1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 présente déjà, son œuvre, comme celle de Barrès, nous offre plus qu’un agrément purement littéraire : une leçon d’énergie.
2 il abandonna le stade et rentra dans le monde où nous vivons tous. Écœuré du désordre général, il cherche des remèdes, et n
3 é du désordre général, il cherche des remèdes, et nous tend les premiers qui lui tombent sous la main : le sport et la moral
4 ande qu’on me soit dévoué. » Ils disent : « Tu es notre capitaine. » Ces choses ne sont pas dites en vain. Stades que parcour
5 at. » C’est donc à un lacédémonisme renouvelé que nous conduirait cette « éthique du sport » tempérée de raison. Ce qu’on en
6 générales » ne vaillent rien2 ; sa morale virile nous est néanmoins plus proche que la sensualité vaguement chrétienne de t
7 qui joue franc jeu. S’il faut lutter contre lui, nous savons qu’il observera les règles. Saluons-le donc du salut des équip
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
8 peinture française, des débuts du xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme de David et d’Ingres, les peintres franç
3 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
9 rès nombreux public, la série des conférences que nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis de la pensée protestante ».
10 dis que ce terme n’a plus qu’un sens relatif pour nous protestants. Est-ce là nous juger ? Les catholiques nous reprochent d
11 ’un sens relatif pour nous protestants. Est-ce là nous juger ? Les catholiques nous reprochent d’avoir méconnu l’élément de
12 otestants. Est-ce là nous juger ? Les catholiques nous reprochent d’avoir méconnu l’élément de grandeur morale que les saint
13 qu’a voulu restaurer le protestantisme. La place nous manque pour louer comme il conviendrait la clarté d’un exposé solidem
4 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
14 occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre de la Mentalité p
15 « réalité prolétarienne ». « Cercles vicieux que nos syndicats. Cercle vicieux, l’augmentation des salaires. Ce que nous v
16 rcle vicieux, l’augmentation des salaires. Ce que nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus de la plus dégradante conditi
17 mme au-dessus de la plus dégradante condition, et nous n’y arriverons que par un travail d’éducation lent et souvent dangere
18 nt et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez à nous pour nous aider. Nous saurons nous compromettre, si nous écopons, tan
19 ent dangereux. Vous, étudiants, venez à nous pour nous aider. Nous saurons nous compromettre, si nous écopons, tant pis. » C
20 x. Vous, étudiants, venez à nous pour nous aider. Nous saurons nous compromettre, si nous écopons, tant pis. » Cinq conféren
21 iants, venez à nous pour nous aider. Nous saurons nous compromettre, si nous écopons, tant pis. » Cinq conférences et autant
22 ur nous aider. Nous saurons nous compromettre, si nous écopons, tant pis. » Cinq conférences et autant de cultes en trois jo
23 t de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit croire un instant à la fameuse devise de la Révolution. d. Rou
5 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
24 ai 1926)g Écrire, pas plus que vivre, n’est de nos jours un art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-même
25 que vivre, n’est de nos jours un art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si craintifs en même tem
26 t si craintifs en même temps, si jaloux de ne pas nous déformer artificiellement : nous comprenons que nos œuvres, si elles
27 jaloux de ne pas nous déformer artificiellement : nous comprenons que nos œuvres, si elles furent faites à l’image de notre
28 s déformer artificiellement : nous comprenons que nos œuvres, si elles furent faites à l’image de notre esprit, le lui rend
29 e nos œuvres, si elles furent faites à l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est peut-être pourquoi
30 ent bien dans la suite ; c’est peut-être pourquoi nous accordons voix dans le débat d’écrire, aux forces les plus secrètes d
31 e débat d’écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux calculs les plus rusés. Nous choisissons les idées com
32 s de notre être comme aux calculs les plus rusés. Nous choisissons les idées comme on choisit un amour dont on est anxieux d
33 nt de ressortir trop différent. Amour de soi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de réticences don
34 . Amour de soi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas toujo
35 et nous obsède de craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur de perdre le fil de la consc
36 etrouver ces limites : la vie moderne, mécanique, nous les fait oublier, d’où cette fatigue générale qui fausse tout, et qui
37 de, si je m’en suis d’abord rendu digne. L’époque nous veut, comme elle veut une conscience. Je fais partie d’un ensemble so
