1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 peut-être prématuré, tout au plus peut-on dire qu’ à l’heure présente déjà, son œuvre, comme celle de Barrès, nous offre p
2 ’énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’ à ce jour au moins, cette inquiétude libératrice que produit la recherc
3 ne langue plus compliquée encore et nuancée jusqu’ à l’ennui. La guerre a donné le coup de grâce à cet esthétisme énervant
4 on appelle symbolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine de M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et c
5 un peu intimidantes. Toute une partie du Paradis à l’ombre des épées 1, son dernier livre, est consacrée à « fondre dans
6 bre des épées 1, son dernier livre, est consacrée à « fondre dans une unité supérieure » l’antinomie de l’esprit catholiq
7 lontiers qu’il n’est pas une opinion sur le monde à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique de M. d
8 e à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique de M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du
9 d’herbe, c’est une allégresse héroïque qu’infuse à son corps la douce matière. L’air et le sol, dieux rivaux, se le disp
10 e du sport. On accepte une règle ; on l’assimile, à tel point qu’elle n’est plus une entrave à la violence animale déchaî
11 imile, à tel point qu’elle n’est plus une entrave à la violence animale déchaînée dans le corps du joueur à la vue de la
12 en vain. Le chef se dresse entre les dix qui sont à lui. Il dit : « Je ne demande pas qu’on m’aime. Je demande qu’on me s
13 et purs courages, donnez-moi votre silence jusqu’ à l’heure. Que je taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre des
14 re. Que je taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien de moins artificiellement moderne que ce lyr
15 . « La faiblesse est mère du combat. » C’est donc à un lacédémonisme renouvelé que nous conduirait cette « éthique du spo
16 oit pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-il pas à combattre certaines faiblesses 
17 i l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-il pas à combattre certaines faiblesses : il développe ses qualités, le reste
18 nt, qui a quitté le stade, se rendra mieux compte à distance de la contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre. L’inté
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
19 la peinture française, des débuts du xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme de David et d’Ingres, les peintres f
20 ci revenus, après cent-vingt-cinq ans, à peu près à leur point de départ. Mais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils
21 uable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon de pei
22 mes qualités : car la façon de peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili.
3 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
23 1926)c M. René Guisan, professeur de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, ina
24 théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un très nombreux public, la série des conférences que
25 e. Mais très vite on étend l’appellation de saint à ceux qui par leur élévation morale ou leurs souffrances semblent s’êt
26 e de leur vie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’adresser le culte, en son cœur, du croyant. Le centre de g
27 ’état de choses antérieur. Donc l’Église continue à faire des saints, tandis que ce terme n’a plus qu’un sens relatif pou
28 lise. M. Guisan va très loin dans ses concessions à de telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus de f
29 le scrupule d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse avec autant de compréhen
30 on et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses conclusions cette sécurité dont trop souvent un brillant appareil
4 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
31 d’étudiants eurent lieu au printemps, et non plus à Sainte-Croix, mais à Aubonne. Un plein succès a répondu à cette innov
32 eu au printemps, et non plus à Sainte-Croix, mais à Aubonne. Un plein succès a répondu à cette innovation. Le sujet de la
33 -Croix, mais à Aubonne. Un plein succès a répondu à cette innovation. Le sujet de la première partie des conférences, les
34 mystique une explication scientifique. C’est donc à la seule volonté de choisir. M. le pasteur Bertrand de Lyon, répondit
35 tique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompre les discussions philosophiques provoqu
36 les milieux d’ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec une passion contenue d’hommes qui ont v
37 lent et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez à nous pour nous aider. Nous saurons nous compromettre, si nous écopons
38 ultes en trois jours, cela peut paraître excessif à qui n’a pas connu l’atmosphère particulière à ces rencontres. Rien de
39 sif à qui n’a pas connu l’atmosphère particulière à ces rencontres. Rien de plus aéré, au moral comme au physique. Chacun
40 français. Miracle qui nous fit croire un instant à la fameuse devise de la Révolution. d. Rougemont Denis de, « Confé
5 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
