1
M. de Montherlant, le sport et les jésuites (
9
février 1924)a M. de Montherlant est considéré par plusieurs comme
2
Montherlant, le sport et les jésuites (9 février
1924
)a M. de Montherlant est considéré par plusieurs comme l’un des hér
3
considéré par plusieurs comme l’un des héritiers
de
Barrès. Le rapprochement est peut-être prématuré, tout au plus peut-o
4
u’à l’heure présente déjà, son œuvre, comme celle
de
Barrès, nous offre plus qu’un agrément purement littéraire : une leço
5
us qu’un agrément purement littéraire : une leçon
d’
énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, c
6
ent littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique
de
n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, cette inquiétude libérat
7
e inquiétude libératrice que produit la recherche
de
la vérité. Dès son premier livre, il s’est montré tout entier, il a b
8
uancée jusqu’à l’ennui. La guerre a donné le coup
de
grâce à cet esthétisme énervant qu’on appelle symbolisme ; et elle a
9
bolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine
de
M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et casquée pour la
10
est sortie toute formée et casquée pour la lutte
de
l’après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme-t-il, se disputent le mo
11
mée et casquée pour la lutte de l’après-guerre. ⁂
Deux
philosophies, affirme-t-il, se disputent le monde. L’une vient de l’O
12
dans le monde romain les virus du christianisme,
de
la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de libert
13
romain les virus du christianisme, de la Réforme,
de
la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès
14
, de la Révolution et du romantisme, les concepts
de
liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philo
15
tion et du romantisme, les concepts de liberté et
de
progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philosophie est cel
16
me, le bolchévisme. L’autre philosophie est celle
de
l’antique Rome, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissance, le tra
17
therlant comme pour Maurras, est ce qu’il importe
de
sauvegarder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien d’original da
18
arder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien
d’
original dans cette conception simpliste du monde, qui n’est en rien d
19
simpliste du monde, qui n’est en rien différente
de
celle de l’Action française ; remarquons toutefois cette séparation,
20
e du monde, qui n’est en rien différente de celle
de
l’Action française ; remarquons toutefois cette séparation, que Maurr
21
ne lui a-t-il manqué pour le devenir que le temps
de
méditer : il a quitté le collège jésuite pour la tranchée, puis « le
22
la tranchée, puis « le sport l’a saisi aux pattes
de
la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étrein
23
t l’a saisi aux pattes de la guerre encore contus
de
huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ».
24
’a saisi aux pattes de la guerre encore contus de
huit
coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’
25
x pattes de la guerre encore contus de huit coups
de
griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu
26
e encore contus de huit coups de griffes et chaud
de
l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressa
27
te du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps
de
se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’une façon obsédante, l
28
s de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui,
d’
une façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évi
29
ngeant pour lui, d’une façon obsédante, le rythme
de
la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité le choc fatal pour tant d’autr
30
. de Montherlant ne s’est même pas demandé si ces
deux
contrepoisons pouvaient être administrés ensemble. L’opération faite,
31
justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours
de
passe-passe de logique, admirablement masqués d’ailleurs par des faço
32
ui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe
de
logique, admirablement masqués d’ailleurs par des façons cavalières u
33
. Toute une partie du Paradis à l’ombre des épées
1,
son dernier livre, est consacrée à « fondre dans une unité supérieure
34
« fondre dans une unité supérieure » l’antinomie
de
l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité co
35
upérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et
de
l’esprit sportif. « On se fait son unité comme on peut », avoue-t-il
36
oue-t-il franchement. Il me semble bien paradoxal
de
vouloir unir dans une même philosophie la morale jésuite, faite de rè
37
ans une même philosophie la morale jésuite, faite
de
règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liber
38
philosophie la morale jésuite, faite de règles et
de
contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initi
39
de règles et de contraintes imposées dans le but
de
restreindre la liberté et l’initiative individuelles, et la morale de
40
nglais, morale qui veut former des hommes maîtres
d’
eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’autant plus parado
41
eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble
d’
autant plus paradoxal que M. de Montherlant est justement un des premi
42
itive. Mais on peut oublier la partie doctrinaire
de
cette œuvre, elle ne lui est pas indispensable : « Ces simplification
43
ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique
de
M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du stade. En un styl
44
atique de M. de Montherlant son admirable lyrisme
de
poète du stade. En un style d’une fermeté presque brutale parfois, un
45
admirable lyrisme de poète du stade. En un style
d’
une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’on s
46
e d’une fermeté presque brutale parfois, un style
de
sportif, mais qu’on sent humaniste et poète, un style à la fois bref
47
pes, et l’équipier Montherlant les contemple, ému
de
« cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée
48
nt les contemple, ému de « cette ivresse qui naît
de
l’ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’en
49
ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois,
de
la pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix
50
t aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps
de
l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix sont désignés… ». Voici passer u
51
ée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerres, …
cinq
sur dix sont désignés… ». Voici passer un coureur : « À peine a-t-il
52
sur ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur
dix
sont désignés… ». Voici passer un coureur : « À peine a-t-il touché l
53
ser un coureur : « À peine a-t-il touché la piste
d’
herbe, c’est une allégresse héroïque qu’infuse à son corps la douce ma
54
foulée, bondissante et posée, est pleine du désir
de
l’air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends pas ? » — Mais plu
55
us que le corps en mouvement, c’est la domination
de
la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cette domination q
56
us comme une lutte sauvage et déloyale, la morale
d’
équipe devient toute la morale, et les qualités indispensables au bon
57
nt les qualités du parfait citoyen : juste vision
de
la réalité, abnégation, sentiment du devoir de chacun envers l’ensemb
58
on de la réalité, abnégation, sentiment du devoir
de
chacun envers l’ensemble (Montherlant insiste plutôt sur le sentiment
59
ôt sur le sentiment des hiérarchies que sur celui
de
la solidarité, comme bien l’on pense). Enfin, enseignement plus génér
60
ien l’on pense). Enfin, enseignement plus général
de
la morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, ap
61
t plus général de la morale sportive : « la règle
de
rester en dedans de son action, application de l’immense axiome formu
62
morale sportive : « la règle de rester en dedans
de
son action, application de l’immense axiome formulé par Hésiode et qu
63
le de rester en dedans de son action, application
de
l’immense axiome formulé par Hésiode et qui gouverna le monde ancien
64
de que le tout ». Le sport comme un apprentissage
de
la vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a un brin du myrte
65
n brin du myrte civique tressé dans vos couronnes
de
laurier. Vous n’êtes pas couronnés d’olivier. La main connaît la main
66
s couronnes de laurier. Vous n’êtes pas couronnés
d’
olivier. La main connaît la main dans la prise du témoin. L’épaule con
67
allon. Le regard connaît le regard dans la course
d’
équipe. Le cœur connaît la présence muette et sûre. Toutes ces choses
68
se font pas en vain. Le chef se dresse entre les
dix
qui sont à lui. Il dit : « Je ne demande pas qu’on m’aime. Je demande
69
ne sont pas dites en vain. Stades que parcourent
de
jeunes et purs courages, donnez-moi votre silence jusqu’à l’heure. Qu
70
e silence jusqu’à l’heure. Que je taise votre mot
de
ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien de moins artificiellem
71
de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien
de
moins artificiellement moderne que ce lyrisme sobre et prenant : « Si
72
t prenant : « Si l’on s’échauffe, s’échauffer sur
de
la précision. » On évitera ainsi tout niais romantisme. Je sais bien
73
le sport ainsi compris, plus que l’apprentissage
de
la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlan
74
ue l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage
de
la guerre, dira-t-on. M. de Montherlant répondra : non, car la faible
75
us conduirait cette « éthique du sport » tempérée
de
raison. Ce qu’on en peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’e
76
it. » M. de Montherlant illustre sa propre pensée
de
cette citation d’un dominicain : « Formez des jeunes filles assez for
77
rlant illustre sa propre pensée de cette citation
d’
un dominicain : « Formez des jeunes filles assez fortes pour pouvoir t
78
our pouvoir tout lire, et il n’y aura plus besoin
de
roman catholique. » C’est ce qu’on pourrait appeler une « morale cons
79
qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera
de
soi-même. Ainsi l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-il pas à com
80
s : il développe ses qualités, le reste s’arrange
de
soi-même. ⁂ M. de Montherlant, qui a quitté le stade, se rendra mieux
81
uitté le stade, se rendra mieux compte à distance
de
la contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera
82
laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera
de
voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésui
83
. L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera,
de
la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homm
84
oir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou
de
la morale jésuite. Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement
85
n, voici un homme, et non plus seulement un homme
de
lettres. Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’une jeun
86
Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme
d’
une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » qu
87
l’enthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue
de
l’âge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le sport et les
88
lus proche que la sensualité vaguement chrétienne
de
tel autre écrivain catholique. Et son lyrisme, encore un peu brutal,
89
salut des équipes avant le match : « En l’honneur
d’
Henry de Montherlant, hip, hip, hurrah ! » 1. Éditions Grasset, Pari
90
ur d’Henry de Montherlant, hip, hip, hurrah ! »
1.
Éditions Grasset, Paris. 2. L’attitude de M. de Montherlant légitime
91
p, hip, hurrah ! » 1. Éditions Grasset, Paris.
2.
L’attitude de M. de Montherlant légitime une telle « simplification »
92
! » 1. Éditions Grasset, Paris. 2. L’attitude
de
M. de Montherlant légitime une telle « simplification ». a. Rougemo
93
ne telle « simplification ». a. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] M. de Montherlant, le sport et les jésuites », La S
94
et les jésuites », La Semaine littéraire, Genève,
9
février 1924, p. 63-65.
95
uites », La Semaine littéraire, Genève, 9 février
1924,
p. 63-65.
96
Conférence
de
Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1
97
Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (
30
octobre 1924)b Lundi soir, dans la salle du Lyceum, M. Conrad Meil
98
Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre
1924
)b Lundi soir, dans la salle du Lyceum, M. Conrad Meili parla des é
99
u xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme
de
David et d’Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe
100
le à nos jours. Partis du classicisme de David et
d’
Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe siècle, un
101
dans les domaines du romantisme, du naturalisme,
de
l’impressionnisme, pour aboutir enfin dans ces impasses : cubisme et
102
près cent-vingt-cinq ans, à peu près à leur point
de
départ. Mais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils en reviennent
103
s n’ont pas été vaines. Ils en reviennent chargés
de
chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’expression. Très
104
nent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients
de
leurs moyens d’expression. Très maîtres de leur technique (contrairem
105
chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens
d’
expression. Très maîtres de leur technique (contrairement à ce que pen
106
cients de leurs moyens d’expression. Très maîtres
de
leur technique (contrairement à ce que pense souvent le public), ils
107
nse souvent le public), ils préparent l’avènement
d’
un classicisme nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de la
108
nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe
de
la peinture moderne avec une netteté et un relief remarquable. Les œu
109
une netteté et un relief remarquable. Les œuvres
de
cet artiste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes
110
iste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient
de
ces mêmes qualités : car la façon de peindre correspond à la façon de
111
témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon
de
peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’ente
112
s : car la façon de peindre correspond à la façon
de
penser du peintre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili. Est-il beso
113
spond à la façon de penser du peintre. Souhaitons
d’
entendre encore M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance de t
114
haitons d’entendre encore M. Meili. Est-il besoin
de
souligner l’importance de telles prises de contact entre artiste et p
115
M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance
de
telles prises de contact entre artiste et public ? b. Rougemont De
116
besoin de souligner l’importance de telles prises
de
contact entre artiste et public ? b. Rougemont Denis de, « Confére
117
t entre artiste et public ? b. Rougemont Denis
de
, « Conférence Meili », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 30 oct
118
Rougemont Denis de, « Conférence Meili », Feuille
d’
avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 30 octobre 1924, p. 6.
119
nt Denis de, « Conférence Meili », Feuille d’avis
de
Neuchâtel, Neuchâtel, 30 octobre 1924, p. 6.
120
Meili », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel,
30
octobre 1924, p. 6.
121
euille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 30 octobre
1924,
p. 6.
122
Conférence
de
René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)c M. René Guisan, pro
123
Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (
2
février 1926)c M. René Guisan, professeur de théologie à Lausanne
124
érence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février
1926
)c M. René Guisan, professeur de théologie à Lausanne et directeur
125
» (2 février 1926)c M. René Guisan, professeur
de
théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de phil
126
, professeur de théologie à Lausanne et directeur
de
la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula
127
de théologie à Lausanne et directeur de la Revue
de
théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un
128
Lausanne et directeur de la Revue de théologie et
de
philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un très nombreux pu
129
que nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis
de
la pensée protestante ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet d
130
nte ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet
de
façon particulièrement frappante la comparaison des points de vue cat
131
oints de vue catholique et protestant : la notion
de
« Saint » et son évolution au cours des siècles. Primitivement, le Sa
132
u’il serve. Mais très vite on étend l’appellation
de
saint à ceux qui par leur élévation morale ou leurs souffrances sembl
133
cutée, le martyre devient le signe par excellence
de
la sainteté. Le peuple, encore païen, voit dans la vénération des pèl
134
t dans la vénération des pèlerins pour les tombes
de
leurs saints une forme d’adoration de dieux protecteurs. Cette croyan
135
èlerins pour les tombes de leurs saints une forme
d’
adoration de dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée pa
136
les tombes de leurs saints une forme d’adoration
de
dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée par la souples
137
orisée par la souplesse dont fait preuve l’Église
d’
alors quand il s’agit d’adapter des traditions antiques au dogme en fo
138
dont fait preuve l’Église d’alors quand il s’agit
d’
adapter des traditions antiques au dogme en formation. Au Moyen Âge l’
139
On spécialise les « compétences » des saints, ou
de
leurs reliques qui se multiplient prodigieusement. Alors éclate la pr
140
ent prodigieusement. Alors éclate la protestation
de
la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leur vie : mais Chr
141
de la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple
de
leur vie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’adresser le
142
sser le culte, en son cœur, du croyant. Le centre
de
gravité religieux est replacé en Christ. — Comment l’Église catholiqu
143
e là nous juger ? Les catholiques nous reprochent
d’
avoir méconnu l’élément de grandeur morale que les saints maintiennent
144
oliques nous reprochent d’avoir méconnu l’élément
de
grandeur morale que les saints maintiennent dans l’Église. M. Guisan
145
se. M. Guisan va très loin dans ses concessions à
de
telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus de forc
146
e telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec
d’
autant plus de force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’a
147
ques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus
de
force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’accomplissement
148
ns l’accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle
de
la vocation, le protestantisme affirme qu’il existe divers ordres de
149
protestantisme affirme qu’il existe divers ordres
de
sainteté ». Cette mère qui s’est sacrifiée aux siens, n’était-ce pas
150
missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y a pas
de
saints protestants, il existe des saints dans le protestantisme. Mais
151
saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas
de
fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limit
152
otestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres
de
Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes
153
rfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes
de
la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y
154
tes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister
de
saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. T
155
ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas
de
saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, t
156
mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement
de
Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le protestantisme. La
157
manque pour louer comme il conviendrait la clarté
d’
un exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrét
158
d’un exposé solidement documenté, et le scrupule
d’
historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de
159
lidement documenté, et le scrupule d’historien et
de
chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse av
160
d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan
de
montrer le point de vue adverse avec autant de compréhension et de sy
161
an de montrer le point de vue adverse avec autant
de
compréhension et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses co
162
nt de vue adverse avec autant de compréhension et
de
sympathie que le sien propre. Cela donne à ses conclusions cette sécu
163
danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté
d’
un esprit animé par une foi agissante. c. Rougemont Denis de, « Con
164
nimé par une foi agissante. c. Rougemont Denis
de
, « Conférence Guisan », Suisse libérale, Neuchâtel, 2 février 1926, p
165
Conférence Guisan », Suisse libérale, Neuchâtel,
2
février 1926, p. 2.
166
e Guisan », Suisse libérale, Neuchâtel, 2 février
1926,
p. 2.
