1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)a M. de Montherlant est considéré par
2 ’exprimaient en une langue plus compliquée encore et nuancée jusqu’à l’ennui. La guerre a donné le coup de grâce à cet est
3 et esthétisme énervant qu’on appelle symbolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine de M. de Montherlant, qui en est
4 M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et casquée pour la lutte de l’après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme
5 , se disputent le monde. L’une vient de l’Orient, et insinue dans le monde romain les virus du christianisme, de la Réform
6 du christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme
7 olution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philosophie est
8 e catholicisme, la Renaissance, le traditionnisme et le nationalisme. L’Orient efféminé ; — en face : l’Ordre romain. Or l
9 n’a pas faite aussi franchement, du catholicisme et du christianisme, le christianisme étant dans le même camp que la Réf
10 la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de
11 vité le choc fatal pour tant d’autres du guerrier et du bourgeois. Dernièrement, il abandonna le stade et rentra dans le m
12 du bourgeois. Dernièrement, il abandonna le stade et rentra dans le monde où nous vivons tous. Écœuré du désordre général,
13 œuré du désordre général, il cherche des remèdes, et nous tend les premiers qui lui tombent sous la main : le sport et la
14 premiers qui lui tombent sous la main : le sport et la morale romaine. Dans sa hâte salvatrice, M. de Montherlant ne s’es
15 é supérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité comme on peut », avoue-t-
16 me philosophie la morale jésuite, faite de règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’in
17 es imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initiative individuelles, et la morale des sports anglais, morale q
18 reindre la liberté et l’initiative individuelles, et la morale des sports anglais, morale qui veut former des hommes maîtr
19 hommes maîtres d’eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’autant plus paradoxal que M. de Montherlant est just
20 du sport n’est pas la performance, mais le style et la méthode, c’est-à-dire la formation du caractère, en définitive. Ma
21 ations, qu’on les appelle ou non idées générales, et j’avoue bien volontiers qu’il n’est pas une opinion sur le monde à la
22 s, un style de sportif, mais qu’on sent humaniste et poète, un style à la fois bref et chaud, imagé et réaliste, M. de Mon
23 sent humaniste et poète, un style à la fois bref et chaud, imagé et réaliste, M. de Montherlant chante cette « violence o
24 et poète, un style à la fois bref et chaud, imagé et réaliste, M. de Montherlant chante cette « violence ordonnée et calme
25 . de Montherlant chante cette « violence ordonnée et calme » des « grands corps athlétiques ». Sur le stade au soleil se d
26 Sur le stade au soleil se déploient les équipes, et l’équipier Montherlant les contemple, ému de « cette ivresse qui naît
27 le, ému de « cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerr
28 que qu’infuse à son corps la douce matière. L’air et le sol, dieux rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un et l’
29 . L’air et le sol, dieux rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un et l’autre. Ainsi mon art, entre terre et ciel.
30 rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un et l’autre. Ainsi mon art, entre terre et ciel. Mais sa foulée, bondissa
31 entre l’un et l’autre. Ainsi mon art, entre terre et ciel. Mais sa foulée, bondissante et posée, est pleine du désir de l’
32 entre terre et ciel. Mais sa foulée, bondissante et posée, est pleine du désir de l’air. Danse-t-il sur une musique que j
33 tion de la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cette domination qui est le but véritable du sport. On accepte
34 ecte les règles, non plus comme une lutte sauvage et déloyale, la morale d’équipe devient toute la morale, et les qualités
35 yale, la morale d’équipe devient toute la morale, et les qualités indispensables au bon équipier deviennent les qualités d
36 plication de l’immense axiome formulé par Hésiode et qui gouverna le monde ancien : La moitié est plus grande que le tout 
37 urse d’équipe. Le cœur connaît la présence muette et sûre. Toutes ces choses ne se font pas en vain. Le chef se dresse ent
38 as dites en vain. Stades que parcourent de jeunes et purs courages, donnez-moi votre silence jusqu’à l’heure. Que je taise
39 ins artificiellement moderne que ce lyrisme sobre et prenant : « Si l’on s’échauffe, s’échauffer sur de la précision. » On
40 lise romaine, quoi qu’en pense M. de Montherlant. Et voici, ô paradoxe, qu’il rejoint Kant, Kant qui écrit : « C’est sur d
41 eunes filles assez fortes pour pouvoir tout lire, et il n’y aura plus besoin de roman catholique. » C’est ce qu’on pourrai
42 ructive » : porter l’effort sur ce qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à l’entr
43 de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement un homme de lettres. Un homme en qui s’équilibrent
44 ilibrent déjà l’enthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le
45 ette « limitation » que lui ont enseigné le sport et les anciens. J’admets que ses « idées générales » ne vaillent rien2 ;
46 ment chrétienne de tel autre écrivain catholique. Et son lyrisme, encore un peu brutal, il saura le dompter, et atteindre
47 risme, encore un peu brutal, il saura le dompter, et atteindre au classicisme véritable. Voici un constructeur, un entraîn
48 véritable. Voici un constructeur, un entraîneur, et qui joue franc jeu. S’il faut lutter contre lui, nous savons qu’il ob
49 de, « [Compte rendu] M. de Montherlant, le sport et les jésuites », La Semaine littéraire, Genève, 9 février 1924, p. 63-
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
50 iècle à nos jours. Partis du classicisme de David et d’Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe siècle,
51 e, pour aboutir enfin dans ces impasses : cubisme et futurisme. Les voici revenus, après cent-vingt-cinq ans, à peu près à
52 ines. Ils en reviennent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’expression. Très maîtres de leur te
53 te courbe de la peinture moderne avec une netteté et un relief remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à l
54 ortance de telles prises de contact entre artiste et public ? b. Rougemont Denis de, « Conférence Meili », Feuille d’av
3 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
55 . René Guisan, professeur de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi
56 à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un très nombreux
57 pante la comparaison des points de vue catholique et protestant : la notion de « Saint » et son évolution au cours des siè
58 catholique et protestant : la notion de « Saint » et son évolution au cours des siècles. Primitivement, le Saint est un ho
59 es semblent s’être le plus rapprochés du Christ ; et dans l’Église persécutée, le martyre devient le signe par excellence
60 hrétien dans l’accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle de la vocation, le protestantisme affirme qu’il existe divers
61 n’était-ce pas une sainte, comme ce missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y a pas de saints protestants, il existe de
62 drait la clarté d’un exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de mont
63 solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse
64 point de vue adverse avec autant de compréhension et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses conclusions cette s
4 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
65 chrétienne d’étudiants eurent lieu au printemps, et non plus à Sainte-Croix, mais à Aubonne. Un plein succès a répondu à
66 ences de l’Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une
67 rne, et fut impressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interro
68 logie, présenta deux ouvriers de Paris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les conditions de vie et
69 a eu l’occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre de la Me
70 arienne. Brémond conclut en montrant la nécessité et les difficultés d’une action missionnaire dans ces milieux, comme M.
