1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 considéré par plusieurs comme l’un des héritiers de Barrès. Le rapprochement est peut-être prématuré, tout au plus peut-o
2 u’à l’heure présente déjà, son œuvre, comme celle de Barrès, nous offre plus qu’un agrément purement littéraire : une leço
3 us qu’un agrément purement littéraire : une leçon d’ énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, c
4 ent littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, cette inquiétude libérat
5 e inquiétude libératrice que produit la recherche de la vérité. Dès son premier livre, il s’est montré tout entier, il a b
6 uancée jusqu’à l’ennui. La guerre a donné le coup de grâce à cet esthétisme énervant qu’on appelle symbolisme ; et elle a
7 bolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine de M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et casquée pour la
8 est sortie toute formée et casquée pour la lutte de l’après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme-t-il, se disputent le mo
9 dans le monde romain les virus du christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de libert
10 romain les virus du christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès
11 , de la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philo
12 tion et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philosophie est cel
13 me, le bolchévisme. L’autre philosophie est celle de l’antique Rome, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissance, le tra
14 therlant comme pour Maurras, est ce qu’il importe de sauvegarder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien d’original da
15 arder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien d’ original dans cette conception simpliste du monde, qui n’est en rien d
16 simpliste du monde, qui n’est en rien différente de celle de l’Action française ; remarquons toutefois cette séparation,
17 e du monde, qui n’est en rien différente de celle de l’Action française ; remarquons toutefois cette séparation, que Maurr
18 ne lui a-t-il manqué pour le devenir que le temps de méditer : il a quitté le collège jésuite pour la tranchée, puis « le
19 la tranchée, puis « le sport l’a saisi aux pattes de la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étrein
20 t l’a saisi aux pattes de la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ».
21 x pattes de la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu
22 e encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressa
23 te du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’une façon obsédante, l
24 s de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’ une façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évi
25 ngeant pour lui, d’une façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité le choc fatal pour tant d’autr
26 justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe de logique, admirablement masqués d’ailleurs par des faço
27 ui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe de logique, admirablement masqués d’ailleurs par des façons cavalières u
28 « fondre dans une unité supérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité co
29 upérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité comme on peut », avoue-t-il
30 oue-t-il franchement. Il me semble bien paradoxal de vouloir unir dans une même philosophie la morale jésuite, faite de rè
31 ans une même philosophie la morale jésuite, faite de règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liber
32 philosophie la morale jésuite, faite de règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initi
33 de règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initiative individuelles, et la morale de
34 nglais, morale qui veut former des hommes maîtres d’ eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’autant plus parado
35 eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’ autant plus paradoxal que M. de Montherlant est justement un des premi
36 itive. Mais on peut oublier la partie doctrinaire de cette œuvre, elle ne lui est pas indispensable : « Ces simplification
37 ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique de M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du stade. En un styl
38 atique de M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du stade. En un style d’une fermeté presque brutale parfois, un
39 admirable lyrisme de poète du stade. En un style d’ une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’on s
40 e d’une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’on sent humaniste et poète, un style à la fois bref
41 au soleil se déploient les équipes, et l’équipier Montherlant les contemple, ému de « cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi
42 pes, et l’équipier Montherlant les contemple, ému de « cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée
43 nt les contemple, ému de « cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’en
44 ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix
45 t aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix sont désignés… ». Voici passer u
46 ser un coureur : « À peine a-t-il touché la piste d’ herbe, c’est une allégresse héroïque qu’infuse à son corps la douce ma
47 foulée, bondissante et posée, est pleine du désir de l’air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends pas ? » — Mais plu
48 us que le corps en mouvement, c’est la domination de la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cette domination q
49 us comme une lutte sauvage et déloyale, la morale d’ équipe devient toute la morale, et les qualités indispensables au bon
50 nt les qualités du parfait citoyen : juste vision de la réalité, abnégation, sentiment du devoir de chacun envers l’ensemb
51 on de la réalité, abnégation, sentiment du devoir de chacun envers l’ensemble (Montherlant insiste plutôt sur le sentiment
52 sentiment du devoir de chacun envers l’ensemble ( Montherlant insiste plutôt sur le sentiment des hiérarchies que sur celui de la s
53 ôt sur le sentiment des hiérarchies que sur celui de la solidarité, comme bien l’on pense). Enfin, enseignement plus génér
54 ien l’on pense). Enfin, enseignement plus général de la morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, ap
55 t plus général de la morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, application de l’immense axiome formu
56 morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, application de l’immense axiome formulé par Hésiode et qu
57 le de rester en dedans de son action, application de l’immense axiome formulé par Hésiode et qui gouverna le monde ancien 
58 de que le tout ». Le sport comme un apprentissage de la vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a un brin du myrte
59 n brin du myrte civique tressé dans vos couronnes de laurier. Vous n’êtes pas couronnés d’olivier. La main connaît la main
60 s couronnes de laurier. Vous n’êtes pas couronnés d’ olivier. La main connaît la main dans la prise du témoin. L’épaule con
61 allon. Le regard connaît le regard dans la course d’ équipe. Le cœur connaît la présence muette et sûre. Toutes ces choses
62 ne sont pas dites en vain. Stades que parcourent de jeunes et purs courages, donnez-moi votre silence jusqu’à l’heure. Qu
63 e silence jusqu’à l’heure. Que je taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien de moins artificiellem
64 de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien de moins artificiellement moderne que ce lyrisme sobre et prenant : « Si
65 t prenant : « Si l’on s’échauffe, s’échauffer sur de la précision. » On évitera ainsi tout niais romantisme. Je sais bien
66 le sport ainsi compris, plus que l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlan
67 ue l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlant répondra : non, car la faible
68 us conduirait cette « éthique du sport » tempérée de raison. Ce qu’on en peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’e
69 it. » M. de Montherlant illustre sa propre pensée de cette citation d’un dominicain : « Formez des jeunes filles assez for
70 rlant illustre sa propre pensée de cette citation d’ un dominicain : « Formez des jeunes filles assez fortes pour pouvoir t
71 our pouvoir tout lire, et il n’y aura plus besoin de roman catholique. » C’est ce qu’on pourrait appeler une « morale cons
72 qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-il pas à com
73 s : il développe ses qualités, le reste s’arrange de soi-même. ⁂ M. de Montherlant, qui a quitté le stade, se rendra mieux
74 uitté le stade, se rendra mieux compte à distance de la contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera
75 laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésui
76 . L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homm
77 oir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement
78 n, voici un homme, et non plus seulement un homme de lettres. Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’une jeun
79 Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’ une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » qu
80 l’enthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le sport et les
81 lus proche que la sensualité vaguement chrétienne de tel autre écrivain catholique. Et son lyrisme, encore un peu brutal,
82 salut des équipes avant le match : « En l’honneur d’ Henry de Montherlant, hip, hip, hurrah ! » 1. Éditions Grasset, Pari
83  ! » 1. Éditions Grasset, Paris. 2. L’attitude de M. de Montherlant légitime une telle « simplification ». a. Rougemo
84 ne telle « simplification ». a. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] M. de Montherlant, le sport et les jésuites », La S
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
85 Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1
86 u xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme de David et d’Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe
87 le à nos jours. Partis du classicisme de David et d’ Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe siècle, un
88 dans les domaines du romantisme, du naturalisme, de l’impressionnisme, pour aboutir enfin dans ces impasses : cubisme et
89 près cent-vingt-cinq ans, à peu près à leur point de départ. Mais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils en reviennent
90 s n’ont pas été vaines. Ils en reviennent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’expression. Très
91 nent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’expression. Très maîtres de leur technique (contrairem
92 chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’ expression. Très maîtres de leur technique (contrairement à ce que pen
93 cients de leurs moyens d’expression. Très maîtres de leur technique (contrairement à ce que pense souvent le public), ils
94 nse souvent le public), ils préparent l’avènement d’ un classicisme nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de la
95 nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de la peinture moderne avec une netteté et un relief remarquable. Les œu
96 une netteté et un relief remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes
97 iste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon de peindre correspond à la façon de
98 témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon de peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’ente
99 s : car la façon de peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili. Est-il beso
100 spond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’ entendre encore M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance de t
101 haitons d’entendre encore M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance de telles prises de contact entre artiste et p
102 M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance de telles prises de contact entre artiste et public ? b. Rougemont De
103 besoin de souligner l’importance de telles prises de contact entre artiste et public ? b. Rougemont Denis de, « Confére
104 t entre artiste et public ? b. Rougemont Denis de , « Conférence Meili », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 30 oct
105 Rougemont Denis de, « Conférence Meili », Feuille d’ avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 30 octobre 1924, p. 6.
106 nt Denis de, « Conférence Meili », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 30 octobre 1924, p. 6.