167
Conférences
d’
Aubonne (7 avril 1926)d e Pour la première fois cette année, les co
168
Conférences d’Aubonne (
7
avril 1926)d e Pour la première fois cette année, les conférences
169
Conférences d’Aubonne (7 avril
1926
)d e Pour la première fois cette année, les conférences de l’Associ
170
our la première fois cette année, les conférences
de
l’Association chrétienne d’étudiants eurent lieu au printemps, et non
171
nnée, les conférences de l’Association chrétienne
d’
étudiants eurent lieu au printemps, et non plus à Sainte-Croix, mais à
172
ein succès a répondu à cette innovation. Le sujet
de
la première partie des conférences, les Objections des intellectuels
173
psychanalyste distingué, qui se fit avec beaucoup
d’
intelligence l’avocat du diable, en montrant que tous les faits religi
174
ation scientifique. C’est donc à la seule volonté
de
choisir. M. le pasteur Bertrand de Lyon, répondit en exposant les exi
175
trand de Lyon, répondit en exposant les exigences
de
l’Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vig
176
face de la pensée moderne, et fut impressionnant
de
vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la
177
, et fut impressionnant de vigueur dialectique et
de
largeur d’idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompr
178
pressionnant de vigueur dialectique et de largeur
d’
idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompre les discu
179
les discussions philosophiques provoquées par ces
deux
travaux. Avec la conférence de M. Jean Cadier, un jeune pasteur franç
180
ovoquées par ces deux travaux. Avec la conférence
de
M. Jean Cadier, un jeune pasteur français, on descendit — ou l’on mon
181
it — ou l’on monta suivant M. A. Léo — du domaine
de
la pensée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de
182
A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui
de
l’action. M. Cadier montra le conflit de la théologie moderne avec l’
183
ns celui de l’action. M. Cadier montra le conflit
de
la théologie moderne avec l’action religieuse en s’appuyant sur des e
184
yant sur des expériences faites pendant le réveil
de
la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplac
185
une causerie émouvante sur l’Évolution religieuse
de
Jacques Rivière, qui se trouva préciser bien des points laissés en su
186
points laissés en suspens dans la première partie
de
la conférence. Puis M. A. Brémond, étudiant en théologie, présenta de
187
is M. A. Brémond, étudiant en théologie, présenta
deux
ouvriers de Paris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de pa
188
nd, étudiant en théologie, présenta deux ouvriers
de
Paris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les c
189
ris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion
de
partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réali
190
ont il a eu l’occasion de partager les conditions
de
vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre d
191
les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un
de
la Réalité prolétarienne, l’autre de la Mentalité prolétarienne. Brém
192
rlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre
de
la Mentalité prolétarienne. Brémond conclut en montrant la nécessité
193
nclut en montrant la nécessité et les difficultés
d’
une action missionnaire dans ces milieux, comme M. Terrisse l’avait fa
194
risse l’avait fait le soir avant pour les milieux
d’
ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec un
195
vriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions
de
partis, avec une passion contenue d’hommes qui ont vu, qui ont souffe
196
es questions de partis, avec une passion contenue
d’
hommes qui ont vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus de mots
197
nt vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus
de
mots ni d’utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs
198
ont souffert, et qui ne se payent plus de mots ni
d’
utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs
199
Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs
de
leur lit de préjugés pour les placer véritablement en face de la « ré
200
émond ont su arracher leurs auditeurs de leur lit
de
préjugés pour les placer véritablement en face de la « réalité prolét
201
que nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus
de
la plus dégradante condition, et nous n’y arriverons que par un trava
202
dition, et nous n’y arriverons que par un travail
d’
éducation lent et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez à nous pou
203
s nous compromettre, si nous écopons, tant pis. »
Cinq
conférences et autant de cultes en trois jours, cela peut paraître ex
204
s écopons, tant pis. » Cinq conférences et autant
de
cultes en trois jours, cela peut paraître excessif à qui n’a pas conn
205
nt pis. » Cinq conférences et autant de cultes en
trois
jours, cela peut paraître excessif à qui n’a pas connu l’atmosphère p
206
que. Chacun dit ce qu’il pense sans se préoccuper
d’
être bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis
207
re bien pensant et les Romands recouvrent l’usage
de
la parole, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien l’on poursui
208
ntre un banquier et un philosophe au milieu d’une
centaine
d’étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous f
209
anquier et un philosophe au milieu d’une centaine
d’
étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit
210
hilosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et
de
professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit croire un insta
211
ui nous fit croire un instant à la fameuse devise
de
la Révolution. d. Rougemont Denis de, « Conférences d’Aubonne », S
212
se devise de la Révolution. d. Rougemont Denis
de
, « Conférences d’Aubonne », Suisse libérale, Neuchâtel, 7 avril 1926,
213
volution. d. Rougemont Denis de, « Conférences
d’
Aubonne », Suisse libérale, Neuchâtel, 7 avril 1926, p. 2. e. Signé :
214
férences d’Aubonne », Suisse libérale, Neuchâtel,
7
avril 1926, p. 2. e. Signé : Stud. litt.
215
d’Aubonne », Suisse libérale, Neuchâtel, 7 avril
1926,
p. 2. e. Signé : Stud. litt.
216
L’atmosphère
d’
Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)f Cette conférence s’ouvrit par
217
L’atmosphère d’Aubonne :
22-25
mars 1926 (mai 1926)f Cette conférence s’ouvrit par une bise qu’on
218
L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars
1926
(mai 1926)f Cette conférence s’ouvrit par une bise qu’on peut bien
219
L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai
1926
)f Cette conférence s’ouvrit par une bise qu’on peut bien dire du d
220
du diable et se termina sous le plus beau soleil
de
printemps. Libre à qui veut d’y voir un symbole. On ne saurait exagér
221
e plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut
d’
y voir un symbole. On ne saurait exagérer l’importance des conditions
222
portance des conditions météorologiques du succès
d’
une telle rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que la bise tomb
223
à ce que la bise tombée permît à « l’atmosphère »
de
s’établir. Alors le miracle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esp
224
acle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esprit
d’
Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’il y a de plus protestant — mais
225
uire ailleurs qu’en terre romande. C’est l’esprit
de
liberté, tout simplement. Mais précisons : c’est bien plus que la lib
226
. Mais précisons : c’est bien plus que la liberté
de
défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’
227
erté de défendre sa petite hérésie personnelle et
de
s’affirmer aux dépens d’autrui, — c’est la liberté dans la recherche.
228
e hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens
d’
autrui, — c’est la liberté dans la recherche. Chose plus rare qu’on ne
229
convaincre qu’à se convaincre. Après les exposés
de
Janson, de Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas m
230
qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson,
de
Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal de préju
231
en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal
de
préjugés en matières sociales. Mais ce qui est peut-être plus importa
232
on eut l’impression, durant les discussions entre
de
Saussure et Bertrand, que les orateurs exprimaient tour à tour les ob
233
soi, qu’ils incarnaient les voix contradictoires
d’
un débat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arri
234
ous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir
d’
arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le
235
loyalement. Et ce désir d’arriver à quelque chose
de
définitif à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à l’émotion
236
arriver à quelque chose de définitif à la fois et
d’
intelligent, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de
237
e mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude
de
Maury sur Jacques Rivière : combien reconnurent dans le tourment de c
238
es Rivière : combien reconnurent dans le tourment
de
cette âme leur propre recherche, — et dans ses lumineuses conquêtes s
239
réponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère
de
la chapelle où ont lieu travaux et méditations. Dehors, on honore la
240
vaux et méditations. Dehors, on honore la liberté
d’
un culte moins platonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit qu’on ne pe
241
on ne peut juger les Associations qu’à leur façon
de
jouer le volley-ball ? Le Casino offrit pendant quelques nuits la vis
242
o offrit pendant quelques nuits la vision étrange
d’
une salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur des paillasses att
243
sur des paillasses attendraient en vain le lever
d’
un rideau sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l’on vit a
244
Henriod debout sur un tronc coupé n’eut pas trop
de
toute sa souplesse pour maintenir l’équilibre des discussions et de s
245
sse pour maintenir l’équilibre des discussions et
de
sa propre personne. Et il y eut encore un dîner très démocratique pen
246
Abauzit chanta « les Crapauds » avec âme, appuyé
d’
une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air de
247
apauds » avec âme, appuyé d’une main sur l’épaule
de
Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Apr
248
âme, appuyé d’une main sur l’épaule de Janson, et
de
l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Après quoi Richar
249
attendu pour le manifester ! — et qu’il suffisait
de
souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je
250
! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure
de
la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit dans ces quelq
251
ce que je n’ai pas dit dans ces quelques notes.
3.
Il suffit encore : f 2.50, nom et adresse. f. Rougemont Denis de, «
252
ans ces quelques notes. 3. Il suffit encore : f
2.50,
nom et adresse. f. Rougemont Denis de, « L’atmosphère d’Aubonne : 2
253
re : f 2.50, nom et adresse. f. Rougemont Denis
de
, « L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelle
254
adresse. f. Rougemont Denis de, « L’atmosphère
d’
Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’Association
255
. Rougemont Denis de, « L’atmosphère d’Aubonne :
22-25
mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’Association chrétienne suis
256
t Denis de, « L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars
1926
», Lux et Vita : nouvelles de l’Association chrétienne suisse d’étudi
257
onne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles
de
l’Association chrétienne suisse d’étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 4
258
ta : nouvelles de l’Association chrétienne suisse
d’
étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 44-45.
259
tion chrétienne suisse d’étudiants, Lausanne, mai
1926,
p. 44-45.
260
Confession tendancieuse (mai
1926
)g Écrire, pas plus que vivre, n’est de nos jours un art d’agrément
261
(mai 1926)g Écrire, pas plus que vivre, n’est
de
nos jours un art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-
262
re, pas plus que vivre, n’est de nos jours un art
d’
agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si crainti
263
s-mêmes, et si craintifs en même temps, si jaloux
de
ne pas nous déformer artificiellement : nous comprenons que nos œuvre
264
que nos œuvres, si elles furent faites à l’image
de
notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est peut-être pou
265
t-être pourquoi nous accordons voix dans le débat
d’
écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux calculs l
266
s le débat d’écrire, aux forces les plus secrètes
de
notre être comme aux calculs les plus rusés. Nous choisissons les idé
267
ées comme on choisit un amour dont on est anxieux
de
prévoir l’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint de ressort
268
’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint
de
ressortir trop différent. Amour de soi, qui nous tourmente obscurémen
269
dont on craint de ressortir trop différent. Amour
de
soi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de
270
oi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède
de
craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’obje
271
urmente obscurément et nous obsède de craintes et
de
réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur de perd
272
ont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur
de
perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte impr
273
enons pas toujours l’objet. Peur de perdre le fil
de
la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des chos
274
s l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience
de
soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi…
275
ur de perdre le fil de la conscience de soi, peur
de
subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi… Mais moi, qu
276
subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour
de
soi… Mais moi, qui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame de
277
es. Amour de soi… Mais moi, qui suis-je ? Par ces
trois
mots commence le drame de toute vie. Ha ! Qui je suis ? Mais je le se
278
ui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame
de
toute vie. Ha ! Qui je suis ? Mais je le sens très bien ! je sens trè
279
’autres désirs contradictoires ; au gré du temps,
d’
un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges vien
280
contradictoires ; au gré du temps, d’un sourire,
d’
un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges viennent m’habiter
281
, d’un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou
de
dégoûts étranges viennent m’habiter ; je ne sais plus… Je suis beauco
282
mes amis ; quel est le vrai ? — Ils me proposent
vingt
visages que je puis à peine reconnaître. Reste le monde, — les choses
283
où l’on me fit comprendre qu’il n’est que le jeu
de
sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une
284
rendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement
d’
une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ;
285
je devins si faible et démuni, livré aux regards
d’
une foule absurde, bienveillante, repue, — tous paraissaient détenir u
286
les, si cruellement présentes et dures ? La cause
de
cette inadaptation, je la soupçonnais si grave, si fondamentale que j
287
référais me leurrer à combattre des imperfections
de
détail dont je m’exagérais l’importance. Et c’est ainsi par feintes q
288
trouble que je me refusai pourtant à nommer peur
de
rire. Cette amertume au fond de tous les plaisirs, cette envie de rir
289
ant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond
de
tous les plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui,
290
mertume au fond de tous les plaisirs, cette envie
de
rire quand il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes vi
291
il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir
de
mes victoires, à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul liait les
292
découvrais, dans tout mon être une force aveugle
de
violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où
293
organisaient brusquement les éléments désaccordés
de
ce moi que j’avais tant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un
294
dominateurs par quoi l’homme ne se distingue plus
de
l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui
295
t tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi
de
trop grand pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’était plus une doule
296
r ? dans quel sens ? Provisoirement j’étais sauvé
d’
un désordre où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas
297
e où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est
de
ne pas se défaire. Mais rien n’était résolu. Me voici devant quelques
298
problèmes dont je sais qu’il est absolument vain
de
prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d’avoir résolus : c’
299
prétendre les résoudre, mais que je dois feindre
d’
avoir résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la b
300
résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème
de
Dieu, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche
301
vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde
de
m’y perdre au début d’une recherche qui n’a que ce but de me rendre m
302
, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début
d’
une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre plein
303
erdre au début d’une recherche qui n’a que ce but
de
me rendre mieux apte à vivre pleinement. En priant, je m’arrête parfo
304
a consiste à retrouver l’instinct le plus profond
de
l’homme, la vertu conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les
305
eul qu’ils sont naturels : la nature est un champ
de
luttes, de tendances vers la destruction et vers la construction ; c’
306
sont naturels : la nature est un champ de luttes,
de
tendances vers la destruction et vers la construction ; c’est un méla
307
la construction ; c’est un mélange à doses égales
de
mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, pui
308
tion ; c’est un mélange à doses égales de mort et
de
vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est
309
ales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence
de
faire primer la vie, puisque n’est pas encore parfait cet instinct qu
310
rfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est
de
chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de ren
311
la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ;
de
me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces comp
312
hercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens
de
ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord
313
e Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ;
de
rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord donc, chois
314
de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices
de
mon destin. D’abord donc, choisir Mes instincts, ensuite, les éduquer
315
éduquer, selon des lois établies par le concours
de
l’expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le
316
lois établies par le concours de l’expérience et
d’
un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la consc
317
par le concours de l’expérience et d’un sentiment
de
convenance en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes li
318
en quoi se composent le plaisir et la conscience
de
Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouver ces limites :
319
la vie moderne, mécanique, nous les fait oublier,
d’
où cette fatigue générale qui fausse tout, et qui s’oppose au perfecti
320
fausse tout, et qui s’oppose au perfectionnement
de
l’esprit, puisqu’elle ne permet que des associations suivant les dire
321
ermet que des associations suivant les directions
de
moindre résistance. Mais je ne m’emprisonnerai pas dans ces limites.
322
mprisonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est
de
les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce
323
a liberté est de les porter plus loin sans cesse,
de
battre mes propres records. De ce lent effort naît une modestie que j
324
s loin sans cesse, de battre mes propres records.
De
ce lent effort naît une modestie que je m’enorgueillis un peu de conn
325
ie que je m’enorgueillis un peu de connaître ; et
de
cette volonté d’un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de m
326
ueillis un peu de connaître ; et de cette volonté
d’
un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La s
327
une faiblesse en la nommant ; or je ne veux plus
de
faiblesses4.) Et demain peut-être, agir dans le monde, si je m’en sui
328
t, comme elle veut une conscience. Je fais partie
d’
un ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’
329
ial et dans la mesure où j’en dépends, je me dois
de
m’employer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une
330
ur une doctrine possible, sur une systématisation
de
mes petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’être dans un d
331
petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment
d’
être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment s
332
’être dans un débat étranger à ce véritable débat
de
ma vie : comment surmonter un malaise sans cesse renaissant, comment
333
lois du monde, et comment augmenter ma puissance
de
jouir, en même temps que ma puissance d’agir. Que tout cela s’agite s
334
uissance de jouir, en même temps que ma puissance
d’
agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je le comprends par écl
335
puissance d’agir. Que tout cela s’agite sur fond
de
néant, je le comprends par éclairs, mais une secrète espérance m’empo
336
. Mais comme un écho profond, une attirance aussi
d’
anciennes folies… Combat, oscillations silencieuses dans ma demi-consc
337
, lueurs éteintes dans une nuit froide. Les notes
d’
un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’
338
chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée
de
mes désirs. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l’emporten
339
ennent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent
d’
un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ;
340
aimer son plaisir ? Je reste candidat au salut.
4.
La sincérité absolue, « scientifique » me paraît aller contre fin. Un
341
ont. Une fois écrites elles prennent un caractère
de
certitude qu’elles n’avaient pas encore en moi. C’est en quoi ma sinc
342
oi. C’est en quoi ma sincérité est tendancieuse.
5.
Quant à adhérer à une doctrine toute faite, ce me semble une dérision
343
une dérision complète. Je m’étonne qu’après tant
d’
expériences ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’un sys
344
’expériences ratées on puisse encore se persuader
de
la vérité d’un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai,
345
ratées on puisse encore se persuader de la vérité
d’
un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile.