6 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
38 d’emblée avec ce qu’il y a de plus bondissant en nous  ; en prise directe sur notre énergie physique. Partout rôdent des pré
39 de plus bondissant en nous ; en prise directe sur notre énergie physique. Partout rôdent des présences animales. Tandis que s
40 à. Et c’est un moraliste de grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devient naturel ce cri de sagesse orgueilleus
41 turel ce cri de sagesse orgueilleuse : « Qu’avons- nous besoin d’un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impos
42 ’avons-nous besoin d’un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’une
43 ne vaut-elle pas d’être élevée en témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue des athlètes en action, un tel livre commun
44 nt s’abandonner parfois à ces forces obscures qui nous replacent dans l’intelligence de l’instinct universel et nous élèvent
45 nt dans l’intelligence de l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemment contractée, par la grâce de
7 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
46 ne. Vers sept heures, il n’y en eut presque plus. Nous étions seuls sur le pavé qui exhalait sa chaleur, au long des quais s
47 ait sa chaleur, au long des quais sans bancs pour notre lassitude. Florence s’éloignait derrière nous qui suivions maintenant
48 ur notre lassitude. Florence s’éloignait derrière nous qui suivions maintenant le sentier du bord du fleuve, plus bas que la
49 ait dans l’air plus frais, avec l’odeur du limon. Nous marchions vers ces hauts arbres clairs, au tournant du fleuve, parmi
50 accoutumance au monde de sensations inconnues où nous étions baignés nous promettait pourtant une connaissance plus intime
51 de de sensations inconnues où nous étions baignés nous promettait pourtant une connaissance plus intime de certaine tristess
52 ’elle que vient cette chanson jamais entendue qui nous accompagne depuis un moment sur le chemin de l’autre rive. Il y a un
53 pparition. (Tu parlais de chromos, de romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange.) Une atmosphère de triste v
54 étrange.) Une atmosphère de triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur du fleuve est son parfum, le soleil rouge s
55 ais, cherchant le gué. Plus proches, les syllabes nous parviennent au ras du fleuve sombre. Nul désir en nous de comprendre
56 parviennent au ras du fleuve sombre. Nul désir en nous de comprendre ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos p
57 ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus de sens, comme le fleuve. Elle n
58 , comme une barre droite au travers d’un tableau. Nos yeux ont regardé longtemps — où va l’âme durant ces minutes ? — jusqu
59 usqu’à ce que les bœufs ruisselants remontent sur notre rive. Fraîcheur humide, parfums à peine sensibles, bruissement vague
60 nvie de sommeil. Une lampe dans la maison blanche nous a révélé proche la nuit. Nous nous sommes retournés vers la ville. F
61 s la maison blanche nous a révélé proche la nuit. Nous nous sommes retournés vers la ville. Fleurs de lumières sur les cham
62 maison blanche nous a révélé proche la nuit. Nous nous sommes retournés vers la ville. Fleurs de lumières sur les champs so
63 au couchant. San Miniato sur sa colline. Derrière nous , les arbres se brouillent dans une buée sans couleurs, nous quittons
64 arbres se brouillent dans une buée sans couleurs, nous quittons un mystère à jamais impénétrable pour l’homme, nous fuyons c
65 ns un mystère à jamais impénétrable pour l’homme, nous fuyons ces bords où conspirent des ombres informes et des harmonies t
66 es troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétrant comme cette brume, une vie étrangère,
67 étrangère, une paix qui n’est pas humaine, et qui nous laisse gourds et faibles, caressant en nous la lâche volupté de senti
68 t qui nous laisse gourds et faibles, caressant en nous la lâche volupté de sentir l’esprit se défaire et couler sans fin ver
69 eureuse d’être pliée au vent qui ne parle jamais. Nous fûmes si près de choir dans ton silence. Nature ! qui nous enivrait,
70 s si près de choir dans ton silence. Nature ! qui nous enivrait, promettant à nos sens, fatigués de l’esprit qui les exerce,
71 silence. Nature ! qui nous enivrait, promettant à nos sens, fatigués de l’esprit qui les exerce, des voluptés plus faciles
72 ce, des voluptés plus faciles — pour infuser dans nos corps charmés d’un repos sans rêves une langueur dont on ne voudrait
73 ne langueur dont on ne voudrait plus guérir… Mais nous voyons la ville debout dans ses lumières. Architectures ! langage des
74 . Architectures ! langage des dieux, ô joies pour notre joie mesurées, courbes qu’épousent nos ferveurs, angles purs, repos d
75 ies pour notre joie mesurées, courbes qu’épousent nos ferveurs, angles purs, repos de l’esprit qui s’appuie sur son œuvre !
