1
M. de Montherlant,
le
sport et les jésuites (9 février 1924)a M. de Montherlant est cons
2
M. de Montherlant, le sport et
les
jésuites (9 février 1924)a M. de Montherlant est considéré par plu
3
par plusieurs comme l’un des héritiers de Barrès.
Le
rapprochement est peut-être prématuré, tout au plus peut-on dire qu’à
4
ut-être prématuré, tout au plus peut-on dire qu’à
l’
heure présente déjà, son œuvre, comme celle de Barrès, nous offre plus
5
u moins, cette inquiétude libératrice que produit
la
recherche de la vérité. Dès son premier livre, il s’est montré tout e
6
nquiétude libératrice que produit la recherche de
la
vérité. Dès son premier livre, il s’est montré tout entier, il a brav
7
out entier, il a bravement affirmé son unité. Car
le
temps n’est plus, où les jeunes gens se faisaient, avec sérieux, des
8
nt affirmé son unité. Car le temps n’est plus, où
les
jeunes gens se faisaient, avec sérieux, des âmes exceptionnellement c
9
langue plus compliquée encore et nuancée jusqu’à
l’
ennui. La guerre a donné le coup de grâce à cet esthétisme énervant qu
10
lus compliquée encore et nuancée jusqu’à l’ennui.
La
guerre a donné le coup de grâce à cet esthétisme énervant qu’on appel
11
ore et nuancée jusqu’à l’ennui. La guerre a donné
le
coup de grâce à cet esthétisme énervant qu’on appelle symbolisme ; et
12
appelle symbolisme ; et elle a donné naissance à
la
doctrine de M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et casq
13
t, qui en est sortie toute formée et casquée pour
la
lutte de l’après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme-t-il, se disput
14
t sortie toute formée et casquée pour la lutte de
l’
après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme-t-il, se disputent le monde
15
. ⁂ Deux philosophies, affirme-t-il, se disputent
le
monde. L’une vient de l’Orient, et insinue dans le monde romain les v
16
firme-t-il, se disputent le monde. L’une vient de
l’
Orient, et insinue dans le monde romain les virus du christianisme, de
17
e monde. L’une vient de l’Orient, et insinue dans
le
monde romain les virus du christianisme, de la Réforme, de la Révolut
18
ient de l’Orient, et insinue dans le monde romain
les
virus du christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romanti
19
ns le monde romain les virus du christianisme, de
la
Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté e
20
ain les virus du christianisme, de la Réforme, de
la
Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l
21
de la Réforme, de la Révolution et du romantisme,
les
concepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L
22
omantisme, les concepts de liberté et de progrès,
l’
humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philosophie est celle de l’anti
23
ncepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme,
le
bolchévisme. L’autre philosophie est celle de l’antique Rome, qui a i
24
le bolchévisme. L’autre philosophie est celle de
l’
antique Rome, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissance, le tradit
25
sophie est celle de l’antique Rome, qui a inspiré
le
catholicisme, la Renaissance, le traditionnisme et le nationalisme. L
26
de l’antique Rome, qui a inspiré le catholicisme,
la
Renaissance, le traditionnisme et le nationalisme. L’Orient efféminé
27
e, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissance,
le
traditionnisme et le nationalisme. L’Orient efféminé ; — en face : l’
28
atholicisme, la Renaissance, le traditionnisme et
le
nationalisme. L’Orient efféminé ; — en face : l’Ordre romain. Or l’or
29
enaissance, le traditionnisme et le nationalisme.
L’
Orient efféminé ; — en face : l’Ordre romain. Or l’ordre, pour M. de M
30
le nationalisme. L’Orient efféminé ; — en face :
l’
Ordre romain. Or l’ordre, pour M. de Montherlant comme pour Maurras, e
31
’Orient efféminé ; — en face : l’Ordre romain. Or
l’
ordre, pour M. de Montherlant comme pour Maurras, est ce qu’il importe
32
u monde, qui n’est en rien différente de celle de
l’
Action française ; remarquons toutefois cette séparation, que Maurras
33
franchement, du catholicisme et du christianisme,
le
christianisme étant dans le même camp que la Réforme. M. de Montherla
34
et du christianisme, le christianisme étant dans
le
même camp que la Réforme. M. de Montherlant n’est décidément pas phil
35
sme, le christianisme étant dans le même camp que
la
Réforme. M. de Montherlant n’est décidément pas philosophe. Peut-être
36
s philosophe. Peut-être ne lui a-t-il manqué pour
le
devenir que le temps de méditer : il a quitté le collège jésuite pour
37
eut-être ne lui a-t-il manqué pour le devenir que
le
temps de méditer : il a quitté le collège jésuite pour la tranchée, p
38
le devenir que le temps de méditer : il a quitté
le
collège jésuite pour la tranchée, puis « le sport l’a saisi aux patte
39
de méditer : il a quitté le collège jésuite pour
la
tranchée, puis « le sport l’a saisi aux pattes de la guerre encore co
40
uitté le collège jésuite pour la tranchée, puis «
le
sport l’a saisi aux pattes de la guerre encore contus de huit coups d
41
collège jésuite pour la tranchée, puis « le sport
l’
a saisi aux pattes de la guerre encore contus de huit coups de griffes
42
tranchée, puis « le sport l’a saisi aux pattes de
la
guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte
43
ncore contus de huit coups de griffes et chaud de
l’
étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressaisi
44
l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu
le
temps de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’une façon obs
45
illeux ». Il n’a pas eu le temps de se ressaisir,
le
sport prolongeant pour lui, d’une façon obsédante, le rythme de la gu
46
port prolongeant pour lui, d’une façon obsédante,
le
rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité le choc fatal pour t
47
ant pour lui, d’une façon obsédante, le rythme de
la
guerre. Du moins a-t-il ainsi évité le choc fatal pour tant d’autres
48
rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité
le
choc fatal pour tant d’autres du guerrier et du bourgeois. Dernièreme
49
rrier et du bourgeois. Dernièrement, il abandonna
le
stade et rentra dans le monde où nous vivons tous. Écœuré du désordre
50
ernièrement, il abandonna le stade et rentra dans
le
monde où nous vivons tous. Écœuré du désordre général, il cherche des
51
s, et nous tend les premiers qui lui tombent sous
la
main : le sport et la morale romaine. Dans sa hâte salvatrice, M. de
52
tend les premiers qui lui tombent sous la main :
le
sport et la morale romaine. Dans sa hâte salvatrice, M. de Montherlan
53
emiers qui lui tombent sous la main : le sport et
la
morale romaine. Dans sa hâte salvatrice, M. de Montherlant ne s’est m
54
ontrepoisons pouvaient être administrés ensemble.
L’
opération faite, il a pourtant fallu la justifier, ce qui n’a pas été
55
ensemble. L’opération faite, il a pourtant fallu
la
justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe de l
56
n peu intimidantes. Toute une partie du Paradis à
l’
ombre des épées 1, son dernier livre, est consacrée à « fondre dans un
57
consacrée à « fondre dans une unité supérieure »
l’
antinomie de l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait
58
fondre dans une unité supérieure » l’antinomie de
l’
esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité comme
59
rieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de
l’
esprit sportif. « On se fait son unité comme on peut », avoue-t-il fra
60
radoxal de vouloir unir dans une même philosophie
la
morale jésuite, faite de règles et de contraintes imposées dans le bu
61
, faite de règles et de contraintes imposées dans
le
but de restreindre la liberté et l’initiative individuelles, et la mo
62
e contraintes imposées dans le but de restreindre
la
liberté et l’initiative individuelles, et la morale des sports anglai
63
imposées dans le but de restreindre la liberté et
l’
initiative individuelles, et la morale des sports anglais, morale qui
64
ndre la liberté et l’initiative individuelles, et
la
morale des sports anglais, morale qui veut former des hommes maîtres
65
ment un des premiers Français qui ait compris que
le
but du sport n’est pas la performance, mais le style et la méthode, c
66
ais qui ait compris que le but du sport n’est pas
la
performance, mais le style et la méthode, c’est-à-dire la formation d
67
ue le but du sport n’est pas la performance, mais
le
style et la méthode, c’est-à-dire la formation du caractère, en défin
68
sport n’est pas la performance, mais le style et
la
méthode, c’est-à-dire la formation du caractère, en définitive. Mais
69
rmance, mais le style et la méthode, c’est-à-dire
la
formation du caractère, en définitive. Mais on peut oublier la partie
70
du caractère, en définitive. Mais on peut oublier
la
partie doctrinaire de cette œuvre, elle ne lui est pas indispensable
71
« Ces simplifications valent ce que valent toutes
les
simplifications, qu’on les appelle ou non idées générales, et j’avoue
72
t ce que valent toutes les simplifications, qu’on
les
appelle ou non idées générales, et j’avoue bien volontiers qu’il n’es
73
e bien volontiers qu’il n’est pas une opinion sur
le
monde à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique
74
une opinion sur le monde à laquelle je ne préfère
le
monde ». Je préfère à la dogmatique de M. de Montherlant son admirabl
75
à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère à
la
dogmatique de M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du sta
76
et calme » des « grands corps athlétiques ». Sur
le
stade au soleil se déploient les équipes, et l’équipier Montherlant l
77
thlétiques ». Sur le stade au soleil se déploient
les
équipes, et l’équipier Montherlant les contemple, ému de « cette ivre
78
r le stade au soleil se déploient les équipes, et
l’
équipier Montherlant les contemple, ému de « cette ivresse qui naît de
79
déploient les équipes, et l’équipier Montherlant
les
contemple, ému de « cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi par
80
les contemple, ému de « cette ivresse qui naît de
l’
ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’entre
81
resse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de
la
pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix so
82
ussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de
l’
entre-deux-guerres, … cinq sur dix sont désignés… ». Voici passer un c
83
Voici passer un coureur : « À peine a-t-il touché
la
piste d’herbe, c’est une allégresse héroïque qu’infuse à son corps la
84
est une allégresse héroïque qu’infuse à son corps
la
douce matière. L’air et le sol, dieux rivaux, se le disputent, et il
85
héroïque qu’infuse à son corps la douce matière.
L’
air et le sol, dieux rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un
86
qu’infuse à son corps la douce matière. L’air et
le
sol, dieux rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un et l’aut
87
douce matière. L’air et le sol, dieux rivaux, se
le
disputent, et il oscille entre l’un et l’autre. Ainsi mon art, entre
88
lée, bondissante et posée, est pleine du désir de
l’
air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends pas ? » — Mais plus q
89
musique que je n’entends pas ? » — Mais plus que
le
corps en mouvement, c’est la domination de la raison sur ce corps qui
90
? » — Mais plus que le corps en mouvement, c’est
la
domination de la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cett
91
que le corps en mouvement, c’est la domination de
la
raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cette domination qui
92
est exaltante, et c’est cette domination qui est
le
but véritable du sport. On accepte une règle ; on l’assimile, à tel p
93
but véritable du sport. On accepte une règle ; on
l’
assimile, à tel point qu’elle n’est plus une entrave à la violence ani
94
ile, à tel point qu’elle n’est plus une entrave à
la
violence animale déchaînée dans le corps du joueur à la vue de la pra
95
une entrave à la violence animale déchaînée dans
le
corps du joueur à la vue de la prairie rase où rebondit un ballon. Si
96
ale déchaînée dans le corps du joueur à la vue de
la
prairie rase où rebondit un ballon. Si l’on considère la vie sociale
97
vue de la prairie rase où rebondit un ballon. Si
l’
on considère la vie sociale comme un jeu sérieux dont on respecte les
98
rie rase où rebondit un ballon. Si l’on considère
la
vie sociale comme un jeu sérieux dont on respecte les règles, non plu
99
vie sociale comme un jeu sérieux dont on respecte
les
règles, non plus comme une lutte sauvage et déloyale, la morale d’équ
100
es, non plus comme une lutte sauvage et déloyale,
la
morale d’équipe devient toute la morale, et les qualités indispensabl
101
age et déloyale, la morale d’équipe devient toute
la
morale, et les qualités indispensables au bon équipier deviennent les
102
e, la morale d’équipe devient toute la morale, et
les
qualités indispensables au bon équipier deviennent les qualités du pa
103
ualités indispensables au bon équipier deviennent
les
qualités du parfait citoyen : juste vision de la réalité, abnégation,
104
les qualités du parfait citoyen : juste vision de
la
réalité, abnégation, sentiment du devoir de chacun envers l’ensemble
105
abnégation, sentiment du devoir de chacun envers
l’
ensemble (Montherlant insiste plutôt sur le sentiment des hiérarchies
106
envers l’ensemble (Montherlant insiste plutôt sur
le
sentiment des hiérarchies que sur celui de la solidarité, comme bien
107
sur le sentiment des hiérarchies que sur celui de
la
solidarité, comme bien l’on pense). Enfin, enseignement plus général
108
rchies que sur celui de la solidarité, comme bien
l’
on pense). Enfin, enseignement plus général de la morale sportive : «
109
l’on pense). Enfin, enseignement plus général de
la
morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, appli
110
seignement plus général de la morale sportive : «
la
règle de rester en dedans de son action, application de l’immense axi
111
de rester en dedans de son action, application de
l’
immense axiome formulé par Hésiode et qui gouverna le monde ancien : L
112
mmense axiome formulé par Hésiode et qui gouverna
le
monde ancien : La moitié est plus grande que le tout ». Le sport comm
113
ulé par Hésiode et qui gouverna le monde ancien :
La
moitié est plus grande que le tout ». Le sport comme un apprentissage
114
a le monde ancien : La moitié est plus grande que
le
tout ». Le sport comme un apprentissage de la vie : tout servira plus
115
ancien : La moitié est plus grande que le tout ».
Le
sport comme un apprentissage de la vie : tout servira plus tard : Ô
116
que le tout ». Le sport comme un apprentissage de
la
vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a un brin du myrte ci
117
de laurier. Vous n’êtes pas couronnés d’olivier.
La
main connaît la main dans la prise du témoin. L’épaule connaît l’épau
118
s n’êtes pas couronnés d’olivier. La main connaît
la
main dans la prise du témoin. L’épaule connaît l’épaule dans le talon
119
couronnés d’olivier. La main connaît la main dans
la
prise du témoin. L’épaule connaît l’épaule dans le talonnage du ballo
120
La main connaît la main dans la prise du témoin.
L’
épaule connaît l’épaule dans le talonnage du ballon. Le regard connaît
121
la main dans la prise du témoin. L’épaule connaît
l’
épaule dans le talonnage du ballon. Le regard connaît le regard dans l
122
a prise du témoin. L’épaule connaît l’épaule dans
le
talonnage du ballon. Le regard connaît le regard dans la course d’équ
123
ule connaît l’épaule dans le talonnage du ballon.
Le
regard connaît le regard dans la course d’équipe. Le cœur connaît la
124
le dans le talonnage du ballon. Le regard connaît
le
regard dans la course d’équipe. Le cœur connaît la présence muette et
125
nnage du ballon. Le regard connaît le regard dans
la
course d’équipe. Le cœur connaît la présence muette et sûre. Toutes c
126
regard connaît le regard dans la course d’équipe.
Le
cœur connaît la présence muette et sûre. Toutes ces choses ne se font
127
e regard dans la course d’équipe. Le cœur connaît
la
présence muette et sûre. Toutes ces choses ne se font pas en vain. Le
128
t sûre. Toutes ces choses ne se font pas en vain.
Le
chef se dresse entre les dix qui sont à lui. Il dit : « Je ne demande
129
s ne se font pas en vain. Le chef se dresse entre
les
dix qui sont à lui. Il dit : « Je ne demande pas qu’on m’aime. Je dem
130
t purs courages, donnez-moi votre silence jusqu’à
l’
heure. Que je taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre des épé
131
. Que je taise votre mot de ralliement, paradis à
l’
ombre des épées. Rien de moins artificiellement moderne que ce lyrism
132
nt moderne que ce lyrisme sobre et prenant : « Si
l’
on s’échauffe, s’échauffer sur de la précision. » On évitera ainsi tou
133
renant : « Si l’on s’échauffe, s’échauffer sur de
la
précision. » On évitera ainsi tout niais romantisme. Je sais bien ce
134
ais romantisme. Je sais bien ce qu’on objectera :
le
sport ainsi compris, plus que l’apprentissage de la vie, est l’appren
135
u’on objectera : le sport ainsi compris, plus que
l’
apprentissage de la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on.
136
sport ainsi compris, plus que l’apprentissage de
la
vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlant r
137
compris, plus que l’apprentissage de la vie, est
l’
apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlant répondra : no
138
l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage de
la
guerre, dira-t-on. M. de Montherlant répondra : non, car la faiblesse
139
dira-t-on. M. de Montherlant répondra : non, car
la
faiblesse est le péché capital pour le sportif. Or c’est la faiblesse
140
Montherlant répondra : non, car la faiblesse est
le
péché capital pour le sportif. Or c’est la faiblesse « qui fait lever
141
: non, car la faiblesse est le péché capital pour
le
sportif. Or c’est la faiblesse « qui fait lever la haine ». « La faib
142
se est le péché capital pour le sportif. Or c’est
la
faiblesse « qui fait lever la haine ». « La faiblesse est mère du com
143
e sportif. Or c’est la faiblesse « qui fait lever
la
haine ». « La faiblesse est mère du combat. » C’est donc à un lacédém
144
c’est la faiblesse « qui fait lever la haine ». «
La
faiblesse est mère du combat. » C’est donc à un lacédémonisme renouve
145
mpérée de raison. Ce qu’on en peut retenir, c’est
la
méthode, car je crois qu’elle sert mieux la démocratie que l’Église r
146
c’est la méthode, car je crois qu’elle sert mieux
la
démocratie que l’Église romaine, quoi qu’en pense M. de Montherlant.
147
car je crois qu’elle sert mieux la démocratie que
l’
Église romaine, quoi qu’en pense M. de Montherlant. Et voici, ô parado
148
Kant qui écrit : « C’est sur des maximes, non sur
la
discipline, qu’il faut fonder la conduite des jeunes gens : celle-ci
149
maximes, non sur la discipline, qu’il faut fonder
la
conduite des jeunes gens : celle-ci empêche les abus, mais celles-là
150
er la conduite des jeunes gens : celle-ci empêche
les
abus, mais celles-là forment l’esprit. » M. de Montherlant illustre s
151
celle-ci empêche les abus, mais celles-là forment
l’
esprit. » M. de Montherlant illustre sa propre pensée de cette citatio
152
rait appeler une « morale constructive » : porter
l’
effort sur ce qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera de soi
153
e qui ne doit pas être tombera de soi-même. Ainsi
l’
athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-il pas à combattre certaines fa
154
t pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à
l’
entraînement ne s’épuise-t-il pas à combattre certaines faiblesses : i
155
certaines faiblesses : il développe ses qualités,
le
reste s’arrange de soi-même. ⁂ M. de Montherlant, qui a quitté le sta
156
ge de soi-même. ⁂ M. de Montherlant, qui a quitté
le
stade, se rendra mieux compte à distance de la contradiction sur laqu
157
té le stade, se rendra mieux compte à distance de
la
contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera de
158
a contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre.
L’
intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou
159
’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de
la
morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homme,
160
ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de
la
morale jésuite. Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement un
161
me de lettres. Un homme en qui s’équilibrent déjà
l’
enthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette «
162
brent déjà l’enthousiasme d’une jeunesse saine et
la
retenue de l’âge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le sp
163
nthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue de
l’
âge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le sport et les anc
164
ge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné
le
sport et les anciens. J’admets que ses « idées générales » ne vaillen
165
e « limitation » que lui ont enseigné le sport et
les
anciens. J’admets que ses « idées générales » ne vaillent rien2 ; sa
166
morale virile nous est néanmoins plus proche que
la
sensualité vaguement chrétienne de tel autre écrivain catholique. Et
167
e. Et son lyrisme, encore un peu brutal, il saura
le
dompter, et atteindre au classicisme véritable. Voici un constructeur
168
ut lutter contre lui, nous savons qu’il observera
les
règles. Saluons-le donc du salut des équipes avant le match : « En l’
169
, nous savons qu’il observera les règles. Saluons-
le
donc du salut des équipes avant le match : « En l’honneur d’Henry de
170
ègles. Saluons-le donc du salut des équipes avant
le
match : « En l’honneur d’Henry de Montherlant, hip, hip, hurrah ! »
171
e donc du salut des équipes avant le match : « En
l’
honneur d’Henry de Montherlant, hip, hip, hurrah ! » 1. Éditions Gra
172
hip, hurrah ! » 1. Éditions Grasset, Paris. 2.
L’
attitude de M. de Montherlant légitime une telle « simplification ».
173
ont Denis de, « [Compte rendu] M. de Montherlant,
le
sport et les jésuites », La Semaine littéraire, Genève, 9 février 192
174
, « [Compte rendu] M. de Montherlant, le sport et
les
jésuites », La Semaine littéraire, Genève, 9 février 1924, p. 63-65.
175
u] M. de Montherlant, le sport et les jésuites »,
La
Semaine littéraire, Genève, 9 février 1924, p. 63-65.
176
Conférence de Conrad Meili sur «
Les
ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)b Lundi soir, da
177
Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans
la
peinture moderne » (30 octobre 1924)b Lundi soir, dans la salle du
178
moderne » (30 octobre 1924)b Lundi soir, dans
la
salle du Lyceum, M. Conrad Meili parla des écoles qui représentent la
179
M. Conrad Meili parla des écoles qui représentent
la
peinture française, des débuts du xixe siècle à nos jours. Partis du
180
ours. Partis du classicisme de David et d’Ingres,
les
peintres français ont accompli, durant le xixe siècle, une explorati
181
ngres, les peintres français ont accompli, durant
le
xixe siècle, une exploration merveilleuse dans les domaines du roman
182
e xixe siècle, une exploration merveilleuse dans
les
domaines du romantisme, du naturalisme, de l’impressionnisme, pour ab
183
ns les domaines du romantisme, du naturalisme, de
l’
impressionnisme, pour aboutir enfin dans ces impasses : cubisme et fut
184
r enfin dans ces impasses : cubisme et futurisme.
Les
voici revenus, après cent-vingt-cinq ans, à peu près à leur point de
185
r technique (contrairement à ce que pense souvent
le
public), ils préparent l’avènement d’un classicisme nouveau. M. Meili
186
à ce que pense souvent le public), ils préparent
l’
avènement d’un classicisme nouveau. M. Meili a mis en évidence cette c
187
uveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de
la
peinture moderne avec une netteté et un relief remarquable. Les œuvre
188
oderne avec une netteté et un relief remarquable.
Les
œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de
189
ble. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à
la
Rose d’Or témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon de peindr
190
ose d’Or témoignaient de ces mêmes qualités : car
la
façon de peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaito
191
s qualités : car la façon de peindre correspond à
la
façon de penser du peintre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili. Es
192
endre encore M. Meili. Est-il besoin de souligner
l’
importance de telles prises de contact entre artiste et public ? b.
193
Conférence de René Guisan « Sur
le
Saint » (2 février 1926)c M. René Guisan, professeur de théologie
194
rofesseur de théologie à Lausanne et directeur de
la
Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, d
195
héologie et de philosophie, inaugura lundi soir à
l’
aula, devant un très nombreux public, la série des conférences que nou
196
di soir à l’aula, devant un très nombreux public,
la
série des conférences que nous promet le groupe neuchâtelois des « Am
197
public, la série des conférences que nous promet
le
groupe neuchâtelois des « Amis de la pensée protestante ». M. Guisan
198
nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis de
la
pensée protestante ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet de f
199
et qui permet de façon particulièrement frappante
la
comparaison des points de vue catholique et protestant : la notion de
200
ison des points de vue catholique et protestant :
la
notion de « Saint » et son évolution au cours des siècles. Primitivem
201
on évolution au cours des siècles. Primitivement,
le
Saint est un homme que Dieu a mis à part par grâce pour qu’il serve.