346
itimes chez d’autres, même celles que je juge bon
d’
éliminer de moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mouvement norm
347
d’autres, même celles que je juge bon d’éliminer
de
moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mouvement normal » de vie
348
on équilibre, ou plutôt, son « mouvement normal »
de
vie. g. Rougemont Denis de, « Confession tendancieuse », Les Cahier
349
« mouvement normal » de vie. g. Rougemont Denis
de
, « Confession tendancieuse », Les Cahiers du mois, Paris, juin 1926,
350
tendancieuse », Les Cahiers du mois, Paris, juin
1926,
p. 144-148.
351
Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (
10
juillet 1926)h Je ferme les Bestiaires, et me tirant hors de ce «
352
Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet
1926
)h Je ferme les Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe de
353
Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe
de
violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux a
354
me tirant hors de ce « long songe de violence et
de
volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux au point qu’il f
355
des forces qui se lèvent. Car telle est la vertu
de
ce livre, qu’on l’éprouve d’abord trop vivement pour le juger. L’aute
356
e ça se vend mieux. Ce récit des premiers combats
de
taureaux du jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses m
357
jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome
de
ses mémoires lyriques. Une œuvre d’une seule coulée, presque sans int
358
nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre
d’
une seule coulée, presque sans intrigue, sans cette orchestration de t
359
, presque sans intrigue, sans cette orchestration
de
thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme,
360
de thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais
d’
une ligne plus ferme, d’une unité plus pure aussi. Le sujet était péri
361
a richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme,
d’
une unité plus pure aussi. Le sujet était périlleux : si particulier,
362
périlleux : si particulier, il prêtait à des abus
de
pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieu
363
articulier, il prêtait à des abus de pittoresque,
de
couleur locale, de détails techniques ou de fastidieuses explications
364
ait à des abus de pittoresque, de couleur locale,
de
détails techniques ou de fastidieuses explications nécessaires, défau
365
sque, de couleur locale, de détails techniques ou
de
fastidieuses explications nécessaires, défauts auxquels Montherlant n
366
e dans l’allure puissante à la fois et désinvolte
de
son récit. On a souvent parlé d’excès de lyrisme à propos des premier
367
is et désinvolte de son récit. On a souvent parlé
d’
excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette
368
sinvolte de son récit. On a souvent parlé d’excès
de
lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette fois-ci,
369
d’excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages
de
Montherlant. Cette fois-ci, on le traite de naturaliste. Mais comment
370
rages de Montherlant. Cette fois-ci, on le traite
de
naturaliste. Mais comment montrer des taureaux sans que cela sente un
371
ue cela sente un peu l’étable ? L’étonnant, c’est
de
voir à quel point Montherlant reste poète jusque dans la description
372
poète jusque dans la description la plus réaliste
de
la vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’il
373
t poète qu’il peut atteindre à pareille intensité
de
réalisme. Une perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui do
374
ntensité de réalisme. Une perpétuelle palpitation
de
vie anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’il s’accorde d’emblé
375
ers « comme un chant mystérieux entendu au-dessus
de
la mer », il y a toujours dans un coin du tableau des ruades, des che
376
ent et lèchent alternativement, « en vraies bêtes
de
désir ». Une intelligence si profonde de la vie animale suppose entre
377
es bêtes de désir ». Une intelligence si profonde
de
la vie animale suppose entre l’homme et la bête une sympathie que Mon
378
e à plusieurs reprises. C’est « par la divination
de
cet amour qu’Alban (le jeune héros du récit) sent ce que sent la bête
379
raiment que ce qu’on aime, et les victorieux sont
d’
immenses amants »6. Mais envers les taureaux cet amour tourne en adora
380
n aime, et les victorieux sont d’immenses amants »
6.
Mais envers les taureaux cet amour tourne en adoration ou en une véri
381
reflet bleu clair, soudain inquiètes à l’approche
de
l’inconnu. Nulle part mieux que dans la description des taureaux ne
382
sage du réalisme le plus hardi à un lyrisme plein
de
simple grandeur. Voici la mort du taureau dit « le Mauvais Ange » :
383
ureau dit « le Mauvais Ange » : La bête chancela
de
l’arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur le flanc, accom
384
e » : La bête chancela de l’arrière-train, tenta
de
se raidir, enfin croula sur le flanc, accomplissant sa destinée. Quel
385
ement les articulations grinçaient, avec le bruit
d’
un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase
386
rticulations grinçaient, avec le bruit d’un câble
de
navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime
387
sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime
de
son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, ell
388
à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime
de
son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme divine s
389
t ses jeux, et les génisses, et la chère plaine.
De
tels passages qui abondent dans les Bestiaires font pardonner bien d’
390
les Bestiaires font pardonner bien d’autres pages
de
vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle
391
de vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme
de
Montherlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’év
392
logiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle
de
la réalité, c’est tout de suite une orgie d’évocations antiques, de r
393
olle de la réalité, c’est tout de suite une orgie
d’
évocations antiques, de rapprochements superstitieux, de grands symbol
394
st tout de suite une orgie d’évocations antiques,
de
rapprochements superstitieux, de grands symboles païens, et l’on se p
395
ations antiques, de rapprochements superstitieux,
de
grands symboles païens, et l’on se perd dans un syncrétisme effarant,
396
x et Alban confondent leurs génies dans une sorte
de
cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce pa
397
nfondent leurs génies dans une sorte de cauchemar
de
soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalt
398
s génies dans une sorte de cauchemar de soleil et
de
sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre
399
e soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut
de
ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrifices sanglants.
400
r ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre
de
la fumée des sacrifices sanglants. Pour ma part, je le trouve assez p
401
uve assez peu humain et comme obsédé par une idée
de
violence tonique certes, mais décidément un peu pauvre pour fonder un
402
une religion. Mais ce n’est peut-être qu’un rêve
de
poète. Il y a un autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’e
403
plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est un moraliste
de
grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devient naturel ce
404
us mener à des hauteurs où devient naturel ce cri
de
sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin d’un autre amour que ce
405
de sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin
d’
un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de n
406
ue celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible
de
ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie
407
e de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation
de
l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu
408
xion des phrases, ce qui s’élève en fin de compte
de
tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un t
409
qui s’élève en fin de compte de tous ces tableaux
de
violence et de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inver
410
fin de compte de tous ces tableaux de violence et
de
passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d’au
411
eaux de violence et de passion, c’est la présence
d’
un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin,
412
, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse
de
tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’être, Montherlant
413
tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que
d’
être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’une puissance contag
414
d’être, Montherlant impose un tempérament lyrique
d’
une puissance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier des défauts
415
nt lyrique d’une puissance contagieuse. Il y a là
de
quoi faire oublier des défauts qui tueraient tout autre que lui. Cert
416
ne soulève directement aucun des grands problèmes
de
l’heure. La violence même qui sourd dans son être intime l’en empêche
417
n être intime l’en empêche, le préserve des états
d’
incertitude douloureux, où ces problèmes viennent se poser à l’esprit,
418
problèmes viennent se poser à l’esprit, profitant
de
son désaccord avec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Al
419
vec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il
d’
Alban — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou e
420
Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Alban — (
de
lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, qu
421
ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée
de
la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la g
422
es soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met
de
la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit les chos
423
’ai pas dit les choses sentimentales. Le tragique
de
la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec pathétique.
424
ttitude agace des gens qui se soucient avant tout
de
trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes p
425
ui se soucient avant tout de trouver des réponses
de
l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes s
426
tout de trouver des réponses de l’intelligence ou
de
la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Mont
427
telligence ou de la foi aux inquiétudes profondes
de
leurs âmes séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là
428
aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées
de
Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là « qui cherchent en gém
429
s séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes
de
ceux-là « qui cherchent en gémissant ». Mais cette personnalité dont
430
insolence les forces créatrices, ne vaut-elle pas
d’
être élevée en témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue des ath
431
vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan
de
grandeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de
432
r. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que
d’
oublier de vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il p
433
e point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier
de
vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant
434
ion aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force
d’
y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant s’abandonner parf
435
s obscures qui nous replacent dans l’intelligence
de
l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemmen
436
plus âpre et violemment contractée, par la grâce
de
l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages v
437
t contractée, par la grâce de l’éternel Désir ?
6.
Il est curieux de noter que de tels passages viennent à l’appui de la
438
la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux
de
noter que de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’inst
439
’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que
de
tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Bergs
440
de tels passages viennent à l’appui de la théorie
de
l’instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique
441
es viennent à l’appui de la théorie de l’instinct
de
Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique une chenille
442
du dedans, pour ainsi dire, sur la vulnérabilité
de
la chenille. » (Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place de
443
Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place
de
citer ici plusieurs autres passages qui préciseraient ce parallélisme
444
e du poète et du philosophe. h. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Henry de Montherlant, Les Bestiaires », La Semaine
445
Les Bestiaires », La Semaine littéraire, Genève,
10
juillet 1926, p. 335.
446
res », La Semaine littéraire, Genève, 10 juillet
1926,
p. 335.
447
Soir
de
Florence (13 novembre 1926)i Des cris mouraient vers les berges du
448
Soir de Florence (
13
novembre 1926)i Des cris mouraient vers les berges du fleuve jaune
449
Soir de Florence (13 novembre
1926
)i Des cris mouraient vers les berges du fleuve jaune, entre les de
450
raient vers les berges du fleuve jaune, entre les
deux
façades longues que la ville présente au couchant, dans ce corridor d
451
e la ville présente au couchant, dans ce corridor
de
lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle devient plus se
452
crète. Vers l’est, des collines fluides et roses.
De
l’autre côté, c’est le vide, où s’en vont lentement les eaux et les l
453
reposante. Cette imparfaite accoutumance au monde
de
sensations inconnues où nous étions baignés nous promettait pourtant
454
promettait pourtant une connaissance plus intime
de
certaine tristesse. Seule une maison blanche est arrêtée tout près de
455
est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas
d’
elle que vient cette chanson jamais entendue qui nous accompagne depui
456
ui nous accompagne depuis un moment sur le chemin
de
l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’un char tiré par des
457
de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant
d’
un char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais d
458
s bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais
de
chromos, de romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange
459
cs. Comme une apparition. (Tu parlais de chromos,
de
romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange.) Une atmos
460
ns une réalité bien plus étrange.) Une atmosphère
de
triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur du fleuve est s
461
dans une beauté que saluent tant de souvenirs n’a
d’
autre nom que celui de l’instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi
462
luent tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui
de
l’instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi simplement. Sans pensé
463
insi simplement. Sans pensée, perdus dans un soir
de
n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe
464
sée, perdus dans un soir de n’importe où, un soir
de
la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases
465
r de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe
de
pureté. Deux phrases rapides ondulent dans l’air lourd. Le chant desc
466
ure… L’homme chante une plainte inouïe de pureté.
Deux
phrases rapides ondulent dans l’air lourd. Le chant descend très douc
467
ennent au ras du fleuve sombre. Nul désir en nous
de
comprendre ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pens
468
impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus
de
sens, comme le fleuve. Elle n’est qu’odeurs, formes mouvantes, remous
469
rait sacrilège, comme une barre droite au travers
d’
un tableau. Nos yeux ont regardé longtemps — où va l’âme durant ces mi
470
s sèches… Puis la brume est venue comme une envie
de
sommeil. Une lampe dans la maison blanche nous a révélé proche la nui
471
Nous nous sommes retournés vers la ville. Fleurs
de
lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfa
472
Fleurs de lumières sur les champs sombres du ciel
de
l’est, et une façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato
473
ent des ombres informes et des harmonies troubles
de
parfums et de courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétra
474
informes et des harmonies troubles de parfums et
de
courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétrant comme cette
475
ds et faibles, caressant en nous la lâche volupté
de
sentir l’esprit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’ode
476
et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade
de
fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’être pliée au vent
477
s un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil
de
plante vaguement heureuse d’être pliée au vent qui ne parle jamais. N
478
e fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse
d’
être pliée au vent qui ne parle jamais. Nous fûmes si près de choir da
479
ui nous enivrait, promettant à nos sens, fatigués
de
l’esprit qui les exerce, des voluptés plus faciles — pour infuser dan
480
lus faciles — pour infuser dans nos corps charmés
d’
un repos sans rêves une langueur dont on ne voudrait plus guérir… Mais
481
rbes qu’épousent nos ferveurs, angles purs, repos
de
l’esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité de cette façade éle
482
l’esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité
de
cette façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’un équilibre
483
façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe
d’
un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’
484
t le signe d’un équilibre retrouvé. Un grand pont
de
fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des forces humaine
485
grand pont de fer, près de nous, érigeait l’image
de
la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui
486
sous des coups un son qui nous évoqua les rumeurs
de
villes d’usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il étai
487
oups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes
d’
usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y
488
t la vie des hommes pour demain, et il était beau
d’
y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des rues. L
489
es formes devinées dans l’espace nous environnent
d’
une obscure confiance. Livrons-nous aux jeux des hommes-qui-font-des-g
490
tes. Les autos répètent sans fin les notes mêlées
d’
une symphonie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en
491
mphonie qui va peut-être composer tous les bruits
de
la ville en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par
492
lle en un chant immense. Il passe une possibilité
de
bonheur par personne et les devantures ne cherchent qu’à vous plaire.
493
rabesque des sentiments et le mouvement perpétuel
de
l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de force
494
nts et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir
de
se sentir engagé dans un système d’ondes de forces qui tisse la nuit
495
mour. Plaisir de se sentir engagé dans un système
d’
ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, politesses, poli
496
aisir de se sentir engagé dans un système d’ondes
de
forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, politesses, politiques,
497
des musées ! — et si tu veux soudain le son grave
de
l’infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux, au plus beau
498
au plus beau ciel du monde. i. Rougemont Denis
de
, « Soir de Florence », La Semaine littéraire, Genève, 13 novembre 192
499
u ciel du monde. i. Rougemont Denis de, « Soir
de
Florence », La Semaine littéraire, Genève, 13 novembre 1926, p. 547-5
500
oir de Florence », La Semaine littéraire, Genève,
13
novembre 1926, p. 547-548.
501
nce », La Semaine littéraire, Genève, 13 novembre
1926,
p. 547-548.