3 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
107 Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)c M. René Guisan, pro
108 » (2 février 1926)c M. René Guisan, professeur de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de phil
109 , professeur de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula
110 de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un
111 Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un très nombreux pu
112 que nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis de la pensée protestante ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet d
113 nte ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet de façon particulièrement frappante la comparaison des points de vue cat
114 oints de vue catholique et protestant : la notion de « Saint » et son évolution au cours des siècles. Primitivement, le Sa
115 u’il serve. Mais très vite on étend l’appellation de saint à ceux qui par leur élévation morale ou leurs souffrances sembl
116 cutée, le martyre devient le signe par excellence de la sainteté. Le peuple, encore païen, voit dans la vénération des pèl
117 t dans la vénération des pèlerins pour les tombes de leurs saints une forme d’adoration de dieux protecteurs. Cette croyan
118 èlerins pour les tombes de leurs saints une forme d’ adoration de dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée pa
119 les tombes de leurs saints une forme d’adoration de dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée par la souples
120 orisée par la souplesse dont fait preuve l’Église d’ alors quand il s’agit d’adapter des traditions antiques au dogme en fo
121 dont fait preuve l’Église d’alors quand il s’agit d’ adapter des traditions antiques au dogme en formation. Au Moyen Âge l’
122 On spécialise les « compétences » des saints, ou de leurs reliques qui se multiplient prodigieusement. Alors éclate la pr
123 ent prodigieusement. Alors éclate la protestation de la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leur vie : mais Chr
124 de la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leur vie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’adresser le
125 sser le culte, en son cœur, du croyant. Le centre de gravité religieux est replacé en Christ. — Comment l’Église catholiqu
126 e là nous juger ? Les catholiques nous reprochent d’ avoir méconnu l’élément de grandeur morale que les saints maintiennent
127 oliques nous reprochent d’avoir méconnu l’élément de grandeur morale que les saints maintiennent dans l’Église. M. Guisan
128 se. M. Guisan va très loin dans ses concessions à de telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus de forc
129 e telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec d’ autant plus de force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’a
130 ques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus de force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’accomplissement
131 ns l’accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle de la vocation, le protestantisme affirme qu’il existe divers ordres de
132 protestantisme affirme qu’il existe divers ordres de sainteté ». Cette mère qui s’est sacrifiée aux siens, n’était-ce pas
133 missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y a pas de saints protestants, il existe des saints dans le protestantisme. Mais
134 saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limit
135 otestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes
136 rfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y
137 tes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. T
138 ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, t
139 mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le protestantisme. La
140 manque pour louer comme il conviendrait la clarté d’ un exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrét
141 d’un exposé solidement documenté, et le scrupule d’ historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de
142 lidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse av
143 d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse avec autant de compréhension et de sy
144 an de montrer le point de vue adverse avec autant de compréhension et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses co
145 nt de vue adverse avec autant de compréhension et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses conclusions cette sécu
146 danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’ un esprit animé par une foi agissante. c. Rougemont Denis de, « Con
147 nimé par une foi agissante. c. Rougemont Denis de , « Conférence Guisan », Suisse libérale, Neuchâtel, 2 février 1926, p
4 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
148 Conférences d’ Aubonne (7 avril 1926)d e Pour la première fois cette année, les co
149 our la première fois cette année, les conférences de l’Association chrétienne d’étudiants eurent lieu au printemps, et non
150 nnée, les conférences de l’Association chrétienne d’ étudiants eurent lieu au printemps, et non plus à Sainte-Croix, mais à
151 ein succès a répondu à cette innovation. Le sujet de la première partie des conférences, les Objections des intellectuels
152 psychanalyste distingué, qui se fit avec beaucoup d’ intelligence l’avocat du diable, en montrant que tous les faits religi
153 ation scientifique. C’est donc à la seule volonté de choisir. M. le pasteur Bertrand de Lyon, répondit en exposant les exi
154 trand de Lyon, répondit en exposant les exigences de l’Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vig
155 face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la
156 , et fut impressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompr
157 pressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’ idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompre les discu
158 ovoquées par ces deux travaux. Avec la conférence de M. Jean Cadier, un jeune pasteur français, on descendit — ou l’on mon
159 it — ou l’on monta suivant M. A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de
160 A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de la théologie moderne avec l’
161 ns celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de la théologie moderne avec l’action religieuse en s’appuyant sur des e
162 yant sur des expériences faites pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplac
163 une causerie émouvante sur l’Évolution religieuse de Jacques Rivière, qui se trouva préciser bien des points laissés en su
164 points laissés en suspens dans la première partie de la conférence. Puis M. A. Brémond, étudiant en théologie, présenta de
165 nd, étudiant en théologie, présenta deux ouvriers de Paris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les c
166 ris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réali
167 ont il a eu l’occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre d
168 les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre de la Mentalité prolétarienne. Brém
169 rlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre de la Mentalité prolétarienne. Brémond conclut en montrant la nécessité
170 nclut en montrant la nécessité et les difficultés d’ une action missionnaire dans ces milieux, comme M. Terrisse l’avait fa
171 risse l’avait fait le soir avant pour les milieux d’ ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec un
172 vriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec une passion contenue d’hommes qui ont vu, qui ont souffe
173 es questions de partis, avec une passion contenue d’ hommes qui ont vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus de mots
174 nt vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus de mots ni d’utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs
175 ont souffert, et qui ne se payent plus de mots ni d’ utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs
176 Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs de leur lit de préjugés pour les placer véritablement en face de la « ré
177 émond ont su arracher leurs auditeurs de leur lit de préjugés pour les placer véritablement en face de la « réalité prolét
178 que nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus de la plus dégradante condition, et nous n’y arriverons que par un trava
179 dition, et nous n’y arriverons que par un travail d’ éducation lent et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez à nous pou
180 s écopons, tant pis. » Cinq conférences et autant de cultes en trois jours, cela peut paraître excessif à qui n’a pas conn
181 que. Chacun dit ce qu’il pense sans se préoccuper d’ être bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis
182 re bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien l’on poursui
183 anquier et un philosophe au milieu d’une centaine d’ étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit
184 hilosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit croire un insta
185 ui nous fit croire un instant à la fameuse devise de la Révolution. d. Rougemont Denis de, « Conférences d’Aubonne », S
186 se devise de la Révolution. d. Rougemont Denis de , « Conférences d’Aubonne », Suisse libérale, Neuchâtel, 7 avril 1926,
187 volution. d. Rougemont Denis de, « Conférences d’ Aubonne », Suisse libérale, Neuchâtel, 7 avril 1926, p. 2. e. Signé :
5 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
188 L’atmosphère d’ Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)f Cette conférence s’ouvrit par
189 du diable et se termina sous le plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’y voir un symbole. On ne saurait exagér
190 e plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’ y voir un symbole. On ne saurait exagérer l’importance des conditions
191 portance des conditions météorologiques du succès d’ une telle rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que la bise tomb
192 à ce que la bise tombée permît à « l’atmosphère » de s’établir. Alors le miracle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esp
193 acle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esprit d’ Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’il y a de plus protestant — mais
194 uire ailleurs qu’en terre romande. C’est l’esprit de liberté, tout simplement. Mais précisons : c’est bien plus que la lib
195 . Mais précisons : c’est bien plus que la liberté de défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’
196 erté de défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’autrui, — c’est la liberté dans la recherche.
197 e hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’ autrui, — c’est la liberté dans la recherche. Chose plus rare qu’on ne
198 convaincre qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson, de Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas m
199 qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson, de Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal de préju
200 en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal de préjugés en matières sociales. Mais ce qui est peut-être plus importa
201 on eut l’impression, durant les discussions entre de Saussure et Bertrand, que les orateurs exprimaient tour à tour les ob
202 soi, qu’ils incarnaient les voix contradictoires d’ un débat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arri
203 ous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’ arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le
204 loyalement. Et ce désir d’arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à l’émotion
205 arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’ intelligent, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de
206 e mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de Maury sur Jacques Rivière : combien reconnurent dans le tourment de c
207 es Rivière : combien reconnurent dans le tourment de cette âme leur propre recherche, — et dans ses lumineuses conquêtes s
208 réponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère de la chapelle où ont lieu travaux et méditations. Dehors, on honore la
209 vaux et méditations. Dehors, on honore la liberté d’ un culte moins platonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit qu’on ne pe
210 on ne peut juger les Associations qu’à leur façon de jouer le volley-ball ? Le Casino offrit pendant quelques nuits la vis
211 o offrit pendant quelques nuits la vision étrange d’ une salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur des paillasses att
212 sur des paillasses attendraient en vain le lever d’ un rideau sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l’on vit a
213 Henriod debout sur un tronc coupé n’eut pas trop de toute sa souplesse pour maintenir l’équilibre des discussions et de s
214 sse pour maintenir l’équilibre des discussions et de sa propre personne. Et il y eut encore un dîner très démocratique pen
215 Abauzit chanta « les Crapauds » avec âme, appuyé d’ une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air de
216 apauds » avec âme, appuyé d’une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Apr
217 âme, appuyé d’une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Après quoi Richar
218 attendu pour le manifester ! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je
219 ! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit dans ces quelq
220 re : f 2.50, nom et adresse. f. Rougemont Denis de , « L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelle
221 adresse. f. Rougemont Denis de, « L’atmosphère d’ Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’Association
222 onne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’Association chrétienne suisse d’étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 4
223 ta : nouvelles de l’Association chrétienne suisse d’ étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 44-45.
6 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
224 (mai 1926)g Écrire, pas plus que vivre, n’est de nos jours un art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-
225 re, pas plus que vivre, n’est de nos jours un art d’ agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si crainti
226 s-mêmes, et si craintifs en même temps, si jaloux de ne pas nous déformer artificiellement : nous comprenons que nos œuvre
227 que nos œuvres, si elles furent faites à l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est peut-être pou
228 t-être pourquoi nous accordons voix dans le débat d’ écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux calculs l
229 s le débat d’écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux calculs les plus rusés. Nous choisissons les idé
230 ées comme on choisit un amour dont on est anxieux de prévoir l’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint de ressort
231 ’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint de ressortir trop différent. Amour de soi, qui nous tourmente obscurémen
232 dont on craint de ressortir trop différent. Amour de soi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de
233 oi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’obje
234 urmente obscurément et nous obsède de craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur de perd
235 ont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte impr
236 enons pas toujours l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des chos
237 s l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi…
238 ur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi… Mais moi, qu
239 subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi… Mais moi, qui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame de
240 ui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame de toute vie. Ha ! Qui je suis ? Mais je le sens très bien ! je sens trè
241 ’autres désirs contradictoires ; au gré du temps, d’ un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges vien
242 contradictoires ; au gré du temps, d’un sourire, d’ un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges viennent m’habiter
243 , d’un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges viennent m’habiter ; je ne sais plus… Je suis beauco
244 où l’on me fit comprendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une
245 rendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’ une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ;
246 je devins si faible et démuni, livré aux regards d’ une foule absurde, bienveillante, repue, — tous paraissaient détenir u
247 les, si cruellement présentes et dures ? La cause de cette inadaptation, je la soupçonnais si grave, si fondamentale que j
248 référais me leurrer à combattre des imperfections de détail dont je m’exagérais l’importance. Et c’est ainsi par feintes q
249 trouble que je me refusai pourtant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond de tous les plaisirs, cette envie de rir
250 ant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond de tous les plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui,
251 mertume au fond de tous les plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes vi
252 il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul liait les
253 découvrais, dans tout mon être une force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où
254 organisaient brusquement les éléments désaccordés de ce moi que j’avais tant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un
255 dominateurs par quoi l’homme ne se distingue plus de l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui
256 t tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi de trop grand pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’était plus une doule
257 r ? dans quel sens ? Provisoirement j’étais sauvé d’ un désordre où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas
258 e où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas se défaire. Mais rien n’était résolu. Me voici devant quelques
259 problèmes dont je sais qu’il est absolument vain de prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d’avoir résolus : c’
260 prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d’ avoir résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la b
261 résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche
262 vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche qui n’a que ce but de me rendre m
263 , à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’ une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre plein
264 erdre au début d’une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre pleinement. En priant, je m’arrête parfo
265 a consiste à retrouver l’instinct le plus profond de l’homme, la vertu conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les
266 eul qu’ils sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la construction ; c’
267 sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la construction ; c’est un méla
268 la construction ; c’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, pui
269 tion ; c’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est
270 ales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est pas encore parfait cet instinct qu
271 rfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de ren
272 la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces comp
273 hercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord
274 e Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord donc, chois
275 de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord donc, choisir Mes instincts, ensuite, les éduquer
276 éduquer, selon des lois établies par le concours de l’expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le
277 lois établies par le concours de l’expérience et d’ un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la consc
278 par le concours de l’expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes li
279 en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouver ces limites :
280 la vie moderne, mécanique, nous les fait oublier, d’ où cette fatigue générale qui fausse tout, et qui s’oppose au perfecti
281 fausse tout, et qui s’oppose au perfectionnement de l’esprit, puisqu’elle ne permet que des associations suivant les dire
282 ermet que des associations suivant les directions de moindre résistance. Mais je ne m’emprisonnerai pas dans ces limites.
283 mprisonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est de les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce
284 a liberté est de les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce lent effort naît une modestie que j
285 s loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce lent effort naît une modestie que je m’enorgueillis un peu de conn
286 ie que je m’enorgueillis un peu de connaître ; et de cette volonté d’un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de m
287 ueillis un peu de connaître ; et de cette volonté d’ un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La s
288 une faiblesse en la nommant ; or je ne veux plus de faiblesses4.) Et demain peut-être, agir dans le monde, si je m’en sui
289 t, comme elle veut une conscience. Je fais partie d’ un ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’
290 ial et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’employer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une
291 ur une doctrine possible, sur une systématisation de mes petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’être dans un d
292 petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’ être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment s
293 ’être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment surmonter un malaise sans cesse renaissant, comment
294 lois du monde, et comment augmenter ma puissance de jouir, en même temps que ma puissance d’agir. Que tout cela s’agite s
295 uissance de jouir, en même temps que ma puissance d’ agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je le comprends par écl
296 puissance d’agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je le comprends par éclairs, mais une secrète espérance m’empo
297 . Mais comme un écho profond, une attirance aussi d’ anciennes folies… Combat, oscillations silencieuses dans ma demi-consc
298 , lueurs éteintes dans une nuit froide. Les notes d’ un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’
299 chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l’emporten
300 ennent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent d’ un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ;
301 ont. Une fois écrites elles prennent un caractère de certitude qu’elles n’avaient pas encore en moi. C’est en quoi ma sinc
302 une dérision complète. Je m’étonne qu’après tant d’ expériences ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’un sys
303 ’expériences ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai,
304 ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’ un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile.