71 n contenue d’hommes qui ont vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus de mots ni d’utopies, Clerville, Janson et Brém
72 yent plus de mots ni d’utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs de leur lit de préjugés pour
73 ’homme au-dessus de la plus dégradante condition, et nous n’y arriverons que par un travail d’éducation lent et souvent da
74 ’y arriverons que par un travail d’éducation lent et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez à nous pour nous aider. Nou
75 re, si nous écopons, tant pis. » Cinq conférences et autant de cultes en trois jours, cela peut paraître excessif à qui n’
76 u’il pense sans se préoccuper d’être bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis on va se dégourdir
77 s du village une discussion toujours trop courte. Et les repas réunissent tout le monde dans la gaieté la plus charmante.
78 ouvrier en maillot rouge assis entre un banquier et un philosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et de professeurs
79 n philosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit croire un in
80 ne centaine d’étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit croire un instant à la fameuse devise
5 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
81 uvrit par une bise qu’on peut bien dire du diable et se termina sous le plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’
82 l y a de plus protestant — mais oui, M. Journet — et je ne crois pas qu’il puisse se produire ailleurs qu’en terre romande
83 liberté de défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’autrui, — c’est la liberté dans la recherc
84 ression, durant les discussions entre de Saussure et Bertrand, que les orateurs exprimaient tour à tour les objections que
85 débat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intell
86 d’arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude
87 le tourment de cette âme leur propre recherche, —  et dans ses lumineuses conquêtes sur le doute, le modèle des réponses dé
88 t l’atmosphère de la chapelle où ont lieu travaux et méditations. Dehors, on honore la liberté d’un culte moins platonique
89 plesse pour maintenir l’équilibre des discussions et de sa propre personne. Et il y eut encore un dîner très démocratique
90 uilibre des discussions et de sa propre personne. Et il y eut encore un dîner très démocratique pendant lequel le philosop
91 ec âme, appuyé d’une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Après quoi Ric
92 omme si on l’avait attendu pour le manifester ! —  et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour sav
93 elques notes. 3. Il suffit encore : f 2.50, nom et adresse. f. Rougemont Denis de, « L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 ma
94 « L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’Association chrétienne suisse d’étudiants, Laus
6 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
95 t. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si craintifs en même temps, si jaloux de ne pas nous déformer artific
96 xieux de prévoir l’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint de ressortir trop différent. Amour de soi, qui nous to
97 ent. Amour de soi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas
98 tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur de p
99 s amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres forces et tant d’autres faiblesses, tant d’autres désirs contradictoires ; au g
100 sta qu’une fatigue profonde ; je devins si faible et démuni, livré aux regards d’une foule absurde, bienveillante, repue,
101  tous paraissaient détenir un secret très simple, et un peu narquois ils me considéraient avec une pitié curieuse : je me
102 eusement insupportables, si cruellement présentes et dures ? La cause de cette inadaptation, je la soupçonnais si grave, s
103 tions de détail dont je m’exagérais l’importance. Et c’est ainsi par feintes que je progressais, jusqu’au jour où je m’avo
104 bousculez ! La parole est aux instincts combatifs et dominateurs par quoi l’homme ne se distingue plus de l’animal. Louée
105 e distingue plus de l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en
106 mal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi de trop grand pour ma
107 ne foi, mais peut-être arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il est une révélation, c’est en me rendant plus parf
108 stes les plus favorables. J’ai d’autres instincts et je n’entends pas tous les cultiver pour cela seul qu’ils sont naturel
109 champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la construction ; c’est un mélange à doses égales de mort et de
110 ruction ; c’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’e
111 ’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est pas enco
112 des lois établies par le concours de l’expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la co
113 ent de convenance en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouv
114 ier, d’où cette fatigue générale qui fausse tout, et qui s’oppose au perfectionnement de l’esprit, puisqu’elle ne permet q
115 estie que je m’enorgueillis un peu de connaître ; et de cette volonté d’un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis d
116 la nommant ; or je ne veux plus de faiblesses4.) Et demain peut-être, agir dans le monde, si je m’en suis d’abord rendu d
117 e conscience. Je fais partie d’un ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’employer à sa sauvega
118 m’adapter à l’existence que m’imposent mon corps et les lois du monde, et comment augmenter ma puissance de jouir, en mêm
119 ce que m’imposent mon corps et les lois du monde, et comment augmenter ma puissance de jouir, en même temps que ma puissan
120 ents que je me tiens — plisser un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme un écho profond, une
121 puissante, quelle confiance vont guider ce corps et cet esprit… Créer, ou glisser au plaisir ? Êtes-vous belle, mon amie,
122 glisser au plaisir ? Êtes-vous belle, mon amie, —  et vous, ma vie ? Certes, mais je vous aime moins que je ne vous désire.
