1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 ent le monde. L’une vient de l’Orient, et insinue dans le monde romain les virus du christianisme, de la Réforme, de la Révo
2 t tout autre principe. Jusqu’ici, rien d’original dans cette conception simpliste du monde, qui n’est en rien différente de
3 cisme et du christianisme, le christianisme étant dans le même camp que la Réforme. M. de Montherlant n’est décidément pas p
4 is. Dernièrement, il abandonna le stade et rentra dans le monde où nous vivons tous. Écœuré du désordre général, il cherche
5 ent sous la main : le sport et la morale romaine. Dans sa hâte salvatrice, M. de Montherlant ne s’est même pas demandé si ce
6 es 1, son dernier livre, est consacrée à « fondre dans une unité supérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de l’esp
7 ment. Il me semble bien paradoxal de vouloir unir dans une même philosophie la morale jésuite, faite de règles et de contrai
8 suite, faite de règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initiative individuelles, et la
9 plus une entrave à la violence animale déchaînée dans le corps du joueur à la vue de la prairie rase où rebondit un ballon.
10 Ô garçons, il y a un brin du myrte civique tressé dans vos couronnes de laurier. Vous n’êtes pas couronnés d’olivier. La mai
11 pas couronnés d’olivier. La main connaît la main dans la prise du témoin. L’épaule connaît l’épaule dans le talonnage du ba
12 ans la prise du témoin. L’épaule connaît l’épaule dans le talonnage du ballon. Le regard connaît le regard dans la course d’
13 talonnage du ballon. Le regard connaît le regard dans la course d’équipe. Le cœur connaît la présence muette et sûre. Toute
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
14 Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)b Lundi soir, dans la salle
15 nture moderne » (30 octobre 1924)b Lundi soir, dans la salle du Lyceum, M. Conrad Meili parla des écoles qui représentent
16 ant le xixe siècle, une exploration merveilleuse dans les domaines du romantisme, du naturalisme, de l’impressionnisme, pou
17 ralisme, de l’impressionnisme, pour aboutir enfin dans ces impasses : cubisme et futurisme. Les voici revenus, après cent-vi
3 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
18 semblent s’être le plus rapprochés du Christ ; et dans l’Église persécutée, le martyre devient le signe par excellence de la
19 nce de la sainteté. Le peuple, encore païen, voit dans la vénération des pèlerins pour les tombes de leurs saints une forme
20 n formation. Au Moyen Âge l’évolution se continue dans le même sens. On spécialise les « compétences » des saints, ou de leu
21 nt de grandeur morale que les saints maintiennent dans l’Église. M. Guisan va très loin dans ses concessions à de telles cri
22 aintiennent dans l’Église. M. Guisan va très loin dans ses concessions à de telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec
23 de force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle de la vocation, le pro
24 a pas de saints protestants, il existe des saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de Dieu. La sa
25 mence qu’aux limites les plus hautes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas de saint
4 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
26 suivant M. A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de la théologie modern
27 rouva préciser bien des points laissés en suspens dans la première partie de la conférence. Puis M. A. Brémond, étudiant en
28 sité et les difficultés d’une action missionnaire dans ces milieux, comme M. Terrisse l’avait fait le soir avant pour les mi
29 rop courte. Et les repas réunissent tout le monde dans la gaieté la plus charmante. On y vit un ouvrier en maillot rouge ass
5 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
30 ’affirmer aux dépens d’autrui, — c’est la liberté dans la recherche. Chose plus rare qu’on ne pense, à Aubonne on se sent pr
31 e Maury sur Jacques Rivière : combien reconnurent dans le tourment de cette âme leur propre recherche, — et dans ses lumineu
32 tourment de cette âme leur propre recherche, — et dans ses lumineuses conquêtes sur le doute, le modèle des réponses désirée
33 n sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Après quoi Richardot, entrant par la fen
34 nférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit dans ces quelques notes. 3. Il suffit encore : f 2.50, nom et adresse.
