1
’un bon roman. Pourtant la réussite de Max Brod n’
est
pas seulement de l’ordre romanesque : elle est d’avoir mêlé à un beau
2
n’est pas seulement de l’ordre romanesque : elle
est
d’avoir mêlé à un beau drame d’amour le souvenir et davantage, la pré
3
’amour le souvenir et davantage, la présence d’un
être
vrai, qui apporte à toute l’œuvre une émouvante précision. Le personn
4
terme —, un seul ouvrage a paru en français22. Ce
serait
assez pour donner une idée de l’ordre de grandeur spirituelle et de l
5
en peu en ont eu connaissance, et moins encore se
sont
risqués à en parler. Rien d’étonnant d’ailleurs à cette réserve. Une
6
action respectueuse ; le mutisme de l’homme qui s’
est
senti touché dans une région de l’être dont il ignorait presque l’exi
7
homme qui s’est senti touché dans une région de l’
être
dont il ignorait presque l’existence, et qui demande un peu de temps
8
municable. Encore faut-il montrer que ce détour n’
est
pas un artifice gratuit. Vieux Pragois lui aussi, Brod fut l’ami le
9
artifice gratuit. Vieux Pragois lui aussi, Brod
fut
l’ami le plus intime de Franz Kafka. C’est lui qui s’est chargé de pu
10
mi le plus intime de Franz Kafka. C’est lui qui s’
est
chargé de publier ses œuvres, pour une très grande part inédites, et
11
igieux, souhaitait que l’on détruisît. Max Brod s’
est
expliqué sur ce point délicat dans une note jointe à l’édition posthu
12
énie tellement « étranger »… Le récit de Max Brod
est
librement imaginé. Toutefois le personnage de Garta, ses propos, sa v
13
Berlin pour s’y vouer totalement à son œuvre, il
était
déjà condamné par une tuberculose du larynx dont il mourut à Vienne e
14
et Amérique. Le regard qu’il y porte sur le monde
est
d’une précision proprement angoissante. Il considère notre vie quotid
15
herche au moins d’une théologie. Tout cela, qui n’
est
pas exprimé mais voilé et seulement trahi par certaines bizarreries d
16
ngoisse dérivent sans doute de Kierkegaard, qu’il
fut
l’un des premiers à découvrir au xxe siècle. D’autre part, sa volont
17
certainement à son admiration pour Goethe. Rien n’
est
plus suggestif que cette rencontre en un seul homme de deux influence
18
par A. Vialatte. Deux autres récits de Kafka ont
été
publiés par la Nouvelle Revue française : La Métamorphose et Le Ter
19
l problème : comment devenir chrétien ». Car on n’
est
pas chrétien, et même on ne peut pas l’être, mais il faut le devenir.
20
r on n’est pas chrétien, et même on ne peut pas l’
être
, mais il faut le devenir. Et le problème, alors, devient celui de l’a
21
croit aux lois, et il se veut déterminé. Or il l’
est
dans la mesure exacte où il l’accepte ; mais dans cette mesure même,
22
dans cette mesure même, il se peut qu’il cesse d’
être
humain. Car l’homme n’a d’existence proprement humaine que lorsqu’il
23
icipe à la transformation du monde. Autrement, il
est
animal, et soumis à la forme des choses, — à la commune dégradation.
24
tes depuis un siècle pour nous prouver que l’acte
est
impossible et que le tout de l’homme est soumis au calcul, tout cet e
25
e l’acte est impossible et que le tout de l’homme
est
soumis au calcul, tout cet effort des sciences et des sociologies éta
26
poir : l’homme moderne a perdu « le chemin ». Je
suis
le chemin, la vérité et la vie, dit le Christ. 1. La vérité est le
27
a vérité et la vie, dit le Christ. 1. La vérité
est
le chemin Christ est la Vérité dans ce sens qu’être la vérité est
28
e Christ. 1. La vérité est le chemin Christ
est
la Vérité dans ce sens qu’être la vérité est la seule explication vra
29
e chemin Christ est la Vérité dans ce sens qu’
être
la vérité est la seule explication vraie de la vérité… Être la vérité
30
rist est la Vérité dans ce sens qu’être la vérité
est
la seule explication vraie de la vérité… Être la vérité, c’est connaî
31
rité est la seule explication vraie de la vérité…
Être
la vérité, c’est connaître la vérité, et le Christ n’aurait jamais co
32
n’aurait jamais connu la vérité s’il n’avait pas
été
la vérité ; et nul homme ne connaît davantage de vérité qu’il n’en in
33
le serpent qui se mord la queue. La foi au Christ
est
la condition nécessaire et suffisante de tout acte véritable, de tout
34
réation, de toute victoire sur la Nécessité. « Je
suis
le chemin ». Mais un chemin n’est un chemin que si on y marche4. Sino
35
écessité. « Je suis le chemin ». Mais un chemin n’
est
un chemin que si on y marche4. Sinon il n’est qu’un point de vue ; ou
36
n n’est un chemin que si on y marche4. Sinon il n’
est
qu’un point de vue ; ou bien encore le lieu d’un pur possible, et sur
37
ire agir dans le Christ. La possibilité de l’acte
est
identique à sa nécessité. Il n’y a donc aucun acte possible, aucun ac
38
ce monde, c’est croire donc que cette forme peut
être
transformée. — à vrai dire, en vertu du paradoxe le plus fou. Nous ne
39
llons connaître maintenant que seul l’acte de foi
est
création, transformation, nouveauté pure dans le monde, vocation et p
40
phétie de l’éternité qui vient à nous. 2. Il n’
est
d’action que prophétique Qu’est-ce que prophétiser sinon dire la P
41
us. 2. Il n’est d’action que prophétique Qu’
est
-ce que prophétiser sinon dire la Parole qui détermine notre avenir ?
42
ole qui détermine notre avenir ? Mais la Parole n’
est
dite que dans la foi, la foi n’existe que dans l’acte, et cet acte de
43
n créant sa lumière et son chemin5, lumière qui n’
est
pas sa lumière, chemin toujours imprévisible, certitude que devinent
44
ture languit après ce commencement et bienheureux
est
celui qui dans sa fin possède son commencement ». Mais l’homme déchu
45
es hommes les frappent sur la bouche. Kierkegaard
fut
de ces croyants, dont la vocation prophétique pareille à celle des ho
46
arole qui les conduira au martyre. La Parole dite
est
leur chemin, leur vérité et leur vie dans ce monde ; ils meurent de l
47
voir dite, et n’ont pas d’autre tâche7. Le chemin
est
imprévisible ; le nôtre, disons-nous, n’est pas celui de ces prophète
48
hemin est imprévisible ; le nôtre, disons-nous, n’
est
pas celui de ces prophètes. Cependant la question demeure : comment a
49
ment obéir à la Parole qui prophétise ? Le chemin
est
imprévisible. Ce que nous connaissons, c’est pourtant son point de dé
50
rque de l’absolu : c’est la marque de tout ce qui
est
véritablement chrétien (Journal). Vends ton bien et le donne aux pauv
51
uotidienne du chemin, — ton chemin, sur lequel tu
es
seul, parce qu’il est la parole de ta vie, sa mesure et sa vocation,
52
— ton chemin, sur lequel tu es seul, parce qu’il
est
la parole de ta vie, sa mesure et sa vocation, son risque à chaque in
53
Se conformer à ce pieux idéal, non seulement ce n’
est
point agir, non seulement c’est limiter par avance le rôle de la foi,
54
rassurant. Et pourquoi ? Parce que « le chemin »
est
invisible tant qu’on n’y est pas engagé. Parce que c’est un blasphème
55
ce que « le chemin » est invisible tant qu’on n’y
est
pas engagé. Parce que c’est un blasphème de l’homme pieux, du moralis
56
faire un pas dans la nuit, sur ce « chemin » qui
est
le Christ présent. Il y a abîmes entre ces deux exigences : l’abîme e
57
de la reconnaissance… Tout commence par la joie d’
être
aimé — et ensuite vient l’effort de plaire, constamment exalté par la
58
ire, constamment exalté par la certitude que l’on
est
aimé maintenant, et même si l’effort échoue »8. Parce qu’il est aimé
59
enant, et même si l’effort échoue »8. Parce qu’il
est
aimé maintenant, aller maintenant, par la foi, sur ce chemin qui comm
60
eu mais comme la plénitude détruit le relatif. Il
est
ce contact impensable de l’éternité avec notre durée, et l’on n’en pe
61
durée, et l’on n’en peut n’en dire sinon qu’il s’
est
produit, et qu’il peut se produire sans que rien y prépare. « Car Die
62
le s’abîmerait dans l’amen éternel. Æternitas non
est
temporis successio sine fine, sed nunc stans. L’éternité a marché sur
63
’éternité a marché sur la terre : ainsi le Christ
est
le chemin. Mais nous avons refusé l’éternel et nous lui préférons nos
64
qui viennent ; c’est pourquoi nous n’avons plus d’
être
que par la foi, « substance des choses espérées », et c’est pourquoi
65
ées », et c’est pourquoi la Parole, parmi nous, n’
est
que promesse et vigilante prophétie de l’invisible. De Séir, une voix
66
onvertissez-vous et revenez ! » La forme du monde
est
durée, et c’est la forme du péché, du refus de l’instant éternel12, —
67
. De quelles étranges et secrètes façons le temps
est
lié au péché, le pécheur seul le sait, dans l’instant de la foi, où p
68
oulez interroger, interrogez ! », mais la réponse
est
: « Convertissez-vous ! » À la lumière jaillie de l’acte de la foi, l
69
is un temps nouveau prend son cours, et sa mesure
est
plus mystérieuse encore. Voici : le pécheur pardonné vit dans le temp
70
t de sa durée, vit d’acte en acte. Et son temps n’
est
plus son péché, mais on pourrait dire : sa patience. Car il se tient
71
atience. Car il se tient où Dieu l’a mis, et ce n’
est
plus une dérive. Il vit dans la forme du monde, mais il est ce qui la
72
ne dérive. Il vit dans la forme du monde, mais il
est
ce qui la transforme. Vertige de la « vie chrétienne », cette histoir
73
le temps en vertu de l’absurde 13. Et ce courage
est
celui de la foi. Par la foi Abraham ne perdit point Isaac ; c’est par
74
bord qu’il le reçut »14. 5. Le temps de l’acte
est
renaissance, initiation Les deux moments réels d’une vie d’homme,
75
Les deux moments réels d’une vie d’homme, s’il
est
vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la naissance et la mort, parce q
76
ls d’une vie d’homme, s’il est vrai que Dieu Seul
est
réel, ce sont la naissance et la mort, parce qu’ils sont des actes de
77
d’homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce
sont
la naissance et la mort, parce qu’ils sont des actes de Dieu. Entre l
78
el, ce sont la naissance et la mort, parce qu’ils
sont
des actes de Dieu. Entre la naissance et la mort — ou plutôt puisque
79
a naissance et la mort — ou plutôt puisque l’acte
est
à contre-courant de la durée : entre la mort et la naissance — toute
80
ort et la naissance — toute la réalité de l’homme
est
dans son acte. Tout acte est Passage et tension, — passage de la mort
81
a réalité de l’homme est dans son acte. Tout acte
est
Passage et tension, — passage de la mort à la vie, tension entre ce q
82
est ici qu’on touche au mystère, sans lequel tout
serait
absurde : acte détruit le temps, puisqu’il est dans le même instant e
83
serait absurde : acte détruit le temps, puisqu’il
est
dans le même instant et la mort et la vie des êtres qu’il promet à l’
84
est dans le même instant et la mort et la vie des
êtres
qu’il promet à l’existence ; mais détruisant le temps, il le recrée e
85
le liant au destin personnel. Ainsi l’acte absolu
serait
création absolue, mais un acte de l’homme n’est jamais qu’une rédempt
86
erait création absolue, mais un acte de l’homme n’
est
jamais qu’une rédemption. Distinction de théologien, et qui veut prév
87
nir l’orgueil. Mais la vision de celui qui agit n’
est
point un jugement des résultats, — des créatures ; elle n’est pas dav
88
jugement des résultats, — des créatures ; elle n’
est
pas davantage appréciation des causes. L’acte n’est jamais conséquenc
89
t pas davantage appréciation des causes. L’acte n’
est
jamais conséquence, il est toujours initiation. La vision de celui qu
90
n des causes. L’acte n’est jamais conséquence, il
est
toujours initiation. La vision de celui qui agit est tout entière abs
91
toujours initiation. La vision de celui qui agit
est
tout entière absorbée par l’instant, par le passage de ce qui meurt à
92
ar le héros n’a connu son succès que lorsque tout
était
fini ; et ce n’est point par le succès qu’il fut héros, mais par son
93
son succès que lorsque tout était fini ; et ce n’
est
point par le succès qu’il fut héros, mais par son entreprise »15. Le
94
tait fini ; et ce n’est point par le succès qu’il
fut
héros, mais par son entreprise »15. Le temps de l’acte vient s’inscri
95
t et de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’