305 itimes chez d’autres, même celles que je juge bon d’ éliminer de moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mouvement norm
306 d’autres, même celles que je juge bon d’éliminer de moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mouvement normal » de vie
307 on équilibre, ou plutôt, son « mouvement normal » de vie. g. Rougemont Denis de, « Confession tendancieuse », Les Cahier
308 « mouvement normal » de vie. g. Rougemont Denis de , « Confession tendancieuse », Les Cahiers du mois, Paris, juin 1926,
7 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
309 Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe de violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux a
310 me tirant hors de ce « long songe de violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux au point qu’il f
311 des forces qui se lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’on l’éprouve d’abord trop vivement pour le juger. L’aute
312 e ça se vend mieux. Ce récit des premiers combats de taureaux du jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses m
313 e récit des premiers combats de taureaux du jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’
314 jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’une seule coulée, presque sans int
315 nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’ une seule coulée, presque sans intrigue, sans cette orchestration de t
316 , presque sans intrigue, sans cette orchestration de thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme,
317 de thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’ une ligne plus ferme, d’une unité plus pure aussi. Le sujet était péri
318 a richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme, d’ une unité plus pure aussi. Le sujet était périlleux : si particulier,
319 périlleux : si particulier, il prêtait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieu
320 articulier, il prêtait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieuses explications
321 ait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieuses explications nécessaires, défau
322 sque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieuses explications nécessaires, défauts auxquels Montherlant n
323 ieuses explications nécessaires, défauts auxquels Montherlant n’a pas toujours échappé, mais qu’il domine dans l’ensemble et entraî
324 e dans l’allure puissante à la fois et désinvolte de son récit. On a souvent parlé d’excès de lyrisme à propos des premier
325 is et désinvolte de son récit. On a souvent parlé d’ excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette
326 sinvolte de son récit. On a souvent parlé d’excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette fois-ci,
327 d’excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette fois-ci, on le traite de naturaliste. Mais comment
328 xcès de lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant . Cette fois-ci, on le traite de naturaliste. Mais comment montrer des
329 rages de Montherlant. Cette fois-ci, on le traite de naturaliste. Mais comment montrer des taureaux sans que cela sente un
330 ue cela sente un peu l’étable ? L’étonnant, c’est de voir à quel point Montherlant reste poète jusque dans la description
331 l’étable ? L’étonnant, c’est de voir à quel point Montherlant reste poète jusque dans la description la plus réaliste de la vie ani
332 poète jusque dans la description la plus réaliste de la vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’il
333 t poète qu’il peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui do
334 ntensité de réalisme. Une perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’il s’accorde d’emblé
335 ers « comme un chant mystérieux entendu au-dessus de la mer », il y a toujours dans un coin du tableau des ruades, des che
336 ent et lèchent alternativement, « en vraies bêtes de désir ». Une intelligence si profonde de la vie animale suppose entre
337 es bêtes de désir ». Une intelligence si profonde de la vie animale suppose entre l’homme et la bête une sympathie que Mon
338 uppose entre l’homme et la bête une sympathie que Montherlant note à plusieurs reprises. C’est « par la divination de cet amour qu’
339 e à plusieurs reprises. C’est « par la divination de cet amour qu’Alban (le jeune héros du récit) sent ce que sent la bête
340 raiment que ce qu’on aime, et les victorieux sont d’ immenses amants »6. Mais envers les taureaux cet amour tourne en adora
341 reflet bleu clair, soudain inquiètes à l’approche de l’inconnu. Nulle part mieux que dans la description des taureaux ne
342 sage du réalisme le plus hardi à un lyrisme plein de simple grandeur. Voici la mort du taureau dit « le Mauvais Ange » :
343 ureau dit « le Mauvais Ange » : La bête chancela de l’arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur le flanc, accom
344 e » : La bête chancela de l’arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur le flanc, accomplissant sa destinée. Quel
345 ement les articulations grinçaient, avec le bruit d’ un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase
346 rticulations grinçaient, avec le bruit d’un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime
347 sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, ell
348 à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme divine s
349 t ses jeux, et les génisses, et la chère plaine. De tels passages qui abondent dans les Bestiaires font pardonner bien d’
350 les Bestiaires font pardonner bien d’autres pages de vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle
351 de vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’év
352 vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’évocations ant
353 logiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’évocations antiques, de r
354 olle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’ évocations antiques, de rapprochements superstitieux, de grands symbol
355 st tout de suite une orgie d’évocations antiques, de rapprochements superstitieux, de grands symboles païens, et l’on se p
356 ations antiques, de rapprochements superstitieux, de grands symboles païens, et l’on se perd dans un syncrétisme effarant,
357 x et Alban confondent leurs génies dans une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce pa
358 nfondent leurs génies dans une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalt
359 s génies dans une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre
360 e soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrifices sanglants.
361 r ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrifices sanglants. Pour ma part, je le trouve assez p
362 uve assez peu humain et comme obsédé par une idée de violence tonique certes, mais décidément un peu pauvre pour fonder un
363 une religion. Mais ce n’est peut-être qu’un rêve de poète. Il y a un autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’e
364 st peut-être qu’un rêve de poète. Il y a un autre Montherlant , plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est un moraliste de grande race, qui
365 plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est un moraliste de grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devient naturel ce
366 us mener à des hauteurs où devient naturel ce cri de sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin d’un autre amour que ce
367 de sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin d’ un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de n
368 ue celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie
369 e de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu
370 xion des phrases, ce qui s’élève en fin de compte de tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un t
371 qui s’élève en fin de compte de tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inver
372 fin de compte de tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d’au
373 eaux de violence et de passion, c’est la présence d’ un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin,
374 , c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’être, Montherlant
375 tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’ être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’une puissance contag
376 utres qui s’analysent sans fin, avant que d’être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’une puissance contagieuse. Il y a là
377 d’être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’ une puissance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier des défauts
378 nt lyrique d’une puissance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier des défauts qui tueraient tout autre que lui. Cert
379 ne soulève directement aucun des grands problèmes de l’heure. La violence même qui sourd dans son être intime l’en empêche
380 n être intime l’en empêche, le préserve des états d’ incertitude douloureux, où ces problèmes viennent se poser à l’esprit,
381 problèmes viennent se poser à l’esprit, profitant de son désaccord avec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Al
382 vec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’ Alban — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou e
383 Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Alban — ( de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, qu
384 ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la g
385 es soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit les chos
386 ’ai pas dit les choses sentimentales. Le tragique de la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec pathétique.
387 ttitude agace des gens qui se soucient avant tout de trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes p
388 ui se soucient avant tout de trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes s
389 tout de trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Mont
390 telligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là
391 aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là « qui cherchent en gém
392 iétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là « qui cherchent en gémissant ». Mais cet
393 s séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là « qui cherchent en gémissant ». Mais cette personnalité dont
394 insolence les forces créatrices, ne vaut-elle pas d’ être élevée en témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue des ath
395 vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan de grandeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de
396 r. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’ oublier de vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il p
397 e point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant
398 ion aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d’ y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant s’abandonner parf
399 s obscures qui nous replacent dans l’intelligence de l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemmen
400 plus âpre et violemment contractée, par la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages v
401 la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’inst
402 ’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Bergs
403 de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique
404 es viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique une chenille
405 du dedans, pour ainsi dire, sur la vulnérabilité de la chenille. » (Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place de
406 Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place de citer ici plusieurs autres passages qui préciseraient ce parallélisme
407 e du poète et du philosophe. h. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Henry de Montherlant, Les Bestiaires  », La Semaine
8 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
408 Soir de Florence (13 novembre 1926)i Des cris mouraient vers les berges du
409 e la ville présente au couchant, dans ce corridor de lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle devient plus se
410 crète. Vers l’est, des collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où s’en vont lentement les eaux et les l
411 reposante. Cette imparfaite accoutumance au monde de sensations inconnues où nous étions baignés nous promettait pourtant
412 promettait pourtant une connaissance plus intime de certaine tristesse. Seule une maison blanche est arrêtée tout près de
413 est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas d’ elle que vient cette chanson jamais entendue qui nous accompagne depui
414 ui nous accompagne depuis un moment sur le chemin de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’un char tiré par des
415 de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’ un char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais d
416 s bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais de chromos, de romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange
417 cs. Comme une apparition. (Tu parlais de chromos, de romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange.) Une atmos
418 ns une réalité bien plus étrange.) Une atmosphère de triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur du fleuve est s
419 dans une beauté que saluent tant de souvenirs n’a d’ autre nom que celui de l’instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi
420 luent tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui de l’instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi simplement. Sans pensé
421 insi simplement. Sans pensée, perdus dans un soir de n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe
422 sée, perdus dans un soir de n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases
423 r de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases rapides ondulent dans l’air lourd. Le chant desc
424 ennent au ras du fleuve sombre. Nul désir en nous de comprendre ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pens
425 impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus de sens, comme le fleuve. Elle n’est qu’odeurs, formes mouvantes, remous
426 rait sacrilège, comme une barre droite au travers d’ un tableau. Nos yeux ont regardé longtemps — où va l’âme durant ces mi
427 s sèches… Puis la brume est venue comme une envie de sommeil. Une lampe dans la maison blanche nous a révélé proche la nui
428 Nous nous sommes retournés vers la ville. Fleurs de lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfa
429 Fleurs de lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato
430 ent des ombres informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétra
431 informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétrant comme cette
432 ds et faibles, caressant en nous la lâche volupté de sentir l’esprit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’ode
433 et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’être pliée au vent
434 s un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’être pliée au vent qui ne parle jamais. N
435 e fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’ être pliée au vent qui ne parle jamais. Nous fûmes si près de choir da
436 ui nous enivrait, promettant à nos sens, fatigués de l’esprit qui les exerce, des voluptés plus faciles — pour infuser dan
437 lus faciles — pour infuser dans nos corps charmés d’ un repos sans rêves une langueur dont on ne voudrait plus guérir… Mais
438 rbes qu’épousent nos ferveurs, angles purs, repos de l’esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité de cette façade éle
439 l’esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité de cette façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’un équilibre
440 façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’ un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’
441 t le signe d’un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des forces humaine
442 grand pont de fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui
443 sous des coups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il étai
444 oups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’ usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y
445 t la vie des hommes pour demain, et il était beau d’ y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des rues. L
446 es formes devinées dans l’espace nous environnent d’ une obscure confiance. Livrons-nous aux jeux des hommes-qui-font-des-g
447 tes. Les autos répètent sans fin les notes mêlées d’ une symphonie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en
448 mphonie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par
449 lle en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par personne et les devantures ne cherchent qu’à vous plaire.