41 mina sous le plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’y voir un symbole. On ne saurait exagérer l’importance des
42 ’une telle rencontre : tout alla froidement jusqu’ à ce que la bise tombée permît à « l’atmosphère » de s’établir. Alors l
43 a froidement jusqu’à ce que la bise tombée permît à « l’atmosphère » de s’établir. Alors le miracle apparut, grandit. Le
44 ans la recherche. Chose plus rare qu’on ne pense, à Aubonne on se sent prêt à tout lâcher pour une vérité nouvelle, on ti
45 t lâcher pour une vérité nouvelle, on tient moins à convaincre qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson, de Brémon
46 e vérité nouvelle, on tient moins à convaincre qu’ à se convaincre. Après les exposés de Janson, de Brémond, j’en sais plu
47 nt en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le mesure a
48 if à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de Maury sur Jacques Rivière : combi
49 prétendit qu’on ne peut juger les Associations qu’ à leur façon de jouer le volley-ball ? Le Casino offrit pendant quelque
50 le manifester ! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit
6 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
51 comprenons que nos œuvres, si elles furent faites à l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est pe
52 pe du pied —, ces désirs, ce corps… J’ai un passé à moi, un milieu, des amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres forces e
53 onde devait voir en moi une tare que j’étais seul à ignorer, était-ce ma fatigue seulement qui me rendait toutes choses s
54 rave, si fondamentale que je préférais me leurrer à combattre des imperfections de détail dont je m’exagérais l’importanc
55 je m’avouai un trouble que je me refusai pourtant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond de tous les plaisirs, cet
56 re quand il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul l
57 ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul liait les personnages auxqu
58 liberté agissante. J’allais plier des résistances à mon gré, agir sur les choses… Vers le soir, l’ardeur tombe : agir ? d
59 : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche qui n’a
60 herche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre pleinement. En priant, je m’arrête parfois, heureux : « J’ai do
61 recevrai pas une foi, mais peut-être arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il est une révélation, c’est en me re
62 je puis devenir. Se perfectionner : cela consiste à retrouver l’instinct le plus profond de l’homme, la vertu conservatri
63 uction et vers la construction ; c’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire pr
64 élange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est pas encore parfa
65 nce de Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouver ces limites : la vie moderne, mécanique, nous les fait oubl
66 état qui peut m’être dangereuse. (On donne corps à une faiblesse en la nommant ; or je ne veux plus de faiblesses4.) Et
67 mesure où j’en dépends, je me dois de m’employer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une doctrine, me
68 ends, je me dois de m’employer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une doctrine, me dit-on. L’avouerai
69 e vite le sentiment d’être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment surmonter un malaise sans cess
70 malaise sans cesse renaissant, comment m’adapter à l’existence que m’imposent mon corps et les lois du monde, et comment
71 n… Reprendre l’offensive — au soir, je m’amuserai à mettre des étiquettes sur mes actes… Déjà je sens un sourire — en son
72 mes actes… Déjà je sens un sourire — en songeant à ces raisonnements que je me tiens — plisser un peu mes lèvres, et s’a
73 tiens — plisser un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme un écho profond, une attirance au
74 être que spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire des idées qui m’aideront. Une fois écrites elles prennent un c
75 en quoi ma sincérité est tendancieuse. 5. Quant à adhérer à une doctrine toute faite, ce me semble une dérision complèt
76 a sincérité est tendancieuse. 5. Quant à adhérer à une doctrine toute faite, ce me semble une dérision complète. Je m’ét
7 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
77 ujet était périlleux : si particulier, il prêtait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou
78 sente un peu l’étable ? L’étonnant, c’est de voir à quel point Montherlant reste poète jusque dans la description la plus
79 tement parce qu’il est poète qu’il peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une perpétuelle palpitation de vie an
80 faufilent des douceurs au bas des jambes », jusqu’ à ces chats qui griffent et lèchent alternativement, « en vraies bêtes
81 mme et la bête une sympathie que Montherlant note à plusieurs reprises. C’est « par la divination de cet amour qu’Alban (
82 u avaient un reflet bleu clair, soudain inquiètes à l’approche de l’inconnu. Nulle part mieux que dans la description de
83 se manifeste ce passage du réalisme le plus hardi à un lyrisme plein de simple grandeur. Voici la mort du taureau dit « l