est
-ce que la personne ? C’est la vision et le visage du héros, sa vision
96
arole dont elle procède, et si la face d’un homme
est
belle, c’est parce qu’elle est un acte et un destin, une initiale de
97
la face d’un homme est belle, c’est parce qu’elle
est
un acte et un destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la P
98
, nous avons toutes les raisons d’en douter, s’il
est
vrai que le doute est révolte, et qu’il faut pour se l’avouer la joie
99
s raisons d’en douter, s’il est vrai que le doute
est
révolte, et qu’il faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte de
100
u désespoir, qui consiste à s’imaginer que l’acte
est
puissance de l’homme : d’où l’impossibilité de l’oser. Celui que la f
101
que la foi vint saisir sait maintenant que l’acte
est
le contraire du désespoir. Mais il le sait d’une tout autre façon que
102
ine. Parce que le rapport du désespoir à l’acte n’
est
pas seulement renversement, mais création irréversible. Et cela tient
103
ais il sait bien qu’il n’en a pas, ou que son moi
est
désespoir, c’est-à-dire qu’il n’y croit pas et qu’il ne croit à aucun
104
ns le désir et dans la nostalgie, et son regard n’
est
pas une vision dans un visage, mais une manière de loucher vers « les
105
cet homme pourrait-il faire un acte ? Car l’acte
est
décision, rupture, isolation, quand l’être même du désespéré consiste
106
l’acte est décision, rupture, isolation, quand l’
être
même du désespéré consiste dans ses liens, dans sa croyance à la réal
107
cet homme pourrait-il faire un acte ? Car l’acte
est
immédiat, création et initiation, c’est-à-dire sobriété pure, — quand
108
initiation, c’est-à-dire sobriété pure, — quand l’
être
même du désespéré est calcul, préméditation, sensualité et envie… Ain
109
e sobriété pure, — quand l’être même du désespéré
est
calcul, préméditation, sensualité et envie… Ainsi l’acte absolu qu’il
110
alité et envie… Ainsi l’acte absolu qu’il imagine
serait
sa mort, — et c’est pourquoi il n’y croit pas. Nul n’échappe à la for
111
lu, il y a tout ce romantisme qui veut que l’acte
soit
puissance et jouissance, il y a ce moi de désir qui veut que l’acte —
112
moi de désir qui veut que l’acte — l’instant ! —
soit
durée… Mais l’absolu qui vient jucher nos vies nous meut parce qu’il
113
u qui vient jucher nos vies nous meut parce qu’il
est
un ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une rupture de tout drame huma
114
le de Dieu, — la prophétie dans l’immédiat. Que s’
est
-il donc passé ? Me voici seul sur le chemin ; mais je vois des visage
115
urs que dans l’acte d’aimer. 7. Toute vocation
est
sans précédent Car elle est prophétie justement ! — et c’est de la
116
7. Toute vocation est sans précédent Car elle
est
prophétie justement ! — et c’est de la seule prophétie que relèvent l
117
ue n’ont pas les animaux ; c’est pourquoi l’homme
est
héroïque. Il faut noter ici un trait bien remarquable : Kierkegaard a
118
ocation et ne s’en distingue jamais. Cependant il
est
hors de doute qu’il eut conscience de cet aspect particulier de son d
119
ortée de « la masse », alors que la foi véritable
est
celle du solitaire que plus rien ne soutient, hors la foi ? « Celui q
120
igieuse, à plus forte raison l’audace chrétienne,
est
au-delà de toute vraisemblance, là où précisément l’on renonce à la v
121
r le chemin, non pas le suivre ; parce que l’acte
est
initiateur ; parce que la dignité de l’homme est de marcher dans l’in
122
est initiateur ; parce que la dignité de l’homme
est
de marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu de l’absurde
123
étiser « en vertu de l’absurde ». L’homme ne peut
être
déterminé que par son Dieu ou par « le monde », il faut choisir. Il f
124
ieu ou par « le monde », il faut choisir. Il faut
être
un chrétien ou un bourgeois. Le bourgeois est sans vocation, il ne cr
125
ut être un chrétien ou un bourgeois. Le bourgeois
est
sans vocation, il ne croit pas à l’acte et il meurt au hasard, sans a
126
i-même20. Il vit dans la forme du monde : et ce n’
est
point qu’elle soit pour lui réelle, elle est seulement la moins invra
127
ans la forme du monde : et ce n’est point qu’elle
soit
pour lui réelle, elle est seulement la moins invraisemblable. Mais le
128
ce n’est point qu’elle soit pour lui réelle, elle
est
seulement la moins invraisemblable. Mais le chrétien qui marche dans
129
esure que de ce qu’il transforme. Sa connaissance
est
acte et vision prophétique. La mesure du temps de sa vie réside dans
130
es pas, il ne meurt jamais par surprise : et ce n’
est
point qu’il ait connu le jour et l’heure, mais il connaît l’instant,
131
les psychologues de ce qui « se fait se faisant »
est
une antilogie chrétienne au premier chef, et non pas hindoue, comme c
132
ains l’ont voulu croire. Chez les hindous, elle n’
est
encore qu’une forme de l’agitation humaine. Pour le chrétien seul ell
133
tien, la primauté d’une personne. 5. « Ta Parole
est
une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier » 6. Die Chimäre
134
» (Karl Barth). Il n’a pas de biographie. Rien ne
serait
plus ridicule que de tenter de faire la psychologie d’un prophète, ou
135
obéissance immédiate à la Parole. La ressemblance
est
seulement formelle. Le temps dont souffre Kierkegaard est engendré pa
136
ement formelle. Le temps dont souffre Kierkegaard
est
engendré par la lâcheté du pécheur, tandis que le temps de Schopenhau
137
é du pécheur, tandis que le temps de Schopenhauer
est
« l’idéalité » du sujet connaissant, — une chimère spiritualiste, une
138
ve de nombreuses notations de ce genre : « Grande
sera
ma responsabilité si je rejette une mission de cette sorte » — c’est-
139
agne, par exemple. C’est, dit-il, que sa consigne
est
de « tenir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une s
140
nir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne
serait
une solution commode, surtout en regard des souffrances qu’il sait tr
141
ses attaques contre l’Église établie. 20. Ce qui
est
particulièrement affligeant dans l’existence du bourgeois c’est qu’el
142
geant dans l’existence du bourgeois c’est qu’elle
est
entièrement déterminée jusqu’à la mort, mais que la mort survient com
143
geois, mais décisive. À une enquête dont le sujet
était
: La rencontre la plus importante de votre vie ? M. Clément Vautel qu
144
s des Merveilles On peut penser que notre langue
est
plus malade que n’était le latin à l’époque de la Renaissance24. Le l
145
eut penser que notre langue est plus malade que n’
était
le latin à l’époque de la Renaissance24. Le latin de Bembo et de Sado
146
la Renaissance24. Le latin de Bembo et de Sadolet
était
encore une rhétorique des lieux communs. Forme vide, forme idolâtrée,
147
ngage de nos bons écrivains. Car non seulement il
est
mal entendu par la grande masse des lecteurs ordinaires, disons des l
148
disons des lecteurs de journaux, mais encore il s’
est
divisé en une foule de dialectes ésotériques. Non seulement l’écrivai
149
pour les intellectuels et pour la masse — cela s’
est
vu en d’autres siècles. Ils n’ont plus le même sens pour les divers p
150
çon, et que les autres trichent ou font défaut. N’
est
-ce pas la partie de croquet dans Alice au pays des merveilles ? Les b
151
et dans Alice au pays des merveilles ? Les boules
étaient
des hérissons vivants, et les soldats s’arc-boutaient sur le sol pour
152
ments du jeu philosophique, ou politique que nous
sommes
en train de jouer, écrivains ou lecteurs, citoyens ou hommes d’État.
153
tion… Toutes ces combinaisons et ces permutations
seraient
néanmoins assez simples à débrouiller dans la pratique, et pourraient
154
rais dû croquer le hérisson de la Reine s’il ne s’
était
mis à courir juste au moment où j’allais jouer. » ⁂ Tout le monde ou
155
es les plus étranges surimpressions26. La liberté
sera
invoquée par la concurrence et l’oppression capitalistes, par les int
156
partant à la conquête de l’Éthiopie, etc. L’ordre
sera
tantôt le statu quo, si absurde soit-il, tantôt la dictature brutale
157
etc. L’ordre sera tantôt le statu quo, si absurde
soit
-il, tantôt la dictature brutale et arbitraire, plus rarement la reven
158
eurs œuvres capitales. Et je doute qu’un Meyerson
sont
sérieusement compris et discuté par beaucoup plus de personnes que De
159
ait improbable dans l’état actuel du régime. Elle
est
à tout le moins vérifiable. Par contre, on peut très nettement consta
160
démonétiser les mots. Le vocabulaire des journaux
est
vague, impropre, sans saveur et sans pouvoir d’évocation active du vr
161
milieu d’une rumeur générale, où leurs paroles ne
sont
plus distinguées du bavardage quotidien. Ils se retirent dans leurs a
162
tirent dans leurs appartements. Écrire dès lors n’
est
pour eux que tromper un besoin d’expression qui n’a plus de mission r
163
n réelle. C’est un jeu formel et précis, dont ils
sont
seuls à connaître les règles. (Encore ne sont-ils guère d’accord pour
164
ils sont seuls à connaître les règles. (Encore ne
sont
-ils guère d’accord pour enregistrer les réussites ou les tricheries !
165
ée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’
être
les dociles instruments de la vocation catholique, pour devenir de ra
166
vienne à faiblir et que la mesure commune cesse d’
être
effectivement perçue et observée, l’on assiste à la même dégradation
167
us à un but unanime. Si bien que les écrivains ne
sont
plus compris du peuple, et que la langue vulgaire s’encombre d’équivo
168
ce, souffrent obscurément de leur séparation. Ils
sont
ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressés les uns contre les autre
169
ment de leur séparation. Ils sont ensemble et ils
sont
seuls. Ils sont pressés les uns contre les autres et étrangers. Ils é
170
aration. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils
sont
pressés les uns contre les autres et étrangers. Ils échangent des par
171
! » Or, quand la parole se détruit, quand elle n’
est
plus le don qu’un homme fait à un homme, et qui engage quelque chose
172
it à un homme, et qui engage quelque chose de son
être
, c’est l’amitié humaine qui se détruit. ⁂ Telle est l’inquiétude des
173
e, c’est l’amitié humaine qui se détruit. ⁂ Telle
est
l’inquiétude des masses. Elle n’est pas d’abord matérielle, elle est
174
ruit. ⁂ Telle est l’inquiétude des masses. Elle n’
est
pas d’abord matérielle, elle est d’abord cette inquiétude du cœur et
175
s masses. Elle n’est pas d’abord matérielle, elle
est
d’abord cette inquiétude du cœur et de l’esprit qui naît de la mort d
176
es, à notre insu, trahissent. Mais quelqu’un s’en
est
aperçu. Quelqu’un a formé le projet de tromper cette faim et cette so
177
es mystiques et des dictateurs. Les lieux communs
sont
morts et embaumés : déjà, on leur fait des musées. Ou pire : ils n’on
178
leur fait des musées. Ou pire : ils n’ont jamais
été
vivants pour cette génération sans but. On nous en donnera donc de no
179
ns » publicitaires, mots d’ordre politiques, tels
sont
les ersatz pitoyables que nous proposent l’Argent et l’État. Gîovinez
180
commune aux grandes masses européennes, quel que
soit
leur régime politique. Ainsi la mesure n’est plus cette loi qui vit e
181
que soit leur régime politique. Ainsi la mesure n’
est
plus cette loi qui vit en l’homme réel et personnel, cette alliance d
182
isait la grandeur des cultures authentiques. Elle
est
devenue la loi inexorable et mécanique qui plie l’individu à des calc
183
e des clichés bourgeois. Mais si les mots d’ordre
sont
faux ? Si l’ordre qu’ils imposent est arbitraire, ou s’il ne mise que
184
ts d’ordre sont faux ? Si l’ordre qu’ils imposent
est
arbitraire, ou s’il ne mise que sur l’indignité humaine ? Et si la pr
185
s cette communauté de réflexes et d’obsession ? N’
est
-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité,
186
le contraire absolu de la culture, si la culture
est
justement la part active que prend l’homme à tout ce qui est création
187
nt la part active que prend l’homme à tout ce qui
est
création dans la nature, dans l’histoire, dans la vie de l’esprit ?