502
Dés ou la clef des champs (
1927
)l « On sent l’absurdité d’un semblable système. » Musset. Une r
503
clef des champs (1927)l « On sent l’absurdité
d’
un semblable système. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur l
504
rose et un journal oubliés sur le marbre vulgaire
d’
une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consomma
505
ournal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table
de
café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommation. Comme
506
re d’une table de café. Je venais de m’asseoir et
de
commander une consommation. Comme d’habitude, un peu après six heures
507
m’asseoir et de commander une consommation. Comme
d’
habitude, un peu après six heures. J’étais seul. Le café est un lieu a
508
une consommation. Comme d’habitude, un peu après
six
heures. J’étais seul. Le café est un lieu anonyme bien plus propice a
509
du bureau, les gages insupportablement familiers
d’
une vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apé
510
ges insupportablement familiers d’une vie honnête
de
type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apéro, on entre ici d
511
familiers d’une vie honnête de type courant. Pour
dix
sous et le prétexte d’un apéro, on entre ici dans le jardin des songe
512
ête de type courant. Pour dix sous et le prétexte
d’
un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les plus étranges
513
étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc
d’
ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur
514
cela m’intéresse au fond : les faits-divers, rien
de
moins divers. Mais je suis pris dans l’absurde réseau des lignes, et
515
tte mécanique me restitue chaque fois un peu plus
de
lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette r
516
chaque fois un peu plus de lassitude, un peu plus
d’
ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : pe
517
de lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc
de
rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : perdre une rose pour le pl
518
. Il déplia le journal et se mit à lire les pages
d’
annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes
519
es. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini
de
boire, mes pensées plus rapides s’en allèrent un peu vers l’avenir et
520
oulait dans la banlieue printanière ; des soupers
d’
amis dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de couleur pour
521
dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes
de
couleur pour ma femme… Mais l’homme avait posé son journal. Soudain,
522
oudain, portant la main à son gilet, il en retira
trois
dés qu’il jeta sur la table. Les yeux brillants, il compta. Une indéc
523
. Il en parcourait rapidement les pages, la proie
d’
une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fi
524
roie d’une agitation visible. Bientôt il m’offrit
de
jouer un moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagna
525
r vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient
d’
une joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’en mo
526
uel. C’était un jeu très simple où l’esprit libre
de
calculs se tend ardemment vers la conclusion d’un hasard qui opère au
527
e de calculs se tend ardemment vers la conclusion
d’
un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confia
528
conclusion d’un hasard qui opère au commandement
de
la main. Ce soir-là, une confiance me possédait, telle que je savais
529
mouvants où je me voyais figurer comme une sorte
de
« personnage aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues de sa
530
aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues
de
sa vie, brillantes ou misérables, passionnées. Mais bientôt : — « Des
531
-il, tu pourrais me remercier. Vois quels chemins
de
perdition j’ouvre sans cesse à ta course aveugle ; tu n’aurais pas tr
532
tout seul, avec tes airs pessimistes. De nouveau,
d’
un coup de dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le v
533
avec tes airs pessimistes. De nouveau, d’un coup
de
dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le voilà riche
534
tu te réjouissais, parce que tu n’as pas beaucoup
d’
imagination, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à
535
pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers
de
situations complètement démodées et d’intrigues usées jusqu’à la cord
536
à travers de situations complètement démodées et
d’
intrigues usées jusqu’à la corde, jusqu’à la corde pour les pendre, ha
537
pensais que j’allais me cramponner à cette espèce
de
bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aus
538
leur vie à la gagner9, et leur façon inexplicable
de
lier des valeurs morales aux cours de bourse. « Heureux quoique pauvr
539
nexplicable de lier des valeurs morales aux cours
de
bourse. « Heureux quoique pauvre » comme ils disent dans leurs manuel
540
s voler, pour leur apprendre. Et leur manie aussi
de
situer le paradis dans la classe d’impôts immédiatement supérieure à
541
r manie aussi de situer le paradis dans la classe
d’
impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient que leur vie
542
la leur. Ils voudraient que leur vie garantît un
5
% régulier de plaisirs, avec assurance contre faillites morales et do
543
voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier
de
plaisirs, avec assurance contre faillites morales et douleurs d’amour
544
ec assurance contre faillites morales et douleurs
d’
amour — ô vertige sans prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caiss
545
prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caisses
d’
épargne, monuments d’une bassesse morale inconcevable, temples de leur
546
Ils ont inventé les caisses d’épargne, monuments
d’
une bassesse morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leur
547
ments d’une bassesse morale inconcevable, temples
de
leurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissanc
548
morale inconcevable, temples de leurs paresses et
de
leurs lâchetés, glorification de leur impuissance à concevoir un autr
549
eurs paresses et de leurs lâchetés, glorification
de
leur impuissance à concevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont re
550
cevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont reçu
de
papa-maman et l’Habitude, leur marraine aux dents jaunes. Ah ! perdre
551
’est toujours à qui perd gagne ! Sauter follement
d’
une destinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie,
552
e ! Sauter follement d’une destinée dans l’autre,
de
douleurs en ivresses avec la même joie, mon cheval fou, mon beau Dési
553
angoisse. Ça les dérange terriblement, sauf un ou
deux
qui s’imaginent gagner à mes dépens, témoin ce brave homme qui est en
554
i est en train de me soutirer les quelque billets
de
mille dont je venais de régler le sort, puisque demain dès l’aube, j’
555
st en train de me soutirer les quelque billets de
mille
dont je venais de régler le sort, puisque demain dès l’aube, j’irai t
556
aube, j’irai tenter la misère aux yeux las pleins
de
rêves, la misère qui fait des soirs si doux aux amants quand ils n’on
557
ants quand ils n’ont plus que des baisers au goût
d’
adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et
558
r des visions. Les lustres doraient un brouillard
de
fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était as
559
cette rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit
d’
un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regard
560
mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé
de
joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musi
561
garder bizarrement et j’étais possédé de joies et
de
peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la ru
562
loguaient follement au-dessus des rues parcourues
de
longs cris en voyage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et de
563
yage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et
de
cette nuit peut-être, je ne saurai jamais rien… (sinon qu’au lendemai
564
es paroles — ou peut-être n’étaient-ce que celles
de
mes folies ? Je me répète : paradoxes, mais cela ne suffit plus à m’e
565
ue je devrais tenter quelque chose. Je suis plein
de
rêves, certains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi, et ma femme
566
le lait va monter. Alors, dans ma chambre, avant
d’
aller souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et j
567
sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, soudain plein
de
mépris et de désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus am
568
é. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et
de
désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus amère, plus amè
569
encore, saurai-je un jour te désirer, te haïr…
9.
Calembour sur une idée juste. (Note de l’éd.) l. Rougemont Denis de
570
te haïr… 9. Calembour sur une idée juste. (Note
de
l’éd.) l. Rougemont Denis de, « Dés ou la clef des champs », Neuchâ
571
idée juste. (Note de l’éd.) l. Rougemont Denis
de
, « Dés ou la clef des champs », Neuchâtel 1928 : beaux-arts, arts app
572
enis de, « Dés ou la clef des champs », Neuchâtel
1928
: beaux-arts, arts appliqués, architecture, littérature, Neuchâtel, 1
573
appliqués, architecture, littérature, Neuchâtel,
1927,
p. 97-104.
574
Conférence
d’
Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1
575
Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation
de
l’édit de Nantes » (16 février 1927)j Le sujet que M. Esmonin, pro
576
smonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (
16
février 1927)j Le sujet que M. Esmonin, professeur à la Faculté de
577
« La révocation de l’édit de Nantes » (16 février
1927
)j Le sujet que M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres de
578
e M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres
de
Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle des Conférences, devant
579
un des plus passionnants et des plus controversés
de
l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de reste
580
ants et des plus controversés de l’histoire. L’un
de
ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lomb
581
L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile
de
rester impartial. M. Lombard, recteur de l’Université, en introduisan
582
ifficile de rester impartial. M. Lombard, recteur
de
l’Université, en introduisant le conférencier, a fait allusion aux di
583
cation. M. Esmonin, lui, se place au point de vue
de
l’historien scrupuleux, qui juge d’après les textes, les causes et le
584
(Cette attitude est plus rare qu’on ne le croit,
de
nos jours.) M. Esmonin montra avec beaucoup de clarté comment, entre
585
nin montra avec beaucoup de clarté comment, entre
1578,
date de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la
586
avec beaucoup de clarté comment, entre 1578, date
de
la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France
587
arté comment, entre 1578, date de la proclamation
de
l’édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus gr
588
entre 1578, date de la proclamation de l’édit, et
1685,
date de la révocation, la France passa de la plus grande liberté à la
589
date de la proclamation de l’édit, et 1685, date
de
la révocation, la France passa de la plus grande liberté à la plus gr
590
, et 1685, date de la révocation, la France passa
de
la plus grande liberté à la plus grande tyrannie. En proclamant la li
591
religieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête
de
la civilisation ; en interdisant aux réformés d’exercer leur religion
592
de la civilisation ; en interdisant aux réformés
d’
exercer leur religion, mais en même temps de quitter le pays, Louis XI
593
ormés d’exercer leur religion, mais en même temps
de
quitter le pays, Louis XIV commit un des actes les plus vexatoires qu
594
oire ait enregistrés. Après avoir fait un tableau
de
la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orat
595
gistrés. Après avoir fait un tableau de la France
de
l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur expose co
596
e la France de l’édit, victorieuse dans la guerre
de
Trente Ans, l’orateur expose comment on en vint à la révocation. C’es
597
a France de l’édit, victorieuse dans la guerre de
Trente
Ans, l’orateur expose comment on en vint à la révocation. C’est d’abo
598
tion. C’est d’abord l’influence du clergé, jaloux
de
ses droits considérables encore ; puis ce sont les conseillers intime
599
t fort bien leurs intérêts immédiats à leur désir
de
gagner le ciel, persuadent Louis XIV que la révocation serait une œuv
600
n serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable
de
lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, « un niais en
601
eil et capable de lui faire pardonner les erreurs
de
sa jeunesse. Le roi, « un niais en matière religieuse » au dire de sa
602
e roi, « un niais en matière religieuse » au dire
de
sa belle-sœur, la princesse palatine, se laisse facilement convaincre
603
jésuites ont déjà réussi à « tourner » l’édit par
mille
arguties juridiques. Et les statistiques faussées peuvent faire croir
604
ants. Aussi ne s’effraye-t-on pas trop, au début,
de
l’émigration des fidèles qui suivent leurs pasteurs proscrits. On esp
605
eurs pasteurs proscrits. On espère bien convertir
de
gré ou de force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins
606
urs proscrits. On espère bien convertir de gré ou
de
force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins catholiqu
607
ont presque anéanties ; les conséquences funestes
de
l’acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la
608
e anéanties ; les conséquences funestes de l’acte
de
révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la confessio
609
cation commencent à se révéler politiques (guerre
de
la confession d’Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félici
610
à se révéler politiques (guerre de la confession
d’
Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félicitations arrachées
611
par Louis XIV au pape, les catholiques sont loin
d’
être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une le
612
loin d’être unanimes à louer la révocation. L’un
d’
eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont
613
L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois,
de
ce que « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évan
614
« les dragons ont été les meilleurs prédicateurs
de
notre Évangile ». Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis d’
615
Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis
d’
autre crime que de « déplaire au roi » vont reprendre de plus belle :
616
ns contre ceux qui n’ont commis d’autre crime que
de
« déplaire au roi » vont reprendre de plus belle : la guerre civile s
617
le succède aux dragonnades. M. Esmonin s’abstient
d’
en faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs.
618
faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit
de
ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’Albert Sorel, selon
619
e ses auditeurs. Il termine en citant le jugement
d’
Albert Sorel, selon qui la date du 16 octobre 1685 marque une déviatio
620
le jugement d’Albert Sorel, selon qui la date du
16
octobre 1685 marque une déviation dans l’histoire de la France. Dévia
621
t d’Albert Sorel, selon qui la date du 16 octobre
1685
marque une déviation dans l’histoire de la France. Déviation telle, e
622
octobre 1685 marque une déviation dans l’histoire
de
la France. Déviation telle, en effet, que nous en sentons les conséqu
623
e, en effet, que nous en sentons les conséquences
de
nos jours encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjo
624
e M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjouir
de
retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’il va consacrer à Louis XIV l’exp
625
qu’il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué
de
parti pris, si libre et d’une si élégante science du sympathique prof
626
XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et
d’
une si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. j. R
627
une si élégante science du sympathique professeur
de
Grenoble. j. Rougemont Denis de, « La révocation de l’édit de Nant
628
que professeur de Grenoble. j. Rougemont Denis
de
, « La révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel,
629
enoble. j. Rougemont Denis de, « La révocation
de
l’édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 16 févrie
630
e, « La révocation de l’édit de Nantes », Feuille
d’
avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 16 février 1927, p. 8.
631
révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’avis
de
Neuchâtel, Neuchâtel, 16 février 1927, p. 8.
632
Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel,
16
février 1927, p. 8.
633
euille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 16 février
1927,
p. 8.
634
Jeunes artistes neuchâtelois (avril
1927
)k Neuchâtel va-t-elle redevenir le centre artistique qu’elle fut a
635
le passé ? Allons-nous assister à un regroupement
de
ses forces créatrices ? La question est peut-être prématurée. Mais le
636
se pose me paraît indiquer que l’un au moins des
deux
éléments nécessaires à ce regroupement existe : il y a de jeunes pein
637
nts nécessaires à ce regroupement existe : il y a
de
jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà d
638
uchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà
de
discerner parmi eux certaines tendances générales, nous y reviendrons
639
que le meilleur ; mais l’émulation, l’atmosphère
de
combat nécessaire au développement de certains jeunes tempéraments le
640
’atmosphère de combat nécessaire au développement
de
certains jeunes tempéraments leur fait défaut dans la même mesure. Ai
641
r fait défaut dans la même mesure. Ainsi risquent
de
s’établir autour d’eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais p
642
a même mesure. Ainsi risquent de s’établir autour
d’
eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès,
643
dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde
d’
amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiq
644
des efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs
de
découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant
645
stiques. Tout ce monde d’amateurs de découvertes,
de
snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde
646
out ce monde d’amateurs de découvertes, de snobs,
de
marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous l
647
d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands
de
tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémisme
648
découvertes, de snobs, de marchands de tableaux,
de
critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés
649
de snobs, de marchands de tableaux, de critiques
d’
avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés comme vertus
650
e à nous revenir munis du passeport indispensable
d’
une consécration étrangère. Un jour en effet l’on apprend que tel tabl
651
re. Un jour en effet l’on apprend que tel tableau
de
jeune est « coté » chez un gros marchand. Aussitôt, les feuilles loca
652
hand. Aussitôt, les feuilles locales retentissent
de
touchants échos : « C’est avec un légitime orgueil que notre petit pa
653
eillera cette consécration bien méritée du talent
d’
un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans u
654
ra cette consécration bien méritée du talent d’un
de
ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une Ro
655
ccorde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils
d’
un tel père. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’il en fai
656
force se développe. N’était certain petit plaisir
d’
impertinence, je me fusse dispensé de redire ces lieux communs, auxque
657
etit plaisir d’impertinence, je me fusse dispensé
de
redire ces lieux communs, auxquels pourtant nos circonstances confère
658
D’ailleurs, sachons le reconnaître, il y a moins
de
malice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incomp
659
achons le reconnaître, il y a moins de malice que
de
paresse dans les jugements du public, et moins d’incompréhension que
660
de paresse dans les jugements du public, et moins
d’
incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer n
661
gements du public, et moins d’incompréhension que
de
timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates de naissance,
662
éhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas
de
ne citer ni dates de naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophé
663
ité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates
de
naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions d
664
pas de ne citer ni dates de naissance, ni traits
d’
enfance géniaux et prophétiques, ni opinions de critiques autorisés. D
665
ts d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions
de
critiques autorisés. Du benjamin, Eugène Bouvier, qui a 25 ans, jusqu
666
ues autorisés. Du benjamin, Eugène Bouvier, qui a
25
ans, jusqu’à André Evard, qui en a près de 50, si les peintres dont n
667
i a 25 ans, jusqu’à André Evard, qui en a près de
50,
si les peintres dont nous allons parler méritent d’être appelés jeune
668
si les peintres dont nous allons parler méritent
d’
être appelés jeunes, c’est par leurs œuvres avant tout. D’autre part j
669
graphie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer
de
contagion contre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucu
670
tre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen
d’
aucun de ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’a
671
el je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucun
de
ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’art diplô
672
plômé. Premier péché contre l’histoire : au seuil
d’
un article consacré aux jeunes artistes neuchâtelois, je vous présente
673
ésente Conrad Meili, un Zurichois qui nous arriva
de
Genève il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures
674
li, un Zurichois qui nous arriva de Genève il y a
de
cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits
675
urichois qui nous arriva de Genève il y a de cela
cinq
ou six ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits paysages,
676
qui nous arriva de Genève il y a de cela cinq ou
six
ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits paysages, il des
677
ou six ans. Il peignait alors des natures mortes,
de
petits paysages, il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était un
678
petits paysages, il dessinait des nus aux crayons
de
fard. C’était un peu plus Blanchet que Barraud, plus Picasso que Mati
679
ans cette petite maison qu’on reconnaissait entre
trente
pareilles, aux cactus qui ornaient les fenêtres, dans une chambre pei
680
res, dans une chambre peinte en bleu vif et ornée
de
surprenants batiks, il s’est livré pendant quelques années à des rech
681
à des recherches un peu théoriques et abstraites.
De
cette époque datent des toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors
682
cette époque datent des toiles comme le Souvenir
de
l’Évêché. Décors et personnages semblent d’une matière idéale. Tout e
683
venir de l’Évêché. Décors et personnages semblent
d’
une matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement.
684
parfait seulement. Il manque à ces recompositions
de
la nature, à ces natures remises à neuf, l’imperfection humaine qui t
685
ompositions de la nature, à ces natures remises à
neuf
, l’imperfection humaine qui touche. Mais l’atmosphère pure de ces esp
686
ection humaine qui touche. Mais l’atmosphère pure
de
ces espaces définis par quelques plans ne tue pas un certain mystère.
