1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)a M. de Montherlant est cons
2 M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)a M. de Montherlant est considéré par plu
3 par plusieurs comme l’un des héritiers de Barrès. Le rapprochement est peut-être prématuré, tout au plus peut-on dire qu’à
4 ut-être prématuré, tout au plus peut-on dire qu’à l’ heure présente déjà, son œuvre, comme celle de Barrès, nous offre plus
5 u moins, cette inquiétude libératrice que produit la recherche de la vérité. Dès son premier livre, il s’est montré tout e
6 nquiétude libératrice que produit la recherche de la vérité. Dès son premier livre, il s’est montré tout entier, il a brav
7 out entier, il a bravement affirmé son unité. Car le temps n’est plus, où les jeunes gens se faisaient, avec sérieux, des
8 nt affirmé son unité. Car le temps n’est plus, où les jeunes gens se faisaient, avec sérieux, des âmes exceptionnellement c
9 langue plus compliquée encore et nuancée jusqu’à l’ ennui. La guerre a donné le coup de grâce à cet esthétisme énervant qu
10 lus compliquée encore et nuancée jusqu’à l’ennui. La guerre a donné le coup de grâce à cet esthétisme énervant qu’on appel
11 ore et nuancée jusqu’à l’ennui. La guerre a donné le coup de grâce à cet esthétisme énervant qu’on appelle symbolisme ; et
12 appelle symbolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine de M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et casq
13 t, qui en est sortie toute formée et casquée pour la lutte de l’après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme-t-il, se disput
14 t sortie toute formée et casquée pour la lutte de l’ après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme-t-il, se disputent le monde
15 . ⁂ Deux philosophies, affirme-t-il, se disputent le monde. L’une vient de l’Orient, et insinue dans le monde romain les v
16 firme-t-il, se disputent le monde. L’une vient de l’ Orient, et insinue dans le monde romain les virus du christianisme, de
17 e monde. L’une vient de l’Orient, et insinue dans le monde romain les virus du christianisme, de la Réforme, de la Révolut
18 ient de l’Orient, et insinue dans le monde romain les virus du christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romanti
19 ns le monde romain les virus du christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté e
20 ain les virus du christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l
21 de la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L
22 omantisme, les concepts de liberté et de progrès, l’ humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philosophie est celle de l’anti
23 ncepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philosophie est celle de l’antique Rome, qui a i
24 le bolchévisme. L’autre philosophie est celle de l’ antique Rome, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissance, le tradit
25 sophie est celle de l’antique Rome, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissance, le traditionnisme et le nationalisme. L
26 de l’antique Rome, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissance, le traditionnisme et le nationalisme. L’Orient efféminé 
27 e, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissance, le traditionnisme et le nationalisme. L’Orient efféminé ; — en face : l’
28 atholicisme, la Renaissance, le traditionnisme et le nationalisme. L’Orient efféminé ; — en face : l’Ordre romain. Or l’or
29 enaissance, le traditionnisme et le nationalisme. L’ Orient efféminé ; — en face : l’Ordre romain. Or l’ordre, pour M. de M
30 le nationalisme. L’Orient efféminé ; — en face : l’ Ordre romain. Or l’ordre, pour M. de Montherlant comme pour Maurras, e
31 ’Orient efféminé ; — en face : l’Ordre romain. Or l’ ordre, pour M. de Montherlant comme pour Maurras, est ce qu’il importe
32 u monde, qui n’est en rien différente de celle de l’ Action française ; remarquons toutefois cette séparation, que Maurras
33 franchement, du catholicisme et du christianisme, le christianisme étant dans le même camp que la Réforme. M. de Montherla
34 et du christianisme, le christianisme étant dans le même camp que la Réforme. M. de Montherlant n’est décidément pas phil
35 sme, le christianisme étant dans le même camp que la Réforme. M. de Montherlant n’est décidément pas philosophe. Peut-être
36 s philosophe. Peut-être ne lui a-t-il manqué pour le devenir que le temps de méditer : il a quitté le collège jésuite pour
37 eut-être ne lui a-t-il manqué pour le devenir que le temps de méditer : il a quitté le collège jésuite pour la tranchée, p
38 le devenir que le temps de méditer : il a quitté le collège jésuite pour la tranchée, puis « le sport l’a saisi aux patte
39 de méditer : il a quitté le collège jésuite pour la tranchée, puis « le sport l’a saisi aux pattes de la guerre encore co
40 uitté le collège jésuite pour la tranchée, puis «  le sport l’a saisi aux pattes de la guerre encore contus de huit coups d
41 collège jésuite pour la tranchée, puis « le sport l’ a saisi aux pattes de la guerre encore contus de huit coups de griffes
42 tranchée, puis « le sport l’a saisi aux pattes de la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte
43 ncore contus de huit coups de griffes et chaud de l’ étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressaisi
44 l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’une façon obs
45 illeux ». Il n’a pas eu le temps de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’une façon obsédante, le rythme de la gu
46 port prolongeant pour lui, d’une façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité le choc fatal pour t
47 ant pour lui, d’une façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité le choc fatal pour tant d’autres
48 rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité le choc fatal pour tant d’autres du guerrier et du bourgeois. Dernièreme
49 rrier et du bourgeois. Dernièrement, il abandonna le stade et rentra dans le monde où nous vivons tous. Écœuré du désordre
50 ernièrement, il abandonna le stade et rentra dans le monde où nous vivons tous. Écœuré du désordre général, il cherche des
51 s, et nous tend les premiers qui lui tombent sous la main : le sport et la morale romaine. Dans sa hâte salvatrice, M. de
52 tend les premiers qui lui tombent sous la main : le sport et la morale romaine. Dans sa hâte salvatrice, M. de Montherlan
53 emiers qui lui tombent sous la main : le sport et la morale romaine. Dans sa hâte salvatrice, M. de Montherlant ne s’est m
54 ontrepoisons pouvaient être administrés ensemble. L’ opération faite, il a pourtant fallu la justifier, ce qui n’a pas été
55 ensemble. L’opération faite, il a pourtant fallu la justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe de l
56 n peu intimidantes. Toute une partie du Paradis à l’ ombre des épées 1, son dernier livre, est consacrée à « fondre dans un
57 consacrée à « fondre dans une unité supérieure » l’ antinomie de l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait
58 fondre dans une unité supérieure » l’antinomie de l’ esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité comme
59 rieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de l’ esprit sportif. « On se fait son unité comme on peut », avoue-t-il fra
60 radoxal de vouloir unir dans une même philosophie la morale jésuite, faite de règles et de contraintes imposées dans le bu
61 , faite de règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initiative individuelles, et la mo
62 e contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initiative individuelles, et la morale des sports anglai
63 imposées dans le but de restreindre la liberté et l’ initiative individuelles, et la morale des sports anglais, morale qui
64 ndre la liberté et l’initiative individuelles, et la morale des sports anglais, morale qui veut former des hommes maîtres
65 ment un des premiers Français qui ait compris que le but du sport n’est pas la performance, mais le style et la méthode, c
66 ais qui ait compris que le but du sport n’est pas la performance, mais le style et la méthode, c’est-à-dire la formation d
67 ue le but du sport n’est pas la performance, mais le style et la méthode, c’est-à-dire la formation du caractère, en défin
68 sport n’est pas la performance, mais le style et la méthode, c’est-à-dire la formation du caractère, en définitive. Mais
69 rmance, mais le style et la méthode, c’est-à-dire la formation du caractère, en définitive. Mais on peut oublier la partie
70 du caractère, en définitive. Mais on peut oublier la partie doctrinaire de cette œuvre, elle ne lui est pas indispensable 
71 « Ces simplifications valent ce que valent toutes les simplifications, qu’on les appelle ou non idées générales, et j’avoue
72 t ce que valent toutes les simplifications, qu’on les appelle ou non idées générales, et j’avoue bien volontiers qu’il n’es
73 e bien volontiers qu’il n’est pas une opinion sur le monde à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique
74 une opinion sur le monde à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique de M. de Montherlant son admirabl
75 à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique de M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du sta
76 et calme » des « grands corps athlétiques ». Sur le stade au soleil se déploient les équipes, et l’équipier Montherlant l
77 thlétiques ». Sur le stade au soleil se déploient les équipes, et l’équipier Montherlant les contemple, ému de « cette ivre
78 r le stade au soleil se déploient les équipes, et l’ équipier Montherlant les contemple, ému de « cette ivresse qui naît de
79 déploient les équipes, et l’équipier Montherlant les contemple, ému de « cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi par
80 les contemple, ému de « cette ivresse qui naît de l’ ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’entre
81 resse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix so
82 ussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’ entre-deux-guerres, … cinq sur dix sont désignés… ». Voici passer un c
83 Voici passer un coureur : « À peine a-t-il touché la piste d’herbe, c’est une allégresse héroïque qu’infuse à son corps la
84 est une allégresse héroïque qu’infuse à son corps la douce matière. L’air et le sol, dieux rivaux, se le disputent, et il
85 héroïque qu’infuse à son corps la douce matière. L’ air et le sol, dieux rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un
86 qu’infuse à son corps la douce matière. L’air et le sol, dieux rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un et l’aut
87 douce matière. L’air et le sol, dieux rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un et l’autre. Ainsi mon art, entre
88 lée, bondissante et posée, est pleine du désir de l’ air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends pas ? » — Mais plus q
89 musique que je n’entends pas ? » — Mais plus que le corps en mouvement, c’est la domination de la raison sur ce corps qui
90  ? » — Mais plus que le corps en mouvement, c’est la domination de la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cett
91 que le corps en mouvement, c’est la domination de la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cette domination qui
92 est exaltante, et c’est cette domination qui est le but véritable du sport. On accepte une règle ; on l’assimile, à tel p
93 but véritable du sport. On accepte une règle ; on l’ assimile, à tel point qu’elle n’est plus une entrave à la violence ani
94 ile, à tel point qu’elle n’est plus une entrave à la violence animale déchaînée dans le corps du joueur à la vue de la pra
95 une entrave à la violence animale déchaînée dans le corps du joueur à la vue de la prairie rase où rebondit un ballon. Si
96 ale déchaînée dans le corps du joueur à la vue de la prairie rase où rebondit un ballon. Si l’on considère la vie sociale
97 vue de la prairie rase où rebondit un ballon. Si l’ on considère la vie sociale comme un jeu sérieux dont on respecte les
98 rie rase où rebondit un ballon. Si l’on considère la vie sociale comme un jeu sérieux dont on respecte les règles, non plu
99 vie sociale comme un jeu sérieux dont on respecte les règles, non plus comme une lutte sauvage et déloyale, la morale d’équ
100 es, non plus comme une lutte sauvage et déloyale, la morale d’équipe devient toute la morale, et les qualités indispensabl
101 age et déloyale, la morale d’équipe devient toute la morale, et les qualités indispensables au bon équipier deviennent les
102 e, la morale d’équipe devient toute la morale, et les qualités indispensables au bon équipier deviennent les qualités du pa
103 ualités indispensables au bon équipier deviennent les qualités du parfait citoyen : juste vision de la réalité, abnégation,
104 les qualités du parfait citoyen : juste vision de la réalité, abnégation, sentiment du devoir de chacun envers l’ensemble
105 abnégation, sentiment du devoir de chacun envers l’ ensemble (Montherlant insiste plutôt sur le sentiment des hiérarchies
106 envers l’ensemble (Montherlant insiste plutôt sur le sentiment des hiérarchies que sur celui de la solidarité, comme bien
107 sur le sentiment des hiérarchies que sur celui de la solidarité, comme bien l’on pense). Enfin, enseignement plus général
108 rchies que sur celui de la solidarité, comme bien l’ on pense). Enfin, enseignement plus général de la morale sportive : « 
109 l’on pense). Enfin, enseignement plus général de la morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, appli
110 seignement plus général de la morale sportive : «  la règle de rester en dedans de son action, application de l’immense axi
111 de rester en dedans de son action, application de l’ immense axiome formulé par Hésiode et qui gouverna le monde ancien : L
112 mmense axiome formulé par Hésiode et qui gouverna le monde ancien : La moitié est plus grande que le tout ». Le sport comm
113 ulé par Hésiode et qui gouverna le monde ancien : La moitié est plus grande que le tout ». Le sport comme un apprentissage
114 a le monde ancien : La moitié est plus grande que le tout ». Le sport comme un apprentissage de la vie : tout servira plus
115 ancien : La moitié est plus grande que le tout ». Le sport comme un apprentissage de la vie : tout servira plus tard : Ô
116 que le tout ». Le sport comme un apprentissage de la vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a un brin du myrte ci
117 de laurier. Vous n’êtes pas couronnés d’olivier. La main connaît la main dans la prise du témoin. L’épaule connaît l’épau
118 s n’êtes pas couronnés d’olivier. La main connaît la main dans la prise du témoin. L’épaule connaît l’épaule dans le talon
119 couronnés d’olivier. La main connaît la main dans la prise du témoin. L’épaule connaît l’épaule dans le talonnage du ballo
120 La main connaît la main dans la prise du témoin. L’ épaule connaît l’épaule dans le talonnage du ballon. Le regard connaît
121 la main dans la prise du témoin. L’épaule connaît l’ épaule dans le talonnage du ballon. Le regard connaît le regard dans l
122 a prise du témoin. L’épaule connaît l’épaule dans le talonnage du ballon. Le regard connaît le regard dans la course d’équ
123 ule connaît l’épaule dans le talonnage du ballon. Le regard connaît le regard dans la course d’équipe. Le cœur connaît la
124 le dans le talonnage du ballon. Le regard connaît le regard dans la course d’équipe. Le cœur connaît la présence muette et
125 nnage du ballon. Le regard connaît le regard dans la course d’équipe. Le cœur connaît la présence muette et sûre. Toutes c
126 regard connaît le regard dans la course d’équipe. Le cœur connaît la présence muette et sûre. Toutes ces choses ne se font
127 e regard dans la course d’équipe. Le cœur connaît la présence muette et sûre. Toutes ces choses ne se font pas en vain. Le
128 t sûre. Toutes ces choses ne se font pas en vain. Le chef se dresse entre les dix qui sont à lui. Il dit : « Je ne demande
129 s ne se font pas en vain. Le chef se dresse entre les dix qui sont à lui. Il dit : « Je ne demande pas qu’on m’aime. Je dem
130 t purs courages, donnez-moi votre silence jusqu’à l’ heure. Que je taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre des épé
131 . Que je taise votre mot de ralliement, paradis à l’ ombre des épées. Rien de moins artificiellement moderne que ce lyrism
132 nt moderne que ce lyrisme sobre et prenant : « Si l’ on s’échauffe, s’échauffer sur de la précision. » On évitera ainsi tou
133 renant : « Si l’on s’échauffe, s’échauffer sur de la précision. » On évitera ainsi tout niais romantisme. Je sais bien ce
134 ais romantisme. Je sais bien ce qu’on objectera : le sport ainsi compris, plus que l’apprentissage de la vie, est l’appren
135 u’on objectera : le sport ainsi compris, plus que l’ apprentissage de la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on.
136 sport ainsi compris, plus que l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlant r
137 compris, plus que l’apprentissage de la vie, est l’ apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlant répondra : no
138 l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlant répondra : non, car la faiblesse
139 dira-t-on. M. de Montherlant répondra : non, car la faiblesse est le péché capital pour le sportif. Or c’est la faiblesse
140 Montherlant répondra : non, car la faiblesse est le péché capital pour le sportif. Or c’est la faiblesse « qui fait lever
141 : non, car la faiblesse est le péché capital pour le sportif. Or c’est la faiblesse « qui fait lever la haine ». « La faib
142 se est le péché capital pour le sportif. Or c’est la faiblesse « qui fait lever la haine ». « La faiblesse est mère du com
143 e sportif. Or c’est la faiblesse « qui fait lever la haine ». « La faiblesse est mère du combat. » C’est donc à un lacédém
144 c’est la faiblesse « qui fait lever la haine ». «  La faiblesse est mère du combat. » C’est donc à un lacédémonisme renouve
145 mpérée de raison. Ce qu’on en peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’elle sert mieux la démocratie que l’Église r
146 c’est la méthode, car je crois qu’elle sert mieux la démocratie que l’Église romaine, quoi qu’en pense M. de Montherlant.
147 car je crois qu’elle sert mieux la démocratie que l’ Église romaine, quoi qu’en pense M. de Montherlant. Et voici, ô parado
148 Kant qui écrit : « C’est sur des maximes, non sur la discipline, qu’il faut fonder la conduite des jeunes gens : celle-ci
149 maximes, non sur la discipline, qu’il faut fonder la conduite des jeunes gens : celle-ci empêche les abus, mais celles-là
150 er la conduite des jeunes gens : celle-ci empêche les abus, mais celles-là forment l’esprit. » M. de Montherlant illustre s
151 celle-ci empêche les abus, mais celles-là forment l’ esprit. » M. de Montherlant illustre sa propre pensée de cette citatio
152 rait appeler une « morale constructive » : porter l’ effort sur ce qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera de soi
153 e qui ne doit pas être tombera de soi-même. Ainsi l’ athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-il pas à combattre certaines fa
154 t pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à l’ entraînement ne s’épuise-t-il pas à combattre certaines faiblesses : i
155 certaines faiblesses : il développe ses qualités, le reste s’arrange de soi-même. ⁂ M. de Montherlant, qui a quitté le sta
156 ge de soi-même. ⁂ M. de Montherlant, qui a quitté le stade, se rendra mieux compte à distance de la contradiction sur laqu
157 té le stade, se rendra mieux compte à distance de la contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera de
158 a contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre. L’ intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou
159 ’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homme,
160 ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement un
161 me de lettres. Un homme en qui s’équilibrent déjà l’ enthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « 
162 brent déjà l’enthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le sp
163 nthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue de l’ âge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le sport et les anc
164 ge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le sport et les anciens. J’admets que ses « idées générales » ne vaillen
165 e « limitation » que lui ont enseigné le sport et les anciens. J’admets que ses « idées générales » ne vaillent rien2 ; sa
166 morale virile nous est néanmoins plus proche que la sensualité vaguement chrétienne de tel autre écrivain catholique. Et
167 e. Et son lyrisme, encore un peu brutal, il saura le dompter, et atteindre au classicisme véritable. Voici un constructeur
168 ut lutter contre lui, nous savons qu’il observera les règles. Saluons-le donc du salut des équipes avant le match : « En l’
169 , nous savons qu’il observera les règles. Saluons- le donc du salut des équipes avant le match : « En l’honneur d’Henry de
170 ègles. Saluons-le donc du salut des équipes avant le match : « En l’honneur d’Henry de Montherlant, hip, hip, hurrah ! »
171 e donc du salut des équipes avant le match : « En l’ honneur d’Henry de Montherlant, hip, hip, hurrah ! » 1. Éditions Gra
172 hip, hurrah ! » 1. Éditions Grasset, Paris. 2. L’ attitude de M. de Montherlant légitime une telle « simplification ».
173 ont Denis de, « [Compte rendu] M. de Montherlant, le sport et les jésuites », La Semaine littéraire, Genève, 9 février 192
174 , « [Compte rendu] M. de Montherlant, le sport et les jésuites », La Semaine littéraire, Genève, 9 février 1924, p. 63-65.
175 u] M. de Montherlant, le sport et les jésuites », La Semaine littéraire, Genève, 9 février 1924, p. 63-65.
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
176 Conférence de Conrad Meili sur «  Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)b Lundi soir, da
177 Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)b Lundi soir, dans la salle du
178 moderne » (30 octobre 1924)b Lundi soir, dans la salle du Lyceum, M. Conrad Meili parla des écoles qui représentent la
179 M. Conrad Meili parla des écoles qui représentent la peinture française, des débuts du xixe siècle à nos jours. Partis du
180 ours. Partis du classicisme de David et d’Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe siècle, une explorati
181 ngres, les peintres français ont accompli, durant le xixe siècle, une exploration merveilleuse dans les domaines du roman
182 e xixe siècle, une exploration merveilleuse dans les domaines du romantisme, du naturalisme, de l’impressionnisme, pour ab
183 ns les domaines du romantisme, du naturalisme, de l’ impressionnisme, pour aboutir enfin dans ces impasses : cubisme et fut
184 r enfin dans ces impasses : cubisme et futurisme. Les voici revenus, après cent-vingt-cinq ans, à peu près à leur point de
185 r technique (contrairement à ce que pense souvent le public), ils préparent l’avènement d’un classicisme nouveau. M. Meili
186 à ce que pense souvent le public), ils préparent l’ avènement d’un classicisme nouveau. M. Meili a mis en évidence cette c
187 uveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de la peinture moderne avec une netteté et un relief remarquable. Les œuvre
188 oderne avec une netteté et un relief remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de
189 ble. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon de peindr
190 ose d’Or témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon de peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaito
191 s qualités : car la façon de peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili. Es
192 endre encore M. Meili. Est-il besoin de souligner l’ importance de telles prises de contact entre artiste et public ? b.