202
r grâce pour qu’il serve. Mais très vite on étend
l’
appellation de saint à ceux qui par leur élévation morale ou leurs sou
203
ation morale ou leurs souffrances semblent s’être
le
plus rapprochés du Christ ; et dans l’Église persécutée, le martyre d
204
ent s’être le plus rapprochés du Christ ; et dans
l’
Église persécutée, le martyre devient le signe par excellence de la sa
205
pprochés du Christ ; et dans l’Église persécutée,
le
martyre devient le signe par excellence de la sainteté. Le peuple, en
206
; et dans l’Église persécutée, le martyre devient
le
signe par excellence de la sainteté. Le peuple, encore païen, voit da
207
ée, le martyre devient le signe par excellence de
la
sainteté. Le peuple, encore païen, voit dans la vénération des pèleri
208
e devient le signe par excellence de la sainteté.
Le
peuple, encore païen, voit dans la vénération des pèlerins pour les t
209
e la sainteté. Le peuple, encore païen, voit dans
la
vénération des pèlerins pour les tombes de leurs saints une forme d’a
210
païen, voit dans la vénération des pèlerins pour
les
tombes de leurs saints une forme d’adoration de dieux protecteurs. Ce
211
tecteurs. Cette croyance se répand, favorisée par
la
souplesse dont fait preuve l’Église d’alors quand il s’agit d’adapter
212
pand, favorisée par la souplesse dont fait preuve
l’
Église d’alors quand il s’agit d’adapter des traditions antiques au do
213
ions antiques au dogme en formation. Au Moyen Âge
l’
évolution se continue dans le même sens. On spécialise les « compétenc
214
mation. Au Moyen Âge l’évolution se continue dans
le
même sens. On spécialise les « compétences » des saints, ou de leurs
215
tion se continue dans le même sens. On spécialise
les
« compétences » des saints, ou de leurs reliques qui se multiplient p
216
qui se multiplient prodigieusement. Alors éclate
la
protestation de la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leu
217
prodigieusement. Alors éclate la protestation de
la
Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leur vie : mais Christ
218
rs éclate la protestation de la Réforme. Honorons
les
saints pour l’exemple de leur vie : mais Christ est le seul médiateur
219
testation de la Réforme. Honorons les saints pour
l’
exemple de leur vie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’a
220
ints pour l’exemple de leur vie : mais Christ est
le
seul médiateur à qui doit s’adresser le culte, en son cœur, du croyan
221
hrist est le seul médiateur à qui doit s’adresser
le
culte, en son cœur, du croyant. Le centre de gravité religieux est re
222
oit s’adresser le culte, en son cœur, du croyant.
Le
centre de gravité religieux est replacé en Christ. — Comment l’Église
223
ravité religieux est replacé en Christ. — Comment
l’
Église catholique réagit-elle ? En codifiant l’état de choses antérieu
224
nt l’Église catholique réagit-elle ? En codifiant
l’
état de choses antérieur. Donc l’Église continue à faire des saints, t
225
e ? En codifiant l’état de choses antérieur. Donc
l’
Église continue à faire des saints, tandis que ce terme n’a plus qu’un
226
tif pour nous protestants. Est-ce là nous juger ?
Les
catholiques nous reprochent d’avoir méconnu l’élément de grandeur mor
227
? Les catholiques nous reprochent d’avoir méconnu
l’
élément de grandeur morale que les saints maintiennent dans l’Église.
228
d’avoir méconnu l’élément de grandeur morale que
les
saints maintiennent dans l’Église. M. Guisan va très loin dans ses co
229
grandeur morale que les saints maintiennent dans
l’
Église. M. Guisan va très loin dans ses concessions à de telles critiq
230
avec d’autant plus de force que « en situant tout
le
devoir chrétien dans l’accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle d
231
rce que « en situant tout le devoir chrétien dans
l’
accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle de la vocation, le protes
232
l’accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle de
la
vocation, le protestantisme affirme qu’il existe divers ordres de sai
233
ment scrupuleux, joyeux et fidèle de la vocation,
le
protestantisme affirme qu’il existe divers ordres de sainteté ». Cett
234
de saints protestants, il existe des saints dans
le
protestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de Dieu. La saint
235
sme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de Dieu.
La
sainteté parfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes de la ve
236
. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limites
les
plus hautes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint vé
237
ite ne commence qu’aux limites les plus hautes de
la
vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y a
238
pas de saints, mais il faut être parfait. Tel est
l’
enseignement de Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le pro
239
rfait. Tel est l’enseignement de Jésus, telle est
la
pensée qu’a voulu restaurer le protestantisme. La place nous manque p
240
e Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer
le
protestantisme. La place nous manque pour louer comme il conviendrait
241
la pensée qu’a voulu restaurer le protestantisme.
La
place nous manque pour louer comme il conviendrait la clarté d’un exp
242
lace nous manque pour louer comme il conviendrait
la
clarté d’un exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien e
243
it la clarté d’un exposé solidement documenté, et
le
scrupule d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer
244
et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer
le
point de vue adverse avec autant de compréhension et de sympathie que
245
rillant appareil dialectique ne sait produire que
l’
illusion. C’est la revanche du fameux scrupule protestant, qui ne peut
246
ialectique ne sait produire que l’illusion. C’est
la
revanche du fameux scrupule protestant, qui ne peut être un danger lo
247
ut être un danger lorsqu’il n’est, comme ici, que
la
loyauté d’un esprit animé par une foi agissante. c. Rougemont Deni
248
il 1926)d e Pour la première fois cette année,
les
conférences de l’Association chrétienne d’étudiants eurent lieu au pr
249
la première fois cette année, les conférences de
l’
Association chrétienne d’étudiants eurent lieu au printemps, et non pl
250
ne. Un plein succès a répondu à cette innovation.
Le
sujet de la première partie des conférences, les Objections des intel
251
. Le sujet de la première partie des conférences,
les
Objections des intellectuels au Dieu chrétien, fut introduit par M. R
252
istingué, qui se fit avec beaucoup d’intelligence
l’
avocat du diable, en montrant que tous les faits religieux admettent à
253
lligence l’avocat du diable, en montrant que tous
les
faits religieux admettent à côté de l’explication mystique une explic
254
que tous les faits religieux admettent à côté de
l’
explication mystique une explication scientifique. C’est donc à la seu
255
stique une explication scientifique. C’est donc à
la
seule volonté de choisir. M. le pasteur Bertrand de Lyon, répondit en
256
que. C’est donc à la seule volonté de choisir. M.
le
pasteur Bertrand de Lyon, répondit en exposant les exigences de l’Éva
257
le pasteur Bertrand de Lyon, répondit en exposant
les
exigences de l’Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressi
258
nd de Lyon, répondit en exposant les exigences de
l’
Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vigueu
259
n exposant les exigences de l’Évangile en face de
la
pensée moderne, et fut impressionnant de vigueur dialectique et de la
260
que et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à
la
fédération vint interrompre les discussions philosophiques provoquées
261
soirée consacrée à la fédération vint interrompre
les
discussions philosophiques provoquées par ces deux travaux. Avec la c
262
losophiques provoquées par ces deux travaux. Avec
la
conférence de M. Jean Cadier, un jeune pasteur français, on descendit
263
ier, un jeune pasteur français, on descendit — ou
l’
on monta suivant M. A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui d
264
— ou l’on monta suivant M. A. Léo — du domaine de
la
pensée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de la
265
Léo — du domaine de la pensée pure dans celui de
l’
action. M. Cadier montra le conflit de la théologie moderne avec l’act
266
sée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra
le
conflit de la théologie moderne avec l’action religieuse en s’appuyan
267
celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de
la
théologie moderne avec l’action religieuse en s’appuyant sur des expé
268
er montra le conflit de la théologie moderne avec
l’
action religieuse en s’appuyant sur des expériences faites pendant le
269
en s’appuyant sur des expériences faites pendant
le
réveil de la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Po
270
t sur des expériences faites pendant le réveil de
la
Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplacer
271
réveil de la Drôme, dont il est l’un des artisans
les
plus actifs. Pour remplacer un travail promis par M. A. Reymond malhe
272
é, M. Pierre Maury fit une causerie émouvante sur
l’
Évolution religieuse de Jacques Rivière, qui se trouva préciser bien d
273
nts laissés en suspens dans la première partie de
la
conférence. Puis M. A. Brémond, étudiant en théologie, présenta deux
274
riers de Paris, Clerville et Janson, dont il a eu
l’
occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un
275
le et Janson, dont il a eu l’occasion de partager
les
conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarie
276
s conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de
la
Réalité prolétarienne, l’autre de la Mentalité prolétarienne. Brémond
277
rent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre de
la
Mentalité prolétarienne. Brémond conclut en montrant la nécessité et
278
talité prolétarienne. Brémond conclut en montrant
la
nécessité et les difficultés d’une action missionnaire dans ces milie
279
enne. Brémond conclut en montrant la nécessité et
les
difficultés d’une action missionnaire dans ces milieux, comme M. Terr
280
missionnaire dans ces milieux, comme M. Terrisse
l’
avait fait le soir avant pour les milieux d’ouvriers noirs au Cap. San
281
dans ces milieux, comme M. Terrisse l’avait fait
le
soir avant pour les milieux d’ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à d
282
comme M. Terrisse l’avait fait le soir avant pour
les
milieux d’ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de part
283
cher leurs auditeurs de leur lit de préjugés pour
les
placer véritablement en face de la « réalité prolétarienne ». « Cercl
284
préjugés pour les placer véritablement en face de
la
« réalité prolétarienne ». « Cercles vicieux que nos syndicats. Cercl
285
ercles vicieux que nos syndicats. Cercle vicieux,
l’
augmentation des salaires. Ce que nous voulons, c’est élever l’homme a
286
n des salaires. Ce que nous voulons, c’est élever
l’
homme au-dessus de la plus dégradante condition, et nous n’y arriveron
287
e nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus de
la
plus dégradante condition, et nous n’y arriverons que par un travail
288
, cela peut paraître excessif à qui n’a pas connu
l’
atmosphère particulière à ces rencontres. Rien de plus aéré, au moral
289
l pense sans se préoccuper d’être bien pensant et
les
Romands recouvrent l’usage de la parole, puis on va se dégourdir sur
290
per d’être bien pensant et les Romands recouvrent
l’
usage de la parole, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien l’on
291
bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de
la
parole, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien l’on poursuit h
292
le, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien
l’
on poursuit hors du village une discussion toujours trop courte. Et le
293
u village une discussion toujours trop courte. Et
les
repas réunissent tout le monde dans la gaieté la plus charmante. On y
294
ourte. Et les repas réunissent tout le monde dans
la
gaieté la plus charmante. On y vit un ouvrier en maillot rouge assis
295
les repas réunissent tout le monde dans la gaieté
la
plus charmante. On y vit un ouvrier en maillot rouge assis entre un b
296
rançais. Miracle qui nous fit croire un instant à
la
fameuse devise de la Révolution. d. Rougemont Denis de, « Conféren
297
nous fit croire un instant à la fameuse devise de
la
Révolution. d. Rougemont Denis de, « Conférences d’Aubonne », Suis
298
L’
atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)f Cette conférence
299
qu’on peut bien dire du diable et se termina sous
le
plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’y voir un symbole.
300
veut d’y voir un symbole. On ne saurait exagérer
l’
importance des conditions météorologiques du succès d’une telle rencon
301
e rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que
la
bise tombée permît à « l’atmosphère » de s’établir. Alors le miracle
302
oidement jusqu’à ce que la bise tombée permît à «
l’
atmosphère » de s’établir. Alors le miracle apparut, grandit. Le mirac
303
bée permît à « l’atmosphère » de s’établir. Alors
le
miracle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esprit d’Aubonne. C’est
304
de s’établir. Alors le miracle apparut, grandit.
Le
miracle, c’est l’esprit d’Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’il y a
305
rs le miracle apparut, grandit. Le miracle, c’est
l’
esprit d’Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’il y a de plus protestan
306
e se produire ailleurs qu’en terre romande. C’est
l’
esprit de liberté, tout simplement. Mais précisons : c’est bien plus q
307
simplement. Mais précisons : c’est bien plus que
la
liberté de défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer au
308
lle et de s’affirmer aux dépens d’autrui, — c’est
la
liberté dans la recherche. Chose plus rare qu’on ne pense, à Aubonne
309
rmer aux dépens d’autrui, — c’est la liberté dans
la
recherche. Chose plus rare qu’on ne pense, à Aubonne on se sent prêt
310
ient moins à convaincre qu’à se convaincre. Après
les
exposés de Janson, de Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâ
311
Mais ce qui est peut-être plus important, on eut
l’
impression, durant les discussions entre de Saussure et Bertrand, que
312
-être plus important, on eut l’impression, durant
les
discussions entre de Saussure et Bertrand, que les orateurs exprimaie
313
es discussions entre de Saussure et Bertrand, que
les
orateurs exprimaient tour à tour les objections que chacun se faisait
314
ertrand, que les orateurs exprimaient tour à tour
les
objections que chacun se faisait à part soi, qu’ils incarnaient les v
315
chacun se faisait à part soi, qu’ils incarnaient
les
voix contradictoires d’un débat que tous menaient en eux-mêmes loyale
316
chose de définitif à la fois et d’intelligent, je
le
mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de Maury sur Jacques
317
à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à
l’
émotion qui accueillit l’étude de Maury sur Jacques Rivière : combien
318
nt, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit
l’
étude de Maury sur Jacques Rivière : combien reconnurent dans le tourm
319
ry sur Jacques Rivière : combien reconnurent dans
le
tourment de cette âme leur propre recherche, — et dans ses lumineuses
320
recherche, — et dans ses lumineuses conquêtes sur
le
doute, le modèle des réponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère
321
— et dans ses lumineuses conquêtes sur le doute,
le
modèle des réponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère de la cha
322
le modèle des réponses désirées. Tout cela, c’est
l’
atmosphère de la chapelle où ont lieu travaux et méditations. Dehors,
323
ponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère de
la
chapelle où ont lieu travaux et méditations. Dehors, on honore la lib
324
nt lieu travaux et méditations. Dehors, on honore
la
liberté d’un culte moins platonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit
325
’est-ce pas Léo qui prétendit qu’on ne peut juger
les
Associations qu’à leur façon de jouer le volley-ball ? Le Casino offr
326
t juger les Associations qu’à leur façon de jouer
le
volley-ball ? Le Casino offrit pendant quelques nuits la vision étran
327
iations qu’à leur façon de jouer le volley-ball ?
Le
Casino offrit pendant quelques nuits la vision étrange d’une salle où
328
ey-ball ? Le Casino offrit pendant quelques nuits
la
vision étrange d’une salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur
329
t quelques nuits la vision étrange d’une salle où
les
spectateurs étendus en pyjamas sur des paillasses attendraient en vai
330
n pyjamas sur des paillasses attendraient en vain
le
lever d’un rideau sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l
331
sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir,
l’
on vit apparaître un fakir… Il y eut aussi une assemblée délibérative
332
eut pas trop de toute sa souplesse pour maintenir
l’
équilibre des discussions et de sa propre personne. Et il y eut encore
333
encore un dîner très démocratique pendant lequel
le
philosophe Abauzit chanta « les Crapauds » avec âme, appuyé d’une mai
334
que pendant lequel le philosophe Abauzit chanta «
les
Crapauds » avec âme, appuyé d’une main sur l’épaule de Janson, et de
335
« les Crapauds » avec âme, appuyé d’une main sur
l’
épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases music
336
l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans
l’
air des phrases musicales. Après quoi Richardot, entrant par la fenêtr
337
ases musicales. Après quoi Richardot, entrant par
la
fenêtre, vint annoncer qu’on était libre — comme si on l’avait attend
338
re, vint annoncer qu’on était libre — comme si on
l’
avait attendu pour le manifester ! — et qu’il suffisait de souscrire à
339
on était libre — comme si on l’avait attendu pour
le
manifester ! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la co
340
manifester ! — et qu’il suffisait de souscrire à
la
brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit da
341
et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de
la
conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit dans ces quelques
342
2.50, nom et adresse. f. Rougemont Denis de, «
L’
atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l
343
e : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de
l’
Association chrétienne suisse d’étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 44-4
344
mprenons que nos œuvres, si elles furent faites à
l’
image de notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est peut-
345
si elles furent faites à l’image de notre esprit,
le
lui rendent bien dans la suite ; c’est peut-être pourquoi nous accord
346
l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans
la
suite ; c’est peut-être pourquoi nous accordons voix dans le débat d’
347
c’est peut-être pourquoi nous accordons voix dans
le
débat d’écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux
348
accordons voix dans le débat d’écrire, aux forces
les
plus secrètes de notre être comme aux calculs les plus rusés. Nous ch
349
les plus secrètes de notre être comme aux calculs
les
plus rusés. Nous choisissons les idées comme on choisit un amour dont
350
omme aux calculs les plus rusés. Nous choisissons
les
idées comme on choisit un amour dont on est anxieux de prévoir l’infl
351
n choisit un amour dont on est anxieux de prévoir
l’
influence, avant de s’y jeter, et dont on craint de ressortir trop dif
352
e réticences dont nous ne comprenons pas toujours
l’
objet. Peur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’
353
e comprenons pas toujours l’objet. Peur de perdre
le
fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible d
354
ns pas toujours l’objet. Peur de perdre le fil de
la
conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des choses.
355
dre le fil de la conscience de soi, peur de subir
l’
empreinte imprévisible des choses. Amour de soi… Mais moi, qui suis-je
356
is moi, qui suis-je ? Par ces trois mots commence
le
drame de toute vie. Ha ! Qui je suis ? Mais je le sens très bien ! je
357
le drame de toute vie. Ha ! Qui je suis ? Mais je
le
sens très bien ! je sens très bien cette force — ici, je tape du pied
358
r. Vous me direz qui je suis, mes amis ; quel est
le
vrai ? — Ils me proposent vingt visages que je puis à peine reconnaît
359
gt visages que je puis à peine reconnaître. Reste
le
monde, — les choses, les faits, la vie, comme ils disent. Je me suis
360
ue je puis à peine reconnaître. Reste le monde, —
les
choses, les faits, la vie, comme ils disent. Je me suis abandonné au
361
peine reconnaître. Reste le monde, — les choses,
les
faits, la vie, comme ils disent. Je me suis abandonné au jeu du hasar
362
nnaître. Reste le monde, — les choses, les faits,
la
vie, comme ils disent. Je me suis abandonné au jeu du hasard, jusqu’a
363
suis abandonné au jeu du hasard, jusqu’au jour où
l’
on me fit comprendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’une
364
au jour où l’on me fit comprendre qu’il n’est que
le
jeu de sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne me resta
365
supportables, si cruellement présentes et dures ?
La
cause de cette inadaptation, je la soupçonnais si grave, si fondament
366
tes et dures ? La cause de cette inadaptation, je
la
soupçonnais si grave, si fondamentale que je préférais me leurrer à c
367
e des imperfections de détail dont je m’exagérais
l’
importance. Et c’est ainsi par feintes que je progressais, jusqu’au jo
368
mmer peur de rire. Cette amertume au fond de tous
les
plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui, cette inc
369
à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul liait
les
personnages auxquels je me prêtais. Mais en même temps que je le déco
370
auxquels je me prêtais. Mais en même temps que je
le
découvrais, dans tout mon être une force aveugle de violence s’était
371
nce s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur
les
stades où je connus quelle confiance sourde aux contradictions intime
372
our de cette brutalité s’organisaient brusquement
les
éléments désaccordés de ce moi que j’avais tant choyé. « Maintenant,
373
e — c’était un des premiers jours du printemps —,
l’
heure est venue de la violence. Jeunes tempêtes, lavez, bousculez ! La
374
emiers jours du printemps —, l’heure est venue de
la
violence. Jeunes tempêtes, lavez, bousculez ! La parole est aux insti
375
la violence. Jeunes tempêtes, lavez, bousculez !
La
parole est aux instincts combatifs et dominateurs par quoi l’homme ne
376
t aux instincts combatifs et dominateurs par quoi
l’
homme ne se distingue plus de l’animal. Louée soit ma force et tout ce
377
inateurs par quoi l’homme ne se distingue plus de
l’
animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui la
378
s de l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui
l’
exalte, et tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi de trop gra
379
ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui
la
dompte, tout ce qui sourd en moi de trop grand pour ma vie — toute ma
380
’allais plier des résistances à mon gré, agir sur
les
choses… Vers le soir, l’ardeur tombe : agir ? dans quel sens ? Provis
381
résistances à mon gré, agir sur les choses… Vers
le
soir, l’ardeur tombe : agir ? dans quel sens ? Provisoirement j’étais
382
ces à mon gré, agir sur les choses… Vers le soir,
l’
ardeur tombe : agir ? dans quel sens ? Provisoirement j’étais sauvé d’
383
s ? Provisoirement j’étais sauvé d’un désordre où
l’
on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas se défaire. Mais
384
t j’étais sauvé d’un désordre où l’on glisse vers
la
mort. L’important, c’est de ne pas se défaire. Mais rien n’était réso
385
sauvé d’un désordre où l’on glisse vers la mort.
L’
important, c’est de ne pas se défaire. Mais rien n’était résolu. Me vo
386
nt je sais qu’il est absolument vain de prétendre
les
résoudre, mais que je dois feindre d’avoir résolus : c’est ce qui s’a
387
c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à
la
base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche qui n’a qu
388
riant, je m’arrête parfois, heureux : « J’ai donc
la
foi ? » Mais c’est encore une question… Je crois qu’il ne faut pas at
389
dans sa prière, qu’une révélation vienne chercher
l’
âme qui se sent misérable. Je ne recevrai pas une foi, mais peut-être
390
cevrai pas une foi, mais peut-être arriverai-je à
la
vouloir, et c’est le tout. S’il est une révélation, c’est en me renda
391
ais peut-être arriverai-je à la vouloir, et c’est
le
tout. S’il est une révélation, c’est en me rendant plus parfait que j
392
en me rendant plus parfait que je lui préparerai
les
voies. Agir ? Sur moi d’abord. Il ne faut plus que je respecte tout e
393
nir. Se perfectionner : cela consiste à retrouver
l’
instinct le plus profond de l’homme, la vertu conservatrice qui ne peu
394
fectionner : cela consiste à retrouver l’instinct
le
plus profond de l’homme, la vertu conservatrice qui ne peut dicter qu
395
onsiste à retrouver l’instinct le plus profond de
l’
homme, la vertu conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les pl
396
retrouver l’instinct le plus profond de l’homme,
la
vertu conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les plus favora
397
me, la vertu conservatrice qui ne peut dicter que
les
gestes les plus favorables. J’ai d’autres instincts et je n’entends p
398
u conservatrice qui ne peut dicter que les gestes
les
plus favorables. J’ai d’autres instincts et je n’entends pas tous les
399
J’ai d’autres instincts et je n’entends pas tous
les
cultiver pour cela seul qu’ils sont naturels : la nature est un champ
400
es cultiver pour cela seul qu’ils sont naturels :
la
nature est un champ de luttes, de tendances vers la destruction et ve
401
nature est un champ de luttes, de tendances vers
la
destruction et vers la construction ; c’est un mélange à doses égales
402
luttes, de tendances vers la destruction et vers
la
construction ; c’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et
403
ange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à
l’
intelligence de faire primer la vie, puisque n’est pas encore parfait
404
de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer
la
vie, puisque n’est pas encore parfait cet instinct qui est la Vertu.