687
dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille
de
constater combien l’épuration rigoriste de sa technique sert une visi
688
veille de constater combien l’épuration rigoriste
de
sa technique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures su
689
n rigoriste de sa technique sert une vision aigüe
de
la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité
690
chnique sert une vision aigüe de la vie. La série
de
gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité est un petit chef-d
691
qu’il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre
de
réalisme stylisé. C’est d’un art très volontaire, qui connaît ses res
692
un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est
d’
un art très volontaire, qui connaît ses ressources et sait en user ave
693
t en user avec la sobriété qui produit le maximum
d’
expression. Cette « simplicité précieuse », il sait la conférer à tout
694
affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra
de
reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu biz
695
ïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une
de
ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il glisse s
696
e reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin
de
comique un peu bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’attend le m
697
ad Meili apporte chez nous une inspiration neuve,
d’
origine germanique, mais qui a choisi de s’astreindre à la voluptueuse
698
on neuve, d’origine germanique, mais qui a choisi
de
s’astreindre à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épuran
699
les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément
de
vitalité combative qui manque trop souvent au Neuchâtelois. S’il cass
700
pour le plaisir, mais plutôt par amour du courant
d’
air. Cela dérange toujours quelques frileux, mais les autres sont soul
701
e fût-ce qu’en prenant une initiative comme celle
de
Neuchâtel 1927 7 il aura bien mérité sa place parmi les artistes neuc
702
n prenant une initiative comme celle de Neuchâtel
1927
7 il aura bien mérité sa place parmi les artistes neuchâtelois. Actue
703
nant une initiative comme celle de Neuchâtel 1927
7
il aura bien mérité sa place parmi les artistes neuchâtelois. Actuell
704
âtelois. Actuellement, Meili achève la décoration
d’
une salle d’hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce
705
uellement, Meili achève la décoration d’une salle
d’
hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce paysagiste
706
pressionniste s’astreindrait jamais aux exigences
de
la technique décorative ! Voilà qui laisse espérer parmi nos artistes
707
rapprochements moins paradoxaux. Donzé n’est pas
de
ceux pour qui la peinture consiste à habiller une idée. Voyez son por
708
consiste à habiller une idée. Voyez son portrait
de
Meili : il ne prend pas le sujet par l’intérieur, mais il taille ce v
709
a presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a
de
la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une sensualité qui s
710
l voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement
de
ses couleurs, une sensualité qui sait se faire délicate quand du haut
711
nsualité qui sait se faire délicate quand du haut
de
San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des ja
712
se faire délicate quand du haut de San Miniato ou
de
Fiesole, il peint Florence avec des roses et des jaunes jamais mièvre
713
x allures discrètes promène sur le monde des yeux
de
Japonais d’une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne c
714
scrètes promène sur le monde des yeux de Japonais
d’
une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais i
715
lus loin qu’on ne croit, mais il a toujours l’air
de
songer à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa premièr
716
peinture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer,
d’
une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans toute sa palet
717
qu’on cherche en vain chez beaucoup des meilleurs
de
nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces faciles ou sentime
718
grâces faciles ou sentimentales. Il y a une sorte
d’
aristocratique dissimulation dans l’œuvre de Bouvier. Sa technique qui
719
sorte d’aristocratique dissimulation dans l’œuvre
de
Bouvier. Sa technique qui paraît au premier abord masquer ses intenti
720
; mais il faut pour comprendre cet art emprunter
de
singuliers chemins d’accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient
721
omprendre cet art emprunter de singuliers chemins
d’
accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bo
722
’abord vous prend et vous retient dans un tableau
de
Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut par où l’o
723
s un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte
de
dissonance, un défaut par où l’on va peut-être se glisser dans l’atmo
724
où l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère
de
l’œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout dev
725
e mystique exige pour être compris une complicité
de
sentiments ou d’état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron,
726
pour être compris une complicité de sentiments ou
d’
état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron, parmi ses aînés,
727
rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres
de
ce pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie de B
728
i la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie
de
Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épano
729
t tout. Mais la nostalgie de Bouvier l’entraîne à
mille
lieues des jardins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles de M
730
de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins
de
sourires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il semble toujo
731
ins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles
de
Meuron. Il semble toujours qu’il peigne entre deux pluies. Il aime ce
732
de Meuron. Il semble toujours qu’il peigne entre
deux
pluies. Il aime ces heures où ciel et onde se mêlent, et sait rendre
733
t, et sait rendre mieux que personne la liquidité
d’
un lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temps couvert, ca
734
urtant l’impression, à voir ses dernières toiles,
d’
une plus grande certitude intérieure. Les visages sont plus calmes, le
735
paraître… Charles Humbert ou comment on passe en
cinq
ans de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que
736
Charles Humbert ou comment on passe en cinq ans
de
Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles
737
ut craindre que Charles Humbert ne devînt le chef
d’
une école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes
738
t, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes
d’
une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déj
739
en des scènes d’une bizarre fantaisie, un mélange
de
Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine
740
es d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et
d’
Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine Woog, G. H.
741
l avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins
d’
un dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassurant. C’était
742
intermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets
d’
une opulence assez désordonnée, des rouges trop violents éclataient av
743
tureuse que les formes, il y a une belle richesse
de
lueurs sur une matière traitée largement et d’une abondance très sûre
744
se de lueurs sur une matière traitée largement et
d’
une abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup att
745
t ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup attendre
de
ce tempérament qui fait jaillir en lui sans cesse des possibilités im
746
es possibilités imprévues. Il y a un côté « homme
de
la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa fougue originale.
747
n a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit
de
le voir peint par lui-même pour s’en assurer. La tête large, aux yeux
748
yeux clairs et assurés, le cou robuste, les mains
d’
un si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout cela commu
749
lle lourdeur, tout cela communique une impression
de
puissance domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline
750
ssance domptée et qui semble se faire une volupté
de
la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renai
751
ampe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi,
d’
un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis
752
e (elle peint aussi, d’un œil regardant le sujet,
de
l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis voici François Barraud, le p
753
ssins qui ressemblent beaucoup aux petites huiles
de
Charles, moins intensément réalistes, plus fins, mais tout aussi habi
754
implifie et renforce l’expression. Décidément ces
trois
frères sont une école. Délaissant un moment ce trésor du meilleur réa
755
is retrouver, allons errer un peu dans le royaume
d’
Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne saurions trouver
756
rcevoir, peut-être. Il suivait son petit bonhomme
de
chemin sans se douter qu’il avait pris quelques années d’avance sur s
757
n sans se douter qu’il avait pris quelques années
d’
avance sur ses contemporains. Un jour les jeunes le rattrapent. Saluta
758
s choses bien curieuses sur son compte. Il a fait
de
la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges
759
la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit
de
noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à
760
rie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et
d’
oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des
761
r… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin
d’
horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mouvement perpétuel. Une a
762
doit être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan
d’
une machine à mouvement perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’
763
eux où se coupent des plans transparents, cellule
de
quelque palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où s
764
des plans transparents, cellule de quelque palais
de
glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où sous un éclairage t
765
e de quelque palais de glaces en miniature, sorte
de
boîte à miracles où sous un éclairage très net, mais inusité, l’objet
766
et, mais inusité, l’objet le plus banal se charge
de
mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe
767
se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe
de
quel occulte prodige ? Intrigué, vous reprenez ce que vous pensiez n’
768
intitulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance
d’
un songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces
769
pas naissance d’un songe ? C’est en effet un rêve
de
précision qui s’incarne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir
770
rne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir
de
la perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songe
771
a perfection exercée par jeu. Mais quel support à
de
nouvelles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges à c
772
rte. Attention qu’André Evard n’aille trouver une
de
ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier ou
773
r en instruments métaphysiques ces bonnes montres
de
précision de La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappel
774
nts métaphysiques ces bonnes montres de précision
de
La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappelons le souven
775
nt de quitter les peintres, rappelons le souvenir
de
Charles Harder, qui est mort jeune, sans avoir pu donner toute sa mes
776
toute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins,
d’
une sûreté un peu traditionnelle, d’un style pourtant assez large et q
777
des dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle,
d’
un style pourtant assez large et que n’entravait pas son scrupule réal
778
scrupule réaliste. ⁂ Mais voici dans son costume
d’
aviateur, retour de Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Per
779
⁂ Mais voici dans son costume d’aviateur, retour
de
Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Perrin a compris tout
780
uelque lourdeur dans des morceaux comme le Joueur
de
rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’at
781
rceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids
de
la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’atteignai
782
it le poids de la pierre, plus que celui du corps
de
l’athlète ; l’œuvre n’atteignait pas encore pleinement sa vie propre.
783
semble avoir évolué vers une plus grande harmonie
de
lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste un
784
par les sujets et un style qui sait rester ample,
d’
une simplicité non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’on peut
785
sait rester ample, d’une simplicité non dépourvue
de
puissance. Une fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon de s
786
fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon
de
style donnée par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager de son
787
par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager
de
son outrance théorique. C’est dans la manière cubiste encore que Perr
788
errin décora naguère fort plaisamment une pendule
de
Ditisheim ; que Vincent Vincent, peintre, romancier et critique d’art
789
ique d’art, compose des coussins, des couvertures
de
livres, des étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perreno
790
coussins, des couvertures de livres, des étoffes,
d’
une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tab
791
ptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine
de
petits tableaux en papiers découpés, avec une ingéniosité délicieusem
792
tes pas complète. Mais elle a du moins l’avantage
de
grouper des artistes qui, par le fait des circonstances peut-être plu
793
le fait des circonstances peut-être plus que par
de
naturelles affinités, se trouvent former un mouvement actif déjà, et
794
former un mouvement actif déjà, et dont Neuchâtel
1927
sera la première manifestation collective. Est-il possible, au sein
795
ctive. Est-il possible, au sein de ce mouvement,
d’
en distinguer d’autres plus organiques ? D’une part il y a des préoccu
796
s qui pourraient aboutir peut-être à la formation
d’
un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des
797
et et le domaine où elles se réalisent que celles
de
Le Corbusier8, Meili, Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche
798
, Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche
de
la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la
799
toutes une recherche de la simplicité savante et
de
la perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse qui
800
t de même une orientation générale vers une sorte
de
classicisme moderne dont les frères Barraud ne seraient pas très éloi
801
n avenir peut-être proche dira dans quelle mesure
de
tels groupements correspondent à une réalité artistique. Pour aujourd
802
vions fait qu’affirmer l’existence et la vitalité
d’
une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu
803
est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et
d’
une maigre végétation artistique. Pays où l’on préfère la netteté util
804
les plus durs réservent des douceurs secrètes.
7.
Publication dont cette revue entretenait récemment ses lecteurs. 8.
805
cette revue entretenait récemment ses lecteurs.
8.
Voir sur cet artiste neuchâtelois, de son vrai nom Ch. E. Jeanneret,
806
lecteurs. 8. Voir sur cet artiste neuchâtelois,
de
son vrai nom Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro de févr
807
Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro
de
février de cette revue. k. Rougemont Denis de, « Jeunes artistes ne
808
nneret, un article paru dans le numéro de février
de
cette revue. k. Rougemont Denis de, « Jeunes artistes neuchâtelois
809
o de février de cette revue. k. Rougemont Denis
de
, « Jeunes artistes neuchâtelois », Das Werk, Zurich, avril 1927, p. 1
810
artistes neuchâtelois », Das Werk, Zurich, avril
1927,
p. 123-129.
811
Un soir à Vienne avec Gérard (
24
mars 1928)m À Pierre Jeanneret et à son étoile nervalienne. Je v
812
Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars
1928
)m À Pierre Jeanneret et à son étoile nervalienne. Je vins à Vien
813
Mais les Viennois avaient fui dans les opérettes
de
Strauss, qu’on ne trouve plus nulle part. Dans les dancings, un peupl
814
uve plus nulle part. Dans les dancings, un peuple
de
fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Entente, applau
815
euple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants
de
la Petite-Entente, applaudissait chaque soir entre deux airs anglais
816
a Petite-Entente, applaudissait chaque soir entre
deux
airs anglais Le Beau Danube bleu, en commémoration polie d’un passé i
817
glais Le Beau Danube bleu, en commémoration polie
d’
un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au
818
d’un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer
de
se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce qu
819
ut-être pour essayer de se prendre encore au rêve
de
valse qu’on était venu chercher parce que cela vaudrait bien d’autres
820
vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais un tour
de
tourniquet anéantissait cette Vienne tout occupée à ressembler à l’id
821
ge, ouvert au vent glacial, crée autour du centre
de
la ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement
822
r à la Russie et au sifflement des balles perdues
d’
une révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter l
823
u sifflement des balles perdues d’une révolution.
Sept
heures du soir : le moment était venu d’arrêter le plan de la soirée,
824
ution. Sept heures du soir : le moment était venu
d’
arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste a
825
du soir : le moment était venu d’arrêter le plan
de
la soirée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants p
826
rée, et cette promenade où il y avait juste assez
de
passants pour qu’on la sentît déserte ne me proposait qu’une frileuse
827
e frileuse nostalgie. Mais qui fallait-il accuser
de
cette duperie, qui rendre responsable de ma déception, sinon moi-même
828
accuser de cette duperie, qui rendre responsable
de
ma déception, sinon moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’u
829
er son objet, de même qu’atteignant certain degré
d’
intensité, un état d’âme crée une situation qui l’exprime — bien qu’on
830
ées que par un léger décalage dans la chronologie
de
nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine
831
décalage dans la chronologie de nos sentiments et
de
nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’un
832
, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais
d’
un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sen
833
omantisme viennois, je fus conduit, par une sorte
de
compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’Hoffman
834
sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes
d’
Hoffmann. Je comprends aujourd’hui le lien qui unissait dans mon espri
835
n esprit Vienne et Hoffmann : c’était le souvenir
de
Gérard de Nerval. Mais je pense que je n’avais même pas prononcé inté
836
dans l’ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé
de
me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’on attend dans
837
re, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté
d’
une place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonstances, u
838
uait le rendez-vous que j’avais demandé au hasard
d’
arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — a
839
avais demandé au hasard d’arranger. Mais le thème
de
la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent p
840
arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare
de
tout mon être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’une fanf
841
être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son
d’
une fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’un monde que sus
842
e fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve
d’
un monde que suscite en moi seul peut-être cette plainte heureuse des
843
ïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et
de
la pureté où vibrent par instants les accords d’une harmonie surnatur
844
de la pureté où vibrent par instants les accords
d’
une harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je
845
oi, il n’entend pas ma question. L’envie me prend
d’
aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’un amour t
846
rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation
d’
un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais
847
enaçantes. Mais la musique est si légère, la voix
de
la jeune fille si transparente : la mort même en devient moins brutal
848
istesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche
d’
une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibl
849
ndeur où se perdraient nos amours terrestres dans
d’
imprévisibles transfigurations, — l’heure anxieuse et mélancolique où
850
là que la forme blanche, sous un brusque faisceau
de
lumière m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens volup
851
aisceau de lumière m’apparaît avec le visage même
de
mon amour. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige de te revo
852
. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige
de
te revoir, vertige de te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce
853
sement perdre pied. Vertige de te revoir, vertige
de
te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce que c’est bien toi de
854
de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir
de
cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre… Mon voisi
855
du ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez
d’
atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous m
856
ais le temps approche où vous n’aurez plus besoin
de
souffrir pour comprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène, un
857
s besoin de souffrir pour comprendre. Le faisceau
de
lumière quitta la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de m
858
la scène, un reflet balaya le parterre, le visage
de
mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis
859
ge de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier
de
barbe noire. Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait une ca
860
connu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode
de
1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance très modern
861
nu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode de
1830,
qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance très moderne. Il
862
moderne. Il n’y avait dans toute sa personne rien
de
positivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce s
863
itivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment
de
quoi que ce soit d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté
864
e n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit
d’
immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté la première reconnai
865
jeté la première reconnaissance empêcha ma raison
d’
intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut
866
e empêcha ma raison d’intervenir entre la réalité
de
ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes e
867
éalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut
de
sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’O
868
sion et mon cerveau pris au défaut de sa carapace
de
principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de
869
eau pris au défaut de sa carapace de principes et
d’
évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi,
870
e principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes
de
l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, co
871
Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit
d’
autre, comme des amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’un éch
872
qu’un échange tacite suffit aux petites décisions
de
la vie quotidienne. Gérard tenait en laisse le fameux homard enrubann
873
nnois, me dit-il, parce qu’ils y voient une façon
de
me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. »
874
-il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer
de
leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. » Il y avait pe
875
s jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air
de
ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n’a guère changé, dis-je, songe
876
ins n’a guère changé, dis-je, songeant aux Amours
de
Vienne. — Certes, répondit Gérard, malgré les apparences, cette vie s
877
ités qui correspondent encore à l’image classique
de
Vienne. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie, mai
878
. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu
d’
ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtr
879
cieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie, mais non pas
de
légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtre qui cache une incapac
880
ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte
d’
inconstance folâtre qui cache une incapacité définitive à se passionne
881
soit. Cette ville, qui est toute caresses, a peur
de
l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que je comprends assez bien, a
882
moment, comme nous traversions une rue sillonnée
de
taxis rapides, le homard refusa obstinément de progresser. Gérard dut
883
ée de taxis rapides, le homard refusa obstinément
de
progresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinc
884
Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires
de
pinces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le hom
885
inces s’accrochèrent désespérément à ses manches.
