinture moderne avec une netteté et
un
relief remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à la R
57
(mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’
une
tradition chevaleresque, mène sa vie comme une ardente aventure. Les
58
d’une tradition chevaleresque, mène sa vie comme
une
ardente aventure. Les épisodes s’appellent : collège, guerre, sport…
59
ns le Paradis je ne sais quel relent de barbarie,
un
assez malsain goût du sang. Tout cela s’est purifié dans le Chant fun
60
Tout cela s’est purifié dans le Chant funèbre. Et
une
phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper en nous
61
modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’est
une
affirmation qui d’un coup condamne beaucoup d’antérieures protestatio
62
soit pour la paix », c’est une affirmation qui d’
un
coup condamne beaucoup d’antérieures protestations belliqueuses. Il n
63
ures protestations belliqueuses. Il nous montre «
des
Français qui pensent ces carnages inévitables, avec un bref soupir s’
64
ançais qui pensent ces carnages inévitables, avec
un
bref soupir s’y résignent, puis tablent sur eux, et d’autres qui tien
65
puis tablent sur eux, et d’autres qui tiennent qu’
une
telle attitude est responsable de ces carnages ». Naguère il était de
66
t responsable de ces carnages ». Naguère il était
des
premiers ; il s’affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour avoir con
67
il était des premiers ; il s’affirme aujourd’hui
des
seconds. C’est pour avoir contemplé Verdun, en tête à tête avec le gé
68
de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’
une
si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce « h
69
« haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’
une
phrase, il justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour les voul
70
eurs pour n’en pas trop descendre ». N’est-ce pas
une
éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un de ces
71
mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’
un
de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée, n
72
u front dans notre paix lassée, ne prend-elle pas
une
pathétique signification ? Pourtant ici encore transparaît un doute,
73
e signification ? Pourtant ici encore transparaît
un
doute, parfois : « On craint d’être injuste en décidant si… cette abs
74
maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation,
une
telle inquiétude, un amer « à quoi bon » percèrent soudain… Mais Mont
75
cette œuvre d’affirmation, une telle inquiétude,
un
amer « à quoi bon » percèrent soudain… Mais Montherlant se redresse v
76
c’est autre chose que l’absence de guerre, c’est
une
paix que travaillerait le levain des vertus guerrières. « Il faut que
77
uerre, c’est une paix que travaillerait le levain
des
vertus guerrières. « Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout u
78
« Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout
un
livre libéré de souvenirs héroïques, peut-être trop grands pour la pa
79
Toute son œuvre pourrait se définir : la lutte d’
un
tempérament avec la réalité. Tantôt c’est l’un qui veut plier l’autre
80
is —, tantôt c’est l’autre qui impose son absolu.
Une
soumission au réel durement consentie, voilà ce que nous admirons dan
81
ester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’
une
génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’une
82
uée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’
une
pureté si rare en notre siècle, qu’elle paraît parfois, lorsque la to
83
e de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’
un
large vent de joie. a. « Henry de Montherlant : Chant funèbre pour
84
on, Manifeste du surréalisme (juin 1925)b Sous
une
« vague de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos espri
85
érir. C’est du moins ce que proclame M. Breton en
un
manifeste dont la pseudo-nouveauté nous retiendra moins que la signif
86
ns d’ingénieuses métaphores quiconque chercherait
une
idée là-dessous, — ne réussit pas toujours chez Breton à masquer la b
87
Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en
un
court article de dictionnaire : « Surréalisme, n.m. Automatisme psych
88
e. » (p. 42). Le surréalisme ne serait-il donc qu’
une
sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît q
89
éalisme ne serait-il donc qu’une sorte de méthode
des
textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est la seule att
90
ientes M. Breton peut-il préconiser l’existence d’
une
littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule matiè
91
. Toute poésie est incommunicable, le poète étant
un
simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette co
92
re cette conclusion pratique : inutile de publier
des
poèmes. Éluard le comprenait, qui écrivit : « Quand les livres se lir
93
livres se liront-ils d’eux-mêmes, sans le secours
des
lecteurs ? Quand les hommes se comprendront-ils individuellement ? »
94
ront-ils individuellement ? » Que M. Breton donne
des
« recettes pour faire un poème » cette mystification est dans la logi
95
? » Que M. Breton donne des « recettes pour faire
un
poème » cette mystification est dans la logique de ses principes, mai
96
me seraient-elles perceptibles que par le fait d’
une
fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je compren
97
étrables. Je crois même voir que M. Breton serait
un
très curieux poète s’il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages
98
il voulut nous persuader que tout poème doit être
une
dictée non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne de Poisson s
99
poétique » qui, avoue Rimbaud, entre encore pour
une
grande part dans l’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher d
100
i scolaire ? À donner le change sur la pauvreté d’
un
art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystification
101
s. Plaisante ironie, si cette attitude n’était qu’
une
protestation contre nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bien
102
lectuels. Mais elle risque bien de nous en rendre
un
peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se réclament imprudemm
103
ment, — on sait ce que c’est que la « liberté » d’
un
esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’ex
104
Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sortirons d’
une
anarchie dont les causes semblent avant tout morales. Les tendances e
105
semblent avant tout morales. Les tendances encore
un
peu vagues d’un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des r
106
out morales. Les tendances encore un peu vagues d’
un
groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plus
107
n groupe tel que Philosophies laissent pressentir
des
révolutions plus réelles. On souhaite qu’après faillite faite, les su
108
es surréalistes trouvent à montrer leur talent en
des
jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d’un désespoir exaspéré, com
109
en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d’
un
désespoir exaspéré, commandait une certaine sympathie. L’agaçant, ave
110
éclat de rire d’un désespoir exaspéré, commandait
une
certaine sympathie. L’agaçant, avec les surréalistes, c’est que — pou
111
avec les surréalistes, c’est que — pour reprendre
un
mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qu
112
L’ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici à
un
ton de mage qui ne fera plus longtemps impression. C’est grand dommag
113
: Aragon, Éluard. Sans oublier Breton, enchanteur
des
images qui peuplent les ténèbres. b. « André Breton : Manifeste du
114
août 1925)c Le nouveau volume de la collection
des
« Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié
115
e sur Van Gogh, depuis 1922. Il contient pourtant
des
vues assez neuves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits de la
116
de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’
une
telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec éviden
117
e la vie de Vincent, mais d’une telle manière que
des
conclusions critiques s’en dégagent avec évidence. Van Gogh fut une p
118
itiques s’en dégagent avec évidence. Van Gogh fut
une
proie du génie. L’homme tel que nous le peint Paul Colin, est peu int
119
eunes gens prétentieux et sincères qui se croient
une
vocation, végètent dans des œuvres d’évangélisation, fondent des grou
120
ncères qui se croient une vocation, végètent dans
des
œuvres d’évangélisation, fondent des groupes dissidents. Le miracle,
121
égètent dans des œuvres d’évangélisation, fondent
des
groupes dissidents. Le miracle, c’est que le plus sauvage génie ait c
122
racle, c’est que le plus sauvage génie ait choisi
un
être de cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s
123
llet. Mais son manque de talent ne le rebute pas.
Une
divine violence le travaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouisseme
124
u jour où cette consomption frénétique terrassant
un
corps minable, il ne restera plus que les flammes, les soleils et aus
125
x. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché
des
médiocrités de cette vie : les reproductions qui suivent sa courte bi
126
ions qui suivent sa courte biographie fournissent
un
meilleur motif à l’admiration que tout le lyrisme dont on a voulu cha
127
nous laisse à notre émotion devant le spectacle d’
une
œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent Va
128
pectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’
une
œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. « Paul
129
, « Prix Goncourt », curieux homme. Il se livre à
des
travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livr
130
se livre à des travaux de précision : il calcule
un
plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valé
131
à des travaux de précision : il calcule un plan,
un
poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St Jo
132
récision : il calcule un plan, un poème. Il écrit
un
livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St John Perse. On le vit
133
n plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein,
des
articles sur Valéry, St John Perse. On le vit naguère en province liq
134
ohn Perse. On le vit naguère en province liquider
des
stocks américains. Et ses romans, c’est aussi une liquidation : les f
135
des stocks américains. Et ses romans, c’est aussi
une
liquidation : les faits s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à a
136
s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à autre
une
notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà
137
ahi, passionné, contraint de suivre jusqu’au bout
un
roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation des questions
138
de 500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation
des
questions traitées est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne d
139
ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger
des
romans si bouillonnants, si mal équarris. Certes, ce n’est pas lui qu
140
on maître : « La marquise sortit à cinq heures ».
Une
telle platitude est presque indispensable, mais il s’en permet d’autr
141
permet d’autres qui le sont moins. On n’écrit pas
un
roman en trois volumes sans y laisser des maladresses et des négligen
142
crit pas un roman en trois volumes sans y laisser
des
maladresses et des négligences. Mais on ne demande pas non plus au pu
143
n trois volumes sans y laisser des maladresses et
des
négligences. Mais on ne demande pas non plus au puissant boxeur sur l
144
sur le ring d’être bien peigné. Rabevel, c’était
un
portrait balzacien du brasseur d’affaires. Le sujet du Tarramagnou, c
145
s paysans sont en train de redevenir serfs, serfs
des
syndicats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provin
146
train de redevenir serfs, serfs des syndicats et
des
capitalistes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le
147
ir serfs, serfs des syndicats et des capitalistes
des
villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le souvenir des lut
148
ndicats et des capitalistes des villes. Mais dans
une
de ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore
149
dans une de ces provinces du Midi où le souvenir
des
luttes religieuses encore vivace fait que les paysans gardent une méf
150
ieuses encore vivace fait que les paysans gardent
une
méfiance frondeuse vis-à-vis du gouvernement, le libérateur va se lev
151
du gouvernement, le libérateur va se lever. C’est
un
descendant de Roland le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homm
152
, ce « petit homme de la terre », qui va susciter
un
formidable mouvement de protestation contre les lois tyranniques. Le
153
du but. Le Tarramagnou voit son œuvre sabotée par
des
meneurs ; il tente en vain de ressaisir les foules : déjà elles huent
154
ent sa modération. Alors il va se jeter au-devant
des
troupes accourues, il meurt en clamant la paix. M. Fabre avait là les
155
clamant la paix. M. Fabre avait là les éléments d’
un
grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une i
156
avait là les éléments d’un grand roman : autour d’
un
sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des per
157
autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant,
une
intrigue puissante, des personnages d’une belle richesse psychologiqu
158
te envergure, et brûlant, une intrigue puissante,
des
personnages d’une belle richesse psychologique. En fermant le livre o
159
rûlant, une intrigue puissante, des personnages d’
une
belle richesse psychologique. En fermant le livre on a presque l’impr
160
qu’il a réussi ce grand roman… Qu’y manque-t-il ?
Un
style ? L’absence de style, n’est-ce pas le meilleur style pour un ro
161
nce de style, n’est-ce pas le meilleur style pour
un
romancier ? C’est plutôt, je crois, une certaine harmonie générale da
162
style pour un romancier ? C’est plutôt, je crois,
une
certaine harmonie générale dans le récit et le ton, surtout dans la p
163
n soit mal construit, au contraire. Mais le tissu
des
faits se relâche parfois, et les arêtes de la construction apparaisse
164
œuvre d’ailleurs, il reste que le Tarramagnou est
un
livre émouvant, d’une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a te
165
reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’
une
saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réus
166
te que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réussi,
une
entreprise bien téméraire de nos jours : un roman à thèse aussi intel
167
ssi, une entreprise bien téméraire de nos jours :
un
roman à thèse aussi intelligent que vivant. d. « Lucien Fabre : Le
168
. La littérature de ces dernières années n’est qu’
une
forme de reportage international. L’Europe menant cette immense enquê
169
énie, l’Europe d’aujourd’hui semble chercher dans
une
confrontation avec l’Orient, plutôt qu’une réelle connaissance de l’O
170
r dans une confrontation avec l’Orient, plutôt qu’
une
réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est pe
171
t, plutôt qu’une réelle connaissance de l’Orient,
une
conscience d’elle-même. C’est peut-être pour provoquer cette confront
172
uer cette confrontation seulement qu’on a imaginé
un
péril oriental, car il semble bien que dans le domaine de la culture
173
n en parle, la vraie « question asiatique » étant
une
question politique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jou
174
tique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit
un
jour d’un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devr
175
peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour d’
un
renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devra, tandis
176
es savants européens qu’il le devra, tandis que d’
un
mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement gré
177
. Ceci convenu, il faut reconnaître que l’enquête
des
Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau des multiples réact
178
connaître que l’enquête des Cahiers du Mois donne
un
fort intéressant tableau des multiples réactions de l’Europe placée d
179
Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau
des
multiples réactions de l’Europe placée devant le dilemme Orient-Occid
180
. Car la plupart des enquêtés se font de l’Orient
une
représentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’une vale
181
ion vague et poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’
une
valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agi
182
» On confond Japon et Arabie, Indes et Chine sous
une
dénomination qui n’a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait va
183
par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter
un
classement parmi les réponses d’une extraordinaire diversité — peut-ê
184
vain de tenter un classement parmi les réponses d’
une
extraordinaire diversité — peut-être trop nombreuses — qui composent
185
onclusions tirées de points de vue semblables, qu’
un
esprit analytique et organisateur d’occidental se perdra ici dans un
186
e et organisateur d’occidental se perdra ici dans
un
ensemble kaléidoscopique d’idées et de jugements contradictoires, et
187
rs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns
des
points de vue les plus riches ou les mieux définis. Pour Valéry, la s
188
t la déplorent. Plusieurs jeunes songent que dans
une
Europe vieillie, les parfums puissants de l’Asie sauront encore éveil
189
eiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repoussent
une
Asie ignorante du thomisme et ceux qui pensent inévitable le choc de
190
t inévitable le choc de deux mondes, et que seule
une
intime connaissance mutuelle l’adoucira. Il y a ceux qui à la suite d
191
me, religion missionnaire, ne peut nous donner qu’
une
supériorité provisoire et qui porte en son principe le germe de sa de
192
le défaut de n’être pas suffisamment motivées par
des
faits et des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’un prétexte
193
n’être pas suffisamment motivées par des faits et
des
documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’un prétexte à variations
194
t des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’
un
prétexte à variations sur le thème favori. M. Massis, par exemple, qu
195
ri. M. Massis, par exemple, qui cependant produit
un
grand nombre de citations à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas
196
l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à
des
déductions in abstracto qui le mènent à des conclusions de ce genre :
197
ins à des déductions in abstracto qui le mènent à
des
conclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l
198
s le moyen de « suppléer à l’éducation historique
des
peuples chrétiens qui n’ont pas eu de Moyen Âge », nous pourrons amen
199
si étroitement particularisé pourtant, à l’usage
des
Latins…). Quant aux orientalistes, qui, eux, apportent des documents,
200
s…). Quant aux orientalistes, qui, eux, apportent
des
documents, savent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’ag
201
nt, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure.
Un
écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formule qui définit ce que l
202
e rôle de l’Europe « conscience du monde », entre
une
Amérique affolée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours
203
ffolée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme
des
tours de Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle.
204
iant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et
une
Asie immobile dans sa méditation éternelle. e. « Les Appels de l’Or
205
éternelle. e. « Les Appels de l’Orient (n° 9-10
des
Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genè
206
925)f « Dès que nous sommes seuls, nous sommes
des
fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par le contr
207
r le contrôle que les autres nous imposent », dit
un
héros de Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par le dedans
208
s nous imposent », dit un héros de Mauriac. C’est
un
« homme seul » qu’a peint « par le dedans » M. Jean Prévost, en un sa
209
qu’a peint « par le dedans » M. Jean Prévost, en
un
saisissant raccourci psychologique. « Tout homme normal est fait de p
210
il l’a poussé impitoyablement dans sa recherche d’
un
absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille ».
211
ute expérience, elle n’en est pas moins probante.
Une
œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant tout une démonstration ;
212
œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant tout
une
démonstration ; mais, puissante de sûreté et d’évidence, elle a cette
213
évidence, elle a cette beauté froide et massive d’
un
théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent se
214
eauté froide et massive d’un théorème de Spinoza.
Une
ironie dure, la densité du style révèlent seules l’écrivain ; et auss
215
ï, Hauptmann et Maeterlinck. On trouve au tableau
des
auteurs édités depuis lors les grands noms de la littérature européen
216
ittérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux
des
maîtres du renouveau idéaliste allemand et viennois, Hesse, Hofmannst
217
auteurs qui composent l’Almanach Fischer donnent
une
juste idée de ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1
218
tre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’être
un
peu embourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps de la moisso
219
que voici venu le temps de la moisson, — le temps
des
éditions d’œuvres complètes. g. « S. Fischer Verlag : Almanach 1925
220
alité, du moins faut-il le louer d’avoir conservé
une
vision générale de notre temps et un évident besoin d’impartialité. S
221
ir conservé une vision générale de notre temps et
un
évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je
222
es meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent d’
une
accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre d’u
223
nt d’une accumulation de petites touches précises
des
types d’après-guerre d’une étrange vérité. Aux prises avec les problè
224
tites touches précises des types d’après-guerre d’
une
étrange vérité. Aux prises avec les problèmes sociaux et le luxe le m
225
la Russie, vers le passé, vers l’Orient, tentant
des
amours nouvelles et les fuites les plus folles hors de la réalité, il
226
s les plus folles hors de la réalité, ils forment
un
cortège pittoresque et désolant à celui qui, revenu de l’étranger dan
227
Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et
un
prologue (septembre 1925)j M. Valéry Larbaud est vraiment un étonn
228
eptembre 1925)j M. Valéry Larbaud est vraiment
un
étonnant esprit. Pour présenter au public français cette œuvre « d’im
229
ndonner à l’émotion communicative de qui découvre
un
sommet ? Point. Précision, modération dans le jugement, humour léger,
230
critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer
une
grande œuvre qu’on trouvera la mesure de son admiration et le gage de
231
que les Trois nouvelles exemplaires ne suscitent
un
intérêt très profond : elles nous transportent au cœur de préoccupati
232
elles nous transportent au cœur de préoccupations
des
plus modernes, problème de la réalité littéraire, problème de la pers
233
Prologue pourrait presque aussi bien être celui d’
une
pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois
234
irandello. N’annonce-t-il pas que les personnages
des
trois nouvelles « sont réels, très réels, de la réalité la plus intim
235
tendu de la personnalité. Tandis que chez Unamuno
une
volonté d’action les possède, les exalte, les affole. Les plus beaux
236
Gomez cynique et puissant de confiance en soi, qu’
une
volonté presque inhumaine torture et conduit au crime. Et s’ils s’imp
237
r obsédante volonté. Car on imagine difficilement
un
art plus dépouillé de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de
238
’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’
une
classique sobriété mais d’une brutalité et d’une ironie romantiques,
239
trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’
une
brutalité et d’une ironie romantiques, laisse la même impression de g
240
’une classique sobriété mais d’une brutalité et d’
une
ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée qu’
241
laisse la même impression de grandeur désolée qu’
un
Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes.
242
ais il n’y a pas les couleurs, ni l’amère volupté
des
formes. Une sensation de barre d’acier sur la nuque. j. « Miguel de
243
pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes.
Une
sensation de barre d’acier sur la nuque. j. « Miguel de Unamuno : T
244
iguel de Unamuno : Trois nouvelles exemplaires et
un
prologue. Traduction de Jean Cassou et Mathilde Pomès (Édition du Sag
245
. M. Seillière cherchait dans l’époque romantique
un
témoin dont le jugement eut « l’autorité d’un verdict essentiellement
246
que un témoin dont le jugement eut « l’autorité d’
un
verdict essentiellement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il ne
247
erne champion. Pour ce qui concerne le Vinet juge
des
romantiques, il n’a pas eu trop de peine à l’annexer à son propre cor
248
i il insiste sur le fait que Vinet se déclarait «
un
chrétien sans épithète ». Croit-il éluder ainsi le protestantisme de
249
Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’
une
telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’importance si l’on s
250
it trouvé. Mais sa position purement chrétienne —
un
mysticisme de cadre solidement moral, c’est-à-dire rationnel, dit M.
251
ère — me paraît infiniment plus forte que celle d’
un
Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement pro
252
plus forte que celle d’un Maurras ou que celle d’
un
Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point d’appui p
253
ui plus central. Pour notre époque déchirée entre
un
thomisme et un nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle,
254
. Pour notre époque déchirée entre un thomisme et
un
nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’est peut-
255
e la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait
des
signes solennels ? » Une voix lente aux méandres songeurs, une simpli
256
et homme dont l’âme fait des signes solennels ? »
Une
voix lente aux méandres songeurs, une simplicité qui n’est pas famili
257
lennels ? » Une voix lente aux méandres songeurs,
une
simplicité qui n’est pas familière. C’est bien la poésie d’une époque
258
é qui n’est pas familière. C’est bien la poésie d’
une
époque tourmentée dans sa profondeur, mais qui se penche sans vertige
259
notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense
des
machines, un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots d
260
Au-dessus de la trépidation immense des machines,
un
Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots de tous les jo
261
dation immense des machines, un Saint-John-Perse,
un
Supervielle parlent avec des mots de tous les jours aux vivants et au
262
un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec
des
mots de tous les jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très
263
… Cette chose haute à la voix grave qu’on appelle
un
père dans les maisons. » Comme Valéry, ce poète sait « des complicité
264
dans les maisons. » Comme Valéry, ce poète sait «
des
complicités étranges pour assembler un sourire ». Comme Max Jacob il
265
te sait « des complicités étranges pour assembler
un
sourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer une anecdote purem
266
ourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer
une
anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’est créé. Jamais ban
267
ive de situer une anecdote purement poétique dans
un
monde qu’il s’est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la desc
268
le surréalisme l’ont enrichie d’images…). Je cite
des
noms : y a-t-il influence ou seulement co-génération ? Pour peu qu’il
269
seulement co-génération ? Pour peu qu’ils sortent
des
cafés littéraires, nos poètes respirent le même air du temps. Leur or
270
nent. Celui-ci vient à peine de quitter l’air dur
des
pampas. « Le voilà qui s’avance, foulant les hautes herbes du ciel. »
271
Simone Téry, L’Île
des
bardes (décembre 1925)m L’Irlande contemporaine offre un spectacle
272
(décembre 1925)m L’Irlande contemporaine offre
un
spectacle bien passionnant : celui de la renaissance d’une littératur
273
acle bien passionnant : celui de la renaissance d’
une
littérature nationale à la fois cause et effet de la libération polit
274
ause, puisque pour mener à chef cette libération,
un
Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer de leur personne. Effet,
275
que pour mener à chef cette libération, un Yeats,
un
A.E., bien d’autres, ont su payer de leur personne. Effet, puisque l’
276
yer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’
une
révolution en faveur du passé, révolution tout de même, ne pouvait pr
277
, révolution tout de même, ne pouvait produire qu’
une
littérature très neuve de forme et traditionaliste d’inspiration, com
278
et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle
des
Yeats, Synge, Joyce même… Trois noms qui permettent, je crois, de par
279
Trois noms qui permettent, je crois, de parler d’
un
grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone Tér
280
admiration son sens critique de Parisienne. C’est
une
sympathie malicieuse qui anime ses amusants portraits et ses commenta
281
es amusants portraits et ses commentaires parfois
un
peu copieux ; mais elle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité
282
oit de cette âme irlandaise en laquelle s’allient
une
fantaisie et un réalisme également lyriques. m. « Simone Téry : L’Î
283
irlandaise en laquelle s’allient une fantaisie et
un
réalisme également lyriques. m. « Simone Téry : L’Île des bardes. “
284
me également lyriques. m. « Simone Téry : L’Île
des
bardes. “Notes sur la littérature irlandaise contemporaine” (Flammari
285
le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà
un
Mac Orlan, un Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut ti
286
mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan,
un
Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau
287
ance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’
un
brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpole,
288
bien. Quel sujet plus riche pouvait-on rêver pour
un
psychologue de la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme r
289
e ». M. Walpole, dont nous commençons aujourd’hui
un
roman bien différent, a vu la Révolution sans romantisme, dans le dét
290
ution sans romantisme, dans le détail de la vie d’
une
ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions de
291
dans le détail de la vie d’une ville. Il sait qu’
un
grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naître
292
llions de petits. Voici naître la révolution dans
un
cœur, puis dans une famille. Et une fois le grand bouleversement acco
293
oici naître la révolution dans un cœur, puis dans
une
famille. Et une fois le grand bouleversement accompli dans la « Cité
294
alpole leur a dévolu le soin d’entrer tantôt dans
un
foyer, tantôt dans une église, pour constater que la foule ne réagit
295
e soin d’entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans
une
église, pour constater que la foule ne réagit pas autrement que les i
296
té secrète. Pour celle-ci par exemple (caché dans
un
réduit, Markovitch, l’idéaliste, surprend sa femme, la vertueuse Véra
297
aliste, surprend sa femme, la vertueuse Véra avec
un
des Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu fai
298
ste, surprend sa femme, la vertueuse Véra avec un
des
Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu faim to
299
avec un des Anglais) : Ils s’embrassaient comme
des
gens qui auraient eu faim toute leur vie… Markovitch, derrière sa vit
300
e moujik devant le bolchévique violant sa patrie.
Une
effroyable acceptation, mais elle peut se muer instantanément en révo
301
ermine l’avenir le plus proche. Il n’y a pas même
des
forces endormies dans l’âme russe : mais des possibilités, à chaque i
302
même des forces endormies dans l’âme russe : mais
des
possibilités, à chaque instant, d’explosion. Le géant russe est un en
303
à chaque instant, d’explosion. Le géant russe est
un
enfant : va-t-il rire, va-t-il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ? Il
304
est encore ébahi du fracas, le juif survient avec
une
méthode simplifiée pour l’exploitation des ruines. On sait le reste.
305
t avec une méthode simplifiée pour l’exploitation
des
ruines. On sait le reste. Tout cela, Walpole ne le dit pas. Mais ses
306
nt en nous : Markovitch par exemple, ou Sémyonov,
un
cynique secrètement tourmenté qui enchantera M. Gide. n. « Hugh Wal
307
philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant
un
très nombreux public, la série des conférences que nous promet le gro
308
l’aula, devant un très nombreux public, la série
des
conférences que nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis de la p
309
onférences que nous promet le groupe neuchâtelois
des
« Amis de la pensée protestante ». M. Guisan avait choisi un sujet qu
310
e la pensée protestante ». M. Guisan avait choisi
un
sujet qui permet de façon particulièrement frappante la comparaison d
311
e façon particulièrement frappante la comparaison
des
points de vue catholique et protestant : la notion de « Saint » et so
312
la notion de « Saint » et son évolution au cours
des
siècles. Primitivement, le Saint est un homme que Dieu a mis à part p
313
au cours des siècles. Primitivement, le Saint est
un
homme que Dieu a mis à part par grâce pour qu’il serve. Mais très vit
314
Le peuple, encore païen, voit dans la vénération
des
pèlerins pour les tombes de leurs saints une forme d’adoration de die
315
tion des pèlerins pour les tombes de leurs saints
une
forme d’adoration de dieux protecteurs. Cette croyance se répand, fav
316
preuve l’Église d’alors quand il s’agit d’adapter
des
traditions antiques au dogme en formation. Au Moyen Âge l’évolution s
317
s le même sens. On spécialise les « compétences »
des
saints, ou de leurs reliques qui se multiplient prodigieusement. Alor
318
choses antérieur. Donc l’Église continue à faire
des
saints, tandis que ce terme n’a plus qu’un sens relatif pour nous pro
319
faire des saints, tandis que ce terme n’a plus qu’
un
sens relatif pour nous protestants. Est-ce là nous juger ? Les cathol
320
ère qui s’est sacrifiée aux siens, n’était-ce pas
une
sainte, comme ce missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y a pas de
321
? S’il n’y a pas de saints protestants, il existe
des
saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de
322
nque pour louer comme il conviendrait la clarté d’
un
exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrétie
323
ses conclusions cette sécurité dont trop souvent
un
brillant appareil dialectique ne sait produire que l’illusion. C’est
324
e du fameux scrupule protestant, qui ne peut être
un
danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’un esprit animé p
325
nger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’
un
esprit animé par une foi agissante. c. « Conférence Guisan », Suiss
326
, comme ici, que la loyauté d’un esprit animé par
une
foi agissante. c. « Conférence Guisan », Suisse libérale, Neuchâtel
327
e sait quoi. On a mis le bonheur devant soi, dans
un
progrès mal défini, et l’on court après sans fin. Même ceux qui ont p
328
sans fin. Même ceux qui ont perdu la croyance en
un
bonheur possible ou désirable subissent cette rage désespérée de cour
329
, catastrophe ou révélation, brusque échappée sur
des
pays nouveaux ou chute irrémédiable. Peut-être pouvons-nous choisir e
330
able. Peut-être pouvons-nous choisir encore entre
un
ressaisissement profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’une
331
profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’
une
lueur de conscience inquiète quelques chefs, montre à quelques meneur
332
lques chefs, montre à quelques meneurs aveugles d’
une
société affolée et ridiculement opportuniste où mène la pente de notr
333
a pente de notre civilisation. Meneurs et chefs :
des
économistes, des financiers, des industriels. Il y a encore les homme
334
civilisation. Meneurs et chefs : des économistes,
des
financiers, des industriels. Il y a encore les hommes politiques, mai
335
neurs et chefs : des économistes, des financiers,
des
industriels. Il y a encore les hommes politiques, mais on a si souven
336
vent l’impression qu’ils battent la mesure devant
un
orchestre qui, sans eux, jouerait aussi bien, aussi mal. Quant aux me
337
ait balayer. Je parle en général, sachant bien qu’
un
Romier, un Bainville, quelques autres, sont parmi les plus conscients
338
. Je parle en général, sachant bien qu’un Romier,
un
Bainville, quelques autres, sont parmi les plus conscients de ce temp
339
ions nouvelles. Toute la jeune littérature décrit
un
type d’homme profondément antisocial, glorifie une morale résolument
340
un type d’homme profondément antisocial, glorifie
une
morale résolument anarchiste. Ceux qui s’essaient à l’action, c’est e
341
st encore pour cultiver leur moi. Ils y cherchent
un
fortifiant, je ne sais quelle excitation, quelle révélation ou quel o
342
xcitation, quelle révélation ou quel oubli. C’est
un
dilettantisme qu’ils ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque
343
ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque
une
certitude foncière, une foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi
344
ns Barrès. Il leur manque une certitude foncière,
une
foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre
345
Au cœur de la crise de notre civilisation, il y a
un
problème de morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer.
346
isation, il y a un problème de morale à résoudre,
une
conscience individuelle à recréer. Nous y employer, pour l’heure, c’e
347
complaît à répéter que nous vivons dans le chaos
des
idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hor
348
épéter que nous vivons dans le chaos des idées et
des
doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hors un certain
349
s, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hors
un
certain « confusionnisme ». Mais sous les épaves de tous les vieux ba
350
sous les épaves de tous les vieux bateaux, il y a
une
seule mer. Nos agitations contradictoires s’affrontent comme des vagu
351
Nos agitations contradictoires s’affrontent comme
des
vagues soulevées par une même tempête. L’unité de notre temps est en
352
oires s’affrontent comme des vagues soulevées par
une
même tempête. L’unité de notre temps est en profondeur : c’est une un
353
L’unité de notre temps est en profondeur : c’est
une
unité d’inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices t
354
d’inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit
des
édifices très différents de style, et dont les façades s’opposent ave
355
çades s’opposent avec hostilité. Dans l’intérieur
des
deux maisons pourtant se débattent les mêmes brouilles de famille ent
356
la libération du moi paraissent bien les ancêtres
des
nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdumen
357
uels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec
une
profonde conviction ; par vertu. Ce qui n’a rien d’étonnant : ils ne
358
r. On n’écrit plus pour s’amuser : ni pour amuser
un
public. Un livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent,
359
it plus pour s’amuser : ni pour amuser un public.
Un
livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-mê
360
s’amuser : ni pour amuser un public. Un livre est
une
action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-même. On écrit p
361
i pour amuser un public. Un livre est une action,
une
expérience. Et, le plus souvent, sur soi-même. On écrit pour cultiver
362
pour l’éprouver et le prémunir, pour y découvrir
des
possibilités neuves, — pour le libérer. Il n’est pas question de rech
363
tion de rechercher ici les origines historiques d’
une
conception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les prob
364
en littérature. Jacques Rivière s’y appliqua dans
un
de ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal »,
365
e — et c’est plus que probable. Mais il en tirait
une
raison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-
366
vons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’
une
époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la suivante qui peut-ê
367
seule permet la suivante qui peut-être retrouvera
une
nouvelle face de la vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à
368
et le monde : l’ennui est venu avant l’épuisement
des
combinaisons possibles. Exaltation méthodique de nos facultés de plai
369
les plus aiguës prennent la place d’honneur dans
des
esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibilités surmenées.
370
crée que contre quelque chose, contre soi, contre
une
difficulté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on
371
— on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’
une
civilisation qui aboutit logiquement à cet épuisant et forcené gaspil
372
lut n’est nulle part… » « Je comprends la révolte
des
autres et quelles prières cela fait à Dieu », disait Drieu la Rochell
373
ien se remettre à manger, tout de même nous avons
un
corps, et c’est très beau, Breton, de crier « Révolution toujours » —
374
de crier « Révolution toujours » — tant qu’il y a
des
gens pour vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon, de ne plus
375
otre ultimatum à Dieu. Mais, secouant son dégoût,
un
Montherlant s’abandonne au salut par la violence. Une sensualité moin
376
Montherlant s’abandonne au salut par la violence.
Une
sensualité moins énervée lui permet de brutaliser quelque peu les « g
377
es « grands problèmes », et le voilà reparti dans
un
égoïsme triomphant, pur du désir d’action qui empêtrait Barrès dans d
378
, pur du désir d’action qui empêtrait Barrès dans
des
dilemmes où l’art trouvait mal sa nourriture. Drieu la Rochelle tente
379
a touché certains bas-fonds de l’âme où s’éveille
un
désenchantement qui l’amène au besoin d’une mystique. Et pour finir,
380
veille un désenchantement qui l’amène au besoin d’
une
mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, — pl
381
ène au besoin d’une mystique. Et pour finir, l’un
des
derniers venus, Marcel Arland, — plus jeune, il n’a pas fait la guerr
382
précoce, sans la brusquerie de ses aînés. Encore
un
qui s’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point d’y percevoir
383
dégoût ; mais jusqu’au point d’y percevoir comme
un
appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secrète des inquiétudes
384
el du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secrète
des
inquiétudes modernes : la perte d’une foi. Il a besoin de Dieu, mais
385
use secrète des inquiétudes modernes : la perte d’
une
foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’
386
e regarder chercher, absorbant son attention dans
une
sincérité si voulue qu’elle va parfois à l’encontre de son dessein. ⁂
387
éséquilibre. Il serait temps de faire la critique
des
méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amen
388
serait temps de faire la critique des méthodes et
des
façons de vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions
389
d’esquisser. Mais on trouve tout dans les livres
des
jeunes, dites-vous, le pire et le meilleur, toutes les vieilleries mo
390
chée à chercher dans le seul moi les fondements d’
une
éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une morale qui « défo
391
e éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’
une
morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle, qui élague
392
la peur d’une morale qui « déforme », qui mutile
une
tendance naturelle, qui élague, qui opère un choix parmi les éléments
393
ile une tendance naturelle, qui élague, qui opère
un
choix parmi les éléments mêlés de la personnalité. Toute tendance qu’
394
heureuses que nous avions jusqu’alors enviées, et
une
nuit, nous fîmes le procès de toutes les jouissances humaines. L’espè
395
s toute vérité, nous étions dominés par le sens d’
une
réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au pr
396
ue certains d’entre nous eussent acheté au prix d’
un
martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu’i
397
t inutile et vain ? Je cite ces phrases, tirées d’
un
récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutiss
398
, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’
une
évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourritur
399
aises, de révoltes plus ou moins complètes au gré
des
tempéraments. Le geste de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme.
400
’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis par
un
héros de roman, à la vie gratuite que prétendent mener les surréalist
401
les surréalistes, il n’a fallu que le temps pour
une
folie de s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent e
402
Gide et Aragon nous montrent le même personnage :
un
être sans foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre
403
rent le même personnage : un être sans foi, à qui
une
sorte de « sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et
404
que ce serait fausser quelque chose ; à la merci
des
circonstances extérieures qu’il méprise toutes également ; n’attendan
405
nt rien que de ses impulsions et contemplant avec
une
lucidité parfois douloureuse ses propres actes dont il s’étonne mais
406
is qu’il se garde de juger5. Il y a véritablement
une
littérature de l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre é
407
que de notre époque. Mais Gide est responsable d’
une
autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et
408
t le début de la Tentative amoureuse offrait déjà
une
singulière préfiguration : Certes ce ne seront ni les lois importunes
409
tion : Certes ce ne seront ni les lois importunes
des
hommes, ni les craintes, ni la pudeur, ni le remords, ni le respect d
410
je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant
une
chose si forte, de me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mai
411
us fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’
une
si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne que
412
es conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise
une
borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’est par humilité qu’on reno
413
à mentir. On en vient naturellement à considérer
un
certain immoralisme comme la seule vertu digne d’une élite. Tel est l
414
certain immoralisme comme la seule vertu digne d’
une
élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralistes
415
opre intérêt6… » c’est proprement la perversion d’
une
vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité psyc
416
e ne vais point nier la fécondité psychologique d’
une
attitude par ailleurs si proche de certain mysticisme. Mais pousser u
417
urs si proche de certain mysticisme. Mais pousser
une
vertu particulière jusqu’à ses dernières conséquences suppose qu’on a
418
ères conséquences suppose qu’on ait perdu le sens
des
ensembles rationnels. Nous ne pensons plus par ensembles7 : symptôme
419
: dégoût universel, désir de violences, gratuité
des
pensées et des actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’
420
rsel, désir de violences, gratuité des pensées et
des
actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’une fatigue imm
421
s, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’
une
fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des nu
422
fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme
des
jours et des nuits à mesure que se développe une civilisation mécanic
423
se. Nous voyons se fausser le rythme des jours et
des
nuits à mesure que se développe une civilisation mécanicienne. (Les m
424
des jours et des nuits à mesure que se développe
une
civilisation mécanicienne. (Les machines n’ont pas besoin de sommeil.
425
n’ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient
un
des éléments les plus importants de notre psychologie. Images des sur
426
ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient un
des
éléments les plus importants de notre psychologie. Images des surréal
427
les plus importants de notre psychologie. Images
des
surréalistes — ils l’indiquent eux-mêmes —, calembours, expression mé
428
veux, saugrenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est
un
amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidi
429
tions, à ses automatismes. En art, la fatigue est
un
des états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mie
430
ns, à ses automatismes. En art, la fatigue est un
des
états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mieux à
431
t ce qui servirait de frein à notre glissade vers
des
folies. ⁂ Recréer une conscience individuelle ; retrouver le sens soc
432
frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer
une
conscience individuelle ; retrouver le sens social, le sens des ensem
433
individuelle ; retrouver le sens social, le sens
des
ensembles et des proportions ; rééduquer les instincts du corps et de
434
etrouver le sens social, le sens des ensembles et
des
proportions ; rééduquer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir
435
quer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir
une
foi… La morale de demain sera en réaction complète contre celle d’auj
436
libérer de l’universelle hypocrisie accompli par
des
générations qui ne lèguent aux suivantes que leur lassitude : sachons
437
ue leur lassitude : sachons au contraire profiter
des
démonstrations par l’absurde de quelques problèmes moraux et littérai
438
aucoup sacrifièrent leur jeunesse. (« Nous sommes
une
génération de cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien
439
l Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donner
une
conscience à l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers un Ori
440
l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers
un
Orient d’oubli — (mais avant de s’y perdre, quelles révolutions, quel
441
e la Société ; ils savent que pour lutter il faut
des
armes et ne méprisent pas la culture ; sans autre parti pris que celu
442
se recueillent encore dans l’attente angoissée d’
une
révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux don
443
ils décrivent le tourment dont sortira peut-être
une
foi nouvelle ; mais qu’ils sachent, quand viendra le moment, détourne
444
ourner les yeux de leur recherche pour contempler
un
absolu ; qu’ils osent se faire violence pour se hisser dans la lumièr
445
es ces petites misères, en compose d’un seul coup
une
grande misère, et par ce moyen nous met tout d’abord en présence, non
446
s, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger
des
poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos moralistes — p
447
ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent
des
odes civiques. Mais que nos moralistes — presque tous les jeunes écri
448
talement. — Alors, vous croyez à l’action sociale
des
écrivains ? Peut-être. En tout cas je vois bien le mal qu’ils ont fai
449
qu’au fond, leur refus d’agir sur l’époque, c’est
une
manière d’agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature
450
», NRF, 1923. 3. « Il s’était développé en nous
un
goût furieux de l’expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout e
451
veut tout cultiver, et en fait l’on se contente d’
une
violence, d’un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences li
452
er, et en fait l’on se contente d’une violence, d’
un
vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont
453
ait l’on se contente d’une violence, d’un vice, d’
une
inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont plus dangere
454
expériences littéraires sont plus dangereuses que
des
expériences réelles » (Marcel Arland). 9. Ce serait au moins la libe
455
éloignée de celle qui permet le surréalisme. 10.
Une
équipe d’hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (J
456
Une équipe d’hommes solides suffirait à restaurer
une
élite, efficace. (Je vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies
457
vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies,
des
Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’il voulait…) o. «
458
emps, et non plus à Sainte-Croix, mais à Aubonne.
Un
plein succès a répondu à cette innovation. Le sujet de la première pa
459
cette innovation. Le sujet de la première partie
des
conférences, les Objections des intellectuels au Dieu chrétien, fut i
460
a première partie des conférences, les Objections
des
intellectuels au Dieu chrétien, fut introduit par M. Raymond de Sauss
461
igieux admettent à côté de l’explication mystique
une
explication scientifique. C’est donc à la seule volonté de choisir. M
462
ant de vigueur dialectique et de largeur d’idées.
Une
soirée consacrée à la fédération vint interrompre les discussions phi
463
ux travaux. Avec la conférence de M. Jean Cadier,
un
jeune pasteur français, on descendit — ou l’on monta suivant M. A. Lé
464
oderne avec l’action religieuse en s’appuyant sur
des
expériences faites pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un de
465
s pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un
des
artisans les plus actifs. Pour remplacer un travail promis par M. A.