3 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
193 Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)c M. René Guisan, professeur de théologie
194 rofesseur de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, d
195 héologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’ aula, devant un très nombreux public, la série des conférences que nou
196 di soir à l’aula, devant un très nombreux public, la série des conférences que nous promet le groupe neuchâtelois des « Am
197 public, la série des conférences que nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis de la pensée protestante ». M. Guisan
198 nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis de la pensée protestante ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet de f
199 et qui permet de façon particulièrement frappante la comparaison des points de vue catholique et protestant : la notion de
200 ison des points de vue catholique et protestant : la notion de « Saint » et son évolution au cours des siècles. Primitivem
201 on évolution au cours des siècles. Primitivement, le Saint est un homme que Dieu a mis à part par grâce pour qu’il serve.
202 r grâce pour qu’il serve. Mais très vite on étend l’ appellation de saint à ceux qui par leur élévation morale ou leurs sou
203 ation morale ou leurs souffrances semblent s’être le plus rapprochés du Christ ; et dans l’Église persécutée, le martyre d
204 ent s’être le plus rapprochés du Christ ; et dans l’ Église persécutée, le martyre devient le signe par excellence de la sa
205 pprochés du Christ ; et dans l’Église persécutée, le martyre devient le signe par excellence de la sainteté. Le peuple, en
206 ; et dans l’Église persécutée, le martyre devient le signe par excellence de la sainteté. Le peuple, encore païen, voit da
207 ée, le martyre devient le signe par excellence de la sainteté. Le peuple, encore païen, voit dans la vénération des pèleri
208 e devient le signe par excellence de la sainteté. Le peuple, encore païen, voit dans la vénération des pèlerins pour les t
209 e la sainteté. Le peuple, encore païen, voit dans la vénération des pèlerins pour les tombes de leurs saints une forme d’a
210 païen, voit dans la vénération des pèlerins pour les tombes de leurs saints une forme d’adoration de dieux protecteurs. Ce
211 tecteurs. Cette croyance se répand, favorisée par la souplesse dont fait preuve l’Église d’alors quand il s’agit d’adapter
212 pand, favorisée par la souplesse dont fait preuve l’ Église d’alors quand il s’agit d’adapter des traditions antiques au do
213 ions antiques au dogme en formation. Au Moyen Âge l’ évolution se continue dans le même sens. On spécialise les « compétenc
214 mation. Au Moyen Âge l’évolution se continue dans le même sens. On spécialise les « compétences » des saints, ou de leurs
215 tion se continue dans le même sens. On spécialise les « compétences » des saints, ou de leurs reliques qui se multiplient p
216 qui se multiplient prodigieusement. Alors éclate la protestation de la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leu
217 prodigieusement. Alors éclate la protestation de la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leur vie : mais Christ
218 rs éclate la protestation de la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leur vie : mais Christ est le seul médiateur
219 testation de la Réforme. Honorons les saints pour l’ exemple de leur vie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’a
220 ints pour l’exemple de leur vie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’adresser le culte, en son cœur, du croyan
221 hrist est le seul médiateur à qui doit s’adresser le culte, en son cœur, du croyant. Le centre de gravité religieux est re
222 oit s’adresser le culte, en son cœur, du croyant. Le centre de gravité religieux est replacé en Christ. — Comment l’Église
223 ravité religieux est replacé en Christ. — Comment l’ Église catholique réagit-elle ? En codifiant l’état de choses antérieu
224 nt l’Église catholique réagit-elle ? En codifiant l’ état de choses antérieur. Donc l’Église continue à faire des saints, t
225 e ? En codifiant l’état de choses antérieur. Donc l’ Église continue à faire des saints, tandis que ce terme n’a plus qu’un
226 tif pour nous protestants. Est-ce là nous juger ? Les catholiques nous reprochent d’avoir méconnu l’élément de grandeur mor
227 ? Les catholiques nous reprochent d’avoir méconnu l’ élément de grandeur morale que les saints maintiennent dans l’Église.
228 d’avoir méconnu l’élément de grandeur morale que les saints maintiennent dans l’Église. M. Guisan va très loin dans ses co
229 grandeur morale que les saints maintiennent dans l’ Église. M. Guisan va très loin dans ses concessions à de telles critiq
230 avec d’autant plus de force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle d
231 rce que « en situant tout le devoir chrétien dans l’ accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle de la vocation, le protes
232 l’accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle de la vocation, le protestantisme affirme qu’il existe divers ordres de sai
233 ment scrupuleux, joyeux et fidèle de la vocation, le protestantisme affirme qu’il existe divers ordres de sainteté ». Cett
234 de saints protestants, il existe des saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de Dieu. La saint
235 sme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes de la ve
236 . La sainteté parfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint vé
237 ite ne commence qu’aux limites les plus hautes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y a
238 pas de saints, mais il faut être parfait. Tel est l’ enseignement de Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le pro
239 rfait. Tel est l’enseignement de Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le protestantisme. La place nous manque p
240 e Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le protestantisme. La place nous manque pour louer comme il conviendrait
241 la pensée qu’a voulu restaurer le protestantisme. La place nous manque pour louer comme il conviendrait la clarté d’un exp
242 lace nous manque pour louer comme il conviendrait la clarté d’un exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien e
243 it la clarté d’un exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer
244 et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse avec autant de compréhension et de sympathie que
245 rillant appareil dialectique ne sait produire que l’ illusion. C’est la revanche du fameux scrupule protestant, qui ne peut
246 ialectique ne sait produire que l’illusion. C’est la revanche du fameux scrupule protestant, qui ne peut être un danger lo
247 ut être un danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’un esprit animé par une foi agissante. c. Rougemont Deni
4 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
248 il 1926)d e Pour la première fois cette année, les conférences de l’Association chrétienne d’étudiants eurent lieu au pr
249 la première fois cette année, les conférences de l’ Association chrétienne d’étudiants eurent lieu au printemps, et non pl
250 ne. Un plein succès a répondu à cette innovation. Le sujet de la première partie des conférences, les Objections des intel
251 . Le sujet de la première partie des conférences, les Objections des intellectuels au Dieu chrétien, fut introduit par M. R
252 istingué, qui se fit avec beaucoup d’intelligence l’ avocat du diable, en montrant que tous les faits religieux admettent à
253 lligence l’avocat du diable, en montrant que tous les faits religieux admettent à côté de l’explication mystique une explic
254 que tous les faits religieux admettent à côté de l’ explication mystique une explication scientifique. C’est donc à la seu
255 stique une explication scientifique. C’est donc à la seule volonté de choisir. M. le pasteur Bertrand de Lyon, répondit en
256 que. C’est donc à la seule volonté de choisir. M. le pasteur Bertrand de Lyon, répondit en exposant les exigences de l’Éva
257 le pasteur Bertrand de Lyon, répondit en exposant les exigences de l’Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressi
258 nd de Lyon, répondit en exposant les exigences de l’ Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vigueu
259 n exposant les exigences de l’Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vigueur dialectique et de la
260 que et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompre les discussions philosophiques provoquées
261 soirée consacrée à la fédération vint interrompre les discussions philosophiques provoquées par ces deux travaux. Avec la c
262 losophiques provoquées par ces deux travaux. Avec la conférence de M. Jean Cadier, un jeune pasteur français, on descendit
263 ier, un jeune pasteur français, on descendit — ou l’ on monta suivant M. A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui d
264 — ou l’on monta suivant M. A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de la
265 Léo — du domaine de la pensée pure dans celui de l’ action. M. Cadier montra le conflit de la théologie moderne avec l’act
266 sée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de la théologie moderne avec l’action religieuse en s’appuyan
267 celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de la théologie moderne avec l’action religieuse en s’appuyant sur des expé
268 er montra le conflit de la théologie moderne avec l’ action religieuse en s’appuyant sur des expériences faites pendant le
269 en s’appuyant sur des expériences faites pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Po
270 t sur des expériences faites pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplacer
271 réveil de la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplacer un travail promis par M. A. Reymond malhe
272 é, M. Pierre Maury fit une causerie émouvante sur l’ Évolution religieuse de Jacques Rivière, qui se trouva préciser bien d
273 nts laissés en suspens dans la première partie de la conférence. Puis M. A. Brémond, étudiant en théologie, présenta deux
274 riers de Paris, Clerville et Janson, dont il a eu l’ occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un
275 le et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarie
276 s conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre de la Mentalité prolétarienne. Brémond
277 rent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre de la Mentalité prolétarienne. Brémond conclut en montrant la nécessité et
278 talité prolétarienne. Brémond conclut en montrant la nécessité et les difficultés d’une action missionnaire dans ces milie
279 enne. Brémond conclut en montrant la nécessité et les difficultés d’une action missionnaire dans ces milieux, comme M. Terr
280 missionnaire dans ces milieux, comme M. Terrisse l’ avait fait le soir avant pour les milieux d’ouvriers noirs au Cap. San
281 dans ces milieux, comme M. Terrisse l’avait fait le soir avant pour les milieux d’ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à d
282 comme M. Terrisse l’avait fait le soir avant pour les milieux d’ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de part
283 cher leurs auditeurs de leur lit de préjugés pour les placer véritablement en face de la « réalité prolétarienne ». « Cercl
284 préjugés pour les placer véritablement en face de la « réalité prolétarienne ». « Cercles vicieux que nos syndicats. Cercl
285 ercles vicieux que nos syndicats. Cercle vicieux, l’ augmentation des salaires. Ce que nous voulons, c’est élever l’homme a
286 n des salaires. Ce que nous voulons, c’est élever l’ homme au-dessus de la plus dégradante condition, et nous n’y arriveron
287 e nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus de la plus dégradante condition, et nous n’y arriverons que par un travail
288 , cela peut paraître excessif à qui n’a pas connu l’ atmosphère particulière à ces rencontres. Rien de plus aéré, au moral
289 l pense sans se préoccuper d’être bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis on va se dégourdir sur
290 per d’être bien pensant et les Romands recouvrent l’ usage de la parole, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien l’on
291 bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien l’on poursuit h
292 le, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien l’ on poursuit hors du village une discussion toujours trop courte. Et le
293 u village une discussion toujours trop courte. Et les repas réunissent tout le monde dans la gaieté la plus charmante. On y
294 ourte. Et les repas réunissent tout le monde dans la gaieté la plus charmante. On y vit un ouvrier en maillot rouge assis
295 les repas réunissent tout le monde dans la gaieté la plus charmante. On y vit un ouvrier en maillot rouge assis entre un b
296 rançais. Miracle qui nous fit croire un instant à la fameuse devise de la Révolution. d. Rougemont Denis de, « Conféren
297 nous fit croire un instant à la fameuse devise de la Révolution. d. Rougemont Denis de, « Conférences d’Aubonne », Suis
5 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
298 L’ atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)f Cette conférence
299 qu’on peut bien dire du diable et se termina sous le plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’y voir un symbole.
300 veut d’y voir un symbole. On ne saurait exagérer l’ importance des conditions météorologiques du succès d’une telle rencon
301 e rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que la bise tombée permît à « l’atmosphère » de s’établir. Alors le miracle
302 oidement jusqu’à ce que la bise tombée permît à «  l’ atmosphère » de s’établir. Alors le miracle apparut, grandit. Le mirac
303 bée permît à « l’atmosphère » de s’établir. Alors le miracle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esprit d’Aubonne. C’est
304 de s’établir. Alors le miracle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esprit d’Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’il y a
305 rs le miracle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’ esprit d’Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’il y a de plus protestan
306 e se produire ailleurs qu’en terre romande. C’est l’ esprit de liberté, tout simplement. Mais précisons : c’est bien plus q
307 simplement. Mais précisons : c’est bien plus que la liberté de défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer au
308 lle et de s’affirmer aux dépens d’autrui, — c’est la liberté dans la recherche. Chose plus rare qu’on ne pense, à Aubonne
309 rmer aux dépens d’autrui, — c’est la liberté dans la recherche. Chose plus rare qu’on ne pense, à Aubonne on se sent prêt
310 ient moins à convaincre qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson, de Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâ
311 Mais ce qui est peut-être plus important, on eut l’ impression, durant les discussions entre de Saussure et Bertrand, que
312 -être plus important, on eut l’impression, durant les discussions entre de Saussure et Bertrand, que les orateurs exprimaie
313 es discussions entre de Saussure et Bertrand, que les orateurs exprimaient tour à tour les objections que chacun se faisait
314 ertrand, que les orateurs exprimaient tour à tour les objections que chacun se faisait à part soi, qu’ils incarnaient les v
315 chacun se faisait à part soi, qu’ils incarnaient les voix contradictoires d’un débat que tous menaient en eux-mêmes loyale
316 chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de Maury sur Jacques
317 à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à l’ émotion qui accueillit l’étude de Maury sur Jacques Rivière : combien
318 nt, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’ étude de Maury sur Jacques Rivière : combien reconnurent dans le tourm
319 ry sur Jacques Rivière : combien reconnurent dans le tourment de cette âme leur propre recherche, — et dans ses lumineuses
320 recherche, — et dans ses lumineuses conquêtes sur le doute, le modèle des réponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère
321 — et dans ses lumineuses conquêtes sur le doute, le modèle des réponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère de la cha
322 le modèle des réponses désirées. Tout cela, c’est l’ atmosphère de la chapelle où ont lieu travaux et méditations. Dehors,
323 ponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère de la chapelle où ont lieu travaux et méditations. Dehors, on honore la lib
324 nt lieu travaux et méditations. Dehors, on honore la liberté d’un culte moins platonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit
325 ’est-ce pas Léo qui prétendit qu’on ne peut juger les Associations qu’à leur façon de jouer le volley-ball ? Le Casino offr
326 t juger les Associations qu’à leur façon de jouer le volley-ball ? Le Casino offrit pendant quelques nuits la vision étran
327 iations qu’à leur façon de jouer le volley-ball ? Le Casino offrit pendant quelques nuits la vision étrange d’une salle où
328 ey-ball ? Le Casino offrit pendant quelques nuits la vision étrange d’une salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur
329 t quelques nuits la vision étrange d’une salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur des paillasses attendraient en vai
330 n pyjamas sur des paillasses attendraient en vain le lever d’un rideau sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l
331 sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l’ on vit apparaître un fakir… Il y eut aussi une assemblée délibérative
332 eut pas trop de toute sa souplesse pour maintenir l’ équilibre des discussions et de sa propre personne. Et il y eut encore
333 encore un dîner très démocratique pendant lequel le philosophe Abauzit chanta « les Crapauds » avec âme, appuyé d’une mai
334 que pendant lequel le philosophe Abauzit chanta «  les Crapauds » avec âme, appuyé d’une main sur l’épaule de Janson, et de
335 « les Crapauds » avec âme, appuyé d’une main sur l’ épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases music
336 l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’ air des phrases musicales. Après quoi Richardot, entrant par la fenêtr
337 ases musicales. Après quoi Richardot, entrant par la fenêtre, vint annoncer qu’on était libre — comme si on l’avait attend
338 re, vint annoncer qu’on était libre — comme si on l’ avait attendu pour le manifester ! — et qu’il suffisait de souscrire à
339 on était libre — comme si on l’avait attendu pour le manifester ! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la co
340 manifester ! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit da
341  et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit dans ces quelques
342 2.50, nom et adresse. f. Rougemont Denis de, «  L’ atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l
343 e : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’ Association chrétienne suisse d’étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 44-4
6 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
344 mprenons que nos œuvres, si elles furent faites à l’ image de notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est peut-
345 si elles furent faites à l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est peut-être pourquoi nous accord
346 l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est peut-être pourquoi nous accordons voix dans le débat d’
347 c’est peut-être pourquoi nous accordons voix dans le débat d’écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux
348 accordons voix dans le débat d’écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux calculs les plus rusés. Nous ch
349 les plus secrètes de notre être comme aux calculs les plus rusés. Nous choisissons les idées comme on choisit un amour dont
350 omme aux calculs les plus rusés. Nous choisissons les idées comme on choisit un amour dont on est anxieux de prévoir l’infl
351 n choisit un amour dont on est anxieux de prévoir l’ influence, avant de s’y jeter, et dont on craint de ressortir trop dif
352 e réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’ objet. Peur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’
353 e comprenons pas toujours l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible d
354 ns pas toujours l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des choses.
355 dre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’ empreinte imprévisible des choses. Amour de soi… Mais moi, qui suis-je
356 is moi, qui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame de toute vie. Ha ! Qui je suis ? Mais je le sens très bien ! je
357 le drame de toute vie. Ha ! Qui je suis ? Mais je le sens très bien ! je sens très bien cette force — ici, je tape du pied
358 r. Vous me direz qui je suis, mes amis ; quel est le vrai ? — Ils me proposent vingt visages que je puis à peine reconnaît
359 gt visages que je puis à peine reconnaître. Reste le monde, — les choses, les faits, la vie, comme ils disent. Je me suis
360 ue je puis à peine reconnaître. Reste le monde, —  les choses, les faits, la vie, comme ils disent. Je me suis abandonné au
361 peine reconnaître. Reste le monde, — les choses, les faits, la vie, comme ils disent. Je me suis abandonné au jeu du hasar
362 nnaître. Reste le monde, — les choses, les faits, la vie, comme ils disent. Je me suis abandonné au jeu du hasard, jusqu’a
363 suis abandonné au jeu du hasard, jusqu’au jour où l’ on me fit comprendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’une
364 au jour où l’on me fit comprendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne me resta
365 supportables, si cruellement présentes et dures ? La cause de cette inadaptation, je la soupçonnais si grave, si fondament
366 tes et dures ? La cause de cette inadaptation, je la soupçonnais si grave, si fondamentale que je préférais me leurrer à c
367 e des imperfections de détail dont je m’exagérais l’ importance. Et c’est ainsi par feintes que je progressais, jusqu’au jo
368 mmer peur de rire. Cette amertume au fond de tous les plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui, cette inc
369 à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul liait les personnages auxquels je me prêtais. Mais en même temps que je le déco
370 auxquels je me prêtais. Mais en même temps que je le découvrais, dans tout mon être une force aveugle de violence s’était
371 nce s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où je connus quelle confiance sourde aux contradictions intime
372 our de cette brutalité s’organisaient brusquement les éléments désaccordés de ce moi que j’avais tant choyé. « Maintenant,
373 e — c’était un des premiers jours du printemps —, l’ heure est venue de la violence. Jeunes tempêtes, lavez, bousculez ! La
374 emiers jours du printemps —, l’heure est venue de la violence. Jeunes tempêtes, lavez, bousculez ! La parole est aux insti
375 la violence. Jeunes tempêtes, lavez, bousculez ! La parole est aux instincts combatifs et dominateurs par quoi l’homme ne
376 t aux instincts combatifs et dominateurs par quoi l’ homme ne se distingue plus de l’animal. Louée soit ma force et tout ce
377 inateurs par quoi l’homme ne se distingue plus de l’ animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui la
378 s de l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’ exalte, et tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi de trop gra
379 ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi de trop grand pour ma vie — toute ma
380 ’allais plier des résistances à mon gré, agir sur les choses… Vers le soir, l’ardeur tombe : agir ? dans quel sens ? Provis
381 résistances à mon gré, agir sur les choses… Vers le soir, l’ardeur tombe : agir ? dans quel sens ? Provisoirement j’étais
382 ces à mon gré, agir sur les choses… Vers le soir, l’ ardeur tombe : agir ? dans quel sens ? Provisoirement j’étais sauvé d’
383 s ? Provisoirement j’étais sauvé d’un désordre où l’ on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas se défaire. Mais
384 t j’étais sauvé d’un désordre où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas se défaire. Mais rien n’était réso
385 sauvé d’un désordre où l’on glisse vers la mort. L’ important, c’est de ne pas se défaire. Mais rien n’était résolu. Me vo
386 nt je sais qu’il est absolument vain de prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d’avoir résolus : c’est ce qui s’a
387 c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche qui n’a qu
388 riant, je m’arrête parfois, heureux : « J’ai donc la foi ? » Mais c’est encore une question… Je crois qu’il ne faut pas at
389 dans sa prière, qu’une révélation vienne chercher l’ âme qui se sent misérable. Je ne recevrai pas une foi, mais peut-être
390 cevrai pas une foi, mais peut-être arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il est une révélation, c’est en me renda
391 ais peut-être arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il est une révélation, c’est en me rendant plus parfait que j
392 en me rendant plus parfait que je lui préparerai les voies. Agir ? Sur moi d’abord. Il ne faut plus que je respecte tout e
393 nir. Se perfectionner : cela consiste à retrouver l’ instinct le plus profond de l’homme, la vertu conservatrice qui ne peu
394 fectionner : cela consiste à retrouver l’instinct le plus profond de l’homme, la vertu conservatrice qui ne peut dicter qu
395 onsiste à retrouver l’instinct le plus profond de l’ homme, la vertu conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les pl
396 retrouver l’instinct le plus profond de l’homme, la vertu conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les plus favora
397 me, la vertu conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les plus favorables. J’ai d’autres instincts et je n’entends p
398 u conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les plus favorables. J’ai d’autres instincts et je n’entends pas tous les
399 J’ai d’autres instincts et je n’entends pas tous les cultiver pour cela seul qu’ils sont naturels : la nature est un champ
400 es cultiver pour cela seul qu’ils sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers la destruction et ve
401 nature est un champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la construction ; c’est un mélange à doses égales
402 luttes, de tendances vers la destruction et vers la construction ; c’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et
403 ange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’ intelligence de faire primer la vie, puisque n’est pas encore parfait
404 de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est pas encore parfait cet instinct qui est la Vertu.
405 que n’est pas encore parfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le
406 est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin.