450 rabesque des sentiments et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de force
451 nts et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de forces qui tisse la nuit
452 mour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, politesses, poli
453 aisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, politesses, politiques,
454 des musées ! — et si tu veux soudain le son grave de l’infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux, au plus beau
455 au plus beau ciel du monde. i. Rougemont Denis de , « Soir de Florence », La Semaine littéraire, Genève, 13 novembre 192
456 u ciel du monde. i. Rougemont Denis de, « Soir de Florence », La Semaine littéraire, Genève, 13 novembre 1926, p. 547-5
9 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
457 clef des champs (1927)l « On sent l’absurdité d’ un semblable système. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur l
458 rose et un journal oubliés sur le marbre vulgaire d’ une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consomma
459 ournal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommation. Comme
460 re d’une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommation. Comme d’habitude, un peu après six heures
461 m’asseoir et de commander une consommation. Comme d’ habitude, un peu après six heures. J’étais seul. Le café est un lieu a
462 du bureau, les gages insupportablement familiers d’ une vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apé
463 ges insupportablement familiers d’une vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apéro, on entre ici d
464 ête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’ un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les plus étranges
465 étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc d’ ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur
466 cela m’intéresse au fond : les faits-divers, rien de moins divers. Mais je suis pris dans l’absurde réseau des lignes, et
467 tte mécanique me restitue chaque fois un peu plus de lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette r
468 chaque fois un peu plus de lassitude, un peu plus d’ ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : pe
469 de lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : perdre une rose pour le pl
470 . Il déplia le journal et se mit à lire les pages d’ annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes
471 es. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes pensées plus rapides s’en allèrent un peu vers l’avenir et
472 oulait dans la banlieue printanière ; des soupers d’ amis dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de couleur pour
473 dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de couleur pour ma femme… Mais l’homme avait posé son journal. Soudain,
474 . Il en parcourait rapidement les pages, la proie d’ une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fi
475 roie d’une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagna
476 r vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient d’ une joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’en mo
477 uel. C’était un jeu très simple où l’esprit libre de calculs se tend ardemment vers la conclusion d’un hasard qui opère au
478 e de calculs se tend ardemment vers la conclusion d’ un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confia
479 conclusion d’un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confiance me possédait, telle que je savais
480 mouvants où je me voyais figurer comme une sorte de « personnage aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues de sa
481 aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues de sa vie, brillantes ou misérables, passionnées. Mais bientôt : — « Des
482 -il, tu pourrais me remercier. Vois quels chemins de perdition j’ouvre sans cesse à ta course aveugle ; tu n’aurais pas tr
483 tout seul, avec tes airs pessimistes. De nouveau, d’ un coup de dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le v
484 avec tes airs pessimistes. De nouveau, d’un coup de dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le voilà riche
485 tu te réjouissais, parce que tu n’as pas beaucoup d’ imagination, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à
486 pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situations complètement démodées et d’intrigues usées jusqu’à la cord
487 à travers de situations complètement démodées et d’ intrigues usées jusqu’à la corde, jusqu’à la corde pour les pendre, ha
488 pensais que j’allais me cramponner à cette espèce de bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aus
489 leur vie à la gagner9, et leur façon inexplicable de lier des valeurs morales aux cours de bourse. « Heureux quoique pauvr
490 nexplicable de lier des valeurs morales aux cours de bourse. « Heureux quoique pauvre » comme ils disent dans leurs manuel
491 s voler, pour leur apprendre. Et leur manie aussi de situer le paradis dans la classe d’impôts immédiatement supérieure à
492 r manie aussi de situer le paradis dans la classe d’ impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient que leur vie
493 voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier de plaisirs, avec assurance contre faillites morales et douleurs d’amour
494 ec assurance contre faillites morales et douleurs d’ amour — ô vertige sans prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caiss
495 prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caisses d’ épargne, monuments d’une bassesse morale inconcevable, temples de leur
496 Ils ont inventé les caisses d’épargne, monuments d’ une bassesse morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leur
497 ments d’une bassesse morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissanc
498 morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissance à concevoir un autr
499 eurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissance à concevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont re
500 cevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont reçu de papa-maman et l’Habitude, leur marraine aux dents jaunes. Ah ! perdre
501 ’est toujours à qui perd gagne ! Sauter follement d’ une destinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie,
502 e ! Sauter follement d’une destinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie, mon cheval fou, mon beau Dési
503 i est en train de me soutirer les quelque billets de mille dont je venais de régler le sort, puisque demain dès l’aube, j’
504 aube, j’irai tenter la misère aux yeux las pleins de rêves, la misère qui fait des soirs si doux aux amants quand ils n’on
505 ants quand ils n’ont plus que des baisers au goût d’ adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et
506 r des visions. Les lustres doraient un brouillard de fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était as
507 cette rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit d’ un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regard
508 mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musi
509 garder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la ru
510 loguaient follement au-dessus des rues parcourues de longs cris en voyage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et de
511 yage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et de cette nuit peut-être, je ne saurai jamais rien… (sinon qu’au lendemai
512 es paroles — ou peut-être n’étaient-ce que celles de mes folies ? Je me répète : paradoxes, mais cela ne suffit plus à m’e
513 ue je devrais tenter quelque chose. Je suis plein de rêves, certains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi, et ma femme
514 le lait va monter. Alors, dans ma chambre, avant d’ aller souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et j
515 sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et de désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus am
516 é. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et de désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus amère, plus amè
517 te haïr… 9. Calembour sur une idée juste. (Note de l’éd.) l. Rougemont Denis de, « Dés ou la clef des champs », Neuchâ
518 idée juste. (Note de l’éd.) l. Rougemont Denis de , « Dés ou la clef des champs », Neuchâtel 1928 : beaux-arts, arts app
10 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
519 Conférence d’ Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1
520 Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)j Le sujet que M. Esmonin, pro
521 e M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle des Conférences, devant
522 un des plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de reste
523 ants et des plus controversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lomb
524 L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lombard, recteur de l’Université, en introduisan
525 ifficile de rester impartial. M. Lombard, recteur de l’Université, en introduisant le conférencier, a fait allusion aux di
526 cation. M. Esmonin, lui, se place au point de vue de l’historien scrupuleux, qui juge d’après les textes, les causes et le
527 (Cette attitude est plus rare qu’on ne le croit, de nos jours.) M. Esmonin montra avec beaucoup de clarté comment, entre
528 avec beaucoup de clarté comment, entre 1578, date de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France
529 arté comment, entre 1578, date de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus gr
530 date de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus grande liberté à la plus gr
531 , et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus grande liberté à la plus grande tyrannie. En proclamant la li
532 religieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête de la civilisation ; en interdisant aux réformés d’exercer leur religion
533 de la civilisation ; en interdisant aux réformés d’ exercer leur religion, mais en même temps de quitter le pays, Louis XI
534 ormés d’exercer leur religion, mais en même temps de quitter le pays, Louis XIV commit un des actes les plus vexatoires qu
535 oire ait enregistrés. Après avoir fait un tableau de la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orat
536 gistrés. Après avoir fait un tableau de la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur expose co
537 e la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur expose comment on en vint à la révocation. C’es
538 tion. C’est d’abord l’influence du clergé, jaloux de ses droits considérables encore ; puis ce sont les conseillers intime
539 t fort bien leurs intérêts immédiats à leur désir de gagner le ciel, persuadent Louis XIV que la révocation serait une œuv
540 n serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, « un niais en
541 eil et capable de lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, « un niais en matière religieuse » au dire de sa
542 e roi, « un niais en matière religieuse » au dire de sa belle-sœur, la princesse palatine, se laisse facilement convaincre
543 ants. Aussi ne s’effraye-t-on pas trop, au début, de l’émigration des fidèles qui suivent leurs pasteurs proscrits. On esp
544 eurs pasteurs proscrits. On espère bien convertir de gré ou de force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins
545 urs proscrits. On espère bien convertir de gré ou de force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins catholiqu
546 ont presque anéanties ; les conséquences funestes de l’acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la
547 e anéanties ; les conséquences funestes de l’acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la confessio
548 cation commencent à se révéler politiques (guerre de la confession d’Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félici
549 à se révéler politiques (guerre de la confession d’ Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félicitations arrachées
550 par Louis XIV au pape, les catholiques sont loin d’ être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une le
551 loin d’être unanimes à louer la révocation. L’un d’ eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont
552 L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évan
553 « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis d’
554 Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis d’ autre crime que de « déplaire au roi » vont reprendre de plus belle :
555 ns contre ceux qui n’ont commis d’autre crime que de « déplaire au roi » vont reprendre de plus belle : la guerre civile s
556 le succède aux dragonnades. M. Esmonin s’abstient d’ en faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs.
557 faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’Albert Sorel, selon
558 e ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’ Albert Sorel, selon qui la date du 16 octobre 1685 marque une déviatio
559 octobre 1685 marque une déviation dans l’histoire de la France. Déviation telle, en effet, que nous en sentons les conséqu
560 e, en effet, que nous en sentons les conséquences de nos jours encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjo
561 e M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjouir de retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’il va consacrer à Louis XIV l’exp
562 qu’il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et d’une si élégante science du sympathique prof
563 XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et d’ une si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. j. R
564 une si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. j. Rougemont Denis de, « La révocation de l’édit de Nant
565 que professeur de Grenoble. j. Rougemont Denis de , « La révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel,
566 enoble. j. Rougemont Denis de, « La révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 16 févrie
567 e, « La révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’ avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 16 février 1927, p. 8.
568 révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 16 février 1927, p. 8.
11 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
569 le passé ? Allons-nous assister à un regroupement de ses forces créatrices ? La question est peut-être prématurée. Mais le
570 nts nécessaires à ce regroupement existe : il y a de jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà d
571 uchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà de discerner parmi eux certaines tendances générales, nous y reviendrons
572 que le meilleur ; mais l’émulation, l’atmosphère de combat nécessaire au développement de certains jeunes tempéraments le
573 ’atmosphère de combat nécessaire au développement de certains jeunes tempéraments leur fait défaut dans la même mesure. Ai
574 r fait défaut dans la même mesure. Ainsi risquent de s’établir autour d’eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais p
575 a même mesure. Ainsi risquent de s’établir autour d’ eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès,
576 dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde d’ amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiq
577 des efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant
578 stiques. Tout ce monde d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde
579 out ce monde d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous l
580 d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémisme
581 découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés
582 de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’ avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés comme vertus
583 e à nous revenir munis du passeport indispensable d’ une consécration étrangère. Un jour en effet l’on apprend que tel tabl
584 re. Un jour en effet l’on apprend que tel tableau de jeune est « coté » chez un gros marchand. Aussitôt, les feuilles loca
585 hand. Aussitôt, les feuilles locales retentissent de touchants échos : « C’est avec un légitime orgueil que notre petit pa
586 eillera cette consécration bien méritée du talent d’ un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans u
587 ra cette consécration bien méritée du talent d’un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une Ro
588 ccorde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils d’ un tel père. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’il en fai
589 force se développe. N’était certain petit plaisir d’ impertinence, je me fusse dispensé de redire ces lieux communs, auxque
590 etit plaisir d’impertinence, je me fusse dispensé de redire ces lieux communs, auxquels pourtant nos circonstances confère
591 D’ailleurs, sachons le reconnaître, il y a moins de malice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incomp
592 achons le reconnaître, il y a moins de malice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incompréhension que
593 de paresse dans les jugements du public, et moins d’ incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer n
594 gements du public, et moins d’incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates de naissance,
595 éhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates de naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophé
596 ité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates de naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions d
597 pas de ne citer ni dates de naissance, ni traits d’ enfance géniaux et prophétiques, ni opinions de critiques autorisés. D
598 ts d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions de critiques autorisés. Du benjamin, Eugène Bouvier, qui a 25 ans, jusqu
599 si les peintres dont nous allons parler méritent d’ être appelés jeunes, c’est par leurs œuvres avant tout. D’autre part j
600 graphie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer de contagion contre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucu
601 tre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen d’ aucun de ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’a
602 el je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucun de ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’art diplô
603 plômé. Premier péché contre l’histoire : au seuil d’ un article consacré aux jeunes artistes neuchâtelois, je vous présente
604 ésente Conrad Meili, un Zurichois qui nous arriva de Genève il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures
605 li, un Zurichois qui nous arriva de Genève il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits
606 ou six ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits paysages, il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était un
607 petits paysages, il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était un peu plus Blanchet que Barraud, plus Picasso que Mati
608 res, dans une chambre peinte en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’est livré pendant quelques années à des rech
609 à des recherches un peu théoriques et abstraites. De cette époque datent des toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors
610 cette époque datent des toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors et personnages semblent d’une matière idéale. Tout e
611 venir de l’Évêché. Décors et personnages semblent d’ une matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement.
612 parfait seulement. Il manque à ces recompositions de la nature, à ces natures remises à neuf, l’imperfection humaine qui t
613 ection humaine qui touche. Mais l’atmosphère pure de ces espaces définis par quelques plans ne tue pas un certain mystère.