De
terreur, le homard avait rougi : il conserva toute la nuit une magnif
886
eur orangée. Gérard semblait habitué à ces sortes
de
scènes. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à
887
mblait habitué à ces sortes de scènes. On reparla
de
l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie de
888
à une certaine anémie des sentiments, à un manque
de
caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art qui demand
889
ous le savez, je n’ai aimé qu’une femme — au plus
deux
, en y réfléchissant bien, mais peut-être était-ce la même sous deux a
890
issant bien, mais peut-être était-ce la même sous
deux
attributs différents. Toutes les femmes qui m’ont retenu un instant,
891
t amour, c’était parce que je découvrais en elles
de
secrètes ressemblances, qui pour d’autres paraissaient purement mysti
892
e dont l’idée me vient à la vue de cette vendeuse
de
fleurs. C’était la petite bossue qui vend des roses et des œillets da
893
le. Nous nous arrêtâmes non loin, à une devanture
de
robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les rev
894
nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes
de
soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les revêtiraient
895
pressés une jeune femme, chapeau rouge et manteau
de
fourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut, hélas, non mo
896
refusa d’abord les fleurs pour se donner le temps
de
regarder autour d’elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler n
897
fleurs pour se donner le temps de regarder autour
d’
elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle f
898
s qu’à lui prendre chacun un bras, une femme pour
deux
hommes — et ce fut bien dans cette anecdote dont Gérard attendait évi
899
te dont Gérard attendait évidemment quelque chose
d’
imprévu, la seule chose contraire à la coutume viennoise. L’enfant éta
900
ptiser en style viennois « Mehlspeis-Schlagobers »
10.
Heureusement qu’au Moulin-Rouge, souterrain où nous nous engouffrâmes
901
ain où nous nous engouffrâmes dans un grand bruit
de
saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango
902
engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et
de
cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango, un Balkanique t
903
r en tango, un Balkanique très lisse nous délivra
de
notre conquête pour la durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce
904
anses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que
de
prendre des femmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nous a
905
vous êtes moderne, vous vous contentez peut-être
de
cette pêche miraculeuse — c’est une façon de parler — à laquelle on s
906
être de cette pêche miraculeuse — c’est une façon
de
parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre faç
907
de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux
de
plaisir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, av
908
se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon
de
parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, avouez que les miennes étai
909
sir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu
d’
illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c
910
vécu d’illusions, avouez que les miennes étaient
de
meilleure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir qu’o
911
qu’elles le rattachaient aux buts les plus hauts
de
notre vie. Ces citadins blasés s’amusent plus grossièrement que des b
912
e place dans leur vie aux “divertissements” entre
10
heures du soir et 4 heures du matin, moyennant tant de schillings, da
913
aux “divertissements” entre 10 heures du soir et
4
heures du matin, moyennant tant de schillings, dans un décor banal et
914
s femmes qui élargissent des sourires à la mesure
de
votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs
915
rires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes
de
nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant
916
re générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes
de
distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux qui les f
917
uit sont des sortes de distributeurs automatiques
de
plaisir. Autant dire que ceux qui les fréquentent ne savent plus ce q
918
t épaissis. Regardez ces yeux mornes, ou luisants
de
concupiscences élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la d
919
aisirs achetés au détail dans une foire éclatante
de
faux luxe. La misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que
920
s une foire éclatante de faux luxe. La misère est
de
voir ici des femmes aussi ravissantes que celle-là qui danse en robe
921
qui danse en robe mauve, avec tant de gravité et
de
détachement. Je viens souvent la regarder, à cause de la noblesse de
922
viens souvent la regarder, à cause de la noblesse
de
sa danse. Je la nomme Clarissa, parce que cela lui va. Mais comme c’e
923
soit touchée par les mains outrageusement baguées
de
ces courtiers alourdis de “Knödl”. En Orient on en ferait une chose e
924
outrageusement baguées de ces courtiers alourdis
de
“Knödl”. En Orient on en ferait une chose extrêmement précieuse, qu’o
925
’on n’approcherait qu’avec un sentiment religieux
de
la beauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend
926
. » Des bugles agonisaient, aux dernières mesures
d’
un tango. Notre encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous.
927
moins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle
d’
un ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois
928
Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’un ton
de
reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois du genre
929
ment, pauvre colombe dépareillée, vous n’avez pas
de
ressemblance, et c’est ce qui vous perdra. » La pauvre fille ne compr
930
homard qui, laissé au vestiaire, y était l’objet
de
vexations diverses et de curiosités grossières de la part des garçons
931
stiaire, y était l’objet de vexations diverses et
de
curiosités grossières de la part des garçons. « Encore une proie inut
932
une proie inutile lâchée pour l’ombre, dit Gérard
d’
un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est
933
Gérard d’un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre
de
cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but.
934
lié mes clefs il y a très, très longtemps… Et pas
de
Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers m
935
emps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux
de
s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire
936
blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe
de
cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs d
937
re. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs
de
se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard «
938
rs de se répéter, et que c’était la première fois
de
la soirée que Gérard « faisait du Gérard ». Les cocktails du Moulin-R
939
s devenaient légères comme des ballons. La rumeur
de
Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité et l’Illus
940
et l’Illusion étendait sur toutes choses une aile
d’
ombre flatteuse aux caprices redoutables. Cette nuit-là nous rencontrâ
941
es, allusions. Plus tard, dans un petit bar laqué
de
noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant le pla
942
ar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert
de
glaces qui, reflétant le plafond à caissons dorés, l’étendent indéfin
943
ulé joue très doucement. Nous sommes assis autour
d’
une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquari
944
use, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquarium
de
rêves, discourt et décrit les images qu’il y découvre. Il y a les ail
945
y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras
de
Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citron
946
e, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citrons
de
Pompéi, l’Octavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par je ne sa
947
nglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du golfe
de
Marseille, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur d’images, — c
948
lle, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur
d’
images, — ce serait la gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans le lo
949
reur d’images, — ce serait la gravité énigmatique
d’
Adrienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’un regard pareil
950
rienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond
d’
un regard pareil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo,
951
antes dans la même minute toutes les incarnations
d’
un amour dont l’être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultan
952
nel apparaît peu à peu, à travers la simultanéité
de
ses manifestations. Gérard parle avec une liberté magnifique et angoi
953
oissante. Il mêle tout dans le temps et l’espace.
Cent
années et tous les visages aimés revivent dans cette coupe de songes
954
tous les visages aimés revivent dans cette coupe
de
songes avec toutes leurs illusions, — illusions des formes passagères
955
sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié
d’
ombre. Et parce que tout revit en un instant dans cette vision, il con
956
il connaît enfin la substance véritable et unique
de
toutes ses amours, il communie avec quelque chose d’éternel. Tous les
957
toutes ses amours, il communie avec quelque chose
d’
éternel. Tous les drames du monde ne sont que décors mouvants dans la
958
t que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame
de
son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des géné
959
s les formes animales. Pour lui, les choses n’ont
d’
intérêt que par les rapports qu’il leur devine avec la réalité extra-t
960
france qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel
de
nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences. La fatigue ca
961
us révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu,
de
leurs moindres coïncidences. La fatigue calme son lyrisme et son exal
962
yrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher
de
moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que po
963
on. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte
de
ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos savants retombé
964
les correspondances, chaque geste, chaque minute
d’
une vie résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a
965
e qu’il faudrait écrire, c’est une Vie simultanée
de
Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en un lieu, en une vision.
966
une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes
d’
autos s’appelaient dans la nuit froide. Gérard ne disait presque plus
967
porche grand ouvert. Les chauffeurs faisaient les
cent
pas dans la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’une bouti
968
la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette
d’
une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement
969
ui éclairait la boutique, et que le vent menaçait
d’
éteindre à chaque instant, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu
970
on et la fit prendre au homard avec toutes sortes
de
soins. Les chauffeurs regardaient d’un œil las, trop las pour s’étonn
971
outes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient
d’
un œil las, trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’un pied
972
trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais
d’
un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de
973
ransi, je me balançais d’un pied sur l’autre dans
de
la neige fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutard
974
e dans de la neige fondante, tout en croquant une
de
ces saucisses à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et aill
975
mirent à ronfler. Par le grand escalier, au fond
de
la cour du palais, descendaient les invités du bal. Des femmes sans c
976
ux faces maigres qui ressemblaient terriblement à
d’
anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et la silhouette échassière
977
es comtes athlétiques et la silhouette échassière
de
la jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau de velours ros
978
une duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau
de
velours rose laissait découvertes des jambes extrêmement hautes tandi
979
isée jetait des insolences sur les chapeaux noirs
de
ses cavaliers. Tout cela s’empila dans des autos ; en dix minutes, il
980
cavaliers. Tout cela s’empila dans des autos ; en
dix
minutes, il n’y eut plus personne, la place s’éteignit. Mais Gérard ?
981
x cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’air
d’
autrefois. Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apai
982
encieuse fila devant moi ; je reconnus la voiture
de
la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient baissés. Déjà o
983
orteurs passèrent à toute vitesse, m’éclaboussant
de
neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelqu
984
èrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et
de
titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose comm
985
e, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus
de
sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose comme « pâtisserie-crème
986
de titres dépourvus de sens. Je dormais debout.
10.
Quelque chose comme « pâtisserie-crème fouettée ». m. Rougemont Den
987
pâtisserie-crème fouettée ». m. Rougemont Denis
de
, « Un soir à Vienne avec Gérard », La Nouvelle Semaine artistique et
988
elle Semaine artistique et littéraire, Neuchâtel,
24
mars 1928, p. 105-108.
989
aine artistique et littéraire, Neuchâtel, 24 mars
1928,
p. 105-108.
990
Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre
1928
)n « Remonte aux vrais regards ! Tire-toi de tes ombres… » Paul Va
991
1928)n « Remonte aux vrais regards ! Tire-toi
de
tes ombres… » Paul Valéry. Stéphane est maniaque, comme tous les jeu
992
Stéphane est maniaque, comme tous les jeunes gens
de
sa génération. Seulement chez lui, cela ne s’est pas porté sur les au
993
ivers types humains. Mais on lui sait peu de grés
de
sa curiosité. Sans doute est-il trop impatient, demande-t-il aux être
994
en, n’est-ce pas ? Il en tombe d’accord ; accepte
d’
attendre comme un enfant sage que le monde lui donne, en son temps, sa
995
lui a expliqué qu’il fallait la mériter et tâcher
de
devenir quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille de rentrer en
996
r quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille
de
rentrer en lui-même. « Il se ramène en soi, n’ayant plus où se prendr
997
soi, n’ayant plus où se prendre » comme parle un
de
nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’est pas encore qu
998
rche à savoir ce qu’il est. C’est une autre manie
de
sa génération. Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de l
999
Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas
de
livre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derri
1000
ivre pour y pourchasser un moi qui feint toujours
de
se cacher derrière le feuillet suivant, entraîne le lecteur par ruse
1001
rs. C’est pourquoi il en installe un sur sa table
de
travail, de façon à pouvoir s’y surprendre à tout instant. Cet exerci
1002
r dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux
de
lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa
1003
x. Il varie sur son visage les jeux de lumière et
de
sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans l
1004
e lumière et de sentiments. Il découvre une sorte
de
rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et
1005
sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin
de
sa bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autr
1006
rte de rire au coin de sa bouche dans les moments
de
pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’i
1007
pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus
de
ce genre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigu
1008
n aventure. Nous vivons dans un décor flamboyant
de
glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête, son portrait en pi
1009
ête, son portrait en pied. Il se voit dans l’acte
de
se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par l’asce
1010
rait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser,
de
se baigner ; son image descend en face de lui par l’ascenseur, elle l
1011
lise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte
d’
angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les a
1012
qu’il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive
de
prendre son image pour celle de n’importe quel passant, il se sent co
1013
s s’il lui arrive de prendre son image pour celle
de
n’importe quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profond
1014
e n’importe quel passant, il se sent comme séparé
de
soi, et si profondément différent de cette apparence, qu’il doute de
1015
comme séparé de soi, et si profondément différent
de
cette apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses y
1016
ndément différent de cette apparence, qu’il doute
de
sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche un
1017
apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère
de
voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve
1018
cherche une révélation et n’y trouve que le désir
d’
une révélation. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a
1019
n à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude
d’
être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en dim
1020
ude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective
de
reflets qui vont en diminuant vertigineusement et l’égarent dans sa n
1021
ans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal
de
superstitions. Enfin cette expérience folle le mène à une découverte
1022
folle le mène à une découverte sur les sept sens
de
laquelle il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau d
1023
ouverte sur les sept sens de laquelle il convient
de
méditer : la personne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane es
1024
prend que ce qu’on dépasse ? Et qu’il faut sortir
de
soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin de vérifier
1025
se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin
de
vérifier qui n’est plus légitime dès l’instant qu’il se traduit par l
1026
me dès l’instant qu’il se traduit par la négation
de
l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est
1027
pas eu confiance. Or la personnalité est un acte
de
foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, il ne sait p
1028
vraie, se borne à décrire l’aspect psychologique
d’
une aventure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lect
1029
chologique d’une aventure qui en a bien d’autres,
d’
aspects. Il est bon que le lecteur dérisoirement troublé par la craint
1030
e le lecteur dérisoirement troublé par la crainte
de
n’avoir pas saisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois de cet
1031
la crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable
d’
un texte, trouve parfois de cette incompréhension des marques certaine
1032
aisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois
de
cette incompréhension des marques certaines. Si le rapport intime qui
1033
rations précédentes lui échappe, qu’il y voie une
de
ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée perd E
1034
ne de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot
de
prière. Orphée perd Eurydice par scepticisme, par esprit scientifiqu
1035
it scientifique, par doute méthodique, par besoin
de
définir, par défiance envers les dieux. À chaque regard dans notre mi
1036
e nouvelle. La mort dans la transparence glaciale
de
l’évidence. Un jour, à propos de rien, Stéphane pense avec fièvre :
1037
er son visage, ne serait-ce pas devenir un centre
de
pur esprit ? » C’est un premier filet d’eau vive qui perce le sol ari
1038
n centre de pur esprit ? » C’est un premier filet
d’
eau vive qui perce le sol aride : mais Stéphane n’entend pas encore gr
1039
d pas encore gronder les eaux profondes. Le désir
de
s’hypnotiser l’irrite toujours vaguement. Mais il fuit son propre reg
1040
s. Un soir, après quelques alcools et un échange
de
pensées au même titre avec une amie d’une beauté de plus en plus frap
1041
un échange de pensées au même titre avec une amie
d’
une beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard d
1042
en plus frappante, il croit saisir dans un regard
de
cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeu
1043
croit saisir dans un regard de cette femme l’écho
de
ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt
1044
hi bruyamment, bâillonnent sa raison, l’empêchent
de
protester contre le miracle. Parmi tous ses mots fous, noms, baisers,
1045
ais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jour
de
grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres ba
1046
un jour de grand soleil sur toutes les verreries
de
la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conj
1047
— à une femme qu’il aimait. n. Rougemont Denis
de
, « Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers de l’A
1048
u Comment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers
de
l’Anglore, Genève, décembre 1928, p. 37-42.
1049
oi-même », Cahiers de l’Anglore, Genève, décembre
1928,
p. 37-42.
1050
La tour
de
Hölderlin (15 juillet 1929)o « Je lui ai raconté qu’il habite une
1051
La tour de Hölderlin (
15
juillet 1929)o « Je lui ai raconté qu’il habite une chaumière au b
1052
La tour de Hölderlin (15 juillet
1929
)o « Je lui ai raconté qu’il habite une chaumière au bord d’un ruis
1053
nt des heures récite des odes grecques au murmure
de
l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’un piano dont il
1054
l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau
d’
un piano dont il a coupé les cordes, mais pas toutes, en sorte que plu
1055
’apparaît comme une chose si douce et si grande… »
11
Et Bettina terminant sa lettre sur Hölderlin : « Ce piano dont il a
1056
ont il a cassé les cordes, c’est vraiment l’image
de
son âme ; j’ai voulu attirer là-dessus l’attention du médecin, mais i
1057
’attention du médecin, mais il est plus difficile
de
se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’o
1058
u. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement
d’
un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grav
1059
ion la plus grave — car il vécut dans ces marches
de
l’esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et dont certains d
1060
à tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage
de
l’émouvante Bettina, rêvé sans doute assez profondément pour qu’aujou
1061
nt un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête
de
la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’appellen
1062
où tant de voix l’appellent, combien sont dignes
de
s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’est po
1063
s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue
de
feu qui s’est posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un ad
1064
ui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au visage
de
jeune fille qui rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans
1065
t du chant prophétique, confondant leurs flammes.