407 in. D’abord donc, choisir Mes instincts, ensuite, les éduquer, selon des lois établies par le concours de l’expérience et d
408 ensuite, les éduquer, selon des lois établies par le concours de l’expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se c
409 uquer, selon des lois établies par le concours de l’ expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le pla
410 d’un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes limites. Je m’attache particulièremen
411 de convenance en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouver
412 ttache particulièrement à retrouver ces limites : la vie moderne, mécanique, nous les fait oublier, d’où cette fatigue gén
413 ver ces limites : la vie moderne, mécanique, nous les fait oublier, d’où cette fatigue générale qui fausse tout, et qui s’o
414 usse tout, et qui s’oppose au perfectionnement de l’ esprit, puisqu’elle ne permet que des associations suivant les directi
415 uisqu’elle ne permet que des associations suivant les directions de moindre résistance. Mais je ne m’emprisonnerai pas dans
416 isonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est de les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce len
417 une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La sincérité m’apparaît parfois comme un arrêt artificiel dans ma vie, u
418 re dangereuse. (On donne corps à une faiblesse en la nommant ; or je ne veux plus de faiblesses4.) Et demain peut-être, ag
419 s de faiblesses4.) Et demain peut-être, agir dans le monde, si je m’en suis d’abord rendu digne. L’époque nous veut, comme
420 ns le monde, si je m’en suis d’abord rendu digne. L’ époque nous veut, comme elle veut une conscience. Je fais partie d’un
421 ence. Je fais partie d’un ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’employer à sa sauvegarde ou à
422 ormation. Mais il y faut une doctrine, me dit-on. L’ avouerai-je, quand je médite sur une doctrine possible, sur une systém
423 sation de mes petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vi
424 alaise sans cesse renaissant, comment m’adapter à l’ existence que m’imposent mon corps et les lois du monde, et comment au
425 adapter à l’existence que m’imposent mon corps et les lois du monde, et comment augmenter ma puissance de jouir, en même te
426 agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je le comprends par éclairs, mais une secrète espérance m’emporte de nouvea
427 orte de nouveau, premier gage du divin… Reprendre l’ offensive — au soir, je m’amuserai à mettre des étiquettes sur mes act
428 un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme un écho profond, une attirance aussi d’anciennes f
429 ie, dégoût, lueurs éteintes dans une nuit froide. Les notes d’un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes dé
430 otes d’un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l
431 s. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l’ emportent d’un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écou
432  ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ; je pense au monde. Chant des horizons, images qui s’éclairent…
433 er son plaisir ? Je reste candidat au salut. 4. La sincérité absolue, « scientifique » me paraît aller contre fin. Une a
434 e et soutenue modifie son objet vivant. Pour moi, la sincérité ne peut être que spontanée. Et spontanément je suis porté à
435 périences ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il
436 core se persuader de la vérité d’un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile. C’est pourquoi je
437 l est utile. C’est pourquoi je ne puis comprendre les excommunications et les intransigeances. Toutes les aspirations me pa
438 uoi je ne puis comprendre les excommunications et les intransigeances. Toutes les aspirations me paraissent légitimes chez
439 s excommunications et les intransigeances. Toutes les aspirations me paraissent légitimes chez d’autres, même celles que je
440 Rougemont Denis de, « Confession tendancieuse », Les Cahiers du mois, Paris, juin 1926, p. 144-148.
7 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
441 Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)h Je ferme l
442 nry de Montherlant (10 juillet 1926)h Je ferme les Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe de violence et de vo
443 ffées par des forces qui se lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’on l’éprouve d’abord trop vivement pour le juge
444 lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’on l’ éprouve d’abord trop vivement pour le juger. L’auteur l’appelle un « p
445 livre, qu’on l’éprouve d’abord trop vivement pour le juger. L’auteur l’appelle un « poème solaire », l’éditeur un roman, p
446 on l’éprouve d’abord trop vivement pour le juger. L’ auteur l’appelle un « poème solaire », l’éditeur un roman, parce que ç
447 uve d’abord trop vivement pour le juger. L’auteur l’ appelle un « poème solaire », l’éditeur un roman, parce que ça se vend
448 e juger. L’auteur l’appelle un « poème solaire », l’ éditeur un roman, parce que ça se vend mieux. Ce récit des premiers co
449 e, sans cette orchestration de thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme, d’une unité plus pure
450 ne ligne plus ferme, d’une unité plus pure aussi. Le sujet était périlleux : si particulier, il prêtait à des abus de pitt
451 n’a pas toujours échappé, mais qu’il domine dans l’ ensemble et entraîne dans l’allure puissante à la fois et désinvolte d
452 ais qu’il domine dans l’ensemble et entraîne dans l’ allure puissante à la fois et désinvolte de son récit. On a souvent pa
453 emiers ouvrages de Montherlant. Cette fois-ci, on le traite de naturaliste. Mais comment montrer des taureaux sans que cel
454 t montrer des taureaux sans que cela sente un peu l’ étable ? L’étonnant, c’est de voir à quel point Montherlant reste poèt
455 es taureaux sans que cela sente un peu l’étable ? L’ étonnant, c’est de voir à quel point Montherlant reste poète jusque da
456 à quel point Montherlant reste poète jusque dans la description la plus réaliste de la vie animale. Et n’est-ce pas juste
457 ontherlant reste poète jusque dans la description la plus réaliste de la vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’i
458 te jusque dans la description la plus réaliste de la vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’il pe
459 out rôdent des présences animales. Tandis que sur la plaine s’élève le long beuglement des taureaux et le ohéohéohé des bo
460 sences animales. Tandis que sur la plaine s’élève le long beuglement des taureaux et le ohéohéohé des bouviers « comme un
461 plaine s’élève le long beuglement des taureaux et le ohéohéohé des bouviers « comme un chant mystérieux entendu au-dessus
462 « comme un chant mystérieux entendu au-dessus de la mer », il y a toujours dans un coin du tableau des ruades, des chevau
463 u des ruades, des chevaux qui partent tout droit, la tête dressée, des vachettes qui se mordillent et se frôlent amoureuse
464 bêtes de désir ». Une intelligence si profonde de la vie animale suppose entre l’homme et la bête une sympathie que Monthe
465 gence si profonde de la vie animale suppose entre l’ homme et la bête une sympathie que Montherlant note à plusieurs repris
466 ofonde de la vie animale suppose entre l’homme et la bête une sympathie que Montherlant note à plusieurs reprises. C’est «
467 ontherlant note à plusieurs reprises. C’est « par la divination de cet amour qu’Alban (le jeune héros du récit) sent ce qu
468 C’est « par la divination de cet amour qu’Alban ( le jeune héros du récit) sent ce que sent la bête en même temps qu’elle.
469 ’Alban (le jeune héros du récit) sent ce que sent la bête en même temps qu’elle. Et parce qu’il sait ce qu’elle va faire,
470 Et parce qu’il sait ce qu’elle va faire, il peut la dominer… : on ne vainc vraiment que ce qu’on aime, et les victorieux
471 ner… : on ne vainc vraiment que ce qu’on aime, et les victorieux sont d’immenses amants »6. Mais envers les taureaux cet am
472 victorieux sont d’immenses amants »6. Mais envers les taureaux cet amour tourne en adoration ou en une véritable horreur sa
473 Voici Alban devant une bête qu’il devra combattre le lendemain : « Salaud, cochon, saligaud ! » Il l’apostrophait ainsi t
474 le lendemain : « Salaud, cochon, saligaud ! » Il l’ apostrophait ainsi tout bas, sur un ton révérenciel, et comme on dérou
475 évérenciel, et comme on déroule une litanie. Sous les grands cils brillants, lustrés par la lumière descendante, les prunel
476 anie. Sous les grands cils brillants, lustrés par la lumière descendante, les prunelles laiteuses du dieu avaient un refle
477 ls brillants, lustrés par la lumière descendante, les prunelles laiteuses du dieu avaient un reflet bleu clair, soudain inq
478 avaient un reflet bleu clair, soudain inquiètes à l’ approche de l’inconnu. Nulle part mieux que dans la description des t
479 let bleu clair, soudain inquiètes à l’approche de l’ inconnu. Nulle part mieux que dans la description des taureaux ne se
480 approche de l’inconnu. Nulle part mieux que dans la description des taureaux ne se manifeste ce passage du réalisme le pl
481 s taureaux ne se manifeste ce passage du réalisme le plus hardi à un lyrisme plein de simple grandeur. Voici la mort du ta
482 ardi à un lyrisme plein de simple grandeur. Voici la mort du taureau dit « le Mauvais Ange » : La bête chancela de l’arri
483 e simple grandeur. Voici la mort du taureau dit «  le Mauvais Ange » : La bête chancela de l’arrière-train, tenta de se ra
484 ici la mort du taureau dit « le Mauvais Ange » : La bête chancela de l’arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula su
485 au dit « le Mauvais Ange » : La bête chancela de l’ arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur le flanc, accompli
486 rière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur le flanc, accomplissant sa destinée. Quelques secondes encore elle clign
487 rent peu à peu, comme un corps qu’on gonflerait à la pompe, tandis que dans cet agrandissement les articulations grinçaien
488 it à la pompe, tandis que dans cet agrandissement les articulations grinçaient, avec le bruit d’un câble de navire qu’on se
489 agrandissement les articulations grinçaient, avec le bruit d’un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva ave
490 n serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme
491 rriva avec emphase à la cime de son spasme, comme l’ homme à la cime de son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. E
492 emphase à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme
493 t son âme divine s’échappa, pleurant ses jeux, et les génisses, et la chère plaine. De tels passages qui abondent dans les
494 s’échappa, pleurant ses jeux, et les génisses, et la chère plaine. De tels passages qui abondent dans les Bestiaires font
495 chère plaine. De tels passages qui abondent dans les Bestiaires font pardonner bien d’autres pages de vrais délires taurol
496 utres pages de vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une
497 iques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’évocations antiques, de rapp
498 ents superstitieux, de grands symboles païens, et l’ on se perd dans un syncrétisme effarant, où Mithra, Jésus, les taureau
499 d dans un syncrétisme effarant, où Mithra, Jésus, les taureaux et Alban confondent leurs génies dans une sorte de cauchemar
500 e qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrifices sanglants. Pour ma part, je le trouve assez peu
501 fumée des sacrifices sanglants. Pour ma part, je le trouve assez peu humain et comme obsédé par une idée de violence toni
502 s donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui p
503 e ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’ Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu à p
504 perce à chaque page, ce qui peu à peu obsède dans l’ inflexion des phrases, ce qui s’élève en fin de compte de tous ces tab
505 ous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analyse
506 de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’ inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’être, M
507 soulève directement aucun des grands problèmes de l’ heure. La violence même qui sourd dans son être intime l’en empêche, l
508 irectement aucun des grands problèmes de l’heure. La violence même qui sourd dans son être intime l’en empêche, le préserv
509 . La violence même qui sourd dans son être intime l’ en empêche, le préserve des états d’incertitude douloureux, où ces pro
510 même qui sourd dans son être intime l’en empêche, le préserve des états d’incertitude douloureux, où ces problèmes viennen
511 douloureux, où ces problèmes viennent se poser à l’ esprit, profitant de son désaccord avec la vie. Ni métaphysicien, ni l
512 poser à l’esprit, profitant de son désaccord avec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Alban — (de lui-même) —
513 pas à ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’ idée de la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met
514 qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la grav
515 ste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans
516 soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit les choses
517 ociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit les choses sentimentales. Le tra
518 que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit les choses sentimentales. Le tragique de la vie ne lui échappe pas. Il en
519 ueuses, je n’ai pas dit les choses sentimentales. Le tragique de la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec
520 pas dit les choses sentimentales. Le tragique de la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec pathétique. Ma
521 que de la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec pathétique. Mais c’est parce qu’il est poète : le chant f
522 ec pathétique. Mais c’est parce qu’il est poète : le chant fini, il n’y pense plus. On comprend qu’une telle attitude agac
523 se soucient avant tout de trouver des réponses de l’ intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes sépa
524 t de trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Monther
525 é dont il manifeste avec une magnifique insolence les forces créatrices, ne vaut-elle pas d’être élevée en témoignage pour
526 levée en témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue des athlètes en action, un tel livre communique une puissance phy
527 munique une puissance physique, un mouvement vers la vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan de grandeur. N’est-
528 mouvement vers la vie ardente qui peut entraîner l’ âme dans un élan de grandeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plut
529 ois à ces forces obscures qui nous replacent dans l’ intelligence de l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âp
530 bscures qui nous replacent dans l’intelligence de l’ instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemment c
531 à une vie plus âpre et violemment contractée, par la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels p
532 us âpre et violemment contractée, par la grâce de l’ éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages vien
533 noter que de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphe
534 tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’ instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique un
535 ’instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique une chenille précisément aux trois-centres nerveux, e
536 « une sympathie (au sens étymologique du mot) qui la renseigne du dedans, pour ainsi dire, sur la vulnérabilité de la chen
537 qui la renseigne du dedans, pour ainsi dire, sur la vulnérabilité de la chenille. » (Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai
538 dedans, pour ainsi dire, sur la vulnérabilité de la chenille. » (Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place de cit
539 ille. » (Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place de citer ici plusieurs autres passages qui préciseraient ce par
540 Denis de, « [Compte rendu] Henry de Montherlant, Les Bestiaires  », La Semaine littéraire, Genève, 10 juillet 1926, p. 335
541 e rendu] Henry de Montherlant, Les Bestiaires  », La Semaine littéraire, Genève, 10 juillet 1926, p. 335.
8 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
542 ce (13 novembre 1926)i Des cris mouraient vers les berges du fleuve jaune, entre les deux façades longues que la ville p
543 mouraient vers les berges du fleuve jaune, entre les deux façades longues que la ville présente au couchant, dans ce corri
544 fleuve jaune, entre les deux façades longues que la ville présente au couchant, dans ce corridor de lumière où elle accue
545 nt, dans ce corridor de lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle devient plus secrète. Vers l’est, des collin
546 el — et derrière, elle devient plus secrète. Vers l’ est, des collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où
547 collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où s’en vont lentement les eaux et les lueurs, vers la mer. Sur
548 autre côté, c’est le vide, où s’en vont lentement les eaux et les lueurs, vers la mer. Sur le Lungarno trop vaste et nu, le
549 c’est le vide, où s’en vont lentement les eaux et les lueurs, vers la mer. Sur le Lungarno trop vaste et nu, les voitures r
550 s’en vont lentement les eaux et les lueurs, vers la mer. Sur le Lungarno trop vaste et nu, les voitures revenaient au pas
551 entement les eaux et les lueurs, vers la mer. Sur le Lungarno trop vaste et nu, les voitures revenaient au pas des Cascine
552 s, vers la mer. Sur le Lungarno trop vaste et nu, les voitures revenaient au pas des Cascine. Vers sept heures, il n’y en e
553 il n’y en eut presque plus. Nous étions seuls sur le pavé qui exhalait sa chaleur, au long des quais sans bancs pour notre
554 s’éloignait derrière nous qui suivions maintenant le sentier du bord du fleuve, plus bas que la Promenade désertée. Sur le
555 tenant le sentier du bord du fleuve, plus bas que la Promenade désertée. Sur les eaux, comme immobiles, des nuages rouges
556 u fleuve, plus bas que la Promenade désertée. Sur les eaux, comme immobiles, des nuages rouges et le vert dur des berges :
557 r les eaux, comme immobiles, des nuages rouges et le vert dur des berges : un malaise montait dans l’air plus frais, avec
558 le vert dur des berges : un malaise montait dans l’ air plus frais, avec l’odeur du limon. Nous marchions vers ces hauts a
559  : un malaise montait dans l’air plus frais, avec l’ odeur du limon. Nous marchions vers ces hauts arbres clairs, au tourna
560 hauts arbres clairs, au tournant du fleuve, parmi les dissonances mélancoliques des lumières et des odeurs, espérant entrer
561 Seule une maison blanche est arrêtée tout près de l’ eau. Mais ce n’est pas d’elle que vient cette chanson jamais entendue
562 entendue qui nous accompagne depuis un moment sur le chemin de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’un char ti
563 chemin de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’ avant d’un char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu p
564 de triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’ odeur du fleuve est son parfum, le soleil rouge sa douleur. Les bœufs
565 nde à ce chant. L’odeur du fleuve est son parfum, le soleil rouge sa douleur. Les bœufs blancs, les roues peintes du char,
566 leuve est son parfum, le soleil rouge sa douleur. Les bœufs blancs, les roues peintes du char, l’Italie des poètes… Mais ce
567 um, le soleil rouge sa douleur. Les bœufs blancs, les roues peintes du char, l’Italie des poètes… Mais ce pays tout entier
568 eur. Les bœufs blancs, les roues peintes du char, l’ Italie des poètes… Mais ce pays tout entier pâmé dans une beauté que s
569 nt tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui de l’ instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi simplement. Sans pensée,
570 , perdus dans un soir de n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases rap
571 ns un soir de n’importe où, un soir de la Nature… L’ homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases rapides ondule
572 uïe de pureté. Deux phrases rapides ondulent dans l’ air lourd. Le chant descend très doucement la berge, les bœufs s’engag
573 . Deux phrases rapides ondulent dans l’air lourd. Le chant descend très doucement la berge, les bœufs s’engagent dans le m
574 dans l’air lourd. Le chant descend très doucement la berge, les bœufs s’engagent dans le marais, cherchant le gué. Plus pr
575 lourd. Le chant descend très doucement la berge, les bœufs s’engagent dans le marais, cherchant le gué. Plus proches, les
576 rès doucement la berge, les bœufs s’engagent dans le marais, cherchant le gué. Plus proches, les syllabes nous parviennent
577 e, les bœufs s’engagent dans le marais, cherchant le gué. Plus proches, les syllabes nous parviennent au ras du fleuve som
578 t dans le marais, cherchant le gué. Plus proches, les syllabes nous parviennent au ras du fleuve sombre. Nul désir en nous
579 mbre. Nul désir en nous de comprendre ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pensées. Ici la vie n’a presqu
580 el est un silence qui s’impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus de sens, comme le fleuve. Elle n’est qu’odeurs,
581 nsées. Ici la vie n’a presque plus de sens, comme le fleuve. Elle n’est qu’odeurs, formes mouvantes, remous dans l’air et
582 le n’est qu’odeurs, formes mouvantes, remous dans l’ air et musiques sourdes. Penser serait sacrilège, comme une barre droi
583 n tableau. Nos yeux ont regardé longtemps — où va l’ âme durant ces minutes ? — jusqu’à ce que les bœufs ruisselants remont
584 où va l’âme durant ces minutes ? — jusqu’à ce que les bœufs ruisselants remontent sur notre rive. Fraîcheur humide, parfums
585 ement vague des roseaux aux feuilles sèches… Puis la brume est venue comme une envie de sommeil. Une lampe dans la maison
586 venue comme une envie de sommeil. Une lampe dans la maison blanche nous a révélé proche la nuit. Nous nous sommes retourn
587 lampe dans la maison blanche nous a révélé proche la nuit. Nous nous sommes retournés vers la ville. Fleurs de lumières s
588 é proche la nuit. Nous nous sommes retournés vers la ville. Fleurs de lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, e
589 retournés vers la ville. Fleurs de lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfaite répond encore
590 urs de lumières sur les champs sombres du ciel de l’ est, et une façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato sur
591 chant. San Miniato sur sa colline. Derrière nous, les arbres se brouillent dans une buée sans couleurs, nous quittons un my
592 us quittons un mystère à jamais impénétrable pour l’ homme, nous fuyons ces bords où conspirent des ombres informes et des
593 nous laisse gourds et faibles, caressant en nous la lâche volupté de sentir l’esprit se défaire et couler sans fin vers u
594 les, caressant en nous la lâche volupté de sentir l’ esprit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade de
595 t se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’ odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’être p
596 nous enivrait, promettant à nos sens, fatigués de l’ esprit qui les exerce, des voluptés plus faciles — pour infuser dans n
597 , promettant à nos sens, fatigués de l’esprit qui les exerce, des voluptés plus faciles — pour infuser dans nos corps charm
598 dont on ne voudrait plus guérir… Mais nous voyons la ville debout dans ses lumières. Architectures ! langage des dieux, ô
599 s qu’épousent nos ferveurs, angles purs, repos de l’ esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité de cette façade élevée
600 s, repos de l’esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité de cette façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’
601 La sérénité de cette façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près
602 de cette façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, ér
603 uvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’ image de la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un
604 nd pont de fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui no
605 et rendait sous des coups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’usines. Il y avait la vie des hommes pour demain,
606 évoqua les rumeurs de villes d’usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y songer un peu avant
607 beau d’y songer un peu avant de nous abandonner à l’ oubli luxueux des rues. Le long de l’Arno, les façades sont jaunes et
608 abandonner à l’oubli luxueux des rues. Le long de l’ Arno, les façades sont jaunes et roses près de l’eau, puis perdent dan
609 er à l’oubli luxueux des rues. Le long de l’Arno, les façades sont jaunes et roses près de l’eau, puis perdent dans la nuit
610 l’Arno, les façades sont jaunes et roses près de l’ eau, puis perdent dans la nuit leurs lignes graves. Toutes ces formes
611 jaunes et roses près de l’eau, puis perdent dans la nuit leurs lignes graves. Toutes ces formes devinées dans l’espace no
612 rs lignes graves. Toutes ces formes devinées dans l’ espace nous environnent d’une obscure confiance. Livrons-nous aux jeux
613 ons-nous aux jeux des hommes-qui-font-des-gestes. Les autos répètent sans fin les notes mêlées d’une symphonie qui va peut-
614 -qui-font-des-gestes. Les autos répètent sans fin les notes mêlées d’une symphonie qui va peut-être composer tous les bruit
615 es d’une symphonie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en un chant immense. Il passe une possibilité de b
616 onie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par pe
617 passe une possibilité de bonheur par personne et les devantures ne cherchent qu’à vous plaire. Chaque ruelle croisée propo
618 oublie pour celui des regards étrangers. Et voici la place régulière, les galeries, les cafés, les musiques, Donizetti qui
619 s regards étrangers. Et voici la place régulière, les galeries, les cafés, les musiques, Donizetti qui pleure délicieusemen
620 ngers. Et voici la place régulière, les galeries, les cafés, les musiques, Donizetti qui pleure délicieusement jusque dans
621 oici la place régulière, les galeries, les cafés, les musiques, Donizetti qui pleure délicieusement jusque dans les gestes
622 , Donizetti qui pleure délicieusement jusque dans les gestes des passantes. Sous cette agitation aimable et monotone nous a
623 ation aimable et monotone nous allons voir courir l’ arabesque des sentiments et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir
624 allons voir courir l’arabesque des sentiments et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un s
625 esque des sentiments et le mouvement perpétuel de l’ amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de forces q
626 ngagé dans un système d’ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, politesses, politiques, regards, musiques —
627 musiques — cette vie rapide dans un décor qui est le rêve éternisé des plus voluptueuses intelligences — tous les tableaux
628 ernisé des plus voluptueuses intelligences — tous les tableaux dans le noir des musées ! — et si tu veux soudain le son gra
629 luptueuses intelligences — tous les tableaux dans le noir des musées ! — et si tu veux soudain le son grave de l’infini, p
630 dans le noir des musées ! — et si tu veux soudain le son grave de l’infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux,
631 musées ! — et si tu veux soudain le son grave de l’ infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux, au plus beau cie
632 in le son grave de l’infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux, au plus beau ciel du monde. i. Rougemont Den
633 de l’infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux, au plus beau ciel du monde. i. Rougemont Denis de, « Soir de
634 . i. Rougemont Denis de, « Soir de Florence », La Semaine littéraire, Genève, 13 novembre 1926, p. 547-548.