6 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
35 es à l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est peut-être pourquoi nous accordons voix dans le débat
36 te ; c’est peut-être pourquoi nous accordons voix dans le débat d’écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme a
37 est que le jeu de sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ; je devins si faib
38 prêtais. Mais en même temps que je le découvrais, dans tout mon être une force aveugle de violence s’était levée. Ce fut ell
39  » Ce n’était plus une douleur rare que j’aimais dans ces brutalités, c’était ma liberté agissante. J’allais plier des rési
40 les choses… Vers le soir, l’ardeur tombe : agir ? dans quel sens ? Provisoirement j’étais sauvé d’un désordre où l’on glisse
41 ion… Je crois qu’il ne faut pas attendre immobile dans sa prière, qu’une révélation vienne chercher l’âme qui se sent miséra
42 ertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon dest
43 oindre résistance. Mais je ne m’emprisonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est de les porter plus loin sans cesse, de ba
44 rité m’apparaît parfois comme un arrêt artificiel dans ma vie, une vue stupide sur mon état qui peut m’être dangereuse. (On
45 x plus de faiblesses4.) Et demain peut-être, agir dans le monde, si je m’en suis d’abord rendu digne. L’époque nous veut, co
46 onscience. Je fais partie d’un ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’employer à sa sauvegarde o
47 s certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment surmonter
48 ciennes folies… Combat, oscillations silencieuses dans ma demi-conscience. Joie, dégoût, lueurs éteintes dans une nuit froid
49 ma demi-conscience. Joie, dégoût, lueurs éteintes dans une nuit froide. Les notes d’un chant qui voudrait s’élever. Puis enf
50 autre chose que moi, je vais m’oublier, me perdre dans une vie nouvelle : (Créer, c’est se surpasser). J’entends des phrases
7 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
51 rlant n’a pas toujours échappé, mais qu’il domine dans l’ensemble et entraîne dans l’allure puissante à la fois et désinvolt
52 pé, mais qu’il domine dans l’ensemble et entraîne dans l’allure puissante à la fois et désinvolte de son récit. On a souvent
53 voir à quel point Montherlant reste poète jusque dans la description la plus réaliste de la vie animale. Et n’est-ce pas ju
54 ux entendu au-dessus de la mer », il y a toujours dans un coin du tableau des ruades, des chevaux qui partent tout droit, la
55 à l’approche de l’inconnu. Nulle part mieux que dans la description des taureaux ne se manifeste ce passage du réalisme le
56 un corps qu’on gonflerait à la pompe, tandis que dans cet agrandissement les articulations grinçaient, avec le bruit d’un c
57 t la chère plaine. De tels passages qui abondent dans les Bestiaires font pardonner bien d’autres pages de vrais délires ta
58 tieux, de grands symboles païens, et l’on se perd dans un syncrétisme effarant, où Mithra, Jésus, les taureaux et Alban conf
59 us, les taureaux et Alban confondent leurs génies dans une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on
60 e nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce q
61 qui perce à chaque page, ce qui peu à peu obsède dans l’inflexion des phrases, ce qui s’élève en fin de compte de tous ces
62 problèmes de l’heure. La violence même qui sourd dans son être intime l’en empêche, le préserve des états d’incertitude dou
63 es, sociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit les choses sentimentales. Le
64 ment vers la vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan de grandeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d
65 parfois à ces forces obscures qui nous replacent dans l’intelligence de l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus
8 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
66 açades longues que la ville présente au couchant, dans ce corridor de lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle
67 es et le vert dur des berges : un malaise montait dans l’air plus frais, avec l’odeur du limon. Nous marchions vers ces haut
68 es lumières et des odeurs, espérant entrer là-bas dans je ne sais quelle harmonie plus reposante. Cette imparfaite accoutuma
69 (Tu parlais de chromos, de romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange.) Une atmosphère de triste volupté empl