123 raît aller contre fin. Une attention trop directe et soutenue modifie son objet vivant. Pour moi, la sincérité ne peut êtr
124 our moi, la sincérité ne peut être que spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire des idées qui m’aideront. Une foi
125 urquoi je ne puis comprendre les excommunications et les intransigeances. Toutes les aspirations me paraissent légitimes c
7 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
126 nt (10 juillet 1926)h Je ferme les Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe de violence et de volupté », je me
127 et me tirant hors de ce « long songe de violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux au point qu’i
128 ujours échappé, mais qu’il domine dans l’ensemble et entraîne dans l’allure puissante à la fois et désinvolte de son récit
129 ble et entraîne dans l’allure puissante à la fois et désinvolte de son récit. On a souvent parlé d’excès de lyrisme à prop
130 a description la plus réaliste de la vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’il peut atteindre à p
131 Une perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’il s’accorde d’emblée avec ce qu’il y a de
132 la plaine s’élève le long beuglement des taureaux et le ohéohéohé des bouviers « comme un chant mystérieux entendu au-dess
133 la tête dressée, des vachettes qui se mordillent et se frôlent amoureusement, des chiens « qui vous faufilent des douceur
134 bas des jambes », jusqu’à ces chats qui griffent et lèchent alternativement, « en vraies bêtes de désir ». Une intelligen
135 profonde de la vie animale suppose entre l’homme et la bête une sympathie que Montherlant note à plusieurs reprises. C’es
136 ) sent ce que sent la bête en même temps qu’elle. Et parce qu’il sait ce qu’elle va faire, il peut la dominer… : on ne vai
137 ominer… : on ne vainc vraiment que ce qu’on aime, et les victorieux sont d’immenses amants »6. Mais envers les taureaux ce
138 strophait ainsi tout bas, sur un ton révérenciel, et comme on déroule une litanie. Sous les grands cils brillants, lustrés
139 ée. Quelques secondes encore elle cligna des yeux et on vit sa respiration. Puis ses pattes se tendirent peu à peu, comme
140 n spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme divine s’échappa, pleura
141 son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme divine s’échappa, pleurant ses jeux, et les génisses, et la c
142 . Et son âme divine s’échappa, pleurant ses jeux, et les génisses, et la chère plaine. De tels passages qui abondent dans
143 ne s’échappa, pleurant ses jeux, et les génisses, et la chère plaine. De tels passages qui abondent dans les Bestiaires f
144 hements superstitieux, de grands symboles païens, et l’on se perd dans un syncrétisme effarant, où Mithra, Jésus, les taur
145 crétisme effarant, où Mithra, Jésus, les taureaux et Alban confondent leurs génies dans une sorte de cauchemar de soleil e
146 eurs génies dans une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout iv
147 ants. Pour ma part, je le trouve assez peu humain et comme obsédé par une idée de violence tonique certes, mais décidément
148 un autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est un moraliste de grande race, qui peut nous mener à des hauteurs
149 dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu à peu obsède
150 en fin de compte de tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d
151 la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas
152 acent dans l’intelligence de l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemment contractée, par la grâ
153 nct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemment contractée, par la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est
154 e chenille précisément aux trois-centres nerveux, et sa victime « une sympathie (au sens étymologique du mot) qui la rense
155 ssages qui préciseraient ce parallélisme du poète et du philosophe. h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henry de Mon
8 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
156 e corridor de lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle devient plus secrète. Vers l’est, des collines fluides
157 nt plus secrète. Vers l’est, des collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où s’en vont lentement les eau
158 é, c’est le vide, où s’en vont lentement les eaux et les lueurs, vers la mer. Sur le Lungarno trop vaste et nu, les voitur
159 s lueurs, vers la mer. Sur le Lungarno trop vaste et nu, les voitures revenaient au pas des Cascine. Vers sept heures, il
160 Sur les eaux, comme immobiles, des nuages rouges et le vert dur des berges : un malaise montait dans l’air plus frais, av
161 parmi les dissonances mélancoliques des lumières et des odeurs, espérant entrer là-bas dans je ne sais quelle harmonie pl
162 st qu’odeurs, formes mouvantes, remous dans l’air et musiques sourdes. Penser serait sacrilège, comme une barre droite au
163 lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato sur sa col
164 uyons ces bords où conspirent des ombres informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous sec
165 res informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétrant comme ce
166 ne vie étrangère, une paix qui n’est pas humaine, et qui nous laisse gourds et faibles, caressant en nous la lâche volupté
167 qui n’est pas humaine, et qui nous laisse gourds et faibles, caressant en nous la lâche volupté de sentir l’esprit se déf
168 us la lâche volupté de sentir l’esprit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil
169 e fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui nous évoqua
170 geait l’image de la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d
171 usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli lu
172 rues. Le long de l’Arno, les façades sont jaunes et roses près de l’eau, puis perdent dans la nuit leurs lignes graves. T
173 Il passe une possibilité de bonheur par personne et les devantures ne cherchent qu’à vous plaire. Chaque ruelle croisée p
174 re qu’on oublie pour celui des regards étrangers. Et voici la place régulière, les galeries, les cafés, les musiques, Doni
175 estes des passantes. Sous cette agitation aimable et monotone nous allons voir courir l’arabesque des sentiments et le mou
176 ous allons voir courir l’arabesque des sentiments et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans u
177 s — tous les tableaux dans le noir des musées ! —  et si tu veux soudain le son grave de l’infini, pour être seul parmi la
9 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
178 dité d’un semblable système. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table de café. Je ven
179 gaire d’une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommation. Comme d’habitude, un peu après six heu
180 d’une vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les
181 is je suis pris dans l’absurde réseau des lignes, et cette mécanique me restitue chaque fois un peu plus de lassitude, un
182 ée me gênait : perdre une rose pour le plaisir ! ( Et je ne pensais même pas, alors : une si belle rose.) Le tambour livra
183 si belle rose.) Le tambour livra un homme élégant et tragique, qui se tint un moment immobile, cherchant une table, puis s
184 une table, puis s’avança lentement vers la mienne et s’assit sans paraître me voir. Une grande figure aux joues mates, aux
185 oues mates, aux yeux clairs. Il déplia le journal et se mit à lire les pages d’annonces. On m’apporta une liqueur. Et quan
186 e les pages d’annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes pensées plus rapides s’en allèrent un
187 s plus rapides s’en allèrent un peu vers l’avenir et j’osai quelques rêves. C’était, je m’en souviens, une petite automobi
188 r ses traits. Puis il reprit les dés brusquement, et me fixant avec un léger sourire : — Jouez ! ordonna-t-il. La surprise
189 La surprise vainquit ma timidité, je pris les dés et les jetai sans hésiter. Il compta de nouveau, puis avec une légère ex
190 . Je gagnai. Il demanda des portos. Je les gagnai et je les bus. D’autres encore. Ma tête commençait à osciller vaguement.
