1 1936, Articles divers (1936-1938). Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour (1936)
1 Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour (1936)d Aucun ouvrage ne se passe mieux de préface qu’un b
2 ’amour (1936)d Aucun ouvrage ne se passe mieux de préface qu’un bon roman. Pourtant la réussite de Max Brod n’est pas s
3 de préface qu’un bon roman. Pourtant la réussite de Max Brod n’est pas seulement de l’ordre romanesque : elle est d’avoir
4 rtant la réussite de Max Brod n’est pas seulement de l’ordre romanesque : elle est d’avoir mêlé à un beau drame d’amour le
5 st pas seulement de l’ordre romanesque : elle est d’ avoir mêlé à un beau drame d’amour le souvenir et davantage, la présen
6 omanesque : elle est d’avoir mêlé à un beau drame d’ amour le souvenir et davantage, la présence d’un être vrai, qui apport
7 ame d’amour le souvenir et davantage, la présence d’ un être vrai, qui apporte à toute l’œuvre une émouvante précision. Le
8 te l’œuvre une émouvante précision. Le personnage de Garta, dont le lecteur ne tardera pas à voir qu’il figure la conscien
9 comme le juge incorruptible et amical du héros et de son débat, ce personnage a vécu dans ce siècle, où son nom ne cessera
10 nage a vécu dans ce siècle, où son nom ne cessera de grandir : Franz Kafka. De cet esprit incomparable — qu’on l’entende a
11 , où son nom ne cessera de grandir : Franz Kafka. De cet esprit incomparable — qu’on l’entende aux deux sens du terme —, u
12 français22. Ce serait assez pour donner une idée de l’ordre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entiè
13 . Ce serait assez pour donner une idée de l’ordre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entière. Mais bi
14 er une idée de l’ordre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entière. Mais bien peu en ont eu connaissan
15 rdre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entière. Mais bien peu en ont eu connaissance, et moins encor
16 et moins encore se sont risqués à en parler. Rien d’ étonnant d’ailleurs à cette réserve. Une sorte de stupéfaction respect
17 d’étonnant d’ailleurs à cette réserve. Une sorte de stupéfaction respectueuse ; le mutisme de l’homme qui s’est senti tou
18 e sorte de stupéfaction respectueuse ; le mutisme de l’homme qui s’est senti touché dans une région de l’être dont il igno
19 de l’homme qui s’est senti touché dans une région de l’être dont il ignorait presque l’existence, et qui demande un peu de
20 doute l’explication qu’il faut donner à l’espèce de résistance que rencontre Kafka parmi nous. Rien ne me paraît plus pro
21 od ; la biographie romanesque, l’approche vivante de la personne même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très
22 omanesque, l’approche vivante de la personne même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très simplement communic
23 de la personne même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très simplement communicable. Encore faut-il montrer
24 même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très simplement communicable. Encore faut-il montrer que ce détour n’
25 Pragois lui aussi, Brod fut l’ami le plus intime de Franz Kafka. C’est lui qui s’est chargé de publier ses œuvres, pour u
26 intime de Franz Kafka. C’est lui qui s’est chargé de publier ses œuvres, pour une très grande part inédites, et que Kafka
27 part inédites, et que Kafka lui-même, par l’excès d’ un scrupule à la fois artistique et religieux, souhaitait que l’on dét
28 on posthume du Procès : je doute que les lecteurs de ce livre étonnant, le plus profond qu’on puisse imaginer, aient le co
29 s profond qu’on puisse imaginer, aient le courage de le lui reprocher. La piété même que voue Max Brod à la mémoire de son
30 e voue Max Brod à la mémoire de son ami le retint d’ entreprendre au lendemain de la mort de Kafka sa biographie objective.
31 de son ami le retint d’entreprendre au lendemain de la mort de Kafka sa biographie objective. Mais par une sorte de compe
32 le retint d’entreprendre au lendemain de la mort de Kafka sa biographie objective. Mais par une sorte de compensation tou
33 Kafka sa biographie objective. Mais par une sorte de compensation tout inconsciente, c’est au désir de prolonger le mervei
34 de compensation tout inconsciente, c’est au désir de prolonger le merveilleux dialogue interrompu que l’auteur du Royaume
35 yaume enchanté attribue aujourd’hui l’inspiration de ce roman. Sachons-lui gré d’accorder par là même, à un public plus ét
36 rd’hui l’inspiration de ce roman. Sachons-lui gré d’ accorder par là même, à un public plus étendu, l’avance nécessaire, le
37 couvrir un génie tellement « étranger »… Le récit de Max Brod est librement imaginé. Toutefois le personnage de Garta, ses
38 od est librement imaginé. Toutefois le personnage de Garta, ses propos, sa vision du monde, ses expériences et préoccupati
39 es lectures qu’il fait à son ami, la brève idylle de Weimar… tout cela compose une description exacte de la jeunesse de Ka
40 Weimar… tout cela compose une description exacte de la jeunesse de Kafka. Quelques faits et deux ou trois dates suffiront
41 ela compose une description exacte de la jeunesse de Kafka. Quelques faits et deux ou trois dates suffiront désormais à si
42 is dates suffiront désormais à situer ce fragment de biographie. Franz Kafka naquit à Prague en 1883. Il passa dans cette
43 . Il passa dans cette ville la plus grande partie de sa vie. Docteur en droit, il travailla d’abord au service d’une compa
44 Docteur en droit, il travailla d’abord au service d’ une compagnie d’assurances générales, puis d’une compagnie d’assurance
45 , il travailla d’abord au service d’une compagnie d’ assurances générales, puis d’une compagnie d’assurances ouvrières. Le
46 vice d’une compagnie d’assurances générales, puis d’ une compagnie d’assurances ouvrières. Le travail manuel l’attirait ; i
47 gnie d’assurances générales, puis d’une compagnie d’ assurances ouvrières. Le travail manuel l’attirait ; il s’essaya dans
48 l manuel l’attirait ; il s’essaya dans un atelier de menuiserie, puis dans une entreprise de jardinage. Lorsque enfin il v
49 n atelier de menuiserie, puis dans une entreprise de jardinage. Lorsque enfin il voulut émigrer à Berlin pour s’y vouer to
50 ont il mourut à Vienne en 1924. Il n’avait publié de son vivant qu’un petit nombre de récits. Mais on trouva dans ses papi
51 l n’avait publié de son vivant qu’un petit nombre de récits. Mais on trouva dans ses papiers les manuscrits presque comple
52 dans ses papiers les manuscrits presque complets de trois romans : Le Procès, Le Château, et Amérique. Le regard qu’il y
53 mérique. Le regard qu’il y porte sur le monde est d’ une précision proprement angoissante. Il considère notre vie quotidien
54 t masquent à peine une foncière absurdité. L’état d’ extrême lucidité que suscite en nous cette vision ressemble à s’y mépr
55 que tant de poètes s’efforçaient à la même époque de délirer méthodiquement, et de brouiller tous les plans du réel à seul
56 nt à la même époque de délirer méthodiquement, et de brouiller tous les plans du réel à seule fin de s’en évader — durant
57 t de brouiller tous les plans du réel à seule fin de s’en évader — durant le temps de leur ivresse tout au moins — Kafka n
58 réel à seule fin de s’en évader — durant le temps de leur ivresse tout au moins — Kafka nous ramène sans cesse, avec une s
59 ns — Kafka nous ramène sans cesse, avec une sorte d’ humour inflexible, à la conscience la plus sobre de notre humaine cond
60 ’humour inflexible, à la conscience la plus sobre de notre humaine condition. On dirait qu’il incite ses héros à pratiquer
61 s à pratiquer contre la vie bourgeoise une espèce de « grève perlée » : c’est à force de conscience, de naturel, d’exactit
62 e « grève perlée » : c’est à force de conscience, de naturel, d’exactitude dans l’exercice de leurs tâches banales et de l
63 rlée » : c’est à force de conscience, de naturel, d’ exactitude dans l’exercice de leurs tâches banales et de leurs relatio
64 science, de naturel, d’exactitude dans l’exercice de leurs tâches banales et de leurs relations sociales, qu’ils en découv
65 titude dans l’exercice de leurs tâches banales et de leurs relations sociales, qu’ils en découvrent et en dénoncent l’impo
66 t en dénoncent l’impossibilité foncière. À serrer de si près le réel, on le convainc rapidement de monstruosité et de scan
67 rer de si près le réel, on le convainc rapidement de monstruosité et de scandale métaphysique. Et dès lors tout devient ét
68 éel, on le convainc rapidement de monstruosité et de scandale métaphysique. Et dès lors tout devient étrangement signifian
69 fait divers s’agrandit peu à peu aux proportions d’ une parabole de l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’un
70 agrandit peu à peu aux proportions d’une parabole de l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’un fait inexplica
71 l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’ un fait inexplicable et monstrueux23 survenu dans la vie de son héros,
72 inexplicable et monstrueux23 survenu dans la vie de son héros, Kafka nous amène à penser que le détail de l’existence ban
73 on héros, Kafka nous amène à penser que le détail de l’existence banale, et le sentiment d’étrangeté qui parfois l’accompa
74 le détail de l’existence banale, et le sentiment d’ étrangeté qui parfois l’accompagne en sourdine s’expliquent de la mani
75 qui parfois l’accompagne en sourdine s’expliquent de la manière la plus logique sitôt qu’on les rapporte à un fait initial
76 u’on les rapporte à un fait initial mystérieux et d’ apparence extravagante. Derrière cette psychologie de l’angoisse quoti
77 pparence extravagante. Derrière cette psychologie de l’angoisse quotidienne, l’on pressent chez Kafka des intentions moral
78 orales, une philosophie, et la recherche au moins d’ une théologie. Tout cela, qui n’est pas exprimé mais voilé et seulemen
79 donne à l’œuvre une grandeur poétique, un pouvoir d’ inquiéter presque morbide au jugement de certains, mais aussi, pour qu
80 n pouvoir d’inquiéter presque morbide au jugement de certains, mais aussi, pour qui sait comprendre, salutaire… Les lectur
81 lectures favorites et les préoccupations sociales de « Garta », telles que nous les décrit Max Brod, aideront à deviner la
82 à deviner la nature assez rare du dessein secret de Kafka. Sa passion de l’absolu moral et religieux, sa psychologie de l
83 assez rare du dessein secret de Kafka. Sa passion de l’absolu moral et religieux, sa psychologie de l’angoisse dérivent sa
84 on de l’absolu moral et religieux, sa psychologie de l’angoisse dérivent sans doute de Kierkegaard, qu’il fut l’un des pre
85 sa psychologie de l’angoisse dérivent sans doute de Kierkegaard, qu’il fut l’un des premiers à découvrir au xxe siècle.
86 écouvrir au xxe siècle. D’autre part, sa volonté de sobriété, d’utilité, d’éducation des forces spirituelles par l’activi
87 xe siècle. D’autre part, sa volonté de sobriété, d’ utilité, d’éducation des forces spirituelles par l’activité pratique e
88 D’autre part, sa volonté de sobriété, d’utilité, d’ éducation des forces spirituelles par l’activité pratique et sociale,
89 et sociale, volonté qui se manifeste tout au long de son existence, et qui devait l’amener entre autres, à son projet de p
90 et qui devait l’amener entre autres, à son projet de participation au jeune mouvement sioniste, se rattache non moins cert
91 us suggestif que cette rencontre en un seul homme de deux influences aussi contradictoires et à tant d’égards exclusives…
92 e deux influences aussi contradictoires et à tant d’ égards exclusives… Il y aurait fort à dire là-dessus… Mais en voilà sa
93 ir au lecteur l’arrière-plan et les prolongements de l’aventure du « vieux Pragois », héros non tout à fait imaginaire, lu
94 à fait imaginaire, lui aussi, du Royaume enchanté de l’amour. 22. Le Procès, roman traduit de l’allemand par A. Vialatt
95 hanté de l’amour. 22. Le Procès, roman traduit de l’allemand par A. Vialatte. Deux autres récits de Kafka ont été publi
96 de l’allemand par A. Vialatte. Deux autres récits de Kafka ont été publiés par la Nouvelle Revue française  : La Métamorp
97 errier. 23. Par exemple : la métamorphose subite d’ un jeune homme en une bête innommable et même indescriptible (dans La
98 pèse sur le héros du Procès. d. Rougemont Denis de , Brod Max, « [Préface] Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour  », d
99 od Max, « [Préface] Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour  », dans Le Royaume enchanté de l’amour, Paris, Édition « Je
100 enchanté de l’amour  », dans Le Royaume enchanté de l’amour, Paris, Édition « Je sers », 1936, p. 9-12.
2 1936, Articles divers (1936-1938). Forme et transformation, ou l’acte selon Kierkegaard (janvier 1936)
101 erkegaard (janvier 1936)c « Toute mon activité d’ auteur — nous dit Kierkegaard — se rapporte à ce seul problème : comme
102 le devenir. Et le problème, alors, devient celui de l’acte, c’est-à-dire de la création d’une possibilité nouvelle, sans
103 ème, alors, devient celui de l’acte, c’est-à-dire de la création d’une possibilité nouvelle, sans précédent. Y a-t-il des
104 ient celui de l’acte, c’est-à-dire de la création d’ une possibilité nouvelle, sans précédent. Y a-t-il des actes ? L’homme
105 lle, sans précédent. Y a-t-il des actes ? L’homme d’ aujourd’hui ne le croit pas. Il croit aux lois, et il se veut détermin
106 is dans cette mesure même, il se peut qu’il cesse d’ être humain. Car l’homme n’a d’existence proprement humaine que lorsqu
107 e peut qu’il cesse d’être humain. Car l’homme n’a d’ existence proprement humaine que lorsqu’il participe à la transformati
108 aucun chemin. Comment marcher, s’il n’existe pas de chemin ? disent-ils dans leur suffisance — car on appelle ainsi leur
109 prouver que l’acte est impossible et que le tout de l’homme est soumis au calcul, tout cet effort des sciences et des soc
110 qu’être la vérité est la seule explication vraie de la vérité… Être la vérité, c’est connaître la vérité, et le Christ n’
111 été la vérité ; et nul homme ne connaît davantage de vérité qu’il n’en incarne.3 Voici donc le mystère : s’il n’y a pas
112 ncarne.3 Voici donc le mystère : s’il n’y a pas de chemin, nous ne pouvons marcher, mais si nous ne marchons pas, il n’y
113 rcher, mais si nous ne marchons pas, il n’y a pas de chemin. La foi au Christ nous permet seule de franchir ce cercle ench
114 pas de chemin. La foi au Christ nous permet seule de franchir ce cercle enchanté où nous maintient l’argument du démon — l
115 Christ est la condition nécessaire et suffisante de tout acte véritable, de toute marche, de toute création, de toute vic
116 nécessaire et suffisante de tout acte véritable, de toute marche, de toute création, de toute victoire sur la Nécessité.
117 ffisante de tout acte véritable, de toute marche, de toute création, de toute victoire sur la Nécessité. « Je suis le chem
118 te véritable, de toute marche, de toute création, de toute victoire sur la Nécessité. « Je suis le chemin ». Mais un chemi
119 n’est qu’un point de vue ; ou bien encore le lieu d’ un pur possible, et sur ces lieux règne le désespoir. Il nous faut don
120 c’est-à-dire agir dans le Christ. La possibilité de l’acte est identique à sa nécessité. Il n’y a donc aucun acte possibl
121 . Mais croire au Christ, c’est croire au Paradoxe de l’incarnation, c’est croire que Dieu a revêtu la forme de ce monde, c
122 arnation, c’est croire que Dieu a revêtu la forme de ce monde, c’est croire donc que cette forme peut être transformée. — 
123 règles, les morales et les lois qui nous disaient d’ agir dans le même temps qu’elles nous privaient de tout pouvoir, s’éva
124 d’agir dans le même temps qu’elles nous privaient de tout pouvoir, s’évanouissent et meurent aux pages des livres. L’actio
125 uissent et meurent aux pages des livres. L’action de l’homme devient aussi la vérité ; et la norme de toutes les normes. A
126 de l’homme devient aussi la vérité ; et la norme de toutes les normes. Au premier pas que nous faisons dans notre nuit, v
127 nous allons connaître maintenant que seul l’acte de foi est création, transformation, nouveauté pure dans le monde, vocat
128 monde, vocation et personne éternelle, prophétie de l’éternité qui vient à nous. 2. Il n’est d’action que prophétique
129 ie de l’éternité qui vient à nous. 2. Il n’est d’ action que prophétique Qu’est-ce que prophétiser sinon dire la Paro
130  Sachez qu’à l’origine, — lit-on dans un dialogue de Kassner6 — toutes les créatures, le Soleil, la Terre, la Lune, les pl
131 t et prophétisaient, pareils aux prophètes. C’est de ce commencement que chaque chose tire sa force et son temps ; toute c
132 in possède son commencement ». Mais l’homme déchu de son origine éternelle a perdu la vision de sa fin. Le voici prisonnie
133 déchu de son origine éternelle a perdu la vision de sa fin. Le voici prisonnier des formes et des nombres, esclave des lo
134 nnier des formes et des nombres, esclave des lois d’ un monde sur lequel il devrait régner. Seule peut l’en délivrer la Par
135 pel dans les ténèbres. Certains reçoivent l’ordre de parler, et c’est là leur action, leur prophétie et leur salut. Cepend
136 ommes les frappent sur la bouche. Kierkegaard fut de ces croyants, dont la vocation prophétique pareille à celle des homme
137 vocation prophétique pareille à celle des hommes de Dieu qui se lèvent sous l’Ancienne Alliance, se confond avec la parol
138 ur vérité et leur vie dans ce monde ; ils meurent de l’avoir dite, et n’ont pas d’autre tâche7. Le chemin est imprévisible
139 monde ; ils meurent de l’avoir dite, et n’ont pas d’ autre tâche7. Le chemin est imprévisible ; le nôtre, disons-nous, n’es
140 évisible ; le nôtre, disons-nous, n’est pas celui de ces prophètes. Cependant la question demeure : comment agir, et comme
141 Ce que nous connaissons, c’est pourtant son point de départ. Le chemin commence à tout homme qui se met en devoir d’obéir
142 chemin commence à tout homme qui se met en devoir d’ obéir à l’ordre qu’il reçoit de Dieu, — n’importe où et n’importe qui,
143 i se met en devoir d’obéir à l’ordre qu’il reçoit de Dieu, — n’importe où et n’importe qui, à n’importe quel ordre reçu, e
144 ? Tout simplement : prends n’importe quelle règle d’ action chrétienne, — ose la mettre en pratique. L’action que tu introd
145 troduiras ainsi dans la réalité portera la marque de l’absolu : c’est la marque de tout ce qui est véritablement chrétien
146 é portera la marque de l’absolu : c’est la marque de tout ce qui est véritablement chrétien (Journal). Vends ton bien et l
147 ux pauvres, par exemple, ou si tu ne possèdes pas de bien, cesse d’en désirer la possession, et vis comme un chrétien : au
148 exemple, ou si tu ne possèdes pas de bien, cesse d’ en désirer la possession, et vis comme un chrétien : au jour le jour,
149 , sans assurances et sans préparation, à la grâce de Dieu, dans la confiance et l’inquiétude, — on pourrait dire, dans une
150 l’inquiétude, — on pourrait dire, dans une sorte d’ humour — dans l’aventure de celui que rien ne protège et la prudence d
151 t dire, dans une sorte d’humour — dans l’aventure de celui que rien ne protège et la prudence de celui qui écoute, dans le
152 nture de celui que rien ne protège et la prudence de celui qui écoute, dans le tourment et dans la joie d’une découverte q
153 elui qui écoute, dans le tourment et dans la joie d’ une découverte quotidienne du chemin, — ton chemin, sur lequel tu es s
154 sur lequel tu es seul, parce qu’il est la parole de ta vie, sa mesure et sa vocation, son risque à chaque instant visible
155 Tant que nous considérons le Christ avec des yeux de moralistes, comme une personnalité morale de premier plan qu’il ne re
156 yeux de moralistes, comme une personnalité morale de premier plan qu’il ne resterait plus qu’à imiter, l’acte demeure un p
157 imiter, l’acte demeure un pur possible, un modèle d’ acte, une abstraction, c’est-à-dire quelque chose que nous pouvons ima
158 ant nous transformer, et c’est bien la définition de « l’inactuel ». Se conformer à ce pieux idéal, non seulement ce n’est
159 r, non seulement c’est limiter par avance le rôle de la foi, c’est-à-dire refuser la foi, mais c’est peut-être simplement
160 n’y est pas engagé. Parce que c’est un blasphème de l’homme pieux, du moraliste, que de prétendre imiter le modèle que se
161 un blasphème de l’homme pieux, du moraliste, que de prétendre imiter le modèle que ses yeux voient et que sa chair perçoi
162 ) au lieu d’écouter l’ordre, au lieu de croire et de faire un pas dans la nuit, sur ce « chemin » qui est le Christ présen
163 s par la grâce. L’imitation suivra comme un fruit de la reconnaissance… Tout commence par la joie d’être aimé — et ensuite
164 t de la reconnaissance… Tout commence par la joie d’ être aimé — et ensuite vient l’effort de plaire, constamment exalté pa
165 r la joie d’être aimé — et ensuite vient l’effort de plaire, constamment exalté par la certitude que l’on est aimé mainten
166 ien du Christ, du « chemin », en dehors de l’acte de foi qui, supprimant toute distance historique, nous rend contemporain
167 oute distance historique, nous rend contemporains de Son incarnation. Ainsi l’acte de foi détruit le temps où il a lieu ma
168 nd contemporains de Son incarnation. Ainsi l’acte de foi détruit le temps où il a lieu mais comme la plénitude détruit le
169 détruit le relatif. Il est ce contact impensable de l’éternité avec notre durée, et l’on n’en peut n’en dire sinon qu’il
170 Dieu peut tout à tout instant. C’est là la santé de la foi »10. Si nous vivions dans l’obéissance et dans la foi, il n’y
171 ’y aurait ni passé ni futur, mais le Jour éternel de la présence à Dieu et à soi-même régnerait sur le monde et l’unité du
172 a foi, l’histoire s’arrêterait comme l’Aspiration d’ un homme saisi par la beauté, et le temps immobile s’abîmerait dans l’
173 s qui viennent ; c’est pourquoi nous n’avons plus d’ être que par la foi, « substance des choses espérées », et c’est pourq
174 i nous, n’est que promesse et vigilante prophétie de l’invisible. De Séir, une voix crie au prophète11 : « Sentinelle, que
175 e promesse et vigilante prophétie de l’invisible. De Séir, une voix crie au prophète11 : « Sentinelle, que dis-tu de la nu
176 oix crie au prophète11 : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — La sentinelle a répon
177 e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — La sentinelle a répondu : Le matin vient, et la nuit auss
178 e est durée, et c’est la forme du péché, du refus de l’instant éternel12, — le temps, la succession et le désir. C’est le
179 temps, la succession et le désir. C’est le retard de l’acte et le retrait de Dieu, c’est le doute qui s’interpose entre le
180 le désir. C’est le retard de l’acte et le retrait de Dieu, c’est le doute qui s’interpose entre le savoir et le faire, et
181 entre le savoir et le faire, et c’est la lâcheté de l’homme qui se repose sur ses œuvres et qui les juge : son alliance a
182 s et qui les juge : son alliance avec le serpent. De quelles étranges et secrètes façons le temps est lié au péché, le péc
183 au péché, le pécheur seul le sait, dans l’instant de la foi, où par grâce il peut rompre ce lien. « Si vous voulez interro
184 st : « Convertissez-vous ! » À la lumière jaillie de l’acte de la foi, le mystère du temps se dévoile ; mais un temps nouv
185 vertissez-vous ! » À la lumière jaillie de l’acte de la foi, le mystère du temps se dévoile ; mais un temps nouveau prend
186 pardonné vit dans le temps comme à contre-courant de sa durée, vit d’acte en acte. Et son temps n’est plus son péché, mais
187 le temps comme à contre-courant de sa durée, vit d’ acte en acte. Et son temps n’est plus son péché, mais on pourrait dire
188 monde, mais il est ce qui la transforme. Vertige de la « vie chrétienne », cette histoire de Dieu dans le temps, cette hi
189 Vertige de la « vie chrétienne », cette histoire de Dieu dans le temps, cette histoire de l’éternité ! « Il suffit d’un c
190 te histoire de Dieu dans le temps, cette histoire de l’éternité ! « Il suffit d’un courage purement humain pour renoncer l
191 temps, cette histoire de l’éternité ! « Il suffit d’ un courage purement humain pour renoncer le temps afin de gagner l’éte
192 gner l’éternité : car je la gagne et ne puis plus de toute éternité la renoncer ; et c’est le paradoxe ; mais il faut un c
193 en vertu de l’absurde 13. Et ce courage est celui de la foi. Par la foi Abraham ne perdit point Isaac ; c’est par la foi d
194 la foi d’abord qu’il le reçut »14. 5. Le temps de l’acte est renaissance, initiation Les deux moments réels d’une vi
195 renaissance, initiation Les deux moments réels d’ une vie d’homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la nais
196 e, initiation Les deux moments réels d’une vie d’ homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la naissance et l
197 naissance et la mort, parce qu’ils sont des actes de Dieu. Entre la naissance et la mort — ou plutôt puisque l’acte est à
198 t — ou plutôt puisque l’acte est à contre-courant de la durée : entre la mort et la naissance — toute la réalité de l’homm
199 entre la mort et la naissance — toute la réalité de l’homme est dans son acte. Tout acte est Passage et tension, — passag
200 acte. Tout acte est Passage et tension, — passage de la mort à la vie, tension entre ce qui résiste et ce qui crée, victoi
201 ion entre ce qui résiste et ce qui crée, victoire de la Parole sur la chair, autorité de la personne sur l’anarchie et sur
202 rée, victoire de la Parole sur la chair, autorité de la personne sur l’anarchie et sur la loi individuelle. C’est ici qu’o
203 acte absolu serait création absolue, mais un acte de l’homme n’est jamais qu’une rédemption. Distinction de théologien, et
204 homme n’est jamais qu’une rédemption. Distinction de théologien, et qui veut prévenir l’orgueil. Mais la vision de celui q
205 n, et qui veut prévenir l’orgueil. Mais la vision de celui qui agit n’est point un jugement des résultats, — des créatures
206 onséquence, il est toujours initiation. La vision de celui qui agit est tout entière absorbée par l’instant, par le passag
207 ut entière absorbée par l’instant, par le passage de ce qui meurt à ce qui nait, — par le réel. « Celui qui doit agir, s’i
208 r le réel. « Celui qui doit agir, s’il veut juger de soi selon le succès qu’il remporte, n’arrivera jamais à rien entrepre
209 uccès pouvait réjouir le monde entier, il ne sert de rien au héros ; car le héros n’a connu son succès que lorsque tout ét
210 fut héros, mais par son entreprise »15. Le temps de l’acte vient s’inscrire sur les traits du visage héroïque. Dans cette
211 e. Dans cette chair qui doit vieillir, la tension de la mort et de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’est-ce que la
212 chair qui doit vieillir, la tension de la mort et de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’est-ce que la personne ? C’
213 sion à la parole dont elle procède, et si la face d’ un homme est belle, c’est parce qu’elle est un acte et un destin, une
214 ce qu’elle est un acte et un destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire de
215 n destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire de l’acte, c’est le désespoir
216 ffigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire de l’acte, c’est le désespoir Nous savons tous cela, comme nous savon
217 roire. À vrai dire, nous avons toutes les raisons d’ en douter, s’il est vrai que le doute est révolte, et qu’il faut pour
218 , et qu’il faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte de la foi. Lorsque Kierkegaard écrivit son traité de la Maladi
219 faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte de la foi. Lorsque Kierkegaard écrivit son traité de la Maladie mortelle
220 de la foi. Lorsque Kierkegaard écrivit son traité de la Maladie mortelle 16, il venait justement de dépasser cette illusio
221 té de la Maladie mortelle 16, il venait justement de dépasser cette illusion du désespoir, qui consiste à s’imaginer que l
222 ui consiste à s’imaginer que l’acte est puissance de l’homme : d’où l’impossibilité de l’oser. Celui que la foi vint saisi
223 s’imaginer que l’acte est puissance de l’homme : d’ où l’impossibilité de l’oser. Celui que la foi vint saisir sait mainte
224 e est puissance de l’homme : d’où l’impossibilité de l’oser. Celui que la foi vint saisir sait maintenant que l’acte est l
225 te est le contraire du désespoir. Mais il le sait d’ une tout autre façon que le désespéré ne l’imagine. Parce que le rappo
226 création irréversible. Et cela tient à la nature de l’acte, — mieux encore : à son origine. Cela tient à l’absolu de la P
227 eux encore : à son origine. Cela tient à l’absolu de la Personne qui l’initie. Le désespéré, le douteur, ou simplement l’h
228 spéré, le douteur, ou simplement l’homme dépourvu de foi, l’homme détendu, vague et fiévreux qui peuple nos cités, l’homme
229 ! — s’imagine que l’acte viendra comme un sursaut de joie, comme une révolte, comme une affirmation désespérée de son orgu
230 mme une révolte, comme une affirmation désespérée de son orgueil, comme la preuve enfin de son moi, — mais il sait bien qu
231 désespérée de son orgueil, comme la preuve enfin de son moi, — mais il sait bien qu’il n’en a pas, ou que son moi est dés
232 t pas une vision dans un visage, mais une manière de loucher vers « les autres », une chaîne qui le lie à la coutume du bo
233 », une chaîne qui le lie à la coutume du bourg ou de la classe. Comment cet homme pourrait-il faire un acte ? Car l’acte e
234 liens, dans sa croyance à la réalité des liens et de la masse, à la réalité des autres dans l’ensemble. Comment cet homme
235 ’acte soit puissance et jouissance, il y a ce moi de désir qui veut que l’acte — l’instant ! — soit durée… Mais l’absolu q
236 n ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une rupture de tout drame humain que nous pussions prévoir, désirer et décrire ; une
237 décrire ; une rupture et une vision. La présence de l’absolu dans la sobriété parfaite et insensible de l’instant, c’est
238 l’absolu dans la sobriété parfaite et insensible de l’instant, c’est l’obéissance à la Parole de Dieu, — la prophétie dan
239 ible de l’instant, c’est l’obéissance à la Parole de Dieu, — la prophétie dans l’immédiat. Que s’est-il donc passé ? Me vo
240 s ne voyons aucun visage ailleurs que dans l’acte d’ aimer. 7. Toute vocation est sans précédent Car elle est prophét
241 Car elle est prophétie justement ! — et c’est de la seule prophétie que relèvent la réalité et le sérieux, le risque e
242 réalité et le sérieux, le risque et la splendeur d’ une vie d’homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise,
243 t le sérieux, le risque et la splendeur d’une vie d’ homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise, uniquemen
244 t bien remarquable : Kierkegaard a très peu parlé de vocation18. C’est qu’il parle sa vocation et ne s’en distingue jamais
245 pendant il est hors de doute qu’il eut conscience de cet aspect particulier de son destin qui qualifie précisément la voca
246 te qu’il eut conscience de cet aspect particulier de son destin qui qualifie précisément la vocation : l’invraisemblable.
247 able. Ses plus amers reproches au « christianisme de la chrétienté », à cette « inconcevable illusion des sens », ne s’adr
248 s pas justement à la « vraisemblance » doctrinale d’ une religion mise à la portée de « la masse », alors que la foi vérita
249 ance » doctrinale d’une religion mise à la portée de « la masse », alors que la foi véritable est celle du solitaire que p
250 lus forte raison l’audace chrétienne, est au-delà de toute vraisemblance, là où précisément l’on renonce à la vraisemblanc
251 que l’acte est initiateur ; parce que la dignité de l’homme est de marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu
252 initiateur ; parce que la dignité de l’homme est de marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu de l’absurde ».
253 ité de l’homme est de marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu de l’absurde ». L’homme ne peut être déterminé
254 qui marche dans la nouveauté ne prend mesure que de ce qu’il transforme. Sa connaissance est acte et vision prophétique.
255 st acte et vision prophétique. La mesure du temps de sa vie réside dans la seule vocation qu’il incarne. Sur le chemin qui
256 r et l’heure, mais il connaît l’instant, s’il vit de Parole. À cause de l’instant éternel, « le héros meurt toujours avant
257 avant qu’il ne meure »21. C’est le secret dernier de l’acte, et le sceau de l’amour chrétien. 3. Apprentissage du chri
258 1. C’est le secret dernier de l’acte, et le sceau de l’amour chrétien. 3. Apprentissage du christianisme. 4. Dans ce
259 rie récemment « découverte » par les psychologues de ce qui « se fait se faisant » est une antilogie chrétienne au premier
260 Chez les hindous, elle n’est encore qu’une forme de l’agitation humaine. Pour le chrétien seul elle signifie une transfor
261 our l’hindou, cette catégorie suppose la primauté d’ un Esprit sans contenu ; pour le chrétien, la primauté d’une personne.
262 prit sans contenu ; pour le chrétien, la primauté d’ une personne. 5. « Ta Parole est une lampe à mes pieds, une lumière s
263 . Die Chimäre, trad. française dans les Éléments de la grandeur humaine (NRF). 7. « Le prophète se lève et tombe avec sa
264 tombe avec sa mission » (Karl Barth). Il n’a pas de biographie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter de faire la ps
265 s de biographie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter de faire la psychologie d’un prophète, ou bien alors elle se r
266 aphie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter de faire la psychologie d’un prophète, ou bien alors elle se réduirait à
267 us ridicule que de tenter de faire la psychologie d’ un prophète, ou bien alors elle se réduirait à la grammaire et à la sy
268 irait à la grammaire et à la syntaxe particulière de son message. 8. Journal. « L’imitation suivra », en allemand, « Die
269 retrouvons cette définition du temps comme refus de l’instant et de l’obéissance immédiate à la Parole. La ressemblance e
270 e définition du temps comme refus de l’instant et de l’obéissance immédiate à la Parole. La ressemblance est seulement for
271 ré par la lâcheté du pécheur, tandis que le temps de Schopenhauer est « l’idéalité » du sujet connaissant, — une chimère s
272 itualiste, une nostalgie. C’est pourquoi le temps de Kierkegaard peut connaître une rédemption par l’acte, quand celui de
273 connaître une rédemption par l’acte, quand celui de Schopenhauer s’évanouit en pure absence. 13. K. entend : en vertu de
274 ce paradoxe impensable, l’Incarnation historique de Dieu. Pas de réponse rationnelle au « Cur Deux Homo ? » de saint Anse
275 impensable, l’Incarnation historique de Dieu. Pas de réponse rationnelle au « Cur Deux Homo ? » de saint Anselme. 14. Cr
276 Pas de réponse rationnelle au « Cur Deux Homo ? » de saint Anselme. 14. Crainte et tremblement. 15. Actes de l’amour.
277 nselme. 14. Crainte et tremblement. 15. Actes de l’amour. 16. Traduction française sous le titre de Traité du désespo
278 l’amour. 16. Traduction française sous le titre de Traité du désespoir. C’est une laïcisation ! Kierkegaard se rapportai
279 C’est une laïcisation ! Kierkegaard se rapportait de la façon la plus précise à Jean XI. 4. 17. Richtet selbst. 18. Ib
280 dans le Journal des années 1846 à 1848, on trouve de nombreuses notations de ce genre : « Grande sera ma responsabilité si
281 es 1846 à 1848, on trouve de nombreuses notations de ce genre : « Grande sera ma responsabilité si je rejette une mission
282 sera ma responsabilité si je rejette une mission de cette sorte » — c’est-à-dire s’il rejette sa mission d’écrivain relig
283 te sorte » — c’est-à-dire s’il rejette sa mission d’ écrivain religieux pour se faire pasteur de campagne, par exemple. C’e
284 ission d’écrivain religieux pour se faire pasteur de campagne, par exemple. C’est, dit-il, que sa consigne est de « tenir
285 , par exemple. C’est, dit-il, que sa consigne est de « tenir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une solu
286 est de « tenir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une solution commode, surtout en regard des souffranc
287 le sujet était : La rencontre la plus importante de votre vie ? M. Clément Vautel qui personnifie de nos jours le Bourgeo
288 de votre vie ? M. Clément Vautel qui personnifie de nos jours le Bourgeois, répondit avec une pertinence géniale : « Je n
289 21. Crainte et tremblement. c. Rougemont Denis de , « Forme et transformation, ou l’acte selon Kierkegaard », Hermès, Br
3 1936, Articles divers (1936-1938). Décadence des lieux communs (décembre 1936)
290 e est plus malade que n’était le latin à l’époque de la Renaissance24. Le latin de Bembo et de Sadolet était encore une rh
291 le latin à l’époque de la Renaissance24. Le latin de Bembo et de Sadolet était encore une rhétorique des lieux communs. Fo
292 ’époque de la Renaissance24. Le latin de Bembo et de Sadolet était encore une rhétorique des lieux communs. Forme vide, fo
293 , forme idolâtrée, c’est-à-dire pure rhétorique — d’ où son déclin — mais forme encore et convention admise par tous les cl
294 uropéens. On ne saurait en dire autant du langage de nos bons écrivains. Car non seulement il est mal entendu par la grand
295 asse des lecteurs ordinaires, disons des lecteurs de journaux, mais encore il s’est divisé en une foule de dialectes ésoté
296 ournaux, mais encore il s’est divisé en une foule de dialectes ésotériques. Non seulement l’écrivain moderne use d’une lan
297 ésotériques. Non seulement l’écrivain moderne use d’ une langue dont le lecteur moyen trouve parfaitement normal de déclare
298 dont le lecteur moyen trouve parfaitement normal de déclarer que « c’est du latin » pour ses oreilles, mais encore il exi
299 » pour ses oreilles, mais encore il existe autant de ces latins-là que de chapelles littéraires, que d’écoles philosophiqu
300 mais encore il existe autant de ces latins-là que de chapelles littéraires, que d’écoles philosophiques, que de théories p
301 e ces latins-là que de chapelles littéraires, que d’ écoles philosophiques, que de théories politiques. Ainsi les mots n’on
302 les littéraires, que d’écoles philosophiques, que de théories politiques. Ainsi les mots n’ont plus le même sens pour les
303 part des débats qui nous occupent, qu’il s’agisse de politique, de religion ou de littérature, nous offrent l’image d’un j
304 s qui nous occupent, qu’il s’agisse de politique, de religion ou de littérature, nous offrent l’image d’un jeu dont les di
305 pent, qu’il s’agisse de politique, de religion ou de littérature, nous offrent l’image d’un jeu dont les différents parten
306 religion ou de littérature, nous offrent l’image d’ un jeu dont les différents partenaires changent la règle à leur fantai
307 s trichent ou font défaut. N’est-ce pas la partie de croquet dans Alice au pays des merveilles ? Les boules étaient des hé
308 on, celui-ci tordait son long cou et la regardait d’ un air d’ahurissement profond. Quand elle l’avait remis en position, c
309 -ci tordait son long cou et la regardait d’un air d’ ahurissement profond. Quand elle l’avait remis en position, c’était le
310 un peu plus loin. Tandis que la Reine, au comble de la fureur, parcourait le terrain en hurlant au hasard son cri de guer
311 arcourait le terrain en hurlant au hasard son cri de guerre : « Qu’on lui coupe la tête ! » — Ainsi nos mots se déforment
312 hacun joue sa partie comme il le peut, sans souci de la règle commune, et la terreur domine cette anarchie, distribuant de
313 ine cette anarchie, distribuant des condamnations d’ autant plus excessives d’ailleurs que personne ne se soucie de les met
314 s excessives d’ailleurs que personne ne se soucie de les mettre à exécution25. « Vous n’avez pas idée, conclut Alice, comb
315 z pas idée, conclut Alice, combien c’est affolant de jouer avec des choses vivantes. » ⁂ Prenons cinq mots parmi les plus
316 les plus fréquents dans le langage et les écrits de notre temps : esprit, révolution, liberté, ordre, patrie. Voilà les i
317 oyens ou hommes d’État. Les uns tiennent le parti de l’esprit et les autres celui de l’ordre, les uns le parti de la révol
318 tiennent le parti de l’esprit et les autres celui de l’ordre, les uns le parti de la révolution, les autres celui de la pa
319 et les autres celui de l’ordre, les uns le parti de la révolution, les autres celui de la patrie… Les uns voudraient la l
320 s uns le parti de la révolution, les autres celui de la patrie… Les uns voudraient la liberté dans l’ordre, ou la révoluti
321 tion, l’ordre à la liberté, ou encore les patries de l’ordre à la patrie de la révolution… Toutes ces combinaisons et ces
322 rté, ou encore les patries de l’ordre à la patrie de la révolution… Toutes ces combinaisons et ces permutations seraient n
323 t définir utilement le parti, si seulement chacun de ces mots avait le même sens pour tout le monde. Ou, parmi plusieurs s
324 luxe des délicats, tantôt les facultés créatrices de l’homme, ou encore une sagesse asiatique, ou une mentalité de classe
325 ou encore une sagesse asiatique, ou une mentalité de classe ou simplement toute la culture et ses produits. Une simple équ
326 rie bourgeoise ; pour l’autre, présence effective de la pensée et de la foi à nos misères, activité concrète et créatrice,
327 pour l’autre, présence effective de la pensée et de la foi à nos misères, activité concrète et créatrice, et garantie con
328 re bout du jeu et j’aurais dû croquer le hérisson de la Reine s’il ne s’était mis à courir juste au moment où j’allais jou
329 le dictionnaire, il nous faut ajouter une dizaine de sens parfois contradictoires, créés par la crise actuelle et très mal
330 volution signifiera selon les cas : émeute, prise de pouvoir légal, désordre et anarchie, établissement d’une dictature mi
331 ouvoir légal, désordre et anarchie, établissement d’ une dictature militaire, plan quinquennal, conversion personnelle, app
332 quinquennal, conversion personnelle, application d’ une série de mesures économiques, trans­mutation de toutes les valeurs
333 , conversion personnelle, application d’une série de mesures économiques, trans­mutation de toutes les valeurs morales, et
334 ’une série de mesures économiques, trans­mutation de toutes les valeurs morales, etc. Et tous ces sens se chevauchent pour
335 ellectuels anarchistes ou libéraux, par la presse d’ opposition, par Staline qui fait taire cette presse au nom de la Révol
336 de la Révolution, par Hitler dénonçant le Diktat de Versailles, par l’Italie partant à la conquête de l’Éthiopie, etc. L’
337 de Versailles, par l’Italie partant à la conquête de l’Éthiopie, etc. L’ordre sera tantôt le statu quo, si absurde soit-il
338 ale et arbitraire, plus rarement la revendication d’ un équilibre vrai, d’une hiérarchie naturelle et féconde. Et quant au
339 us rarement la revendication d’un équilibre vrai, d’ une hiérarchie naturelle et féconde. Et quant au mot patrie, on le voi
340 voit confondu, dans les discours et les articles de journaux, avec état, nation, mystique raciale, peuple et coutumes, ou
341 euple et coutumes, ou terre natale, clocher, etc. D’ où l’embrouillamini de la politique et des partis, et la confusion meu
342 terre natale, clocher, etc. D’où l’embrouillamini de la politique et des partis, et la confusion meurtrière de termes dang
343 litique et des partis, et la confusion meurtrière de termes dangereusement chargés de passion et de préjugés, tels que pat
344 usion meurtrière de termes dangereusement chargés de passion et de préjugés, tels que patriotisme, nationalisme, impériali
345 re de termes dangereusement chargés de passion et de préjugés, tels que patriotisme, nationalisme, impérialisme… ⁂ Tout co
346 créer et aggraver cette crise du sens des mots et de la sémantique vivante. D’une part la somme des échanges écrits ou ver
347 ions formidables. D’autre part, le public capable de goûter une œuvre rigoureuse ou novatrice, et qui pourrait servir de n
348 e rigoureuse ou novatrice, et qui pourrait servir de norme ou de repère, a tout au plus triplé, et c’est sans doute encore
349 ou novatrice, et qui pourrait servir de norme ou de repère, a tout au plus triplé, et c’est sans doute encore trop dire.