76 équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous , érigeait l’image de la lutte et des forces humaines, et rendait sous
77 es humaines, et rendait sous des coups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’usines. Il y avait la vie des hommes p
78 main, et il était beau d’y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des rues. Le long de l’Arno, les façades
79 graves. Toutes ces formes devinées dans l’espace nous environnent d’une obscure confiance. Livrons-nous aux jeux des hommes
80 nous environnent d’une obscure confiance. Livrons- nous aux jeux des hommes-qui-font-des-gestes. Les autos répètent sans fin
81 ssantes. Sous cette agitation aimable et monotone nous allons voir courir l’arabesque des sentiments et le mouvement perpétu
8 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
82 la banlieue printanière ; des soupers d’amis dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de couleur pour ma femme… Mais
83 visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagnai. Il demanda des port
84 frit de jouer un moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagnai. Il demanda des portos. Je les gagnai et je
85 t mes pensées. Je vis qu’une femme était assise à notre table, en robe rouge, et très fardée. Elle jouait avec la rose. Les d
9 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
86 ette attitude est plus rare qu’on ne le croit, de nos jours.) M. Esmonin montra avec beaucoup de clarté comment, entre 1578
87 les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis d’autre
88 oire de la France. Déviation telle, en effet, que nous en sentons les conséquences de nos jours encore, ajoute M. Esmonin. E
89 en effet, que nous en sentons les conséquences de nos jours encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjouir
90 uences de nos jours encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjouir de retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’il
91 encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjouir de retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’il va consacrer à Loui
10 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
92 e artistique qu’elle fut au siècle passé ? Allons- nous assister à un regroupement de ses forces créatrices ? La question est
93 iscerner parmi eux certaines tendances générales, nous y reviendrons au cours de cette promenade à travers notre domaine art
94 reviendrons au cours de cette promenade à travers notre domaine artistique. Domaine à vrai dire assez singulier. Nos artistes
95 artistique. Domaine à vrai dire assez singulier. Nos artistes, en effet, n’ignorent rien des courants les plus modernes, e
96 tirent dans une solitude plus effective, quitte à nous revenir munis du passeport indispensable d’une consécration étrangère
97 ants échos : « C’est avec un légitime orgueil que notre petit pays accueillera cette consécration bien méritée du talent d’un
98 sé de redire ces lieux communs, auxquels pourtant nos circonstances confèrent une actualité toujours vive. D’ailleurs, sach
99 Evard, qui en a près de 50, si les peintres dont nous allons parler méritent d’être appelés jeunes, c’est par leurs œuvres
100 , je vous présente Conrad Meili, un Zurichois qui nous arriva de Genève il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors de
101 ù on l’attend le moins. Conrad Meili apporte chez nous une inspiration neuve, d’origine germanique, mais qui a choisi de s’a
102 t dans des formes claires a su les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément de vitalité combative qui manque trop souve
103 nique décorative ! Voilà qui laisse espérer parmi nos artistes bien d’autres rapprochements moins paradoxaux. Donzé n’est p
104 on cherche en vain chez beaucoup des meilleurs de nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces faciles ou sentimental
105 ant un moment ce trésor du meilleur réalisme, que nous saurons désormais retrouver, allons errer un peu dans le royaume d’Ut
106 r un peu dans le royaume d’Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne saurions trouver guide plus pittoresque. Cel