70 ’Italie des poètes… Mais ce pays tout entier pâmé dans une beauté que saluent tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui de
71 tude. Vivre ainsi simplement. Sans pensée, perdus dans un soir de n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une pla
72 e inouïe de pureté. Deux phrases rapides ondulent dans l’air lourd. Le chant descend très doucement la berge, les bœufs s’en
73 end très doucement la berge, les bœufs s’engagent dans le marais, cherchant le gué. Plus proches, les syllabes nous parvienn
74 e. Elle n’est qu’odeurs, formes mouvantes, remous dans l’air et musiques sourdes. Penser serait sacrilège, comme une barre d
75 e est venue comme une envie de sommeil. Une lampe dans la maison blanche nous a révélé proche la nuit. Nous nous sommes reto
76 colline. Derrière nous, les arbres se brouillent dans une buée sans couleurs, nous quittons un mystère à jamais impénétrabl
77 qui ne parle jamais. Nous fûmes si près de choir dans ton silence. Nature ! qui nous enivrait, promettant à nos sens, fatig
78 exerce, des voluptés plus faciles — pour infuser dans nos corps charmés d’un repos sans rêves une langueur dont on ne voudr
79 ait plus guérir… Mais nous voyons la ville debout dans ses lumières. Architectures ! langage des dieux, ô joies pour notre j
80 sont jaunes et roses près de l’eau, puis perdent dans la nuit leurs lignes graves. Toutes ces formes devinées dans l’espace
81 t leurs lignes graves. Toutes ces formes devinées dans l’espace nous environnent d’une obscure confiance. Livrons-nous aux j
82 iques, Donizetti qui pleure délicieusement jusque dans les gestes des passantes. Sous cette agitation aimable et monotone no
83 perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, po
84 politiques, regards, musiques — cette vie rapide dans un décor qui est le rêve éternisé des plus voluptueuses intelligences
85 us voluptueuses intelligences — tous les tableaux dans le noir des musées ! — et si tu veux soudain le son grave de l’infini
9 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
86 dix sous et le prétexte d’un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les plus étranges qu’appelle la musique. Je m
87 s-divers, rien de moins divers. Mais je suis pris dans l’absurde réseau des lignes, et cette mécanique me restitue chaque fo
88 m’en souviens, une petite automobile qui roulait dans la banlieue printanière ; des soupers d’amis dans notre modeste salle
89 dans la banlieue printanière ; des soupers d’amis dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de couleur pour ma femme
90 is à tout coup. L’étranger se mit à discourir. Et dans mon ivresse, ses paroles peignaient des tableaux mouvants où je me vo
91 urse. « Heureux quoique pauvre » comme ils disent dans leurs manuels scolaires. Les voler, pour leur apprendre. Et leur mani
92 prendre. Et leur manie aussi de situer le paradis dans la classe d’impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient
93 qui perd gagne ! Sauter follement d’une destinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie, mon cheval fou, m
94 t de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la rumeur des clients. Dehors les réclames lumineuses d
95 le me laisse, parce que le lait va monter. Alors, dans ma chambre, avant d’aller souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux
96 aller souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et je voudrais pouvoir pleurer sur ma lâcheté. Et je t’apo
10 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
97 it un tableau de la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur expose comment on en vint à la rév
98 imes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs p
99 i la date du 16 octobre 1685 marque une déviation dans l’histoire de la France. Déviation telle, en effet, que nous en sento
100 ne pouvons que nous réjouir de retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué de parti p
11 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
101 de certains jeunes tempéraments leur fait défaut dans la même mesure. Ainsi risquent de s’établir autour d’eux des mœurs un
102 rs ils s’en vont à Paris, ou bien ils se retirent dans une solitude plus effective, quitte à nous revenir munis du passeport
103 nts… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une Rolls-Royce et fortune faite, tout le monde s’accorde à dire qu’o
104 econnaître, il y a moins de malice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incompréhension que de timidité.