405
que n’est pas encore parfait cet instinct qui est
la
Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le
406
est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans
le
sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin.
407
in. D’abord donc, choisir Mes instincts, ensuite,
les
éduquer, selon des lois établies par le concours de l’expérience et d
408
ensuite, les éduquer, selon des lois établies par
le
concours de l’expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se c
409
uquer, selon des lois établies par le concours de
l’
expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le pla
410
d’un sentiment de convenance en quoi se composent
le
plaisir et la conscience de Mes limites. Je m’attache particulièremen
411
de convenance en quoi se composent le plaisir et
la
conscience de Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouver
412
ttache particulièrement à retrouver ces limites :
la
vie moderne, mécanique, nous les fait oublier, d’où cette fatigue gén
413
ver ces limites : la vie moderne, mécanique, nous
les
fait oublier, d’où cette fatigue générale qui fausse tout, et qui s’o
414
usse tout, et qui s’oppose au perfectionnement de
l’
esprit, puisqu’elle ne permet que des associations suivant les directi
415
uisqu’elle ne permet que des associations suivant
les
directions de moindre résistance. Mais je ne m’emprisonnerai pas dans
416
isonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est de
les
porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce len
417
une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité.
La
sincérité m’apparaît parfois comme un arrêt artificiel dans ma vie, u
418
re dangereuse. (On donne corps à une faiblesse en
la
nommant ; or je ne veux plus de faiblesses4.) Et demain peut-être, ag
419
s de faiblesses4.) Et demain peut-être, agir dans
le
monde, si je m’en suis d’abord rendu digne. L’époque nous veut, comme
420
ns le monde, si je m’en suis d’abord rendu digne.
L’
époque nous veut, comme elle veut une conscience. Je fais partie d’un
421
ence. Je fais partie d’un ensemble social et dans
la
mesure où j’en dépends, je me dois de m’employer à sa sauvegarde ou à
422
ormation. Mais il y faut une doctrine, me dit-on.
L’
avouerai-je, quand je médite sur une doctrine possible, sur une systém
423
sation de mes petites certitudes5, j’éprouve vite
le
sentiment d’être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vi
424
alaise sans cesse renaissant, comment m’adapter à
l’
existence que m’imposent mon corps et les lois du monde, et comment au
425
adapter à l’existence que m’imposent mon corps et
les
lois du monde, et comment augmenter ma puissance de jouir, en même te
426
agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je
le
comprends par éclairs, mais une secrète espérance m’emporte de nouvea
427
orte de nouveau, premier gage du divin… Reprendre
l’
offensive — au soir, je m’amuserai à mettre des étiquettes sur mes act
428
un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je
le
décris. Mais comme un écho profond, une attirance aussi d’anciennes f
429
ie, dégoût, lueurs éteintes dans une nuit froide.
Les
notes d’un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes dé
430
otes d’un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin
la
marée de mes désirs. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l
431
s. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ils
l’
emportent d’un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écou
432
! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écoute
le
vent ; je pense au monde. Chant des horizons, images qui s’éclairent…
433
er son plaisir ? Je reste candidat au salut. 4.
La
sincérité absolue, « scientifique » me paraît aller contre fin. Une a
434
e et soutenue modifie son objet vivant. Pour moi,
la
sincérité ne peut être que spontanée. Et spontanément je suis porté à
435
périences ratées on puisse encore se persuader de
la
vérité d’un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il
436
core se persuader de la vérité d’un système, hors
la
religion. Un système n’est pas vrai, il est utile. C’est pourquoi je
437
l est utile. C’est pourquoi je ne puis comprendre
les
excommunications et les intransigeances. Toutes les aspirations me pa
438
uoi je ne puis comprendre les excommunications et
les
intransigeances. Toutes les aspirations me paraissent légitimes chez
439
s excommunications et les intransigeances. Toutes
les
aspirations me paraissent légitimes chez d’autres, même celles que je
440
Rougemont Denis de, « Confession tendancieuse »,
Les
Cahiers du mois, Paris, juin 1926, p. 144-148.
441
Les
Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)h Je ferme l
442
nry de Montherlant (10 juillet 1926)h Je ferme
les
Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe de violence et de vo
443
ffées par des forces qui se lèvent. Car telle est
la
vertu de ce livre, qu’on l’éprouve d’abord trop vivement pour le juge
444
lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’on
l’
éprouve d’abord trop vivement pour le juger. L’auteur l’appelle un « p
445
livre, qu’on l’éprouve d’abord trop vivement pour
le
juger. L’auteur l’appelle un « poème solaire », l’éditeur un roman, p
446
on l’éprouve d’abord trop vivement pour le juger.
L’
auteur l’appelle un « poème solaire », l’éditeur un roman, parce que ç
447
uve d’abord trop vivement pour le juger. L’auteur
l’
appelle un « poème solaire », l’éditeur un roman, parce que ça se vend
448
e juger. L’auteur l’appelle un « poème solaire »,
l’
éditeur un roman, parce que ça se vend mieux. Ce récit des premiers co
449
e, sans cette orchestration de thèmes qui faisait
la
richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme, d’une unité plus pure
450
ne ligne plus ferme, d’une unité plus pure aussi.
Le
sujet était périlleux : si particulier, il prêtait à des abus de pitt
451
n’a pas toujours échappé, mais qu’il domine dans
l’
ensemble et entraîne dans l’allure puissante à la fois et désinvolte d
452
ais qu’il domine dans l’ensemble et entraîne dans
l’
allure puissante à la fois et désinvolte de son récit. On a souvent pa
453
emiers ouvrages de Montherlant. Cette fois-ci, on
le
traite de naturaliste. Mais comment montrer des taureaux sans que cel
454
t montrer des taureaux sans que cela sente un peu
l’
étable ? L’étonnant, c’est de voir à quel point Montherlant reste poèt
455
es taureaux sans que cela sente un peu l’étable ?
L’
étonnant, c’est de voir à quel point Montherlant reste poète jusque da
456
à quel point Montherlant reste poète jusque dans
la
description la plus réaliste de la vie animale. Et n’est-ce pas juste
457
ontherlant reste poète jusque dans la description
la
plus réaliste de la vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’i
458
te jusque dans la description la plus réaliste de
la
vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’il pe
459
out rôdent des présences animales. Tandis que sur
la
plaine s’élève le long beuglement des taureaux et le ohéohéohé des bo
460
sences animales. Tandis que sur la plaine s’élève
le
long beuglement des taureaux et le ohéohéohé des bouviers « comme un
461
plaine s’élève le long beuglement des taureaux et
le
ohéohéohé des bouviers « comme un chant mystérieux entendu au-dessus
462
« comme un chant mystérieux entendu au-dessus de
la
mer », il y a toujours dans un coin du tableau des ruades, des chevau
463
u des ruades, des chevaux qui partent tout droit,
la
tête dressée, des vachettes qui se mordillent et se frôlent amoureuse
464
bêtes de désir ». Une intelligence si profonde de
la
vie animale suppose entre l’homme et la bête une sympathie que Monthe
465
gence si profonde de la vie animale suppose entre
l’
homme et la bête une sympathie que Montherlant note à plusieurs repris
466
ofonde de la vie animale suppose entre l’homme et
la
bête une sympathie que Montherlant note à plusieurs reprises. C’est «
467
ontherlant note à plusieurs reprises. C’est « par
la
divination de cet amour qu’Alban (le jeune héros du récit) sent ce qu
468
C’est « par la divination de cet amour qu’Alban (
le
jeune héros du récit) sent ce que sent la bête en même temps qu’elle.
469
’Alban (le jeune héros du récit) sent ce que sent
la
bête en même temps qu’elle. Et parce qu’il sait ce qu’elle va faire,
470
Et parce qu’il sait ce qu’elle va faire, il peut
la
dominer… : on ne vainc vraiment que ce qu’on aime, et les victorieux
471
ner… : on ne vainc vraiment que ce qu’on aime, et
les
victorieux sont d’immenses amants »6. Mais envers les taureaux cet am
472
victorieux sont d’immenses amants »6. Mais envers
les
taureaux cet amour tourne en adoration ou en une véritable horreur sa
473
Voici Alban devant une bête qu’il devra combattre
le
lendemain : « Salaud, cochon, saligaud ! » Il l’apostrophait ainsi t
474
le lendemain : « Salaud, cochon, saligaud ! » Il
l’
apostrophait ainsi tout bas, sur un ton révérenciel, et comme on dérou
475
évérenciel, et comme on déroule une litanie. Sous
les
grands cils brillants, lustrés par la lumière descendante, les prunel
476
anie. Sous les grands cils brillants, lustrés par
la
lumière descendante, les prunelles laiteuses du dieu avaient un refle
477
ls brillants, lustrés par la lumière descendante,
les
prunelles laiteuses du dieu avaient un reflet bleu clair, soudain inq
478
avaient un reflet bleu clair, soudain inquiètes à
l’
approche de l’inconnu. Nulle part mieux que dans la description des t
479
let bleu clair, soudain inquiètes à l’approche de
l’
inconnu. Nulle part mieux que dans la description des taureaux ne se
480
approche de l’inconnu. Nulle part mieux que dans
la
description des taureaux ne se manifeste ce passage du réalisme le pl
481
s taureaux ne se manifeste ce passage du réalisme
le
plus hardi à un lyrisme plein de simple grandeur. Voici la mort du ta
482
ardi à un lyrisme plein de simple grandeur. Voici
la
mort du taureau dit « le Mauvais Ange » : La bête chancela de l’arri
483
e simple grandeur. Voici la mort du taureau dit «
le
Mauvais Ange » : La bête chancela de l’arrière-train, tenta de se ra
484
ici la mort du taureau dit « le Mauvais Ange » :
La
bête chancela de l’arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula su
485
au dit « le Mauvais Ange » : La bête chancela de
l’
arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur le flanc, accompli
486
rière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur
le
flanc, accomplissant sa destinée. Quelques secondes encore elle clign
487
rent peu à peu, comme un corps qu’on gonflerait à
la
pompe, tandis que dans cet agrandissement les articulations grinçaien
488
it à la pompe, tandis que dans cet agrandissement
les
articulations grinçaient, avec le bruit d’un câble de navire qu’on se
489
agrandissement les articulations grinçaient, avec
le
bruit d’un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva ave
490
n serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à
la
cime de son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme
491
rriva avec emphase à la cime de son spasme, comme
l’
homme à la cime de son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. E
492
emphase à la cime de son spasme, comme l’homme à
la
cime de son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme
493
t son âme divine s’échappa, pleurant ses jeux, et
les
génisses, et la chère plaine. De tels passages qui abondent dans les
494
s’échappa, pleurant ses jeux, et les génisses, et
la
chère plaine. De tels passages qui abondent dans les Bestiaires font
495
chère plaine. De tels passages qui abondent dans
les
Bestiaires font pardonner bien d’autres pages de vrais délires taurol
496
utres pages de vrais délires taurologiques. Quand
le
lyrisme de Montherlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une
497
iques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle de
la
réalité, c’est tout de suite une orgie d’évocations antiques, de rapp
498
ents superstitieux, de grands symboles païens, et
l’
on se perd dans un syncrétisme effarant, où Mithra, Jésus, les taureau
499
d dans un syncrétisme effarant, où Mithra, Jésus,
les
taureaux et Alban confondent leurs génies dans une sorte de cauchemar
500
e qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre de
la
fumée des sacrifices sanglants. Pour ma part, je le trouve assez peu
501
fumée des sacrifices sanglants. Pour ma part, je
le
trouve assez peu humain et comme obsédé par une idée de violence toni
502
s donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne voir dans
les
Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui p
503
e ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de
l’
Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu à p
504
perce à chaque page, ce qui peu à peu obsède dans
l’
inflexion des phrases, ce qui s’élève en fin de compte de tous ces tab
505
ous ces tableaux de violence et de passion, c’est
la
présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analyse
506
de passion, c’est la présence d’un tempérament. À
l’
inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’être, M
507
soulève directement aucun des grands problèmes de
l’
heure. La violence même qui sourd dans son être intime l’en empêche, l
508
irectement aucun des grands problèmes de l’heure.
La
violence même qui sourd dans son être intime l’en empêche, le préserv
509
. La violence même qui sourd dans son être intime
l’
en empêche, le préserve des états d’incertitude douloureux, où ces pro
510
même qui sourd dans son être intime l’en empêche,
le
préserve des états d’incertitude douloureux, où ces problèmes viennen
511
douloureux, où ces problèmes viennent se poser à
l’
esprit, profitant de son désaccord avec la vie. Ni métaphysicien, ni l
512
poser à l’esprit, profitant de son désaccord avec
la
vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Alban — (de lui-même) —
513
pas à ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit
l’
idée de la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met
514
qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de
la
mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la grav
515
ste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou
les
soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans
516
soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de
la
gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit les choses
517
ociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans
les
choses voluptueuses, je n’ai pas dit les choses sentimentales. Le tra
518
que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit
les
choses sentimentales. Le tragique de la vie ne lui échappe pas. Il en
519
ueuses, je n’ai pas dit les choses sentimentales.
Le
tragique de la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec
520
pas dit les choses sentimentales. Le tragique de
la
vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec pathétique. Ma
521
que de la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il
le
chante avec pathétique. Mais c’est parce qu’il est poète : le chant f
522
ec pathétique. Mais c’est parce qu’il est poète :
le
chant fini, il n’y pense plus. On comprend qu’une telle attitude agac
523
se soucient avant tout de trouver des réponses de
l’
intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes sépa
524
t de trouver des réponses de l’intelligence ou de
la
foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Monther
525
é dont il manifeste avec une magnifique insolence
les
forces créatrices, ne vaut-elle pas d’être élevée en témoignage pour
526
levée en témoignage pour notre exaltation ? Comme
la
vue des athlètes en action, un tel livre communique une puissance phy
527
munique une puissance physique, un mouvement vers
la
vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan de grandeur. N’est-
528
mouvement vers la vie ardente qui peut entraîner
l’
âme dans un élan de grandeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plut
529
ois à ces forces obscures qui nous replacent dans
l’
intelligence de l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âp
530
bscures qui nous replacent dans l’intelligence de
l’
instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemment c
531
à une vie plus âpre et violemment contractée, par
la
grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels p
532
us âpre et violemment contractée, par la grâce de
l’
éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages vien
533
noter que de tels passages viennent à l’appui de
la
théorie de l’instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphe
534
tels passages viennent à l’appui de la théorie de
l’
instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique un
535
’instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre
le
sphex qui pique une chenille précisément aux trois-centres nerveux, e
536
« une sympathie (au sens étymologique du mot) qui
la
renseigne du dedans, pour ainsi dire, sur la vulnérabilité de la chen
537
qui la renseigne du dedans, pour ainsi dire, sur
la
vulnérabilité de la chenille. » (Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai
538
dedans, pour ainsi dire, sur la vulnérabilité de
la
chenille. » (Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place de cit
539
ille. » (Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas
la
place de citer ici plusieurs autres passages qui préciseraient ce par
540
Denis de, « [Compte rendu] Henry de Montherlant,
Les
Bestiaires », La Semaine littéraire, Genève, 10 juillet 1926, p. 335
541
e rendu] Henry de Montherlant, Les Bestiaires »,
La
Semaine littéraire, Genève, 10 juillet 1926, p. 335.
542
ce (13 novembre 1926)i Des cris mouraient vers
les
berges du fleuve jaune, entre les deux façades longues que la ville p
543
mouraient vers les berges du fleuve jaune, entre
les
deux façades longues que la ville présente au couchant, dans ce corri
544
fleuve jaune, entre les deux façades longues que
la
ville présente au couchant, dans ce corridor de lumière où elle accue
545
nt, dans ce corridor de lumière où elle accueille
le
ciel — et derrière, elle devient plus secrète. Vers l’est, des collin
546
el — et derrière, elle devient plus secrète. Vers
l’
est, des collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où
547
collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est
le
vide, où s’en vont lentement les eaux et les lueurs, vers la mer. Sur
548
autre côté, c’est le vide, où s’en vont lentement
les
eaux et les lueurs, vers la mer. Sur le Lungarno trop vaste et nu, le
549
c’est le vide, où s’en vont lentement les eaux et
les
lueurs, vers la mer. Sur le Lungarno trop vaste et nu, les voitures r
550
s’en vont lentement les eaux et les lueurs, vers
la
mer. Sur le Lungarno trop vaste et nu, les voitures revenaient au pas
551
entement les eaux et les lueurs, vers la mer. Sur
le
Lungarno trop vaste et nu, les voitures revenaient au pas des Cascine
552
s, vers la mer. Sur le Lungarno trop vaste et nu,
les
voitures revenaient au pas des Cascine. Vers sept heures, il n’y en e
553
il n’y en eut presque plus. Nous étions seuls sur
le
pavé qui exhalait sa chaleur, au long des quais sans bancs pour notre
554
s’éloignait derrière nous qui suivions maintenant
le
sentier du bord du fleuve, plus bas que la Promenade désertée. Sur le
555
tenant le sentier du bord du fleuve, plus bas que
la
Promenade désertée. Sur les eaux, comme immobiles, des nuages rouges
556
u fleuve, plus bas que la Promenade désertée. Sur
les
eaux, comme immobiles, des nuages rouges et le vert dur des berges :
557
r les eaux, comme immobiles, des nuages rouges et
le
vert dur des berges : un malaise montait dans l’air plus frais, avec
558
le vert dur des berges : un malaise montait dans
l’
air plus frais, avec l’odeur du limon. Nous marchions vers ces hauts a
559
: un malaise montait dans l’air plus frais, avec
l’
odeur du limon. Nous marchions vers ces hauts arbres clairs, au tourna
560
hauts arbres clairs, au tournant du fleuve, parmi
les
dissonances mélancoliques des lumières et des odeurs, espérant entrer
561
Seule une maison blanche est arrêtée tout près de
l’
eau. Mais ce n’est pas d’elle que vient cette chanson jamais entendue
562
entendue qui nous accompagne depuis un moment sur
le
chemin de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’un char ti
563
chemin de l’autre rive. Il y a un homme debout à
l’
avant d’un char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu p
564
de triste volupté emplit notre monde à ce chant.
L’
odeur du fleuve est son parfum, le soleil rouge sa douleur. Les bœufs
565
nde à ce chant. L’odeur du fleuve est son parfum,
le
soleil rouge sa douleur. Les bœufs blancs, les roues peintes du char,
566
leuve est son parfum, le soleil rouge sa douleur.
Les
bœufs blancs, les roues peintes du char, l’Italie des poètes… Mais ce
567
um, le soleil rouge sa douleur. Les bœufs blancs,
les
roues peintes du char, l’Italie des poètes… Mais ce pays tout entier
568
eur. Les bœufs blancs, les roues peintes du char,
l’
Italie des poètes… Mais ce pays tout entier pâmé dans une beauté que s
569
nt tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui de
l’
instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi simplement. Sans pensée,
570
, perdus dans un soir de n’importe où, un soir de
la
Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases rap
571
ns un soir de n’importe où, un soir de la Nature…
L’
homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases rapides ondule
572
uïe de pureté. Deux phrases rapides ondulent dans
l’
air lourd. Le chant descend très doucement la berge, les bœufs s’engag
573
. Deux phrases rapides ondulent dans l’air lourd.
Le
chant descend très doucement la berge, les bœufs s’engagent dans le m
574
dans l’air lourd. Le chant descend très doucement
la
berge, les bœufs s’engagent dans le marais, cherchant le gué. Plus pr
575
lourd. Le chant descend très doucement la berge,
les
bœufs s’engagent dans le marais, cherchant le gué. Plus proches, les
576
rès doucement la berge, les bœufs s’engagent dans
le
marais, cherchant le gué. Plus proches, les syllabes nous parviennent
577
e, les bœufs s’engagent dans le marais, cherchant
le
gué. Plus proches, les syllabes nous parviennent au ras du fleuve som
578
t dans le marais, cherchant le gué. Plus proches,
les
syllabes nous parviennent au ras du fleuve sombre. Nul désir en nous
579
mbre. Nul désir en nous de comprendre ce lamento.
Le
ciel est un silence qui s’impose à nos pensées. Ici la vie n’a presqu
580
el est un silence qui s’impose à nos pensées. Ici
la
vie n’a presque plus de sens, comme le fleuve. Elle n’est qu’odeurs,
581
nsées. Ici la vie n’a presque plus de sens, comme
le
fleuve. Elle n’est qu’odeurs, formes mouvantes, remous dans l’air et
582
le n’est qu’odeurs, formes mouvantes, remous dans
l’
air et musiques sourdes. Penser serait sacrilège, comme une barre droi
583
n tableau. Nos yeux ont regardé longtemps — où va
l’
âme durant ces minutes ? — jusqu’à ce que les bœufs ruisselants remont
584
où va l’âme durant ces minutes ? — jusqu’à ce que
les
bœufs ruisselants remontent sur notre rive. Fraîcheur humide, parfums
585
ement vague des roseaux aux feuilles sèches… Puis
la
brume est venue comme une envie de sommeil. Une lampe dans la maison
586
venue comme une envie de sommeil. Une lampe dans
la
maison blanche nous a révélé proche la nuit. Nous nous sommes retourn
587
lampe dans la maison blanche nous a révélé proche
la
nuit. Nous nous sommes retournés vers la ville. Fleurs de lumières s
588
é proche la nuit. Nous nous sommes retournés vers
la
ville. Fleurs de lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, e
589
retournés vers la ville. Fleurs de lumières sur
les
champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfaite répond encore
590
urs de lumières sur les champs sombres du ciel de
l’
est, et une façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato sur
591
chant. San Miniato sur sa colline. Derrière nous,
les
arbres se brouillent dans une buée sans couleurs, nous quittons un my
592
us quittons un mystère à jamais impénétrable pour
l’
homme, nous fuyons ces bords où conspirent des ombres informes et des
593
nous laisse gourds et faibles, caressant en nous
la
lâche volupté de sentir l’esprit se défaire et couler sans fin vers u
594
les, caressant en nous la lâche volupté de sentir
l’
esprit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade de
595
t se défaire et couler sans fin vers un sommeil à
l’
odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’être p
596
nous enivrait, promettant à nos sens, fatigués de
l’
esprit qui les exerce, des voluptés plus faciles — pour infuser dans n
597
, promettant à nos sens, fatigués de l’esprit qui
les
exerce, des voluptés plus faciles — pour infuser dans nos corps charm
598
dont on ne voudrait plus guérir… Mais nous voyons
la
ville debout dans ses lumières. Architectures ! langage des dieux, ô
599
s qu’épousent nos ferveurs, angles purs, repos de
l’
esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité de cette façade élevée
600
s, repos de l’esprit qui s’appuie sur son œuvre !
La
sérénité de cette façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’
601
La sérénité de cette façade élevée lumineuse sur
le
ciel fut le signe d’un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près
602
de cette façade élevée lumineuse sur le ciel fut
le
signe d’un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, ér
603
uvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait
l’
image de la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un
604
nd pont de fer, près de nous, érigeait l’image de
la
lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui no
605
et rendait sous des coups un son qui nous évoqua
les
rumeurs de villes d’usines. Il y avait la vie des hommes pour demain,
606
évoqua les rumeurs de villes d’usines. Il y avait
la
vie des hommes pour demain, et il était beau d’y songer un peu avant
607
beau d’y songer un peu avant de nous abandonner à
l’
oubli luxueux des rues. Le long de l’Arno, les façades sont jaunes et
608
abandonner à l’oubli luxueux des rues. Le long de
l’
Arno, les façades sont jaunes et roses près de l’eau, puis perdent dan
609
er à l’oubli luxueux des rues. Le long de l’Arno,
les
façades sont jaunes et roses près de l’eau, puis perdent dans la nuit
610
l’Arno, les façades sont jaunes et roses près de
l’
eau, puis perdent dans la nuit leurs lignes graves. Toutes ces formes
611
jaunes et roses près de l’eau, puis perdent dans
la
nuit leurs lignes graves. Toutes ces formes devinées dans l’espace no
612
rs lignes graves. Toutes ces formes devinées dans
l’
espace nous environnent d’une obscure confiance. Livrons-nous aux jeux
613
ons-nous aux jeux des hommes-qui-font-des-gestes.