188
les mots « portaient » réellement, les écrivains
seraient
moins excités, moins excessifs. La Terreur qui règne en permanence da
189
règne en permanence dans les revues d’avant-garde
est
le signe d’une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’un profon
190
mmes. Cas de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce
sont
des êtres isolés, qui crient très fort parce qu’ils se sentent très l
191
de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce sont des
êtres
isolés, qui crient très fort parce qu’ils se sentent très loin de ceu
192
iste à additionner les casseroles et les haricots
est
à la base de l’éloquence démagogique. e. Rougemont Denis de, « Déca
193
os, que l’opération les laisse indifférents : ils
sont
sur le plan de l’histoire, non des vérités éternelles. Placez-vous do
194
xemple. Constatez, comme beaucoup l’ont fait (qui
sont
sans aucun doute les plus honnêtes), que la dictature de Staline se r
195
venir dialectique », dont la dictature actuelle n’
est
qu’un stade nécessaire mais provisoire. Vous voilà rejeté sur le plan
196
tte fameuse dialectique : vous apprendrez qu’elle
fut
inventée par Hegel, qui eut le tort de la fonder sur l’Esprit, ce qui
197
qui eut le tort de la fonder sur l’Esprit, ce qui
était
proprement la poser sur la tête : que le génie de Marx l’a remise sur
198
et agir au niveau du réel ; que son but primitif
était
de détruire l’État au profit de l’homme concret, non sans avoir d’abo
199
e-même, avec les derniers opposants. Vous pensiez
être
dans l’histoire, dans le réel : on vous invite maintenant à n’en pas
200
ici, un jugement d’allure politique. Mais ce qui
est
grave, c’est de voir tant d’intellectuels défendre ces manœuvres au n
201
sert alors de discuter, de confronter ? « Rien ne
sera
juste à cette balance » (Pascal). Je m’en voudrais d’exploiter l’équi
202
et qu’il faut donc transformer toutes choses, tel
est
, je crois, l’acte initial mais aussi la passion constante du communis
203
dans sa forme, avec le mouvement du chrétien (qui
est
sa lutte contre le péché) les plus frappantes analogies ? Sur ce plan
204
ce plan seul, il m’apparaît qu’une confrontation
soit
possible. L’homme d’abord, ou le monde d’abord ? Le marxiste, t
205
reconnu que l’homme n’existe pas isolément, qu’il
est
un être « en relation », qu’il est lié à une société42. Mais encore,
206
que l’homme n’existe pas isolément, qu’il est un
être
« en relation », qu’il est lié à une société42. Mais encore, à l’inst
207
olément, qu’il est un être « en relation », qu’il
est
lié à une société42. Mais encore, à l’instar du chrétien, le marxiste
208
r le tout de l’homme, et ne le peut pas. Car elle
est
divisée contre elle-même, et fait de l’homme qui s’abandonne à elle u
209
ême, et fait de l’homme qui s’abandonne à elle un
être
antinomique, « divisé », et comme « aliéné » de ce qu’il y a de plus
210
te de « cette aliénation de soi », qui selon Marx
serait
le fait de toutes les sociétés passées, y compris le communisme primi
211
reconnaissance d’une corruption fondamentale, qui
est
le péché originel. Il s’ensuit que pour le marxiste, aussi bien que p
212
Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais
soyez
transformés par le renouvellement de votre sens, afin que vous discer
213
nt de votre sens, afin que vous discerniez quelle
est
la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. Dans les de
214
discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui
est
bon, agréable et parfait. Dans les deux cas, il s’agit du même mot :
215
er ; et il s’agit de transformer en tant que l’on
est
proprement humain (c’est-à-dire en tant que l’on obéit à l’Esprit, po
216
x). Il s’agit donc d’action. Il s’agit d’attester
soit
la foi, par une réalisation des volontés de Dieu, contrariant celles
217
volontés de Dieu, contrariant celles du siècle, —
soit
la pensée, par une action45 qui ne peut être que révolutionnaire. Et
218
e, — soit la pensée, par une action45 qui ne peut
être
que révolutionnaire. Et cependant l’opposition de Marx et de l’apôtre
219
fait de cette opposition centrale qu’il importe d’
être
bien au clair, si l’on veut comprendre pourquoi la pratique et les fi
220
a jamais assez que la doctrine originelle de Marx
est
avant tout la mise en forme d’une polémique. Elle est, très consciemm
221
avant tout la mise en forme d’une polémique. Elle
est
, très consciemment, conditionnée par la situation de l’Europe occiden
222
la volonté de la changer. En particulier, elle n’
est
« matérialiste », au sens vulgaire, que dans la mesure où la mentalit
223
e dans la mesure où la mentalité de l’époque peut
être
qualifiée — et se qualifie elle-même — de spiritualiste, au sens le p
224
ste, au sens le plus contestable du terme. Quelle
était
, du point de vue religieux, la situation qui se présentait à Marx ? C
225
ouvriers. Ni d’appeler justice, au besoin, ce qui
était
utile aux maîtres. La religion ne semblait plus gêner personne46. Ell
226
arx ne perd pas son temps à dénoncer l’erreur qui
est
à la base d’une pareille imposture : il la sait trop profondément enr
227
ait trop profondément enracinée dans l’homme pour
être
atteinte par une simple critique philosophique47. Or cette critique p
228
philosophique47. Or cette critique philosophique
est
la seule arme dont il disposerait sur le plan de l’« esprit », car il
229
l disposerait sur le plan de l’« esprit », car il
est
incroyant. D’ailleurs, ce n’est pas l’« esprit » qu’il veut sauver, m
230
esprit », car il est incroyant. D’ailleurs, ce n’
est
pas l’« esprit » qu’il veut sauver, mais l’homme, que les spiritualis
231
guments : ceux que l’on dit « matérialistes ». Ce
seront
d’une part la violence prolétarienne, d’autre part la « science » inf
232
e nier. L’« esprit » du bourgeois spiritualiste n’
est
qu’une caricature, mais ses ravages sont déjà tels qu’on ne peut plus
233
ualiste n’est qu’une caricature, mais ses ravages
sont
déjà tels qu’on ne peut plus songer à rétablir la vérité par des moye
234
s matérialisme dialectique, pour indiquer qu’il n’
est
que provisoire, instrumental, qu’il doit servir au bout du compte la
235
quelle contient aussi l’« esprit » — bref qu’il n’
est
en somme qu’une tactique. Faisons de nécessité vertu. Proposons-nous
236
pas démontré déjà que la culture, par exemple, n’
est
qu’un « reflet » du processus économique ? On voit ainsi comment Marx
237
Marx lui-même se prend à son jeu polémique. Ce ne
fut
guère qu’à la fin de sa carrière que son ami Engels en découvrit le d
238
e danger. « Marx et moi — écrit-il en 1890 — nous
sommes
peut-être responsables de ce que parfois nos disciples ont insisté pl
239
l ne convenait sur les facteurs économiques. Nous
étions
forcés d’insister sur leur caractère fondamental, par opposition à no
240
e En effet, de ce « mensonge » opportuniste qu’
était
le matérialisme polémique, promu par un glissement inévitable au rang
241
vulgaire, que Marx avait tout d’abord combattu48,
est
devenu, après lui, un mensonge absolu exactement symétrique de celui
242
’homme à croire que la cause de tous ses malheurs
est
dans les choses, et non dans lui. (Il n’en fut pas conscient, et pour
243
rs est dans les choses, et non dans lui. (Il n’en
fut
pas conscient, et pourtant il en est responsable, nous reviendrons pl
244
ui. (Il n’en fut pas conscient, et pourtant il en
est
responsable, nous reviendrons plus tard sur ce point.) Le peuple — et
245
qui prêchent que l’argent ne fait pas le bonheur,
sont
simplement des exploiteurs, qui ont l’argent et qui veulent le garder
246
ctrine de Marx ? Qu’importe, puisque le but final
est
la richesse, mère du bonheur. N’est-ce pas là ce que voulait Marx ? R
247
le but final est la richesse, mère du bonheur. N’
est
-ce pas là ce que voulait Marx ? Résumons : Marx n’a pas voulu le maté
248
idéologie », de « tactique » communistes. Mais ce
serait
introduire une confusion irrémédiable que de parler dans le même sens
249
r la théorie d’une pratique49. Le christianisme n’
est
pas un programme ; ni, comme le disent certains primaires marxistes,
250
e. (Je dirais bien totalitaire, si le mot n’avait
été
pareillement perverti par les caricatures séculières de la révolution
251
a pour mission actuelle d’obéir à une Parole qui
est
Jésus-Christ, le Médiateur. Mais cette Parole juge « le monde » qui l
252
50 constituent la révolution la plus radicale qui
soit
, disons mieux : la seule radicale. Et toutes les autres, dans notre O
253
cident troublé par un message qu’il méconnaît, ne
sont
que les reflets énigmatiques de cet événement primordial — ses succéd
254
« Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais
soyez
transformés… » Cela ne signifie pas, pour un chrétien, que « le monde
255
signifie pas, pour un chrétien, que « le monde »
soit
abandonné. Cela ne signifie pas qu’une fois opérée cette transformati
256
es lois d’un monde qu’il condamne ! Car alors, où
serait
son refus ? Et quelle preuve aurions-nous de sa transformation ? Une
257
mé par la foi. L’homme nouveau, selon l’Évangile,
est
un homme qui a changé de sens. Il est orienté autrement, comme l’indi
258
l’Évangile, est un homme qui a changé de sens. Il
est
orienté autrement, comme l’indique le mot conversion. Obéissant à la
259
sponsable à l’endroit du monde. Car si le monde s’
est
livré à l’injustice et au désordre, c’est par la faute de l’homme, qu
260
t au désordre, c’est par la faute de l’homme, qui
était
son roi, et qui a trahi. Et tout péché individuel répète et aggrave c
261
e, obligation d’agir pour racheter le mal commis,
sont
trois moments indivisibles de la « transformation » dont parle Paul.