350 s doute encore trop dire. Racine avait un millier d’ auditeurs ; Valéry, Claudel, Gide, Péguy n’ont guère eu davantage de l
351 ry, Claudel, Gide, Péguy n’ont guère eu davantage de lecteurs durant la période de leur vie ou paraissaient leurs œuvres c
352 guère eu davantage de lecteurs durant la période de leur vie ou paraissaient leurs œuvres capitales. Et je doute qu’un Me
353 sérieusement compris et discuté par beaucoup plus de personnes que Descartes n’en convainquit de son vivant. Cependant les
354 plus de personnes que Descartes n’en convainquit de son vivant. Cependant les journaux du soir à cinq-cent-mille exemplai
355 e exemplaires et la radio atteignent des millions d’ auditeurs. Dans cette disproportion impressionnante entre l’aire de la
356 cette disproportion impressionnante entre l’aire de la vraie culture créatrice et régulatrice et l’aire des sous-produits
357 ulatrice et l’aire des sous-produits standardisés de la culture de consommation, on aperçoit la raison immédiate de la cri
358 aire des sous-produits standardisés de la culture de consommation, on aperçoit la raison immédiate de la crise actuelle du
359 de consommation, on aperçoit la raison immédiate de la crise actuelle du langage. La presse, la radio, l’éloquence politi
360 ccession démocratique des grandes masses à la vie de l’esprit me paraît tout à fait improbable dans l’état actuel du régim
361 ficit que représente pour la culture, la création de ces grandes zones d’échanges incontrôlés. Ces échanges en effet about
362 pour la culture, la création de ces grandes zones d’ échanges incontrôlés. Ces échanges en effet aboutissent rapidement à d
363 est vague, impropre, sans saveur et sans pouvoir d’ évocation active du vrai. Il habitue des millions de lecteurs au rendu
364 évocation active du vrai. Il habitue des millions de lecteurs au rendu approximatif des faits, des choses, ou des idées. I
365 choses, ou des idées. Il flatte ainsi la paresse de l’esprit, décourage le sens critique, décontenance les expressions le
366 i les mots perdent leur force et leur délicatesse d’ appel. Et les bons écrivains, qui n’ont pas d’autres armes, se voient
367 s, qui n’ont pas d’autres armes, se voient privés de tous moyens d’agir. Leurs coups ne portent plus, ne marquent pas dans
368 s d’autres armes, se voient privés de tous moyens d’ agir. Leurs coups ne portent plus, ne marquent pas dans ce magma incon
369 ire dès lors n’est pour eux que tromper un besoin d’ expression qui n’a plus de mission réelle. C’est un jeu formel et préc
370 x que tromper un besoin d’expression qui n’a plus de mission réelle. C’est un jeu formel et précis, dont ils sont seuls à
371 quis » et par suite inapte à traduire une volonté d’ action bientôt jugée vulgaire. ⁂ La civilisation occidentale aurait-el
372 fins dernières à quoi elle tend ? Quand le peuple d’ Israël oublie sa vocation et se détourne de l’Éternel son Dieu, il per
373 peuple d’Israël oublie sa vocation et se détourne de l’Éternel son Dieu, il perd aussi le sens des noms et bientôt sa lang
374 ux ! » s’écrie le prophète Osée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’être les dociles instruments de la vocation
375 rie le prophète Osée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’être les dociles instruments de la vocation catholique
376 Osée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’ être les dociles instruments de la vocation catholique, pour devenir d
377 ur de Rome cessent d’être les dociles instruments de la vocation catholique, pour devenir de raffinés rhéteurs, ils perden
378 struments de la vocation catholique, pour devenir de raffinés rhéteurs, ils perdent leur autorité et suscitent contre eux
379 s vienne à faiblir et que la mesure commune cesse d’ être effectivement perçue et observée, l’on assiste à la même dégradat
380 ’on assiste à la même dégradation des instruments de la culture : — d’une part les écrivains se mettent à raffiner l’expre
381 rivains se mettent à raffiner l’expression propre de chaque chose séparée, au détriment de l’expression générale, d’autre
382 nérale, d’autre part, la grande masse des usagers de la langue cesse d’exercer aucun contrôle sur son parler, qu’elle ne s
383 t, la grande masse des usagers de la langue cesse d’ exercer aucun contrôle sur son parler, qu’elle ne soumet plus à un but
384 s du peuple, et que la langue vulgaire s’encombre d’ équivoques, de confusions et de malentendus parfois tragiques : l’oubl
385 t que la langue vulgaire s’encombre d’équivoques, de confusions et de malentendus parfois tragiques : l’oubli des fins der
386 ulgaire s’encombre d’équivoques, de confusions et de malentendus parfois tragiques : l’oubli des fins dernières entraîne n
387 s fins dernières entraîne nécessairement la ruine de la communauté, par le seul fait qu’il ruine le langage. Cette absenc
388 seul fait qu’il ruine le langage. Cette absence d’ un principe communautaire vivant et puissant dans nos vies, c’est le d
389 vivant et puissant dans nos vies, c’est le drame de la civilisation, de la culture, de la cité modernes. Tous les hommes
390 dans nos vies, c’est le drame de la civilisation, de la culture, de la cité modernes. Tous les hommes de ce temps, s’ils o
391 c’est le drame de la civilisation, de la culture, de la cité modernes. Tous les hommes de ce temps, s’ils ont quelque cons
392 la culture, de la cité modernes. Tous les hommes de ce temps, s’ils ont quelque conscience, souffrent obscurément de leur
393 ils ont quelque conscience, souffrent obscurément de leur séparation. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressé
394 omme fait à un homme, et qui engage quelque chose de son être, c’est l’amitié humaine qui se détruit. ⁂ Telle est l’inquié
395 lle, elle est d’abord cette inquiétude du cœur et de l’esprit qui naît de la mort des amitiés. Plus angoissante encore, el
396 cette inquiétude du cœur et de l’esprit qui naît de la mort des amitiés. Plus angoissante encore, elle règne innommée et
397 crifié, là où elle n’a pas même laissé les traces d’ une coutume ancestrale : dans les villes. Mais ce que l’homme ne fait
398 u’un s’en est aperçu. Quelqu’un a formé le projet de tromper cette faim et cette soif. Au païen ignorant du vrai Dieu, les
399 donnent des idoles faites à l’image des terreurs de l’homme. Dans le culte de ces images, le peuple croit trouver son uni
400 à l’image des terreurs de l’homme. Dans le culte de ces images, le peuple croit trouver son unité, et il y retrouve en ef
401 ité, et il y retrouve en effet le symbole agrandi d’ un désespoir qu’il sent vivre dans tous les cœurs. L’homme d’aujourd’h
402 oir qu’il sent vivre dans tous les cœurs. L’homme d’ aujourd’hui méprise les religions. Il sait ce qu’il faut penser des pr
403 ette génération sans but. On nous en donnera donc de nouveaux fabriqués à notre mesure, — et quelle misérable mesure ! « S
404 le et mécanique qui plie l’individu à des calculs de masses, à des disciplines extérieures, à des ambitions inhumaines. No
405 ts d’ordre. L’on peut penser que c’est une espèce de progrès sur l’âge des clichés bourgeois. Mais si les mots d’ordre son
406 esse matérielle ? Que vaut alors cette communauté de réflexes et d’obsession ? N’est-elle pas une somme de nos défaites in
407  ? Que vaut alors cette communauté de réflexes et d’ obsession ? N’est-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos d
408 éflexes et d’obsession ? N’est-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité, — le contraire absolu
409 N’est-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité, — le contraire absolu de la culture, si la cult
410 s une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’ humanité, — le contraire absolu de la culture, si la culture est juste
411 s, de nos dénis d’humanité, — le contraire absolu de la culture, si la culture est justement la part active que prend l’ho
412 tion dans la nature, dans l’histoire, dans la vie de l’esprit ? 24. Extrait d’un ouvrage intitulé Penser avec les main
413 istoire, dans la vie de l’esprit ? 24. Extrait d’ un ouvrage intitulé Penser avec les mains , à paraître chez Albin Mic
414 hez Albin Michel. 25. Les injures et les marques de mépris hautain dont se gratinent les poètes, les essayistes et les po
415 nes, avec une fureur sans exemple dans l’histoire de la culture, trahissent en somme l’impuissance pratique de notre langu
416 lture, trahissent en somme l’impuissance pratique de notre langue. Si les mots « portaient » réellement, les écrivains ser
417 a Terreur qui règne en permanence dans les revues d’ avant-garde est le signe d’une rupture de contact, d’un impuissant dép
418 anence dans les revues d’avant-garde est le signe d’ une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme
419 s revues d’avant-garde est le signe d’une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée
420 vant-garde est le signe d’une rupture de contact, d’ un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée qui désespèr
421 d’une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’ un profond pessimisme de la pensée qui désespère d’atteindre et de mou
422 t, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée qui désespère d’atteindre et de mouvoir effectivement les h
423 ’un profond pessimisme de la pensée qui désespère d’ atteindre et de mouvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche, de
424 simisme de la pensée qui désespère d’atteindre et de mouvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche, des surréalistes,
425 indre et de mouvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce sont des êtres isolés, qui crien
426 rement à ce qui se passe normalement dans les cas d’ homonymie ou de polysémie. Ainsi l’on ne risque pas de confondre le vo
427 se passe normalement dans les cas d’homonymie ou de polysémie. Ainsi l’on ne risque pas de confondre le vol à la tire et
428 monymie ou de polysémie. Ainsi l’on ne risque pas de confondre le vol à la tire et le vol plané dans la conversation coura
429 ts politiques ou électoraux abondent en confusion de cette espèce et s’en nourrissent. L’opération fameuse qui consiste à
430 nner les casseroles et les haricots est à la base de l’éloquence démagogique. e. Rougemont Denis de, « Décadence des lie
431 de l’éloquence démagogique. e. Rougemont Denis de , « Décadence des lieux communs », Cahiers du Sud, Marseille, décembre
4 1937, Articles divers (1936-1938). Changer la vie ou changer l’homme ? (1937)
432 nisme Opposez les dogmes chrétiens aux axiomes de Marx et d’Engels, les communistes vous répondront, non sans apparence
433 posez les dogmes chrétiens aux axiomes de Marx et d’ Engels, les communistes vous répondront, non sans apparence d’à-propos
434 s communistes vous répondront, non sans apparence d’ à-propos, que l’opération les laisse indifférents : ils sont sur le pl
435 on les laisse indifférents : ils sont sur le plan de l’histoire, non des vérités éternelles. Placez-vous donc sur ce plan
436 aucun doute les plus honnêtes), que la dictature de Staline se rapproche des régimes fascistes. Essayez d’en conclure que
437 aline se rapproche des régimes fascistes. Essayez d’ en conclure que le communisme c’est cela, s’il se confond, comme on no
438 rejeté sur le plan doctrinal. Informez-vous alors de cette fameuse dialectique : vous apprendrez qu’elle fut inventée par
439 z qu’elle fut inventée par Hegel, qui eut le tort de la fonder sur l’Esprit, ce qui était proprement la poser sur la tête 
440 it proprement la poser sur la tête : que le génie de Marx l’a remise sur ses pieds en la fondant sur la matière économique
441 ir au niveau du réel ; que son but primitif était de détruire l’État au profit de l’homme concret, non sans avoir d’abord
442 n but primitif était de détruire l’État au profit de l’homme concret, non sans avoir d’abord renforcé cet État jusqu’à l’e
443 enfin cette dictature disparaîtra nécessairement, d’ elle-même, avec les derniers opposants. Vous pensiez être dans l’histo
444 ous demeurez sceptique : Staline, après vingt ans de pouvoir des Soviets, annonce une constitution qui renforce encore l’é
445 renforce encore l’étatisme, et ne parle même plus de sa suppression future. Au contraire, il fait fusiller ceux qui en par
446 n parlent. On vous répond que c’est une nécessité de la tactique, dûment prévue d’ailleurs par les dialecticiens. Alors, p
447 ’obéissance aveugle à Staline, dépositaire unique de la doctrine. Quitter le plan des vérités éternelles pour entrer dans
448 n des vérités éternelles pour entrer dans le plan de l’histoire, cela signifiait donc, précisément, renoncer à la vérité,
449 r à la vérité, et ne croire plus qu’à la tactique d’ un dictateur, lequel changera la vérité tous les six mois. Mais alors
450 changera la vérité tous les six mois. Mais alors de quoi donc parle-t-on lorsqu’on parle de communisme ? Où le prendre ?
451 ais alors de quoi donc parle-t-on lorsqu’on parle de communisme ? Où le prendre ? En quoi peut résider l’identité d’une do
452 ? Où le prendre ? En quoi peut résider l’identité d’ une doctrine qui prétend justifier théoriquement, à quelques années d’
453 rétend justifier théoriquement, à quelques années d’ intervalle, la démocratie des Soviets, puis la dictature de Staline ;
454 lle, la démocratie des Soviets, puis la dictature de Staline ; le pacifisme à tout prix des débuts et l’impérialisme actue
455 e contre l’État, et en même temps, le capitalisme d’ État de Lénine ; l’expropriation des patrons en 1918, puis la restaura
456 riation des patrons en 1918, puis la restauration de la propriété privée en 1933 ; la suppression de l’héritage puis son r
457 n de la propriété privée en 1933 ; la suppression de l’héritage puis son rétablissement ; l’antimilitarisme et la création
458 t ; l’antimilitarisme et la création enthousiaste d’ une armée abondamment pourvue de maréchaux ; l’égalité sociale absolue
459 tion enthousiaste d’une armée abondamment pourvue de maréchaux ; l’égalité sociale absolue puis la course aux salaires et
460 s la course aux salaires et aux grades ; la ruine de la famille puis sa réfection systématique ; la critique acerbe de la
461 is sa réfection systématique ; la critique acerbe de la SDN puis l’entrée dans cet organisme ? Tout cela peut s’expliquer,
462 gentes, et je n’ai pas à porter, ici, un jugement d’ allure politique. Mais ce qui est grave, c’est de voir tant d’intellec
463 d’allure politique. Mais ce qui est grave, c’est de voir tant d’intellectuels défendre ces manœuvres au nom de la doctrin
464 itique. Mais ce qui est grave, c’est de voir tant d’ intellectuels défendre ces manœuvres au nom de la doctrine, et les jus
465 airement, un simple opportunisme ? Que sert alors de discuter, de confronter ? « Rien ne sera juste à cette balance » (Pas
466 simple opportunisme ? Que sert alors de discuter, de confronter ? « Rien ne sera juste à cette balance » (Pascal). Je m’en
467 uste à cette balance » (Pascal). Je m’en voudrais d’ exploiter l’équivoque. Mais il fallait au moins rappeler son existence
468 dixièmes des adversaires du marxisme — et combien de marxistes eux-mêmes !) Si maintenant j’essaie de saisir l’identité fo
469 de marxistes eux-mêmes !) Si maintenant j’essaie de saisir l’identité foncière et la continuité de l’attitude communiste,
470 ie de saisir l’identité foncière et la continuité de l’attitude communiste, au travers des contradictions violentes de ses
471 mmuniste, au travers des contradictions violentes de ses témoignages successifs, je trouve tout de même, en fin de compte,
472 ompte, une grande volonté invariable : la volonté de changer le monde. Or une telle volonté ne saurait prendre son élan qu
473 ndre son élan que dans le sentiment insupportable d’ un défaut inhérent au monde. Connaître qu’il existe un mal universel,
474 plus tortueux, mettons les détours dialectiques, de l’action du parti communiste41. La « cause » justifie les moyens… Mai
475 te croit que la société présente n’a pas le droit de déterminer le tout de l’homme, et ne le peut pas. Car elle est divisé
476 é présente n’a pas le droit de déterminer le tout de l’homme, et ne le peut pas. Car elle est divisée contre elle-même, et
477 s. Car elle est divisée contre elle-même, et fait de l’homme qui s’abandonne à elle un être antinomique, « divisé », et co
478 être antinomique, « divisé », et comme « aliéné » de ce qu’il y a de plus humain en lui. À la découverte de « cette aliéna
479 qu’il y a de plus humain en lui. À la découverte de « cette aliénation de soi », qui selon Marx serait le fait de toutes
480 ain en lui. À la découverte de « cette aliénation de soi », qui selon Marx serait le fait de toutes les sociétés passées,
481 liénation de soi », qui selon Marx serait le fait de toutes les sociétés passées, y compris le communisme primitif, corres
482 t, dans le diagnostic chrétien, la reconnaissance d’ une corruption fondamentale, qui est le péché originel. Il s’ensuit qu
483 de et se « regagner totalement »43 qu’à la faveur d’ une économie44 radicalement renouvelée. Une réaction semblable — toujo
484 nc le chrétien et le marxiste contre toute espèce de statisme, contre toute spéculation idéaliste, détachée et inactuelle,
485 et contre toute activité qui ne concourrait pas, d’ une façon ou d’une autre, à transformer, à changer quelque chose, — à
486 e activité qui ne concourrait pas, d’une façon ou d’ une autre, à transformer, à changer quelque chose, — à lutter efficace
487 ntre le mal universel. Cette volonté fondamentale de transformation, je la trouve formulée et résumée, de part et d’autre,
488 transformation, je la trouve formulée et résumée, de part et d’autre, par deux propositions parfaitement claires qui, tout
489 ion, je la trouve formulée et résumée, de part et d’ autre, par deux propositions parfaitement claires qui, tout en affirma
490 qui, tout en affirmant avec vigueur la nécessité d’ un « changement », et d’un changement pratique, concret, visible, dive
491 avec vigueur la nécessité d’un « changement », et d’ un changement pratique, concret, visible, divergent cependant, d’une m
492 pratique, concret, visible, divergent cependant, d’ une manière significative, quant aux voies et moyens qu’elles préconis
493 voies et moyens qu’elles préconisent. La 2e thèse de Marx sur Feuerbach affirme : Les philosophes n’ont fait jusqu’ici qu
494 er diversement le monde ; or il s’agit maintenant de le transformer. Et l’apôtre Paul écrit dans sa Lettre aux Romains (1
495 ent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre sens, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, c
496 s, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. Dans les deux cas, il s’a
497 l s’agit du même mot : transformer ; et il s’agit de transformer en tant que l’on est proprement humain (c’est-à-dire en t
498 on fait la révolution, pour Marx). Il s’agit donc d’ action. Il s’agit d’attester soit la foi, par une réalisation des volo
499 n, pour Marx). Il s’agit donc d’action. Il s’agit d’ attester soit la foi, par une réalisation des volontés de Dieu, contra
500 ter soit la foi, par une réalisation des volontés de Dieu, contrariant celles du siècle, — soit la pensée, par une action4
501 re que révolutionnaire. Et cependant l’opposition de Marx et de l’apôtre éclate en ceci : que Paul veut transformer l’homm
502 lutionnaire. Et cependant l’opposition de Marx et de l’apôtre éclate en ceci : que Paul veut transformer l’homme d’abord —
503 d’abord, — et l’homme par lui. C’est sur le fait de cette opposition centrale qu’il importe d’être bien au clair, si l’on
504 e fait de cette opposition centrale qu’il importe d’ être bien au clair, si l’on veut comprendre pourquoi la pratique et le
505 les dérivent d’ailleurs obscurément, mais coupées de leurs liens éternels, abandonnées aux seules lois du Temps. De la
506 ternels, abandonnées aux seules lois du Temps. De la polémique antispiritualiste à la doctrine marxiste On ne répéte
507 répétera jamais assez que la doctrine originelle de Marx est avant tout la mise en forme d’une polémique. Elle est, très
508 riginelle de Marx est avant tout la mise en forme d’ une polémique. Elle est, très consciemment, conditionnée par la situat
509 très consciemment, conditionnée par la situation de l’Europe occidentale vers le milieu du xixe siècle, et par la volont
510 vers le milieu du xixe siècle, et par la volonté de la changer. En particulier, elle n’est « matérialiste », au sens vulg
511 sens vulgaire, que dans la mesure où la mentalité de l’époque peut être qualifiée — et se qualifie elle-même — de spiritua
512 peut être qualifiée — et se qualifie elle-même — de spiritualiste, au sens le plus contestable du terme. Quelle était, du
513 ituation qui se présentait à Marx ? C’était celle de la Restauration. Professeurs et bourgeois libéraux, grands patrons du
514 issant en Angleterre et en Allemagne, théologiens de l’école hégélienne, ou adversaires du christianisme, tous, dans un co
515 fait que le constater. Elle n’empêchait nullement de faire des affaires. Ni d’opprimer les ouvriers. Ni d’appeler justice,
516 e n’empêchait nullement de faire des affaires. Ni d’ opprimer les ouvriers. Ni d’appeler justice, au besoin, ce qui était u
517 aire des affaires. Ni d’opprimer les ouvriers. Ni d’ appeler justice, au besoin, ce qui était utile aux maîtres. La religio
518 s son temps à dénoncer l’erreur qui est à la base d’ une pareille imposture : il la sait trop profondément enracinée dans l
519 est la seule arme dont il disposerait sur le plan de l’« esprit », car il est incroyant. D’ailleurs, ce n’est pas l’« espr
520 ain. Il lui faudra donc recourir à un autre ordre d’ arguments : ceux que l’on dit « matérialistes ». Ce seront d’une part
521 d’autre part la « science » infaillible des lois de l’évolution économique, qu’il formule. Je résume et je simplifie ce p
522 étendent réformer « l’intérieur » se gardent bien de toucher à l’extérieur. Marx dira donc, contre eux, qu’il faut d’abord
523 songe spiritualiste, opposons l’argument frappant d’ un matérialisme polémique : nous l’appellerons matérialisme dialectiqu
524 ref qu’il n’est en somme qu’une tactique. Faisons de nécessité vertu. Proposons-nous de changer les choses et leurs rappor
525 tique. Faisons de nécessité vertu. Proposons-nous de changer les choses et leurs rapports, de changer « le monde », c’est-
526 ons-nous de changer les choses et leurs rapports, de changer « le monde », c’est-à-dire les rapports économiques et sociau
527 angerons l’homme. D’ailleurs, peut-être suffit-il de changer le cadre matériel pour que le contenu se transforme ? N’a-t-o
528 à son jeu polémique. Ce ne fut guère qu’à la fin de sa carrière que son ami Engels en découvrit le danger. « Marx et moi
529 t-il en 1890 — nous sommes peut-être responsables de ce que parfois nos disciples ont insisté plus qu’il ne convenait sur
530 sur les facteurs économiques. Nous étions forcés d’ insister sur leur caractère fondamental, par opposition à nos adversai
531 nous n’eûmes pas toujours le temps ni l’occasion de rendre justice aux autres facteurs. » De la doctrine marxiste à la
532 asion de rendre justice aux autres facteurs. » De la doctrine marxiste à la tactique stalinienne En effet, de ce « m
533 e marxiste à la tactique stalinienne En effet, de ce « mensonge » opportuniste qu’était le matérialisme polémique, prom
534 mique, promu par un glissement inévitable au rang de doctrine du parti, devait sortir la « vérité » tactique du matérialis
535 ire, celui que la presse bourgeoise a si beau jeu d’ attaquer aujourd’hui — encore qu’elle le pratique elle-même sans vergo
536 sans vergogne, tout en le niant pour les besoins de sa cause. Ce matérialisme vulgaire, que Marx avait tout d’abord comba
537 rès lui, un mensonge absolu exactement symétrique de celui des idéalistes : la croyance que si l’on change l’ordre des cho
538 e erreur non moins grave que celle des défenseurs de l’esprit pur : l’erreur qui porte l’homme à croire que la cause de to
539 l’erreur qui porte l’homme à croire que la cause de tous ses malheurs est dans les choses, et non dans lui. (Il n’en fut
540 mes — dont on a fait des résumés — qu’il a raison de croire cela. Bien plus, Marx vient lui démontrer que ceux qui prétend
541 , car l’argent distribué aux masses ne manque pas de créer du bonheur. Pour réussir, il faut une discipline. Pour la maint
542 , aux scrupuleux, libre au camarade Gide lui-même de s’indigner : il faut ce qu’il faut. L’étatisme dictatorial contredit
543 aut. L’étatisme dictatorial contredit la doctrine de Marx ? Qu’importe, puisque le but final est la richesse, mère du bonh
544 ulu le matérialisme vulgaire. Mais les nécessités de la polémique d’une part, — et sa définition de l’homme concret, purem
545 és de la polémique d’une part, — et sa définition de l’homme concret, purement social, d’autre part, l’ont amené à mettre
546 ienne devant le « monde » On parle avec raison de « doctrine » marxiste, d’« idéologie », de « tactique » communistes.
547 On parle avec raison de « doctrine » marxiste, d’ « idéologie », de « tactique » communistes. Mais ce serait introduire
548 raison de « doctrine » marxiste, d’« idéologie », de « tactique » communistes. Mais ce serait introduire une confusion irr
549 serait introduire une confusion irrémédiable que de parler dans le même sens d’une « doctrine » du christianisme. Le chré
550 sion irrémédiable que de parler dans le même sens d’ une « doctrine » du christianisme. Le chrétien, et surtout le protesta
551 s dogmes théologiques puissent figurer la théorie d’ une pratique49. Le christianisme n’est pas un programme ; ni, comme le
552 ; ni une tactique, cela va de soi. Parlons plutôt d’ une attitude. Et d’une attitude totale. (Je dirais bien totalitaire, s
553 cela va de soi. Parlons plutôt d’une attitude. Et d’ une attitude totale. (Je dirais bien totalitaire, si le mot n’avait ét
554 eillement perverti par les caricatures séculières de la révolution chrétienne.) La vie et la pensée chrétiennes, en effet,
555 èrent à chaque instant à ce qui détermine le tout de l’homme : son origine, sa fin, et sa mission présente. Le chrétien sa
556 t de Dieu, le Créateur ; qu’il va vers le Royaume de Dieu, le Réconciliateur ; et qu’il a pour mission actuelle d’obéir à
557 Réconciliateur ; et qu’il a pour mission actuelle d’ obéir à une Parole qui est Jésus-Christ, le Médiateur. Mais cette Paro
558 l méconnaît, ne sont que les reflets énigmatiques de cet événement primordial — ses succédanés temporels, en dérive vers l
559 s qu’à attendre, et à subir en gémissant les lois d’ un monde qu’il condamne ! Car alors, où serait son refus ? Et quelle p
560 serait son refus ? Et quelle preuve aurions-nous de sa transformation ? Une mauvaise humeur résignée ? Une simple réticen
561 leur aveuglement quant au devoir, et au pouvoir, de l’homme transformé par la foi. L’homme nouveau, selon l’Évangile, est
562 veau, selon l’Évangile, est un homme qui a changé de sens. Il est orienté autrement, comme l’indique le mot conversion. Ob
563 se, il reconnaît du même coup l’origine et le but de sa vie : il connaît dès lors son péché, tout ce qui l’écartait de sa
564 onnaît dès lors son péché, tout ce qui l’écartait de sa voie. Mais il se connaît du même coup responsable à l’endroit du m
565 faute. Ainsi : conscience du péché, connaissance de la fin et de l’origine, obligation d’agir pour racheter le mal commis
566  : conscience du péché, connaissance de la fin et de l’origine, obligation d’agir pour racheter le mal commis, sont trois
567 onnaissance de la fin et de l’origine, obligation d’ agir pour racheter le mal commis, sont trois moments indivisibles de l
568 er le mal commis, sont trois moments indivisibles de la « transformation » dont parle Paul. L’un n’est pas concevable, sér
569 sement, sans l’autre. « Toute droite connaissance de Dieu naît de l’obéissance », écrit Calvin. Et que serait une obéissan
570 l’autre. « Toute droite connaissance de Dieu naît de l’obéissance », écrit Calvin. Et que serait une obéissance qui ne se
571 as ? La transformation personnelle, au sens total de l’Évangile, ne peut donc se traduire, si elle s’est faite, que par un
572 t pas converti — mais encore toute transformation de la forme actuelle des choses, qui ne serait pas l’effet d’une convers
573 me actuelle des choses, qui ne serait pas l’effet d’ une conversion des hommes, ne doit être aux yeux du chrétien, qu’une r
574 ’Évangile est formel : « Que servirait à un homme de gagner le monde, s’il perdait son âme ? » Son âme, c’est-à-dire la co
575 t son âme ? » Son âme, c’est-à-dire la conscience de son origine et de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, d
576 âme, c’est-à-dire la conscience de son origine et de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporell
577 science de son origine et de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporelle ! Précisons, car nous
578 origine et de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas
579 sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas de vérités « p
580 e corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas de vérités « purement théologiques » comme le dirait un incroyant. Que s
581 servirait à l’homme, tel que le voit le chrétien, de sauver sa vie matérielle et morale, d’échapper à la guerre, à la misè
582 chrétien, de sauver sa vie matérielle et morale, d’ échapper à la guerre, à la misère, à l’oppression, s’il ignore ou refu
583 les guerres se déchaîner, et les chômeurs mourir de faim ? Ce serait prouver qu’on n’est pas converti. J’agirai donc, tou
584 stes Telle étant donc la conception chrétienne de l’homme, seul responsable du mal qui est dans le monde, on comprendra
585 i apparaisse nécessairement borné. Je me servirai d’ une image. L’enfant qui rate son coup, ou qui se heurte contre un meub
586 », criait l’enfant Rimbaud ! Et les intellectuels de gauche reprennent aujourd’hui cette devise, pour l’opposer au « spiri
587 ti chrétien » eût triomphé, rien ne l’eût empêché de subir le sort fatal des révoltes politiques : il eût revêtu les forme
588 temps plus paisibles l’évangélisation — sa raison d’ être — il se fût consacré aux tâches plus urgentes : donner du pain et
589 nouvelle, absolument nouvelle, venant d’ailleurs, d’ au-delà de ce monde, de leur transformation en Christ, venu au monde.
590 absolument nouvelle, venant d’ailleurs, d’au-delà de ce monde, de leur transformation en Christ, venu au monde. Il n’annon
591 uvelle, venant d’ailleurs, d’au-delà de ce monde, de leur transformation en Christ, venu au monde. Il n’annonçait pas un f
592 ement salutaire, au nom d’une Personne vivante et de son amour éternel. Il annonçait l’homme changé. Trop beau tout cela !
593 ne foi que ma raison refuse, et qu’elle m’ordonne d’ ignorer. Je ne vois pas les effets d’une telle foi dans l’histoire de
594 le m’ordonne d’ignorer. Je ne vois pas les effets d’ une telle foi dans l’histoire de notre Occident52. Si je n’ai pas votr
595 is pas les effets d’une telle foi dans l’histoire de notre Occident52. Si je n’ai pas votre foi, je ne les vois pas. Je vo
596 êchant la résignation. C’est vraiment trop facile de se mettre en règle avec sa mauvaise conscience, en prétextant que l’i
597 nt que l’intérieur importe seul, et que le « pain de vie » suffit à nourrir l’homme ! Peut-être suffit-il à vous nourrir,
598 ovoqué parmi les « exploités » un tel soulèvement d’ espérances, de telles vagues d’adhésions enthousiastes, si aveuglement
599 es « exploités » un tel soulèvement d’espérances, de telles vagues d’adhésions enthousiastes, si aveuglement enthousiastes
600 un tel soulèvement d’espérances, de telles vagues d’ adhésions enthousiastes, si aveuglement enthousiastes, c’est qu’il s’e
601 xistence, tout le malheur dont en vérité le péché de chacun est responsable. L’observation est juste ; elle est insuffisan
602 ’est sa volonté proclamée, concrète et immédiate, de changer tout ; et non pas seulement l’« esprit » ou l’« intérieur ».
603 aine n’a plus été prêchée au monde avec une force d’ attaque assez gênante et bouleversante. C’est que l’« esprit » qui dev
604 s conformismes, ou du moins n’a pas su, par excès de prudence, empêcher que les foules le considèrent comme tel. Les chrét
605 chrétiens sont bien plus responsables des succès de Marx auprès des foules, que le marxisme n’est responsable du déclin d
606 conscience plus fidèle, partant plus douloureuse de ce fait, je crois qu’ils éviteraient d’attaquer le marxisme dans les
607 uloureuse de ce fait, je crois qu’ils éviteraient d’ attaquer le marxisme dans les mêmes termes que la réaction. Mais ceci
608 ntenu, il reste qu’en doctrine, et indépendamment de toutes nos fautes, l’objection marxiste ne vaut rien, alors que l’obj
609 enne est imparable. Quand un marxiste me reproche de me contenter d’un changement tout spirituel, et qui n’affecte en rien
610 le. Quand un marxiste me reproche de me contenter d’ un changement tout spirituel, et qui n’affecte en rien le cours des ch
611 sse à mon hypocrisie, à ma lâcheté, à mon absence de foi, mais non pas du tout à la foi. Car la foi, dit Luther, est ‟une
612 changent. Ce que tu me reproches, c’est, en fait, de n’être pas assez chrétien ! Tu m’incites donc à le devenir davantage,
613 eligion. Ton athéisme devient prédication ! Drôle d’ aventure, pour un dialecticien ! Si tu dis que le chrétien est celui q
614 ntiel du marxisme, je le répète, c’est sa volonté de changer le monde, le monde d’abord, et non pas l’homme d’abord, et le
615 l’excès du matérialisme, non point par la malice de Staline, mais par l’effet des conditions physiques et spirituelles de
616 l’effet des conditions physiques et spirituelles de l’homme en ce qu’elles ont d’irréductibles à toute détermination soci
617 ues et spirituelles de l’homme en ce qu’elles ont d’ irréductibles à toute détermination sociale ou historique imaginable,
618 ir53. Le problème des fins dernières : Royaume de Dieu ou paradis terrestre ? Nous arrivons maintenant, toute équivo
619 le problème se posait avec urgence, aux environs de 1933, de réunir dans un même enthousiasme, « les deux Karl », c’est-à
620 ème se posait avec urgence, aux environs de 1933, de réunir dans un même enthousiasme, « les deux Karl », c’est-à-dire Bar
621 ue proprement théologique se révèle seule capable de marquer les limites existant en fait, et les distinctions décisives.
622 ique du communisme n’est justiciable, en soi, que d’ une critique politique, économique, historique, etc.55 Et je ne vois p
623 nique. Mais ce qui tombe directement sous le coup de la seule critique théologique, ce sont les buts derniers du communism
624 es postulats qu’il suppose. Qu’on me permette ici d’ être un peu schématique pour plus de clarté. Il me paraît que l’opposi
625 permette ici d’être un peu schématique pour plus de clarté. Il me paraît que l’opposition finale entre la croyance marxis
626 prépare un paradis terrestre, le paradis temporel de l’homme ; le christianisme prépare un Royaume éternel, qui sera celui
627 anisme prépare un Royaume éternel, qui sera celui de Dieu, non de la Terre. Tous deux sont eschatologiques, en ce sens qu’
628 e un Royaume éternel, qui sera celui de Dieu, non de la Terre. Tous deux sont eschatologiques, en ce sens qu’ils rapporten
629 à un terme futur et total, accessible au travers d’ une longue tribulation, d’une longue passion temporelle. Et c’est la «
630 , accessible au travers d’une longue tribulation, d’ une longue passion temporelle. Et c’est la « foi », substance des chos
631 , substance des choses espérées, qui permet seule de supporter les maux que l’on endure au nom du but dernier. (Le chrétie
632 te sur son bûcher, le komsomol accepte un salaire de famine s’il faut cela pour sauver l’URSS.) Mais l’eschaton chrétien e
633 ver l’URSS.) Mais l’eschaton chrétien est au-delà de ce temps, est éternel, et par là même peut être immédiatement présent
634 xister hic et nunc. Comment l’opposition radicale de ces deux fins, la temporelle et l’éternelle, va-t-elle maintenant se
635 nt se manifester dans notre siècle ? Le phénomène de la « conversion » le fait bien voir. Un homme qui se convertit au chr
636 au-dedans de lui. Cet homme n’est plus le maître de sa vie. Il est l’agent d’une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui
637 me n’est plus le maître de sa vie. Il est l’agent d’ une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui seul et ici-bas, et qui a
638 elle porte témoignage en faveur du fait accompli d’ une révolution humaine. Le chrétien converti commence donc par la fin
639 ossède déjà l’essentiel, que Marx voyait au terme de l’histoire : la personne. Et alors, il attaque le monde ! Mais un hom
640 est pas accompli, l’histoire n’ayant jamais connu de réalisation de communisme. Ainsi, des deux, c’est le marxiste qui est
641 i, l’histoire n’ayant jamais connu de réalisation de communisme. Ainsi, des deux, c’est le marxiste qui est l’utopiste ; e
642 ée, me montre dès maintenant un peu de la réalité de mes espérances. » Mais l’espérance finale du communisme, c’est la lib
643 pérance finale du communisme, c’est la libération de l’homme. Et moi je lui montre un homme libéré, tandis qu’il ne peut m
644 me montrer que quelques conditions préliminaires d’ une libération toujours future. Je marquerai encore une autre différen
645 ar là même, il se voit contraint à chaque instant de transformer autour de lui ce qui s’oppose à son bien souverain. S’il
646 rain. S’il est chrétien, il sait qu’il est membre d’ un corps qui porte toutes les marques du péché. Il est alors en face d
647 hé. Il est alors en face du monde, et au nom même de sa foi, dans la posture d’un révolutionnaire permanent. Non seulement
648 monde, et au nom même de sa foi, dans la posture d’ un révolutionnaire permanent. Non seulement il se voit contraint de ve
649 ire permanent. Non seulement il se voit contraint de venir en aide à son prochain, mais encore rien ne peut le satisfaire
650 prochain, mais encore rien ne peut le satisfaire de ce qu’il obtient, par cet effort, s’il compare ce mieux-être relatif
651 reçu en Christ. Il possède en lui-même la mesure d’ une perpétuelle transformation, nécessaire dans tous les domaines où s
652 ices présentes, du fait qu’il croit que l’intérêt de l’homme est seul en jeu — et de l’homme tel qu’il le conçoit, être so
653 oit que l’intérêt de l’homme est seul en jeu — et de l’homme tel qu’il le conçoit, être social — se verra fatalement neutr
654 t entre les intérêts sociaux présents et le désir d’ aller au-delà, d’aller jusqu’à l’accomplissement final. Car cet accomp
655 êts sociaux présents et le désir d’aller au-delà, d’ aller jusqu’à l’accomplissement final. Car cet accomplissement, ou plé
656 déviations dites « réformistes » ou « étatistes » de la révolution matérialiste. Pour qu’une telle pesanteur ne gagne pas
657 et en 1917), il faudrait que l’homme soit délivré de son péché, « changé », sorti du plan, précisément, où le marxisme le
658 écisément, où le marxisme le maintient. Moyens d’ action du chrétien et du marxiste Préparer le royaume de l’homme, o
659 du chrétien et du marxiste Préparer le royaume de l’homme, ou témoigner par des actes visibles en faveur du retour d’un
660 oigner par des actes visibles en faveur du retour d’ un Royaume déjà réalisé en Christ, cela suppose identiquement une volo
661 en Christ, cela suppose identiquement une volonté de changer tout ce qui peut l’être ; mais aussi, cela suppose certains m
662 l’être ; mais aussi, cela suppose certains moyens d’ action qui ne sauraient être les mêmes dans les deux cas, si la fin se
663 seule justifie les moyens58. La fin, ou le télos de l’action du chrétien, c’est le royaume de justice et d’amour. Tout ac
664 e télos de l’action du chrétien, c’est le royaume de justice et d’amour. Tout acte qui contredirait, dans le présent, la l
665 ction du chrétien, c’est le royaume de justice et d’ amour. Tout acte qui contredirait, dans le présent, la loi d’amour et
666 ut acte qui contredirait, dans le présent, la loi d’ amour et de justice, même s’il était commis au nom des intérêts de l’É
667 contredirait, dans le présent, la loi d’amour et de justice, même s’il était commis au nom des intérêts de l’Église chrét
668 stice, même s’il était commis au nom des intérêts de l’Église chrétienne, détruirait en fait cette Église en tant qu’elle
669 fait cette Église en tant qu’elle vit dans chacun de ses membres, et non pas dans un ciel abstrait. Car le gage de l’actio
670 es, et non pas dans un ciel abstrait. Car le gage de l’action chrétienne n’est pas futur, mais éternel et donc présent. Si
671 éternel et donc présent. Si, pour sauver le futur de l’Église, je désobéis dans le présent, je perds tout du même coup, pr
672 st et je m’oppose à son retour. Il n’est donc pas d’ « opportunisme » chrétien qui tienne, et tous les moyens du chrétien d
673 est le cas du marxiste. N’ayant pas derrière lui de modèle accompli, ni en lui de Présence souveraine, il se sent libre d
674 nt pas derrière lui de modèle accompli, ni en lui de Présence souveraine, il se sent libre d’appliquer les moyens qu’il ju
675 i en lui de Présence souveraine, il se sent libre d’ appliquer les moyens qu’il juge adéquats aux intérêts momentanés de so
676 oyens qu’il juge adéquats aux intérêts momentanés de son Parti et de sa classe. Ainsi Staline peut justifier en bonne doct
677 adéquats aux intérêts momentanés de son Parti et de sa classe. Ainsi Staline peut justifier en bonne doctrine « dialectiq
678 ialectique » ses négations actuelles du but final de Marx. Il légitime son étatisme totalitaire en arguant que c’est le se
679 me totalitaire en arguant que c’est le seul moyen d’ accéder à un stade économique plus favorable au développement du socia
680 la vraie volonté du marxisme, plutôt qu’un reste d’ humanisme libéral. Le fait est que la grosse majorité des communistes
681 la grosse majorité des communistes suit Staline. D’ où il résulte à l’évidence que pour la grosse majorité des communistes
682 ’oppression, l’hypocrisie suprême nommée « raison d’ État », et jusqu’à la guerre s’il le faut, sont des moyens parfaitemen
683 te » personnelle et actuelle, puisqu’il n’y a pas de salut présent ni éternel, puisque le salut n’est pas pour eux de tout
684 t ni éternel, puisque le salut n’est pas pour eux de toute façon, mais pour les descendants de leurs descendants ? C’est a
685 our eux de toute façon, mais pour les descendants de leurs descendants ? C’est ainsi qu’on a vu Zinoviev, par « fidélité »
686 Imaginez maintenant qu’un vrai chrétien juge bon de s’inscrire au parti communiste ou de militer en sa faveur : l’alterna
687 ien juge bon de s’inscrire au parti communiste ou de militer en sa faveur : l’alternative où il se place est sans issue. C
688 ans issue. Car ou bien il accepte les disciplines d’ action que lui impose son parti, et qui comportent la haine et le mens
689 ais alors pour sauver le monde, il perd sa raison d’ être personnelle, et renie justement cette foi qu’il croyait mieux ser
690 ieux servir dans le communisme ; ou bien il tâche de n’agir qu’en chrétien ; mais alors il devient un opposant, un « trotz
691 a fin dernière du chrétien est présente en chacun de ses actes, ou bien n’est pas ; tandis que la fin dernière du marxiste
692 ’on voit qu’en dépit du langage, la transcendance de la foi chrétienne se manifeste ici et maintenant et engage le tout de
693 se manifeste ici et maintenant et engage le tout de l’homme ; tandis que l’immanence de la croyance marxiste renvoie sans
694 ngage le tout de l’homme ; tandis que l’immanence de la croyance marxiste renvoie sans cesse le fait humain total dans un
695 indéfini, et n’engage que certaines dispositions de l’être, celles-là précisément que l’avenir socialiste, la société san
696 le chrétien sait que le bien naît du parfait. D’ une conséquence politique de la foi Je m’adresserai maintenant aux
697 n naît du parfait. D’une conséquence politique de la foi Je m’adresserai maintenant aux chrétiens déclarés. J’en voi
698 vois beaucoup qui estiment que la transformation de l’homme importe seule, puisqu’elle est, en effet, l’essentiel, et le
699 puisqu’elle est, en effet, l’essentiel, et le but de tout autre changement. J’en vois beaucoup qui jugent que l’action per
700 vois beaucoup qui jugent que l’action personnelle de charité et de sacrifice, pour le mieux-être du prochain, suffit à com
701 qui jugent que l’action personnelle de charité et de sacrifice, pour le mieux-être du prochain, suffit à compléter, si je
702 des risques financiers, et même parfois l’abandon de tous biens et d’intérêts humains très chers. Mais je demande à ces ch
703 ciers, et même parfois l’abandon de tous biens et d’ intérêts humains très chers. Mais je demande à ces chrétiens « changés
704 isme le plus « activiste ». Pourquoi refusent-ils de s’occuper de politique ? Comment se fait-il qu’un grand nombre d’entr
705 « activiste ». Pourquoi refusent-ils de s’occuper de politique ? Comment se fait-il qu’un grand nombre d’entre eux s’en dé
706 nt : « On ne peut pas tout faire ! Quand beaucoup d’ hommes seront changés, beaucoup de problèmes se poseront autrement… »
707 ations toutes théoriques : elle doit nous avertir de corriger sans trêve la déviation spiritualiste qui menace notre vie c
708 ue leur foi doit se manifester sur tous les plans de l’activité humaine, y compris le plan politique, ils ne répondront pa
709 olitique chrétienne, déduite une fois pour toutes de la théologie. Mais je crois que le christianisme, aussitôt qu’il se m
710 intime, à la création d’autres formes. Il importe de savoir lesquelles, et de les préparer consciemment. Sinon nous laisse
711 utres formes. Il importe de savoir lesquelles, et de les préparer consciemment. Sinon nous laisserons le champ libre à tou
712 ntes. Il se pose là, me semble-t-il, une question de solidarité, qui est une forme de la charité. Parfois aussi le devoir
713 il, une question de solidarité, qui est une forme de la charité. Parfois aussi le devoir chrétien peut apparaître plus his
714 fasciste ou soviétique : c’est la « mise au pas » de nos vies et de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que maté
715 iétique : c’est la « mise au pas » de nos vies et de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que matériels, au servi
716  mise au pas » de nos vies et de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que matériels, au service de l’État déifié.