Les
autos répètent sans fin les notes mêlées d’une symphonie qui va peut-
614
-qui-font-des-gestes. Les autos répètent sans fin
les
notes mêlées d’une symphonie qui va peut-être composer tous les bruit
615
es d’une symphonie qui va peut-être composer tous
les
bruits de la ville en un chant immense. Il passe une possibilité de b
616
onie qui va peut-être composer tous les bruits de
la
ville en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par pe
617
passe une possibilité de bonheur par personne et
les
devantures ne cherchent qu’à vous plaire. Chaque ruelle croisée propo
618
oublie pour celui des regards étrangers. Et voici
la
place régulière, les galeries, les cafés, les musiques, Donizetti qui
619
s regards étrangers. Et voici la place régulière,
les
galeries, les cafés, les musiques, Donizetti qui pleure délicieusemen
620
ngers. Et voici la place régulière, les galeries,
les
cafés, les musiques, Donizetti qui pleure délicieusement jusque dans
621
oici la place régulière, les galeries, les cafés,
les
musiques, Donizetti qui pleure délicieusement jusque dans les gestes
622
, Donizetti qui pleure délicieusement jusque dans
les
gestes des passantes. Sous cette agitation aimable et monotone nous a
623
ation aimable et monotone nous allons voir courir
l’
arabesque des sentiments et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir
624
allons voir courir l’arabesque des sentiments et
le
mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un s
625
esque des sentiments et le mouvement perpétuel de
l’
amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de forces q
626
ngagé dans un système d’ondes de forces qui tisse
la
nuit vibrante, intérêts, politesses, politiques, regards, musiques —
627
musiques — cette vie rapide dans un décor qui est
le
rêve éternisé des plus voluptueuses intelligences — tous les tableaux
628
ernisé des plus voluptueuses intelligences — tous
les
tableaux dans le noir des musées ! — et si tu veux soudain le son gra
629
luptueuses intelligences — tous les tableaux dans
le
noir des musées ! — et si tu veux soudain le son grave de l’infini, p
630
dans le noir des musées ! — et si tu veux soudain
le
son grave de l’infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux,
631
musées ! — et si tu veux soudain le son grave de
l’
infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux, au plus beau cie
632
in le son grave de l’infini, pour être seul parmi
la
foule, lève les yeux, au plus beau ciel du monde. i. Rougemont Den
633
de l’infini, pour être seul parmi la foule, lève
les
yeux, au plus beau ciel du monde. i. Rougemont Denis de, « Soir de
634
. i. Rougemont Denis de, « Soir de Florence »,
La
Semaine littéraire, Genève, 13 novembre 1926, p. 547-548.
635
Dés ou
la
clef des champs (1927)l « On sent l’absurdité d’un semblable syst
636
Dés ou la clef des champs (1927)l « On sent
l’
absurdité d’un semblable système. » Musset. Une rose et un journal o
637
e. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur
le
marbre vulgaire d’une table de café. Je venais de m’asseoir et de com
638
’habitude, un peu après six heures. J’étais seul.
Le
café est un lieu anonyme bien plus propice au rêve que ma chambre où
639
ropice au rêve que ma chambre où m’attendent tous
les
soirs quand je rentre du bureau, les gages insupportablement familier
640
tendent tous les soirs quand je rentre du bureau,
les
gages insupportablement familiers d’une vie honnête de type courant.
641
une vie honnête de type courant. Pour dix sous et
le
prétexte d’un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les pl
642
sous et le prétexte d’un apéro, on entre ici dans
le
jardin des songeries les plus étranges qu’appelle la musique. Je me g
643
apéro, on entre ici dans le jardin des songeries
les
plus étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc d’ouvrir le jo
644
jardin des songeries les plus étranges qu’appelle
la
musique. Je me gardai donc d’ouvrir le journal. Les Petites nouvelles
645
qu’appelle la musique. Je me gardai donc d’ouvrir
le
journal. Les Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur mon espr
646
a musique. Je me gardai donc d’ouvrir le journal.
Les
Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur mon esprit. Non que c
647
ur mon esprit. Non que cela m’intéresse au fond :
les
faits-divers, rien de moins divers. Mais je suis pris dans l’absurde
648
ers, rien de moins divers. Mais je suis pris dans
l’
absurde réseau des lignes, et cette mécanique me restitue chaque fois
649
tte rose oubliée me gênait : perdre une rose pour
le
plaisir ! (Et je ne pensais même pas, alors : une si belle rose.) Le
650
ne pensais même pas, alors : une si belle rose.)
Le
tambour livra un homme élégant et tragique, qui se tint un moment imm
651
igure aux joues mates, aux yeux clairs. Il déplia
le
journal et se mit à lire les pages d’annonces. On m’apporta une lique
652
eux clairs. Il déplia le journal et se mit à lire
les
pages d’annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de bo
653
es pensées plus rapides s’en allèrent un peu vers
l’
avenir et j’osai quelques rêves. C’était, je m’en souviens, une petite
654
souviens, une petite automobile qui roulait dans
la
banlieue printanière ; des soupers d’amis dans notre modeste salle à
655
er ; des jaquettes de couleur pour ma femme… Mais
l’
homme avait posé son journal. Soudain, portant la main à son gilet, il
656
l’homme avait posé son journal. Soudain, portant
la
main à son gilet, il en retira trois dés qu’il jeta sur la table. Les
657
son gilet, il en retira trois dés qu’il jeta sur
la
table. Les yeux brillants, il compta. Une indécision parut sur ses tr
658
, il en retira trois dés qu’il jeta sur la table.
Les
yeux brillants, il compta. Une indécision parut sur ses traits. Puis
659
e indécision parut sur ses traits. Puis il reprit
les
dés brusquement, et me fixant avec un léger sourire : — Jouez ! ordon
660
t avec un léger sourire : — Jouez ! ordonna-t-il.
La
surprise vainquit ma timidité, je pris les dés et les jetai sans hési
661
a-t-il. La surprise vainquit ma timidité, je pris
les
dés et les jetai sans hésiter. Il compta de nouveau, puis avec une lé
662
surprise vainquit ma timidité, je pris les dés et
les
jetai sans hésiter. Il compta de nouveau, puis avec une légère exalta
663
l saisit son journal. Il en parcourait rapidement
les
pages, la proie d’une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer
664
n journal. Il en parcourait rapidement les pages,
la
proie d’une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment
665
nsommations. Je gagnai. Il demanda des portos. Je
les
gagnai et je les bus. D’autres encore. Ma tête commençait à osciller
666
agnai. Il demanda des portos. Je les gagnai et je
les
bus. D’autres encore. Ma tête commençait à osciller vaguement. Les co
667
encore. Ma tête commençait à osciller vaguement.
Les
couleurs du bar me remplissaient d’une joie inconnue. Et je me refusa
668
uestions qu’en moi-même posait ma raison effarée.
L’
étranger s’animait aussi : une fièvre faisait s’épanouir sur son visag
669
quel plaisir cruel. C’était un jeu très simple où
l’
esprit libre de calculs se tend ardemment vers la conclusion d’un hasa
670
l’esprit libre de calculs se tend ardemment vers
la
conclusion d’un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-
671
nclusion d’un hasard qui opère au commandement de
la
main. Ce soir-là, une confiance me possédait, telle que je savais trè
672
ais très clairement que je gagnerais à tout coup.
L’
étranger se mit à discourir. Et dans mon ivresse, ses paroles peignaie
673
je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais :
le
voilà riche, le voilà classé, le voilà prêt à faire des bassesses pou
674
tes calculs, ha ! tu te disais : le voilà riche,
le
voilà classé, le voilà prêt à faire des bassesses pour durer, et tu t
675
! tu te disais : le voilà riche, le voilà classé,
le
voilà prêt à faire des bassesses pour durer, et tu te réjouissais, pa
676
omplètement démodées et d’intrigues usées jusqu’à
la
corde, jusqu’à la corde pour les pendre, ha ha ha ! Tu pensais que j’
677
es et d’intrigues usées jusqu’à la corde, jusqu’à
la
corde pour les pendre, ha ha ha ! Tu pensais que j’allais me cramponn
678
ues usées jusqu’à la corde, jusqu’à la corde pour
les
pendre, ha ha ha ! Tu pensais que j’allais me cramponner à cette espè
679
er à cette espèce de bonheur qu’ils croient lié à
la
possession, et que j’allais vivre aussi sur le dogme l’argent-fait-le
680
à la possession, et que j’allais vivre aussi sur
le
dogme l’argent-fait-le-bonheur. En somme, tu croyais que j’allais adh
681
session, et que j’allais vivre aussi sur le dogme
l’
argent-fait-le-bonheur. En somme, tu croyais que j’allais adhérer à l’
682
heur. En somme, tu croyais que j’allais adhérer à
l’
idéologie socialiste, gros farceur, va. Quand je songe à tous ces gens
683
d je songe à tous ces gens qui perdent leur vie à
la
gagner9, et leur façon inexplicable de lier des valeurs morales aux c
684
» comme ils disent dans leurs manuels scolaires.
Les
voler, pour leur apprendre. Et leur manie aussi de situer le paradis
685
our leur apprendre. Et leur manie aussi de situer
le
paradis dans la classe d’impôts immédiatement supérieure à la leur. I
686
re. Et leur manie aussi de situer le paradis dans
la
classe d’impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient qu
687
ans la classe d’impôts immédiatement supérieure à
la
leur. Ils voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier de plaisir
688
ertige sans prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé
les
caisses d’épargne, monuments d’une bassesse morale inconcevable, temp
689
onheur que celui qu’ils ont reçu de papa-maman et
l’
Habitude, leur marraine aux dents jaunes. Ah ! perdre, perdre ; et c’e
690
stinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec
la
même joie, mon cheval fou, mon beau Désir s’ébroue et part sitôt que
691
bousse, ils n’y comprendront jamais rien, écoutez-
les
, comme ils me jugent et leurs cris indignés qui couvrent une angoisse
692
leurs cris indignés qui couvrent une angoisse. Ça
les
dérange terriblement, sauf un ou deux qui s’imaginent gagner à mes dé
693
in ce brave homme qui est en train de me soutirer
les
quelque billets de mille dont je venais de régler le sort, puisque de
694
quelque billets de mille dont je venais de régler
le
sort, puisque demain dès l’aube, j’irai tenter la misère aux yeux las
695
t je venais de régler le sort, puisque demain dès
l’
aube, j’irai tenter la misère aux yeux las pleins de rêves, la misère
696
le sort, puisque demain dès l’aube, j’irai tenter
la
misère aux yeux las pleins de rêves, la misère qui fait des soirs si
697
ai tenter la misère aux yeux las pleins de rêves,
la
misère qui fait des soirs si doux aux amants quand ils n’ont plus que
698
ls n’ont plus que des baisers au goût d’adieu, et
l’
avenir où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et la mort. » I
699
ù se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et
la
mort. » Il ferma les yeux sur des visions. Les lustres doraient un br
700
nes, une tendresse éperdue et la mort. » Il ferma
les
yeux sur des visions. Les lustres doraient un brouillard de fumée, et
701
et la mort. » Il ferma les yeux sur des visions.
Les
lustres doraient un brouillard de fumée, et la musique noyait mes pen
702
. Les lustres doraient un brouillard de fumée, et
la
musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était assise à notre
703
, en robe rouge, et très fardée. Elle jouait avec
la
rose. Les dés roulèrent, pour un dernier enjeu. Alors la femme lança
704
rouge, et très fardée. Elle jouait avec la rose.
Les
dés roulèrent, pour un dernier enjeu. Alors la femme lança sur la tab
705
. Les dés roulèrent, pour un dernier enjeu. Alors
la
femme lança sur la table cette rose qui s’effeuilla sur les dés, et p
706
, pour un dernier enjeu. Alors la femme lança sur
la
table cette rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit d’un long rir
707
lança sur la table cette rose qui s’effeuilla sur
les
dés, et partit d’un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi
708
s, et partit d’un long rire. Elle me regardait et
l’
étranger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé de
709
joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser
le
café dans la musique et la rumeur des clients. Dehors les réclames lu
710
peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans
la
musique et la rumeur des clients. Dehors les réclames lumineuses dial
711
ut se lever, traverser le café dans la musique et
la
rumeur des clients. Dehors les réclames lumineuses dialoguaient folle
712
dans la musique et la rumeur des clients. Dehors
les
réclames lumineuses dialoguaient follement au-dessus des rues parcour
713
main je n’avais plus un sou). Je n’ai jamais revu
l’
étranger. Quelquefois je songe à ses paroles — ou peut-être n’étaient-
714
inquiétude, parce que je ne suis plus tout à fait
le
même. Puis elle me laisse, parce que le lait va monter. Alors, dans m
715
ut à fait le même. Puis elle me laisse, parce que
le
lait va monter. Alors, dans ma chambre, avant d’aller souper, je m’ab
716
re, avant d’aller souper, je m’abats sur mon lit,
les
cheveux dans les mains. Et je voudrais pouvoir pleurer sur ma lâcheté
717
souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux dans
les
mains. Et je voudrais pouvoir pleurer sur ma lâcheté. Et je t’apostro
718
haïr… 9. Calembour sur une idée juste. (Note de
l’
éd.) l. Rougemont Denis de, « Dés ou la clef des champs », Neuchâtel
719
(Note de l’éd.) l. Rougemont Denis de, « Dés ou
la
clef des champs », Neuchâtel 1928 : beaux-arts, arts appliqués, archi
720
Conférence d’Edmond Esmonin sur «
La
révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)j Le sujet que M
721
onférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de
l’
édit de Nantes » (16 février 1927)j Le sujet que M. Esmonin, profes
722
ation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)j
Le
sujet que M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres de Grenoble
723
r 1927)j Le sujet que M. Esmonin, professeur à
la
Faculté des lettres de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle
724
ulté des lettres de Grenoble, traita mardi soir à
la
Grande salle des Conférences, devant un très bel auditoire, est un de
725
des plus passionnants et des plus controversés de
l’
histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester i
726
sés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est
le
plus difficile de rester impartial. M. Lombard, recteur de l’Universi
727
icile de rester impartial. M. Lombard, recteur de
l’
Université, en introduisant le conférencier, a fait allusion aux diver
728
Lombard, recteur de l’Université, en introduisant
le
conférencier, a fait allusion aux divers points de vue auxquels on a
729
ints de vue auxquels on a pu se placer pour juger
la
révocation. M. Esmonin, lui, se place au point de vue de l’historien
730
ion. M. Esmonin, lui, se place au point de vue de
l’
historien scrupuleux, qui juge d’après les textes, les causes et les e
731
e vue de l’historien scrupuleux, qui juge d’après
les
textes, les causes et les effets vérifiables, et non d’après un systè
732
istorien scrupuleux, qui juge d’après les textes,
les
causes et les effets vérifiables, et non d’après un système préconçu.
733
uleux, qui juge d’après les textes, les causes et
les
effets vérifiables, et non d’après un système préconçu. (Cette attitu
734
préconçu. (Cette attitude est plus rare qu’on ne
le
croit, de nos jours.) M. Esmonin montra avec beaucoup de clarté comme
735
c beaucoup de clarté comment, entre 1578, date de
la
proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France pas
736
é comment, entre 1578, date de la proclamation de
l’
édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus grand
737
te de la proclamation de l’édit, et 1685, date de
la
révocation, la France passa de la plus grande liberté à la plus grand
738
mation de l’édit, et 1685, date de la révocation,
la
France passa de la plus grande liberté à la plus grande tyrannie. En
739
t 1685, date de la révocation, la France passa de
la
plus grande liberté à la plus grande tyrannie. En proclamant la liber
740
tion, la France passa de la plus grande liberté à
la
plus grande tyrannie. En proclamant la liberté religieuse, Henry IV m
741
liberté à la plus grande tyrannie. En proclamant
la
liberté religieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête de la civil
742
roclamant la liberté religieuse, Henry IV mettait
le
royaume à la tête de la civilisation ; en interdisant aux réformés d’
743
liberté religieuse, Henry IV mettait le royaume à
la
tête de la civilisation ; en interdisant aux réformés d’exercer leur
744
igieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête de
la
civilisation ; en interdisant aux réformés d’exercer leur religion, m
745
rcer leur religion, mais en même temps de quitter
le
pays, Louis XIV commit un des actes les plus vexatoires que l’histoir
746
de quitter le pays, Louis XIV commit un des actes
les
plus vexatoires que l’histoire ait enregistrés. Après avoir fait un t
747
s XIV commit un des actes les plus vexatoires que
l’
histoire ait enregistrés. Après avoir fait un tableau de la France de
748
e ait enregistrés. Après avoir fait un tableau de
la
France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur
749
trés. Après avoir fait un tableau de la France de
l’
édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur expose comme
750
tableau de la France de l’édit, victorieuse dans
la
guerre de Trente Ans, l’orateur expose comment on en vint à la révoca
751
l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans,
l’
orateur expose comment on en vint à la révocation. C’est d’abord l’inf
752
Trente Ans, l’orateur expose comment on en vint à
la
révocation. C’est d’abord l’influence du clergé, jaloux de ses droits
753
comment on en vint à la révocation. C’est d’abord
l’
influence du clergé, jaloux de ses droits considérables encore ; puis
754
de ses droits considérables encore ; puis ce sont
les
conseillers intimes du roi, un jésuite, le père Lachaise, un archevêq
755
sont les conseillers intimes du roi, un jésuite,
le
père Lachaise, un archevêque libertin, Harlay de Champvallon, et surt
756
n leurs intérêts immédiats à leur désir de gagner
le
ciel, persuadent Louis XIV que la révocation serait une œuvre digne d
757
désir de gagner le ciel, persuadent Louis XIV que
la
révocation serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui fai
758
e du Roi-Soleil et capable de lui faire pardonner
les
erreurs de sa jeunesse. Le roi, « un niais en matière religieuse » au
759
e lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse.
Le
roi, « un niais en matière religieuse » au dire de sa belle-sœur, la
760
en matière religieuse » au dire de sa belle-sœur,
la
princesse palatine, se laisse facilement convaincre. D’ailleurs, les
761
ine, se laisse facilement convaincre. D’ailleurs,
les
jésuites ont déjà réussi à « tourner » l’édit par mille arguties juri
762
leurs, les jésuites ont déjà réussi à « tourner »
l’
édit par mille arguties juridiques. Et les statistiques faussées peuve
763
ourner » l’édit par mille arguties juridiques. Et
les
statistiques faussées peuvent faire croire à une très forte diminutio
764
s. Aussi ne s’effraye-t-on pas trop, au début, de
l’
émigration des fidèles qui suivent leurs pasteurs proscrits. On espère
765
rtir de gré ou de force tous ceux qui resteront «
Les
enfants seront du moins catholiques, si les pères sont hypocrites »,
766
ont « Les enfants seront du moins catholiques, si
les
pères sont hypocrites », écrit Madame de Maintenon. Mais bientôt l’on
767
crites », écrit Madame de Maintenon. Mais bientôt
l’
on voit la France se dépeupler ; des industries sont presque anéanties
768
écrit Madame de Maintenon. Mais bientôt l’on voit
la
France se dépeupler ; des industries sont presque anéanties ; les con
769
peupler ; des industries sont presque anéanties ;
les
conséquences funestes de l’acte de révocation commencent à se révéler
770
presque anéanties ; les conséquences funestes de
l’
acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la co
771
ion commencent à se révéler politiques (guerre de
la
confession d’Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félicitat
772
es félicitations arrachées par Louis XIV au pape,
les
catholiques sont loin d’être unanimes à louer la révocation. L’un d’e
773
les catholiques sont loin d’être unanimes à louer
la
révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce qu
774
s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que «
les
dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et le
775
lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été
les
meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et les persécutions contr
776
es meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et
les
persécutions contre ceux qui n’ont commis d’autre crime que de « dépl
777
déplaire au roi » vont reprendre de plus belle :
la
guerre civile succède aux dragonnades. M. Esmonin s’abstient d’en fai
778
ent d’en faire un tableau qu’il suppose présent à
l’
esprit de ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’Albert Sor
779
à l’esprit de ses auditeurs. Il termine en citant
le
jugement d’Albert Sorel, selon qui la date du 16 octobre 1685 marque
780
e en citant le jugement d’Albert Sorel, selon qui
la
date du 16 octobre 1685 marque une déviation dans l’histoire de la Fr
781
date du 16 octobre 1685 marque une déviation dans
l’
histoire de la France. Déviation telle, en effet, que nous en sentons
782
obre 1685 marque une déviation dans l’histoire de
la
France. Déviation telle, en effet, que nous en sentons les conséquenc
783
e. Déviation telle, en effet, que nous en sentons
les
conséquences de nos jours encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvo
784
ouvons que nous réjouir de retrouver bientôt dans
l’
ouvrage qu’il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué de parti pris
785
tôt dans l’ouvrage qu’il va consacrer à Louis XIV
l’
exposé si dénué de parti pris, si libre et d’une si élégante science d
786
ofesseur de Grenoble. j. Rougemont Denis de, «
La
révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâ
787
ble. j. Rougemont Denis de, « La révocation de
l’
édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 16 février 1
788
is (avril 1927)k Neuchâtel va-t-elle redevenir
le
centre artistique qu’elle fut au siècle passé ? Allons-nous assister
789
ster à un regroupement de ses forces créatrices ?
La
question est peut-être prématurée. Mais le seul fait qu’elle se pose
790
ices ? La question est peut-être prématurée. Mais
le
seul fait qu’elle se pose me paraît indiquer que l’un au moins des de
791
artistes, en effet, n’ignorent rien des courants
les
plus modernes, et sont bien situés pour n’en prendre que le meilleur
792
dernes, et sont bien situés pour n’en prendre que
le
meilleur ; mais l’émulation, l’atmosphère de combat nécessaire au dév
793
n situés pour n’en prendre que le meilleur ; mais
l’
émulation, l’atmosphère de combat nécessaire au développement de certa
794
n’en prendre que le meilleur ; mais l’émulation,
l’
atmosphère de combat nécessaire au développement de certains jeunes te
795
ertains jeunes tempéraments leur fait défaut dans
la
même mesure. Ainsi risquent de s’établir autour d’eux des mœurs un pe
796
œurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire
le
procès, mais qui expliquent, me semble-t-il, pour une part, la disper
797
is qui expliquent, me semble-t-il, pour une part,
la
dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs de décou
798
aux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous
les
extrémismes sont prônés comme vertus cardinales, et qui forme ailleur
799
r public des jeunes artistes, n’existant pas ici,
le
peintre se trouve placé d’emblée en face de ce qu’on nomme le gros pu
800
e trouve placé d’emblée en face de ce qu’on nomme
le
gros public. L’épreuve est pénible, énervante, souvent fatale aux nov
801
’emblée en face de ce qu’on nomme le gros public.