107 me d’Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne saurions trouver guide plus pittoresque. Celui-ci s’était égaré en
108 jeunes peintres. — Vous suivez la même route que nous  ? À la bonne heure ! ». Et l’on repart bras dessus, bras dessous. Et
109 sité délicieusement féminine, une élégance aiguë. Notre revue n’est certes pas complète. Mais elle a du moins l’avantage de g
110 ndent à une réalité artistique. Pour aujourd’hui, notre but serait suffisamment atteint si nous n’avions fait qu’affirmer l’e
111 urd’hui, notre but serait suffisamment atteint si nous n’avions fait qu’affirmer l’existence et la vitalité d’une jeune pein
11 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
112 que par un léger décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée
113 alage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’un rom
114 us que l’approche d’une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibles transfigurations, — l’heure an
115 venez d’atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous me voyez parce que vous comprenez certaines ch
116 z d’atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous me voyez parce que vous comprenez certaines choses
117 sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit
118 ortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, comme des amis qui se connaissent depuis si lo
119 raisons qu’eux, probablement… À ce moment, comme nous traversions une rue sillonnée de taxis rapides, le homard refusa obst
120 omme retiré du monde depuis si longtemps. Livrons- nous plutôt à une petite malice dont l’idée me vient à la vue de cette ven
121 er à la première jolie femme qui passerait seule. Nous nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes de soie, nous amusa
122 la première jolie femme qui passerait seule. Nous nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes de soie, nous amusant à
123 tâmes non loin, à une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les revêtiraient. Vint à pa
124 e temps de regarder autour d’elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle finit donc par accepter et
125 elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle finit donc par accepter et vint à nous avec un sourire
126 s trahit ; elle finit donc par accepter et vint à nous avec un sourire du type le plus courant : « Vous êtes bien gentils, m
127 ient « biondo et grassotto », et qu’avec mes amis nous devions baptiser en style viennois « Mehlspeis-Schlagobers »10. Heure
128 0. Heureusement qu’au Moulin-Rouge, souterrain où nous nous engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglai
129 ureusement qu’au Moulin-Rouge, souterrain où nous nous engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglais jou
130 de Tannhäuser en tango, un Balkanique très lisse nous délivra de notre conquête pour la durée des danses. Gérard bâillait :
131 n tango, un Balkanique très lisse nous délivra de notre conquête pour la durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c
132 emmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nous allons nous ennuyer terriblement. Du moins, moi. Pour vous, c’est dif
133 ard, disait-il. Je sens très bien que nous allons nous ennuyer terriblement. Du moins, moi. Pour vous, c’est différent, vous
134 ’elles le rattachaient aux buts les plus hauts de notre vie. Ces citadins blasés s’amusent plus grossièrement que des barbare
135 es agonisaient, aux dernières mesures d’un tango. Notre encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous. Gérard songeait
136 e encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous . Gérard songeait, muet, et n’en buvait pas moins. « Pourquoi vous ne
137 rard embrassa paternellement la belle effarée, et nous sortîmes, après avoir délivré le homard qui, laissé au vestiaire, y é
138 ocktails du Moulin-Rouge avaient peu à peu envahi notre sang. Nos pensées devenaient légères comme des ballons. La rumeur de
139 Moulin-Rouge avaient peu à peu envahi notre sang. Nos pensées devenaient légères comme des ballons. La rumeur de Vienne bai
140 s comme des ballons. La rumeur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité et l’Illusion étendait sur tou