262
de la « transformation » dont parle Paul. L’un n’
est
pas concevable, sérieusement, sans l’autre. « Toute droite connaissan
263
Dieu naît de l’obéissance », écrit Calvin. Et que
serait
une obéissance qui ne se manifesterait pas ? La transformation person
264
e l’Évangile, ne peut donc se traduire, si elle s’
est
faite, que par une action du chrétien : contre le monde dans sa forme
265
i devient transformateur du monde — ou sinon il n’
est
pas converti — mais encore toute transformation de la forme actuelle
266
formation de la forme actuelle des choses, qui ne
serait
pas l’effet d’une conversion des hommes, ne doit être aux yeux du chr
267
pas l’effet d’une conversion des hommes, ne doit
être
aux yeux du chrétien, qu’une réforme sans grande portée. Voilà qui pa
268
paraîtra plus scandaleux. Et cependant l’Évangile
est
formel : « Que servirait à un homme de gagner le monde, s’il perdait
269
eul gage du salut total ? Alors, va-t-on, si l’on
est
converti, laisser le monde aller son train, et les guerres se déchaîn
270
se déchaîner, et les chômeurs mourir de faim ? Ce
serait
prouver qu’on n’est pas converti. J’agirai donc, toutefois non pour l
271
ômeurs mourir de faim ? Ce serait prouver qu’on n’
est
pas converti. J’agirai donc, toutefois non pour le monde, et non pour
272
formé. Si je n’avais pas cette reconnaissance, ce
serait
que j’ignore mon salut. Mais si je connais mon salut, je ne puis supp
273
adressent les chrétiens et les marxistes Telle
étant
donc la conception chrétienne de l’homme, seul responsable du mal qui
274
hrétienne de l’homme, seul responsable du mal qui
est
dans le monde, on comprendra que l’état d’esprit marxiste lui apparai
275
éviation grossière, dira-t-on ; mais pouvait-elle
être
évitée ? Marx n’avait-il pas dit qu’il fallait commencer par changer
276
mps plus paisibles l’évangélisation — sa raison d’
être
— il se fût consacré aux tâches plus urgentes : donner du pain et des
277
ibles l’évangélisation — sa raison d’être — il se
fût
consacré aux tâches plus urgentes : donner du pain et des spectacles
278
r du pain et des spectacles à la foule. Mais Paul
était
apôtre et non pas dictateur. C’est pourquoi son message nous est enco
279
on pas dictateur. C’est pourquoi son message nous
est
encore prêché. Il annonçait aux hommes non pas la haine et le cynisme
280
omme changé. Trop beau tout cela ! Trop beau pour
être
vrai, dit le marxiste. (Chrétien, changé, je suis encore assez « viei
281
être vrai, dit le marxiste. (Chrétien, changé, je
suis
encore assez « vieil homme » pour le comprendre.) Sur quoi repose cet
282
fit-il à vous nourrir, personnellement, mais ce n’
est
pas cela qui supprime la misère, qui empêche la guerre, qui change le
283
stes, si aveuglement enthousiastes, c’est qu’il s’
est
trouvé seul à protester contre le monde tel qu’il va. On dira : c’est
284
tout le malheur dont en vérité le péché de chacun
est
responsable. L’observation est juste ; elle est insuffisante. Ce qui
285
le péché de chacun est responsable. L’observation
est
juste ; elle est insuffisante. Ce qui explique en dernier ressort le
286
n est responsable. L’observation est juste ; elle
est
insuffisante. Ce qui explique en dernier ressort le succès « religieu
287
la seule espérance véritable et certaine n’a plus
été
prêchée au monde avec une force d’attaque assez gênante et bouleversa
288
bouleversante. C’est que l’« esprit » qui devait
être
l’agent du changement total, perpétuel et seul réel, est devenu le ga
289
gent du changement total, perpétuel et seul réel,
est
devenu le gardien des conformismes, ou du moins n’a pas su, par excès
290
es foules le considèrent comme tel. Les chrétiens
sont
bien plus responsables des succès de Marx auprès des foules, que le m
291
ccès de Marx auprès des foules, que le marxisme n’
est
responsable du déclin des Églises dans le monde moderne. C’est pourqu
292
st pourquoi les reproches du marxiste au chrétien
sont
humainement bien plus valables que ceux du chrétien au marxiste. En g
293
Marx se trompe et réussit, c’est parce que Christ
est
mal prêché par ses disciples (que ce soit en paroles ou en actes). Si
294
e Christ est mal prêché par ses disciples (que ce
soit
en paroles ou en actes). Si les chrétiens gardaient une conscience pl
295
te ne vaut rien, alors que l’objection chrétienne
est
imparable. Quand un marxiste me reproche de me contenter d’un changem
296
et qui n’affecte en rien le cours des choses, je
suis
fondé à lui répondre : « Ton reproche s’adresse à mon hypocrisie, à m
297
non pas du tout à la foi. Car la foi, dit Luther,
est
‟une chose inquiète”, on ne l’a pas impunément, et si on l’a, cela se
298
ent. Ce que tu me reproches, c’est, en fait, de n’
être
pas assez chrétien ! Tu m’incites donc à le devenir davantage, quand
299
pour un dialecticien ! Si tu dis que le chrétien
est
celui qui ne fait rien, tu prouves simplement que tu ignores tout du
300
ores tout du christianisme. » (Je répète que ce n’
est
pas sa faute, à ce marxiste, mais notre faute, et tout d’abord la mie
301
aliste actuelle, je ne passe pas à côté de ce qui
est
essentiel chez Marx. Je ne critique pas une erreur contingente. Je ne
302
as une erreur contingente. Je ne dis pas : vous n’
êtes
pas assez marxistes ! Je dis : dès le départ, dès l’origine doctrinal
303
intrinsèquement, et dans la mesure exacte où l’on
est
un marxiste convaincu, non point dans la mesure où l’on trahit le mar
304
véritable décision. Certains, frappés comme je le
suis
, par les ressemblances formelles indiscutables que présentent la volo
305
stinctions décisives. La pratique du communisme n’
est
justiciable, en soi, que d’une critique politique, économique, histor
306
sous le coup de la seule critique théologique, ce
sont
les buts derniers du communisme et les postulats qu’il suppose. Qu’on
307
postulats qu’il suppose. Qu’on me permette ici d’
être
un peu schématique pour plus de clarté. Il me paraît que l’opposition
308
le christianisme prépare un Royaume éternel, qui
sera
celui de Dieu, non de la Terre. Tous deux sont eschatologiques, en ce
309
ui sera celui de Dieu, non de la Terre. Tous deux
sont
eschatologiques, en ce sens qu’ils rapportent leur accomplissement à
310
ela pour sauver l’URSS.) Mais l’eschaton chrétien
est
au-delà de ce temps, est éternel, et par là même peut être immédiatem
311
Mais l’eschaton chrétien est au-delà de ce temps,
est
éternel, et par là même peut être immédiatement présent dans notre cœ
312
elà de ce temps, est éternel, et par là même peut
être
immédiatement présent dans notre cœur56 alors que l’eschaton marxiste
313
la Révélation en Personne. Et du coup le Royaume
est
au-dedans de lui. Cet homme n’est plus le maître de sa vie. Il est l’
314
coup le Royaume est au-dedans de lui. Cet homme n’
est
plus le maître de sa vie. Il est l’agent d’une vocation venue d’aille
315
lui. Cet homme n’est plus le maître de sa vie. Il
est
l’agent d’une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui seul et ici-ba
316
pensée la plus intime. Dès maintenant sa personne
est
recréée. Dès maintenant, elle entre en conflit avec le monde et ses f
317
Présence actuelle. Il fait un pari dont l’objet n’
est
pas accessible aujourd’hui. Il mise son action immédiate sur un fait
318
i. Il mise son action immédiate sur un fait qui n’
est
pas accompli, l’histoire n’ayant jamais connu de réalisation de commu
319
ommunisme. Ainsi, des deux, c’est le marxiste qui
est
l’utopiste ; et c’est le chrétien qui est le réaliste. (J’entends bie
320
ste qui est l’utopiste ; et c’est le chrétien qui
est
le réaliste. (J’entends bien : le chrétien véritable…) Le marxiste di
321
de lui ce qui s’oppose à son bien souverain. S’il
est
chrétien, il sait qu’il est membre d’un corps qui porte toutes les ma
322
bien souverain. S’il est chrétien, il sait qu’il
est
membre d’un corps qui porte toutes les marques du péché. Il est alors
323
n corps qui porte toutes les marques du péché. Il
est
alors en face du monde, et au nom même de sa foi, dans la posture d’u
324
ut se développer57. Mais le marxiste, quelles que
soient
la souffrance et la colère qu’il éprouve devant les injustices présen
325
tes, du fait qu’il croit que l’intérêt de l’homme
est
seul en jeu — et de l’homme tel qu’il le conçoit, être social — se ve
326
seul en jeu — et de l’homme tel qu’il le conçoit,
être
social — se verra fatalement neutralisé dans son effort par les gains
327
t final. Car cet accomplissement, ou plénitude, n’
est
jamais qu’un futur théorique, — si passionnée que soit l’espérance du
328
jamais qu’un futur théorique, — si passionnée que
soit
l’espérance du marxiste — et non pas une présence exigeante et totale
329
omme en 1789 et en 1917), il faudrait que l’homme
soit
délivré de son péché, « changé », sorti du plan, précisément, où le m
330
quement une volonté de changer tout ce qui peut l’
être
; mais aussi, cela suppose certains moyens d’action qui ne sauraient
331
suppose certains moyens d’action qui ne sauraient
être
les mêmes dans les deux cas, si la fin seule justifie les moyens58. L
332
présent, la loi d’amour et de justice, même s’il
était
commis au nom des intérêts de l’Église chrétienne, détruirait en fait
333
el abstrait. Car le gage de l’action chrétienne n’
est
pas futur, mais éternel et donc présent. Si, pour sauver le futur de
334
cifie le Christ et je m’oppose à son retour. Il n’
est
donc pas d’« opportunisme » chrétien qui tienne, et tous les moyens d
335
ui tienne, et tous les moyens du chrétien doivent
être
aussi purs que sa fin. Tout autre est le cas du marxiste. N’ayant pas
336
en doivent être aussi purs que sa fin. Tout autre
est
le cas du marxiste. N’ayant pas derrière lui de modèle accompli, ni e
337
p de marxistes s’en indigner mais je doute qu’ils
soient
bien conséquents, et que leur indignation traduise la vraie volonté d
338
, plutôt qu’un reste d’humanisme libéral. Le fait
est
que la grosse majorité des communistes suit Staline. D’où il résulte
339
ison d’État », et jusqu’à la guerre s’il le faut,
sont
des moyens parfaitement acceptables en tant qu’ils servent le progrès
340
s de salut présent ni éternel, puisque le salut n’
est
pas pour eux de toute façon, mais pour les descendants de leurs desce
341
liter en sa faveur : l’alternative où il se place
est
sans issue. Car ou bien il accepte les disciplines d’action que lui i
342
s alors pour sauver le monde, il perd sa raison d’
être
personnelle, et renie justement cette foi qu’il croyait mieux servir
343
formuler simplement : la fin dernière du chrétien
est
présente en chacun de ses actes, ou bien n’est pas ; tandis que la fi
344
en est présente en chacun de ses actes, ou bien n’
est
pas ; tandis que la fin dernière du marxiste est un avenir absolument
345
’est pas ; tandis que la fin dernière du marxiste
est
un avenir absolument hétérogène aux actions qu’il peut faire aujourd’
346
fini, et n’engage que certaines dispositions de l’
être
, celles-là précisément que l’avenir socialiste, la société sans class
347
nsformation de l’homme importe seule, puisqu’elle
est
, en effet, l’essentiel, et le but de tout autre changement. J’en vois
348
j’entends bien que les sacrifices qu’ils font ne
sont
pas seulement « spirituels », entraînent des risques financiers, et m
349
ne peut pas tout faire ! Quand beaucoup d’hommes
seront
changés, beaucoup de problèmes se poseront autrement… » Je veux les c
350
itualiste qui menace notre vie chrétienne, et qui
est
la cause certaine des succès du marxisme. Tant que les chrétiens ne c
351
, me semble-t-il, une question de solidarité, qui
est
une forme de la charité. Parfois aussi le devoir chrétien peut appara
352
s, ce que signifie la menace totalitaire, qu’elle
soit
fasciste ou soviétique : c’est la « mise au pas » de nos vies et de t
353
s, au service de l’État déifié. Cette situation n’
est
pas sans rappeler celle de l’Empire romain au premier âge du christia
354
lus haut. Toutefois, l’un des facteurs au moins s’
est
modifié notablement : les chrétiens ne forment plus des groupuscules
355
alogue, et au devoir d’amour chrétien. Le conflit
est
inévitable. Suffira-t-il dès lors de se laisser persécuter ? N’avons-
356
ous-mêmes à sauver, alors que nos erreurs passées
sont
pour une part, peut-être capitale, dans le malheur universel qui vien
357
? Or toute attente passive, si courageuse qu’elle
soit
, devient dans le cas présent une complicité. L’État totalitaire ne sa
358
n protestant, et je précise : un calviniste, doit
être
ici en mesure de répondre. De toutes les églises chrétiennes, l’églis
359
utes les églises chrétiennes, l’église calviniste
est
en effet la plus antitotalitaire par essence. Je ne rappelle qu’en pa
360
religion qui les précèdent : on sait assez que ce
fut
la lutte d’une royauté déjà « totalitaire » contre des groupes, loyal
361
« totalitaire » contre des groupes, loyalistes il
est
vrai, mais réfractaires à certaine mise au pas. Il serait peut-être a
362
rai, mais réfractaires à certaine mise au pas. Il
serait
peut-être abusif de déduire d’une situation déterminée par la persécu
363
nité spirituelle. Et les suites de cette création
sont
encore visibles aujourd’hui : nulle part l’esprit totalitaire n’a tro
364
tte des églises contre l’emprise morale de l’État
fut
menée, on le sait, par Karl Barth : c’est-à-dire par un calviniste… J
365
ndre la portée de ce fait en l’opposant, comme il
serait
facile, à l’esprit unitaire et impérial qui anime l’Église de Rome. L
366
nisme, que nous voyons gagner toutes les églises,
est
une promesse à laquelle nous devons croire de toute la force de notre
367
strictement personnel, un « charisme » dont nous
sommes
responsables. Nous ne pouvons donc pas approuver une forme d’État qui
368
munauté pour tous les hommes qui la composent. Ne
fût
-ce que pour cette seule raison — et j’en ai mentionné plusieurs autre
369
e, le stalinisme : une guerre de religions qui ne
sont
pas les nôtres. Je prends ici parti contre une telle entreprise, pour
370
es aspirations valables et généreuses du marxisme
sont
autant d’essais de sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformée
371
mises sous le boisseau par les chrétiens ». Cela
est
vrai même de l’aspiration totalitaire, qui est monstrueuse dans ses f
372
la est vrai même de l’aspiration totalitaire, qui
est
monstrueuse dans ses formes actuelles, mais qui traduit encore, obscu
373
en, vers une économie sauvée : le Royaume où Dieu
est
« tout en tous ». Si les églises chrétiennes ont à souffrir demain pa
374
tyrannique, il faut qu’elles sachent qu’elles en
sont
responsables, dans la mesure où elles cédèrent, jadis, aux tentations
375
lières. Si la culture et si nos libertés civiques
sont
brimées, par le fait d’une doctrine et d’un État « matérialistes », i
376
tat « matérialistes », il faut savoir que nous en
sommes
les responsables, dans la mesure où nous cultivons un esprit détaché
377
tentation spiritualiste. 41. « Le communisme n’
est
pas pour nous un état qui doive être créé, un idéal… Nous appelons co
378
communisme n’est pas pour nous un état qui doive
être
créé, un idéal… Nous appelons communisme le mouvement effectif qui su
379
réalité présente. Les conditions de ce mouvement
sont
données par cette situation » (Marx, Deutsche Ideologie). 42. « Nous
380
tuation » (Marx, Deutsche Ideologie). 42. « Nous
sommes
tous membres les uns des autres » (Rom., 12, 5). D’autre part, Marx n
381
e même pour le chrétien, la foi sans les œuvres n’
est
pas la foi (Jacq., 2, 26). Et Luther même n’a jamais dit autre chose,
382
faut en user, certes, mais elle ne suffit pas. «
Être
radical consiste à attaquer le mal dans la racine. Mais la racine, c’
383
humains personnels, sans quoi le matérialisme ne
serait
pas « dialectique ». « La coïncidence de la modification des circonst
384
é humaine, ou transformation personnelle, ne peut
être
rationnellement comprise que comme une activité révolutionnaire. » Ph
385
9. Selon Karl Barth, par exemple, la dogmatique n’
est
qu’une question perpétuelle, une autocritique si l’on veut, que l’Égl
386
te d’humilité ; car toute parole humaine sur Dieu
est
nécessairement inadéquate en soi, et ne peut être qu’un renvoi à la R
387
est nécessairement inadéquate en soi, et ne peut
être
qu’un renvoi à la Révélation seule parfaite, à Jésus-Christ. La « doc
388
seule parfaite, à Jésus-Christ. La « doctrine » n’
est
ainsi qu’une mesure critique que l’Église prend de son message sous l
389
. Elle ne présente rien que l’on puisse comparer,
fût
-ce le plus superficiellement, à un programme théorique qu’il s’agirai
390
établir un parallèle — sans doute dangereux — ce
serait
la Personne vivante de Jésus-Christ, et non pas la théologie, simple
391
dire ici : « tendre vers… » 51. Ma supposition n’
est
pas toute gratuite : elle s’est réalisée plus tard sous Constantin pa
392
Ma supposition n’est pas toute gratuite : elle s’
est
réalisée plus tard sous Constantin par des moyens légaux, il est vrai
393
us tard sous Constantin par des moyens légaux, il
est
vrai, mais avec les mêmes inconvénients. Certes il y a des lois de l’
394
utes les révolutions de l’histoire de l’Occident,
sont
sorties de la religion chrétienne. Toute autre cause est secondaire.