L’
épreuve est pénible, énervante, souvent fatale aux novateurs. Alors il
802
le d’une consécration étrangère. Un jour en effet
l’
on apprend que tel tableau de jeune est « coté » chez un gros marchand
803
une est « coté » chez un gros marchand. Aussitôt,
les
feuilles locales retentissent de touchants échos : « C’est avec un lé
804
bien méritée du talent d’un de ses enfants… » Car
le
fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une Rolls-Royce et fortune f
805
ttendait pas moins du fils d’un tel père. « Voilà
le
train du monde… » Je ne pense pas qu’il en faille gémir. Une certaine
806
. Une certaine résistance est nécessaire pour que
la
force se développe. N’était certain petit plaisir d’impertinence, je
807
une actualité toujours vive. D’ailleurs, sachons
le
reconnaître, il y a moins de malice que de paresse dans les jugements
808
aître, il y a moins de malice que de paresse dans
les
jugements du public, et moins d’incompréhension que de timidité. ⁂ On
809
ans, jusqu’à André Evard, qui en a près de 50, si
les
peintres dont nous allons parler méritent d’être appelés jeunes, c’es
810
leurs œuvres avant tout. D’autre part je préfère
la
légende à l’histoire comme la peinture à la photographie. Une œuvre d
811
avant tout. D’autre part je préfère la légende à
l’
histoire comme la peinture à la photographie. Une œuvre d’art est un m
812
tre part je préfère la légende à l’histoire comme
la
peinture à la photographie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer
813
éfère la légende à l’histoire comme la peinture à
la
photographie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer de contagion c
814
agion contre lequel je ne saurais me prémunir par
le
moyen d’aucun de ces appareils à jugements garantis qui posent un cri
815
t un critique d’art diplômé. Premier péché contre
l’
histoire : au seuil d’un article consacré aux jeunes artistes neuchâte
816
t entre trente pareilles, aux cactus qui ornaient
les
fenêtres, dans une chambre peinte en bleu vif et ornée de surprenants
817
straites. De cette époque datent des toiles comme
le
Souvenir de l’Évêché. Décors et personnages semblent d’une matière id
818
tte époque datent des toiles comme le Souvenir de
l’
Évêché. Décors et personnages semblent d’une matière idéale. Tout est
819
fait seulement. Il manque à ces recompositions de
la
nature, à ces natures remises à neuf, l’imperfection humaine qui touc
820
tions de la nature, à ces natures remises à neuf,
l’
imperfection humaine qui touche. Mais l’atmosphère pure de ces espaces
821
s à neuf, l’imperfection humaine qui touche. Mais
l’
atmosphère pure de ces espaces définis par quelques plans ne tue pas u
822
ailleurs… Qu’il sorte enfin et se mette à graver
les
scènes qu’il voit dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille de
823
n et se mette à graver les scènes qu’il voit dans
la
petite cité ouvrière, et c’est merveille de constater combien l’épura
824
ouvrière, et c’est merveille de constater combien
l’
épuration rigoriste de sa technique sert une vision aigüe de la vie. L
825
igoriste de sa technique sert une vision aigüe de
la
vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité es
826
de sa technique sert une vision aigüe de la vie.
La
série de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité est un pet
827
érie de gravures sur bois colorées qu’il intitule
la
cité est un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’un art tr
828
, qui connaît ses ressources et sait en user avec
la
sobriété qui produit le maximum d’expression. Cette « simplicité préc
829
rces et sait en user avec la sobriété qui produit
le
maximum d’expression. Cette « simplicité précieuse », il sait la conf
830
pression. Cette « simplicité précieuse », il sait
la
conférer à tout ce qu’il touche, qu’il décore une bannière, fabrique
831
e un peu bizarre qu’il glisse si souvent là où on
l’
attend le moins. Conrad Meili apporte chez nous une inspiration neuve,
832
bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’attend
le
moins. Conrad Meili apporte chez nous une inspiration neuve, d’origin
833
e germanique, mais qui a choisi de s’astreindre à
la
voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épurant dans des formes
834
ui tout en s’épurant dans des formes claires a su
les
renouveler. Il nous apporte aussi cet élément de vitalité combative q
835
’il casse des vitres, ce n’est pas seulement pour
le
plaisir, mais plutôt par amour du courant d’air. Cela dérange toujour
836
air. Cela dérange toujours quelques frileux, mais
les
autres sont soulagés. Et ne fût-ce qu’en prenant une initiative comme
837
uchâtel 1927 7 il aura bien mérité sa place parmi
les
artistes neuchâtelois. Actuellement, Meili achève la décoration d’une
838
artistes neuchâtelois. Actuellement, Meili achève
la
décoration d’une salle d’hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui
839
ssionniste s’astreindrait jamais aux exigences de
la
technique décorative ! Voilà qui laisse espérer parmi nos artistes bi
840
oins paradoxaux. Donzé n’est pas de ceux pour qui
la
peinture consiste à habiller une idée. Voyez son portrait de Meili :
841
ée. Voyez son portrait de Meili : il ne prend pas
le
sujet par l’intérieur, mais il taille ce visage dans une pâte riche e
842
portrait de Meili : il ne prend pas le sujet par
l’
intérieur, mais il taille ce visage dans une pâte riche et un peu lour
843
dans une pâte riche et un peu lourde, son pinceau
la
palpe, la presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a de la sensu
844
âte riche et un peu lourde, son pinceau la palpe,
la
presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans
845
t un peu lourde, son pinceau la palpe, la presse,
la
réduit à la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans l’écraseme
846
rde, son pinceau la palpe, la presse, la réduit à
la
forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses co
847
resse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a de
la
sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une sensualité qui sait
848
la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans
l’
écrasement de ses couleurs, une sensualité qui sait se faire délicate
849
avec des roses et des jaunes jamais mièvres, sous
l’
œil méfiant des fascistes qui le prennent pour un agitateur russe, à c
850
ais mièvres, sous l’œil méfiant des fascistes qui
le
prennent pour un agitateur russe, à cause de sa chevelure, sans doute
851
e tromper plus. ⁂ À vrai dire j’en vois peu parmi
les
jeunes qui vouent tout leur amour à la peinture pure. Je crois même q
852
peu parmi les jeunes qui vouent tout leur amour à
la
peinture pure. Je crois même que, Paul Donzé touché à son tour par la
853
crois même que, Paul Donzé touché à son tour par
la
grâce décorative, il n’en reste qu’un, du moins à Neuchâtel même : Eu
854
vier. Ce garçon aux allures discrètes promène sur
le
monde des yeux de Japonais d’une ironie mélancolique et qui voient pl
855
ient plus loin qu’on ne croit, mais il a toujours
l’
air de songer à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa p
856
on ne croit, mais il a toujours l’air de songer à
la
Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa première et Neuchât
857
air de songer à la Hollande, sa seconde patrie si
la
peinture est sa première et Neuchâtel la troisième… Il y a par Eugène
858
par Eugène Bouvier quelque chose de nouveau dans
la
peinture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer, d’une tristesse qui
859
y a une sorte d’aristocratique dissimulation dans
l’
œuvre de Bouvier. Sa technique qui paraît au premier abord masquer ses
860
premier abord masquer ses intentions, en réalité
les
exprime par ses défauts mêmes ou ses fausses négligences ; mais il fa
861
oujours une sorte de dissonance, un défaut par où
l’
on va peut-être se glisser dans l’atmosphère de l’œuvre ; que l’on con
862
n défaut par où l’on va peut-être se glisser dans
l’
atmosphère de l’œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation
863
l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère de
l’
œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout devien
864
tre se glisser dans l’atmosphère de l’œuvre ; que
l’
on consente en effet à telle déformation, et tout devient satisfaisant
865
ère que Louis de Meuron, parmi ses aînés, dont on
le
puisse rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres de ce pays p
866
’il est un des rares peintres de ce pays pour qui
la
couleur existe avant tout. Mais la nostalgie de Bouvier l’entraîne à
867
pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais
la
nostalgie de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourire
868
r existe avant tout. Mais la nostalgie de Bouvier
l’
entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épanouissent sur
869
es des jardins de sourires qui s’épanouissent sur
les
toiles de Meuron. Il semble toujours qu’il peigne entre deux pluies.
870
onde se mêlent, et sait rendre mieux que personne
la
liquidité d’un lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temp
871
couvert, calme, légères précipitations » annonce
le
bulletin. Tiens, me dis-je, Bouvier va peindre. Comme peintre religie
872
re religieux, il se cherche encore. On a pourtant
l’
impression, à voir ses dernières toiles, d’une plus grande certitude i
873
s toiles, d’une plus grande certitude intérieure.
Les
visages sont plus calmes, les couleurs s’avivent, le soleil est sur l
874
rtitude intérieure. Les visages sont plus calmes,
les
couleurs s’avivent, le soleil est sur le point de reparaître… Charle
875
visages sont plus calmes, les couleurs s’avivent,
le
soleil est sur le point de reparaître… Charles Humbert ou comment on
876
nq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où
l’
on put craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’une école du g
877
ù l’on put craindre que Charles Humbert ne devînt
le
chef d’une école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures
878
ue. Il peignait des natures mortes qui décidément
l’
étaient, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’une bizarre
879
rtes qui décidément l’étaient, à faire froid dans
le
dos ; ou bien des scènes d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops
880
g, G. H. Dessoulavy)… Mais déjà paraissaient dans
les
Voix (cette courageuse revue qu’il avait fondée avec J. P. Zimmermann
881
un tempérament très rassurant. C’était, je crois,
le
vrai Humbert qui commençait à s’affirmer. Puis il y eut une période i
882
onies funèbres, comme un qui n’attendrait pas que
l’
enterrement s’éloigne pour entonner une chanson à boire. Et sa techniq
883
nt maigre se faisait trop lâche. Mais aujourd’hui
la
mue semble s’être opérée. Humbert est rendu à lui-même. Il atteint so
884
son équilibre et sa maîtrise avec une toile comme
le
Potier. Si la couleur n’est pas encore aussi plantureuse que les form
885
et sa maîtrise avec une toile comme le Potier. Si
la
couleur n’est pas encore aussi plantureuse que les formes, il y a une
886
la couleur n’est pas encore aussi plantureuse que
les
formes, il y a une belle richesse de lueurs sur une matière traitée l
887
possibilités imprévues. Il y a un côté « homme de
la
Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa fougue originale. Il
888
plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit de
le
voir peint par lui-même pour s’en assurer. La tête large, aux yeux cl
889
de le voir peint par lui-même pour s’en assurer.
La
tête large, aux yeux clairs et assurés, le cou robuste, les mains d’u
890
surer. La tête large, aux yeux clairs et assurés,
le
cou robuste, les mains d’un si beau dessin, qui ont du poids et nulle
891
arge, aux yeux clairs et assurés, le cou robuste,
les
mains d’un si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout c
892
nce domptée et qui semble se faire une volupté de
la
discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renaissa
893
. Et voilà qui fait encore plus « Renaissance » :
le
costume est drapé avec un soin minutieux, mais une grande mèche insol
894
x, mais une grande mèche insolente retombe devant
le
visage. Aurèle tient un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’il
895
t un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’il
le
lise, mais il aime caresser la reliure qu’il doit avoir faite lui-mêm
896
pas je pense qu’il le lise, mais il aime caresser
la
reliure qu’il doit avoir faite lui-même. Car il est artisan, dans le
897
it avoir faite lui-même. Car il est artisan, dans
le
beau sens ancien du terme, tout comme son frère Charles Barraud, qui
898
s, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que
les
visages qui s’y reflèteront soient aussi beaux que ceux qu’il peint o
899
oient aussi beaux que ceux qu’il peint ou modèle,
le
soir, à la lampe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi, d’un œi
900
beaux que ceux qu’il peint ou modèle, le soir, à
la
lampe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi, d’un œil regardant
901
de sa femme (elle peint aussi, d’un œil regardant
le
sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis voici François Bar
902
n fait son mari). Et puis voici François Barraud,
le
plus jeune des frères. Il vient apporter des dessins qui ressemblent
903
éalistes, plus fins, mais tout aussi habiles dans
l’
utilisation du clair-obscur qui simplifie et renforce l’expression. Dé
904
isation du clair-obscur qui simplifie et renforce
l’
expression. Décidément ces trois frères sont une école. Délaissant un
905
ons désormais retrouver, allons errer un peu dans
le
royaume d’Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne saurio
906
es années d’avance sur ses contemporains. Un jour
les
jeunes le rattrapent. Salutations, présentations : « André Evard. — L
907
’avance sur ses contemporains. Un jour les jeunes
le
rattrapent. Salutations, présentations : « André Evard. — Les jeunes
908
nt. Salutations, présentations : « André Evard. —
Les
jeunes peintres. — Vous suivez la même route que nous ? À la bonne he
909
André Evard. — Les jeunes peintres. — Vous suivez
la
même route que nous ? À la bonne heure ! ». Et l’on repart bras dessu
910
eintres. — Vous suivez la même route que nous ? À
la
bonne heure ! ». Et l’on repart bras dessus, bras dessous. Et l’on ap
911
la même route que nous ? À la bonne heure ! ». Et
l’
on repart bras dessus, bras dessous. Et l’on apprend peu à peu des cho
912
! ». Et l’on repart bras dessus, bras dessous. Et
l’
on apprend peu à peu des choses bien curieuses sur son compte. Il a fa
913
hoses bien curieuses sur son compte. Il a fait de
la
pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges. I
914
cles où sous un éclairage très net, mais inusité,
l’
objet le plus banal se charge de mystère. Que va-t-il se passer là-ded
915
sous un éclairage très net, mais inusité, l’objet
le
plus banal se charge de mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et
916
e va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont
le
signe de quel occulte prodige ? Intrigué, vous reprenez ce que vous p
917
qui s’incarne dans ces motifs géométriques, pour
le
plaisir de la perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouv
918
dans ces motifs géométriques, pour le plaisir de
la
perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songerie
919
rd n’aille trouver une de ces machines à explorer
l’
au-delà. En vérité il faut être sorcier ou artiste pour changer en ins
920
métaphysiques ces bonnes montres de précision de
La
Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappelons le souvenir
921
précision de La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter
les
peintres, rappelons le souvenir de Charles Harder, qui est mort jeune
922
e-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappelons
le
souvenir de Charles Harder, qui est mort jeune, sans avoir pu donner
923
r qui saura s’imposer. Léon Perrin a compris tout
le
parti qu’on pouvait tirer des principes cubistes dans un art dont la
924
ait tirer des principes cubistes dans un art dont
la
genèse même est cubiste en quelque sorte, supposant une décomposition
925
y avait quelque lourdeur dans des morceaux comme
le
Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du cor
926
ns des morceaux comme le Joueur de rugby. C’était
le
poids de la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’
927
aux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de
la
pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’atteignait p
928
le poids de la pierre, plus que celui du corps de
l’
athlète ; l’œuvre n’atteignait pas encore pleinement sa vie propre. De
929
la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ;
l’
œuvre n’atteignait pas encore pleinement sa vie propre. Depuis, Léon P
930
du BIT où se manifeste un heureux équilibre entre
le
réalisme imposé par les sujets et un style qui sait rester ample, d’u
931
un heureux équilibre entre le réalisme imposé par
les
sujets et un style qui sait rester ample, d’une simplicité non dépour
932
cité non dépourvue de puissance. Une fois de plus
l’
on peut admirer la salutaire leçon de style donnée par le cubisme aux
933
de puissance. Une fois de plus l’on peut admirer
la
salutaire leçon de style donnée par le cubisme aux artistes qui ont s
934
ut admirer la salutaire leçon de style donnée par
le
cubisme aux artistes qui ont su se dégager de son outrance théorique.
935
se dégager de son outrance théorique. C’est dans
la
manière cubiste encore que Perrin décora naguère fort plaisamment une
936
e n’est certes pas complète. Mais elle a du moins
l’
avantage de grouper des artistes qui, par le fait des circonstances pe
937
moins l’avantage de grouper des artistes qui, par
le
fait des circonstances peut-être plus que par de naturelles affinités
938
ns décoratives qui pourraient aboutir peut-être à
la
formation d’un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’au
939
aboutir peut-être à la formation d’un groupe dont
l’
activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des œuvres aussi dif
940
t, des œuvres aussi différentes par leur objet et
le
domaine où elles se réalisent que celles de Le Corbusier8, Meili, Eva
941
et le domaine où elles se réalisent que celles de
Le
Corbusier8, Meili, Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche de
942
vard, Perrin, manifestent toutes une recherche de
la
simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la con
943
utes une recherche de la simplicité savante et de
la
perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse qui son
944
vante et de la perfection du métier, un goût pour
la
construction rigoureuse qui sont des éléments peut-être insuffisants
945
nérale vers une sorte de classicisme moderne dont
les
frères Barraud ne seraient pas très éloignés par d’autres côtés. Un a
946
samment atteint si nous n’avions fait qu’affirmer
l’
existence et la vitalité d’une jeune peinture originale dans un pays q
947
si nous n’avions fait qu’affirmer l’existence et
la
vitalité d’une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop
948
ue et d’une maigre végétation artistique. Pays où
l’
on préfère la netteté utile à l’harmonie des lignes ; où la lumière éc
949
aigre végétation artistique. Pays où l’on préfère
la
netteté utile à l’harmonie des lignes ; où la lumière éclaire plus qu
950
tistique. Pays où l’on préfère la netteté utile à
l’
harmonie des lignes ; où la lumière éclaire plus qu’elle ne caresse ;
951
ère la netteté utile à l’harmonie des lignes ; où
la
lumière éclaire plus qu’elle ne caresse ; où pourtant les hivers les
952
ère éclaire plus qu’elle ne caresse ; où pourtant
les
hivers les plus durs réservent des douceurs secrètes. 7. Publicatio
953
plus qu’elle ne caresse ; où pourtant les hivers
les
plus durs réservent des douceurs secrètes. 7. Publication dont cett
954
n vrai nom Ch. E. Jeanneret, un article paru dans
le
numéro de février de cette revue. k. Rougemont Denis de, « Jeunes a
955
n étoile nervalienne. Je vins à Vienne pour fuir
l’
Amérique. Mais les Viennois avaient fui dans les opérettes de Strauss,
956
nne. Je vins à Vienne pour fuir l’Amérique. Mais
les
Viennois avaient fui dans les opérettes de Strauss, qu’on ne trouve p
957
ir l’Amérique. Mais les Viennois avaient fui dans
les
opérettes de Strauss, qu’on ne trouve plus nulle part. Dans les danci
958
de Strauss, qu’on ne trouve plus nulle part. Dans
les
dancings, un peuple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la
959
le de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de
la
Petite-Entente, applaudissait chaque soir entre deux airs anglais Le
960
applaudissait chaque soir entre deux airs anglais
Le
Beau Danube bleu, en commémoration polie d’un passé imaginaire, ou pe
961
ntissait cette Vienne tout occupée à ressembler à
l’
idée qu’on s’en fait. Le Ring, trop large, ouvert au vent glacial, cré
962
ut occupée à ressembler à l’idée qu’on s’en fait.
Le
Ring, trop large, ouvert au vent glacial, crée autour du centre de la
963
ouvert au vent glacial, crée autour du centre de
la
ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement des
964
ntre de la ville une insécurité qui fait songer à
la
Russie et au sifflement des balles perdues d’une révolution. Sept heu
965
s perdues d’une révolution. Sept heures du soir :
le
moment était venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette promenade
966
t heures du soir : le moment était venu d’arrêter
le
plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste assez de pa
967
soir : le moment était venu d’arrêter le plan de
la
soirée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants pour
968
où il y avait juste assez de passants pour qu’on
la
sentît déserte ne me proposait qu’une frileuse nostalgie. Mais qui fa
969
d’intensité, un état d’âme crée une situation qui
l’
exprime — bien qu’on pense généralement le contraire. Il est très vrai
970
ion qui l’exprime — bien qu’on pense généralement
le
contraire. Il est très vrai que les notions réaliste et idéaliste du
971
e généralement le contraire. Il est très vrai que
les
notions réaliste et idéaliste du monde ne sont séparées que par un lé
972
e ne sont séparées que par un léger décalage dans
la
chronologie de nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas reno
973
onduit, par une sorte de compromis sentimental, à
l’
Opéra où l’on donnait les Contes d’Hoffmann. Je comprends aujourd’hui
974
une sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où
l’
on donnait les Contes d’Hoffmann. Je comprends aujourd’hui le lien qui
975
compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait
les
Contes d’Hoffmann. Je comprends aujourd’hui le lien qui unissait dans
976
t les Contes d’Hoffmann. Je comprends aujourd’hui
le
lien qui unissait dans mon esprit Vienne et Hoffmann : c’était le sou
977
sait dans mon esprit Vienne et Hoffmann : c’était
le
souvenir de Gérard de Nerval. Mais je pense que je n’avais même pas p
978
ncé intérieurement ce nom lorsque je m’assis dans
l’
ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’une
979
eu ennuyé de me trouver à côté d’une place vide :
la
jolie femme qu’on attend dans ces circonstances, une fois de plus man
980
dans ces circonstances, une fois de plus manquait
le
rendez-vous que j’avais demandé au hasard d’arranger. Mais le thème d
981
us que j’avais demandé au hasard d’arranger. Mais
le
thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres dev
982
is demandé au hasard d’arranger. Mais le thème de
la
Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent patr
983
eul peut-être cette plainte heureuse des violons.
Le
diable sort des parois, noir et blanc, la ravissante héroïne est à so
984
iolons. Le diable sort des parois, noir et blanc,
la
ravissante héroïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de l
985
est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de
la
pureté où vibrent par instants les accords d’une harmonie surnaturell
986
ténèbres et de la pureté où vibrent par instants
les
accords d’une harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une lan
987
p plus loin que moi, il n’entend pas ma question.
L’
envie me prend d’aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évoca
988
’entend pas ma question. L’envie me prend d’aller
le
rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’un amour tragiquem
989
d d’aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à
l’
évocation d’un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaç
990
t mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais
la
musique est si légère, la voix de la jeune fille si transparente : la
991
ues et menaçantes. Mais la musique est si légère,
la
voix de la jeune fille si transparente : la mort même en devient moin
992
çantes. Mais la musique est si légère, la voix de
la
jeune fille si transparente : la mort même en devient moins brutale.
993
gère, la voix de la jeune fille si transparente :
la
mort même en devient moins brutale. Elle rôde ici comme une tristesse
994
omme une tristesse amoureuse. Elle n’est plus que
l’
approche d’une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’
995
rrestres dans d’imprévisibles transfigurations, —
l’
heure anxieuse et mélancolique où l’on quitte ce visage aimé pour d’au
996
igurations, — l’heure anxieuse et mélancolique où
l’
on quitte ce visage aimé pour d’autres plus beaux peut-être, mais inco
997
es plus beaux peut-être, mais inconnus. Voilà que
la
forme blanche, sous un brusque faisceau de lumière m’apparaît avec le
998
us un brusque faisceau de lumière m’apparaît avec
le
visage même de mon amour. Je me sens voluptueusement perdre pied. Ver
999
ix, à côté de moi, c’est une chose singulière que
le
pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre
1000
ourtant ne se détournait. Comment pouvais-je être
le
seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez
1001
se détournait. Comment pouvais-je être le seul à
l’
avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez d’atteind
1002
renez certaines choses par votre souffrance… Mais
le
temps approche où vous n’aurez plus besoin de souffrir pour comprendr
1003
n’aurez plus besoin de souffrir pour comprendre.
Le
faisceau de lumière quitta la scène, un reflet balaya le parterre, le
1004
ir pour comprendre. Le faisceau de lumière quitta
la
scène, un reflet balaya le parterre, le visage de mon voisin m’apparu
1005
ceau de lumière quitta la scène, un reflet balaya
le
parterre, le visage de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de
1006
re quitta la scène, un reflet balaya le parterre,
le
visage de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire.