105 s net, plus cruel aussi. À Marin, près Neuchâtel, dans cette petite maison qu’on reconnaissait entre trente pareilles, aux c
106 pareilles, aux cactus qui ornaient les fenêtres, dans une chambre peinte en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’e
107 enfin et se mette à graver les scènes qu’il voit dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille de constater combien l’ép
108 uptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épurant dans des formes claires a su les renouveler. Il nous apporte aussi cet élé
109 e sujet par l’intérieur, mais il taille ce visage dans une pâte riche et un peu lourde, son pinceau la palpe, la presse, la
110 it à la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une sensualité qui sait se faire délica
111 l y a par Eugène Bouvier quelque chose de nouveau dans la peinture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer, d’une tristesse q
112 ne tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans toute sa palette, ce charme enfin, ce je ne sais quoi qu’on cherche e
113 . Il y a une sorte d’aristocratique dissimulation dans l’œuvre de Bouvier. Sa technique qui paraît au premier abord masquer
114 ’accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un déf
115 ce, un défaut par où l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère de l’œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformat
116 es mortes qui décidément l’étaient, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’une bizarre fantaisie, un mélange de Ro
117 e Woog, G. H. Dessoulavy)… Mais déjà paraissaient dans les Voix (cette courageuse revue qu’il avait fondée avec J. P. Zimmer
118 y eut une période intermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets d’une opulence assez désordonnée, des rouges trop violen
119 il doit avoir faite lui-même. Car il est artisan, dans le beau sens ancien du terme, tout comme son frère Charles Barraud, q
120 ent réalistes, plus fins, mais tout aussi habiles dans l’utilisation du clair-obscur qui simplifie et renforce l’expression.
121 saurons désormais retrouver, allons errer un peu dans le royaume d’Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne sau
122 che à Paris des tableaux mystérieux qu’il relègue dans son atelier, pêle-mêle avec les siens. Vous retournez une toile appuy
123 c’est un Evard : des roses noires sur une table, dans un espace bizarrement lumineux où se coupent des plans transparents,
124 C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir de la perfection exercée par
125 entravait pas son scrupule réaliste. ⁂ Mais voici dans son costume d’aviateur, retour de Vienne, un sculpteur qui saura s’im
126 parti qu’on pouvait tirer des principes cubistes dans un art dont la genèse même est cubiste en quelque sorte, supposant un
127 tive en plans. C’est ainsi qu’il atteint d’emblée dans ses statues à un beau style dépouillé et hardi. Mais il y avait quelq
128 ouillé et hardi. Mais il y avait quelque lourdeur dans des morceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre,
129 nt su se dégager de son outrance théorique. C’est dans la manière cubiste encore que Perrin décora naguère fort plaisamment
130 r d’autres côtés. Un avenir peut-être proche dira dans quelle mesure de tels groupements correspondent à une réalité artisti
131 nce et la vitalité d’une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’u
132 de son vrai nom Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro de février de cette revue. k. Rougemont Denis de, « Jeune
12 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
133 ur fuir l’Amérique. Mais les Viennois avaient fui dans les opérettes de Strauss, qu’on ne trouve plus nulle part. Dans les d
134 ttes de Strauss, qu’on ne trouve plus nulle part. Dans les dancings, un peuple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants d
135 monde ne sont séparées que par un léger décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas r
136 nn. Je comprends aujourd’hui le lien qui unissait dans mon esprit Vienne et Hoffmann : c’était le souvenir de Gérard de Nerv
137 prononcé intérieurement ce nom lorsque je m’assis dans l’ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’u
138 té d’une place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonstances, une fois de plus manquait le rendez-vous que j’ava
139 d’une harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je comprends mal. Je me penche vers un voisin pour lui
140 ander je ne sais plus quoi. Mais sans doute évadé dans son rêve, beaucoup plus loin que moi, il n’entend pas ma question. L’
141 e grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibles transfigurations, — l’heure anxieuse et mélancolique
142 parterre, le visage de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il
143 sser pour une élégance très moderne. Il n’y avait dans toute sa personne rien de positivement démodé ; je n’eus même pas le
144 e n’en suis pas fâché. » Il y avait peu de monde dans les rues. Des jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air de ne p
145 atigués. — Pour moi, dit Gérard, je situe l’amour dans un monde où la question fidélité ou inconstance ne se pose plus. Vous
146 rd, mais j’ai su en retrouver la sensation jusque dans les choses — et c’est cela seul qui donna un sens au monde. — Mais je
147 a petite bossue qui vend des roses et des œillets dans la rue de Carinthie. Gérard lui paya quelques œillets rouges en lui e
148 bras, une femme pour deux hommes — et ce fut bien dans cette anecdote dont Gérard attendait évidemment quelque chose d’impré
149 ait charmante, comme elles le sont presque toutes dans cette ville, — du type que Gérard et Théo nommaient « biondo et grass
150 oulin-Rouge, souterrain où nous nous engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglais jouant la Marche de T