614 dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille de constater combien l’épuration rigoriste de sa technique sert une visi
615 veille de constater combien l’épuration rigoriste de sa technique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures su
616 n rigoriste de sa technique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité
617 chnique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité est un petit chef-d
618 qu’il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’un art très volontaire, qui connaît ses res
619 un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’ un art très volontaire, qui connaît ses ressources et sait en user ave
620 t en user avec la sobriété qui produit le maximum d’ expression. Cette « simplicité précieuse », il sait la conférer à tout
621 affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu biz
622 ïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il glisse s
623 e reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’attend le m
624 ad Meili apporte chez nous une inspiration neuve, d’ origine germanique, mais qui a choisi de s’astreindre à la voluptueuse
625 on neuve, d’origine germanique, mais qui a choisi de s’astreindre à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épuran
626 les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément de vitalité combative qui manque trop souvent au Neuchâtelois. S’il cass
627 pour le plaisir, mais plutôt par amour du courant d’ air. Cela dérange toujours quelques frileux, mais les autres sont soul
628 e fût-ce qu’en prenant une initiative comme celle de Neuchâtel 1927 7 il aura bien mérité sa place parmi les artistes neuc
629 âtelois. Actuellement, Meili achève la décoration d’ une salle d’hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce
630 uellement, Meili achève la décoration d’une salle d’ hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce paysagiste
631 pressionniste s’astreindrait jamais aux exigences de la technique décorative ! Voilà qui laisse espérer parmi nos artistes
632 rapprochements moins paradoxaux. Donzé n’est pas de ceux pour qui la peinture consiste à habiller une idée. Voyez son por
633 consiste à habiller une idée. Voyez son portrait de Meili : il ne prend pas le sujet par l’intérieur, mais il taille ce v
634 a presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une sensualité qui s
635 l voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une sensualité qui sait se faire délicate quand du haut
636 nsualité qui sait se faire délicate quand du haut de San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des ja
637 se faire délicate quand du haut de San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des jaunes jamais mièvre
638 x allures discrètes promène sur le monde des yeux de Japonais d’une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne c
639 scrètes promène sur le monde des yeux de Japonais d’ une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais i
640 lus loin qu’on ne croit, mais il a toujours l’air de songer à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa premièr
641 peinture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer, d’ une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans toute sa palet
642 qu’on cherche en vain chez beaucoup des meilleurs de nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces faciles ou sentime
643 grâces faciles ou sentimentales. Il y a une sorte d’ aristocratique dissimulation dans l’œuvre de Bouvier. Sa technique qui
644 sorte d’aristocratique dissimulation dans l’œuvre de Bouvier. Sa technique qui paraît au premier abord masquer ses intenti
645  ; mais il faut pour comprendre cet art emprunter de singuliers chemins d’accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient
646 omprendre cet art emprunter de singuliers chemins d’ accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bo
647 ’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut par où l’o
648 s un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut par où l’on va peut-être se glisser dans l’atmo
649 où l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère de l’œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout dev
650 e mystique exige pour être compris une complicité de sentiments ou d’état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron,
651 pour être compris une complicité de sentiments ou d’ état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron, parmi ses aînés,
652 rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie de B
653 i la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épano
654 de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il semble toujo
655 ins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il semble toujours qu’il peigne entre deux pluies. Il aime ce
656 t, et sait rendre mieux que personne la liquidité d’ un lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temps couvert, ca
657 urtant l’impression, à voir ses dernières toiles, d’ une plus grande certitude intérieure. Les visages sont plus calmes, le
658 Charles Humbert ou comment on passe en cinq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles
659 ut craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’ une école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes
660 t, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’ une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déj
661 en des scènes d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine
662 es d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’ Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine Woog, G. H.
663 l avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins d’ un dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassurant. C’était
664 intermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets d’ une opulence assez désordonnée, des rouges trop violents éclataient av
665 tureuse que les formes, il y a une belle richesse de lueurs sur une matière traitée largement et d’une abondance très sûre
666 se de lueurs sur une matière traitée largement et d’ une abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup att
667 t ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup attendre de ce tempérament qui fait jaillir en lui sans cesse des possibilités im
668 es possibilités imprévues. Il y a un côté « homme de la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa fougue originale.
669 n a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit de le voir peint par lui-même pour s’en assurer. La tête large, aux yeux
670 yeux clairs et assurés, le cou robuste, les mains d’ un si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout cela commu
671 lle lourdeur, tout cela communique une impression de puissance domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline
672 ssance domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renai
673 ampe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi, d’ un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis
674 e (elle peint aussi, d’un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis voici François Barraud, le p
675 ssins qui ressemblent beaucoup aux petites huiles de Charles, moins intensément réalistes, plus fins, mais tout aussi habi
676 is retrouver, allons errer un peu dans le royaume d’ Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne saurions trouver
677 rcevoir, peut-être. Il suivait son petit bonhomme de chemin sans se douter qu’il avait pris quelques années d’avance sur s
678 n sans se douter qu’il avait pris quelques années d’ avance sur ses contemporains. Un jour les jeunes le rattrapent. Saluta
679 s choses bien curieuses sur son compte. Il a fait de la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges
680 la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à
681 rie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’ oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des
682 r… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin d’ horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mouvement perpétuel. Une a
683 doit être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’ une machine à mouvement perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’
684 eux où se coupent des plans transparents, cellule de quelque palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où s
685 des plans transparents, cellule de quelque palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où sous un éclairage t
686 e de quelque palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où sous un éclairage très net, mais inusité, l’objet
687 et, mais inusité, l’objet le plus banal se charge de mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe
688 se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe de quel occulte prodige ? Intrigué, vous reprenez ce que vous pensiez n’
689 intitulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance d’ un songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces
690 pas naissance d’un songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir
691 rne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir de la perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songe
692 a perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges à c
693 rte. Attention qu’André Evard n’aille trouver une de ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier ou
694 r en instruments métaphysiques ces bonnes montres de précision de La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappel
695 nts métaphysiques ces bonnes montres de précision de La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappelons le souven
696 nt de quitter les peintres, rappelons le souvenir de Charles Harder, qui est mort jeune, sans avoir pu donner toute sa mes
697 toute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins, d’ une sûreté un peu traditionnelle, d’un style pourtant assez large et q
698 des dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle, d’ un style pourtant assez large et que n’entravait pas son scrupule réal
699 scrupule réaliste. ⁂ Mais voici dans son costume d’ aviateur, retour de Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Per
700 ⁂ Mais voici dans son costume d’aviateur, retour de Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Perrin a compris tout
701 uelque lourdeur dans des morceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’at
702 rceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’atteignai
703 it le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’atteignait pas encore pleinement sa vie propre.
704 semble avoir évolué vers une plus grande harmonie de lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste un
705 par les sujets et un style qui sait rester ample, d’ une simplicité non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’on peut
706 sait rester ample, d’une simplicité non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon de s
707 fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon de style donnée par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager de son
708 par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager de son outrance théorique. C’est dans la manière cubiste encore que Perr
709 errin décora naguère fort plaisamment une pendule de Ditisheim ; que Vincent Vincent, peintre, romancier et critique d’art
710 ique d’art, compose des coussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perreno
711 coussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’ une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tab
712 ptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tableaux en papiers découpés, avec une ingéniosité délicieusem
713 tes pas complète. Mais elle a du moins l’avantage de grouper des artistes qui, par le fait des circonstances peut-être plu
714 le fait des circonstances peut-être plus que par de naturelles affinités, se trouvent former un mouvement actif déjà, et
715 ctive. Est-il possible, au sein de ce mouvement, d’ en distinguer d’autres plus organiques ? D’une part il y a des préoccu
716 s qui pourraient aboutir peut-être à la formation d’ un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des
717 et et le domaine où elles se réalisent que celles de Le Corbusier8, Meili, Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche
718 , Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la
719 toutes une recherche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse qui
720 t de même une orientation générale vers une sorte de classicisme moderne dont les frères Barraud ne seraient pas très éloi
721 n avenir peut-être proche dira dans quelle mesure de tels groupements correspondent à une réalité artistique. Pour aujourd
722 vions fait qu’affirmer l’existence et la vitalité d’ une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu
723 est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’ une maigre végétation artistique. Pays où l’on préfère la netteté util
724 lecteurs. 8. Voir sur cet artiste neuchâtelois, de son vrai nom Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro de févr
725 Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro de février de cette revue. k. Rougemont Denis de, « Jeunes artistes ne
726 nneret, un article paru dans le numéro de février de cette revue. k. Rougemont Denis de, « Jeunes artistes neuchâtelois 
727 o de février de cette revue. k. Rougemont Denis de , « Jeunes artistes neuchâtelois », Das Werk, Zurich, avril 1927, p. 1
12 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
728 Mais les Viennois avaient fui dans les opérettes de Strauss, qu’on ne trouve plus nulle part. Dans les dancings, un peupl
729 uve plus nulle part. Dans les dancings, un peuple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Entente, applau
730 euple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Entente, applaudissait chaque soir entre deux airs anglais
731 glais Le Beau Danube bleu, en commémoration polie d’ un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au
732 d’un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce qu
733 ut-être pour essayer de se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce que cela vaudrait bien d’autres
734 vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais un tour de tourniquet anéantissait cette Vienne tout occupée à ressembler à l’id
735 ge, ouvert au vent glacial, crée autour du centre de la ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement
736 r à la Russie et au sifflement des balles perdues d’ une révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter l
737 ution. Sept heures du soir : le moment était venu d’ arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste a
738 du soir : le moment était venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants p
739 rée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants pour qu’on la sentît déserte ne me proposait qu’une frileuse
740 e frileuse nostalgie. Mais qui fallait-il accuser de cette duperie, qui rendre responsable de ma déception, sinon moi-même
741 accuser de cette duperie, qui rendre responsable de ma déception, sinon moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’u
742 er son objet, de même qu’atteignant certain degré d’ intensité, un état d’âme crée une situation qui l’exprime — bien qu’on
743 ées que par un léger décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine
744 décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’un
745 , n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’ un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sen
746 omantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’Hoffman
747 sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’ Hoffmann. Je comprends aujourd’hui le lien qui unissait dans mon espri
748 n esprit Vienne et Hoffmann : c’était le souvenir de Gérard de Nerval. Mais je pense que je n’avais même pas prononcé inté
749 dans l’ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’on attend dans
750 re, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’ une place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonstances, u
751 uait le rendez-vous que j’avais demandé au hasard d’ arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — a
752 avais demandé au hasard d’arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent p
753 arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’une fanf
754 être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’ une fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’un monde que sus
755 e fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’ un monde que suscite en moi seul peut-être cette plainte heureuse des
756 ïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par instants les accords d’une harmonie surnatur
757 de la pureté où vibrent par instants les accords d’ une harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je
758 oi, il n’entend pas ma question. L’envie me prend d’ aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’un amour t
759 rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’ un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais
760 enaçantes. Mais la musique est si légère, la voix de la jeune fille si transparente : la mort même en devient moins brutal
761 istesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche d’ une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibl
762 ndeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’ imprévisibles transfigurations, — l’heure anxieuse et mélancolique où
763 là que la forme blanche, sous un brusque faisceau de lumière m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens volup
764 aisceau de lumière m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige de te revo
765 . Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige de te revoir, vertige de te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce
766 sement perdre pied. Vertige de te revoir, vertige de te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce que c’est bien toi de
767 de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre… Mon voisi
768 du ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez d’ atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous m
769 ais le temps approche où vous n’aurez plus besoin de souffrir pour comprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène, un
770 s besoin de souffrir pour comprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de m
771 la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis
772 ge de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait une ca
773 connu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance très modern
774 moderne. Il n’y avait dans toute sa personne rien de positivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce s
775 itivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté
776 e n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit d’ immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté la première reconnai
777 jeté la première reconnaissance empêcha ma raison d’ intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut
778 e empêcha ma raison d’intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes e
779 éalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’O
780 sion et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de
781 eau pris au défaut de sa carapace de principes et d’ évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi,
782 e principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, co
783 Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’ autre, comme des amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’un éch
784 qu’un échange tacite suffit aux petites décisions de la vie quotidienne. Gérard tenait en laisse le fameux homard enrubann
785 nnois, me dit-il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. »
786 -il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. » Il y avait pe
787 s jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air de ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n’a guère changé, dis-je, songe
788 ins n’a guère changé, dis-je, songeant aux Amours de Vienne. — Certes, répondit Gérard, malgré les apparences, cette vie s
789 ités qui correspondent encore à l’image classique de Vienne. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie, mai
790 . Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu d’ ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtr
791 cieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtre qui cache une incapac
792 ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’ inconstance folâtre qui cache une incapacité définitive à se passionne
793 soit. Cette ville, qui est toute caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que je comprends assez bien, a
794 moment, comme nous traversions une rue sillonnée de taxis rapides, le homard refusa obstinément de progresser. Gérard dut
795 ée de taxis rapides, le homard refusa obstinément de progresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinc
796 Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le hom
797 inces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le homard avait rougi : il conserva toute la nuit une magnif
798 eur orangée. Gérard semblait habitué à ces sortes de scènes. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à
799 mblait habitué à ces sortes de scènes. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie de
800 à une certaine anémie des sentiments, à un manque de caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art qui demand
801 t amour, c’était parce que je découvrais en elles de secrètes ressemblances, qui pour d’autres paraissaient purement mysti
802 e dont l’idée me vient à la vue de cette vendeuse de fleurs. C’était la petite bossue qui vend des roses et des œillets da
803 le. Nous nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les rev
804 nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les revêtiraient
805 pressés une jeune femme, chapeau rouge et manteau de fourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut, hélas, non mo
806 refusa d’abord les fleurs pour se donner le temps de regarder autour d’elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler n
807 fleurs pour se donner le temps de regarder autour d’ elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle f
808 te dont Gérard attendait évidemment quelque chose d’ imprévu, la seule chose contraire à la coutume viennoise. L’enfant éta
809 ain où nous nous engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango
810 engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango, un Balkanique t
811 r en tango, un Balkanique très lisse nous délivra de notre conquête pour la durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce
812 anses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que de prendre des femmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nous a
813 vous êtes moderne, vous vous contentez peut-être de cette pêche miraculeuse — c’est une façon de parler — à laquelle on s
814 être de cette pêche miraculeuse — c’est une façon de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre faç
815 de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, av
816 se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, avouez que les miennes étai
817 sir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’ illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c
818 vécu d’illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir qu’o
819 qu’elles le rattachaient aux buts les plus hauts de notre vie. Ces citadins blasés s’amusent plus grossièrement que des b
820 s femmes qui élargissent des sourires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs
821 rires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant
822 re générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux qui les f
823 uit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux qui les fréquentent ne savent plus ce q
824 t épaissis. Regardez ces yeux mornes, ou luisants de concupiscences élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la d
825 aisirs achetés au détail dans une foire éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que
826 s une foire éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que celle-là qui danse en robe
827 qui danse en robe mauve, avec tant de gravité et de détachement. Je viens souvent la regarder, à cause de la noblesse de
828 viens souvent la regarder, à cause de la noblesse de sa danse. Je la nomme Clarissa, parce que cela lui va. Mais comme c’e
829 soit touchée par les mains outrageusement baguées de ces courtiers alourdis de “Knödl”. En Orient on en ferait une chose e
830 outrageusement baguées de ces courtiers alourdis de “Knödl”. En Orient on en ferait une chose extrêmement précieuse, qu’o
831 ’on n’approcherait qu’avec un sentiment religieux de la beauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend
832 . » Des bugles agonisaient, aux dernières mesures d’ un tango. Notre encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous.