1007
dans son collier de barbe noire. Je sentis que je
l’
avais déjà reconnu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode de 1830
1008
déjà reconnu. Il portait une cape bleu sombre, à
la
mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance trè
1009
t une cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à
la
rigueur, pouvait passer pour une élégance très moderne. Il n’y avait
1010
e rien de positivement démodé ; je n’eus même pas
le
sentiment de quoi que ce soit d’immatériel. D’ailleurs le trouble où
1011
ment de quoi que ce soit d’immatériel. D’ailleurs
le
trouble où m’avait jeté la première reconnaissance empêcha ma raison
1012
connaissance empêcha ma raison d’intervenir entre
la
réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de
1013
rincipes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de
l’
Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, comme
1014
un échange tacite suffit aux petites décisions de
la
vie quotidienne. Gérard tenait en laisse le fameux homard enrubanné.
1015
ns de la vie quotidienne. Gérard tenait en laisse
le
fameux homard enrubanné. « Cela vexe les Viennois, me dit-il, parce q
1016
en laisse le fameux homard enrubanné. « Cela vexe
les
Viennois, me dit-il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer de
1017
n suis pas fâché. » Il y avait peu de monde dans
les
rues. Des jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air de ne pas t
1018
es. Des jeunes gens avec une femme à chaque bras,
l’
air de ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n’a guère changé, dis-je,
1019
ours de Vienne. — Certes, répondit Gérard, malgré
les
apparences, cette vie sentimentale est une des seules réalités qui co
1020
ne des seules réalités qui correspondent encore à
l’
image classique de Vienne. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépo
1021
t. Cette ville, qui est toute caresses, a peur de
l’
étreinte… C’est d’ailleurs une chose que je comprends assez bien, ajou
1022
s traversions une rue sillonnée de taxis rapides,
le
homard refusa obstinément de progresser. Gérard dut le prendre sous l
1023
mard refusa obstinément de progresser. Gérard dut
le
prendre sous le bras, et les paires de pinces s’accrochèrent désespér
1024
inément de progresser. Gérard dut le prendre sous
le
bras, et les paires de pinces s’accrochèrent désespérément à ses manc
1025
rogresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et
les
paires de pinces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terre
1026
ochèrent désespérément à ses manches. De terreur,
le
homard avait rougi : il conserva toute la nuit une magnifique couleur
1027
erreur, le homard avait rougi : il conserva toute
la
nuit une magnifique couleur orangée. Gérard semblait habitué à ces so
1028
ait habitué à ces sortes de scènes. On reparla de
l’
inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie des s
1029
es. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard
l’
attribuait à une certaine anémie des sentiments, à un manque de caract
1030
e des sentiments, à un manque de caractère aussi.
La
fidélité véritable est une œuvre d’art qui demande un long effort, et
1031
st une œuvre d’art qui demande un long effort, et
les
Viennois sont, par nature et par attitude, des gens fatigués. — Pour
1032
s gens fatigués. — Pour moi, dit Gérard, je situe
l’
amour dans un monde où la question fidélité ou inconstance ne se pose
1033
oi, dit Gérard, je situe l’amour dans un monde où
la
question fidélité ou inconstance ne se pose plus. Vous le savez, je n
1034
ion fidélité ou inconstance ne se pose plus. Vous
le
savez, je n’ai aimé qu’une femme — au plus deux, en y réfléchissant b
1035
en y réfléchissant bien, mais peut-être était-ce
la
même sous deux attributs différents. Toutes les femmes qui m’ont rete
1036
ce la même sous deux attributs différents. Toutes
les
femmes qui m’ont retenu un instant, c’était parce qu’elles évoquaient
1037
raissaient purement mystiques… Mais vous savez, «
les
autres » n’y comprennent jamais rien, dès qu’on aime… Oh ! cette femm
1038
ard, un certain regard, mais j’ai su en retrouver
la
sensation jusque dans les choses — et c’est cela seul qui donna un se
1039
ais j’ai su en retrouver la sensation jusque dans
les
choses — et c’est cela seul qui donna un sens au monde. — Mais je bav
1040
mps. Livrons-nous plutôt à une petite malice dont
l’
idée me vient à la vue de cette vendeuse de fleurs. C’était la petite
1041
ent à la vue de cette vendeuse de fleurs. C’était
la
petite bossue qui vend des roses et des œillets dans la rue de Carint
1042
ite bossue qui vend des roses et des œillets dans
la
rue de Carinthie. Gérard lui paya quelques œillets rouges en lui expl
1043
s œillets rouges en lui expliquant qu’elle devait
les
donner à la première jolie femme qui passerait seule. Nous nous arrêt
1044
vanture de robes de soie, nous amusant à imaginer
les
corps précieux qui les revêtiraient. Vint à pas pressés une jeune fem
1045
e, nous amusant à imaginer les corps précieux qui
les
revêtiraient. Vint à pas pressés une jeune femme, chapeau rouge et ma
1046
e qui se passa fut, hélas, non moins inévitable :
la
jeune femme refusa d’abord les fleurs pour se donner le temps de rega
1047
moins inévitable : la jeune femme refusa d’abord
les
fleurs pour se donner le temps de regarder autour d’elle ; l’intérêt
1048
ne femme refusa d’abord les fleurs pour se donner
le
temps de regarder autour d’elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dis
1049
ur se donner le temps de regarder autour d’elle ;
l’
intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle finit donc
1050
r accepter et vint à nous avec un sourire du type
le
plus courant : « Vous êtes bien gentils, messieurs ! » Il n’y avait p
1051
ard attendait évidemment quelque chose d’imprévu,
la
seule chose contraire à la coutume viennoise. L’enfant était charmant
1052
elque chose d’imprévu, la seule chose contraire à
la
coutume viennoise. L’enfant était charmante, comme elles le sont pres
1053
la seule chose contraire à la coutume viennoise.
L’
enfant était charmante, comme elles le sont presque toutes dans cette
1054
viennoise. L’enfant était charmante, comme elles
le
sont presque toutes dans cette ville, — du type que Gérard et Théo no
1055
and bruit de saxophones et de cors anglais jouant
la
Marche de Tannhäuser en tango, un Balkanique très lisse nous délivra
1056
ue très lisse nous délivra de notre conquête pour
la
durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que de prend
1057
leure qualité : car c’est une pauvre illusion que
le
plaisir qu’on vient chercher ici avec le premier être venu. — Certes,
1058
le premier être venu. — Certes, je comprends que
l’
Europe est en décadence quand je la regarde s’amuser. Je vois se perdr
1059
comprends que l’Europe est en décadence quand je
la
regarde s’amuser. Je vois se perdre ce sens des correspondances secrè
1060
ules faisaient sa dignité humaine, parce qu’elles
le
rattachaient aux buts les plus hauts de notre vie. Ces citadins blasé
1061
humaine, parce qu’elles le rattachaient aux buts
les
plus hauts de notre vie. Ces citadins blasés s’amusent plus grossière
1062
é, avec des femmes qui élargissent des sourires à
la
mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de dis
1063
automatiques de plaisir. Autant dire que ceux qui
les
fréquentent ne savent plus ce que c’est que le plaisir. Ils prennent
1064
i les fréquentent ne savent plus ce que c’est que
le
plaisir. Ils prennent au hasard des liqueurs qui n’ont pas été prépar
1065
été préparées pour leur soif. Ils ne savent plus
les
signes ni les ressemblances. Aussi l’ennui règne-t-il bruyamment dans
1066
pour leur soif. Ils ne savent plus les signes ni
les
ressemblances. Aussi l’ennui règne-t-il bruyamment dans ces lieux : c
1067
avent plus les signes ni les ressemblances. Aussi
l’
ennui règne-t-il bruyamment dans ces lieux : cet orchestre triomphant
1068
élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à
la
démocratie des plaisirs achetés au détail dans une foire éclatante de
1069
au détail dans une foire éclatante de faux luxe.
La
misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que celle-là qui
1070
nt de gravité et de détachement. Je viens souvent
la
regarder, à cause de la noblesse de sa danse. Je la nomme Clarissa, p
1071
chement. Je viens souvent la regarder, à cause de
la
noblesse de sa danse. Je la nomme Clarissa, parce que cela lui va. Ma
1072
regarder, à cause de la noblesse de sa danse. Je
la
nomme Clarissa, parce que cela lui va. Mais comme c’est odieux qu’une
1073
x qu’une créature aussi parfaite soit touchée par
les
mains outrageusement baguées de ces courtiers alourdis de “Knödl”. En
1074
n’approcherait qu’avec un sentiment religieux de
la
beauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend plu
1075
ntiment religieux de la beauté. Mais je crois que
l’
Orient est devenu fou. Il ne comprend plus rien. » Des bugles agonisai
1076
scandalisée par cette atteinte aux lois du genre
le
plus conventionnel qui soit. Gérard la regarda avec une certaine piti
1077
s du genre le plus conventionnel qui soit. Gérard
la
regarda avec une certaine pitié : « Chère enfant, dit-il doucement, p
1078
s de ressemblance, et c’est ce qui vous perdra. »
La
pauvre fille ne comprenant pas, il y eut un moment pénible, comme tou
1079
pre une comédie aux attitudes convenues et donner
l’
air bête aux acteurs. Puis Gérard embrassa paternellement la belle eff
1080
aux acteurs. Puis Gérard embrassa paternellement
la
belle effarée, et nous sortîmes, après avoir délivré le homard qui, l
1081
le effarée, et nous sortîmes, après avoir délivré
le
homard qui, laissé au vestiaire, y était l’objet de vexations diverse
1082
livré le homard qui, laissé au vestiaire, y était
l’
objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part des
1083
s garçons. « Encore une proie inutile lâchée pour
l’
ombre, dit Gérard d’un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette
1084
re, dit Gérard d’un ton rêveur et malicieux. Mais
l’
ombre de cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sa
1085
icieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est
la
plus douce à mes vagabondages sans but. Vous savez, je lance mes file
1086
es sans but. Vous savez, je lance mes filets dans
l’
eau des nuits, et quelquefois j’en ramène des animaux aux yeux bizarre
1087
ène des animaux aux yeux bizarres où je sais lire
les
signes. » Comme je ne répondais rien : « Avez-vous sommeil ? demanda-
1088
’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : «
La
nuit sera noire et blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe d
1089
oire et blanche. » Je ressentis quelque émotion à
l’
ouïe de cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meil
1090
de se répéter, et que c’était la première fois de
la
soirée que Gérard « faisait du Gérard ». Les cocktails du Moulin-Roug
1091
is de la soirée que Gérard « faisait du Gérard ».
Les
cocktails du Moulin-Rouge avaient peu à peu envahi notre sang. Nos pe
1092
Nos pensées devenaient légères comme des ballons.
La
rumeur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité
1093
eur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à
l’
insensibilité et l’Illusion étendait sur toutes choses une aile d’ombr
1094
ait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité et
l’
Illusion étendait sur toutes choses une aile d’ombre flatteuse aux cap
1095
des oiseaux nous parlèrent, bientôt dissous dans
le
vent. Tout était reflet, passages, allusions. Plus tard, dans un peti
1096
mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant
le
plafond à caissons dorés, l’étendent indéfiniment — c’est un ciel sus
1097
laces qui, reflétant le plafond à caissons dorés,
l’
étendent indéfiniment — c’est un ciel suspendu assez bas sur nos têtes
1098
ché sur cet aquarium de rêves, discourt et décrit
les
images qu’il y découvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont l
1099
urt et décrit les images qu’il y découvre. Il y a
les
ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras de Clarissa dans sa danse, e
1100
ouvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont
les
bras de Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise au
1101
e Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi
l’
Anglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du golfe de Marseille, ou bi
1102
ssa c’est aussi l’Anglaise aux citrons de Pompéi,
l’
Octavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par je ne sais quelle e
1103
ar je ne sais quelle erreur d’images, — ce serait
la
gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans le lointain, Aurélia lui ré
1104
rait la gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans
le
lointain, Aurélia lui répond d’un regard pareil. Des visages naissent
1105
es naissent comme des étoiles dans un halo, comme
les
couleurs sous les paupières, s’élargissent, se fondent, se superposen
1106
des étoiles dans un halo, comme les couleurs sous
les
paupières, s’élargissent, se fondent, se superposent. Cinéma des sent
1107
t. Cinéma des sentiments qui montre vivantes dans
la
même minute toutes les incarnations d’un amour dont l’être éternel ap
1108
ts qui montre vivantes dans la même minute toutes
les
incarnations d’un amour dont l’être éternel apparaît peu à peu, à tra
1109
me minute toutes les incarnations d’un amour dont
l’
être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultanéité de ses mani
1110
dont l’être éternel apparaît peu à peu, à travers
la
simultanéité de ses manifestations. Gérard parle avec une liberté mag
1111
erté magnifique et angoissante. Il mêle tout dans
le
temps et l’espace. Cent années et tous les visages aimés revivent dan
1112
que et angoissante. Il mêle tout dans le temps et
l’
espace. Cent années et tous les visages aimés revivent dans cette coup
1113
ut dans le temps et l’espace. Cent années et tous
les
visages aimés revivent dans cette coupe de songes avec toutes leurs i
1114
réelles, illusions des reflets qui ne livrent que
le
côté terrestre des choses dont l’autre moitié sera toujours cachée, a
1115
s dont l’autre moitié sera toujours cachée, ainsi
la
Lune et sa moitié d’ombre. Et parce que tout revit en un instant dans
1116
en un instant dans cette vision, il connaît enfin
la
substance véritable et unique de toutes ses amours, il communie avec
1117
s, il communie avec quelque chose d’éternel. Tous
les
drames du monde ne sont que décors mouvants dans la lueur bariolée de
1118
drames du monde ne sont que décors mouvants dans
la
lueur bariolée des sentiments, ils ne sont que reflets, épisodes, sym
1119
ts, ils ne sont que reflets, épisodes, symboles :
le
vrai drame de son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des si
1120
sent aux pierres précieuses en passant par toutes
les
formes animales. Pour lui, les choses n’ont d’intérêt que par les rap
1121
passant par toutes les formes animales. Pour lui,
les
choses n’ont d’intérêt que par les rapports qu’il leur devine avec la
1122
les. Pour lui, les choses n’ont d’intérêt que par
les
rapports qu’il leur devine avec la réalité extra-terrestre. Il m’ense
1123
térêt que par les rapports qu’il leur devine avec
la
réalité extra-terrestre. Il m’enseigne que la passion seule, par la s
1124
vec la réalité extra-terrestre. Il m’enseigne que
la
passion seule, par la souffrance qu’elle entraîne, nous révèle le sen
1125
errestre. Il m’enseigne que la passion seule, par
la
souffrance qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et
1126
, par la souffrance qu’elle entraîne, nous révèle
le
sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences.
1127
es, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences.
La
fatigue calme son lyrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher
1128
ne barbarie spirituelle. Il plaisante. Il dit que
la
vie ressemble surtout à un film où les épisodes s’appellent par le si
1129
Il dit que la vie ressemble surtout à un film où
les
épisodes s’appellent par le simple jeu des images, se voient par tran
1130
surtout à un film où les épisodes s’appellent par
le
simple jeu des images, se voient par transparence au travers de l’aut
1131
vers de l’autre. Il dit : « Pour celui qui saisit
les
correspondances, chaque geste, chaque minute d’une vie résume cette v
1132
entière et fait allusion à tout ce qu’il y a sous
le
soleil, et même ailleurs. Croyez-moi, ce qu’il faudrait écrire, c’est
1133
mes. Seules des trompes d’autos s’appelaient dans
la
nuit froide. Gérard ne disait presque plus rien ; à peine, de temps e
1134
, qui semblait d’ailleurs endormi. En passant par
la
Freyung, nous vîmes un palais aux fenêtres illuminées. Des autos atte
1135
fenêtres illuminées. Des autos attendaient devant
le
porche grand ouvert. Les chauffeurs faisaient les cent pas dans la ne
1136
autos attendaient devant le porche grand ouvert.
Les
chauffeurs faisaient les cent pas dans la neige fraîche ou s’accoudai
1137
le porche grand ouvert. Les chauffeurs faisaient
les
cent pas dans la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’une
1138
uvert. Les chauffeurs faisaient les cent pas dans
la
neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’une boutique à « Würs
1139
cent pas dans la neige fraîche ou s’accoudaient à
la
banquette d’une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au lég
1140
fflement du bec de gaz sans manchon qui éclairait
la
boutique, et que le vent menaçait d’éteindre à chaque instant, le hom
1141
az sans manchon qui éclairait la boutique, et que
le
vent menaçait d’éteindre à chaque instant, le homard se réveilla. Gér
1142
que le vent menaçait d’éteindre à chaque instant,
le
homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu’il en était ainsi chaque nui
1143
m’expliqua qu’il en était ainsi chaque nuit, que
l’
animal devenait nerveux et que depuis quelques semaines, il avait dû l
1144
veux et que depuis quelques semaines, il avait dû
le
mettre au caviar. Il en demanda donc une petite portion et la fit pre
1145
caviar. Il en demanda donc une petite portion et
la
fit prendre au homard avec toutes sortes de soins. Les chauffeurs reg
1146
it prendre au homard avec toutes sortes de soins.
Les
chauffeurs regardaient d’un œil las, trop las pour s’étonner. Transi,
1147
si, je me balançais d’un pied sur l’autre dans de
la
neige fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutarde q
1148
fondante, tout en croquant une de ces saucisses à
la
moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et ailleurs « Wienerli ».
1149
« Frankfurter » et ailleurs « Wienerli ». Soudain
les
autos se mirent à ronfler. Par le grand escalier, au fond de la cour
1150
rli ». Soudain les autos se mirent à ronfler. Par
le
grand escalier, au fond de la cour du palais, descendaient les invité
1151
rent à ronfler. Par le grand escalier, au fond de
la
cour du palais, descendaient les invités du bal. Des femmes sans chap
1152
alier, au fond de la cour du palais, descendaient
les
invités du bal. Des femmes sans chapeau couraient vers les voitures,
1153
és du bal. Des femmes sans chapeau couraient vers
les
voitures, les hommes s’inclinaient pour des baise-mains silencieux et
1154
femmes sans chapeau couraient vers les voitures,
les
hommes s’inclinaient pour des baise-mains silencieux et mécaniques. J
1155
à d’anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et
la
silhouette échassière de la jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld dont
1156
comtes athlétiques et la silhouette échassière de
la
jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau de velours rose l
1157
re de la jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld dont
le
manteau de velours rose laissait découvertes des jambes extrêmement h
1158
ndis que sa tête frisée jetait des insolences sur
les
chapeaux noirs de ses cavaliers. Tout cela s’empila dans des autos ;
1159
autos ; en dix minutes, il n’y eut plus personne,
la
place s’éteignit. Mais Gérard ? Ses yeux s’étaient fixés intensément,
1160
Gérard ? Ses yeux s’étaient fixés intensément, à
la
sortie des invités, sur une femme qui s’en allait toute seule vers un
1161
femme qui s’en allait toute seule vers une auto à
l’
écart des autres. Une femme aux cheveux noirs en bandeaux, au teint pâ
1162
mme aux cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle,
l’
air d’autrefois. Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fu
1163
autrefois. Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand
la
place se fut apaisée, je m’aperçus que j’étais seul. Une dernière aut
1164
olument silencieuse fila devant moi ; je reconnus
la
voiture de la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient bais
1165
ieuse fila devant moi ; je reconnus la voiture de
la
femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient baissés. Déjà on c
1166
s la voiture de la femme aux bandeaux noirs. Mais
les
rideaux étaient baissés. Déjà on criait les journaux du matin, des tr
1167
Mais les rideaux étaient baissés. Déjà on criait
les
journaux du matin, des triporteurs passèrent à toute vitesse, m’éclab
1168
emont Denis de, « Un soir à Vienne avec Gérard »,
La
Nouvelle Semaine artistique et littéraire, Neuchâtel, 24 mars 1928, p
1169
» Paul Valéry. Stéphane est maniaque, comme tous
les
jeunes gens de sa génération. Seulement chez lui, cela ne s’est pas p
1170
. Seulement chez lui, cela ne s’est pas porté sur
les
autos. Il préfère s’intéresser aux divers types humains. Mais on lui
1171
ord ; accepte d’attendre comme un enfant sage que
le
monde lui donne, en son temps, sa petite part. On lui a expliqué qu’i
1172
, sa petite part. On lui a expliqué qu’il fallait
la
mériter et tâcher de devenir quelqu’un. En d’autres termes, on lui co
1173
» comme parle un de nos classiques. Repoussé par
le
monde parce qu’il n’est pas encore quelqu’un, Stéphane cherche à savo
1174
r un moi qui feint toujours de se cacher derrière
le
feuillet suivant, entraîne le lecteur par ruse jusqu’à la dernière pa
1175
se cacher derrière le feuillet suivant, entraîne
le
lecteur par ruse jusqu’à la dernière page, et là déclare froidement n
1176
roidement ne pas exister. Non : il a remarqué que
l’
époque peut être définie par l’abondance des autobiographies, mais aus
1177
il a remarqué que l’époque peut être définie par
l’
abondance des autobiographies, mais aussi bien par celle des miroirs.
1178
hane passe des heures entières à se regarder dans
les
yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. I
1179
e regarder dans les yeux. Il varie sur son visage
les
jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au co
1180
ouvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans
les
moments de pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce gen
1181
nt ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui
l’
intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigué, il veut voir e
1182
é sur lui-même il se perd en méditations éléates.
Le
sommeil l’en délivre. Au matin il court se voir : il est laid. Lâchem
1183
ême il se perd en méditations éléates. Le sommeil
l’
en délivre. Au matin il court se voir : il est laid. Lâchement il se p
1184
l se prend en pitié. Ces séances lui font du mal,
l’
énervent, mais l’aveu qu’il en consent l’attache plus secrètement à so
1185
ié. Ces séances lui font du mal, l’énervent, mais
l’
aveu qu’il en consent l’attache plus secrètement à son aventure. Nous
1186
du mal, l’énervent, mais l’aveu qu’il en consent
l’
attache plus secrètement à son aventure. Nous vivons dans un décor fl
1187
ne sa tête, son portrait en pied. Il se voit dans
l’
acte de se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par
1188
se baigner ; son image descend en face de lui par
l’
ascenseur, elle le suit au long des trottoirs, il l’aperçoit entre des
1189
mage descend en face de lui par l’ascenseur, elle
le
suit au long des trottoirs, il l’aperçoit entre des souliers, des éti
1190
ascenseur, elle le suit au long des trottoirs, il
l’
aperçoit entre des souliers, des étiquettes, des poupées ; elle le pré
1191
des souliers, des étiquettes, des poupées ; elle
le
précède au restaurant, le nargue brièvement au passage des autos, le
1192
tes, des poupées ; elle le précède au restaurant,
le
nargue brièvement au passage des autos, le ridiculise chez le coiffeu
1193
urant, le nargue brièvement au passage des autos,
le
ridiculise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’angoisse qu
1194
ièvement au passage des autos, le ridiculise chez
le
coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’angoisse qu’il la recherche. I
1195
feur. Déjà, c’est avec une sorte d’angoisse qu’il
la
recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais s’il
1196
la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi
les
autres. Mais s’il lui arrive de prendre son image pour celle de n’imp
1197
t de cette apparence, qu’il doute de sa réalité.
Le
mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et
1198
doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux
l’
épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve que le désir d’un
1199
te. Il y cherche une révélation et n’y trouve que
le
désir d’une révélation. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regard ?