466
l’un des artisans les plus actifs. Pour remplacer
un
travail promis par M. A. Reymond malheureusement indisposé, M. Pierre
467
nd malheureusement indisposé, M. Pierre Maury fit
une
causerie émouvante sur l’Évolution religieuse de Jacques Rivière, qui
468
e de Jacques Rivière, qui se trouva préciser bien
des
points laissés en suspens dans la première partie de la conférence. P
469
lut en montrant la nécessité et les difficultés d’
une
action missionnaire dans ces milieux, comme M. Terrisse l’avait fait
470
s milieux d’ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à
des
questions de partis, avec une passion contenue d’hommes qui ont vu, q
471
Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec
une
passion contenue d’hommes qui ont vu, qui ont souffert, et qui ne se
472
que nos syndicats. Cercle vicieux, l’augmentation
des
salaires. Ce que nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus de la p
473
radante condition, et nous n’y arriverons que par
un
travail d’éducation lent et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez
474
l’usage de la parole, puis on va se dégourdir sur
un
ballon ou bien l’on poursuit hors du village une discussion toujours
475
r un ballon ou bien l’on poursuit hors du village
une
discussion toujours trop courte. Et les repas réunissent tout le mond
476
monde dans la gaieté la plus charmante. On y vit
un
ouvrier en maillot rouge assis entre un banquier et un philosophe au
477
On y vit un ouvrier en maillot rouge assis entre
un
banquier et un philosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et de
478
vrier en maillot rouge assis entre un banquier et
un
philosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et de professeurs sui
479
is entre un banquier et un philosophe au milieu d’
une
centaine d’étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle q
480
suisses et français. Miracle qui nous fit croire
un
instant à la fameuse devise de la Révolution. d. « Conférences d’Au
481
ean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)p Au creux
des
couleurs assourdies d’un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouv
482
vril 1926)p Au creux des couleurs assourdies d’
un
divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de Fl
483
orence… « Du sang, de la volupté et de la mort »,
un
titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire de passion m
484
», un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé
une
histoire de passion mystique et de crime, intense et tragique comme u
485
n mystique et de crime, intense et tragique comme
un
couchant d’automne, émouvante encore après tant d’autres, comme chaqu
486
nte encore après tant d’autres, comme chaque soir
un
nouveau ciel. Il l’a transcrite en brèves notations lyriques suivant
487
en brèves notations lyriques suivant le rythme d’
un
songe, sans cesse brisé par les élans alternés ou confondus du désir
488
dus du désir et de la prière. On sort lentement d’
une
chambre bleue qui est le mystère même, pour suivre la naissance et l’
489
a rechute et le crime ; et l’étrange apaisement d’
une
vieillesse au soleil. Jouve semble avoir hésité entre plusieurs style
490
ble avoir hésité entre plusieurs styles de roman.
Un
chapitre d’observation psychologique ironique et minutieuse, à la Ste
491
ironique et minutieuse, à la Stendhal, succède à
des
effusions haletantes ou à une relation cinématographique. Mais tout c
492
Stendhal, succède à des effusions haletantes ou à
une
relation cinématographique. Mais tout cela baigne dans le même lyrism
493
t cela baigne dans le même lyrisme et s’agite sur
un
fond sombre et riche de passions inconscientes qui donnent à tous les
494
ssions inconscientes qui donnent à tous les actes
une
signification plus profonde. (Il serait aisé de montrer quel parti Jo
495
erait aisé de montrer quel parti Jouve a su tirer
des
complexes de famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ;
496
ences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans
un
monde poétique où il paraît inconvenant d’introduire le jargon de la
497
us reconnaissons à la base de cette œuvre inégale
des
idées vieilles comme Rousseau sur les droits de la passion, — et dans
498
elques chapitres inspirés presque littéralement d’
une
anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique
499
rt l’évolution mystique de Paulina semble parfois
un
peu trop « classique » et prévue, l’originalité foncière du roman de
500
purement lyrique, sa progression accordée à celle
des
événements inconscients. Certaines proses mystiques de Paulina au cou
501
s poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes
des
hommes. p. « Pierre Jean Jouve : Paulina 1880 (NRF, Paris) », Bibli
502
Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)q
Un
artiste de grand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des thé
503
rand talent à qui la guerre a fait perdre le goût
des
théories d’écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez
504
plaisirs pour civils : mettez-le aux prises avec
une
petite cité patricienne dont il devra portraiturer les gentilshommes
505
vieilles dames à principes. Voilà, n’est-ce pas,
un
amusant sujet de conte moral, avec ses personnages un peu conventionn
506
musant sujet de conte moral, avec ses personnages
un
peu conventionnels et l’invraisemblance assez piquante de ses péripét
507
péties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’
une
idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à être
508
iption du milieu patricien que dans la création d’
un
caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lir
509
d’un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré
des
longueurs, on ne lira pas sans plaisir ce livre où l’on voit un homme
510
on ne lira pas sans plaisir ce livre où l’on voit
un
homme appeler en vain le vent du large, parmi des gens qui craignent
511
un homme appeler en vain le vent du large, parmi
des
gens qui craignent de s’enrhumer. q. « Alix de Watteville : La Foli
512
ilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)r
Un
léger flirt avec la muse, parce que c’est dimanche, parce qu’il pleut
513
ur charmant du Pédagogue et l’Amour — sourit avec
une
grâce un peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît l
514
t du Pédagogue et l’Amour — sourit avec une grâce
un
peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît le danger…
515
)s C’est le récit de la découverte de Dieu par
une
jeune fille élevée dans l’athéisme. Invraisemblablement ignorante de
516
ans, Denise s’abandonne à « la vie », laquelle —
un
peu aidée par l’auteur — lui révèlera peu à peu le sens divin de la d
517
divin de la destinée. Ce livre à thèse est plutôt
une
argumentation à coups d’exemples vivants qu’un véritable roman. La pr
518
t une argumentation à coups d’exemples vivants qu’
un
véritable roman. La profusion souvent facile des incidents et le styl
519
u’un véritable roman. La profusion souvent facile
des
incidents et le style volontairement sec permettent de suivre sans pa
520
e suivre sans passion ni fatigue le développement
un
peu théorique mais intelligent d’un problème que l’on pressent trop c
521
développement un peu théorique mais intelligent d’
un
problème que l’on pressent trop complètement résolu dès les premières
522
d’avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abus
des
points d’exclamation — trait commun à presque toutes les femmes auteu
523
mmes auteur, et qui plaît aux lectrices — m’agace
un
peu ? C’est une vétille. s. « C.-C. Rivier : L’Athée (Payot, Lausan
524
qui plaît aux lectrices — m’agace un peu ? C’est
une
vétille. s. « C.-C. Rivier : L’Athée (Payot, Lausanne) », Bibliothè
525
ite que sa recherche de l’ordre révèle simplement
une
volonté de construire jusque dans le grabuge, qu’il aime pour les mat
526
pas, il compte. ») Six projecteurs convergent sur
une
machine luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est une arme admir
527
ne luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est
une
arme admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il
528
iste. Mais tandis que la plupart en sont encore à
des
symboles équivoques et, quoi qu’ils en disent, « artistiqués », — ils
529
’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans
un
hôtel perdu, avec son corps qui se souvient — « mémoire, l’ennemie »
530
s qui se souvient — « mémoire, l’ennemie » — avec
une
intelligence dont la triste profession est de détruire le désir qu’el
531
s physiologiques dont la pauvreté le rejette dans
une
angoisse qu’il nomme « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui
532
t créateur, voilà je pense le véritable désordre.
Une
intelligence parvenue au point où elle « ne semble avoir rien d’autre
533
oir rien d’autre à faire que son propre procès »,
une
intelligence qui se dégoûte, tel est le spectacle que nous dévoile c
534
1926 (mai 1926)e Cette conférence s’ouvrit par
une
bise qu’on peut bien dire du diable et se termina sous le plus beau s
535
au soleil de printemps. Libre à qui veut d’y voir
un
symbole. On ne saurait exagérer l’importance des conditions météorolo
536
r un symbole. On ne saurait exagérer l’importance
des
conditions météorologiques du succès d’une telle rencontre : tout all
537
rtance des conditions météorologiques du succès d’
une
telle rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que la bise tombée
538
nse, à Aubonne on se sent prêt à tout lâcher pour
une
vérité nouvelle, on tient moins à convaincre qu’à se convaincre. Aprè
539
oi, qu’ils incarnaient les voix contradictoires d’
un
débat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arrive
540
ses lumineuses conquêtes sur le doute, le modèle
des
réponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère de la chapelle où on
541
ux et méditations. Dehors, on honore la liberté d’
un
culte moins platonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit qu’on ne peut
542
offrit pendant quelques nuits la vision étrange d’
une
salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur des paillasses attend
543
e salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur
des
paillasses attendraient en vain le lever d’un rideau sur une pièce in
544
ur des paillasses attendraient en vain le lever d’
un
rideau sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l’on vit app
545
ses attendraient en vain le lever d’un rideau sur
une
pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l’on vit apparaître un faki
546
tante. Enfin le dernier soir, l’on vit apparaître
un
fakir… Il y eut aussi une assemblée délibérative en pleine forêt, où
547
oir, l’on vit apparaître un fakir… Il y eut aussi
une
assemblée délibérative en pleine forêt, où Henriod debout sur un tron
548
libérative en pleine forêt, où Henriod debout sur
un
tronc coupé n’eut pas trop de toute sa souplesse pour maintenir l’équ
549
de toute sa souplesse pour maintenir l’équilibre
des
discussions et de sa propre personne. Et il y eut encore un dîner trè
550
ions et de sa propre personne. Et il y eut encore
un
dîner très démocratique pendant lequel le philosophe Abauzit chanta «
551
bauzit chanta « les Crapauds » avec âme, appuyé d’
une
main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des p
552
ule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air
des
phrases musicales. Après quoi Richardot, entrant par la fenêtre, vint
553
la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne
un
décor utile et beau. Or « la grande ville, phénomène de force en mouv
554
phénomène de force en mouvement, est aujourd’hui
une
catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit de géom
555
géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure
des
milliers d’êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions no
556
l ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail
des
rues. Congestion : « un cheval arrête 1000 chevaux-vapeurs ». Et pour
557
n plan ni dans le détail des rues. Congestion : «
un
cheval arrête 1000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant « la ville est une
558
000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant « la ville est
une
image puissante qui actionne notre esprit » après avoir été créée par
559
le problème de l’Urbanisme se place au croisement
des
préoccupations esthétiques et sociales d’aujourd’hui. Pour résoudre l
560
ect comme sous les autres, il nous faut mieux que
des
dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Cor
561
s autres, il nous faut mieux que des dictateurs :
des
Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise so
562
meux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est
une
étude technique et un pamphlet dont l’argumentation serrée éclate par
563
s de Rome). Urbanisme est une étude technique et
un
pamphlet dont l’argumentation serrée éclate parfois en boutades morda
564
s mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est d’
une
verve puissante jusque dans la statistique. On en sort convaincu ou b
565
nt d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute
un
des livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme
566
d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute un
des
livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du
567
du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme
un
ossuaire est couvert des détritus d’époques mortes. Une tâche nous in
568
armé. « Notre monde comme un ossuaire est couvert
des
détritus d’époques mortes. Une tâche nous incombe, construire le cadr
569
suaire est couvert des détritus d’époques mortes.
Une
tâche nous incombe, construire le cadre de notre existence… construir
570
s villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’
une
« ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment blanc
571
e-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour d’
un
aérodrome-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur a
572
rismes perdus dans le silence de l’azur au-dessus
des
rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les
573
us les étages soulignent de verdure l’horizontale
des
toitures en terrasses. Des perspectives régulières recoupées à 200 et
574
verdure l’horizontale des toitures en terrasses.
Des
perspectives régulières recoupées à 200 et 400 mètres par les plans f
575
coupées à 200 et 400 mètres par les plans fuyants
des
rues immenses livrées au 100 à l’heure des autos. Les maisons habitée
576
uyants des rues immenses livrées au 100 à l’heure
des
autos. Les maisons habitées ne sont plus que des enceintes transparen
577
des autos. Les maisons habitées ne sont plus que
des
enceintes transparentes, et minces en regard de leur hauteur, entoura
578
hauteur, entourant de leurs multiples « redents »
des
terrains de jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est
579
urs multiples « redents » des terrains de jeux et
des
parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle organisé pa
580
des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est
un
spectacle organisé par l’Architecture avec les ressources de la plast
581
eu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’
un
rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chan
582
pour créer avec ses moyens matériels formidables
des
ensembles soumis aux lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus
583
lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus à
un
opportunisme anarchique. Tirer des lignes droites, est le propre de l
584
ale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer
des
lignes droites, est le propre de l’homme. Toutes les civilisations fo
585
Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Créer
un
espace architectural lumineux à la place de nos cités congestionnées,
586
ongestionnées, ce serait peut-être tuer au soleil
des
germes de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la r
587
tre tuer au soleil des germes de révolution. Déjà
des
ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de h
588
ène de haute poésie — la « ville contemporaine ».
Un
labeur précis et anonyme concourt obscurément à cette parfaite expres
589
Écrire, pas plus que vivre, n’est de nos jours
un
art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si
590
usés. Nous choisissons les idées comme on choisit
un
amour dont on est anxieux de prévoir l’influence, avant de s’y jeter,
591
ce de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible
des
choses. Amour de soi… Mais moi, qui suis-je ? Par ces trois mots comm
592
ci, je tape du pied —, ces désirs, ce corps… J’ai
un
passé à moi, un milieu, des amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres
593
ied —, ces désirs, ce corps… J’ai un passé à moi,
un
milieu, des amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres forces et tant d
594
désirs, ce corps… J’ai un passé à moi, un milieu,
des
amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres forces et tant d’autres faib
595
utres désirs contradictoires ; au gré du temps, d’
un
sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges vienne
596
ontradictoires ; au gré du temps, d’un sourire, d’
un
sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges viennent m’habiter ;
597
ndre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’
une
habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ; je
598
ue le jeu de sauter follement d’une habitude dans
une
autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ; je devins si faible e
599
d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’
une
fatigue profonde ; je devins si faible et démuni, livré aux regards d
600
e devins si faible et démuni, livré aux regards d’
une
foule absurde, bienveillante, repue, — tous paraissaient détenir un s
601
bienveillante, repue, — tous paraissaient détenir
un
secret très simple, et un peu narquois ils me considéraient avec une
602
us paraissaient détenir un secret très simple, et
un
peu narquois ils me considéraient avec une pitié curieuse : je me sen
603
ple, et un peu narquois ils me considéraient avec
une
pitié curieuse : je me sentis nu, tout le monde devait voir en moi un
604
je me sentis nu, tout le monde devait voir en moi
une
tare que j’étais seul à ignorer, était-ce ma fatigue seulement qui me
605
damentale que je préférais me leurrer à combattre
des
imperfections de détail dont je m’exagérais l’importance. Et c’est ai
606
que je progressais, jusqu’au jour où je m’avouai
un
trouble que je me refusai pourtant à nommer peur de rire. Cette amert
607
plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait
un
ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à pleurer sur mes d
608
me temps que je le découvrais, dans tout mon être
une
force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna s
609
confiance sourde aux contradictions intimes exige
un
acte victorieux. Autour de cette brutalité s’organisaient brusquement
610
s tant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était
un
des premiers jours du printemps —, l’heure est venue de la violence.
611
ant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un
des
premiers jours du printemps —, l’heure est venue de la violence. Jeun
612
pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’était plus
une
douleur rare que j’aimais dans ces brutalités, c’était ma liberté agi
613
tés, c’était ma liberté agissante. J’allais plier
des
résistances à mon gré, agir sur les choses… Vers le soir, l’ardeur to
614
? dans quel sens ? Provisoirement j’étais sauvé d’
un
désordre où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas se
615
à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’
une
recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre pleineme
616
eureux : « J’ai donc la foi ? » Mais c’est encore
une
question… Je crois qu’il ne faut pas attendre immobile dans sa prière
617
ne faut pas attendre immobile dans sa prière, qu’
une
révélation vienne chercher l’âme qui se sent misérable. Je ne recevra
618
r l’âme qui se sent misérable. Je ne recevrai pas
une
foi, mais peut-être arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il
619
verai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il est
une
révélation, c’est en me rendant plus parfait que je lui préparerai le
620
ur cela seul qu’ils sont naturels : la nature est
un
champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la construc
621
rs la destruction et vers la construction ; c’est
un
mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence d
622
hoisir Mes instincts, ensuite, les éduquer, selon
des
lois établies par le concours de l’expérience et d’un sentiment de co
623
ois établies par le concours de l’expérience et d’
un
sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la conscie
624
tionnement de l’esprit, puisqu’elle ne permet que
des
associations suivant les directions de moindre résistance. Mais je ne
625
attre mes propres records. De ce lent effort naît
une
modestie que je m’enorgueillis un peu de connaître ; et de cette volo
626
illis un peu de connaître ; et de cette volonté d’
un
meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La sin
627
onnaître ; et de cette volonté d’un meilleur moi,
une
certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La sincérité m’apparaît
628
sincérité. La sincérité m’apparaît parfois comme
un
arrêt artificiel dans ma vie, une vue stupide sur mon état qui peut m
629
ît parfois comme un arrêt artificiel dans ma vie,
une
vue stupide sur mon état qui peut m’être dangereuse. (On donne corps
630
tat qui peut m’être dangereuse. (On donne corps à
une
faiblesse en la nommant ; or je ne veux plus de faiblesses4.) Et dema
631
rendu digne. L’époque nous veut, comme elle veut
une
conscience. Je fais partie d’un ensemble social et dans la mesure où
632
comme elle veut une conscience. Je fais partie d’
un
ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’em
633
sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut
une
doctrine, me dit-on. L’avouerai-je, quand je médite sur une doctrine
634
ne, me dit-on. L’avouerai-je, quand je médite sur
une
doctrine possible, sur une systématisation de mes petites certitudes5
635
e, quand je médite sur une doctrine possible, sur
une
systématisation de mes petites certitudes5, j’éprouve vite le sentime
636
titudes5, j’éprouve vite le sentiment d’être dans
un
débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment surmonter un
637
ce véritable débat de ma vie : comment surmonter
un
malaise sans cesse renaissant, comment m’adapter à l’existence que m’
638
fond de néant, je le comprends par éclairs, mais
une
secrète espérance m’emporte de nouveau, premier gage du divin… Repren
639
dre l’offensive — au soir, je m’amuserai à mettre
des
étiquettes sur mes actes… Déjà je sens un sourire — en songeant à ces
640
mettre des étiquettes sur mes actes… Déjà je sens
un
sourire — en songeant à ces raisonnements que je me tiens — plisser u
641
ant à ces raisonnements que je me tiens — plisser
un
peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme u
642
s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme
un
écho profond, une attirance aussi d’anciennes folies… Combat, oscilla
643
ure que je le décris. Mais comme un écho profond,
une
attirance aussi d’anciennes folies… Combat, oscillations silencieuses
644
mi-conscience. Joie, dégoût, lueurs éteintes dans
une
nuit froide. Les notes d’un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin l
645
lueurs éteintes dans une nuit froide. Les notes d’
un
chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’il
646
nent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent d’
un
flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ; j
647
iens, j’écoute le vent ; je pense au monde. Chant
des
horizons, images qui s’éclairent… Je vais écrire autre chose que moi,
648
chose que moi, je vais m’oublier, me perdre dans
une
vie nouvelle : (Créer, c’est se surpasser). J’entends des phrases qu’
649
nouvelle : (Créer, c’est se surpasser). J’entends
des
phrases qu’il ne faut pas encore comprendre — tout est si fragile —,
650
lue, « scientifique » me paraît aller contre fin.
Une
attention trop directe et soutenue modifie son objet vivant. Pour moi
651
spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire
des
idées qui m’aideront. Une fois écrites elles prennent un caractère de
652
s qui m’aideront. Une fois écrites elles prennent
un
caractère de certitude qu’elles n’avaient pas encore en moi. C’est en
653
sincérité est tendancieuse. 5. Quant à adhérer à
une
doctrine toute faite, ce me semble une dérision complète. Je m’étonne
654
adhérer à une doctrine toute faite, ce me semble
une
dérision complète. Je m’étonne qu’après tant d’expériences ratées on
655
tées on puisse encore se persuader de la vérité d’
un
système, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile. C
656
ader de la vérité d’un système, hors la religion.
Un
système n’est pas vrai, il est utile. C’est pourquoi je ne puis compr
657
e violence et de volupté », je me sens envahi par
un
rythme impérieux au point qu’il faut que certaines voix en moi taisen
658
x en moi taisent leur protestation, étouffées par
des
forces qui se lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’on l’épr
659
d trop vivement pour le juger. L’auteur l’appelle
un
« poème solaire », l’éditeur un roman, parce que ça se vend mieux. Ce
660
’auteur l’appelle un « poème solaire », l’éditeur
un
roman, parce que ça se vend mieux. Ce récit des premiers combats de t
661
ur un roman, parce que ça se vend mieux. Ce récit
des
premiers combats de taureaux du jeune Montherlant est en réalité un n
662
s de taureaux du jeune Montherlant est en réalité
un
nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’une seule coulée,
663
réalité un nouveau tome de ses mémoires lyriques.
Une
œuvre d’une seule coulée, presque sans intrigue, sans cette orchestra
664
ouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’
une
seule coulée, presque sans intrigue, sans cette orchestration de thèm
665
e thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’
une
ligne plus ferme, d’une unité plus pure aussi. Le sujet était pérille
666
richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme, d’
une
unité plus pure aussi. Le sujet était périlleux : si particulier, il
667
et était périlleux : si particulier, il prêtait à
des
abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de f
668
on le traite de naturaliste. Mais comment montrer
des
taureaux sans que cela sente un peu l’étable ? L’étonnant, c’est de v
669
comment montrer des taureaux sans que cela sente
un
peu l’étable ? L’étonnant, c’est de voir à quel point Montherlant res
670
peut atteindre à pareille intensité de réalisme.
Une
perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui donne un rythme
671
le palpitation de vie anime ce livre et lui donne
un
rythme tel qu’il s’accorde d’emblée avec ce qu’il y a de plus bondiss
672
irecte sur notre énergie physique. Partout rôdent
des
présences animales. Tandis que sur la plaine s’élève le long beugleme
673
ndis que sur la plaine s’élève le long beuglement
des
taureaux et le ohéohéohé des bouviers « comme un chant mystérieux ent
674
e le long beuglement des taureaux et le ohéohéohé
des
bouviers « comme un chant mystérieux entendu au-dessus de la mer », i
675
des taureaux et le ohéohéohé des bouviers « comme
un
chant mystérieux entendu au-dessus de la mer », il y a toujours dans
676
tendu au-dessus de la mer », il y a toujours dans
un
coin du tableau des ruades, des chevaux qui partent tout droit, la tê
677
la mer », il y a toujours dans un coin du tableau
des
ruades, des chevaux qui partent tout droit, la tête dressée, des vach
678
y a toujours dans un coin du tableau des ruades,
des
chevaux qui partent tout droit, la tête dressée, des vachettes qui se
679
chevaux qui partent tout droit, la tête dressée,
des
vachettes qui se mordillent et se frôlent amoureusement, des chiens «
680
es qui se mordillent et se frôlent amoureusement,
des
chiens « qui vous faufilent des douceurs au bas des jambes », jusqu’à
681
nt amoureusement, des chiens « qui vous faufilent
des
douceurs au bas des jambes », jusqu’à ces chats qui griffent et lèche
682
s chiens « qui vous faufilent des douceurs au bas
des
jambes », jusqu’à ces chats qui griffent et lèchent alternativement,
683
nt alternativement, « en vraies bêtes de désir ».
Une
intelligence si profonde de la vie animale suppose entre l’homme et l
684
e la vie animale suppose entre l’homme et la bête
une
sympathie que Montherlant note à plusieurs reprises. C’est « par la d
685
les taureaux cet amour tourne en adoration ou en
une
véritable horreur sacrée. Voici Alban devant une bête qu’il devra com
686
une véritable horreur sacrée. Voici Alban devant
une
bête qu’il devra combattre le lendemain : « Salaud, cochon, saligaud
687
aligaud ! » Il l’apostrophait ainsi tout bas, sur
un
ton révérenciel, et comme on déroule une litanie. Sous les grands cil
688
bas, sur un ton révérenciel, et comme on déroule
une
litanie. Sous les grands cils brillants, lustrés par la lumière desce
689
cendante, les prunelles laiteuses du dieu avaient
un
reflet bleu clair, soudain inquiètes à l’approche de l’inconnu. Null
690
nconnu. Nulle part mieux que dans la description
des
taureaux ne se manifeste ce passage du réalisme le plus hardi à un ly
691
manifeste ce passage du réalisme le plus hardi à
un
lyrisme plein de simple grandeur. Voici la mort du taureau dit « le M
692
sa destinée. Quelques secondes encore elle cligna
des
yeux et on vit sa respiration. Puis ses pattes se tendirent peu à peu
693
on. Puis ses pattes se tendirent peu à peu, comme
un
corps qu’on gonflerait à la pompe, tandis que dans cet agrandissement
694
ent les articulations grinçaient, avec le bruit d’
un
câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à
695
vec le bruit d’un câble de navire qu’on serre sur
un
treuil. Elle arriva avec emphase à la cime de son spasme, comme l’hom
696
erlant décolle de la réalité, c’est tout de suite
une
orgie d’évocations antiques, de rapprochements superstitieux, de gran
697
, de grands symboles païens, et l’on se perd dans
un
syncrétisme effarant, où Mithra, Jésus, les taureaux et Alban confond
698
es taureaux et Alban confondent leurs génies dans
une
sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut
699
eut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée
des
sacrifices sanglants. Pour ma part, je le trouve assez peu humain et
700
je le trouve assez peu humain et comme obsédé par
une
idée de violence tonique certes, mais décidément un peu pauvre pour f
701
idée de violence tonique certes, mais décidément
un
peu pauvre pour fonder une religion. Mais ce n’est peut-être qu’un rê
702
certes, mais décidément un peu pauvre pour fonder
une
religion. Mais ce n’est peut-être qu’un rêve de poète. Il y a un autr
703
r fonder une religion. Mais ce n’est peut-être qu’
un
rêve de poète. Il y a un autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là
704
is ce n’est peut-être qu’un rêve de poète. Il y a
un
autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est un moraliste d
705
Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est
un
moraliste de grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devie
706
n moraliste de grande race, qui peut nous mener à
des
hauteurs où devient naturel ce cri de sagesse orgueilleuse : « Qu’avo
707
e sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin d’
un
autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne
708
est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’
une
évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page
709
ue page, ce qui peu à peu obsède dans l’inflexion
des
phrases, ce qui s’élève en fin de compte de tous ces tableaux de viol
710
ux de violence et de passion, c’est la présence d’
un
tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin, a
711
nt sans fin, avant que d’être, Montherlant impose
un
tempérament lyrique d’une puissance contagieuse. Il y a là de quoi fa
712
être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’
une
puissance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier des défauts qu
713
ance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier
des
défauts qui tueraient tout autre que lui. Certes, il ne soulève direc
714
que lui. Certes, il ne soulève directement aucun
des
grands problèmes de l’heure. La violence même qui sourd dans son être
715
rd dans son être intime l’en empêche, le préserve
des
états d’incertitude douloureux, où ces problèmes viennent se poser à
716
le chant fini, il n’y pense plus. On comprend qu’
une
telle attitude agace des gens qui se soucient avant tout de trouver d
717
nse plus. On comprend qu’une telle attitude agace
des
gens qui se soucient avant tout de trouver des réponses de l’intellig
718
ce des gens qui se soucient avant tout de trouver
des
réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de
719
». Mais cette personnalité dont il manifeste avec
une
magnifique insolence les forces créatrices, ne vaut-elle pas d’être é
720
n témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue
des
athlètes en action, un tel livre communique une puissance physique, u
721
exaltation ? Comme la vue des athlètes en action,
un
tel livre communique une puissance physique, un mouvement vers la vie
722
e des athlètes en action, un tel livre communique
une
puissance physique, un mouvement vers la vie ardente qui peut entraîn
723
, un tel livre communique une puissance physique,
un
mouvement vers la vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan d
724
vers la vie ardente qui peut entraîner l’âme dans
un
élan de grandeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’ou
725
er l’âme dans un élan de grandeur. N’est-ce point
une
solution aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d’y vouloir tr
726
ue d’oublier de vivre à force d’y vouloir trouver
un
sens, ne vaudrait-il pas autant s’abandonner parfois à ces forces obs
727
ligence de l’instinct universel et nous élèvent à
une
vie plus âpre et violemment contractée, par la grâce de l’éternel Dés
728
n. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique
une
chenille précisément aux trois-centres nerveux, et sa victime « une s
729
sément aux trois-centres nerveux, et sa victime «
une
sympathie (au sens étymologique du mot) qui la renseigne du dedans, p
730
illet 1926)a Il y a dans le monde intellectuel
une
« Question d’Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des
731
ent » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence.
Des
prophètes — hindous à demi-européanisés ou germains désillusionnés —
732
« crépuscule du monde occidental », et, au-dessus
des
ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage
733
os cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’
un
Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plus la sagesse
734
mière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines
des
confusions sur quoi se fondent ces poétiques espérances ou ces craint
735
de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs
des
plus tenaces de ces confusions. M. de Traz a visité l’Égypte, ses hab
736
et son passé, en curieux avide du secret dernier
des
choses, lucide, avec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’êt
737
avide du secret dernier des choses, lucide, avec
une
sorte d’acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que c
738
l’être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à
un
don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psyc
739
hapitres à la fois si concis et achevés, n’est ni
un
album de vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique auque
740
l nous ont habitués les voyageurs en Orient, mais
une
suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l
741
me orientale de l’islam, que nous l’avons lu avec
un
intérêt si soutenu et parfois — je pense à certaines pages sur Jérusa
742
pages sur Jérusalem qui touchent particulièrement
une
sensibilité protestante — si passionné. Nul n’est moins oriental que
743
tout leur prix. Elles ne nous renseignent pas sur
une
partie orientale de lui-même, comme c’est si souvent le cas, mais bie
744
meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres
des
Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plus dans l’opposi
745
Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’
un
livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que d
746
n livre comme celui-ci est plus dans l’opposition
des
deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’
747
z ne pouvait trouver mieux que lui-même. S’il dit
des
Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’une politesse, leur paraît une b
748
S’il dit des Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’
une
politesse, leur paraît une beauté », c’est pour affirmer par contrast
749
Le mensonge, autant qu’une politesse, leur paraît
une
beauté », c’est pour affirmer par contraste une « préférence irréduct
750
t une beauté », c’est pour affirmer par contraste
une
« préférence irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet de voir p
751
ge ». « Ils mettent leur âme en veilleuse, dit-il
des
rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’à leur mysticisme,
752
e paresse, jusqu’à leur mysticisme, partout c’est
une
démission qu’ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons
753
t. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait
une
vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et en
754
vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait
un
plaisir. » Et encore ceci que je trouve si juste : « Ce qui définit l
755
e M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en
une
matière si complexe — sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire
756
sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire à
un
péril oriental très pressant, ni surtout que nous ayons à chercher là
757
r là-bas notre salut. « La seule leçon à attendre
des
musulmans, c’est que le spectacle de leur décadence nous enseigne com
758
manque pour parler comme j’aurais voulu le faire
des
deux autres parties du volume, d’une importance moins actuelle, mais
759
ulu le faire des deux autres parties du volume, d’
une
importance moins actuelle, mais d’une qualité d’art peut-être supérie
760
u volume, d’une importance moins actuelle, mais d’
une
qualité d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de
761
les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz
un
philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux h
762
ur édifier aucun système. Le livre se termine par
un
voyage à Jérusalem : le christianisme n’est-il pas le plus beau don d
763
plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là
des
pages d’un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certai
764
on de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’
un
accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume
765
n accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’
une
certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’o
766
’impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois
un
peu gêné cette présence de la mort qu’il fait sentir partout aux lieu
767
a personnalité peut-être mieux que ne le feraient
une
suite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici,
768
le feraient une suite de pages lyriques toujours
un
peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le type du voyageur intelligen
769
à ses origines pour garder dans ses dépaysements
un
point de vue fixe, d’où comparer et, parfois, juger ; préférant obsti
770
à la légende le vrai, même amer, non par défaut d’
un
sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicates
771
our lui faire acquérir droit de cité. Voici enfin
un
critique qui sait tirer une leçon constructive des expériences entrep
772
t de cité. Voici enfin un critique qui sait tirer
une
leçon constructive des expériences entreprises par les générations pr
773
un critique qui sait tirer une leçon constructive
des
expériences entreprises par les générations précédentes. Parce qu’ell
774
s dans leurs recherches, il ne les condamne pas d’
un
« Jugement » sans issue sinon vers le passé catholique ; mais tenant
775
, qui se trouve ainsi continuer leur œuvre, comme
une
découverte couronne une série d’expériences négatives. La critique de
776
ntinuer leur œuvre, comme une découverte couronne
une
série d’expériences négatives. La critique de ces expériences négativ
777
s lois de la vie sont essentiellement différentes
des
lois de l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit ni
778
’œuvre et le moi, comme le fait M. Fernandez dans
un
essai sur l’Autobiographie et le Roman, dont pour ma part je suis lo
779
rouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être
un
moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a, en
780
essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’est-elle pas
une
façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussi
781
articulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici
une
discussion de ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’aute
782
et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause
des
confusions qu’il y décèle. Le meilleur morceau du livre est l’essai s
783
eau du livre est l’essai sur Proust et sa théorie
des
« intermittences du cœur » dont Fernandez donne une critique décisive
784
s « intermittences du cœur » dont Fernandez donne
une
critique décisive. Et c’est justement par opposition à la conception
785
qu’il définit sa propre théorie de la « garantie
des
sentiments », où l’on est en droit de voir le germe d’un moralisme no
786
iments », où l’on est en droit de voir le germe d’
un
moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les données moderne
787
Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse —
une
analyse qui retient les éléments de la personnalité moins le « princi
788
a psychologie freudienne et proustienne a porté à
un
point si dangereux, il nous propose l’expérience d’un Newman, les exe
789
oint si dangereux, il nous propose l’expérience d’
un
Newman, les exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « pen
790
propose l’expérience d’un Newman, les exemples d’
un
Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’act
791
ence d’un Newman, les exemples d’un Meredith et d’
un
Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de la
792
sa véritable unité. Je me borne à signaler encore
un
thème qui revient dans la plupart de ces essais : l’esthétique du rom
793
ais : l’esthétique du roman. Fernandez en formule
une
théorie assez proche du cubisme littéraire, et qu’il serait bien util
794
ntir sous l’expression trop technique ou obscure,
une
richesse d’idées neuves et fortes, mais péniblement comprimées. Ce dé
795
osophe aux littérateurs. Il manque à M. Fernandez
un
certain recul par rapport à ses idées, on le sent un peu gauche encor
796
certain recul par rapport à ses idées, on le sent
un
peu gauche encore dans les positions conquises. Il n’empêche que son
797
s conquises. Il n’empêche que son livre manifeste
une
belle unité de pensée, et qu’il propose quelques directions très nett
798
quelques directions très nettes de synthèse. Avec
une
œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et les essais politiq
799
nettes de synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir
des
Sports de Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle
800
t les premières contributions à l’établissement d’
une
éthique adaptée aux besoins modernes. w. « Ramon Fernandez : Messag
801
ptembre 1926)x J’éprouve quelque gêne à porter
un
jugement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Montherlant :
802
porter un jugement littéraire sur ce nouveau tome
des
mémoires de Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvr
803
ire que le livre vaut par son allure plus que par
des
qualités de composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns
804
e de la Renaissance », pour quelques descriptions
des
prairies espagnoles pleines de simple grandeur, j’ai supporté mille f
805
i supporté mille fastidieux détails techniques et
des
délires taurologiques avec lesquels, pour communier, il faudrait sans
806
désinvolture. Elle est tonique comme le spectacle
des
athlètes. Et c’est elle avant tout que j’admire dans ces Bestiaires,
807
ment dans les prairies célestes, pour avoir donné
une
grande gloire aux jeunes hommes ! » Mais ce jeune homme qui écrivit n
808
ues et sobres, jetées de haut avec la nonchalance
des
vrais puissants, je compte qu’il saura fonder sa gloire future sur de
809
je compte qu’il saura fonder sa gloire future sur
des
valeurs plus humaines. x. « Henry de Montherlant : Les Bestiaires (
810
Soir de Florence (13 novembre 1926)h
Des
cris mouraient vers les berges du fleuve jaune, entre les deux façade
811
derrière, elle devient plus secrète. Vers l’est,
des
collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où s’en vo
812
trop vaste et nu, les voitures revenaient au pas
des
Cascine. Vers sept heures, il n’y en eut presque plus. Nous étions se
813
euls sur le pavé qui exhalait sa chaleur, au long
des
quais sans bancs pour notre lassitude. Florence s’éloignait derrière
814
romenade désertée. Sur les eaux, comme immobiles,
des
nuages rouges et le vert dur des berges : un malaise montait dans l’a
815
comme immobiles, des nuages rouges et le vert dur
des
berges : un malaise montait dans l’air plus frais, avec l’odeur du li
816
es, des nuages rouges et le vert dur des berges :
un
malaise montait dans l’air plus frais, avec l’odeur du limon. Nous ma
817
nt du fleuve, parmi les dissonances mélancoliques
des
lumières et des odeurs, espérant entrer là-bas dans je ne sais quelle
818
rmi les dissonances mélancoliques des lumières et
des
odeurs, espérant entrer là-bas dans je ne sais quelle harmonie plus r
819
s où nous étions baignés nous promettait pourtant
une
connaissance plus intime de certaine tristesse. Seule une maison blan
820
aissance plus intime de certaine tristesse. Seule
une
maison blanche est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas d’el
821
hanson jamais entendue qui nous accompagne depuis
un
moment sur le chemin de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avan
822
s un moment sur le chemin de l’autre rive. Il y a
un
homme debout à l’avant d’un char tiré par des bœufs blancs. Comme une
823
l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’
un
char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais de
824
y a un homme debout à l’avant d’un char tiré par
des
bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais de chromos, de romant
825
’avant d’un char tiré par des bœufs blancs. Comme
une
apparition. (Tu parlais de chromos, de romantisme… nous voici dans un
826
arlais de chromos, de romantisme… nous voici dans
une
réalité bien plus étrange.) Une atmosphère de triste volupté emplit n
827
… nous voici dans une réalité bien plus étrange.)
Une
atmosphère de triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur d
828
bœufs blancs, les roues peintes du char, l’Italie
des
poètes… Mais ce pays tout entier pâmé dans une beauté que saluent tan
829
ie des poètes… Mais ce pays tout entier pâmé dans
une
beauté que saluent tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui de l’i
830
Vivre ainsi simplement. Sans pensée, perdus dans
un
soir de n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plaint
831
Sans pensée, perdus dans un soir de n’importe où,
un
soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux
832
’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante
une
plainte inouïe de pureté. Deux phrases rapides ondulent dans l’air lo
833
sir en nous de comprendre ce lamento. Le ciel est
un
silence qui s’impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus de se
834
musiques sourdes. Penser serait sacrilège, comme
une
barre droite au travers d’un tableau. Nos yeux ont regardé longtemps
835
it sacrilège, comme une barre droite au travers d’
un
tableau. Nos yeux ont regardé longtemps — où va l’âme durant ces minu
836
ide, parfums à peine sensibles, bruissement vague
des
roseaux aux feuilles sèches… Puis la brume est venue comme une envie
837
ux feuilles sèches… Puis la brume est venue comme
une
envie de sommeil. Une lampe dans la maison blanche nous a révélé proc
838
is la brume est venue comme une envie de sommeil.
Une
lampe dans la maison blanche nous a révélé proche la nuit. Nous nous
839
ières sur les champs sombres du ciel de l’est, et
une
façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato sur sa colline
840
ine. Derrière nous, les arbres se brouillent dans
une
buée sans couleurs, nous quittons un mystère à jamais impénétrable po
841
illent dans une buée sans couleurs, nous quittons
un
mystère à jamais impénétrable pour l’homme, nous fuyons ces bords où
842
pour l’homme, nous fuyons ces bords où conspirent
des
ombres informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes co
843
ns ces bords où conspirent des ombres informes et
des
harmonies troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous secouon
844
parfums et de courbes compliquées. Nous secouons
un
sortilège pénétrant comme cette brume, une vie étrangère, une paix qu
845
ecouons un sortilège pénétrant comme cette brume,
une
vie étrangère, une paix qui n’est pas humaine, et qui nous laisse gou
846
e pénétrant comme cette brume, une vie étrangère,
une
paix qui n’est pas humaine, et qui nous laisse gourds et faibles, car
847
entir l’esprit se défaire et couler sans fin vers
un
sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heur
848
ans fin vers un sommeil à l’odeur fade de fleuve,
un
sommeil de plante vaguement heureuse d’être pliée au vent qui ne parl
849
à nos sens, fatigués de l’esprit qui les exerce,
des
voluptés plus faciles — pour infuser dans nos corps charmés d’un repo
850
s faciles — pour infuser dans nos corps charmés d’
un
repos sans rêves une langueur dont on ne voudrait plus guérir… Mais n
851
user dans nos corps charmés d’un repos sans rêves
une
langueur dont on ne voudrait plus guérir… Mais nous voyons la ville d
852
debout dans ses lumières. Architectures ! langage
des
dieux, ô joies pour notre joie mesurées, courbes qu’épousent nos ferv
853
açade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’
un
équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’im
854
sur le ciel fut le signe d’un équilibre retrouvé.