151 ’est une façon de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’
152 barbares, ils s’imaginent pouvoir faire une place dans leur vie aux “divertissements” entre 10 heures du soir et 4 heures du
153 4 heures du matin, moyennant tant de schillings, dans un décor banal et imposé, avec des femmes qui élargissent des sourire
154 essemblances. Aussi l’ennui règne-t-il bruyamment dans ces lieux : cet orchestre triomphant suffit à peine à toucher leurs s
155 és à la démocratie des plaisirs achetés au détail dans une foire éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femme
156 ondages sans but. Vous savez, je lance mes filets dans l’eau des nuits, et quelquefois j’en ramène des animaux aux yeux biza
157 lles, des oiseaux nous parlèrent, bientôt dissous dans le vent. Tout était reflet, passages, allusions. Plus tard, dans un p
158 out était reflet, passages, allusions. Plus tard, dans un petit bar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces
159 es du Moulin-Rouge, qui sont les bras de Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citrons de Pompéi, l
160 ce serait la gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’un regard pareil. Des visages naiss
161 rd pareil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo, comme les couleurs sous les paupières, s’élargissent, se fon
162 posent. Cinéma des sentiments qui montre vivantes dans la même minute toutes les incarnations d’un amour dont l’être éternel
163 e liberté magnifique et angoissante. Il mêle tout dans le temps et l’espace. Cent années et tous les visages aimés revivent
164 e. Cent années et tous les visages aimés revivent dans cette coupe de songes avec toutes leurs illusions, — illusions des fo
165 ié d’ombre. Et parce que tout revit en un instant dans cette vision, il connaît enfin la substance véritable et unique de to
166 s les drames du monde ne sont que décors mouvants dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne sont que reflets, épisodes,
167 sortîmes. Seules des trompes d’autos s’appelaient dans la nuit froide. Gérard ne disait presque plus rien ; à peine, de temp
168 and ouvert. Les chauffeurs faisaient les cent pas dans la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’une boutique à « W
169 er. Transi, je me balançais d’un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la mout
170 apeaux noirs de ses cavaliers. Tout cela s’empila dans des autos ; en dix minutes, il n’y eut plus personne, la place s’étei
13 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
171 Stéphane passe des heures entières à se regarder dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiment
172 l découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce
173 t très fatigué, il veut voir encore cette fatigue dans son regard : appuyé sur lui-même il se perd en méditations éléates. L
174 che plus secrètement à son aventure. Nous vivons dans un décor flamboyant de glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa t
175 téphane sa tête, son portrait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui
176 lui rendre la certitude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en diminuant vertigineusement et
177 i vont en diminuant vertigineusement et l’égarent dans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal de superstitions. Enfin
178 e il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane est en train de se perdre pour avoir vou
179 t qu’il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin de vérifier qui n’est plus légitime dès l’i
180 r, par défiance envers les dieux. À chaque regard dans notre miroir, nous perdons une Eurydice. Les miroirs sont peut-être l
181 ue, celle qui n’est pas une vie nouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’évidence. Un jour, à propos de rien, S
182 nt. Mais il fuit son propre regard, il se cherche dans d’autres yeux, c’est pourquoi il fait peur à certaines femmes. Un so
183 beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd
184 emme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt dans une naissance. Stéphane naît à l’a
185 éjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt dans une naissance. Stéphane naît à l’amour et à lui-même conjointement. P
14 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
186 it vouer l’attention la plus grave — car il vécut dans ces marches de l’esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et
187 Pentecôte. La fête de la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’appellent, combien sont dignes de s’atte
188 i rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans sa vie cette double venue de l’amour et du chant prophétique, confond
189 prophétique, confondant leurs flammes. Dix années dans le Grand Jeu. Dix années où le génie tourmente cet être faible, humil
190 de Madame Gontard12, déchirement à peine sensible dans son œuvre. Car ce poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, — d
191 as son auteur. Qui parle par sa bouche ? Il règne dans ses Hymnes une sérénité presque effrayante. Vient le temps où le sens
192 t où meurt Diotima, Hölderlin errant loin d’elle ( dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d
193 nt trente années, ce pauvre corps abandonné vivra dans la petite tour de Tubingue, chez un charpentier — vivra très doucemen
194 ent un roman jaune à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse de jour férié, les clochers de la ville sonnent deux he
195 ures à cette fenêtre, à marmotter. Vingt-sept ans dans cette chambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte de malade é
196 l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil «  dans la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pa
197 gardien : il y est comme chez lui. — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh ! répond-il, je pourrais aussi bien habiter la chambre.