1200
te incantation à soi-même qui pourrait lui rendre
la
certitude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qu
1201
reflets qui vont en diminuant vertigineusement et
l’
égarent dans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal de supersti
1202
al de superstitions. Enfin cette expérience folle
le
mène à une découverte sur les sept sens de laquelle il convient de mé
1203
tte expérience folle le mène à une découverte sur
les
sept sens de laquelle il convient de méditer : la personne se dissout
1204
es sept sens de laquelle il convient de méditer :
la
personne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane est en train de
1205
convient de méditer : la personne se dissout dans
l’
eau des miroirs. Stéphane est en train de se perdre pour avoir voulu
1206
il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a dans
l’
homme moderne un besoin de vérifier qui n’est plus légitime dès l’inst
1207
un besoin de vérifier qui n’est plus légitime dès
l’
instant qu’il se traduit par la négation de l’invérifiable. Stéphane n
1208
plus légitime dès l’instant qu’il se traduit par
la
négation de l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu confiance. Or la pers
1209
dès l’instant qu’il se traduit par la négation de
l’
invérifiable. Stéphane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est un
1210
l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu confiance. Or
la
personnalité est un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est.
1211
oire idiote, d’ailleurs vraie, se borne à décrire
l’
aspect psychologique d’une aventure qui en a bien d’autres, d’aspects.
1212
qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que
le
lecteur dérisoirement troublé par la crainte de n’avoir pas saisi le
1213
est bon que le lecteur dérisoirement troublé par
la
crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’un texte, trouve par
1214
ement troublé par la crainte de n’avoir pas saisi
le
sens véritable d’un texte, trouve parfois de cette incompréhension de
1215
e cette incompréhension des marques certaines. Si
le
rapport intime qui unit la phrase suivante aux considérations précéde
1216
marques certaines. Si le rapport intime qui unit
la
phrase suivante aux considérations précédentes lui échappe, qu’il y v
1217
dique, par besoin de définir, par défiance envers
les
dieux. À chaque regard dans notre miroir, nous perdons une Eurydice.
1218
ard dans notre miroir, nous perdons une Eurydice.
Les
miroirs sont peut-être la mort. La mort absolue, celle qui n’est pas
1219
perdons une Eurydice. Les miroirs sont peut-être
la
mort. La mort absolue, celle qui n’est pas une vie nouvelle. La mort
1220
une Eurydice. Les miroirs sont peut-être la mort.
La
mort absolue, celle qui n’est pas une vie nouvelle. La mort dans la t
1221
rt absolue, celle qui n’est pas une vie nouvelle.
La
mort dans la transparence glaciale de l’évidence. Un jour, à propos
1222
elle qui n’est pas une vie nouvelle. La mort dans
la
transparence glaciale de l’évidence. Un jour, à propos de rien, Stép
1223
ouvelle. La mort dans la transparence glaciale de
l’
évidence. Un jour, à propos de rien, Stéphane pense avec fièvre : « I
1224
ane pense avec fièvre : « Il faudrait briser tous
les
miroirs. Alors tu te verrais en vérité. Peut-être te reconnaîtrais-tu
1225
t ? » C’est un premier filet d’eau vive qui perce
le
sol aride : mais Stéphane n’entend pas encore gronder les eaux profon
1226
aride : mais Stéphane n’entend pas encore gronder
les
eaux profondes. Le désir de s’hypnotiser l’irrite toujours vaguement.
1227
e n’entend pas encore gronder les eaux profondes.
Le
désir de s’hypnotiser l’irrite toujours vaguement. Mais il fuit son p
1228
nder les eaux profondes. Le désir de s’hypnotiser
l’
irrite toujours vaguement. Mais il fuit son propre regard, il se cherc
1229
te, il croit saisir dans un regard de cette femme
l’
écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme o
1230
omme on meurt dans une naissance. Stéphane naît à
l’
amour et à lui-même conjointement. Plusieurs ivresses l’ont envahi bru
1231
r et à lui-même conjointement. Plusieurs ivresses
l’
ont envahi bruyamment, bâillonnent sa raison, l’empêchent de protester
1232
s l’ont envahi bruyamment, bâillonnent sa raison,
l’
empêchent de protester contre le miracle. Parmi tous ses mots fous, no
1233
onnent sa raison, l’empêchent de protester contre
le
miracle. Parmi tous ses mots fous, noms, baisers, appels qui reçoiven
1234
s tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes
les
verreries de la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la m
1235
jour de grand soleil sur toutes les verreries de
la
capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conjura
1236
d soleil sur toutes les verreries de la capitale.
Les
fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conjuraient pour abai
1237
verreries de la capitale. Les fenêtres battaient.
Le
soleil et « la mort » se conjuraient pour abaisser tous les regards.
1238
capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et «
la
mort » se conjuraient pour abaisser tous les regards. Stéphane rendu
1239
et « la mort » se conjuraient pour abaisser tous
les
regards. Stéphane rendu à la santé écrivait : « Ton visage me cache t
1240
pour abaisser tous les regards. Stéphane rendu à
la
santé écrivait : « Ton visage me cache tous les miroirs » — à une fem
1241
à la santé écrivait : « Ton visage me cache tous
les
miroirs » — à une femme qu’il aimait. n. Rougemont Denis de, « Mir
1242
omment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers de
l’
Anglore, Genève, décembre 1928, p. 37-42.
1243
La
tour de Hölderlin (15 juillet 1929)o « Je lui ai raconté qu’il hab
1244
e une chaumière au bord d’un ruisseau, qu’il dort
les
portes ouvertes, et pendant des heures récite des odes grecques au mu
1245
des heures récite des odes grecques au murmure de
l’
eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’un piano dont il a c
1246
es récite des odes grecques au murmure de l’eau ;
la
Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’un piano dont il a coupé les
1247
burg lui a fait cadeau d’un piano dont il a coupé
les
cordes, mais pas toutes, en sorte que plusieurs touches sonnent encor
1248
lettre sur Hölderlin : « Ce piano dont il a cassé
les
cordes, c’est vraiment l’image de son âme ; j’ai voulu attirer là-des
1249
piano dont il a cassé les cordes, c’est vraiment
l’
image de son âme ; j’ai voulu attirer là-dessus l’attention du médecin
1250
l’image de son âme ; j’ai voulu attirer là-dessus
l’
attention du médecin, mais il est plus difficile de se faire comprendr
1251
se faire comprendre par un sot que par un fou. »
L’
hiver dernier, m’occupant assez longuement d’un des poètes auxquels no
1252
t d’un des poètes auxquels notre temps doit vouer
l’
attention la plus grave — car il vécut dans ces marches de l’esprit hu
1253
oètes auxquels notre temps doit vouer l’attention
la
plus grave — car il vécut dans ces marches de l’esprit humain qui con
1254
la plus grave — car il vécut dans ces marches de
l’
esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et dont certains des
1255
ches de l’esprit humain qui confinent peut-être à
l’
Esprit et dont certains des plus purs d’entre nous se préparent à tent
1256
des plus purs d’entre nous se préparent à tenter
le
climat, — j’avais rêvé sur ce passage de l’émouvante Bettina, rêvé sa
1257
enter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage de
l’
émouvante Bettina, rêvé sans doute assez profondément pour qu’aujourd’
1258
sans doute assez profondément pour qu’aujourd’hui
le
hasard qui m’amène à Tubingue ne soit pas seulement un hasard… Hier,
1259
ue ne soit pas seulement un hasard… Hier, c’était
la
Pentecôte. La fête de la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où t
1260
seulement un hasard… Hier, c’était la Pentecôte.
La
fête de la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’
1261
un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de
la
plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’appellent,
1262
aute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix
l’
appellent, combien sont dignes de s’attendre au don du langage sacré ?
1263
angue de feu qui s’est posée sur Hölderlin et qui
l’
a consumé… Digne ? — Un adolescent au visage de jeune fille qui rimait
1264
age de jeune fille qui rimait sagement des odes à
la
liberté… Et voici dans sa vie cette double venue de l’amour et du cha
1265
berté… Et voici dans sa vie cette double venue de
l’
amour et du chant prophétique, confondant leurs flammes. Dix années da
1266
étique, confondant leurs flammes. Dix années dans
le
Grand Jeu. Dix années où le génie tourmente cet être faible, humilié
1267
mmes. Dix années dans le Grand Jeu. Dix années où
le
génie tourmente cet être faible, humilié par le monde. L’amour s’éloi
1268
ù le génie tourmente cet être faible, humilié par
le
monde. L’amour s’éloigne le premier, quand Hölderlin doit quitter la
1269
tourmente cet être faible, humilié par le monde.
L’
amour s’éloigne le premier, quand Hölderlin doit quitter la maison de
1270
’éloigne le premier, quand Hölderlin doit quitter
la
maison de Madame Gontard12, déchirement à peine sensible dans son œuv
1271
dans son œuvre. Car ce poète n’est peut-être que
le
lieu de sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas so
1272
ut-être que le lieu de sa poésie, — d’une poésie,
l’
on dirait, qui ne connaît pas son auteur. Qui parle par sa bouche ? Il
1273
ses Hymnes une sérénité presque effrayante. Vient
le
temps où le sens de son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il
1274
ne sérénité presque effrayante. Vient le temps où
le
sens de son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette encor
1275
rappelle — Ou bien envoie — un héros — Ou bien —
la
sagesse. » Mais le feu s’éteint — l’esprit souffle où il veut. Juin 1
1276
envoie — un héros — Ou bien — la sagesse. » Mais
le
feu s’éteint — l’esprit souffle où il veut. Juin 1802 : au moment où
1277
— Ou bien — la sagesse. » Mais le feu s’éteint —
l’
esprit souffle où il veut. Juin 1802 : au moment où meurt Diotima, Höl
1278
meurt Diotima, Hölderlin errant loin d’elle (dans
la
région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’un
1279
on), est frappé d’insolation ; sa folie d’un coup
l’
envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allemagne. Et du
1280
ente années, ce pauvre corps abandonné vivra dans
la
petite tour de Tubingue, chez un charpentier — vivra très doucement,
1281
plicablement, une vie monotone de vieux maniaque.
Le
buisson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce qui fut Hölderlin si
1282
e de vieux maniaque. Le buisson ardent quitté par
le
feu se dessèche. Ce qui fut Hölderlin signe maintenant Scardanelli de
1283
s qu’il donne aux visiteurs venus pour contempler
la
victime d’un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je s
1284
our contempler la victime d’un miracle. — C’était
l’
époque des amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un p
1285
s amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de
l’
eau, un peu au-dessous de la maison, en attendant l’heure d’ouverture.
1286
s descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de
la
maison, en attendant l’heure d’ouverture. Il y a là une station de ca
1287
eau, un peu au-dessous de la maison, en attendant
l’
heure d’ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai v
1288
tzsche » à fond plat. Des saules se penchent vers
l’
eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d’une longue île, des étudia
1289
iants au crâne rasé se promènent un roman jaune à
la
main. L’un après l’autre, dans cette paresse de jour férié, les cloch
1290
après l’autre, dans cette paresse de jour férié,
les
clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors
1291
dans cette paresse de jour férié, les clochers de
la
ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille mai
1292
’étaient à demi encombrés d’armoires. Un couloir,
la
chambre. L’homme qui me conduit est le propriétaire actuel. « Monsieu
1293
emi encombrés d’armoires. Un couloir, la chambre.
L’
homme qui me conduit est le propriétaire actuel. « Monsieur connaît Hö
1294
n couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est
le
propriétaire actuel. « Monsieur connaît Hölderlin ? — questionne-t-il
1295
, ici à Francfort, écrivait Bettina, car aussitôt
l’
on se met à raconter les choses les plus affreuses sur son compte, sim
1296
vait Bettina, car aussitôt l’on se met à raconter
les
choses les plus affreuses sur son compte, simplement parce qu’il a ai
1297
a, car aussitôt l’on se met à raconter les choses
les
plus affreuses sur son compte, simplement parce qu’il a aimé une femm
1298
l a aimé une femme, pour écrire Hypérion, et pour
les
gens d’ici, aimer, c’est seulement vouloir se marier… » — Et puis plu
1299
uloir se marier… » — Et puis plus tard on encadre
les
lettres des amants, on propose le couple à l’admiration des écoliers
1300
ard on encadre les lettres des amants, on propose
le
couple à l’admiration des écoliers en promenade, et le guide désigne
1301
re les lettres des amants, on propose le couple à
l’
admiration des écoliers en promenade, et le guide désigne familièremen
1302
uple à l’admiration des écoliers en promenade, et
le
guide désigne familièrement l’image d’une femme par le nom qu’elle po
1303
s en promenade, et le guide désigne familièrement
l’
image d’une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Tr
1304
ide désigne familièrement l’image d’une femme par
le
nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois petites fenêtres orn
1305
ne femme par le nom qu’elle portait au mystère de
l’
amour… Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe qui
1306
rnées de cactus miséreux, une pipe qui traîne sur
l’
appui ; le jardinet avec son banc et ses lilas fleuris qui trempent… T
1307
actus miséreux, une pipe qui traîne sur l’appui ;
le
jardinet avec son banc et ses lilas fleuris qui trempent… Tout est fa
1308
armotter. Vingt-sept ans dans cette chambre, avec
le
bruit de l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand ac
1309
ngt-sept ans dans cette chambre, avec le bruit de
l’
eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fièvr
1310
de malade épuisé après un grand accès de fièvre…
L’
agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà
1311
rand accès de fièvre… L’agrément de ce monde, je
l’
ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemps, si longtemp
1312
fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu.
Les
joies de la jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’elles ont
1313
grément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de
la
jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’elles ont fui. Avri
1314
. Il y avait encore plus de paix que maintenant.
La
grande allée sur l’île n’existait pas, en face, ni les maisons. Il vo
1315
plus de paix que maintenant. La grande allée sur
l’
île n’existait pas, en face, ni les maisons. Il voyait des prairies et
1316
rande allée sur l’île n’existait pas, en face, ni
les
maisons. Il voyait des prairies et des collines basses, de l’autre cô
1317
airies et des collines basses, de l’autre côté de
l’
eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie
1318
u jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans
la
nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas d
1319
verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de
la
vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plainte »
1320
la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux : «
La
perfection n’a pas de plainte »… Vivait-il encore ? Ce lieu soudain m
1321
vait-il encore ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais
le
gardien : il y est comme chez lui. — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh !
1322
— Oh ! répond-il, je pourrais aussi bien habiter
la
chambre. Il ne vient pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4… Un
1323
4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et
les
contreforts de l’Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour
1324
entre des maisons pointues et les contreforts de
l’
Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour le fou au profil
1325
ise du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour
le
fou au profil de vieille femme qui promène doucement dans cette calme
1326
e qui promène doucement dans cette calme Tubingue
le
secret d’une épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, q
1327
Tubingue le secret d’une épouvantable mélancolie.
Les
étudiants le rencontrent, qui montent au Séminaire protestant : il le
1328
cret d’une épouvantable mélancolie. Les étudiants
le
rencontrent, qui montent au Séminaire protestant : il leur fait de gr
1329
protestant : il leur fait de grandes révérences…
La
rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse de café au bord du Necka
1330
il leur fait de grandes révérences… La rumeur et
le
cliquetis d’une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les m
1331
e grande terrasse de café au bord du Neckar, sous
les
marronniers. À quatre heures, l’orchestre s’est mis à jouer des ringu
1332
du Neckar, sous les marronniers. À quatre heures,
l’
orchestre s’est mis à jouer des ringues charmantes, jazz et clarinette
1333
charmantes, jazz et clarinette, chansons de mai.
Les
bateaux qui dérivent dans le voisinage se rapprochent, tournoyent len
1334
e, chansons de mai. Les bateaux qui dérivent dans
le
voisinage se rapprochent, tournoyent lentement dans la musique. Je n’
1335
isinage se rapprochent, tournoyent lentement dans
la
musique. Je n’aime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume de b
1336
urnoyent lentement dans la musique. Je n’aime pas
les
jeunes Doktors à lunettes, en costume de bain, qui pagayent vigoureus
1337
en costume de bain, qui pagayent vigoureusement,
les
dents serrées. (« Weg zur Kraft und Schönheit ! »). J’aime les bateau
1338
rées. (« Weg zur Kraft und Schönheit ! »). J’aime
les
bateaux plats et incertains, avec des Daphnés dedans, qui ne savent p
1339
bien ramer et qui lisent des magazines au fil de
l’
eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des adole
1340
lisent des magazines au fil de l’eau, ce qui est
le
comble des vacances. À une table voisine, des adolescents balafrés fo
1341
ues à une compagnie de cavaliers qui passe devant
la
statue d’Eberhard le Barbu. Des bourgeois se rient contre par-dessus
1342
sus leurs chopes. « Gemütlichkeit ». Évidemment :
la
vie normale. Il y a pourtant cette petite chambre… Est-ce que tout ce
1343
petite chambre… Est-ce que tout cela existe dans
le
même monde ? (Il est bon de poser parfois de ces grandes questions na
1344
a ne peut que mal finir. Ceux du bon sens hochent
la
tête et citent la phrase la plus malencontreuse de Pascal : le « Qui
1345
finir. Ceux du bon sens hochent la tête et citent
la
phrase la plus malencontreuse de Pascal : le « Qui veut faire l’ange…
1346
x du bon sens hochent la tête et citent la phrase
la
plus malencontreuse de Pascal : le « Qui veut faire l’ange… » a autor
1347
tent la phrase la plus malencontreuse de Pascal :
le
« Qui veut faire l’ange… » a autorisé des générations de « bourgeois
1348
us malencontreuse de Pascal : le « Qui veut faire
l’
ange… » a autorisé des générations de « bourgeois cultivés » à faire l
1349
des générations de « bourgeois cultivés » à faire
la
bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains, cela pren
1350
is cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de
l’
âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais quelle
1351
» à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans
la
bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du
1352
dont ils se sentent bénéficiaires. Ah ! vraiment
les
malins ! qui ont préféré faire tout de suite la bête : comme cela on
1353
les malins ! qui ont préféré faire tout de suite
la
bête : comme cela on est mieux pour donner le coup de pied de l’âne…
1354
ite la bête : comme cela on est mieux pour donner
le
coup de pied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus h
1355
cela on est mieux pour donner le coup de pied de
l’
âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus di
1356
coup de pied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina —
la
vérité est plus humaine, est plus divine, quand c’est une telle femme
1357
est plus divine, quand c’est une telle femme qui
la
confesse : « Celui qui entre en commerce trop étroit avec le ciel, le
1358
: « Celui qui entre en commerce trop étroit avec
le
ciel, les dieux le vouent au malheur. » Ô cette chambre, où pénètre l
1359
i qui entre en commerce trop étroit avec le ciel,
les
dieux le vouent au malheur. » Ô cette chambre, où pénètre la facilité
1360
e en commerce trop étroit avec le ciel, les dieux
le
vouent au malheur. » Ô cette chambre, où pénètre la facilité atroce d
1361
vouent au malheur. » Ô cette chambre, où pénètre
la
facilité atroce de cette fin d’après-midi, ces musiquettes et ces par
1362
, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?…
Le
tragique de la facilité, c’est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant
1363
à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de
la
facilité, c’est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle pa
1364
blie, triomphante, à beau fixe. Pourquoi troubler
le
miroir innocent de ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? E
1365
amais rien ? Ou bien, peut-être, seulement, quand
l’
amour leur donne une petite fièvre, — cette semaine de leur jeunesse o
1366
choses généreuses autour d’eux… Cela s’oublie. Et
l’
amour, tout justement, nous fait comprendre, dans le temps même qu’il
1367
amour, tout justement, nous fait comprendre, dans
le
temps même qu’il nous entr’ouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait l
1368
prendre, dans le temps même qu’il nous entr’ouvre
le
ciel, qu’il est bon qu’il y ait le monde… Mais que cette musique vulg
1369
ous entr’ouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait
le
monde… Mais que cette musique vulgaire, par quel hasard, donne l’acco
1370
ue cette musique vulgaire, par quel hasard, donne
l’
accord qui m’ouvre un vrai silence : déjà je leur échappe — je t’échap
1371
, transitoire, allusif. Tout se remet à signifier
l’
absence. 11. Bettina von Arnim-Brentano : Die Günderode. 12. Où il
1372
. 12. Où il était précepteur. Madame Gontard est
la
Diotima de l’Hypérion et des poèmes. o. Rougemont Denis de, « La to
1373
ypérion et des poèmes. o. Rougemont Denis de, «
La
tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel
1374
o. Rougemont Denis de, « La tour de Hölderlin »,
La
Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel, 15 juillet 1929, p. 35
1375
Le
prisonnier de la nuit (avril 1930)p I Depuis le temps qu’on tire
1376
Le prisonnier de
la
nuit (avril 1930)p I Depuis le temps qu’on tire du canon à son pe
1377
prisonnier de la nuit (avril 1930)p I Depuis
le
temps qu’on tire du canon à son perdu depuis le temps que sonnent les
1378
s le temps qu’on tire du canon à son perdu depuis
le
temps que sonnent les marées à flots perdus sous la coupole errante d
1379
du canon à son perdu depuis le temps que sonnent
les
marées à flots perdus sous la coupole errante des prières à dieux per
1380
temps que sonnent les marées à flots perdus sous
la
coupole errante des prières à dieux perdus. II Je ne sais pas où t
1381
t de vent autour du monde où nous vivons parquent
les
visages les sons brassent les lueurs des messages et des sanglots per
1382
tour du monde où nous vivons parquent les visages
les
sons brassent les lueurs des messages et des sanglots perdus qui rôde
1383
ous vivons parquent les visages les sons brassent
les
lueurs des messages et des sanglots perdus qui rôdent à la recherche
1384
des messages et des sanglots perdus qui rôdent à
la
recherche d’un corps faible. Je ne sais pas où tu m’attends mais je
1385
une voix nue qui vient de dire ton nom même avec
l’
accent de notre amour et mon visage est immobile tourné vers l’ombre o
1386
otre amour et mon visage est immobile tourné vers
l’
ombre où tu m’entends. III Fais rentrer dans leur peau d’ombre ces
1387
au d’ombre ces mots qui voudraient fleurir tourne
le
dos ferme les poings ne fais qu’un ou deux pas que les souvenirs s’
1388
s mots qui voudraient fleurir tourne le dos ferme
les
poings ne fais qu’un ou deux pas que les souvenirs s’épousent entre
1389
ferme les poings ne fais qu’un ou deux pas que
les
souvenirs s’épousent entre eux pendant que tes yeux s’ouvrent n’atten
1390
tre qu’un désert qu’un sol dur aux genoux tends
les
mains au vent captif délivre un souffle tes lèvres battent doucement
1391
re un souffle tes lèvres battent doucement écoute-
les
. IV Tends moi la main à travers cette ombre rapide si je te joins
1392
es battent doucement écoute-les. IV Tends moi
la
main à travers cette ombre rapide si je te joins nous la tiendrons ca
1393
à travers cette ombre rapide si je te joins nous
la
tiendrons captive écoute les cloches et le scintillement des étoiles
1394
e si je te joins nous la tiendrons captive écoute
les
cloches et le scintillement des étoiles les eaux profondes qui échang
1395
s nous la tiendrons captive écoute les cloches et
le
scintillement des étoiles les eaux profondes qui échangent leurs douc
1396
coute les cloches et le scintillement des étoiles
les
eaux profondes qui échangent leurs douceurs. Tiens moi bien nous al
1397
urs douceurs. Tiens moi bien nous allons partir
l’
air s’entrouvre un feu rose éclôt voici ton heure au regard le plus pu
1398
ouvre un feu rose éclôt voici ton heure au regard
le
plus pur je suis à toi dans le triomphe du silence sereine tu es touj
1399
on heure au regard le plus pur je suis à toi dans
le
triomphe du silence sereine tu es toujours plus sereine infiniment nu
1400
e tu es toujours plus sereine infiniment nue dans
la
douceur du feu et de la joie. V Oh qui a retiré tes mains des mien
1401
reine infiniment nue dans la douceur du feu et de
la
joie. V Oh qui a retiré tes mains des miennes quand je te regardai
1402
aintenant je suis seul à redescendre au jour dans
l’
aube sans refuges… VI Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’un an
1403
jour dans l’aube sans refuges… VI Prisonnier de
la
nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta tête mais libre co
1404
avant cette naissance aux lents vertiges — quand
la
nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau
1405
d’une saison morte au tombeau des fleurs obscures
les
mains de l’absence se ferment sur le vide tu pleurerais mais la grâce
1406
morte au tombeau des fleurs obscures les mains de
l’
absence se ferment sur le vide tu pleurerais mais la grâce est facile
1407
rs obscures les mains de l’absence se ferment sur
le
vide tu pleurerais mais la grâce est facile comme un matin d’été la g
1408
absence se ferment sur le vide tu pleurerais mais
la
grâce est facile comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de
1409
ais mais la grâce est facile comme un matin d’été
la
grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un g
1410
tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit
le
jour d’un grand été qui consent… p. Rougemont Denis de, « Le pris
1411
and été qui consent… p. Rougemont Denis de, «
Le
prisonnier de la nuit », Cahiers de l’Anglore, Genève, avril 1930, p.