395
ties de la religion chrétienne. Toute autre cause
est
secondaire. » Et Henri de Man : « Je crois qu’il n’y a jamais eu de t
396
jamais eu de tentative révolutionnaire qui n’ait
été
d’origine chrétienne. S’il n’y a pas de socialisme en Asie, cela tien
397
de Man, que le mouvement syndicaliste au Japon a
été
fondé par un chrétien, Kagawa. 53. Je ne dis pas « les conditions ph
398
it observer que des facteurs très essentiels de l’
être
même peuvent varier selon les milieux et la nature des institutions.
399
tendu « primordial » de propriété, peut très bien
être
anéanti chez l’homme par un régime communiste.) Que reste-t-il dans l
400
par un régime communiste.) Que reste-t-il dans l’
être
humain d’absolument irréductible à toute transformation sociale ? La
401
te d’une de ces conditions conduit nécessairement
soit
à l’idéalisme, soit à son renversement matérialiste. Le stalinisme to
402
itions conduit nécessairement soit à l’idéalisme,
soit
à son renversement matérialiste. Le stalinisme totalitaire résulte né
403
re à frapper les regards et l’on ne dira pas : il
est
ici, ou bien : il est là ! Car voici que le Royaume de Dieu est au-de
404
ds et l’on ne dira pas : il est ici, ou bien : il
est
là ! Car voici que le Royaume de Dieu est au-dedans de vous ! » (Luc,
405
en : il est là ! Car voici que le Royaume de Dieu
est
au-dedans de vous ! » (Luc, 17, 20-25.) 57. Je parle ici, l’on m’ent
406
Je parle ici, l’on m’entend bien, de ce que doit
être
un chrétien conséquent. Il est trop clair que nous restons, tous tant
407
n, de ce que doit être un chrétien conséquent. Il
est
trop clair que nous restons, tous tant que nous sommes, bien en arriè
408
t trop clair que nous restons, tous tant que nous
sommes
, bien en arrière de notre vocation. La plupart de nos trahisons vienn
409
plus pieux du recueil anglais, sir John Browning,
est
le même homme qui contraignit la Chine, sous la menace des canons, à
410
. 58. Je prends l’expression dans ce sens, qui n’
est
pas le sens jésuite courant : que la fin seule doit indiquer les moye
411
la préparent. Et non pas justifier des moyens qui
seraient
en soi contraires à la justice, — ou à l’essence de la fin souhaitée.
412
des bourgeois, aux yeux desquels tout bolcheviste
est
un criminel en puissance. Les communistes représentent chez nous, en
413
(prêchée par Marx) et la guerre (pour peu qu’elle
soit
censée défendre l’URSS). 60. Je n’entends pas porter ici un jugement
414
Le rédacteur de cette « discipline » paraît avoir
été
le pasteur Antoine de Chandieu, mais l’intervention personnelle de Ca
415
glises se fédèrent par région. L’instance d’appel
est
« la cour suprême du synode national ». (John Viénot, Histoire de la
416
e : fondée sur la notion de vocation. 63. L’URSS
est
le seul État totalement totalitaire, disait récemment Victor Serge, é
417
re » d’Israël Un prophète, a écrit Karl Barth,
est
un homme sans biographie. « Er steht und fallt mit seiner Mission »,
418
e puisque c’est le message de Dieu. Jérémie n’eût
été
qu’un berger bègue si l’Éternel n’avait parlé par lui. Voici qui est
419
gue si l’Éternel n’avait parlé par lui. Voici qui
est
digne de remarque : le seul détail précis que rapporte la Bible à son
420
un homme appelé au ministère de la Parole. Ce qui
est
vrai du prophète l’est aussi de son peuple, — peuple entre tous proph
421
stère de la Parole. Ce qui est vrai du prophète l’
est
aussi de son peuple, — peuple entre tous prophétique. Ce qui est vrai
422
n peuple, — peuple entre tous prophétique. Ce qui
est
vrai de la biographie d’un homme que l’Éternel choisit n’est pas moin
423
la biographie d’un homme que l’Éternel choisit n’
est
pas moins vrai de l’histoire profane des Juifs, porteurs eux aussi d’
424
liser et la chiffrer, c’est-à-dire, telle qu’elle
fut
déterminée par des facteurs en partie mesurables (géographiques, écon
425
end une science de cet ordre sur le destin auquel
étaient
promises les infimes tribus nomades qui constituaient, aux origines,
426
supposer que le peuple d’Israël, s’il n’avait pas
été
« élu », eût évolué d’une autre sorte que tant de tribus d’Arabie qui
427
truire et à conquérir… Ainsi les annales d’Israël
sont
celles d’une puissance imprévue et humainement imprévisible, qui ne f
428
ance imprévue et humainement imprévisible, qui ne
fut
jamais immanente aux conditions médiocres des Hébreux. Ce que nous co
429
u — c’est la suite des gestes de Dieu dont ils ne
furent
que les instruments. Mais les instruments indociles ! Ce qui est à eu
430
truments. Mais les instruments indociles ! Ce qui
est
à eux, dans ces annales, c’est ce qui les rabat à leur destin, ce son
431
annales, c’est ce qui les rabat à leur destin, ce
sont
leurs révoltes constantes, leurs faux pas, leurs accès d’incroyance.
432
leurs accès d’incroyance. Et toute leur grandeur
est
à Dieu, c’est-à-dire à la vocation qui les arrache, malgré eux, à ce
433
ut jusqu’à ce que Dieu l’élise. Désormais sa voie
est
fixée, mais ce n’est plus sa « propre » voie. Il vient de Dieu, il va
434
u l’élise. Désormais sa voie est fixée, mais ce n’
est
plus sa « propre » voie. Il vient de Dieu, il va vers Dieu, et c’est
435
duit. C’est pourquoi son télos (sa fin dernière),
est
transcendant et mystérieux comme Dieu, unique en son essence, comme D
436
courant. Mais le conflit de la foi et de la vue n’
est
en somme qu’un autre aspect du conflit de la vocation et du destin. I
437
es douze tribus. Car un but invisible aux mortels
est
une menace et une angoisse, au moins autant qu’une promesse. Une mena
438
it quel futur. Et une angoisse contre laquelle il
est
fatal que l’on cherche à se protéger par quelque chose de visible et
439
ette révolte, et ce destin, et ce besoin de voir,
sont
symbolisés au concret par les statues des idoles étrangères — car c’e
440
ons de son alliance. La mesure Dans l’Arche
sont
les Tables de la Loi. La Loi est la « mesure » sacrée : c’est elle qu
441
Dans l’Arche sont les Tables de la Loi. La Loi
est
la « mesure » sacrée : c’est elle qui rappelle à la fois l’origine et
442
fois l’origine et la fin du peuple en tant qu’il
est
un « nouveau » peuple, élu par Dieu et « mis à part »64. C’est à elle
443
n seulement tout geste, mais toute pensée. Rien n’
est
plus neutre ou laissé au hasard, tout est « mesuré » et jugé dans la
444
Rien n’est plus neutre ou laissé au hasard, tout
est
« mesuré » et jugé dans la perspective de la fin assignée à toute la
445
s se distingue de toutes les autres en ce qu’elle
est
une vocation adressée par un Dieu personnel, unique, éternel, transce
446
personnel, unique, éternel, transcendant. Elle n’
est
pas le produit normal d’une évolution historique fécondée et cristall
447
tallisée par l’intervention d’un grand chef. Elle
est
donc plus « totalitaire » que toute mesure humainement concevable, pu
448
e « loin de la face de l’Éternel ». Parce qu’elle
est
la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la conscienc
449
Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu
est
l’Éternel, la Loi est la conscience finale du peuple hébreu. Et parce
450
loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi
est
la conscience finale du peuple hébreu. Et parce qu’elle est la loi de
451
science finale du peuple hébreu. Et parce qu’elle
est
la loi de Dieu — qui définit la vérité —, elle porte en elle la règle
452
e le symbole de l’unité du peuple, mais son usage
est
interdit pendant les guerres civiles : c’est que la mesure est indivi
453
pendant les guerres civiles : c’est que la mesure
est
indivisible. Dieu est au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtre
454
viles : c’est que la mesure est indivisible. Dieu
est
au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtres sont là pour veiller
455
mesure est indivisible. Dieu est au ciel, sa loi
est
sur la terre, et les prêtres sont là pour veiller sur l’Alliance. Et
456
au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtres
sont
là pour veiller sur l’Alliance. Et si ces « clercs » viennent à trahi
457
connu, s’ils oublient que le Dieu qu’ils servent
est
un Dieu qui se nomme « jaloux », les Prophètes se lèvent contre eux e
458
où elle tire son nom. Elle embrasse tout ce qui n’
est
pas foi, mais vue, tout ce qui est refus d’obéissance, et imagination
459
tout ce qui n’est pas foi, mais vue, tout ce qui
est
refus d’obéissance, et imagination d’un autre bien. Idole tout ce qui
460
action ou pensée, si belle ou si féconde qu’elle
soit
, qui ne puisse être consacrée au ministère sacerdotal du peuple élu.