9 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
635 Dés ou la clef des champs (1927)l « On sent l’absurdité d’un semblable syst
636 Dés ou la clef des champs (1927)l « On sent l’ absurdité d’un semblable système. » Musset. Une rose et un journal o
637 e. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table de café. Je venais de m’asseoir et de com
638 ’habitude, un peu après six heures. J’étais seul. Le café est un lieu anonyme bien plus propice au rêve que ma chambre où
639 ropice au rêve que ma chambre où m’attendent tous les soirs quand je rentre du bureau, les gages insupportablement familier
640 tendent tous les soirs quand je rentre du bureau, les gages insupportablement familiers d’une vie honnête de type courant.
641 une vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les pl
642 sous et le prétexte d’un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les plus étranges qu’appelle la musique. Je me g
643 apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les plus étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc d’ouvrir le jo
644 jardin des songeries les plus étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc d’ouvrir le journal. Les Petites nouvelles
645 qu’appelle la musique. Je me gardai donc d’ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur mon espr
646 a musique. Je me gardai donc d’ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur mon esprit. Non que c
647 ur mon esprit. Non que cela m’intéresse au fond : les faits-divers, rien de moins divers. Mais je suis pris dans l’absurde
648 ers, rien de moins divers. Mais je suis pris dans l’ absurde réseau des lignes, et cette mécanique me restitue chaque fois
649 tte rose oubliée me gênait : perdre une rose pour le plaisir ! (Et je ne pensais même pas, alors : une si belle rose.) Le
650 ne pensais même pas, alors : une si belle rose.) Le tambour livra un homme élégant et tragique, qui se tint un moment imm
651 igure aux joues mates, aux yeux clairs. Il déplia le journal et se mit à lire les pages d’annonces. On m’apporta une lique
652 eux clairs. Il déplia le journal et se mit à lire les pages d’annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de bo
653 es pensées plus rapides s’en allèrent un peu vers l’ avenir et j’osai quelques rêves. C’était, je m’en souviens, une petite
654 souviens, une petite automobile qui roulait dans la banlieue printanière ; des soupers d’amis dans notre modeste salle à
655 er ; des jaquettes de couleur pour ma femme… Mais l’ homme avait posé son journal. Soudain, portant la main à son gilet, il
656 l’homme avait posé son journal. Soudain, portant la main à son gilet, il en retira trois dés qu’il jeta sur la table. Les
657 son gilet, il en retira trois dés qu’il jeta sur la table. Les yeux brillants, il compta. Une indécision parut sur ses tr
658 , il en retira trois dés qu’il jeta sur la table. Les yeux brillants, il compta. Une indécision parut sur ses traits. Puis
659 e indécision parut sur ses traits. Puis il reprit les dés brusquement, et me fixant avec un léger sourire : — Jouez ! ordon
660 t avec un léger sourire : — Jouez ! ordonna-t-il. La surprise vainquit ma timidité, je pris les dés et les jetai sans hési
661 a-t-il. La surprise vainquit ma timidité, je pris les dés et les jetai sans hésiter. Il compta de nouveau, puis avec une lé
662 surprise vainquit ma timidité, je pris les dés et les jetai sans hésiter. Il compta de nouveau, puis avec une légère exalta
663 l saisit son journal. Il en parcourait rapidement les pages, la proie d’une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer
664 n journal. Il en parcourait rapidement les pages, la proie d’une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment
665 nsommations. Je gagnai. Il demanda des portos. Je les gagnai et je les bus. D’autres encore. Ma tête commençait à osciller
666 agnai. Il demanda des portos. Je les gagnai et je les bus. D’autres encore. Ma tête commençait à osciller vaguement. Les co
667 encore. Ma tête commençait à osciller vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient d’une joie inconnue. Et je me refusa
668 uestions qu’en moi-même posait ma raison effarée. L’ étranger s’animait aussi : une fièvre faisait s’épanouir sur son visag
669 quel plaisir cruel. C’était un jeu très simple où l’ esprit libre de calculs se tend ardemment vers la conclusion d’un hasa
670 l’esprit libre de calculs se tend ardemment vers la conclusion d’un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-
671 nclusion d’un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confiance me possédait, telle que je savais trè
672 ais très clairement que je gagnerais à tout coup. L’ étranger se mit à discourir. Et dans mon ivresse, ses paroles peignaie
673 je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le voilà riche, le voilà classé, le voilà prêt à faire des bassesses pou
674 tes calculs, ha ! tu te disais : le voilà riche, le voilà classé, le voilà prêt à faire des bassesses pour durer, et tu t
675 ! tu te disais : le voilà riche, le voilà classé, le voilà prêt à faire des bassesses pour durer, et tu te réjouissais, pa
676 omplètement démodées et d’intrigues usées jusqu’à la corde, jusqu’à la corde pour les pendre, ha ha ha ! Tu pensais que j’
677 es et d’intrigues usées jusqu’à la corde, jusqu’à la corde pour les pendre, ha ha ha ! Tu pensais que j’allais me cramponn
678 ues usées jusqu’à la corde, jusqu’à la corde pour les pendre, ha ha ha ! Tu pensais que j’allais me cramponner à cette espè
679 er à cette espèce de bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aussi sur le dogme l’argent-fait-le
680 à la possession, et que j’allais vivre aussi sur le dogme l’argent-fait-le-bonheur. En somme, tu croyais que j’allais adh
681 session, et que j’allais vivre aussi sur le dogme l’ argent-fait-le-bonheur. En somme, tu croyais que j’allais adhérer à l’
682 heur. En somme, tu croyais que j’allais adhérer à l’ idéologie socialiste, gros farceur, va. Quand je songe à tous ces gens
683 d je songe à tous ces gens qui perdent leur vie à la gagner9, et leur façon inexplicable de lier des valeurs morales aux c
684  » comme ils disent dans leurs manuels scolaires. Les voler, pour leur apprendre. Et leur manie aussi de situer le paradis
685 our leur apprendre. Et leur manie aussi de situer le paradis dans la classe d’impôts immédiatement supérieure à la leur. I
686 re. Et leur manie aussi de situer le paradis dans la classe d’impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient qu
687 ans la classe d’impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier de plaisir
688 ertige sans prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caisses d’épargne, monuments d’une bassesse morale inconcevable, temp
689 onheur que celui qu’ils ont reçu de papa-maman et l’ Habitude, leur marraine aux dents jaunes. Ah ! perdre, perdre ; et c’e
690 stinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie, mon cheval fou, mon beau Désir s’ébroue et part sitôt que
691 bousse, ils n’y comprendront jamais rien, écoutez- les , comme ils me jugent et leurs cris indignés qui couvrent une angoisse
692 leurs cris indignés qui couvrent une angoisse. Ça les dérange terriblement, sauf un ou deux qui s’imaginent gagner à mes dé
693 in ce brave homme qui est en train de me soutirer les quelque billets de mille dont je venais de régler le sort, puisque de
694 quelque billets de mille dont je venais de régler le sort, puisque demain dès l’aube, j’irai tenter la misère aux yeux las
695 t je venais de régler le sort, puisque demain dès l’ aube, j’irai tenter la misère aux yeux las pleins de rêves, la misère
696 le sort, puisque demain dès l’aube, j’irai tenter la misère aux yeux las pleins de rêves, la misère qui fait des soirs si
697 ai tenter la misère aux yeux las pleins de rêves, la misère qui fait des soirs si doux aux amants quand ils n’ont plus que
698 ls n’ont plus que des baisers au goût d’adieu, et l’ avenir où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et la mort. » I
699 ù se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et la mort. » Il ferma les yeux sur des visions. Les lustres doraient un br
700 nes, une tendresse éperdue et la mort. » Il ferma les yeux sur des visions. Les lustres doraient un brouillard de fumée, et
701 et la mort. » Il ferma les yeux sur des visions. Les lustres doraient un brouillard de fumée, et la musique noyait mes pen
702 . Les lustres doraient un brouillard de fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était assise à notre
703 , en robe rouge, et très fardée. Elle jouait avec la rose. Les dés roulèrent, pour un dernier enjeu. Alors la femme lança
704 rouge, et très fardée. Elle jouait avec la rose. Les dés roulèrent, pour un dernier enjeu. Alors la femme lança sur la tab
705 . Les dés roulèrent, pour un dernier enjeu. Alors la femme lança sur la table cette rose qui s’effeuilla sur les dés, et p
706 , pour un dernier enjeu. Alors la femme lança sur la table cette rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit d’un long rir
707 lança sur la table cette rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit d’un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi
708 s, et partit d’un long rire. Elle me regardait et l’ étranger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé de
709 joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la rumeur des clients. Dehors les réclames lu
710 peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la rumeur des clients. Dehors les réclames lumineuses dial
711 ut se lever, traverser le café dans la musique et la rumeur des clients. Dehors les réclames lumineuses dialoguaient folle
712 dans la musique et la rumeur des clients. Dehors les réclames lumineuses dialoguaient follement au-dessus des rues parcour
713 main je n’avais plus un sou). Je n’ai jamais revu l’ étranger. Quelquefois je songe à ses paroles — ou peut-être n’étaient-
714 inquiétude, parce que je ne suis plus tout à fait le même. Puis elle me laisse, parce que le lait va monter. Alors, dans m
715 ut à fait le même. Puis elle me laisse, parce que le lait va monter. Alors, dans ma chambre, avant d’aller souper, je m’ab
716 re, avant d’aller souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et je voudrais pouvoir pleurer sur ma lâcheté
717 souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et je voudrais pouvoir pleurer sur ma lâcheté. Et je t’apostro
718 haïr… 9. Calembour sur une idée juste. (Note de l’ éd.) l. Rougemont Denis de, « Dés ou la clef des champs », Neuchâtel
719 (Note de l’éd.) l. Rougemont Denis de, « Dés ou la clef des champs », Neuchâtel 1928 : beaux-arts, arts appliqués, archi
10 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
720 Conférence d’Edmond Esmonin sur «  La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)j Le sujet que M
721 onférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’ édit de Nantes » (16 février 1927)j Le sujet que M. Esmonin, profes
722 ation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)j Le sujet que M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres de Grenoble
723 r 1927)j Le sujet que M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle
724 ulté des lettres de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle des Conférences, devant un très bel auditoire, est un de
725 des plus passionnants et des plus controversés de l’ histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester i
726 sés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lombard, recteur de l’Universi
727 icile de rester impartial. M. Lombard, recteur de l’ Université, en introduisant le conférencier, a fait allusion aux diver
728 Lombard, recteur de l’Université, en introduisant le conférencier, a fait allusion aux divers points de vue auxquels on a
729 ints de vue auxquels on a pu se placer pour juger la révocation. M. Esmonin, lui, se place au point de vue de l’historien
730 ion. M. Esmonin, lui, se place au point de vue de l’ historien scrupuleux, qui juge d’après les textes, les causes et les e
731 e vue de l’historien scrupuleux, qui juge d’après les textes, les causes et les effets vérifiables, et non d’après un systè
732 istorien scrupuleux, qui juge d’après les textes, les causes et les effets vérifiables, et non d’après un système préconçu.
733 uleux, qui juge d’après les textes, les causes et les effets vérifiables, et non d’après un système préconçu. (Cette attitu
734 préconçu. (Cette attitude est plus rare qu’on ne le croit, de nos jours.) M. Esmonin montra avec beaucoup de clarté comme
735 c beaucoup de clarté comment, entre 1578, date de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France pas
736 é comment, entre 1578, date de la proclamation de l’ édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus grand
737 te de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus grande liberté à la plus grand
738 mation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus grande liberté à la plus grande tyrannie. En
739 t 1685, date de la révocation, la France passa de la plus grande liberté à la plus grande tyrannie. En proclamant la liber
740 tion, la France passa de la plus grande liberté à la plus grande tyrannie. En proclamant la liberté religieuse, Henry IV m
741 liberté à la plus grande tyrannie. En proclamant la liberté religieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête de la civil
742 roclamant la liberté religieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête de la civilisation ; en interdisant aux réformés d’
743 liberté religieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête de la civilisation ; en interdisant aux réformés d’exercer leur
744 igieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête de la civilisation ; en interdisant aux réformés d’exercer leur religion, m
745 rcer leur religion, mais en même temps de quitter le pays, Louis XIV commit un des actes les plus vexatoires que l’histoir
746 de quitter le pays, Louis XIV commit un des actes les plus vexatoires que l’histoire ait enregistrés. Après avoir fait un t
747 s XIV commit un des actes les plus vexatoires que l’ histoire ait enregistrés. Après avoir fait un tableau de la France de
748 e ait enregistrés. Après avoir fait un tableau de la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur
749 trés. Après avoir fait un tableau de la France de l’ édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur expose comme
750 tableau de la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur expose comment on en vint à la révoca
751 l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’ orateur expose comment on en vint à la révocation. C’est d’abord l’inf
752 Trente Ans, l’orateur expose comment on en vint à la révocation. C’est d’abord l’influence du clergé, jaloux de ses droits
753 comment on en vint à la révocation. C’est d’abord l’ influence du clergé, jaloux de ses droits considérables encore ; puis
754 de ses droits considérables encore ; puis ce sont les conseillers intimes du roi, un jésuite, le père Lachaise, un archevêq
755 sont les conseillers intimes du roi, un jésuite, le père Lachaise, un archevêque libertin, Harlay de Champvallon, et surt
756 n leurs intérêts immédiats à leur désir de gagner le ciel, persuadent Louis XIV que la révocation serait une œuvre digne d
757 désir de gagner le ciel, persuadent Louis XIV que la révocation serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui fai
758 e du Roi-Soleil et capable de lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, « un niais en matière religieuse » au
759 e lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, « un niais en matière religieuse » au dire de sa belle-sœur, la
760 en matière religieuse » au dire de sa belle-sœur, la princesse palatine, se laisse facilement convaincre. D’ailleurs, les
761 ine, se laisse facilement convaincre. D’ailleurs, les jésuites ont déjà réussi à « tourner » l’édit par mille arguties juri
762 leurs, les jésuites ont déjà réussi à « tourner » l’ édit par mille arguties juridiques. Et les statistiques faussées peuve
763 ourner » l’édit par mille arguties juridiques. Et les statistiques faussées peuvent faire croire à une très forte diminutio
764 s. Aussi ne s’effraye-t-on pas trop, au début, de l’ émigration des fidèles qui suivent leurs pasteurs proscrits. On espère
765 rtir de gré ou de force tous ceux qui resteront «  Les enfants seront du moins catholiques, si les pères sont hypocrites »,
766 ont « Les enfants seront du moins catholiques, si les pères sont hypocrites », écrit Madame de Maintenon. Mais bientôt l’on
767 crites », écrit Madame de Maintenon. Mais bientôt l’ on voit la France se dépeupler ; des industries sont presque anéanties
768 écrit Madame de Maintenon. Mais bientôt l’on voit la France se dépeupler ; des industries sont presque anéanties ; les con
769 peupler ; des industries sont presque anéanties ; les conséquences funestes de l’acte de révocation commencent à se révéler
770 presque anéanties ; les conséquences funestes de l’ acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la co
771 ion commencent à se révéler politiques (guerre de la confession d’Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félicitat
772 es félicitations arrachées par Louis XIV au pape, les catholiques sont loin d’être unanimes à louer la révocation. L’un d’e
773 les catholiques sont loin d’être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce qu
774 s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que «  les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et le
775 lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et les persécutions contr
776 es meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis d’autre crime que de « dépl
777  déplaire au roi » vont reprendre de plus belle : la guerre civile succède aux dragonnades. M. Esmonin s’abstient d’en fai
778 ent d’en faire un tableau qu’il suppose présent à l’ esprit de ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’Albert Sor
779 à l’esprit de ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’Albert Sorel, selon qui la date du 16 octobre 1685 marque
780 e en citant le jugement d’Albert Sorel, selon qui la date du 16 octobre 1685 marque une déviation dans l’histoire de la Fr
781 date du 16 octobre 1685 marque une déviation dans l’ histoire de la France. Déviation telle, en effet, que nous en sentons
782 obre 1685 marque une déviation dans l’histoire de la France. Déviation telle, en effet, que nous en sentons les conséquenc
783 e. Déviation telle, en effet, que nous en sentons les conséquences de nos jours encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvo
784 ouvons que nous réjouir de retrouver bientôt dans l’ ouvrage qu’il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué de parti pris
785 tôt dans l’ouvrage qu’il va consacrer à Louis XIV l’ exposé si dénué de parti pris, si libre et d’une si élégante science d
786 ofesseur de Grenoble. j. Rougemont Denis de, «  La révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâ
787 ble. j. Rougemont Denis de, « La révocation de l’ édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 16 février 1
11 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
788 is (avril 1927)k Neuchâtel va-t-elle redevenir le centre artistique qu’elle fut au siècle passé ? Allons-nous assister
789 ster à un regroupement de ses forces créatrices ? La question est peut-être prématurée. Mais le seul fait qu’elle se pose
790 ices ? La question est peut-être prématurée. Mais le seul fait qu’elle se pose me paraît indiquer que l’un au moins des de
791 artistes, en effet, n’ignorent rien des courants les plus modernes, et sont bien situés pour n’en prendre que le meilleur 
792 dernes, et sont bien situés pour n’en prendre que le meilleur ; mais l’émulation, l’atmosphère de combat nécessaire au dév
793 n situés pour n’en prendre que le meilleur ; mais l’ émulation, l’atmosphère de combat nécessaire au développement de certa
794 n’en prendre que le meilleur ; mais l’émulation, l’ atmosphère de combat nécessaire au développement de certains jeunes te
795 ertains jeunes tempéraments leur fait défaut dans la même mesure. Ainsi risquent de s’établir autour d’eux des mœurs un pe
796 œurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès, mais qui expliquent, me semble-t-il, pour une part, la disper
797 is qui expliquent, me semble-t-il, pour une part, la dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs de décou
798 aux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés comme vertus cardinales, et qui forme ailleur
799 r public des jeunes artistes, n’existant pas ici, le peintre se trouve placé d’emblée en face de ce qu’on nomme le gros pu
800 e trouve placé d’emblée en face de ce qu’on nomme le gros public. L’épreuve est pénible, énervante, souvent fatale aux nov
801 ’emblée en face de ce qu’on nomme le gros public. L’ épreuve est pénible, énervante, souvent fatale aux novateurs. Alors il
802 le d’une consécration étrangère. Un jour en effet l’ on apprend que tel tableau de jeune est « coté » chez un gros marchand
803 une est « coté » chez un gros marchand. Aussitôt, les feuilles locales retentissent de touchants échos : « C’est avec un lé
804 bien méritée du talent d’un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une Rolls-Royce et fortune f
805 ttendait pas moins du fils d’un tel père. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’il en faille gémir. Une certaine
806 . Une certaine résistance est nécessaire pour que la force se développe. N’était certain petit plaisir d’impertinence, je
807 une actualité toujours vive. D’ailleurs, sachons le reconnaître, il y a moins de malice que de paresse dans les jugements
808 aître, il y a moins de malice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incompréhension que de timidité. ⁂ On
809 ans, jusqu’à André Evard, qui en a près de 50, si les peintres dont nous allons parler méritent d’être appelés jeunes, c’es
810 leurs œuvres avant tout. D’autre part je préfère la légende à l’histoire comme la peinture à la photographie. Une œuvre d
811 avant tout. D’autre part je préfère la légende à l’ histoire comme la peinture à la photographie. Une œuvre d’art est un m
812 tre part je préfère la légende à l’histoire comme la peinture à la photographie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer
813 éfère la légende à l’histoire comme la peinture à la photographie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer de contagion c
814 agion contre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucun de ces appareils à jugements garantis qui posent un cri
815 t un critique d’art diplômé. Premier péché contre l’ histoire : au seuil d’un article consacré aux jeunes artistes neuchâte
816 t entre trente pareilles, aux cactus qui ornaient les fenêtres, dans une chambre peinte en bleu vif et ornée de surprenants
817 straites. De cette époque datent des toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors et personnages semblent d’une matière id
818 tte époque datent des toiles comme le Souvenir de l’ Évêché. Décors et personnages semblent d’une matière idéale. Tout est
819 fait seulement. Il manque à ces recompositions de la nature, à ces natures remises à neuf, l’imperfection humaine qui touc
820 tions de la nature, à ces natures remises à neuf, l’ imperfection humaine qui touche. Mais l’atmosphère pure de ces espaces
821 s à neuf, l’imperfection humaine qui touche. Mais l’ atmosphère pure de ces espaces définis par quelques plans ne tue pas u
822 ailleurs… Qu’il sorte enfin et se mette à graver les scènes qu’il voit dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille de