717 s vies, tant spirituels que matériels, au service de l’État déifié. Cette situation n’est pas sans rappeler celle de l’Emp
718 ié. Cette situation n’est pas sans rappeler celle de l’Empire romain au premier âge du christianisme, telle que nous l’évo
719 p bien organisées). On parle, à tort ou à raison, d’ États chrétiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes
720 parle, à tort ou à raison, d’États chrétiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes. Tout cela se trouve
721 rt ou à raison, d’États chrétiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes. Tout cela se trouve mis au défi
722 son, d’États chrétiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes. Tout cela se trouve mis au défi par l’exige
723 xigence totalitaire, comme le prouve le spectacle de l’Allemagne. L’État nouveau veut qu’on l’adore, sinon déjà dans des f
724 sent aux commandements du Décalogue, et au devoir d’ amour chrétien. Le conflit est inévitable. Suffira-t-il dès lors de se
725 Le conflit est inévitable. Suffira-t-il dès lors de se laisser persécuter ? N’avons-nous rien à faire qu’à subir le marty
726 Ou qu’à revêtir vis-à-vis de l’État une attitude d’ objecteurs de conscience ? N’avons-nous rien que nous-mêmes à sauver,
727 tir vis-à-vis de l’État une attitude d’objecteurs de conscience ? N’avons-nous rien que nous-mêmes à sauver, alors que nos
728 précise : un calviniste, doit être ici en mesure de répondre. De toutes les églises chrétiennes, l’église calviniste est
729 calviniste, doit être ici en mesure de répondre. De toutes les églises chrétiennes, l’église calviniste est en effet la p
730 elle qu’en passant les dragonnades et les guerres de religion qui les précèdent : on sait assez que ce fut la lutte d’une
731 les précèdent : on sait assez que ce fut la lutte d’ une royauté déjà « totalitaire » contre des groupes, loyalistes il est
732 certaine mise au pas. Il serait peut-être abusif de déduire d’une situation déterminée par la persécution brutale, que le
733 ise au pas. Il serait peut-être abusif de déduire d’ une situation déterminée par la persécution brutale, que les églises c
734 Mais si nous remontons plus haut, jusqu’au règne de François Ier, c’est-à-dire jusqu’à une époque où la passion totalitai
735 nsciemment fédérative61. Or il ne s’agit plus ici de contingences historiques. C’est le fond même de la doctrine calvinist
736 i de contingences historiques. C’est le fond même de la doctrine calviniste qui s’exprime par cette structure. L’importanc
737 ure. L’importance attachée par Calvin à la notion de vocation personnelle suffit à expliquer ce processus. À une éthique c
738 spond nécessairement une organisation fédéraliste de l’Église, et même de l’État. Calvin n’a pas fondé, comme le répètent
739 une organisation fédéraliste de l’Église, et même de l’État. Calvin n’a pas fondé, comme le répètent tous les manuels, une
740 , une société théocratique, mais bien une société de type fédératif, respectant les diversités, voulues par Dieu, dans l’u
741 par Dieu, dans l’unité spirituelle. Et les suites de cette création sont encore visibles aujourd’hui : nulle part l’esprit
742 nulle part l’esprit totalitaire n’a trouvé moins de complicité et plus de résistance déclarée que dans les pays calvinist
743 otalitaire n’a trouvé moins de complicité et plus de résistance déclarée que dans les pays calvinistes, où la notion de l’
744 larée que dans les pays calvinistes, où la notion de l’autonomie des groupes reste vivace (Angleterre, Écosse, Suisse, Hol
745 gne, la lutte des églises contre l’emprise morale de l’État fut menée, on le sait, par Karl Barth : c’est-à-dire par un ca
746 viniste… Je ne voudrais pas restreindre la portée de ce fait en l’opposant, comme il serait facile, à l’esprit unitaire et
747 l’esprit unitaire et impérial qui anime l’Église de Rome. Le grand souci d’œcuménisme, que nous voyons gagner toutes les
748 périal qui anime l’Église de Rome. Le grand souci d’ œcuménisme, que nous voyons gagner toutes les églises, est une promess
749 s, est une promesse à laquelle nous devons croire de toute la force de notre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu
750 e à laquelle nous devons croire de toute la force de notre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu’une conclusion qu
751 ute la force de notre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu’une conclusion que je crois valable pour tout chrétien
752 ue église qu’il appartienne. Nous avons tous reçu de Dieu un appel strictement personnel, un « charisme » dont nous sommes
753 les. Nous ne pouvons donc pas approuver une forme d’ État qui, par définition, contredit toute diversité, toute autonomie s
754 mie spirituelle au sein de la communauté. Il y va de notre tout, personnel, mais aussi de la valeur de la communauté pour
755 uté. Il y va de notre tout, personnel, mais aussi de la valeur de la communauté pour tous les hommes qui la composent. Ne
756 de notre tout, personnel, mais aussi de la valeur de la communauté pour tous les hommes qui la composent. Ne fût-ce que po
757 Elle entraîne beaucoup de braves gens au service d’ une cause présentée comme une valeur de pères de famille. C’est en vér
758 au service d’une cause présentée comme une valeur de pères de famille. C’est en vérité la croisade du matérialisme hypocri
759 e d’une cause présentée comme une valeur de pères de famille. C’est en vérité la croisade du matérialisme hypocrite contre
760 mes contre leur frère, le stalinisme : une guerre de religions qui ne sont pas les nôtres. Je prends ici parti contre une
761 uniste. On nous donne à choisir entre deux sortes de matérialisme. Mais le communisme, au moins, voulait changer le monde…
762 anger le monde… Contre les arguments démagogiques de nos croisés, je répète, après Berdiaev, après Gide : la « vérité » du
763 après Gide : la « vérité » du communisme résulte de la trahison du christianisme par la chrétienté. Toutes les aspiration
764 ns valables et généreuses du marxisme sont autant d’ essais de sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformées, ou « mi
765 es et généreuses du marxisme sont autant d’essais de sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformées, ou « mises sous
766 ses du marxisme sont autant d’essais de sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformées, ou « mises sous le boisseau p
767 boisseau par les chrétiens ». Cela est vrai même de l’aspiration totalitaire, qui est monstrueuse dans ses formes actuell
768 ais qui traduit encore, obscurément, l’aspiration d’ un Occident jadis chrétien, vers une économie sauvée : le Royaume où D
769 ses chrétiennes ont à souffrir demain par le fait d’ un État tyrannique, il faut qu’elles sachent qu’elles en sont responsa
770 i nos libertés civiques sont brimées, par le fait d’ une doctrine et d’un État « matérialistes », il faut savoir que nous e
771 iques sont brimées, par le fait d’une doctrine et d’ un État « matérialistes », il faut savoir que nous en sommes les respo
772 e. Tout le mal vient de notre esprit. C’est à lui de faire pénitence, car c’était lui qui devait témoigner de sa primauté
773 e pénitence, car c’était lui qui devait témoigner de sa primauté salutaire. Mais il faut aussi repartir. La tragédie de Ma
774 lutaire. Mais il faut aussi repartir. La tragédie de Marx et du marxisme, c’est de n’avoir pas su, ou pas pu opposer au me
775 partir. La tragédie de Marx et du marxisme, c’est de n’avoir pas su, ou pas pu opposer au mensonge spiritualiste, la vérit
776 ns pas à nous dresser contre la « vérité » déviée de Marx, contre une vérité orpheline, coupée des liens vivants qui l’att
777  ! », disait l’Apôtre. Malheur à moi si je refuse de réaliser l’Évangile dans tous les domaines de la vie. La seule lutte
778 use de réaliser l’Évangile dans tous les domaines de la vie. La seule lutte efficace contre le matérialisme, c’est la lutt
779 ui supprimera la réalité présente. Les conditions de ce mouvement sont données par cette situation » (Marx, Deutsche Ideol
780 » (Rom., 12, 5). D’autre part, Marx n’a pas cessé de critiquer l’« individu isolé et abstrait » (Thèses sur Feuerbach). 4
781 ait » (Thèses sur Feuerbach). 43. Marx, Critique de la philosophie hégélienne du droit. 44. Au sens le plus large du ter
782 t désigner aussi bien la « société sans classes » de Marx, que le « Royaume de Dieu » chrétien. 45. « Dans la pratique, l
783  société sans classes » de Marx, que le « Royaume de Dieu » chrétien. 45. « Dans la pratique, l’homme doit prouver la vér
784  Dans la pratique, l’homme doit prouver la vérité de sa pensée, c’est-à-dire sa réalité et sa puissance concrète. Réalité
785 réalité et sa puissance concrète. Réalité ou non de la pensée humaine isolée du domaine pratique, c’est querelle de pure
786 umaine isolée du domaine pratique, c’est querelle de pure scolastique » (Marx, 2e thèse sur Feuerbach). De même pour le ch
787 s dit autre chose, contrairement aux affirmations de polémistes ignorants, ou qui jouent sur les deux sens du mot œuvres (
788 et action concrète). 46. Je parle, bien entendu, de la religion telle que Marx la voyait, telle qu’elle lui apparaissait
789 que a vu le grand réveil piétiste. 47. « L’armée de la critique ne peut évidemment remplacer la critique des armes » (Mar
790 remplacer la critique des armes » (Marx, Critique de le philosophie hégélienne). Il faut en user, certes, mais elle ne suf
791 e ne serait pas « dialectique ». « La coïncidence de la modification des circonstances et de la modification de l’activité
792 ïncidence de la modification des circonstances et de la modification de l’activité humaine, ou transformation personnelle,
793 ification des circonstances et de la modification de l’activité humaine, ou transformation personnelle, ne peut être ratio
794 me ! Mais combien oubliée par le communiste moyen de nos jours ! 49. Selon Karl Barth, par exemple, la dogmatique n’est q
795 ise s’adresse à elle-même, et qui a pour fonction de corriger sans cesse, de rectifier le message annoncé par la prédicati
796 e, et qui a pour fonction de corriger sans cesse, de rectifier le message annoncé par la prédication et par les sacrements
797 prédication et par les sacrements. C’est un acte d’ obéissance, et c’est aussi un acte d’humilité ; car toute parole humai
798 ’est un acte d’obéissance, et c’est aussi un acte d’ humilité ; car toute parole humaine sur Dieu est nécessairement inadéq
799 t ainsi qu’une mesure critique que l’Église prend de son message sous le rapport de sa fidélité à son fondement, à son con
800 un programme théorique qu’il s’agirait maintenant d’ appliquer. En bref, la doctrine chrétienne, si l’on veut établir un pa
801 s doute dangereux — ce serait la Personne vivante de Jésus-Christ, et non pas la théologie, simple autocritique de l’Églis
802 ist, et non pas la théologie, simple autocritique de l’Église et du message que l’on prêche dans l’Église. 50. « S’attend
803 c les mêmes inconvénients. Certes il y a des lois de l’histoire en ce sens qu’on retrouve les mêmes mécanismes partout où
804 Mühlestein, rétorquait : « Toutes les révolutions de l’histoire de l’Occident, sont sorties de la religion chrétienne. Tou
805 torquait : « Toutes les révolutions de l’histoire de l’Occident, sont sorties de la religion chrétienne. Toute autre cause
806 lutions de l’histoire de l’Occident, sont sorties de la religion chrétienne. Toute autre cause est secondaire. » Et Henri
807 t Henri de Man : « Je crois qu’il n’y a jamais eu de tentative révolutionnaire qui n’ait été d’origine chrétienne. S’il n’
808 ais eu de tentative révolutionnaire qui n’ait été d’ origine chrétienne. S’il n’y a pas de socialisme en Asie, cela tient à
809 ui n’ait été d’origine chrétienne. S’il n’y a pas de socialisme en Asie, cela tient à l’absence du christianisme. » Je not
810 christianisme. » Je note ici, à l’appui des dires de de Man, que le mouvement syndicaliste au Japon a été fondé par un chr
811 ions physiques et spirituelles en ce qu’elles ont de permanent », car alors, le marxiste me ferait observer que des facteu
812 ferait observer que des facteurs très essentiels de l’être même peuvent varier selon les milieux et la nature des institu
813 tutions. (Ainsi le besoin prétendu « primordial » de propriété, peut très bien être anéanti chez l’homme par un régime com
814 me communiste.) Que reste-t-il dans l’être humain d’ absolument irréductible à toute transformation sociale ? La mort physi
815 é. Mais aussi : la qualité, la fonction créatrice de l’esprit. En somme, tout l’essentiel ! — Je dis que toute doctrine qu
816 Je dis que toute doctrine qui ne tient pas compte d’ une de ces conditions conduit nécessairement soit à l’idéalisme, soit
817 que toute doctrine qui ne tient pas compte d’une de ces conditions conduit nécessairement soit à l’idéalisme, soit à son
818 Le stalinisme totalitaire résulte nécessairement d’ une conception de l’homme purement social, qui néglige la fonction spi
819 talitaire résulte nécessairement d’une conception de l’homme purement social, qui néglige la fonction spirituelle (créatri
820 arisation du christianisme résulte nécessairement de l’Évangile ! 54. Déclaration d’un étudiant chinois au congrès mondia
821 e nécessairement de l’Évangile ! 54. Déclaration d’ un étudiant chinois au congrès mondial de la Fédération des étudiants
822 laration d’un étudiant chinois au congrès mondial de la Fédération des étudiants chrétiens. (Cf. Student World, automne 19
823 erner Sombart, un de Man, et en France, le groupe de l’Ordre nouveau. (Cf. en particulier la Révolution nécessaire, par Ar
824 n nécessaire, par Aron et Dandieu, et sa critique de la notion d’échange chez Marx.) 56. « Les pharisiens lui ayant deman
825 par Aron et Dandieu, et sa critique de la notion d’ échange chez Marx.) 56. « Les pharisiens lui ayant demandé quand vien
826 iens lui ayant demandé quand viendrait le Royaume de Dieu, Jésus leur répondit : Le Royaume de Dieu ne vient pas de manièr
827 Royaume de Dieu, Jésus leur répondit : Le Royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards et l’on ne dira pa
828 i, ou bien : il est là ! Car voici que le Royaume de Dieu est au-dedans de vous ! » (Luc, 17, 20-25.) 57. Je parle ici, l
829 7, 20-25.) 57. Je parle ici, l’on m’entend bien, de ce que doit être un chrétien conséquent. Il est trop clair que nous r
830 isons viennent de ceci : que nous n’acceptons pas de tout soumettre aux volontés de Dieu. Nous réservons certaines activit
831 us n’acceptons pas de tout soumettre aux volontés de Dieu. Nous réservons certaines activités, celles-là précisément dont
832 , et ceux des autres ! Exemple typique : l’auteur d’ un des cantiques les plus pieux du recueil anglais, sir John Browning,
833 sous la menace des canons, à s’ouvrir au commerce de l’opium. Un tel fait donne raison en apparence à la critique marxiste
834 en soi contraires à la justice, — ou à l’essence de la fin souhaitée. 59. Je ne cède pas ici à l’imagerie polémique des
835 istes représentent chez nous, en général, l’élite de leur classe. Je ne les traite pas de menteurs, d’hypocrites, etc. Mai
836 ral, l’élite de leur classe. Je ne les traite pas de menteurs, d’hypocrites, etc. Mais je dis qu’en tant qu’ils approuvent
837 de leur classe. Je ne les traite pas de menteurs, d’ hypocrites, etc. Mais je dis qu’en tant qu’ils approuvent la politique
838 je dis qu’en tant qu’ils approuvent la politique de Staline et ses moyens, connus de tous, ils approuvent le mensonge (af
839 ent la politique de Staline et ses moyens, connus de tous, ils approuvent le mensonge (affaire Zinoviev), l’hypocrisie (en
840 déportation des paysans, des écrivains), la haine de classe (prêchée par Marx) et la guerre (pour peu qu’elle soit censée
841 r ici un jugement quelconque sur les groupes dits d’ Oxford. Je ne les cite qu’au seul titre d’exemple topique. 61. Le réd
842 es dits d’Oxford. Je ne les cite qu’au seul titre d’ exemple topique. 61. Le rédacteur de cette « discipline » paraît avoi
843 u seul titre d’exemple topique. 61. Le rédacteur de cette « discipline » paraît avoir été le pasteur Antoine de Chandieu,
844 oine de Chandieu, mais l’intervention personnelle de Calvin dans l’élaboration du document ne fait pas de doute. « C’est,
845 Calvin dans l’élaboration du document ne fait pas de doute. « C’est, dit F. de Schickler, une constitution très serrée en
846 ratique, fédérative et parlementaire. » À la base de tout, il y a l’église locale, ou paroisse. Ces églises se fédèrent pa
847 e. Ces églises se fédèrent par région. L’instance d’ appel est « la cour suprême du synode national ». (John Viénot, Histoi
848 rême du synode national ». (John Viénot, Histoire de la Réforme française, I, p. 271.) 62. C’est-à-dire : fondée sur la n
849 p. 271.) 62. C’est-à-dire : fondée sur la notion de vocation. 63. L’URSS est le seul État totalement totalitaire, disait
850 isait récemment Victor Serge, écrivain communiste d’ opposition, au retour de sa déportation en Sibérie. u. Rougemont Den
851 erge, écrivain communiste d’opposition, au retour de sa déportation en Sibérie. u. Rougemont Denis de, « Changer la vie
852 e sa déportation en Sibérie. u. Rougemont Denis de , « Changer la vie ou changer l’homme ? », Le Communisme et les chréti
5 1937, Articles divers (1936-1938). Vocation et destin d’Israël (1937)
853 Vocation et destin d’ Israël (1937)v Sens de « l’histoire » d’Israël Un prophète, a
854 Vocation et destin d’Israël (1937)v Sens de « l’histoire » d’Israël Un prophète, a écrit Karl Barth, est un ho
855 stin d’Israël (1937)v Sens de « l’histoire » d’ Israël Un prophète, a écrit Karl Barth, est un homme sans biographi
856 e avec sa mission. » Nous ne savons rien du reste de sa vie, et n’avons nul besoin d’en rien connaître pour reconnaître la
857 ns rien du reste de sa vie, et n’avons nul besoin d’ en rien connaître pour reconnaître la portée de son message puisque c’
858 in d’en rien connaître pour reconnaître la portée de son message puisque c’est le message de Dieu. Jérémie n’eût été qu’un
859 la portée de son message puisque c’est le message de Dieu. Jérémie n’eût été qu’un berger bègue si l’Éternel n’avait parlé
860 ternel n’avait parlé par lui. Voici qui est digne de remarque : le seul détail précis que rapporte la Bible à son sujet, c
861 cette difficulté à s’exprimer. Non seulement rien d’ historiquement notable ne le prédestinait à jouer le rôle d’un grand p
862 uement notable ne le prédestinait à jouer le rôle d’ un grand prophète, — les psychologues s’y épuiseront — mais encore il
863 raît le plus décisif, à vues humaines, s’agissant d’ un homme appelé au ministère de la Parole. Ce qui est vrai du prophète
864 maines, s’agissant d’un homme appelé au ministère de la Parole. Ce qui est vrai du prophète l’est aussi de son peuple, — p
865 a Parole. Ce qui est vrai du prophète l’est aussi de son peuple, — peuple entre tous prophétique. Ce qui est vrai de la bi
866 — peuple entre tous prophétique. Ce qui est vrai de la biographie d’un homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai d
867 ous prophétique. Ce qui est vrai de la biographie d’ un homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai de l’histoire prof
868 homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai de l’histoire profane des Juifs, porteurs eux aussi d’une mission que ri
869 l’histoire profane des Juifs, porteurs eux aussi d’ une mission que rien en eux ne semblait préparer. On peut le dire sans
870 peut le dire sans paradoxe : Israël n’eût pas eu d’ histoire sans la promesse que Dieu fit à Abraham. Cette tribu « se lèv
871 ou matérialiste-dialectique, se donne pour tâche de reconstituer l’évolution immanente d’un peuple, telle qu’on peut vrai
872 pour tâche de reconstituer l’évolution immanente d’ un peuple, telle qu’on peut vraisemblablement la styliser et la chiffr
873 ïvement positiviste. Que nous apprend une science de cet ordre sur le destin auquel étaient promises les infimes tribus no
874 nation juive ? Une similitude facile nous permet de l’imaginer : l’histoire n’a pas la plus petite raison de supposer que
875 aginer : l’histoire n’a pas la plus petite raison de supposer que le peuple d’Israël, s’il n’avait pas été « élu », eût év
876 s la plus petite raison de supposer que le peuple d’ Israël, s’il n’avait pas été « élu », eût évolué d’une autre sorte que
877 ’Israël, s’il n’avait pas été « élu », eût évolué d’ une autre sorte que tant de tribus d’Arabie qui nous offrent encore au
878 , eût évolué d’une autre sorte que tant de tribus d’ Arabie qui nous offrent encore aujourd’hui, avec une persistance bien
879 bien remarquable tous les traits caractéristiques de la coutume pastorale des temps d’Abraham. Nous ne possédons pas un re
880 aractéristiques de la coutume pastorale des temps d’ Abraham. Nous ne possédons pas un renseignement d’ordre profane, qui n
881 d’Abraham. Nous ne possédons pas un renseignement d’ ordre profane, qui nous explique pourquoi cette tribu-là échappa au de
882 te à construire et à conquérir… Ainsi les annales d’ Israël sont celles d’une puissance imprévue et humainement imprévisibl
883 conquérir… Ainsi les annales d’Israël sont celles d’ une puissance imprévue et humainement imprévisible, qui ne fut jamais
884 ns médiocres des Hébreux. Ce que nous connaissons de leur « histoire » — mais le mot prend ici un sens nouveau — c’est la
885 d ici un sens nouveau — c’est la suite des gestes de Dieu dont ils ne furent que les instruments. Mais les instruments ind
886 révoltes constantes, leurs faux pas, leurs accès d’ incroyance. Et toute leur grandeur est à Dieu, c’est-à-dire à la vocat
887 vocation qui les arrache, malgré eux, à ce destin de très piètre envergure. Foi et idolâtrie La considération du con
888 raiment grandiose à cette opposition fondamentale d’ une vocation et d’un destin, hors de laquelle on ne peut rien comprend
889 à cette opposition fondamentale d’une vocation et d’ un destin, hors de laquelle on ne peut rien comprendre de ce qui touch
890 stin, hors de laquelle on ne peut rien comprendre de ce qui touche à la nation des Juifs. Destin nomade, vocation messiani
891 ule l’élève, l’assemble et donne un sens à la vie de chacun. Ce peuple errait sans « fin » dans le désert, sans but jusqu’
892 l vient de Dieu, il va vers Dieu, et c’est la loi de Dieu qui l’y conduit. C’est pourquoi son télos (sa fin dernière), est
893 e en son essence, comme Dieu, et comme Dieu objet de la foi seule. De la foi, et non de la vue ! Catégories absolument nou
894 comme Dieu, et comme Dieu objet de la foi seule. De la foi, et non de la vue ! Catégories absolument nouvelles, et qui jo
895 mme Dieu objet de la foi seule. De la foi, et non de la vue ! Catégories absolument nouvelles, et qui joueront un rôle dét
896 t qui joueront un rôle déterminant dans l’éthique de l’Occident, même sous les noms paganisés d’idéalisme et de réalisme a
897 hique de l’Occident, même sous les noms paganisés d’ idéalisme et de réalisme au sens courant. Mais le conflit de la foi et
898 dent, même sous les noms paganisés d’idéalisme et de réalisme au sens courant. Mais le conflit de la foi et de la vue n’es
899 e et de réalisme au sens courant. Mais le conflit de la foi et de la vue n’est en somme qu’un autre aspect du conflit de l
900 sme au sens courant. Mais le conflit de la foi et de la vue n’est en somme qu’un autre aspect du conflit de la vocation et
901 vue n’est en somme qu’un autre aspect du conflit de la vocation et du destin. Il fait comprendre l’esprit de révolte qui
902 ocation et du destin. Il fait comprendre l’esprit de révolte qui tourmenta sans fin les douze tribus. Car un but invisible
903 diats » qui se voient par trop négligés au profit d’ on ne sait quel futur. Et une angoisse contre laquelle il est fatal qu
904 que l’on cherche à se protéger par quelque chose de visible et de tangible. Ainsi les Hébreux se rebellent, ils fuient da
905 che à se protéger par quelque chose de visible et de tangible. Ainsi les Hébreux se rebellent, ils fuient dans le culte de
906 ulte des faux dieux, rassurants parce que « faits de main d’homme »… Mais sans relâche, des prophètes reviennent pour rail
907 faux dieux, rassurants parce que « faits de main d’ homme »… Mais sans relâche, des prophètes reviennent pour railler dure
908 Et c’est son bâton qui lui parle ! Car l’esprit de prostitution égare Et ils se prostituent loin de leur Dieu ! (Osée,
909 t loin de leur Dieu ! (Osée, 4, 12) Cet « esprit de prostitution », cette idolâtrie qui renaît dès qu’Israël cesse de cro
910 », cette idolâtrie qui renaît dès qu’Israël cesse de croire à ce que ses yeux ne peuvent voir, et qui pourtant fait toute
911 ême que cette révolte, et ce destin, et ce besoin de voir, sont symbolisés au concret par les statues des idoles étrangère
912 — car c’est le voisin qu’on imite lorsqu’on doute de sa vocation — de même cette vocation et la foi qu’elle implique ont u
913 ique ont un symbole, unique et univoque : l’Arche de l’Alliance présente au sein du peuple, aussi nommée arche du témoigna
914 du témoignage, parce qu’elle atteste les volontés de Dieu, les conditions de son alliance. La mesure Dans l’Arche so
915 elle atteste les volontés de Dieu, les conditions de son alliance. La mesure Dans l’Arche sont les Tables de la Loi.
916 nce. La mesure Dans l’Arche sont les Tables de la Loi. La Loi est la « mesure » sacrée : c’est elle qui rappelle à l
917 , tout est « mesuré » et jugé dans la perspective de la fin assignée à toute la nation : l’Éternel Dieu et son service. Ai
918 on : l’Éternel Dieu et son service. Ainsi l’Arche de l’Alliance nous apparaît comme l’exemple à peu près idéal de ce que l
919 ce nous apparaît comme l’exemple à peu près idéal de ce que l’on peut nommer (d’un terme d’ailleurs emprunté à l’antiquité
920 mple à peu près idéal de ce que l’on peut nommer ( d’ un terme d’ailleurs emprunté à l’antiquité hellénique) la mesure d’une
921 eurs emprunté à l’antiquité hellénique) la mesure d’ une civilisation, le canon d’une culture et d’un ordre social, le prin
922 ellénique) la mesure d’une civilisation, le canon d’ une culture et d’un ordre social, le principe initial et final régulat
923 ure d’une civilisation, le canon d’une culture et d’ un ordre social, le principe initial et final régulateur et en même te
924 al et final régulateur et en même temps animateur de toutes les œuvres d’une nation, tant matérielles que politiques et sp
925 r et en même temps animateur de toutes les œuvres d’ une nation, tant matérielles que politiques et spirituelles65. L’histo
926 s offre certes d’autres exemples assez grandioses de communes mesures rigoureuses. (Inde ancienne, Grèce de Périclès, Rome
927 Mais la mesure des tribus hébraïques se distingue de toutes les autres en ce qu’elle est une vocation adressée par un Dieu
928 l, transcendant. Elle n’est pas le produit normal d’ une évolution historique fécondée et cristallisée par l’intervention d
929 rique fécondée et cristallisée par l’intervention d’ un grand chef. Elle est donc plus « totalitaire » que toute mesure hum
930 t concevable, puisqu’elle ne tire pas son origine de circonstances ou de personnes nécessairement imparfaites ou partielle
931 ’elle ne tire pas son origine de circonstances ou de personnes nécessairement imparfaites ou partielles. Elle ne laisse au
932 laisse aucune contingence, ni aucune possibilité de retrait ou de dépassement. Aucun refuge « loin de la face de l’Éterne
933 contingence, ni aucune possibilité de retrait ou de dépassement. Aucun refuge « loin de la face de l’Éternel ». Parce qu’
934 ou de dépassement. Aucun refuge « loin de la face de l’Éternel ». Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’É
935 la face de l’Éternel ». Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la conscience finale d
936 ale du peuple hébreu. Et parce qu’elle est la loi de Dieu — qui définit la vérité —, elle porte en elle la règle permanent
937 vérité —, elle porte en elle la règle permanente de toute action et de toute pensée. Vraie mesure donc, et parfaitement c
938 te en elle la règle permanente de toute action et de toute pensée. Vraie mesure donc, et parfaitement commune. On porte l’
939 vant des armées, dans la guerre, comme le symbole de l’unité du peuple, mais son usage est interdit pendant les guerres ci
940 oncent leur idolâtrie66. Remarquons que la notion d’ idolâtrie déborde ici singulièrement le culte des images d’où elle tir
941 ie déborde ici singulièrement le culte des images d’ où elle tire son nom. Elle embrasse tout ce qui n’est pas foi, mais vu
942 ui n’est pas foi, mais vue, tout ce qui est refus d’ obéissance, et imagination d’un autre bien. Idole tout ce qui détourne
943 out ce qui est refus d’obéissance, et imagination d’ un autre bien. Idole tout ce qui détourne de la seule vocation. Idole
944 ation d’un autre bien. Idole tout ce qui détourne de la seule vocation. Idole toute action ou pensée, si belle ou si fécon
945 des idolâtries, c’est celle qui prend pour objet de son culte la mesure même, la Loi en soi, abstraite des fins pour lesq
946 qui consiste à soumettre l’homme à la « lettre » d’ une législation divine, mais dont l’homme s’est emparé, et dont il fai
947 les plus grands rigoristes, les savants docteurs de la Loi, ceux que le peuple honorait à peu près comme on le fit plus t
948 raît plus propre à confirmer cette interprétation de la Loi, comme mesure du peuple hébreu, qu’un texte que je trouve dans
949 s, mais il a veillé à ce qu’elles fussent connues de tous. Cette connaissance produit parmi nous une admirable conformité
950 rable conformité, parce que rien n’est si capable de la faire naître et de l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments
951 e que rien n’est si capable de la faire naître et de l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu
952 apable de la faire naître et de l’entretenir, que d’ avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’être élevés da
953 de l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’être élevés dans une même manière de vivre,
954 , que d’avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’être élevés dans une même manière de vivre, et dans les mê
955 r les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’ être élevés dans une même manière de vivre, et dans les mêmes coutumes
956 r de Dieu, et d’être élevés dans une même manière de vivre, et dans les mêmes coutumes ; car on n’entend point parmi nous
957 r on n’entend point parmi nous parler diversement de Dieu, comme il arrive parmi les autres peuples, non seulement entre l
958 en sont persuadés comme nous : on peut apprendre de leur bouche les règles de la conduite de notre vie, et que toutes nos
959 ous : on peut apprendre de leur bouche les règles de la conduite de notre vie, et que toutes nos actions doivent avoir pou
960 pprendre de leur bouche les règles de la conduite de notre vie, et que toutes nos actions doivent avoir pour objet de plai
961 t que toutes nos actions doivent avoir pour objet de plaire à Dieu. Une culture pauvre, mais fidèle Un homme du xxe
962 le ne peut, me semble-t-il, qu’éprouver une sorte d’ effroi au spectacle d’un ordre social, spirituel et matériel, aussi fa
963 t-il, qu’éprouver une sorte d’effroi au spectacle d’ un ordre social, spirituel et matériel, aussi fanatiquement lié et sus
964 é créatrice dans laquelle il met son orgueil. Que de richesses perdues, songe-t-il, que d’inventions négligées, méprisées 
965 rgueil. Que de richesses perdues, songe-t-il, que d’ inventions négligées, méprisées ! Nous adorons la Vie et le Progrès, l
966 toute mesure ne serait à nos yeux qu’une occasion de dépassement… Oui, la Richesse est notre dernier dieu, et c’est peut-ê
967 notre dernier dieu, et c’est peut-être le secret de l’expansion, mais aussi de l’anarchie finale de notre culture moderne
968 st peut-être le secret de l’expansion, mais aussi de l’anarchie finale de notre culture moderne. Culture dont les éléments
969 t de l’expansion, mais aussi de l’anarchie finale de notre culture moderne. Culture dont les éléments progressivement désu
970 les éléments progressivement désunis, puis coupés de toute base commune, en viennent à ne plus même pouvoir communiquer, n
971 lité, se forgeant une langue singulière au mépris de tout « sens » commun, et convoquant enfin, à grands frais d’invention
972 ens » commun, et convoquant enfin, à grands frais d’ inventions, la vieille malédiction de la tour de Babel, qui est la dis
973 grands frais d’inventions, la vieille malédiction de la tour de Babel, qui est la dispersion du genre humain. Le dilemme q
974 s d’inventions, la vieille malédiction de la tour de Babel, qui est la dispersion du genre humain. Le dilemme qui se trouv
975 lemme qui se trouve posé à toute civilisation, et d’ une manière très urgente à la nôtre, est assez clairement défini par l
976 ent défini par la comparaison que l’on peut faire de notre richesse anarchique, et rendue presque vaine par ses excès, ave
977 sque vaine par ses excès, avec la pauvreté pleine de sens et de grandeur qu’imposait la Loi d’Israël. Ce que l’on perd et
978 par ses excès, avec la pauvreté pleine de sens et de grandeur qu’imposait la Loi d’Israël. Ce que l’on perd et ce que l’on
979 pleine de sens et de grandeur qu’imposait la Loi d’ Israël. Ce que l’on perd et ce que l’on gagne à sacrifier à une « mesu
980 ’exemple juif nous permettra mieux que tout autre de juger. Que devient en effet la culture, dans un monde où n’est toléré
981 ’avenir religieux du monde. Dès qu’il était tenté de s’oublier dans les voies vulgaires des autres peuples, une sorte de g
982 les voies vulgaires des autres peuples, une sorte de génie sombre lui montrait l’envers de toute chose, et avec des accent
983 , une sorte de génie sombre lui montrait l’envers de toute chose, et avec des accents d’amère ironie, proclamait que la ju
984 rait l’envers de toute chose, et avec des accents d’ amère ironie, proclamait que la justice à l’ancienne manière ne devait
985 jamais être sacrifiée.68 Ainsi toute tentative de culture profane se voit assimilée à une révolte d’orgueil contre Dieu
986 e culture profane se voit assimilée à une révolte d’ orgueil contre Dieu. La culture d’Israël sera pauvre à raison même de
987 e à une révolte d’orgueil contre Dieu. La culture d’ Israël sera pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté sera la con
988 eu. La culture d’Israël sera pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté sera la condition de sa grandeur. Car ce qui e
989 même de sa pureté. Sa pauvreté sera la condition de sa grandeur. Car ce qui est grand, c’est ce qui comble la mesure, et
990 st pourquoi sa pauvreté même garantit la fidélité de la culture du peuple hébreu. C’est une ascèse : il s’agit de détruire
991 re du peuple hébreu. C’est une ascèse : il s’agit de détruire en germe tout ce qui comblerait trop tôt, ou trop humainemen
992 humainement, la grande attente messianique. Point d’ abstractions : c’est que le culte qu’il faut rendre au Dieu vivant est
993 vérité ». Or abstraire, c’est d’abord s’abstraire de l’immédiat. Et c’est aussi, dans une certaine mesure, douter… Ainsi d
994 dès l’origine à cette vocation supérieure ; dénué de termes abstraits, impropre à toute métaphysique69 il contraint les au
995 e69 il contraint les auteurs sacrés à l’invention de métaphores qui enrobent les notions les plus hautes dans un vêtement
996 s un vêtement quotidien ; on dirait : un vêtement de travail. Cette « pauvreté » philosophique — mais quand un peuple a de
997 is quand un peuple a des prophètes, a-t-il besoin de philosophes ? — est ainsi l’aspect négatif d’une splendeur poétique i
998 oin de philosophes ? — est ainsi l’aspect négatif d’ une splendeur poétique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien ser
999 tif d’une splendeur poétique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien sera grande dans la mesure où elle sera biblique
1000 ands discours prophétiques, parmi tous les chants de la terre, ont réellement rythmé l’action et vérifié l’étymologie grec
1001 t rythmé l’action et vérifié l’étymologie grecque de poésie, qui est agir. Point d’arts figuratifs ou imaginatifs. La loi
1002 étymologie grecque de poésie, qui est agir. Point d’ arts figuratifs ou imaginatifs. La loi les interdit par le deuxième et
1003 t le troisième commandement. « Tu ne te feras pas d’ image taillée, ni de représentation des choses qui sont en haut dans l
1004 ndement. « Tu ne te feras pas d’image taillée, ni de représentation des choses qui sont en haut dans les cieux, en bas sur
1005 us bas que la terre. » Cela condamne toute espèce d’ art plastique. « Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face » — cela
1006 et la fabulation, où les Aryens puisent leur art de tromper et de se satisfaire d’illusions. Point de science purement te
1007 ion, où les Aryens puisent leur art de tromper et de se satisfaire d’illusions. Point de science purement technique : la s
1008 s puisent leur art de tromper et de se satisfaire d’ illusions. Point de science purement technique : la sagesse de Salomon
1009 de tromper et de se satisfaire d’illusions. Point de science purement technique : la sagesse de Salomon n’est pas une conn
1010 Point de science purement technique : la sagesse de Salomon n’est pas une connaissance des « causes » mais bien des « sig
1011 ment commercial71 et industriel. » Que reste-t-il de ce que nous nommons culture ? Philosophie, beaux-arts, fictions écrit
1012 é à la seule chose nécessaire : l’accomplissement d’ une vocation spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement sont le
1013 ssement d’une vocation spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement sont les moyens les plus élémentaires que les hom
1014 s moyens les plus élémentaires que les hommes ont de commercer : l’écriture, la parole et l’action, — la tradition, la pro
1015 la guerre… Mais cet extrême dénuement, ce résidu d’ exclusions fanatiques, se trouve sauver et garantir la possession de c
1016 iques, se trouve sauver et garantir la possession de ce que notre Occident lui-même a défini comme le bien souverain : l’h
1017 n : l’harmonie dans le dynamisme, le Sens général de la vie. Si l’on admet que la destination de toute culture, c’est de c
1018 néral de la vie. Si l’on admet que la destination de toute culture, c’est de concentrer les puissances de la nature et de
1019 admet que la destination de toute culture, c’est de concentrer les puissances de la nature et de la société dans les, mai
1020 toute culture, c’est de concentrer les puissances de la nature et de la société dans les, mains de l’homme responsable, et
1021 ’est de concentrer les puissances de la nature et de la société dans les, mains de l’homme responsable, et dont l’esprit c
1022 ces de la nature et de la société dans les, mains de l’homme responsable, et dont l’esprit connaît un but auquel il dédie
1023 u, fut aussi la plus convenable aux fins suprêmes de l’esprit. Toutefois, non tant à cause de sa pauvreté même, qu’à cause
1024 cause de sa pauvreté même, qu’à cause de l’absolu de sa mesure, et de la promesse qu’elle portait. ⁂ Revenons encore à Jos
1025 eté même, qu’à cause de l’absolu de sa mesure, et de la promesse qu’elle portait. ⁂ Revenons encore à Josèphe : Quant à c
1026 ce que l’on nous reproche comme un grand défaut, de ne nous point étudier à inventer des choses nouvelles, soit dans les
1027 e les autres peuples méritent beaucoup de louange d’ y apporter de continuels changements, nous attribuons au contraire à v
1028 peuples méritent beaucoup de louange d’y apporter de continuels changements, nous attribuons au contraire à vertu et prude
1029 nous attribuons au contraire à vertu et prudence, de demeurer constamment dans l’observation des lois et des coutumes de n
1030 mment dans l’observation des lois et des coutumes de nos ancêtres, parce que c’est une preuve qu’elles ont été parfaitemen
1031 s qui n’ont pas cet avantage que l’on soit obligé de changer, lorsque l’expérience fait connaître le besoin d’en corriger
1032 er, lorsque l’expérience fait connaître le besoin d’ en corriger les défauts. Ainsi, comme nous ne doutons point que ce ne
1033 it Dieu qui nous a donné ces lois par l’entremise de Moïse, pourrions-nous, sans impiété, ne nous pas efforcer de les obse
1034 ourrions-nous, sans impiété, ne nous pas efforcer de les observer très religieusement ? Et quelle conduite peut être plus
1035 plus sainte, que celle dont ce souverain Monarque de l’univers est l’auteur… Quelle forme de gouvernement peut donc être p
1036 Monarque de l’univers est l’auteur… Quelle forme de gouvernement peut donc être plus parfaite que la nôtre, et quels plus
1037 e toutes choses ne sont pas mieux réglées le jour d’ une fête solennelle, qu’elles le sont toujours parmi nous ? Chute
1038 qu’elles le sont toujours parmi nous ? Chute d’ Israël Tout était suspendu à la Loi, qui était elle-même suspendue
1039 née. Et les juifs l’ont méconnue prenant prétexte de la Loi, cette « ombre des biens à venir. » (Héb. 10, 1), pour repouss
1040 rist, qui était « l’esprit » et la réalité finale de la Loi. Dès lors, la Loi est « accomplie » comme le dit Jésus-Christ
1041 comme le dit Jésus-Christ lui-même, et elle l’est d’ une double manière : parce qu’elle a abouti — le Messie est venu — et
1042 eur des messies qui ne viendront pas… Héritage d’ Israël Le christianisme par sa nature même, brisait avec le nation
1043 isme exclusif du judaïsme et assumait une mission de portée universelle. Il revendiquait toutefois en même temps l’héritag
1044 l revendiquait toutefois en même temps l’héritage d’ Israël, et l’attraction qu’il exerçait venait non des principes généra
1045 qu’il exerçait venait non des principes généraux de la pensée hellénistique, mais de la pure tradition hébraïque, représe
1046 incipes généraux de la pensée hellénistique, mais de la pure tradition hébraïque, représentée par la Loi et les Prophètes.
1047 d Israël, l’héritière du Royaume promis au Peuple de Dieu. Aussi conserva-t-elle à l’égard du monde des gentils cette atti
1048 ’égard du monde des gentils cette attitude voulue de séparatisme spirituel, cet esprit d’irréconciliable opposition dont s
1049 itude voulue de séparatisme spirituel, cet esprit d’ irréconciliable opposition dont s’était nourrie toute la tradition jud
1050 la tradition judaïque. C’est précisément ce sens de la continuité historique et de la solidarité sociale qui distingua l’
1051 récisément ce sens de la continuité historique et de la solidarité sociale qui distingua l’église chrétienne des religions
1052 ligions à mystères et des autres cultes orientaux de cette époque, et qui fit d’elle dès son apparition la seule rivale vé
1053 tres cultes orientaux de cette époque, et qui fit d’ elle dès son apparition la seule rivale véritable et la seule remplaça
1054 rivale véritable et la seule remplaçante possible de la religion officielle de l’Empire73. Ces quelques lignes de Dawson
1055 le remplaçante possible de la religion officielle de l’Empire73. Ces quelques lignes de Dawson me paraissent définir en r
1056 on officielle de l’Empire73. Ces quelques lignes de Dawson me paraissent définir en raccourci le double héritage que l’Ég
1057 age que l’Église et l’Europe ont repris des mains d’ Israël : héritage divin de l’« élection collective », d’une part, — ca
1058 pe ont repris des mains d’Israël : héritage divin de l’« élection collective », d’une part, — car la postérité d’Abraham,
1059 tion collective », d’une part, — car la postérité d’ Abraham, après le Christ, c’est l’ensemble de tous les croyants, genti
1060 rité d’Abraham, après le Christ, c’est l’ensemble de tous les croyants, gentils ou Juifs convertis, donc l’Église — hérita
1061 s, donc l’Église — héritage humain, d’autre part, de cette notion de la mesure « totalitaire » qui devait assurer la grand
1062 — héritage humain, d’autre part, de cette notion de la mesure « totalitaire » qui devait assurer la grandeur de l’Église
1063 re « totalitaire » qui devait assurer la grandeur de l’Église — mais dont les déviations et perversions ravagent l’Europe
1064 depuis le xviie siècle, et menacent aujourd’hui de la détruire74. Il ne saurait être question de retracer ici dans son e
1065 hui de la détruire74. Il ne saurait être question de retracer ici dans son ensemble l’évolution des éléments culturels et
1066 urels et civilisateurs qui survécurent à la chute d’ Israël, au moins aussi fondamentaux pour l’Occident que la raison des
1067 et l’ordre des Romains. Il m’appartient seulement de préciser en quelques traits le sens que prend l’héritage d’Israël pou
1068 r en quelques traits le sens que prend l’héritage d’ Israël pour la foi chrétienne protestante. On sait le rôle joué dans l
1069 out cela vit encore dans les églises évangéliques de nos jours ? Dès les bancs de « l’école du dimanche », tout jeune prot
1070 églises évangéliques de nos jours ? Dès les bancs de « l’école du dimanche », tout jeune protestant est nourri aux sources
1071 u par ses frères, Jonas dans sa baleine, l’ânesse de Balaam, David et Jonathan, Absalon pris par les cheveux, le jeune Sam
1072 en Testament était la vraie Antiquité des peuples de l’Europe protestante. Mais il y a bien davantage que cet arrière-plan
1073 ge que cet arrière-plan poétique, et ces exemples d’ une morale parfois scandaleusement antibourgeoise ! Le thème de la voc
1074 parfois scandaleusement antibourgeoise ! Le thème de la vocation et le thème du peuple élu sont de ceux qui émeuvent le pl
1075 ème de la vocation et le thème du peuple élu sont de ceux qui émeuvent le plus profondément la « sensibilité spirituelle »
1076 plus profondément la « sensibilité spirituelle » d’ un réformé. Le « peuple élu » Le simple fait que le calvinisme a
1077 s et celui du « petit troupeau » longtemps chassé de son pays ; ni les ressemblances entre les formes d’activité et d’atti
1078 son pays ; ni les ressemblances entre les formes d’ activité et d’attitude sociale adoptées par les deux « nations »76. Ce
1079 les ressemblances entre les formes d’activité et d’ attitude sociale adoptées par les deux « nations »76. Ce qui est déter
1080 in spirituel, dans un monde incrédule et rebelle, de ceux que Dieu s’est « choisis » pour témoins, en tant que collectivit
1081 tu de cette « élection » dont ils ont l’assurance d’ être l’objet, par une grâce périlleuse, et dans la foi, les calviniste
1082 fin du xvie siècle, se considèrent comme chargés d’ une mission au sein d’un monde pécheur que Dieu n’abandonne pas. De mê
1083 heur que Dieu n’abandonne pas. De même que la loi de Moïse maintenait le peuple juif, malgré le péché, dans une économie p
1084 tique77 des calvinistes les amène à la conception d’ une intendance des biens terrestres, dont ils auraient à assumer l’off
1085 res, dont ils auraient à assumer l’office : usant de ces richesses « comme n’en usant pas », au nom et par la charge du Se
1086 ue c’était là l’origine du capitalisme moderne et de ses principales valeurs éthiques. Mais Sombart lui répond que le capi
1087 que le capitalisme est plus ancien, et qu’il est d’ origine judaïque78. Ce n’est pas ici le lieu de prendre parti entre ce
1088 st d’origine judaïque78. Ce n’est pas ici le lieu de prendre parti entre ces deux explications d’un phénomène économique q
1089 lieu de prendre parti entre ces deux explications d’ un phénomène économique que par ailleurs personne — non pas même Marx,
1090 tache le capitalisme à des attitudes religieuses, d’ où serait partie l’impulsion, attitudes analogues en ceci tout au moin
1091 ut au moins qu’elles mettent l’accent sur le fait de l’élection. Il est curieux de noter que le parallélisme se poursuit m
1092 ’accent sur le fait de l’élection. Il est curieux de noter que le parallélisme se poursuit même, — et peut-être surtout —
1093 saient ». Le spiritualisme transcendant des Juifs d’ Orient au contact des coutumes occidentales, se mue peu à peu en son c
1094 reprochent aux Juifs allemands capitalistes, avec d’ autant plus d’amertume que cette attitude provocante fut souvent prise
1095 Juifs allemands capitalistes, avec d’autant plus d’ amertume que cette attitude provocante fut souvent prise à l’étranger
1096 ante fut souvent prise à l’étranger pour un trait de caractère germanique. Mais c’est aussi l’intellectualisme stérilisant
1097 st aussi l’intellectualisme stérilisant, l’esprit d’ abstraction inhumaine et chimérique, au surplus troublé de sentimental
1098 ction inhumaine et chimérique, au surplus troublé de sentimentalisme, que l’on dénonce à droite chez les auteurs d’origine
1099 lisme, que l’on dénonce à droite chez les auteurs d’ origine juive, mais qui ont cessé de croire à la mission de leur peupl
1100 z les auteurs d’origine juive, mais qui ont cessé de croire à la mission de leur peuple, et qui exercent désormais à vide
1101 juive, mais qui ont cessé de croire à la mission de leur peuple, et qui exercent désormais à vide les facultés psychologi
1102 tement développées dans leur race par des siècles d’ attente de l’invisible. De même, l’ascétisme vigoureux, le pessimisme
1103 eloppées dans leur race par des siècles d’attente de l’invisible. De même, l’ascétisme vigoureux, le pessimisme actif des
1104 formé dans le Nouveau Monde d’une part en volonté de puissance abstraite (les fondateurs des trusts au siècle dernier), d’
1105 litarisme platement moralisant ; l’une et l’autre de ces déviations traduisant une totale perte de conscience des fins rel
1106 tre de ces déviations traduisant une totale perte de conscience des fins religieuses de l’éthique puritaine, et transforma
1107 e totale perte de conscience des fins religieuses de l’éthique puritaine, et transformant en tyrannie absurde ce qui était
1108 nie absurde ce qui était à l’origine une attitude d’ obéissance à la foi, et de renoncement à soi-même. Corruptio optimi pe
1109 l’origine une attitude d’obéissance à la foi, et de renoncement à soi-même. Corruptio optimi pessima… La vocation coll
1110 amènent au problème central que pose à la pensée d’ un protestant, et particulièrement d’un calviniste, l’exemple d’Israël
1111 à la pensée d’un protestant, et particulièrement d’ un calviniste, l’exemple d’Israël et de sa chute. Toute la théologie é
1112 t, et particulièrement d’un calviniste, l’exemple d’ Israël et de sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin est centré
1113 ulièrement d’un calviniste, l’exemple d’Israël et de sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin est centrée sur la voc
1114 Israël et de sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin est centrée sur la vocation : vocation du « petit troupeau » o
1115 r la vocation : vocation du « petit troupeau » ou de l’Église ; vocation personnelle de chaque membre de l’Église. Or, Isr
1116 troupeau » ou de l’Église ; vocation personnelle de chaque membre de l’Église. Or, Israël qui était le peuple élu, a trah
1117 l’Église ; vocation personnelle de chaque membre de l’Église. Or, Israël qui était le peuple élu, a trahi sa mission et s
1118 sion en est le châtiment. Serait-il donc possible de perdre sa vocation ? Et que devient celui qui la trahit, soit qu’il r
1119 ordres, soit qu’il la prenne pour idole, refusant d’ en reconnaître la vraie fin lorsqu’elle lui apparaît incarnée ? Est-il
1120 e vocation est-elle donc « amissible » ? Le refus de l’homme serait-il donc capable de modifier un arrêt éternel, alors qu
1121 le » ? Le refus de l’homme serait-il donc capable de modifier un arrêt éternel, alors que Dieu prédestine tout homme dès a
1122 Ce problème n’est pas gratuit : il touche au cœur de la foi réformée. Or c’est lui justement que traite saint Paul au chap
1123 ui justement que traite saint Paul au chapitre XI de l’Épître aux Romains. Et sans doute ce texte illumine aussi profondém
1124 rofondément qu’il est possible le mystère dernier d’ Israël. « Je demande maintenant : Dieu a-t-il rejeté son peuple ? Non
1125 ple ? Non certes, car je suis moi-même israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejet
1126 , car je suis moi-même israélite, de la postérité d’ Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’
1127 is moi-même israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’il a connu
1128 israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’il a connu d’avance » (
1129 n. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’il a connu d’ avance » (c’est-à-dire prédestiné) (Rom., II, 1-2). Cependant, « Israë
1130 Ainsi, « c’est par suite de la faute des enfants d’ Israël que le salut est parvenu aux païens, afin d’exciter leur propre
1131 s ont perdu le bénéfice national, comme exclusif, de la Révélation. Mais c’est ici que saint Paul indique le mystérieux re
1132 e veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, de peur que vous ne présumiez trop de votre sagesse : c’est qu’une parti
1133 ez ce mystère, de peur que vous ne présumiez trop de votre sagesse : c’est qu’une partie d’Israël est tombée dans l’endurc
1134 umiez trop de votre sagesse : c’est qu’une partie d’ Israël est tombée dans l’endurcissement jusqu’à ce que la totalité des
1135 ra sauvé » (v. 25-26) … « Car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (v. 29). Hoc est verbum praeclarum ! Voilà
1136 rdue, même si celui qui en est l’objet s’y oppose de toutes ses forces ! Car sa révolte même se trouve servir les desseins
1137 volte même se trouve servir les desseins éternels de Dieu. Elle étend à l’humanité entière le bénéfice de la Promesse qu’i
1138 Dieu. Elle étend à l’humanité entière le bénéfice de la Promesse qu’il a reçue, cependant que son destin final demeure ent
1139 al demeure entre les mains du plus secret conseil de Dieu. « Quant à moi, écrit Calvin, j’étends ce nom d’Israël à tout le
1140 ieu. « Quant à moi, écrit Calvin, j’étends ce nom d’ Israël à tout le peuple de Dieu, en ce sens, après que les gentils ser
1141 Calvin, j’étends ce nom d’Israël à tout le peuple de Dieu, en ce sens, après que les gentils seront entrés dedans (l’Églis
1142 dans (l’Église), lors les Juifs aussi se retirant de leur révoltement, se rangeront à l’obéissance de la foi… toutefois qu
1143 de leur révoltement, se rangeront à l’obéissance de la foi… toutefois que les Juifs tiendront le premier lieu, comme étan
1144 lieu, comme étant les enfants aînés en la maison de Dieu. » (Commentaires, sur Rom. II, 26.) Le sort du monde, et l’on po
1145 rt du monde, et l’on pourrait même dire : la date de son salut final, dépend ainsi de la conversion des Juifs. Et ceci nou
1146 e dire : la date de son salut final, dépend ainsi de la conversion des Juifs. Et ceci nous révèle la plus profonde raison
1147 s « ambivalents », comme dirait Freud, qu’ont eus de tout temps les chrétiens à l’égard du peuple d’Israël. Tout dépend de
1148 s de tout temps les chrétiens à l’égard du peuple d’ Israël. Tout dépend de lui, et il refuse ! D’où la haine sourde, et en
1149 rétiens à l’égard du peuple d’Israël. Tout dépend de lui, et il refuse ! D’où la haine sourde, et en même temps le respect
1150 uple d’Israël. Tout dépend de lui, et il refuse ! D’ où la haine sourde, et en même temps le respect religieux qu’on lui po
1151 qu’on lui porte. Peut-être n’est-il pas excessif de voir dans cette passion contradictoire le secret des soudaines explos
1152 contradictoire le secret des soudaines explosions de rancune qui apparurent périodiquement au Moyen Âge. Je ne sais si cet
1153 s, éternellement lié au sien en vertu d’un décret de Dieu, mais encore qu’elle se doit de juger Israël autrement que ne fa
1154 d’un décret de Dieu, mais encore qu’elle se doit de juger Israël autrement que ne fait « le monde ». Ce n’est pas au nom
1155 ons à prendre position, mais au nom des promesses de la foi, et dans une perspective missionnaire qui réduit à leurs juste
1156 ncevoir nos polémiques. Et son issue ne dépend ni de nous seuls, ni d’eux seuls. On dit : les Juifs sont ceci, les Juifs s
1157 ques. Et son issue ne dépend ni de nous seuls, ni d’ eux seuls. On dit : les Juifs sont ceci, les Juifs sont cela, ils se s
1158 nt ceci, les Juifs sont cela, ils se sont emparés de nos richesses, etc. Mais de quels biens se préoccupe le croyant ? Leu
1159 , ils se sont emparés de nos richesses, etc. Mais de quels biens se préoccupe le croyant ? Leur faute a fait la richesse d
1160 tifié à l’origine que par la vocation spirituelle de ce peuple. Il n’est pas du tout biologique. Il ne le devient qu’acces
1161 soirement, à mesure que l’on prend les « signes » de la vocation pour des réalités valables en elles-mêmes. Mais sans dout
1162 ils n’en épousaient point qui aient été captives, de peur qu’elles n’aient eu quelque commerce avec des étrangers. Peut-il
1163 des pièces si authentiques, prouver leur descente de père en fils depuis deux-mille ans ? Que si quelqu’un manque d’observ
1164 s depuis deux-mille ans ? Que si quelqu’un manque d’ observer cet ordre, on le sépare de l’autel, sans qu’il lui soit plus
1165 elqu’un manque d’observer cet ordre, on le sépare de l’autel, sans qu’il lui soit plus permis de faire aucune des fonction
1166 épare de l’autel, sans qu’il lui soit plus permis de faire aucune des fonctions sacerdotales. » — Il est curieux de noter
1167 ne des fonctions sacerdotales. » — Il est curieux de noter que les lois racistes hitlériennes privent de tous droits civiq
1168 noter que les lois racistes hitlériennes privent de tous droits civiques les personnes qui ne peuvent prouver par les reg
1169 ui ne peuvent prouver par les registres la pureté de leurs origines : c’est que l’exercice des droits civiques est bien un
1170 l’exercice des droits civiques est bien une sorte de « sacerdoce » national. On voit ainsi que l’eugénisme n’est pas le se
1171 oit ainsi que l’eugénisme n’est pas le seul motif de la législation raciste. 65. Sur l’importance capitale de cette notio
1172 gislation raciste. 65. Sur l’importance capitale de cette notion de commune mesure pour toute culture ou civilisation, j’
1173 e. 65. Sur l’importance capitale de cette notion de commune mesure pour toute culture ou civilisation, j’ai donné de plus
1174 er avec les mains , où l’on trouvera un raccourci de la présente étude. Du point de vue de l’histoire du peuple juif, ce r
1175 n raccourci de la présente étude. Du point de vue de l’histoire du peuple juif, ce raccourci souffre, entre autres, d’une
1176 peuple juif, ce raccourci souffre, entre autres, d’ une très grave lacune en ce qu’il paraît conclure sur l’abandon final
1177 e en ce qu’il paraît conclure sur l’abandon final d’ Israël à son destin, après la mort de Jésus-Christ. Je suis heureux de
1178 bandon final d’Israël à son destin, après la mort de Jésus-Christ. Je suis heureux de pouvoir donner ci-après un développe
1179 n, après la mort de Jésus-Christ. Je suis heureux de pouvoir donner ci-après un développement qui n’avait pas sa place dan
1180 hétisme, c’est-à-dire l’élément le plus finaliste de la religion d’Israël qui aurait donné au peuple l’expression légale d
1181 à-dire l’élément le plus finaliste de la religion d’ Israël qui aurait donné au peuple l’expression légale de sa commune me
1182 ël qui aurait donné au peuple l’expression légale de sa commune mesure : le Décalogue. Ainsi la fin crée ses moyens. Cette
1183 le Moïse — aurait bel et bien donné les rudiments de la Loi au peuple juif dès la sortie d’Égypte. Les prophètes seraient
1184 rudiments de la Loi au peuple juif dès la sortie d’ Égypte. Les prophètes seraient alors ceux qui rappellent le peuple au
1185 xcès du légalisme. 67. Livre II, chap. VI, trad. d’ Arnaud d’Andilly. 68. Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. II, p. 