Dix
années dans le Grand Jeu. Dix années où le génie tourmente cet être f
1066
dant leurs flammes. Dix années dans le Grand Jeu.
Dix
années où le génie tourmente cet être faible, humilié par le monde. L
1067
e premier, quand Hölderlin doit quitter la maison
de
Madame Gontard12, déchirement à peine sensible dans son œuvre. Car ce
1068
n œuvre. Car ce poète n’est peut-être que le lieu
de
sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur
1069
poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, —
d’
une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur. Qui parle par
1070
ité presque effrayante. Vient le temps où le sens
de
son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette encore quelqu
1071
feu s’éteint — l’esprit souffle où il veut. Juin
1802
: au moment où meurt Diotima, Hölderlin errant loin d’elle (dans la r
1072
au moment où meurt Diotima, Hölderlin errant loin
d’
elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ;
1073
ima, Hölderlin errant loin d’elle (dans la région
de
Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’un coup l’en
1074
(dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé
d’
insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillar
1075
aux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie
d’
un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allema
1076
n ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte
de
vieillard qui reparaît en Allemagne. Et durant trente années, ce pauv
1077
de vieillard qui reparaît en Allemagne. Et durant
trente
années, ce pauvre corps abandonné vivra dans la petite tour de Tubing
1078
pauvre corps abandonné vivra dans la petite tour
de
Tubingue, chez un charpentier — vivra très doucement, inexplicablemen
1079
rès doucement, inexplicablement, une vie monotone
de
vieux maniaque. Le buisson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce q
1080
ne aux visiteurs venus pour contempler la victime
d’
un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descend
1081
ime d’un miracle. — C’était l’époque des amateurs
de
ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la ma
1082
peu au-dessous de la maison, en attendant l’heure
d’
ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite déco
1083
endant l’heure d’ouverture. Il y a là une station
de
canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à
1084
eure d’ouverture. Il y a là une station de canots
de
louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’un
1085
vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté
d’
un « Hypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « Nietzsche
1086
vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle
d’
une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaun
1087
à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse
de
jour férié, les clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un
1088
e, dans cette paresse de jour férié, les clochers
de
la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille
1089
e de jour férié, les clochers de la ville sonnent
deux
heures. Allons. Un de ces corridors de vieille maison souabe, hauts e
1090
chers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un
de
ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtr
1091
sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors
de
vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtraient immenses s’
1092
traient immenses s’ils n’étaient à demi encombrés
d’
armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propri
1093
? — (et comme je considère un ravissant médaillon
de
marbre) — Ça, c’est Diotima. » On rougirait à moins. — « Je ne puis p
1094
» On rougirait à moins. — « Je ne puis pas parler
de
lui, ici à Francfort, écrivait Bettina, car aussitôt l’on se met à ra
1095
menade, et le guide désigne familièrement l’image
d’
une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois peti
1096
d’une femme par le nom qu’elle portait au mystère
de
l’amour… Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe q
1097
par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour…
Trois
petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe qui traîne sur l
1098
mystère de l’amour… Trois petites fenêtres ornées
de
cactus miséreux, une pipe qui traîne sur l’appui ; le jardinet avec s
1099
passait des heures à cette fenêtre, à marmotter.
Vingt-sept
ans dans cette chambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte de
1100
Vingt-sept ans dans cette chambre, avec le bruit
de
l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fi
1101
ambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte
de
malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde
1102
complainte de malade épuisé après un grand accès
de
fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeun
1103
puisé après un grand accès de fièvre… L’agrément
de
ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemp
1104
L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies
de
la jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’elles ont fui. A
1105
en, je n’aime plus vivre. Il y avait encore plus
de
paix que maintenant. La grande allée sur l’île n’existait pas, en fac
1106
s. Il voyait des prairies et des collines basses,
de
l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans
1107
prairies et des collines basses, de l’autre côté
de
l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la v
1108
et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit
de
la vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plaint
1109
et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas
de
plainte »… Vivait-il encore ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais le gar
1110
. Il ne vient pas tant de visiteurs, et seulement
de
2 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts
1111
l ne vient pas tant de visiteurs, et seulement de
2
à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts d
1112
vient pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à
4
… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts de l’
1113
fée entre des maisons pointues et les contreforts
de
l’Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour le fou au prof
1114
je vois s’y engager chaque jour le fou au profil
de
vieille femme qui promène doucement dans cette calme Tubingue le secr
1115
ène doucement dans cette calme Tubingue le secret
d’
une épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, qui montent
1116
ui montent au Séminaire protestant : il leur fait
de
grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse
1117
de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis
d’
une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À
1118
La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse
de
café au bord du Neckar, sous les marronniers. À quatre heures, l’orch
1119
e café au bord du Neckar, sous les marronniers. À
quatre
heures, l’orchestre s’est mis à jouer des ringues charmantes, jazz et
1120
ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons
de
mai. Les bateaux qui dérivent dans le voisinage se rapprochent, tourn
1121
ime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume
de
bain, qui pagayent vigoureusement, les dents serrées. (« Weg zur Kraf
1122
pas bien ramer et qui lisent des magazines au fil
de
l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des ad
1123
lafrés font des signes énergiques à une compagnie
de
cavaliers qui passe devant la statue d’Eberhard le Barbu. Des bourgeo
1124
compagnie de cavaliers qui passe devant la statue
d’
Eberhard le Barbu. Des bourgeois se rient contre par-dessus leurs chop
1125
tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon
de
poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans
1126
dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois
de
ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans cette ville, tou
1127
t seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose
de
terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux
1128
out le monde s’accorde à trouver malsain ce genre
de
tentatives : cela ne peut que mal finir. Ceux du bon sens hochent la
1129
a tête et citent la phrase la plus malencontreuse
de
Pascal : le « Qui veut faire l’ange… » a autorisé des générations de
1130
i veut faire l’ange… » a autorisé des générations
de
« bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dan
1131
geois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit
de
l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais que
1132
la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche
de
certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du médiocre
1133
âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air
de
je ne sais quelle revanche du médiocre dont ils se sentent bénéficiai
1134
mme cela on est mieux pour donner le coup de pied
de
l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus
1135
» Ô cette chambre, où pénètre la facilité atroce
de
cette fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d
1136
ambre, où pénètre la facilité atroce de cette fin
d’
après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle es
1137
fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums
de
fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un
1138
midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et
d’
eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soi
1139
t tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des
deux
soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le trag
1140
urs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde,
de
ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facili
1141
des à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique
de
la facilité, c’est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle
1142
à beau fixe. Pourquoi troubler le miroir innocent
de
ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est-ce qu’ils ne sou
1143
our leur donne une petite fièvre, — cette semaine
de
leur jeunesse où ils ont cru pressentir de grandes choses généreuses
1144
emaine de leur jeunesse où ils ont cru pressentir
de
grandes choses généreuses autour d’eux… Cela s’oublie. Et l’amour, to
1145
ru pressentir de grandes choses généreuses autour
d’
eux… Cela s’oublie. Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre,
1146
e : déjà je leur échappe — je t’échappe ô douceur
de
vivre ! Tout redevient autour de moi insuffisant, transitoire, allusi
1147
allusif. Tout se remet à signifier l’absence.
11.
Bettina von Arnim-Brentano : Die Günderode. 12. Où il était précepte
1148
11. Bettina von Arnim-Brentano : Die Günderode.
12.
Où il était précepteur. Madame Gontard est la Diotima de l’Hypérion e
1149
de l’Hypérion et des poèmes. o. Rougemont Denis
de
, « La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neu
1150
et des poèmes. o. Rougemont Denis de, « La tour
de
Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel, 15 jui
1151
La Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel,
15
juillet 1929, p. 354-356.
1152
e artistique et littéraire, Neuchâtel, 15 juillet
1929,
p. 354-356.
1153
Le prisonnier
de
la nuit (avril 1930)p I Depuis le temps qu’on tire du canon à son
1154
Le prisonnier de la nuit (avril
1930
)p I Depuis le temps qu’on tire du canon à son perdu depuis le tem
1155
Le prisonnier de la nuit (avril 1930)p
I
Depuis le temps qu’on tire du canon à son perdu depuis le temps que s
1156
la coupole errante des prières à dieux perdus.
II
Je ne sais pas où tu m’entends mais ces hauts murs d’ombre et de ven
1157
e ne sais pas où tu m’entends mais ces hauts murs
d’
ombre et de vent autour du monde où nous vivons parquent les visages l
1158
as où tu m’entends mais ces hauts murs d’ombre et
de
vent autour du monde où nous vivons parquent les visages les sons bra
1159
et des sanglots perdus qui rôdent à la recherche
d’
un corps faible. Je ne sais pas où tu m’attends mais je sais comment
1160
nue qui vient de dire ton nom même avec l’accent
de
notre amour et mon visage est immobile tourné vers l’ombre où tu m’en
1161
immobile tourné vers l’ombre où tu m’entends.
III
Fais rentrer dans leur peau d’ombre ces mots qui voudraient fleurir
1162
tu m’entends. III Fais rentrer dans leur peau
d’
ombre ces mots qui voudraient fleurir tourne le dos ferme les poings n
1163
r tourne le dos ferme les poings ne fais qu’un ou
deux
pas que les souvenirs s’épousent entre eux pendant que tes yeux s’o
1164
eux pendant que tes yeux s’ouvrent n’attends rien
d’
autre qu’un désert qu’un sol dur aux genoux tends les mains au vent
1165
uffle tes lèvres battent doucement écoute-les.
IV
Tends moi la main à travers cette ombre rapide si je te joins nous l
1166
sereine infiniment nue dans la douceur du feu et
de
la joie. V Oh qui a retiré tes mains des miennes quand je te regar
1167
ment nue dans la douceur du feu et de la joie.
V
Oh qui a retiré tes mains des miennes quand je te regardais trop prof
1168
à redescendre au jour dans l’aube sans refuges…
VI
Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta t
1169
au jour dans l’aube sans refuges… VI Prisonnier
de
la nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta tête mais libre
1170
— quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier
d’
une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence
1171
on morte au tombeau des fleurs obscures les mains
de
l’absence se ferment sur le vide tu pleurerais mais la grâce est faci
1172
leurerais mais la grâce est facile comme un matin
d’
été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour
1173
comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée
de
ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été qui consent… p.
1174
d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme
de
cette nuit le jour d’un grand été qui consent… p. Rougemont Denis
1175
ent dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour
d’
un grand été qui consent… p. Rougemont Denis de, « Le prisonnier d
1176
’un grand été qui consent… p. Rougemont Denis
de
, « Le prisonnier de la nuit », Cahiers de l’Anglore, Genève, avril 19
1177
nsent… p. Rougemont Denis de, « Le prisonnier
de
la nuit », Cahiers de l’Anglore, Genève, avril 1930, p. 10-12.
1178
t Denis de, « Le prisonnier de la nuit », Cahiers
de
l’Anglore, Genève, avril 1930, p. 10-12.
1179
de la nuit », Cahiers de l’Anglore, Genève, avril
1930,
p. 10-12.
1180
Au sujet «
d’
un certain esprit français » (1er mai 1930)q r 1. Un petit volume «
1181
Au sujet « d’un certain esprit français » (
1er
mai 1930)q r 1. Un petit volume « lourd de pensée », comme disent
1182
u sujet « d’un certain esprit français » (1er mai
1930
)q r 1. Un petit volume « lourd de pensée », comme disent bizarreme
1183
un certain esprit français » (1er mai 1930)q r
1.
Un petit volume « lourd de pensée », comme disent bizarrement les jou
1184
» (1er mai 1930)q r 1. Un petit volume « lourd
de
pensée », comme disent bizarrement les journalistes. (L’esprit n’est-
1185
ui allège ? Ce qui fait s’envoler les ballons ?)
2.
En vérité, ce temps est peu propice au mépris et à l’adoration : où q
1186
s rencontrent des talents distingués. À cet ordre
d’
ambition convient seule l’activité de la critique. Trois ou quatre gra
1187
À cet ordre d’ambition convient seule l’activité
de
la critique. Trois ou quatre grands écrivains — Claudel, Gide, Valéry
1188
mbition convient seule l’activité de la critique.
Trois
ou quatre grands écrivains — Claudel, Gide, Valéry… — suffisent à nou
1189
onvient seule l’activité de la critique. Trois ou
quatre
grands écrivains — Claudel, Gide, Valéry… — suffisent à nous rassurer
1190
uffisent à nous rassurer sur la valeur littéraire
de
l’époque, mais non sur le sort de l’esprit. À côté d’eux, s’écrient n
1191
leur littéraire de l’époque, mais non sur le sort
de
l’esprit. À côté d’eux, s’écrient nos auteurs, « qu’on nous montre un
1192
’époque, mais non sur le sort de l’esprit. À côté
d’
eux, s’écrient nos auteurs, « qu’on nous montre un seul Français qui n
1193
uelque chose à dire, ou une qualité, une richesse
d’
âme comparable à celle d’un Goethe ou simplement d’un Rilke, par exemp
1194
ne qualité, une richesse d’âme comparable à celle
d’
un Goethe ou simplement d’un Rilke, par exemple… » — Exigence et repro
1195
’âme comparable à celle d’un Goethe ou simplement
d’
un Rilke, par exemple… » — Exigence et reproche également démesurés, m
1196
le monde exagère, à qui mieux mieux dans le sens
de
la médiocrité spécifiquement française — et nul ne s’en déclare gêné,
1197
e — et nul ne s’en déclare gêné, me semble-t-il…
3.
Si nous jetons sur les lettres parisiennes un regard distrait mais ci
1198
usire et Simond se livrèrent à ce petit jeu avant
d’
écrire —, que voyons-nous en effet ? Une grande nuée de romanciers à p
1199
ire —, que voyons-nous en effet ? Une grande nuée
de
romanciers à peine plus réels que leurs personnages ; des êtres gris,
1200
s que leurs personnages ; des êtres gris, marqués
d’
un point rouge, professeurs, journalistes, spécialistes de tout au mon
1201
nt rouge, professeurs, journalistes, spécialistes
de
tout au monde ; des jeunes gens qui ont fait leurs études à la Nouve
1202
es révolutionnaires sans idéal et sans puissances
de
mythe ; des philosophes sans pente ni grandeur ; (Je mets au concours
1203
« Peut-on discerner avec certitude, après lecture
de
ses œuvres, si M. Brunschwicg croit ou non à la divinisation finale d
1204
Brunschwicg croit ou non à la divinisation finale
de
l’homme par le progrès des sciences exactes ? ») d’aimables biographe
1205
l’homme par le progrès des sciences exactes ? »)
d’
aimables biographes : M. de Pourtalès, qui parle toujours excellemment
1206
se même plus la colère. Ah ! nous ne risquons pas
d’
être tués par des statues !) Tout d’un coup, trois hommes qui ont du c
1207
risquons pas d’être tués par des statues !) Tout
d’
un coup, trois hommes qui ont du cran. Deux qui viennent : Bernanos et
1208
as d’être tués par des statues !) Tout d’un coup,
trois
hommes qui ont du cran. Deux qui viennent : Bernanos et Malraux ; un
1209
!) Tout d’un coup, trois hommes qui ont du cran.
Deux
qui viennent : Bernanos et Malraux ; un qui s’éloigne : Montherlant.
1210
l croit ou ne croit pas selon les sautes brusques
de
son tempérament. Attendons encore un peu avec ceux-là… Enfin, l’ultim
1211
ncore un peu avec ceux-là… Enfin, l’ultime raison
de
ne pas désespérer, cinq ou six poètes. 4. « Quelque grande que soit
1212
-là… Enfin, l’ultime raison de ne pas désespérer,
cinq
ou six poètes. 4. « Quelque grande que soit » mon envie — comme dise
1213
in, l’ultime raison de ne pas désespérer, cinq ou
six
poètes. 4. « Quelque grande que soit » mon envie — comme disent Beau
1214
raison de ne pas désespérer, cinq ou six poètes.
4.
« Quelque grande que soit » mon envie — comme disent Beausire et la G
1215
Beausire et la Grammaire — mon envie, ma passion
d’
admirer, je cherche en vain l’homme qui brisant « les grilles de la ra
1216
cherche en vain l’homme qui brisant « les grilles
de
la raison » libère « le lion de mes certitudes » — comme disent Simon
1217
ant « les grilles de la raison » libère « le lion
de
mes certitudes » — comme disent Simond et ce grand potache de Maldoro
1218
tudes » — comme disent Simond et ce grand potache
de
Maldoror. « Qu’on nous montre un homme… » Un ou deux. Il suffit de tr
1219
e Maldoror. « Qu’on nous montre un homme… » Un ou
deux
. Il suffit de très peu de sel pour rendre mangeables beaucoup de noui
1220
’on nous montre un homme… » Un ou deux. Il suffit
de
très peu de sel pour rendre mangeables beaucoup de nouilles. Mais si
1221
en tonique, celui que Beausire et Simond viennent
d’
écrire au sujet de quelques-uns des meilleurs esprits que la France ai
1222
qu’à cette génération ne soit échue qu’une œuvre
de
critique, impitoyable de rigueur et d’enthousiasme. 5. La critique e
1223
soit échue qu’une œuvre de critique, impitoyable
de
rigueur et d’enthousiasme. 5. La critique est aisée, répètent ceux q
1224
’une œuvre de critique, impitoyable de rigueur et
d’
enthousiasme. 5. La critique est aisée, répètent ceux qui en ont peur
1225
tique, impitoyable de rigueur et d’enthousiasme.