823 n et se mette à graver les scènes qu’il voit dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille de constater combien l’épura
824 ouvrière, et c’est merveille de constater combien l’ épuration rigoriste de sa technique sert une vision aigüe de la vie. L
825 igoriste de sa technique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité es
826 de sa technique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité est un pet
827 érie de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’un art tr
828 , qui connaît ses ressources et sait en user avec la sobriété qui produit le maximum d’expression. Cette « simplicité préc
829 rces et sait en user avec la sobriété qui produit le maximum d’expression. Cette « simplicité précieuse », il sait la conf
830 pression. Cette « simplicité précieuse », il sait la conférer à tout ce qu’il touche, qu’il décore une bannière, fabrique
831 e un peu bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’ attend le moins. Conrad Meili apporte chez nous une inspiration neuve,
832 bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’attend le moins. Conrad Meili apporte chez nous une inspiration neuve, d’origin
833 e germanique, mais qui a choisi de s’astreindre à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épurant dans des formes
834 ui tout en s’épurant dans des formes claires a su les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément de vitalité combative q
835 ’il casse des vitres, ce n’est pas seulement pour le plaisir, mais plutôt par amour du courant d’air. Cela dérange toujour
836 air. Cela dérange toujours quelques frileux, mais les autres sont soulagés. Et ne fût-ce qu’en prenant une initiative comme
837 uchâtel 1927 7 il aura bien mérité sa place parmi les artistes neuchâtelois. Actuellement, Meili achève la décoration d’une
838 artistes neuchâtelois. Actuellement, Meili achève la décoration d’une salle d’hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui
839 ssionniste s’astreindrait jamais aux exigences de la technique décorative ! Voilà qui laisse espérer parmi nos artistes bi
840 oins paradoxaux. Donzé n’est pas de ceux pour qui la peinture consiste à habiller une idée. Voyez son portrait de Meili :
841 ée. Voyez son portrait de Meili : il ne prend pas le sujet par l’intérieur, mais il taille ce visage dans une pâte riche e
842 portrait de Meili : il ne prend pas le sujet par l’ intérieur, mais il taille ce visage dans une pâte riche et un peu lour
843 dans une pâte riche et un peu lourde, son pinceau la palpe, la presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a de la sensu
844 âte riche et un peu lourde, son pinceau la palpe, la presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans
845 t un peu lourde, son pinceau la palpe, la presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans l’écraseme
846 rde, son pinceau la palpe, la presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses co
847 resse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une sensualité qui sait
848 la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans l’ écrasement de ses couleurs, une sensualité qui sait se faire délicate
849 avec des roses et des jaunes jamais mièvres, sous l’ œil méfiant des fascistes qui le prennent pour un agitateur russe, à c
850 ais mièvres, sous l’œil méfiant des fascistes qui le prennent pour un agitateur russe, à cause de sa chevelure, sans doute
851 e tromper plus. ⁂ À vrai dire j’en vois peu parmi les jeunes qui vouent tout leur amour à la peinture pure. Je crois même q
852 peu parmi les jeunes qui vouent tout leur amour à la peinture pure. Je crois même que, Paul Donzé touché à son tour par la
853 crois même que, Paul Donzé touché à son tour par la grâce décorative, il n’en reste qu’un, du moins à Neuchâtel même : Eu
854 vier. Ce garçon aux allures discrètes promène sur le monde des yeux de Japonais d’une ironie mélancolique et qui voient pl
855 ient plus loin qu’on ne croit, mais il a toujours l’ air de songer à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa p
856 on ne croit, mais il a toujours l’air de songer à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa première et Neuchât
857 air de songer à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa première et Neuchâtel la troisième… Il y a par Eugène
858 par Eugène Bouvier quelque chose de nouveau dans la peinture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer, d’une tristesse qui
859 y a une sorte d’aristocratique dissimulation dans l’ œuvre de Bouvier. Sa technique qui paraît au premier abord masquer ses
860 premier abord masquer ses intentions, en réalité les exprime par ses défauts mêmes ou ses fausses négligences ; mais il fa
861 oujours une sorte de dissonance, un défaut par où l’ on va peut-être se glisser dans l’atmosphère de l’œuvre ; que l’on con
862 n défaut par où l’on va peut-être se glisser dans l’ atmosphère de l’œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation
863 l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère de l’ œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout devien
864 tre se glisser dans l’atmosphère de l’œuvre ; que l’ on consente en effet à telle déformation, et tout devient satisfaisant
865 ère que Louis de Meuron, parmi ses aînés, dont on le puisse rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres de ce pays p
866 ’il est un des rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie de Bouvier l’entraîne à
867 pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourire
868 r existe avant tout. Mais la nostalgie de Bouvier l’ entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épanouissent sur
869 es des jardins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il semble toujours qu’il peigne entre deux pluies.
870 onde se mêlent, et sait rendre mieux que personne la liquidité d’un lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temp
871 couvert, calme, légères précipitations » annonce le bulletin. Tiens, me dis-je, Bouvier va peindre. Comme peintre religie
872 re religieux, il se cherche encore. On a pourtant l’ impression, à voir ses dernières toiles, d’une plus grande certitude i
873 s toiles, d’une plus grande certitude intérieure. Les visages sont plus calmes, les couleurs s’avivent, le soleil est sur l
874 rtitude intérieure. Les visages sont plus calmes, les couleurs s’avivent, le soleil est sur le point de reparaître… Charle
875 visages sont plus calmes, les couleurs s’avivent, le soleil est sur le point de reparaître… Charles Humbert ou comment on
876 nq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’ on put craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’une école du g
877 ù l’on put craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’une école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures
878 ue. Il peignait des natures mortes qui décidément l’ étaient, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’une bizarre
879 rtes qui décidément l’étaient, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops
880 g, G. H. Dessoulavy)… Mais déjà paraissaient dans les Voix (cette courageuse revue qu’il avait fondée avec J. P. Zimmermann
881 un tempérament très rassurant. C’était, je crois, le vrai Humbert qui commençait à s’affirmer. Puis il y eut une période i
882 onies funèbres, comme un qui n’attendrait pas que l’ enterrement s’éloigne pour entonner une chanson à boire. Et sa techniq
883 nt maigre se faisait trop lâche. Mais aujourd’hui la mue semble s’être opérée. Humbert est rendu à lui-même. Il atteint so
884 son équilibre et sa maîtrise avec une toile comme le Potier. Si la couleur n’est pas encore aussi plantureuse que les form
885 et sa maîtrise avec une toile comme le Potier. Si la couleur n’est pas encore aussi plantureuse que les formes, il y a une
886 la couleur n’est pas encore aussi plantureuse que les formes, il y a une belle richesse de lueurs sur une matière traitée l
887 possibilités imprévues. Il y a un côté « homme de la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa fougue originale. Il
888 plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit de le voir peint par lui-même pour s’en assurer. La tête large, aux yeux cl
889 de le voir peint par lui-même pour s’en assurer. La tête large, aux yeux clairs et assurés, le cou robuste, les mains d’u
890 surer. La tête large, aux yeux clairs et assurés, le cou robuste, les mains d’un si beau dessin, qui ont du poids et nulle
891 arge, aux yeux clairs et assurés, le cou robuste, les mains d’un si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout c
892 nce domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renaissa
893 . Et voilà qui fait encore plus « Renaissance » : le costume est drapé avec un soin minutieux, mais une grande mèche insol
894 x, mais une grande mèche insolente retombe devant le visage. Aurèle tient un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’il
895 t un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’il doit avoir faite lui-mêm
896 pas je pense qu’il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’il doit avoir faite lui-même. Car il est artisan, dans le
897 it avoir faite lui-même. Car il est artisan, dans le beau sens ancien du terme, tout comme son frère Charles Barraud, qui
898 s, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que les visages qui s’y reflèteront soient aussi beaux que ceux qu’il peint o
899 oient aussi beaux que ceux qu’il peint ou modèle, le soir, à la lampe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi, d’un œi
900 beaux que ceux qu’il peint ou modèle, le soir, à la lampe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi, d’un œil regardant
901 de sa femme (elle peint aussi, d’un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis voici François Bar
902 n fait son mari). Et puis voici François Barraud, le plus jeune des frères. Il vient apporter des dessins qui ressemblent
903 éalistes, plus fins, mais tout aussi habiles dans l’ utilisation du clair-obscur qui simplifie et renforce l’expression. Dé
904 isation du clair-obscur qui simplifie et renforce l’ expression. Décidément ces trois frères sont une école. Délaissant un
905 ons désormais retrouver, allons errer un peu dans le royaume d’Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne saurio
906 es années d’avance sur ses contemporains. Un jour les jeunes le rattrapent. Salutations, présentations : « André Evard. — L
907 ’avance sur ses contemporains. Un jour les jeunes le rattrapent. Salutations, présentations : « André Evard. — Les jeunes
908 nt. Salutations, présentations : « André Evard. —  Les jeunes peintres. — Vous suivez la même route que nous ? À la bonne he
909 André Evard. — Les jeunes peintres. — Vous suivez la même route que nous ? À la bonne heure ! ». Et l’on repart bras dessu
910 eintres. — Vous suivez la même route que nous ? À la bonne heure ! ». Et l’on repart bras dessus, bras dessous. Et l’on ap
911 la même route que nous ? À la bonne heure ! ». Et l’ on repart bras dessus, bras dessous. Et l’on apprend peu à peu des cho
912 ! ». Et l’on repart bras dessus, bras dessous. Et l’ on apprend peu à peu des choses bien curieuses sur son compte. Il a fa
913 hoses bien curieuses sur son compte. Il a fait de la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges. I
914 cles où sous un éclairage très net, mais inusité, l’ objet le plus banal se charge de mystère. Que va-t-il se passer là-ded
915 sous un éclairage très net, mais inusité, l’objet le plus banal se charge de mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et
916 e va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe de quel occulte prodige ? Intrigué, vous reprenez ce que vous p
917 qui s’incarne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir de la perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouv
918 dans ces motifs géométriques, pour le plaisir de la perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songerie
919 rd n’aille trouver une de ces machines à explorer l’ au-delà. En vérité il faut être sorcier ou artiste pour changer en ins
920 métaphysiques ces bonnes montres de précision de La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappelons le souvenir
921 précision de La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappelons le souvenir de Charles Harder, qui est mort jeune
922 e-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappelons le souvenir de Charles Harder, qui est mort jeune, sans avoir pu donner
923 r qui saura s’imposer. Léon Perrin a compris tout le parti qu’on pouvait tirer des principes cubistes dans un art dont la
924 ait tirer des principes cubistes dans un art dont la genèse même est cubiste en quelque sorte, supposant une décomposition
925 y avait quelque lourdeur dans des morceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du cor
926 ns des morceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’
927 aux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’atteignait p
928 le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’ athlète ; l’œuvre n’atteignait pas encore pleinement sa vie propre. De
929 la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’ œuvre n’atteignait pas encore pleinement sa vie propre. Depuis, Léon P
930 du BIT où se manifeste un heureux équilibre entre le réalisme imposé par les sujets et un style qui sait rester ample, d’u
931 un heureux équilibre entre le réalisme imposé par les sujets et un style qui sait rester ample, d’une simplicité non dépour
932 cité non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’ on peut admirer la salutaire leçon de style donnée par le cubisme aux
933 de puissance. Une fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon de style donnée par le cubisme aux artistes qui ont s
934 ut admirer la salutaire leçon de style donnée par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager de son outrance théorique.
935 se dégager de son outrance théorique. C’est dans la manière cubiste encore que Perrin décora naguère fort plaisamment une
936 e n’est certes pas complète. Mais elle a du moins l’ avantage de grouper des artistes qui, par le fait des circonstances pe
937 moins l’avantage de grouper des artistes qui, par le fait des circonstances peut-être plus que par de naturelles affinités
938 ns décoratives qui pourraient aboutir peut-être à la formation d’un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’au
939 aboutir peut-être à la formation d’un groupe dont l’ activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des œuvres aussi dif
940 t, des œuvres aussi différentes par leur objet et le domaine où elles se réalisent que celles de Le Corbusier8, Meili, Eva
941 et le domaine où elles se réalisent que celles de Le Corbusier8, Meili, Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche de
942 vard, Perrin, manifestent toutes une recherche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la con
943 utes une recherche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse qui son
944 vante et de la perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse qui sont des éléments peut-être insuffisants
945 nérale vers une sorte de classicisme moderne dont les frères Barraud ne seraient pas très éloignés par d’autres côtés. Un a
946 samment atteint si nous n’avions fait qu’affirmer l’ existence et la vitalité d’une jeune peinture originale dans un pays q
947 si nous n’avions fait qu’affirmer l’existence et la vitalité d’une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop
948 ue et d’une maigre végétation artistique. Pays où l’ on préfère la netteté utile à l’harmonie des lignes ; où la lumière éc
949 aigre végétation artistique. Pays où l’on préfère la netteté utile à l’harmonie des lignes ; où la lumière éclaire plus qu
950 tistique. Pays où l’on préfère la netteté utile à l’ harmonie des lignes ; où la lumière éclaire plus qu’elle ne caresse ;
951 ère la netteté utile à l’harmonie des lignes ; où la lumière éclaire plus qu’elle ne caresse ; où pourtant les hivers les
952 ère éclaire plus qu’elle ne caresse ; où pourtant les hivers les plus durs réservent des douceurs secrètes. 7. Publicatio
953 plus qu’elle ne caresse ; où pourtant les hivers les plus durs réservent des douceurs secrètes. 7. Publication dont cett
954 n vrai nom Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro de février de cette revue. k. Rougemont Denis de, « Jeunes a
12 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
955 n étoile nervalienne. Je vins à Vienne pour fuir l’ Amérique. Mais les Viennois avaient fui dans les opérettes de Strauss,
956 nne. Je vins à Vienne pour fuir l’Amérique. Mais les Viennois avaient fui dans les opérettes de Strauss, qu’on ne trouve p
957 ir l’Amérique. Mais les Viennois avaient fui dans les opérettes de Strauss, qu’on ne trouve plus nulle part. Dans les danci
958 de Strauss, qu’on ne trouve plus nulle part. Dans les dancings, un peuple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la
959 le de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Entente, applaudissait chaque soir entre deux airs anglais Le
960 applaudissait chaque soir entre deux airs anglais Le Beau Danube bleu, en commémoration polie d’un passé imaginaire, ou pe
961 ntissait cette Vienne tout occupée à ressembler à l’ idée qu’on s’en fait. Le Ring, trop large, ouvert au vent glacial, cré
962 ut occupée à ressembler à l’idée qu’on s’en fait. Le Ring, trop large, ouvert au vent glacial, crée autour du centre de la
963 ouvert au vent glacial, crée autour du centre de la ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement des
964 ntre de la ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement des balles perdues d’une révolution. Sept heu
965 s perdues d’une révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette promenade
966 t heures du soir : le moment était venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste assez de pa
967 soir : le moment était venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants pour
968 où il y avait juste assez de passants pour qu’on la sentît déserte ne me proposait qu’une frileuse nostalgie. Mais qui fa
969 d’intensité, un état d’âme crée une situation qui l’ exprime — bien qu’on pense généralement le contraire. Il est très vrai
970 ion qui l’exprime — bien qu’on pense généralement le contraire. Il est très vrai que les notions réaliste et idéaliste du
971 e généralement le contraire. Il est très vrai que les notions réaliste et idéaliste du monde ne sont séparées que par un lé
972 e ne sont séparées que par un léger décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas reno
973 onduit, par une sorte de compromis sentimental, à l’ Opéra où l’on donnait les Contes d’Hoffmann. Je comprends aujourd’hui
974 une sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’ on donnait les Contes d’Hoffmann. Je comprends aujourd’hui le lien qui
975 compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’Hoffmann. Je comprends aujourd’hui le lien qui unissait dans
976 t les Contes d’Hoffmann. Je comprends aujourd’hui le lien qui unissait dans mon esprit Vienne et Hoffmann : c’était le sou
977 sait dans mon esprit Vienne et Hoffmann : c’était le souvenir de Gérard de Nerval. Mais je pense que je n’avais même pas p
978 ncé intérieurement ce nom lorsque je m’assis dans l’ ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’une
979 eu ennuyé de me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonstances, une fois de plus man
980 dans ces circonstances, une fois de plus manquait le rendez-vous que j’avais demandé au hasard d’arranger. Mais le thème d
981 us que j’avais demandé au hasard d’arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres dev
982 is demandé au hasard d’arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent patr
983 eul peut-être cette plainte heureuse des violons. Le diable sort des parois, noir et blanc, la ravissante héroïne est à so
984 iolons. Le diable sort des parois, noir et blanc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de l
985 est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par instants les accords d’une harmonie surnaturell
986 ténèbres et de la pureté où vibrent par instants les accords d’une harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une lan
987 p plus loin que moi, il n’entend pas ma question. L’ envie me prend d’aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évoca
988 ’entend pas ma question. L’envie me prend d’aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’un amour tragiquem
989 d d’aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’ évocation d’un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaç
990 t mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais la musique est si légère, la voix de la jeune fille si transparente : la
991 ues et menaçantes. Mais la musique est si légère, la voix de la jeune fille si transparente : la mort même en devient moin
992 çantes. Mais la musique est si légère, la voix de la jeune fille si transparente : la mort même en devient moins brutale.
993 gère, la voix de la jeune fille si transparente : la mort même en devient moins brutale. Elle rôde ici comme une tristesse
994 omme une tristesse amoureuse. Elle n’est plus que l’ approche d’une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’
995 rrestres dans d’imprévisibles transfigurations, —  l’ heure anxieuse et mélancolique où l’on quitte ce visage aimé pour d’au
996 igurations, — l’heure anxieuse et mélancolique où l’ on quitte ce visage aimé pour d’autres plus beaux peut-être, mais inco
997 es plus beaux peut-être, mais inconnus. Voilà que la forme blanche, sous un brusque faisceau de lumière m’apparaît avec le
998 us un brusque faisceau de lumière m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens voluptueusement perdre pied. Ver
999 ix, à côté de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre
1000 ourtant ne se détournait. Comment pouvais-je être le seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez
1001 se détournait. Comment pouvais-je être le seul à l’ avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez d’atteind
1002 renez certaines choses par votre souffrance… Mais le temps approche où vous n’aurez plus besoin de souffrir pour comprendr
1003 n’aurez plus besoin de souffrir pour comprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène, un reflet balaya le parterre, le
1004 ir pour comprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de mon voisin m’apparu
1005 ceau de lumière quitta la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de
1006 re quitta la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire.
1007 dans son collier de barbe noire. Je sentis que je l’ avais déjà reconnu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode de 1830
1008 déjà reconnu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance trè
1009 t une cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance très moderne. Il n’y avait
1010 e rien de positivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit d’immatériel. D’ailleurs le trouble où
1011 ment de quoi que ce soit d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté la première reconnaissance empêcha ma raison
1012 connaissance empêcha ma raison d’intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de
1013 rincipes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’ Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, comme
1014 un échange tacite suffit aux petites décisions de la vie quotidienne. Gérard tenait en laisse le fameux homard enrubanné.