1186 Arnaud d’Andilly. 68. Renan, Histoire du peuple d’ Israël, t. II, p. 265. 69. « L’embarras de l’hébreu pour expliquer le
1187 peuple d’Israël, t. II, p. 265. 69. « L’embarras de l’hébreu pour expliquer les notions philosophiques les plus simples,
1188 ns philosophiques les plus simples, dans le Livre de Job, dans l’Ecclésiaste, est quelque chose de surprenant. L’image phy
1189 vre de Job, dans l’Ecclésiaste, est quelque chose de surprenant. L’image physique qui, dans les langues sémitiques, est en
1190 , dans les langues sémitiques, est encore à fleur de sol, obscurcit la déduction abstraite… » (Renan, op. cit., I, p. 49).
1191 Où Renan voit un obscurcissement, je vois le gage d’ une vive actualité, ou efficacité, du langage des clercs, identique à
1192 s semblent infirmer en partie ce dernier jugement de Renan. Mais il reste valable pour la période primitive. 72. Abraham
1193 u « le jour du Seigneur ». Saint Paul et l’auteur de l’Épître aux Hébreux (chap. II) insistent fortement sur cette unicité
1194 (chap. II) insistent fortement sur cette unicité de la Révélation. C’est un grand lieu commun de la théologie réformée qu
1195 cité de la Révélation. C’est un grand lieu commun de la théologie réformée que de voir dans l’Ancien Testament l’histoire
1196 un grand lieu commun de la théologie réformée que de voir dans l’Ancien Testament l’histoire du Christ avant qu’il vienne,
1197 Prophètes après le Christ. Ainsi la Bible n’a pas d’ autre sens que de désigner l’Incarnation qui est son centre, au-delà d
1198 e Christ. Ainsi la Bible n’a pas d’autre sens que de désigner l’Incarnation qui est son centre, au-delà d’elle-même. Tolle
1199 ésigner l’Incarnation qui est son centre, au-delà d’ elle-même. Tolle Christum e scripturis, quid amplius invenies in illis
1200 turis, quid amplius invenies in illis ? (Luther : De servo arbitrio.) 73. Christopher Dawson, Les Origines de l’Europe et
1201 arbitrio.) 73. Christopher Dawson, Les Origines de l’Europe et de la civilisation européenne, trad. française, chez Ried
1202 . Christopher Dawson, Les Origines de l’Europe et de la civilisation européenne, trad. française, chez Rieder, 1934, p. 43
1203 eder, 1934, p. 43. 74. Sitôt que la mesure cesse d’ être transcendante, devient humaine, contingente et partielle, et n’ét
1204 eut encore totalitaire, on a l’État-nation-Police de type fasciste ou stalinien. Bien entendu, il serait absurde de rendre
1205 ste ou stalinien. Bien entendu, il serait absurde de rendre Israël responsable de ce qui n’est que « profanations » de la
1206 u, il serait absurde de rendre Israël responsable de ce qui n’est que « profanations » de la notion de mesure totalitaire.
1207 responsable de ce qui n’est que « profanations » de la notion de mesure totalitaire. 75. Cf. Ramuz. 76. Par exemple : c
1208 de ce qui n’est que « profanations » de la notion de mesure totalitaire. 75. Cf. Ramuz. 76. Par exemple : cohésion spiri
1209 sion spirituelle et matérielle des divers membres de ces nations éparses ou persécutées, esprit à la fois traditionaliste
1210 te et hardiment novateur, génie financier, niveau de culture élevé, etc. 77. Charisme signifie don particulier, vocation
1211 ter le phénomène capitaliste à l’« accumulation » de richesses des couvents anglais au Moyen Âge, et aux banques de l’Ital
1212 des couvents anglais au Moyen Âge, et aux banques de l’Italie du Nord. Les responsabilités se partageraient donc équitable
1213 trois religions ! 79. Calvin, toujours soucieux de ne pas spéculer arbitrairement sur les textes, note en effet cette re
1214 riction : « Et aussi ne faut-il pas entendre ceci de toute vocation, mais de celle par laquelle Dieu a adopté en son allia
1215 faut-il pas entendre ceci de toute vocation, mais de celle par laquelle Dieu a adopté en son alliance la postérité d’Abrah
1216 quelle Dieu a adopté en son alliance la postérité d’ Abraham : vu que le propos était nommément et spécialement d’icelle vo
1217 vu que le propos était nommément et spécialement d’ icelle vocation. » (Commentaires, sur Rom. II, 29). v. Rougemont Den
1218 mentaires, sur Rom. II, 29). v. Rougemont Denis de , « Vocation et destin d’Israël », Les Juifs, Paris, Plon, 1937, p. 14
1219 9). v. Rougemont Denis de, « Vocation et destin d’ Israël », Les Juifs, Paris, Plon, 1937, p. 143-165.
6 1937, Articles divers (1936-1938). Luther, Traité du serf arbitre (1937)
1220 ance serait exagérer, mais dans le sens contraire de celui qu’on imagine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que de
1221 raire de celui qu’on imagine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir ja
1222 ine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fu
1223 fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au public français comme un ouvrage capital : ils s’
1224 rançais comme un ouvrage capital : ils s’étonnent d’ y trouver si peu de substance théologique et tant de plaisanteries par
1225 ique et tant de plaisanteries parfois grossières, de platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Ré
1226 plaisanteries parfois grossières, de platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autre
1227 utenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation ro
1228 émagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation romaine. On a poussé la bouf
1229 oussé la bouffonnerie jusqu’à cet excès grandiose d’ assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’
1230 andiose d’assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’opinion moyenne sur Luther, je crois que l
1231 se marier. » J’extrais cette déclaration du livre d’ un critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’
1232 e information théologique… Ceci dit, il est juste d’ insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes fra
1233 juste d’insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes français qui, au niveau de la haute culture, on
1234 e la haute culture, ont largement sauvé l’honneur de leur pays. Je pense aux ouvrages publiés par MM. Henri Strohl, J. Vig
1235 Gilson, pour ne rien dire — mais cela va de soi — de l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de
1236 is cela va de soi — de l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois facul
1237 vité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’ histoire de l’Église dans les trois facultés françaises de théologie p
1238 ofesseurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois facultés françaises de théologie protestante.
1239 re de l’Église dans les trois facultés françaises de théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la
1240 illies par des biographes amateurs, et à l’action de la polémique catholique (Denifle, Maritain, Grisar), mettent le publi
1241 tain, Grisar), mettent le public français en état d’ infériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture génér
1242 nfériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture générale. Car ignorer ou méconnaître Luther, c’est ignorer
1243 méconnaître un des deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien co
1244 ois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussi
1245 ion fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussion millénaire, à la grande tensio
1246 u libre arbitre, opposant Érasme à Luther, permet de définir symboliquement les pôles : pensée « pure » et pensée « engagé
1247 le plan théologique, ou mieux : dans la totalité de l’être, revient à celle d’un christianisme qui se met au service de l
1248 eux : dans la totalité de l’être, revient à celle d’ un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de
1249 à celle d’un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les ef
1250 qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajout
1251 de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme ab
1252 par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « 
1253 e la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’ un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain » parce q
1254 arce qu’il attribue tout à Dieu. Importance du De servo arbitrio C’est sans doute dans cette perspective que le lec
1255 occidental par excellence, mais au centre, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à
1256 ellence, mais au centre, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à un pamphlet, enco
1257 , aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume matér
1258 sonnifiée), n’est en fait que le support apparent d’ une réflexion de plus vaste envergure, d’un témoignage qui transcende
1259 apparent d’une réflexion de plus vaste envergure, d’ un témoignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue hab
1260 e il le dit aux premières pages) par les procédés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en v
1261 dés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’ être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et repo
1262 ue que se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et reposer avec puissance toutes les af
1263 c puissance toutes les affirmations fondamentales de la Réforme : justification par la foi, qui est don gratuit et œuvre d
1264 fication par la foi, qui est don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des homm
1265 st don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; op
1266 œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la gr
1267 cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes d
1268 ustice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la
1269 osition de la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ;
1270 nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision total
1271 la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout m
1272 n totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moins rationnelle entre les règ
1273 nnelle entre les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témo
1274 en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témoignage fidèle, certifié
1275 la Bible, et constituant la véritable « action » de l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet
1276 a véritable « action » de l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pa
1277 étuelle question que nous posent toutes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les r
1278 e crois, si tu as reçu la foi, il n’est plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joye
1279 st plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joyeuse du libre arbitre. Ses coups viole
1280 ler. Folie pour les sages Mais il s’en faut de presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient
1281 presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient acceptées (ou simplement connues !) par nos contemp
1282 r nos contemporains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparai
1283 orains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparaissent comme a
1284 t de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’ un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement t
1285 uments d’un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement tous les humanistes — des marxistes aux vieu
1286 pole : tout catholique se doit, en bonne logique, de les faire siens, puisqu’il croit au mérite des œuvres ; et tous les p
1287 e Calvin et Luther ont fait leur temps — que dire de Paul, bien plus ancien — tous ceux qui tiennent la prédestination pou
1288 aux hommes que Dieu agrée » par « Paix aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée
1289 s ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siècles, pour soutenir le libre arbitre r
1290 fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siècles, pour soutenir le libre arbitre religieux, c’est-à-d
1291 igieux, c’est-à-dire le pouvoir qu’aurait l’homme de contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que tro
1292 eront-ils, dès lors, dans ce Traité ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan gé
1293 u pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’ une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et
1294 yale d’une certitude pesante, vraiment « grave », d’ une dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisag
1295 in conférer à son choix la force et la simplicité d’ une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces
1296 rce et la simplicité d’une constatation évidente. D’ un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et
1297 même attiré et subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le f
1298 ons que trop bien, nous modernes, séparer le fond de la forme, admirer l’une quand nous condamnons l’autre, et vice versa.
1299 ette maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef d’ un grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est fa
1300 chef d’un grand mouvement (comme dirait le jargon d’ aujourd’hui), tout est fait, dans notre Traité, pour heurter de front
1301 ), tout est fait, dans notre Traité, pour heurter de front le lecteur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Pau
1302 eur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul et des Apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas p
1303 proprement luthérien, mais que Luther est obligé d’ utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où la Diatri
1304 efus total, ou mieux, cette négligence tranquille de toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien t
1305 ieux, cette négligence tranquille de toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien trop vivant pour
1306 ue. (Un tel homme est bien trop vivant pour faire de la psychologie ; trop engagé dans le réel pour prendre au sérieux ses
1307 conscience du spectateur.) Ce qui ne manquera pas de faire crier au dogmatisme. Tout se passe ici « à l’intérieur » du chr
1308 se passe ici « à l’intérieur » du christianisme, de l’Église. L’humanisme laïque, autonome, est simplement nié, comme une
1309 e et doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’ un moderne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais in
1310 isse écarter cette objection par un simple rappel de l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’esquisser
1311 dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’ esquisser, tout au moins, le dialogue d’une « conscience moderne », do
1312 erai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’ une « conscience moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un part
1313 , le dialogue d’une « conscience moderne », douée d’ exigence spirituelle, avec un partisan du « serf arbitre » luthérien.
1314 alogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’ un homme qui veut croire…) Dialogue Car Dieu peut tout à tout in
1315 Dieu peut tout à tout instant. C’est là la santé de la foi. Kierkegaard Une conscience moderne. — Selon Luther, nous n
1316 ce, mais l’omniscience et la prescience éternelle de Dieu, qui ne peut faillir à sa promesse, et auquel nul obstacle ne s’
1317 Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le
1318 us de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne
1319 ous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’ avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas com
1320 té désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies
1321 Sort, cette idole païenne ? C. M. — J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment t
1322 nt toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par de puissantes forces sociales, historiques et économiques ? Toute ta sci
1323 Certes, mais ma dignité consiste à lutter contre de telles forces, une fois que je les ai reconnues ; à m’affirmer dans m
1324 omie par un acte qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ?
1325 nc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour
1326 uloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la somme, la val
1327 Dieu connaît la fin, la somme, la valeur absolue de nos actions passées, présentes, futures ; car elles sont dans le temp
1328 ce Dieu, qui prétend voir plus loin que le terme de mes actions, ce qui, avouons-le, les ridiculise complètement et les r
1329 Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi indignement ! Il faudra donc choisir : Dieu ou moi. Je dirai : mo
1330 es que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’ agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. C’est peut-
1331 rs dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. C’est peut-être mal raisonner. Si ton effort auss
1332 ieu n’est pas ! »32 qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’éternelle prévision ? Qui t’assurerait qu’en pron
1333 ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt éternel de Dieu te rejetant vers le néant, en sorte que Dieu, vraiment, n’existe
1334 supprimer en fait. Mais c’est peut-être se priver de son secours, ou encore la transformer en une menace obscure… Il y a u
1335 ps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de
1336 Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L.
1337 ation ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la
1338 st l’image même de la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer que m
1339 Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’ immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas au contraire la
1340 ouve que l’éternité est quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas au contraire la source de t
1341 nous dit qu’elle n’est pas au contraire la source de tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle,
1342 n’est pas au contraire la source de tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité pe
1343 elle le touche dans l’instant (dans un « atome » de temps, comme l’écrit Paul) ?33 Qui t’assure que notre raison tout att
1344 otre temps où elle s’est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule actuelle ?
1345 t capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’ une éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre
1346 otre vie, et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul mo
1347 ère que le croyant pressent et vit au seul moment de la prière. « Demandez et l’on vous donnera », dit le même Dieu qui no
1348 nt aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car
1349 sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pa
1350 ngé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’e
1351 ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais au cont
1352 traire, nos divers temps et successions procèdent de l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lu
1353 range illusion nous ferait croire qu’une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui
1354 cas, tu n’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de ce qui est essentiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’une d
1355 pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil de cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons
1356 rnel qui commande — ou c’est moi. Il n’y a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du «
1357 est Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstrati
1358 araît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstration purement biblique qu’on en
1359 es, suffit à établir, pour le chrétien, la vérité d’ un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l
1360 Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute « tradition ecclési
1361 araît qu’à celui qui ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther i
1362 i ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « ex
1363 qu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrémisme » évan
1364 la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrémisme » évangélique, que les so
1365 p portés à corriger et à « humaniser », au risque d’ « évacuer la Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pu
1366 Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pure grâce jusque dans son sérieux dernier, on peut soutenir que l
1367 à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible qu
1368 de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argume
1369 a grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où
1370 t. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où voulait se complaire Éra
1371 aire Érasme. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or il est seul en cause pour le théologien. Et tout e
1372 e. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair l
1373 mpris que Luther ne nie pas du tout notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’elle puisse suffire à nous obtenir le
1374 ncore catholique ; son humanisme mesuré l’empêche de voir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand des adversaires du
1375 a poussé comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites de l’homme, jusqu’aux questions dernières que peut envisager notre pensé
1376 la fatalité inéluctable. C’est dans cette volonté de reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’il croit trouver et reg
1377 u’il croit trouver et regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin
1378 e sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin. (Pour le chrétien, c’est accepter en acte l’éternelle pré
1379 oblème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Niet
1380 rononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre ex
1381 e veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre existence35. Mais la difficulté fondamental
1382 a difficulté fondamentale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différ
1383 ntale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différence, c’est que Niet
1384 . La différence, c’est que Nietzsche nous propose d’ adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la
1385 30. À la proposition qu’on lui faisait, en 1587, d’ éditer ses œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je ne reconna
1386 le réformateur répondit : « Je ne reconnais aucun de mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le de servo arbitrio e
1387 mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le de servo arbitrio et le Catéchisme. » 31. Luther avertit à chaque fois 
1388 85 et suiv. en particulier. o. Rougemont Denis de , Luther Martin, « [Préface] Martin Luther, Traité du serf arbitre  »,
1389 ans Traité du serf arbitre, trad. Rougemont Denis de , Paris, Éditions « Je sers », 1937, p. 15-27.
7 1937, Articles divers (1936-1938). L’Acte comme point de départ (1936-1937)
1390 L’Acte comme point de départ (1936-1937)a b Nous partons de l’impression qu’il existe, e
1391 me point de départ (1936-1937)a b Nous partons de l’impression qu’il existe, entre certains systèmes qu’on a coutume d’
1392 l existe, entre certains systèmes qu’on a coutume d’ opposer très nettement les uns aux autres, un commun dénominateur d’er
1393 tement les uns aux autres, un commun dénominateur d’ erreur, que nous ne pourrions définir qu’en sortant du plan sur lequel
1394 nalisme et dans le pragmatisme, etc., un ensemble de suppositions communes qui nous paraissent renfermer la véritable rais
1395 qui nous paraissent renfermer la véritable raison de rejeter l’un et l’autre système, sans plus nous attacher à combattre
1396 an sur lequel ils s’opposent. Cette impossibilité de prendre parti entre deux erreurs qui nous semblent organiquement liée
1397 ption proprement révolutionnaire (ou « changement de plan »), qui seule nous restitue l’unité de vision, la plénitude de v
1398 ement de plan »), qui seule nous restitue l’unité de vision, la plénitude de volonté et en quelque sorte la bonne conscien
1399 ule nous restitue l’unité de vision, la plénitude de volonté et en quelque sorte la bonne conscience nécessaire à toute œu
1400 onstructive. Les quelques pages qui suivent n’ont d’ autre but que d’en indiquer le principe de permanente actualité. C’est
1401 quelques pages qui suivent n’ont d’autre but que d’ en indiquer le principe de permanente actualité. C’est précisément ce
1402 t n’ont d’autre but que d’en indiquer le principe de permanente actualité. C’est précisément ce sentiment de bonne conscie
1403 manente actualité. C’est précisément ce sentiment de bonne conscience que nous ne pouvons plus éprouver en présence de la
1404 rouver en présence de la plupart des philosophies de naguère et d’aujourd’hui, telles qu’elles se présentent à nous. Avant
1405 ence de la plupart des philosophies de naguère et d’ aujourd’hui, telles qu’elles se présentent à nous. Avant même d’en pén
1406 telles qu’elles se présentent à nous. Avant même d’ en pénétrer le détail et d’en critiquer la structure propre, nous nous
1407 ent à nous. Avant même d’en pénétrer le détail et d’ en critiquer la structure propre, nous nous sentons repoussés par quel
1408 t. Nos analyses ne nous donnent en elles-mêmes et d’ une façon précise rien de suffisant pour justifier ce mouvement de ref
1409 onnent en elles-mêmes et d’une façon précise rien de suffisant pour justifier ce mouvement de refus global. Mais nous sent
1410 ise rien de suffisant pour justifier ce mouvement de refus global. Mais nous sentons qu’elles entraînent en nous un état d
1411 nous sentons qu’elles entraînent en nous un état de division intérieure. Elles opèrent dans un monde dépourvu de correspo
1412 intérieure. Elles opèrent dans un monde dépourvu de correspondances avec notre situation concrète. Ce n’est pas leur abst
1413 se se donner des lois qui ne tiennent plus compte de la crise du monde, et de celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’
1414 ne tiennent plus compte de la crise du monde, et de celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’est dégagé des coordonnée
1415 ent plus compte de la crise du monde, et de celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’est dégagé des coordonnées du mome
1416 son exercice n’engage plus à rien, concrètement. D’ où ce sentiment, quand nous voulons penser telle idéologie, de nous tr
1417 iment, quand nous voulons penser telle idéologie, de nous trouver diminués dans notre énergie totale. La pensée n’est plus
1418 re énergie totale. La pensée n’est plus le moteur de l’action ; au contraire, elle tourne à ses dépens. On peut continuer
1419 é n’en ronfle que mieux, d’ailleurs, et fait plus de bruit qu’en « prise ». Il arrive même qu’il tourne si vite que toute
1420 ive même qu’il tourne si vite que toute tentative d’ embrayage serait immédiatement fatale à la machine, et ferait voler en
1421 éclats les engrenages. La merveilleuse subtilité d’ une certaine pensée critique, aujourd’hui, ne donne-t-elle pas exactem
1422 par un seul mot, qui exprime à la fois son manque de coordonnées, d’une part, et, d’autre part, le sentiment de division e
1423 nnées, d’une part, et, d’autre part, le sentiment de division et de diminution qu’elle favorise en nous : ce mot serait ce
1424 rt, et, d’autre part, le sentiment de division et de diminution qu’elle favorise en nous : ce mot serait celui d’inactuali
1425 on qu’elle favorise en nous : ce mot serait celui d’ inactualité, entendu, non pas au sens temporel, mais au sens de ruptur
1426 , entendu, non pas au sens temporel, mais au sens de rupture entre la pensée et l’acte. ⁂ Que la pensée moderne repose sur
1427 e. ⁂ Que la pensée moderne repose sur un postulat d’ inactualité, il suffit, pour s’en convaincre, de se demander un instan
1428 t d’inactualité, il suffit, pour s’en convaincre, de se demander un instant ce qui arriverait dans le cas contraire. Si no
1429 ser passer, laisser faire », suppose le débrayage de la pensée, sinon nous vivrions dans la plus effroyable anarchie matér
1430 st réel, il se peut qu’il provienne, précisément, d’ actualisations partielles des philosophies que nous repoussons ? Nous
1431 se renouvelle, c’est qu’il y a dans le monde plus d’ actualité que nos philosophies n’en peuvent concevoir. Et s’il y a du
1432 le désordre n’est pas total, c’est la raison même de ce désordre : c’est la rupture entre la pensée et l’acte, rupture qui
1433 ’autre part, la freine et la prive pour le moment de virulence. Cet état d’équilibre entre le microbe et la maladie ne peu
1434 et la prive pour le moment de virulence. Cet état d’ équilibre entre le microbe et la maladie ne peut mener qu’à une consom
1435 lisation, c’est-à-dire par l’effort et la volonté de confondre l’opération propre de la pensée avec l’acte qui la certifie
1436 ort et la volonté de confondre l’opération propre de la pensée avec l’acte qui la certifie1. À vrai dire, cet effort et ce
1437 purement critique, ou idéaliste, ou relativiste, de l’activité du philosophe. ⁂ Mais cette réalité salutaire, cet acte, c
1438 alement — comment pourrions-nous faire comprendre de quoi il s’agit ? Nous allons être obligés ici d’avoir recours à une m
1439 de quoi il s’agit ? Nous allons être obligés ici d’ avoir recours à une méthode rigoureusement indirecte, et en quelque so
1440 négative. Car, en vérité, il n’y a pas pour nous de problème de l’acte mais il y a problème de ce qui s’oppose à l’acte.
1441 ar, en vérité, il n’y a pas pour nous de problème de l’acte mais il y a problème de ce qui s’oppose à l’acte. (En d’autres
1442 r nous de problème de l’acte mais il y a problème de ce qui s’oppose à l’acte. (En d’autres termes, il n’y a pas de problè
1443 ppose à l’acte. (En d’autres termes, il n’y a pas de problème de la personne, mais bien des « choses », de l’impersonnel.)
1444 te. (En d’autres termes, il n’y a pas de problème de la personne, mais bien des « choses », de l’impersonnel.) L’acte, éta
1445 roblème de la personne, mais bien des « choses », de l’impersonnel.) L’acte, étant immédiat au sujet, ne peut pas, sans ce
1446 étant immédiat au sujet, ne peut pas, sans cesser d’ être acte, être posé en face de l’acteur. On ne peut pas photographier
1447 raphier un acte, et donner ensuite la description de la photo comme la description d’un acte. On pourrait dire tout au plu
1448 e la description de la photo comme la description d’ un acte. On pourrait dire tout au plus (métaphoriquement) que l’acte r
1449 ) que l’acte révélé par le cliché, c’est l’éclair de magnésium dont la photo constitue l’un des effets. Quant à la scène r
1450 uel en soi, et problématique. Qu’on nous permette de reprendre ici une distinction importante introduite par M. Gabriel Ma
1451 ortante introduite par M. Gabriel Marcel à la fin de son article intitulé : Existence et objectivité. M. Marcel distingue
1452 Marcel distingue « entre les données susceptibles de fournir la matière d’un problème, données qui sont par là même object
1453 re les données susceptibles de fournir la matière d’ un problème, données qui sont par là même objectives, et celles sur le
1454 l que nous l’entendons, est évidemment une donnée de ce deuxième type, la donnée par excellence. En réalité, toute définit
1455 réalité, toute définition s’appuie sur une donnée de ce type, sur un de ces « a priori de fait », comme dirait Heidegger.
1456 nition s’appuie sur une donnée de ce type, sur un de ces « a priori de fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative de
1457 r une donnée de ce type, sur un de ces « a priori de fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative de définition de l’ac
1458 e fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative de définition de l’acte lui-même supposerait un arrêt, un retour sur l’a
1459 e dirait Heidegger. Toute tentative de définition de l’acte lui-même supposerait un arrêt, un retour sur l’acte, c’est-à-d
1460 ’est, en réalité, qu’une réflexion sur les effets de l’acte. Si, au moment de sauter, l’athlète essaie de définir le saut,
1461 l’acte. Si, au moment de sauter, l’athlète essaie de définir le saut, il ne sautera pas. Tous ceux qui ont pratiqué un min
1462 autera pas. Tous ceux qui ont pratiqué un minimum de culture physique connaissent ce genre d’échec. C’est la conscience dé
1463 minimum de culture physique connaissent ce genre d’ échec. C’est la conscience défaillante qui refuse l’obstacle. Il ne re
1464 nous amène à constater que : 1° Si on ne part pas de l’acte, on ne part pas du tout. 2° Si on ne part pas tout de suite,
1465 des mots traduit ici le jeu des faits. Impossible de parler de l’acte dans un langage arrêté ou détendu. Tout discours sur
1466 raduit ici le jeu des faits. Impossible de parler de l’acte dans un langage arrêté ou détendu. Tout discours sur l’acte co
1467 nouveauté » déconcertante qui révèle la proximité de la réalité créante. Force nous est de reconnaître qu’un tel discours,
1468 a proximité de la réalité créante. Force nous est de reconnaître qu’un tel discours, dans l’état de notre philosophie, par
1469 st de reconnaître qu’un tel discours, dans l’état de notre philosophie, paraîtra peu philosophique. Personne, mieux que Ki
1470 , n’a su montrer cette complicité essentielle, et d’ apparence scandaleuse, entre l’expression et l’existence. Bornons-nous
1471 l’expression et l’existence. Bornons-nous à citer de lui une phrase bien typique par sa forme même, et qui, par ailleurs,
1472 de, d’autre part, n’est pas épuisée par l’analyse de ses effets. L’acte est à la fois créateur, et transcendant à sa créat
1473 e que dans ce rapport nouveau on ne trouvera rien d’ autre que la matière d’une problématique nouvelle, un donné, ou plutôt
1474 ouveau on ne trouvera rien d’autre que la matière d’ une problématique nouvelle, un donné, ou plutôt un « abandonné » livré
1475 , et s’offrant à son tour à l’éclair bouleversant d’ un nouvel acte. Il n’y a eu d’acte que dans le présent, dans l’instant
1476 éclair bouleversant d’un nouvel acte. Il n’y a eu d’ acte que dans le présent, dans l’instant créateur, dans ce contact ent
1477 ui, elles, se manifestent dans une certaine durée de vibration. Le sentiment qui accompagne l’acte, c’est le sentiment d’i
1478 ntiment qui accompagne l’acte, c’est le sentiment d’ indivision intérieure, d’indivision entre le vouloir et le pouvoir. On
1479 acte, c’est le sentiment d’indivision intérieure, d’ indivision entre le vouloir et le pouvoir. On pourrait presque dire qu
1480 . On pourrait presque dire que c’est la sensation de l’unité, ou, plus exactement, de son accomplissement. C’est l’euphori
1481 est la sensation de l’unité, ou, plus exactement, de son accomplissement. C’est l’euphorie de celui qui éprouve simultaném
1482 ctement, de son accomplissement. C’est l’euphorie de celui qui éprouve simultanément la résistance d’un objet et la victoi
1483 de celui qui éprouve simultanément la résistance d’ un objet et la victoire sur cette résistance. Moment mystérieux entre
1484 ance. Moment mystérieux entre tous, où le maximum de risque s’identifie au maximum de sécurité, dans la conscience de celu
1485 s, où le maximum de risque s’identifie au maximum de sécurité, dans la conscience de celui qui agit. Nous appellerions vol
1486 ntifie au maximum de sécurité, dans la conscience de celui qui agit. Nous appellerions volontiers cet instant le saint des
1487 erions volontiers cet instant le saint des saints de la réalité humaine, le lieu de la pureté, si la « pureté du cœur », c
1488 e saint des saints de la réalité humaine, le lieu de la pureté, si la « pureté du cœur », comme le veut Kierkegaard, c’est
1489 e vivant et le confondant un instant avec l’objet de son désir. On comprendra peut-être mieux maintenant le reproche d’ina
1490 comprendra peut-être mieux maintenant le reproche d’ inactualité essentielle que nous adressions dès le début à certains sy
1491 rcice se trouve être lié à une division préalable de notre être, par exemple à une objectivation du corps — de mon corps —
1492 être, par exemple à une objectivation du corps — de mon corps — ou à une objectivation du devenir historique, ou encore à
1493 du devenir historique, ou encore à une autonomie de la raison critique. Division qui a pour effet, généralement, de volat
1494 ritique. Division qui a pour effet, généralement, de volatiliser les points d’application de notre volonté, de relativiser
1495 ur effet, généralement, de volatiliser les points d’ application de notre volonté, de relativiser tout effort créateur, enf
1496 ralement, de volatiliser les points d’application de notre volonté, de relativiser tout effort créateur, enfin de « dés-or
1497 iliser les points d’application de notre volonté, de relativiser tout effort créateur, enfin de « dés-orienter » l’activit
1498 lonté, de relativiser tout effort créateur, enfin de « dés-orienter » l’activité spécifique de la pensée. L’acte, étant es
1499 , enfin de « dés-orienter » l’activité spécifique de la pensée. L’acte, étant essentiellement l’affirmation simultanée de
1500 e, étant essentiellement l’affirmation simultanée de l’un et du divers, affirmation absurde en langage rationnel, tout sys
1501 la disqualifier. À moins qu’il n’en parte, comme de la réalité centrale, impensable et qui permet de penser. Nous voudrio
1502 de la réalité centrale, impensable et qui permet de penser. Nous voudrions dégager ici, à titre d’exemple, quelques-unes
1503 et de penser. Nous voudrions dégager ici, à titre d’ exemple, quelques-unes des conséquences (méthodologiques) de notre pos
1504 quelques-unes des conséquences (méthodologiques) de notre position. ⁂ Nous ne pouvons faire comprendre la véritable valeu
1505 s ne pouvons faire comprendre la véritable valeur d’ une philosophie de l’acte qu’en montrant comment ses caractères princi
1506 comprendre la véritable valeur d’une philosophie de l’acte qu’en montrant comment ses caractères principaux, tels que nou
1507 r assez dit pour pouvoir affirmer qu’il n’y a pas de transition entre l’acte et ses effets. C’est l’acte lui-même qui se t
1508 transitif et novateur, sans qu’il y ait pour cela de « médiation ». On pourrait dire, paradoxalement : il n’y a de transit
1509 on ». On pourrait dire, paradoxalement : il n’y a de transition que par l’acte, mais l’acte est le contraire d’une transit
1510 tion que par l’acte, mais l’acte est le contraire d’ une transition. Avant de passer à l’examen de ses effets, rappelons en
1511 aire d’une transition. Avant de passer à l’examen de ses effets, rappelons encore deux caractéristiques de l’acte, impliqu
1512 es effets, rappelons encore deux caractéristiques de l’acte, impliquées d’ailleurs dans ce qui précède, et que nous allons
1513 s allons utiliser. La première, c’est la violence de l’acte. Quand on descend au fond de la notion de force, on est obligé
1514 t la violence de l’acte. Quand on descend au fond de la notion de force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de
1515 de l’acte. Quand on descend au fond de la notion de force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en
1516 cend au fond de la notion de force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir
1517 n de force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il
1518 e, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas
1519 ire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas d’évolution créatrice
1520 e violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas d’ évolution créatrice sans révolution. L’acte sera donc agonique. D’autr
1521 pression du Dr Minkowski. L’acte est l’éclatement d’ une tension orientée ; il est donc aussi intention. Il n’est pas seule
1522 èbres. Son caractère dichotomique n’est pas isolé de son caractère agonique. Ce n’est pas à dire que la lumière et les tén
1523 qu’il ne serait pas acte. L’acte n’a qu’un point d’ application, le chaos, la discorde, le non-être, ou ce qui tend à y re
1524 rer du premier d’entre eux, qui est l’affirmation de la personnalité. Nous définissons la personne comme l’individu qui se
1525 r. Mais en s’affirmant, c’est-à-dire en changeant de plan, en allant de l’angoisse à la création, de l’impasse du désordre
1526 ant, c’est-à-dire en changeant de plan, en allant de l’angoisse à la création, de l’impasse du désordre à l’ordre nouveau,
1527 t de plan, en allant de l’angoisse à la création, de l’impasse du désordre à l’ordre nouveau, la personnalité accentue enc
1528 isque de plus en plus. C’est pourquoi les époques de conciliation sont des époques de décadence. Le salut n’est jamais dan
1529 quoi les époques de conciliation sont des époques de décadence. Le salut n’est jamais dans le repli, dans le refus du conf
1530 li, dans le refus du conflit concret. L’invention de l’homme « intérieur » suppose et permet celle du « robot » d’affaires
1531  intérieur » suppose et permet celle du « robot » d’ affaires. L’autisme est un fléchissement de la personnalité. D’une man
1532 obot » d’affaires. L’autisme est un fléchissement de la personnalité. D’une manière générale, l’acte personnel revêtira do
1533 ’autisme est un fléchissement de la personnalité. D’ une manière générale, l’acte personnel revêtira donc deux aspects, sym
1534 revêtira donc deux aspects, symbolisant les pôles de cette tension qui constitue le ressort de l’activité elle-même. D’un
1535 s pôles de cette tension qui constitue le ressort de l’activité elle-même. D’un côté, il y aura une joie créatrice, une co
1536 qui constitue le ressort de l’activité elle-même. D’ un côté, il y aura une joie créatrice, une conscience de libération qu
1537 ôté, il y aura une joie créatrice, une conscience de libération qui est la jouissance spécifiquement humaine. De l’autre c
1538 ion qui est la jouissance spécifiquement humaine. De l’autre côté, on trouvera une économie de force ou de pensée suscepti
1539 umaine. De l’autre côté, on trouvera une économie de force ou de pensée susceptible de se traduire en formules et en mécan
1540 ’autre côté, on trouvera une économie de force ou de pensée susceptible de se traduire en formules et en mécanismes tout f
1541 ra une économie de force ou de pensée susceptible de se traduire en formules et en mécanismes tout faits. D’un côté, un ch
1542 traduire en formules et en mécanismes tout faits. D’ un côté, un champ plus libre conquis pour l’esprit, de l’autre une pre
1543 côté, un champ plus libre conquis pour l’esprit, de l’autre une pression accrue sur l’inerte. Risque par conséquent accru
1544 par conséquent accru aussi, puisque la tentation de l’inertie augmentera en raison même de la plus grande docilité de l’i
1545 tentation de l’inertie augmentera en raison même de la plus grande docilité de l’inerte. Il est plus difficile d’échapper
1546 mentera en raison même de la plus grande docilité de l’inerte. Il est plus difficile d’échapper au prestige du positivisme
1547 rande docilité de l’inerte. Il est plus difficile d’ échapper au prestige du positivisme et du néo-pragmatisme qu’à celui d
1548 celui du moulin à prières. Il est plus difficile de maintenir sur le qui-vive un empire qu’une cité étroite. En effet, à
1549 qu’une cité étroite. En effet, à l’intérieur même de l’empire, s’établit un danger qu’ignorent les pays de marche. Le sent
1550 ’empire, s’établit un danger qu’ignorent les pays de marche. Le sentiment de la sécurité, de l’ennui, du vide, traduit un
1551 nger qu’ignorent les pays de marche. Le sentiment de la sécurité, de l’ennui, du vide, traduit un fléchissement de la tens
1552 les pays de marche. Le sentiment de la sécurité, de l’ennui, du vide, traduit un fléchissement de la tension. L’adoration
1553 té, de l’ennui, du vide, traduit un fléchissement de la tension. L’adoration de l’abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’
1554 aduit un fléchissement de la tension. L’adoration de l’abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’invention de l’acte gratuit
1555 tension. L’adoration de l’abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’invention de l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte san
1556 abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’invention de l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte sans point d’appui et sans ori
1557 mule, l’invention de l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte sans point d’appui et sans orientation, autrement dit de l’act
1558 l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte sans point d’ appui et sans orientation, autrement dit de l’acte impossible, sont de
1559 point d’appui et sans orientation, autrement dit de l’acte impossible, sont des exemples de ce fléchissement. La tentatio
1560 ement dit de l’acte impossible, sont des exemples de ce fléchissement. La tentation de l’acte gratuit n’est qu’une forme m
1561 nt des exemples de ce fléchissement. La tentation de l’acte gratuit n’est qu’une forme moderne de la tentation de l’inerte
1562 tion de l’acte gratuit n’est qu’une forme moderne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la personnalité consécu
1563 ratuit n’est qu’une forme moderne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la personnalité consécutif au relâcheme
1564 rne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la personnalité consécutif au relâchement de la tension et à la perte
1565 tige de la personnalité consécutif au relâchement de la tension et à la perte du sentiment du risque véritable. À côté de
1566 ntiment du risque véritable. À côté de la réalité de la personne, une autre réalité immédiate à l’acte, c’est évidemment l
1567 mmédiate des mises en ordre, la raison est tentée de confondre cet ordre même, qui n’est qu’un effet, avec le dynamisme qu
1568 e dynamisme qui en est cause. Ce dynamisme propre de la pensée créatrice, c’est cela que nous appelons sa faculté dichotom
1569 qu’activité, elle peut se définir par l’invention de l’abstrait, c’est-à-dire de l’homogénéité mathématique. Elle apparaît
1570 finir par l’invention de l’abstrait, c’est-à-dire de l’homogénéité mathématique. Elle apparaît ainsi comme un va-et-vient
1571 n va-et-vient du « donné » à l’abstrait. (Conflit de l’identité et de la réalité, voir Meyerson). Il n’y a de paradoxe épi
1572 « donné » à l’abstrait. (Conflit de l’identité et de la réalité, voir Meyerson). Il n’y a de paradoxe épistémologique que
1573 entité et de la réalité, voir Meyerson). Il n’y a de paradoxe épistémologique que pour qui refuse d’aborder le problème de
1574 a de paradoxe épistémologique que pour qui refuse d’ aborder le problème de la connaissance à partir de l’acte. Mais, au co
1575 logique que pour qui refuse d’aborder le problème de la connaissance à partir de l’acte. Mais, au contraire, la science, c
1576 , considérée maintenant comme monument ou système de règles, ne saurait être qu’un aspect provisoirement favorable du chao
1577 es hommes, la science se traduit par une économie d’ énergie et de pensée, d’où cette zone où l’homme marche sur de l’art h
1578 science se traduit par une économie d’énergie et de pensée, d’où cette zone où l’homme marche sur de l’art humain en tout
1579 traduit par une économie d’énergie et de pensée, d’ où cette zone où l’homme marche sur de l’art humain en toute sécurité
1580 de pensée, d’où cette zone où l’homme marche sur de l’art humain en toute sécurité et en plein automatisme (exemple : les
1581 progrès scientifique accroît sans cesse ce risque d’ automatisme, rançon de la conquête2. À tous les étages et dans tous le
1582 ccroît sans cesse ce risque d’automatisme, rançon de la conquête2. À tous les étages et dans tous les domaines de l’effort
1583 ête2. À tous les étages et dans tous les domaines de l’effort de pensée nous retrouvons ce risque, né du caractère ordonna
1584 les étages et dans tous les domaines de l’effort de pensée nous retrouvons ce risque, né du caractère ordonnateur de l’ac
1585 retrouvons ce risque, né du caractère ordonnateur de l’activité humaine. Ainsi dans l’organisation du travail. La machine
1586 l où l’œuvre garde un caractère plus ou moins net de totalité. En d’autres termes, la machine sépare le travail qualifié,
1587 non qualifié, où l’homme ne joue plus qu’un rôle d’ exécuteur. Remarquons que la machine n’est que le prolongement d’un sc
1588 marquons que la machine n’est que le prolongement d’ un schéma mathématique, et qu’elle est elle-même prolongée par la rati
1589 ionalisation. Nous avons là un exemple saisissant de la progression par dichotomie. Progression réelle, créant un double r
1590 ce serait en quelque sorte renoncer au sens même de l’activité humaine ; mais, d’autre part, la domination de la machine
1591 ivité humaine ; mais, d’autre part, la domination de la machine serait le résultat fatal du renoncement à la valeur éthiqu
1592 résultat fatal du renoncement à la valeur éthique de la science en tant qu’acte (tentation à laquelle nous condamne à céde
1593 périmentalisme positiviste). Un troisième exemple de tension et d’acte nous est fourni par l’homme considéré du point de v
1594 positiviste). Un troisième exemple de tension et d’ acte nous est fourni par l’homme considéré du point de vue social. D’u
1595 rni par l’homme considéré du point de vue social. D’ un côté, nous trouvons l’attachement de l’homme à la terre, à la famil
1596 ue social. D’un côté, nous trouvons l’attachement de l’homme à la terre, à la famille, à la race, à l’ambiance sociale. L’
1597 ort. Remarquons que cet attachement est la marque de l’humanité. Mais, d’autre part, l’homme n’existe personnellement qu’a
1598 qu’autant qu’il s’affirme en acte. Quand on parle de solidarité humaine, de valeur humaine, c’est à une société de personn
1599 me en acte. Quand on parle de solidarité humaine, de valeur humaine, c’est à une société de personnes que l’on pense. L’ho
1600 é humaine, de valeur humaine, c’est à une société de personnes que l’on pense. L’homme n’atteint l’universel qu’à travers
1601 . Originalité éclatante, inoubliable, paradoxale, de la société humaine, qui lui permet de se dépasser elle-même. L’homme
1602 paradoxale, de la société humaine, qui lui permet de se dépasser elle-même. L’homme concret, l’homme vivant, l’homme en ac
1603 l’homme vivant, l’homme en acte est l’affirmation d’ une tension permanente entre ces deux pôles de l’amour : l’attachement
1604 ion d’une tension permanente entre ces deux pôles de l’amour : l’attachement à la diversité concrète, et l’actualisation d
1605 ement à la diversité concrète, et l’actualisation de l’universel par la charité personnaliste. ⁂ Pour éviter un malentendu
1606 nons à souligner encore en terminant le caractère d’ instantanéité de l’acte créateur. Nous affirmons ainsi ce qui nous par
1607 encore en terminant le caractère d’instantanéité de l’acte créateur. Nous affirmons ainsi ce qui nous paraît spécifique d
1608 ous affirmons ainsi ce qui nous paraît spécifique de l’effort et de la pensée humaine. La pensée créatrice est donc l’acte
1609 insi ce qui nous paraît spécifique de l’effort et de la pensée humaine. La pensée créatrice est donc l’acte le plus pur et
1610 e nous n’allons pas être amenés à nier la réalité de toute médiation ? Assurément l’évidence de l’acte, non seulement prim
1611 éalité de toute médiation ? Assurément l’évidence de l’acte, non seulement prime tout pour nous, mais constitue, comme nou
1612 mais constitue, comme nous l’avons dit, le point de départ nécessaire, la supra-rationalité la plus favorable à l’édifica
1613 pra-rationalité la plus favorable à l’édification de toute construction humaine, même et surtout rationnelle. Mais si nous
1614 Ce n’est que dans certains domaines très étroits de la pensée que ces résistances sont assez nettement brisées pour confé
1615 ttement brisées pour conférer à la création issue de l’acte comme une forme d’éternité. Partout ailleurs, les résistances
1616 rer à la création issue de l’acte comme une forme d’ éternité. Partout ailleurs, les résistances sont étroitement mêlées à
1617 nt étroitement mêlées à toutes les manifestations d’ activité. La médiation ne se manifeste pour nous que sous forme de rés
1618 s résistances plus ou moins favorables au ressort de l’activité, comme certains climats ou certains pays se prêtent mieux
1619 jamais que des résistances. Entre les deux pôles de la tension, il n’y a ni identité, ni égalité, justement parce que l’u
1620 ’un d’entre eux attache l’homme aux autres formes de la vie, tandis que le second affirme la transcendance de l’acte. Étan
1621 ie, tandis que le second affirme la transcendance de l’acte. Étant orientée vers l’acte, la tension humaine ne saurait don
1622 édiat, ou, pour reprendre l’expression vigoureuse de Kierkegaard, comme « un attentat métaphysique contre l’éthique ». Il
1623 ». Il faut, certes, que l’homme trouve des points d’ appui et garde une participation avec ce qui n’est pas personnel. Mais
1624 irmation du personnalisme. Dans les divers ordres de l’activité humaine, l’acte instantané ne fera briller son éclair que
1625 t ici en tant que résistance à l’effort une sorte de réalité indépendante, ne donnent que rarement l’occasion d’une victoi
1626 indépendante, ne donnent que rarement l’occasion d’ une victoire évidente ; mais dans tous les domaines de l’activité huma
1627 e victoire évidente ; mais dans tous les domaines de l’activité humaine la pensée dichotomique maintiendra cette volonté :
1628 libérer la personnalité, dégager l’instantanéité de l’acte. 1. Ce qui ne signifie pas du tout que la pensée doive être
1629 action — bien au contraire ! — mais que le risque de penser est actuel (D. R.). 2. Je retrouve dans les papiers posthume
1630 R.). 2. Je retrouve dans les papiers posthumes d’ Arnaud Dandieu quelques lignes qui me paraissent propres à éclairer ce
1631 logique du logique, où est-il donc ? Le point est d’ importance car il nous éclairera un peu sur la nature intime de l’acte
1632 car il nous éclairera un peu sur la nature intime de l’acte créateur, dans la mesure où elle est saisissable. En effet, de
1633 dans la mesure où elle est saisissable. En effet, de tous les seuils irrationnels que l’homme puisse passer, c’est sans do
1634 que fois qu’il pense, encore que peut-être l’acte de penser, au sens plein et cartésien du mot, soit infiniment plus diffi
1635 à répondre à cette question, il est indispensable de marquer très fortement l’influence qu’exerce ce seuil sur toute la vi
1636 et, probablement, sur la vie en général. Cela est d’ autant plus nécessaire que de même que la science a longtemps refusé d
1637 ire que de même que la science a longtemps refusé de faire entrer dans ses constructions le principe de Carnot, et qu’elle
1638 e faire entrer dans ses constructions le principe de Carnot, et qu’elle n’a accepté l’irréversibilité qu’il recèle, que po
1639 pour en tourner l’irrationalité foncière à l’aide d’ une loi statistique, de même la méthode sociologique qui a conduit à l
1640 éthode sociologique qui a conduit à la découverte de la véritable nature de la mentalité prélogique, hésite à faire la par
1641 a conduit à la découverte de la véritable nature de la mentalité prélogique, hésite à faire la part de l’orientation huma
1642 e la mentalité prélogique, hésite à faire la part de l’orientation humaine qui s’exprime par une affirmation croissante de
1643 aine qui s’exprime par une affirmation croissante de la discontinuité explosive sous forme d’individualisation ou de créat
1644 oissante de la discontinuité explosive sous forme d’ individualisation ou de création intellectuelle. Notre science n’est à
1645 nuité explosive sous forme d’individualisation ou de création intellectuelle. Notre science n’est à l’aise que dans le con
1646 le. Paradoxe que M. Meyerson a décrit sous le nom de paradoxe épistémologique. » (Arnaud Dandieu). a. Rougemont Denis d
1647 ogique. » (Arnaud Dandieu). a. Rougemont Denis de , « L’Acte comme point de départ », Recherches philosophiques, Paris,
1648 ). a. Rougemont Denis de, « L’Acte comme point de départ », Recherches philosophiques, Paris, 1936–1973, p. 55-64. b.