Un
grand pont de fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des
855
er, près de nous, érigeait l’image de la lutte et
des
forces humaines, et rendait sous des coups un son qui nous évoqua les
856
la lutte et des forces humaines, et rendait sous
des
coups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’usines. Il y ava
857
et des forces humaines, et rendait sous des coups
un
son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’usines. Il y avait la vie
858
les rumeurs de villes d’usines. Il y avait la vie
des
hommes pour demain, et il était beau d’y songer un peu avant de nous
859
s hommes pour demain, et il était beau d’y songer
un
peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des rues. Le long de l
860
un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux
des
rues. Le long de l’Arno, les façades sont jaunes et roses près de l’e
861
formes devinées dans l’espace nous environnent d’
une
obscure confiance. Livrons-nous aux jeux des hommes-qui-font-des-gest
862
nt d’une obscure confiance. Livrons-nous aux jeux
des
hommes-qui-font-des-gestes. Les autos répètent sans fin les notes mêl
863
s. Les autos répètent sans fin les notes mêlées d’
une
symphonie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en un
864
peut-être composer tous les bruits de la ville en
un
chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par personne et le
865
bruits de la ville en un chant immense. Il passe
une
possibilité de bonheur par personne et les devantures ne cherchent qu
866
t qu’à vous plaire. Chaque ruelle croisée propose
un
mystère qu’on oublie pour celui des regards étrangers. Et voici la pl
867
roisée propose un mystère qu’on oublie pour celui
des
regards étrangers. Et voici la place régulière, les galeries, les caf
868
qui pleure délicieusement jusque dans les gestes
des
passantes. Sous cette agitation aimable et monotone nous allons voir
869
e et monotone nous allons voir courir l’arabesque
des
sentiments et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir
870
tuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans
un
système d’ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, polit
871
tiques, regards, musiques — cette vie rapide dans
un
décor qui est le rêve éternisé des plus voluptueuses intelligences —
872
vie rapide dans un décor qui est le rêve éternisé
des
plus voluptueuses intelligences — tous les tableaux dans le noir des
873
es intelligences — tous les tableaux dans le noir
des
musées ! — et si tu veux soudain le son grave de l’infini, pour être
874
onnages cocasses à souhait, qui manifestent, avec
un
certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendance
875
ifestent, avec un certain manque de conviction et
des
poses de mannequins, les tendances contradictoires d’un individu. C’e
876
es de mannequins, les tendances contradictoires d’
un
individu. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque d
877
aiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque dans
une
croisière de vacances, qui finit par un naufrage dans la littérature,
878
que dans une croisière de vacances, qui finit par
un
naufrage dans la littérature, le navire succombant sous les allégorie
879
le livre soit réellement amusant, et qu’il trouve
une
sorte d’unité vivante dans le rythme des désirs jamais simultanés de
880
l trouve une sorte d’unité vivante dans le rythme
des
désirs jamais simultanés de ses petits héros. M. Spitz cherche à fair
881
nt l’on sourit : il faut bien croire qu’il y a là
un
talent, charmant, glacé, spirituellement « poétique ». y. « Jacques
882
oquois (décembre 1926)z Ce roman a le charme d’
un
automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les c
883
mbre 1926)z Ce roman a le charme d’un automne,
une
amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les cris se font u
884
le charme d’un automne, une amertume enveloppée,
une
atmosphère trop claire où les cris se font un peu aigres et les coule
885
e, une atmosphère trop claire où les cris se font
un
peu aigres et les couleurs fluides. Toute la tendresse que ranime un
886
s couleurs fluides. Toute la tendresse que ranime
un
soleil lointain va tourner en cruelle mélancolie. Pourquoi, Henri de
887
Henri de Closain, quitter le domaine enchanté où
des
amis très fins, précieux poètes, dissertent sur leurs fantaisies ? Ç’
888
s souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’
un
amour réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable bar
889
ls qui va l’entraîner avec son mauvais cœur, dans
une
aventure incertaine et douloureuse ; enfin Orpha, sa maîtresse, le fu
890
ssion ironique qui lui convient, mais ici mêlée à
une
émotion plus grave, qui transparaît parfois et nous fait regretter qu
891
eur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’
un
pathétique assez neuf. z. « Alfred Colling : L’Iroquois (Émile-Paul
892
, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)aa
Un
Chinois écrit d’Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous so
893
(décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à
un
Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres
894
qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton
des
Lettres persanes : le Chinois s’étonne non sans quelque aigreur, et c
895
étonne non sans quelque aigreur, et critique avec
un
mépris tranquille ; le Français riposte sans conviction, et sous sa d
896
ste sans conviction, et sous sa défense on devine
une
détresse. C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit
897
s sa défense on devine une détresse. C’est encore
une
vision de l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiéta
898
e, si inquiétant. Le Chinois voit dans l’Europe «
une
barbarie attentivement ordonnée, où l’idée de la civilisation et cell
899
passion apparaît dans notre ordre social « comme
une
adroite fêlure ». Notre morale est entièrement subordonnée à l’action
900
tte confrontation, s’évanouit : c’est bien plutôt
une
unité supérieure de l’esprit humain que nous découvrons, et qui nous
901
à quoi, grands dieux ? — nous prenons chaque jour
une
conscience plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’agir ju
902
qu’elle risque de ne laisser subsister en nous qu’
un
« étrange goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion,
903
e de la sincérité (décembre 1926)b Nous voyons
un
mythe prendre corps parmi les ruines de ce temps. Il fallait bien tir
904
e ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’
une
anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire — pro
905
de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’
une
vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi nous
906
e moins avouables, — la sincérité, masque fier et
un
peu douloureux des défaitismes les plus subtils comme des plus pures
907
— la sincérité, masque fier et un peu douloureux
des
défaitismes les plus subtils comme des plus pures et loyales inquiétu
908
douloureux des défaitismes les plus subtils comme
des
plus pures et loyales inquiétudes. Sincérité, le mal du siècle. Tout
909
oisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien
une
attitude en quelque sorte scientifique, à la fois curieuse et désinté
910
bé pour n’y plus rien comprendre. ⁂ Qu’on imagine
un
personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui
911
e, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule,
une
méthode d’observation et de déduction passablement sèche pourrait nou
912
te opération idéale. En même temps, la froideur d’
une
telle méthode atténuerait dans une certaine mesure — parce que nécess
913
aire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’
un
esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondémen
914
calculés », écrit Gide. D’où l’on peut tirer par
une
sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = s
915
sincérité spontanée, vertu moderne en qui renaît
un
mythe rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine de la littérat
916
i renaît un mythe rousseauiste, inspire, explique
un
vaste domaine de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sinc
917
fait est que ce geste symbolique a déclenché tout
un
mouvement littéraire, celui-là même qui aboutit naguère au surréalism
918
incongru du héros n’est jamais que le résultat d’
un
mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actions
919
concertées. Rien n’est gratuit que relativement à
un
système restreint de références. Il résulte de semblables considérat
920
té. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit
une
valeur morale en disant qu’il révèle ce qu’il y a de plus secret dans
921
a de plus secret dans la personnalité. Ce serait
un
moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pit
922
ion réfléchie, aussi peu gratuite que possible, d’
un
Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ? Q
923
on rôle en se bornant à nous donner de nous-mêmes
une
connaissance plus intense et plus émouvante ; mais la morale, plutôt
924
r exemple. — Je m’assieds à mon bureau, je prends
une
feuille blanche, je vais écrire ce que je trouve en moi (sentiments,
925
tions, obscurités, etc.). Supposons que j’éprouve
un
désir d’action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aura
926
. Supposons que j’éprouve un désir d’action vive,
un
élan vers certain but précis. Ou bien j’aurais juste le temps de le
927
s. Ce n’est plus l’élan pur que je décris : c’est
un
élan freiné dans mon esprit, c’est le frein lui-même, bientôt — par u
928
on esprit, c’est le frein lui-même, bientôt — par
un
mouvement normal de l’attention — et fatalement c’est à la découverte
929
attention — et fatalement c’est à la découverte d’
une
faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomplir
930
oint : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois
des
actes accomplis, je revis plus ou moins fortement des sentiments que
931
actes accomplis, je revis plus ou moins fortement
des
sentiments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Par
932
finies (telle sensation physique de bonheur, dans
une
rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles étoilent le brouil
933
ue de bonheur, dans une rue au coucher du soleil,
des
phares d’automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent d
934
oilent le brouillard, les visages se cachent dans
des
fourrures, personne ne sait la richesse de ta vie…). J’écris ces chos
935
hesse de ta vie…). J’écris ces choses. Puis, dans
un
ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes
936
Puis, dans un ancien carnet de notes, je retrouve
un
être si différent. Les gestes et les sentiments qui se proposaient à
937
où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’
une
image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de tristesse
938
ne image plus précise, cette minute est baignée d’
une
lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du pass
939
e quelque chose, c’est bien le second. La qualité
des
souvenirs qu’il me livre me renseigne assez exactement, non sur mon p
940
a méthode indiquée dans le premier exemple. C’est
un
cas-limite, j’en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout u
941
onviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout
un
genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée dont le
942
ces livres évoquent assez précisément la forme d’
un
entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un
943
e serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur.
Un
arrêt (l’auteur se met à se regarder vivre, le personnage à douter du
944
et les forces centripètes l’emportent peu à peu,
une
aspiration vers le bas produit une agitation accélérée et folle, puis
945
ent peu à peu, une aspiration vers le bas produit
une
agitation accélérée et folle, puis tout finit dans un râle, brusqueme
946
gitation accélérée et folle, puis tout finit dans
un
râle, brusquement c’est le vide. Centre de soi, l’aspiration du néant
947
évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’
un
dégoût. J’ai cru que je pourrais me regarder sans rien toucher en moi
948
s à la destruction de moi-même. Par les fissures,
un
instant, j’ai pu soupçonner des profondeurs ; mais déjà c’est le chao
949
Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner
des
profondeurs ; mais déjà c’est le chaos. Mon corps et moi, le livre s
950
purement (« cette curiosité donnée comme raison d’
une
perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merveil
951
dentes). Rivière définissait la sincérité comme «
un
perpétuel effort pour créer son âme telle qu’elle est ». Il voyait da
952
st ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’
un
enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout un
953
cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’
une
consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître.
954
d’une consolidation de l’individu mais avant tout
un
moyen de se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait
955
gée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’
un
Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas q
956
ut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans
des
limites assez étroites empiriquement fournies par le sens de son inté
957
ement fournies par le sens de son intérêt propre,
une
analyse sincère ne puisse faire découvrir quelques richesses et ne se
958
ficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard
des
dangers que la sincérité du noli me tangere fait courir, tant dans le
959
c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’
un
élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romancie
960
de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer
une
différence. Pourquoi les romanciers modernes ont-ils tant de mal à cr
961
s romanciers modernes ont-ils tant de mal à créer
des
personnages ? C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’imp
962
t de mal à créer des personnages ? C’est parce qu’
une
sorte de sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontai
963
imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel
un
Balzac les fait vivre. Ce serait fausser quelque chose à leurs yeux.
964
serait fausser quelque chose à leurs yeux. Le cas
des
Faux-Monnayeurs le montre clairement. En morale : défaitisme quand il
965
uand il s’agit de gestes qui pourraient entraîner
des
effets imprévisibles, « réalisme » décourageant, et, bientôt, incapac
966
acité d’agir efficacement. (Il faut, pour sauter,
une
confiance dans l’élan qui échappe à toute analyse préalable et sans q
967
de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’
un
Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincér
968
lier la vérité qu’on désirait qu’ils cachent pour
un
moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteu
969
sirait qu’ils cachent pour un moment. « L’art est
un
mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob. « Ê
970
ent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais
un
bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob. « Être sincère, c’est
971
foi ; c’est la volonté de sincérité, c’est-à-dire
une
sincérité tournée au vice, invertie, qui retient de l’oser. Petite
972
eux. Au hasard de quelques lectures, je pris note
des
passages suivants (les paraphraser serait d’une ingratitude insigne —
973
e des passages suivants (les paraphraser serait d’
une
ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons de c
974
ême à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’
un
homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir s
975
r lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appelle
une
œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de
976
r donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.)
Un
rôle ? Oui. Mais si le personnage est maintenu jusqu’à la mort, il se
977
le faut dépasser.) Si j’en crois l’intensité d’
un
sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma j
978
aque minute de ma joie est plus réel que celui qu’
une
analyse désolée s’imaginait retenir. Dès lors, ce n’est pas lâcher la
979
isie consolante et libératrice. Mais tu m’offrais
un
visage un peu crispé, signe d’une ironie secrète et pour moi douloure
980
lante et libératrice. Mais tu m’offrais un visage
un
peu crispé, signe d’une ironie secrète et pour moi douloureuse encore
981
ais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’
une
ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop visibl
982
t, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’
un
moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuffi
983
désespérément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais
un
pli de ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le r
984
tyrannique, insuffisant. Mais un pli de ta lèvre,
un
peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal de fo
985
ceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’
un
idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aim
986
e… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’
une
symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait u
987
émanait de toute la vie : chaque chose proposait
une
ferveur nouvelle, et chaque être un plus prenant sourire. Cependant q
988
se proposait une ferveur nouvelle, et chaque être
un
plus prenant sourire. Cependant que ma joie — un état de grâce, un am
989
un plus prenant sourire. Cependant que ma joie —
un
état de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possessio
990
ourire. Cependant que ma joie — un état de grâce,
un
amour — ne pouvait se satisfaire de telle possession particulière, ne
991
que momentanément je choisissais de laisser — et
des
baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’attribuer comme o
992
igurants de mon bonheur que je me conciliais pour
des
retours possibles. C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond
993
me au plus profond de l’être, on entretient comme
une
arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’une continuité entre
994
e arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’
une
continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne gên
995
d’une continuité entre ses actions et ses désirs,
un
quant-à-soi qui ne gêne aucun geste, mais incline discrètement les dé
996
iscrètement les décisions et les rend complices d’
un
dessein logique, peut-être lointain, en quoi consiste l’unité la plus
997
! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’
un
adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde.
998
nte d’un adieu et calculer rapidement le retour à
une
fidélité plus profonde. Fidélité à sa loi individuelle, quelles merve
999
s merveilleuses duperies cela suppose. Mais c’est
une
honnêteté peut-être plus réelle que l’autre. Et l’on conçoit que ce c
1000
ant et secret assujettissement au moi idéal exige
une
politique des sentiments plus subtile et, je pense, moins vulgaire qu
1001
assujettissement au moi idéal exige une politique
des
sentiments plus subtile et, je pense, moins vulgaire que cette agilit
1002
rivisme, et séduction dans les salons. Constater
une
faiblesse, c’est toujours un peu en prendre son parti. La sincérité c
1003
salons. Constater une faiblesse, c’est toujours
un
peu en prendre son parti. La sincérité crée en nous un fait accompli.
1004
u en prendre son parti. La sincérité crée en nous
un
fait accompli. J’appelle hypocrisie envers soi-même une volonté — si
1005
it accompli. J’appelle hypocrisie envers soi-même
une
volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin de s’expliciter pour êtr
1006
ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’
une
espèce de souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’on t
1007
e qu’on tire de soi-même.) Hypocrisie, ce sourire
des
sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’une liberté plus précieuse que t
1008
sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’
une
liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, non
1009
pposé dans le premier exemple, ce serait le récit
des
gestes qu’il m’aurait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’
1010
derne souligne la quasi-impossibilité de traduire
un
dynamisme directement dans notre langage statique. 3. « Et certes qu
1011
parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins
une
certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (Re
1012
ture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’
un
désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) b. «
1013
Avant-propos (décembre 1926)a
Une
mauvaise humeur qui flotte dans l’air nous proposerait de débuter par
1014
nous affirmer ou à refuser de nous affirmer avec
une
netteté qui a pu paraître parfois quelque peu impertinente. Le fait e
1015
ment encore à nous comprendre et de nous accorder
une
confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et qui, nous voulons
1016
ndons pas qu’on prenne toutes nos obscurités pour
des
profondeurs. Et nous n’allons pas procéder à quelque sensationnelle r
1017
ns pas procéder à quelque sensationnelle révision
des
valeurs. Nous savons bien que nous ne faisons que passer, après tant
1018
ses… Nous ne proposerons pas, lecteur bénévole,
un
exercice mensuel à votre faculté d’indulgence. Par contre, nous nous
1019
use en publiant cette revue. Nous ne sommes pas «
une
revue littéraire de plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression
1020
plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saurez
un
peu mieux quand vous aurez lu nos huit numéros. Il faut que notre rev
1021
fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’
un
ruban rouge et vert lie par la grâce d’une volonté sans doute divine…
1022
mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce d’
une
volonté sans doute divine… a. « Avant-propos », Revue de Belles-Let
1023
qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’
un
traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour les
1024
nthousiasmer il leur réserve mieux encore : après
une
kyrielle d’injures qui ne font pas honneur à l’imagination d’autres f
1025
paraphrasent ce que je dis ». Il y a chez Aragon
une
folie de la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une
1026
e folie de la persécution, qui se cherche partout
des
prétextes, et une passion farouche pour la liberté, qui font de cet o
1027
écution, qui se cherche partout des prétextes, et
une
passion farouche pour la liberté, qui font de cet ombrageux personnag
1028
la liberté, qui font de cet ombrageux personnage
une
manière de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte,
1029
e. Il le proclame « J’appartiens à la grande race
des
torrents ». Génie inégal s’il en fut, voici parmi trop de talents int
1030
en fut, voici parmi trop de talents intéressants,
un
écrivain qui s’impose avec des qualités et des défauts pareillement é
1031
lents intéressants, un écrivain qui s’impose avec
des
qualités et des défauts pareillement énormes. Il faut remonter loin d
1032
ts, un écrivain qui s’impose avec des qualités et
des
défauts pareillement énormes. Il faut remonter loin dans notre littér
1033
ous les records de l’image, ce qui nous vaut avec
des
bizarreries fatigantes et quelques sombres délires, des pages d’un ly
1034
zarreries fatigantes et quelques sombres délires,
des
pages d’un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de ju
1035
tigantes et quelques sombres délires, des pages d’
un
lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier ses
1036
pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’
une
métaphysique aussi prétentieuse qu’incertaine. Son affaire, c’est l’a
1037
ir vaste et profond comme l’époque. « Voulez-vous
des
douleurs, la mort ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor d
1038
l’époque. « Voulez-vous des douleurs, la mort ou
des
chansons ? » On a l’hallucination du décor des capitales, créatrice d
1039
ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor
des
capitales, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’une vérita
1040
hallucination du décor des capitales, créatrice d’
un
merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne »
1041
, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’
une
véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de
1042
le « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est
une
suite de promenades dont la composition n’est pas sans rappeler celle
1043
dont la composition n’est pas sans rappeler celle
des
Nuits d’octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer d
1044
passant par la description réaliste ou imaginée d’
une
boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le mei
1045
ption réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit, d’
une
devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’aute
1046
imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture, d’
un
parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C’e
1047
illeur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant
un
des plus significatifs du romantisme nouveau. J’ai nommé Rousseau, Ne
1048
eur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un
des
plus significatifs du romantisme nouveau. J’ai nommé Rousseau, Nerval
1049
. J’ai nommé Rousseau, Nerval Musset : mais voyez
un
Rousseau sans tendresse, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non pl
1050
l Musset : mais voyez un Rousseau sans tendresse,
un
Nerval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’
1051
n Rousseau sans tendresse, un Nerval sans pudeur,
un
Musset ivre non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démon
1052
ux amours perdues Sur le mont gris pâlissants
Des
bouquets de vagues brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qu
1053
roide, En souffrance mes baisers. L’amour est
un
alibi Nos lèvres sitôt que jointes, Ô dernier mensonge tu, Je m’e
1054
ves Où sourient quels anges fous. L’horaire dicte
un
adieu, La mode qu’on rie des pleurs, Lors je baise votre main Comme o
1055
fous. L’horaire dicte un adieu, La mode qu’on rie
des
pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’un faux nom. c.
1056
pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’
un
faux nom. c. « Billets aigres-doux », Revue de Belles-Lettres, La
1057
me le démiurge venait de peser sur le commutateur
des
étoiles… l’une, se décrochant sans plus d’hésitation, se mit à pérégr
1058
compté jusqu’alors que d’authentiques avocats et
un
chapelier dont tous s’accordaient à dire qu’il ne péchait que par exc
1059
rintanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’
une
race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on ne s
1060
diquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira d’
une
rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, leque
1061
s le souvenir les vent-coulis de la mort. Garçon,
un
café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s
1062
enir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café,
un
! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s’approcha
1063
e — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort d’
une
hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la perte d
1064
d’une hérédité judiciaire et française, dédaigna
des
avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant consid
1065
ses poches, ôta ses gants qu’il jeta, puis, après
un
grand coup de pied dans le vide symbolique des systèmes, sortit, c’es
1066
rès un grand coup de pied dans le vide symbolique
des
systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit un pas dans une direction qu
1067
ique des systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit
un
pas dans une direction quelconque. L’étoile pleurait, sentimentale.
1068
tèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit un pas dans
une
direction quelconque. L’étoile pleurait, sentimentale. d. « L’indiv
1069
Dans le Style (janvier 1927)e Nous recevons d’
un
bellettrien facétieux cet « Hommage à Paul Morand » : Billet circul
1070
res, aux tire-l’œil. Lors : Lewis, sifflant comme
un
fusil automatique, fait balle au cerveau du poète qui meurt de sommei
1071
e tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose
des
complets rigides contenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran
1072
é, le train dépose des complets rigides contenant
des
Anglais fragiles. L’aube tire un écran de pluies sur le paysage comme
1073
gides contenant des Anglais fragiles. L’aube tire
un
écran de pluies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’éveil
1074
Le sujet que M. Esmonin, professeur à la Faculté
des
lettres de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle des Conféren
1075
de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle
des
Conférences, devant un très bel auditoire, est un des plus passionnan
1076
di soir à la Grande salle des Conférences, devant
un
très bel auditoire, est un des plus passionnants et des plus controve
1077
es Conférences, devant un très bel auditoire, est
un
des plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un de
1078
Conférences, devant un très bel auditoire, est un
des
plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un de ceu
1079
ès bel auditoire, est un des plus passionnants et
des
plus controversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le pl
1080
causes et les effets vérifiables, et non d’après
un
système préconçu. (Cette attitude est plus rare qu’on ne le croit, de
1081
n même temps de quitter le pays, Louis XIV commit
un
des actes les plus vexatoires que l’histoire ait enregistrés. Après a
1082
ême temps de quitter le pays, Louis XIV commit un
des
actes les plus vexatoires que l’histoire ait enregistrés. Après avoir
1083
que l’histoire ait enregistrés. Après avoir fait
un
tableau de la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente
1084
re ; puis ce sont les conseillers intimes du roi,
un
jésuite, le père Lachaise, un archevêque libertin, Harlay de Champval
1085
ers intimes du roi, un jésuite, le père Lachaise,
un
archevêque libertin, Harlay de Champvallon, et surtout Madame de Main
1086
el, persuadent Louis XIV que la révocation serait
une
œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui faire pardonner les erreu
1087
e pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, «
un
niais en matière religieuse » au dire de sa belle-sœur, la princesse
1088
les statistiques faussées peuvent faire croire à
une
très forte diminution du nombre des protestants. Aussi ne s’effraye-t
1089
aire croire à une très forte diminution du nombre
des
protestants. Aussi ne s’effraye-t-on pas trop, au début, de l’émigrat
1090
’effraye-t-on pas trop, au début, de l’émigration
des
fidèles qui suivent leurs pasteurs proscrits. On espère bien converti
1091
. Mais bientôt l’on voit la France se dépeupler ;
des
industries sont presque anéanties ; les conséquences funestes de l’ac
1092
sion d’Augsbourg) et surtout morales : car malgré
des
félicitations arrachées par Louis XIV au pape, les catholiques sont l
1093
à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans
une
lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs prédi
1094
aux dragonnades. M. Esmonin s’abstient d’en faire
un
tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs. Il termine
1095
orel, selon qui la date du 16 octobre 1685 marque
une
déviation dans l’histoire de la France. Déviation telle, en effet, qu
1096
IV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et d’
une
si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. i. « Tro
1097
ofesseur de Grenoble. i. « Troisième conférence
des
Amis de la pensée protestante : La révocation de l’édit de Nantes »,
1098
e, la décristallisation progressive et réciproque
des
conjoints. » On sait que Beyle appelait cristallisation une fièvre d’
1099
nts. » On sait que Beyle appelait cristallisation
une
fièvre d’imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amou
1100
de la Maladère pour se déprendre de leurs rêves.
Un
malentendu grandit entre eux dans leur isolement, inexplicable et mal
1101
solement, inexplicable et mal avoué. L’on songe à
une
fatalité intérieure qui les ferait se meurtrir l’un l’autre. Pourtant
1102
un l’autre. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’
un
mot, un geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à di
1103
re. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’un mot,
un
geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à dissiper l
1104
? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre d’
une
incurable adolescence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre de r
1105
acques, il souffre d’une incurable adolescence, d’
un
défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait jouer
1106
omme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici
un
autre sujet du roman, qui se mêle étroitement au premier… Mais combie
1107
entions du récit et de les exprimer seulement par
un
geste, une nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressent
1108
récit et de les exprimer seulement par un geste,
une
nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n
1109
er seulement par un geste, une nuance du paysage,
une
image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n’est qu’à force de disc
1110
ne nuance du paysage, une image qu’on garde comme
un
pressentiment. Ce n’est qu’à force de discrétion dans les moyens qu’i
1111
ce de discrétion dans les moyens qu’il parvient à
une
certaine puissance de l’effet, aux dernières pages. Il règne dans la
1112
t, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère
une
étrange harmonie entre le climat des sentiments et celui des campagne
1113
la Maladère une étrange harmonie entre le climat
des
sentiments et celui des campagnes désolées où ils se développent. Pay
1114
harmonie entre le climat des sentiments et celui
des
campagnes désolées où ils se développent. Paysages tristes et sans vi
1115
t d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous
des
dehors trop polis. Une fois fermé le livre de Barbey, on oublie la ju
1116
a justesse de son analyse pour n’évoquer plus que
des
visions où se condense le sentiment du récit. Dans le Cœur gros, c’ét
1117
le sentiment du récit. Dans le Cœur gros, c’était
un
parc avant l’orage, le rose sombre d’une joue brûlante et fraîche dan
1118
, c’était un parc avant l’orage, le rose sombre d’
une
joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arbre
1119
nte et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère,
un
arbre coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’h
1120
adère, un arbre coupé découvrant le manoir perdu,
des
fumées sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’un incendie,
1121
coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur
un
paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’un incendie, deux visages
1122
sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’
un
incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable, do
1123
brutalité si longtemps désirée délivre Jacques d’
un
passé obsédant, d’une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac
1124
ps désirée délivre Jacques d’un passé obsédant, d’
une
jeunesse trop complaisante à son tourment. ac. « Bernard Barbey : L
1125
sement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’
une
insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de
1126
emands qui, fréquente sontae, pour notre plaisir,
un
peu plus viennois que naturel s’il parle de choses d’art comme on fai
1127
ut pas nous tromper là-dessus. Il se connaît avec
une
sorte de froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour
1128
rogrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non sans
une
imperceptible satisfaction, l’aveu d’une fondamentale indifférence du
1129
non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu d’
une
fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie voluptue
1130
damentale indifférence du cœur qui contraste avec
une
vie voluptueuse et assez désordonnée. Pourtant, entre Montclar et Ame
1131
désordonnée. Pourtant, entre Montclar et Ameline,
un
amour se noue, qui commence où souvent l’on finit. Et peut-être l’amo
1132
ites blessures. Ce n’est pas le moins troublant d’
une
telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qui v
1133
le moins troublant d’une telle vie, cette sagesse
un
peu sombre qui s’en dégage, sagesse qui veut « que nous appelions les
1134
ar elle sait « qu’entre les êtres, le bonheur est
un
lien sans durée. Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont un
1135
Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont
un
pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce q
1136
sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme
une
arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que la composition de cet
1137
de cette vie comme une arrière-pensée inquiète et
un
peu hautaine. Que la composition de cette réminiscence soit assez fac
1138
t, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre d’
une
résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et désinvo
1139
, février 1927, p. 257. ae. Il manque sans doute
un
morceau de phrase dans l’édition originale.
1140
moiselle, Il faut d’abord que je m’excuse : c’est
un
peu prétentieux de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’au
1141
.) Je vous ai rencontrée quatre ou cinq fois dans
des
lieux de plaisir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se
1142
. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à
un
de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné
1143
s rencontrèrent les miens plus d’une fois pendant
une
danse qu’il fit avec vous, mais vous les détourniez soudain comme pou
1144
les détourniez soudain comme pour vous arracher à
une
obsession secrètement attirante ; et je pensais que la force de mon d
1145
je me trouvais tout près de vous. Mon ami me fit
un
signe discret, et déjà il se préparait à vous rendre attentive à ma p
1146
heur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image d’
un
couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, comme on vo
1147
re répondant au mien, comme on voit au dénouement
des
films populaires et sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule
1148
on voit au dénouement des films populaires et sur
des
cartes postales illustrées. Déjà la foule des danseurs nous séparait,
1149
sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule
des
danseurs nous séparait, mon ami se détournait, un peu vexé ; vous dis
1150
es danseurs nous séparait, mon ami se détournait,
un
peu vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège de rires empress
1151
ait, un peu vexé ; vous disparaissiez au milieu d’
un
cortège de rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une
1152
issiez au milieu d’un cortège de rires empressés.
Une
autre danse reprenait. Je sentis une invincible lassitude me saisir e
1153
s empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis
une
invincible lassitude me saisir et m’assis à l’écart. On me demandait,
1154
it, en passant, si j’étais malade. Je désignais d’
un
geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on pardo
1155
taines douleurs. Même, je fus obligé de confier à
un
ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes nerfs. Le ja
1156
œillères géantes aux pensées, le ciel trop bas d’
un
rêve sans issue, pesant comme l’envie d’un sommeil sans fin… J’avais
1157
bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’
un
sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me sou
1158
mmeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’
un
liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les la
1159
dans l’ombre livide, aux cris fêlés et déchirants
des
saxophones. Sortie dans un matin sourd, frileux, qui avait la nausée.
1160
s fêlés et déchirants des saxophones. Sortie dans
un
matin sourd, frileux, qui avait la nausée. Je rentrai seul. Voici que
1161
ordre où je venais de jeter mon col de smoking et
un
œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le seul défaut fut
1162
col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’
une
autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, od
1163
re pensif. Ton regard est plus grand que le chant
des
violons. Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme une femme nu
1164
. Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme
une
femme nue dans une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’un
1165
tête rôde ton souvenir, comme une femme nue dans
une
chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’un sommeil triste, tou
1166
ne chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’
un
sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je suis
1167
bal, au vestiaire, je vous avais entendue donner
un
rendez-vous au thé du Printemps. J’ai rôdé dans la joie féminine des
1168
thé du Printemps. J’ai rôdé dans la joie féminine
des
grands magasins, n’osant pas repasser trop souvent devant les ascense
1169
ent : je devais paraître si perdu. Chaque fois qu’
un
paquet de dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’é
1170
ans la cage rouge et or et s’élevait, j’éprouvais
un
petit arrachement, comme précisément un enfant qui monte pour la prem
1171
éprouvais un petit arrachement, comme précisément
un
enfant qui monte pour la première fois… Je me disais encore : Si je p
1172
en face de votre bel ami laqué, souriante… Enfin,
un
peu après 6 heures, je suis sorti. Il y avait beaucoup de monde dans
1173
partout. Chaque visage de femme révélait soudain
un
trait de votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui vena
1174
prochain autobus, — si rapide : déjà les lumières
des
boulevards glissaient des reflets sur l’asphalte mouillé. Les pieds d
1175
ide : déjà les lumières des boulevards glissaient
des
reflets sur l’asphalte mouillé. Les pieds dans l’eau, les jambes fati
1176
ces élans réticents, maladroits, contradictoires…
Un
autobus de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l
1177
s de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis
un
visage à l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avai
1178
encher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que
des
dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’était penchée vous r
1179
ais je n’osais presque pas la regarder, à cause d’
une
incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être ét
1180
r. Je descendis derrière elle. Mais tout de suite
des
parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Le
1181
de suite des parapluies la dérobèrent à mes yeux.
Une
bouche de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement p
1182
he de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec
un
sifflement particulièrement doux pour ma fatigue, et ces gens pressés
1183
vait contracter mon visage. Je promenais sur tous
des
regards angoissés, avides, implorants. Oh ! toutes les femmes que j’a
1184
es les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit d’
un
long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes
1185
uit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées
des
fragments de rêves et les personnages des affiches, tout en marchant
1186
pensées des fragments de rêves et les personnages
des
affiches, tout en marchant sans fin dans les couloirs implacablement
1187
ar bribes de phrases incohérentes. Je voyais avec
une
sombre joie les employés et les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’e
1188
s s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force sur
un
trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume
1189
t que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’
un
glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait p
1190
e je dorme : il n’y aurait plus rien. 4. Encore
un
qui vous aime, je ne vous dirai pas son nom. f. « Lettre du survivan
1191
par l’auteur », écrivait Cocteau dans la préface
des
Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de
1192
dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et
une
note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul sym
1193
rphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas
un
seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est d’y déco
1194
certé la possibilité. Orphée, par exemple, serait
un
poète surréaliste. « Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir
1195
ple, serait un poète surréaliste. « Il faut jeter
une
bombe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages
1196
Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir
un
scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il pré
1197
mbe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut
un
de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inco
1198
ir faire admettre que la poésie consiste à écrire
une
phrase ». Et cette phrase, c’est un cheval savant qui la lui a dictée
1199
ste à écrire une phrase ». Et cette phrase, c’est
un
cheval savant qui la lui a dictée : « Madame Eurydice Reviendra Des E
1200
Eurydice Reviendra Des Enfers. » — « Ce n’est pas
une
phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du
1201
— « Ce n’est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est
un
poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on décou
1202
est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème,
un
poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la f
1203
, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve,
une
fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que
1204
» Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est
une
anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les surréalis
1205
uvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme
un
peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les surréalistes, donnés à
1206
pourrais poursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi
des
sortes de calembours… Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce
1207
tes, cette pièce n’est pas dépourvue de certaines
des
qualités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrét
1208
acob, permettraient seules de taxer de chrétienne
une
œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette
1209
œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque
des
symboles, cette simplicité à chausse-trappes, cette habileté surtout.
1210
l’auteur du Secret professionnel et de la préface
des
Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif restera l’un d
1211
dont l’énoncé brillant et définitif restera l’un
des
titres les plus authentiques de Cocteau. Précision et relief du dialo
1212
ion et relief du dialogue, ingénieuse utilisation
des
expressions courantes, maximum de « situation » des personnages obten
1213
s expressions courantes, maximum de « situation »
des
personnages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin, un style par
1214
imum de « situation » des personnages obtenu avec
un
minimum de répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le dé
1215
ages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin,
un
style parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d
1216
fin, un style parfaitement pauvre dans le détail,
un
vrai style de théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d
1217
auvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’
une
netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiarité dramatique q
1218
e, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’
une
familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il semble
1219
une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’
un
trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il v
1220
d’en être l’organisateur », disait le photographe
des
Mariés. Dans Orphée, le mystère ne peut plus dépasser l’auteur : il l
1221
cher à Cocteau, c’est d’avoir réussi complètement
une
pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère de l’« art pur » n’
1222
ie. Parce qu’une fois de plus, Cocteau a comprimé
des
pétales de roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l
1223
se, est sans parfum. (Tout de même, Cocteau est
un
poète : j’en verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que je
1224
Tout de même, Cocteau est un poète : j’en verrais
une
preuve, pour mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui au
1225
azette de Lausanne . Et même il appelait Orphée «
une
tragédie de l’amour conjugal ». Vraiment, nous n’en demandions pas ta
1226
Décembre L’époque s’ouvre où l’on attend
un
miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pa
1227
re quelque chose. Que diable ! nous ne sommes pas
des
imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font
1228
qui confondent Jérôme et Jean Tharaud ! » Il y a
des
soirs où tout ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la res
1229
Il y a des soirs où tout ça semble idiot. Il y a
des
soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calc
1230
oirs où tout ça semble idiot. Il y a des soirs où
une
idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s
1231
evue par chacun dans son for le plus intérieur, d’
une
fuite en auto, nous rassure provisoirement… Prosopopée, à propos d
1232
rassure provisoirement… Prosopopée, à propos d’
une
apparition La vieille Monture 6 un soir nous apparut, lugubrement
1233
à propos d’une apparition La vieille Monture 6
un
soir nous apparut, lugubrement fardée, l’haleine mauvaise, édentée et
1234
l’haleine mauvaise, édentée et tâchant à prendre
un
accent anglais d’un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, d
1235
édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’
un
comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’un doigt
1236
sez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’
un
doigt impitoyable son flanc déjà meurtri, la suivaient en hurlant : «
1237
là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui d’
une
maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant
1238
orreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’
une
ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui ha
1239
t fui. Au détour d’une ivresse, ils rencontrèrent
une
créature évadée d’anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an d
1240
dée d’anciens rêves qui hantait les limbes depuis
un
an déjà. Ils ne tardèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance
1241
rable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’
un
feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit en
1242
nissent parfois autour d’un feu et le contemplent
un
certain temps en silence. « Well ! », dit enfin Dardel. Les autres n’
1243
’en pensent pas moins. Quelquefois, Mossoul amène
un
scénario né entre deux cafés-nature, et presque sans qu’il s’en soit
1244
ans qu’il s’en soit rendu compte. Clerc entrevoit
un
projet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a
1245
u milieu de ce paludesque et stérile consistoire,
une
idée de génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche
1246
dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur
un
miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : Socrate et Na
1247
largeur de la scène. Titre : Socrate et Narcisse,
un
acte à grande figuration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort de
1248
fin de négocier la vente de cette martingale avec
des
surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à temps pour assister à la
1249
ainsi que le disait si poétiquement le programme.
Un
peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres j
1250
ine était interdit à l’écran. Pitoëff avait prêté
un
accent, Mme d’Assilva deux actrices, M. Grosclaude son fils Lucas Lou
1251
ctrices, M. Grosclaude son fils Lucas Loukitch et
une
mise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans
1252
ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans
des
jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-Fonds, il y eut tre
1253
de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges.
Un
jour, on s’aperçut que cette chose avait recommencé, qu’on appelle, s
1254
927)af M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare d’
un
homme que son évolution naturelle a rapproché, dans sa maturité, des
1255
volution naturelle a rapproché, dans sa maturité,
des
jeunes générations, en sorte que l’espèce de romantisme à la Nerval a
1256
tisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec
un
mouvement dont lui-même s’est plu à relever les indices chez ses jeun
1257
ent nos jeunes poètes cosmopolites, mais il garde
une
certaine discrétion, cet air de rêverie d’un homme qui en sait long…
1258
rde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’
un
homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour por
1259
homme qui en sait long… Et, certes, il faut être
un
peu mage pour porter tant de richesses avec cette mélancolique grâce.
1260
ux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois
un
signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un d
1261
ges pour remercier ; (pouvait-il mieux trouver qu’
un
René Dubardeau pour cette ambassade). Parfois l’on se demande si l’Au
1262
ncontré M. Paul Morand, mais elle a dû le trouver
un
peu froid, n’aura pas été tentée de lui faire ces confidences qu’elle
1263
Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencontre
une
femme qui incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour
1264
sitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour.
Une
confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa
1265
tout ce qu’il attend de l’amour. Une confidence,
un
baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa femme, « mais c
1266
is. Il aime encore sa femme, « mais comme on aime
une
petite maison de province quand on a failli hériter de Chenonceaux ».
1267
ène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’
une
merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les env
1268
tre aimé. Enfin, divorcé, seul, il la revoit dans
une
vision prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé là un sujet qui co
1269
on prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé là
un
sujet qui convient admirablement à son art, où s’unissent aujourd’hui
1270
dmirablement à son art, où s’unissent aujourd’hui
un
réalisme discret mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous d’ess
1271
sions à nous-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout
un
système de valeurs lyriques et sentimentales que la raison ignore ou
1272
e à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’
un
réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’il m
1273
ieux que quiconque aujourd’hui faire éclater dans
un
cadre très moderne où s’agitent des personnages spirituellement dessi
1274
e éclater dans un cadre très moderne où s’agitent
des
personnages spirituellement dessinés un de ces drames tout intérieurs
1275
’agitent des personnages spirituellement dessinés
un
de ces drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger
1276
même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge d’or,
un
désenchantement profond prend le masque d’une aimable mélancolie. C’e
1277
’or, un désenchantement profond prend le masque d’
une
aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses qui vous éch
1278
une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse
des
choses qui vous échappent, des amours impossibles, des histoires dont
1279
a sourde tristesse des choses qui vous échappent,
des
amours impossibles, des histoires dont on ne sait pas la fin ni le se
1280
hoses qui vous échappent, des amours impossibles,
des
histoires dont on ne sait pas la fin ni le sens véritable, mais seule
1281
, lettres perdues, aveux incompris, et peut-être,
un
quiproquo de destinées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une
1282
ées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une
des
dernières phrases de Sylvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). M
1283
spirituel, fantaisiste (cette touche pour peindre
un
personnage épisodique : « Il confondait la rose et la pivoine, l’oran
1284
la rose et la pivoine, l’orange et l’ananas… »).
Une
telle œuvre, dense, sans obscurité, riche et décantée, profonde et dé
1285
Max Jacob. Ce soir-là, le programme comprenait :
un
film d’avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imagi
1286
e programme comprenait : un film d’avant-guerre ;
un
film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, de René Clair. La
1287
ort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’
une
troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très
1288
e de province s’agitent incompréhensiblement dans
un
décor très pauvre, légèrement coloré. Le principe est simple : « Je v
1289
par trois ou quatre claques sur la poitrine ; et
une
crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classi
1290
ues sur la poitrine ; et une crise intérieure par
un
court accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolit
1291
du long baiser de conclusion. Le film japonais :
une
historiette un peu plus banale que nature, très bien photographiée. C
1292
de conclusion. Le film japonais : une historiette
un
peu plus banale que nature, très bien photographiée. C’est le film du
1293
complets variés, ça fait toujours plaisir de voir
des
gens bien habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). « Une étude su
1294
en habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). «
Une
étude sur le Monde des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où d
1295
éclate Entr’acte (1925). « Une étude sur le Monde
des
Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où des pressentiments clign
1296
des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où
des
pressentiments clignent de l’œil. Des poupées en baudruche gonflent l
1297
le ciel où des pressentiments clignent de l’œil.
Des
poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’à éclater, tandis que d
1298
he gonflent leur tête jusqu’à éclater, tandis que
des
villes passent au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’une col
1299
nt au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’
une
colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gratt
1300
itesse. Rigueur voluptueuse d’une colonnade, puis
un
jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met
1301
puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’
un
gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur f
1302
orniche d’un gratte-ciel, d’où se met à descendre
un
petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flo
1303
se de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit.
Des
imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit ; il tire su
1304
00 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides.