84 dirent peu à peu, comme un corps qu’on gonflerait à la pompe, tandis que dans cet agrandissement les articulations grinça
85 ’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et com
86 ec emphase à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son â
87 un moraliste de grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devient naturel ce cri de sagesse orgueilleuse : « Qu
88 ion de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu à peu obsède dans l’inflexion des phrases, ce
89 t de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’être
90 de douloureux, où ces problèmes viennent se poser à l’esprit, profitant de son désaccord avec la vie. Ni métaphysicien, n
91 l d’Alban — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les s
92 ne solution aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant s’abando
93 s, ne vaudrait-il pas autant s’abandonner parfois à ces forces obscures qui nous replacent dans l’intelligence de l’insti
94 elligence de l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemment contractée, par la grâce de l’éternel
8 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
95 le chemin de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’un char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (T
96 e atmosphère de triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur du fleuve est son parfum, le soleil rouge sa douleu
97 e ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus de sens, comme le fleuve. El
98 gtemps — où va l’âme durant ces minutes ? — jusqu’ à ce que les bœufs ruisselants remontent sur notre rive. Fraîcheur humi
99 une buée sans couleurs, nous quittons un mystère à jamais impénétrable pour l’homme, nous fuyons ces bords où conspirent
100 rit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’êtr
101 n silence. Nature ! qui nous enivrait, promettant à nos sens, fatigués de l’esprit qui les exerce, des voluptés plus faci
102 t beau d’y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des rues. Le long de l’Arno, les façades sont jaunes
103 ur par personne et les devantures ne cherchent qu’ à vous plaire. Chaque ruelle croisée propose un mystère qu’on oublie po
9 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
104 , aux yeux clairs. Il déplia le journal et se mit à lire les pages d’annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus f
105 avait posé son journal. Soudain, portant la main à son gilet, il en retira trois dés qu’il jeta sur la table. Les yeux b
106 t je les bus. D’autres encore. Ma tête commençait à osciller vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient d’une joie i
107 le que je savais très clairement que je gagnerais à tout coup. L’étranger se mit à discourir. Et dans mon ivresse, ses pa
108 t que je gagnerais à tout coup. L’étranger se mit à discourir. Et dans mon ivresse, ses paroles peignaient des tableaux m
109 ois quels chemins de perdition j’ouvre sans cesse à ta course aveugle ; tu n’aurais pas trouvé ça tout seul, avec tes air
110 ion, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situations complètement démodées et d’intrigues
111 complètement démodées et d’intrigues usées jusqu’ à la corde, jusqu’à la corde pour les pendre, ha ha ha ! Tu pensais que
112 dées et d’intrigues usées jusqu’à la corde, jusqu’ à la corde pour les pendre, ha ha ha ! Tu pensais que j’allais me cramp
113 ha ha ha ! Tu pensais que j’allais me cramponner à cette espèce de bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’
114 nner à cette espèce de bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aussi sur le dogme l’argent-fait
115 onheur. En somme, tu croyais que j’allais adhérer à l’idéologie socialiste, gros farceur, va. Quand je songe à tous ces g
116 ogie socialiste, gros farceur, va. Quand je songe à tous ces gens qui perdent leur vie à la gagner9, et leur façon inexpl
117 and je songe à tous ces gens qui perdent leur vie à la gagner9, et leur façon inexplicable de lier des valeurs morales au
118 dans la classe d’impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier de plai
119 leurs lâchetés, glorification de leur impuissance à concevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont reçu de papa-maman et
120 s jaunes. Ah ! perdre, perdre ; et c’est toujours à qui perd gagne ! Sauter follement d’une destinée dans l’autre, de dou
121 riblement, sauf un ou deux qui s’imaginent gagner à mes dépens, témoin ce brave homme qui est en train de me soutirer les
122 ait mes pensées. Je vis qu’une femme était assise à notre table, en robe rouge, et très fardée. Elle jouait avec la rose.
123 ire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il f
124 n’ai jamais revu l’étranger. Quelquefois je songe à ses paroles — ou peut-être n’étaient-ce que celles de mes folies ? Je
125 e me répète : paradoxes, mais cela ne suffit plus à m’en délivrer. Ma vie m’a repris, je ne suis pas heureux. Je sais trè
126 e avec inquiétude, parce que je ne suis plus tout à fait le même. Puis elle me laisse, parce que le lait va monter. Alors
10 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
127 ier 1927)j Le sujet que M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres de Grenoble, traita mardi soir à la Grande sal