1649 iques, Paris, 1936–1973, p. 55-64. b. Texte daté de 1933 et co-rédigé avec Arnaud Dandieu.
8 1937, Articles divers (1936-1938). Formons des Clubs de presse (30 janvier 1937)
1650 Formons des Clubs de presse (30 janvier 1937)f g Les raisons Chacun sait et éprouv
1651 es ou des partisanneries politiques qui est celui de la presse française, rend à peu près impossibles une documentation ob
1652 n objective et une information sincère. Le procès de la presse n’est plus à faire. Sa réforme pose tant de problèmes et en
1653 re. Sa réforme pose tant de problèmes et entraîne de telles incidences (les dangers d’une information d’État : Tass ou DNB
1654 mes et entraîne de telles incidences (les dangers d’ une information d’État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’un
1655 telles incidences (les dangers d’une information d’ État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’un monopole privé) q
1656 d’État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’ un monopole privé) qu’il est à craindre qu’elle ne puisse s’accomplir
1657 solément. Seul le redressement radical et général d’ un régime économique où règne aujourd’hui l’argent, libérera l’informa
1658 ui des journaux. Le but L’objet des « Clubs de presse », en même temps que de préparer et d’accélérer cette réforme
1659 ’objet des « Clubs de presse », en même temps que de préparer et d’accélérer cette réforme nécessaire, est de fournir dès
1660 ubs de presse », en même temps que de préparer et d’ accélérer cette réforme nécessaire, est de fournir dès à présent à tou
1661 arer et d’accélérer cette réforme nécessaire, est de fournir dès à présent à tous ceux qui en éprouvent le pressant besoin
1662 rouvent le pressant besoin, les premiers éléments d’ une information honnête, et cela en échappant résolument aux condition
1663 x conditions et aux méthodes aujourd’hui faussées de la grande presse imprimée. Le principe Ce sont les mêmes procéd
1664 ité, centralisation, etc.) qui ont fait le succès de la presse moderne, qui font aujourd’hui son servage. « L’imprimé » qu
1665 a trente ans, synonyme dans l’opinion populaire, de vérité, est devenu pour le public, synonyme de mensonge. Il s’agit en
1666 e, de vérité, est devenu pour le public, synonyme de mensonge. Il s’agit en attendant que la question puisse être attaquée
1667 t que la question puisse être attaquée et résolue de front — de tourner la difficulté en remontant à la source, en renouve
1668 estion puisse être attaquée et résolue de front — de tourner la difficulté en remontant à la source, en renouvelant le mod
1669 tant à la source, en renouvelant le mode primitif de l’information, l’information directe, personnelle et orale. Déjà aujo
1670 à aujourd’hui, devant la carence ou la subversion de l’information officielle, chercher à obtenir, par des contacts person
1671 nements aux sources mêmes, des nouvelles exemptes de déformations ou de tendances. Il s’agit, en contrôlant, en systématis
1672 mêmes, des nouvelles exemptes de déformations ou de tendances. Il s’agit, en contrôlant, en systématisant cette presse pa
1673 ant cette presse parlée qui se crée spontanément, d’ établir dans toute la France, un vaste réseau entre les hommes de bonn
1674 toute la France, un vaste réseau entre les hommes de bonne volonté. Les organismes On constitue, dans le plus grand
1675 On constitue, dans le plus grand nombre possible de localités un « Club de presse ». Les adhérents se réunissent une fois
1676 plus grand nombre possible de localités un « Club de presse ». Les adhérents se réunissent une fois par semaine, pour rece
1677 r semaine, pour recevoir et apporter les éléments de cette nouvelle forme d’informations. Le travail est centralisé par un
1678 et apporter les éléments de cette nouvelle forme d’ informations. Le travail est centralisé par un « Comité central des in
1679 qui, après recoupements et vérifications, permet d’ élaborer une matière définitive. Il convient de préciser que le bullet
1680 et d’élaborer une matière définitive. Il convient de préciser que le bulletin n’est pas distribué. Il est adressé personne
1681 nt et confidentiellement au président responsable de chaque club qui le communique à ses adhérents. Ceux-ci ne sont pas de
1682 e communique à ses adhérents. Ceux-ci ne sont pas de simples lecteurs passifs, mais des membres actifs, qui participent à
1683 s. Il faut encore ajouter que le « Comité central d’ informations » qui rédige le bulletin, n’a pas seulement à sa disposit
1684 les renseignements que lui fournissent les clubs de base. Composé lui-même de journalistes, d’économistes, de financiers,
1685 i fournissent les clubs de base. Composé lui-même de journalistes, d’économistes, de financiers, de militants, il utilise
1686 clubs de base. Composé lui-même de journalistes, d’ économistes, de financiers, de militants, il utilise toutes les Inform
1687 Composé lui-même de journalistes, d’économistes, de financiers, de militants, il utilise toutes les Informations directes
1688 me de journalistes, d’économistes, de financiers, de militants, il utilise toutes les Informations directes dans les agenc
1689 ndicats, les milieux financiers… Par la diversité de sa composition professionnelle, par l’étendue de ses ramifications, i
1690 de sa composition professionnelle, par l’étendue de ses ramifications, il vise à ne délaisser aucune source, à tenir comp
1691 vise à ne délaisser aucune source, à tenir compte de tous les points de vue. Le programme Le bulletin se divise en t
1692 ni appréciations, sur chacun des faits importants de la semaine. Cette première partie doit donner aux membres des clubs,
1693 rtie doit donner aux membres des clubs, une suite de « matières premières » offrant toute garantie ; 2° une partie critiqu
1694 arantie ; 2° une partie critique. C’est une sorte de revue de presse commentée. On y relèvera les contradictions et les dé
1695 2° une partie critique. C’est une sorte de revue de presse commentée. On y relèvera les contradictions et les déformation
1696 y relèvera les contradictions et les déformations de la grande presse ou de la presse d’opinion, en donnant chaque fois le
1697 ctions et les déformations de la grande presse ou de la presse d’opinion, en donnant chaque fois les raisons politiques ou
1698 déformations de la grande presse ou de la presse d’ opinion, en donnant chaque fois les raisons politiques ou financières
1699 chaque fois les raisons politiques ou financières de telle campagne et aussi de tel silence. Cette partie a pour but de do
1700 itiques ou financières de telle campagne et aussi de tel silence. Cette partie a pour but de donner aux adhérents, des moy
1701 et aussi de tel silence. Cette partie a pour but de donner aux adhérents, des moyens de comprendre et de redresser la doc
1702 ie a pour but de donner aux adhérents, des moyens de comprendre et de redresser la documentation que continuera à leur fou
1703 donner aux adhérents, des moyens de comprendre et de redresser la documentation que continuera à leur fournir la presse. E
1704 r fournir la presse. Elle pourrait être une sorte d’ école permanente des lecteurs de journaux ; 3° une partie documentaire
1705 it être une sorte d’école permanente des lecteurs de journaux ; 3° une partie documentaire sur la presse. Tout en cherchan
1706 . Tout en cherchant à remédier à l’action néfaste de la presse imprimée en se plaçant hors de son domaine, les « Clubs » n
1707 « Clubs » n’oublient pas que la réforme organique de la presse est le but final. Dans cette partie, on réunira petit à pet
1708 entation précise sur la structure et le mécanisme de la presse. Soit en signalant toutes les modifications dans la command
1709 professionnels, législatifs, que pose la réforme de la presse. Dès à présent, de tels documents facilitent aux adhérents
1710 que pose la réforme de la presse. Dès à présent, de tels documents facilitent aux adhérents l’objet de la partie numéro 2
1711 e tels documents facilitent aux adhérents l’objet de la partie numéro 2 du bulletin : savoir lire avec le minimum de duper
1712 uméro 2 du bulletin : savoir lire avec le minimum de duperie, une presse truquée. L’esprit Il est évident que la por
1713 quée. L’esprit Il est évident que la portée d’ une telle entreprise dépend de la valeur professionnelle et morale et
1714 ident que la portée d’une telle entreprise dépend de la valeur professionnelle et morale et de l’honnêteté intellectuelle
1715 dépend de la valeur professionnelle et morale et de l’honnêteté intellectuelle de ses réalisateurs. Le côté confidentiel
1716 nnelle et morale et de l’honnêteté intellectuelle de ses réalisateurs. Le côté confidentiel et privé de la méthode rend la
1717 e ses réalisateurs. Le côté confidentiel et privé de la méthode rend la question particulièrement importante. L’expérience
1718 xpérience seule permettra aux adhérents des clubs de vérifier le sérieux et l’indépendance du bulletin. Toutefois les adhé
1719 ie dans les groupements qui ont pris l’initiative de la création et du fonctionnement des clubs de presse. Les « Clubs de
1720 ive de la création et du fonctionnement des clubs de presse. Les « Clubs de presse » sont fondés et dirigés par Denis de R
1721 u fonctionnement des clubs de presse. Les « Clubs de presse » sont fondés et dirigés par Denis de Rougemont et R.-Philippe
1722 igés par Denis de Rougemont et R.-Philippe Millet de L’Ordre nouveau , L.-Émile Gallëy et Jean Maze de la Flèche, Jacques
1723 entreprise qui ne veut être qu’une œuvre stricte d’ information, à l’exclusivité de tout commentaire et de tout jugement.
1724 ’une œuvre stricte d’information, à l’exclusivité de tout commentaire et de tout jugement. Mais ils s’engagent, dans les «
1725 formation, à l’exclusivité de tout commentaire et de tout jugement. Mais ils s’engagent, dans les « clubs de presse », à d
1726 t jugement. Mais ils s’engagent, dans les « clubs de presse », à défendre les principes qui leur sont communs : primauté d
1727 re les principes qui leur sont communs : primauté de la personne humaine, respect de la vérité et lutte contre la tyrannie
1728 ommuns : primauté de la personne humaine, respect de la vérité et lutte contre la tyrannie de l’argent. Louis E. Galey, Ja
1729 respect de la vérité et lutte contre la tyrannie de l’argent. Louis E. Galey, Jacques Madaule, Jean Maze, R.-Philippe Mil
1730 unier, Denis de Rougemont. f. Rougemont Denis de , « Formons des clubs de presse », La Flèche, Paris, 30 janvier 1937,
1731 t. f. Rougemont Denis de, « Formons des clubs de presse », La Flèche, Paris, 30 janvier 1937, p. 2. g. Précédé de la
1732 Flèche, Paris, 30 janvier 1937, p. 2. g. Précédé de la notice suivante : « Nous présentons ci-dessous à tous nos camarade
1733 ntons ci-dessous à tous nos camarades et lecteurs de La Flèche le manifeste des clubs de presse en formation. À l’heure où
1734 s et lecteurs de La Flèche le manifeste des clubs de presse en formation. À l’heure où la grande presse française se const
1735 haque jour davantage en trusts, il ne suffit plus de dénoncer ses mensonges et ses trahisons. Il faut passer à l’action. S
1736 r un terrain parfaitement précis et limité, celui de l’information, nous avons pensé que nous devions collaborer avec des
1737 ons. Ce sera certainement par ailleurs l’occasion d’ un échange de vues qui ne peut être que fructueux pour tous. Nous fais
1738 certainement par ailleurs l’occasion d’un échange de vues qui ne peut être que fructueux pour tous. Nous faisons un appel
1739 si éloignée, si peu importante soit-elle, le club de presse dont ils seront les instigateurs devienne rapidement un organi
1740 l’heure où Havas règne, à l’heure où la diffusion de la pensée par le papier, le film et la radio n’a jamais été si grande
1741 dio n’a jamais été si grande, nous sommes obligés de revenir à une forme antique de transmission : l’information orale. C’
1742 ous sommes obligés de revenir à une forme antique de transmission : l’information orale. C’est la seule possible aujourd’h
1743 dière, en mettant dans le coin la mention : clubs de presse.) »
9 1937, Articles divers (1936-1938). À qui la liberté ? (5 mars 1937)
1744 a liberté ? (5 mars 1937)h Tout le monde parle de la culture et de la défense de la culture. C’est qu’on ne sait plus c
1745 rs 1937)h Tout le monde parle de la culture et de la défense de la culture. C’est qu’on ne sait plus ce que signifie cu
1746 ns la vie publique, et dans les couches profondes de la nation. Je dis que la crise de la culture est dans la rue. Je dis
1747 uches profondes de la nation. Je dis que la crise de la culture est dans la rue. Je dis que la culture fait le trottoir. E
1748 toir. Et que c’est la politique qui s’est chargée de réglementer à sa manière la prostitution des mots-clés, des lieux com
1749 e la Rocque défend ce qu’il appelle « la primauté de l’esprit ». Il fait placarder des affiches « Pour la défense de la li
1750 Couturier publie un manifeste intitulé Au service de l’esprit, où il est question à chaque page de défendre la liberté. Da
1751 ice de l’esprit, où il est question à chaque page de défendre la liberté. Dans l’état présent du langage, de la culture, e
1752 endre la liberté. Dans l’état présent du langage, de la culture, et de la politique, on peut être à peu près certain que c
1753 Dans l’état présent du langage, de la culture, et de la politique, on peut être à peu près certain que ces deux messieurs
1754 deux messieurs défendent en réalité le contraire de l’esprit et de la liberté, c’est-à-dire qu’ils défendent l’un et l’au
1755 défendent en réalité le contraire de l’esprit et de la liberté, c’est-à-dire qu’ils défendent l’un et l’autre un régime d
1756 à-dire qu’ils défendent l’un et l’autre un régime d’ étatisme oppressif et de dictature de l’économique. Le résultat de ces
1757 l’un et l’autre un régime d’étatisme oppressif et de dictature de l’économique. Le résultat de ces pratiques ne se fera pa
1758 re un régime d’étatisme oppressif et de dictature de l’économique. Le résultat de ces pratiques ne se fera pas attendre, e
1759 ssif et de dictature de l’économique. Le résultat de ces pratiques ne se fera pas attendre, et l’on en voit déjà les premi
1760 et l’on en voit déjà les premiers signes : parlez de la liberté, posez-vous en défenseur de cet idéal permanent de la Révo
1761 s : parlez de la liberté, posez-vous en défenseur de cet idéal permanent de la Révolution humaine, vous passerez bientôt p
1762 é, posez-vous en défenseur de cet idéal permanent de la Révolution humaine, vous passerez bientôt pour fasciste. On dit qu
1763 tôt pour fasciste. On dit que les mots n’ont plus de sens. Ce serait trop beau, ce serait trop facile, ce serait enfin la
1764 veut dans la bouche des politiciens. Ils prennent de préférence un sens contraire à celui de l’usage courant. (Staline dit
1765 prennent de préférence un sens contraire à celui de l’usage courant. (Staline dit : « Je ne suis pas un dictateur » ; Mus
1766 s pas un dictateur » ; Mussolini fait la conquête de l’Éthiopie au nom de ce qu’il appelle sa liberté, etc.) Mais ils pren
1767 erté, etc.) Mais ils prennent aussi toutes sortes de sens intermédiaires dans la bouche de nos députés et journalistes, qu
1768 utes sortes de sens intermédiaires dans la bouche de nos députés et journalistes, qui flétrissent (à droite) ou approuvent
1769 he) les lois sociales parce qu’ils les qualifient de socialistes, et qui approuveraient (à droite), ou flétriraient (à gau
1770 nt (à gauche) les mêmes lois si on les qualifiait de fascistes. Alors qu’elles sont, en fait, l’un et l’autre. La politiqu
1771 que ce qu’elle dit. On se demande pourquoi, dans de telles conditions, l’on s’obstinerait encore à écrire, à parler, si p
1772 t encore à écrire, à parler, si par hasard on est de bonne foi et si de plus on a des choses précises à exprimer. Je répon
1773 ut d’abord. Écrivons pour montrer qu’il n’est pas de problème politique plus urgent que celui des mots ; et qu’il n’est pa
1774 us urgent que celui des mots ; et qu’il n’est pas de problème culturel qui ne dépende de la politique. Cela revient à écri
1775 ’il n’est pas de problème culturel qui ne dépende de la politique. Cela revient à écrire, si l’on me comprend, pour éduque
1776 uer la méfiance du lecteur. h. Rougemont Denis de , « À qui la liberté ? », À nous la liberté, Paris, 5 mars 1937, p. 10
10 1937, Articles divers (1936-1938). Romanciers publicitaires ou la contagion romanesque (13 mars 1937)
1777 affirmant que le roman est le plus « contagieux » de nos genres littéraires, j’entends celui qui exerce l’influence la plu
1778 ent suicidés après Werther ; ou qui entreprennent de gagner un million au sortir d’une lecture de Balzac ; aux boursiers d
1779 qui entreprennent de gagner un million au sortir d’ une lecture de Balzac ; aux boursiers dont Stendhal enfièvre l’ambitio
1780 nent de gagner un million au sortir d’une lecture de Balzac ; aux boursiers dont Stendhal enfièvre l’ambition ; aux jeunes
1781 me, voire désirable, que cette contagion pratique de l’art, tant qu’il s’agit véritablement d’art, tant qu’il s’agit, pour
1782 ratique de l’art, tant qu’il s’agit véritablement d’ art, tant qu’il s’agit, pour un auteur, d’influencer le public par des
1783 blement d’art, tant qu’il s’agit, pour un auteur, d’ influencer le public par des moyens choisis, et de lui transmettre une
1784 d’influencer le public par des moyens choisis, et de lui transmettre une certaine vision du monde plus profonde, plus rich
1785 e, plus riche et plus vraie, que la vision banale de la vie quotidienne. Il est très bon que le romancier et ses romans ag
1786 très bon que le romancier et ses romans agissent, de cette manière intime et souterraine, tant qu’ils ont quelque chose à
1787 ils ont quelque chose à dire. Mais nos romanciers d’ après-guerre, qu’ont-ils à dire ? Dans quel sens entendent-ils agir su
1788 ? Dans quel sens entendent-ils agir sur les mœurs de leurs contemporains ? Ils prétendent faire de pures et simples descri
1789 urs de leurs contemporains ? Ils prétendent faire de pures et simples descriptions de la Vie (avec majuscule). Ils ne redo
1790 prétendent faire de pures et simples descriptions de la Vie (avec majuscule). Ils ne redoutent rien tant que l’œuvre à thè
1791 t rien tant que l’œuvre à thèse. Ils se défendent de toutes leurs forces d’avoir une métaphysique, une idéologie déterminé
1792 à thèse. Ils se défendent de toutes leurs forces d’ avoir une métaphysique, une idéologie déterminée, des intentions moral
1793 termes, ils influencent au hasard, gratuitement, d’ une manière anarchique — tout en prétendant ne pas vouloir influencer,
1794 ux qui, par crainte de s’imposer ou par ignorance de ce qu’il faudrait imposer, se contentent d’un opportunisme à la petit
1795 rance de ce qu’il faudrait imposer, se contentent d’ un opportunisme à la petite semaine, et ménagent les opinions plutôt q
1796 et ménagent les opinions plutôt que les intérêts de leurs électeurs. Cet opportunisme à courte vue caractérise très bien
1797 bien le romancier bourgeois. Refuser toute espèce de thèse, cela signifie simplement ménager et flatter le lecteur, la con
1798 cience bourgeoise du lecteur, ou plus précisément de la lectrice, car en France, paraît-il, ce sont les femmes qui lisent
1799 es à flatter, à force de ne vouloir rien affirmer de trop volontaire, de trop positif, de trop réellement révolutionnaire
1800 e de ne vouloir rien affirmer de trop volontaire, de trop positif, de trop réellement révolutionnaire et constructif, le «
1801 ien affirmer de trop volontaire, de trop positif, de trop réellement révolutionnaire et constructif, le « romancier à succ
1802 nnaire et constructif, le « romancier à succès », de nos jours, est devenu un simple reflet de la conscience bourgeoise mo
1803 ccès », de nos jours, est devenu un simple reflet de la conscience bourgeoise moyenne. Il ne fait que traduire les humeurs
1804 tionnaire cohérent. Il n’a qu’une crainte : celle de passer pour autre chose qu’un « pur artiste », celle de passer pour u
1805 ser pour autre chose qu’un « pur artiste », celle de passer pour un auteur à thèse, pour un propagandiste. Cette crainte —
1806 ui ne fut jamais celle des grands artistes — fait de notre romancier, tout simplement, le propagandiste des goûts de sa cl
1807 cier, tout simplement, le propagandiste des goûts de sa classe. Rien n’est plus dangereusement tendancieux qu’un écrivain
1808 e uniquement au profit des classes possédantes et de leurs coutumes. Il n’est que de voir l’importance démesurée que nos r
1809 es possédantes et de leurs coutumes. Il n’est que de voir l’importance démesurée que nos romanciers attachent à la descrip
1810 tion des vêtements, des ameublements, des marques d’ autos, et même de cigarettes (Paul Reboux) de leurs personnages ! Le r
1811 s, des ameublements, des marques d’autos, et même de cigarettes (Paul Reboux) de leurs personnages ! Le romancier bourgeoi
1812 ques d’autos, et même de cigarettes (Paul Reboux) de leurs personnages ! Le romancier bourgeois qui s’imaginait, naïvement
1813 mné lui-même, en fait, à ne plus être que l’agent de publicité — plus ou moins bénévole — des fournisseurs d’une certaine
1814 icité — plus ou moins bénévole — des fournisseurs d’ une certaine classe. Ce romancier, et la culture qu’il représente, on
1815 roman, et du roman fait à l’usage des bourgeois, de leurs loisirs improductifs. Une telle crise ne peut être résolue par
1816 telle crise ne peut être résolue par des mesures de propagande, ni par des lois plus ou moins astucieuses. C’est toutes l
1817 plus ou moins astucieuses. C’est toutes les bases de la culture actuelle qui sont en crise. Faites-nous des œuvres qui aff
1818 mans qui riment à quelque chose, il n’y aura plus de crise du livre. i. Rougemont Denis de, « Romanciers publicitaires
1819 ura plus de crise du livre. i. Rougemont Denis de , « Romanciers publicitaires ou la contagion romanesque », À nous la l
11 1937, Articles divers (1936-1938). Vers une littérature personnaliste (20 mars 1937)
1820 On a très vivement critiqué le dernier chapitre de l’Histoire de la littérature française de Thibaudetk : celui qui est
1821 vement critiqué le dernier chapitre de l’Histoire de la littérature française de Thibaudetk : celui qui est consacré à l’a
1822 hapitre de l’Histoire de la littérature française de Thibaudetk : celui qui est consacré à l’après-guerre. II est vrai que
1823 raitées cavalièrement (Maurois-Mauriac : « manque de substance, d’épaisseur, de variété… », « accrochés aux petites histoi
1824 èrement (Maurois-Mauriac : « manque de substance, d’ épaisseur, de variété… », « accrochés aux petites histoires de leur mi
1825 ois-Mauriac : « manque de substance, d’épaisseur, de variété… », « accrochés aux petites histoires de leur milieu… »). On
1826 de variété… », « accrochés aux petites histoires de leur milieu… »). On a dit : le chapitre est bâclé. Je me demande si l
1827 it vu et constaté aussi nettement qu’à la lecture de ce bilan désinvolte. Au lendemain de la guerre, la production écrite
1828 à la lecture de ce bilan désinvolte. Au lendemain de la guerre, la production écrite des hommes qui revenaient du front —
1829 et la prospérité des nouveaux riches, une avidité de sensations, une libération érotique, des mécènes américains… Ce fut l
1830 ion, la Permission perpétuelle — jusqu’à la crise de 1930. Il nous en reste une génération de gloires rapides et sans ampl
1831 la crise de 1930. Il nous en reste une génération de gloires rapides et sans ampleur, des « noms » qu’un seul livre imposa
1832 ; pratiquement, la franchise n’est pas possible.) De ces années, et de celles de la crise qui les suit, on ne retiendra gu
1833 franchise n’est pas possible.) De ces années, et de celles de la crise qui les suit, on ne retiendra guère que les bizarr
1834 n’est pas possible.) De ces années, et de celles de la crise qui les suit, on ne retiendra guère que les bizarreries les
1835 stes composeront très probablement une anthologie de « mineurs » qui prendra le charme d’un style, et très vite, une patin
1836 e anthologie de « mineurs » qui prendra le charme d’ un style, et très vite, une patine rassurante. Quant au roman contempo
1837 ux que Thibaudet, son premier historien, ne tente d’ en sauver que les plus gros morceaux — au poids — les « romans-cycles 
1838 on qu’adoptent naturellement les écrivains lassés de l’improvisation et du bâclé. Au lieu de chercher la densité, en profo
1839 densité, en profondeur, ils trouvent plus commode de donner en surface une impression de masse construite. Au lieu d’appro
1840 plus commode de donner en surface une impression de masse construite. Au lieu d’approfondir un personnage jusqu’au type,
1841 s multiplient les personnages. Au lieu de marquer d’ une empreinte durable un moment donné de l’histoire sociale, ils s’éta
1842 e marquer d’une empreinte durable un moment donné de l’histoire sociale, ils s’étalent dans la durée et vagabondent à trav
1843 s qu’ils s’attardent presque tous aux générations d’ avant-guerre : le temps de leur jeunesse, remarque Thibaudet. Et il at
1844 ue tous aux générations d’avant-guerre : le temps de leur jeunesse, remarque Thibaudet. Et il attribue ce phénomène de « r
1845 , remarque Thibaudet. Et il attribue ce phénomène de « refoulement de la durée vers l’amont » à l’incertitude du lendemain
1846 det. Et il attribue ce phénomène de « refoulement de la durée vers l’amont » à l’incertitude du lendemain (et du présent),
1847 demain (et du présent), à la nécessité croissante de vivre sur ses réserves, enfin à une crise et à une carence de la créa
1848 ses réserves, enfin à une crise et à une carence de la création. Malgré ces difficultés, conclut-il, on ne saurait guère
1849 il, on ne saurait guère douter que le super-cycle de ces sept romans-cycles (Martin du Gard, Duhamel, Francis, Lacretelle,
1850 Lacretelle, Chardonne, Romains, Béhaine), le Tour de France des romanciers cyclistes, ne reste un trait capital de l’histo
1851 s romanciers cyclistes, ne reste un trait capital de l’histoire du roman, du paysage, du roman, pour cette tranche de sièc
1852 u roman, du paysage, du roman, pour cette tranche de siècle que meublera la génération de 1914. Il est caractéristique qu
1853 ette tranche de siècle que meublera la génération de 1914. Il est caractéristique que le livre de Thibaudet se termine su
1854 ion de 1914. Il est caractéristique que le livre de Thibaudet se termine sur une note pessimiste, et sur l’expression de
1855 mine sur une note pessimiste, et sur l’expression de « dégradation de la littérature, au sens où les physiciens s’intéress
1856 pessimiste, et sur l’expression de « dégradation de la littérature, au sens où les physiciens s’intéressent à la dégradat
1857 où les physiciens s’intéressent à la dégradation de l’énergie ». Mais cette dégradation littéraire, après tout, ne fait q
1858 ittéraire, après tout, ne fait que traduire celle de la société. Tous ces romans-cycles sont, en effet, des procès-verbaux
1859 romans-cycles sont, en effet, des procès-verbaux de dissolution du monde bourgeois : de Proust à Lacretelle, les salons s
1860 rocès-verbaux de dissolution du monde bourgeois : de Proust à Lacretelle, les salons se défont, les classes se mêlent, les
1861 nes leur identité. Comment imaginer la naissance, d’ une grande œuvre romanesque dans un pareil état social ? Tous les chef
1862 -d’œuvre du genre, au xixe siècle, étaient issus d’ une société solidement établie, où les types étaient fixes et stables,
1863 r outre aux conventions. Mais quand il n’y a plus de convention ? Lorsque tout est brouillé, lorsque tout est permis ? Que
1864 écroule — et cela ne peut pas donner les éléments d’ un art, si l’art est une construction. Il semble bien que la littératu
1865 éjà vers d’autres formes. Les gros romans sociaux de huit-cents pages que nous assènent les Céline, Aragon ou Plisnier son
1866 es pamphlets que des romans, des essais illustrés d’ exemples : du coup, ils retrouvent un public. Il semble, d’autre part,
1867 e, d’autre part, que les documentaires entremêlés de réflexions et de jugements personnels, comme par exemple les derniers
1868 que les documentaires entremêlés de réflexions et de jugements personnels, comme par exemple les derniers livres d’Henri P
1869 personnels, comme par exemple les derniers livres d’ Henri Petit et de Marius Richard soient promis à des succès moins tapa
1870 par exemple les derniers livres d’Henri Petit et de Marius Richard soient promis à des succès moins tapageurs, mais plus
1871 plus profonds. Nous avons à refaire un inventaire de l’homme, préparation modeste et nécessaire à une littérature vraiment
1872 ure vraiment personnaliste. j. Rougemont Denis de , « Vers une littérature personnaliste », À nous la liberté, Paris, 20
1873 20 mars 1937, p. 10. k. Rougemont a rendu compte de cet ouvrage dans Esprit de mars 1937.
1874 gemont a rendu compte de cet ouvrage dans Esprit de mars 1937.
12 1937, Articles divers (1936-1938). C’est jeune (10 avril 1937)
1875 re des prudences. C’est la conclusion que je tire d’ un article de M. Vandérem (dans Candide) où la critique des critiques
1876 ces. C’est la conclusion que je tire d’un article de M. Vandérem (dans Candide) où la critique des critiques actuels que j
1877 é dans la vie — écrit-il —, je me rendrais compte de tous les aléas que représenteraient pour la critique un chambardement
1878 eprésenteraient pour la critique un chambardement de ce genre. Ce serait toute une série de notions à acquérir, d’opinions
1879 mbardement de ce genre. Ce serait toute une série de notions à acquérir, d’opinions à se former, de classements à établir,
1880 Ce serait toute une série de notions à acquérir, d’ opinions à se former, de classements à établir, bref une réinstallatio
1881 ie de notions à acquérir, d’opinions à se former, de classements à établir, bref une réinstallation complète demandant des
1882 savoureux argument. Dans sa chronique littéraire de Marianne, il reprochait tout récemment à l’un de nos bons écrivains,
1883 de Marianne, il reprochait tout récemment à l’un de nos bons écrivains, M. Arnoux, de n’avoir pas su s’imposer « avec ass
1884 écemment à l’un de nos bons écrivains, M. Arnoux, de n’avoir pas su s’imposer « avec assez de force au public ». Car, préc
1885 Arnoux, de n’avoir pas su s’imposer « avec assez de force au public ». Car, précisait-il, « on sait que la force, en ces
1886 chance et la tactique, il me semble que le talent de M. Amoux est supérieur à sa tactique ». Faut-il être jeune, tout de m
1887 ncé dans la vie, pour s’ébahir, comme je le fais, d’ une… « constatation » de cet ordre ! Comprenez-vous ce qu’elle suppose
1888 ébahir, comme je le fais, d’une… « constatation » de cet ordre ! Comprenez-vous ce qu’elle suppose, ce qu’elle avoue serei
1889 ? Dans quelle illusion ai-je vécu ? Ce n’est rien d’ écrire, de faire une œuvre, de croire qu’on a quelque chose à dire ; l
1890 lle illusion ai-je vécu ? Ce n’est rien d’écrire, de faire une œuvre, de croire qu’on a quelque chose à dire ; le but de l
1891 écu ? Ce n’est rien d’écrire, de faire une œuvre, de croire qu’on a quelque chose à dire ; le but de l’écrivain, c’est de
1892 , de croire qu’on a quelque chose à dire ; le but de l’écrivain, c’est de s’imposer avec force au Public. Et cela demande
1893 uelque chose à dire ; le but de l’écrivain, c’est de s’imposer avec force au Public. Et cela demande de la tactique ! Je l
1894 e s’imposer avec force au Public. Et cela demande de la tactique ! Je le vois bien. Je supplie donc qu’on m’explique la ta
1895 treint. Je suis comme un enfant devant le mystère de « la vie… ». Profitant de mon innocence, que j’espère d’ailleurs prov
1896 nfant devant le mystère de « la vie… ». Profitant de mon innocence, que j’espère d’ailleurs provisoire, — je vieillirai —
1897 ême des années ou des siècles, mais quelque chose de beaucoup plus dangereux et difficile que l’avancement dans la vie : q
1898  tactique » du succès commercial, c’est le moment de fourrer les pieds dans le plat et d’éclabousser les convives. Nous fe
1899 st le moment de fourrer les pieds dans le plat et d’ éclabousser les convives. Nous ferons notre pain nous-mêmes. l. Rou
1900 rons notre pain nous-mêmes. l. Rougemont Denis de , « C’est jeune », À nous la liberté, Paris, 10 avril 1937, p. 10.
13 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)
1901 Journal d’ un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)m J’étais chô
1902 abri quelque part, une maison vide, une occasion de solitude désirée en secret dès longtemps. Je voudrais bien n’avoir pa
1903 pas l’air trop romantique : mes dernières années de Paris m’avaient appris que cette ville, au moins pour la jeunesse san
1904 res disent : « Allons-nous-en », et restent faute d’ imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France
1905 estent faute d’imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dit
1906 e bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez une, et vous
1907 voulu répondre. Peut-être mon récit n’a-t-il pas d’ autre but que de décrire un précédent, d’affirmer que cela peut se fai
1908 Peut-être mon récit n’a-t-il pas d’autre but que de décrire un précédent, d’affirmer que cela peut se faire, que cela s’e
1909 t-il pas d’autre but que de décrire un précédent, d’ affirmer que cela peut se faire, que cela s’est fait, qu’il y a là un
1910 plus ce que j’attendais, ni ce que j’ai pu rêver de ce pays. Il est très pauvre, sec et lumineux. Toutes les nuances du g
1911 s, herbes, pierres, oliviers, et quelques touches de vert humide au fond des vallons, de vert sombre sur les premières pen
1912 lques touches de vert humide au fond des vallons, de vert sombre sur les premières pentes des Cévennes, où commencent les
1913 ncent les châtaigneraies. Au sud, on voit un coin de plaine entre des collines longues, aux olivettes étagées, quelques cy
1914 cyprès en silhouette sur les crêtes, et des toits de ce rose émouvant des tuiles romaines sous un ciel doux. Au nord, derr
1915 n : une ancienne magnanerie, très haute, aux murs de gros moellons rougeâtres et gris non revêtus. Il y a trois pièces au
1916 y a trois pièces au premier étage, où l’on entre de plain-pied par-derrière. Au-dessous, c’est une grande remise. Au seco
1917 second quatre petites chambres. Le tout encombré de fauteuils, de chaises de velours, tables rondes et ovaloïdes, guérido
1918 petites chambres. Le tout encombré de fauteuils, de chaises de velours, tables rondes et ovaloïdes, guéridons à photos, m
1919 ambres. Le tout encombré de fauteuils, de chaises de velours, tables rondes et ovaloïdes, guéridons à photos, meubles à mu
1920 as, rideaux à franges, tabourets brodés et objets d’ art. Aux murs, plusieurs douzaines d’aquarelles, sous-bois et marines.
1921 és et objets d’art. Aux murs, plusieurs douzaines d’ aquarelles, sous-bois et marines. Quelques tapis sur du carreau rouge.
1922 s fenêtres donnent au midi dans le branchage bleu d’ un tilleul. Au bord de la terrasse, une fontaine abondante coule dans
1923 où l’on accède par quelques marches et un balcon de pierre. L’on descend par d’étroits escaliers aux quatre autres terras
1924 marches et un balcon de pierre. L’on descend par d’ étroits escaliers aux quatre autres terrasses du jardin, étagées sur l
1925 terrasses du jardin, étagées sur le versant nord d’ un vallon qui vient mourir à notre hauteur sur la droite, tandis que l
1926 que le versant sud, avec ses restanques touffues d’ oliviers, ferme l’horizon immédiat. Au sud-est, nous avons une échappé
1927 t. Au sud-est, nous avons une échappée sur la fin de la vallée, la rivière et la plaine. La petite ville reste invisible,
1928 uche. À peine s’il nous en vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin fo
1929 l nous en vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la c
1930 vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’ auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour, et re
1931 meurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour, et remplit l’ombre ble
1932 o, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour, et remplit l’ombre bleue sous le tilleul immense et les laur
1933 nd vase jaune brille au bord du bassin. Le reflet de l’eau tremble au plafond et sur les murs verdâtres de la chambre où j
1934 ’eau tremble au plafond et sur les murs verdâtres de la chambre où j’écris. Et voilà mon petit exercice de rentrée terminé
1935 a chambre où j’écris. Et voilà mon petit exercice de rentrée terminé : « Décrivez la maison de vos vacances… » Ajoutons qu
1936 xercice de rentrée terminé : « Décrivez la maison de vos vacances… » Ajoutons que le jardinier s’appelle Simard, sa femme
1937 Et qu’il va falloir modifier cette maison pleine de guéridons et d’aquarelles, de telle sorte qu’on puisse y travailler.
1938 loir modifier cette maison pleine de guéridons et d’ aquarelles, de telle sorte qu’on puisse y travailler. Nous faisons l’i
1939 cette maison pleine de guéridons et d’aquarelles, de telle sorte qu’on puisse y travailler. Nous faisons l’inventaire minu
1940 r. Nous faisons l’inventaire minutieux et le plan d’ arrangement actuel de chacune des pièces du premier, avant de les vide
1941 entaire minutieux et le plan d’arrangement actuel de chacune des pièces du premier, avant de les vider et de transporter l
1942 cune des pièces du premier, avant de les vider et de transporter leur contenu à l’étage supérieur. 23 septembre 1934 Maint
1943 23 septembre 1934 Maintenant les murs sont nus : d’ un joli vert bleu très clair. Le carreau rouge a été débarrassé du tap
1944 sur des tréteaux. Il ne reste qu’un grand canapé de velours ponceau et des chaises de paille trouvées dans un coin de la
1945 un grand canapé de velours ponceau et des chaises de paille trouvées dans un coin de la remise, où les chaises brodées, le
1946 au et des chaises de paille trouvées dans un coin de la remise, où les chaises brodées, les guéridons et le dessus de chem
1947 ù les chaises brodées, les guéridons et le dessus de cheminée — vingt-deux pièces dûment recensées — ont été les remplacer
1948 emplacer. Seul vestige des splendeurs bourgeoises de ce salon : un lustre formé d’une écaille de tortue polie, agrémenté d
1949 endeurs bourgeoises de ce salon : un lustre formé d’ une écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de
1950 oises de ce salon : un lustre formé d’une écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de pendeloques d
1951 re formé d’une écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de pendeloques de verre taillé. Fascinant,
1952 tue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de pendeloques de verre taillé. Fascinant, ce lustre. Nous sommes éreint
1953 menté de porte-bougies inutiles et de pendeloques de verre taillé. Fascinant, ce lustre. Nous sommes éreintés et couverts
1954 nant, ce lustre. Nous sommes éreintés et couverts de poussière. Mais on va pouvoir respirer. 25 septembre 1934 La traducti
1955 pouvoir respirer. 25 septembre 1934 La traduction d’ un considérable ouvrage allemand nous permettra de passer trois mois o
1956 d’un considérable ouvrage allemand nous permettra de passer trois mois ou quatre sans trop de soucis matériels. La vie par
1957 ermettra de passer trois mois ou quatre sans trop de soucis matériels. La vie paraît assez peu chère. Mais bien trop chère
1958 l’autre. Il y a 400 chômeurs pour une population de 2300 habitants. Ceux qui travaillent encore gagnent à peine de quoi s
1959 aignes, des olives, des radis et quelques légumes de leurs cultures, qu’ils n’ont pas pu vendre au marché. Cependant, ils
1960 , cela se sent à la manière dont ils nous parlent de quelques familles des environs qui n’ont pas la ressource d’un jardin
1961 familles des environs qui n’ont pas la ressource d’ un jardin, ou qui ne « savent pas y faire ». (Légère nuance de supério
1962 ou qui ne « savent pas y faire ». (Légère nuance de supériorité sociale chez Simard). Nos hôtes nous avaient signalé la f
1963 imard). Nos hôtes nous avaient signalé la famille d’ un mineur retraité, dont la femme fait des journées. Considérant que r
1964 ait notable à partir des Cévennes. Mais bavarde ! De gré ou de force, c’est certain, nous saurons tout sur les gens de la
1965 e à partir des Cévennes. Mais bavarde ! De gré ou de force, c’est certain, nous saurons tout sur les gens de la ville… 5 o
1966 ce, c’est certain, nous saurons tout sur les gens de la ville… 5 octobre 1934 Petite cité tassée à la base d’une paroi de
1967 ille… 5 octobre 1934 Petite cité tassée à la base d’ une paroi de rocher et le long d’une rivière rapide qui débouche d’une
1968 bre 1934 Petite cité tassée à la base d’une paroi de rocher et le long d’une rivière rapide qui débouche d’une gorge étroi
1969 tassée à la base d’une paroi de rocher et le long d’ une rivière rapide qui débouche d’une gorge étroite, cité couleur de r
1970 cher et le long d’une rivière rapide qui débouche d’ une gorge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles t
1971 de qui débouche d’une gorge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin par
1972 uche d’une gorge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin paraît en ruin
1973 ge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin paraît en ruine, prouve sa v
1974 de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin paraît en ruine, prouve sa vie par ses odeurs et la saleté de se
1975 ruine, prouve sa vie par ses odeurs et la saleté de ses ruelles. Un ruisseau coule au milieu du pavé, charriant des ordur
1976 les passages étroits. Sur les seuils, des groupes de femmes en noir jacassent pendant des heures. Des enfants en sarraus n
1977 uent au football dans le ruisseau avec un torchon de papier d’emballage. Pas un de ces petits visages qui ne soit beau et
1978 otball dans le ruisseau avec un torchon de papier d’ emballage. Pas un de ces petits visages qui ne soit beau et fin mais i
1979 eau avec un torchon de papier d’emballage. Pas un de ces petits visages qui ne soit beau et fin mais incroyablement crasse
1980 la gare, il y a bien un parc municipal, le jardin d’ un couvent désaffecté, mais je n’y vois jamais que des vieillards en p
1981 ds en pantoufles. Devant le parc, un mail couvert d’ une épaisse couche de poussière : là, de nouveau, des bandes de joueur
1982 ant le parc, un mail couvert d’une épaisse couche de poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs de balle, dans un n
1983 couche de poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs de balle, dans un nuage… Cela tend à confirmer un soupçon qui
1984 poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs de balle, dans un nuage… Cela tend à confirmer un soupçon qui m’est venu
1985 soupçon qui m’est venu en maintes autres régions de la France : les provinciaux ignorent obstinément, peut-être même haïs
1986 ulation des faubourgs des grandes villes. Le goût de « la vie saine » et du grand air, vous ne le trouverez que dans la « 
1987 us ne le trouverez que dans la « banlieue rouge » de Paris, d’ailleurs importé d’URSS, et récemment. On me dit qu’ici troi
1988 a « banlieue rouge » de Paris, d’ailleurs importé d’ URSS, et récemment. On me dit qu’ici trois maisons seulement, sur 200,
1989 la grande place, juste à côté de la pissotière et de l’arrêt des autocars. Pittoresque, on peut le dire… 8 octobre 1934 D
1990 on peut le dire… 8 octobre 1934 Du rôle pratique de la raison. Je vois la misère qui règne dans tous ces foyers, et qui l
1991 ts sales abandonnés par leurs parents aux hasards de la rue, qui valent bien ceux de la famille, mais aussi aux hasards de
1992 rents aux hasards de la rue, qui valent bien ceux de la famille, mais aussi aux hasards de l’éducation primaire, bienfaisa
1993 t bien ceux de la famille, mais aussi aux hasards de l’éducation primaire, bienfaisante en principe il est vrai, mais tris
1994 ois tous les espoirs et toutes les « assurances » de cette population balayée périodiquement par la faillite des entrepris
1995 reprises où elle travaille, ou par quelque décret d’ État. Je vois le chômage s’étendre et s’installer, comme se sont insta
1996 rant la feuille locale, qu’il naît encore pas mal d’ enfants dans ces foyers que tout menace. Faisons la part des « acciden
1997 dences ». Il reste encore une marge assez notable d’ imprévoyance naïve, d’acceptation des risques, de confiance obscurémen
1998 ore une marge assez notable d’imprévoyance naïve, d’ acceptation des risques, de confiance obscurément accordée à l’instinc
1999 d’imprévoyance naïve, d’acceptation des risques, de confiance obscurément accordée à l’instinct ou à « la Vie », ou à la
2000 à l’instinct ou à « la Vie », ou à la solidarité de l’espèce humaine, malgré tout. Pourtant c’est bien ici le peuple « ra
2001 raisonnable » qu’on donne en exemple aux barbares de l’Europe centrale. Le peuple qui sait calculer, faire son budget, bou
2002 i sait calculer, faire son budget, bourrer le bas de laine et nourrir la bouteille aux pièces de dix sous. Une chose est c
2003 e bas de laine et nourrir la bouteille aux pièces de dix sous. Une chose est claire : faire des enfants, dans les conditio
2004 Or tout ce que l’État nous apprend, par le moyen de l’école primaire entre autres, ridiculise et ruine ce genre d’espoirs
2005 imaire entre autres, ridiculise et ruine ce genre d’ espoirs. Qui voudrait condamner l’usage pratique de la raison ? Simple
2006 ’espoirs. Qui voudrait condamner l’usage pratique de la raison ? Simplement je constate qu’en fait, et dans ce pays tel qu
2007 fortunés, ou ascètes. Ceux qui n’ont plus besoin de calculer, ceux-là calculent. Et les autres acceptent leurs risques, c
2008 s acceptent leurs risques, c’est-à-dire acceptent de vivre, malgré l’État laïque qui leur conseille plutôt l’épargne. 15 o
2009 a terminé les vendanges, et la récolte des figues d’ été. (Les figues d’hiver apparaissent déjà, plus petites et toujours v
2010 nges, et la récolte des figues d’été. (Les figues d’ hiver apparaissent déjà, plus petites et toujours vertes ; on ne les m
2011 les mange pas). Simard nous a indiqué une ferme, de l’autre côté de la colline du sud, où nous pourrons acheter une provi
2012 Simard nous a indiqué une ferme, de l’autre côté de la colline du sud, où nous pourrons acheter une provision d’« œillade
2013 ne du sud, où nous pourrons acheter une provision d’ « œillades ». C’est leur gros raisin bleu. Nous y sommes allés hier au
2014 violacée entre des monticules pointus tout frisés d’ oliviers, un paysage de primitifs italiens. Le mas au flanc de la coll
2015 icules pointus tout frisés d’oliviers, un paysage de primitifs italiens. Le mas au flanc de la colline, déjà dans l’ombre,
2016 un paysage de primitifs italiens. Le mas au flanc de la colline, déjà dans l’ombre, paraissait désert. Nous nous sommes as
2017 . Nous nous sommes assis sur la terrasse, au pied d’ un grand micocoulier. Bientôt un chien furieux surgit de la maison, su
2018 rand micocoulier. Bientôt un chien furieux surgit de la maison, suivi d’une grande femme en noir. C’est la propriétaire, M
2019 entôt un chien furieux surgit de la maison, suivi d’ une grande femme en noir. C’est la propriétaire, Madame Turc. Elle nou
2020 qu’à la nuit tombée. Nous sommes dans une cuisine de ferme mais la fermière nous reçoit comme une « dame », ou plutôt un p
2021 ou plutôt un peu mieux, avec une politesse pleine de réserve et d’attentions. On parle du domaine. Les deux femmes le diri
2022 eu mieux, avec une politesse pleine de réserve et d’ attentions. On parle du domaine. Les deux femmes le dirigent seules de
2023 Les deux femmes le dirigent seules depuis la mort de M. Turc. Elles ont un peu de peine avec les ouvriers. Il paraît qu’on
2024 eine avec les ouvriers. Il paraît qu’on en trouve de moins en moins. — « Mais, lui dis-je, et les chômeurs ? On m’a dit qu
2025 A ? » La mère, vivement : « Jamais je n’ai engagé de chômeurs, Monsieur, c’est un principe. Nous ne voulons que des ouvrie
2026 ômeur moi-même, Madame… » Elle sourit à son tour, de l’air de dire : Oh, vous, ce n’est pas la même chose. Elle a sans dou
2027 -même, Madame… » Elle sourit à son tour, de l’air de dire : Oh, vous, ce n’est pas la même chose. Elle a sans doute entend
2028 s la même chose. Elle a sans doute entendu parler de nous. Rien à faire : je suis un « monsieur ». La fille rentre : une f
2029 un peu masculine. Elle nous conduit à la chambre de conserve des raisins. Pendant qu’elle fait la pesée : « C’est pour qu
2030 que vous écrivez des articles ? J’en ai lu signés de ce nom-là. Et elle me cite une revue protestante et une revue littéra
2031 lles je collabore, en effet. — Vous avez le temps de lire beaucoup ? — Oh, on le prend. Comme nous ne voyons jamais person
2032 Je résume mes renseignements : famille paysanne, de tout temps. Vie laborieuse, peu ou point de gains depuis des années.