Un
chasseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’où naît une col
1305
ujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’où naît
une
colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de l’aile un d
1306
ire sur l’œuf d’où naît une colombe. Chasse. Mais
un
papillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par in
1307
, par intermittences, se pose enfin sur l’écran :
une
danseuse sur une plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles
1308
ces, se pose enfin sur l’écran : une danseuse sur
une
plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont
1309
e leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec
une
lenteur et une perfection dont une brève vue verticale donne la clé…
1310
ues à trois dimensions mêlées avec une lenteur et
une
perfection dont une brève vue verticale donne la clé… Un enterrement
1311
ns mêlées avec une lenteur et une perfection dont
une
brève vue verticale donne la clé… Un enterrement bourgeois, mais le c
1312
ection dont une brève vue verticale donne la clé…
Un
enterrement bourgeois, mais le corbillard est traîné par un dromadair
1313
ment bourgeois, mais le corbillard est traîné par
un
dromadaire, d’ailleurs dételé. Les amis affligés mangent les couronne
1314
lents, solennels. Ils revoient la danseuse, font
une
ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de
1315
Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’
une
tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis
1316
e la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à
une
allure grandissante, bientôt vertigineuse, poursuivant le corbillard.
1317
e cercueil roule dans les marguerites, il en sort
un
chef d’orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-
1318
raînement dans le domaine du merveilleux moderne.
Un
peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis
1319
rient à l’enterrement au ralenti, à l’éclatement
des
têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma
1320
ne vient pas, ils sont déçus. Enfin, mon voisin,
un
agent, murmure : « On va tous devenir fous ! » — « Hé ! lui dis-je, s
1321
t : « C’est bien ça, c’est comme quand on rêve. »
Un
des défauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines s
1322
« C’est bien ça, c’est comme quand on rêve. » Un
des
défauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scène
1323
le monde où le cinéma doit nous « transplanter »,
un
certain naturel est de rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritab
1324
de pareils défauts sont presque inévitables dans
une
production de début, et Entr’acte mérite d’être ainsi qualifié : c’es
1325
-être le premier film où l’on a fait du ciné avec
des
moyens proprement cinégraphiques. Ici le geste pictural remplace le g
1326
le geste pictural remplace le geste de l’acteur.
Un
mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mais comme pour
1327
cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’est
une
question d’épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est l
1328
Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration
des
moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un art à sa matu
1329
ens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’
un
art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et déjà
1330
éjà, il faut admirer dans les films de René Clair
un
sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas du miracle gen
1331
maginaire en montre (beaucoup trop à mon gré). Qu’
une
sorcière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’étonnant au ci
1332
ucoup trop à mon gré). Qu’une sorcière transforme
un
homme en chien, cela n’a rien d’étonnant au cinéma. C’est la photogra
1333
ien d’étonnant au cinéma. C’est la photographie d’
une
chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore
1334
étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore
un
miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette,
1335
r moi qui chaque soir crée ma chambre en tournant
un
commutateur. Le vrai miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosio
1336
racle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’
une
rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvem
1337
inéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’une rose,
un
homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvements… C’e
1338
enti, certaines coïncidences de mouvements… C’est
une
réalité quotidienne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est un t
1339
de mouvements… C’est une réalité quotidienne dans
une
lumière qui la métamorphose ; c’est un temps nouveau, et l’espace en
1340
enne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est
un
temps nouveau, et l’espace en relation se modifie pour maintenir je n
1341
pour maintenir je ne sais quelle harmonie… C’est
une
réalité aussi réelle que celle dont nous avons convenu et que nous pe
1342
ormal » nous apparaît alors comme l’une seulement
des
mille figures que peut revêtir une substantia dont nos sens trop faib
1343
’une seulement des mille figures que peut revêtir
une
substantia dont nos sens trop faibles — bornés encore par des habitud
1344
ia dont nos sens trop faibles — bornés encore par
des
habitudes nées des nécessités sociales — nous empêchent de découvrir
1345
op faibles — bornés encore par des habitudes nées
des
nécessités sociales — nous empêchent de découvrir la richesse immédia
1346
rréaliste que le film 1905. Ce n’est peut-être qu’
une
question d’imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une
1347
-être qu’une question d’imagination ; il reste qu’
un
film comme Entr’acte est une aide puissante. Nous faisons nos premier
1348
ination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est
une
aide puissante. Nous faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays
1349
te. Nous faisons nos premiers pas, étourdis, dans
un
pays d’illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous f
1350
nous, pris par surprise dans l’exploration ivre d’
un
projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. i. « Entr’a
1351
surprise dans l’exploration ivre d’un projecteur,
des
signes fatidiques, le visage d’un ange. i. « Entr’acte de René Clai
1352
un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’
un
ange. i. « Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue
1353
es que son intelligence très nuancée maintient en
une
sorte d’instable équilibre, les tendances que ses contemporains ont p
1354
admirant Maurras sans l’aimer ; saluant en Valéry
une
réussite unique mais presque inhumaine ; secrètement attiré par les t
1355
par les thèses extrémistes mais non dépourvues d’
une
sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solutio
1356
mistes mais non dépourvues d’une sombre grandeur,
des
surréalistes, et en même temps par cette solution universelle, la foi
1357
la misère de l’époque — et qu’il avoue préférer à
une
certitude trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’une abdica
1358
trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’
une
abdication. Il décrit la « génération nouvelle » avec une intelligent
1359
cation. Il décrit la « génération nouvelle » avec
une
intelligente sympathie et un sens rare des directions générales. « Ha
1360
ion nouvelle » avec une intelligente sympathie et
un
sens rare des directions générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’an
1361
» avec une intelligente sympathie et un sens rare
des
directions générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’analyse qui cond
1362
f de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’
un
goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les
1363
négligé le rôle extérieur, que je crois décisif,
des
conditions de la vie moderne.) Après avoir défini quelques « position
1364
nt que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’
un
choix presque impossible, notre incertitude paraît sans remède. Mais,
1365
el-Rops n’a-t-il pas cédé à la tentation de créer
des
dilemmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’un inquiet qui
1366
mes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’
un
inquiet qui veut le rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer en
1367
i. Dès lors sont-elles vraiment les deux termes d’
un
dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi
1368
e beau prétexte (avril 1927)j Ah ! je sens qu’
une
puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes l
1369
I (Notes écrites en décembre 1925, au sortir d’
une
conférence sur le Salut de l’humanité.) Ce soir en moi trépigne une
1370
e Salut de l’humanité.) Ce soir en moi trépigne
une
rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau de flammes, puis à qui déd
1371
révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans
un
rayon échappé des Enfers — auxquels je crois encore, et pas seulement
1372
sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé
des
Enfers — auxquels je crois encore, et pas seulement pour le pittoresq
1373
n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que
des
systèmes pour faire taire en nous l’appel vertigineux du Silence. On
1374
us l’appel vertigineux du Silence. On nous montre
des
Dieux, mais c’est pour détourner nos regards de cela qu’il faut bien
1375
ine parfumés, les vices enlacés aux vertus, c’est
un
ricanement splendide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l
1376
s aux vertus, c’est un ricanement splendide comme
un
éclat de rire de condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pri
1377
amné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris
des
avocats dont les plaidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et d
1378
vait pris des avocats dont les plaidoyers, tissus
des
mensonges les plus beaux et des plus mélodieuses palinodies, font enc
1379
laidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et
des
plus mélodieuses palinodies, font encore rêver les anges écœurés d’az
1380
font encore rêver les anges écœurés d’azur. Alors
un
juron mélodramatique, d’une voix torturée, hurle au pape et au diable
1381
écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique, d’
une
voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Louis
1382
, d’une voix torturée, hurle au pape et au diable
un
anathème sanglant. Louis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée
1383
e l’éternelle anarchiste, la Poésie. On dit : «
Des
mots ! » au lieu de « Je ne comprends pas ». On dit : « Je ne compren
1384
us avez dit : « C’est incompréhensible ! » — avec
une
indignation où j’admire une pointe d’ironie vraiment supérieure. Car
1385
réhensible ! » — avec une indignation où j’admire
une
pointe d’ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mieux excite
1386
c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur
un
faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais déjà c’est de pl
1387
brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi
des
faibles s’efforcent — mais déjà c’est de plus loin qu’il les nargue.
1388
t de plus loin qu’il les nargue. Il connaît enfin
une
solitude défendue de tous côtés par ses rires scandaleux, quelques «
1389
ris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et
des
phrases d’un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édif
1390
ur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’
un
fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne quit
1391
n fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle
des
édifices, ne quitte plus, attiré par les premiers sophismes de l’auro
1392
traits purs et labiles à l’immobilité miraculeuse
des
statues7. » Il s’agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici e
1393
itique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’
une
des tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré ta
1394
ue littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une
des
tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré tant d
1395
compromis : « Nous étions dominés par le sens d’
une
réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au pr
1396
ue certains d’entre nous eussent acheté au prix d’
un
martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’infin
1397
us naissons à quelque chose qui imite la vie dans
une
époque d’inconcevables compromissions où triomphe sous tous les dégui
1398
sme le plus pauvre auquel se soit jamais abaissée
une
civilisation. Mais nous sommes encore quelques-uns à jouer nos dernie
1399
ur nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation d’
une
foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la Croi
1400
au rire, pharisiens, et dire qu’elle est née dans
un
café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rie
1401
dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix d’
un
mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingénie
1402
rer de dogmes bassement ingénieux : « Si j’essaie
un
instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte
1403
e qu’elle puisse en aucun cas servir d’argument à
un
homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d’extrême moye
1404
qu’on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur
une
révélation possible, ou la naissance d’un prophète qui rapprenne comm
1405
ut sur une révélation possible, ou la naissance d’
un
prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux q
1406
issance d’un prophète qui rapprenne comment aimer
un
Dieu. Ce n’est pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût un sen
1407
t pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût
un
sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport
1408
e, interceptant les messages égarés de l’infini…
Un
tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui ? — sa grandeur, c’est q
1409
viens de retrouver quelques pages écrites il y a
un
an, tel soir de colère où le thermomètre eût indiqué 39° selon toute
1410
lon toute vraisemblance. Et voici Aragon revêtu d’
une
dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’est a
1411
’une dignité tragique qu’il trouverait sans doute
un
peu ridicule. C’est ainsi que l’on arrive à croire, pour un autre, qu
1412
icule. C’est ainsi que l’on arrive à croire, pour
un
autre, que c’est arrivé, ajoutant foi, dans tous les sens qu’admet ce
1413
tant foi, dans tous les sens qu’admet ce terme, à
des
exaltations que leur lyrisme rendait seules contagieuses. Comment, en
1414
estable « séduction ». Pour un peu, je découvrais
une
manière de prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je
1415
our un peu, je découvrais une manière de prophète
un
brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais plutôt comm
1416
ce poète. Aujourd’hui, je le verrais plutôt comme
un
Musset10 plus véritablement désespéré. Un Musset moins frivole et plu
1417
t comme un Musset10 plus véritablement désespéré.
Un
Musset moins frivole et plus pervers, moins sentimental et plus sensu
1418
plus cinglant. Au lieu de vin doux, on nous sert
des
cocktails (un Musset triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, un
1419
Au lieu de vin doux, on nous sert des cocktails (
un
Musset triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, une théorie du s
1420
set triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830,
une
théorie du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu
1421
pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’
un
jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset, seulement transpo
1422
as qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore
un
Musset, seulement transposé dans notre siècle et chez qui tout est de
1423
us acerbe, plus profond. En somme, et avant tout,
un
écrivain, un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirab
1424
us profond. En somme, et avant tout, un écrivain,
un
bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirable parti litt
1425
un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer
un
admirable parti littéraire de son tempérament vif, insolent et ombrag
1426
ent et ombrageux. « J’appartiens à la grande race
des
torrents. » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’un Monther
1427
. « J’appartiens à la grande race des torrents. »
Une
belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’un Montherlant qui pourrai
1428
» Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’
un
Montherlant qui pourrait l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et c
1429
pour le ton prophétique, ne serait-ce pas plutôt
une
sorte de donquichottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et
1430
rait le premier à s’amuser ? Février 1927. Relu
Une
vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétor
1431
vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous
une
certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce qui tressaille et m’at
1432
ressaille et m’atteint au vif, c’est tout de même
un
désespoir en quoi je ne vais pas m’empêcher de reconnaître la voix se
1433
e vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’
une
phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs d
1434
ement les auteurs de manuels de littérature — : «
Un
mysticisme creux et affamé est le contrecoup du christianisme dans le
1435
gauche, — nulle part sur cette terre où l’orgueil
des
hommes croit pouvoir nous le désigner, veut nous l’imposer pour quell
1436
nt, le plus irrévocable désespoir n’est encore qu’
un
appel à la foi la plus haute. 1er mai 1927. Mieux vaut pécher par
1437
autel — et si ce nom revient sous ma plume, comme
une
mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parce qu’elle n’a pas mérité
1438
plus étendus qu’on n’osait le craindre11. Si dans
un
essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’une introspection immobile ne
1439
Si dans un essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’
une
introspection immobile ne retient rien de la réalité vivante ; si je
1440
etient rien de la réalité vivante ; si je dénie à
des
incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un or
1441
; si je dénie à des incrédules le droit à parler
des
choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je
1442
droit à parler des choses de la foi comme étant d’
un
ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critique
1443
on voudrait que soient justiciables les œuvres d’
un
écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un cr
1444
démarches de sa pensée, ses délires, ses visions.
Un
critique qui n’épouse pas le rythme d’une œuvre, mais s’avance à sa r
1445
visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme d’
une
œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier
1446
il à frigorifier de sa raison, est destiné à dire
des
bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes — de novembre 1926. 2
1447
uère à ce devoir sacré. » (Edmond Jaloux.) Entre
un
monsieur en noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs une anci
1448
noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs
une
ancienne connaissance… le Sens Critique. Moi (gêné)… Rougemont. Le
1449
oi (gêné)… Rougemont. Le Sens Critique. — Il y a
un
certain temps déjà que nous ne nous sommes revus. Mais je suis vos tr
1450
quelque manière la prétention… Moi. — Que voilà
un
singulier impertinent de votre part. (Le reconduisant :) Croyez, Mons
1451
chose s’il ne spéculait sur l’incertain », c’est
un
académicien qui l’a dit. Voulez-vous me faire quelque chose là-dessus
1452
a Revue ? Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici
un
traité de métaphysique, vous lirez ça en attendant. Très bien fait. E
1453
ait. Excellente méthode ! (Sort le Sens Critique,
un
peu bousculé.) Moi. — Vous disiez, ma vie ? La Muse (mais oui, la M
1454
La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derrière
un
rideau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des gens qui cro
1455
eau). — J’attends votre plaisir… III Il y a
des
gens qui croient avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine de t
1456
ont montré à l’origine de telle doctrine mystique
une
exaltation nerveuse ou des troubles organiques. Ils opposent à ces «
1457
elle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou
des
troubles organiques. Ils opposent à ces « délires » les thèses rassur
1458
mne pas et la santé et la raison. Il s’est trouvé
des
Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gréco-latine » p
1459
eur faute si elle nous apparaît aujourd’hui comme
une
vieille courtisane assagie, parfois dévote, phraseuse, sèche, d’humeu
1460
d’humeur acariâtre et réactionnaire. Vous tracez
des
frontières géographiques à la raison ? Eh bien, c’est vous qui l’aure
1461
é que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’
une
manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques ce
1462
u. Mais alors, Aragon, pourquoi se faire marchand
des
œuvres complètes de Karl Marx ? Si vous ne dites pas aussi merde pour
1463
au nom de l’esprit, on ne va pas s’acoquiner avec
des
gens qui ont fait, il y a 10 ans, une révolution en fonction du capit
1464
quiner avec des gens qui ont fait, il y a 10 ans,
une
révolution en fonction du capitalisme. Est-ce que vraiment vous ne po
1465
ents. Et puis surtout, l’heure est venue de clore
des
discussions énervantes où s’épuise vainement une dialectique dont l’o
1466
des discussions énervantes où s’épuise vainement
une
dialectique dont l’objet fuit sans cesse par la quatrième dimension.
1467
ommunicable secret de l’invention. Il nous faut
des
entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait
1468
n. Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes.
Un
grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et nous portant
1469
a limite de nos forces, notre joie parmi vous fut
une
très grande joie. Saint-John Perse. Nous appelions une Révolution pe
1470
ès grande joie. Saint-John Perse. Nous appelions
une
Révolution perpétuelle une perpétuelle insurrection contre tout ce qu
1471
Perse. Nous appelions une Révolution perpétuelle
une
perpétuelle insurrection contre tout ce qui prétendait nous empêcher
1472
a sénilité, etc., etc. Et certes ce n’étaient pas
des
êtres, mais leurs abstractions que nous haïssions. Notre haine de cer
1473
pas de ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement
une
sympathie humaine pour nous sans prix ? Mais nous avions besoin de ré
1474
tait devenu synonyme de magnifique perdition dans
des
choses plus grandes que nous. Nous nous connaissions dans les coins e
1475
us perdrait corps et biens dans sa grandeur comme
une
femme merveilleuse nous perdrait corps et âme dans l’ivresse amoureus
1476
cette femme à travers toutes les femmes. C’était
un
vice, la révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que de vices. ⁂
1477
uve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore
un
qui rue dans les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gram
1478
i rue dans les brancards, c’est très bellettrien.
Un
disque de gramo comme par hasard nasille : Nous avons tous fait ça P
1479
, n’est-ce pas ? Et puis l’aiguille divague vers
des
souvenirs, quand nous allions tous deux, ces bonnes farces, et aussi
1480
s tous deux, ces bonnes farces, et aussi pourtant
des
histoires de copains qui ont mal tourné, on pensait bien, ah ! cette
1481
on pensait bien, ah ! cette jeunesse, mais voyons
des
affaires plus sérieuses. Et tout est dit. Ah ! c’est vrai, il allait
1482
alisme ? — Baptisé il y a cinq ou six ans et mort
des
suites. Quand cesserez-vous de nous faire la jambe, pardon escuses, a
1483
hème à condamnations par contumace. Il y a encore
des
gens pour qui les limites de l’anarchie sont : chanter l’Internationa
1484
ternationale dans les rues, faire la noce, écrire
un
livre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand n
1485
e, écrire un livre de tendances très modernes. Et
des
gens pour se gausser quand nous écrivons Révolution, et nous offrir u
1486
er quand nous écrivons Révolution, et nous offrir
un
billet (simple course) pour Moscou, ou encore pour demander à qui, en
1487
tive de notre absurdité. Car l’homme « s’est fait
une
vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vai
1488
plus combattre, c’est l’épanouissement violent d’
une
immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphère
1489
nse fleur palpitante au parfum de passions, c’est
une
atmosphère toute chargée d’éclairs qui nous atteignent sans cesse au
1490
n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux.
Un
orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux d
1491
ns vos langues aériennes. On n’acceptera plus que
des
valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le gra
1492
amez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer
des
prodiges à cette invite la plus persuasive : nous sommes prêts à les
1493
asive : nous sommes prêts à les accueillir. 7.
Une
vague de rêves (dans Commerce). 8. Et malgré certaines théories bien
1494
ù naît le merveilleux. » Au vrai, et surtout pour
un
homme qui élit Freud « président de la République du Rêve » – c’est p
1495
sident de la République du Rêve » – c’est presque
un
non-sens de chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est l
1496
liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie
des
souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes son
1497
curé chez les riches. Très loin derrière viennent
des
France et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus
1498
riches. Très loin derrière viennent des France et
des
Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus étroit, quelqu
1499
nce et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans
un
domaine plus étroit, quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan
1500
La maîtresse d’École Au printemps pur comme
une
joue, École errait, École suivait une femme dans les rues tant soit p
1501
s pur comme une joue, École errait, École suivait
une
femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes
1502
femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’
une
capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels so
1503
iques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’
une
saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à l
1504
emblables, qu’à leurs reflets se fussent évanouis
des
arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où détresse rimait avec
1505
du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu d’
un
désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qui
1506
eil toujours de face. Il ne vit plus que la foule
des
yeux bleus, son éblouissement. Soudain la voici, elle descend à sa re
1507
, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’
un
luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passant
1508
t trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était
un
ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone
1509
c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche
des
âmes. Aussitôt il téléphone à ceux du paradis : « Qui va à la chasse
1510
us nous comprenons. » On lui offrit immédiatement
un
fauteuil et un violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’il savait
1511
ons. » On lui offrit immédiatement un fauteuil et
un
violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’il savait … R.S.V.P.
1512
… R.S.V.P. À Max-Marc-Jean Jacob Reymond.
Une
étoile à la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duche
1513
de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’
un
coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très rem
1514
abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec
un
tact exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous une table, comp
1515
exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous
une
table, complètement ivre, et Bettina lui disait à l’oreille : « Mon c
1516
au matin. Il neigeait dans les rues sourdes comme
un
songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos.
1517
son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent
des
halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des
1518
tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit
des
fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui
1519
ide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance,
une
églantine, quelques roses, un sourire qui perce le cœur sur les glace
1520
rs de son enfance, une églantine, quelques roses,
un
sourire qui perce le cœur sur les glaces du passé. Cet abandon aux fu
1521
s du passé. Cet abandon aux fuyantes chansons, et
des
violons déchirants dans sa tête… Mais le sommeil s’évaporait aux care
1522
sa tête… Mais le sommeil s’évaporait aux caresses
des
flocons, plus perfides que des murmures d’adieu. Il tomba parmi les s
1523
orait aux caresses des flocons, plus perfides que
des
murmures d’adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive d
1524
Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive
des
jardins. Une fenêtre s’était ouverte et des accords échappés tombaien
1525
i les statues, dans l’amitié pensive des jardins.
Une
fenêtre s’était ouverte et des accords échappés tombaient, les ailes
1526
nsive des jardins. Une fenêtre s’était ouverte et
des
accords échappés tombaient, les ailes coupées. Puis le silence se rep
1527
u pour que s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme
un
camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des o
1528
dre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse
des
objets et des êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucemen
1529
l respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et
des
êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucement vers le sole
1530
merveilleuse des objets et des êtres véritables.
Un
bateau ne glisse pas plus doucement vers le soleil du haut-lac. Juste
1531
ut-lac. Justement, voici que tout va s’ouvrir, qu’
un
monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins somptueuse. E
1532
somptueuse. Et bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est
une
question d’amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis
1533
je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront
un
lâche. Parce que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme de l’au
1534
regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est
des
visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi —
1535
elle fut au siècle passé ? Allons-nous assister à
un
regroupement de ses forces créatrices ? La question est peut-être pré
1536
elle se pose me paraît indiquer que l’un au moins
des
deux éléments nécessaires à ce regroupement existe : il y a de jeunes
1537
ingulier. Nos artistes, en effet, n’ignorent rien
des
courants les plus modernes, et sont bien situés pour n’en prendre que
1538
mesure. Ainsi risquent de s’établir autour d’eux
des
mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès, mais qu
1539
insi risquent de s’établir autour d’eux des mœurs
un
peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès, mais qui expliqu
1540
procès, mais qui expliquent, me semble-t-il, pour
une
part, la dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs
1541
ent, me semble-t-il, pour une part, la dispersion
des
efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs de découvertes, de snob
1542
rdinales, et qui forme ailleurs le premier public
des
jeunes artistes, n’existant pas ici, le peintre se trouve placé d’emb
1543
s s’en vont à Paris, ou bien ils se retirent dans
une
solitude plus effective, quitte à nous revenir munis du passeport ind
1544
à nous revenir munis du passeport indispensable d’
une
consécration étrangère. Un jour en effet l’on apprend que tel tableau
1545
eport indispensable d’une consécration étrangère.
Un
jour en effet l’on apprend que tel tableau de jeune est « coté » chez
1546
pprend que tel tableau de jeune est « coté » chez
un
gros marchand. Aussitôt, les feuilles locales retentissent de touchan
1547
es retentissent de touchants échos : « C’est avec
un
légitime orgueil que notre petit pays accueillera cette consécration
1548
llera cette consécration bien méritée du talent d’
un
de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une
1549
» Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans
une
Rolls-Royce et fortune faite, tout le monde s’accorde à dire qu’on n’
1550
orde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils d’
un
tel père. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’il en faill
1551
u monde… » Je ne pense pas qu’il en faille gémir.
Une
certaine résistance est nécessaire pour que la force se développe. N’
1552
ns, auxquels pourtant nos circonstances confèrent
une
actualité toujours vive. D’ailleurs, sachons le reconnaître, il y a m
1553
à l’histoire comme la peinture à la photographie.
Une
œuvre d’art est un merveilleux foyer de contagion contre lequel je ne
1554
a peinture à la photographie. Une œuvre d’art est
un
merveilleux foyer de contagion contre lequel je ne saurais me prémuni
1555
de ces appareils à jugements garantis qui posent
un
critique d’art diplômé. Premier péché contre l’histoire : au seuil d’
1556
ômé. Premier péché contre l’histoire : au seuil d’
un
article consacré aux jeunes artistes neuchâtelois, je vous présente C
1557
stes neuchâtelois, je vous présente Conrad Meili,
un
Zurichois qui nous arriva de Genève il y a de cela cinq ou six ans. I
1558
il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors
des
natures mortes, de petits paysages, il dessinait des nus aux crayons
1559
natures mortes, de petits paysages, il dessinait
des
nus aux crayons de fard. C’était un peu plus Blanchet que Barraud, pl
1560
il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était
un
peu plus Blanchet que Barraud, plus Picasso que Matisse ; mais il y a
1561
sso que Matisse ; mais il y avait encore du flou,
des
courbes complaisantes. Meili est devenu plus net, plus cruel aussi. À
1562
illes, aux cactus qui ornaient les fenêtres, dans
une
chambre peinte en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’est l
1563
batiks, il s’est livré pendant quelques années à
des
recherches un peu théoriques et abstraites. De cette époque datent de
1564
st livré pendant quelques années à des recherches
un
peu théoriques et abstraites. De cette époque datent des toiles comme
1565
théoriques et abstraites. De cette époque datent
des
toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors et personnages semblent
1566
nir de l’Évêché. Décors et personnages semblent d’
une
matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement. Il
1567
ces espaces définis par quelques plans ne tue pas
un
certain mystère. Cette cour sans issue, cette tulipe bizarre, cette t
1568
ombien l’épuration rigoriste de sa technique sert
une
vision aigüe de la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il
1569
ures sur bois colorées qu’il intitule la cité est
un
petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’un art très volontair
1570
n petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’
un
art très volontaire, qui connaît ses ressources et sait en user avec
1571
la conférer à tout ce qu’il touche, qu’il décore
une
bannière, fabrique une poupée, compose une affiche ou une mosaïque, c
1572
qu’il touche, qu’il décore une bannière, fabrique
une
poupée, compose une affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra
1573
décore une bannière, fabrique une poupée, compose
une
affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une
1574
ière, fabrique une poupée, compose une affiche ou
une
mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une de ses œuvres.
1575
mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître
une
de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il gliss
1576
re une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique
un
peu bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’attend le moins. Conra
1577
l’attend le moins. Conrad Meili apporte chez nous
une
inspiration neuve, d’origine germanique, mais qui a choisi de s’astre
1578
use rigueur latine, et qui tout en s’épurant dans
des
formes claires a su les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément
1579
i manque trop souvent au Neuchâtelois. S’il casse
des
vitres, ce n’est pas seulement pour le plaisir, mais plutôt par amour
1580
autres sont soulagés. Et ne fût-ce qu’en prenant
une
initiative comme celle de Neuchâtel 1927 7 il aura bien mérité sa pla
1581
elois. Actuellement, Meili achève la décoration d’
une
salle d’hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce pa
1582
de ceux pour qui la peinture consiste à habiller
une
idée. Voyez son portrait de Meili : il ne prend pas le sujet par l’in
1583
et par l’intérieur, mais il taille ce visage dans
une
pâte riche et un peu lourde, son pinceau la palpe, la presse, la rédu
1584
, mais il taille ce visage dans une pâte riche et
un
peu lourde, son pinceau la palpe, la presse, la réduit à la forme qu’
1585
la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs,
une
sensualité qui sait se faire délicate quand du haut de San Miniato ou
1586
San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec
des
roses et des jaunes jamais mièvres, sous l’œil méfiant des fascistes
1587
u de Fiesole, il peint Florence avec des roses et
des
jaunes jamais mièvres, sous l’œil méfiant des fascistes qui le prenne
1588
et des jaunes jamais mièvres, sous l’œil méfiant
des
fascistes qui le prennent pour un agitateur russe, à cause de sa chev
1589
l’œil méfiant des fascistes qui le prennent pour
un
agitateur russe, à cause de sa chevelure, sans doute ! On ne pourrait
1590
on tour par la grâce décorative, il n’en reste qu’
un
, du moins à Neuchâtel même : Eugène Bouvier. Ce garçon aux allures di
1591
garçon aux allures discrètes promène sur le monde
des
yeux de Japonais d’une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu
1592
rètes promène sur le monde des yeux de Japonais d’
une
ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais il a
1593
chose de nouveau dans la peinture neuchâteloise :
un
lyrisme un peu amer, d’une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’ins
1594
uveau dans la peinture neuchâteloise : un lyrisme
un
peu amer, d’une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans t
1595
einture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer, d’
une
tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans toute sa palette,
1596
ne sais quoi qu’on cherche en vain chez beaucoup
des
meilleurs de nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces facil
1597
lleurs de nos artistes. Mais n’allez pas croire à
des
grâces faciles ou sentimentales. Il y a une sorte d’aristocratique di
1598
ire à des grâces faciles ou sentimentales. Il y a
une
sorte d’aristocratique dissimulation dans l’œuvre de Bouvier. Sa tech
1599
s. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans
un
tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut
1600
etient dans un tableau de Bouvier, c’est toujours
une
sorte de dissonance, un défaut par où l’on va peut-être se glisser da
1601
Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance,
un
défaut par où l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère de l’œuv
1602
. Ce lyrique, ce mystique exige pour être compris
une
complicité de sentiments ou d’état d’âme. Je ne verrais guère que Lou
1603
és, dont on le puisse rapprocher, parce qu’il est
un
des rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant tout.
1604
dont on le puisse rapprocher, parce qu’il est un
des
rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais
1605
la nostalgie de Bouvier l’entraîne à mille lieues
des
jardins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il s
1606
et sait rendre mieux que personne la liquidité d’
un
lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temps couvert, calm
1607
tant l’impression, à voir ses dernières toiles, d’
une
plus grande certitude intérieure. Les visages sont plus calmes, les c
1608
passe en cinq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut
un
temps où l’on put craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’un
1609
craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’
une
école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes qui
1610
ne école du gris-noir neurasthénique. Il peignait
des
natures mortes qui décidément l’étaient, à faire froid dans le dos ;
1611
nt l’étaient, à faire froid dans le dos ; ou bien
des
scènes d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensa
1612
à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’
une
bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà i
1613
dos ; ou bien des scènes d’une bizarre fantaisie,
un
mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples
1614
ge de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait
des
disciples (Madeleine Woog, G. H. Dessoulavy)… Mais déjà paraissaient
1615
e revue qu’il avait fondée avec J. P. Zimmermann)
des
dessins d’un dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassura
1616
avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins d’
un
dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassurant. C’était,
1617
nn) des dessins d’un dynamisme impétueux révélant
un
tempérament très rassurant. C’était, je crois, le vrai Humbert qui co
1618
umbert qui commençait à s’affirmer. Puis il y eut
une
période intermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets d’une opulen
1619
ffirmer. Puis il y eut une période intermédiaire,
un
peu pénible. Dans des bouquets d’une opulence assez désordonnée, des
1620
t une période intermédiaire, un peu pénible. Dans
des
bouquets d’une opulence assez désordonnée, des rouges trop violents é
1621
ntermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets d’
une
opulence assez désordonnée, des rouges trop violents éclataient avec
1622
ns des bouquets d’une opulence assez désordonnée,
des
rouges trop violents éclataient avec un certain mauvais goût au milie
1623
rdonnée, des rouges trop violents éclataient avec
un
certain mauvais goût au milieu d’harmonies funèbres, comme un qui n’a
1624
auvais goût au milieu d’harmonies funèbres, comme
un
qui n’attendrait pas que l’enterrement s’éloigne pour entonner une ch
1625
ait pas que l’enterrement s’éloigne pour entonner
une
chanson à boire. Et sa technique auparavant volontairement maigre se
1626
ême. Il atteint son équilibre et sa maîtrise avec
une
toile comme le Potier. Si la couleur n’est pas encore aussi plantureu
1627
s encore aussi plantureuse que les formes, il y a
une
belle richesse de lueurs sur une matière traitée largement et d’une a
1628
s formes, il y a une belle richesse de lueurs sur
une
matière traitée largement et d’une abondance très sûrement ordonnée.
1629
de lueurs sur une matière traitée largement et d’
une
abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup attend
1630
ce tempérament qui fait jaillir en lui sans cesse
des
possibilités imprévues. Il y a un côté « homme de la Renaissance » ch
1631
lui sans cesse des possibilités imprévues. Il y a
un
côté « homme de la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa f
1632
. Il y a un côté « homme de la Renaissance » chez
un
Charles Humbert livré à sa fougue originale. Il y en a plus encore ch
1633
à sa fougue originale. Il y en a plus encore chez
un
Aurèle Barraud. Il suffit de le voir peint par lui-même pour s’en ass
1634
ux clairs et assurés, le cou robuste, les mains d’
un
si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout cela communi
1635
du poids et nulle lourdeur, tout cela communique
une
impression de puissance domptée et qui semble se faire une volupté de
1636
ssion de puissance domptée et qui semble se faire
une
volupté de la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore p
1637
plus « Renaissance » : le costume est drapé avec
un
soin minutieux, mais une grande mèche insolente retombe devant le vis
1638
le costume est drapé avec un soin minutieux, mais
une
grande mèche insolente retombe devant le visage. Aurèle tient un livr
1639
insolente retombe devant le visage. Aurèle tient
un
livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’il le lise, mais il aime ca
1640
les Barraud, qui lui, passe ses journées à vendre
des
couleurs, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que les visages
1641
se ses journées à vendre des couleurs, à encadrer
des
glaces. Et plaise aux dieux que les visages qui s’y reflèteront soien
1642
pe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi, d’
un
œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis v
1643
i). Et puis voici François Barraud, le plus jeune
des
frères. Il vient apporter des dessins qui ressemblent beaucoup aux pe
1644
raud, le plus jeune des frères. Il vient apporter
des
dessins qui ressemblent beaucoup aux petites huiles de Charles, moins
1645
ce l’expression. Décidément ces trois frères sont
une
école. Délaissant un moment ce trésor du meilleur réalisme, que nous
1646
ément ces trois frères sont une école. Délaissant
un
moment ce trésor du meilleur réalisme, que nous saurons désormais ret
1647
ue nous saurons désormais retrouver, allons errer
un
peu dans le royaume d’Utopie. André Evard va nous y introduire, et no
1648
s quelques années d’avance sur ses contemporains.
Un
jour les jeunes le rattrapent. Salutations, présentations : « André E
1649
s dessus, bras dessous. Et l’on apprend peu à peu
des
choses bien curieuses sur son compte. Il a fait de la pâtisserie, mai
1650
il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre
une
feuille religieuse. Il déniche à Paris des tableaux mystérieux qu’il
1651
nistre une feuille religieuse. Il déniche à Paris
des
tableaux mystérieux qu’il relègue dans son atelier, pêle-mêle avec le
1652
atelier, pêle-mêle avec les siens. Vous retournez
une
toile appuyée au mur, c’est un Renoir… Retournez-en une autre, ce doi
1653
s. Vous retournez une toile appuyée au mur, c’est
un
Renoir… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin d’horlogerie,
1654
ile appuyée au mur, c’est un Renoir… Retournez-en
une
autre, ce doit être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’une mac
1655
t un Renoir… Retournez-en une autre, ce doit être
un
dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mouvement perpét
1656
it être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’
une
machine à mouvement perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’est
1657
quelque plan d’une machine à mouvement perpétuel.
Une
autre encore : cette fois-ci c’est un Evard : des roses noires sur un
1658
perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’est
un
Evard : des roses noires sur une table, dans un espace bizarrement lu
1659
Une autre encore : cette fois-ci c’est un Evard :
des
roses noires sur une table, dans un espace bizarrement lumineux où se
1660
tte fois-ci c’est un Evard : des roses noires sur
une
table, dans un espace bizarrement lumineux où se coupent des plans tr
1661
t un Evard : des roses noires sur une table, dans
un
espace bizarrement lumineux où se coupent des plans transparents, cel
1662
dans un espace bizarrement lumineux où se coupent
des
plans transparents, cellule de quelque palais de glaces en miniature,
1663
s en miniature, sorte de boîte à miracles où sous
un
éclairage très net, mais inusité, l’objet le plus banal se charge de
1664
igué, vous reprenez ce que vous pensiez n’être qu’
une
épure : c’est intitulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance d’un
1665
titulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance d’
un
songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces mo
1666
ourquoi pas naissance d’un songe ? C’est en effet
un
rêve de précision qui s’incarne dans ces motifs géométriques, pour le
1667
lles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont
des
pièges à chimères. C’est ainsi qu’on fait une découverte. Attention q
1668
ont des pièges à chimères. C’est ainsi qu’on fait
une
découverte. Attention qu’André Evard n’aille trouver une de ces machi
1669
ouverte. Attention qu’André Evard n’aille trouver
une
de ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier
1670
ir pu donner toute sa mesure. Il a laissé surtout
des
dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle, d’un style pourtant asse
1671
ute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins, d’
une
sûreté un peu traditionnelle, d’un style pourtant assez large et que
1672
re. Il a laissé surtout des dessins, d’une sûreté
un
peu traditionnelle, d’un style pourtant assez large et que n’entravai
1673
es dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle, d’
un
style pourtant assez large et que n’entravait pas son scrupule réalis
1674
ci dans son costume d’aviateur, retour de Vienne,
un
sculpteur qui saura s’imposer. Léon Perrin a compris tout le parti qu
1675
errin a compris tout le parti qu’on pouvait tirer
des
principes cubistes dans un art dont la genèse même est cubiste en que
1676
i qu’on pouvait tirer des principes cubistes dans
un
art dont la genèse même est cubiste en quelque sorte, supposant une d
1677
nèse même est cubiste en quelque sorte, supposant
une
décomposition primitive en plans. C’est ainsi qu’il atteint d’emblée
1678
t ainsi qu’il atteint d’emblée dans ses statues à
un
beau style dépouillé et hardi. Mais il y avait quelque lourdeur dans
1679
é et hardi. Mais il y avait quelque lourdeur dans
des
morceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre, plu
1680
pre. Depuis, Léon Perrin semble avoir évolué vers
une
plus grande harmonie de lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du
1681
surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste
un
heureux équilibre entre le réalisme imposé par les sujets et un style
1682
ilibre entre le réalisme imposé par les sujets et
un
style qui sait rester ample, d’une simplicité non dépourvue de puissa
1683
r les sujets et un style qui sait rester ample, d’
une
simplicité non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’on peut adm
1684
encore que Perrin décora naguère fort plaisamment
une
pendule de Ditisheim ; que Vincent Vincent, peintre, romancier et cri
1685
nt, peintre, romancier et critique d’art, compose
des
coussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’une somptueuse fa
1686
omancier et critique d’art, compose des coussins,
des
couvertures de livres, des étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et q
1687
compose des coussins, des couvertures de livres,
des
étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine d
1688
ussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’
une
somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tablea
1689
bine de petits tableaux en papiers découpés, avec
une
ingéniosité délicieusement féminine, une élégance aiguë. Notre revue
1690
és, avec une ingéniosité délicieusement féminine,
une
élégance aiguë. Notre revue n’est certes pas complète. Mais elle a du
1691
plète. Mais elle a du moins l’avantage de grouper
des
artistes qui, par le fait des circonstances peut-être plus que par de
1692
avantage de grouper des artistes qui, par le fait
des
circonstances peut-être plus que par de naturelles affinités, se trou
1693
e par de naturelles affinités, se trouvent former
un
mouvement actif déjà, et dont Neuchâtel 1927 sera la première manifes
1694
guer d’autres plus organiques ? D’une part il y a
des
préoccupations décoratives qui pourraient aboutir peut-être à la form
1695
qui pourraient aboutir peut-être à la formation d’
un
groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des œ
1696
activité serait féconde en ce pays. D’autre part,
des
œuvres aussi différentes par leur objet et le domaine où elles se réa
1697
busier8, Meili, Evard, Perrin, manifestent toutes
une
recherche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un
1698
simplicité savante et de la perfection du métier,
un
goût pour la construction rigoureuse qui sont des éléments peut-être
1699
un goût pour la construction rigoureuse qui sont
des
éléments peut-être insuffisants pour caractériser une école, mais qui
1700
éléments peut-être insuffisants pour caractériser
une
école, mais qui révèlent tout de même une orientation générale vers u
1701
tériser une école, mais qui révèlent tout de même
une
orientation générale vers une sorte de classicisme moderne dont les f
1702
vèlent tout de même une orientation générale vers
une
sorte de classicisme moderne dont les frères Barraud ne seraient pas
1703
ne seraient pas très éloignés par d’autres côtés.
Un
avenir peut-être proche dira dans quelle mesure de tels groupements c
1704
quelle mesure de tels groupements correspondent à
une
réalité artistique. Pour aujourd’hui, notre but serait suffisamment a
1705
ons fait qu’affirmer l’existence et la vitalité d’
une
jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu à
1706
t la vitalité d’une jeune peinture originale dans
un
pays qu’on s’est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’une
1707
t trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’
une
maigre végétation artistique. Pays où l’on préfère la netteté utile à
1708
ays où l’on préfère la netteté utile à l’harmonie
des
lignes ; où la lumière éclaire plus qu’elle ne caresse ; où pourtant
1709
; où pourtant les hivers les plus durs réservent
des
douceurs secrètes. 7. Publication dont cette revue entretenait réce
1710
e neuchâtelois, de son vrai nom Ch. E. Jeanneret,
un
article paru dans le numéro de février de cette revue. j. « Jeunes a
1711
Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)ah Voici
un
livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’une beauté assez brutal
1712
un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’
une
beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer pourtant. M. Lec
1713
urtant. M. Lecache présente le problème juif avec
une
obstination à ne rien cacher qui le mène profond. Une famille juive d
1714
obstination à ne rien cacher qui le mène profond.