128 aculté des lettres de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle des Conférences, devant un très bel auditoire, est un
129 cation, la France passa de la plus grande liberté à la plus grande tyrannie. En proclamant la liberté religieuse, Henry I
130 a liberté religieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête de la civilisation ; en interdisant aux réformés d’exercer le
131 e Trente Ans, l’orateur expose comment on en vint à la révocation. C’est d’abord l’influence du clergé, jaloux de ses dro
132 ens conciliant fort bien leurs intérêts immédiats à leur désir de gagner le ciel, persuadent Louis XIV que la révocation
133 vaincre. D’ailleurs, les jésuites ont déjà réussi à « tourner » l’édit par mille arguties juridiques. Et les statistiques
134 Et les statistiques faussées peuvent faire croire à une très forte diminution du nombre des protestants. Aussi ne s’effra
135 ences funestes de l’acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la confession d’Augsbourg) et surtou
136 u pape, les catholiques sont loin d’être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois,
137 révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs d
138 tient d’en faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’Albert
139 trouver bientôt dans l’ouvrage qu’il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et d’une si éléga
11 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
140 u’elle fut au siècle passé ? Allons-nous assister à un regroupement de ses forces créatrices ? La question est peut-être
141 r que l’un au moins des deux éléments nécessaires à ce regroupement existe : il y a de jeunes peintres neuchâtelois. Quan
142 e : il y a de jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà de discerner parmi eux certaines tendan
143 souvent fatale aux novateurs. Alors ils s’en vont à Paris, ou bien ils se retirent dans une solitude plus effective, quit
144 retirent dans une solitude plus effective, quitte à nous revenir munis du passeport indispensable d’une consécration étra
145 s-Royce et fortune faite, tout le monde s’accorde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils d’un tel père. « Voilà le tr
146 Du benjamin, Eugène Bouvier, qui a 25 ans, jusqu’ à André Evard, qui en a près de 50, si les peintres dont nous allons pa
147 es avant tout. D’autre part je préfère la légende à l’histoire comme la peinture à la photographie. Une œuvre d’art est u
148 préfère la légende à l’histoire comme la peinture à la photographie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer de contagio
149 me prémunir par le moyen d’aucun de ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’art diplômé. Premier péch
150 tes. Meili est devenu plus net, plus cruel aussi. À Marin, près Neuchâtel, dans cette petite maison qu’on reconnaissait e
151 ts batiks, il s’est livré pendant quelques années à des recherches un peu théoriques et abstraites. De cette époque daten
152 sse et parfait. Trop parfait seulement. Il manque à ces recompositions de la nature, à ces natures remises à neuf, l’impe
153 ent. Il manque à ces recompositions de la nature, à ces natures remises à neuf, l’imperfection humaine qui touche. Mais l
154 ecompositions de la nature, à ces natures remises à neuf, l’imperfection humaine qui touche. Mais l’atmosphère pure de ce
155 i regarde ailleurs… Qu’il sorte enfin et se mette à graver les scènes qu’il voit dans la petite cité ouvrière, et c’est m
156 tte « simplicité précieuse », il sait la conférer à tout ce qu’il touche, qu’il décore une bannière, fabrique une poupée,
157 ine germanique, mais qui a choisi de s’astreindre à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épurant dans des form
158 é n’est pas de ceux pour qui la peinture consiste à habiller une idée. Voyez son portrait de Meili : il ne prend pas le s
159 ourde, son pinceau la palpe, la presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses
160 s peu parmi les jeunes qui vouent tout leur amour à la peinture pure. Je crois même que, Paul Donzé touché à son tour par
161 inture pure. Je crois même que, Paul Donzé touché à son tour par la grâce décorative, il n’en reste qu’un, du moins à Neu
162 a grâce décorative, il n’en reste qu’un, du moins à Neuchâtel même : Eugène Bouvier. Ce garçon aux allures discrètes prom
163 u’on ne croit, mais il a toujours l’air de songer à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa première et Neuc
164 eilleurs de nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces faciles ou sentimentales. Il y a une sorte d’aristocratiqu
165 tmosphère de l’œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout devient satisfaisant. Ce lyrique, ce mysti
166 ant tout. Mais la nostalgie de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épanouissent sur les toile
167 ert ou comment on passe en cinq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles Humbert ne d
168 nait des natures mortes qui décidément l’étaient, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’une bizarre fantaisie,
169 C’était, je crois, le vrai Humbert qui commençait à s’affirmer. Puis il y eut une période intermédiaire, un peu pénible.