191 eurs du bar me remplissaient d’une joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’en moi-même posait ma rais
192 erais à tout coup. L’étranger se mit à discourir. Et dans mon ivresse, ses paroles peignaient des tableaux mouvants où je
193 , le voilà prêt à faire des bassesses pour durer, et tu te réjouissais, parce que tu n’as pas beaucoup d’imagination, et q
194 is, parce que tu n’as pas beaucoup d’imagination, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situ
195 que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situations complètement démodées et d’intrigues usées ju
196 et à travers de situations complètement démodées et d’intrigues usées jusqu’à la corde, jusqu’à la corde pour les pendre,
197 ce de bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aussi sur le dogme l’argent-fait-le-bonheur. En so
198 tous ces gens qui perdent leur vie à la gagner9, et leur façon inexplicable de lier des valeurs morales aux cours de bour
199 anuels scolaires. Les voler, pour leur apprendre. Et leur manie aussi de situer le paradis dans la classe d’impôts immédia
200 plaisirs, avec assurance contre faillites morales et douleurs d’amour — ô vertige sans prix du lâchez-tout ! Ils ont inven
201 se morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissance à concevoir un a
202 e bonheur que celui qu’ils ont reçu de papa-maman et l’Habitude, leur marraine aux dents jaunes. Ah ! perdre, perdre ; et
203 marraine aux dents jaunes. Ah ! perdre, perdre ; et c’est toujours à qui perd gagne ! Sauter follement d’une destinée dan
204 ême joie, mon cheval fou, mon beau Désir s’ébroue et part sitôt que je vais m’endormir, ah ! galope, caracole, éclabousse,
205 ont jamais rien, écoutez-les, comme ils me jugent et leurs cris indignés qui couvrent une angoisse. Ça les dérange terribl
206 d ils n’ont plus que des baisers au goût d’adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et la mort. 
207 r où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et la mort. » Il ferma les yeux sur des visions. Les lustres doraient un
208 ons. Les lustres doraient un brouillard de fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était assise à not
209 femme était assise à notre table, en robe rouge, et très fardée. Elle jouait avec la rose. Les dés roulèrent, pour un der
210 la table cette rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit d’un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à
211 dés, et partit d’un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé
212 l’étranger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser l
213 regarder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la
214 allut se lever, traverser le café dans la musique et la rumeur des clients. Dehors les réclames lumineuses dialoguaient fo
215 voyage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et de cette nuit peut-être, je ne saurai jamais rien… (sinon qu’au lende
216 ertains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi, et ma femme m’embrasse et me regarde avec inquiétude, parce que je ne su
217 pourtant rentrer chez moi, et ma femme m’embrasse et me regarde avec inquiétude, parce que je ne suis plus tout à fait le
218 m’abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et je voudrais pouvoir pleurer sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, souda
219 s. Et je voudrais pouvoir pleurer sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et de désespoir, ô vie sans
220 heté. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et de désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus amère, plus
10 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
221 très bel auditoire, est un des plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est l
222 rupuleux, qui juge d’après les textes, les causes et les effets vérifiables, et non d’après un système préconçu. (Cette at
223 les textes, les causes et les effets vérifiables, et non d’après un système préconçu. (Cette attitude est plus rare qu’on
224 t, entre 1578, date de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus grande libert
225 e, un archevêque libertin, Harlay de Champvallon, et surtout Madame de Maintenon. Tous ces gens conciliant fort bien leurs
226 a révocation serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, « 
227 « tourner » l’édit par mille arguties juridiques. Et les statistiques faussées peuvent faire croire à une très forte dimin
228 politiques (guerre de la confession d’Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félicitations arrachées par Louis XI
229 é les meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis d’autre crime que de « 
230 séquences de nos jours encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjouir de retrouver bientôt dans l’ouvrage
231 uis XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et d’une si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. j.
11 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
232 , n’ignorent rien des courants les plus modernes, et sont bien situés pour n’en prendre que le meilleur ; mais l’émulation
233 extrémismes sont prônés comme vertus cardinales, et qui forme ailleurs le premier public des jeunes artistes, n’existant
234 odigue, s’il rentre au foyer dans une Rolls-Royce et fortune faite, tout le monde s’accorde à dire qu’on n’attendait pas m
235 lice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de n
236 i dates de naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions de critiques autorisés. Du benjamin, Eugène
237 les fenêtres, dans une chambre peinte en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’est livré pendant quelques années à
238 uelques années à des recherches un peu théoriques et abstraites. De cette époque datent des toiles comme le Souvenir de l’
239 des toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors et personnages semblent d’une matière idéale. Tout est lisse et parfait.