Une
famille juive dans le Marais. Le père est un tailleur, biblique, aust
1715
nd. Une famille juive dans le Marais. Le père est
un
tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ambition que pour ses
1716
oresque dans la description du milieu juif, prend
une
âpre rapidité avec l’ascension de Jacob et ses luttes. On pardonne bo
1717
difficile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est
une
des plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous couleur
1718
icile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est une
des
plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous couleur de d
1719
rnement angoissé qu’on y apporte, l’on en vient à
une
conception de la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout d
1720
humaine. Tout dire, vraiment ? C’est l’exigence d’
une
détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme illus
1721
ncérité ne serait-elle à son tour que le masque d’
un
goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit comment
1722
st pas encore détaché de la matière pour en tirer
une
œuvre d’art. La sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce
1723
tes et d’expressions toutes faites qui trahissent
une
écriture hâtive. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de l
1724
e hâtive. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel
un
sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. a
1725
s l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et
un
sérieux humain qui forcent la sympathie. ai. « René Crevel : La Mor
1726
e plus séduisant, le plus dangereusement gracieux
des
noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées d’un élixir dont il v
1727
noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées d’
un
élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’au
1728
nt au bord des verres, se posent sur les cordes d’
une
lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquètent
1729
rdes d’une lyre dont ils font grésiller l’accord,
une
patte en l’air, becquètent le cœur d’une femme qui va les étrangler d
1730
’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur d’
une
femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèches
1731
bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’
une
tache de couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai la beauté facile
1732
la beauté facile et c’est heureux. » Il y a aussi
un
certain tragique, mais au filet si acéré qu’on ne sent presque pas sa
1733
’une autant qu’à l’autre, Drieu s’examine. Encore
un
? Non, enfin un. Tous les autres y ont apporté de secrètes complaisan
1734
l’autre, Drieu s’examine. Encore un ? Non, enfin
un
. Tous les autres y ont apporté de secrètes complaisances, ou une arri
1735
utres y ont apporté de secrètes complaisances, ou
une
arrière-pensée d’apologie, ou même simplement un besoin d’être aimés
1736
une arrière-pensée d’apologie, ou même simplement
un
besoin d’être aimés qui faussaient leurs voix pour les rendre plus to
1737
ndre plus touchantes. Celui-ci bat sa coulpe avec
une
saine rudesse. « Il s’examine jusqu’au ventre de sa mère et cognoit q
1738
alvin). Le tableau n’est pas beau, mais on y sent
une
« patte » qui révèle encore dans le fond quelque chose de solide, d’a
1739
autre chose que les « éclats de l’impuissance ».
Un
plus délicat eut compris que certains des morceaux très divers qui co
1740
sance ». Un plus délicat eut compris que certains
des
morceaux très divers qui composent ce livre sont bien mauvais, à côté
1741
eut encore s’en tirer, du moins l’avoue-t-il avec
une
franchise qui la rend sympathique. Et puis, tout de même, on est bien
1742
de rencontrer chez les jeunes écrivains français
un
homme qui ait à ce point le sens de l’époque, une vision si claire et
1743
un homme qui ait à ce point le sens de l’époque,
une
vision si claire et si tragique de la civilisation d’Occident. Les qu
1744
ns capitales posées ailleurs depuis longtemps par
des
maîtres comme Keyserling, Ferrero, commencent à être prises au sérieu
1745
littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder
une
passion pour la pureté, un « jusqu’au boutisine » qui seul peut redon
1746
d’avoir su en garder une passion pour la pureté,
un
« jusqu’au boutisine » qui seul peut redonner quelque vitalité à notr
1747
otre civilisation, — et je sais bien que c’est là
un
des signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat deven
1748
e civilisation, — et je sais bien que c’est là un
des
signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat devenu «
1749
rtain, brutal : mais faisons-lui confiance, voici
un
homme d’aujourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser le bluff
1750
evaliers »). Dès qu’on eut déposé devant Isidore
un
malaga et une eau minérale devant son étrange convive, celui-ci prit
1751
Dès qu’on eut déposé devant Isidore un malaga et
une
eau minérale devant son étrange convive, celui-ci prit la parole sans
1752
maintient cinq ans, dix ans au plus. Après, c’est
un
long adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’établit sur se
1753
normalement bon. L’idée, par exemple, d’étrangler
un
chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner quelque êtr
1754
méprisais trop sincèrement. » Vers cette époque,
une
femme me regarda longuement. » Mes parents me savaient vierge et c’ét
1755
ur devais. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux
des
yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un s
1756
emme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi.
Un
soir qu’elle pleurait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heure, j
1757
soir qu’elle pleurait, je l’embrassai si fort… En
un
quart d’heure, je connaissais l’amour dans ce qu’il a de plus étrange
1758
it tout. Il effleura mon front de ses lèvres sans
une
parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le lendemain, ses chev
1759
avaient légèrement blanchi. Il me regardait avec
une
terreur ou je crus distinguer je ne sais quelle déchirante nostalgie.
1760
vait vieux, maintenant. » Je songeais justement à
un
sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un sil
1761
n amie quand il voulut m’adresser la parole après
un
silence vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors une rage s’e
1762
vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors
une
rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la
1763
rage s’empara de mon corps tout entier, je criai
un
juron, claquai la porte et courus dans ma chambre. Une demi-heure plu
1764
uron, claquai la porte et courus dans ma chambre.
Une
demi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à
1765
mi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais
un
mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une directio
1766
gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’
une
nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce fu
1767
dieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans
une
direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumi
1768
t la politique, que j’envoyais à divers journaux.
Un
jour, parcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier
1769
j’envoyais à divers journaux. Un jour, parcourant
un
quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon
1770
père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’
un
café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me rega
1771
étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ;
une
brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me regarda un inst
1772
rasse ensoleillée d’un café ; une brise passa, et
une
femme en robe bleue légère qui me regarda un instant, si doucement… J
1773
et une femme en robe bleue légère qui me regarda
un
instant, si doucement… Je me levai sans payer, je partis par les rues
1774
… Je me levai sans payer, je partis par les rues,
une
joie violente commençait à m’envahir, contre laquelle je luttais obsc
1775
t je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans
un
établissement luxueux d’où sortaient à chaque tour du tambour des bou
1776
t luxueux d’où sortaient à chaque tour du tambour
des
bouffées de musique. » La femme en bleu dansait en regardant au plafo
1777
d. Après deux tangos, nous montions ensemble dans
une
chambre d’hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré p
1778
une chambre d’hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’
un
bouquet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses g
1779
glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner
des
soleils sur les parois claires. Du balcon, on voyait la mer, des bate
1780
les parois claires. Du balcon, on voyait la mer,
des
bateaux, des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant
1781
laires. Du balcon, on voyait la mer, des bateaux,
des
nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand por
1782
alcon, on voyait la mer, des bateaux, des nuages,
une
avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Médi
1783
des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout
un
couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en siffl
1784
à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme
un
avenir de bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Qua
1785
je vécus, comme vous me voyez vivre encore, dans
un
état de sincérité perpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec
1786
rpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec
un
enthousiasme juvénile, c’est-à-dire cynique, toutes les offres du has
1787
de prendre conscience de soi-même — je découvris
une
nuit, au moment de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’une l
1788
t de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’
une
longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie au prof
1789
qu’une longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé
des
années de joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurém
1790
vait-on pas dérobé des années de joie au profit d’
une
vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le res
1791
vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’était
un
bas opportunisme social, résultante des paresses accumulées de tous l
1792
né c’était un bas opportunisme social, résultante
des
paresses accumulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de conc
1793
us les cerveaux bourgeois incapables de concevoir
un
monde sans vieilles filles, sans capitalistes et sans gendarmes. Je s
1794
être engagé, du plan moral avec l’économique, qu’
une
expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu
1795
s de la société. » C’est avec le produit du vol d’
un
tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel j
1796
’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents
un
tombeau sur lequel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire de l
1797
— rendu, pour la gloire de l’Église. (Ici, il but
une
gorgée et prit un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la
1798
oire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit
un
temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vi
1799
m’amuse à jouer le pickpocket. Cela permet, avec
un
minimum d’adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour
1800
dresse, de découvrir certaines personnalités sous
un
jour assez particulier, très souvent ignoré d’elles-mêmes auparavant,
1801
en… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un
des
plus vulgaires et des plus généralement répandus, j’ai vite fait de c
1802
riété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et
des
plus généralement répandus, j’ai vite fait de classer mon monde d’apr
1803
et j’en vérifie les manifestations vivantes avec
une
prodigalité d’épreuves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où
1804
able intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule
une
certaine caresse de l’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’es
1805
’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est
un
plaisir de chaque minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je
1806
point que l’on considère ce saint comme le patron
des
voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait de cette dernière plaisante
1807
tit alors que la bienséance l’obligeait à émettre
une
opinion, même la plus générale et la moins compromettante, sur cette
1808
it pas laissé que de l’agacer en maint endroit. «
Une
chose avant tout me frappe — dit-il, lâchant tout de suite ses compli
1809
bavures, sans réticences ; elle m’apparaît comme
un
divertissement perpétuel et dénué d’inquiétude. Et cela n’est pas san
1810
appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression —
une
règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de
1811
la sincérité tournait vite à l’agressif — effet d’
une
timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots, vo
1812
dre. Je pourrais vous dire que si vous me trouvez
un
peu potache, il n’est pas prouvé par là que le potache n’ait point ra
1813
dre geste convenu dans le genre « révolté » prend
une
saveur de raillerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à décou
1814
âtel-Genève-Fribourg, n° 6, mai 1927, p. 180-185.
Une
note de bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées é
1815
à la jeunesse (mai 1927)n « On a reproché bien
des
choses aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude de boire et d
1816
à la base de la société même. » Ceci est tiré d’
un
livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques d
1817
donnerions peut-être raison à M. Y. Z., qui, dans
un
petit article du Journal de Genève sur « La maladie du siècle », éc
1818
e sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante
des
pommes de terre, jeune homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne
1819
Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit
une
poule au riz arrosée d’un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il
1820
mangeras avec appétit une poule au riz arrosée d’
un
savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou de
1821
demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même
un
ou deux petits phénomènes sociaux de notre temps que cette méthode ne
1822
ous paraissent entraîner assez naturellement chez
des
jeunes « et qui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tou
1823
t de la sacro-sainte Raison utilitaire au service
des
sacro-saints Principes au nom desquels tout se ligue aujourd’hui pour
1824
: nous pensons que bien avant Voltaire il y avait
des
autruches pour enseigner cette méthode à leurs petits. Le « satisfait
1825
ette méthode à leurs petits. Le « satisfait » est
un
être inadmissible aujourd’hui. À plus forte raison, le satisfait arti
1826
Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur
des
femmes (juillet 1927)am Quand vous avez fermé ce petit livre, vous
1827
it livre, vous partez en chantonnant le titre sur
un
air sentimental, bien décidé au fond, à retrouver Patsy, l’Irlandaise
1828
ympathique Paterne. Sous le fallacieux prétexte d’
une
flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Peut-
1829
nerie de saison, vous vous attardez aux terrasses
des
cafés. Peut-être va-t-elle revenir avec son Johannes laqué. Ah ! comm
1830
Ah ! comme vous sauriez lui plaire, maintenant qu’
une
si triomphante tendresse vous possède ! Justement, voici Pierre Girar
1831
s sérieux. Il sourit. Vous ajoutez que le lyrisme
des
noms géographiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie de nommer
1832
e des noms géographiques vous fatigue ; que c’est
une
vraie manie de nommer à tout propos d’Annunzio, Pola Negri, Charly Cl
1833
sants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à
des
Vénézuéliennes ou à Gérard de Nerval. Bientôt vous vous calmez. Car i
1834
d’hui que ce globe dans son voyage « est arrivé à
un
endroit de l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pier
1835
onheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard est
un
peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa
1836
ôlerie, son aisance. Vous accordez que s’il force
un
peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par
1837
ter. Bien plus, vous découvrez dans ses fantoches
une
malicieuse et fine psychologie. Mais à ce mot, son visage s’assombrit
1838
sychologie. Mais à ce mot, son visage s’assombrit
un
peu. « Tous nos ennuis nous seraient épargnés si nous ne regardions q
1839
ent épargnés si nous ne regardions que les jambes
des
femmes », dit-il, pour vous apprendre ! — sans se douter que rien ne
1840
s lu ce livre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais
un
devoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunéme
1841
hésiter, je vous ferais un devoir de ce plaisir.
Un
devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunément concitoyen de cet oncl
1842
out cela est sans importance, car voici « l’heure
des
petits arbres pourpres, l’heure où dans les bibliothèques désertes gl
1843
l’heure où dans les bibliothèques désertes glisse
un
grand souffle oblique plein de fraîcheur et de pardon. » am. « Pier
1844
am. « Pierre Girard : Connaissez mieux le cœur
des
femmes (Simon Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Gen
1845
cite tel auteur dont nous fîmes notre nourriture
une
saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pyt
1846
ison de naguère, voilà le rictus de votre bouche,
une
injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dit
1847
s de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’
un
goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors
1848
oi : j’ai lu ça quelque part. Voyez ma franchise.
Un
peu grosse, n’est-ce pas ? D’autres prennent soin que leurs sincérité
1849
que leurs sincérités gardent au moins l’excuse d’
une
audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous su
1850
audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici
un
bar où je vous suis. Vous y entrez plein de mépris pour Paul Morand p
1851
découvrîtes le charme de ces lieux. Vous composez
un
cocktail en guise de métaphore, avec une pensée tendre pour un ami po
1852
composez un cocktail en guise de métaphore, avec
une
pensée tendre pour un ami poète. « L’autre jour au Grand Écart… », di
1853
n guise de métaphore, avec une pensée tendre pour
un
ami poète. « L’autre jour au Grand Écart… », dit quelqu’un. À ce coup
1854
ambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est
une
citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. E
1855
e citation de Valéry, cette œillade se souvient d’
un
vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’i
1856
ette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et
des
phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glis
1857
se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrases,
des
cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème o
1858
t d’un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris,
des
mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aim
1859
mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse
un
poème où vous aimiez à la folie votre douleur. Narcisse se contemple
1860
r de son monocle. Au petit matin, il se noie dans
un
verre à liqueur. Poisson dans l’eau, plumes dans le vent, poète au ba
1861
posent pour le diable et ne se baignent que dans
des
bénitiers : on voit trop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisi
1862
nt ça pittoresque. Et le plaisir d’être nu devant
un
public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute
1863
sa pudeur, et qui doute enfin de l’impossibilité
des
miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus aiguës ? On vaincra
1864
n vaincra jusqu’à sa gueule de bois pour en faire
des
poèmes. Alors je cherche les raisons de votre indignation, quand il m
1865
raisons de votre indignation, quand il m’échappe
une
citation. Seraient-ce les guillemets qui vous choquent ? La vie ! —
1866
a bouche brûlée d’alcools, vous découvrez à l’eau
un
goût étrange. L’eau est incolore, inodore et sans saveur. Mais fraîch
1867
otre mépris pour le pittoresque, vous témoignez d’
un
goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas faire
1868
ce refus n’est pas seulement comme vous pensez, d’
une
ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois en
1869
refus de limiter le mal. Je vous vois envahi par
des
démons que vous prétendez m’interdire de nommer. Mais moi je partage
1870
e avec certains Orientaux cette croyance : nommer
une
chose, c’est avoir puissance sur elle. Images, pensées des autres, je
1871
, c’est avoir puissance sur elle. Images, pensées
des
autres, je vous ai mis un collier avec le nom du propriétaire ; tirez
1872
elle. Images, pensées des autres, je vous ai mis
un
collier avec le nom du propriétaire ; tirez un peu sur la laisse, que
1873
is un collier avec le nom du propriétaire ; tirez
un
peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens
1874
s — et ce n’est pas que je m’en vante, — j’ai tué
un
amour naissant, à force de le crier sur les toits. Ainsi, parler litt
1875
l’insuffisance de la littérature On reconnaît
un
écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il ne tolère pas qu’on lui parle litté
1876
lère pas qu’on lui parle littérature. Mais il y a
des
mépris qui sont de sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’
1877
raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait
une
très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépr
1878
e que la littérature. Que la littérature nous est
un
moyen seulement d’atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres
1879
de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou
des
états intérieurs qui sont parfois des actions en puissance15. Il faud
1880
actions, ou des états intérieurs qui sont parfois
des
actions en puissance15. Il faudrait des choses plus lourdes et plus i
1881
t parfois des actions en puissance15. Il faudrait
des
choses plus lourdes et plus irrésistibles, percutantes. Qui vous écha
1882
percutantes. Qui vous échappent en vous blessant.
Des
choses dures, amères comme un destin, comme le goût d’une pierre rêch
1883
en vous blessant. Des choses dures, amères comme
un
destin, comme le goût d’une pierre rêche sur ta langue et grinçante s
1884
es dures, amères comme un destin, comme le goût d’
une
pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des souplesses
1885
re rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent.
Des
souplesses qui se retournent brusquement et vous renversent. Des prés
1886
qui se retournent brusquement et vous renversent.
Des
présences tellement intenses que tout se fond catastrophiquement dans
1887
d catastrophiquement dans l’infini de la seconde.
Des
peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces choses mystiques
1888
pressens encore dans vos poèmes les plus obscurs
des
allusions furtives à certains états de la réalité. Mais plus les mots
1889
ats de la réalité. Mais plus les mots se plient à
des
exigences sémantiques — dont on connaît la portée sociale, — mariant
1890
— mariant l’utile à l’agréable selon les rites d’
une
esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier
1891
l’agréable selon les rites d’une esthétique ou d’
une
autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous
1892
e véritable. Alors, cessons de nous battre contre
des
moulins à vent. La littérature, considérée du point de vue de la psyc
1893
point de vue de la psychologie de l’écrivain, est
un
besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfait dans certains ét
1894
ychologie de l’écrivain, est un besoin organique,
un
peu anormal, que l’on satisfait dans certains états de crise afin de
1895
quelque plaisir, plus rarement, de quoi se payer
un
petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réac
1896
de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’
une
faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mo
1897
e. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est
une
réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réa
1898
ète. Et c’est une réaction de défense. On cherche
un
mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la connaissance devient d
1899
c’est une réaction de défense. On cherche un mot,
une
phrase, pour tuer une réalité dont la connaissance devient douloureus
1900
défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer
une
réalité dont la connaissance devient douloureuse et troublante. Ainsi
1901
e connaissance véritable du monde.) Littérature :
un
vice ? Peut-être. Ou une maladie ? Ce n’est pas en l’ignorant par att
1902
du monde.) Littérature : un vice ? Peut-être. Ou
une
maladie ? Ce n’est pas en l’ignorant par attitude que vous la guérire
1903
nscrire les effets. J’avoue prendre à cette étude
un
intérêt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet de conversatio
1904
cette étude un intérêt bien vif. Et cela fournit
un
merveilleux sujet de conversation, au café. Dans un salon, par contre
1905
merveilleux sujet de conversation, au café. Dans
un
salon, par contre, c’est d’un ridicule écrasant : mais rien n’est plu
1906
tion, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’
un
ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper.
1907
ntherlant me paraît être le moins « littératuré »
des
écrivains d’aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’
1908
parle littérature, il a toujours l’air de mettre
un
peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du mé
1909
ous silence. C’est assez drôle de voir le malaise
des
chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréador ses familiarités
1910
ardonnent pas à ce toréador ses familiarités avec
une
Muse qu’ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la de
1911
é. On m’affirme que je n’y échapperai pas plus qu’
un
autre : et qu’un beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; ma
1912
ue je n’y échapperai pas plus qu’un autre : et qu’
un
beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; mais, pour sûr, jam
1913
reton qui l’a exprimé : « On publie pour chercher
des
hommes, et rien de plus. » Chercher des hommes ! Ah ! cher ami, nous
1914
chercher des hommes, et rien de plus. » Chercher
des
hommes ! Ah ! cher ami, nous ne sommes pas tant, n’est-ce pas, à pour
1915
us ne sommes pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre
une
quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, l
1916
pour leurs instables certitudes, et qui nous font
un
péché de notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles t
1917
s, et qui nous font un péché de notre acceptation
des
réalités spirituelles parce qu’elles troublent leurs bureaucratiques
1918
tions que j’attende de la littérature : que celle
des
autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide
1919
s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini
une
« maladie » dont je parviens à tirer quelque bien pour ma vie. Le jou
1920
. Le jour où les soins qu’elle exige me coûteront
des
sacrifices plus grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera t
1921
sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’est
une
autre histoire, une autre belle histoire, une autre très belle histoi
1922
e Soupault, que « ceci, c’est une autre histoire,
une
autre belle histoire, une autre très belle histoire ». (Et vous verri
1923
est une autre histoire, une autre belle histoire,
une
autre très belle histoire ». (Et vous verriez à quoi cela peut servir
1924
oire ». (Et vous verriez à quoi cela peut servir,
une
citation.) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me prend de vous co
1925
rvir, une citation.) Mais non, cher ami, voici qu’
une
envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, allon
1926
r ami, voici qu’une envie me prend de vous conter
un
peu cette histoire. Seulement, allons ailleurs ; il y a trop de monde
1927
and Écart, roman de M. Cocteau, a donné son nom à
un
établissement de nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général), 177
1928
que. — Là ! [NdE] Le texte publié place également
un
appel de note plus bas dans le paragraphe, après « Narcisse », sans q
1929
près « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’agit d’
une
erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d
1930
», sans qu’on sache s’il s’agit d’une erreur ou d’
une
volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’
1931
eur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante :
des
puissances d’action. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie d
1932
leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront
des
romans « bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand,
1933
t des romans « bien modernes ». Leurs amours sont
des
pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à
1934
unisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’
un
certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de tou
1935
évère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais
un
jour viendra où les hommes se révolteront contre le joug atrocement p
1936
révolteront contre le joug atrocement positiviste
des
Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hu
1937
tre le joug atrocement positiviste des Maurras et
des
Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affr
1938
ocement positiviste des Maurras et des Mussolini,
des
Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin myst
1939
viste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et
des
Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin mystique. Vous rév
1940
es Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront
un
affreux besoin mystique. Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, d
1941
rme candeur de trouver ça naturel. On nous a fait
des
reproches contradictoires. Nous les additionnons : ils s’annulent. Il
1942
mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’
une
revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde p
1943
ctuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre. D’
un
côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un jeun
1944
et, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule
un
jeune homme qui recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas de vo
1945
de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise
des
« énormités » qui peuvent échapper à un jeune homme moins grave et qu
1946
andalise des « énormités » qui peuvent échapper à
un
jeune homme moins grave et qui manifeste franchement sa jeunesse. («
1947
jeunesse. (« Vous vous souciez vraiment trop peu
des
conséquences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble qu
1948
r troublé quelques bonnes petites somnolences par
des
cris intempestifs. Il y a des gens qui n’ont pas encore admis que jeu
1949
tes somnolences par des cris intempestifs. Il y a
des
gens qui n’ont pas encore admis que jeunesse = révolution Tous les ma
1950
t puis, de temps à autre, voici que nous parvient
un
signe d’amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compri
1951
nève et son mystère. Car chaque année, renaissant
des
décombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers ré
1952
iers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance avec
une
ardeur rajeunie d’un an dans une direction absolument imprévisible. Q
1953
Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie d’
un
an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera le
1954
ix s’élance avec une ardeur rajeunie d’un an dans
une
direction absolument imprévisible. Que nous apportera le Central de G
1955
la tradition, l’anarchie, l’ironie, le sentiment,
un
réveil des vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gill
1956
on, l’anarchie, l’ironie, le sentiment, un réveil
des
vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gillard, et mêm
1957
SDN, et même Edmond Gillard, et même, et surtout,
un
miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred
1958
et même, et surtout, un miracle. Et puis, ils ont
des
vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins grand Tan
1959
t surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux
un
peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins grand Tanner. (On
1960
Et puis, en voilà assez pour ranimer la curiosité
des
plus blasés. Lecteur, fais confiance au Central de Genève. Souviens-t
1961
s que la forme : ce sont de lentes réminiscences,
des
évocations intérieures, — et dans l’abandon de leurs méandres, peu à
1962
dres, peu à peu, se précisent les circonstances d’
une
aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeune »
1963
d’une aventure ancienne. Entre hier et demain :
Une
femme « encore jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’une
1964
demain : Une femme « encore jeune » se souvient d’
un
danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme mé
1965
jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’
une
aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de son a
1966
de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être…
Un
homme médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ils
1967
me médite à côté du corps de son ami suicidé pour
une
femme qu’ils ont aimé tous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le ré
1968
s deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’
un
été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent tr
1969
ler de ravissantes amours d’adolescents. Et c’est
Un
vieil été. Cette nouvelle, très supérieure aux deux autres, est une r
1970
te nouvelle, très supérieure aux deux autres, est
une
réussite rare par la justesse de l’observation autant que par la symp
1971
e l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets,
un
ton qui permet le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant d’adr
1972
a hardiesse. On reste ravi de tant d’adresse sous
un
air de facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer res
1973
nce. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences avec
une
tendre minutie, avec une sorte d’amoureuse application du souvenir, d
1974
te ces adolescences avec une tendre minutie, avec
une
sorte d’amoureuse application du souvenir, d’une séduction certaine.
1975
une sorte d’amoureuse application du souvenir, d’
une
séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’un
1976
tion du souvenir, d’une séduction certaine. C’est
un
art de détails ; mais si délicat et d’une si subtile convenance avec
1977
e. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’
une
si subtile convenance avec son objet qu’il en saisit sans mièvrerie n
1978
il en saisit sans mièvrerie ni vulgarité la grâce
un
peu trouble et l’insidieuse mélancolie. Un détail piqué adroitement,
1979
grâce un peu trouble et l’insidieuse mélancolie.
Un
détail piqué adroitement, papillon dont frémissent encore les ailes i
1980
« cette vague poésie involontaire, intermittente,
un
peu émiettée, éventée, que je trouve dans une ancienne réalité ressus
1981
nte, un peu émiettée, éventée, que je trouve dans
une
ancienne réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. Vaudoyer d’avoir su
1982
é à M. Vaudoyer d’avoir su donner à ces œuvrettes
une
si exquise humanité : par lui le « charme » reprend quelques droits.
1983
er l’excellent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est
un
recueil de divers articles et essais, dont certains — le Message de R
1984
, de ce Jaloux qui sait parler mieux que personne
des
poètes scandinaves et des romantiques allemands parce qu’il partage a
1985
rler mieux que personne des poètes scandinaves et
des
romantiques allemands parce qu’il partage avec eux ce goût du rêve pr
1986
ui a rencontré plusieurs fois Rilke, trace de lui
un
portrait qu’on dirait, en peinture, très « interprété ». Non pas une
1987
dirait, en peinture, très « interprété ». Non pas
une
photographie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’ho
1988
terprété ». Non pas une photographie morale, mais
une
sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est pe
1989
ilkienne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme
une
de ces âmes mystiques et raffinées telles qu’on en découvre chez cert
1990
en découvre chez certaines femmes et l’on y voit
une
préciosité sentimentale qui touche à la névrose ou bien simplement un
1991
entale qui touche à la névrose ou bien simplement
une
clairvoyance exceptionnelle, suivant que l’on juge au nom d’une scien
1992
ce exceptionnelle, suivant que l’on juge au nom d’
une
science ou au nom de l’esprit. « Pour moi qui aime plus que tout la p
1993
ompris que cet univers dont je rêvais n’était pas
un
objet de songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérience », je
1994
t pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais
une
telle « expérience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres
1995
xpérience », je crois, ne peut être sensible qu’à
des
êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ils possèdent déj
1996
ils possèdent déjà, au moins obscurément, le sens
des
réalités sur lesquelles s’opère l’expérience. On ne prouve la religio
1997
s — qui n’ont plus besoin de preuves. Il reste qu’
un
livre comme celui-ci tend un merveilleux piège sentimental à la raiso
1998
preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend
un
merveilleux piège sentimental à la raison raisonnante. Et qu’il nous
1999
ental à la raison raisonnante. Et qu’il nous mène
un
peu plus loin que la sempiternelle « stratégie littéraire », de gazet
2000
Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)ap
Un
jeune auteur raconte dans une lettre à une amie comment il a écrit, s
2001
(décembre 1927)ap Un jeune auteur raconte dans
une
lettre à une amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dan
2002
7)ap Un jeune auteur raconte dans une lettre à
une
amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dans le Midi. Ré
2003
ttre à une amie comment il a écrit, sur commande,
une
Promenade dans le Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et u
2004
Promenade dans le Midi. Récit alerte et familier (
un
brin pédant et un brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des di
2005
Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et
un
brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des difficultés, hésitat
2006
t un brin vulgaire par endroits, mais pour rire),
des
difficultés, hésitations, paresses, rêves, réactions physiques, etc.,
2007
êves, réactions physiques, etc., qui accompagnent
une
création littéraire. Bien sûr, c’est cela, le malaise d’écrire. Bopp
2008
verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher
un
beau pavé mathématique au milieu d’une effusion « lyrique », histoire
2009
vous lâcher un beau pavé mathématique au milieu d’
une
effusion « lyrique », histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a d
2010
», histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a
des
façons parfois bien désobligeantes de voir juste. Et quand son bonhom
2011
littéraire. La « Promenade » du héros de Bopp est
une
sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de
2012
aucoup sont excellentes et leur facilité même est
une
réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’un tempérament avec l’esprit d
2013
me est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’
un
tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolent
2014
mbat d’un tempérament avec l’esprit de géométrie.
Un
scientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de sa verve « inte
2015
aussi (presque imperceptible, mais ici décisive),
une
secrète complaisance à se regarder vivre qui est bien d’aujourd’hui —
2016
Dés ou la clef
des
champs (1927)k « On sent l’absurdité d’un semblable système. » M
2017
ef des champs (1927)k « On sent l’absurdité d’
un
semblable système. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur le
2018
t l’absurdité d’un semblable système. » Musset.
Une
rose et un journal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table de café
2019
é d’un semblable système. » Musset. Une rose et
un
journal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table de café. Je venais
2020
se et un journal oubliés sur le marbre vulgaire d’
une
table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommatio
2021
e de café. Je venais de m’asseoir et de commander
une
consommation. Comme d’habitude, un peu après six heures. J’étais seul
2022
de commander une consommation. Comme d’habitude,
un
peu après six heures. J’étais seul. Le café est un lieu anonyme bien
2023
n peu après six heures. J’étais seul. Le café est
un
lieu anonyme bien plus propice au rêve que ma chambre où m’attendent
2024
u bureau, les gages insupportablement familiers d’
une
vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apéro,
2025
e de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’
un
apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les plus étranges qu
2026
prétexte d’un apéro, on entre ici dans le jardin
des
songeries les plus étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc
2027
nc d’ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont
un
pouvoir tyrannique sur mon esprit. Non que cela m’intéresse au fond :
2028
s divers. Mais je suis pris dans l’absurde réseau
des
lignes, et cette mécanique me restitue chaque fois un peu plus de las
2029
ignes, et cette mécanique me restitue chaque fois
un
peu plus de lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver.
2030
me restitue chaque fois un peu plus de lassitude,
un
peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me
2031
rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : perdre
une
rose pour le plaisir ! (Et je ne pensais même pas, alors : une si bel
2032
le plaisir ! (Et je ne pensais même pas, alors :
une
si belle rose.) Le tambour livra un homme élégant et tragique, qui se
2033
pas, alors : une si belle rose.) Le tambour livra
un
homme élégant et tragique, qui se tint un moment immobile, cherchant
2034
r livra un homme élégant et tragique, qui se tint
un
moment immobile, cherchant une table, puis s’avança lentement vers la
2035
agique, qui se tint un moment immobile, cherchant
une
table, puis s’avança lentement vers la mienne et s’assit sans paraîtr
2036
vers la mienne et s’assit sans paraître me voir.
Une
grande figure aux joues mates, aux yeux clairs. Il déplia le journal
2037
se mit à lire les pages d’annonces. On m’apporta
une
liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes pensées plus rapides s’en
2038
de boire, mes pensées plus rapides s’en allèrent
un
peu vers l’avenir et j’osai quelques rêves. C’était, je m’en souviens
2039
j’osai quelques rêves. C’était, je m’en souviens,
une
petite automobile qui roulait dans la banlieue printanière ; des soup
2040
mobile qui roulait dans la banlieue printanière ;
des
soupers d’amis dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de c
2041
oupers d’amis dans notre modeste salle à manger ;
des
jaquettes de couleur pour ma femme… Mais l’homme avait posé son journ
2042
jeta sur la table. Les yeux brillants, il compta.
Une
indécision parut sur ses traits. Puis il reprit les dés brusquement,
2043
il reprit les dés brusquement, et me fixant avec
un
léger sourire : — Jouez ! ordonna-t-il. La surprise vainquit ma timid
2044
tai sans hésiter. Il compta de nouveau, puis avec
une
légère exaltation : — Vous avez gagné, c’est admirable, ah ! mon Dieu
2045
Il en parcourait rapidement les pages, la proie d’
une
agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fixâm
2046
e agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer
un
moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagnai. Il dem
2047
me enjeu nos consommations. Je gagnai. Il demanda
des
portos. Je les gagnai et je les bus. D’autres encore. Ma tête commenç
2048
vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient d’
une
joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’en moi-m
2049
t ma raison effarée. L’étranger s’animait aussi :
une
fièvre faisait s’épanouir sur son visage je ne sais quel plaisir crue
2050
son visage je ne sais quel plaisir cruel. C’était
un
jeu très simple où l’esprit libre de calculs se tend ardemment vers l
2051
de calculs se tend ardemment vers la conclusion d’
un
hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confianc
2052
qui opère au commandement de la main. Ce soir-là,
une
confiance me possédait, telle que je savais très clairement que je ga
2053
urir. Et dans mon ivresse, ses paroles peignaient
des
tableaux mouvants où je me voyais figurer comme une sorte de « person
2054
s tableaux mouvants où je me voyais figurer comme
une
sorte de « personnage aux dés ». Ce furent d’abord des images décousu
2055
orte de « personnage aux dés ». Ce furent d’abord
des
images décousues de sa vie, brillantes ou misérables, passionnées. Ma
2056
ut seul, avec tes airs pessimistes. De nouveau, d’
un
coup de dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le voi
2057
ilà riche, le voilà classé, le voilà prêt à faire
des
bassesses pour durer, et tu te réjouissais, parce que tu n’as pas bea
2058
tu n’as pas beaucoup d’imagination, et que tu es
un
pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situations complè
2059
à la gagner9, et leur façon inexplicable de lier
des
valeurs morales aux cours de bourse. « Heureux quoique pauvre » comme
2060
e à la leur. Ils voudraient que leur vie garantît
un
5 % régulier de plaisirs, avec assurance contre faillites morales et
2061
ls ont inventé les caisses d’épargne, monuments d’
une
bassesse morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leurs l
2062
és, glorification de leur impuissance à concevoir
un
autre bonheur que celui qu’ils ont reçu de papa-maman et l’Habitude,
2063
st toujours à qui perd gagne ! Sauter follement d’
une
destinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie, mon
2064
ils me jugent et leurs cris indignés qui couvrent
une
angoisse. Ça les dérange terriblement, sauf un ou deux qui s’imaginen
2065
t une angoisse. Ça les dérange terriblement, sauf
un
ou deux qui s’imaginent gagner à mes dépens, témoin ce brave homme qu
2066
aux yeux las pleins de rêves, la misère qui fait
des
soirs si doux aux amants quand ils n’ont plus que des baisers au goût
2067
soirs si doux aux amants quand ils n’ont plus que
des
baisers au goût d’adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, une te
2068
ût d’adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines,
une
tendresse éperdue et la mort. » Il ferma les yeux sur des visions. Le
2069
resse éperdue et la mort. » Il ferma les yeux sur
des
visions. Les lustres doraient un brouillard de fumée, et la musique n
2070
ma les yeux sur des visions. Les lustres doraient
un
brouillard de fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une
2071
umée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’
une
femme était assise à notre table, en robe rouge, et très fardée. Elle
2072
Elle jouait avec la rose. Les dés roulèrent, pour
un
dernier enjeu. Alors la femme lança sur la table cette rose qui s’eff
2073
tte rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit d’
un
long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regarder
2074
r, traverser le café dans la musique et la rumeur
des
clients. Dehors les réclames lumineuses dialoguaient follement au-des
2075
lames lumineuses dialoguaient follement au-dessus
des
rues parcourues de longs cris en voyage. Je me sentis perdre pied dél
2076
mais rien… (sinon qu’au lendemain je n’avais plus
un
sou). Je n’ai jamais revu l’étranger. Quelquefois je songe à ses paro
2077
ie… Ah ! plus amère, plus amère encore, saurai-je
un
jour te désirer, te haïr… 9. Calembour sur une idée juste. (Note de
2078
e un jour te désirer, te haïr… 9. Calembour sur
une
idée juste. (Note de l’éd.) k. « Dés ou la clef des champs », Neuchâ
2079
idée juste. (Note de l’éd.) k. « Dés ou la clef
des
champs », Neuchâtel 1928 : beaux-arts, arts appliqués, architecture,
2080
ibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)aq C’est
un
livre sympathique ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’est
2081
premiers chapitres de Catherine-Paris cette magie
des
sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment,
2082
de Catherine-Paris cette magie des sensations et
des
rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée
2083
pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert
un
petit chef-d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant des situ
2084
d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant
des
situations mêmes et non de dissertations lyriques à leur propos. Mais
2085
y a encore la princesse, le témoin intelligent et
un
peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette es
2086
incesse, le témoin intelligent et un peu ironique
des
cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collabora
2087
e Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée
des
cours de l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un com
2088
rope centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’
un
comte polonais, grand seigneur médiatisé, vaguement prétendant au trô
2089
ment prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’
un
mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit, u
2090
me Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit,
une
pénétration de jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la
2091
liberté d’esprit, une pénétration de jugement et
une
ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femme aussi femme qu
2092
une ironie assez amère qui étonnent de la part d’
une
femme aussi femme que l’auteur du Perroquet Vert. Mais là-dessus, le
2093
s une troisième action (l’amour de Catherine pour
un
aviateur français) assez peu intéressante à vrai dire, parce qu’elle
2094
llances de la technique du roman sont sauvées par
un
style brillant, plein de trouvailles spirituelles, malicieuses ou poé
2095
el… On peut regretter que ce livre ne réalise pas
une
synthèse plus organique du roman et des mémoires. Mais si son début p
2096
alise pas une synthèse plus organique du roman et
des
mémoires. Mais si son début permet de croire que le Perroquet Vert ne
2097
et de croire que le Perroquet Vert ne restera pas
une
réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque de la princesse Bibe
2098
sse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs
un
mémorialiste captivant, dans la tradition d’un Ligne par exemple. a
2099
rs un mémorialiste captivant, dans la tradition d’
un
Ligne par exemple. aq. « Princesse Bibesco : Catherine-Paris (Grass
2100
oire n’a pas connu de période où les directions d’
une
civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabore,
2101
s d’une civilisation apparaissent plus nettement.
Un
certain ordre s’élabore, ou, pour mieux dire, une organisation généra
2102
Un certain ordre s’élabore, ou, pour mieux dire,
une
organisation générale de la vie mondiale. Toutes les forces du temps
2103
cette organisation toute-puissante n’est plus qu’
une
question de quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici
2104
i et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’
une
époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher aux
2105
is près de deux siècles, l’Occidental est saisi d’
un
étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être d
2106
ar éclairs, qu’il y avait peut-être dans ces buts
une
absurdité fondamentale. L’infaillible progrès aurait-il fait fausse r
2107
ntraîne l’Occident ? Cris dans le désert. Déserts
des
villes fiévreuses où le fracas des machines couvre déjà la plainte hu
2108
ésert. Déserts des villes fiévreuses où le fracas
des
machines couvre déjà la plainte humaine. Il y a ceux qui pleurent le
2109
passé et ceux qui prophétisent, ceux qui jettent
une
imprécation stérile et magnifique contre l’époque et ceux qui cherche
2110
ent à l’oublier dans le rêve, dans l’utopie, dans
une
belle doctrine… Il faudrait d’abord prendre conscience du péril. Nous
2111
péril. Nous ne tentons rien d’autre ici. Il y a
une
lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance générale à proclamer l
2112
aine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’
une
époque entière ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il suff
2113
’homme qui a réussi Je prends Henry Ford comme
un
symbole du monde moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’est
2114
fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec
des
outils, « et c’est avec des outils qu’il joue encore à présent », dit
2115
enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec
des
outils qu’il joue encore à présent », dit‑il. Le plus mémorable événe
2116
» il met dans l’expression), c’est la rencontre d’
une
locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’aperç
2117
grande et constante ambition a été de construire
une
bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse sont : la constru
2118
es étapes de sa jeunesse sont : la construction d’
un
moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première a
2119
nt : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’
un
moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à temp
2120
nicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société
des
automobiles Ford, « et commence à réaliser son rêve, le type unique d
2121
nique d’automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est
une
suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en a
2122
n année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui
des
milliards qu’il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui
2123
, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’
un
résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été
2124
t de vue technique. L’organisation de ses usines,
des
salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouv
2125
ique. L’organisation de ses usines, des salaires,
des
conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent
2126
qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter
une
solution définitive aux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’es
2127
ux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’est
un
résultat qu’on n’a pas le droit humainement de sous-estimer. Les grie
2128
. Au contraire, il a résolu la question sociale d’
une
façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesquel
2129
squels ont coutume de promettre à leurs électeurs
une
organisation complète du monde, seule méthode capable d’empêcher les
2130
monde, seule méthode capable d’empêcher les abus
des
capitalistes. Du même coup, en supprimant l’esclavage financier de l’
2131
Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre
une
impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cel
2132
ours au récit de succès mirobolants, et le charme
un
peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour américain, l’
2133
l’on comprendra sans peine la popularité mondiale
des
« idées » d’Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourr
2134
popularité mondiale des « idées » d’Henry Ford et
des
livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t-il,
2135
il. « Se fordiser ou mourir », écrivait récemment
un
économiste. Ford, perfection de l’industriel, offre au monde moderne
2136
que — soit conditionnée jusque dans le détail par
une
idée fixe primitive. Considérons-la sous cet angle. Il y a d’abord la
2137
e d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à
un
exemplaire ; puis, il fonde une usine pour multiplier les réalisation
2138
propres moyens, à un exemplaire ; puis, il fonde
une
usine pour multiplier les réalisations. Bientôt, élargissant son ambi
2139
oduction, avec cette netteté et cette décision qu’
une
passion contenue peut donner à l’homme d’action. Enfin, le voici en m
2140
e d’action. Enfin, le voici en mesure de produire
des
quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut
2141
s. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner
une
apparence d’utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrai
2142
isse suffisamment les prix, on ne trouve toujours
des
clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit to
2143
soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons
un
peu les causes réelles de cet abaissement de prix — la concurrence n’
2144
de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’
une
cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’a
2145
u, la production devant se maintenir, il n’y a qu’
une
solution : recréer le besoin. Pour cela, on abaisse les prix. Le clie
2146
gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers
un
objet que, sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement
2147
l ait forcé (psychologiquement) le client à faire
une
dépense superflue ; le scandale est qu’il l’ait trompé sur ses vérita
2148
omperie-là. Elle peut amener, en se généralisant,
une
sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préser
2149
ir. M. Guglielmo Ferrero a fort bien montré, dans
un
article intitulé « Le grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y
2150
uris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne
une
apparence de liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage
2151
ister qu’en progressant. Mais la nature humaine a
des
limites. Et le temps approche où elles seront atteintes. On peut se d
2152
se demander jusqu’à quel point Ford est conscient
des
buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’id
2153
ue l’idée fixe de produire peut très bien envahir
un
cerveau moderne au point d’en exclure toute considération de finalité
2154
alité capitaliste américaine. Voici, par exemple,
une
définition de la liberté : La liberté consiste à travailler pendant
2155
ie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte
un
nom philosophique : c’est au plus pur, au plus naïf matérialiste que
2156
éalistes » n’y changeront rien. D’ailleurs, voici
des
déclarations plus nettes encore : « Je ne considère pas les machines
2157
considère pas les machines Ford simplement comme
des
machines. J’y vois la réalisation concrète d’une théorie qui tend à f
2158
des machines. J’y vois la réalisation concrète d’
une
théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les homm
2159
ncrète d’une théorie qui tend à faire de ce monde
un
séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le salut par l’a
2160
les tracteurs, mais composent en quelque manière,
un
code universel ! » Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer que des
2161
! » Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer que
des
centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », ap
2162
r que des centaines de milliers de lecteurs, dans
une
Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve aux thèses de cet o
2163
et orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ?