170 l’enterrement s’éloigne pour entonner une chanson à boire. Et sa technique auparavant volontairement maigre se faisait tr
171 ui la mue semble s’être opérée. Humbert est rendu à lui-même. Il atteint son équilibre et sa maîtrise avec une toile comm
172 de la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa fougue originale. Il y en a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il
173 rère Charles Barraud, qui lui, passe ses journées à vendre des couleurs, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que l
174 ui lui, passe ses journées à vendre des couleurs, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que les visages qui s’y refl
175 si beaux que ceux qu’il peint ou modèle, le soir, à la lampe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi, d’un œil regard
176 peintres. — Vous suivez la même route que nous ? À la bonne heure ! ». Et l’on repart bras dessus, bras dessous. Et l’on
177 Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des tableaux mystérieux qu’il relègue dans son atelier, pêle-mê
178 essin d’horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mouvement perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’est un Evard 
179 que palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où sous un éclairage très net, mais inusité, l’objet le plus
180 la perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges
181 ies ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges à chimères. C’est ainsi qu’on fait une découverte. Attention qu’André E
182 u’André Evard n’aille trouver une de ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier ou artiste pour ch
183 est ainsi qu’il atteint d’emblée dans ses statues à un beau style dépouillé et hardi. Mais il y avait quelque lourdeur da
184 plus grande harmonie de lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste un heureux équilibre entre le
185 ions décoratives qui pourraient aboutir peut-être à la formation d’un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D
186 s quelle mesure de tels groupements correspondent à une réalité artistique. Pour aujourd’hui, notre but serait suffisamme
187 iginale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’une maigre végétation artistique. Pays o
188 artistique. Pays où l’on préfère la netteté utile à l’harmonie des lignes ; où la lumière éclaire plus qu’elle ne caresse
12 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
189 Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)m À Pierre Jeanneret et à son ét
190 Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)m À Pierre Jeanneret et à son étoile nervalienne. Je vins à Vienne pour
191 Gérard (24 mars 1928)m À Pierre Jeanneret et à son étoile nervalienne. Je vins à Vienne pour fuir l’Amérique. Mais
192 e Jeanneret et à son étoile nervalienne. Je vins à Vienne pour fuir l’Amérique. Mais les Viennois avaient fui dans les o
193 tourniquet anéantissait cette Vienne tout occupée à ressembler à l’idée qu’on s’en fait. Le Ring, trop large, ouvert au v
194 éantissait cette Vienne tout occupée à ressembler à l’idée qu’on s’en fait. Le Ring, trop large, ouvert au vent glacial,
195 centre de la ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement des balles perdues d’une révolution. Sept
196 ofesse qu’un désir vraiment pur parvient toujours à créer son objet, de même qu’atteignant certain degré d’intensité, un
197 iments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’un romantisme viennois, je fus conduit, p
198 conduit, par une sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’Hoffmann. Je comprends aujourd’h
199 u théâtre, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonst
200 parois, noir et blanc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par i
201 end d’aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et me
202 ndonné à l’évocation d’un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais la musique est si légère, la
203 ne se détournait. Comment pouvais-je être le seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez d’atte
204 is déjà reconnu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance
205 ait une cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance très moderne. Il n’y ava
206 nde dans les rues. Des jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air de ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n’a guère
207 une des seules réalités qui correspondent encore à l’image classique de Vienne. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, d
208 tance folâtre qui cache une incapacité définitive à se passionner pour quoi que ce soit. Cette ville, qui est toute cares
209 mais pour d’autres raisons qu’eux, probablement… À ce moment, comme nous traversions une rue sillonnée de taxis rapides,
210 les paires de pinces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le homard avait rougi : il conserva toute la
211 gnifique couleur orangée. Gérard semblait habitué à ces sortes de scènes. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard l
212 a de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie des sentiments, à un manque de caractère aussi. L
213 ’attribuait à une certaine anémie des sentiments, à un manque de caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’a
214 du monde depuis si longtemps. Livrons-nous plutôt à une petite malice dont l’idée me vient à la vue de cette vendeuse de
215 ouges en lui expliquant qu’elle devait les donner à la première jolie femme qui passerait seule. Nous nous arrêtâmes non
216 ui passerait seule. Nous nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps pré
217 n, à une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les revêtiraient. Vint à pas pressés
218 ner les corps précieux qui les revêtiraient. Vint à pas pressés une jeune femme, chapeau rouge et manteau de fourrure bru
219 ous trahit ; elle finit donc par accepter et vint à nous avec un sourire du type le plus courant : « Vous êtes bien genti