240 ges semblent d’une matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement. Il manque à ces recompositions de la
241 isonnière qui regarde ailleurs… Qu’il sorte enfin et se mette à graver les scènes qu’il voit dans la petite cité ouvrière,
242 s scènes qu’il voit dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille de constater combien l’épuration rigoriste de sa tech
243 n art très volontaire, qui connaît ses ressources et sait en user avec la sobriété qui produit le maximum d’expression. Ce
244 e qui permettra de reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il glisse si souvent là où
245 de s’astreindre à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épurant dans des formes claires a su les renouveler. Il
246 quelques frileux, mais les autres sont soulagés. Et ne fût-ce qu’en prenant une initiative comme celle de Neuchâtel 1927
247 eur, mais il taille ce visage dans une pâte riche et un peu lourde, son pinceau la palpe, la presse, la réduit à la forme
248 o ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des jaunes jamais mièvres, sous l’œil méfiant des fascistes qui le pr
249 de des yeux de Japonais d’une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais il a toujours l’air de song
250 sa seconde patrie si la peinture est sa première et Neuchâtel la troisième… Il y a par Eugène Bouvier quelque chose de no
251 uliers chemins d’accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte de
252 ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout devient satisfaisant. Ce lyrique, ce mystique exige pour être co
253 gne entre deux pluies. Il aime ces heures où ciel et onde se mêlent, et sait rendre mieux que personne la liquidité d’un l
254 es. Il aime ces heures où ciel et onde se mêlent, et sait rendre mieux que personne la liquidité d’un lac, certaines atmos
255 iquidité d’un lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temps couvert, calme, légères précipitations » annonce le
256 cènes d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine Woog, G.
257 ment s’éloigne pour entonner une chanson à boire. Et sa technique auparavant volontairement maigre se faisait trop lâche.
258 rt est rendu à lui-même. Il atteint son équilibre et sa maîtrise avec une toile comme le Potier. Si la couleur n’est pas e
259 hesse de lueurs sur une matière traitée largement et d’une abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup
260 pour s’en assurer. La tête large, aux yeux clairs et assurés, le cou robuste, les mains d’un si beau dessin, qui ont du po
261 , les mains d’un si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout cela communique une impression de puissance domp
262 la communique une impression de puissance domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline qu’elle s’impose. Et
263 re une volupté de la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renaissance » : le costume est drapé ave
264 e devant le visage. Aurèle tient un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’il le lise, mais il aime caresser la reliure
265 ées à vendre des couleurs, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que les visages qui s’y reflèteront soient aussi bea
266 ant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis voici François Barraud, le plus jeune des frères. Il vient appor
267 dans l’utilisation du clair-obscur qui simplifie et renforce l’expression. Décidément ces trois frères sont une école. Dé
268 yaume d’Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne saurions trouver guide plus pittoresque. Celui-ci s’était éga
269 ez la même route que nous ? À la bonne heure ! ». Et l’on repart bras dessus, bras dessous. Et l’on apprend peu à peu des
270 re ! ». Et l’on repart bras dessus, bras dessous. Et l’on apprend peu à peu des choses bien curieuses sur son compte. Il a
271 sserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris d
272 rge de mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe de quel occulte prodige ? Intrigué, vous repr
273 u traditionnelle, d’un style pourtant assez large et que n’entravait pas son scrupule réaliste. ⁂ Mais voici dans son cost
274 emblée dans ses statues à un beau style dépouillé et hardi. Mais il y avait quelque lourdeur dans des morceaux comme le Jo
275 équilibre entre le réalisme imposé par les sujets et un style qui sait rester ample, d’une simplicité non dépourvue de pui
276 tisheim ; que Vincent Vincent, peintre, romancier et critique d’art, compose des coussins, des couvertures de livres, des
277 livres, des étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tableaux en papiers découpés, av
278 ités, se trouvent former un mouvement actif déjà, et dont Neuchâtel 1927 sera la première manifestation collective. Est-i
279 part, des œuvres aussi différentes par leur objet et le domaine où elles se réalisent que celles de Le Corbusier8, Meili,
280 ent toutes une recherche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse q
281 int si nous n’avions fait qu’affirmer l’existence et la vitalité d’une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est t
282 s’est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’une maigre végétation artistique. Pays où l’on préfère la netteté u
12 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
283 vec Gérard (24 mars 1928)m À Pierre Jeanneret et à son étoile nervalienne. Je vins à Vienne pour fuir l’Amérique. Mai
284 les dancings, un peuple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Entente, applaudissait chaque soir entre
285 ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement des balles perdues d’une révolution. Sept heures du soi
286 moment était venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants pour qu’on la s
287 traire. Il est très vrai que les notions réaliste et idéaliste du monde ne sont séparées que par un léger décalage dans la
288 er décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d
289 d’hui le lien qui unissait dans mon esprit Vienne et Hoffmann : c’était le souvenir de Gérard de Nerval. Mais je pense que
290 euse des violons. Le diable sort des parois, noir et blanc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est un duo des ténèbr
291 éroïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par instants les accords d’une harmonie surna
292 instants les accords d’une harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je comprends mal. Je me penche v
293 un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais la musique est si légère, la voix de la jeune fille
294 mprévisibles transfigurations, — l’heure anxieuse et mélancolique où l’on quitte ce visage aimé pour d’autres plus beaux p