1015 ns de la vie quotidienne. Gérard tenait en laisse le fameux homard enrubanné. « Cela vexe les Viennois, me dit-il, parce q
1016 en laisse le fameux homard enrubanné. « Cela vexe les Viennois, me dit-il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer de
1017 n suis pas fâché. » Il y avait peu de monde dans les rues. Des jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air de ne pas t
1018 es. Des jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’ air de ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n’a guère changé, dis-je,
1019 ours de Vienne. — Certes, répondit Gérard, malgré les apparences, cette vie sentimentale est une des seules réalités qui co
1020 ne des seules réalités qui correspondent encore à l’ image classique de Vienne. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépo
1021 t. Cette ville, qui est toute caresses, a peur de l’ étreinte… C’est d’ailleurs une chose que je comprends assez bien, ajou
1022 s traversions une rue sillonnée de taxis rapides, le homard refusa obstinément de progresser. Gérard dut le prendre sous l
1023 mard refusa obstinément de progresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinces s’accrochèrent désespér
1024 inément de progresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinces s’accrochèrent désespérément à ses manc
1025 rogresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terre
1026 ochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le homard avait rougi : il conserva toute la nuit une magnifique couleur
1027 erreur, le homard avait rougi : il conserva toute la nuit une magnifique couleur orangée. Gérard semblait habitué à ces so
1028 ait habitué à ces sortes de scènes. On reparla de l’ inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie des s
1029 es. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard l’ attribuait à une certaine anémie des sentiments, à un manque de caract
1030 e des sentiments, à un manque de caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art qui demande un long effort, et
1031 st une œuvre d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont, par nature et par attitude, des gens fatigués. — Pour
1032 s gens fatigués. — Pour moi, dit Gérard, je situe l’ amour dans un monde où la question fidélité ou inconstance ne se pose
1033 oi, dit Gérard, je situe l’amour dans un monde où la question fidélité ou inconstance ne se pose plus. Vous le savez, je n
1034 ion fidélité ou inconstance ne se pose plus. Vous le savez, je n’ai aimé qu’une femme — au plus deux, en y réfléchissant b
1035 en y réfléchissant bien, mais peut-être était-ce la même sous deux attributs différents. Toutes les femmes qui m’ont rete
1036 ce la même sous deux attributs différents. Toutes les femmes qui m’ont retenu un instant, c’était parce qu’elles évoquaient
1037 raissaient purement mystiques… Mais vous savez, «  les autres » n’y comprennent jamais rien, dès qu’on aime… Oh ! cette femm
1038 ard, un certain regard, mais j’ai su en retrouver la sensation jusque dans les choses — et c’est cela seul qui donna un se
1039 ais j’ai su en retrouver la sensation jusque dans les choses — et c’est cela seul qui donna un sens au monde. — Mais je bav
1040 mps. Livrons-nous plutôt à une petite malice dont l’ idée me vient à la vue de cette vendeuse de fleurs. C’était la petite
1041 ent à la vue de cette vendeuse de fleurs. C’était la petite bossue qui vend des roses et des œillets dans la rue de Carint
1042 ite bossue qui vend des roses et des œillets dans la rue de Carinthie. Gérard lui paya quelques œillets rouges en lui expl
1043 s œillets rouges en lui expliquant qu’elle devait les donner à la première jolie femme qui passerait seule. Nous nous arrêt
1044 vanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les revêtiraient. Vint à pas pressés une jeune fem
1045 e, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les revêtiraient. Vint à pas pressés une jeune femme, chapeau rouge et ma
1046 e qui se passa fut, hélas, non moins inévitable : la jeune femme refusa d’abord les fleurs pour se donner le temps de rega
1047 moins inévitable : la jeune femme refusa d’abord les fleurs pour se donner le temps de regarder autour d’elle ; l’intérêt
1048 ne femme refusa d’abord les fleurs pour se donner le temps de regarder autour d’elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dis
1049 ur se donner le temps de regarder autour d’elle ; l’ intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle finit donc
1050 r accepter et vint à nous avec un sourire du type le plus courant : « Vous êtes bien gentils, messieurs ! » Il n’y avait p
1051 ard attendait évidemment quelque chose d’imprévu, la seule chose contraire à la coutume viennoise. L’enfant était charmant
1052 elque chose d’imprévu, la seule chose contraire à la coutume viennoise. L’enfant était charmante, comme elles le sont pres
1053 la seule chose contraire à la coutume viennoise. L’ enfant était charmante, comme elles le sont presque toutes dans cette
1054 viennoise. L’enfant était charmante, comme elles le sont presque toutes dans cette ville, — du type que Gérard et Théo no
1055 and bruit de saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango, un Balkanique très lisse nous délivra
1056 ue très lisse nous délivra de notre conquête pour la durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que de prend
1057 leure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir qu’on vient chercher ici avec le premier être venu. — Certes,
1058 le premier être venu. — Certes, je comprends que l’ Europe est en décadence quand je la regarde s’amuser. Je vois se perdr
1059 comprends que l’Europe est en décadence quand je la regarde s’amuser. Je vois se perdre ce sens des correspondances secrè
1060 ules faisaient sa dignité humaine, parce qu’elles le rattachaient aux buts les plus hauts de notre vie. Ces citadins blasé
1061 humaine, parce qu’elles le rattachaient aux buts les plus hauts de notre vie. Ces citadins blasés s’amusent plus grossière
1062 é, avec des femmes qui élargissent des sourires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de dis
1063 automatiques de plaisir. Autant dire que ceux qui les fréquentent ne savent plus ce que c’est que le plaisir. Ils prennent
1064 i les fréquentent ne savent plus ce que c’est que le plaisir. Ils prennent au hasard des liqueurs qui n’ont pas été prépar
1065 été préparées pour leur soif. Ils ne savent plus les signes ni les ressemblances. Aussi l’ennui règne-t-il bruyamment dans
1066 pour leur soif. Ils ne savent plus les signes ni les ressemblances. Aussi l’ennui règne-t-il bruyamment dans ces lieux : c
1067 avent plus les signes ni les ressemblances. Aussi l’ ennui règne-t-il bruyamment dans ces lieux : cet orchestre triomphant
1068 élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la démocratie des plaisirs achetés au détail dans une foire éclatante de
1069 au détail dans une foire éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que celle-là qui
1070 nt de gravité et de détachement. Je viens souvent la regarder, à cause de la noblesse de sa danse. Je la nomme Clarissa, p
1071 chement. Je viens souvent la regarder, à cause de la noblesse de sa danse. Je la nomme Clarissa, parce que cela lui va. Ma
1072 regarder, à cause de la noblesse de sa danse. Je la nomme Clarissa, parce que cela lui va. Mais comme c’est odieux qu’une
1073 x qu’une créature aussi parfaite soit touchée par les mains outrageusement baguées de ces courtiers alourdis de “Knödl”. En
1074 n’approcherait qu’avec un sentiment religieux de la beauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend plu
1075 ntiment religieux de la beauté. Mais je crois que l’ Orient est devenu fou. Il ne comprend plus rien. » Des bugles agonisai
1076 scandalisée par cette atteinte aux lois du genre le plus conventionnel qui soit. Gérard la regarda avec une certaine piti
1077 s du genre le plus conventionnel qui soit. Gérard la regarda avec une certaine pitié : « Chère enfant, dit-il doucement, p
1078 s de ressemblance, et c’est ce qui vous perdra. » La pauvre fille ne comprenant pas, il y eut un moment pénible, comme tou
1079 pre une comédie aux attitudes convenues et donner l’ air bête aux acteurs. Puis Gérard embrassa paternellement la belle eff
1080 aux acteurs. Puis Gérard embrassa paternellement la belle effarée, et nous sortîmes, après avoir délivré le homard qui, l
1081 le effarée, et nous sortîmes, après avoir délivré le homard qui, laissé au vestiaire, y était l’objet de vexations diverse
1082 livré le homard qui, laissé au vestiaire, y était l’ objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part des
1083 s garçons. « Encore une proie inutile lâchée pour l’ ombre, dit Gérard d’un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette
1084 re, dit Gérard d’un ton rêveur et malicieux. Mais l’ ombre de cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sa
1085 icieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but. Vous savez, je lance mes file
1086 es sans but. Vous savez, je lance mes filets dans l’ eau des nuits, et quelquefois j’en ramène des animaux aux yeux bizarre
1087 ène des animaux aux yeux bizarres où je sais lire les signes. » Comme je ne répondais rien : « Avez-vous sommeil ? demanda-
1088 ’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : «  La nuit sera noire et blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe d
1089 oire et blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ ouïe de cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meil
1090 de se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard « faisait du Gérard ». Les cocktails du Moulin-Roug
1091 is de la soirée que Gérard « faisait du Gérard ». Les cocktails du Moulin-Rouge avaient peu à peu envahi notre sang. Nos pe
1092 Nos pensées devenaient légères comme des ballons. La rumeur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité
1093 eur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’ insensibilité et l’Illusion étendait sur toutes choses une aile d’ombr
1094 ait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité et l’ Illusion étendait sur toutes choses une aile d’ombre flatteuse aux cap
1095 des oiseaux nous parlèrent, bientôt dissous dans le vent. Tout était reflet, passages, allusions. Plus tard, dans un peti
1096 mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant le plafond à caissons dorés, l’étendent indéfiniment — c’est un ciel sus
1097 laces qui, reflétant le plafond à caissons dorés, l’ étendent indéfiniment — c’est un ciel suspendu assez bas sur nos têtes
1098 ché sur cet aquarium de rêves, discourt et décrit les images qu’il y découvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont l
1099 urt et décrit les images qu’il y découvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras de Clarissa dans sa danse, e
1100 ouvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras de Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise au
1101 e Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’ Anglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du golfe de Marseille, ou bi
1102 ssa c’est aussi l’Anglaise aux citrons de Pompéi, l’ Octavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par je ne sais quelle e
1103 ar je ne sais quelle erreur d’images, — ce serait la gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans le lointain, Aurélia lui ré
1104 rait la gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’un regard pareil. Des visages naissent
1105 es naissent comme des étoiles dans un halo, comme les couleurs sous les paupières, s’élargissent, se fondent, se superposen
1106 des étoiles dans un halo, comme les couleurs sous les paupières, s’élargissent, se fondent, se superposent. Cinéma des sent
1107 t. Cinéma des sentiments qui montre vivantes dans la même minute toutes les incarnations d’un amour dont l’être éternel ap
1108 ts qui montre vivantes dans la même minute toutes les incarnations d’un amour dont l’être éternel apparaît peu à peu, à tra
1109 me minute toutes les incarnations d’un amour dont l’ être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultanéité de ses mani
1110 dont l’être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultanéité de ses manifestations. Gérard parle avec une liberté mag
1111 erté magnifique et angoissante. Il mêle tout dans le temps et l’espace. Cent années et tous les visages aimés revivent dan
1112 que et angoissante. Il mêle tout dans le temps et l’ espace. Cent années et tous les visages aimés revivent dans cette coup
1113 ut dans le temps et l’espace. Cent années et tous les visages aimés revivent dans cette coupe de songes avec toutes leurs i
1114 réelles, illusions des reflets qui ne livrent que le côté terrestre des choses dont l’autre moitié sera toujours cachée, a
1115 s dont l’autre moitié sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié d’ombre. Et parce que tout revit en un instant dans
1116 en un instant dans cette vision, il connaît enfin la substance véritable et unique de toutes ses amours, il communie avec
1117 s, il communie avec quelque chose d’éternel. Tous les drames du monde ne sont que décors mouvants dans la lueur bariolée de
1118 drames du monde ne sont que décors mouvants dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne sont que reflets, épisodes, sym
1119 ts, ils ne sont que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame de son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des si
1120 sent aux pierres précieuses en passant par toutes les formes animales. Pour lui, les choses n’ont d’intérêt que par les rap
1121 passant par toutes les formes animales. Pour lui, les choses n’ont d’intérêt que par les rapports qu’il leur devine avec la
1122 les. Pour lui, les choses n’ont d’intérêt que par les rapports qu’il leur devine avec la réalité extra-terrestre. Il m’ense
1123 térêt que par les rapports qu’il leur devine avec la réalité extra-terrestre. Il m’enseigne que la passion seule, par la s
1124 vec la réalité extra-terrestre. Il m’enseigne que la passion seule, par la souffrance qu’elle entraîne, nous révèle le sen
1125 errestre. Il m’enseigne que la passion seule, par la souffrance qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et
1126 , par la souffrance qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences.
1127 es, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences. La fatigue calme son lyrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher
1128 ne barbarie spirituelle. Il plaisante. Il dit que la vie ressemble surtout à un film où les épisodes s’appellent par le si
1129 Il dit que la vie ressemble surtout à un film où les épisodes s’appellent par le simple jeu des images, se voient par tran
1130 surtout à un film où les épisodes s’appellent par le simple jeu des images, se voient par transparence au travers de l’aut
1131 vers de l’autre. Il dit : « Pour celui qui saisit les correspondances, chaque geste, chaque minute d’une vie résume cette v
1132 entière et fait allusion à tout ce qu’il y a sous le soleil, et même ailleurs. Croyez-moi, ce qu’il faudrait écrire, c’est
1133 mes. Seules des trompes d’autos s’appelaient dans la nuit froide. Gérard ne disait presque plus rien ; à peine, de temps e
1134 , qui semblait d’ailleurs endormi. En passant par la Freyung, nous vîmes un palais aux fenêtres illuminées. Des autos atte
1135 fenêtres illuminées. Des autos attendaient devant le porche grand ouvert. Les chauffeurs faisaient les cent pas dans la ne
1136 autos attendaient devant le porche grand ouvert. Les chauffeurs faisaient les cent pas dans la neige fraîche ou s’accoudai
1137 le porche grand ouvert. Les chauffeurs faisaient les cent pas dans la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’une
1138 uvert. Les chauffeurs faisaient les cent pas dans la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’une boutique à « Würs
1139 cent pas dans la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au lég
1140 fflement du bec de gaz sans manchon qui éclairait la boutique, et que le vent menaçait d’éteindre à chaque instant, le hom
1141 az sans manchon qui éclairait la boutique, et que le vent menaçait d’éteindre à chaque instant, le homard se réveilla. Gér
1142 que le vent menaçait d’éteindre à chaque instant, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu’il en était ainsi chaque nui
1143 m’expliqua qu’il en était ainsi chaque nuit, que l’ animal devenait nerveux et que depuis quelques semaines, il avait dû l
1144 veux et que depuis quelques semaines, il avait dû le mettre au caviar. Il en demanda donc une petite portion et la fit pre
1145 caviar. Il en demanda donc une petite portion et la fit prendre au homard avec toutes sortes de soins. Les chauffeurs reg
1146 it prendre au homard avec toutes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient d’un œil las, trop las pour s’étonner. Transi,
1147 si, je me balançais d’un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutarde q
1148 fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et ailleurs « Wienerli ».
1149 « Frankfurter » et ailleurs « Wienerli ». Soudain les autos se mirent à ronfler. Par le grand escalier, au fond de la cour
1150 rli ». Soudain les autos se mirent à ronfler. Par le grand escalier, au fond de la cour du palais, descendaient les invité
1151 rent à ronfler. Par le grand escalier, au fond de la cour du palais, descendaient les invités du bal. Des femmes sans chap
1152 alier, au fond de la cour du palais, descendaient les invités du bal. Des femmes sans chapeau couraient vers les voitures,
1153 és du bal. Des femmes sans chapeau couraient vers les voitures, les hommes s’inclinaient pour des baise-mains silencieux et
1154 femmes sans chapeau couraient vers les voitures, les hommes s’inclinaient pour des baise-mains silencieux et mécaniques. J
1155 à d’anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et la silhouette échassière de la jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld dont
1156 comtes athlétiques et la silhouette échassière de la jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau de velours rose l
1157 re de la jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau de velours rose laissait découvertes des jambes extrêmement h
1158 ndis que sa tête frisée jetait des insolences sur les chapeaux noirs de ses cavaliers. Tout cela s’empila dans des autos ;
1159 autos ; en dix minutes, il n’y eut plus personne, la place s’éteignit. Mais Gérard ? Ses yeux s’étaient fixés intensément,
1160 Gérard ? Ses yeux s’étaient fixés intensément, à la sortie des invités, sur une femme qui s’en allait toute seule vers un
1161 femme qui s’en allait toute seule vers une auto à l’ écart des autres. Une femme aux cheveux noirs en bandeaux, au teint pâ
1162 mme aux cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’ air d’autrefois. Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fu
1163 autrefois. Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apaisée, je m’aperçus que j’étais seul. Une dernière aut
1164 olument silencieuse fila devant moi ; je reconnus la voiture de la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient bais
1165 ieuse fila devant moi ; je reconnus la voiture de la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient baissés. Déjà on c
1166 s la voiture de la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient baissés. Déjà on criait les journaux du matin, des tr
1167 Mais les rideaux étaient baissés. Déjà on criait les journaux du matin, des triporteurs passèrent à toute vitesse, m’éclab
1168 emont Denis de, « Un soir à Vienne avec Gérard », La Nouvelle Semaine artistique et littéraire, Neuchâtel, 24 mars 1928, p
13 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
1169 » Paul Valéry. Stéphane est maniaque, comme tous les jeunes gens de sa génération. Seulement chez lui, cela ne s’est pas p
1170 . Seulement chez lui, cela ne s’est pas porté sur les autos. Il préfère s’intéresser aux divers types humains. Mais on lui
1171 ord ; accepte d’attendre comme un enfant sage que le monde lui donne, en son temps, sa petite part. On lui a expliqué qu’i
1172 , sa petite part. On lui a expliqué qu’il fallait la mériter et tâcher de devenir quelqu’un. En d’autres termes, on lui co
1173  » comme parle un de nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’est pas encore quelqu’un, Stéphane cherche à savo
1174 r un moi qui feint toujours de se cacher derrière le feuillet suivant, entraîne le lecteur par ruse jusqu’à la dernière pa
1175 se cacher derrière le feuillet suivant, entraîne le lecteur par ruse jusqu’à la dernière page, et là déclare froidement n
1176 roidement ne pas exister. Non : il a remarqué que l’ époque peut être définie par l’abondance des autobiographies, mais aus
1177 il a remarqué que l’époque peut être définie par l’ abondance des autobiographies, mais aussi bien par celle des miroirs.
1178 hane passe des heures entières à se regarder dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. I
1179 e regarder dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au co
1180 ouvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce gen
1181 nt ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’ intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigué, il veut voir e
1182 é sur lui-même il se perd en méditations éléates. Le sommeil l’en délivre. Au matin il court se voir : il est laid. Lâchem
1183 ême il se perd en méditations éléates. Le sommeil l’ en délivre. Au matin il court se voir : il est laid. Lâchement il se p
1184 l se prend en pitié. Ces séances lui font du mal, l’ énervent, mais l’aveu qu’il en consent l’attache plus secrètement à so
1185 ié. Ces séances lui font du mal, l’énervent, mais l’ aveu qu’il en consent l’attache plus secrètement à son aventure. Nous
1186 du mal, l’énervent, mais l’aveu qu’il en consent l’ attache plus secrètement à son aventure. Nous vivons dans un décor fl
1187 ne sa tête, son portrait en pied. Il se voit dans l’ acte de se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par
1188 se baigner ; son image descend en face de lui par l’ ascenseur, elle le suit au long des trottoirs, il l’aperçoit entre des
1189 mage descend en face de lui par l’ascenseur, elle le suit au long des trottoirs, il l’aperçoit entre des souliers, des éti
1190 ascenseur, elle le suit au long des trottoirs, il l’ aperçoit entre des souliers, des étiquettes, des poupées ; elle le pré
1191 des souliers, des étiquettes, des poupées ; elle le précède au restaurant, le nargue brièvement au passage des autos, le
1192 tes, des poupées ; elle le précède au restaurant, le nargue brièvement au passage des autos, le ridiculise chez le coiffeu
1193 urant, le nargue brièvement au passage des autos, le ridiculise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’angoisse qu
1194 ièvement au passage des autos, le ridiculise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’angoisse qu’il la recherche. I
1195 feur. Déjà, c’est avec une sorte d’angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais s’il
1196 la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive de prendre son image pour celle de n’imp
1197 t de cette apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et
1198 doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’ épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve que le désir d’un
1199 te. Il y cherche une révélation et n’y trouve que le désir d’une révélation. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regard ?
1200 te incantation à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qu
1201 reflets qui vont en diminuant vertigineusement et l’ égarent dans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal de supersti
1202 al de superstitions. Enfin cette expérience folle le mène à une découverte sur les sept sens de laquelle il convient de mé
1203 tte expérience folle le mène à une découverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer : la personne se dissout
1204 es sept sens de laquelle il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane est en train de
1205 convient de méditer : la personne se dissout dans l’ eau des miroirs. Stéphane est en train de se perdre pour avoir voulu
1206 il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a dans l’ homme moderne un besoin de vérifier qui n’est plus légitime dès l’inst
1207 un besoin de vérifier qui n’est plus légitime dès l’ instant qu’il se traduit par la négation de l’invérifiable. Stéphane n
1208 plus légitime dès l’instant qu’il se traduit par la négation de l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu confiance. Or la pers
1209 dès l’instant qu’il se traduit par la négation de l’ invérifiable. Stéphane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est un
1210 l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est.
1211 oire idiote, d’ailleurs vraie, se borne à décrire l’ aspect psychologique d’une aventure qui en a bien d’autres, d’aspects.