2033 anne, de tout temps. Vie laborieuse, peu ou point de gains depuis des années. Pas de relations. Leur niveau de culture, fo
2034 use, peu ou point de gains depuis des années. Pas de relations. Leur niveau de culture, fort au-dessus de la moyenne, ne m
2035 depuis des années. Pas de relations. Leur niveau de culture, fort au-dessus de la moyenne, ne m’étonne guère, s’agissant
2036 relations. Leur niveau de culture, fort au-dessus de la moyenne, ne m’étonne guère, s’agissant de protestantes. Ce ne sont
2037 ssus de la moyenne, ne m’étonne guère, s’agissant de protestantes. Ce ne sont pas des bourgeoises, certes, et pourtant ell
2038 en sont encore à estimer que chômeur est synonyme de vagabond dangereux. Elles font partie des « travailleurs » et pourtan
2039 iétaires. Je vois en elles un type très classique de Françaises : leur politesse mesurée, leur raison, leur énergie sérieu
2040 , leur raison, leur énergie sérieuse, cette façon de ne pas se plaindre de son sort… Pourtant, il y en a peu de cette espè
2041 ergie sérieuse, cette façon de ne pas se plaindre de son sort… Pourtant, il y en a peu de cette espèce, semble-t-il. On n’
2042 nt pas du tout se considérer comme un type social d’ exception. Combien y a-t-il de classes entre la bourgeoisie des villes
2043 omme un type social d’exception. Combien y a-t-il de classes entre la bourgeoisie des villes et le prolétariat ? L’opposit
2044 crets, dès que je sors des très grandes villes et de leur caricature de société. — Simard, le jardinier, est à demi métaye
2045 ors des très grandes villes et de leur caricature de société. — Simard, le jardinier, est à demi métayer. Est-ce un prolét
2046 exé qu’on le lui dise. Il s’estime fort au-dessus d’ un mineur retraité, par exemple. Les instituteurs d’A… ? Ils sont du p
2047 un mineur retraité, par exemple. Les instituteurs d’ A… ? Ils sont du peuple. Oui, mais bourgeois par leur profession. Et l
2048 on. Et les Calixte ? Prolétaires sans doute, mais d’ une tout autre espèce, on dirait même d’une autre race que les métayer
2049 ute, mais d’une tout autre espèce, on dirait même d’ une autre race que les métayers catholiques de la montagne qu’on voit
2050 ême d’une autre race que les métayers catholiques de la montagne qu’on voit venir à A… pour le marché. Et très conscients
2051 oit venir à A… pour le marché. Et très conscients d’ une supériorité qu’ils ne peuvent attribuer au rang social ni au salai
2052 omiques. On ne comprend rien à la réalité sociale de ce canton si l’on fait abstraction de tout cela dont le marxisme, jus
2053 ité sociale de ce canton si l’on fait abstraction de tout cela dont le marxisme, justement, se doit de ne pas tenir compte
2054 de tout cela dont le marxisme, justement, se doit de ne pas tenir compte. Un communiste traitera les dames Turc de « koula
2055 nir compte. Un communiste traitera les dames Turc de « koulaks » et tout sera dit. Le marxisme part de statistiques et de
2056 de « koulaks » et tout sera dit. Le marxisme part de statistiques et de relations numériques (salaires, plus-value, profit
2057 out sera dit. Le marxisme part de statistiques et de relations numériques (salaires, plus-value, profits). Il s’estime don
2058 s). Il s’estime donc scientifique. Il ne part pas de ce que les hommes veulent être, ni de la conscience globale qu’ils on
2059 ne part pas de ce que les hommes veulent être, ni de la conscience globale qu’ils ont de leur état (et c’est pourtant le p
2060 lent être, ni de la conscience globale qu’ils ont de leur état (et c’est pourtant le principal, pratiquement et moralement
2061 pinions politiques). Le marxisme traite tout cela de nuances vaines, d’illusions, voire de « mystification ». Il part de c
2062 . Le marxisme traite tout cela de nuances vaines, d’ illusions, voire de « mystification ». Il part de ce que les hommes so
2063 e tout cela de nuances vaines, d’illusions, voire de « mystification ». Il part de ce que les hommes sont malgré eux, du p
2064 d’illusions, voire de « mystification ». Il part de ce que les hommes sont malgré eux, du point de vue abstrait et inhuma
2065 malgré eux, du point de vue abstrait et inhumain de la Statistique. Et il prétend fonder là-dessus non seulement des mesu
2066 une morale, un art et une métaphysique ! Problème de la politique actuelle : sera-t-elle l’affaire du meilleur statisticie
2067 e ? 2 novembre 1934 Minuit. J’ai terminé la tâche de la journée. Ma femme dort, dans la chambre dont je vois la porte entr
2068 fume, il fait presque froid. Dans ce silence vide de la nuit campagnarde, me voici seul encore éveillé, les yeux bien ouve
2069 lé, les yeux bien ouverts, l’esprit clair. Clarté d’ un minuit solitaire, veillée trop lucide peut-être, puisque le monde n
2070 lucide peut-être, puisque le monde n’y porte plus d’ ombres. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines d’appels fugitif
2071 le monde n’y porte plus d’ombres. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines d’appels fugitifs, assourdis ; de ces vei
2072 porte plus d’ombres. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines d’appels fugitifs, assourdis ; de ces veillées fiévreu
2073 es. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines d’ appels fugitifs, assourdis ; de ces veillées fiévreuses, assiégées. Es
2074 de Paris, pleines d’appels fugitifs, assourdis ; de ces veillées fiévreuses, assiégées. Est-ce que je les regrette ? Est-
2075 . Est-ce que je les regrette ? Est-ce que l’heure de la nuit où l’on ne dort pas n’est pas toujours l’heure des mauvaises
2076 pourrait nous écrire une histoire des inventions de l’insomnie ? Ne serait-ce pas tout simplement l’histoire de la naissa
2077 nie ? Ne serait-ce pas tout simplement l’histoire de la naissance de nos démons ? La nuit ne pose pas de questions immédia
2078 ce pas tout simplement l’histoire de la naissance de nos démons ? La nuit ne pose pas de questions immédiates. C’est pourq
2079 la naissance de nos démons ? La nuit ne pose pas de questions immédiates. C’est pourquoi, dans cette heure suspendue, il
2080 dans cette heure suspendue, il vaut mieux cesser de penser. Que penserais-je, ici, d’humain, d’actif ? Ici où je suis san
2081 ut mieux cesser de penser. Que penserais-je, ici, d’ humain, d’actif ? Ici où je suis sans prochain, à cette heure ou mes f
2082 esser de penser. Que penserais-je, ici, d’humain, d’ actif ? Ici où je suis sans prochain, à cette heure ou mes frères (?)
2083 uit est faite pour dormir », me disait un gardien de l’ordre qui m’avait surpris sur les quais de la Seine, au plus profon
2084 dien de l’ordre qui m’avait surpris sur les quais de la Seine, au plus profond d’une contemplation des eaux nocturnes. Ma
2085 urpris sur les quais de la Seine, au plus profond d’ une contemplation des eaux nocturnes. Ma police personnelle m’envoie a
2086 le arrière-pensée rode ici ? La mauvaise habitude de penser « librement » ? Le goût des chimères précises ? 10 novembre 19
2087 eau est rouge, mais la porte donne au nord-ouest, d’ où vient le vent le plus glacial, depuis des siècles, et en tout cas d
2088 n tout cas depuis longtemps avant la construction de cette maison… On n’y avait pas pensé ? Je passe au fond, dans une cha
2089 rtait sa main du lit, cela fumait. « Vous avez eu de la fièvre ! » Elle ne sait pas. Elle ne veut pas de médecin. Sa fille
2090 la fièvre ! » Elle ne sait pas. Elle ne veut pas de médecin. Sa fille dit : « Elle ne voulait même plus toucher à la vian
2091 pas goût. Alors j’ai pensé lui faire du bouillon de poulet, ça lui a fait de l’avantage. Voyez ! Ce n’est pas vrai que la
2092 sé lui faire du bouillon de poulet, ça lui a fait de l’avantage. Voyez ! Ce n’est pas vrai que la viande est si bonne pour
2093 nde est si bonne pour les malades. » Elle accepte de venir faire une lessive à la maison pour remplacer sa mère. Nous manq
2094 à la maison pour remplacer sa mère. Nous manquons de corde pour étendre le linge ; elle imagine de le mettre à sécher sur
2095 ons de corde pour étendre le linge ; elle imagine de le mettre à sécher sur des buissons de ronce. Tous les mouchoirs sont
2096 le imagine de le mettre à sécher sur des buissons de ronce. Tous les mouchoirs sont plus ou moins déchirés quand on va les
2097 il a fait un vent cette nuit ! » 11 novembre 1934 D’ une manière générale, ils ne sont pas conscients de porter la responsa
2098 ’une manière générale, ils ne sont pas conscients de porter la responsabilité des accidents qui leur arrivent. Cela peut a
2099 que les gens du peuple sont spécialement adroits de leurs mains, débrouillards et pleins de ressources mystérieuses. Mais
2100 t adroits de leurs mains, débrouillards et pleins de ressources mystérieuses. Mais ils seraient moins dignes aussi. Leur d
2101 ils seraient moins dignes aussi. Leur dignité est de subir sans se tourmenter. Ils ne se mettront jamais dans des états pa
2102 lixte, qui casse tout ce que l’on veut, a coutume de dire en constatant le mal : « Voyez-vous ! je croyais la tenir cette
2103 yez-vous ! je croyais la tenir cette assiette ! » De telle manière qu’on entend bien que c’est ainsi de tout, et qu’on aur
2104 e telle manière qu’on entend bien que c’est ainsi de tout, et qu’on aurait grand tort de croire que rien au monde dépend d
2105 e c’est ainsi de tout, et qu’on aurait grand tort de croire que rien au monde dépend de nous. Ceci vaut pour les femmes, q
2106 ait grand tort de croire que rien au monde dépend de nous. Ceci vaut pour les femmes, qui sont la part la plus civilisée d
2107 ur les femmes, qui sont la part la plus civilisée de la population. Ce sont elles qui gagnent ce qu’il faut, elles qui tra
2108 nt souvent réactionnaires et se mêlent peu à ceux de la place. Enfin ceux qui sont occupés par l’imprimerie du journal loc
2109 tes les conférences, prennent la parole au Cercle d’ hommes, citent des livres sur la politique. 12 novembre 1934 J’ai rele
2110 es chiffres dans un ouvrage sur A…, dû à la plume d’ un de ses pasteurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine
2111 iffres dans un ouvrage sur A…, dû à la plume d’un de ses pasteurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine, fai
2112 steurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine, fait son apparition dans le Midi. État du pays en 1820 : douze
2113 du pays en 1820 : douze filatures, deux fabriques de chapeaux, 5000 habitants, un commerce important de produits soyeux ma
2114 e chapeaux, 5000 habitants, un commerce important de produits soyeux manufacturés. Lors de la dédicace du nouveau temple,
2115 mple, en 1822, quinze mille protestants accourent de toute la contrée pour suivre des cérémonies dont leurs descendants pa
2116 la vallée du Rhône. Fondation des grandes usines de la région lyonnaise. Apparition du grand capital. État du pays en 193
2117 du travail cinq jours par semaine à une centaine d’ ouvrières, dont le salaire moyen est de 7 francs par jour. Faillite de
2118 e centaine d’ouvrières, dont le salaire moyen est de 7 francs par jour. Faillite de la dernière bonnetterie, ces derniers
2119 salaire moyen est de 7 francs par jour. Faillite de la dernière bonnetterie, ces derniers jours. Le tiers des maisons est
2120 t son apparition sur le marché lyonnais. Faillite de plusieurs des grosses entreprises de soie artificielle. Le cycle norm
2121 is. Faillite de plusieurs des grosses entreprises de soie artificielle. Le cycle normal du progrès capitaliste est clos. L
2122 st clos. Lyon a drainé toute la richesse indigène de ce département. Et cette richesse à son tour va reprendre le chemin d
2123 cette richesse à son tour va reprendre le chemin de l’Orient, d’où vint autrefois le mûrier. Question : Que reste-t-il po
2124 se à son tour va reprendre le chemin de l’Orient, d’ où vint autrefois le mûrier. Question : Que reste-t-il pour entreprend
2125 vient s’excuser : « Qui sait, Madame, j’aimerais d’ aller à Alès, quelle jour ça vous préférerait ? » (En prononçant tous
2126 ciété présente. Et c’est encore une fois le drame de la culture. Qu’on ne croie pas que j’exagère. Je ne tire de ce fait,
2127 ure. Qu’on ne croie pas que j’exagère. Je ne tire de ce fait, à vrai dire minuscule, qu’une évidence. Les mots que nous di
2128 t exemple que je viens de citer, c’est une espèce de calembour qui ne joue que sur des sons. Mais il est clair que le sens
2129 acitement, la vie sociale, sont aujourd’hui vidés de leur signification à la fois symbolique et précise. Ils n’éveillent p
2130 it de ce que l’on pourrait déduire, dans le fait, d’ une discussion raisonnable, c’est-à-dire truquée, avec tel ou tel ouvr
2131 truquée, avec tel ou tel ouvrier. On pensera que de tout temps la traduction du langage surveillé des écrivains dans le l
2132 ains dans le langage parlé du peuple fut affectée de malentendus de ce genre. Voire. Le peuple ne lisait pas, avant l’écol
2133 ngage parlé du peuple fut affectée de malentendus de ce genre. Voire. Le peuple ne lisait pas, avant l’école de Guizot. Le
2134 re. Voire. Le peuple ne lisait pas, avant l’école de Guizot. Le « public », c’était la noblesse, et les bourgeois imitant
2135 e vrai peuple les comprenait dans la seule mesure de l’utile. L’Église faisait le trait d’union, l’Église gardienne du sen
2136 eule mesure de l’utile. L’Église faisait le trait d’ union, l’Église gardienne du sens concret des lieux communs. Aujourd’h
2137 t sinon le goût, du moins la pratique quotidienne de la lecture. Le public s’étend au hasard. Il ne constitue plus un corp
2138 un peut en être, et juger comme il veut. Le droit de se tromper, et de tromper grâce au langage, est un des droits impresc
2139 t juger comme il veut. Le droit de se tromper, et de tromper grâce au langage, est un des droits imprescriptibles que se t
2140 avoir décrété la Convention. Bref, il n’est plus de mesure commune : ni l’Église, ni la Culture, ni l’École qui prétend l
2141 ni l’École qui prétend les remplacer, n’ont plus d’ autorité sur l’esprit de la lettre. Aussi bien nous parlons au hasard,
2142 les remplacer, n’ont plus d’autorité sur l’esprit de la lettre. Aussi bien nous parlons au hasard, pour ne pas dire dans l
2143 nos efforts vers la rigueur et vers l’adaptation de notre style à notre action. On serait même tenté d’estimer que la plu
2144 notre style à notre action. On serait même tenté d’ estimer que la plus grande rigueur entraîne la moindre efficacité, et
2145 , et l’inverse. Par où l’on voit que le contraire de la « vie spirituelle », c’est « le public ». Cette vie spirituelle et
2146 lles soient aussi exactement contradictoires. Or, de ces deux antagonistes, c’est l’esprit qui sera vaincu. Non point qu’i
2147 n’agit plus. Ce qu’on « entend », c’est l’absence de l’esprit, c’est l’appel aux instincts, aux intérêts urgents, presque
2148 ns une salle attenante au temple, pour les hommes de sa paroisse. « C’est le seul moyen de les avoir, me dit-il. Comme vou
2149 les hommes de sa paroisse. « C’est le seul moyen de les avoir, me dit-il. Comme vous l’aurez remarqué, il n’en vient qu’u
2150 à 50. Et une fois qu’ils sont là, on peut parler de tout… J’irai d’autant plus volontiers que, devant parler moi-même, da
2151 is qu’ils sont là, on peut parler de tout… J’irai d’ autant plus volontiers que, devant parler moi-même, dans quelques jour
2152 t parler moi-même, dans quelques jours, au cercle d’ hommes de St-J. j’ai besoin de prendre contact. 3 décembre 1934 Soiré
2153 moi-même, dans quelques jours, au cercle d’hommes de St-J. j’ai besoin de prendre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Ce
2154 es jours, au cercle d’hommes de St-J. j’ai besoin de prendre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Cercle d’hommes ». — Il
2155 ndre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Cercle d’ hommes ». — Ils étaient en effet une quarantaine hier soir. Je suis en
2156 ine hier soir. Je suis entré comme ils achevaient de boire leur tasse de café au fond de la salle, dans un coin arrangé en
2157 is entré comme ils achevaient de boire leur tasse de café au fond de la salle, dans un coin arrangé en cabinet de lecture.
2158 ls achevaient de boire leur tasse de café au fond de la salle, dans un coin arrangé en cabinet de lecture. Journaux et ill
2159 fond de la salle, dans un coin arrangé en cabinet de lecture. Journaux et illustrés, quelques livres sur la table. Puis on
2160 acteurs, le libraire, le quincaillier, un adjoint de la mairie, quelques retraités qui « travaillent le mazet » dans nos p
2161 s instituteurs. Le pasteur a lu quelques passages de l’Écriture. Après quoi le sujet a été introduit par l’un des institut
2162 ntroduit par l’un des instituteurs. Il s’agissait de « l’histoire de notre département ». La discussion n’a vraiment démar
2163 n des instituteurs. Il s’agissait de « l’histoire de notre département ». La discussion n’a vraiment démarré que lorsqu’on
2164 vraiment démarré que lorsqu’on s’est mis à parler d’ autre chose que du sujet, c’est-à-dire d’un peu tout : de l’enseigneme
2165 à parler d’autre chose que du sujet, c’est-à-dire d’ un peu tout : de l’enseignement, des journaux, des traditions et anecd
2166 chose que du sujet, c’est-à-dire d’un peu tout : de l’enseignement, des journaux, des traditions et anecdotes locales. Di
2167 c’étaient surtout des questions, des affirmations de partis pris ou des récits entremêlés d’allusions à des célébrités loc
2168 irmations de partis pris ou des récits entremêlés d’ allusions à des célébrités locales, provoquant chaque fois de gros rir
2169 à des célébrités locales, provoquant chaque fois de gros rires. L’homme du peuple — et je pense qu’il en va de même du bo
2170 a de même du bourgeois peu cultivé, et sans doute de tout ce qui n’est pas « intellectuel » — ne « discute » pas à proprem
2171 essées. Or cette lenteur et ces répétitions n’ont d’ autre but que de laisser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui
2172 lenteur et ces répétitions n’ont d’autre but que de laisser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui est dit. (C’est
2173 nt d’autre but que de laisser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui est dit. (C’est seulement de la langue des écri
2174 e se « figurer » ce qui est dit. (C’est seulement de la langue des écrivains français qu’il est exact de dire, avec tous l
2175 la langue des écrivains français qu’il est exact de dire, avec tous les manuels, qu’elle est une langue de discussion, pa
2176 re, avec tous les manuels, qu’elle est une langue de discussion, parce que toujours elle vise à la formule décisive, et ne
2177 e à la formule décisive, et ne s’accorde le droit de dire chaque chose qu’une seule fois, de la façon la plus économique e
2178 le droit de dire chaque chose qu’une seule fois, de la façon la plus économique et la plus claire28. Or, cette langue d’é
2179 économique et la plus claire28. Or, cette langue d’ échanges dialectiques rapides se trouve par là même inefficace sur le
2180 là même inefficace sur le « peuple ». Elle manque de durée. Évitant méticuleusement les reprises, les retours, elle s’acco
2181 s, les retours, elle s’accorde très mal au rythme de la réflexion spontanée, qui est « péguyste » et non « classique ». Éc
2182 inutilisables dans la mesure où ils veulent être de bons écrivains français.) — Que de bonne volonté chez les hommes de c
2183 s veulent être de bons écrivains français.) — Que de bonne volonté chez les hommes de ce Cercle ! comme ils s’appliquent à
2184 français.) — Que de bonne volonté chez les hommes de ce Cercle ! comme ils s’appliquent à comprendre, comme ils sont vifs
2185 dit une bêtise ou bafouille — et comme on a envie de leur expliquer des choses, amicalement ; de partager avec eux ce que
2186 envie de leur expliquer des choses, amicalement ; de partager avec eux ce que l’on sait ! Je pense aux auditoires bourgeoi
2187 tir, le facteur ronflait, le front sur un dossier de chaise. Il s’est relevé, s’est frotté les yeux, est sorti tout tranqu
2188 es opinions politiques, dans ce cercle ? — Il y a de tout. Le quincaillier est royaliste, un des instituteurs est objecteu
2189 est royaliste, un des instituteurs est objecteur de conscience, la plupart sont radicaux ou socialistes. Il vient aussi d
2190 x ou socialistes. Il vient aussi des communistes, de temps à autre. Il paraît que ça chauffe certains soirs. Mais le paste
2191 dictateur qui se présentera un jour comme l’homme de gauche à poigne ? J’ai questionné à ce sujet quelqu’un qui connaît bi
2192 quelqu’un qui connaît bien son monde. La vie même de cet homme consiste en effet à connaître intimement le plus grand nomb
2193 effet à connaître intimement le plus grand nombre de familles de N., leurs circonstances matérielles, leurs difficultés mo
2194 aître intimement le plus grand nombre de familles de N., leurs circonstances matérielles, leurs difficultés morales, leurs
2195 teur. C’est bien plutôt un conseiller, un donneur d’ aide morale et parfois matérielle, quelqu’un qui est responsable de co
2196 parfois matérielle, quelqu’un qui est responsable de connaître ces gens mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes, quelqu’u
2197 nnaissent eux-mêmes, quelqu’un qui a pour mission de leur enseigner le sens dernier des circonstances de leur vie. C’est l
2198 leur enseigner le sens dernier des circonstances de leur vie. C’est le pasteur. Sa paroisse comprend les villages de N. e
2199 est le pasteur. Sa paroisse comprend les villages de N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle, une pierrai
2200 steur. Sa paroisse comprend les villages de N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle, une pierraille couro
2201 N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’ aigle, une pierraille couronnant des hauteurs ventées. Les rues sont é
2202 Les rues sont étroites et caillouteuses, pleines d’ odeurs dès que le vent cesse de les balayer. Nous sommes installés au
2203 louteuses, pleines d’odeurs dès que le vent cesse de les balayer. Nous sommes installés au presbytère sur une galerie d’où
2204 us sommes installés au presbytère sur une galerie d’ où l’on domine un ample paysage horizontal. La plaine est à nos pieds,
2205 orizon des collines vers Uzès, où quelques ruines de castels et quelques cheminées d’usines grattent le bas d’un grand cie
2206 quelques ruines de castels et quelques cheminées d’ usines grattent le bas d’un grand ciel jaune. On distingue à peine le
2207 ls et quelques cheminées d’usines grattent le bas d’ un grand ciel jaune. On distingue à peine le village de N. parmi les r
2208 grand ciel jaune. On distingue à peine le village de N. parmi les rangées de peupliers : il faut suivre des yeux la route
2209 tingue à peine le village de N. parmi les rangées de peupliers : il faut suivre des yeux la route noire pour découvrir enf
2210 vrir enfin l’amas brunâtre des maisons au-dessous d’ une tache blanche dans un pré, qui est le château. Joie de voir un pay
2211 che blanche dans un pré, qui est le château. Joie de voir un pays dans son ensemble, dans son unité naturelle et ancienne.
2212 son unité naturelle et ancienne. Une même patine de crépuscule réunit les champs, les arbres, les maisons. Dans ces maiso
2213 c’est que ces communistes. — Voilà. Que vous dire de gens que je connais si bien ? C’est difficile de les classer et je n’
2214 de gens que je connais si bien ? C’est difficile de les classer et je n’aime pas beaucoup ça… Il y en a de toutes sortes,
2215 s classer et je n’aime pas beaucoup ça… Il y en a de toutes sortes, bien sûr, et plus on les voit de près… — Je comprends
2216 a de toutes sortes, bien sûr, et plus on les voit de près… — Je comprends qu’il soit difficile de parler en général de ses
2217 voit de près… — Je comprends qu’il soit difficile de parler en général de ses paroissiens. Mais s’ils sont communistes, il
2218 mprends qu’il soit difficile de parler en général de ses paroissiens. Mais s’ils sont communistes, ils ne doivent tout de
2219 tes, ils ne doivent tout de même pas faire partie de votre église, pratiquement ? — C’est-à-dire, oui et non. — Enfin, vie
2220 ue, mais ils ont peur. C’est toujours la question de la place à traverser. — ??? — Oui, vous savez que nos temples du Midi
2221 , si on pouvait entrer par-derrière, par la porte de la sacristie, on viendrait bien ! Mais on est lâches ! — Et chez eux,
2222 urtout ils y sont entre eux. Je n’ai aucune envie d’ aller faire l’intrus ou le bon apôtre. Si c’était possible, ce serait
2223 j’organise. Vous avez déjà parlé dans des cercles d’ hommes. Vous voyez le genre. — Et les communistes y viennent ? — Bien
2224 ient en Dieu, et qu’ils attendent tous les ordres de lui. À la fin, un des communistes se lève et résume le débat : « En s
2225 ns, etc. C’est l’élément réveillé et entreprenant de la population. — Mais savent-ils ce que c’est, le marxisme ? — Ils es
2226 . J’en connais plusieurs qui lisent des brochures de vulgarisation de la doctrine. Ils me posent quelquefois des questions
2227 usieurs qui lisent des brochures de vulgarisation de la doctrine. Ils me posent quelquefois des questions. Mais ce n’est p
2228 nent au parti. L’affaire, pour eux, c’est d’abord de se grouper afin d’entreprendre quelque chose, de résister aux gros pr
2229 de se grouper afin d’entreprendre quelque chose, de résister aux gros propriétaires qui tiennent la région, et de leur im
2230 aux gros propriétaires qui tiennent la région, et de leur imposer des mesures de progrès, de bon sens… — Au point de vue d
2231 iennent la région, et de leur imposer des mesures de progrès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’où viennent-il
2232 égion, et de leur imposer des mesures de progrès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’où viennent-ils ? — Pour l
2233 grès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’ où viennent-ils ? — Pour la plupart — tous les chefs en tous cas —, ce
2234 a plupart — tous les chefs en tous cas —, ce sont de petits propriétaires ou des ouvriers travaillant à leur compte. — En
2235 entendez bien avec eux ? — Ils savent que je suis de leur côté, en gros, dans les questions locales où il faut prendre pos
2236 riteraient mieux que ce qu’on leur donne, en fait de doctrine. En réalité, ils ne sont pas plus marxistes que moi. Ils veu
2237 s vont au parti communiste parce qu’il n’y a rien d’ autre et personne d’autre… Ce seraient souvent les meilleures têtes du
2238 uniste parce qu’il n’y a rien d’autre et personne d’ autre… Ce seraient souvent les meilleures têtes du pays, et on les lai
2239 ns, c’est qu’ils prennent au sérieux l’incroyance de leurs contemporains. Au fond, ils en ont peur. Or ils devraient n’avo
2240 ls en ont peur. Or ils devraient n’avoir peur que de Dieu, et des vocations bouleversantes qu’il arrive que Dieu nous adre
2241 déprimant que celui du chrétien honteux, honteux d’ une foi qu’il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aurait plus de honte à
2242 u’il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aurait plus de honte à la confesser devant les hommes ; et s’il a honte, c’est qu’il
2243 hommes la vérité et le chemin. Point n’est besoin d’ actions extraordinaires, surhumaines : se rire des dieux du monde est
2244 héroïque, dans notre monde, pour qu’il soit vain de chercher mieux. 12 janvier 1935 Ces cochons-là ! — Simard le jardini
2245 e au doigt en travaillant. Ce gros homme, violacé d’ ordinaire, en est tout pâle. Je vais discuter le coup avec lui pour le
2246 uter le coup avec lui pour le ravigoter. C’est un de ces Méridionaux qui ne connaît pas de meilleur remède que la parlotte
2247 r. C’est un de ces Méridionaux qui ne connaît pas de meilleur remède que la parlotte. Tout de suite, c’est la question des
2248 n’a guère vendu depuis un mois que pour 50 francs de légumes. Or la vente des produits de son jardin est son seul moyen de
2249 ur 50 francs de légumes. Or la vente des produits de son jardin est son seul moyen de gagner). Carré sur son tabouret de c
2250 nte des produits de son jardin est son seul moyen de gagner). Carré sur son tabouret de cuisine, le doigt en l’air, il pas
2251 son seul moyen de gagner). Carré sur son tabouret de cuisine, le doigt en l’air, il passe en revue les compagnies d’assura
2252 doigt en l’air, il passe en revue les compagnies d’ assurances — et analogues — avec lesquelles il est en compte. Je dis c
2253 ec lesquelles il est en compte. Je dis compagnies d’ assurances, mais lui les nomme plus couramment « ces cochons-là ». Ces
2254 cochons-là ». Ces cochons-là sont donc au nombre de sept ou huit. Il en totalise sept pour son compte, et sa dame fait le
2255 travail, incendie et une histoire très compliquée de capitalisation-loterie, qui l’excite particulièrement. Tout cela rend
2256 . Dans certains cas, bien entendu, il s’agit même d’ y aller de sa poche. Enfin, on obtient tout de même quelque chose, mai
2257 tains cas, bien entendu, il s’agit même d’y aller de sa poche. Enfin, on obtient tout de même quelque chose, mais bou Diou
2258 — au ministre du Travail — pour avoir une pension de 5000 francs pour son beau-frère. « Ce cochon-là » n’a pas répondu, et
2259 que lui Simard, et cette personne lui a conseillé d’ écrire une nouvelle lettre recommandée « à la charge du destinataire »
2260 ne compétente lui dit : « Ce cochon-là t’a refait de 299 francs, consulte voir le barème ! » Il a fallu récrire deux fois
2261  » Il a fallu récrire deux fois pour obtenir gain de cause. Et tout ça lui a bien coûté 50 francs. Autrement, vous savez c
2262 cause de la mévente croissante, on vit sur le dos de l’État, on suit des enterrements, on se brouille avec ses enfants pou
2263 n se brouille avec ses enfants pour des questions d’ argent, on ne croit plus ni à Dieu ni à diable et à peine à la politiq
2264 me partout. Bon. Alors les catholiques descendent de la montagne et viennent prendre la place. « On les appelle ici les il
2265 s plus au temps où j’approuvais certains « Éloges de l’ignorance » plus sentimentaux d’ailleurs que machiavéliques. Je sai
2266 avéliques. Je sais que l’ignorance — oui, au sens de l’école primaire — est un mal qu’il faudrait guérir. Mais je ne puis
2267 qu’il faudrait guérir. Mais je ne puis m’empêcher de penser que ces « illettrés » sont peut-être moins bas que ces « assur
2268 tes ne sait plus bien ce qu’il craint davantage : de la vie qui ne rapporte plus, ou de la mort qui rapporte « en doublage
2269 nt davantage : de la vie qui ne rapporte plus, ou de la mort qui rapporte « en doublage »… 20 janvier 1935 Superstition.
2270 oublage »… 20 janvier 1935 Superstition. — C’est de Casanova que Ligne écrit : « Il ne croit à rien excepté ce qui est le
2271 oins croyable, étant superstitieux sur tout plein d’ objets. » Malchance affreuse du peuple français : il n’échappe aux jés
2272 idées à majuscules, toucher du bois, la bouteille de champagne brisée contre la coque des bateaux neufs, etc. Un geste rés
2273 : c’est celui du coiffeur fameux, premier gagnant de la Loterie nationale, s’inclinant sur la tombe du Soldat inconnu. Jus
2274 at inconnu. Juste hommage au collègue, au gagnant d’ une autre loterie ! Toute la grande presse en a parlé. Personne ne rit
2275 — L’intellectuel l’est toujours. C’est qu’il est d’ une classe particulière, dispersée comme les Juifs le sont chez les ge
2276 urquoi ne l’ai-je compris vraiment qu’à la faveur de ce chômage ? C’est qu’il m’a fallu m’éloigner de cette ambiance bourg
2277 de ce chômage ? C’est qu’il m’a fallu m’éloigner de cette ambiance bourgeoise où l’on a convenu de cacher cela — de cache
2278 er de cette ambiance bourgeoise où l’on a convenu de cacher cela — de cacher ce fait que l’intellectuel en tant que tel es
2279 nce bourgeoise où l’on a convenu de cacher cela — de cacher ce fait que l’intellectuel en tant que tel est un hors-classe,
2280 -classe, un être à part, auquel on ne croit pas. ( D’ où sans doute l’angoisse qui pousse tant d’écrivains à gagner de l’arg
2281 pas. (D’où sans doute l’angoisse qui pousse tant d’ écrivains à gagner de l’argent, à entrer à l’Académie, voire à jouer u
2282 e l’angoisse qui pousse tant d’écrivains à gagner de l’argent, à entrer à l’Académie, voire à jouer un rôle politique : po
2283 éfenseurs du prolétariat. 17 février 1935 Cercle d’ hommes. — Hier soir le sujet de l’entretien était le problème de l’aut
2284 vrier 1935 Cercle d’hommes. — Hier soir le sujet de l’entretien était le problème de l’autorité. La discussion dévia bien
2285 er soir le sujet de l’entretien était le problème de l’autorité. La discussion dévia bientôt vers le fascisme. Un beau cha
2286 ion dévia bientôt vers le fascisme. Un beau chaos de partis pris, d’erreurs de faits et de formules électorales ! Je deman
2287 t vers le fascisme. Un beau chaos de partis pris, d’ erreurs de faits et de formules électorales ! Je demandai la parole po
2288 fascisme. Un beau chaos de partis pris, d’erreurs de faits et de formules électorales ! Je demandai la parole pour expliqu
2289 beau chaos de partis pris, d’erreurs de faits et de formules électorales ! Je demandai la parole pour expliquer, le plus
2290 e pays, et qu’en tout cas il ne peut pas se poser de la même façon en France. Je conclus que la seule manière de prévenir
2291 façon en France. Je conclus que la seule manière de prévenir utilement un fascisme, ce n’était pas de condamner les Itali
2292 de prévenir utilement un fascisme, ce n’était pas de condamner les Italiens et leurs admirateurs français, position négati
2293 sition négative, paresseuse, et donc faible, mais d’ essayer de résoudre « à la française » le problème de l’autorité, tel
2294 ative, paresseuse, et donc faible, mais d’essayer de résoudre « à la française » le problème de l’autorité, tel que le pos
2295 ssayer de résoudre « à la française » le problème de l’autorité, tel que le posent cinquante années de démocratie parlemen
2296 de l’autorité, tel que le posent cinquante années de démocratie parlementaire, et toute une tradition de libertés. Bref, u
2297 démocratie parlementaire, et toute une tradition de libertés. Bref, un petit sermon élémentaire sur le thème « liberté ob
2298 u sortir de la réunion, je surprends cette phrase d’ un homme, dans la cour, tandis qu’il donne du feu à son copain : Pour
2299 soit pour ou contre, et il se méfie par principe de celui qui distingue et nuance. On ne tiendra jamais assez compte de c
2300 ngue et nuance. On ne tiendra jamais assez compte de cette opposition fondamentale. Peut-être ferais-je bien, à l’avenir,
2301 quelque chose sur le fascisme ou sur les soviets, de mettre en épigraphe à mon article : Je suis contre. Sinon, pour peu q
2302 a fasciste ou communiste. Et pourtant, la mission de l’écrivain n’est-elle pas justement d’éduquer le lecteur, j’entends d
2303 la mission de l’écrivain n’est-elle pas justement d’ éduquer le lecteur, j’entends de l’amener à réfléchir sur les raisons
2304 lle pas justement d’éduquer le lecteur, j’entends de l’amener à réfléchir sur les raisons de ses partis pris ? Mars 1935 (
2305 j’entends de l’amener à réfléchir sur les raisons de ses partis pris ? Mars 1935 (à Marseille) J’ai parlé à R. de mon proj
2306 is pris ? Mars 1935 (à Marseille) J’ai parlé à R. de mon projet de publier sous le titre de Journal d’un intellectuel en
2307 1935 (à Marseille) J’ai parlé à R. de mon projet de publier sous le titre de Journal d’un intellectuel en chômage , ces
2308 parlé à R. de mon projet de publier sous le titre de Journal d’un intellectuel en chômage , ces pages que je suis en trai
2309 e mon projet de publier sous le titre de Journal d’ un intellectuel en chômage , ces pages que je suis en train de rédiger
2310 mps perdu. Il est assez sceptique sur le résultat de cette entreprise. Pour des raisons que je devine plus sentimentales q
2311 ilà pourquoi l’on trouvera sans doute, indiscret, de ma part, ce journal. Un tel jugement ne serait pas très franc, d’aill
2312 térielle. Il est entendu qu’on ne doit pas parler de « questions matérielles » dans une société distinguée. Vous me direz
2313 istinguée. Vous me direz qu’on ne parle guère que de cela. Oui, mais d’une façon générale, non pas personnelle. Seulement,
2314 direz qu’on ne parle guère que de cela. Oui, mais d’ une façon générale, non pas personnelle. Seulement, il se trouve que m
2315 nt, il se trouve que mon propos, précisément, est de montrer, entre autres, la décadence de ce tabou. Je trouve moins indi
2316 ément, est de montrer, entre autres, la décadence de ce tabou. Je trouve moins indiscret de parler en public de ma pauvret
2317 décadence de ce tabou. Je trouve moins indiscret de parler en public de ma pauvreté — qui ne me gêne pas moralement — moi
2318 ou. Je trouve moins indiscret de parler en public de ma pauvreté — qui ne me gêne pas moralement — moins indiscret de parl
2319 — qui ne me gêne pas moralement — moins indiscret de parler d’argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en
2320 e gêne pas moralement — moins indiscret de parler d’ argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en donnant t
2321 ralement — moins indiscret de parler d’argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en donnant toutes les pré
2322 rler d’argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en donnant toutes les précisions qu’un collégien puisse d
2323 un vrai chômeur, puisque vous avez la possibilité de travailler. — Je me suis fait moi-même cette objection. Il est clair
2324 r qu’un intellectuel aura toujours la possibilité de travailler, pour autant que son vrai travail est de penser. Mais je l
2325 travailler, pour autant que son vrai travail est de penser. Mais je l’appelle chômeur, faute d’autre terme, s’il n’a plus
2326 l est de penser. Mais je l’appelle chômeur, faute d’ autre terme, s’il n’a plus la possibilité de s’assurer un gagne-pain r
2327 faute d’autre terme, s’il n’a plus la possibilité de s’assurer un gagne-pain régulier par son travail, s’il n’a plus d’emp
2328 agne-pain régulier par son travail, s’il n’a plus d’ emploi, et ne sait plus de quoi sera fait le lendemain. — Admettez que
2329 travail, s’il n’a plus d’emploi, et ne sait plus de quoi sera fait le lendemain. — Admettez que cela ne vous empêche pas
2330 endemain. — Admettez que cela ne vous empêche pas de vivre assez bien, à votre idée. Vous avez l’air très satisfait de vot
2331 ien, à votre idée. Vous avez l’air très satisfait de votre situation. Ce n’est fichtre pas le cas des vrais chômeurs ! — A
2332 à me vêtir ? Vous n’avez qu’à regarder la frange de mon pantalon. Ce n’est pas avec ça que je pourrais faire une carrière
2333 s mon journal, c’est qu’on peut être très content d’ un sort matériel très médiocre. Ce n’est pas nouveau. Et il faut bien
2334 e croire. L’intéressant à mon point de vue, c’est de montrer une fois que c’est vrai, et de montrer comment c’est vrai, da
2335 vue, c’est de montrer une fois que c’est vrai, et de montrer comment c’est vrai, dans le détail… ⁂ Cette conversation avec
2336 ent, et qui se mêle en particulier à tout échange d’ idées sur la richesse, la pauvreté ou le chômage. Mélange extraordinai
2337 le chômage. Mélange extraordinairement irritable de mauvaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendication
2338 raordinairement irritable de mauvaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie,
2339 ement irritable de mauvaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobis
2340 itable de mauvaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibo
2341 vaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibourgeois ou pr
2342 de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibourgeois ou prolétarien, de méfiances poli
2343 réjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibourgeois ou prolétarien, de méfiances politiques, d’arr
2344 lousie, de snobisme antibourgeois ou prolétarien, de méfiances politiques, d’arrière-sentiments religieux, de rancunes, de
2345 ourgeois ou prolétarien, de méfiances politiques, d’ arrière-sentiments religieux, de rancunes, de souvenirs… On ne peut gu
2346 ances politiques, d’arrière-sentiments religieux, de rancunes, de souvenirs… On ne peut guère imaginer d’imbroglio passion
2347 ues, d’arrière-sentiments religieux, de rancunes, de souvenirs… On ne peut guère imaginer d’imbroglio passionnel plus idéa
2348 rancunes, de souvenirs… On ne peut guère imaginer d’ imbroglio passionnel plus idéalement favorable à l’apparition de délir
2349 ssionnel plus idéalement favorable à l’apparition de délires subits de la pensée ou des sentiments. Aigreur et nervosité q
2350 lement favorable à l’apparition de délires subits de la pensée ou des sentiments. Aigreur et nervosité qui révèlent surtou
2351 ité qui révèlent surtout un refoulement séculaire de ces questions. Plusieurs générations de bourgeoisie, et la crise de c
2352 séculaire de ces questions. Plusieurs générations de bourgeoisie, et la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’un des p
2353 Plusieurs générations de bourgeoisie, et la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’un des plus beaux complexes que le d
2354 ie, et la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’ un des plus beaux complexes que le diable ait jamais pu concevoir pour
2355 ons outre à nos vieilles pudeurs : c’est le début de la cure. Ensuite il faudra essayer de réviser nos préjugés en fonctio
2356 st le début de la cure. Ensuite il faudra essayer de réviser nos préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous re
2357 r de réviser nos préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi
2358 os préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi à l’argent so
2359 e vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de moyen, d’impur et simple m
2360 ue, et de rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de moyen, d’impur et simple moyen… 31 mars 1935 Place aux vieux ! — Je
2361 rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de moyen, d’ impur et simple moyen… 31 mars 1935 Place aux vieux ! — Je lis dans u
2362 e « La vie régionale », qui chaque jour m’apporte d’ inénarrables sujets de méditation, le petit communiqué que voici : Bo
2363 , qui chaque jour m’apporte d’inénarrables sujets de méditation, le petit communiqué que voici : Bouillargues. — Les « ex
2364 rence au profit des vieux, hommes et femmes, âgés de 60 ans au mois de juillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas
2365 s vieux, hommes et femmes, âgés de 60 ans au mois de juillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas de la loi des assu
2366 uillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas de la loi des assurances sociales ont intérêt à assister à la conférence
2367 Ô merveille du pathos révolutionnaire ! ô gloire de la phraséologie marxiste ! Ô triomphe des mots d’ordre sur l’inertie
2368 st venu le jour que la Volonté populaire appelait de tous ses espoirs ! Mais que dis-je le jour ! C’est l’heure même qui v
2369 même qui va sonner : demain dimanche, sur le coup de dix heures, le grand mot qui résume cent années d’efforts, de luttes,
2370 e dix heures, le grand mot qui résume cent années d’ efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de
2371 s, le grand mot qui résume cent années d’efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cart
2372 mot qui résume cent années d’efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de
2373 ent années d’efforts, de luttes, de sacrifices et d’ éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice
2374 efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion
2375 s, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion libertaire, ce g
2376 loquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion libertaire, ce grand mot sera prononcé,
2377 , de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion libertaire, ce grand mot sera prononcé, proclam
2378 bre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion libertaire, ce grand mot sera prononcé, proclamé, acclamé par
2379 prononcé, proclamé, acclamé par les travailleurs de Bouillargues, prouvant à la face du monde que nos militants héroïques
2380 sent « avancés » osent le proposer comme objectif de « lutte ». Où la publication d’un communiqué de ce genre ne soit pas
2381 er comme objectif de « lutte ». Où la publication d’ un communiqué de ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de ri
2382 f de « lutte ». Où la publication d’un communiqué de ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de rigolade irrépress
2383 e ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de rigolade irrépressible dans toutes les couches de la population, « la
2384 de rigolade irrépressible dans toutes les couches de la population, « laborieuse » ou « réactionnaire ». À la prochaine en
2385 re ». À la prochaine enquête sur l’état politique de la France, je me promets de répondre par cette simple déclaration : «
2386 sur l’état politique de la France, je me promets de répondre par cette simple déclaration : « La France est un pays combl
2387 vieux !” Quand on en est à cela, dans les partis d’ extrême gauche, c’est que l’état social est à peu près paradisiaque. »
2388 l est comme ça. Il faut le laisser frapper le sol de sa canne et redresser sa casquette pour ponctuer ses raisonnements d’
2389 sser sa casquette pour ponctuer ses raisonnements d’ alcoolique. Entre un homme maigre, casquette et veste de toile bleue p
2390 olique. Entre un homme maigre, casquette et veste de toile bleue proprette, visage nerveux et intelligent. — Vous avez mon
2391 s ai toutes vendues, Monsieur Dumas ! (C’est jour de foire). — Allons, tant mieux, fait l’homme. Et si des fois on vous en
2392 , fait l’homme. Et si des fois on vous en demande de trop, vous n’avez qu’à donner la mienne, vous savez. Plus on la lit…
2393 e, vous savez. Plus on la lit… Ce généreux apôtre de la cause va sortir, lorsque le vieux gâteux l’arrête sur le seuil. « 
2394 t. Le vieux le tient par la manche et lui martèle de sa canne le bout des souliers : « Tu m’entends ? Nous ôtres, nous all
2395 roit ? Peuchère, c’est notre devoir ! (Il glousse d’ un air malin). — On sait bien, dit le communiste, que vous avez toujou
2396 mmuniste. C’est un Méridional du type sérieux, un de ces hommes qui pourraient sauver sa région de la totale décrépitude o
2397 un de ces hommes qui pourraient sauver sa région de la totale décrépitude où l’ont laissée les radicaux et les créatures
2398 de où l’ont laissée les radicaux et les créatures de Bouisson, dont mon alcoolique fait partie. Voilà l’aspect local et pe
2399 ue fait partie. Voilà l’aspect local et personnel de la question, sur le plan des prochaines élections municipales. Mais i
2400 s sont du même niveau social, sans doute parents, de mœurs et de langage pareils. S’ils s’opposent, c’est que l’un est ava
2401 me niveau social, sans doute parents, de mœurs et de langage pareils. S’ils s’opposent, c’est que l’un est avare et légère
2402 l’autre énergique et assez sensé. Simple question de tempérament. Peut-être aussi le communiste n’est-il pas encore parven
2403 communiste n’est-il pas encore parvenu à « mettre de côté » autant qu’il le voudrait. Mais ce n’est pas sûr. Je sais bien
2404 Mais ce n’est pas sûr. Je sais bien une douzaine de ses camarades qui comptent parmi les mieux rentés de ce pays. Faut-il
2405 ses camarades qui comptent parmi les mieux rentés de ce pays. Faut-il donc penser que les partis expriment tout simplement
2406 qui avais acheté, innocemment, le dernier numéro de l’Huma. De la haine et encore de la haine, quelques mensonges grossie
2407 acheté, innocemment, le dernier numéro de l’Huma. De la haine et encore de la haine, quelques mensonges grossiers, le truq
2408 e dernier numéro de l’Huma. De la haine et encore de la haine, quelques mensonges grossiers, le truquage habituel des titr
2409 ge habituel des titres, une sauce aigre où nagent de grandes vérités brutales, toujours bonnes à dire, mais mal dites. J’a
2410 ros et en petits, si c’est le seul moyen pratique de faire valoir les droits élémentaires d’une partie de la population. M
2411 pratique de faire valoir les droits élémentaires d’ une partie de la population. Mais quelle trahison des « petits » repré
2412 faire valoir les droits élémentaires d’une partie de la population. Mais quelle trahison des « petits » représente alors c
2413 ces retraités radicaux ou socialistes, ce serait d’ être le parti de la vérité et du bon sens. Ils auraient avec eux tous
2414 adicaux ou socialistes, ce serait d’être le parti de la vérité et du bon sens. Ils auraient avec eux tous les hommes — bou
2415 es révoltes les mieux justifiées, on les étourdit de mensonges, on les abreuve d’une prose abstraite, brutale — eux qui le
2416 ées, on les étourdit de mensonges, on les abreuve d’ une prose abstraite, brutale — eux qui le sont si peu ! — et si possib
2417 ible, plus médiocre que celle des grands journaux d’ information. On leur impose une mystique confectionnée à l’usage des m
2418 ait affirmer que ce quotidien lamentable, hérissé de clichés hargneux, travaille pour le bien de ses lecteurs ? Si l’on pr
2419 rissé de clichés hargneux, travaille pour le bien de ses lecteurs ? Si l’on prend au sérieux le sort qui est fait aux ouvr
2420  adhèrent » aux disciplines staliniennes en haine d’ une société qu’ils sont les seuls à croire encore « chrétienne » — il
2421 ation. Mais les intellectuels, dont le métier est de comprendre, dont le métier est de vouloir la vérité, dont la seule di
2422 t le métier est de comprendre, dont le métier est de vouloir la vérité, dont la seule dignité est d’avoir foi dans le pouv
2423 t de vouloir la vérité, dont la seule dignité est d’ avoir foi dans le pouvoir d’une pensée droite, — on se demande par que
2424 la seule dignité est d’avoir foi dans le pouvoir d’ une pensée droite, — on se demande par quelle rancune vaguement démoni
2425 aussi les « petits » en défendant ces exploiteurs de la bassesse et du mensonge en service commandé. L’homme à la veste bl
2426 ’aime, ils me dégoûtent. 28 avril 1935 Réflexion de « personnaliste ». — Le peuple tel qu’on le voit paraît tout ignorant
2427  Le peuple tel qu’on le voit paraît tout ignorant de ses intérêts véritables. Mais c’est qu’il ne peut pas les exprimer tr
2428 ne peut pas les exprimer très aisément. Question de langage. Revenez voir ces mêmes hommes que j’ai dit, revenez deux foi
2429 ois, vingt fois, prenez-les sur le fait au détour d’ une phrase maladroite, rendez-les attentifs au sens de leurs clichés.