295 arce que c’est bien toi de nouveau qui m’appelles et qui vas me quitter… — C’est une chose singulière, prononce une voix,
296 raison d’intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes et d’évidences
297 erveau pris au défaut de sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et mo
298 aques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, comme des amis qui se connaisse
299 e progresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De t
300 e est une œuvre d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont, par nature et par attitude, des gens fatigués. — P
301 un long effort, et les Viennois sont, par nature et par attitude, des gens fatigués. — Pour moi, dit Gérard, je situe l’a
302 n retrouver la sensation jusque dans les choses — et c’est cela seul qui donna un sens au monde. — Mais je bavarde, je phi
303 sens au monde. — Mais je bavarde, je philosophe, et vous allez me dire que c’est trop facile pour un homme retiré du mond
304 eurs. C’était la petite bossue qui vend des roses et des œillets dans la rue de Carinthie. Gérard lui paya quelques œillet
305 Vint à pas pressés une jeune femme, chapeau rouge et manteau de fourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut, hé
306 uge et manteau de fourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut, hélas, non moins inévitable : la jeune femme ref
307 imuler nous trahit ; elle finit donc par accepter et vint à nous avec un sourire du type le plus courant : « Vous êtes bie
308 ndre chacun un bras, une femme pour deux hommes — et ce fut bien dans cette anecdote dont Gérard attendait évidemment quel
309 que toutes dans cette ville, — du type que Gérard et Théo nommaient « biondo et grassotto », et qu’avec mes amis nous devi
310 , — du type que Gérard et Théo nommaient « biondo et grassotto », et qu’avec mes amis nous devions baptiser en style vienn
311 Gérard et Théo nommaient « biondo et grassotto », et qu’avec mes amis nous devions baptiser en style viennois « Mehlspeis-
312 us engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango, un Balkaniqu
313 is se perdre ce sens des correspondances secrètes et spontanées du plaisir qui seules faisaient sa dignité humaine, parce
314 vie aux “divertissements” entre 10 heures du soir et 4 heures du matin, moyennant tant de schillings, dans un décor banal
315 moyennant tant de schillings, dans un décor banal et imposé, avec des femmes qui élargissent des sourires à la mesure de v
316 hant suffit à peine à toucher leurs sens fatigués et épaissis. Regardez ces yeux mornes, ou luisants de concupiscences élé
317 -là qui danse en robe mauve, avec tant de gravité et de détachement. Je viens souvent la regarder, à cause de la noblesse
318 s’asseoir auprès de nous. Gérard songeait, muet, et n’en buvait pas moins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’u
319 mbe dépareillée, vous n’avez pas de ressemblance, et c’est ce qui vous perdra. » La pauvre fille ne comprenant pas, il y e
320 t interrompre une comédie aux attitudes convenues et donner l’air bête aux acteurs. Puis Gérard embrassa paternellement la
321 Gérard embrassa paternellement la belle effarée, et nous sortîmes, après avoir délivré le homard qui, laissé au vestiaire
322 vestiaire, y était l’objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part des garçons. « Encore une proie i
323 e lâchée pour l’ombre, dit Gérard d’un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est la plus douce à
324 savez, je lance mes filets dans l’eau des nuits, et quelquefois j’en ramène des animaux aux yeux bizarres où je sais lire
325 ’ai oublié mes clefs il y a très, très longtemps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant
326 chant vers moi il prononça : « La nuit sera noire et blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe de cette phrase célè
327 pensai qu’il arrive aux meilleurs de se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard « faisait du Gér
328 ignait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité et l’Illusion étendait sur toutes choses une aile d’ombre flatteuse aux
329 is autour d’une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquarium de rêves, discourt et décrit les imag
330 érard, penché sur cet aquarium de rêves, discourt et décrit les images qu’il y découvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge,
331 uge, qui sont les bras de Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du g
332 tations. Gérard parle avec une liberté magnifique et angoissante. Il mêle tout dans le temps et l’espace. Cent années et t
333 ifique et angoissante. Il mêle tout dans le temps et l’espace. Cent années et tous les visages aimés revivent dans cette c
334 mêle tout dans le temps et l’espace. Cent années et tous les visages aimés revivent dans cette coupe de songes avec toute
335 ’autre moitié sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié d’ombre. Et parce que tout revit en un instant dans cette v
336 jours cachée, ainsi la Lune et sa moitié d’ombre. Et parce que tout revit en un instant dans cette vision, il connaît enfi
337 e vision, il connaît enfin la substance véritable et unique de toutes ses amours, il communie avec quelque chose d’éternel
338 alogies étourdissantes qui commencent à des dieux et finissent aux pierres précieuses en passant par toutes les formes ani
339 e entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences. La fatigue calme son lyris
340 indres coïncidences. La fatigue calme son lyrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces
341 chaque minute d’une vie résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a sous le soleil, et même ailleurs. C
342 fait allusion à tout ce qu’il y a sous le soleil, et même ailleurs. Croyez-moi, ce qu’il faudrait écrire, c’est une Vie si
343 ec de gaz sans manchon qui éclairait la boutique, et que le vent menaçait d’éteindre à chaque instant, le homard se réveil
344 ainsi chaque nuit, que l’animal devenait nerveux et que depuis quelques semaines, il avait dû le mettre au caviar. Il en
345 au caviar. Il en demanda donc une petite portion et la fit prendre au homard avec toutes sortes de soins. Les chauffeurs
346 s à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et ailleurs « Wienerli ». Soudain les autos se mirent à ronfler. Par le
347 mes s’inclinaient pour des baise-mains silencieux et mécaniques. Je reconnus des princes aux faces maigres qui ressemblaie
348 ent à d’anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et la silhouette échassière de la jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld do
349 assèrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose c
350 nne avec Gérard », La Nouvelle Semaine artistique et littéraire, Neuchâtel, 24 mars 1928, p. 105-108.