1212 qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lecteur dérisoirement troublé par la crainte de n’avoir pas saisi le
1213 est bon que le lecteur dérisoirement troublé par la crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’un texte, trouve par
1214 ement troublé par la crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois de cette incompréhension de
1215 e cette incompréhension des marques certaines. Si le rapport intime qui unit la phrase suivante aux considérations précéde
1216 marques certaines. Si le rapport intime qui unit la phrase suivante aux considérations précédentes lui échappe, qu’il y v
1217 dique, par besoin de définir, par défiance envers les dieux. À chaque regard dans notre miroir, nous perdons une Eurydice.
1218 ard dans notre miroir, nous perdons une Eurydice. Les miroirs sont peut-être la mort. La mort absolue, celle qui n’est pas
1219 perdons une Eurydice. Les miroirs sont peut-être la mort. La mort absolue, celle qui n’est pas une vie nouvelle. La mort
1220 une Eurydice. Les miroirs sont peut-être la mort. La mort absolue, celle qui n’est pas une vie nouvelle. La mort dans la t
1221 rt absolue, celle qui n’est pas une vie nouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’évidence. Un jour, à propos
1222 elle qui n’est pas une vie nouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’évidence. Un jour, à propos de rien, Stép
1223 ouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’ évidence. Un jour, à propos de rien, Stéphane pense avec fièvre : « I
1224 ane pense avec fièvre : « Il faudrait briser tous les miroirs. Alors tu te verrais en vérité. Peut-être te reconnaîtrais-tu
1225 t ? » C’est un premier filet d’eau vive qui perce le sol aride : mais Stéphane n’entend pas encore gronder les eaux profon
1226 aride : mais Stéphane n’entend pas encore gronder les eaux profondes. Le désir de s’hypnotiser l’irrite toujours vaguement.
1227 e n’entend pas encore gronder les eaux profondes. Le désir de s’hypnotiser l’irrite toujours vaguement. Mais il fuit son p
1228 nder les eaux profondes. Le désir de s’hypnotiser l’ irrite toujours vaguement. Mais il fuit son propre regard, il se cherc
1229 te, il croit saisir dans un regard de cette femme l’ écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme o
1230 omme on meurt dans une naissance. Stéphane naît à l’ amour et à lui-même conjointement. Plusieurs ivresses l’ont envahi bru
1231 r et à lui-même conjointement. Plusieurs ivresses l’ ont envahi bruyamment, bâillonnent sa raison, l’empêchent de protester
1232 s l’ont envahi bruyamment, bâillonnent sa raison, l’ empêchent de protester contre le miracle. Parmi tous ses mots fous, no
1233 onnent sa raison, l’empêchent de protester contre le miracle. Parmi tous ses mots fous, noms, baisers, appels qui reçoiven
1234 s tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la m
1235 jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conjura
1236 d soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conjuraient pour abai
1237 verreries de la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conjuraient pour abaisser tous les regards.
1238 capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et «  la mort » se conjuraient pour abaisser tous les regards. Stéphane rendu
1239 et « la mort » se conjuraient pour abaisser tous les regards. Stéphane rendu à la santé écrivait : « Ton visage me cache t
1240 pour abaisser tous les regards. Stéphane rendu à la santé écrivait : « Ton visage me cache tous les miroirs » — à une fem
1241 à la santé écrivait : « Ton visage me cache tous les miroirs » — à une femme qu’il aimait. n. Rougemont Denis de, « Mir
1242 omment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers de l’ Anglore, Genève, décembre 1928, p. 37-42.
14 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
1243 La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)o « Je lui ai raconté qu’il hab
1244 e une chaumière au bord d’un ruisseau, qu’il dort les portes ouvertes, et pendant des heures récite des odes grecques au mu
1245 des heures récite des odes grecques au murmure de l’ eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’un piano dont il a c
1246 es récite des odes grecques au murmure de l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’un piano dont il a coupé les
1247 burg lui a fait cadeau d’un piano dont il a coupé les cordes, mais pas toutes, en sorte que plusieurs touches sonnent encor
1248 lettre sur Hölderlin : « Ce piano dont il a cassé les cordes, c’est vraiment l’image de son âme ; j’ai voulu attirer là-des
1249 piano dont il a cassé les cordes, c’est vraiment l’ image de son âme ; j’ai voulu attirer là-dessus l’attention du médecin
1250 l’image de son âme ; j’ai voulu attirer là-dessus l’ attention du médecin, mais il est plus difficile de se faire comprendr
1251 se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’ hiver dernier, m’occupant assez longuement d’un des poètes auxquels no
1252 t d’un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’ attention la plus grave — car il vécut dans ces marches de l’esprit hu
1253 oètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grave — car il vécut dans ces marches de l’esprit humain qui con
1254 la plus grave — car il vécut dans ces marches de l’ esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et dont certains des
1255 ches de l’esprit humain qui confinent peut-être à l’ Esprit et dont certains des plus purs d’entre nous se préparent à tent
1256 des plus purs d’entre nous se préparent à tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage de l’émouvante Bettina, rêvé sa
1257 enter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage de l’ émouvante Bettina, rêvé sans doute assez profondément pour qu’aujourd’
1258 sans doute assez profondément pour qu’aujourd’hui le hasard qui m’amène à Tubingue ne soit pas seulement un hasard… Hier,
1259 ue ne soit pas seulement un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où t
1260 seulement un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’
1261 un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’appellent,
1262 aute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’ appellent, combien sont dignes de s’attendre au don du langage sacré ?
1263 angue de feu qui s’est posée sur Hölderlin et qui l’ a consumé… Digne ? — Un adolescent au visage de jeune fille qui rimait
1264 age de jeune fille qui rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans sa vie cette double venue de l’amour et du cha
1265 berté… Et voici dans sa vie cette double venue de l’ amour et du chant prophétique, confondant leurs flammes. Dix années da
1266 étique, confondant leurs flammes. Dix années dans le Grand Jeu. Dix années où le génie tourmente cet être faible, humilié
1267 mmes. Dix années dans le Grand Jeu. Dix années où le génie tourmente cet être faible, humilié par le monde. L’amour s’éloi
1268 ù le génie tourmente cet être faible, humilié par le monde. L’amour s’éloigne le premier, quand Hölderlin doit quitter la
1269 tourmente cet être faible, humilié par le monde. L’ amour s’éloigne le premier, quand Hölderlin doit quitter la maison de
1270 ’éloigne le premier, quand Hölderlin doit quitter la maison de Madame Gontard12, déchirement à peine sensible dans son œuv
1271 dans son œuvre. Car ce poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas so
1272 ut-être que le lieu de sa poésie, — d’une poésie, l’ on dirait, qui ne connaît pas son auteur. Qui parle par sa bouche ? Il
1273 ses Hymnes une sérénité presque effrayante. Vient le temps où le sens de son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il
1274 ne sérénité presque effrayante. Vient le temps où le sens de son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette encor
1275 rappelle — Ou bien envoie — un héros — Ou bien — la sagesse. » Mais le feu s’éteint — l’esprit souffle où il veut. Juin 1
1276 envoie — un héros — Ou bien — la sagesse. » Mais le feu s’éteint — l’esprit souffle où il veut. Juin 1802 : au moment où
1277 — Ou bien — la sagesse. » Mais le feu s’éteint — l’ esprit souffle où il veut. Juin 1802 : au moment où meurt Diotima, Höl
1278 meurt Diotima, Hölderlin errant loin d’elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’un
1279 on), est frappé d’insolation ; sa folie d’un coup l’ envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allemagne. Et du
1280 ente années, ce pauvre corps abandonné vivra dans la petite tour de Tubingue, chez un charpentier — vivra très doucement,
1281 plicablement, une vie monotone de vieux maniaque. Le buisson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce qui fut Hölderlin si
1282 e de vieux maniaque. Le buisson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce qui fut Hölderlin signe maintenant Scardanelli de
1283 s qu’il donne aux visiteurs venus pour contempler la victime d’un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je s
1284 our contempler la victime d’un miracle. — C’était l’ époque des amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un p
1285 s amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de l’ eau, un peu au-dessous de la maison, en attendant l’heure d’ouverture.
1286 s descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la maison, en attendant l’heure d’ouverture. Il y a là une station de ca
1287 eau, un peu au-dessous de la maison, en attendant l’ heure d’ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai v
1288 tzsche » à fond plat. Des saules se penchent vers l’ eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d’une longue île, des étudia
1289 iants au crâne rasé se promènent un roman jaune à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse de jour férié, les cloch
1290 après l’autre, dans cette paresse de jour férié, les clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors
1291 dans cette paresse de jour férié, les clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille mai
1292 ’étaient à demi encombrés d’armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propriétaire actuel. « Monsieu
1293 emi encombrés d’armoires. Un couloir, la chambre. L’ homme qui me conduit est le propriétaire actuel. « Monsieur connaît Hö
1294 n couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propriétaire actuel. « Monsieur connaît Hölderlin ? — questionne-t-il
1295 , ici à Francfort, écrivait Bettina, car aussitôt l’ on se met à raconter les choses les plus affreuses sur son compte, sim
1296 vait Bettina, car aussitôt l’on se met à raconter les choses les plus affreuses sur son compte, simplement parce qu’il a ai
1297 a, car aussitôt l’on se met à raconter les choses les plus affreuses sur son compte, simplement parce qu’il a aimé une femm
1298 l a aimé une femme, pour écrire Hypérion, et pour les gens d’ici, aimer, c’est seulement vouloir se marier… » — Et puis plu
1299 uloir se marier… » — Et puis plus tard on encadre les lettres des amants, on propose le couple à l’admiration des écoliers
1300 ard on encadre les lettres des amants, on propose le couple à l’admiration des écoliers en promenade, et le guide désigne
1301 re les lettres des amants, on propose le couple à l’ admiration des écoliers en promenade, et le guide désigne familièremen
1302 uple à l’admiration des écoliers en promenade, et le guide désigne familièrement l’image d’une femme par le nom qu’elle po
1303 s en promenade, et le guide désigne familièrement l’ image d’une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Tr
1304 ide désigne familièrement l’image d’une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois petites fenêtres orn
1305 ne femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’ amour… Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe qui
1306 rnées de cactus miséreux, une pipe qui traîne sur l’ appui ; le jardinet avec son banc et ses lilas fleuris qui trempent… T
1307 actus miséreux, une pipe qui traîne sur l’appui ; le jardinet avec son banc et ses lilas fleuris qui trempent… Tout est fa
1308 armotter. Vingt-sept ans dans cette chambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand ac
1309 ngt-sept ans dans cette chambre, avec le bruit de l’ eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fièvr
1310 de malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’ agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà
1311 rand accès de fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemps, si longtemp
1312 fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’elles ont
1313 grément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’elles ont fui. Avri
1314 . Il y avait encore plus de paix que maintenant. La grande allée sur l’île n’existait pas, en face, ni les maisons. Il vo
1315 plus de paix que maintenant. La grande allée sur l’ île n’existait pas, en face, ni les maisons. Il voyait des prairies et
1316 rande allée sur l’île n’existait pas, en face, ni les maisons. Il voyait des prairies et des collines basses, de l’autre cô
1317 airies et des collines basses, de l’autre côté de l’ eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie 
1318 u jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas d
1319 verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plainte »
1320 la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux : «  La perfection n’a pas de plainte »… Vivait-il encore ? Ce lieu soudain m
1321 vait-il encore ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais le gardien : il y est comme chez lui. — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh !
1322 — Oh ! répond-il, je pourrais aussi bien habiter la chambre. Il ne vient pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4… Un
1323 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts de l’Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour
1324 entre des maisons pointues et les contreforts de l’ Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour le fou au profil
1325 ise du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour le fou au profil de vieille femme qui promène doucement dans cette calme
1326 e qui promène doucement dans cette calme Tubingue le secret d’une épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, q
1327 Tubingue le secret d’une épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, qui montent au Séminaire protestant : il le
1328 cret d’une épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, qui montent au Séminaire protestant : il leur fait de gr
1329 protestant : il leur fait de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse de café au bord du Necka
1330 il leur fait de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les m
1331 e grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À quatre heures, l’orchestre s’est mis à jouer des ringu
1332 du Neckar, sous les marronniers. À quatre heures, l’ orchestre s’est mis à jouer des ringues charmantes, jazz et clarinette
1333 charmantes, jazz et clarinette, chansons de mai. Les bateaux qui dérivent dans le voisinage se rapprochent, tournoyent len
1334 e, chansons de mai. Les bateaux qui dérivent dans le voisinage se rapprochent, tournoyent lentement dans la musique. Je n’
1335 isinage se rapprochent, tournoyent lentement dans la musique. Je n’aime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume de b
1336 urnoyent lentement dans la musique. Je n’aime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume de bain, qui pagayent vigoureus
1337 en costume de bain, qui pagayent vigoureusement, les dents serrées. (« Weg zur Kraft und Schönheit ! »). J’aime les bateau
1338 rées. (« Weg zur Kraft und Schönheit ! »). J’aime les bateaux plats et incertains, avec des Daphnés dedans, qui ne savent p
1339 bien ramer et qui lisent des magazines au fil de l’ eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des adole
1340 lisent des magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des adolescents balafrés fo
1341 ues à une compagnie de cavaliers qui passe devant la statue d’Eberhard le Barbu. Des bourgeois se rient contre par-dessus
1342 sus leurs chopes. « Gemütlichkeit ». Évidemment : la vie normale. Il y a pourtant cette petite chambre… Est-ce que tout ce
1343 petite chambre… Est-ce que tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois de ces grandes questions na
1344 a ne peut que mal finir. Ceux du bon sens hochent la tête et citent la phrase la plus malencontreuse de Pascal : le « Qui
1345 finir. Ceux du bon sens hochent la tête et citent la phrase la plus malencontreuse de Pascal : le « Qui veut faire l’ange…
1346 x du bon sens hochent la tête et citent la phrase la plus malencontreuse de Pascal : le « Qui veut faire l’ange… » a autor
1347 tent la phrase la plus malencontreuse de Pascal : le « Qui veut faire l’ange… » a autorisé des générations de « bourgeois
1348 us malencontreuse de Pascal : le « Qui veut faire l’ ange… » a autorisé des générations de « bourgeois cultivés » à faire l
1349 des générations de « bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains, cela pren
1350 is cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’ âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais quelle
1351 » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du
1352 dont ils se sentent bénéficiaires. Ah ! vraiment les malins ! qui ont préféré faire tout de suite la bête : comme cela on
1353 les malins ! qui ont préféré faire tout de suite la bête : comme cela on est mieux pour donner le coup de pied de l’âne…
1354 ite la bête : comme cela on est mieux pour donner le coup de pied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus h
1355 cela on est mieux pour donner le coup de pied de l’ âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus di
1356 coup de pied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus divine, quand c’est une telle femme
1357 est plus divine, quand c’est une telle femme qui la confesse : « Celui qui entre en commerce trop étroit avec le ciel, le
1358  : « Celui qui entre en commerce trop étroit avec le ciel, les dieux le vouent au malheur. » Ô cette chambre, où pénètre l
1359 i qui entre en commerce trop étroit avec le ciel, les dieux le vouent au malheur. » Ô cette chambre, où pénètre la facilité
1360 e en commerce trop étroit avec le ciel, les dieux le vouent au malheur. » Ô cette chambre, où pénètre la facilité atroce d
1361 vouent au malheur. » Ô cette chambre, où pénètre la facilité atroce de cette fin d’après-midi, ces musiquettes et ces par
1362 , de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facilité, c’est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant
1363 à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facilité, c’est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle pa
1364 blie, triomphante, à beau fixe. Pourquoi troubler le miroir innocent de ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? E
1365 amais rien ? Ou bien, peut-être, seulement, quand l’ amour leur donne une petite fièvre, — cette semaine de leur jeunesse o
1366 choses généreuses autour d’eux… Cela s’oublie. Et l’ amour, tout justement, nous fait comprendre, dans le temps même qu’il
1367 amour, tout justement, nous fait comprendre, dans le temps même qu’il nous entr’ouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait l
1368 prendre, dans le temps même qu’il nous entr’ouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait le monde… Mais que cette musique vulg
1369 ous entr’ouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait le monde… Mais que cette musique vulgaire, par quel hasard, donne l’acco
1370 ue cette musique vulgaire, par quel hasard, donne l’ accord qui m’ouvre un vrai silence : déjà je leur échappe — je t’échap
1371 , transitoire, allusif. Tout se remet à signifier l’ absence. 11. Bettina von Arnim-Brentano : Die Günderode. 12. Où il
1372 . 12. Où il était précepteur. Madame Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des poèmes. o. Rougemont Denis de, « La to
1373 ypérion et des poèmes. o. Rougemont Denis de, «  La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel
1374 o. Rougemont Denis de, « La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel, 15 juillet 1929, p. 35
15 1930, Articles divers (1924–1930). Le prisonnier de la nuit (avril 1930)
1375 Le prisonnier de la nuit (avril 1930)p I Depuis le temps qu’on tire
1376 Le prisonnier de la nuit (avril 1930)p I Depuis le temps qu’on tire du canon à son pe
1377 prisonnier de la nuit (avril 1930)p I Depuis le temps qu’on tire du canon à son perdu depuis le temps que sonnent les
1378 s le temps qu’on tire du canon à son perdu depuis le temps que sonnent les marées à flots perdus sous la coupole errante d
1379 du canon à son perdu depuis le temps que sonnent les marées à flots perdus sous la coupole errante des prières à dieux per
1380 temps que sonnent les marées à flots perdus sous la coupole errante des prières à dieux perdus. II Je ne sais pas où t
1381 t de vent autour du monde où nous vivons parquent les visages les sons brassent les lueurs des messages et des sanglots per
1382 tour du monde où nous vivons parquent les visages les sons brassent les lueurs des messages et des sanglots perdus qui rôde
1383 ous vivons parquent les visages les sons brassent les lueurs des messages et des sanglots perdus qui rôdent à la recherche
1384 des messages et des sanglots perdus qui rôdent à la recherche d’un corps faible. Je ne sais pas où tu m’attends mais je
1385 une voix nue qui vient de dire ton nom même avec l’ accent de notre amour et mon visage est immobile tourné vers l’ombre o
1386 otre amour et mon visage est immobile tourné vers l’ ombre où tu m’entends. III Fais rentrer dans leur peau d’ombre ces
1387 au d’ombre ces mots qui voudraient fleurir tourne le dos ferme les poings ne fais qu’un ou deux pas que les souvenirs s’
1388 s mots qui voudraient fleurir tourne le dos ferme les poings ne fais qu’un ou deux pas que les souvenirs s’épousent entre
1389 ferme les poings ne fais qu’un ou deux pas que les souvenirs s’épousent entre eux pendant que tes yeux s’ouvrent n’atten
1390 tre qu’un désert qu’un sol dur aux genoux tends les mains au vent captif délivre un souffle tes lèvres battent doucement
1391 re un souffle tes lèvres battent doucement écoute- les . IV Tends moi la main à travers cette ombre rapide si je te joins
1392 es battent doucement écoute-les. IV Tends moi la main à travers cette ombre rapide si je te joins nous la tiendrons ca
1393 à travers cette ombre rapide si je te joins nous la tiendrons captive écoute les cloches et le scintillement des étoiles
1394 e si je te joins nous la tiendrons captive écoute les cloches et le scintillement des étoiles les eaux profondes qui échang
1395 s nous la tiendrons captive écoute les cloches et le scintillement des étoiles les eaux profondes qui échangent leurs douc
1396 coute les cloches et le scintillement des étoiles les eaux profondes qui échangent leurs douceurs. Tiens moi bien nous al
1397 urs douceurs. Tiens moi bien nous allons partir l’ air s’entrouvre un feu rose éclôt voici ton heure au regard le plus pu
1398 ouvre un feu rose éclôt voici ton heure au regard le plus pur je suis à toi dans le triomphe du silence sereine tu es touj
1399 on heure au regard le plus pur je suis à toi dans le triomphe du silence sereine tu es toujours plus sereine infiniment nu
1400 e tu es toujours plus sereine infiniment nue dans la douceur du feu et de la joie. V Oh qui a retiré tes mains des mien
1401 reine infiniment nue dans la douceur du feu et de la joie. V Oh qui a retiré tes mains des miennes quand je te regardai
1402 aintenant je suis seul à redescendre au jour dans l’ aube sans refuges… VI Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’un an
1403 jour dans l’aube sans refuges… VI Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta tête mais libre co
1404 avant cette naissance aux lents vertiges — quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau
1405 d’une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide tu pleurerais mais la grâce
1406 morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’ absence se ferment sur le vide tu pleurerais mais la grâce est facile
1407 rs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide tu pleurerais mais la grâce est facile comme un matin d’été la g
1408 absence se ferment sur le vide tu pleurerais mais la grâce est facile comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de
1409 ais mais la grâce est facile comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un g
1410 tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été qui consent… p. Rougemont Denis de, « Le pris
1411 and été qui consent… p. Rougemont Denis de, «  Le prisonnier de la nuit », Cahiers de l’Anglore, Genève, avril 1930, p.
1412 nt… p. Rougemont Denis de, « Le prisonnier de la nuit », Cahiers de l’Anglore, Genève, avril 1930, p. 10-12.
1413 enis de, « Le prisonnier de la nuit », Cahiers de l’ Anglore, Genève, avril 1930, p. 10-12.