Un
seul doute effleure Ford vers la fin de son livre : Le problème de l
2164
ne saurait mieux dire. Mais il faudrait en tirer
des
conséquences, alors que Ford passe outre et se remet à discuter des p
2165
alors que Ford passe outre et se remet à discuter
des
points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital
2166
ssianisme de la machine, méconnaissance glorieuse
des
forces spirituelles, le tout agrémenté d’humour et exposé avec un sim
2167
uelles, le tout agrémenté d’humour et exposé avec
un
simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion du gros public : telle es
2168
que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste
un
peu sur ses « idées », c’est pour souligner ce hiatus étrange : l’hom
2169
r ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée d’
une
catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir oblig
2170
able, par crainte de se voir obligé à la révision
des
valeurs, la plus difficile et la plus grave : celle qu’on ne peut fai
2171
us le soleil » derrière lequel on se réfugie avec
une
paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec
2172
derrière lequel on se réfugie avec une paresse et
une
légèreté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec un état de cho
2173
paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’
une
complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Esprit
2174
eté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec
un
état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Esprit nous abandonne, c’e
2175
donne, c’est que nous avons voulu tenter sans lui
une
aventure que nous pensions gratuite : nous avons cherché le bonheur d
2176
ire les peuples. Ainsi, détournant de l’essentiel
une
grande part des forces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n
2177
Ainsi, détournant de l’essentiel une grande part
des
forces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n’est gratuit. No
2178
éritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà
un
fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ?
2179
un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer
un
exemple individuel ? Nous savons assez en quel mépris l’homme d’affai
2180
rs, on tranche les grandes questions humaines est
une
des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette per
2181
on tranche les grandes questions humaines est une
des
manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette perte d
2182
thique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas
une
philosophie. Mais, sans qu’on s’en doute, cela en prend la place. Les
2183
.) L’homme moderne manie les choses de l’âme avec
une
maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fo
2184
tre à l’Esprit, et tomber presque fatalement dans
un
anarchisme stérile. 1° Accepter la technique et ses conditions. Dans
2185
fatigue semble disparaître, l’homme s’abandonne à
des
lois géométriques. Un jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois p
2186
tre, l’homme s’abandonne à des lois géométriques.
Un
jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il se
2187
au monde vers 5 heures du soir, dans la détresse
des
dernières sirènes. Au monde, c’est-à-dire à une nature dont l’usine l
2188
e des dernières sirènes. Au monde, c’est-à-dire à
une
nature dont l’usine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à une
2189
sine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à
une
liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, sou
2190
lus subtilement encore que son travail aux lois d’
une
offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il
2191
encore que son travail aux lois d’une offre et d’
une
demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docileme
2192
la s’appelle encore vivre. Mais l’homme qui était
un
membre vivant dans le corps de la Nature, lié par les liens les plus
2193
chéance, abandonné à la lutte tragique et absurde
des
lois économiques et des exigences les plus rudimentaires de son corps
2194
lutte tragique et absurde des lois économiques et
des
exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le contact
2195
ar là même, avec les surnaturelles. Il en ressent
une
vague et intermittente détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte
2196
ir inventé ou compris par soi-même, la liberté et
une
certaine durée normale et capricieuse dans le plaisir, la conscience
2197
ains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donné
une
auto pour admirer la nature entre 17 et 19 heures : vraiment, il ne l
2198
e la nature, il est condamné à ne plus saisir que
des
rapports abstraits entre les choses. Il ne comprend presque plus rien
2199
tal a prétendu maîtriser la matière et parvenir à
une
liberté plus haute. Or, la technique a révélé des exigences telles qu
2200
une liberté plus haute. Or, la technique a révélé
des
exigences telles que l’Esprit ne peut les supporter. Il abandonne don
2201
ir de notre liberté. La victoire mécanicienne est
une
victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne somme
2202
ne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne
une
liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons, en l’acquérant
2203
iennent par le seul fait de rester eux-mêmes dans
un
monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est
2204
l fait de rester eux-mêmes dans un monde fordisé,
des
anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas une faculté de
2205
fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas
un
luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir,
2206
histes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas
une
faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences e
2207
lté destinée à amuser nos moments de loisir, il a
des
exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction avec ce
2208
a technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’
une
espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la vi
2209
elque chose de la vie profonde, qui voient encore
des
vérités invisibles, qui gardent, par quelle grâce ? un peu de cette c
2210
s savants nomment mysticisme et considèrent comme
un
« cas » très spécial, — on les écarte des engrenages où ils risquerai
2211
nt comme un « cas » très spécial, — on les écarte
des
engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugi
2212
he de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’
une
sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette
2213
t Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’
une
attitude réactionnaire qui consisterait à vouloir en revenir à la pér
2214
à la période préindustrielle soit autre chose qu’
une
échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps
2215
l n’est plus temps de se désintéresser simplement
des
buts — si bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids de laquel
2216
esser simplement des buts — si bas soient-ils — d’
une
civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se
2217
quelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà
des
révoltes terribles4, celles d’un mysticisme exaspéré, devenu presque
2218
se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’
un
mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intellect
2219
ns sa prison. Les intellectuels d’aujourd’hui ont
une
tâche pressante : chercher s’il est possible d’échapper au fatal dile
2220
eté et courage. Pour le reste, je pense que c’est
une
question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les li
2221
te, je pense que c’est une question de foi. 1.
Une
enquête faite à Genève a révélé que les livres les plus lus du grand
2222
Un
soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)l À Pierre Jeanneret et à
2223
’on ne trouve plus nulle part. Dans les dancings,
un
peuple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Enten
2224
ais Le Beau Danube bleu, en commémoration polie d’
un
passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au r
2225
que cela vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais
un
tour de tourniquet anéantissait cette Vienne tout occupée à ressemble
2226
u vent glacial, crée autour du centre de la ville
une
insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement des balles pe
2227
rité qui fait songer à la Russie et au sifflement
des
balles perdues d’une révolution. Sept heures du soir : le moment étai
2228
à la Russie et au sifflement des balles perdues d’
une
révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter le p
2229
s pour qu’on la sentît déserte ne me proposait qu’
une
frileuse nostalgie. Mais qui fallait-il accuser de cette duperie, qui
2230
n moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’
un
désir vraiment pur parvient toujours à créer son objet, de même qu’at
2231
de même qu’atteignant certain degré d’intensité,
un
état d’âme crée une situation qui l’exprime — bien qu’on pense généra
2232
ant certain degré d’intensité, un état d’âme crée
une
situation qui l’exprime — bien qu’on pense généralement le contraire.
2233
te et idéaliste du monde ne sont séparées que par
un
léger décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes.
2234
n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’
un
romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis senti
2235
ais d’un romantisme viennois, je fus conduit, par
une
sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes
2236
ue je m’assis dans l’ombre du théâtre, en retard,
un
peu ennuyé de me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’
2237
, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’
une
place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonstances, une
2238
re — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’
une
fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’un monde que suscit
2239
fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’
un
monde que suscite en moi seul peut-être cette plainte heureuse des vi
2240
cite en moi seul peut-être cette plainte heureuse
des
violons. Le diable sort des parois, noir et blanc, la ravissante héro
2241
ette plainte heureuse des violons. Le diable sort
des
parois, noir et blanc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est u
2242
anc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est
un
duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par instants les accords
2243
ravissante héroïne est à son piano, c’est un duo
des
ténèbres et de la pureté où vibrent par instants les accords d’une ha
2244
e la pureté où vibrent par instants les accords d’
une
harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je com
2245
e harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans
une
langue que je comprends mal. Je me penche vers un voisin pour lui dem
2246
ne langue que je comprends mal. Je me penche vers
un
voisin pour lui demander je ne sais plus quoi. Mais sans doute évadé
2247
ejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’
un
amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais la
2248
onné à l’évocation d’un amour tragiquement mêlé à
des
forces inconnues et menaçantes. Mais la musique est si légère, la voi
2249
ême en devient moins brutale. Elle rôde ici comme
une
tristesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche d’une grandeur où
2250
tesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche d’
une
grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibles
2251
, mais inconnus. Voilà que la forme blanche, sous
un
brusque faisceau de lumière m’apparaît avec le visage même de mon amo
2252
eau qui m’appelles et qui vas me quitter… — C’est
une
chose singulière, prononce une voix, à côté de moi, c’est une chose s
2253
e quitter… — C’est une chose singulière, prononce
une
voix, à côté de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir de cet
2254
ngulière, prononce une voix, à côté de moi, c’est
une
chose singulière que le pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes
2255
ndit-il, que seul vous venez d’atteindre au monde
des
êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous me voyez parce que vous
2256
mprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène,
un
reflet balaya le parterre, le visage de mon voisin m’apparut, pâle da
2257
Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait
une
cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passe
2258
e de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour
une
élégance très moderne. Il n’y avait dans toute sa personne rien de po
2259
al et moi, sans nous être rien dit d’autre, comme
des
amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’un échange tacite suff
2260
es amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’
un
échange tacite suffit aux petites décisions de la vie quotidienne. Gé
2261
xe les Viennois, me dit-il, parce qu’ils y voient
une
façon de me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas f
2262
fâché. » Il y avait peu de monde dans les rues.
Des
jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air de ne pas trop s’amus
2263
peu de monde dans les rues. Des jeunes gens avec
une
femme à chaque bras, l’air de ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n
2264
malgré les apparences, cette vie sentimentale est
une
des seules réalités qui correspondent encore à l’image classique de V
2265
ré les apparences, cette vie sentimentale est une
des
seules réalités qui correspondent encore à l’image classique de Vienn
2266
épourvu d’ironie, mais non pas de légèreté. C’est
une
sorte d’inconstance folâtre qui cache une incapacité définitive à se
2267
. C’est une sorte d’inconstance folâtre qui cache
une
incapacité définitive à se passionner pour quoi que ce soit. Cette vi
2268
caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’ailleurs
une
chose que je comprends assez bien, ajouta-t-il, mais pour d’autres ra
2269
probablement… À ce moment, comme nous traversions
une
rue sillonnée de taxis rapides, le homard refusa obstinément de progr
2270
le homard avait rougi : il conserva toute la nuit
une
magnifique couleur orangée. Gérard semblait habitué à ces sortes de s
2271
de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à
une
certaine anémie des sentiments, à un manque de caractère aussi. La fi
2272
nnoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie
des
sentiments, à un manque de caractère aussi. La fidélité véritable est
2273
ttribuait à une certaine anémie des sentiments, à
un
manque de caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art
2274
que de caractère aussi. La fidélité véritable est
une
œuvre d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont, par nat
2275
idélité véritable est une œuvre d’art qui demande
un
long effort, et les Viennois sont, par nature et par attitude, des ge
2276
et les Viennois sont, par nature et par attitude,
des
gens fatigués. — Pour moi, dit Gérard, je situe l’amour dans un monde
2277
és. — Pour moi, dit Gérard, je situe l’amour dans
un
monde où la question fidélité ou inconstance ne se pose plus. Vous le
2278
e ne se pose plus. Vous le savez, je n’ai aimé qu’
une
femme — au plus deux, en y réfléchissant bien, mais peut-être était-c
2279
ts différents. Toutes les femmes qui m’ont retenu
un
instant, c’était parce qu’elles évoquaient cet amour, c’était parce q
2280
ès qu’on aime… Oh ! cette femme ! elle n’était qu’
un
regard, un certain regard, mais j’ai su en retrouver la sensation jus
2281
me… Oh ! cette femme ! elle n’était qu’un regard,
un
certain regard, mais j’ai su en retrouver la sensation jusque dans le
2282
ue dans les choses — et c’est cela seul qui donna
un
sens au monde. — Mais je bavarde, je philosophe, et vous allez me dir
2283
et vous allez me dire que c’est trop facile pour
un
homme retiré du monde depuis si longtemps. Livrons-nous plutôt à une
2284
monde depuis si longtemps. Livrons-nous plutôt à
une
petite malice dont l’idée me vient à la vue de cette vendeuse de fleu
2285
euse de fleurs. C’était la petite bossue qui vend
des
roses et des œillets dans la rue de Carinthie. Gérard lui paya quelqu
2286
s. C’était la petite bossue qui vend des roses et
des
œillets dans la rue de Carinthie. Gérard lui paya quelques œillets ro
2287
passerait seule. Nous nous arrêtâmes non loin, à
une
devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieu
2288
précieux qui les revêtiraient. Vint à pas pressés
une
jeune femme, chapeau rouge et manteau de fourrure brune, inévitableme
2289
elle finit donc par accepter et vint à nous avec
un
sourire du type le plus courant : « Vous êtes bien gentils, messieurs
2290
urs ! » Il n’y avait plus qu’à lui prendre chacun
un
bras, une femme pour deux hommes — et ce fut bien dans cette anecdote
2291
l n’y avait plus qu’à lui prendre chacun un bras,
une
femme pour deux hommes — et ce fut bien dans cette anecdote dont Géra
2292
-Rouge, souterrain où nous nous engouffrâmes dans
un
grand bruit de saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tann
2293
anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango,
un
Balkanique très lisse nous délivra de notre conquête pour la durée de
2294
isse nous délivra de notre conquête pour la durée
des
danses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que de prendre des fem
2295
rd bâillait : « Voilà ce que c’est que de prendre
des
femmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nous allons nous e
2296
ntez peut-être de cette pêche miraculeuse — c’est
une
façon de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir —
2297
miennes étaient de meilleure qualité : car c’est
une
pauvre illusion que le plaisir qu’on vient chercher ici avec le premi
2298
je la regarde s’amuser. Je vois se perdre ce sens
des
correspondances secrètes et spontanées du plaisir qui seules faisaien
2299
citadins blasés s’amusent plus grossièrement que
des
barbares, ils s’imaginent pouvoir faire une place dans leur vie aux “
2300
t que des barbares, ils s’imaginent pouvoir faire
une
place dans leur vie aux “divertissements” entre 10 heures du soir et
2301
ures du matin, moyennant tant de schillings, dans
un
décor banal et imposé, avec des femmes qui élargissent des sourires à
2302
e schillings, dans un décor banal et imposé, avec
des
femmes qui élargissent des sourires à la mesure de votre générosité.
2303
banal et imposé, avec des femmes qui élargissent
des
sourires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des
2304
sure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont
des
sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux
2305
que c’est que le plaisir. Ils prennent au hasard
des
liqueurs qui n’ont pas été préparées pour leur soif. Ils ne savent pl
2306
Ce sont vos contemporains livrés à la démocratie
des
plaisirs achetés au détail dans une foire éclatante de faux luxe. La
2307
la démocratie des plaisirs achetés au détail dans
une
foire éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femmes au
2308
éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici
des
femmes aussi ravissantes que celle-là qui danse en robe mauve, avec t
2309
parce que cela lui va. Mais comme c’est odieux qu’
une
créature aussi parfaite soit touchée par les mains outrageusement bag
2310
tiers alourdis de “Knödl”. En Orient on en ferait
une
chose extrêmement précieuse, qu’on n’approcherait qu’avec un sentimen
2311
trêmement précieuse, qu’on n’approcherait qu’avec
un
sentiment religieux de la beauté. Mais je crois que l’Orient est deve
2312
rient est devenu fou. Il ne comprend plus rien. »
Des
bugles agonisaient, aux dernières mesures d’un tango. Notre encombran
2313
» Des bugles agonisaient, aux dernières mesures d’
un
tango. Notre encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous. Gé
2314
ins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’
un
ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois d
2315
us conventionnel qui soit. Gérard la regarda avec
une
certaine pitié : « Chère enfant, dit-il doucement, pauvre colombe dép
2316
ra. » La pauvre fille ne comprenant pas, il y eut
un
moment pénible, comme toujours lorsqu’un peu de simple humanité vient
2317
orsqu’un peu de simple humanité vient interrompre
une
comédie aux attitudes convenues et donner l’air bête aux acteurs. Pui
2318
sités grossières de la part des garçons. « Encore
une
proie inutile lâchée pour l’ombre, dit Gérard d’un ton rêveur et mali
2319
e proie inutile lâchée pour l’ombre, dit Gérard d’
un
ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est la
2320
s but. Vous savez, je lance mes filets dans l’eau
des
nuits, et quelquefois j’en ramène des animaux aux yeux bizarres où je
2321
dans l’eau des nuits, et quelquefois j’en ramène
des
animaux aux yeux bizarres où je sais lire les signes. » Comme je ne r
2322
notre sang. Nos pensées devenaient légères comme
des
ballons. La rumeur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’in
2323
sibilité et l’Illusion étendait sur toutes choses
une
aile d’ombre flatteuse aux caprices redoutables. Cette nuit-là nous r
2324
ices redoutables. Cette nuit-là nous rencontrâmes
des
anges au coin des ruelles, des oiseaux nous parlèrent, bientôt dissou
2325
Cette nuit-là nous rencontrâmes des anges au coin
des
ruelles, des oiseaux nous parlèrent, bientôt dissous dans le vent. To
2326
nous rencontrâmes des anges au coin des ruelles,
des
oiseaux nous parlèrent, bientôt dissous dans le vent. Tout était refl
2327
tait reflet, passages, allusions. Plus tard, dans
un
petit bar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces qu
2328
à caissons dorés, l’étendent indéfiniment — c’est
un
ciel suspendu assez bas sur nos têtes. Lumière orangée, tamisée ; un
2329
sez bas sur nos têtes. Lumière orangée, tamisée ;
un
piano dissimulé joue très doucement. Nous sommes assis autour d’une p
2330
é joue très doucement. Nous sommes assis autour d’
une
petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquarium
2331
enne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’
un
regard pareil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo, c
2332
lointain, Aurélia lui répond d’un regard pareil.
Des
visages naissent comme des étoiles dans un halo, comme les couleurs s
2333
nd d’un regard pareil. Des visages naissent comme
des
étoiles dans un halo, comme les couleurs sous les paupières, s’élargi
2334
reil. Des visages naissent comme des étoiles dans
un
halo, comme les couleurs sous les paupières, s’élargissent, se fonden
2335
s’élargissent, se fondent, se superposent. Cinéma
des
sentiments qui montre vivantes dans la même minute toutes les incarna
2336
tes dans la même minute toutes les incarnations d’
un
amour dont l’être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultanéi
2337
ltanéité de ses manifestations. Gérard parle avec
une
liberté magnifique et angoissante. Il mêle tout dans le temps et l’es
2338
e songes avec toutes leurs illusions, — illusions
des
formes passagères que nous croyons seules réelles, illusions des refl
2339
agères que nous croyons seules réelles, illusions
des
reflets qui ne livrent que le côté terrestre des choses dont l’autre
2340
des reflets qui ne livrent que le côté terrestre
des
choses dont l’autre moitié sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa
2341
et sa moitié d’ombre. Et parce que tout revit en
un
instant dans cette vision, il connaît enfin la substance véritable et
2342
e sont que décors mouvants dans la lueur bariolée
des
sentiments, ils ne sont que reflets, épisodes, symboles : le vrai dra
2343
son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer
des
signes, des généalogies étourdissantes qui commencent à des dieux et
2344
est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes,
des
généalogies étourdissantes qui commencent à des dieux et finissent au
2345
, des généalogies étourdissantes qui commencent à
des
dieux et finissent aux pierres précieuses en passant par toutes les f
2346
plaisante. Il dit que la vie ressemble surtout à
un
film où les épisodes s’appellent par le simple jeu des images, se voi
2347
ilm où les épisodes s’appellent par le simple jeu
des
images, se voient par transparence au travers de l’autre. Il dit : «
2348
es correspondances, chaque geste, chaque minute d’
une
vie résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a sou
2349
eurs. Croyez-moi, ce qu’il faudrait écrire, c’est
une
Vie simultanée de Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en un lie
2350
Vie simultanée de Gérard, qui tiendrait toute en
une
heure, en un lieu, en une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompe
2351
e de Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en
un
lieu, en une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes d’autos s’a
2352
qui tiendrait toute en une heure, en un lieu, en
une
vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes d’autos s’appelaient dan
2353
un lieu, en une vision. » Nous sortîmes. Seules
des
trompes d’autos s’appelaient dans la nuit froide. Gérard ne disait pr
2354
rs endormi. En passant par la Freyung, nous vîmes
un
palais aux fenêtres illuminées. Des autos attendaient devant le porch
2355
ng, nous vîmes un palais aux fenêtres illuminées.
Des
autos attendaient devant le porche grand ouvert. Les chauffeurs faisa
2356
a neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’
une
boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement du
2357
avait dû le mettre au caviar. Il en demanda donc
une
petite portion et la fit prendre au homard avec toutes sortes de soin
2358
tes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient d’
un
œil las, trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’un pied s
2359
rop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’
un
pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de c
2360
autre dans de la neige fondante, tout en croquant
une
de ces saucisses à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et a
2361
cour du palais, descendaient les invités du bal.
Des
femmes sans chapeau couraient vers les voitures, les hommes s’inclina
2362
vers les voitures, les hommes s’inclinaient pour
des
baise-mains silencieux et mécaniques. Je reconnus des princes aux fac
2363
baise-mains silencieux et mécaniques. Je reconnus
des
princes aux faces maigres qui ressemblaient terriblement à d’anciens
2364
ressemblaient terriblement à d’anciens Habsbourg,
des
comtes athlétiques et la silhouette échassière de la jeune duchesse d
2365
t le manteau de velours rose laissait découvertes
des
jambes extrêmement hautes tandis que sa tête frisée jetait des insole
2366
trêmement hautes tandis que sa tête frisée jetait
des
insolences sur les chapeaux noirs de ses cavaliers. Tout cela s’empil
2367
x noirs de ses cavaliers. Tout cela s’empila dans
des
autos ; en dix minutes, il n’y eut plus personne, la place s’éteignit
2368
Ses yeux s’étaient fixés intensément, à la sortie
des
invités, sur une femme qui s’en allait toute seule vers une auto à l’
2369
t fixés intensément, à la sortie des invités, sur
une
femme qui s’en allait toute seule vers une auto à l’écart des autres.
2370
s, sur une femme qui s’en allait toute seule vers
une
auto à l’écart des autres. Une femme aux cheveux noirs en bandeaux, a
2371
i s’en allait toute seule vers une auto à l’écart
des
autres. Une femme aux cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’air
2372
t toute seule vers une auto à l’écart des autres.
Une
femme aux cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’air d’autrefois
2373
ce se fut apaisée, je m’aperçus que j’étais seul.
Une
dernière auto, extraordinairement silencieuse, absolument silencieuse
2374
nt baissés. Déjà on criait les journaux du matin,
des
triporteurs passèrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et de
2375
chose comme « pâtisserie-crème fouettée ». l. «
Un
soir à Vienne avec Gérard », La Nouvelle Semaine artistique et littér
2376
ituel. Pourquoi ne veut-on voir en Jules Verne qu’
un
précurseur ? Jules Verne est un créateur, dont les inventions se suff
2377
en Jules Verne qu’un précurseur ? Jules Verne est
un
créateur, dont les inventions se suffisent et suffisent à notre joie.
2378
ptiques. Il a aimé la science parce qu’elle ouvre
des
perspectives d’évasion — où seuls les poètes savent se perdre. Et c’e
2379
voir emprunté le véhicule à la mode pour conduire
des
millions de lecteurs dans un monde purement fantaisiste où les équati
2380
mode pour conduire des millions de lecteurs dans
un
monde purement fantaisiste où les équations tyranniques deviennent de
2381
ellement dans la lune, ou bien descendent au fond
des
mers adorer la Liberté et jouer de l’orgue sous les yeux de poulpes g
2382
elle du cinéma ! Claretie raconte que les détenus
des
maisons de correction se jetaient sur ces volumes « au travers desque
2383
nous pas autant, emprisonnés que nous sommes dans
une
civilisation qui, selon l’expression de Jules Verne désabusé « emprun
2384
ion de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’
une
nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait un
2385
dans la bouche de ce libertaire, cela constituait
un
jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes d’une conception de l
2386
jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes d’
une
conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus
2387
ption de la littérature si pédante qu’elle exclut
un
de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est styliste ni psy
2388
urvu si possible. Je ne demande aux écrivains que
des
révélations, ou mieux, qu’ils les favorisent par leurs écrits. Aragon
2389
t beaucoup de choses vraies (belles). Il est même
un
des très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné quelque chose.
2390
eaucoup de choses vraies (belles). Il est même un
des
très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné quelque chose. C’e
2391
livre, malgré son premier chapitre, variation sur
un
mot bien français et ses applications faciles à cent célébrités local
2392
the, traité de clown, cela ne va pas loin.) C’est
une
belle rage (ô combien partagée !) vainement passée (quitte à renaître
2393
ement passée (quitte à renaître heureusement) sur
des
gens qui ne m’intéressent pas ou bien qui ne sont pas atteints par ce
2394
is donner l’air bête à ceux qui le sont en créant
une
belle œuvre serait, par exemple, plus efficace. Aragon se retourne sa
2395
rcher plus loin, dans ce silence où l’on accède à
des
objets qui enfin valent le respect. as. « Aragon : Traité du style
2396
lectuels (novembre 1928)at Les derniers écrits
des
surréalistes débattent la question de savoir s’ils vont se taire ou n
2397
nt trop littérateurs. Rien d’étonnant à cela dans
une
époque où les valeurs de l’esprit sont en pratique universellement mé
2398
leur défense de l’esprit s’est bornée jusqu’ici à
une
rhétorique très brillante contre un état de choses justement détesté,
2399
jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre
un
état de choses justement détesté, mais dont ils participent plus qu’i
2400
Mais à condition d’aller plus loin et de prendre
une
connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est cert
2401
ros mots et de discours en très beau style contre
un
monde très laid dont ils n’ont pas encore renoncé à chatouiller le sn
2402
organisation et le sabotage. On y découvre le jeu
des
tempéraments qui fait opter ces chefs pour l’une ou l’autre de ces at
2403
es représentent deux manières de sentir l’unité d’
une
époque obsédée d’action.) Autour de ces individus — Chinois nationali
2404
le monde du Pacifique. On retrouvera ici beaucoup
des
idées que la Tentation de l’Occident exprimait sous une forme abstrai
2405
ées que la Tentation de l’Occident exprimait sous
une
forme abstraite et poétique. Mais cette fois tout est concrétisé en h
2406
décrets. Qu’il décrive la vie intense et instable
des
acteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’une révolution d
2407
eurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’
une
révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chinoise
2408
révolution de rues, ou la palpitation inquiétante
des
villes chinoises, Malraux fait preuve d’un art du détail où se révèle
2409
tante des villes chinoises, Malraux fait preuve d’
un
art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté
2410
oute aussi plus sensible. Et il ne se borne pas à
des
effets pittoresques : ce récit coloré et précis, admirablement object
2411
ement objectif, est aussi, mais à coups de faits,
une
discussion d’idées. Il est surtout la description d’une angoisse que
2412
scussion d’idées. Il est surtout la description d’
une
angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoisse
2413
passionnant de l’action, il se dégage de ce roman
un
désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence et cette sensibilité
2414
orces déterminantes de l’heure, à les exprimer en
un
tel drame, et voici André Malraux au premier rang des romanciers cont
2415
tel drame, et voici André Malraux au premier rang
des
romanciers contemporains. au. « André Malraux : Les Conquérants (Gr
2416
c son beau regard de rêve, — lit-on dans l’Ennemi
des
Lois — son expression amoureuse du silence et cet ensemble idéal d’ét
2417
tre réfractaire ». N’est-ce point trop demander à
une
existence bien indécise, que son échec même ne relève pas, et qui tir
2418
« prince de l’illusion et de la solitude ». Mais
un
prince rêveur n’est pas forcément prince du rêve ; et par ailleurs ce
2419
qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’
un
romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pourtalès a su
2420
aux nuances assez troubles du personnage central
une
résonance plus profonde. Louis II, ce chimérique, disposait par hasar
2421
absence d’amour, par refus de souffrir. Mais chez
un
être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’i
2422
oindre habileté du biographe. D’ailleurs, réussir
un
livre attrayant sur une vie manquée n’était pas un problème aisé : Gu
2423
raphe. D’ailleurs, réussir un livre attrayant sur
une
vie manquée n’était pas un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résol
2424
n livre attrayant sur une vie manquée n’était pas
un
problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’une façon fort adroite
2425
un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’
une
façon fort adroite mais non moins franche. av. « Guy de Pourtalès :
2426
e Prince menteur (décembre 1928)aw Au hasard d’
une
rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit pri
2427
d’une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec
un
inconnu qui se dit prince russe et entretient autour de sa vie le plu
2428
i disparaît, néanmoins. Enfin, le Français reçoit
une
lettre trouvée sur le corps de son ami suicidé, pathétique confession
2429
egrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à
une
courte nouvelle, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’être
2430
oit bien que l’épithète de mythomane n’épuise pas
une
question dont l’importance dépasse celle du cas pathologique. Il y a
2431
n a vu sévir parmi certains milieux d’avant-garde
une
confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une tentation pour
2432
confusion assez tragique, parce qu’elle constitue
une
tentation pour tous les poètes. Le désir de « plus vrai que le vrai »
2433
us vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’
une
psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensonge q
2434
logie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer
un
mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation de cette réalité détest
2435
duire à préférer un mensonge qui n’est, hélas, qu’
une
déformation de cette réalité détestée. Le mythomane brouille les cart
2436
? Il en tombe d’accord ; accepte d’attendre comme
un
enfant sage que le monde lui donne, en son temps, sa petite part. On
2437
en soi, n’ayant plus où se prendre » comme parle
un
de nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’est pas encore
2438
un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il est. C’est
une
autre manie de sa génération. Mais là encore il se singularise : il n
2439
rise : il n’écrit pas de livre pour y pourchasser
un
moi qui feint toujours de se cacher derrière le feuillet suivant, ent
2440
ué que l’époque peut être définie par l’abondance
des
autobiographies, mais aussi bien par celle des miroirs. C’est pourquo
2441
ce des autobiographies, mais aussi bien par celle
des
miroirs. C’est pourquoi il en installe un sur sa table de travail, de
2442
celle des miroirs. C’est pourquoi il en installe
un
sur sa table de travail, de façon à pouvoir s’y surprendre à tout ins
2443
— ne tarde pas à devenir obsédant. Stéphane passe
des
heures entières à se regarder dans les yeux. Il varie sur son visage
2444
les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre
une
sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire décourage
2445
lus secrètement à son aventure. Nous vivons dans
un
décor flamboyant de glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête
2446
face de lui par l’ascenseur, elle le suit au long
des
trottoirs, il l’aperçoit entre des souliers, des étiquettes, des poup
2447
e suit au long des trottoirs, il l’aperçoit entre
des
souliers, des étiquettes, des poupées ; elle le précède au restaurant
2448
des trottoirs, il l’aperçoit entre des souliers,
des
étiquettes, des poupées ; elle le précède au restaurant, le nargue br
2449
il l’aperçoit entre des souliers, des étiquettes,
des
poupées ; elle le précède au restaurant, le nargue brièvement au pass
2450
de au restaurant, le nargue brièvement au passage
des
autos, le ridiculise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’a
2451
le ridiculise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec
une
sorte d’angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est pa
2452
ystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche
une
révélation et n’y trouve que le désir d’une révélation. Peut-on s’hyp
2453
erche une révélation et n’y trouve que le désir d’
une
révélation. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a pl
2454
rendre la certitude d’être. Mais il s’épuise dans
une
perspective de reflets qui vont en diminuant vertigineusement et l’ég
2455
rstitions. Enfin cette expérience folle le mène à
une
découverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer : la
2456
nt de méditer : la personne se dissout dans l’eau
des
miroirs. Stéphane est en train de se perdre pour avoir voulu se cons
2457
e soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne
un
besoin de vérifier qui n’est plus légitime dès l’instant qu’il se tra
2458
hane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est
un
acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, il n
2459
raie, se borne à décrire l’aspect psychologique d’
une
aventure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lecteur
2460
crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’
un
texte, trouve parfois de cette incompréhension des marques certaines.
2461
un texte, trouve parfois de cette incompréhension
des
marques certaines. Si le rapport intime qui unit la phrase suivante a
2462
sidérations précédentes lui échappe, qu’il y voie
une
de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée per
2463
. À chaque regard dans notre miroir, nous perdons
une
Eurydice. Les miroirs sont peut-être la mort. La mort absolue, celle
2464
tre la mort. La mort absolue, celle qui n’est pas
une
vie nouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’évidence. U
2465
ort dans la transparence glaciale de l’évidence.
Un
jour, à propos de rien, Stéphane pense avec fièvre : « Il faudrait br
2466
ais en vérité. Peut-être te reconnaîtrais-tu sous
un
autre visage. Car oublier son visage, ne serait-ce pas devenir un cen
2467
Car oublier son visage, ne serait-ce pas devenir
un
centre de pur esprit ? » C’est un premier filet d’eau vive qui perce
2468
c’est pourquoi il fait peur à certaines femmes.
Un
soir, après quelques alcools et un échange de pensées au même titre a
2469
aines femmes. Un soir, après quelques alcools et
un
échange de pensées au même titre avec une amie d’une beauté de plus e
2470
cools et un échange de pensées au même titre avec
une
amie d’une beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un
2471
échange de pensées au même titre avec une amie d’
une
beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard de c
2472
é de plus en plus frappante, il croit saisir dans
un
regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd da
2473
l se perd dans ces yeux, mais comme on meurt dans
une
naissance. Stéphane naît à l’amour et à lui-même conjointement. Plusi
2474
s : je suis !… Je ne sais plus… mais je suis ! »
Un
peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les verrerie
2475
plus… mais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut
un
jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fen
2476
it : « Ton visage me cache tous les miroirs » — à
une
femme qu’il aimait. m. « Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et so
2477
Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis
un
homme (janvier 1929)ax Le critique se sent désarmé et légèrement a
2478
e se sent désarmé et légèrement absurde en face d’
un
récit comme celui d’Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec
2479
en face d’un récit comme celui d’Anderson : voici
un
homme qui raconte sa vie avec une émouvante simplicité et il faudrait
2480
Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec
une
émouvante simplicité et il faudrait avoir la grossièreté de lui répon
2481
l faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’
un
air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue prendre cette autobio
2482
né du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’
un
homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître sou
2483
aspect dans ces deux premiers tomes, où il décrit
des
scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anders
2484
nnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à
une
allure libre et tranquille, anglo-saxonne et peu à peu entraîne tout
2485
nquille, anglo-saxonne et peu à peu entraîne tout
un
branle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tand
2486
êves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent
des
perspectives saisissantes sur l’époque. Anderson est avant tout un po
2487
aisissantes sur l’époque. Anderson est avant tout
un
poète, un homme qui aime inventer et que cela console des nécessités
2488
s sur l’époque. Anderson est avant tout un poète,
un
homme qui aime inventer et que cela console des nécessités modernes,
2489
e, un homme qui aime inventer et que cela console
des
nécessités modernes, dégradantes. Cet amour de l’invention romanesque
2490
amour de l’invention romanesque considérée comme
une
revanche de la poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff —
2491
bluff — fait de lui sans doute le plus méridional
des
conteurs américains. Avec cela, un réalisme, plein de verdeur et souv
2492
us méridional des conteurs américains. Avec cela,
un
réalisme, plein de verdeur et souvent d’amertume. Mais là où d’autres
2493
raient le couplet humanitariste, lui s’en va dans
un
rêve, ou dans un autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler de
2494
humanitariste, lui s’en va dans un rêve, ou dans
un
autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler de sa mère avec cet
2495
avec cette virile et religieuse tendresse ? C’est
un
Chinois, c’est un Américain qui viennent nous rapprendre que les sour
2496
et religieuse tendresse ? C’est un Chinois, c’est
un
Américain qui viennent nous rapprendre que les sources de la poésie s
2497
ources de la poésie sont dans notre maison. Voici
un
de ces passages où il sait être, avec sa verve doucement comique, si
2498
ette époque je croyais fortement en l’existence d’
une
espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insiste
2499
conspiration pour insister sur la laideur. “C’est
une
frasque de gosses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et le
2500
les autres”, me disais-je parfois, et il y avait
des
moments où j’arrivais presque à me convaincre que si je m’approchais
2501
que si je m’approchais tout à coup par-derrière d’
un
homme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se sec
2502
prochais tout à coup par-derrière d’un homme ou d’
une
femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfin,
2503
ous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme
des
fous ». Mais non, on ne le secouera pas, ce cauchemar, ce monde moder
2504
on, ce monde où l’on ne sait plus créer avec joie
des
formes belles, ce monde qui devient impuissant. Impossible d’évoquer
2505
onde qui devient impuissant. Impossible d’évoquer
un
personnage précis pour lui faire endosser le blâme, mais comme l’homm
2506
sa fin logique, ne pourrait-il pas être considéré
un
jour comme le grand tueur de son époque ? Rendre impuissant c’est à c
2507
de l’élever à la présidence de la République. Qu’
un
tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spécialité était l’assass
2508
« Sherwood Anderson : Mon père et moi et Je suis
un
homme (Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Ge
2509
« Belles-Lettres, c’est la clé
des
champs… » (janvier 1929)r 1. Belles-Lettres, c’est la clef des cha
2510
anvier 1929)r 1. Belles-Lettres, c’est la clef
des
champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler le
2511
roid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement
une
mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, je ne puis dire grand
2512
oin de formuler cette ivresse ; autrement que par
des
cris. 5. Avec toutes les erreurs et turpitudes que cela comporte, Bel
2513
turpitudes que cela comporte, Belles-Lettres est
une
liberté. Une rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour entr
2514
ue cela comporte, Belles-Lettres est une liberté.
Une
rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour entrer en religio
2515
6. Peu de choses dans le monde moderne ont encore
une
« essence ». Celle de Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éterne
2516
7. (Secret). r. « Belles-Lettres, c’est la clef
des
champs… » [Réponse à l’enquête sur l’« Essence de Belles-Lettres »],
2517
rison Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’
un
ange prisonnier dans ta tête mais libre comme avant cette naissance a
2518
Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’
une
saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se
2519
se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau
des
fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide Tu p
2520
e Tu pleurerais Mais la grâce est facile comme
un
matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit
2521
t dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’
un
grand été qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des main
2522
qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses
des
mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne
2523
. Étoile de jour Il naissait à son destin
des
rayons glissent et rient c’est la caresse des anges parmi les formes
2524
tin des rayons glissent et rient c’est la caresse
des
anges parmi les formes de l’ombre C’était l’aube et le sourire ador
2525
sourire adorable de savoir la dansante liberté d’
un
désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un s
2526
sance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’
un
silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce Dan
2527
lle au sommet ravi d’un silence c’est le miroir d’
une
absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœur é
2528
r éclatant du jour scintillera l’invisible gage d’
un
amour perdu. s. « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de B
2529
e, par Philippe Godet (avril 1929)t Quand avec
un
air fin mais un ton convaincu l’on a répété dans une ballade fameuse
2530
Godet (avril 1929)t Quand avec un air fin mais
un
ton convaincu l’on a répété dans une ballade fameuse « Que voulez-vou
2531
air fin mais un ton convaincu l’on a répété dans
une
ballade fameuse « Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut s
2532
is d’être absous avec le sourire par la clientèle
des
librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communi
2533
armi les compatriotes d’Amiel, Godet restera l’un
des
rares qui ont réussi à se connaître et que cela n’a point stérilisé :
2534
deux dimensions ; la conscience ne pouvait y tuer
un
lyrisme quasi inexistant, mais bien y exciter un esprit critique fort
2535
un lyrisme quasi inexistant, mais bien y exciter
un
esprit critique fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle de « s
2536
« j’ai eu la chance de discerner très jeune, avec
une
clairvoyance singulière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse d
2537
omie bourgeoise que cette administration exacte d’
un
petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en dema
2538
tive manque souvent à ces récits : ce n’est point
un
paysage d’âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms
2539
me qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée,
des
noms connus. Tout est sur le même plan ; le dessin d’ailleurs est élé
2540
sphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’
une
propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à
2541
situde à la turbulence, d’une propreté joliette à
un
désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à une excitation agressiv
2542
ne propreté joliette à un désordre pittoresque, d’
un
scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des caf
2543
un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à
une
excitation agressive. La simple visite des cafés dans l’une et l’autr
2544
poli à une excitation agressive. La simple visite
des
cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner
2545
ourrées de profondes loges, les clients dégustent
des
cafés débordants de crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vie
2546
nts dégustent des cafés débordants de crème, avec
une
apathie qu’aucun orchestre ne vient troubler, aucune voix haute, aucu
2547
oncent chaque jour quelque catastrophe imminente,
une
révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles d
2548
nira bien par s’arranger, comme au dernier acte d’
une
opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à la d
2549
acte d’une opérette. Ce peuple s’est résigné avec
une
facilité incroyable à la défaite, au marxisme, au chômage, lequel sem
2550
ces bourgeois aimables et insipides, qui passent
des
après-midi entiers devant les deux verres d’eau que le garçon renouve
2551
que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire
des
potins tout en essuyant une moustache de crème fouettée ? Budapest :
2552
temps à autre, à lire des potins tout en essuyant
une
moustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane
2553
yant une moustache de crème fouettée ? Budapest :
une
vague de musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient v
2554
gue de musique tzigane vous emporte dès l’entrée.