833 moins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’ un ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois
834 Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’un ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois du genre
835 ment, pauvre colombe dépareillée, vous n’avez pas de ressemblance, et c’est ce qui vous perdra. » La pauvre fille ne compr
836 homard qui, laissé au vestiaire, y était l’objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part des garçons
837 stiaire, y était l’objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part des garçons. « Encore une proie inut
838 une proie inutile lâchée pour l’ombre, dit Gérard d’ un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est
839 Gérard d’un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but.
840 lié mes clefs il y a très, très longtemps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers m
841 emps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire
842 blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe de cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs d
843 re. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs de se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard «
844 rs de se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard « faisait du Gérard ». Les cocktails du Moulin-R
845 s devenaient légères comme des ballons. La rumeur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité et l’Illus
846 et l’Illusion étendait sur toutes choses une aile d’ ombre flatteuse aux caprices redoutables. Cette nuit-là nous rencontrâ
847 es, allusions. Plus tard, dans un petit bar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant le pla
848 ar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant le plafond à caissons dorés, l’étendent indéfin
849 ulé joue très doucement. Nous sommes assis autour d’ une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquari
850 use, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquarium de rêves, discourt et décrit les images qu’il y découvre. Il y a les ail
851 y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras de Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citron
852 e, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par je ne sa
853 nglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur d’images, — c
854 lle, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur d’ images, — ce serait la gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans le lo
855 reur d’images, — ce serait la gravité énigmatique d’ Adrienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’un regard pareil
856 rienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’ un regard pareil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo,
857 antes dans la même minute toutes les incarnations d’ un amour dont l’être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultan
858 nel apparaît peu à peu, à travers la simultanéité de ses manifestations. Gérard parle avec une liberté magnifique et angoi
859 tous les visages aimés revivent dans cette coupe de songes avec toutes leurs illusions, — illusions des formes passagères
860 sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié d’ ombre. Et parce que tout revit en un instant dans cette vision, il con
861 il connaît enfin la substance véritable et unique de toutes ses amours, il communie avec quelque chose d’éternel. Tous les
862 toutes ses amours, il communie avec quelque chose d’ éternel. Tous les drames du monde ne sont que décors mouvants dans la
863 t que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame de son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des géné
864 s les formes animales. Pour lui, les choses n’ont d’ intérêt que par les rapports qu’il leur devine avec la réalité extra-t
865 france qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences. La fatigue ca
866 us révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences. La fatigue calme son lyrisme et son exal
867 yrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que po
868 on. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos savants retombé
869 les correspondances, chaque geste, chaque minute d’ une vie résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a
870 e qu’il faudrait écrire, c’est une Vie simultanée de Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en un lieu, en une vision. 
871 une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes d’ autos s’appelaient dans la nuit froide. Gérard ne disait presque plus
872 la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’ une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement
873 ui éclairait la boutique, et que le vent menaçait d’ éteindre à chaque instant, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu
874 on et la fit prendre au homard avec toutes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient d’un œil las, trop las pour s’étonn
875 outes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient d’ un œil las, trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’un pied
876 trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’ un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de
877 ransi, je me balançais d’un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutard
878 e dans de la neige fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et aill
879 mirent à ronfler. Par le grand escalier, au fond de la cour du palais, descendaient les invités du bal. Des femmes sans c
880 ux faces maigres qui ressemblaient terriblement à d’ anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et la silhouette échassière
881 es comtes athlétiques et la silhouette échassière de la jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau de velours ros
882 une duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau de velours rose laissait découvertes des jambes extrêmement hautes tandi
883 isée jetait des insolences sur les chapeaux noirs de ses cavaliers. Tout cela s’empila dans des autos ; en dix minutes, il
884 x cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’air d’ autrefois. Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apai
885 encieuse fila devant moi ; je reconnus la voiture de la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient baissés. Déjà o
886 orteurs passèrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelqu
887 èrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose comm
888 e, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose comme « pâtisserie-crème
889 pâtisserie-crème fouettée ». m. Rougemont Denis de , « Un soir à Vienne avec Gérard », La Nouvelle Semaine artistique et
13 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
890 1928)n « Remonte aux vrais regards ! Tire-toi de tes ombres… » Paul Valéry. Stéphane est maniaque, comme tous les jeu
891 Stéphane est maniaque, comme tous les jeunes gens de sa génération. Seulement chez lui, cela ne s’est pas porté sur les au
892 ivers types humains. Mais on lui sait peu de grés de sa curiosité. Sans doute est-il trop impatient, demande-t-il aux être
893 en, n’est-ce pas ? Il en tombe d’accord ; accepte d’ attendre comme un enfant sage que le monde lui donne, en son temps, sa
894 lui a expliqué qu’il fallait la mériter et tâcher de devenir quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille de rentrer en
895 r quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille de rentrer en lui-même. « Il se ramène en soi, n’ayant plus où se prendr
896 soi, n’ayant plus où se prendre » comme parle un de nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’est pas encore qu
897 rche à savoir ce qu’il est. C’est une autre manie de sa génération. Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de l
898 Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de livre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derri
899 ivre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derrière le feuillet suivant, entraîne le lecteur par ruse
900 rs. C’est pourquoi il en installe un sur sa table de travail, de façon à pouvoir s’y surprendre à tout instant. Cet exerci
901 r dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa
902 x. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans l
903 e lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et
904 sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autr
905 rte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’i
906 pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigu
907 n aventure. Nous vivons dans un décor flamboyant de glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête, son portrait en pi
908 ête, son portrait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par l’asce
909 rait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par l’ascenseur, elle l
910 lise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’ angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les a
911 qu’il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive de prendre son image pour celle de n’importe quel passant, il se sent co
912 s s’il lui arrive de prendre son image pour celle de n’importe quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profond
913 e n’importe quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profondément différent de cette apparence, qu’il doute de
914 comme séparé de soi, et si profondément différent de cette apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses y
915 ndément différent de cette apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche un
916 apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve
917 cherche une révélation et n’y trouve que le désir d’ une révélation. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a
918 n à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude d’ être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en dim
919 ude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en diminuant vertigineusement et l’égarent dans sa n
920 ans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal de superstitions. Enfin cette expérience folle le mène à une découverte
921 folle le mène à une découverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau d
922 ouverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane es
923 prend que ce qu’on dépasse ? Et qu’il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin de vérifier
924 se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin de vérifier qui n’est plus légitime dès l’instant qu’il se traduit par l
925 me dès l’instant qu’il se traduit par la négation de l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est
926 pas eu confiance. Or la personnalité est un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, il ne sait p
927 vraie, se borne à décrire l’aspect psychologique d’ une aventure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lect
928 chologique d’une aventure qui en a bien d’autres, d’ aspects. Il est bon que le lecteur dérisoirement troublé par la craint
929 e le lecteur dérisoirement troublé par la crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois de cet
930 la crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’ un texte, trouve parfois de cette incompréhension des marques certaine
931 aisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois de cette incompréhension des marques certaines. Si le rapport intime qui
932 rations précédentes lui échappe, qu’il y voie une de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée perd E
933 ne de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée perd Eurydice par scepticisme, par esprit scientifiqu
934 it scientifique, par doute méthodique, par besoin de définir, par défiance envers les dieux. À chaque regard dans notre mi
935 e nouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’évidence. Un jour, à propos de rien, Stéphane pense avec fièvre :
936 er son visage, ne serait-ce pas devenir un centre de pur esprit ? » C’est un premier filet d’eau vive qui perce le sol ari
937 n centre de pur esprit ? » C’est un premier filet d’ eau vive qui perce le sol aride : mais Stéphane n’entend pas encore gr
938 d pas encore gronder les eaux profondes. Le désir de s’hypnotiser l’irrite toujours vaguement. Mais il fuit son propre reg
939 s. Un soir, après quelques alcools et un échange de pensées au même titre avec une amie d’une beauté de plus en plus frap
940 un échange de pensées au même titre avec une amie d’ une beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard d
941 en plus frappante, il croit saisir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeu
942 croit saisir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt
943 hi bruyamment, bâillonnent sa raison, l’empêchent de protester contre le miracle. Parmi tous ses mots fous, noms, baisers,
944 ais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres ba
945 un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conj
946 — à une femme qu’il aimait. n. Rougemont Denis de , « Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers de l’A
947 u Comment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers de l’Anglore, Genève, décembre 1928, p. 37-42.