5.
La critique est aisée, répètent ceux qui en ont peur, ceux-là mêmes,
1226
fonçait, or on lui avait commandé une maison. Nos
trois
compères se moquaient fort. Le journaliste expliquait qu’on eut dû co
1227
jà tant de maisons. Cependant le maçon continuait
de
construire, et quand les fondations furent achevées, les murs s’élevè
1228
t terminé, l’on interdit l’entrée du palais à nos
trois
amis (qui pourtant n’eussent pas demandé mieux que de reconnaître, et
1229
mis (qui pourtant n’eussent pas demandé mieux que
de
reconnaître, etc.) Actuellement, Nietzsche est encore très mal compri
1230
ellement, Nietzsche est encore très mal compris.
6.
Il s’agit ici de la critique d’un certain état d’esprit moins facile
1231
he est encore très mal compris. 6. Il s’agit ici
de
la critique d’un certain état d’esprit moins facile à formuler qu’à d
1232
rès mal compris. 6. Il s’agit ici de la critique
d’
un certain état d’esprit moins facile à formuler qu’à décrire dans ses
1233
à décrire dans ses effets, et qui paraît affecter
d’
un commun penchant au libertinage mental trois phénomènes littéraires
1234
fecter d’un commun penchant au libertinage mental
trois
phénomènes littéraires partout ailleurs divergents : « Barrès dans so
1235
Surréalistes dans leur métaphysique, font preuve
de
la même ambition et témoignent de la même impuissance. Ils désirent é
1236
ue, font preuve de la même ambition et témoignent
de
la même impuissance. Ils désirent également donner une solution décis
1237
galement donner une solution décisive au problème
de
l’homme ; ils manquent également de cette énergie créatrice et critiq
1238
e au problème de l’homme ; ils manquent également
de
cette énergie créatrice et critique qui leur permettrait d’envisager
1239
nergie créatrice et critique qui leur permettrait
d’
envisager ce problème dans toute son ampleur et sa force. » Ainsi Beau
1240
e représente son positivisme esthétique, ce désir
de
connaissance, puis désigne chez les surréalistes certains sophismes e
1241
ntemporaine écœure plus que tout. Plutôt donc que
de
discuter ces thèses, je voudrais suivre leurs prolongements au-delà —
1242
suivre leurs prolongements au-delà — au-dessous —
de
leurs prétextes. 7. Nous souffrons d’une terrible carence d’héroïsme
1243
ments au-delà — au-dessous — de leurs prétextes.
7.
Nous souffrons d’une terrible carence d’héroïsme intellectuel. Ces me
1244
-dessous — de leurs prétextes. 7. Nous souffrons
d’
une terrible carence d’héroïsme intellectuel. Ces messieurs — et qui p
1245
textes. 7. Nous souffrons d’une terrible carence
d’
héroïsme intellectuel. Ces messieurs — et qui pensent — ont la chance
1246
l. Ces messieurs — et qui pensent — ont la chance
de
vivre à l’une des époques les plus violentes de l’histoire humaine ;
1247
e de vivre à l’une des époques les plus violentes
de
l’histoire humaine ; ils assistent à des bouleversements sociaux, mor
1248
eversements sociaux, moraux et surtout spirituels
d’
une portée planétaire, mais ils trouvent d’excellentes raisons pour ne
1249
ituels d’une portée planétaire, mais ils trouvent
d’
excellentes raisons pour ne point se laisser troubler. Ils tiennent à
1250
, aucune interrogation, aucune volonté supérieure
de
domination et de puissance… On ne se pose plus, en France, de questio
1251
ation, aucune volonté supérieure de domination et
de
puissance… On ne se pose plus, en France, de questions qui dépassent
1252
n et de puissance… On ne se pose plus, en France,
de
questions qui dépassent un certain plan. C’est mal vu. » Ou si on les
1253
ajouterai-je, c’est pour les résoudre aussitôt et
d’
une manière aussi peu compromettante que possible. Direz-vous que les
1254
? Du moins n’ont-ils pas cette impudeur française
de
supprimer ce qu’ils ne peuvent résoudre sur-le-champ. Ils mettent en
1255
dre sur-le-champ. Ils mettent en jeu des systèmes
de
valeurs plus ramifiés, plus organiques. Ils ne sont pas obscurs, ils
1256
rbale et le clair génie que l’on sait se chargent
de
tout réduire à la raison, y compris la Révolution, thème rhétorique,
1257
dévoue. Mais quoi ! cela peut vous mener à crever
de
faim, ce qui ne se porte plus, — voire même à paraître ennuyeux13… Il
1258
t tous un équilibre, le trouvent bien vite, comme
de
juste, s’en lassent, cherchent alors un déséquilibre, s’en effraient,
1259
Cela fait un roman de plus. Il obtiendra le prix
d’
assiduité et l’approbation de tous les prudents qui ont fait le tour d
1260
Il obtiendra le prix d’assiduité et l’approbation
de
tous les prudents qui ont fait le tour des choses comme on fait le to
1261
eter qui mette en péril le budget mensuel. Ô sens
de
la mesure ! (Mais où les audaces souveraines d’un Racine, d’un Descar
1262
s de la mesure ! (Mais où les audaces souveraines
d’
un Racine, d’un Descartes ?) D’ailleurs, c’est bien simple, si vous pe
1263
e ! (Mais où les audaces souveraines d’un Racine,
d’
un Descartes ?) D’ailleurs, c’est bien simple, si vous persistez à déd
1264
aigner cette vertu qu’il est vraiment trop facile
de
nommer l’avarice française, il vous reste à choisir entre le sort de
1265
française, il vous reste à choisir entre le sort
de
Nietzsche et celui de Schiller. Romancer la vie de ces excessifs est
1266
ste à choisir entre le sort de Nietzsche et celui
de
Schiller. Romancer la vie de ces excessifs est assez bien vu ; mais t
1267
e Nietzsche et celui de Schiller. Romancer la vie
de
ces excessifs est assez bien vu ; mais tenter de leur opposer un effo
1268
de ces excessifs est assez bien vu ; mais tenter
de
leur opposer un effort digne de ce qu’ils furent… Cela demanderait ce
1269
vu ; mais tenter de leur opposer un effort digne
de
ce qu’ils furent… Cela demanderait certains sacrifices, certains mépr
1270
ienne — physiologique et morne — que le fait même
de
s’y essayer définit ce qu’on nomme à Paris prétention. Méditez un peu
1271
mme à Paris prétention. Méditez un peu cette note
de
Beausire : « Barrès se plaint très souvent de ses migraines, de ses g
1272
ote de Beausire : « Barrès se plaint très souvent
de
ses migraines, de ses gastrites, de sa fatigue. Pour abolir des obsta
1273
« Barrès se plaint très souvent de ses migraines,
de
ses gastrites, de sa fatigue. Pour abolir des obstacles de cette enve
1274
très souvent de ses migraines, de ses gastrites,
de
sa fatigue. Pour abolir des obstacles de cette envergure, il suffit d
1275
strites, de sa fatigue. Pour abolir des obstacles
de
cette envergure, il suffit d’un peu de décision. Jules César s’imposa
1276
bolir des obstacles de cette envergure, il suffit
d’
un peu de décision. Jules César s’imposait de longues marches. Mais ne
1277
ffit d’un peu de décision. Jules César s’imposait
de
longues marches. Mais ne demandons pas à Barrès de quitter sa chambre
1278
e longues marches. Mais ne demandons pas à Barrès
de
quitter sa chambre, son cigare ou son moi. » 8. « La France… n’a pas
1279
de quitter sa chambre, son cigare ou son moi. »
8.
« La France… n’a pas su faire la révolution morale… parce qu’elle man
1280
faire la révolution morale… parce qu’elle manque
de
sens moral. » Le Français qui n’est ni chrétien ni disciple de Nietzs
1281
. » Le Français qui n’est ni chrétien ni disciple
de
Nietzsche, demandera pourquoi il faut faire la révolution morale. Voi
1282
volution morale. Voilà notre aphorisme démontré.
9.
Enfin je citerai deux petites phrases qui suffisent presque à situer
1283
là notre aphorisme démontré. 9. Enfin je citerai
deux
petites phrases qui suffisent presque à situer la position d’attaque
1284
hrases qui suffisent presque à situer la position
d’
attaque de nos auteurs : « Tout créateur néglige sa personnalité » et
1285
suffisent presque à situer la position d’attaque
de
nos auteurs : « Tout créateur néglige sa personnalité » et « Kant est
1286
t je reprends ma liberté. Beausire admire Léonard
d’
avoir « tracé peut-être pour toujours les limites de l’humaine liberté
1287
avoir « tracé peut-être pour toujours les limites
de
l’humaine liberté ». Simond réclame « un parti pris…, un ordre de val
1288
erté ». Simond réclame « un parti pris…, un ordre
de
valeurs, si arbitraire qu’il soit, mais volontairement, assumé ». N’e
1289
Christ donne à « l’humaine liberté » des limites
d’
une nature que Léonard ne soupçonna même pas ; — que ces limites rende
1290
as ; — que ces limites rendent absurde l’adoption
d’
un ordre de valeurs « arbitraire », mais obligent l’homme à « assumer
1291
ces limites rendent absurde l’adoption d’un ordre
de
valeurs « arbitraire », mais obligent l’homme à « assumer » d’autant
1292
arbitraire », mais obligent l’homme à « assumer »
d’
autant plus héroïquement sa vérité — une vérité qu’il doit se créer de
1293
uement sa vérité — une vérité qu’il doit se créer
de
toute sa volonté, telle inéluctablement qu’elle est en Dieu — et soit
1294
l sache ou qu’il ignore que la grâce seule permet
de
vouloir… C’est Nietzsche, et quelque chose par-dessus, tout de même…
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ceci, comme dit Kipling, est une autre histoire.
10.
Nous voici parvenus au point où cessent d’eux-mêmes nos bavardages. J
1296
ire. 10. Nous voici parvenus au point où cessent
d’
eux-mêmes nos bavardages. J’ai senti mes oreilles se déboucher, nous g
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ude. Les problèmes qu’il se pose sont le meilleur
de
l’homme — à condition qu’il les surmonte. « Car l’homme est quelque c
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ans doute une vue évangélique. Que ce petit écrit
d’
un mouvement naturel nous ramène au centre des seuls problèmes qui ne
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justifier aux yeux de quelques-uns. Paris, avril
1930.
13. C’est ici que paraît tout de même la grandeur d’un Ramuz, dont
1300
er aux yeux de quelques-uns. Paris, avril 1930.
13.
C’est ici que paraît tout de même la grandeur d’un Ramuz, dont Beausi
1301
13. C’est ici que paraît tout de même la grandeur
d’
un Ramuz, dont Beausire ne veut voir que le maniérisme, non la substan
1302
aniérisme, non la substance. q. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Au sujet D’un certain esprit français », Aujourd’h
1303
q. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet
D’
un certain esprit français », Aujourd’hui, Lausanne, 1 mai 1930, p. 4
1304
ertain esprit français », Aujourd’hui, Lausanne,
1
mai 1930, p. 4. r. Recension de l’ouvrage éponyme de Pierre Beausire
1305
esprit français », Aujourd’hui, Lausanne, 1 mai
1930,
p. 4. r. Recension de l’ouvrage éponyme de Pierre Beausire et Daniel
1306
rd’hui, Lausanne, 1 mai 1930, p. 4. r. Recension
de
l’ouvrage éponyme de Pierre Beausire et Daniel Simond, paru aux « Pet
1307
ai 1930, p. 4. r. Recension de l’ouvrage éponyme
de
Pierre Beausire et Daniel Simond, paru aux « Petites Lettres de Lausa
1308
sire et Daniel Simond, paru aux « Petites Lettres
de
Lausanne ».
1309
onse à l’enquête « Les vrais fantômes »] (juillet
1930
)s t I Vos fantômes ne sont pas les miens, et qui saura jamais s’il
1310
uête « Les vrais fantômes »] (juillet 1930)s t
I
Vos fantômes ne sont pas les miens, et qui saura jamais s’ils ne sont
1311
dividuelles, en dehors de quoi je ne lui vois pas
de
signification générale. Certains fantômes m’apparaissent quand je sui
1312
e. Ils ont tous le même air absurde. Des fantômes
d’
une autre sorte, ceux-là tout rayonnants d’allusions indéfinies, naiss
1313
ntômes d’une autre sorte, ceux-là tout rayonnants
d’
allusions indéfinies, naissent autour de moi quand la passion ou la pr
1314
moi quand la passion ou la prière me font centre
de
mon univers. La vision « autre » dont vous parlez traduit simplement
1315
oi cette première question est assez indiscrète.
II
Il y aurait beaucoup à dire sur l’admiration dont certains littérateu
1316
émoignent en face des fantômes nés du relâchement
de
leur esprit ou de celui des autres. Nous avons vu des amateurs de pit
1317
des fantômes nés du relâchement de leur esprit ou
de
celui des autres. Nous avons vu des amateurs de pittoresque essayer,
1318
u de celui des autres. Nous avons vu des amateurs
de
pittoresque essayer, au hasard, des incantations tout juste bonnes à
1319
s ou notre raison, ce n’est pas en nous efforçant
de
délirer que nous atteindrons une réalité supérieure, mais bien en sur
1320
arente nous fascine. Un fantôme ne manifeste rien
d’
autre que la qualité du regard qui le perçoit. Dis-moi qui te hante… A
1321
psychologie moderne révèle-t-elle une déficience
de
méthode, laquelle correspond à une certaine sécheresse d’âme. Car on
1322
de, laquelle correspond à une certaine sécheresse
d’
âme. Car on ne voit que ce qu’on mérite. — Les plus beaux fantômes, et
1323
erront, dont l’esprit parviendra par sa puissance
d’
adoration, à se créer une part angélique. III L’amour, loin de causer
1324
ance d’adoration, à se créer une part angélique.
III
L’amour, loin de causer une « désorganisation du moral », multiplie à
1325
ssance à les aimer.) Dès lors, il ne s’agira plus
de
réduire les fantômes qui nous tenteront, mais de leur égaler notre co
1326
de réduire les fantômes qui nous tenteront, mais
de
leur égaler notre conscience. C’est un effort de création — car toute
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de leur égaler notre conscience. C’est un effort
de
création — car toute découverte du monde spirituel revêt pour nous, n
1328
spirituel revêt pour nous, normalement, l’aspect
d’
une création. Il s’agit de maintenir cet effort sous le signe de la so
1329
, normalement, l’aspect d’une création. Il s’agit
de
maintenir cet effort sous le signe de la sobriété la plus rusée mais
1330
. Il s’agit de maintenir cet effort sous le signe
de
la sobriété la plus rusée mais la plus amoureuse. L’audace et l’humil
1331
ée mais la plus amoureuse. L’audace et l’humilité
de
la prière nous font entendre l’accord fondamental d’une éthique des f
1332
la prière nous font entendre l’accord fondamental
d’
une éthique des fantômes, dont la poésie moderne n’est peut-être que l
1333
ut-être que la psychologie. s. Rougemont Denis
de
, « [Réponse à une enquête] Vos fantômes ne sont pas les miens… », Rai
1334
te] Vos fantômes ne sont pas les miens… », Raison
d’
être, Paris, juillet 1930, p. 7-8. t. Les réponses à cette enquête, p
1335
t pas les miens… », Raison d’être, Paris, juillet
1930,
p. 7-8. t. Les réponses à cette enquête, par Raoul Benveniste, Carlo
1336
René Crevel et Denis de Rougemont, sont précédées
d’
une introduction dont nous reproduisons l’extrait suivant : « “Y a-t-i
1337
isons l’extrait suivant : « “Y a-t-il une faculté
de
perception indépendante des sens, qui, s’exerçant par le moyen d’un o
1338
dépendante des sens, qui, s’exerçant par le moyen
d’
un organe interne, puisse nous donner des connaissances plus complètes
1339
e interrogation que posent tacitement toute forme
de
vie, et explicitement — croyons-nous — certaines expériences particul