13 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
351 Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)n « Remonte aux vrais regards ! Tire-to
352 part. On lui a expliqué qu’il fallait la mériter et tâcher de devenir quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille de
353 îne le lecteur par ruse jusqu’à la dernière page, et là déclare froidement ne pas exister. Non : il a remarqué que l’époqu
354 yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dan
355 a bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’intriguent à n’en pas fin
356 rte quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profondément différent de cette apparence, qu’il doute de sa réali
357 ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve que le désir d’une révélation. Peut-on s’hypnotiser avec s
358 de reflets qui vont en diminuant vertigineusement et l’égarent dans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal de super
359 l’égarent dans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal de superstitions. Enfin cette expérience folle le mène à une
360 ir aussi qu’on ne comprend que ce qu’on dépasse ? Et qu’il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne
361 ertaines femmes. Un soir, après quelques alcools et un échange de pensées au même titre avec une amie d’une beauté de plu
362 meurt dans une naissance. Stéphane naît à l’amour et à lui-même conjointement. Plusieurs ivresses l’ont envahi bruyamment,
363 de la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conjuraient pour abaisser tous les regards. Stéphane r
364 Denis de, « Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers de l’Anglore, Genève, décembre 1928, p. 37-42.
14 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
365 rd d’un ruisseau, qu’il dort les portes ouvertes, et pendant des heures récite des odes grecques au murmure de l’eau ; la
366 s, en sorte que plusieurs touches sonnent encore, et c’est là-dessus qu’il improvise, oh ! j’aimerais tant aller là-bas, c
367 , cette folie m’apparaît comme une chose si douce et si grande… »11 Et Bettina terminant sa lettre sur Hölderlin : « Ce p
368 araît comme une chose si douce et si grande… »11 Et Bettina terminant sa lettre sur Hölderlin : « Ce piano dont il a cass
369 ’esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et dont certains des plus purs d’entre nous se préparent à tenter le cli
370 Cette langue de feu qui s’est posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au visage de jeune fille qui
371 fille qui rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans sa vie cette double venue de l’amour et du chant prophétiq
372 t voici dans sa vie cette double venue de l’amour et du chant prophétique, confondant leurs flammes. Dix années dans le Gr
373 le temps où le sens de son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette encore quelques cris brisés : « Ô vieux dé
374 une sorte de vieillard qui reparaît en Allemagne. Et durant trente années, ce pauvre corps abandonné vivra dans la petite
375 de ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtraient immenses s’ils n’étaient à demi encombrés d
376 it… Alors vous devez connaître ces portraits ? — ( et comme je considère un ravissant médaillon de marbre) — Ça, c’est Diot
377 rce qu’il a aimé une femme, pour écrire Hypérion, et pour les gens d’ici, aimer, c’est seulement vouloir se marier… » — Et
378 ci, aimer, c’est seulement vouloir se marier… » — Et puis plus tard on encadre les lettres des amants, on propose le coupl
379 couple à l’admiration des écoliers en promenade, et le guide désigne familièrement l’image d’une femme par le nom qu’elle
380 ui traîne sur l’appui ; le jardinet avec son banc et ses lilas fleuris qui trempent… Tout est familier, paisible au soleil
381 pt ans dans cette chambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’
382 ngtemps, si longtemps qu’elles ont fui. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plus rien, je n’aime plus vi
383 , si longtemps qu’elles ont fui. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plus rien, je n’aime plus vivre. I
384 , en face, ni les maisons. Il voyait des prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel es
385 s collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet a
386 est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plainte »… Vivait-il
387 er la chambre. Il ne vient pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et le
388 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts de l’Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque
389  : il leur fait de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous le
390 re s’est mis à jouer des ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de mai. Les bateaux qui dérivent dans le voisina
391 raft und Schönheit ! »). J’aime les bateaux plats et incertains, avec des Daphnés dedans, qui ne savent pas bien ramer et
392 des Daphnés dedans, qui ne savent pas bien ramer et qui lisent des magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble des va
393 ntalons trop courts, qui se promènent tout seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose de terrible, où il a perdu son
394 quelque chose de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous,
395 t que mal finir. Ceux du bon sens hochent la tête et citent la phrase la plus malencontreuse de Pascal : le « Qui veut fai
396 atroce de cette fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-i
397 ès-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux
398 de la facilité, c’est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, triomphante, à beau fix
399 es choses généreuses autour d’eux… Cela s’oublie. Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre, dans le temps même qu’
400 teur. Madame Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des poèmes. o. Rougemont Denis de, « La tour de Hölderlin », La Qui
401 « La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel, 15 juillet 1929, p. 354-356.