14 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
948 La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)o « Je lui ai raconté qu’il habite une
949 nt des heures récite des odes grecques au murmure de l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’un piano dont il
950 l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’ un piano dont il a coupé les cordes, mais pas toutes, en sorte que plu
951 ont il a cassé les cordes, c’est vraiment l’image de son âme ; j’ai voulu attirer là-dessus l’attention du médecin, mais i
952 ’attention du médecin, mais il est plus difficile de se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’o
953 u. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’ un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grav
954 ion la plus grave — car il vécut dans ces marches de l’esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et dont certains d
955 à tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage de l’émouvante Bettina, rêvé sans doute assez profondément pour qu’aujou
956 nt un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’appellen
957 où tant de voix l’appellent, combien sont dignes de s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’est po
958 s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’est posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un ad
959 ui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au visage de jeune fille qui rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans
960 e premier, quand Hölderlin doit quitter la maison de Madame Gontard12, déchirement à peine sensible dans son œuvre. Car ce
961 n œuvre. Car ce poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur
962 poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, —  d’ une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur. Qui parle par
963 ité presque effrayante. Vient le temps où le sens de son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette encore quelqu
964 au moment où meurt Diotima, Hölderlin errant loin d’ elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ;
965 ima, Hölderlin errant loin d’elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’un coup l’en
966 (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’ insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillar
967 aux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’ un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allema
968 n ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allemagne. Et durant trente années, ce pauv
969 pauvre corps abandonné vivra dans la petite tour de Tubingue, chez un charpentier — vivra très doucement, inexplicablemen
970 rès doucement, inexplicablement, une vie monotone de vieux maniaque. Le buisson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce q
971 ne aux visiteurs venus pour contempler la victime d’ un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descend
972 ime d’un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la ma
973 peu au-dessous de la maison, en attendant l’heure d’ ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite déco
974 endant l’heure d’ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à
975 eure d’ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’un
976 vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’ un « Hypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « Nietzsche
977 vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d’ une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaun
978 à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse de jour férié, les clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un
979 e, dans cette paresse de jour férié, les clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille
980 chers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtr
981 sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtraient immenses s’
982 traient immenses s’ils n’étaient à demi encombrés d’ armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propri
983 ? — (et comme je considère un ravissant médaillon de marbre) — Ça, c’est Diotima. » On rougirait à moins. — « Je ne puis p
984 » On rougirait à moins. — « Je ne puis pas parler de lui, ici à Francfort, écrivait Bettina, car aussitôt l’on se met à ra
985 menade, et le guide désigne familièrement l’image d’ une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois peti
986 d’une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe q
987 mystère de l’amour… Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe qui traîne sur l’appui ; le jardinet avec s
988 Vingt-sept ans dans cette chambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fi
989 ambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde
990 complainte de malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeun
991 puisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemp
992 L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’elles ont fui. A
993 en, je n’aime plus vivre. Il y avait encore plus de paix que maintenant. La grande allée sur l’île n’existait pas, en fac
994 s. Il voyait des prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans
995 prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la v
996 et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plaint
997 et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plainte »… Vivait-il encore ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais le gar
998 . Il ne vient pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts
999 fée entre des maisons pointues et les contreforts de l’Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour le fou au prof
1000 je vois s’y engager chaque jour le fou au profil de vieille femme qui promène doucement dans cette calme Tubingue le secr
1001 ène doucement dans cette calme Tubingue le secret d’ une épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, qui montent
1002 ui montent au Séminaire protestant : il leur fait de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse
1003 de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’ une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À
1004 La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À quatre heures, l’orch
1005 ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de mai. Les bateaux qui dérivent dans le voisinage se rapprochent, tourn
1006 ime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume de bain, qui pagayent vigoureusement, les dents serrées. (« Weg zur Kraf
1007 pas bien ramer et qui lisent des magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des ad
1008 lafrés font des signes énergiques à une compagnie de cavaliers qui passe devant la statue d’Eberhard le Barbu. Des bourgeo
1009 compagnie de cavaliers qui passe devant la statue d’ Eberhard le Barbu. Des bourgeois se rient contre par-dessus leurs chop
1010 tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans
1011 dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans cette ville, tou
1012 t seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux
1013 out le monde s’accorde à trouver malsain ce genre de tentatives : cela ne peut que mal finir. Ceux du bon sens hochent la
1014 a tête et citent la phrase la plus malencontreuse de Pascal : le « Qui veut faire l’ange… » a autorisé des générations de
1015 i veut faire l’ange… » a autorisé des générations de « bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dan
1016 geois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais que
1017 la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du médiocre
1018 âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du médiocre dont ils se sentent bénéficiai
1019 mme cela on est mieux pour donner le coup de pied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus
1020  » Ô cette chambre, où pénètre la facilité atroce de cette fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d
1021 ambre, où pénètre la facilité atroce de cette fin d’ après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle es
1022 fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un
1023 midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’ eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soi
1024 urs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facili
1025 des à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facilité, c’est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle
1026 à beau fixe. Pourquoi troubler le miroir innocent de ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est-ce qu’ils ne sou
1027 our leur donne une petite fièvre, — cette semaine de leur jeunesse où ils ont cru pressentir de grandes choses généreuses
1028 emaine de leur jeunesse où ils ont cru pressentir de grandes choses généreuses autour d’eux… Cela s’oublie. Et l’amour, to
1029 ru pressentir de grandes choses généreuses autour d’ eux… Cela s’oublie. Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre,
1030 e : déjà je leur échappe — je t’échappe ô douceur de vivre ! Tout redevient autour de moi insuffisant, transitoire, allusi
1031 de l’Hypérion et des poèmes. o. Rougemont Denis de , « La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neu
1032 et des poèmes. o. Rougemont Denis de, « La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel, 15 jui
15 1930, Articles divers (1924–1930). Le prisonnier de la nuit (avril 1930)
1033 Le prisonnier de la nuit (avril 1930)p I Depuis le temps qu’on tire du canon à son
1034 e ne sais pas où tu m’entends mais ces hauts murs d’ ombre et de vent autour du monde où nous vivons parquent les visages l
1035 as où tu m’entends mais ces hauts murs d’ombre et de vent autour du monde où nous vivons parquent les visages les sons bra
1036 et des sanglots perdus qui rôdent à la recherche d’ un corps faible. Je ne sais pas où tu m’attends mais je sais comment
1037 nue qui vient de dire ton nom même avec l’accent de notre amour et mon visage est immobile tourné vers l’ombre où tu m’en
1038 tu m’entends. III Fais rentrer dans leur peau d’ ombre ces mots qui voudraient fleurir tourne le dos ferme les poings n
1039 eux pendant que tes yeux s’ouvrent n’attends rien d’ autre qu’un désert qu’un sol dur aux genoux tends les mains au vent
1040 sereine infiniment nue dans la douceur du feu et de la joie. V Oh qui a retiré tes mains des miennes quand je te regar
1041 au jour dans l’aube sans refuges… VI Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta tête mais libre
1042 — quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’ une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence
1043 on morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide tu pleurerais mais la grâce est faci
1044 leurerais mais la grâce est facile comme un matin d’ été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour
1045 comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été qui consent… p.
1046 d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été qui consent… p. Rougemont Denis
1047 ent dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’ un grand été qui consent… p. Rougemont Denis de, « Le prisonnier d
1048 ’un grand été qui consent… p. Rougemont Denis de , « Le prisonnier de la nuit », Cahiers de l’Anglore, Genève, avril 19
1049 nsent… p. Rougemont Denis de, « Le prisonnier de la nuit », Cahiers de l’Anglore, Genève, avril 1930, p. 10-12.
1050 t Denis de, « Le prisonnier de la nuit », Cahiers de l’Anglore, Genève, avril 1930, p. 10-12.
16 1930, Articles divers (1924–1930). Au sujet « d’un certain esprit français » (1er mai 1930)
1051 Au sujet «  d’ un certain esprit français » (1er mai 1930)q r 1. Un petit volume «
1052 » (1er mai 1930)q r 1. Un petit volume « lourd de pensée », comme disent bizarrement les journalistes. (L’esprit n’est-
1053 s rencontrent des talents distingués. À cet ordre d’ ambition convient seule l’activité de la critique. Trois ou quatre gra
1054 À cet ordre d’ambition convient seule l’activité de la critique. Trois ou quatre grands écrivains — Claudel, Gide, Valéry
1055 uffisent à nous rassurer sur la valeur littéraire de l’époque, mais non sur le sort de l’esprit. À côté d’eux, s’écrient n
1056 leur littéraire de l’époque, mais non sur le sort de l’esprit. À côté d’eux, s’écrient nos auteurs, « qu’on nous montre un
1057 ’époque, mais non sur le sort de l’esprit. À côté d’ eux, s’écrient nos auteurs, « qu’on nous montre un seul Français qui n
1058 uelque chose à dire, ou une qualité, une richesse d’ âme comparable à celle d’un Goethe ou simplement d’un Rilke, par exemp
1059 ne qualité, une richesse d’âme comparable à celle d’ un Goethe ou simplement d’un Rilke, par exemple… » — Exigence et repro
1060 ’âme comparable à celle d’un Goethe ou simplement d’ un Rilke, par exemple… » — Exigence et reproche également démesurés, m
1061 le monde exagère, à qui mieux mieux dans le sens de la médiocrité spécifiquement française — et nul ne s’en déclare gêné,
1062 usire et Simond se livrèrent à ce petit jeu avant d’ écrire —, que voyons-nous en effet ? Une grande nuée de romanciers à p
1063 ire —, que voyons-nous en effet ? Une grande nuée de romanciers à peine plus réels que leurs personnages ; des êtres gris,
1064 s que leurs personnages ; des êtres gris, marqués d’ un point rouge, professeurs, journalistes, spécialistes de tout au mon
1065 nt rouge, professeurs, journalistes, spécialistes de tout au monde ; des jeunes gens qui ont fait leurs études à la Nouve
1066 es révolutionnaires sans idéal et sans puissances de mythe ; des philosophes sans pente ni grandeur ; (Je mets au concours
1067 « Peut-on discerner avec certitude, après lecture de ses œuvres, si M. Brunschwicg croit ou non à la divinisation finale d
1068 Brunschwicg croit ou non à la divinisation finale de l’homme par le progrès des sciences exactes ? ») d’aimables biographe
1069 l’homme par le progrès des sciences exactes ? ») d’ aimables biographes : M. de Pourtalès, qui parle toujours excellemment
1070 se même plus la colère. Ah ! nous ne risquons pas d’ être tués par des statues !) Tout d’un coup, trois hommes qui ont du c