Un
violon vient vous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’une
2555
s siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’
une
chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la
2556
autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur
des
clients, le violoncelle répond de sa voix profonde et passionnée, sou
2557
voix profonde et passionnée, sous les roulades d’
un
cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie, d
2558
is, la prière pour la résurrection de la Hongrie,
des
portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : «
2559
voix agréablement rauques… Sortez pour en suivre
une
, arrêtez-vous à ses côtés devant cet étalage pour admirer un coussin
2560
-vous à ses côtés devant cet étalage pour admirer
un
coussin aux curieux dessins noirs et blancs : il représente l’ancienn
2561
La rue est sale à cause de la fonte de la neige (
une
boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les femmes), enco
2562
xis rouges qui déferlent sur les boulevards comme
une
nuée d’insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut e
2563
ui sonne rouge et jaune aussi). Soudain se dresse
une
énorme maison de pierre brune, puis une banque en style hongrois, faç
2564
se dresse une énorme maison de pierre brune, puis
une
banque en style hongrois, façade aux grandes lignes verticales, peint
2565
es, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis
une
rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Pui
2566
oute boursouflée de prétentions munichoises. Puis
un
palais gothique 1880, qui est le Parlement. Et voici la trouée du Dan
2567
re leurs piles, en hiver, viennent se briser avec
un
fracas sourd les îlots de glace qui descendent lentement le fleuve. A
2568
ans le Danube, froide et nue, mais dans son flanc
une
grotte s’illumine, et la Vierge y sourit. Le château royal avec son a
2569
bement cette ville désordonnée. Derrière, ce sont
des
rues silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage,
2570
cieuses, provinciales, bordées de petits palais à
un
étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries aux idylles démodé
2571
palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et
des
crémeries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’ell
2572
ries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville
un
soir qu’elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gens qui vou
2573
r qu’elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez
des
gens qui vous ont reçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule
2574
au paprika chez des gens qui vous ont reçu comme
un
cadeau de Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez q
2575
Théâtre, vous n’y comprenez rien, mais le charme
des
voix hongroises féminines suffit à votre bonheur et vous voyez bien q
2576
e bonheur et vous voyez bien que Mme Varshany est
une
grande artiste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée
2577
vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’
un
des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un r
2578
s êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’un
des
archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un roi.
2579
Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’
un
roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens qui
2580
le retour d’un roi. Et vous voici transporté dans
un
bal costumé, parmi des gens qui parlent une langue totalement incompr
2581
vous voici transporté dans un bal costumé, parmi
des
gens qui parlent une langue totalement incompréhensible, rient et s’e
2582
é dans un bal costumé, parmi des gens qui parlent
une
langue totalement incompréhensible, rient et s’enivrent comme plus un
2583
incompréhensible, rient et s’enivrent comme plus
un
Européen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czard
2584
tourbillonnantes et finissent en chutes ivres sur
des
divans couverts de coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dan
2585
et pauvreté, espoirs presque puérils et nostalgie
des
grandeurs de naguère, tout cela compose un visage romantique et arden
2586
algie des grandeurs de naguère, tout cela compose
un
visage romantique et ardent dont le voyageur s’éprend malgré lui, mal
2587
oyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme d’
une
passion poétique un peu folle… b. « Panorama de Budapest », Journal
2588
ré lui, malgré tout, comme d’une passion poétique
un
peu folle… b. « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève,
2589
uin 1929)ay Ce petit livre de poèmes est comme
une
initiation au silence. Il faut s’en approcher avec une douceur patien
2590
nitiation au silence. Il faut s’en approcher avec
une
douceur patiente, et le laisser créer en nous son silence particulier
2591
r avant d’entendre les signes qu’il nous propose.
Une
telle poésie n’offre aux sens que peu d’images (à peine quelques « mo
2592
fs », objets usuels et usés, sur la nuance mate d’
un
paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âm
2593
’un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont
des
perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobi
2594
des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou
des
sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur se détache de t
2595
che attendre que ton cœur se détache de toi comme
une
lourde pierre. » Le corps, que l’âme quitte, redevient minéral, statu
2596
oses dont elle s’est dégagée et qu’elle voit dans
une
autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’un insistant regard.
2597
e autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’
un
insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus p
2598
t vivre au fond d’un insistant regard. » Le poète
des
Gravitations est ici descendu plus profond en soi-même ; son art y ga
2599
oi-même ; son art y gagne en densité, en émotion.
Des
mots simples, mais chacun dans sa mûre saveur ; une phrase naturellem
2600
s mots simples, mais chacun dans sa mûre saveur ;
une
phrase naturellement grave ; une voix douce et virile ; et quel beau
2601
sa mûre saveur ; une phrase naturellement grave ;
une
voix douce et virile ; et quel beau titre ! « Saisir » n’est-ce point
2602
» ? Mais le plus émouvant, c’est ici l’approche d’
un
silence partout pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat de
2603
« Car l’on pense beaucoup trop haut, et cela fait
un
vacarme terrible. » ay. « Jules Supervielle : Saisir (NRF) », Bibli
2604
uillet 1929)n « Je lui ai raconté qu’il habite
une
chaumière au bord d’un ruisseau, qu’il dort les portes ouvertes, et p
2605
i ai raconté qu’il habite une chaumière au bord d’
un
ruisseau, qu’il dort les portes ouvertes, et pendant des heures récit
2606
sseau, qu’il dort les portes ouvertes, et pendant
des
heures récite des odes grecques au murmure de l’eau ; la Princesse de
2607
les portes ouvertes, et pendant des heures récite
des
odes grecques au murmure de l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fai
2608
eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’
un
piano dont il a coupé les cordes, mais pas toutes, en sorte que plusi
2609
s tant aller là-bas, cette folie m’apparaît comme
une
chose si douce et si grande… »11 Et Bettina terminant sa lettre sur
2610
il est plus difficile de se faire comprendre par
un
sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’
2611
fficile de se faire comprendre par un sot que par
un
fou. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’un des poètes a
2612
» L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’
un
des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grave
2613
L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’un
des
poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grave — ca
2614
i confinent peut-être à l’Esprit et dont certains
des
plus purs d’entre nous se préparent à tenter le climat, — j’avais rêv
2615
sard qui m’amène à Tubingue ne soit pas seulement
un
hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de la plus haute poésie.
2616
posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? —
Un
adolescent au visage de jeune fille qui rimait sagement des odes à la
2617
cent au visage de jeune fille qui rimait sagement
des
odes à la liberté… Et voici dans sa vie cette double venue de l’amour
2618
ète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, — d’
une
poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur. Qui parle par sa
2619
ui parle par sa bouche ? Il règne dans ses Hymnes
une
sérénité presque effrayante. Vient le temps où le sens de son monolog
2620
vieux démon ! — je te rappelle — Ou bien envoie —
un
héros — Ou bien — la sagesse. » Mais le feu s’éteint — l’esprit souff
2621
x croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’
un
coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allemagn
2622
’insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est
une
sorte de vieillard qui reparaît en Allemagne. Et durant trente années
2623
donné vivra dans la petite tour de Tubingue, chez
un
charpentier — vivra très doucement, inexplicablement, une vie monoton
2624
pentier — vivra très doucement, inexplicablement,
une
vie monotone de vieux maniaque. Le buisson ardent quitté par le feu s
2625
Ce qui fut Hölderlin signe maintenant Scardanelli
des
quatrains qu’il donne aux visiteurs venus pour contempler la victime
2626
aux visiteurs venus pour contempler la victime d’
un
miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descendu
2627
mpler la victime d’un miracle. — C’était l’époque
des
amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dess
2628
urs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau,
un
peu au-dessous de la maison, en attendant l’heure d’ouverture. Il y a
2629
ison, en attendant l’heure d’ouverture. Il y a là
une
station de canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Höl
2630
tation de canots de louage où j’ai vite découvert
un
« Friedrich Hölderlin » à côté d’un « Hypérion ». En cherchant, je tr
2631
ite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’
un
« Hypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « Nietzsche »
2632
ypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi
un
« Nietzsche » à fond plat. Des saules se penchent vers l’eau lente. S
2633
ouverais bien aussi un « Nietzsche » à fond plat.
Des
saules se penchent vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d
2634
ers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d’
une
longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaune à
2635
Sur l’autre rive qui est celle d’une longue île,
des
étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaune à la main. L’un a
2636
gue île, des étudiants au crâne rasé se promènent
un
roman jaune à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse de jour
2637
clochers de la ville sonnent deux heures. Allons.
Un
de ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui para
2638
nses s’ils n’étaient à demi encombrés d’armoires.
Un
couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propriétaire actue
2639
onnaître ces portraits ? — (et comme je considère
un
ravissant médaillon de marbre) — Ça, c’est Diotima. » On rougirait à
2640
ses sur son compte, simplement parce qu’il a aimé
une
femme, pour écrire Hypérion, et pour les gens d’ici, aimer, c’est seu
2641
ier… » — Et puis plus tard on encadre les lettres
des
amants, on propose le couple à l’admiration des écoliers en promenade
2642
s des amants, on propose le couple à l’admiration
des
écoliers en promenade, et le guide désigne familièrement l’image d’un
2643
nade, et le guide désigne familièrement l’image d’
une
femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois petites
2644
Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux,
une
pipe qui traîne sur l’appui ; le jardinet avec son banc et ses lilas
2645
Tout est familier, paisible au soleil. Il passait
des
heures à cette fenêtre, à marmotter. Vingt-sept ans dans cette chambr
2646
l’eau et cette complainte de malade épuisé après
un
grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les j
2647
’existait pas, en face, ni les maisons. Il voyait
des
prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et ve
2648
n face, ni les maisons. Il voyait des prairies et
des
collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est do
2649
ent pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4…
Une
rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts de l’Églis
2650
rs, et seulement de 2 à 4… Une rue étouffée entre
des
maisons pointues et les contreforts de l’Église du Chapitre : je vois
2651
e doucement dans cette calme Tubingue le secret d’
une
épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, qui montent au
2652
grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’
une
grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À qu
2653
s. À quatre heures, l’orchestre s’est mis à jouer
des
ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de mai. Les bateaux
2654
»). J’aime les bateaux plats et incertains, avec
des
Daphnés dedans, qui ne savent pas bien ramer et qui lisent des magazi
2655
edans, qui ne savent pas bien ramer et qui lisent
des
magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une t
2656
s magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble
des
vacances. À une table voisine, des adolescents balafrés font des sign
2657
il de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À
une
table voisine, des adolescents balafrés font des signes énergiques à
2658
est le comble des vacances. À une table voisine,
des
adolescents balafrés font des signes énergiques à une compagnie de ca
2659
une table voisine, des adolescents balafrés font
des
signes énergiques à une compagnie de cavaliers qui passe devant la st
2660
adolescents balafrés font des signes énergiques à
une
compagnie de cavaliers qui passe devant la statue d’Eberhard le Barbu
2661
s qui passe devant la statue d’Eberhard le Barbu.
Des
bourgeois se rient contre par-dessus leurs chopes. « Gemütlichkeit ».
2662
où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’
un
vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes gens ?… Il a eu tor
2663
Pascal : le « Qui veut faire l’ange… » a autorisé
des
générations de « bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agi
2664
té est plus humaine, est plus divine, quand c’est
une
telle femme qui la confesse : « Celui qui entre en commerce trop étro
2665
e est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un
des
deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le
2666
e tragique de la facilité, c’est qu’elle n’est qu’
un
oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, triomphante,
2667
n, peut-être, seulement, quand l’amour leur donne
une
petite fièvre, — cette semaine de leur jeunesse où ils ont cru presse
2668
aire, par quel hasard, donne l’accord qui m’ouvre
un
vrai silence : déjà je leur échappe — je t’échappe ô douceur de vivre
2669
r. Madame Gontard est la Diotima de l’Hypérion et
des
poèmes. n. « La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et litt
2670
Jean Cassou, La Clef
des
songes (août 1929)az Après cet austère Pays qui n’est à personne p
2671
Pays qui n’est à personne paru l’année dernière —
un
livre assez troublant et qu’on a trop peu remarqué —, Jean Cassou rev
2672
son romantisme, à notre cher romantisme. La Clef
des
songes est de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde un peu plu
2673
her romantisme. La Clef des songes est de nouveau
une
dérive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger, un peu plus profo
2674
t de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde
un
peu plus léger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la fol
2675
rive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger,
un
peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la folie nous entraînait
2676
e son Pierangelo dans la vie. Le hasard, complice
des
poètes, lui fait rencontrer des êtres bizarres avec lesquels il n’hés
2677
hasard, complice des poètes, lui fait rencontrer
des
êtres bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemi
2678
es bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire
un
bout de chemin, Hans le gardeur d’oies, le gueux Joseph qui parle à s
2679
le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant,
une
fille qui chante et des enfants surtout, dès le début, puis plus tard
2680
e à son chien en mourant, une fille qui chante et
des
enfants surtout, dès le début, puis plus tard encore, dans les songes
2681
le début, puis plus tard encore, dans les songes
des
grandes personnes, — puis tous se perdent, comme des souvenirs, et l’
2682
grandes personnes, — puis tous se perdent, comme
des
souvenirs, et l’on retrouve un peu plus loin d’autres souvenirs attri
2683
se perdent, comme des souvenirs, et l’on retrouve
un
peu plus loin d’autres souvenirs attristés par le temps, des visages
2684
s loin d’autres souvenirs attristés par le temps,
des
visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes, des bonheurs qui sign
2685
s visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes,
des
bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’e
2686
t plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’est
un
dévergondage sentimental, plein de malices et d’envies de pleurer. Qu
2687
el dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons
des
grands bourgeois, où tout, soudain, devient plus terne. Mais bien vit
2688
tout, soudain, devient plus terne. Mais bien vite
un
intermède bouffon, impossible et d’une désopilante poésie nous replon
2689
s bien vite un intermède bouffon, impossible et d’
une
désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les pe
2690
le et d’une désopilante poésie nous replonge dans
une
atmosphère autre, où les personnages ont cet air un peu ivre et capab
2691
atmosphère autre, où les personnages ont cet air
un
peu ivre et capable de n’importe quoi, cet air dangereux et tendre qu
2692
hants, et seulement aux dernières pages du livre,
un
peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de c
2693
rnières pages du livre, un peu amers… On voudrait
un
livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tou
2694
u’invention, qui inventerait sa vérité. Ce serait
un
de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le
2695
besoin pour croire que le monde actuel n’est pas
un
cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre de Jean Cassou, et singul
2696
faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans
une
histoire où il y a de la poésie. az. « Jean Cassou : La Clef des so
2697
l y a de la poésie. az. « Jean Cassou : La Clef
des
songes (Émile-Paul, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Ge
2698
de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’
un
demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie le jour. Cela pourr
2699
nne qu’il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’
une
telle interprétation voie le jour. Cela pourrait donner lieu à de mél
2700
l’un de ces signes qui de toutes parts annoncent
une
rentrée de l’âme dans la littérature la plus spirituelle du monde. La
2701
auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est
une
de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre te
2702
our faite honte à ceux qui sont encore capables d’
une
telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus monst
2703
par le truchement de la poésie française. — Livre
un
peu didactique, trop attentif à sa propre démarche, mais inspiré par
2704
. Regrettons seulement qu’il n’élargisse pas plus
une
question aussi centrale — qui est, si l’on veut, la question d’Orient
2705
aisant de Rimbaud, « mystique à l’état sauvage »,
un
catholique qui s’ignore, il n’est pas plus admissible d’inférer du mé
2706
élation évangélique. Je ne vois là que l’indice d’
une
confusion bien française, hélas. ba. « André Rolland de Renéville :
2707
n’est plus l’heure de venir prendre position dans
un
débat où les voix les mieux écoutées ont dit ce qu’elles avaient à di
2708
e cette revue connaissent la thèse de la Trahison
des
Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que reprendre la dé
2709
a trahit à son tour quand il tire argument contre
une
thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». E
2710
ternel », la chute de l’idée dans la matière, est
un
phénomène exactement aussi vieux que le monde. Mais M. Benda distingu
2711
distinguera, et ils seront confondus. Car il y a
un
sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue de la raison ratiocinante
2712
nt confondus. Car il y a un sophiste en M. Benda,
un
polémiste qui joue de la raison ratiocinante tout comme si elle n’éta
2713
lement antimoderne, parce que désintéressé. C’est
un
extrême, un pic trop élevé pour qu’on y puisse vivre, c’est l’impossi
2714
oderne, parce que désintéressé. C’est un extrême,
un
pic trop élevé pour qu’on y puisse vivre, c’est l’impossible. Mais ju
2715
de la pensée intemporelle, en butte aux sarcasmes
des
extrémistes de droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Nom
2716
. Et Daudet nous apprend que « le petit Benda est
un
fameux serin ». Mais ces affirmations sont exactement celles qu’il fa
2717
t court. Celle-là même qui paraît anarchique dans
un
monde où tout est bon à quelque chose, où rien plus n’est tenu pour v
2718
rien plus n’est tenu pour vrai que relativement à
un
rendement. Rien, pas même la religion. 11. Cf. l’article de M. Dani
2719
1929)u L’ordre social Il y avait une fois
un
jeune homme comme les autres. Soudain il lui pousse des ailes, une gr
2720
une homme comme les autres. Soudain il lui pousse
des
ailes, une grande paire d’ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà
2721
omme les autres. Soudain il lui pousse des ailes,
une
grande paire d’ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà Freud expli
2722
dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela d’
un
romantisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme a
2723
ses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère, d’
un
mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes non sans un
2724
pendant le jeune homme agitait ses ailes non sans
une
ingénue fierté. Mais au courant d’air s’enrhuma le grand-papa. On cra
2725
ueil t’aveugle-t-il ? Veux-tu conserver, ô cruel,
des
ailes qui donnent des rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux
2726
Veux-tu conserver, ô cruel, des ailes qui donnent
des
rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux meilleurs esprits ? V
2727
e tu t’apprêtes visiblement à t’envoler, laissant
des
parents inconsolables, ô sans cœur, ô pervers, ô disciple de Nietzsch
2728
devenu beaucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a
des
ailes sera persécuté à cause de ses ailes, mais celui qui n’en a pas
2729
nté gémissante ! Dieu, dans sa pitié, leur envoya
un
ange porteur d’une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne
2730
ieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur d’
une
solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand Remè
2731
lleurs était la bonne, car le grand Remède, c’est
un
Simple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toute
2732
t la bonne, car le grand Remède, c’est un Simple.
Des
hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les
2733
u’il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont
une
façon de trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne
2734
ions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît
un
mauvais parti, l’ange trouva son salut dans un subterfuge : il insinu
2735
ît un mauvais parti, l’ange trouva son salut dans
un
subterfuge : il insinua qu’il parlait au nom d’une secte orientale. A
2736
un subterfuge : il insinua qu’il parlait au nom d’
une
secte orientale. Aussitôt la discussion de reprendre, et l’on parla d
2737
a défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l’un
des
nombreux trous de leurs raisonnements. L’inspiration Comme le p
2738
minait sa théorie sur la nature de l’inspiration,
un
doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un film voluptueux. Il
2739
un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait
un
film voluptueux. Il aima l’héroïne, mais sans espoir. Il lui écrivit,
2740
ns espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, dans
une
crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à u
2741
couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à
une
femme blonde assise près de lui. Ayant demandé un timbre pour attirer
2742
ne femme blonde assise près de lui. Ayant demandé
un
timbre pour attirer l’attention de la femme blonde — sans résultat —,
2743
de la femme blonde — sans résultat —, il écrivit
une
adresse réelle, et mit la lettre dans la première boîte venue. Le len
2744
s la première boîte venue. Le lendemain, il reçut
une
réponse : « Vous avez commis une erreur, cher ami, mais bien excusabl
2745
demain, il reçut une réponse : « Vous avez commis
une
erreur, cher ami, mais bien excusable de la part d’un poète en état,
2746
rreur, cher ami, mais bien excusable de la part d’
un
poète en état, sans doute, d’inspiration. Je trouve dans une envelopp
2747
n état, sans doute, d’inspiration. Je trouve dans
une
enveloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration d’amour destinée
2748
ouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes
une
déclaration d’amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais
2749
s m’adressâtes une déclaration d’amour destinée à
une
femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’est. J’ai fait suivre
2750
je sais qui c’est. J’ai fait suivre. Alexandrine
un
jour m’a laissé entendre qu’elle vous aime. Elle attend votre lettre
2751
u’elle vous aime. Elle attend votre lettre depuis
des
mois. Je pense que ces lignes vous trouveront réunis. Avec ma bénédic
2752
L’inspiration est le nom qu’on donne en poésie à
une
suite de malentendus heureusement enchaînés. » Cette histoire, en eff
2753
enchaînés. » Cette histoire, en effet, lui valut
une
Muse. u. « L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue
2754
orance respectait, et ne lui donne à la place que
des
laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bo
2755
ilosophique et point du tout technique. J’apporte
un
témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre
2756
out technique. J’apporte un témoignage personnel,
une
réaction de tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout
2757
s à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous
un
régime radical à sécrétion socialiste qui a été établi par coup de fo
2758
peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est
un
reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Définit
2759
aïf dans le monde moderne : individu qui soutient
des
idées qui ne rapportent rien. En effet, je ne représente aucun parti,
2760
tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas
un
argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. S
2761
. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer
une
nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois,
2762
ême si l’on n’est pas capable d’en faire soi-même
une
meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derrière son bock, le Citoy
2763
ute, tapez-lui dans le dos, amenez-lui le Guguss,
des
bretzels, sa petite amie, au secours ! Car j’ai encore deux mots à di
2764
ecours ! Car j’ai encore deux mots à dire. Dès qu’
une
voix s’élève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instr
2765
crie sur tous les bancs : « Alors, vous êtes pour
un
retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vraiment exa
2766
un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique
un
mépris vraiment exagéré pour la jugeote de l’adversaire ou s’il tradu
2767
: on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes
un
pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi, ceu
2768
e leur scepticisme quant à la valeur réformatrice
des
idées, m’accuser de faire une critique dangereuse. 3° que néanmoins j
2769
valeur réformatrice des idées, m’accuser de faire
une
critique dangereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certai
2770
apoléonienne, la Russie d’après Karl Marx, le vol
des
frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas de le dire : l’instruct
2771
rira le dernier. B. Réponses du type : vous êtes
un
rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une
2772
r. B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde,
un
infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une démocratie pro
2773
nfâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’
une
démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de la
2774
1. Mes prisons Il existe
des
gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ils
2775
croire qu’« il n’y a rien au-dessus » de la tâche
des
instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, et grammatical
2776
eusement séparer les calculs du raisonnement, par
une
barre verticale, et où il y avait toujours des robinets qui coulaient
2777
ar une barre verticale, et où il y avait toujours
des
robinets qui coulaient pour emplir ou pour vider un bassin (et souven
2778
robinets qui coulaient pour emplir ou pour vider
un
bassin (et souvent les deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle
2779
après combien d’heures…) ; et il y avait toujours
des
appartements à meubler. Et on multipliait le tapissier par le prix du
2780
cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans
un
Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnet
2781
auvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et
une
semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfance gâtée.
2782
hebdomadaires, et une semonce à nous gâter toute
une
journée. Une journée d’enfance gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le ta
2783
s, et une semonce à nous gâter toute une journée.
Une
journée d’enfance gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par l
2784
tapissier par le prix du mètre courant n’est pas
une
fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les règles,
2785
t qui recommence à gratter son ardoise où sèchent
des
traînées de craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’e
2786
? Qu’est-ce qui ressemble plus au souci quotidien
des
grandes personnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de
2787
leurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve
des
cloportes dans la toile mouillée d’une tente d’Indiens, des petites g
2788
’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’
une
tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis e
2789
tes dans la toile mouillée d’une tente d’Indiens,
des
petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des alliés imaginai
2790
d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec
des
ennemis et des alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de pe
2791
petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et
des
alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans
2792
uses, avec des ennemis et des alliés imaginaires,
des
jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de
2793
des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans
un
rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’hu
2794
en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve,
des
matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foi
2795
le repas, et le monsieur qui racontait gravement
des
choses qu’on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’il fasse beau
2796
qu’il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy
un
fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en
2797
carrousel, les chemins dans la forêt en automne,
des
jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure
2798
, les chemins dans la forêt en automne, des jeux,
des
feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse e
2799
ns la forêt en automne, des jeux, des feuillages,
des
rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un
2800
automne, des jeux, des feuillages, des rêveries,
des
recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et u
2801
jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins,
une
longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine,
2802
oins, une longue aventure sérieuse et incertaine,
un
peu sale et un peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on
2803
e aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et
un
peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec de
2804
certaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’
une
très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans les b
2805
ée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec
des
bonheurs fous dans les bras maternels, ou bien ces promenades en tena
2806
… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’
une
dissonance douloureuse2. Deux angoisses dominent mon enfance : les sé
2807
fance : les séances chez le dentiste et l’horaire
des
leçons. Ce malaise inavouable, cette règle méchante, ce souci qui ren
2808
À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette, avec
une
sœur aînée. L’année suivante, on me mit à l’école, parce que c’est la
2809
loi. La première classe fut agréable : j’alignais
des
bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais délicieusement seul parmi
2810
alignaient leurs bâtons en rêvant à leur manière.
Un
jour cela m’ennuya. Sachant lire, je ne pensais pas devoir suivre syl
2811
voir suivre syllabe après syllabe les ânonnements
des
élèves qui déchiffraient les premières phrases exemplaires. (J’aimais
2812
e savais rarement où l’on en était. Cela m’attira
des
reproches acides, et naturellement, la phrase sacrée : « Il faut que
2813
iant, sans cesse en garde contre moi-même à cause
des
autres desquels il ne fallait pas différer, profondément hypocrite do
2814
et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans
un
certain domaine, c’est vrai. (Il y a encore des poètes pour nous fair
2815
ns un certain domaine, c’est vrai. (Il y a encore
des
poètes pour nous faire comprendre avec enthousiasme que ces vérités-l
2816
« évidence » que je viens de citer, je découvris
un
jour qu’elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me f
2817
cause déterminante de notre malaise. Il me fallut
un
certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n
2818
e clef et n’osais m’en servir craignant peut-être
des
découvertes qui eussent ruiné trop de certitudes apprises. Enfin j’ou
2819
Nous étions marqués par Numa Droz et les manuels
des
Frères ∴, par l’esprit petit-bourgeois, qui est une généralisation de
2820
s Frères ∴, par l’esprit petit-bourgeois, qui est
une
généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui son
2821
varice, et par les dogmes démocratiques, qui sont
une
généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un
2822
e la règle de trois, aussi profondément certes qu’
un
Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-il
2823
ces ressorts de la révolte et de la libération d’
une
personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de l
2824
sens de l’arbitraire et le sens de la relativité
des
décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme
2825
tout de suite jusqu’à les mettre en doute : mais
un
jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seco
2826
te : mais un jour je compris que ce n’étaient que
des
principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si é
2827
, si évident, si parfaitement soumis aux règles d’
une
arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait co
2828
le seul pour lequel on nous préparait —, c’était
un
système d’abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement org
2829
imaires, c’était le rêve raisonnablement organisé
des
esprits moyens, prosaïques et rassis3 qui tiennent aujourd’hui les ch
2830
nent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’
un
régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont étab
2831
grossières » comme celles qui touchent à l’action
des
étoiles par exemple. Mais nous avions acquis le respect des statistiq
2832
s par exemple. Mais nous avions acquis le respect
des
statistiques. Nous savions que les miracles ne trompent que les illet
2833
édulité et le bien-être matériel. Nous savions qu’
un
fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvio
2834
l. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’
un
petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que
2835
e pour nos rêves. Nous arrivions dans la vie avec
des
mentions honorables et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec
2836
vions dans la vie avec des mentions honorables et
une
inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec des titres pour mépriser to
2837
et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec
des
titres pour mépriser toute valeur simplement humaine, et une honte se
2838
pour mépriser toute valeur simplement humaine, et
une
honte secrète qui exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Mais m
2839
la vie. 2. Dans le cas le plus favorable, c’est
un
silence, un vide. C’était en dehors de la vie. 3. du pain rassis.
2840
Dans le cas le plus favorable, c’est un silence,
un
vide. C’était en dehors de la vie. 3. du pain rassis.
2841
amais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à
un
bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solut
2842
l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’
un
instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solution de continuit
2843
solution de continuité, la différence n’étant qu’
une
question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans
2844
je vais dire est sans doute injuste et faux dans
un
très grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’in
2845
ut être défini par son incompréhension méthodique
des
hommes et son mépris pour les paysans. Qu’il soit officier ou troupie
2846
u’il soit officier ou troupier, on le reconnaît à
une
façon pédante d’être consciencieux, à une façon blessante d’être supé
2847
nnaît à une façon pédante d’être consciencieux, à
une
façon blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’expliquer l
2848
ncieux, à une façon blessante d’être supérieur, à
une
façon livresque d’expliquer les choses, à une façon théorique de juge
2849
, à une façon livresque d’expliquer les choses, à
une
façon théorique de juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (b
2850
a petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à
une
élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule
2851
r de m’échauffer inutilement. Si l’on me poussait
un
peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les institu
2852
que les instituteurs antimilitaristes qui signent
des
manifestes en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excelle
2853
ge, quand on vous parle avec respect et trémolo d’
un
môssieu très instruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’un de
2854
nstruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’
un
de ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où ils
2855
e ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans
des
farces où ils sont drôles, mais non point dans la vie courante où ils
2856
e sont beaucoup moins. Le Messieu fait sans doute
des
vers sur la violette, périodiquement, comme on fait… un rhume de cerv
2857
s sur la violette, périodiquement, comme on fait…
un
rhume de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées moder
2858
e de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a
des
idées modernes sur tous les sujets, espécialement sur la pédagogie. C
2859
ouvent dans sa conversation ; il le prononce avec
un
inimitable sérieux, avec un P majuscule. On sent que c’est là son aff
2860
; il le prononce avec un inimitable sérieux, avec
un
P majuscule. On sent que c’est là son affaire : Monsieur en un mot es
2861
e. On sent que c’est là son affaire : Monsieur en
un
mot est M’sieu l’Instituteur. Signes particuliers : cheveux longs, re
2862
même maladresse professionnelle. J’en connaissais
un
qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : «
2863
. J’en connaissais un qui avait coutume de dire à
une
classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante
2864
magine à quoi peut mener l’enseignement donné par
des
êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque pendant
2865
prègne l’enseignement primaire constitue l’apport
des
instituteurs, ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes de l’Éc
2866
e.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal
des
petits bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe
2867
tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est
un
véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre
2868
a voit. Après les personnes, le décor. La laideur
des
collèges n’est pas accidentelle. C’est celle même du régime. l’archit
2869
itecture de nos « palais scolaires ». symbolise d’
une
façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la co
2870
ntrons, c’est pire encore. Beaucoup d’enfants ont
un
frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche :
2871
urinoirs qui imprègne les corridors et les habits
des
écoliers empeste encore mes souvenirs. Et la poussière dans l’air, l’
2872
l’air, l’encre sur les tables — c’était pourtant
un
refuge pour l’imagination que ces initiales, ces signes, ces devises…
2873
de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est
un
grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatric
2874
ture. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’
un
tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la v
2875
jà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas
un
: mais l’absence de style est encore un style ; c’est même le pire.
2876
n est pas un : mais l’absence de style est encore
un
style ; c’est même le pire.
2877
solument personnelles et qu’elles ont la valeur d’
un
témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un pe
2878
plus ni moins — il est temps que je fasse passer
un
petit examen aux principes de cette institution passionnément détesté
2879
l serait plus juste de dire que la passion n’a qu’
une
clairvoyance intéressée : mais celles-là sont les plus vives. Enfin,
2880
nsiste à repousser la difficulté dans l’avenir, d’
une
ou deux générations. Pendant ce temps elle s’aggrave, et nous voici a
2881
nt de trancher le nœud. Je me bornerai à l’examen
des
caractères les plus généraux de l’instruction publique, ceux que n’at
2882
pratiques. Le programme a) l’horaire : c’est
un
cadre, ou plutôt un moule, dans lequel on verse les matières les plus
2883
ramme a) l’horaire : c’est un cadre, ou plutôt
un
moule, dans lequel on verse les matières les plus hétéroclites, sans
2884
es disciplines se succèdent sans transition, dans
un
ordre absolument fortuit, de manière à prévenir toute concentration d
2885
n branches bien distinctes. On attribue à chacune
un
certain nombre d’heures par semaine, au jugé. On s’arrange à faire te
2886
eviennent obligatoires. La somme et l’arrangement
des
parties doivent être identiques pour tous les écoliers. Ce plan régit
2887
ité de la science nécessaire à tout citoyen, dans
une
vue aussi large que simplifiée. Remarquons qu’il suffit pour établir
2888
il suffit pour établir ce programme de disposer d’
une
ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle (pour diviser
2889
e de disposer d’une ou deux feuilles de papier, d’
un
crayon et d’une règle (pour diviser la page en casiers rectangulaires
2890
’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’
une
règle (pour diviser la page en casiers rectangulaires, bien propremen
2891
mment, il est préférable de savoir aussi les noms
des
sciences élémentaires. Mais il n’est en aucune façon nécessaire de co
2892
cune façon nécessaire de connaître la psychologie
des
enfants, ni même le contenu des sciences dont on écrit les noms dans
2893
re la psychologie des enfants, ni même le contenu
des
sciences dont on écrit les noms dans les casiers. Est-ce que l’étude
2894
ticulièrement indiquée pour préparer les élèves à
une
composition française ? Question oiseuse et saugrenue, — naïve. Le bo
2895
naïve. Le bon sens voudrait que l’on tînt compte
des
possibilités d’adaptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale de
2896
fort inégale de ces disciplines ; de la diversité
des
besoins ; enfin des rythmes naturels de l’esprit humain, qu’il se tro
2897
disciplines ; de la diversité des besoins ; enfin
des
rythmes naturels de l’esprit humain, qu’il se trouve que le Créateur
2898
n’a point accordés à l’actuelle division horaire
des
journées… Monsieur, répondent les fonctionnaires responsables, vous s
2899
eurent pas. Les examens Ce sont en principe
des
« contrôles » comparables à ceux que l’on établit lors des grandes ép
2900
trôles » comparables à ceux que l’on établit lors
des
grandes épreuves cyclistes. Les participants du Tour de Science doive
2901
re ont à refaire l’étape. On obtient par ce moyen
un
peloton homogène, facile à surveiller. Mais en matière de sport, la t
2902
elle est de règle. Car la qualité et la quantité
des
réponses « fournies » par le prévenu (l’élève examiné) n’a qu’un loin
2903
ournies » par le prévenu (l’élève examiné) n’a qu’
un
lointain rapport avec la qualité et la quantité des efforts « fournis
2904
n lointain rapport avec la qualité et la quantité
des
efforts « fournis » au cours du trimestre. Ce phénomène déconcertant
2905
-vous pas honte de vous faire rappeler sans cesse
des
vérités aussi élémentaires. L’égalitarisme des connaissances De
2906
des vérités aussi élémentaires. L’égalitarisme
des
connaissances De l’existence des programmes, qui est un fait, et d
2907
’égalitarisme des connaissances De l’existence
des
programmes, qui est un fait, et de l’existence de la Démocratie, qui
2908
ssances De l’existence des programmes, qui est
un
fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (rés
2909
fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est
une
prétention (réservons le mot d’idéal), découle cette exigence théoriq
2910
pe est à la base du système ; qui repose donc sur
une
tranquille méconnaissance de la nature humaine. L’histoire enregistre
2911
de la nature humaine. L’histoire enregistre bien
une
ou deux autres bêtises de cette épaisseur, mais il faut reconnaître q
2912
nnaître que jamais on n’avait songé à leur donner
une
extension universelle et un caractère obligatoire. L’école exige donc
2913
songé à leur donner une extension universelle et
un
caractère obligatoire. L’école exige donc que les meilleurs ralentiss
2914
à ce crime quotidien, et se félicitent du régime
des
lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand
2915
idien, et se félicitent du régime des lumières et
des
compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand on leur dit que
2916
impartial, par sa culture intensive et extensive
des
veaux et des médiocres. Le gavage Moyen de réaliser les précéde
2917
ar sa culture intensive et extensive des veaux et
des
médiocres. Le gavage Moyen de réaliser les précédents. Plus ou
2918
n instrument le plus parfait s’appelle le manuel.
Un
bon manuel est un résumé clair et portatif des résultats actuels d’un
2919
us parfait s’appelle le manuel. Un bon manuel est
un
résumé clair et portatif des résultats actuels d’une science. Le bon
2920
el. Un bon manuel est un résumé clair et portatif
des
résultats actuels d’une science. Le bon sens voudrait qu’on étudie d’
2921
résumé clair et portatif des résultats actuels d’
une
science. Le bon sens voudrait qu’on étudie d’abord la science dans sa
2922
a réalité, puis qu’on se réfère au résumé comme à
un
aide-mémoire. Mais l’école veut qu’on commence par apprendre le résum
2923
avec ce dont ils traitent. Or la valeur éducative
des
choses n’apparaît qu’à celui qui entre en commerce intime avec elles.
2924
elles. On apprend plus de deux que de mille, dit
un
sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une autre conséquence du gavag
2925
le, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom.
Une
autre conséquence du gavage, c’est qu’on ne peut laisser aux élèves l
2926
rcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’
une
valeur éducatrice : s’il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où so
2927
La discipline On conçoit que la réalisation d’
un
programme entièrement contre nature exige une discipline sévère. D’où
2928
on d’un programme entièrement contre nature exige
une
discipline sévère. D’où notre conception pénitentiaire de l’école. M
2929
ception pénitentiaire de l’école. Mais, s’il est
des
disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindrissent. La
2930
fort qu’on demande à ces petits. Là encore il y a
une
exagération absurde, une généralisation si schématique et superficiel
2931
petits. Là encore il y a une exagération absurde,
une
généralisation si schématique et superficielle que la discipline perd
2932
line perd tout son sens éducatif et n’est plus qu’
une
entrave énervante, un système de vexations mesquines, propres à étouf
2933
éducatif et n’est plus qu’une entrave énervante,
un
système de vexations mesquines, propres à étouffer toute spontanéité
2934
quines, propres à étouffer toute spontanéité chez
un
peuple qui vraiment ne péchait point par l’excès de cette vertu. La d
2935
xcès de cette vertu. La discipline primaire forme
des
gobeurs et des inertes, fournit des moutons aux partis et prédispose
2936
ertu. La discipline primaire forme des gobeurs et
des
inertes, fournit des moutons aux partis et prédispose les citoyens su
2937
rimaire forme des gobeurs et des inertes, fournit
des
moutons aux partis et prédispose les citoyens suisses à prendre au sé
2938
, petites crottes noires et blanches qui marquent
un
peu partout le passage de l’État, et dont la vue permet à ceux qui to
2939
’accord sur ce point : l’école primaire doit être
une
école de Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’instr
2940
n de développer les vertus sociales de l’élève. «
Une
classe est une société en miniature. » Ceci est une énorme bourde. Ju
2941
les vertus sociales de l’élève. « Une classe est
une
société en miniature. » Ceci est une énorme bourde. Juxtaposez trente
2942
e classe est une société en miniature. » Ceci est
une
énorme bourde. Juxtaposez trente enfants sur les bancs d’une salle d’
2943
bourde. Juxtaposez trente enfants sur les bancs d’
une
salle d’école, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à
2944
té, panurgisme, concurrence sournoise, admiration
des
forts en gueule, — tout cela qui deviendra plus tard socialisme, morg
2945
de plus évident de mon expérience scolaire, c’est
une
grosse vérité que le bon sens m’eût par ailleurs fait voir : il n’y a
2946
que la loi est la même pour tous. Je ne parle pas
des
manuels d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent u
2947
, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent
une
image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du peuple souverain
2948
perfectionnement civique qui assure l’écrasement
des
plus délicats par les plus vulgaires ? L’idéal du bon élève Le
2949
u’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là
une
préméditation de médiocrité que je ne puis m’empêcher de trouver susp
2950
s…graphes…graphes… Enfoncés, les perroquets. Dans
une
composition sur La Neige, Victoria X, 10 ans, écrit : « C’est l’hiver
2951
pour avoir trouvé : « Quant il neige, c’est comme
des
petits morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure
2952
st supérieure à l’imitation. Mais Victoria montre
une
âme docile, un rassurant défaut d’esprit critique, tandis que Sylvie
2953
l’imitation. Mais Victoria montre une âme docile,
un
rassurant défaut d’esprit critique, tandis que Sylvie appartient mani
2954
lle cherche à développer chez nos petits Helvètes
un
légalisme écœurant6, un conformisme d’imbéciles ou d’impuissants, qui
2955
chez nos petits Helvètes un légalisme écœurant6,
un
conformisme d’imbéciles ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être
2956
ants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantage
des
gens en place, vieille histoire. On m’objectera sans doute quelques «
2957
ur avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambition d’
un
grand nombre de régents, ne laissent pas que d’être assez spéciales.
2958
promission sociale établie) et cueilli au passage
un
grade universitaire, prennent leur essor de chérubins du parti au cou
2959
tations, où se « baptisent » les hommes d’avenir.