2430 e phrase maladroite, rendez-les attentifs au sens de leurs clichés. Mieux encore, parlez-leur de leur travail, de celui qu
2431 sens de leurs clichés. Mieux encore, parlez-leur de leur travail, de celui qu’ils sont en train de faire tandis que vous
2432 ichés. Mieux encore, parlez-leur de leur travail, de celui qu’ils sont en train de faire tandis que vous causez, vous arri
2433 causez, vous arriverez à leur tirer quelque chose de sensé, de vécu, de réel, — et qui renversera les conclusions cyniques
2434 us arriverez à leur tirer quelque chose de sensé, de vécu, de réel, — et qui renversera les conclusions cyniques des parti
2435 rez à leur tirer quelque chose de sensé, de vécu, de réel, — et qui renversera les conclusions cyniques des partisans de l
2436 renversera les conclusions cyniques des partisans de la dictature. Ils vous diront d’abord que le fond de leur vie, c’est
2437 la dictature. Ils vous diront d’abord que le fond de leur vie, c’est l’ennui. Ils expliqueront presque toujours cet ennui
2438 nomadisme des employés et ouvriers, impossibilité de « suivre » un effort bien localisé, de s’attacher à ce qu’on fait ; n
2439 ossibilité de « suivre » un effort bien localisé, de s’attacher à ce qu’on fait ; nécessité où l’on se trouve de bâcler so
2440 her à ce qu’on fait ; nécessité où l’on se trouve de bâcler son ouvrage, pour gagner de quoi vivre, tentation perpétuelle
2441 l’on se trouve de bâcler son ouvrage, pour gagner de quoi vivre, tentation perpétuelle de changer de condition. Ils vous d
2442 pour gagner de quoi vivre, tentation perpétuelle de changer de condition. Ils vous diront aussi qu’ils n’ont plus le cœur
2443 r de quoi vivre, tentation perpétuelle de changer de condition. Ils vous diront aussi qu’ils n’ont plus le cœur à leur ouv
2444 ils savent que les résultats sont à la merci soit d’ un trust, soit d’un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal
2445 s résultats sont à la merci soit d’un trust, soit d’ un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal vient de l’État —
2446 nt à la merci soit d’un trust, soit d’un syndicat d’ incapables. Ils vous diront que le mal vient de l’État — et cela veut
2447 que le mal vient de l’État — et cela veut dire : de ceux qui font les lois sans rien savoir des situations locales. Parfo
2448 ils proposeront quelque réforme pratique : faire de la place aux jeunes en abaissant la limite d’âge dans les chemins de
2449 ire de la place aux jeunes en abaissant la limite d’ âge dans les chemins de fer et l’administration ; faire des lois régio
2450 pour la viticulture ; mettre en commun les terres d’ un petit village ; vendre le vin du pays dans les épiceries du pays, l
2451 riqués dans des « caves centrales » avec des vins d’ Afrique et des produits chimiques (« que vous avez la gorge brûlante a
2452 ûlante après un verre »). Enfin ils se plaindront de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiative, de vrai p
2453 aindront de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on
2454 de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’ initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on approuve
2455 ns leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on approuve la jeunesse q
2456 d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’ en être, on approuve la jeunesse qui délaisse la terre pour la ville.
2457 province). Et puis « leur » politique, parlez-moi de « leurs combines » — il n’y a rien à y comprendre. Dans une assemblée
2458 ns une assemblée populaire, on ne dira pas un mot de tout cela, on s’en tiendra aux clichés du journal. On n’aura pas le t
2459 n’aura pas le temps ni le courage, ni même l’idée de pousser plus loin, d’aborder des réalités. Donc, par amour du peuple,
2460 le courage, ni même l’idée de pousser plus loin, d’ aborder des réalités. Donc, par amour du peuple, n’écoutons plus ses a
2461 te. Je constate qu’elles vont toutes dans le sens de ce que proposent les personnalistes : autonomie de la région naturell
2462 e ce que proposent les personnalistes : autonomie de la région naturelle, communalisme, syndicats locaux, rajeunissement d
2463 s techniques libératrices, des sports, des moyens de circuler et de s’instruire, résistance à l’état tentaculaire. (Quant
2464 bératrices, des sports, des moyens de circuler et de s’instruire, résistance à l’état tentaculaire. (Quant à la lutte cont
2465 re le capitalisme, tout le monde en est, ou feint d’ en être ; c’est bien moins concret qu’il ne semble.) Conclusion : il a
2466 semble.) Conclusion : il appartient à des équipes d’ hommes nouveaux, jeunes et sortis de toutes les classes, d’exprimer ce
2467 à des équipes d’hommes nouveaux, jeunes et sortis de toutes les classes, d’exprimer ce que taisent les journaux, les orate
2468 nouveaux, jeunes et sortis de toutes les classes, d’ exprimer ce que taisent les journaux, les orateurs et les affiches — e
2469 ge politicien. La dictature est la seule solution de ceux qui refusent d’éduquer le peuple. Dictature ou éducation, voilà
2470 tature est la seule solution de ceux qui refusent d’ éduquer le peuple. Dictature ou éducation, voilà le dilemme du xxe si
2471 es plus humains. C’est peu, dites-vous. Mais rien d’ autre n’est vrai… 6 mai 1935 La mort et les cérémonies dans le Gard.
2472 mort et les cérémonies dans le Gard. — La maison de Simard recèle un effrayant secret qu’on m’avait laissé ignorer : une
2473 enons son existence en même temps que l’imminence de sa mort — et voici qui éveillera peut-être des réflexions fécondes da
2474 e. Déjà huit mois que nous sommes ici, et combien de fois ne sommes-nous pas entrés dans la grande cuisine qui était, pens
2475 s autres pièces étaient vides ou ne servaient que de débarras —, et rien ne pouvait nous faire soupçonner cette présence à
2476 tout. — Mais les Simard ne m’avaient jamais parlé d’ elle ! — Peuchère ! ils languissaient de l’emballer, la vieille ! » Il
2477 ais parlé d’elle ! — Peuchère ! ils languissaient de l’emballer, la vieille ! » Ils n’auront plus à languir bien longtemps
2478 e. Et on l’entend ! Trois fois par jour, le bruit d’ effroyables discussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un bea
2479 le bruit d’effroyables discussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un beau-frère est arrivé, et on partage. C’est
2480 respect pour la moribonde qu’ils veillent à tour de rôle, ils sont venus discuter dans la remise qui est au-dessous de no
2481 est au-dessous de notre chambre, et leurs éclats de voix nous ont plusieurs fois réveillés. 18 mai 1935 … Et un beau jour
2482 eillés. 18 mai 1935 … Et un beau jour, plus moyen d’ échapper à cette humiliante évidence : sans auto, sans argent, sans am
2483 gens », bien sûr. C’est instructif. Mais le désir de s’instruire a des limites. Déjà les relations se stabilisent, les « c
2484 habitudes » épuisent leur vertu. C’est le moment de lever son camp. Plus tard, peut-être, quand toutes ces maisons vides
2485 des des environs seront habitées par des colonies de jeunes gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre des villes, o
2486 onies de jeunes gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre des villes, où ils s’incrustent — la province deviendra v
2487 place les aquarelles, les guéridons et les dessus de cheminée. Après-demain, nous partons. Nous fuyons. 27. Monsieur X…
2488 n. 28. La stratégie qu’inaugurèrent les généraux de la Révolution, et qui fut celle de Bonaparte, n’est en somme que l’ap
2489 t les généraux de la Révolution, et qui fut celle de Bonaparte, n’est en somme que l’application du style français à la ch
2490 rd’hui, où l’article paraît. m. Rougemont Denis de , «  Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) », Mesures, Chât
2491 ticle paraît. m. Rougemont Denis de, «  Journal d’ un intellectuel en chômage (fragments) », Mesures, Châtenay-Malabry /
14 1937, Articles divers (1936-1938). Lénine, Staline et la littérature (17 avril 1937)
2492 ine en 1905 déjà ! — doit devenir une littérature de Parti. » Et Staline fait écho, trente ans plus tard, à cette déclarat
2493 aration totalitaire ; dans un discours aux cadets de l’Académie de l’Armée rouge, il s’écrie : « Chez nous, dans les circo
2494 taire ; dans un discours aux cadets de l’Académie de l’Armée rouge, il s’écrie : « Chez nous, dans les circonstances actue
2495 les circonstances actuelles, les cadres décident de tout ! » Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’un choix de propos
2496 e tout ! » Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’ un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art
2497 Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art. Disons to
2498 Ces deux phrases sont tirées d’un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art. Disons tout de suit
2499 ses sont tirées d’un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art. Disons tout de suite que le Père
2500 es peuples n’a fourni pour sa part qu’une dizaine de pages (sur 150) relatives surtout au développement d’une culture nati
2501 ages (sur 150) relatives surtout au développement d’ une culture nationale-socialiste en Russie. Mais cela permet toutefois
2502 -socialiste en Russie. Mais cela permet toutefois de comparer sa manière à celle de Lénine. Lénine affiche en littérature
2503 a permet toutefois de comparer sa manière à celle de Lénine. Lénine affiche en littérature des goûts tantôt traditionnels
2504 uveau, qui lui demeurait étranger. » Il préférait de beaucoup à Maïakovski le « Salut au 17e » : Salut, salut à vous, bra
2505 cœur — vous ne l’aurez jamais ! Dans un article de 1922, il loue cependant un poème de Maïakovski contre les bureaucrate
2506 ns un article de 1922, il loue cependant un poème de Maïakovski contre les bureaucrates. Je n’appartiens pas, dit-il, aux
2507 es. Je n’appartiens pas, dit-il, aux admirateurs de son talent poétique, bien que je reconnaisse tout à fait mon incompét
2508 et siéger encore. Je ne sais ce qu’il faut penser de la poésie, mais pour ce qui est de la politique, je m’en porte garant
2509 il faut penser de la poésie, mais pour ce qui est de la politique, je m’en porte garant, c’est parfaitement vrai. Voilà q
2510 onne toute la mesure (la dernière phrase surtout) de Lénine « fondateur de la nouvelle culture ». Au moins, c’est franc, s
2511 la dernière phrase surtout) de Lénine « fondateur de la nouvelle culture ». Au moins, c’est franc, sans prétention, et cel
2512 demeure le poète le meilleur, le plus talentueux de notre époque soviétique. L’indifférence à sa mémoire et à ses œuvres
2513 quelle était l’intention des éditeurs communistes de ce choix. Il en ressort à l’évidence que les « idées » de Lénine sur
2514 oix. Il en ressort à l’évidence que les « idées » de Lénine sur la littérature étaient en général saines, banales, un peu
2515 ales, un peu courtes, et que Staline s’est chargé d’ en extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou de b
2516 ne s’est chargé d’en extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou de brutalement primaire, pour le plani
2517 extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et d’ attardé, ou de brutalement primaire, pour le planifier à l’échelle de
2518 u’elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou de brutalement primaire, pour le planifier à l’échelle de son empire nat
2519 utalement primaire, pour le planifier à l’échelle de son empire national-socialiste. À nous de relever la vraie défense de
2520 échelle de son empire national-socialiste. À nous de relever la vraie défense de la culture, et d’une culture créatrice, n
2521 ous de relever la vraie défense de la culture, et d’ une culture créatrice, novatrice, contre ses fossoyeurs totalitaires,
2522 ossoyeurs totalitaires, et contre ce distributeur de prix à l’Académie de l’Armée rouge, l’homme des « cadres qui décident
2523 s, et contre ce distributeur de prix à l’Académie de l’Armée rouge, l’homme des « cadres qui décident de tout ». n. Rou
2524 l’Armée rouge, l’homme des « cadres qui décident de tout ». n. Rougemont Denis de, « Lénine, Staline et la littérature
2525 res qui décident de tout ». n. Rougemont Denis de , « Lénine, Staline et la littérature », À nous la liberté, Paris, 17
15 1937, Articles divers (1936-1938). Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue (mai-juin 1937)
2526 Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue (mai-juin 1937)p L’énigme Vers 1813, un person
2527 , un personnage assez hagard aborde l’imagination de Chamisso ; il déclare avoir perdu son ombre. Le second romantisme bat
2528 rôdait depuis longtemps dans les régions obscures de la légende populaire. S’il se risque à paraître devant Chamisso, c’es
2529 vant Chamisso, c’est peut-être poussé par l’envie d’ être enfin deviné, expliqué. Chamisso est français de naissance et d’é
2530 tre enfin deviné, expliqué. Chamisso est français de naissance et d’éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un p
2531 , expliqué. Chamisso est français de naissance et d’ éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un poète allemand. L
2532 e et d’éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un poète allemand. Les autres ont toujours cru à cette fable, mai
2533 . Chamisso, lui, s’en étonnera. Tel est le calcul de l’homme sans ombre. Surprendre ce Français, c’est passer au soleil :
2534 e souvent qu’un étranger s’initiant aux croyances d’ un peuple soit le premier saisi par ce frisson d’absurdité que l’on ba
2535 d’un peuple soit le premier saisi par ce frisson d’ absurdité que l’on baptise inspiration lorsqu’il excite ou crée, chez
2536 xcite ou crée, chez celui qui l’éprouve, le désir de s’en délivrer en l’exprimant. Et c’est ainsi que Chamisso introduisit
2537 o introduisit dans la conscience moderne le mythe de l’homme qui a perdu son ombre, sous les traits pathétiques et naïfs d
2538 pathétiques et naïfs du célèbre Peter Schlemihl. De Chamisso à Hofmannsthal, plusieurs ont repris cette histoire. Le dern
2539 mystère, qui reste entier. Cependant, à voir tant d’ auteurs s’exercer l’imagination sur un sujet qui défie l’expérience, l
2540 ier. L’on s’étonne qu’aucun non plus n’ait essayé de formuler le symbole enfermé dans le mythe. Serait-ce pudeur d’artiste
2541 e symbole enfermé dans le mythe. Serait-ce pudeur d’ artistes ? Pudeur tout court ? Ou faut-il croire qu’ils ont écrit leur
2542 u’ils ont écrit leurs contes sans jamais se poser de questions sur le sens d’un tel accident — dont à vrai dire les suites
2543 tes sans jamais se poser de questions sur le sens d’ un tel accident — dont à vrai dire les suites sont assez pittoresques
2544 préfère en ignorer la cause ? L’on s’étonne enfin de ce lien entre le domaine germanique et l’expression littéraire du myt
2545 e moindre n’est pas Hoffmann… ⁂ L’énigme commença de m’inquiéter lors d’un séjour allemand au cours duquel je pus observer
2546 Hoffmann… ⁂ L’énigme commença de m’inquiéter lors d’ un séjour allemand au cours duquel je pus observer mainte fois l’extra
2547 nnait du Strauss. Je ne connaissais pas le livret d’ Hofmannsthal, et compris mal l’intrigue de la Femme sans ombre. Je voy
2548 livret d’Hofmannsthal, et compris mal l’intrigue de la Femme sans ombre. Je voyais une actrice parcourir la scène en hurl
2549 hurlant : elle tirait après soi un grand morceau d’ étoffe qui figurait son ombre et l’embarrassait fort. Aux entractes, o
2550 et l’embarrassait fort. Aux entractes, on parlait de Freud. La musique m’ennuyait, indéfinie. Plus tard je lus le livre qu
2551 -ce qu’une ombre ? me demandais-je. Quelque chose d’ assez méprisable. Les Latins la ridiculisent. C’est pour eux l’irréali
2552 ux l’irréalité même. (« Il n’est plus que l’ombre de lui-même ! ») Mais je vois bien qu’ils exagèrent : si nous étions de
2553 is je vois bien qu’ils exagèrent : si nous étions de purs esprits, nous ne projetterions pas d’ombre. L’ombre est la preuv
2554 étions de purs esprits, nous ne projetterions pas d’ ombre. L’ombre est la preuve humiliante de la chair — humiliante pour
2555 ons pas d’ombre. L’ombre est la preuve humiliante de la chair — humiliante pour ceux, du moins qui, plaçant la Raison dans
2556 ux-là qui déplorent qu’elle se fasse, aux regards de la convoitise, « opaque »36. Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien
2557 la convoitise, « opaque »36. Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien qu’une évidence assez pauvre : l’ombre est le fait,
2558 ence assez pauvre : l’ombre est le fait, en nous, de notre chair. Mais perdre sa chair, c’est mourir, et cet infortuné Sch
2559 infortuné Schlemihl n’était tout de même pas mort d’ avoir perdu son ombre… Il était même si vivant, et sa présence si gêna
2560 vivant, et sa présence si gênante, que je tentai de le contraindre, quoi qu’il arrive, aux suprêmes aveux. Il y avait la
2561 mes aveux. Il y avait la psychanalyse. Mais avant d’ en venir à cette extrémité, on pouvait essayer d’un pédantisme moins b
2562 d’en venir à cette extrémité, on pouvait essayer d’ un pédantisme moins barbare. Je rédigeai la note qui suit, en m’appliq
2563 qui suit, en m’appliquant à écarter les conseils de pitié que me dictait mon cœur. Signalement de Peter Schlemihl P
2564 de pitié que me dictait mon cœur. Signalement de Peter Schlemihl Peter est un naïf : il croit à la fortune. Il croi
2565 assure à l’homme une dignité. C’est un bourgeois de la plus dangereuse espèce, le bourgeois pauvre qui envie les bourgeoi
2566 bourgeois pauvre qui envie les bourgeois riches. D’ où vient le sentiment qu’il a d’être inférieur. Le diable sait cela :
2567 bourgeois riches. D’où vient le sentiment qu’il a d’ être inférieur. Le diable sait cela : c’est par là qu’il le tient. Pet
2568 er lui donne son ombre contre une bourse magique, d’ où il pourra tirer un or inépuisable. Désormais riche, mais privé d’om
2569 er un or inépuisable. Désormais riche, mais privé d’ ombre, il se croit le maître du monde. Point du tout : on se moque de
2570 t le maître du monde. Point du tout : on se moque de lui. Comblé, le voici plus qu’avant inadmissible. Le complexe d’infér
2571 le voici plus qu’avant inadmissible. Le complexe d’ infériorité à peine défait par la fortune subite, se renoue, cette foi
2572 sans remède. Il ne tarde pas à tourner au délire de persécution. Tout effraye Peter, et le moleste en mille manières. Les
2573 re, surtout la lumière du jour, et même la clarté de la lune. Il recherche la solitude pour y mener des réflexions désespé
2574 te en sanglots à l’idée du plus simple bonheur, —  de ce bonheur dont tous les autres semblent détenir le secret, jalouseme
2575 innocence ?) Schlemihl est donc le type classique de l’homme qui perd le contact social. L’or même ne suffit pas à rétabli
2576 ge surtout pour ce philistin-là. Toutes les ruses de Peter échouent devant cet obstacle dernier. Il a beau n’aller que de
2577 evant cet obstacle dernier. Il a beau n’aller que de nuit aux rendez-vous avec Mina. Le jour venu de signer le contrat, de
2578  ! Oui, je le savais depuis longtemps, il n’a pas d’ ombre ! » Que reste-t-il à un tel homme ? Le suicide ? Rien n’est plus
2579 ensée. Sa vision du monde serait exactement celle d’ un philistin sympathique, d’un philistin sans exigences, et qui veut c
2580 rait exactement celle d’un philistin sympathique, d’ un philistin sans exigences, et qui veut croire à la vertu, — s’il n’y
2581 ut croire à la vertu, — s’il n’y avait, au centre de lui-même, cette absence. En tout pareil aux autres, sauf en ce je ne
2582 essentiel, notre philistin méconnu se voit chassé de la communauté des siens. Et par sa faute ! c’est là son amertume. Ici
2583 t l’évasion. Il achète — par économie — une paire de bottes usagées. Mais voilà bien sa chance, ce sont les bottes de sept
2584 es. Mais voilà bien sa chance, ce sont les bottes de sept lieues ! Désormais il échappe à la vie, au voisinage et au dialo
2585 qu’il imagine. Il peut même retrouver une espèce d’ activité, purement descriptive il est vrai, solitaire, presque mécaniq
2586 presque mécanique : il dresse un vaste catalogue de toutes les plantes de la terre. C’est à cela qu’il s’occupe en Thébaï
2587 l dresse un vaste catalogue de toutes les plantes de la terre. C’est à cela qu’il s’occupe en Thébaïde, quand nous perdons
2588 quand nous perdons sa trace. Résumons : complexe d’ infériorité, délire de persécution, perte du contact social, sentiment
2589 trace. Résumons : complexe d’infériorité, délire de persécution, perte du contact social, sentiment de culpabilité, besoi
2590 e persécution, perte du contact social, sentiment de culpabilité, besoin d’évasion, activité maniaque (ou universitaire-ér
2591 contact social, sentiment de culpabilité, besoin d’ évasion, activité maniaque (ou universitaire-érudite)… Nul doute n’est
2592 en. Il savait peut-être autre chose. Tentative d’ interprétation Je reproche pour ma part à la psychanalyse de flatte
2593 ion Je reproche pour ma part à la psychanalyse de flatter notre propension à localiser les symboles. Car, pour la vie s
2594 boles. Car, pour la vie spirituelle, il n’est pas de lieux séparés, on peut toujours passer de l’un à l’autre par quelque
2595 est pas de lieux séparés, on peut toujours passer de l’un à l’autre par quelque ruse de la métamorphose, qui est la vie mê
2596 oujours passer de l’un à l’autre par quelque ruse de la métamorphose, qui est la vie même de la vie. Et pourquoi dire dès
2597 lque ruse de la métamorphose, qui est la vie même de la vie. Et pourquoi dire dès lors : ceci est cause de cela ? Quand l’
2598 a vie. Et pourquoi dire dès lors : ceci est cause de cela ? Quand l’inverse est au moins aussi probable. Et quand rien ne
2599 er des descriptions utiles, et quelques « trucs » d’ observation. Je retiens donc de Freud cette constatation : « Celui qui
2600 quelques « trucs » d’observation. Je retiens donc de Freud cette constatation : « Celui qui, dans un domaine quelconque, e
2601 ous venons de voir que Schlemihl est le type même de l’inadapté, — celui qui ne peut « trouver sa place au soleil », et qu
2602 au soleil », et qui ne subsiste dans la compagnie de ses semblables que par un subterfuge toujours menacé. D’une incompati
2603 semblables que par un subterfuge toujours menacé. D’ une incompatibilité sociale aussi absolue, nous devrions déduire, semb
2604 ximum. Pour confirmer notre soupçon sur la nature de cette aberration, il conviendrait de rappeler ici que Peter parvient
2605 ur la nature de cette aberration, il conviendrait de rappeler ici que Peter parvient à la cacher à tous sauf aux deux femm
2606 . Mais n’allons pas conclure trop vite. Les états d’ âme d’un malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’
2607 n’allons pas conclure trop vite. Les états d’âme d’ un malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’
2608 onclure trop vite. Les états d’âme d’un malade ou d’ un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’un homme sain ?
2609 d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’ âme d’un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’ét
2610 fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’ un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’états qu
2611 ts d’âme d’un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’états qui, normalement, ne tarderaient pas à se m
2612 ain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’ états qui, normalement, ne tarderaient pas à se muer en leur contraire
2613 muer en leur contraire ? Plus précisément, l’état de Peter Schlemihl n’est-il pas comparable à celui d’un esprit et d’un c
2614 e Peter Schlemihl n’est-il pas comparable à celui d’ un esprit et d’un corps sains après « l’amour » ? Durant quelques mome
2615 hl n’est-il pas comparable à celui d’un esprit et d’ un corps sains après « l’amour » ? Durant quelques moments, l’homme ép
2616 t quelques moments, l’homme éprouve une sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un p
2617 s moments, l’homme éprouve une sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un peu en arr
2618 e sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un peu en arrière des choses, lent à démêl
2619 démêler le monde où il revient, et qui l’accable de présences bizarres, ou douces, mais aussi quelques fois, hostiles. (E
2620 . (Et cela peut être comme une première influence de ce qu’on nommera chez un malade, folie de la persécution). Il arrive
2621 fluence de ce qu’on nommera chez un malade, folie de la persécution). Il arrive aussi que cet homme se sente trop lucide,
2622 ucide, perçant toutes choses à jour, et lui-même, d’ où l’impression qu’il a d’être mal défendu contre les regards qu’il re
2623 es à jour, et lui-même, d’où l’impression qu’il a d’ être mal défendu contre les regards qu’il rencontre, transparent dirai
2624 les réserves qu’on voudra, mais en nous souvenant de la question que nous posait l’origine germanique du mythe38. Dès le d
2625 rimer qu’un fait humain élémentaire. J’étais déçu de le voir se réduire à quelque chose d’aussi précis, et que mille préju
2626 ’étais déçu de le voir se réduire à quelque chose d’ aussi précis, et que mille préjugés, français surtout, concourent à ri
2627 is surtout, concourent à ridiculiser. Un fragment de Paracelse, lu par hasard à cette époque, vint heureusement me donner
2628 cette époque, vint heureusement me donner la clé d’ une interprétation autrement riche et inquiétante. Je traduis ce fragm
2629 « l’ombre intérieure. » Une lecture plus poussée de Paracelse devait bientôt m’apprendre, avec bien d’autres choses curie
2630 tres choses curieuses et profondes, que la portée de ce passage était en vérité beaucoup plus vaste que tout ce que permet
2631 té beaucoup plus vaste que tout ce que permettait d’ imaginer l’obtus physiologisme de ce siècle. La « Liquor vitae », selo
2632 e que permettait d’imaginer l’obtus physiologisme de ce siècle. La « Liquor vitae », selon Paracelse, c’est en effet le pr
2633 ae », selon Paracelse, c’est en effet le principe d’ activité vitale répandu dans tous nos organes. Elle figure le « miroir
2634 st ainsi l’agent microcosmique, la puissance même de notre créativité dans tous les ordres. Elle est ce qu’il y a de plus
2635 t entier et dans l’homme. » Je la rapproche alors de ce Selbst (ou soi-même) dont parle Chamisso vers la fin de son conte.
2636 bst (ou soi-même) dont parle Chamisso vers la fin de son conte. Voilà qui peut situer enfin le vrai problème39. La créativ
2637 eur spirituel. Comme on peut le voir par l’examen de la pudeur. Ne serait-ce point pour la raison qu’en beaucoup d’êtres l
2638 Ne serait-ce point pour la raison qu’en beaucoup d’ êtres la créativité paraît avoir son siège dans le seul sexe, que la p
2639 homme cherche à le dissimuler comme quelque chose de sacré, et que les deux fils de Noé couvrirent la nudité de leur père
2640 omme quelque chose de sacré, et que les deux fils de Noé couvrirent la nudité de leur père ivre en marchant vers lui à rec
2641 et que les deux fils de Noé couvrirent la nudité de leur père ivre en marchant vers lui à reculons ? Mais chez l’homme qu
2642  ? Mais chez l’homme qui parvient à la conscience de sa mission spirituelle, le centre de la créativité paraît se déplacer
2643 a conscience de sa mission spirituelle, le centre de la créativité paraît se déplacer dans le cerveau ou dans le cœur. La
2644 tôt affecte la pensée, les sentiments. On parle «  d’ étalage impudique » lorsqu’un auteur exhibe une excessive sincérité da
2645 e plus profond, le plus sacré, qui est le pouvoir de création que l’on possède, c’est naturel ; mais non du tout qu’on en
2646 mble-t-il. En vérité, la mauvaise pudeur provient de ce que le corps et l’âme se distinguent de plus en plus, et cessent d
2647 l’âme se distinguent de plus en plus, et cessent d’ être reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et
2648 t de plus en plus, et cessent d’être reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs
2649 e reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs de son corps — comme d’un embrassem
2650 orps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs de son corps — comme d’un embrassement sans amour, ou d’un amour qui se
2651 nsée, et celle-ci des désirs de son corps — comme d’ un embrassement sans amour, ou d’un amour qui se refuse à l’étreinte.
2652 on corps — comme d’un embrassement sans amour, ou d’ un amour qui se refuse à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t-ell
2653 à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t-elle d’ exister — normalement — quand deux êtres s’aiment ? Parce que le sexe
2654 à notre mythe : la transparence, c’est l’absence d’ ombre, donc de secret. Or le secret « sacré » étant le lieu de la créa
2655  : la transparence, c’est l’absence d’ombre, donc de secret. Or le secret « sacré » étant le lieu de la créativité dans la
2656 c de secret. Or le secret « sacré » étant le lieu de la créativité dans la personne, celui qui a perdu son ombre, se promè
2657 mbre, se promène parmi les hommes avec l’angoisse de voir révélée au grand jour non son secret, mais justement l’absence e
2658 r non son secret, mais justement l’absence en lui de son secret, sa transparence : spirituellement, ou de quelque autre so
2659 son secret, sa transparence : spirituellement, ou de quelque autre sorte, il n’est plus un homme créateur. À l’inverse, la
2660 e son élan vers le monde. Elle le porte au-devant de tout, comme un peu en avant de lui-même, là où il peut dominer sa vie
2661 et la construire avec tout son instinct à l’image d’ une vision de l’esprit. (L’esprit seul voit) Le corps et l’âme chanten
2662 ire avec tout son instinct à l’image d’une vision de l’esprit. (L’esprit seul voit) Le corps et l’âme chantent alors dans
2663 ) Le corps et l’âme chantent alors dans l’unisson de la chasteté. L’esprit offensif et joyeux, le corps qui se sent « plei
2664 Et l’homme a retrouvé son ombre. Suite et fin de la fable Peter Schlemihl nous apparaît maintenant une émouvante et
2665 ntenant une émouvante et très précise description de l’individu romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire, d’impuissan
2666 ription de l’individu romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire, d’impuissant à saisir le monde pour le former à son i
2667 du romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire, d’ impuissant à saisir le monde pour le former à son image40, et d’évasif
2668 saisir le monde pour le former à son image40, et d’ évasif devant sa vocation : le mystère de l’incarnation. Chamisso a do
2669 ge40, et d’évasif devant sa vocation : le mystère de l’incarnation. Chamisso a donné à son Peter tous les traits physiques
2670 é à son Peter tous les traits physiques et moraux de ce que l’on appellera plus tard le vague à l’âme, — qui est aussi bie
2671 — qui est aussi bien le vague au corps… Le roman d’ Hoffmannsthal — contre-épreuve — décrit le tourment d’une femme stéril
2672 ffmannsthal — contre-épreuve — décrit le tourment d’ une femme stérile, l’impératrice qui a perdu son ombre et qui emprunte
2673 trice qui a perdu son ombre et qui emprunte celle d’ une fille du peuple. Mais Andersen, comme on pouvait s’y attendre, fai
2674 ominer l’aspect « spirituel » du mythe. Son conte de l’Ombre, c’est le symbole de la puissance de création qui vient à se
2675 du mythe. Son conte de l’Ombre, c’est le symbole de la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour pre
2676 onte de l’Ombre, c’est le symbole de la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour prendre corps dans
2677 la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour prendre corps dans l’œuvre poétique. Et le poème ensuit
2678 que l’individu qui l’a conçu comme porté au-delà de lui-même par l’attrait puissant d’un désir — reviendra s’asservir le
2679 porté au-delà de lui-même par l’attrait puissant d’ un désir — reviendra s’asservir le poète… ⁂ C’est une des gloires du r
2680 C’est une des gloires du romantisme allemand que d’ avoir su élever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses plu
2681 sme allemand que d’avoir su élever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses plus folles illusions, à la hauteur
2682 lever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses plus folles illusions, à la hauteur du mythe, et de la Fable, plu
2683 plus folles illusions, à la hauteur du mythe, et de la Fable, plus profondément vrais que la vie. (Plus riches d’enseigne
2684 plus profondément vrais que la vie. (Plus riches d’ enseignements concrets, et d’invites à la métamorphose). Mettre en for
2685 la vie. (Plus riches d’enseignements concrets, et d’ invites à la métamorphose). Mettre en forme ce qui nous défait, c’est
2686 xe génial, l’audace comme malgré soi re-créatrice d’ un Chamisso. Les amateurs d’absurdités lyriques, j’en suis parfois, de
2687 lgré soi re-créatrice d’un Chamisso. Les amateurs d’ absurdités lyriques, j’en suis parfois, devraient se garder d’affadir
2688 lyriques, j’en suis parfois, devraient se garder d’ affadir une telle œuvre, n’y admirant à leur coutume qu’une « fantaisi
2689 rant à leur coutume qu’une « fantaisie gratuite » de l’art. Nul doute que l’art de Chamisso ne signifie. Il y suffit d’ail
2690 antaisie gratuite » de l’art. Nul doute que l’art de Chamisso ne signifie. Il y suffit d’ailleurs qu’il soit vraiment un a
2691 rs qu’il soit vraiment un art — tout effort digne de ce nom établit d’abord une action concertée, une mise en ordre, un se
2692 sens donné… C’est par là que Chamisso s’est sauvé de lui-même : s’il a fait Schlemihl comme on sait, en grande partie à so
2693 ère toutefois par ceci qu’il l’a fait, témoignant d’ un pouvoir d’invention dont la nouveauté reste entière. Et j’y songe :
2694 par ceci qu’il l’a fait, témoignant d’un pouvoir d’ invention dont la nouveauté reste entière. Et j’y songe : ce Schlemihl
2695 onge : ce Schlemihl éternel, ce symbole en bottes de sept lieues qui traverse encore notre vie, n’est-ce pas l’ombre de Ch
2696 i traverse encore notre vie, n’est-ce pas l’ombre de Chamisso ? Une ombre qui a perdu son homme, cette fois, mais non pas
2697 profonds. C’est le siècle où je vis qui n’a plus d’ ombre, et c’est pour lui que je garde ma pitié. Il ne sait même plus é
2698 P.-S. Je n’ai pas voulu alourdir cette esquisse de tout un appareil de références bibliographiques. On les trouve d’aill
2699 voulu alourdir cette esquisse de tout un appareil de références bibliographiques. On les trouve d’ailleurs réunies dans le
2700 k). Cet érudit psychanalyste ne recense pas moins d’ une cinquantaine d’auteurs célèbres qui ont traité le mythe de l’ombre
2701 hanalyste ne recense pas moins d’une cinquantaine d’ auteurs célèbres qui ont traité le mythe de l’ombre perdue dans leurs
2702 ntaine d’auteurs célèbres qui ont traité le mythe de l’ombre perdue dans leurs romans, pièces, ou contes fantastiques. Not
2703 rientent plutôt vers l’aspect individuel du mythe de l’ombre, rejoignant le mythe voisin du double. (Maupassant par exempl
2704 e). Barrès, dans ses Cahiers, recueille la lettre d’ un descendant français de Chamisso, selon lequel l’idée de Peter Schle
2705 ers, recueille la lettre d’un descendant français de Chamisso, selon lequel l’idée de Peter Schlemihl aurait été donnée à
2706 cendant français de Chamisso, selon lequel l’idée de Peter Schlemihl aurait été donnée à son auteur par un de ses parents,
2707 r Schlemihl aurait été donnée à son auteur par un de ses parents, au cours d’un séjour à Paris. L’origine du conte célèbre
2708 nnée à son auteur par un de ses parents, au cours d’ un séjour à Paris. L’origine du conte célèbre serait donc bien françai
2709 u’à soutenir que l’ombre perdue serait le symbole de la patrie (française) perdue par Chamisso. Les documents réunis par R
2710 antiquité nordique du mythe, auquel se rattachent de très nombreuses coutumes populaires, antérieures de plusieurs siècles
2711 très nombreuses coutumes populaires, antérieures de plusieurs siècles, voire d’un ou deux millénaires, à Chamisso. 36.
2712 pulaires, antérieures de plusieurs siècles, voire d’ un ou deux millénaires, à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque obje
2713 , à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque objet de cette terre que je convoite se fait opaque, par cela même que je le c
2714 ritures. 37. Freud : Trois essais sur la théorie de la sexualité. La définition du normal est donc ici : adapté au milieu
2715 ilieu social. Qui ne voit ce qu’on pourrait tirer de cette « vérité d’expérience » si l’on voulait en faire une règle, com
2716 ne voit ce qu’on pourrait tirer de cette « vérité d’ expérience » si l’on voulait en faire une règle, comme nous en menacen
2717 totalitaires ? On ne peut accepter une « vérité » de ce genre qu’en insistant sur le contraire : l’anormal peut être créat
2718 t sur le contraire : l’anormal peut être créateur d’ un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’une nouvelle norma
2719  : l’anormal peut être créateur d’un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’une nouvelle normalité. 38. Dans le
2720 un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’ une nouvelle normalité. 38. Dans le conte intitulé « l’Ombre », Ander
2721 aux pays chauds, perd son ombre à force de rêver d’ une jeune femme qu’il perçoit de sa fenêtre. « Mais dans les climats c
2722 à force de rêver d’une jeune femme qu’il perçoit de sa fenêtre. « Mais dans les climats chauds, les choses croissent très
2723 it à sa grande joie qu’une nouvelle ombre partant de ses pieds commençait à croître lorsqu’il se promenait dans le soleil.
2724 u’il se promenait dans le soleil. » Ici donc, pas de fixation morbide, comme dans Schlemihl. Aussi bien, le diable n’est-i
2725 Paracelse toujours, l’élément sexuel se distingue de la Liquor vitae « comme l’écume d’une soupe ». La créativité se purif
2726 l se distingue de la Liquor vitae « comme l’écume d’ une soupe ». La créativité se purifie donc en le localisant. Il paraît
2727 Il paraît alors que le freudisme ne s’occupe que de l’écume d’une soupe ! (ou bien l’appelle-t-il libido ?). 40. Ces tra
2728 alors que le freudisme ne s’occupe que de l’écume d’ une soupe ! (ou bien l’appelle-t-il libido ?). 40. Ces traits ne saur
2729 ntisme allemand qui en a montré bien d’autres, et de tout contraire parfois : que l’on songe à Hegel, à Fichte, à Schlegel
2730 Hegel, à Fichte, à Schlegel. p. Rougemont Denis de , « Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue », Les Cahiers du Sud, Mars
2731 . p. Rougemont Denis de, « Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue », Les Cahiers du Sud, Marseille, mai–juin 1937, p. 28
16 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)
2732 Journal d’ un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)q r Début de novembre 1
2733 llectuel en chômage (25 juillet 1937)q r Début de novembre 1933 Mon domaine, c’est ce que j’ai sous la main. Voici d’ab
2734 du jardin. Quand je lève le nez, je vois la cour de terre battue à l’ombre de ses deux tilleuls, la margelle du puits à g
2735 ose une vieille chatte, le chai à droite. Au-delà de la cour, les planches incultes du potager, de chaque côté d’une allée
2736 elà de la cour, les planches incultes du potager, de chaque côté d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une port
2737 les planches incultes du potager, de chaque côté d’ une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deu
2738 tes du potager, de chaque côté d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi
2739 ée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts
2740 x battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé qui a jus
2741 es lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé qui a juste la largeur de la maison. On
2742 uts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé qui a juste la largeur de la maison. On ne voit rien que le ciel
2743 us côtés ce jardin de curé qui a juste la largeur de la maison. On ne voit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d
2744 oit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d’ oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide. En me retournant à d
2745 t à droite, je vois par une autre fenêtre un coin de lande, et de petites dunes broussailleuses qui ferment l’horizon bas.
2746 e vois par une autre fenêtre un coin de lande, et de petites dunes broussailleuses qui ferment l’horizon bas. Peu de terre
2747 compte deux chambres au rez-de-chaussée, séparées de la cuisine par un couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par un p
2748 parvient par un petit escalier qui prend au fond de la cuisine, deux autres chambres assez vastes et presque vides, auxqu
2749 vastes et presque vides, auxquelles le toit sert de plafond. Très peu de meubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou tein
2750 ubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou teintés de bleu clair, des planchers rudes. Décor candide et gai, oui vraiment p
2751 rte un peu trop basse, règne une pénétrante odeur de laurier. On distingue dans l’ombre des amas de branchages, des outils
2752 ur de laurier. On distingue dans l’ombre des amas de branchages, des outils et des treilles pour la pêche aux crevettes. J
2753 ux crevettes. Je me suis procuré un petit tonneau de vin blanc de l’île. C’est un clairet assez acide, qui laisse peut-êtr
2754 Je me suis procuré un petit tonneau de vin blanc de l’île. C’est un clairet assez acide, qui laisse peut-être un léger go
2755 -être un léger goût iodé, au moins l’on est tenté de l’imaginer : la vigne croît ici au ras d’un sol sablonneux que l’on f
2756 t tenté de l’imaginer : la vigne croît ici au ras d’ un sol sablonneux que l’on fume avec du varech. De l’île, du village,
2757 d’un sol sablonneux que l’on fume avec du varech. De l’île, du village, de la mer, je ne veux rien dire encore : je laisse
2758 e l’on fume avec du varech. De l’île, du village, de la mer, je ne veux rien dire encore : je laisse tout cela se mêler à
2759 se mêler à ma vie, dans l’heureux étourdissement de la lumière maritime. Pour mes pensées, je les occupe en attendant à d
2760 e. Pour mes pensées, je les occupe en attendant à de petits exercices formels, sans nul rapport avec ce beau vertige de li
2761 es formels, sans nul rapport avec ce beau vertige de liberté. Depuis six jours que nous sommes arrivés, je n’ai lu que les
2762 ue nous sommes arrivés, je n’ai lu que les Règles de Descartes, comme on ferait un mot croisé, pour tuer le temps avant un
2763 e petite rue toute blanche qui contourne la panse de l’église, et aboutit à la place principale. Au milieu de cette place,
2764 milieu de cette place, qui est un vaste rectangle de terre jaune, les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la
2765 les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la Liberté. Cet orme est devenu gigantesque, majestueux exemplaire da
2766 ulence, frisé comme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en
2767 omme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en ordre modeste,
2768 couleur des volets s’harmonise avec chaque façade d’ une manière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple
2769 ière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple discret. C’est l’impression que je veux retenir pour le mom
2770 du chou-fleur, des enveloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la
2771 veloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la renseignent pas claire
2772 , ne la renseignent pas clairement. Et que penser d’ un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ?
2773 enser d’un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ? — C’est plutôt en été qu’on vient chez nous
2774 mes vacances ! J’ai du travail chez moi, des tas de choses à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage. Et moi, je r
2775 davantage. Et moi, je recule devant l’entreprise de lui expliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cel
2776 le devant l’entreprise de lui expliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cela signifie ? Écrire pour le
2777 u’on voudrait. En hiver elle fait peu de réserves de produits alimentaires, les habitants n’achetant guère autre chose que
2778 s, les habitants n’achetant guère autre chose que de la mercerie, des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’aut
2779 , des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’
2780 t des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’être vu par l’un
2781 côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’ éviter d’être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent,
2782 a place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’ être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent, on me l’a
2783 elles les augmenteront bien plutôt pour le punir d’ avoir été en face. Sans compter qu’on n’aime pas être accueilli par la
2784 e pas être accueilli par la réprobation sournoise d’ une épicière. 21 novembre 1933 Le bureau de poste. — Trois mètres sur
2785 rnoise d’une épicière. 21 novembre 1933 Le bureau de poste. — Trois mètres sur trois, et grille épaisse au milieu. Derrièr
2786 sse au milieu. Derrière la grille, le long visage de Pédenaud. J’ai l’impression que je lui gâte la vie. Trois fois la sem
2787 ’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a rien d’ écrit à la main ? — Si, il y a des corrections écrites à la main. Péde
2788 nième fois son tarif, fait son calcul sur un bout de papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour
2789 ’ai à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour-là, d’ une centaine de feuillets. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme
2790 francs, pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuillets. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme avec vivacité q
2791 Il faut tout recommencer. Finalement l’on décide d’ envoyer le manuscrit comme échantillon sans valeur. Port : quatre fran
2792 ntends grincer la porte du jardin. C’est la femme de Pédenaud qui brandit un papier. J’accours : elle me tend une formule
2793 t un papier. J’accours : elle me tend une formule de télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une notification o
2794 un télégramme, c’est une notification officielle d’ avoir à verser sans délai la somme de Fr. 67.25 restant due sur l’envo
2795 n officielle d’avoir à verser sans délai la somme de Fr. 67.25 restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud, qu
2796 lai la somme de Fr. 67.25 restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud, qui a voulu en avoir le cœur net, a pri
2797 ue je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé «  d’ y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le co
2798 écute, sinon c’est lui qui sera forcé « d’y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le courrier. L’
2799 stal, discuter passionnément, trouver une formule d’ apaisement qui ménage toutes les susceptibilités, et finalement ne rie
2800 raît entre les gens d’ici et moi dès qu’il s’agit de mon travail et de ses conditions pratiques. Petits ennuis sans gravit
2801 s d’ici et moi dès qu’il s’agit de mon travail et de ses conditions pratiques. Petits ennuis sans gravité, bien sûr. Mais
2802 ns gravité, bien sûr. Mais quel drame dans la vie d’ un buraliste de recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit et transpi
2803 n sûr. Mais quel drame dans la vie d’un buraliste de recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit et transpire rien qu’à me
2804 peu, pour me faire pardonner. Pédenaud est mutilé de guerre. Il boite. On lui a donné cette recette auxiliaire à titre de
2805 dans la catégorie bourgeoise. Ma bonne conscience de pauvre n’aura pas duré bien longtemps. 16 décembre 1933 Derrière la m
2806 longtemps. 16 décembre 1933 Derrière la même pile d’ assiettes où je crois avoir déjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages
2807 éjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages traitant de mon île, j’ai déniché ce matin une édition populaire de La Naissance
2808 île, j’ai déniché ce matin une édition populaire de La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre.