1071 risquons pas d’être tués par des statues !) Tout d’ un coup, trois hommes qui ont du cran. Deux qui viennent : Bernanos et
1072 ennent : Bernanos et Malraux ; un qui s’éloigne : Montherlant . Très suspects dans les « milieux » littéraires, l’un parce qu’il cro
1073 l croit ou ne croit pas selon les sautes brusques de son tempérament. Attendons encore un peu avec ceux-là… Enfin, l’ultim
1074 ncore un peu avec ceux-là… Enfin, l’ultime raison de ne pas désespérer, cinq ou six poètes. 4. « Quelque grande que soit 
1075 Beausire et la Grammaire — mon envie, ma passion d’ admirer, je cherche en vain l’homme qui brisant « les grilles de la ra
1076 cherche en vain l’homme qui brisant « les grilles de la raison » libère « le lion de mes certitudes » — comme disent Simon
1077 ant « les grilles de la raison » libère « le lion de mes certitudes » — comme disent Simond et ce grand potache de Maldoro
1078 tudes » — comme disent Simond et ce grand potache de Maldoror. « Qu’on nous montre un homme… » Un ou deux. Il suffit de tr
1079 ’on nous montre un homme… » Un ou deux. Il suffit de très peu de sel pour rendre mangeables beaucoup de nouilles. Mais si
1080 en tonique, celui que Beausire et Simond viennent d’ écrire au sujet de quelques-uns des meilleurs esprits que la France ai
1081 qu’à cette génération ne soit échue qu’une œuvre de critique, impitoyable de rigueur et d’enthousiasme. 5. La critique e
1082 soit échue qu’une œuvre de critique, impitoyable de rigueur et d’enthousiasme. 5. La critique est aisée, répètent ceux q
1083 ’une œuvre de critique, impitoyable de rigueur et d’ enthousiasme. 5. La critique est aisée, répètent ceux qui en ont peur
1084 jà tant de maisons. Cependant le maçon continuait de construire, et quand les fondations furent achevées, les murs s’élevè
1085 mis (qui pourtant n’eussent pas demandé mieux que de reconnaître, etc.) Actuellement, Nietzsche est encore très mal compri
1086 he est encore très mal compris. 6. Il s’agit ici de la critique d’un certain état d’esprit moins facile à formuler qu’à d
1087 rès mal compris. 6. Il s’agit ici de la critique d’ un certain état d’esprit moins facile à formuler qu’à décrire dans ses
1088 à décrire dans ses effets, et qui paraît affecter d’ un commun penchant au libertinage mental trois phénomènes littéraires
1089 Surréalistes dans leur métaphysique, font preuve de la même ambition et témoignent de la même impuissance. Ils désirent é
1090 ue, font preuve de la même ambition et témoignent de la même impuissance. Ils désirent également donner une solution décis
1091 galement donner une solution décisive au problème de l’homme ; ils manquent également de cette énergie créatrice et critiq
1092 e au problème de l’homme ; ils manquent également de cette énergie créatrice et critique qui leur permettrait d’envisager
1093 nergie créatrice et critique qui leur permettrait d’ envisager ce problème dans toute son ampleur et sa force. » Ainsi Beau
1094 e représente son positivisme esthétique, ce désir de connaissance, puis désigne chez les surréalistes certains sophismes e
1095 ntemporaine écœure plus que tout. Plutôt donc que de discuter ces thèses, je voudrais suivre leurs prolongements au-delà —
1096 suivre leurs prolongements au-delà — au-dessous — de leurs prétextes. 7. Nous souffrons d’une terrible carence d’héroïsme
1097 -dessous — de leurs prétextes. 7. Nous souffrons d’ une terrible carence d’héroïsme intellectuel. Ces messieurs — et qui p
1098 textes. 7. Nous souffrons d’une terrible carence d’ héroïsme intellectuel. Ces messieurs — et qui pensent — ont la chance
1099 l. Ces messieurs — et qui pensent — ont la chance de vivre à l’une des époques les plus violentes de l’histoire humaine ;
1100 e de vivre à l’une des époques les plus violentes de l’histoire humaine ; ils assistent à des bouleversements sociaux, mor
1101 eversements sociaux, moraux et surtout spirituels d’ une portée planétaire, mais ils trouvent d’excellentes raisons pour ne
1102 ituels d’une portée planétaire, mais ils trouvent d’ excellentes raisons pour ne point se laisser troubler. Ils tiennent à
1103 , aucune interrogation, aucune volonté supérieure de domination et de puissance… On ne se pose plus, en France, de questio
1104 ation, aucune volonté supérieure de domination et de puissance… On ne se pose plus, en France, de questions qui dépassent
1105 n et de puissance… On ne se pose plus, en France, de questions qui dépassent un certain plan. C’est mal vu. » Ou si on les
1106 ajouterai-je, c’est pour les résoudre aussitôt et d’ une manière aussi peu compromettante que possible. Direz-vous que les
1107 ? Du moins n’ont-ils pas cette impudeur française de supprimer ce qu’ils ne peuvent résoudre sur-le-champ. Ils mettent en
1108 dre sur-le-champ. Ils mettent en jeu des systèmes de valeurs plus ramifiés, plus organiques. Ils ne sont pas obscurs, ils
1109 rbale et le clair génie que l’on sait se chargent de tout réduire à la raison, y compris la Révolution, thème rhétorique,
1110 dévoue. Mais quoi ! cela peut vous mener à crever de faim, ce qui ne se porte plus, — voire même à paraître ennuyeux13… Il
1111 t tous un équilibre, le trouvent bien vite, comme de juste, s’en lassent, cherchent alors un déséquilibre, s’en effraient,
1112 Cela fait un roman de plus. Il obtiendra le prix d’ assiduité et l’approbation de tous les prudents qui ont fait le tour d
1113 Il obtiendra le prix d’assiduité et l’approbation de tous les prudents qui ont fait le tour des choses comme on fait le to
1114 eter qui mette en péril le budget mensuel. Ô sens de la mesure ! (Mais où les audaces souveraines d’un Racine, d’un Descar
1115 s de la mesure ! (Mais où les audaces souveraines d’ un Racine, d’un Descartes ?) D’ailleurs, c’est bien simple, si vous pe
1116 e ! (Mais où les audaces souveraines d’un Racine, d’ un Descartes ?) D’ailleurs, c’est bien simple, si vous persistez à déd
1117 aigner cette vertu qu’il est vraiment trop facile de nommer l’avarice française, il vous reste à choisir entre le sort de
1118 française, il vous reste à choisir entre le sort de Nietzsche et celui de Schiller. Romancer la vie de ces excessifs est
1119 ste à choisir entre le sort de Nietzsche et celui de Schiller. Romancer la vie de ces excessifs est assez bien vu ; mais t
1120 e Nietzsche et celui de Schiller. Romancer la vie de ces excessifs est assez bien vu ; mais tenter de leur opposer un effo
1121 de ces excessifs est assez bien vu ; mais tenter de leur opposer un effort digne de ce qu’ils furent… Cela demanderait ce
1122 vu ; mais tenter de leur opposer un effort digne de ce qu’ils furent… Cela demanderait certains sacrifices, certains mépr
1123 ienne — physiologique et morne — que le fait même de s’y essayer définit ce qu’on nomme à Paris prétention. Méditez un peu
1124 mme à Paris prétention. Méditez un peu cette note de Beausire : « Barrès se plaint très souvent de ses migraines, de ses g
1125 ote de Beausire : « Barrès se plaint très souvent de ses migraines, de ses gastrites, de sa fatigue. Pour abolir des obsta
1126 « Barrès se plaint très souvent de ses migraines, de ses gastrites, de sa fatigue. Pour abolir des obstacles de cette enve
1127 très souvent de ses migraines, de ses gastrites, de sa fatigue. Pour abolir des obstacles de cette envergure, il suffit d
1128 strites, de sa fatigue. Pour abolir des obstacles de cette envergure, il suffit d’un peu de décision. Jules César s’imposa
1129 bolir des obstacles de cette envergure, il suffit d’ un peu de décision. Jules César s’imposait de longues marches. Mais ne
1130 ffit d’un peu de décision. Jules César s’imposait de longues marches. Mais ne demandons pas à Barrès de quitter sa chambre
1131 e longues marches. Mais ne demandons pas à Barrès de quitter sa chambre, son cigare ou son moi. » 8. « La France… n’a pas
1132 faire la révolution morale… parce qu’elle manque de sens moral. » Le Français qui n’est ni chrétien ni disciple de Nietzs
1133 . » Le Français qui n’est ni chrétien ni disciple de Nietzsche, demandera pourquoi il faut faire la révolution morale. Voi
1134 hrases qui suffisent presque à situer la position d’ attaque de nos auteurs : « Tout créateur néglige sa personnalité » et
1135 suffisent presque à situer la position d’attaque de nos auteurs : « Tout créateur néglige sa personnalité » et « Kant est
1136 t je reprends ma liberté. Beausire admire Léonard d’ avoir « tracé peut-être pour toujours les limites de l’humaine liberté
1137 avoir « tracé peut-être pour toujours les limites de l’humaine liberté ». Simond réclame « un parti pris…, un ordre de val
1138 erté ». Simond réclame « un parti pris…, un ordre de valeurs, si arbitraire qu’il soit, mais volontairement, assumé ». N’e
1139 Christ donne à « l’humaine liberté » des limites d’ une nature que Léonard ne soupçonna même pas ; — que ces limites rende
1140 as ; — que ces limites rendent absurde l’adoption d’ un ordre de valeurs « arbitraire », mais obligent l’homme à « assumer 
1141 ces limites rendent absurde l’adoption d’un ordre de valeurs « arbitraire », mais obligent l’homme à « assumer » d’autant
1142 arbitraire », mais obligent l’homme à « assumer » d’ autant plus héroïquement sa vérité — une vérité qu’il doit se créer de
1143 uement sa vérité — une vérité qu’il doit se créer de toute sa volonté, telle inéluctablement qu’elle est en Dieu — et soit
1144 l sache ou qu’il ignore que la grâce seule permet de vouloir… C’est Nietzsche, et quelque chose par-dessus, tout de même…
1145 ire. 10. Nous voici parvenus au point où cessent d’ eux-mêmes nos bavardages. J’ai senti mes oreilles se déboucher, nous g
1146 ude. Les problèmes qu’il se pose sont le meilleur de l’homme — à condition qu’il les surmonte. « Car l’homme est quelque c
1147 ans doute une vue évangélique. Que ce petit écrit d’ un mouvement naturel nous ramène au centre des seuls problèmes qui ne
1148 13. C’est ici que paraît tout de même la grandeur d’ un Ramuz, dont Beausire ne veut voir que le maniérisme, non la substan
1149 aniérisme, non la substance. q. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Au sujet D’un certain esprit français  », Aujourd’h
1150 q. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet D’ un certain esprit français  », Aujourd’hui, Lausanne, 1 mai 1930, p. 4
1151 rd’hui, Lausanne, 1 mai 1930, p. 4. r. Recension de l’ouvrage éponyme de Pierre Beausire et Daniel Simond, paru aux « Pet
1152 ai 1930, p. 4. r. Recension de l’ouvrage éponyme de Pierre Beausire et Daniel Simond, paru aux « Petites Lettres de Lausa
1153 sire et Daniel Simond, paru aux « Petites Lettres de Lausanne ».
17 1930, Articles divers (1924–1930). « Vos fantômes ne sont pas les miens… » [Réponse à l’enquête « Les vrais fantômes »] (juillet 1930)
1154 dividuelles, en dehors de quoi je ne lui vois pas de signification générale. Certains fantômes m’apparaissent quand je sui
1155 e. Ils ont tous le même air absurde. Des fantômes d’ une autre sorte, ceux-là tout rayonnants d’allusions indéfinies, naiss
1156 ntômes d’une autre sorte, ceux-là tout rayonnants d’ allusions indéfinies, naissent autour de moi quand la passion ou la pr
1157 moi quand la passion ou la prière me font centre de mon univers. La vision « autre » dont vous parlez traduit simplement
1158 émoignent en face des fantômes nés du relâchement de leur esprit ou de celui des autres. Nous avons vu des amateurs de pit
1159 des fantômes nés du relâchement de leur esprit ou de celui des autres. Nous avons vu des amateurs de pittoresque essayer,
1160 u de celui des autres. Nous avons vu des amateurs de pittoresque essayer, au hasard, des incantations tout juste bonnes à
1161 s ou notre raison, ce n’est pas en nous efforçant de délirer que nous atteindrons une réalité supérieure, mais bien en sur
1162 arente nous fascine. Un fantôme ne manifeste rien d’ autre que la qualité du regard qui le perçoit. Dis-moi qui te hante… A
1163 psychologie moderne révèle-t-elle une déficience de méthode, laquelle correspond à une certaine sécheresse d’âme. Car on
1164 de, laquelle correspond à une certaine sécheresse d’ âme. Car on ne voit que ce qu’on mérite. — Les plus beaux fantômes, et
1165 erront, dont l’esprit parviendra par sa puissance d’ adoration, à se créer une part angélique. III L’amour, loin de causer
1166 ssance à les aimer.) Dès lors, il ne s’agira plus de réduire les fantômes qui nous tenteront, mais de leur égaler notre co
1167 de réduire les fantômes qui nous tenteront, mais de leur égaler notre conscience. C’est un effort de création — car toute
1168 de leur égaler notre conscience. C’est un effort de création — car toute découverte du monde spirituel revêt pour nous, n
1169 spirituel revêt pour nous, normalement, l’aspect d’ une création. Il s’agit de maintenir cet effort sous le signe de la so
1170 , normalement, l’aspect d’une création. Il s’agit de maintenir cet effort sous le signe de la sobriété la plus rusée mais
1171 . Il s’agit de maintenir cet effort sous le signe de la sobriété la plus rusée mais la plus amoureuse. L’audace et l’humil
1172 ée mais la plus amoureuse. L’audace et l’humilité de la prière nous font entendre l’accord fondamental d’une éthique des f
1173 la prière nous font entendre l’accord fondamental d’ une éthique des fantômes, dont la poésie moderne n’est peut-être que l
1174 ut-être que la psychologie. s. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Vos fantômes ne sont pas les miens… », Rai
1175 te] Vos fantômes ne sont pas les miens… », Raison d’ être, Paris, juillet 1930, p. 7-8. t. Les réponses à cette enquête, p
1176 René Crevel et Denis de Rougemont, sont précédées d’ une introduction dont nous reproduisons l’extrait suivant : « “Y a-t-i
1177 isons l’extrait suivant : « “Y a-t-il une faculté de perception indépendante des sens, qui, s’exerçant par le moyen d’un o
1178 dépendante des sens, qui, s’exerçant par le moyen d’ un organe interne, puisse nous donner des connaissances plus complètes
1179 e interrogation que posent tacitement toute forme de vie, et explicitement — croyons-nous — certaines expériences particul