461
i belle ou si féconde qu’elle soit, qui ne puisse
être
consacrée au ministère sacerdotal du peuple élu. Idole, tout ce qui n
462
re sacerdotal du peuple élu. Idole, tout ce qui n’
est
pas ordonné à la fin que les prophètes annoncent sans relâche. Mais l
463
e » d’une législation divine, mais dont l’homme s’
est
emparé, et dont il fait sa chose, oubliant son Auteur. C’est alors qu
464
(Moïse), écrit-il dans sa Réponse à Appion 67, a
été
le seul dont les actions et les paroles ont été conformes. » Car il n
465
a été le seul dont les actions et les paroles ont
été
conformes. » Car il n’a pas seulement formulé des lois justes, complè
466
t très détaillées, mais il a veillé à ce qu’elles
fussent
connues de tous. Cette connaissance produit parmi nous une admirable
467
i nous une admirable conformité, parce que rien n’
est
si capable de la faire naître et de l’entretenir, que d’avoir les mêm
468
les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’
être
élevés dans une même manière de vivre, et dans les mêmes coutumes ; c
469
se dans le monde. Nos femmes et nos serviteurs en
sont
persuadés comme nous : on peut apprendre de leur bouche les règles de
470
foisonnement et la diversité, et toute mesure ne
serait
à nos yeux qu’une occasion de dépassement… Oui, la Richesse est notre
471
qu’une occasion de dépassement… Oui, la Richesse
est
notre dernier dieu, et c’est peut-être le secret de l’expansion, mais
472
, la vieille malédiction de la tour de Babel, qui
est
la dispersion du genre humain. Le dilemme qui se trouve posé à toute
473
sation, et d’une manière très urgente à la nôtre,
est
assez clairement défini par la comparaison que l’on peut faire de not
474
e devient en effet la culture, dans un monde où n’
est
tolérée que « la seule chose nécessaire ? » L’homme qui a une vocati
475
hose nécessaire ? » L’homme qui a une vocation n’
est
pas bon à autre chose. Israël portait dans son sein l’avenir religieu
476
s son sein l’avenir religieux du monde. Dès qu’il
était
tenté de s’oublier dans les voies vulgaires des autres peuples, une s
477
la justice à l’ancienne manière ne devait jamais
être
sacrifiée.68 Ainsi toute tentative de culture profane se voit assim
478
évolte d’orgueil contre Dieu. La culture d’Israël
sera
pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté sera la condition de s
479
ra pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté
sera
la condition de sa grandeur. Car ce qui est grand, c’est ce qui combl
480
reté sera la condition de sa grandeur. Car ce qui
est
grand, c’est ce qui comble la mesure, et non pas ce qui la dépasse. C
481
ble la mesure, et non pas ce qui la dépasse. Ce n’
est
pas la richesse, mais la fidélité. Ce ne sont pas les moyens en eux-m
482
Ce n’est pas la richesse, mais la fidélité. Ce ne
sont
pas les moyens en eux-mêmes mais les moyens mesurés par la fin. C’est
483
est que le culte qu’il faut rendre au Dieu vivant
est
une obéissance directe « en esprit et en vérité ». Or abstraire, c’es
484
a des prophètes, a-t-il besoin de philosophes ? —
est
ainsi l’aspect négatif d’une splendeur poétique inégalée. (La poésie
485
tique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien
sera
grande dans la mesure où elle sera biblique ou grecque, sublime dans
486
ident chrétien sera grande dans la mesure où elle
sera
biblique ou grecque, sublime dans la mesure où la synthèse des deux t
487
dans la mesure où la synthèse des deux traditions
sera
dominée par l’élément biblique.) Seuls les grands discours prophétiqu
488
on et vérifié l’étymologie grecque de poésie, qui
est
agir. Point d’arts figuratifs ou imaginatifs. La loi les interdit par
489
mage taillée, ni de représentation des choses qui
sont
en haut dans les cieux, en bas sur la terre, et dans les eaux plus ba
490
ence purement technique : la sagesse de Salomon n’
est
pas une connaissance des « causes » mais bien des « signatures » natu
491
, fictions écrites, science, industrie, tout cela
est
sacrifié à la seule chose nécessaire : l’accomplissement d’une vocati
492
spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement
sont
les moyens les plus élémentaires que les hommes ont de commercer : l’
493
res, l’on voit que la culture la plus pauvre, qui
fut
celle du peuple hébreu, fut aussi la plus convenable aux fins suprême
494
e la plus pauvre, qui fut celle du peuple hébreu,
fut
aussi la plus convenable aux fins suprêmes de l’esprit. Toutefois, no
495
us point étudier à inventer des choses nouvelles,
soit
dans les arts, ou dans le langage, au lieu que les autres peuples mér
496
ancêtres, parce que c’est une preuve qu’elles ont
été
parfaitement bien établies, puisqu’il n’y a que celles qui n’ont pas
497
a que celles qui n’ont pas cet avantage que l’on
soit
obligé de changer, lorsque l’expérience fait connaître le besoin d’en
498
uts. Ainsi, comme nous ne doutons point que ce ne
soit
Dieu qui nous a donné ces lois par l’entremise de Moïse, pourrions-no
499
ver très religieusement ? Et quelle conduite peut
être
plus juste, plus excellente et plus sainte, que celle dont ce souvera
500
que celle dont ce souverain Monarque de l’univers
est
l’auteur… Quelle forme de gouvernement peut donc être plus parfaite q
501
l’auteur… Quelle forme de gouvernement peut donc
être
plus parfaite que la nôtre, et quels plus grands honneurs peut-on ren
502
ands honneurs peut-on rendre à Dieu, puisque nous
sommes
toujours préparés à nous acquitter du culte que nous lui devons ; que
503
ulte que nous lui devons ; que nos Sacrificateurs
sont
établis pour veiller sans cesse à ce qu’il ne se fasse rien qui y soi
504
ller sans cesse à ce qu’il ne se fasse rien qui y
soit
contraire, et que toutes choses ne sont pas mieux réglées le jour d’u
505
ien qui y soit contraire, et que toutes choses ne
sont
pas mieux réglées le jour d’une fête solennelle, qu’elles le sont tou
506
églées le jour d’une fête solennelle, qu’elles le
sont
toujours parmi nous ? Chute d’Israël Tout était suspendu à la
507
toujours parmi nous ? Chute d’Israël Tout
était
suspendu à la Loi, qui était elle-même suspendue à la promesse messia
508
ute d’Israël Tout était suspendu à la Loi, qui
était
elle-même suspendue à la promesse messianique donnée par Dieu dès les
509
temps primitifs72. Mais cette promesse, enfin, s’
est
incarnée. Et les juifs l’ont méconnue prenant prétexte de la Loi, cet
510
ir. » (Héb. 10, 1), pour repousser le Christ, qui
était
« l’esprit » et la réalité finale de la Loi. Dès lors, la Loi est « a
511
et la réalité finale de la Loi. Dès lors, la Loi
est
« accomplie » comme le dit Jésus-Christ lui-même, et elle l’est d’une
512
e » comme le dit Jésus-Christ lui-même, et elle l’
est
d’une double manière : parce qu’elle a abouti — le Messie est venu —
513
uble manière : parce qu’elle a abouti — le Messie
est
venu — et parce qu’elle a perdu son sens en condamnant celui qu’elle
514
re, fondant ainsi un nouvel Israël. Bien plus, il
est
lui-même cette mesure, cette Alliance, et ce sont ceux qui adorent en
515
est lui-même cette mesure, cette Alliance, et ce
sont
ceux qui adorent encore l’ancienne Loi, « déclarée vieillie », qui so
516
encore l’ancienne Loi, « déclarée vieillie », qui
sont
maintenant les idolâtres. Voilà pourquoi le peuple juif, qui n’a pas
517
uvelle mesure, c’est-à-dire la Nouvelle Alliance,
est
aujourd’hui le peuple sans mesure, sans limites et sans foyer. Sans e
518
l, cet esprit d’irréconciliable opposition dont s’
était
nourrie toute la tradition judaïque. C’est précisément ce sens de la
519
acent aujourd’hui de la détruire74. Il ne saurait
être
question de retracer ici dans son ensemble l’évolution des éléments c
520
de « l’école du dimanche », tout jeune protestant
est
nourri aux sources mêmes du judaïsme préchrétien. C’est là sa Fable,
521
ne Samuel appelé trois fois par Jéhovah, — que ce
soit
histoire ou légende, ces personnages lui sont incomparablement plus f
522
ce soit histoire ou légende, ces personnages lui
sont
incomparablement plus familiers que les métamorphoses des dieux païen
523
Si bien qu’on a pu dire75 que l’Ancien Testament
était
la vraie Antiquité des peuples de l’Europe protestante. Mais il y a b
524
Le thème de la vocation et le thème du peuple élu
sont
de ceux qui émeuvent le plus profondément la « sensibilité spirituell
525
ple élu » Le simple fait que le calvinisme ait
été
dès le début une église minoritaire, en butte à la persécution, ne su
526
ciale adoptées par les deux « nations »76. Ce qui
est
déterminant pour cette analogie, ce qui lui donne son seul sens accep
527
ux cas, la persécution et l’isolement minoritaire
sont
considérés comme « normaux » : ils expriment le destin spirituel, dan
528
un monde incrédule et rebelle, de ceux que Dieu s’
est
« choisis » pour témoins, en tant que collectivité, peuple ou église.
529
de cette « élection » dont ils ont l’assurance d’
être
l’objet, par une grâce périlleuse, et dans la foi, les calvinistes, d
530
nt pas », au nom et par la charge du Seigneur qui
est
venu, et qui doit revenir. Telle est sans doute la racine authentique
531
Seigneur qui est venu, et qui doit revenir. Telle
est
sans doute la racine authentique du puritanisme qui apparaît dans le
532
iques. Mais Sombart lui répond que le capitalisme
est
plus ancien, et qu’il est d’origine judaïque78. Ce n’est pas ici le l
533
pond que le capitalisme est plus ancien, et qu’il
est
d’origine judaïque78. Ce n’est pas ici le lieu de prendre parti entre
534
s ancien, et qu’il est d’origine judaïque78. Ce n’
est
pas ici le lieu de prendre parti entre ces deux explications d’un phé
535
es mettent l’accent sur le fait de l’élection. Il
est
curieux de noter que le parallélisme se poursuit même, — et peut-être
536
ant plus d’amertume que cette attitude provocante
fut
souvent prise à l’étranger pour un trait de caractère germanique. Mai
537
x tentations du succès immédiat et contrôlable, s’
est
transformé dans le Nouveau Monde d’une part en volonté de puissance a
538
taine, et transformant en tyrannie absurde ce qui
était
à l’origine une attitude d’obéissance à la foi, et de renoncement à s
539
de sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin
est
centrée sur la vocation : vocation du « petit troupeau » ou de l’Égli
540
elle de chaque membre de l’Église. Or, Israël qui
était
le peuple élu, a trahi sa mission et s’est livré à son destin. Sa dis
541
qui était le peuple élu, a trahi sa mission et s’
est
livré à son destin. Sa dispersion en est le châtiment. Serait-il donc
542
ion et s’est livré à son destin. Sa dispersion en
est
le châtiment. Serait-il donc possible de perdre sa vocation ? Et que
543
à son destin. Sa dispersion en est le châtiment.
Serait
-il donc possible de perdre sa vocation ? Et que devient celui qui la
544
sa vocation ? Et que devient celui qui la trahit,
soit
qu’il rejette ses ordres, soit qu’il la prenne pour idole, refusant d
545
lui qui la trahit, soit qu’il rejette ses ordres,
soit
qu’il la prenne pour idole, refusant d’en reconnaître la vraie fin lo
546
la vraie fin lorsqu’elle lui apparaît incarnée ?
Est
-il rejeté à tout jamais ? Une vocation est-elle donc « amissible » ?
547
rnée ? Est-il rejeté à tout jamais ? Une vocation
est
-elle donc « amissible » ? Le refus de l’homme serait-il donc capable
548
est-elle donc « amissible » ? Le refus de l’homme
serait
-il donc capable de modifier un arrêt éternel, alors que Dieu prédesti
549
avant sa naissance et ses œuvres ? Ce problème n’
est
pas gratuit : il touche au cœur de la foi réformée. Or c’est lui just
550
doute ce texte illumine aussi profondément qu’il
est
possible le mystère dernier d’Israël. « Je demande maintenant : Dieu
551
ieu a-t-il rejeté son peuple ? Non certes, car je
suis
moi-même israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjami
552
he : mais les élus l’ont obtenu et les autres ont
été
endurcis » (v. 7). Ainsi, « c’est par suite de la faute des enfants d
553
ite de la faute des enfants d’Israël que le salut
est
parvenu aux païens, afin d’exciter leur propre émulation » (v. 11). E
554
p de votre sagesse : c’est qu’une partie d’Israël
est
tombée dans l’endurcissement jusqu’à ce que la totalité des païens so
555
urcissement jusqu’à ce que la totalité des païens
soit
entrée (dans l’Église) ; et ainsi tout Israël sera sauvé » (v. 25-26)
556
oit entrée (dans l’Église) ; et ainsi tout Israël
sera
sauvé » (v. 25-26) … « Car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocab
557
» (v. 25-26) … « Car les dons et l’appel de Dieu
sont
irrévocables » (v. 29). Hoc est verbum praeclarum ! Voilà une parole
558
l’appel de Dieu sont irrévocables » (v. 29). Hoc
est
verbum praeclarum ! Voilà une parole admirable, s’écrie Luther, à pro
559
». Ainsi la vocation, du moins cette vocation79 —
est
réellement inamissible, c’est-à-dire ne peut être perdue, même si cel
560
est réellement inamissible, c’est-à-dire ne peut
être
perdue, même si celui qui en est l’objet s’y oppose de toutes ses for
561
-à-dire ne peut être perdue, même si celui qui en
est
l’objet s’y oppose de toutes ses forces ! Car sa révolte même se trou
562
peuple de Dieu, en ce sens, après que les gentils
seront
entrés dedans (l’Église), lors les Juifs aussi se retirant de leur ré
563
is que les Juifs tiendront le premier lieu, comme
étant
les enfants aînés en la maison de Dieu. » (Commentaires, sur Rom. II,
564
le respect religieux qu’on lui porte. Peut-être n’
est
-il pas excessif de voir dans cette passion contradictoire le secret d
565
ore pour l’antisémitisme des hitlériens, qui n’en
serait
en tout cas que le plus impur exemple. Il reste que la chrétienté non
566
r Israël autrement que ne fait « le monde ». Ce n’
est
pas au nom d’intérêts passagers que nous avons à prendre position, ma
567
les thèses des politiques nationalistes. Le drame
est
bien plus vaste que ne peuvent le concevoir nos polémiques. Et son is
568
de nous seuls, ni d’eux seuls. On dit : les Juifs
sont
ceci, les Juifs sont cela, ils se sont emparés de nos richesses, etc.