Un
jour on voit s’étaler en première page des illustrés la face épanouie
2960
avenir. Un jour on voit s’étaler en première page
des
illustrés la face épanouie quoique énergique d’un de ces coqs de vill
2961
es illustrés la face épanouie quoique énergique d’
un
de ces coqs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édifi
2962
’édifice administratif. Et c’est ce qui s’appelle
une
belle carrière. Mais ces brillants météores ne troublent pas beaucoup
2963
de comparer les bons élèves de diverses classes d’
un
collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité de
2964
montrer, ce qui serait facile, qu’ils constituent
une
inversion méthodique de toutes les lois divines et humaines. C’est-à-
2965
utes les lois divines et humaines. C’est-à-dire :
une
méthode d’abâtardissement de la race. D’autre part, il est aisé de vo
2966
contre le régime. Il y a là, dirait M. Prudhomme,
un
bien grave dilemme. 4. Ce ne sont pas seulement les meilleurs qui
2967
sont sacrifiés. Voici ce que M. E. Duvillard dit
des
enfants peu doués pour les disciplines scolaires : « Les épaves scola
2968
lines scolaires : « Les épaves scolaires, faute d’
un
traitement pédagogique approprié, tombent dans une apathie intellectu
2969
un traitement pédagogique approprié, tombent dans
une
apathie intellectuelle qui les conduit souvent à l’imbécillité et au
2970
rtains cas de soustraire l’enfant à l’influence d’
une
famille anormale. Mais d’abord c’est sanctionner cet état anormal (il
2971
alité, comme si toutes les familles constituaient
un
milieu délétère ? 6. Justice démocratique, égalité, légalité, sont l
2972
réformiste Bien entendu, tout cela a été dit. (
Un
peu autrement, j’en conviens.) On n’a pas attendu ma colère pour entr
2973
établissement où l’on s’efforce d’enseigner selon
des
principes tirés de l’observation des enfants, c’est-à-dire : en contr
2974
eigner selon des principes tirés de l’observation
des
enfants, c’est-à-dire : en contradiction sur toute la ligne avec l’en
2975
On a constaté que l’école actuelle est fondée sur
une
remarquable ignorance de la psychologie infantile. Où il y avait non-
2976
ce, on a voulu apporter de la science. Mais c’est
un
art qu’il faudrait. Sinon l’on retombera dans des absurdités. On a cr
2977
un art qu’il faudrait. Sinon l’on retombera dans
des
absurdités. On a créé par exemple des « jardins d’enfants » où l’on a
2978
ombera dans des absurdités. On a créé par exemple
des
« jardins d’enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans
2979
emple des « jardins d’enfants » où l’on apprend à
des
élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle d
2980
fants, et réciter par cœur et à rebours, les noms
des
rues et places de leur ville, comme s’ils étaient tous destinés à la
2981
rcher en décomposant les mouvements avec l’aide d’
un
métronome pédagogique. De même, sous le louable prétexte d’école acti
2982
», tous les verbes déponents ; désormais l’étude
des
verbes actifs sera aussi active, un élève se mettra à marcher dans le
2983
mais l’étude des verbes actifs sera aussi active,
un
élève se mettra à marcher dans le couloir en s’écriant : je marche, o
2984
ouloir en s’écriant : je marche, ou : j’arpente ;
un
autre restera assis, en affirmant : je siège ; un troisième lèvera la
2985
la spontanéité nécessaire pour que ça ne soit pas
une
lourde farce. Ces exagérations ne sont pas bien graves, parce qu’elle
2986
comiques précisément. Je ferai à l’école nouvelle
un
reproche d’une autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux
2987
sément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’
une
autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux enfants en leur
2988
es ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’
une
liberté méthodiquement organisée ? En réalité, cet amusement a pour s
2989
t a pour seul but de faire avaler la pilule amère
des
connaissances. On songe à M. Ford, qui donne à ses ouvriers un second
2990
nes. Jeu du chat avec la souris. On n’impose plus
des
résultats, on les fait trouver. Notez que cela revient au même, sauf
2991
. « Instruire en amusant » peut être la formule d’
une
tromperie subtile et plus grave que la brutalité primaire, parce qu’e
2992
Enfin, je n’aime pas qu’on traite le gosse comme
un
organisme dont il s’agit d’obtenir le rendement le plus élevé. On cul
2993
plus élevé. On cultive les petits d’hommes comme
des
plantes de serre dans ces jardins d’enfants. On y parle de « l’enfant
2994
ants. On y parle de « l’enfant » comme on parle d’
un
produit chimique : On remarque chez l’enfant… Dans ce milieu l’enfant
2995
ieu l’enfant ne tarde pas à se développer… Prenez
un
enfant de 6 ans… Mettez ensemble trois enfants… Je reconnais que les
2996
. Néanmoins je soupçonne dans tous ces mouvements
des
possibilités lointaines qui sont pour me plaire ; un grignotement du
2997
possibilités lointaines qui sont pour me plaire ;
un
grignotement du système officiel qui pourrait bien un jour l’atteindr
2998
rignotement du système officiel qui pourrait bien
un
jour l’atteindre au cœur, et je vois tout ce que cela entraînerait, d
2999
r, et je vois tout ce que cela entraînerait, dans
une
ruine d’où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à un enseignemen
3000
d’où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à
un
enseignement sans école. Je songe au maître antique, dont toute la pe
3001
e au maître antique, dont toute la personne était
un
enseignement, et qui n’avait pas des élèves, mais des disciples. Celu
3002
ersonne était un enseignement, et qui n’avait pas
des
élèves, mais des disciples. Celui-là seul favorise le développement d
3003
enseignement, et qui n’avait pas des élèves, mais
des
disciples. Celui-là seul favorise le développement des individus, qui
3004
isciples. Celui-là seul favorise le développement
des
individus, qui ne cherche pas un rendement mais qui dépose une semenc
3005
e développement des individus, qui ne cherche pas
un
rendement mais qui dépose une semence spirituelle. Qui sait ?… En att
3006
, qui ne cherche pas un rendement mais qui dépose
une
semence spirituelle. Qui sait ?… En attendant, puisqu’il faut attendr
3007
ur les principes de l’école libre, qui se moquent
des
programmes, et dont les classes joyeuses sont de vraies foires : ils
3008
our échapper plus longtemps à MM. les Inspecteurs
des
Écoles. Je le crains, dis-je ; car le monde ne progresse qu’à la fave
3009
n’échappe à l’absurdité primaire qu’à la faveur d’
une
équivoque. Cette équivoque frappe tout essai de réforme. Qu’il y ait
3010
e tout essai de réforme. Qu’il y ait là cependant
une
possibilité pratique d’en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de
3011
bsiste dans son intégrité et son urgence. 7. Ou
des
appareils qui en tiennent lieu. 8. Voir à l’appendice le sens que je
3012
5. La machine à fabriquer
des
électeurs Je crois à l’absurdité de fait de l’instruction publique.
3013
nt nées en même temps. Elles ont cru et embelli d’
un
même mouvement. Morigéner l’une c’est faire pleurer l’autre. Écouter
3014
se. Elles ne mourront qu’ensemble. Il n’y aura qu’
une
oraison. Laïque. J’entends qu’on ne me conteste pas cette thèse. Elle
3015
st glorifiée dans tous les banquets officiels par
des
orateurs émus et il y aurait une insigne hypocrisie à feindre de ne p
3016
ts officiels par des orateurs émus et il y aurait
une
insigne hypocrisie à feindre de ne plus la reconnaître, une fois diss
3017
e plus la reconnaître, une fois dissipée la fumée
des
civets, des cigares et des idéologies enivrées. D’ailleurs, cette idé
3018
connaître, une fois dissipée la fumée des civets,
des
cigares et des idéologies enivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ai l
3019
fois dissipée la fumée des civets, des cigares et
des
idéologies enivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ai l’honneur de par
3020
ger avec mes adversaires se trouve correspondre à
des
faits patents et simples ; il serait vraiment dommage de priver ces M
3021
serait vraiment dommage de priver ces Messieurs d’
une
aubaine pour eux si rare. Un fait simple, par exemple, c’est que la D
3022
ver ces Messieurs d’une aubaine pour eux si rare.
Un
fait simple, par exemple, c’est que la Démocratie sans l’instruction
3023
te, sinon je me verrai contraint de lui expliquer
un
certain nombre de vérités tellement évidentes — que cela n’irait pas
3024
ur qu’on sache à quoi cela rime. Ensuite, il faut
une
discipline sévère dès l’enfance pour façonner des contribuables inoff
3025
une discipline sévère dès l’enfance pour façonner
des
contribuables inoffensifs. Enfin, il faut un nombre considérable de l
3026
ner des contribuables inoffensifs. Enfin, il faut
un
nombre considérable de leçons, et le plus longtemps possible, pour qu
3027
outer la nature qui répète par toutes ses voix, d’
un
milliard de façons, que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps
3028
rté9, parce que celui qui l’a embrassée une fois,
une
seule fois, sait bien que tout le reste est absurde. Et voilà pour le
3029
Mais ce n’est de la part de notre Institutrice qu’
un
rendu. Car dans ce monde-là « tout se paye » comme ils disent avec un
3030
e monde-là « tout se paye » comme ils disent avec
une
satisfaction sordide et mal dissimulée. Certes, je ne prétends pas qu
3031
enter qu’elle n’était encore au xviiie siècle qu’
une
utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’
3032
erie, pour prendre corps, que l’appui intéressé d’
un
groupement politico-financier. Et il y aurait bien vite des députés p
3033
ment politico-financier. Et il y aurait bien vite
des
députés pour célébrer les bienfaits sociaux, que dis-je, la valeur ha
3034
stitution, se manifeste encore de nos jours, et d’
une
façon non moins flagrante, dans ses suites normales. Je n’en veux pas
3035
rument de progrès par excellence. Car il n’est qu’
une
explication vraisemblable de cette incurie : l’école, sous sa forme a
3036
on rôle politique et social, qui est de fabriquer
des
électeurs (si possible radicaux, en tout cas démocrates). Je me souvi
3037
dicaux, en tout cas démocrates). Je me souviens d’
un
dessin humoristique publié en 1914, représentant l’œuvre de Kitchener
3038
blié en 1914, représentant l’œuvre de Kitchener :
une
machine qui absorbait des gentlemen et rendait des tommies. La machin
3039
l’œuvre de Kitchener : une machine qui absorbait
des
gentlemen et rendait des tommies. La machine scolaire, elle, dévore d
3040
ne machine qui absorbait des gentlemen et rendait
des
tommies. La machine scolaire, elle, dévore des enfants tout vifs et r
3041
it des tommies. La machine scolaire, elle, dévore
des
enfants tout vifs et rend des citoyens à l’œil torve. Durant l’opérat
3042
laire, elle, dévore des enfants tout vifs et rend
des
citoyens à l’œil torve. Durant l’opération, tous les crânes ont été d
3043
on, tous les crânes ont été décervelés et dotés d’
une
petite mécanique à quatre sous qui suffit à régler désormais l’automa
3044
ratés assez fréquents. Maintenant je vous demande
un
peu quel intérêt il y aurait à perfectionner l’instrument, à l’adapte
3045
’instruction publique était d’éduquer le peuple d’
une
façon désintéressée, les gouvernements seraient un peu plus fous qu’o
3046
e façon désintéressée, les gouvernements seraient
un
peu plus fous qu’on n’ose les imaginer de ne pas entreprendre sur l’h
3047
e les imaginer de ne pas entreprendre sur l’heure
une
véritable révolution scolaire ; car il ne faudrait pas moins pour que
3048
nt confiance à leur sensibilité plus qu’aux idées
des
autres. Or, c’est une révolte de ma sensibilité qui me dresse contre
3049
nsibilité plus qu’aux idées des autres. Or, c’est
une
révolte de ma sensibilité qui me dresse contre l’École. Mes arguments
3050
politiques, et peu m’importerait que l’École soit
une
machine à fabriquer de la démocratie — si je ne sentais menacées dans
3051
e — si je ne sentais menacées dans cette aventure
des
valeurs d’âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démo
3052
œurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d’
un
régime nocif pour tout ce qu’il y a d’authentiquement noble en chaque
3053
ue homme. Si les fils du peuple souffrent moins d’
un
tel régime, c’est qu’ils n’ont pas d’eux-mêmes une connaissance aussi
3054
un tel régime, c’est qu’ils n’ont pas d’eux-mêmes
une
connaissance aussi sensible. Ils ignorent ce qu’étiolent en eux les d
3055
ssieurs de leurs sièges, ils comprendront le sens
des
images.) 9. J’emploie ce mot au sens fort, au sens enivrant, 100 %.
3056
r. 11. Est-il besoin de déclarer formellement qu’
une
telle attitude n’est en aucune façon tributaire de l’idéologie réacti
3057
l’instruction publique (Ici, le procureur prit
un
ton plus grave.) L’école s’est vendue à des intérêts politiques. C’ét
3058
r prit un ton plus grave.) L’école s’est vendue à
des
intérêts politiques. C’était là, nous venons de le voir, son unique m
3059
unique moyen de parvenir. Elle participe donc sur
une
vaste échelle à cette « Trahison des clercs » décrite par M. Julien B
3060
ipe donc sur une vaste échelle à cette « Trahison
des
clercs » décrite par M. Julien Benda. Notre époque paiera cher ce cri
3061
ants à l’Église et à la famille. L’Église donnait
des
valeurs idéalistes, la famille des valeurs réalistes, sans lesquelles
3062
Église donnait des valeurs idéalistes, la famille
des
valeurs réalistes, sans lesquelles le monde s’enfonce de son propre p
3063
poids dans l’abrutissement ou se laisse prendre à
des
théories non point fumeuses comme le veut le cliché, mais schématique
3064
ne peut pas être idéaliste : car elle deviendrait
un
danger pour le désordre établi. L’idéalisme est forcément révolutionn
3065
i. L’idéalisme est forcément révolutionnaire dans
un
monde organisé pour la production. Le culte des valeurs désintéressée
3066
ns un monde organisé pour la production. Le culte
des
valeurs désintéressées ne peut que diminuer le « rendement » quantita
3067
livrent. Je ne veux pas me poser ici en défenseur
des
vertus patriarcales. Mais je m’adresse aux démocrates convaincus, par
3068
je m’adresse aux démocrates convaincus, partisans
des
« lumières », et qui pourtant s’indignent de voir la morale actuelle
3069
t, constatez avec moi que la famille était encore
un
milieu naturel, donc normatif. Le collège au contraire est un milieu
3070
turel, donc normatif. Le collège au contraire est
un
milieu antinaturel, et les normes sociales qu’on prétend y substituer
3071
pas le pôle idéaliste nécessaire à l’équilibre d’
une
civilisation — et c’est l’aspect négatif de sa trahison —, mais encor
3072
t insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin d’
une
purge violente qui chasse ce ver solitaire du matérialisme. Et quand
3073
aura démontré que les besoins de l’époque exigent
une
organisation à outrance du monde, je répondrai que dans la mesure où
3074
s la mesure où cette exigence est satisfaite naît
un
nouveau besoin qui est précisément d’échapper à cette organisation. O
3075
outes parts. Mais l’école empoisonne les germes d’
une
renaissance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favorise
3076
l’incompréhension brutale de la nature, la haine
des
supériorités naturelles, l’habitude de l’ersatz et du travail bâclé.
3077
ontraire, elle prépare de consciencieuses poires,
des
esclaves du mot. Il est clair, par exemple, que seules les victimes d
3078
de tirs fédéraux. On a comparé le monde moderne à
un
vaste établissement de travaux forcés. L’école donne à l’enfant ce qu
3079
primaire, arrive trop tard. Le pasteur sème dans
un
terrain que l’instituteur a méthodiquement desséché.
3080
7. L’Instruction publique contre le progrès
Un
beau titre. Et qui a meilleure façon que le reste, pensez-vous. Il fa
3081
… journalistique, de bedonnant creux, cela vous a
un
petit air démocratique, hé ! hé !… et d’ailleurs vous aimez les idées
3082
e vôtre, et même que sa nature ne l’entraîne dans
une
direction tout opposée. C’est très malin d’avoir inventé un instrumen
3083
on tout opposée. C’est très malin d’avoir inventé
un
instrument de progrès : encore faut-il le mettre en marche. Et où le
3084
aperçoit que « l’instrument de progrès » n’est qu’
un
camouflage à l’abri duquel on distille du radicalisme intégral. On me
3085
alisme intégral. On me fera observer que beaucoup
des
servants de la machine sont socialistes : voilà qui ne change pas le
3086
change pas le rendement, j’imagine, ni la nature
des
produits excrétés. On forme nos gosses, dès l’âge de 6 ans, à ne se p
3087
ils n’aient appris par cœur la réponse. Regardez
un
écolier préparer ses devoirs, c’est frappant : il apprend les questio
3088
J’avoue que je trouve ça très fort : avoir obtenu
un
conformisme de la curiosité. Il est vrai qu’il ne fallait pas moins p
3089
l ne fallait pas moins pour assurer la sécurité d’
un
régime établi dans des fauteuils ; car un peuple d’électeurs fantaisi
3090
pour assurer la sécurité d’un régime établi dans
des
fauteuils ; car un peuple d’électeurs fantaisistes serait parfois ten
3091
urité d’un régime établi dans des fauteuils ; car
un
peuple d’électeurs fantaisistes serait parfois tenté de retirer brusq
3092
e-ci : je prétends que l’instruction publique est
une
puissance conservatrice. — Pas moins ! Elle est destinée à légitimer
3093
vifient. L’École se contente d’être figée. Est-ce
un
frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’enlise notre civilisatio
3094
e figée. Est-ce un frein ? Même pas. C’est plutôt
une
vase où s’enlise notre civilisation ; et où la Démocratie peut se con
3095
ilisation ; et où la Démocratie peut se conserver
des
siècles encore… Or si je dis que l’École est contre le progrès, c’est
3096
de le dire, avec ce sens exquis du cliché qui est
un
hommage à vos maîtres respectés. La Démocratie, par le moyen de l’ins
3097
manquer d’inventer. Je ne puis m’empêcher de voir
une
intention providentielle dans cet amour de la destruction et de l’ana
3098
e peu l’avouent. Car détruire, déblayer, et faire
des
signes dans le vide à des hasards gros de dangers, c’est peut-être à
3099
ire, déblayer, et faire des signes dans le vide à
des
hasards gros de dangers, c’est peut-être à quoi notre génération devr
3100
t au nom du passé ne signifie pas que l’on désire
un
retour au passé. Mais la considération de régimes anciens peut nous a
3101
que notre soi-disant progrès social correspond à
un
recul humain. Par exemple, est-ce un progrès que d’avoir remplacé les
3102
correspond à un recul humain. Par exemple, est-ce
un
progrès que d’avoir remplacé les hiérarchies de tradition, avec tout
3103
s qu’en soient d’ailleurs les réalisations —, par
des
hiérarchies rond-de-cuiresques dont l’origine est un pis-aller, dont
3104
hiérarchies rond-de-cuiresques dont l’origine est
un
pis-aller, dont la méthode est le tirage au flanc lucratif, dont l’es
3105
armée de pédantisme, et je ne parle pas du décor,
des
odeurs, de la poussière, des petites habitudes sordides et de cette m
3106
parle pas du décor, des odeurs, de la poussière,
des
petites habitudes sordides et de cette matière rarement « hygiénique
3107
e ? Réponse ? Petits étourdis. Réponse non, c’est
un
recul. Cette critique du fonctionnarisme, vous alliez le dire, est un
3108
ique du fonctionnarisme, vous alliez le dire, est
un
ramassis de lieux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup que
3109
il s’en faut, hélas, de beaucoup que la majorité
des
électeurs les considèrent comme tels. Et je ne me tiendrai pas pour b
3110
et distingué. Il y a de grands balayages à faire,
un
grand courant d’air à créer qui emportera toutes ces statistiques et
3111
urnaux, il en restera toujours assez pour allumer
des
feux de joie, etc. Bon. Supposons tout cela fait. Respirons. Mais déj
3112
uis les dernières pestes noires). Si vous creusez
un
peu la notion de démocratie, vous trouvez bien vite qu’elle repose su
3113
cratie, vous trouvez bien vite qu’elle repose sur
des
postulats rationalistes. En vérité, démocratie et rationalisme ne son
3114
aspects, l’un politique, l’autre intellectuel, d’
une
même mentalité. Elle s’est développée au xviiie dans l’aristocratie
3115
au xviiie dans l’aristocratie qui n’y voyait qu’
un
jeu. Durant tout le xixe elle est descendue dans la bourgeoisie et d
3116
ourgeoisie et dans le peuple ; elle y est devenue
une
tyrannie. Avant il y avait la Raison et les sentiments. Maintenant il
3117
utopies et les empêche de devenir autre chose que
des
utopies. Il s’agit donc en premier lieu de le démasquer et de le pour
3118
de notre vie. Mais cette première tâche constitue
un
programme si riche qu’il est superflu d’en formuler une seconde. Lais
3119
ogramme si riche qu’il est superflu d’en formuler
une
seconde. Laissons ce soin, à des générations plus libres d’imaginer,
3120
lu d’en formuler une seconde. Laissons ce soin, à
des
générations plus libres d’imaginer, bénéficiant de notre colère jacob
3121
vel être. Notre époque serait le deuxième temps d’
une
de ces triades. Son rationalisme nie l’être sous toutes ses formes, t
3122
mortes. Mais le temps vient où elles renaîtront à
une
vie nouvelle et plus complète, à un degré supérieur d’inconscience, s
3123
renaîtront à une vie nouvelle et plus complète, à
un
degré supérieur d’inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au tou
3124
e réclame l’expulsion de la congrégation radicale
des
instituteurs. On me demande encore ce que je mettrais à la place. Et
3125
rossièrement. J’aurais voulu vous voir demander à
un
sujet de Louis XIV ce qu’il concevait à la place de la royauté absolu
3126
place de la royauté absolue. Il eût fallu certes
une
imagination prodigieuse au dit sujet pour se représenter même très va
3127
crètement, que ce mépris et ce scepticisme sont d’
un
ridicule écrasant, sous lequel vous ne tarderez pas à périr. 12. La
3128
e maigre descendant nommé Rationalisme, produit d’
une
mésalliance avec l’Avarice bourgeoise — et qui sans cesse déroge.
3129
Appendice. Utopie
Un
os à la meute. (Et figurez-vous que j’ai la ferme intention de vous f
3130
entale.) La question est de savoir si nous serons
des
hommes de chair et d’esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra l
3131
i nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou
des
pantins articulés. (Qui tiendra les ficelles, peu importe.) Les écono
3132
13 les mieux informés de ce temps s’accordent sur
un
point : le salut de l’Europe est lié à la naissance d’une nouvelle at
3133
t : le salut de l’Europe est lié à la naissance d’
une
nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule une grande
3134
attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule
une
grande vague de l’imagination collective peut désensabler le vieux ba
3135
tive peut désensabler le vieux bateau occidental.
Un
nouvel état d’esprit : voilà bien ce que l’École empêche même de conc
3136
sons le plus clair de nos forces, — le Poète dira
un
mot, ou bien fera un acte, et ces peuples de somnambules s’éveilleron
3137
nos forces, — le Poète dira un mot, ou bien fera
un
acte, et ces peuples de somnambules s’éveilleront du cauchemar où les
3138
rage universel, instruction publique. Cela promet
des
grabuges inouïs. Il ne tient peut-être qu’à une forte équipe d’idéali
3139
t des grabuges inouïs. Il ne tient peut-être qu’à
une
forte équipe d’idéalistes pratiques d’en faire sortir le beau miracle
3140
tes pratiques d’en faire sortir le beau miracle d’
une
civilisation aux ordres de l’Esprit. Mais il faudrait que dès mainten
3141
retrouvent le courage d’être, malgré les mots14,
des
anarchistes et des utopistes. J’appelle anarchiste, tout ce qui est v
3142
age d’être, malgré les mots14, des anarchistes et
des
utopistes. J’appelle anarchiste, tout ce qui est violemment et intégr
3143
iolemment et intégralement humain. L’anarchie est
un
degré d’intensité dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste, de
3144
hie est un degré d’intensité dans la vie, non pas
un
parti. Tout extrémiste, de droite comme de gauche, se trouve être dan
3145
e gauche, se trouve être dans une certaine mesure
un
anarchiste s’il défend son opinion de toutes ses forces. Mais c’est u
3146
fend son opinion de toutes ses forces. Mais c’est
un
anarchiste de la mauvaise espèce, un anarchiste embrigadé. L’anarchis
3147
. Mais c’est un anarchiste de la mauvaise espèce,
un
anarchiste embrigadé. L’anarchiste que j’aime est simplement un homme
3148
embrigadé. L’anarchiste que j’aime est simplement
un
homme libre qui a une foi (ou un amour) et qui s’y consacre. (Mais al
3149
te que j’aime est simplement un homme libre qui a
une
foi (ou un amour) et qui s’y consacre. (Mais alors !… Je vois à votre
3150
e est simplement un homme libre qui a une foi (ou
un
amour) et qui s’y consacre. (Mais alors !… Je vois à votre mine stupi
3151
est l’inventeur. Les sots vont répétant que c’est
un
être qui ignore le réel. C’est justement parce qu’il le connaît mieux
3152
parce qu’il le connaît mieux qu’eux qu’il y a vu
des
fissures et des possibilités nouvelles. Tenir compte du réel ne signi
3153
connaît mieux qu’eux qu’il y a vu des fissures et
des
possibilités nouvelles. Tenir compte du réel ne signifie pas s’y soum
3154
de personnes répondent oui, cela finira par créer
un
courant d’opinion. Et l’opinion publique mène le monde, paraît-il. À
3155
urnalistes s’engagent désormais à ne publier plus
un
seul article de fond où ne perce leur mépris pour l’instruction publi
3156
t, et ils auraient là l’occasion de racheter bien
des
choses. Ce n’est rien de moins qu’une rédemption du journalisme, ce q
3157
cheter bien des choses. Ce n’est rien de moins qu’
une
rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’est ainsi qu’on
3158
e malentendu : je ne crois pas à la possibilité d’
une
réforme suffisante. C’est une révolution qu’il faut. Alors, supprimer
3159
à la possibilité d’une réforme suffisante. C’est
une
révolution qu’il faut. Alors, supprimer les écoles, raser les collège
3160
nt faim d’instruction15, et se croirait lésé dans
un
de ses droits fondamentaux. Le peuple veut s’instruire et on lui bour
3161
nt ce que son entourage ne peut plus lui donner :
des
modèles de pensée. Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme d
3162
ne peut plus lui donner : des modèles de pensée.
Un
entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme de connaissances mortes
3163
de pensée. Un entraînement de l’esprit, au lieu d’
une
somme de connaissances mortes. Une technique spirituelle. Et puis, qu
3164
rit, au lieu d’une somme de connaissances mortes.
Une
technique spirituelle. Et puis, qu’il en fasse ce qu’il voudra. Les O
3165
oudra. Les Orientaux appellent yoga cette culture
des
facultés physiques, intellectuelles et mystiques. Toute leur force vi
3166
a concentration. En vérité, toute force résulte d’
une
concentration, dans quelque domaine que ce soit. Si l’Occident compre
3167
comprenait cette vérité élémentaire et en tirait
des
conclusions immédiates, non seulement il serait sauvé du désastre, ma
3168
de comprendre, ici encore, c’est la peur scolaire
des
mots. Ce terme hindou agace, trouble ou fait sourire les étriqués. On
3169
moque. On me dit : vous ne voyez tout de même pas
une
classe de gamins répétant la syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des e
3170
ns répétant la syllabe sacrée Aûm ou se livrant à
des
exercices de contrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement de ce
3171
n yoga à lui : toutes les fois qu’il veut obtenir
une
grande intensité avec un minimum de moyens. J’en citerai deux exemple
3172
fois qu’il veut obtenir une grande intensité avec
un
minimum de moyens. J’en citerai deux exemples : la discipline jésuite
3173
ique, aux exercices élémentaires que l’on exige d’
un
initié. Le fameux arrêt de la pensée dont on sait l’importance primor
3174
d au garde-à-vous ! par quoi l’on impose au corps
une
immobilité absolue. L’un et l’autre de ces exercices montrent que le
3175
de ces exercices montrent que le candidat possède
une
énergie suffisante pour aller plus loin, — et en même temps constitue
3176
r aller plus loin, — et en même temps constituent
des
sources d’énergie nouvelle. Le parallèle peut être poussé dans les dé
3177
ut être poussé dans les détails. Il s’agit bien d’
un
geste identique, exécuté dans deux plans différents. Le drill est un
3178
exécuté dans deux plans différents. Le drill est
un
yoga corporel, le yoga est un drill de l’esprit. Je sais que ces deux
3179
rents. Le drill est un yoga corporel, le yoga est
un
drill de l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux et i
3180
l y a beaucoup de gens qui ne peuvent pas séparer
une
méthode des fins auxquelles on l’applique généralement. Ces gens-là d
3181
up de gens qui ne peuvent pas séparer une méthode
des
fins auxquelles on l’applique généralement. Ces gens-là diront que je
3182
es collèges en couvents. Tant pis. Le drill offre
un
exemple d’éducation efficace. L’armée de milices suisses fait des sol
3183
ucation efficace. L’armée de milices suisses fait
des
soldats en moins de trois mois. Si l’école appliquait en les transpos
3184
is mois. Si l’école appliquait en les transposant
des
méthodes de concentration analogues, même dans la mesure sans doute f
3185
ême dans la mesure sans doute faible où la nature
des
enfants le supporte, on économiserait plusieurs semestres de travail.
3186
à de quoi se tordre. Car tout cela nous donnerait
des
années de liberté en même temps qu’un peu de calme. Ces années de lib
3187
agéré de dire que tout homme gagnerait à posséder
une
plus grande puissance intellectuelle, une meilleure mémoire, une sens
3188
osséder une plus grande puissance intellectuelle,
une
meilleure mémoire, une sensibilité plus aiguisée. En tout cas, c’est
3189
puissance intellectuelle, une meilleure mémoire,
une
sensibilité plus aiguisée. En tout cas, c’est à cultiver ces facultés
3190
bon que tous progressent de la même manière. Dans
un
système de culture spirituelle, les différences s’accuseraient, mais
3191
r ce plan elles ne font que traduire la diversité
des
besoins individuels. Méditez un peu ces truismes : On apprend plus d’
3192
ire la diversité des besoins individuels. Méditez
un
peu ces truismes : On apprend plus d’une chose longuement contemplée
3193
. Méditez un peu ces truismes : On apprend plus d’
une
chose longuement contemplée que de mille aperçues au passage. Ab uno
3194
de mille aperçues au passage. Ab uno disce omnes.
Une
minute de concentration intense dégage dans l’individu plus d’énergie
3195
intense dégage dans l’individu plus d’énergie que
des
heures d’exercices gémissants. De même, le bien supérieur de quelques
3196
en. Cela se fera sans vous. Déjà revient le temps
des
mages : ils comprennent les théories d’Einstein, ils composent de la
3197
in, ils composent de la poésie pure, ils mesurent
des
sensibilités secondes et tout un arc-en-ciel de sentiments dont les a
3198
e, ils mesurent des sensibilités secondes et tout
un
arc-en-ciel de sentiments dont les accords imitent la blancheur éclat
3199
tante de l’amour… Que dirons-nous ?… Par la force
des
choses et de l’Esprit, l’homme sera-t-il sauvé de sa folie démocratiq
3200
est toujours tenté d’attribuer à ses adversaires
des
intentions noires et consciemment criminelles. Ce travers a été dével
3201
et contrôle n’importe quoi, il faut bien inventer
des
dessous pour redonner quelque saveur à ses jugements. C’est pourquoi
3202
ements. C’est pourquoi l’on ne peut plus attaquer
un
fonctionnaire dans son activité publique sans que des personnes bien
3203
fonctionnaire dans son activité publique sans que
des
personnes bien intentionnées viennent vous dire : « Mais Monsieur, M.
3204
onsieur, M. Machin que vous attaquez est pourtant
un
très brave homme, il fait partie du conseil de la paroisse, etc. » —
3205
tes, mais sont-ils dans la même mesure conscients
des
fins qu’on assigne à leur activité ? Un peu de rigueur dans la pensée
3206
peu de rigueur dans la pensée empêcherait souvent
des
catastrophes que beaucoup de rigueur morale ne saurait même pas prévo
3207
La culture de notre force de pensée nous rendrait
une
liberté sans laquelle nos efforts resteront vains pour instaurer cett
3208
nt tout leur sens et toute leur efficace que dans
un
système religieux. Pour quiconque a une foi et la conscience de cette
3209
e que dans un système religieux. Pour quiconque a
une
foi et la conscience de cette foi, il n’est d’enseignement véritable
3210
fessionnelles enrayent et faussent tout. Imaginez
une
culture spirituelle indépendante de toute destination religieuse part
3211
estination religieuse particulière. On peut faire
des
haltères et rester pacifiste. NOTE C Vous parlez de la grande vulgari
3212
t à la tête de tous ceux qui les dérangent, comme
des
pavés, ou plutôt des grenades, avec la frousse que ça ne leur éclate
3213
eux qui les dérangent, comme des pavés, ou plutôt
des
grenades, avec la frousse que ça ne leur éclate dans la main. 15. Cf
3214
que l’école n’a pas bougé depuis. 16. On promet
des
confitures à l’enfant, s’il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime qu
3215
orance respectait, et ne lui donne à la place que
des
laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bo
3216
ilosophique et point du tout technique. J’apporte
un
témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre
3217
out technique. J’apporte un témoignage personnel,
une
réaction de tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout
3218
s à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous
un
régime radical à sécrétion socialiste, qui a été établi par coup de f
3219
peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est
un
reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Définit
3220
aïf dans le monde moderne : individu qui soutient
des
idées qui ne rapportent rien. En effet, je ne représente aucun parti,
3221
tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas
un
argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. S
3222
. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer
une
nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois,
3223
ême si l’on n’est pas capable d’en faire soi-même
une
meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derrière son bock, le Citoy
3224
e, tapez-lui dans le dos, amenez-lui le Guguss 2,
des
bretzels, sa petite amie, au secours ! Car j’ai encore deux mots à di
3225
ecours ! Car j’ai encore deux mots à dire. Dès qu’
une
voix s’élève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instr
3226
crie sur tous les bancs : « Alors, vous êtes pour
un
retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vraiment exa
3227
un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique
un
mépris vraiment exagéré pour la jugeotte de l’adversaire ou s’il trad
3228
: on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes
un
pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi, ceu
3229
e leur scepticisme quant à la valeur réformatrice
des
idées, m’accuser de faire une critique dangereuse ; 3° que néanmoins
3230
valeur réformatrice des idées, m’accuser de faire
une
critique dangereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certa
3231
apoléonienne, la Russie d’après Karl Marx, le vol
des
frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas de le dire : l’instruct
3232
rira le dernier. B. Réponses du type : vous êtes
un
rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une
3233
. B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde,
un
infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une démocratie pro
3234
nfâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’
une
démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de la
3235
Institut Rousseau. 2. Guguss, journal comique d’
une
grande vulgarité qui jouait alors le rôle de nos bandes dessinées.
3236
1. Mes prisons Il existe
des
gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ils
3237
roire qu’ « il n’y a rien au-dessus » de la tâche
des
instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, et grammatical
3238
eusement séparer les calculs du raisonnement, par
une
barre verticale, et où il y avait toujours des robinets qui coulaient
3239
ar une barre verticale, et où il y avait toujours
des
robinets qui coulaient pour emplir ou pour vider un bassin (et souven
3240
robinets qui coulaient pour emplir ou pour vider
un
bassin (et souvent les deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle
3241
après combien d’heures…) ; et il y avait toujours
des
appartements à meubler. Et on multipliait le tapissier par le prix du
3242
cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans
un
Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnet
3243
auvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et
une
semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfant gâtée. E
3244
hebdomadaires, et une semonce à nous gâter toute
une
journée. Une journée d’enfant gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tap
3245
s, et une semonce à nous gâter toute une journée.
Une
journée d’enfant gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par le
3246
tapissier par le prix du mètre courant n’est pas
une
fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les règles,
3247
t qui recommence à gratter son ardoise où sèchent
des
traînées de craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’e
3248
? Qu’est-ce qui ressemble plus au souci quotidien
des
grandes personnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de
3249
leurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve
des
cloportes dans la toile mouillée d’une tente d’Indiens, des petites g
3250
’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’
une
tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis e
3251
tes dans la toile mouillée d’une tente d’Indiens,
des
petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des alliés imaginai
3252
d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec
des
ennemis et des alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de pe
3253
petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et
des
alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans
3254
uses, avec des ennemis et des alliés imaginaires,
des
jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de
3255
des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans
un
rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’hu
3256
en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve,
des
matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foi
3257
le repas, et le monsieur qui racontait gravement
des
choses qu’on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’il fasse beau
3258
qu’il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy
un
fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en
3259
carrousel, les chemins dans la forêt en automne,
des
jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure
3260
, les chemins dans la forêt en automne, des jeux,
des
feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse e
3261
ns la forêt en automne, des jeux, des feuillages,
des
rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un
3262
automne, des jeux, des feuillages, des rêveries,
des
recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et u
3263
jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins,
une
longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine,
3264
oins, une longue aventure sérieuse et incertaine,
un
peu sale et un peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on
3265
e aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et
un
peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec de
3266
certaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’
une
très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans les b
3267
ée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec
des
bonheurs fous dans les bras maternels, ou bien dans ces promenades en
3268
… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’
une
dissonance douloureuse. 3 Deux angoisses dominent mon enfance : les s
3269
fance : les séances chez le dentiste et l’horaire
des
leçons. Ce malaise inavouable, cette règle méchante, ce souci qui ren
3270
loi. La première classe fut agréable : j’alignais
des
bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais délicieusement seul parmi
3271
alignaient leurs bâtons en rêvant à leur manière.
Un
jour cela m’ennuya. Sachant lire, je ne pensais pas devoir suivre syl
3272
voir suivre syllabe après syllabe les ânonnements
des
élèves qui déchiffraient les premières phrases exemplaires. (J’aimais
3273
e savais rarement où l’on en était. Cela m’attira
des
reproches acides, et naturellement, la phrase sacrée : « Il faut que
3274
iant, sans cesse en garde contre moi-même à cause
des
autres desquels il ne fallait pas différer, profondément hypocrite do
3275
et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans
un
certain domaine, c’est vrai. (Il y a encore des poètes pour nous fair
3276
ns un certain domaine, c’est vrai. (Il y a encore
des
poètes pour nous faire comprendre avec enthousiasme que ces vérités-l
3277
« évidence » que je viens de citer, je découvris
un
jour qu’elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me f
3278
cause déterminante de notre malaise. Il me fallut
un
certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n
3279
e clef et n’osais m’en servir craignant peut-être
des
découvertes qui eussent ruiné trop de certitudes apprises. Enfin j’ou
3280
Numa Droz, par l’esprit petit-bourgeois, qui est
une
généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui son
3281
varice, et par les dogmes démocratiques, qui sont
une
généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un
3282
e la règle de trois, aussi profondément certes qu’
un
Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-il
3283
ces ressorts de la révolte et de la libération d’
une
personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de l
3284
sens de l’arbitraire et le sens de la relativité
des
décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme
3285
tout de suite jusqu’à les mettre en doute : mais
un
jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seco
3286
te : mais un jour je compris que ce n’étaient que
des
principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si é
3287
, si évident, si parfaitement soumis aux règles d’
une
arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait co
3288
t le seul pour lequel on nous préparait — c’était
un
système d’abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement org
3289
imaires, c’était le rêve raisonnablement organisé
des
esprits moyens, prosaïques et rassis qui tiennent aujourd’hui les cha
3290
nent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’
un
régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont étab
3291
grossières » comme celles qui touchent à l’action
des
étoiles par exemple. Mais nous avions acquis le respect des statistiq
3292
s par exemple. Mais nous avions acquis le respect
des
statistiques. Nous savions que les miracles ne trompent que les illet
3293
édulité et le bien-être matériel. Nous savions qu’
un
fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvio
3294
l. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’
un
petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que
3295
le part ailleurs. Nous arrivions dans la vie avec
des
mentions honorables et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec
3296
vions dans la vie avec des mentions honorables et
une
inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec des titres pour mépriser to
3297
et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec
des
titres pour mépriser toute valeur simplement humaine, et une honte se
3298
pour mépriser toute valeur simplement humaine, et
une
honte secrète qui exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Mais m
3299
vie. 3. Dans le cas le plus favorable, c’est
un
silence, un vide. C’était en dehors de la vie.
3300
Dans le cas le plus favorable, c’est un silence,
un
vide. C’était en dehors de la vie.
3301
amais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à
un
bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solu
3302
l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’
un
instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continui
3303
solution de continuité, la différence n’était qu’
une
question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans
3304
je vais dire est sans doute injuste et faux dans
un
très grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’in
3305
ut être défini par son incompréhension méthodique
des
hommes et son mépris pour les paysans. Qu’il soit officier ou troupie
3306
u’il soit officier ou troupier, on le reconnaît à
une
façon pédante d’être consciencieux, à une façon blessante d’être supé
3307
nnaît à une façon pédante d’être consciencieux, à
une
façon blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’expliquer l
3308
ncieux, à une façon blessante d’être supérieur, à
une
façon livresque d’expliquer les choses, à une façon théorique de juge
3309
, à une façon livresque d’expliquer les choses, à
une
façon théorique de juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (b
3310
a petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à
une
élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule
3311
r de m’échauffer inutilement. Si l’on me poussait
un
peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les institu
3312
que les instituteurs antimilitaristes qui signent
des
manifestes en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excelle
3313
la même maladresse professionnelle. J’en connais
un
qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : «
3314
elle. J’en connais un qui avait coutume de dire à
une
classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante
3315
magine à quoi peut mener l’enseignement donné par
des
êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque, pendan
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prègne l’enseignement primaire constitue l’apport
des
instituteurs, ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes de l’Éc
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e.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal
des
petits-bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe
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tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est
un
véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre
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a voit. Après les personnes, le décor. La laideur
des
« collèges » n’est pas accidentelle. C’est celle même du régime. L’ar
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hitecture de nos « palais scolaires » symbolise d’
une
façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la co
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ntrons, c’est pire encore. Beaucoup d’enfants ont
un
frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche :
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urinoirs qui imprègne les corridors et les habits
des
écoliers empeste encore mes souvenirs. Et la poussière dans l’air, l’
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l’air, l’encre sur les tables — c’était pourtant
un
refuge pour l’imagination que ces initiales, ces signes, ces devises…
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de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est
un
grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatric
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ture. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’
un
tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la v
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jà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas
un
: mais l’absence de style est encore un style : c’est même le pire.
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n est pas un : mais l’absence de style est encore
un
style : c’est même le pire.