141 flatteuse aux caprices redoutables. Cette nuit-là nous rencontrâmes des anges au coin des ruelles, des oiseaux nous parlèren
142 trâmes des anges au coin des ruelles, des oiseaux nous parlèrent, bientôt dissous dans le vent. Tout était reflet, passages,
143 définiment — c’est un ciel suspendu assez bas sur nos têtes. Lumière orangée, tamisée ; un piano dissimulé joue très doucem
144 tamisée ; un piano dissimulé joue très doucement. Nous sommes assis autour d’une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard
145 illusions, — illusions des formes passagères que nous croyons seules réelles, illusions des reflets qui ne livrent que le c
146 assion seule, par la souffrance qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïn
147 nce qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences. La fatigue calme
148 ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos savants retombés en pleine barbarie spirituelle. Il plaisante. Il dit
149 toute en une heure, en un lieu, en une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes d’autos s’appelaient dans la nuit froide
150 it d’ailleurs endormi. En passant par la Freyung, nous vîmes un palais aux fenêtres illuminées. Des autos attendaient devant
151 nt à la banquette d’une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement du bec de gaz sans manchon qui éc
152 la banquette d’une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement du bec de gaz sans manchon qui éclaira
12 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
153 i, n’ayant plus où se prendre » comme parle un de nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’est pas encore quelqu
154 nsent l’attache plus secrètement à son aventure. Nous vivons dans un décor flamboyant de glaces. À chaque pas, on offre à S
155 r défiance envers les dieux. À chaque regard dans notre miroir, nous perdons une Eurydice. Les miroirs sont peut-être la mort
156 ers les dieux. À chaque regard dans notre miroir, nous perdons une Eurydice. Les miroirs sont peut-être la mort. La mort abs
13 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
157 ccupant assez longuement d’un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grave — car il vécut dans ces ma
158 à l’Esprit et dont certains des plus purs d’entre nous se préparent à tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage de l’é
159 d’eux… Cela s’oublie. Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre, dans le temps même qu’il nous entr’ouvre le ciel, qu
160 t, nous fait comprendre, dans le temps même qu’il nous entr’ouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait le monde… Mais que cett
14 1930, Articles divers (1924–1930). Le prisonnier de la nuit (avril 1930)
161 hauts murs d’ombre et de vent autour du monde où nous vivons parquent les visages les sons brassent les lueurs des messages
162 e qui vient de dire ton nom même avec l’accent de notre amour et mon visage est immobile tourné vers l’ombre où tu m’entends.
163 main à travers cette ombre rapide si je te joins nous la tiendrons captive écoute les cloches et le scintillement des étoil
164 es qui échangent leurs douceurs. Tiens moi bien nous allons partir l’air s’entrouvre un feu rose éclôt voici ton heure au
15 1930, Articles divers (1924–1930). Au sujet « d’un certain esprit français » (1er mai 1930)
165 ce au mépris et à l’adoration : où que se portent nos regards, ils rencontrent des talents distingués. À cet ordre d’ambiti
166 écrivains — Claudel, Gide, Valéry… — suffisent à nous rassurer sur la valeur littéraire de l’époque, mais non sur le sort d
167 sur le sort de l’esprit. À côté d’eux, s’écrient nos auteurs, « qu’on nous montre un seul Français qui n’ait pas le cœur s
168 rit. À côté d’eux, s’écrient nos auteurs, « qu’on nous montre un seul Français qui n’ait pas le cœur sur les lèvres, qui ait
169 nul ne s’en déclare gêné, me semble-t-il… 3. Si nous jetons sur les lettres parisiennes un regard distrait mais circulaire
170 èrent à ce petit jeu avant d’écrire —, que voyons- nous en effet ? Une grande nuée de romanciers à peine plus réels que leurs
171 s mettre en colère contre l’insignifiance ! On ne nous laisse même plus la colère. Ah ! nous ne risquons pas d’être tués par