569
ux seuls. On dit : les Juifs sont ceci, les Juifs
sont
cela, ils se sont emparés de nos richesses, etc. Mais de quels biens
570
les Juifs sont ceci, les Juifs sont cela, ils se
sont
emparés de nos richesses, etc. Mais de quels biens se préoccupe le cr
571
64. Il faut bien voir que le « racisme » juif n’
est
justifié à l’origine que par la vocation spirituelle de ce peuple. Il
572
ue par la vocation spirituelle de ce peuple. Il n’
est
pas du tout biologique. Il ne le devient qu’accessoirement, à mesure
573
lles-mêmes. Mais sans doute ce glissement fatal s’
est
-il dessiné dès le début, à mesure que l’on codifiait les relations de
574
entils ». On sait à quel point cette codification
fut
poussée. L’historien juif Josèphe écrit dans sa Réponse à Appion (I,
575
’est-à-dire appartenant aux familles des prêtres)
était
tenu par les sacrificateurs. « Et ils n’en épousaient point qui aient
576
cateurs. « Et ils n’en épousaient point qui aient
été
captives, de peur qu’elles n’aient eu quelque commerce avec des étran
577
et ordre, on le sépare de l’autel, sans qu’il lui
soit
plus permis de faire aucune des fonctions sacerdotales. » — Il est cu
578
e faire aucune des fonctions sacerdotales. » — Il
est
curieux de noter que les lois racistes hitlériennes privent de tous d
579
igines : c’est que l’exercice des droits civiques
est
bien une sorte de « sacerdoce » national. On voit ainsi que l’eugénis
580
rdoce » national. On voit ainsi que l’eugénisme n’
est
pas le seul motif de la législation raciste. 65. Sur l’importance ca
581
l à son destin, après la mort de Jésus-Christ. Je
suis
heureux de pouvoir donner ci-après un développement qui n’avait pas s
582
mon livre. 66. La rédaction des livres mosaïques
est
attribuée par Wellhausen et son école à des disciples des grands prop
583
on école à des disciples des grands prophètes. Ce
serait
donc le prophétisme, c’est-à-dire l’élément le plus finaliste de la r
584
ue. Ainsi la fin crée ses moyens. Cette hypothèse
est
aujourd’hui démodée. On revient à la conception ancienne : un chef hé
585
peuple juif dès la sortie d’Égypte. Les prophètes
seraient
alors ceux qui rappellent le peuple au culte du vrai Dieu — contre le
586
imples, dans le Livre de Job, dans l’Ecclésiaste,
est
quelque chose de surprenant. L’image physique qui, dans les langues s
587
’image physique qui, dans les langues sémitiques,
est
encore à fleur de sol, obscurcit la déduction abstraite… » (Renan, op
588
as d’autre sens que de désigner l’Incarnation qui
est
son centre, au-delà d’elle-même. Tolle Christum e scripturis, quid am
589
er, 1934, p. 43. 74. Sitôt que la mesure cesse d’
être
transcendante, devient humaine, contingente et partielle, et n’étant
590
, devient humaine, contingente et partielle, et n’
étant
plus totale, se veut encore totalitaire, on a l’État-nation-Police de
591
e de type fasciste ou stalinien. Bien entendu, il
serait
absurde de rendre Israël responsable de ce qui n’est que « profanatio
592
absurde de rendre Israël responsable de ce qui n’
est
que « profanations » de la notion de mesure totalitaire. 75. Cf. Ram
593
lliance la postérité d’Abraham : vu que le propos
était
nommément et spécialement d’icelle vocation. » (Commentaires, sur Rom
594
her inconnu Dire qu’on ignore Luther en France
serait
exagérer, mais dans le sens contraire de celui qu’on imagine. Car on
595
on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il
fut
, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au
596
sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fut, qui il
est
. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au public franç
597
ois grossières, de platitudes, de contradictions.
Est
-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants,
598
itudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’
est
faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants, n’hésitent pas à souten
599
s exigeants, n’hésitent pas à soutenir que Luther
fut
un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race alle
600
suivante en donne une juste idée : « En somme, qu’
est
-ce que Luther ? Un moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette déc
601
la sérieuse information théologique… Ceci dit, il
est
juste d’insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécial
602
ic français en état d’infériorité assez grave, ne
fût
-ce que sur le plan de la culture générale. Car ignorer ou méconnaître
603
lan théologique, ou mieux : dans la totalité de l’
être
, revient à celle d’un christianisme qui se met au service de l’humain
604
ord à un pamphlet, encore que son volume matériel
soit
bien écrasant pour le genre. Mais on s’aperçoit sans tarder que la di
605
c Érasme et sa Diatribe (souvent personnifiée), n’
est
en fait que le support apparent d’une réflexion de plus vaste envergu
606
s de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’
être
Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et reposer
607
les de la Réforme : justification par la foi, qui
est
don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Di
608
action » de l’homme entre les mains de Dieu. Tels
sont
les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pas traités en for
609
ont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y
sont
pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un système, au
610
rès étroitement les uns les autres, et ne peuvent
être
mieux saisis que dans l’unique et perpétuelle question que nous posen
611
ble. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne
sont
que les reflets, diversement réfractés par nos mots. Ils renvoient to
612
? » — Si tu le crois, si tu as reçu la foi, il n’
est
plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa
613
que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme
soient
acceptées (ou simplement connues !) par nos contemporains, même chrét
614
Paix aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là
sont
, en fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siè
615
un point de vue purement esthétique, ces qualités
sont
assez rares, et chez Luther assez flagrantes, pour qu’un lecteur qui
616
rantes, pour qu’un lecteur qui refuse l’essentiel
soit
tout de même attiré et subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage
617
ment (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout
est
fait, dans notre Traité, pour heurter de front le lecteur incroyant,
618
s Apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’
est
pas proprement luthérien, mais que Luther est obligé d’utiliser pour
619
i n’est pas proprement luthérien, mais que Luther
est
obligé d’utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où
620
èce de considération psychologique. (Un tel homme
est
bien trop vivant pour faire de la psychologie ; trop engagé dans le r
621
nisme, de l’Église. L’humanisme laïque, autonome,
est
simplement nié, comme une absurdité, une contradiction dans les terme
622
inévitable, et qui consiste à affirmer que Luther
est
« déterministe ». Mais le sérieux théologique est chose trop rare, et
623
est « déterministe ». Mais le sérieux théologique
est
chose trop rare, et pour beaucoup trop difficile à concevoir, pour qu
624
un simple rappel de l’ordre dans lequel le Traité
fut
pensé. Je tenterai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’une
625
us refusons de jouer si, d’avance, le vainqueur a
été
désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un
626
es règles du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie
était
une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou encore ent
627
J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’
est
-ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même a
628
croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ?
Est
-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par de puissan
629
-ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’
es
-tu pas toi-même agi par de puissantes forces sociales, historiques et
630
C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. —
Soit
, c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît
631
s actions passées, présentes, futures ; car elles
sont
dans le temps, Dieu dans l’éternité qui est avant le temps, qui est e
632
lles sont dans le temps, Dieu dans l’éternité qui
est
avant le temps, qui est en lui, et qui est encore après lui. Au regar
633
Dieu dans l’éternité qui est avant le temps, qui
est
en lui, et qui est encore après lui. Au regard de Dieu, donc, « tout
634
té qui est avant le temps, qui est en lui, et qui
est
encore après lui. Au regard de Dieu, donc, « tout est accompli », dep
635
encore après lui. Au regard de Dieu, donc, « tout
est
accompli », depuis la mort du Christ sur la croix. Non seulement prév
636
les fais librement, et tu viens me dire qu’elles
sont
prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi in
637
it… Mais tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu
es
alors dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun e
638
it tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’
est
plus la peine de faire aucun effort. C’est peut-être mal raisonner. S
639
’est peut-être mal raisonner. Si ton effort aussi
était
prévu ? Pourrais-tu ne pas le fournir ? Et si tu décidais : « je suis
640
s-tu ne pas le fournir ? Et si tu décidais : « je
suis
, donc Dieu n’est pas ! »32 qui t’assurerait que cet acte de révolte é
641
rnir ? Et si tu décidais : « je suis, donc Dieu n’
est
pas ! »32 qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’éterne
642
pour toi ? Fermer les yeux sur une réalité, ce n’
est
pas la supprimer en fait. Mais c’est peut-être se priver de son secou
643
ination : l’une au salut, l’autre à la damnation.
Être
damné, ne serait-ce pas justement être rivé au temps sans fin, et ref
644
au salut, l’autre à la damnation. Être damné, ne
serait
-ce pas justement être rivé au temps sans fin, et refuser l’éternité q
645
damnation. Être damné, ne serait-ce pas justement
être
rivé au temps sans fin, et refuser l’éternité qui vient nous délivrer
646
nous délivrer du temps ? C. M. — Mais mon temps
est
vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c
647
maginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’elle
est
la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouv
648
e nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’
est
qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque ch
649
e mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité
est
quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pa
650
d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’
est
pas au contraire la source de tout acte et de toute création, une inv
651
t attachée à notre chair, à notre temps où elle s’
est
constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’un
652
re chair, à notre temps où elle s’est constituée,
soit
capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule
653
ystère plus profond que notre vie, et la raison n’
est
qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pr
654
e paradoxe et ce mystère : croire que « l’Éternel
est
vivant », croire que sa volonté — qui a tout prévu — peut aussi tout
655
en un instant aux yeux de l’homme, sans que rien
soit
changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il déci
656
? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’
est
pas lié comme nous à une succession. Mais au contraire, nos divers te
657
emps et successions procèdent de l’Éternel et lui
sont
liés : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en nous lors
658
s : nous venons de lui, nous retournons à lui, il
est
en nous lorsque l’Esprit dit : la Parole dans notre cœur. Quelle étra
659
n nous ferait croire qu’une décision de l’Éternel
est
une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui définit notre
660
uand c’est elle seule qui définit notre présent !
Est
-ce que nos objections « philosophiques » et notre crainte du « fatali
661
as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de ce qui
est
essentiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’une décision pur
662
une fois acceptés le Credo et son fondement, qui
est
la Parole dite en nous par l’Esprit et attestée par l’Écriture, — or,
663
it et attestée par l’Écriture, — or, cette Parole
est
Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas suj
664
ui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’
est
pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstration purement b
665
’un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui
est
au cœur même de l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute « t
666
t « extrémisme » évangélique, que les sophistes n’
étaient
que trop portés à corriger et à « humaniser », au risque d’« évacuer
667
voulait se complaire Érasme. Le problème du salut
est
un problème de vie ou de mort. Or il est seul en cause pour le théolo
668
du salut est un problème de vie ou de mort. Or il
est
seul en cause pour le théologien. Et tout est clair lorsque l’on a co
669
il est seul en cause pour le théologien. Et tout
est
clair lorsque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout notre facu
670
t qu’elle puisse suffire à nous obtenir le salut,
étant
elle-même soumise au mal. Tout le reste est psychologie, littérature
671
ut, étant elle-même soumise au mal. Tout le reste
est
psychologie, littérature et scolastique. Il n’en reste pas moins qu’a
672
mais dans un plan où elle reste insoluble. Érasme
était
encore catholique ; son humanisme mesuré l’empêche de voir le vrai tr
673
r au nihilisme qui l’étreint, dès lors que « Dieu
est
mort » ou qu’il l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme c
674
regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu.
Être
libre, c’est vouloir l’éternité de son destin. (Pour le chrétien, c’e
675
e luthérien et du paradoxe nietzschéen ne saurait
être
ramenée à quelque influence inconsciente, encore bien moins à une coï
676
cale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui
est
prononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux » de l’homme divinis
677
s adorons une Providence dont la Parole vivante s’
est
incarnée : « Emmanuel ! » — Dieu avec nous ! 30. À la proposition
678
connais aucun de mes livres pour adéquat, si ce n’
est
peut-être le de servo arbitrio et le Catéchisme. » 31. Luther averti
679
raductions françaises donnent en général : « Nous
serons
transformés en un instant, en un clin d’œil… » 34. Modiculum et min
680
s sentons repoussés par quelque chose qui ne peut
être
facilement nommé, parce que cela affecte, peut-être, notre tout. Nos
681
rrespondances avec notre situation concrète. Ce n’
est
pas leur abstraction qui nous inquiète, loin de là, c’est bien plutôt
682
et de celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’
est
dégagé des coordonnées du moment, c’est dire que son exercice n’engag
683
r diminués dans notre énergie totale. La pensée n’
est
plus le moteur de l’action ; au contraire, elle tourne à ses dépens.
684
taphore et dire que la pensée dont nous souffrons
est
une pensée débrayée. Un moteur débrayé n’en ronfle que mieux, d’aille
685
il tourne si vite que toute tentative d’embrayage
serait
immédiatement fatale à la machine, et ferait voler en éclats les engr
686
t de diminution qu’elle favorise en nous : ce mot
serait
celui d’inactualité, entendu, non pas au sens temporel, mais au sens
687
nous dira que, cependant, si le désordre du monde
est
réel, il se peut qu’il provienne, précisément, d’actualisations parti
688
elles des philosophies que nous repoussons ? Nous
serions
mal venus à le nier. Si le monde dure, c’est-à-dire se renouvelle, c’
689
s’il y a du désordre, c’est que ces philosophies
sont
tout de même moins inopérantes que souvent elles ne voudraient l’être
690
ins inopérantes que souvent elles ne voudraient l’
être
. Mais, chose étrange, la raison pour laquelle le désordre n’est pas t
691
se étrange, la raison pour laquelle le désordre n’
est
pas total, c’est la raison même de ce désordre : c’est la rupture ent
692
thérapeutique que nous voudrions proposer, et qui
serait
un traitement préventif par l’actualisation, c’est-à-dire par l’effor
693
rtifie1. À vrai dire, cet effort et cette volonté
sont
déjà présents, avant toute analyse, dans le sentiment que nous dision
694
faire comprendre de quoi il s’agit ? Nous allons
être
obligés ici d’avoir recours à une méthode rigoureusement indirecte, e
695
s bien des « choses », de l’impersonnel.) L’acte,
étant
immédiat au sujet, ne peut pas, sans cesser d’être acte, être posé en
696
ant immédiat au sujet, ne peut pas, sans cesser d’
être
acte, être posé en face de l’acteur. On ne peut pas photographier un
697
t au sujet, ne peut pas, sans cesser d’être acte,
être
posé en face de l’acteur. On ne peut pas photographier un acte, et do
698
Quant à la scène représentée par la photo, elle n’
est
plus qu’un objectif, inactuel en soi, et problématique. Qu’on nous pe
699
de fournir la matière d’un problème, données qui
sont
par là même objectives, et celles sur lesquelles il faut que l’esprit
700
e quelconque ». L’acte, tel que nous l’entendons,
est
évidemment une donnée de ce deuxième type, la donnée par excellence.