198 au profil de vieille femme qui promène doucement dans cette calme Tubingue le secret d’une épouvantable mélancolie. Les étu
199 inette, chansons de mai. Les bateaux qui dérivent dans le voisinage se rapprochent, tournoyent lentement dans la musique. Je
200 le voisinage se rapprochent, tournoyent lentement dans la musique. Je n’aime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume d
201 cette petite chambre… Est-ce que tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois de ces grandes questions
202 e ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans cette ville, tout semblable à ces théologiens aux yeux voilés, aux pa
203 ivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche
204 Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre, dans le temps même qu’il nous entr’ouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ai
15 1930, Articles divers (1924–1930). Le prisonnier de la nuit (avril 1930)
205 ers l’ombre où tu m’entends. III Fais rentrer dans leur peau d’ombre ces mots qui voudraient fleurir tourne le dos ferme
206 ici ton heure au regard le plus pur je suis à toi dans le triomphe du silence sereine tu es toujours plus sereine infiniment
207 ereine tu es toujours plus sereine infiniment nue dans la douceur du feu et de la joie. V Oh qui a retiré tes mains des m
208 r ? Maintenant je suis seul à redescendre au jour dans l’aube sans refuges… VI Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’un
209 de la nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta tête mais libre comme avant cette naissance aux lents vertiges — q
16 1930, Articles divers (1924–1930). Au sujet « d’un certain esprit français » (1er mai 1930)
210 heure où tout le monde exagère, à qui mieux mieux dans le sens de la médiocrité spécifiquement française — et nul ne s’en dé
211 x ; un qui s’éloigne : Montherlant. Très suspects dans les « milieux » littéraires, l’un parce qu’il croit tout à fait, l’au
212 tat d’esprit moins facile à formuler qu’à décrire dans ses effets, et qui paraît affecter d’un commun penchant au libertinag
213 ittéraires partout ailleurs divergents : « Barrès dans son éthique, Maurras dans son esthétique, les Surréalistes dans leur
214 s divergents : « Barrès dans son éthique, Maurras dans son esthétique, les Surréalistes dans leur métaphysique, font preuve
215 ue, Maurras dans son esthétique, les Surréalistes dans leur métaphysique, font preuve de la même ambition et témoignent de l
216 ique qui leur permettrait d’envisager ce problème dans toute son ampleur et sa force. » Ainsi Beausire nous montre un Barrès
217 cepter sa révolte. Il y a bien quelques outrances dans tout ceci. Mais je voudrais que s’en offusquent ceux-là seuls que l’o
17 1930, Articles divers (1924–1930). « Vos fantômes ne sont pas les miens… » [Réponse à l’enquête « Les vrais fantômes »] (juillet 1930)
218 dont vous parlez traduit simplement une variation dans mes relations avec le monde. En quoi cette première question est asse
219 nces. Comprenons à ce signe qu’il nous transporte dans un monde plus hautement organisé, c’est-à-dire plus réel. (L’absurdit