16 1930, Articles divers (1924–1930). Au sujet « d’un certain esprit français » (1er mai 1930)
1414 ume « lourd de pensée », comme disent bizarrement les journalistes. (L’esprit n’est-il pas ce qui allège ? Ce qui fait s’en
1415 ée », comme disent bizarrement les journalistes. ( L’ esprit n’est-il pas ce qui allège ? Ce qui fait s’envoler les ballons 
1416 ’est-il pas ce qui allège ? Ce qui fait s’envoler les ballons ?) 2. En vérité, ce temps est peu propice au mépris et à l’a
1417 n vérité, ce temps est peu propice au mépris et à l’ adoration : où que se portent nos regards, ils rencontrent des talents
1418 distingués. À cet ordre d’ambition convient seule l’ activité de la critique. Trois ou quatre grands écrivains — Claudel, G
1419 cet ordre d’ambition convient seule l’activité de la critique. Trois ou quatre grands écrivains — Claudel, Gide, Valéry… —
1420 el, Gide, Valéry… — suffisent à nous rassurer sur la valeur littéraire de l’époque, mais non sur le sort de l’esprit. À cô
1421 isent à nous rassurer sur la valeur littéraire de l’ époque, mais non sur le sort de l’esprit. À côté d’eux, s’écrient nos
1422 ur la valeur littéraire de l’époque, mais non sur le sort de l’esprit. À côté d’eux, s’écrient nos auteurs, « qu’on nous m
1423 r littéraire de l’époque, mais non sur le sort de l’ esprit. À côté d’eux, s’écrient nos auteurs, « qu’on nous montre un se
1424  qu’on nous montre un seul Français qui n’ait pas le cœur sur les lèvres, qui ait quelque chose à dire, ou une qualité, un
1425 montre un seul Français qui n’ait pas le cœur sur les lèvres, qui ait quelque chose à dire, ou une qualité, une richesse d’
1426 également démesurés, mais combien sympathiques, à l’ heure où tout le monde exagère, à qui mieux mieux dans le sens de la m
1427 où tout le monde exagère, à qui mieux mieux dans le sens de la médiocrité spécifiquement française — et nul ne s’en décla
1428 monde exagère, à qui mieux mieux dans le sens de la médiocrité spécifiquement française — et nul ne s’en déclare gêné, me
1429 lare gêné, me semble-t-il… 3. Si nous jetons sur les lettres parisiennes un regard distrait mais circulaire, comme dirait
1430 nde ; des jeunes gens qui ont fait leurs études à la Nouvelle Revue française , et qui ont, sur un tas de sujets pas impo
1431 e de ses œuvres, si M. Brunschwicg croit ou non à la divinisation finale de l’homme par le progrès des sciences exactes ? 
1432 nschwicg croit ou non à la divinisation finale de l’ homme par le progrès des sciences exactes ? ») d’aimables biographes :
1433 it ou non à la divinisation finale de l’homme par le progrès des sciences exactes ? ») d’aimables biographes : M. de Pourt
1434 comme dit Annie Besant. Et c’est charmant, disent les dames. Je ne suis pas aussi dur que les dames. … et M. Maurois, comme
1435 t, disent les dames. Je ne suis pas aussi dur que les dames. … et M. Maurois, comme disent beaucoup de gens, qui persiste à
1436 écrivain ; alors qu’il est plutôt ce qu’autrefois l’ on nommait joliment un fin lettré. (Vraiment le jeu est trop facile. A
1437 is l’on nommait joliment un fin lettré. (Vraiment le jeu est trop facile. Allez donc vous mettre en colère contre l’insign
1438 p facile. Allez donc vous mettre en colère contre l’ insignifiance ! On ne nous laisse même plus la colère. Ah ! nous ne ri
1439 tre l’insignifiance ! On ne nous laisse même plus la colère. Ah ! nous ne risquons pas d’être tués par des statues !) Tout
1440 n qui s’éloigne : Montherlant. Très suspects dans les « milieux » littéraires, l’un parce qu’il croit tout à fait, l’autre
1441 troisième parce qu’il croit ou ne croit pas selon les sautes brusques de son tempérament. Attendons encore un peu avec ceux
1442 ent. Attendons encore un peu avec ceux-là… Enfin, l’ ultime raison de ne pas désespérer, cinq ou six poètes. 4. « Quelque
1443 e que soit » mon envie — comme disent Beausire et la Grammaire — mon envie, ma passion d’admirer, je cherche en vain l’hom
1444 n envie, ma passion d’admirer, je cherche en vain l’ homme qui brisant « les grilles de la raison » libère « le lion de mes
1445 admirer, je cherche en vain l’homme qui brisant «  les grilles de la raison » libère « le lion de mes certitudes » — comme d
1446 rche en vain l’homme qui brisant « les grilles de la raison » libère « le lion de mes certitudes » — comme disent Simond e
1447 qui brisant « les grilles de la raison » libère «  le lion de mes certitudes » — comme disent Simond et ce grand potache de
1448 r rendre mangeables beaucoup de nouilles. Mais si le sel perd sa saveur, serait-ce avec des pamphlets qu’on la lui rend ?
1449 erd sa saveur, serait-ce avec des pamphlets qu’on la lui rend ? Je le trouve en tout cas bien tonique, celui que Beausire
1450 rait-ce avec des pamphlets qu’on la lui rend ? Je le trouve en tout cas bien tonique, celui que Beausire et Simond viennen
1451 u sujet de quelques-uns des meilleurs esprits que la France ait su rendre inoffensifs. Il se pourrait très bien qu’à cette
1452 ue, impitoyable de rigueur et d’enthousiasme. 5. La critique est aisée, répètent ceux qui en ont peur, ceux-là mêmes, bie
1453 ûr, qui, sous prétexte de sa difficulté, récusent l’ art. Il y avait une fois un journaliste, un libéral et un jeanfoutre q
1454 n jeanfoutre qui regardaient travailler un maçon. Le maçon creusait et défonçait, or on lui avait commandé une maison. Nos
1455 une maison. Nos trois compères se moquaient fort. Le journaliste expliquait qu’on eut dû commencer par l’échafaudage. Le l
1456 journaliste expliquait qu’on eut dû commencer par l’ échafaudage. Le libéral déplorait que l’on défonçât le sol. Le jeanfou
1457 liquait qu’on eut dû commencer par l’échafaudage. Le libéral déplorait que l’on défonçât le sol. Le jeanfoutre trouvait qu
1458 encer par l’échafaudage. Le libéral déplorait que l’ on défonçât le sol. Le jeanfoutre trouvait qu’il y a déjà tant de mais
1459 hafaudage. Le libéral déplorait que l’on défonçât le sol. Le jeanfoutre trouvait qu’il y a déjà tant de maisons. Cependant
1460 e. Le libéral déplorait que l’on défonçât le sol. Le jeanfoutre trouvait qu’il y a déjà tant de maisons. Cependant le maço
1461 rouvait qu’il y a déjà tant de maisons. Cependant le maçon continuait de construire, et quand les fondations furent achevé
1462 ndant le maçon continuait de construire, et quand les fondations furent achevées, les murs s’élevèrent, et quand tout fut t
1463 struire, et quand les fondations furent achevées, les murs s’élevèrent, et quand tout fut terminé, l’on interdit l’entrée d
1464 les murs s’élevèrent, et quand tout fut terminé, l’ on interdit l’entrée du palais à nos trois amis (qui pourtant n’eussen
1465 evèrent, et quand tout fut terminé, l’on interdit l’ entrée du palais à nos trois amis (qui pourtant n’eussent pas demandé
1466 est encore très mal compris. 6. Il s’agit ici de la critique d’un certain état d’esprit moins facile à formuler qu’à décr
1467 ès dans son éthique, Maurras dans son esthétique, les Surréalistes dans leur métaphysique, font preuve de la même ambition
1468 rréalistes dans leur métaphysique, font preuve de la même ambition et témoignent de la même impuissance. Ils désirent égal
1469 font preuve de la même ambition et témoignent de la même impuissance. Ils désirent également donner une solution décisive
1470 ement donner une solution décisive au problème de l’ homme ; ils manquent également de cette énergie créatrice et critique
1471 iatement utilisables. Simond dénonce chez Maurras l’ impardonnable confusion des valeurs que représente son positivisme est
1472 ique, ce désir de connaissance, puis désigne chez les surréalistes certains sophismes et ce « badinage mystique » sans l’ac
1473 rtains sophismes et ce « badinage mystique » sans l’ accompagnement desquels, semble-t-il, nul Français ne saurait accepter
1474 je voudrais que s’en offusquent ceux-là seuls que l’ outrancière habileté contemporaine écœure plus que tout. Plutôt donc q
1475 ntellectuel. Ces messieurs — et qui pensent — ont la chance de vivre à l’une des époques les plus violentes de l’histoire
1476 sent — ont la chance de vivre à l’une des époques les plus violentes de l’histoire humaine ; ils assistent à des bouleverse
1477 e vivre à l’une des époques les plus violentes de l’ histoire humaine ; ils assistent à des bouleversements sociaux, moraux
1478 passent un certain plan. C’est mal vu. » Ou si on les pose, ajouterai-je, c’est pour les résoudre aussitôt et d’une manière
1479 vu. » Ou si on les pose, ajouterai-je, c’est pour les résoudre aussitôt et d’une manière aussi peu compromettante que possi
1480 i peu compromettante que possible. Direz-vous que les Allemands ne les posent pas mieux ? Du moins n’ont-ils pas cette impu
1481 nte que possible. Direz-vous que les Allemands ne les posent pas mieux ? Du moins n’ont-ils pas cette impudeur française de
1482 assner… En France, hélas ! une logique verbale et le clair génie que l’on sait se chargent de tout réduire à la raison, y
1483 hélas ! une logique verbale et le clair génie que l’ on sait se chargent de tout réduire à la raison, y compris la Révoluti
1484 génie que l’on sait se chargent de tout réduire à la raison, y compris la Révolution, thème rhétorique, y compris la Relig
1485 e chargent de tout réduire à la raison, y compris la Révolution, thème rhétorique, y compris la Religion, thème catholique
1486 ompris la Révolution, thème rhétorique, y compris la Religion, thème catholique. Servir leur paraît ridicule. Soit, mais i
1487 re ennuyeux13… Ils recherchent tous un équilibre, le trouvent bien vite, comme de juste, s’en lassent, cherchent alors un
1488 s un déséquilibre, s’en effraient, repartent vers la foi et s’arrêtent chez un éditeur. Cela fait un roman de plus. Il obt
1489 éditeur. Cela fait un roman de plus. Il obtiendra le prix d’assiduité et l’approbation de tous les prudents qui ont fait l
1490 oman de plus. Il obtiendra le prix d’assiduité et l’ approbation de tous les prudents qui ont fait le tour des choses comme
1491 ndra le prix d’assiduité et l’approbation de tous les prudents qui ont fait le tour des choses comme on fait le tour des ga
1492 t l’approbation de tous les prudents qui ont fait le tour des choses comme on fait le tour des galeries du Lido : bien déc
1493 nts qui ont fait le tour des choses comme on fait le tour des galeries du Lido : bien décidé à ne rien acheter qui mette e
1494 bien décidé à ne rien acheter qui mette en péril le budget mensuel. Ô sens de la mesure ! (Mais où les audaces souveraine
1495 r qui mette en péril le budget mensuel. Ô sens de la mesure ! (Mais où les audaces souveraines d’un Racine, d’un Descartes
1496 le budget mensuel. Ô sens de la mesure ! (Mais où les audaces souveraines d’un Racine, d’un Descartes ?) D’ailleurs, c’est
1497 te vertu qu’il est vraiment trop facile de nommer l’ avarice française, il vous reste à choisir entre le sort de Nietzsche
1498 ’avarice française, il vous reste à choisir entre le sort de Nietzsche et celui de Schiller. Romancer la vie de ces excess
1499 sort de Nietzsche et celui de Schiller. Romancer la vie de ces excessifs est assez bien vu ; mais tenter de leur opposer
1500 sacrifices, certains mépris qui passent tellement la « mesure » parisienne — physiologique et morne — que le fait même de
1501 esure » parisienne — physiologique et morne — que le fait même de s’y essayer définit ce qu’on nomme à Paris prétention. M
1502 uitter sa chambre, son cigare ou son moi. » 8. «  La France… n’a pas su faire la révolution morale… parce qu’elle manque d
1503 e ou son moi. » 8. « La France… n’a pas su faire la révolution morale… parce qu’elle manque de sens moral. » Le Français
1504 ion morale… parce qu’elle manque de sens moral. » Le Français qui n’est ni chrétien ni disciple de Nietzsche, demandera po
1505 le de Nietzsche, demandera pourquoi il faut faire la révolution morale. Voilà notre aphorisme démontré. 9. Enfin je citer
1506 ux petites phrases qui suffisent presque à situer la position d’attaque de nos auteurs : « Tout créateur néglige sa person
1507 e Léonard d’avoir « tracé peut-être pour toujours les limites de l’humaine liberté ». Simond réclame « un parti pris…, un o
1508 ir « tracé peut-être pour toujours les limites de l’ humaine liberté ». Simond réclame « un parti pris…, un ordre de valeur
1509 ontairement, assumé ». N’est-ce point oublier que l’ existence du Christ donne à « l’humaine liberté » des limites d’une na
1510 point oublier que l’existence du Christ donne à «  l’ humaine liberté » des limites d’une nature que Léonard ne soupçonna mê
1511 onna même pas ; — que ces limites rendent absurde l’ adoption d’un ordre de valeurs « arbitraire », mais obligent l’homme à
1512 un ordre de valeurs « arbitraire », mais obligent l’ homme à « assumer » d’autant plus héroïquement sa vérité — une vérité
1513 en Dieu — et soit qu’il sache ou qu’il ignore que la grâce seule permet de vouloir… C’est Nietzsche, et quelque chose par-
1514 ’ai senti mes oreilles se déboucher, nous gagnons l’ altitude. Les problèmes qu’il se pose sont le meilleur de l’homme — à
1515 s oreilles se déboucher, nous gagnons l’altitude. Les problèmes qu’il se pose sont le meilleur de l’homme — à condition qu’
1516 nons l’altitude. Les problèmes qu’il se pose sont le meilleur de l’homme — à condition qu’il les surmonte. « Car l’homme e
1517 . Les problèmes qu’il se pose sont le meilleur de l’ homme — à condition qu’il les surmonte. « Car l’homme est quelque chos
1518 e sont le meilleur de l’homme — à condition qu’il les surmonte. « Car l’homme est quelque chose qui doit être surmonté » co
1519 e l’homme — à condition qu’il les surmonte. « Car l’ homme est quelque chose qui doit être surmonté » comme dit Zarathoustr
1520 pas insignifiants, voilà qui suffira peut-être à le justifier aux yeux de quelques-uns. Paris, avril 1930. 13. C’est ic
1521 ril 1930. 13. C’est ici que paraît tout de même la grandeur d’un Ramuz, dont Beausire ne veut voir que le maniérisme, no
1522 andeur d’un Ramuz, dont Beausire ne veut voir que le maniérisme, non la substance. q. Rougemont Denis de, « [Compte rend
1523 dont Beausire ne veut voir que le maniérisme, non la substance. q. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet D’un ce
1524 hui, Lausanne, 1 mai 1930, p. 4. r. Recension de l’ ouvrage éponyme de Pierre Beausire et Daniel Simond, paru aux « Petite
17 1930, Articles divers (1924–1930). « Vos fantômes ne sont pas les miens… » [Réponse à l’enquête « Les vrais fantômes »] (juillet 1930)
1525  Vos fantômes ne sont pas les miens… » [Réponse à l’ enquête « Les vrais fantômes »] (juillet 1930)s t I Vos fantômes ne
1526 s ne sont pas les miens… » [Réponse à l’enquête «  Les vrais fantômes »] (juillet 1930)s t I Vos fantômes ne sont pas les
1527 pas pour moi « des choses » — et réciproquement. La distinction entre « choses » et « fantômes » est relative à des habit
1528 de ou ivre, c’est-à-dire quand je suis dominé par le monde. Ils ont tous le même air absurde. Des fantômes d’une autre sor
1529 e quand je suis dominé par le monde. Ils ont tous le même air absurde. Des fantômes d’une autre sorte, ceux-là tout rayonn
1530 llusions indéfinies, naissent autour de moi quand la passion ou la prière me font centre de mon univers. La vision « autr
1531 inies, naissent autour de moi quand la passion ou la prière me font centre de mon univers. La vision « autre » dont vous
1532 sion ou la prière me font centre de mon univers. La vision « autre » dont vous parlez traduit simplement une variation da
1533 simplement une variation dans mes relations avec le monde. En quoi cette première question est assez indiscrète. II Il y
1534 z indiscrète. II Il y aurait beaucoup à dire sur l’ admiration dont certains littérateurs français témoignent en face des
1535 ard, des incantations tout juste bonnes à évoquer la basse pègre du monde spirituel. Ce n’est pas en détraquant nos sens o
1536 lligence, celle-ci à son tour par une volonté qui l’ oriente vers certains états dont il arrive que la gratuité apparente n
1537 l’oriente vers certains états dont il arrive que la gratuité apparente nous fascine. Un fantôme ne manifeste rien d’autre
1538 fascine. Un fantôme ne manifeste rien d’autre que la qualité du regard qui le perçoit. Dis-moi qui te hante… Ainsi, la vul
1539 nifeste rien d’autre que la qualité du regard qui le perçoit. Dis-moi qui te hante… Ainsi, la vulgarité évidente des fantô
1540 gard qui le perçoit. Dis-moi qui te hante… Ainsi, la vulgarité évidente des fantômes décrits par la psychologie moderne ré
1541 i, la vulgarité évidente des fantômes décrits par la psychologie moderne révèle-t-elle une déficience de méthode, laquelle
1542 esse d’âme. Car on ne voit que ce qu’on mérite. —  Les plus beaux fantômes, et les plus réels, ce sont les anges. Mais ceux-
1543 ue ce qu’on mérite. — Les plus beaux fantômes, et les plus réels, ce sont les anges. Mais ceux-là seuls parmi nous les verr
1544 s plus beaux fantômes, et les plus réels, ce sont les anges. Mais ceux-là seuls parmi nous les verront, dont l’esprit parvi
1545 ce sont les anges. Mais ceux-là seuls parmi nous les verront, dont l’esprit parviendra par sa puissance d’adoration, à se
1546 . Mais ceux-là seuls parmi nous les verront, dont l’ esprit parviendra par sa puissance d’adoration, à se créer une part an
1547 d’adoration, à se créer une part angélique. III L’ amour, loin de causer une « désorganisation du moral », multiplie à no
1548  désorganisation du moral », multiplie à nos yeux les correspondances. Comprenons à ce signe qu’il nous transporte dans un
1549 plus hautement organisé, c’est-à-dire plus réel. ( L’ absurdité des choses mesurait seulement notre impuissance à les aimer.
1550 des choses mesurait seulement notre impuissance à les aimer.) Dès lors, il ne s’agira plus de réduire les fantômes qui nous
1551 s aimer.) Dès lors, il ne s’agira plus de réduire les fantômes qui nous tenteront, mais de leur égaler notre conscience. C’
1552 du monde spirituel revêt pour nous, normalement, l’ aspect d’une création. Il s’agit de maintenir cet effort sous le signe
1553 création. Il s’agit de maintenir cet effort sous le signe de la sobriété la plus rusée mais la plus amoureuse. L’audace e
1554 l s’agit de maintenir cet effort sous le signe de la sobriété la plus rusée mais la plus amoureuse. L’audace et l’humilité
1555 maintenir cet effort sous le signe de la sobriété la plus rusée mais la plus amoureuse. L’audace et l’humilité de la prièr
1556 t sous le signe de la sobriété la plus rusée mais la plus amoureuse. L’audace et l’humilité de la prière nous font entendr
1557 la sobriété la plus rusée mais la plus amoureuse. L’ audace et l’humilité de la prière nous font entendre l’accord fondamen
1558 la plus rusée mais la plus amoureuse. L’audace et l’ humilité de la prière nous font entendre l’accord fondamental d’une ét
1559 mais la plus amoureuse. L’audace et l’humilité de la prière nous font entendre l’accord fondamental d’une éthique des fant
1560 ace et l’humilité de la prière nous font entendre l’ accord fondamental d’une éthique des fantômes, dont la poésie moderne
1561 cord fondamental d’une éthique des fantômes, dont la poésie moderne n’est peut-être que la psychologie. s. Rougemont De
1562 tômes, dont la poésie moderne n’est peut-être que la psychologie. s. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Vos
1563 , Raison d’être, Paris, juillet 1930, p. 7-8. t. Les réponses à cette enquête, par Raoul Benveniste, Carlo Suarès, Joë Bou
1564 écédées d’une introduction dont nous reproduisons l’ extrait suivant : « “Y a-t-il une faculté de perception indépendante d
1565 eption indépendante des sens, qui, s’exerçant par le moyen d’un organe interne, puisse nous donner des connaissances plus
1566 nous donner des connaissances plus complètes que l’ expérience commune ?” Depuis (et même avant) que Saint-Augustin a form
1567 — certaines expériences particulières, telles que les rêves (à l’état normal) ou les hallucinations (à l’état pathologique)
1568 xpériences particulières, telles que les rêves (à l’ état normal) ou les hallucinations (à l’état pathologique), pour prend
1569 lières, telles que les rêves (à l’état normal) ou les hallucinations (à l’état pathologique), pour prendre des états concre
1570 rêves (à l’état normal) ou les hallucinations (à l’ état pathologique), pour prendre des états concrets. »