172 nce ! On ne nous laisse même plus la colère. Ah ! nous ne risquons pas d’être tués par des statues !) Tout d’un coup, trois
173 t Simond et ce grand potache de Maldoror. « Qu’on nous montre un homme… » Un ou deux. Il suffit de très peu de sel pour rend
174 t défonçait, or on lui avait commandé une maison. Nos trois compères se moquaient fort. Le journaliste expliquait qu’on eut
175 t fut terminé, l’on interdit l’entrée du palais à nos trois amis (qui pourtant n’eussent pas demandé mieux que de reconnaît
176 s toute son ampleur et sa force. » Ainsi Beausire nous montre un Barrès tout crispé sur quelques certitudes et quelques dout
177 ts au-delà — au-dessous — de leurs prétextes. 7. Nous souffrons d’une terrible carence d’héroïsme intellectuel. Ces messieu
178 ourquoi il faut faire la révolution morale. Voilà notre aphorisme démontré. 9. Enfin je citerai deux petites phrases qui suf
179 ffisent presque à situer la position d’attaque de nos auteurs : « Tout créateur néglige sa personnalité » et « Kant est un
180 , comme dit Kipling, est une autre histoire. 10. Nous voici parvenus au point où cessent d’eux-mêmes nos bavardages. J’ai s
181 us voici parvenus au point où cessent d’eux-mêmes nos bavardages. J’ai senti mes oreilles se déboucher, nous gagnons l’alti
182 bavardages. J’ai senti mes oreilles se déboucher, nous gagnons l’altitude. Les problèmes qu’il se pose sont le meilleur de l
183 élique. Que ce petit écrit d’un mouvement naturel nous ramène au centre des seuls problèmes qui ne soient pas insignifiants,
16 1930, Articles divers (1924–1930). « Vos fantômes ne sont pas les miens… » [Réponse à l’enquête « Les vrais fantômes »] (juillet 1930)
184 elâchement de leur esprit ou de celui des autres. Nous avons vu des amateurs de pittoresque essayer, au hasard, des incantat
185 re du monde spirituel. Ce n’est pas en détraquant nos sens ou notre raison, ce n’est pas en nous efforçant de délirer que n
186 spirituel. Ce n’est pas en détraquant nos sens ou notre raison, ce n’est pas en nous efforçant de délirer que nous atteindron
187 raquant nos sens ou notre raison, ce n’est pas en nous efforçant de délirer que nous atteindrons une réalité supérieure, mai
188 on, ce n’est pas en nous efforçant de délirer que nous atteindrons une réalité supérieure, mais bien en surpassant nos sens
189 s une réalité supérieure, mais bien en surpassant nos sens par notre intelligence, celle-ci à son tour par une volonté qui
190 supérieure, mais bien en surpassant nos sens par notre intelligence, celle-ci à son tour par une volonté qui l’oriente vers
191 ns états dont il arrive que la gratuité apparente nous fascine. Un fantôme ne manifeste rien d’autre que la qualité du regar
192 éels, ce sont les anges. Mais ceux-là seuls parmi nous les verront, dont l’esprit parviendra par sa puissance d’adoration, à
193 ser une « désorganisation du moral », multiplie à nos yeux les correspondances. Comprenons à ce signe qu’il nous transporte
194 les correspondances. Comprenons à ce signe qu’il nous transporte dans un monde plus hautement organisé, c’est-à-dire plus r
195 réel. (L’absurdité des choses mesurait seulement notre impuissance à les aimer.) Dès lors, il ne s’agira plus de réduire les
196 s, il ne s’agira plus de réduire les fantômes qui nous tenteront, mais de leur égaler notre conscience. C’est un effort de c
197 fantômes qui nous tenteront, mais de leur égaler notre conscience. C’est un effort de création — car toute découverte du mon
198 ar toute découverte du monde spirituel revêt pour nous , normalement, l’aspect d’une création. Il s’agit de maintenir cet eff
199 us amoureuse. L’audace et l’humilité de la prière nous font entendre l’accord fondamental d’une éthique des fantômes, dont l
200 Rougemont, sont précédées d’une introduction dont nous reproduisons l’extrait suivant : « “Y a-t-il une faculté de perceptio
201 exerçant par le moyen d’un organe interne, puisse nous donner des connaissances plus complètes que l’expérience commune ?” D
202 nt toute forme de vie, et explicitement — croyons- nous — certaines expériences particulières, telles que les rêves (à l’état