15 1930, Articles divers (1924–1930). Le prisonnier de la nuit (avril 1930)
402 s pas où tu m’entends mais ces hauts murs d’ombre et de vent autour du monde où nous vivons parquent les visages les sons
403 visages les sons brassent les lueurs des messages et des sanglots perdus qui rôdent à la recherche d’un corps faible. Je
404 de dire ton nom même avec l’accent de notre amour et mon visage est immobile tourné vers l’ombre où tu m’entends. III
405 oins nous la tiendrons captive écoute les cloches et le scintillement des étoiles les eaux profondes qui échangent leurs d
406 lus sereine infiniment nue dans la douceur du feu et de la joie. V Oh qui a retiré tes mains des miennes quand je te re
407 ce aux lents vertiges — quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau des fleurs obscures
16 1930, Articles divers (1924–1930). Au sujet « d’un certain esprit français » (1er mai 1930)
408 2. En vérité, ce temps est peu propice au mépris et à l’adoration : où que se portent nos regards, ils rencontrent des ta
409 simplement d’un Rilke, par exemple… » — Exigence et reproche également démesurés, mais combien sympathiques, à l’heure où
410 sens de la médiocrité spécifiquement française — et nul ne s’en déclare gêné, me semble-t-il… 3. Si nous jetons sur les
411 d distrait mais circulaire, comme dirait Aragon —  et je suppose que Beausire et Simond se livrèrent à ce petit jeu avant d
412 comme dirait Aragon — et je suppose que Beausire et Simond se livrèrent à ce petit jeu avant d’écrire —, que voyons-nous
413 ait leurs études à la Nouvelle Revue française , et qui ont, sur un tas de sujets pas importants, des idées « pertinentes
414 M. Charly Clerc ; des révolutionnaires sans idéal et sans puissances de mythe ; des philosophes sans pente ni grandeur ; (
415 tzsche en Nouveau Messie, comme dit Annie Besant. Et c’est charmant, disent les dames. Je ne suis pas aussi dur que les da
416 dames. Je ne suis pas aussi dur que les dames. … et M. Maurois, comme disent beaucoup de gens, qui persiste à passer pour
417 mes qui ont du cran. Deux qui viennent : Bernanos et Malraux ; un qui s’éloigne : Montherlant. Très suspects dans les « mi
418 ande que soit » mon envie — comme disent Beausire et la Grammaire — mon envie, ma passion d’admirer, je cherche en vain l’
419 le lion de mes certitudes » — comme disent Simond et ce grand potache de Maldoror. « Qu’on nous montre un homme… » Un ou d
420 ouve en tout cas bien tonique, celui que Beausire et Simond viennent d’écrire au sujet de quelques-uns des meilleurs espri
421 qu’une œuvre de critique, impitoyable de rigueur et d’enthousiasme. 5. La critique est aisée, répètent ceux qui en ont p
422 t. Il y avait une fois un journaliste, un libéral et un jeanfoutre qui regardaient travailler un maçon. Le maçon creusait
423 egardaient travailler un maçon. Le maçon creusait et défonçait, or on lui avait commandé une maison. Nos trois compères se
424 ons. Cependant le maçon continuait de construire, et quand les fondations furent achevées, les murs s’élevèrent, et quand
425 fondations furent achevées, les murs s’élevèrent, et quand tout fut terminé, l’on interdit l’entrée du palais à nos trois
426 s facile à formuler qu’à décrire dans ses effets, et qui paraît affecter d’un commun penchant au libertinage mental trois
427 eur métaphysique, font preuve de la même ambition et témoignent de la même impuissance. Ils désirent également donner une
428 ils manquent également de cette énergie créatrice et critique qui leur permettrait d’envisager ce problème dans toute son
429 it d’envisager ce problème dans toute son ampleur et sa force. » Ainsi Beausire nous montre un Barrès tout crispé sur quel
430 tre un Barrès tout crispé sur quelques certitudes et quelques doutes immédiatement utilisables. Simond dénonce chez Maurra
431 désigne chez les surréalistes certains sophismes et ce « badinage mystique » sans l’accompagnement desquels, semble-t-il,
432 carence d’héroïsme intellectuel. Ces messieurs — et qui pensent — ont la chance de vivre à l’une des époques les plus vio
433 s assistent à des bouleversements sociaux, moraux et surtout spirituels d’une portée planétaire, mais ils trouvent d’excel
434 omestiquées. Ils sont toujours pressés, charmants et aussi peu tragiques que possible. « Il n’y a en eux aucun silence, au
435 rogation, aucune volonté supérieure de domination et de puissance… On ne se pose plus, en France, de questions qui dépasse
436 e, ajouterai-je, c’est pour les résoudre aussitôt et d’une manière aussi peu compromettante que possible. Direz-vous que l
437 f Kassner… En France, hélas ! une logique verbale et le clair génie que l’on sait se chargent de tout réduire à la raison,
438 séquilibre, s’en effraient, repartent vers la foi et s’arrêtent chez un éditeur. Cela fait un roman de plus. Il obtiendra
439 n roman de plus. Il obtiendra le prix d’assiduité et l’approbation de tous les prudents qui ont fait le tour des choses co
440 l vous reste à choisir entre le sort de Nietzsche et celui de Schiller. Romancer la vie de ces excessifs est assez bien vu
441 ellement la « mesure » parisienne — physiologique et morne — que le fait même de s’y essayer définit ce qu’on nomme à Pari
442 teurs : « Tout créateur néglige sa personnalité » et « Kant est un peu plus redoutable que Robespierre ». Bien. Ah ! très
443 pel à Valéry ou au Surhomme, jamais absent d’ici, et je reprends ma liberté. Beausire admire Léonard d’avoir « tracé peut-
444 onté, telle inéluctablement qu’elle est en Dieu — et soit qu’il sache ou qu’il ignore que la grâce seule permet de vouloir
445 a grâce seule permet de vouloir… C’est Nietzsche, et quelque chose par-dessus, tout de même… Mais ceci, comme dit Kipling,
446 Recension de l’ouvrage éponyme de Pierre Beausire et Daniel Simond, paru aux « Petites Lettres de Lausanne ».
17 1930, Articles divers (1924–1930). « Vos fantômes ne sont pas les miens… » [Réponse à l’enquête « Les vrais fantômes »] (juillet 1930)
447 1930)s t I Vos fantômes ne sont pas les miens, et qui saura jamais s’ils ne sont pas pour moi « des choses » — et récip
448 amais s’ils ne sont pas pour moi « des choses » — et réciproquement. La distinction entre « choses » et « fantômes » est r
449 t réciproquement. La distinction entre « choses » et « fantômes » est relative à des habitudes individuelles, en dehors de
450 t que ce qu’on mérite. — Les plus beaux fantômes, et les plus réels, ce sont les anges. Mais ceux-là seuls parmi nous les
451 té la plus rusée mais la plus amoureuse. L’audace et l’humilité de la prière nous font entendre l’accord fondamental d’une
452 et, Abel Grandfils, Laurens van Kuyk, René Crevel et Denis de Rougemont, sont précédées d’une introduction dont nous repro
453 lus complètes que l’expérience commune ?” Depuis ( et même avant) que Saint-Augustin a formulé cette question, qu’il n’osai
454 des philosophes, des psychiatres, des moralistes et des charlatans ont hasardé des réponses à cette interrogation que pos
455 ogation que posent tacitement toute forme de vie, et explicitement — croyons-nous — certaines expériences particulières, t