1412
nt… p. Rougemont Denis de, « Le prisonnier de
la
nuit », Cahiers de l’Anglore, Genève, avril 1930, p. 10-12.
1413
enis de, « Le prisonnier de la nuit », Cahiers de
l’
Anglore, Genève, avril 1930, p. 10-12.
1414
ume « lourd de pensée », comme disent bizarrement
les
journalistes. (L’esprit n’est-il pas ce qui allège ? Ce qui fait s’en
1415
ée », comme disent bizarrement les journalistes. (
L’
esprit n’est-il pas ce qui allège ? Ce qui fait s’envoler les ballons
1416
’est-il pas ce qui allège ? Ce qui fait s’envoler
les
ballons ?) 2. En vérité, ce temps est peu propice au mépris et à l’a
1417
n vérité, ce temps est peu propice au mépris et à
l’
adoration : où que se portent nos regards, ils rencontrent des talents
1418
distingués. À cet ordre d’ambition convient seule
l’
activité de la critique. Trois ou quatre grands écrivains — Claudel, G
1419
cet ordre d’ambition convient seule l’activité de
la
critique. Trois ou quatre grands écrivains — Claudel, Gide, Valéry… —
1420
el, Gide, Valéry… — suffisent à nous rassurer sur
la
valeur littéraire de l’époque, mais non sur le sort de l’esprit. À cô
1421
isent à nous rassurer sur la valeur littéraire de
l’
époque, mais non sur le sort de l’esprit. À côté d’eux, s’écrient nos
1422
ur la valeur littéraire de l’époque, mais non sur
le
sort de l’esprit. À côté d’eux, s’écrient nos auteurs, « qu’on nous m
1423
r littéraire de l’époque, mais non sur le sort de
l’
esprit. À côté d’eux, s’écrient nos auteurs, « qu’on nous montre un se
1424
qu’on nous montre un seul Français qui n’ait pas
le
cœur sur les lèvres, qui ait quelque chose à dire, ou une qualité, un
1425
montre un seul Français qui n’ait pas le cœur sur
les
lèvres, qui ait quelque chose à dire, ou une qualité, une richesse d’
1426
également démesurés, mais combien sympathiques, à
l’
heure où tout le monde exagère, à qui mieux mieux dans le sens de la m
1427
où tout le monde exagère, à qui mieux mieux dans
le
sens de la médiocrité spécifiquement française — et nul ne s’en décla
1428
monde exagère, à qui mieux mieux dans le sens de
la
médiocrité spécifiquement française — et nul ne s’en déclare gêné, me
1429
lare gêné, me semble-t-il… 3. Si nous jetons sur
les
lettres parisiennes un regard distrait mais circulaire, comme dirait
1430
nde ; des jeunes gens qui ont fait leurs études à
la
Nouvelle Revue française , et qui ont, sur un tas de sujets pas impo
1431
e de ses œuvres, si M. Brunschwicg croit ou non à
la
divinisation finale de l’homme par le progrès des sciences exactes ?
1432
nschwicg croit ou non à la divinisation finale de
l’
homme par le progrès des sciences exactes ? ») d’aimables biographes :
1433
it ou non à la divinisation finale de l’homme par
le
progrès des sciences exactes ? ») d’aimables biographes : M. de Pourt
1434
comme dit Annie Besant. Et c’est charmant, disent
les
dames. Je ne suis pas aussi dur que les dames. … et M. Maurois, comme
1435
t, disent les dames. Je ne suis pas aussi dur que
les
dames. … et M. Maurois, comme disent beaucoup de gens, qui persiste à
1436
écrivain ; alors qu’il est plutôt ce qu’autrefois
l’
on nommait joliment un fin lettré. (Vraiment le jeu est trop facile. A
1437
is l’on nommait joliment un fin lettré. (Vraiment
le
jeu est trop facile. Allez donc vous mettre en colère contre l’insign
1438
p facile. Allez donc vous mettre en colère contre
l’
insignifiance ! On ne nous laisse même plus la colère. Ah ! nous ne ri
1439
tre l’insignifiance ! On ne nous laisse même plus
la
colère. Ah ! nous ne risquons pas d’être tués par des statues !) Tout
1440
n qui s’éloigne : Montherlant. Très suspects dans
les
« milieux » littéraires, l’un parce qu’il croit tout à fait, l’autre
1441
troisième parce qu’il croit ou ne croit pas selon
les
sautes brusques de son tempérament. Attendons encore un peu avec ceux
1442
ent. Attendons encore un peu avec ceux-là… Enfin,
l’
ultime raison de ne pas désespérer, cinq ou six poètes. 4. « Quelque
1443
e que soit » mon envie — comme disent Beausire et
la
Grammaire — mon envie, ma passion d’admirer, je cherche en vain l’hom
1444
n envie, ma passion d’admirer, je cherche en vain
l’
homme qui brisant « les grilles de la raison » libère « le lion de mes
1445
admirer, je cherche en vain l’homme qui brisant «
les
grilles de la raison » libère « le lion de mes certitudes » — comme d
1446
rche en vain l’homme qui brisant « les grilles de
la
raison » libère « le lion de mes certitudes » — comme disent Simond e
1447
qui brisant « les grilles de la raison » libère «
le
lion de mes certitudes » — comme disent Simond et ce grand potache de
1448
r rendre mangeables beaucoup de nouilles. Mais si
le
sel perd sa saveur, serait-ce avec des pamphlets qu’on la lui rend ?
1449
erd sa saveur, serait-ce avec des pamphlets qu’on
la
lui rend ? Je le trouve en tout cas bien tonique, celui que Beausire
1450
rait-ce avec des pamphlets qu’on la lui rend ? Je
le
trouve en tout cas bien tonique, celui que Beausire et Simond viennen
1451
u sujet de quelques-uns des meilleurs esprits que
la
France ait su rendre inoffensifs. Il se pourrait très bien qu’à cette
1452
ue, impitoyable de rigueur et d’enthousiasme. 5.
La
critique est aisée, répètent ceux qui en ont peur, ceux-là mêmes, bie
1453
ûr, qui, sous prétexte de sa difficulté, récusent
l’
art. Il y avait une fois un journaliste, un libéral et un jeanfoutre q
1454
n jeanfoutre qui regardaient travailler un maçon.
Le
maçon creusait et défonçait, or on lui avait commandé une maison. Nos
1455
une maison. Nos trois compères se moquaient fort.
Le
journaliste expliquait qu’on eut dû commencer par l’échafaudage. Le l
1456
journaliste expliquait qu’on eut dû commencer par
l’
échafaudage. Le libéral déplorait que l’on défonçât le sol. Le jeanfou
1457
liquait qu’on eut dû commencer par l’échafaudage.
Le
libéral déplorait que l’on défonçât le sol. Le jeanfoutre trouvait qu
1458
encer par l’échafaudage. Le libéral déplorait que
l’
on défonçât le sol. Le jeanfoutre trouvait qu’il y a déjà tant de mais
1459
hafaudage. Le libéral déplorait que l’on défonçât
le
sol. Le jeanfoutre trouvait qu’il y a déjà tant de maisons. Cependant
1460
e. Le libéral déplorait que l’on défonçât le sol.
Le
jeanfoutre trouvait qu’il y a déjà tant de maisons. Cependant le maço
1461
rouvait qu’il y a déjà tant de maisons. Cependant
le
maçon continuait de construire, et quand les fondations furent achevé
1462
ndant le maçon continuait de construire, et quand
les
fondations furent achevées, les murs s’élevèrent, et quand tout fut t
1463
struire, et quand les fondations furent achevées,
les
murs s’élevèrent, et quand tout fut terminé, l’on interdit l’entrée d
1464
les murs s’élevèrent, et quand tout fut terminé,
l’
on interdit l’entrée du palais à nos trois amis (qui pourtant n’eussen
1465
evèrent, et quand tout fut terminé, l’on interdit
l’
entrée du palais à nos trois amis (qui pourtant n’eussent pas demandé
1466
est encore très mal compris. 6. Il s’agit ici de
la
critique d’un certain état d’esprit moins facile à formuler qu’à décr
1467
ès dans son éthique, Maurras dans son esthétique,
les
Surréalistes dans leur métaphysique, font preuve de la même ambition
1468
rréalistes dans leur métaphysique, font preuve de
la
même ambition et témoignent de la même impuissance. Ils désirent égal
1469
font preuve de la même ambition et témoignent de
la
même impuissance. Ils désirent également donner une solution décisive
1470
ement donner une solution décisive au problème de
l’
homme ; ils manquent également de cette énergie créatrice et critique
1471
iatement utilisables. Simond dénonce chez Maurras
l’
impardonnable confusion des valeurs que représente son positivisme est
1472
ique, ce désir de connaissance, puis désigne chez
les
surréalistes certains sophismes et ce « badinage mystique » sans l’ac
1473
rtains sophismes et ce « badinage mystique » sans
l’
accompagnement desquels, semble-t-il, nul Français ne saurait accepter
1474
je voudrais que s’en offusquent ceux-là seuls que
l’
outrancière habileté contemporaine écœure plus que tout. Plutôt donc q
1475
ntellectuel. Ces messieurs — et qui pensent — ont
la
chance de vivre à l’une des époques les plus violentes de l’histoire
1476
sent — ont la chance de vivre à l’une des époques
les
plus violentes de l’histoire humaine ; ils assistent à des bouleverse
1477
e vivre à l’une des époques les plus violentes de
l’
histoire humaine ; ils assistent à des bouleversements sociaux, moraux
1478
passent un certain plan. C’est mal vu. » Ou si on
les
pose, ajouterai-je, c’est pour les résoudre aussitôt et d’une manière
1479
vu. » Ou si on les pose, ajouterai-je, c’est pour
les
résoudre aussitôt et d’une manière aussi peu compromettante que possi
1480
i peu compromettante que possible. Direz-vous que
les
Allemands ne les posent pas mieux ? Du moins n’ont-ils pas cette impu
1481
nte que possible. Direz-vous que les Allemands ne
les
posent pas mieux ? Du moins n’ont-ils pas cette impudeur française de
1482
assner… En France, hélas ! une logique verbale et
le
clair génie que l’on sait se chargent de tout réduire à la raison, y
1483
hélas ! une logique verbale et le clair génie que
l’
on sait se chargent de tout réduire à la raison, y compris la Révoluti
1484
génie que l’on sait se chargent de tout réduire à
la
raison, y compris la Révolution, thème rhétorique, y compris la Relig
1485
e chargent de tout réduire à la raison, y compris
la
Révolution, thème rhétorique, y compris la Religion, thème catholique
1486
ompris la Révolution, thème rhétorique, y compris
la
Religion, thème catholique. Servir leur paraît ridicule. Soit, mais i
1487
re ennuyeux13… Ils recherchent tous un équilibre,
le
trouvent bien vite, comme de juste, s’en lassent, cherchent alors un
1488
s un déséquilibre, s’en effraient, repartent vers
la
foi et s’arrêtent chez un éditeur. Cela fait un roman de plus. Il obt
1489
éditeur. Cela fait un roman de plus. Il obtiendra
le
prix d’assiduité et l’approbation de tous les prudents qui ont fait l
1490
oman de plus. Il obtiendra le prix d’assiduité et
l’
approbation de tous les prudents qui ont fait le tour des choses comme
1491
ndra le prix d’assiduité et l’approbation de tous
les
prudents qui ont fait le tour des choses comme on fait le tour des ga
1492
t l’approbation de tous les prudents qui ont fait
le
tour des choses comme on fait le tour des galeries du Lido : bien déc
1493
nts qui ont fait le tour des choses comme on fait
le
tour des galeries du Lido : bien décidé à ne rien acheter qui mette e
1494
bien décidé à ne rien acheter qui mette en péril
le
budget mensuel. Ô sens de la mesure ! (Mais où les audaces souveraine
1495
r qui mette en péril le budget mensuel. Ô sens de
la
mesure ! (Mais où les audaces souveraines d’un Racine, d’un Descartes
1496
le budget mensuel. Ô sens de la mesure ! (Mais où
les
audaces souveraines d’un Racine, d’un Descartes ?) D’ailleurs, c’est
1497
te vertu qu’il est vraiment trop facile de nommer
l’
avarice française, il vous reste à choisir entre le sort de Nietzsche
1498
’avarice française, il vous reste à choisir entre
le
sort de Nietzsche et celui de Schiller. Romancer la vie de ces excess
1499
sort de Nietzsche et celui de Schiller. Romancer
la
vie de ces excessifs est assez bien vu ; mais tenter de leur opposer
1500
sacrifices, certains mépris qui passent tellement
la
« mesure » parisienne — physiologique et morne — que le fait même de
1501
esure » parisienne — physiologique et morne — que
le
fait même de s’y essayer définit ce qu’on nomme à Paris prétention. M
1502
uitter sa chambre, son cigare ou son moi. » 8. «
La
France… n’a pas su faire la révolution morale… parce qu’elle manque d
1503
e ou son moi. » 8. « La France… n’a pas su faire
la
révolution morale… parce qu’elle manque de sens moral. » Le Français
1504
ion morale… parce qu’elle manque de sens moral. »
Le
Français qui n’est ni chrétien ni disciple de Nietzsche, demandera po
1505
le de Nietzsche, demandera pourquoi il faut faire
la
révolution morale. Voilà notre aphorisme démontré. 9. Enfin je citer
1506
ux petites phrases qui suffisent presque à situer
la
position d’attaque de nos auteurs : « Tout créateur néglige sa person
1507
e Léonard d’avoir « tracé peut-être pour toujours
les
limites de l’humaine liberté ». Simond réclame « un parti pris…, un o
1508
ir « tracé peut-être pour toujours les limites de
l’
humaine liberté ». Simond réclame « un parti pris…, un ordre de valeur
1509
ontairement, assumé ». N’est-ce point oublier que
l’
existence du Christ donne à « l’humaine liberté » des limites d’une na
1510
point oublier que l’existence du Christ donne à «
l’
humaine liberté » des limites d’une nature que Léonard ne soupçonna mê
1511
onna même pas ; — que ces limites rendent absurde
l’
adoption d’un ordre de valeurs « arbitraire », mais obligent l’homme à
1512
un ordre de valeurs « arbitraire », mais obligent
l’
homme à « assumer » d’autant plus héroïquement sa vérité — une vérité
1513
en Dieu — et soit qu’il sache ou qu’il ignore que
la
grâce seule permet de vouloir… C’est Nietzsche, et quelque chose par-
1514
’ai senti mes oreilles se déboucher, nous gagnons
l’
altitude. Les problèmes qu’il se pose sont le meilleur de l’homme — à
1515
s oreilles se déboucher, nous gagnons l’altitude.
Les
problèmes qu’il se pose sont le meilleur de l’homme — à condition qu’
1516
nons l’altitude. Les problèmes qu’il se pose sont
le
meilleur de l’homme — à condition qu’il les surmonte. « Car l’homme e
1517
. Les problèmes qu’il se pose sont le meilleur de
l’
homme — à condition qu’il les surmonte. « Car l’homme est quelque chos
1518
e sont le meilleur de l’homme — à condition qu’il
les
surmonte. « Car l’homme est quelque chose qui doit être surmonté » co
1519
e l’homme — à condition qu’il les surmonte. « Car
l’
homme est quelque chose qui doit être surmonté » comme dit Zarathoustr
1520
pas insignifiants, voilà qui suffira peut-être à
le
justifier aux yeux de quelques-uns. Paris, avril 1930. 13. C’est ic
1521
ril 1930. 13. C’est ici que paraît tout de même
la
grandeur d’un Ramuz, dont Beausire ne veut voir que le maniérisme, no
1522
andeur d’un Ramuz, dont Beausire ne veut voir que
le
maniérisme, non la substance. q. Rougemont Denis de, « [Compte rend
1523
dont Beausire ne veut voir que le maniérisme, non
la
substance. q. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet D’un ce
1524
hui, Lausanne, 1 mai 1930, p. 4. r. Recension de
l’
ouvrage éponyme de Pierre Beausire et Daniel Simond, paru aux « Petite
1525
Vos fantômes ne sont pas les miens… » [Réponse à
l’
enquête « Les vrais fantômes »] (juillet 1930)s t I Vos fantômes ne
1526
s ne sont pas les miens… » [Réponse à l’enquête «
Les
vrais fantômes »] (juillet 1930)s t I Vos fantômes ne sont pas les
1527
pas pour moi « des choses » — et réciproquement.
La
distinction entre « choses » et « fantômes » est relative à des habit
1528
de ou ivre, c’est-à-dire quand je suis dominé par
le
monde. Ils ont tous le même air absurde. Des fantômes d’une autre sor
1529
e quand je suis dominé par le monde. Ils ont tous
le
même air absurde. Des fantômes d’une autre sorte, ceux-là tout rayonn
1530
llusions indéfinies, naissent autour de moi quand
la
passion ou la prière me font centre de mon univers. La vision « autr
1531
inies, naissent autour de moi quand la passion ou
la
prière me font centre de mon univers. La vision « autre » dont vous
1532
sion ou la prière me font centre de mon univers.
La
vision « autre » dont vous parlez traduit simplement une variation da
1533
simplement une variation dans mes relations avec
le
monde. En quoi cette première question est assez indiscrète. II Il y
1534
z indiscrète. II Il y aurait beaucoup à dire sur
l’
admiration dont certains littérateurs français témoignent en face des
1535
ard, des incantations tout juste bonnes à évoquer
la
basse pègre du monde spirituel. Ce n’est pas en détraquant nos sens o
1536
lligence, celle-ci à son tour par une volonté qui
l’
oriente vers certains états dont il arrive que la gratuité apparente n
1537
l’oriente vers certains états dont il arrive que
la
gratuité apparente nous fascine. Un fantôme ne manifeste rien d’autre
1538
fascine. Un fantôme ne manifeste rien d’autre que
la
qualité du regard qui le perçoit. Dis-moi qui te hante… Ainsi, la vul
1539
nifeste rien d’autre que la qualité du regard qui
le
perçoit. Dis-moi qui te hante… Ainsi, la vulgarité évidente des fantô
1540
gard qui le perçoit. Dis-moi qui te hante… Ainsi,
la
vulgarité évidente des fantômes décrits par la psychologie moderne ré
1541
i, la vulgarité évidente des fantômes décrits par
la
psychologie moderne révèle-t-elle une déficience de méthode, laquelle
1542
esse d’âme. Car on ne voit que ce qu’on mérite. —
Les
plus beaux fantômes, et les plus réels, ce sont les anges. Mais ceux-
1543
ue ce qu’on mérite. — Les plus beaux fantômes, et
les
plus réels, ce sont les anges. Mais ceux-là seuls parmi nous les verr
1544
s plus beaux fantômes, et les plus réels, ce sont
les
anges. Mais ceux-là seuls parmi nous les verront, dont l’esprit parvi
1545
ce sont les anges. Mais ceux-là seuls parmi nous
les
verront, dont l’esprit parviendra par sa puissance d’adoration, à se
1546
. Mais ceux-là seuls parmi nous les verront, dont
l’
esprit parviendra par sa puissance d’adoration, à se créer une part an
1547
d’adoration, à se créer une part angélique. III
L’
amour, loin de causer une « désorganisation du moral », multiplie à no
1548
désorganisation du moral », multiplie à nos yeux
les
correspondances. Comprenons à ce signe qu’il nous transporte dans un
1549
plus hautement organisé, c’est-à-dire plus réel. (
L’
absurdité des choses mesurait seulement notre impuissance à les aimer.
1550
des choses mesurait seulement notre impuissance à
les
aimer.) Dès lors, il ne s’agira plus de réduire les fantômes qui nous
1551
s aimer.) Dès lors, il ne s’agira plus de réduire
les
fantômes qui nous tenteront, mais de leur égaler notre conscience. C’
1552
du monde spirituel revêt pour nous, normalement,
l’
aspect d’une création. Il s’agit de maintenir cet effort sous le signe
1553
création. Il s’agit de maintenir cet effort sous
le
signe de la sobriété la plus rusée mais la plus amoureuse. L’audace e
1554
l s’agit de maintenir cet effort sous le signe de
la
sobriété la plus rusée mais la plus amoureuse. L’audace et l’humilité
1555
maintenir cet effort sous le signe de la sobriété
la
plus rusée mais la plus amoureuse. L’audace et l’humilité de la prièr
1556
t sous le signe de la sobriété la plus rusée mais
la
plus amoureuse. L’audace et l’humilité de la prière nous font entendr
1557
la sobriété la plus rusée mais la plus amoureuse.
L’
audace et l’humilité de la prière nous font entendre l’accord fondamen
1558
la plus rusée mais la plus amoureuse. L’audace et
l’
humilité de la prière nous font entendre l’accord fondamental d’une ét
1559
mais la plus amoureuse. L’audace et l’humilité de
la
prière nous font entendre l’accord fondamental d’une éthique des fant
1560
ace et l’humilité de la prière nous font entendre
l’
accord fondamental d’une éthique des fantômes, dont la poésie moderne
1561
cord fondamental d’une éthique des fantômes, dont
la
poésie moderne n’est peut-être que la psychologie. s. Rougemont De
1562
tômes, dont la poésie moderne n’est peut-être que
la
psychologie. s. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Vos
1563
, Raison d’être, Paris, juillet 1930, p. 7-8. t.
Les
réponses à cette enquête, par Raoul Benveniste, Carlo Suarès, Joë Bou
1564
écédées d’une introduction dont nous reproduisons
l’
extrait suivant : « “Y a-t-il une faculté de perception indépendante d
1565
eption indépendante des sens, qui, s’exerçant par
le
moyen d’un organe interne, puisse nous donner des connaissances plus
1566
nous donner des connaissances plus complètes que
l’
expérience commune ?” Depuis (et même avant) que Saint-Augustin a form
1567
— certaines expériences particulières, telles que
les
rêves (à l’état normal) ou les hallucinations (à l’état pathologique)
1568
xpériences particulières, telles que les rêves (à
l’
état normal) ou les hallucinations (à l’état pathologique), pour prend
1569
lières, telles que les rêves (à l’état normal) ou
les
hallucinations (à l’état pathologique), pour prendre des états concre
1570
rêves (à l’état normal) ou les hallucinations (à
l’
état pathologique), pour prendre des états concrets. »