220 bien gentils, messieurs ! » Il n’y avait plus qu’ à lui prendre chacun un bras, une femme pour deux hommes — et ce fut bi
221 quelque chose d’imprévu, la seule chose contraire à la coutume viennoise. L’enfant était charmante, comme elles le sont p
222 e pêche miraculeuse — c’est une façon de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon de parle
223 osé, avec des femmes qui élargissent des sourires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de
224 s lieux : cet orchestre triomphant suffit à peine à toucher leurs sens fatigués et épaissis. Regardez ces yeux mornes, ou
225 s élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la démocratie des plaisirs achetés au détail dans une foire éclatante
226 ’ombre de cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but. Vous savez, je lance mes filets dans l’eau
227 noire et blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe de cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux m
228 umeur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’ à l’insensibilité et l’Illusion étendait sur toutes choses une aile d’o
229 Plus tard, dans un petit bar laqué de noir jusqu’ à mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant le plafond à caisso
230 puis couvert de glaces qui, reflétant le plafond à caissons dorés, l’étendent indéfiniment — c’est un ciel suspendu asse
231 vrai drame de son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des généalogies étourdissantes qui commencent
232 es, des généalogies étourdissantes qui commencent à des dieux et finissent aux pierres précieuses en passant par toutes l
233 Il plaisante. Il dit que la vie ressemble surtout à un film où les épisodes s’appellent par le simple jeu des images, se
234 une vie résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a sous le soleil, et même ailleurs. Croyez-moi, ce qu
235 ine, de temps en temps, s’il parlait à voix basse à son homard, qui semblait d’ailleurs endormi. En passant par la Freyun
236 s cent pas dans la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au
237 he ou s’accoudaient à la banquette d’une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement du bec de gaz
238 t la boutique, et que le vent menaçait d’éteindre à chaque instant, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu’il en éta
239 e fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et ailleurs « Wienerli 
240 illeurs « Wienerli ». Soudain les autos se mirent à ronfler. Par le grand escalier, au fond de la cour du palais, descend
241 aux faces maigres qui ressemblaient terriblement à d’anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et la silhouette échassiè
242 is Gérard ? Ses yeux s’étaient fixés intensément, à la sortie des invités, sur une femme qui s’en allait toute seule vers
243 e femme qui s’en allait toute seule vers une auto à l’écart des autres. Une femme aux cheveux noirs en bandeaux, au teint
244 les journaux du matin, des triporteurs passèrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens
245 me fouettée ». m. Rougemont Denis de, « Un soir à Vienne avec Gérard », La Nouvelle Semaine artistique et littéraire, N
13 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
246 u’il n’est pas encore quelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il est. C’est une autre manie de sa génération. Mais là
247 illet suivant, entraîne le lecteur par ruse jusqu’ à la dernière page, et là déclare froidement ne pas exister. Non : il a
248 ble de travail, de façon à pouvoir s’y surprendre à tout instant. Cet exercice — essayez ! — ne tarde pas à devenir obséd
249 instant. Cet exercice — essayez ! — ne tarde pas à devenir obsédant. Stéphane passe des heures entières à se regarder da
250 enir obsédant. Stéphane passe des heures entières à se regarder dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumièr
251 oup d’autres hiatus de ce genre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigué, il veut voir encore cette
252 ’aveu qu’il en consent l’attache plus secrètement à son aventure. Nous vivons dans un décor flamboyant de glaces. À chaq
253 Nous vivons dans un décor flamboyant de glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête, son portrait en pied. Il se
254 écor flamboyant de glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête, son portrait en pied. Il se voit dans l’acte de se
255 opre regard ? Il n’y a plus que cette incantation à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude d’être. Mais il s’épuis
256 perstitions. Enfin cette expérience folle le mène à une découverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer :
257 Cette histoire idiote, d’ailleurs vraie, se borne à décrire l’aspect psychologique d’une aventure qui en a bien d’autres,
258 besoin de définir, par défiance envers les dieux. À chaque regard dans notre miroir, nous perdons une Eurydice. Les miroi
259 e dans d’autres yeux, c’est pourquoi il fait peur à certaines femmes. Un soir, après quelques alcools et un échange de p
260 comme on meurt dans une naissance. Stéphane naît à l’amour et à lui-même conjointement. Plusieurs ivresses l’ont envahi
261 rt dans une naissance. Stéphane naît à l’amour et à lui-même conjointement. Plusieurs ivresses l’ont envahi bruyamment, b
262 i reçoivent en même temps leur réponse, il répète à plusieurs reprises : « Je ne sais pas : je suis !… Je ne sais plus… m
263 nt pour abaisser tous les regards. Stéphane rendu à la santé écrivait : « Ton visage me cache tous les miroirs » — à une
264 vait : « Ton visage me cache tous les miroirs » — à une femme qu’il aimait. n. Rougemont Denis de, « Miroirs, ou Comme
14 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
265 arches de l’esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et dont certains des plus purs d’entre nous se préparent à t
266 certains des plus purs d’entre nous se préparent à tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage de l’émouvante Bettin
267 ndément pour qu’aujourd’hui le hasard qui m’amène à Tubingue ne soit pas seulement un hasard… Hier, c’était la Pentecôte.