2809 in une édition populaire de La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’es
2810 n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dans cette espèce, ma
2811 à voir avec la critique littéraire. À la page 43 de l’édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… c
2812 je lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces d’ un hérisson mort. » Cette phrase a fait dans mon esprit ce qu’on appel
2813 a fait dans mon esprit ce qu’on appelle un trait de lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous sommes réveillés co
2814 petit matin, nous nous sommes réveillés couverts de puces. J’exagère à peine : pour mon compte, j’en ai pris sept sur mon
2815 e, j’en ai pris sept sur mon pyjama dans l’espace de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sa
2816 de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sautaient sur le couvre-pied. D’autres sur le planch
2817 l est vrai qu’on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrait pas suffire à rendre vraisemblable une hypoth
2818 ’explique sans peine désormais, grâce à la phrase de Colette. Je rapporte cette anecdote parce qu’elle comporte une conclu
2819 : pour la première fois depuis je ne sais combien d’ années, je viens de trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’u
2820 de trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’ une question précise. Grâce à Colette, je sais maintenant pourquoi not
2821 is maintenant pourquoi notre chambre était pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un symbole. Les
2822 tre chambre était pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un symbole. Les livres devraient être uti
2823 iles. 23 décembre 1933 J’écris ceci sur une table de café. À travers la vitrine, je vois le vieux port de cette vieille vi
2824 café. À travers la vitrine, je vois le vieux port de cette vieille ville, la plus proche de notre île, et où nous devons e
2825 encore passer deux heures en attendant le départ de l’autobus pour Taillefer. Nous sommes attablés ici depuis un bon mome
2826 blés ici depuis un bon moment déjà, tout contents de revoir le va-et-vient d’un lieu public, de lire les journaux de Paris
2827 ment déjà, tout contents de revoir le va-et-vient d’ un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarett
2828 ntents de revoir le va-et-vient d’un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarettes américaines au
2829 a-et-vient d’un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarettes américaines au goût de miel, introuv
2830 ’un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarettes américaines au goût de miel, introuvables dans l
2831 is et de fumer des cigarettes américaines au goût de miel, introuvables dans l’île. Pendant que ma femme lit des hebdomada
2832 mme lit des hebdomadaires, je vais renouer le fil de ce journal. Tout d’abord, j’ai à constater l’échec de notre première
2833 e journal. Tout d’abord, j’ai à constater l’échec de notre première tentative d’autonomie. Je ne suis pas arrivé à gagner
2834 i à constater l’échec de notre première tentative d’ autonomie. Je ne suis pas arrivé à gagner assez vite ce qu’il nous fal
2835 il nous fallait pour subsister après l’épuisement de notre réserve. J’ai travaillé beaucoup, mais je ne serai pas payé ava
2836 ui vit au jour le jour, il s’agit essentiellement d’ éviter les lacunes de cette sorte. (Ce que l’on nomme « difficultés de
2837 r, il s’agit essentiellement d’éviter les lacunes de cette sorte. (Ce que l’on nomme « difficultés de trésorerie » dans le
2838 de cette sorte. (Ce que l’on nomme « difficultés de trésorerie » dans les affaires, devient ici, évidemment, un obstacle
2839 évidemment, un obstacle absolu.) Assuré au moins de quelque argent à venir, j’ai accepté l’invitation d’un ami qui nous o
2840 quelque argent à venir, j’ai accepté l’invitation d’ un ami qui nous offre de passer trois semaines chez lui. Il habite à u
2841 j’ai accepté l’invitation d’un ami qui nous offre de passer trois semaines chez lui. Il habite à une petite journée de voy
2842 semaines chez lui. Il habite à une petite journée de voyage de notre île. La leçon pratique de cette première expérience d
2843 hez lui. Il habite à une petite journée de voyage de notre île. La leçon pratique de cette première expérience de deux moi
2844 journée de voyage de notre île. La leçon pratique de cette première expérience de deux mois, c’est que la liberté ne s’imp
2845 e. La leçon pratique de cette première expérience de deux mois, c’est que la liberté ne s’improvise pas. Qu’il faut la con
2846 rir avec méthode, et organiser à l’avance un plan d’ attaque, prévoyant à un jour près la date d’arrivée des renforts. Je n
2847 plan d’attaque, prévoyant à un jour près la date d’ arrivée des renforts. Je ne suis pas trop fier de ma retraite stratégi
2848 d’arrivée des renforts. Je ne suis pas trop fier de ma retraite stratégique, mais tout de même bien décidé à renouveler m
2849 ma tentative, dans un mois. q. Rougemont Denis de , «  Journal d’un intellectuel en chômage  », La Revue du dimanche, su
2850 ans un mois. q. Rougemont Denis de, «  Journal d’ un intellectuel en chômage  », La Revue du dimanche, supplément hebdom
2851  », La Revue du dimanche, supplément hebdomadaire de la Revue de Lausanne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé d
2852 du dimanche, supplément hebdomadaire de la Revue de Lausanne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé de la note su
2853 ne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé de la note suivante : « Par les soins de la Guilde du Livre, à Lausanne,
2854 r. Précédé de la note suivante : « Par les soins de la Guilde du Livre, à Lausanne, paraîtra très prochainement un ouvrag
2855 Lausanne, paraîtra très prochainement un ouvrage de notre compatriote, l’excellent écrivain neuchâtelois Denis de Rougeme
2856 rivain neuchâtelois Denis de Rougement : Journal d’ un intellectuel en chômage . Grâce à la complaisance du directeur de l
2857 en chômage . Grâce à la complaisance du directeur de la Guilde, M. A. Mermoud, nous sommes en mesure d’offrir à nos lecteu
2858 e la Guilde, M. A. Mermoud, nous sommes en mesure d’ offrir à nos lecteurs la primeur de quelques pages de ce livre. Dans c
2859 mmes en mesure d’offrir à nos lecteurs la primeur de quelques pages de ce livre. Dans ces pages, l’auteur peint notamment
2860 ffrir à nos lecteurs la primeur de quelques pages de ce livre. Dans ces pages, l’auteur peint notamment le milieu où il s’
17 1937, Articles divers (1936-1938). Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)
2861 Extraits de … Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)s t Il faut pa
2862 Extraits de… Journal d’ un intellectuel en chômage (15 août 1937)s t Il faut parler des « a
2863 « autocars ». Je ne sais si l’on se doute à Paris de l’importance des autocars et des transformations qu’ils sont en train
2864 la vie provinciale. Je n’ai pas compté le nombre de lignes actuellement exploitées. Mais j’ai pu constater dans plusieurs
2865 ais j’ai pu constater dans plusieurs départements de l’Ouest qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par u
2866 rs départements de l’Ouest qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou même trois compagnie
2867 desservi par une ou deux ou même trois compagnies de transports locaux. Depuis que j’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé un
2868 ’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé une vingtaine de ces lignes. Je commence à connaître leurs coutumes : rien ne pouvait
2869 us rapidement et plus profondément « la coutume » de la France rurale. Mais ce n’est pas encore assez dire : l’autocar mod
2870 sez dire : l’autocar modifie complètement le mode de contact entre le voyageur et la province. Naguère encore, quand on n’
2871 out convergeait vers Paris, non seulement du fait d’ une organisation ferroviaire centralisée, mais encore sentimentalement
2872 s à l’heure, où l’on se sentait relégué à l’écart de la « vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère que des gares, ce q
2873 nt dans chaque village. Aujourd’hui, les stations d’ autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on part au milie
2874 ns d’autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là q
2875 de là qu’on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là qu’on arrive à grands sons de trompe, c’est enfin c
2876 e de badauds, c’est là qu’on arrive à grands sons de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie
2877 de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’insulte à la vie locale
2878 ux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’ insulte à la vie locale ; elle la traversait abstraitement, sans la vo
2879 it abstraitement, sans la voir, sans tenir compte de ses circonstances. Sur ses bords ne vivait qu’une population nomade,
2880 qu’une population nomade, qui portait l’uniforme de l’État, partout la même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France
2881 même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France de part en part sans remarquer que les gens qui l’habitent ne sont pas t
2882 quer que les gens qui l’habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’une province à une autre, ce n’est pas seulem
2883 abitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’ une province à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui change
2884 » dans la nation abstraitement unifiée ? La ligne d’ autocar fait partie du pays. Elle en épouse la géographie physique mai
2885 voiture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foir
2886 thmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foires, dans les districts ruraux, et ailleurs d
2887 es foires, dans les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intentio
2888 les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intention d’utiliser ce
2889 tie des usines ou des écoles. La simple intention d’ utiliser ce moyen de transport vous met en contact avec toutes sortes
2890 s écoles. La simple intention d’utiliser ce moyen de transport vous met en contact avec toutes sortes d’habitudes locales.
2891 transport vous met en contact avec toutes sortes d’ habitudes locales. D’abord il faut aller dans deux ou trois cafés pour
2892 dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum de précisions concernant l’heure du prochain départ et la destination de
2893 enant du voyage lui-même ? C’est une résurrection de ce que Vigny pleurait, la poésie des diligences, mais aérée. C’est fa
2894 la poésie des diligences, mais aérée. C’est fait d’ une foule d’incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conve
2895 es diligences, mais aérée. C’est fait d’une foule d’ incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conversations abs
2896 incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conversations absurdes et rapidement intimes, avec ce personnage enfo
2897 ge enfoui à côté de vous dans un luxueux fauteuil de cuir rouge ou bleu vif, et qui change de tête plusieurs fois pendant
2898 fauteuil de cuir rouge ou bleu vif, et qui change de tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main aux voyageurs
2899 change de tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou
2900 le trajet, de coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêt
2901 coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’ un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détour
2902 yageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou d’ un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les
2903 ’un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’ arrêts et de détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontier
2904 au, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontiers toutes sor
2905 les chauffeurs acceptent volontiers toutes sortes de petites commissions que de vieilles dames leur confient au départ ave
2906 lontiers toutes sortes de petites commissions que de vieilles dames leur confient au départ avec force recommandations ; e
2907 ar la portière entr’ouverte un instant à la fille de l’auberge écartée qui attend le passage du car, les cheveux au vent,
2908 passage du car, les cheveux au vent, sur le bord de la route. Rien n’est plus sympathique qu’un conducteur de car. Cela t
2909 ute. Rien n’est plus sympathique qu’un conducteur de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce sont en général de jeune
2910 ient évidemment à leur métier. Ce sont en général de jeunes gaillards solides et gais, et qui ont toutes les raisons d’aim
2911 ds solides et gais, et qui ont toutes les raisons d’ aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, c
2912 qui ont toutes les raisons d’aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, cela vous pose dans l’e
2913 à bord de sa puissante machine, et l’on bénéficie de ces petites faveurs que les femmes ont toujours accordées à ceux qui
2914 ndent et disposent, ne fût-ce que pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’entr
2915 , voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’ entreprendre une belle révolution, qui rajeunisse la France : ils ont
2916 ur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’ esprit que les bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuent par erreur
2917 dont ils disposent et qui seraient décisifs lors d’ une action rapide. Mais loin de moi ces ambitions : ceux qui les ont n
2918 ne suis qu’un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais dû noter plus tôt. Le monsieur rencontré da
2919 er plus tôt. Le monsieur rencontré dans l’autocar de Taillefer voulait savoir quel était mon métier. Et quand j’eus dit qu
2920 fique à jouer dans la société. Vous avez le temps de réfléchir et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où iri
2921 ns la société. Vous avez le temps de réfléchir et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, n
2922 avez le temps de réfléchir et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, nous qui ne croyons
2923 lui dis-je, qu’un écrivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’un homme normal, mettons qu’un fonctionnaire c’était
2924 aux circonstances mêmes qui l’ont mis dans le cas d’ écrire. Car ou bien l’on écrit ce que l’on ne peut pas faire, et c’est
2925 it ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’ une faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui compliquent
2926 eut pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’ une ambition excessive, deux choses qui compliquent fort la vie, je cr
2927 des choses intelligentes, et c’est encore l’aveu d’ une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; on bien l
2928 d’une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; on bien l’on écrit simplement pour gagner sa chienne de vi
2929 bien l’on écrit simplement pour gagner sa chienne de vie, et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui
2930 r gagner sa chienne de vie, et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se puisse imaginer, dans les a
2931 dans les antres rédactionnels. Je dis les antres. De toute façon, un écrivain est par nature un empêtré. Et voilà le parad
2932 ’injustice : c’est qu’on attend, qu’on exige même de ces gens-là des vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets
2933 -là des vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets qui suffiraient à rendre heureux les plus indignes, et ingéni
2934 je ne sais quelle supériorité humaine, quel luxe d’ énergie ou d’invention qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient d
2935 uelle supériorité humaine, quel luxe d’énergie ou d’ invention qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient de leurs déten
2936 ion qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient de leurs détenteurs non point des écrivains mais des Don Juan, des dicta
2937 aurez compris cela, vous cesserez, je le crains, d’ envier ma condition… s. Rougemont Denis de, « Extraits de… Journal
2938 ins, d’envier ma condition… s. Rougemont Denis de , « Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage  », Le Journal,
2939 a condition… s. Rougemont Denis de, « Extraits de … Journal d’un intellectuel en chômage  », Le Journal, 15 août 1937, p
2940 s. Rougemont Denis de, « Extraits de… Journal d’ un intellectuel en chômage  », Le Journal, 15 août 1937, p. 2. t. Pré
2941 e  », Le Journal, 15 août 1937, p. 2. t. Précédé de la notice suivante : « Brillant essayiste dans deux ouvrages déjà rem
2942 personnalisme [sic], M. Denis de Rougemont vient d’ illustrer ce que l’on peut appeler sa « doctrine », en nous donnant, s
2943 r sa « doctrine », en nous donnant, sous le titre de Journal d’un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’obs
2944 rine », en nous donnant, sous le titre de Journal d’ un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’observations e
2945 Journal d’un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’observations et de jugements. Il y montre ce que peut a
2946 ntellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’ observations et de jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidi
2947 mage, un recueil de réflexions, d’observations et de jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidien cet effort de r
2948 ns et de jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidien cet effort de restauration morale — et sociale — qui s’impo
2949 montre ce que peut avoir de quotidien cet effort de restauration morale — et sociale — qui s’impose aux nouvelles générat
2950 nouvelles générations. Par les menues expériences d’ une vie diminuée et matériellement difficile, M. Denis de Rougemont sa
2951 sait tracer un tableau très vivant et très nuancé de la province française, ainsi qu’en témoigne cet extrait. »
18 1937, Articles divers (1936-1938). « Subjectivité et transcendance », Lettre de M. Denis de Rougemont (décembre 1937)
2952 « Subjectivité et transcendance », Lettre de M. Denis de Rougemont (décembre 1937)w x Pourquoi voulez-vous — ou
2953 — ou veulent-ils — que la philosophie se purifie de théologie ? La théologie vaut bien la science. C’est même une science
2954 les fondements sont renversés tous les vingt ans de fond en comble. Je ne pense pas que la transcendance puisse jamais êt
2955 Nietzsche : dans la mesure où elle est un élément de transcendance, la nature devient divinité (et ne peut pas ne pas le d
2956 pas le devenir). Pour ma part, je ne conçois pas de relation concrète à la transcendance où manquerait le sentiment du di
2957 nous oriente utilement vers une nouvelle analyse de la transcendance dans son rapport aux puissances de l’imagination et
2958 la transcendance dans son rapport aux puissances de l’imagination et non seulement dans son rapport à l’éthique. w. Ro
2959 ns son rapport à l’éthique. w. Rougemont Denis de , « Lettre de M. Denis de Rougemont », Bulletin de la Société français
2960 t à l’éthique. w. Rougemont Denis de, « Lettre de M. Denis de Rougemont », Bulletin de la Société française de philosop
2961 de, « Lettre de M. Denis de Rougemont », Bulletin de la Société française de philosophie, Paris, décembre 1937, p. 204. x
2962 de Rougemont », Bulletin de la Société française de philosophie, Paris, décembre 1937, p. 204. x. Lettre publiée parmi l
2963 ettre publiée parmi les réactions à la conférence de Jean Wahl, « Subjectivité et transcendance ».
19 1938, Articles divers (1936-1938). Réponse à Pierre Beausire (15 janvier 1938)
2964 M. Pierre Beausire80 demande aux personnalistes «  de ne point perdre leur temps et leurs forces à discuter avec leurs adve
2965 avec leurs adversaires ». Il leur demande ensuite de prendre le pouvoir. Mais avant de prendre le pouvoir, il faut convain
2966 il faut convaincre, sinon l’on se verra contraint d’ exercer cette dictature que l’on se proposait justement de combattre,
2967 r cette dictature que l’on se proposait justement de combattre, et qui est celle de l’État totalitaire. Or, pour convaincr
2968 roposait justement de combattre, et qui est celle de l’État totalitaire. Or, pour convaincre, il faut entre autres dissipe
2969 discuter. Au surplus, je ne sais pas si le terme d’ adversaire convient à M. Pierre Beausire. Il approuve notre réaction (
2970 il énumère nos réclamations, il ajoute en parlant de leurs auteurs : « On ne peut que les suivre et les approuver. » En so
2971 mme, il se rangerait à nos côtés pour l’essentiel de ce que nous avons dit dans notre numéro spécial81. S’il nous attaque,
2972 ordés, et sur des thèses que je souhaite qu’aucun de nous ne soutienne jamais. Précisons. ⁂ « Au nom de quel principe s’in
2973 e que le personnalisme ? « C’est l’amour abstrait de l’humanité. » Erreur totale et malentendu maximum. S’il fallait à tou
2974 tus toutes passives et féminines) » (au sentiment de l’auteur), mais c’est, au contraire, la volonté d’agir dans le sens d
2975 e l’auteur), mais c’est, au contraire, la volonté d’ agir dans le sens de ce qui libère en l’homme les forces de résistance
2976 est, au contraire, la volonté d’agir dans le sens de ce qui libère en l’homme les forces de résistance et de création, sys
2977 ns le sens de ce qui libère en l’homme les forces de résistance et de création, systématiquement déprimées par les tyranni
2978 qui libère en l’homme les forces de résistance et de création, systématiquement déprimées par les tyrannies que l’on sait.
2979 se une. Il est, à mon sens, la tradition centrale de l’Occident, l’élément civilisateur de notre civilisation, le caractèr
2980 on centrale de l’Occident, l’élément civilisateur de notre civilisation, le caractère spécifique de la pensée et de la vie
2981 ur de notre civilisation, le caractère spécifique de la pensée et de la vie des hommes qui ont fait l’Europe et qui veulen
2982 lisation, le caractère spécifique de la pensée et de la vie des hommes qui ont fait l’Europe et qui veulent la maintenir.
2983 que les déviations complémentaires et périodiques de cette ligne de plus grande efficacité. Le mouvement personnaliste ne
2984 ns l’Europe actuelle se déchaînent des puissances de mort, spirituelles et matérielles, radicalement contraires au génie d
2985 et matérielles, radicalement contraires au génie de l’Occident. Ces puissances nous ont obligés, par leurs menaces instan
2986 ntes et brutales, à prendre une conscience active de ce qui, depuis nos origines, n’était que le sous-entendu de tous nos
2987 depuis nos origines, n’était que le sous-entendu de tous nos efforts créateurs. Cette prise de conscience active s’est ef
2988 on des idéologies totalitaires, en termes proches de l’anarchisme, etc. Comme l’Europe, le personnalisme est essentielleme
2989 ste. Il exalte les différences en ce qu’elles ont de créateur. Il veut une organisation de la cité qui leur permette de s’
2990 u’elles ont de créateur. Il veut une organisation de la cité qui leur permette de s’exprimer. Telle est la forme que revêt
2991 eut une organisation de la cité qui leur permette de s’exprimer. Telle est la forme que revêt « la charité personnaliste »
2992 arité personnaliste », pour reprendre une formule d’ Arnaud Dandieu (qui d’ailleurs était nietzschéen). Que le christianism
2993 de la foi, ils connaissent l’Histoire, et savent de quoi l’Europe s’est faite. Pierre Beausire ne craint pas de proclamer
2994 Europe s’est faite. Pierre Beausire ne craint pas de proclamer que « si l’on veut parler à des hommes, et non à des enfant
2995 oncer à invoquer le Christ ». Je ne craindrai pas de lui répondre que ce n’est pas là parler en homme, ni en enfant, mais
2996 lescent impénitent. ⁂ Je ne sais trop quelle dose d’ ironie M. Beausire joint à son vœu final : « Qu’ils s’emparent hardime
2997 oir dans cet État, et, en manifestant la noblesse de leur caractère, nous délivrent du triste spectacle que nous avons sou
2998 tâche. « Le peuple a besoin — nous dit l’auteur — de chefs d’une souveraine dignité, d’une intelligence froide et d’un jug
2999 Le peuple a besoin — nous dit l’auteur — de chefs d’ une souveraine dignité, d’une intelligence froide et d’un jugement dro
3000 dit l’auteur — de chefs d’une souveraine dignité, d’ une intelligence froide et d’un jugement droit. » Où trouve-t-on cela 
3001 souveraine dignité, d’une intelligence froide et d’ un jugement droit. » Où trouve-t-on cela ? Dans les livres de Nietzsch
3002 nt droit. » Où trouve-t-on cela ? Dans les livres de Nietzsche. Mais non pas encore dans l’Histoire ? Si ce n’est pas une
3003 aibles et les sceptiques, pour ceux qui craignent de se perdre en s’engageant, et préfèrent la littérature ; si ce n’est p
3004 rent la littérature ; si ce n’est pas une manière de « grève perlée » que de n’accepter la lutte que dans ces termes ; si
3005 ce n’est pas une manière de « grève perlée » que de n’accepter la lutte que dans ces termes ; si cet idéal est possible,
3006  ; si cet idéal est possible, si Beausire connaît de tels chefs, ou désire en devenir un, qu’il nous amène ce précieux ren
3007 s amène ce précieux renfort, et nous le saluerons d’ un vivat ! Nous saurons très bien nous entendre avec tous ceux qui veu
3008 ulent sauver non point nos âmes — c’est l’affaire de Dieu seul — mais bien la possibilité de vivre et de créer sa vérité —
3009 l’affaire de Dieu seul — mais bien la possibilité de vivre et de créer sa vérité — bonne ou mauvaise — contre les fous tot
3010 Dieu seul — mais bien la possibilité de vivre et de créer sa vérité — bonne ou mauvaise — contre les fous totalitaires de
3011 bonne ou mauvaise — contre les fous totalitaires de droite ou de gauche, leurs guerres et leurs cultes d’État. 80. Voir
3012 vaise — contre les fous totalitaires de droite ou de gauche, leurs guerres et leurs cultes d’État. 80. Voir numéro du 1e
3013 roite ou de gauche, leurs guerres et leurs cultes d’ État. 80. Voir numéro du 1er décembre 1937 : Le Personnalisme en Sui
3014 se », auquel Beausire croit que je crois, résulte d’ un malentendu. Je crois à « l’idée suisse » telle que l’exprime Liehbu
3015 e l’exprime Liehburg. Idée qui exclut l’existence d’ un type suisse racial, ou « national » au sens unitaire. Je ne crois m
3016 ois même pas à l’homo alpinus, création polémique de Ramuz. y. Rougemont Denis de, « Réponse à Pierre Beausire », Suisse
3017 création polémique de Ramuz. y. Rougemont Denis de , « Réponse à Pierre Beausire », Suisse romande, Morges, 15 janvier 19
20 1938, Articles divers (1936-1938). Søren Kierkegaard (février 1938)
3018 udit le Dieu Tout-Puissant qui le laissait mourir de faim. Ce blasphème assombrit sa vie, et la révélation qu’en eut plus
3019 re éducation piétiste, un secret qu’il qualifiera de terrifiant, et une belle aisance matérielle. Du secret, il tira une p
3020 aisance matérielle. Du secret, il tira une partie de son œuvre : son analyse du désespoir considéré comme une révolte cont
3021 ésespoir considéré comme une révolte contre Dieu. De sa fortune, il ne voulut tirer nul intérêt : il la confia à l’un de s
3022 ne voulut tirer nul intérêt : il la confia à l’un de ses frères, pour éviter d’avoir affaire aux banques, et lorsqu’il mou
3023  : il la confia à l’un de ses frères, pour éviter d’ avoir affaire aux banques, et lorsqu’il mourut, l’on s’aperçut qu’il n
3024 n restait que 200 francs. Cette fortune provenait d’ une malédiction, pensait-il. Il l’avait donc dilapidée sans compter, m
3025 dons généreux. À 27 ans, il terminait ses études de théologie, et se fiançait avec une jeune fille de 18 ans, Régine Olse
3026 de théologie, et se fiançait avec une jeune fille de 18 ans, Régine Olsen. Tout le monde connaît le drame de ces fiançaill
3027 ans, Régine Olsen. Tout le monde connaît le drame de ces fiançailles douloureusement rompues au bout d’un an. L’idée que K
3028 sa devise devait fatalement le conduire au refus d’ une perspective de bonheur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai to
3029 fatalement le conduire au refus d’une perspective de bonheur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai tout de son existenc
3030 eur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai tout de son existence singulière. (Que d’autres y cherchent des raisons physi
3031 t des raisons physiologiques ; c’est probable, et de peu de portée). Au lendemain de sa rupture, il partit pour Berlin où
3032 ’est probable, et de peu de portée). Au lendemain de sa rupture, il partit pour Berlin où il désirait suivre les cours de
3033 artit pour Berlin où il désirait suivre les cours de Schelling. Il y demeura quelques mois, puis il revint à Copenhague po
3034 a mort, en 1835. Il travaillait une grande partie de la nuit. Georg Brandes raconte qu’on pouvait le voir, de la rue, arpe
3035 uit. Georg Brandes raconte qu’on pouvait le voir, de la rue, arpenter longuement les pièces illuminées de ses vastes appar
3036 la rue, arpenter longuement les pièces illuminées de ses vastes appartements. Dans chaque chambre il faisait disposer une
3037 on le voyait parcourir les rues les plus animées de la ville, parlant, riant et discutant avec les bourgeois, avec des je
3038 ssi que cet original était le plus grand écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense succès : c’était l’Alterna
3039 même année parurent deux autres ouvrages, signés de pseudonymes (La Répétition, Crainte et Tremblement) et deux recueils
3040 étition, Crainte et Tremblement) et deux recueils de Discours édifiants, signés de son nom. Mais à mesure qu’il faisait mi
3041 t) et deux recueils de Discours édifiants, signés de son nom. Mais à mesure qu’il faisait mieux voir le fond chrétien de s
3042 mesure qu’il faisait mieux voir le fond chrétien de sa pensée, le public s’écarta, effrayé. Et lorsqu’en 1831, il se mit
3043 a lutte qu’il menait seul contre tous, il tombait d’ épuisement au cours d’une promenade en ville. On le transporta à l’hôp
3044 eul contre tous, il tombait d’épuisement au cours d’ une promenade en ville. On le transporta à l’hôpital où il mourut pais
3045 ami, le pasteur Boesen : « Salue tous les hommes de tua part, je les aimais bien, tous… » Le seul événement extérieur de
3046 aimais bien, tous… » Le seul événement extérieur de sa vie avait été la rupture de ses fiançailles. Mais l’acte qui résum
3047 vénement extérieur de sa vie avait été la rupture de ses fiançailles. Mais l’acte qui résume toute son œuvre, cet acte apr
3048 e Hamlet — autre Danois ! — il put mourir certain d’ avoir accompli sa mission, ce fut l’attaque qu’il mena contre l’Église
3049 ontre l’Église établie et contre dix-huit siècles de chrétienté officielle — attaque contre le « monde chrétien » au nom d
3050 nom du Christ des évangiles. ⁂ Toute mon activité d’ auteur — nous dit-il dans son Point de vue explicatif sur mon œuvre —
3051 ns cesse le devenir, et le devenir dans l’instant de la foi, qui est l’instant de l’acte d’obéissance. Cessons de prendre
3052 venir dans l’instant de la foi, qui est l’instant de l’acte d’obéissance. Cessons de prendre le christianisme « à bon marc
3053 l’instant de la foi, qui est l’instant de l’acte d’ obéissance. Cessons de prendre le christianisme « à bon marché », comm
3054 qui est l’instant de l’acte d’obéissance. Cessons de prendre le christianisme « à bon marché », comme les évêques. Pensée
3055 bon marché », comme les évêques. Pensée centrale de l’œuvre énorme de Kierkegaard (40 volumes en douze années). Pensée qu
3056 me les évêques. Pensée centrale de l’œuvre énorme de Kierkegaard (40 volumes en douze années). Pensée qu’il défendit et qu
3057 ze années). Pensée qu’il défendit et qu’il servit de toutes les forces de son génie universel de poète, de philosophe, d’i
3058 ’il défendit et qu’il servit de toutes les forces de son génie universel de poète, de philosophe, d’ironiste et de théolog
3059 ervit de toutes les forces de son génie universel de poète, de philosophe, d’ironiste et de théologien. Il se trouvait dev
3060 outes les forces de son génie universel de poète, de philosophe, d’ironiste et de théologien. Il se trouvait devant un mon
3061 s de son génie universel de poète, de philosophe, d’ ironiste et de théologien. Il se trouvait devant un monde où tout avai
3062 universel de poète, de philosophe, d’ironiste et de théologien. Il se trouvait devant un monde où tout avait été brouille
3063 miques. L’évêque Nynster venait de mourir, comblé d’ honneurs et de gloire mondaine. Sur sa tombe son successeur le qualifi
3064 ue Nynster venait de mourir, comblé d’honneurs et de gloire mondaine. Sur sa tombe son successeur le qualifia, selon l’usa
3065 tombe son successeur le qualifia, selon l’usage, de « grand témoin de la vérité ». Kierkegaard écrivit alors un article i
3066 eur le qualifia, selon l’usage, de « grand témoin de la vérité ». Kierkegaard écrivit alors un article indigné, qui provoq
3067 provoqua un énorme scandale. Il décrivait la vie de Nynster. Était-ce celle d’un témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kie
3068 e. Il décrivait la vie de Nynster. Était-ce celle d’ un témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la
3069 ait la vie de Nynster. Était-ce celle d’un témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la vérité, c’e
3070 vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie est familière avec toute espèce
3071 homme dont la vie est familière avec toute espèce de souffrance, … un homme qui témoigne dans le dénuement, la misère et l
3072 traîné en prison, et puis enfin — car c’est bien d’ un véritable témoin de la vérité qu’on nous parle — et puis enfin cruc
3073 puis enfin — car c’est bien d’un véritable témoin de la vérité qu’on nous parle — et puis enfin crucifié, décapité, brûlé
3074 ndroit écarté, sans être enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa vie et son existence, sa mort et son enterrement, et l’
3075 ue Nynster, nous dit-on, fut un des vrais témoins de la vérité ! En vérité, il y a quelque chose de plus contraire au chri
3076 istianisme que n’importe quelle hérésie, et c’est de jouer au christianisme, d’en écarter les dangers, et de jouer ensuite
3077 elle hérésie, et c’est de jouer au christianisme, d’ en écarter les dangers, et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynste
3078 er au christianisme, d’en écarter les dangers, et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynster était un témoin de la vérit
3079 suite au jeu que l’évêque Nynster était un témoin de la vérité. Cas symbolique aux yeux de Kierkegaard. Il fallait un rap
3080 llait un rappel à l’ordre. Il le devint lui-même, de tout son être. Et il savait ce que cela devait lui coûter. Car le mon
3081 une confusion impensable, et n’en conçoivent pas de malaise. D’autres, qui s’essaient à penser en fin de semaine, comme o
3082 malaise. D’autres, qui s’essaient à penser en fin de semaine, comme on fait un peu d’ordre dans l’appartement, reculent bi
3083 à penser en fin de semaine, comme on fait un peu d’ ordre dans l’appartement, reculent bientôt devant l’énormité — l’absen
3084 t, reculent bientôt devant l’énormité — l’absence de normes — de la vie telle qu’ils la découvrent. Ils se rendorment, ou
3085 bientôt devant l’énormité — l’absence de normes — de la vie telle qu’ils la découvrent. Ils se rendorment, ou bien édifien
3086 u bien édifient des systèmes (qu’ils se garderont d’ habiter). Ceux qui persistent cependant, s’aperçoivent que l’entrepris
3087 tre mortellement compromettante. Aussi l’histoire de la pensée n’est-elle peut-être que la chronique de ses retraites éloq
3088 e la pensée n’est-elle peut-être que la chronique de ses retraites éloquentes. Très peu vont jusqu’au bout de leur emporte
3089 abat. Un seul, je crois, parvint dans l’intégrité de sa force à une mort que toute son œuvre provoquait et qui vaincue par
3090 ans les derniers instants le vrai sens, la valeur de destin de la pensée qui aboutissait là. Contempler dans sa mort la « 
3091 rniers instants le vrai sens, la valeur de destin de la pensée qui aboutissait là. Contempler dans sa mort la « fin » de s
3092 boutissait là. Contempler dans sa mort la « fin » de sa passion et l’accomplissement de sa foi, tel fut le sort de Kierkeg
3093 ort la « fin » de sa passion et l’accomplissement de sa foi, tel fut le sort de Kierkegaard, son incommensurable grandeur.
3094 n et l’accomplissement de sa foi, tel fut le sort de Kierkegaard, son incommensurable grandeur. Un acharnement sans pareil
3095 à forcer l’esprit sur l’obstacle du désespoir et de l’absurdité de l’existence ; toute une vie tendue vers l’impossible,
3096 rit sur l’obstacle du désespoir et de l’absurdité de l’existence ; toute une vie tendue vers l’impossible, toute une œuvre
3097 une vie tendue vers l’impossible, toute une œuvre de sarcasmes précis contre les innombrables tentations d’une religion qu
3098 rcasmes précis contre les innombrables tentations d’ une religion qui n’est pas Dieu ; et soudain, sur son lit de mort, cet
3099 gion qui n’est pas Dieu ; et soudain, sur son lit de mort, cette phrase : Je ne pense pas que ce soit mauvais, ce que j’a
3100 lléluia !82 Deux documents éclairent le mystère de ce triomphe, le sens dernier de cette vie et de cette mort. Le premie
3101 airent le mystère de ce triomphe, le sens dernier de cette vie et de cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer l
3102 e de ce triomphe, le sens dernier de cette vie et de cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer les hommes à être
3103 ier de cette vie et de cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer les hommes à être attentifs et à juger, c’est e
3104 r son action, il a compris qu’elle faisait partie de son action, oui, que cette action ne commencerait vraiment qu’avec sa
3105 83 On trouve le second document dans le journal de l’hôpital où vint mourir Kierkegaard (c’est un interne qui transcrit
3106 toutes ses forces spirituelles et toute son œuvre d’ écrivain… S’il reste en vie, dit-il, il poursuivra sa lutte religieuse
3107 oit alors affaiblie. Au contraire sa mort donnera de la force à son attaque, et lui assurera, pense-t-il, la victoire.84
3108 , et lui assurera, pense-t-il, la victoire.84 ⁂ De cette œuvre considérable, il ne saurait être question, ici, de résume
3109 e considérable, il ne saurait être question, ici, de résumer ne fût-ce que les thèmes directeurs. Il faut y aller voir dan
3110 publie ces jours-ci. Mais il sera peut-être utile d’ insister sur deux caractères qui ne peuvent manquer de frapper, de ret
3111 sister sur deux caractères qui ne peuvent manquer de frapper, de retenir ou de repousser le lecteur non prévenu : la « dif
3112 eux caractères qui ne peuvent manquer de frapper, de retenir ou de repousser le lecteur non prévenu : la « difficulté » de
3113 qui ne peuvent manquer de frapper, de retenir ou de repousser le lecteur non prévenu : la « difficulté » de Kierkegaard e
3114 ousser le lecteur non prévenu : la « difficulté » de Kierkegaard et sa dialectique du sérieux et de l’ironie. Kierkegaard
3115  » de Kierkegaard et sa dialectique du sérieux et de l’ironie. Kierkegaard est difficile parce qu’il est simple. « La pur
3116 arce qu’il est simple. « La pureté du cœur, c’est de vouloir une seule chose », écrit-il. Mais cette seule chose nécessair
3117 re, c’est « en vertu de l’absurde », c’est-à-dire de l’incarnation de Dieu en Christ. On ne peut pas le comprendre : on le
3118 rtu de l’absurde », c’est-à-dire de l’incarnation de Dieu en Christ. On ne peut pas le comprendre : on le souffre. On l’ai
3119 s autres, sauf Empédocle et Nietzsche, ont refusé de signer de leur sang le pacte qui lie le penseur à Méphisto : expérime
3120 sauf Empédocle et Nietzsche, ont refusé de signer de leur sang le pacte qui lie le penseur à Méphisto : expérimentateurs q
3121 avant la décision mortelle. Concession, la raison de Pascal, et lors même qu’il y renonce : concession, la pitié parfois p
3122 ce : concession, la pitié parfois presque sadique de Dostoievsky. Oui, même ceux-là ! Même ces deux-là qui sont allés si l
3123 es deux-là qui sont allés si loin dans la passion de l’absolu chrétien, mais seul Kierkegaard en est mort. Une pureté pres
3124 ieu. Et cependant, dans le pire désespoir, jamais de défi, ni d’« hybris ». Pureté du chrétien, non du surhomme. Quant au
3125 ndant, dans le pire désespoir, jamais de défi, ni d’ « hybris ». Pureté du chrétien, non du surhomme. Quant au « sérieux »
3126 u chrétien, non du surhomme. Quant au « sérieux » de Kierkegaard, il est de nature à tromper le lecteur mille manières. On
3127 omme. Quant au « sérieux » de Kierkegaard, il est de nature à tromper le lecteur mille manières. On peut se laisser prendr
3128 On peut se laisser prendre à la fantaisie baroque de certaines paraboles, de certaines ironies polémiques. Et tout d’un co
3129 re à la fantaisie baroque de certaines paraboles, de certaines ironies polémiques. Et tout d’un coup on s’aperçoit qu’elle
3130 raboles, de certaines ironies polémiques. Et tout d’ un coup on s’aperçoit qu’elles nous jettent en plein drame de l’existe
3131 n s’aperçoit qu’elles nous jettent en plein drame de l’existence. Kierkegaard déconsidère le sérieux « humain », par l’iro
3132 d déconsidère le sérieux « humain », par l’ironie de l’éternité. L’éternité, pour lui, est une ironie sur le temps, à laqu
3133 is, ayant tué en lui toute autre vanité que celle de haïr le temps — c’est là son dépit amoureux — Kierkegaard peut enfin
3134 fin parler avec un sérieux total, dont l’écrivain d’ aujourd’hui n’a même plus l’idée. Un de nos meilleurs auteurs déclarai
3135 l’écrivain d’aujourd’hui n’a même plus l’idée. Un de nos meilleurs auteurs déclarait récemment que le palais de Versailles
3136 illeurs auteurs déclarait récemment que le palais de Versailles manque de sérieux. C’était bien vu. Mais notre auteur étai
3137 rait récemment que le palais de Versailles manque de sérieux. C’était bien vu. Mais notre auteur était-il sérieux lui-même
3138 sérieux vrai est en définitive dans le seul acte de foi, qui jette sur nos sérieux, poses et amusettes (ou « plaisirs » c
3139 ses si peu plaisantes en général), un « soupçon » d’ ironie qui est infiniment pire qu’une ironie. Car peut-être que l’acte
3140 ment pire qu’une ironie. Car peut-être que l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’une figure de rhétorique pieuse, une illus
3141 e l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, un saut dans le vide, etc.
3142 s le vide, etc. Et alors il n’y a plus nulle part de « vrai » sérieux. Mais peut-être aussi cet acte existe-t-il, quelque
3143 existe-t-il, quelque part, et alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie tant que je n’ai pas trouvé dans la foi, ou
3144 la foi, ou mieux : tant que la foi — qui est don de Dieu — ne m’a trouvé. Kierkegaard a eu trois descendances spirituelle
3145 seconde philosophique : l’école « existentielle » d’ Allemagne, avec Martin Heidegger et Karl Jaspers. La troisième théolog
3146 gique : l’école dialectique, qui sous l’impulsion de Karl Barth est en train de sauver l’honneur et l’existence même des é
3147 aujourd’hui le développement promis à l’influence de Kierkegaard sur notre temps : on le redécouvre après cent ans, on le
3148 it partout, on publie sur son œuvre des centaines d’ ouvrages et d’articles. Ce qui est certain, c’est qu’à la différence d
3149 publie sur son œuvre des centaines d’ouvrages et d’ articles. Ce qui est certain, c’est qu’à la différence de Nietzsche, p
3150 les. Ce qui est certain, c’est qu’à la différence de Nietzsche, personne ne parviendra jamais à « utiliser » Kierkegaard p
3151 politiques et temporelles. Il se dresse, au seuil de l’époque comme la plus formidable accusation vivante contre nos lâche
3152 , nos passions courtes et agitées. Sur une pierre de cimetière danois, on peut lire cette inscription nue : « Le Solitaire
3153 sion sévère, le ricanement puissant et le message d’ amour de Kierkegaard traversent notre âge comme cette pierre et ce mot
3154 ère, le ricanement puissant et le message d’amour de Kierkegaard traversent notre âge comme cette pierre et ce mot gravé q
3155 comme cette pierre et ce mot gravé qui ne cessent de nous accuser dans leur silence d’éternité. 82. « Alléluia » : Louez
3156 qui ne cessent de nous accuser dans leur silence d’ éternité. 82. « Alléluia » : Louez l’Éternel. Kierkegaard avait auss
3157  : « Il n’y a pas eu, durant mille-huit-cents ans de christianisme, une seule tâche comparable à la mienne. Dans la ‟chrét
3158 ». 83. Point de vue explicatif sur mon activité d’ auteur (1848). 84. Rapporté par Georges Brandes, dans Søren Kierkegaa
3159 literarische Charakterbild. z. Rougemont Denis de , « Søren Kierkegaard », Jean-Jacques, Paris, 20 février 1938, p. 3.
21 1938, Articles divers (1936-1938). Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage (avril 1938)
3160 Nouvelles pages du Journal d’ un intellectuel en chômage (avril 1938)aa Note pour une préface. —
3161 une préface. — « C’est une entreprise hardie que d’ aller dire aux hommes qu’ils sont peu de chose », s’écrie Bossuet (Ser
3162 hose, n’est pas trop humiliant pour qui se flatte d’ une image de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’est pas a
3163 pas trop humiliant pour qui se flatte d’une image de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’est pas avoué devant
3164 . Et ce n’est pas encore franchement s’avouer que de se comparer aux seuls humains que le métier ou notre rang social nous
3165 le métier ou notre rang social nous met en mesure d’ approcher. L’épreuve décisive est celle que l’on subit au contact de v
3166 euve décisive est celle que l’on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien dans notre vie n’attendait et ne p
3167 n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’au prix d’ un désordre social — selon les préjugés du régime établi — que ces ren
3168 — On dit souvent qu’il faut à l’homme un minimum de confort ou d’aisance matérielle pour pouvoir réfléchir, se poser des
3169 ent qu’il faut à l’homme un minimum de confort ou d’ aisance matérielle pour pouvoir réfléchir, se poser des problèmes nouv
3170 éfléchir, se poser des problèmes nouveaux, créer… D’ où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique c
3171 eaux, créer… D’où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique condamnerait même un « intellectuel »
3172 où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique condamnerait même un « intellectuel » au chômage abso
3173 ctuel » au chômage absolu, c’est-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel est ce cer
3174 ’est-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel est ce certain degré ? À quel niveau p
3175 araît insoluble dès qu’on la pose dans le concret d’ une vie connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux
3176 connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux producteurs d’idées : deux hommes qui ont écrit chacun une
3177 es qui furent tous deux de prodigieux producteurs d’ idées : deux hommes qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes l’es
3178  : deux hommes qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes l’espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier ét
3179 nt écrit chacun une vingtaine de volumes l’espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier était riche et dépensa
3180 rvi à rapiécer les épaules et le plastron. Le peu d’ argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses succe
3181 iécer les épaules et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses successives, e
3182 es et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses successives, et les remèdes c
3183 r d’autres buts à leur existence que la recherche d’ un gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler
3184 rès. Nuit des villes, rouge et circulante, pleine de rumeurs, comparable à la fièvre. Plus lucide souvent que les jours. I
3185 entre les rosiers. Je trouve, à tâtons, le verrou de la porte du fond, dans l’odeur des lauriers épais. Voici les rues du
3186 or blanc et vert. Des chiens surgissent des coins d’ ombre, aboient horriblement, tournent autour de moi, me flairent avec
3187 loigner du village. De nouveau le noir, et l’écho de mes pas contre les murs des maisons mortes. Je me glisse dans le hang
3188 s des maisons mortes. Je me glisse dans le hangar de la grosse voiture et tâte ses flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ou
3189 es flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantastique : les
3190 je rencontre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantastique : les becs de gaz, très bas, éc
3191 nées par le clocher à toit plat, et des fragments de silhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive p
3192 cher à toit plat, et des fragments de silhouettes d’ arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive par bouffées. Pu
3193 ilhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive par bouffées. Puis c’est de nouveau cet étrange écho de
3194 s chiens qui reviennent, et pas une âme. « Vallée de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terre… » Jamais plus
3195 i reviennent, et pas une âme. « Vallée de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terre… » Jamais plus que dans ce
3196 a terre… » Jamais plus que dans cette nuit. Fin de séjour à A… (Gard). — Tout est en place. Je garderai toutefois le pla
3197 Tout est en place. Je garderai toutefois le plan d’ aménagement et de décoration des trois chambres du premier étage, on n
3198 e. Je garderai toutefois le plan d’aménagement et de décoration des trois chambres du premier étage, on ne sait jamais… Le
3199 n ne sait jamais… Les vingt-deux pièces du dessus de cheminée ont été replacées au millimètre, dans une symétrie impeccabl
3200 , dans une symétrie impeccable. Mais tout l’effet de notre labeur risque d’être détruit par une odieuse malice du sort. No
3201 eccable. Mais tout l’effet de notre labeur risque d’ être détruit par une odieuse malice du sort. Nous avions descendu du d
3202 est étroit. La descente s’était opérée sans trop de mal lors de notre arrivée. Mais nous n’avions pas prévu la remontée !
3203 as prévu la remontée ! Épuisés par une demi-heure d’ efforts haletants, qui n’ont abouti qu’à coincer le sommier au tournan
3204 er au tournant, entre la balustrade et les parois de la cage d’escalier — au surplus fortement rayées — nous avons couru i
3205 rtement rayées — nous avons couru implorer l’aide de Simard. « Ce cochon-là » refuse, prétextant une hernie ; sa femme aus
3206 ant sa jambe « coupée ». (Bonne occasion pourtant de la décrocher un peu pour toucher davantage à l’assurance !) Il a bien
3207 que nous avons infligés à la maison. Pas question d’ aller quérir du renfort à A. Il faut encore boucler les valises, desce
3208 encore boucler les valises, descendre mes caisses de livres à la gare, etc., et le train part dans une heure. Quand la pro
3209 ns » en général — quand je ne fais que les jauger d’ un regard — et sympathie violente, « élan vers », dès que mon regard s
3210 ments, aux mains, à l’attitude distraite et vraie d’ un être isolé près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buand
3211 é près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien
3212 e métro, malgré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des être
3213 algré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des êtres et vivre
3214 nderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des êtres et vivre un moment auprès d’
3215 pour regarder des êtres et vivre un moment auprès d’ eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un
3216 s êtres et vivre un moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un échange spontan
3217 uprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’ imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces découvertes fr
3218 ’imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces découvertes frémissantes telles que j’en ai sans doute vécues, ad
3219 uoi j’ai eu ce fort désir soudain, dans le métro, de tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recev
3220 soudain, dans le métro, de tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble mainten
3221 e tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’es
3222 compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’est profondémen
3223 ent le même mouvement, l’amour. La même déception de l’amour, parce rien ne s’est produit, rien ne peut se produire, pour
3224 lution ! » — Ce substitut, ce renvoi aux calendes de la Grande Communication… Montparnasse. — Stupidité triste, parfois
3225 — Stupidité triste, parfois insolente et lourde, de cette population de mannequins vides et mal truqués. Figures grises d
3226 parfois insolente et lourde, de cette population de mannequins vides et mal truqués. Figures grises devant des menthes fa
3227 occuper des « petits-faits-vrais » vaut mieux que de les ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec f
3228 mieux que de les ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec force, une fois qu’on les a bien connus,
3229 e, une grande idée embrassée avec force au mépris de soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. E
3230 dée embrassée avec force au mépris de soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. En vérité, il n’
3231 venir le fait dominateur. En vérité, il n’y a pas de faits grands ou petits en soi et par comparaison. Il y a dans chaque
3232 en soi et par comparaison. Il y a dans chaque vie d’ homme à peu près digne de ce nom, un fait qui commande tous les autres
3233 . Il y a dans chaque vie d’homme à peu près digne de ce nom, un fait qui commande tous les autres et qui est la mesure de
3234 qui commande tous les autres et qui est la mesure de tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu es seul à pouvoir le con
3235 travers les paroles qu’ils croient dire : essaie de les comprendre quand ils se plaignent ou quand ils rient : tu ne verr
3236 i. Car il est tout ce que le monde attend, attend de toute éternité pour aujourd’hui et de toi seul — et c’est ta foi. 8
3237 end, attend de toute éternité pour aujourd’hui et de toi seul — et c’est ta foi. 85. Kierkegaard avait déposé sa fortune
3238 250 francs dans le coffre. aa. Rougemont Denis de , « Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage  », Existe
3239 Rougemont Denis de, « Nouvelles pages du Journal d’ un intellectuel en chômage  », Existences, Saint-Hilaire-du-Touvet, av