268 isage de jeune fille qui rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans sa vie cette double venue de l’amour et du
269 où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’un « Hypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « N
270 udiants au crâne rasé se promènent un roman jaune à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse de jour férié, les cl
271 ombres, qui paraîtraient immenses s’ils n’étaient à demi encombrés d’armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me con
272 on de marbre) — Ça, c’est Diotima. » On rougirait à moins. — « Je ne puis pas parler de lui, ici à Francfort, écrivait Be
273 it à moins. — « Je ne puis pas parler de lui, ici à Francfort, écrivait Bettina, car aussitôt l’on se met à raconter les
274 cfort, écrivait Bettina, car aussitôt l’on se met à raconter les choses les plus affreuses sur son compte, simplement par
275 adre les lettres des amants, on propose le couple à l’admiration des écoliers en promenade, et le guide désigne familière
276 milier, paisible au soleil. Il passait des heures à cette fenêtre, à marmotter. Vingt-sept ans dans cette chambre, avec l
277 au soleil. Il passait des heures à cette fenêtre, à marmotter. Vingt-sept ans dans cette chambre, avec le bruit de l’eau
278 ne vient pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts de
279 de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À quatre heures, l’orchestre s’est mis à jouer des ringues charmantes,
280 rronniers. À quatre heures, l’orchestre s’est mis à jouer des ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de mai. Le
281 dans la musique. Je n’aime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume de bain, qui pagayent vigoureusement, les dents
282 fil de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des adolescents balafrés font des signes énergique
283 s adolescents balafrés font des signes énergiques à une compagnie de cavaliers qui passe devant la statue d’Eberhard le B
284 Lui aussi a vécu dans cette ville, tout semblable à ces théologiens aux yeux voilés, aux pantalons trop courts, qui se pr
285 Il a eu tort, sans doute. Tout le monde s’accorde à trouver malsain ce genre de tentatives : cela ne peut que mal finir.
286 utorisé des générations de « bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains,
287 onc que l’un des deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facilité, c’est qu’
288 comme elle paraît ici bien établie, triomphante, à beau fixe. Pourquoi troubler le miroir innocent de ces eaux, ces âmes
289 miroir innocent de ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est-ce qu’ils ne soupçonnent jamais rien ? Ou bien, p
290 insuffisant, transitoire, allusif. Tout se remet à signifier l’absence. 11. Bettina von Arnim-Brentano : Die Günderod
15 1930, Articles divers (1924–1930). Le prisonnier de la nuit (avril 1930)
291 1930)p I Depuis le temps qu’on tire du canon à son perdu depuis le temps que sonnent les marées à flots perdus sous
292 son perdu depuis le temps que sonnent les marées à flots perdus sous la coupole errante des prières à dieux perdus. II
293 flots perdus sous la coupole errante des prières à dieux perdus. II Je ne sais pas où tu m’entends mais ces hauts mur
294 rs des messages et des sanglots perdus qui rôdent à la recherche d’un corps faible. Je ne sais pas où tu m’attends mais
295 lôt voici ton heure au regard le plus pur je suis à toi dans le triomphe du silence sereine tu es toujours plus sereine i
296 op profond pour te voir ? Maintenant je suis seul à redescendre au jour dans l’aube sans refuges… VI Prisonnier de la n
16 1930, Articles divers (1924–1930). Au sujet « d’un certain esprit français » (1er mai 1930)
297 En vérité, ce temps est peu propice au mépris et à l’adoration : où que se portent nos regards, ils rencontrent des tale
298 regards, ils rencontrent des talents distingués. À cet ordre d’ambition convient seule l’activité de la critique. Trois
299 ds écrivains — Claudel, Gide, Valéry… — suffisent à nous rassurer sur la valeur littéraire de l’époque, mais non sur le s
300 re de l’époque, mais non sur le sort de l’esprit. À côté d’eux, s’écrient nos auteurs, « qu’on nous montre un seul França
301 pas le cœur sur les lèvres, qui ait quelque chose à dire, ou une qualité, une richesse d’âme comparable à celle d’un Goet
302 re, ou une qualité, une richesse d’âme comparable à celle d’un Goethe ou simplement d’un Rilke, par exemple… » — Exigence
303 e également démesurés, mais combien sympathiques, à l’heure où tout le monde exagère, à qui mieux mieux dans le sens de l
304 sympathiques, à l’heure où tout le monde exagère, à qui mieux mieux dans le sens de la médiocrité spécifiquement français
305 et je suppose que Beausire et Simond se livrèrent à ce petit jeu avant d’écrire —, que voyons-nous en effet ? Une grande
306 monde ; des jeunes gens qui ont fait leurs études à la Nouvelle Revue française , et qui ont, sur un tas de sujets pas i
307 ure de ses œuvres, si M. Brunschwicg croit ou non à la divinisation finale de l’homme par le progrès des sciences exactes
308 rois, comme disent beaucoup de gens, qui persiste à passer pour un écrivain ; alors qu’il est plutôt ce qu’autrefois l’on
309 ilieux » littéraires, l’un parce qu’il croit tout à fait, l’autre parce qu’il ne croit pas du tout, le troisième parce qu
310 u rendre inoffensifs. Il se pourrait très bien qu’ à cette génération ne soit échue qu’une œuvre de critique, impitoyable
311 out fut terminé, l’on interdit l’entrée du palais à nos trois amis (qui pourtant n’eussent pas demandé mieux que de recon
312 critique d’un certain état d’esprit moins facile à formuler qu’à décrire dans ses effets, et qui paraît affecter d’un co
313 certain état d’esprit moins facile à formuler qu’ à décrire dans ses effets, et qui paraît affecter d’un commun penchant
314 ssieurs — et qui pensent — ont la chance de vivre à l’une des époques les plus violentes de l’histoire humaine ; ils assi
315 s violentes de l’histoire humaine ; ils assistent à des bouleversements sociaux, moraux et surtout spirituels d’une porté
316 s pour ne point se laisser troubler. Ils tiennent à leurs petites inquiétudes domestiquées. Ils sont toujours pressés, ch
317 r génie que l’on sait se chargent de tout réduire à la raison, y compris la Révolution, thème rhétorique, y compris la Re
318 u’on s’y dévoue. Mais quoi ! cela peut vous mener à crever de faim, ce qui ne se porte plus, — voire même à paraître ennu
319 er de faim, ce qui ne se porte plus, — voire même à paraître ennuyeux13… Ils recherchent tous un équilibre, le trouvent b
320 n fait le tour des galeries du Lido : bien décidé à ne rien acheter qui mette en péril le budget mensuel. Ô sens de la me
321 D’ailleurs, c’est bien simple, si vous persistez à dédaigner cette vertu qu’il est vraiment trop facile de nommer l’avar
322 cile de nommer l’avarice française, il vous reste à choisir entre le sort de Nietzsche et celui de Schiller. Romancer la
323 e fait même de s’y essayer définit ce qu’on nomme à Paris prétention. Méditez un peu cette note de Beausire : « Barrès se
324 mposait de longues marches. Mais ne demandons pas à Barrès de quitter sa chambre, son cigare ou son moi. » 8. « La Franc
325 iterai deux petites phrases qui suffisent presque à situer la position d’attaque de nos auteurs : « Tout créateur néglige
326 . Ah ! très bien ! Mais qu’ensuite on fasse appel à Valéry ou au Surhomme, jamais absent d’ici, et je reprends ma liberté
327 -ce point oublier que l’existence du Christ donne à « l’humaine liberté » des limites d’une nature que Léonard ne soupçon
328 de valeurs « arbitraire », mais obligent l’homme à « assumer » d’autant plus héroïquement sa vérité — une vérité qu’il d
329 lèmes qu’il se pose sont le meilleur de l’homme — à condition qu’il les surmonte. « Car l’homme est quelque chose qui doi
330 nt pas insignifiants, voilà qui suffira peut-être à le justifier aux yeux de quelques-uns. Paris, avril 1930. 13. C’est
17 1930, Articles divers (1924–1930). « Vos fantômes ne sont pas les miens… » [Réponse à l’enquête « Les vrais fantômes »] (juillet 1930)
331 « Vos fantômes ne sont pas les miens… » [Réponse à l’enquête « Les vrais fantômes »] (juillet 1930)s t I Vos fantômes
332 ion entre « choses » et « fantômes » est relative à des habitudes individuelles, en dehors de quoi je ne lui vois pas de
333 on est assez indiscrète. II Il y aurait beaucoup à dire sur l’admiration dont certains littérateurs français témoignent
334 er, au hasard, des incantations tout juste bonnes à évoquer la basse pègre du monde spirituel. Ce n’est pas en détraquant
335 passant nos sens par notre intelligence, celle-ci à son tour par une volonté qui l’oriente vers certains états dont il ar
336 le une déficience de méthode, laquelle correspond à une certaine sécheresse d’âme. Car on ne voit que ce qu’on mérite. — 
337 l’esprit parviendra par sa puissance d’adoration, à se créer une part angélique. III L’amour, loin de causer une « désor
338 auser une « désorganisation du moral », multiplie à nos yeux les correspondances. Comprenons à ce signe qu’il nous transp
339 tiplie à nos yeux les correspondances. Comprenons à ce signe qu’il nous transporte dans un monde plus hautement organisé,
340 é des choses mesurait seulement notre impuissance à les aimer.) Dès lors, il ne s’agira plus de réduire les fantômes qui
341 psychologie. s. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Vos fantômes ne sont pas les miens… », Raison d’être, Pa
342 re, Paris, juillet 1930, p. 7-8. t. Les réponses à cette enquête, par Raoul Benveniste, Carlo Suarès, Joë Bousquet, Abel
343 listes et des charlatans ont hasardé des réponses à cette interrogation que posent tacitement toute forme de vie, et expl
344 expériences particulières, telles que les rêves ( à l’état normal) ou les hallucinations (à l’état pathologique), pour pr
345 es rêves (à l’état normal) ou les hallucinations ( à l’état pathologique), pour prendre des états concrets. »