701
cte ne pouvant intervenir qu’a posteriori, elle n’
est
, en réalité, qu’une réflexion sur les effets de l’acte. Si, au moment
702
oler par la certitude que l’analyse philosophique
est
avec celui qui ne peut pas sauter. Et c’est peut-être cela précisémen
703
le la proximité de la réalité créante. Force nous
est
de reconnaître qu’un tel discours, dans l’état de notre philosophie,
704
ion. » Nous dirions en d’autres termes : l’acte n’
est
pas un problème, mais une donnée initiale, le seul donné qui se donne
705
donne à soi-même. Or, cette donnée, d’une part, n’
est
pas réductible à ce qui la précède, d’autre part, n’est pas épuisée p
706
s réductible à ce qui la précède, d’autre part, n’
est
pas épuisée par l’analyse de ses effets. L’acte est à la fois créateu
707
t pas épuisée par l’analyse de ses effets. L’acte
est
à la fois créateur, et transcendant à sa création. Il est créateur en
708
fois créateur, et transcendant à sa création. Il
est
créateur en ceci qu’il introduit dans les choses un rapport nouveau i
709
eau instituant une situation irréversible ; et il
est
transcendant parce que dans ce rapport nouveau on ne trouvera rien d’
710
dans ce contact entre l’éternité et le temps, qui
est
le mystère même. Cela n’entraîne pas qu’on ne puisse rien dire des ré
711
Kierkegaard, c’est le vouloir unique, unifiant l’
être
vivant et le confondant un instant avec l’objet de son désir. On comp
712
leurs fort divers, mais dont l’exercice se trouve
être
lié à une division préalable de notre être, par exemple à une objecti
713
trouve être lié à une division préalable de notre
être
, par exemple à une objectivation du corps — de mon corps — ou à une o
714
ter » l’activité spécifique de la pensée. L’acte,
étant
essentiellement l’affirmation simultanée de l’un et du divers, affirm
715
en langage rationnel, tout système philosophique
sera
amené, par son jeu logique, à l’éliminer ou à la disqualifier. À moin
716
t ses effets. C’est l’acte lui-même qui se trouve
être
transitif et novateur, sans qu’il y ait pour cela de « médiation ». O
717
l n’y a de transition que par l’acte, mais l’acte
est
le contraire d’une transition. Avant de passer à l’examen de ses effe
718
uand on descend au fond de la notion de force, on
est
obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de viol
719
pas d’évolution créatrice sans révolution. L’acte
sera
donc agonique. D’autre part, l’acte implique un élan vers, pour repre
720
ur reprendre l’expression du Dr Minkowski. L’acte
est
l’éclatement d’une tension orientée ; il est donc aussi intention. Il
721
acte est l’éclatement d’une tension orientée ; il
est
donc aussi intention. Il n’est pas seulement agonique, mais encore or
722
sion orientée ; il est donc aussi intention. Il n’
est
pas seulement agonique, mais encore ordonnateur. C’est un conflit et
723
umière des ténèbres. Son caractère dichotomique n’
est
pas isolé de son caractère agonique. Ce n’est pas à dire que la lumiè
724
e n’est pas isolé de son caractère agonique. Ce n’
est
pas à dire que la lumière et les ténèbres soient données avant l’acte
725
e n’est pas à dire que la lumière et les ténèbres
soient
données avant l’acte, car sinon il ne serait pas créateur, c’est-à-di
726
bres soient données avant l’acte, car sinon il ne
serait
pas créateur, c’est-à-dire qu’il ne serait pas acte. L’acte n’a qu’un
727
il ne serait pas créateur, c’est-à-dire qu’il ne
serait
pas acte. L’acte n’a qu’un point d’application, le chaos, la discorde
728
, le non-être, ou ce qui tend à y revenir. Ce qui
est
nouveau, ce n’est pas le désordre, c’est l’ordre. L’acte est si étroi
729
ce qui tend à y revenir. Ce qui est nouveau, ce n’
est
pas le désordre, c’est l’ordre. L’acte est si étroitement lié à ses e
730
, ce n’est pas le désordre, c’est l’ordre. L’acte
est
si étroitement lié à ses effets qu’on ne saurait humainement le sépar
731
umainement le séparer du premier d’entre eux, qui
est
l’affirmation de la personnalité. Nous définissons la personne comme
732
ntue encore la tension. Le nouvel état du conflit
est
plus aigu que l’ancien. Au fur et à mesure qu’elle se libère, la pers
733
plus. C’est pourquoi les époques de conciliation
sont
des époques de décadence. Le salut n’est jamais dans le repli, dans l
734
liation sont des époques de décadence. Le salut n’
est
jamais dans le repli, dans le refus du conflit concret. L’invention d
735
t permet celle du « robot » d’affaires. L’autisme
est
un fléchissement de la personnalité. D’une manière générale, l’acte p
736
joie créatrice, une conscience de libération qui
est
la jouissance spécifiquement humaine. De l’autre côté, on trouvera un
737
n même de la plus grande docilité de l’inerte. Il
est
plus difficile d’échapper au prestige du positivisme et du néo-pragma
738
éo-pragmatisme qu’à celui du moulin à prières. Il
est
plus difficile de maintenir sur le qui-vive un empire qu’une cité étr
739
orientation, autrement dit de l’acte impossible,
sont
des exemples de ce fléchissement. La tentation de l’acte gratuit n’es
740
e fléchissement. La tentation de l’acte gratuit n’
est
qu’une forme moderne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de
741
idemment la connaissance. Non seulement la pensée
est
acte, mais elle est ce qu’il y a de plus actuel ·dans l’acte. Ce qui
742
ance. Non seulement la pensée est acte, mais elle
est
ce qu’il y a de plus actuel ·dans l’acte. Ce qui a pu tromper sur ce
743
er sur ce point, c’est précisément que, la pensée
étant
la plus immédiate des mises en ordre, la raison est tentée de confond
744
t la plus immédiate des mises en ordre, la raison
est
tentée de confondre cet ordre même, qui n’est qu’un effet, avec le dy
745
son est tentée de confondre cet ordre même, qui n’
est
qu’un effet, avec le dynamisme qui en est cause. Ce dynamisme propre
746
, qui n’est qu’un effet, avec le dynamisme qui en
est
cause. Ce dynamisme propre de la pensée créatrice, c’est cela que nou
747
t comme monument ou système de règles, ne saurait
être
qu’un aspect provisoirement favorable du chaos. La vérité scientifiqu
748
rement favorable du chaos. La vérité scientifique
est
dans l’abstrait ; la science-faite rejoint le donné. Mais cela n’est
749
; la science-faite rejoint le donné. Mais cela n’
est
vrai que pour le savant seulement au moment où il crée ; pour les aut
750
’un rôle d’exécuteur. Remarquons que la machine n’
est
que le prolongement d’un schéma mathématique, et qu’elle est elle-mêm
751
prolongement d’un schéma mathématique, et qu’elle
est
elle-même prolongée par la rationalisation. Nous avons là un exemple
752
tation. Car, d’une part, renoncer à la machine ce
serait
en quelque sorte renoncer au sens même de l’activité humaine ; mais,
753
; mais, d’autre part, la domination de la machine
serait
le résultat fatal du renoncement à la valeur éthique de la science en
754
). Un troisième exemple de tension et d’acte nous
est
fourni par l’homme considéré du point de vue social. D’un côté, nous
755
riser son ressort. Remarquons que cet attachement
est
la marque de l’humanité. Mais, d’autre part, l’homme n’existe personn
756
L’homme concret, l’homme vivant, l’homme en acte
est
l’affirmation d’une tension permanente entre ces deux pôles de l’amou
757
fort et de la pensée humaine. La pensée créatrice
est
donc l’acte le plus pur et le plus humain. Mais comment va se présent
758
Mais comment va se présenter à nos yeux ce qui n’
est
pas immédiat à l’acte ? Est-ce que nous n’allons pas être amenés à ni
759
r à nos yeux ce qui n’est pas immédiat à l’acte ?
Est
-ce que nous n’allons pas être amenés à nier la réalité de toute média
760
immédiat à l’acte ? Est-ce que nous n’allons pas
être
amenés à nier la réalité de toute médiation ? Assurément l’évidence d
761
la réalité des résistances à cette activité. Ce n’
est
que dans certains domaines très étroits de la pensée que ces résistan
762
nes très étroits de la pensée que ces résistances
sont
assez nettement brisées pour conférer à la création issue de l’acte c
763
rme d’éternité. Partout ailleurs, les résistances
sont
étroitement mêlées à toutes les manifestations d’activité. La médiati
764
prêtent mieux au personnalisme social, mais ce ne
sont
jamais que des résistances. Entre les deux pôles de la tension, il n’
765
que le second affirme la transcendance de l’acte.
Étant
orientée vers l’acte, la tension humaine ne saurait donc considérer t
766
d’appui et garde une participation avec ce qui n’
est
pas personnel. Mais cette nécessité ne reprend sa valeur que dans la
767
e qui ne signifie pas du tout que la pensée doive
être
soumise à l’action — bien au contraire ! — mais que le risque de pens
768
ien au contraire ! — mais que le risque de penser
est
actuel (D. R.). 2. Je retrouve dans les papiers posthumes d’Arnaud
769
Le seuil qui sépare le prélogique du logique, où
est
-il donc ? Le point est d’importance car il nous éclairera un peu sur
770
prélogique du logique, où est-il donc ? Le point
est
d’importance car il nous éclairera un peu sur la nature intime de l’a
771
intime de l’acte créateur, dans la mesure où elle
est
saisissable. En effet, de tous les seuils irrationnels que l’homme pu
772
cte de penser, au sens plein et cartésien du mot,
soit
infiniment plus difficile et plus rare qu’on ne se figure communément
773
Avant de chercher à répondre à cette question, il
est
indispensable de marquer très fortement l’influence qu’exerce ce seui
774
ine et, probablement, sur la vie en général. Cela
est
d’autant plus nécessaire que de même que la science a longtemps refus
775
on ou de création intellectuelle. Notre science n’
est
à l’aise que dans le continu et elle fait surgir le discontinu qu’ell
776
connaît que du probable et, en tant qu’acte, elle
est
l’improbabilité essentielle. Paradoxe que M. Meyerson a décrit sous l
777
financières ou des partisanneries politiques qui
est
celui de la presse française, rend à peu près impossibles une documen
778
une information sincère. Le procès de la presse n’
est
plus à faire. Sa réforme pose tant de problèmes et entraîne de telles
779
es dangers d’une information d’État : Tass ou DNB
sont
aussi graves que celles d’un monopole privé) qu’il est à craindre qu’
780
ussi graves que celles d’un monopole privé) qu’il
est
à craindre qu’elle ne puisse s’accomplir isolément. Seul le redressem
781
ujourd’hui l’argent, libérera l’information. Ce n’
est
qu’en attaquant l’ensemble des trusts qu’on atteindra celui des journ
782
préparer et d’accélérer cette réforme nécessaire,
est
de fournir dès à présent à tous ceux qui en éprouvent le pressant bes
783
e la grande presse imprimée. Le principe Ce
sont
les mêmes procédés techniques (imprimerie, grand tirage, publicité, c
784
i font aujourd’hui son servage. « L’imprimé » qui
était
, il y a trente ans, synonyme dans l’opinion populaire, de vérité, est
785
ns, synonyme dans l’opinion populaire, de vérité,
est
devenu pour le public, synonyme de mensonge. Il s’agit en attendant q
786
ge. Il s’agit en attendant que la question puisse
être
attaquée et résolue de front — de tourner la difficulté en remontant
787
e cette nouvelle forme d’informations. Le travail
est
centralisé par un « Comité central des informations », siégeant à Par
788
nitive. Il convient de préciser que le bulletin n’
est
pas distribué. Il est adressé personnellement et confidentiellement a
789
préciser que le bulletin n’est pas distribué. Il
est
adressé personnellement et confidentiellement au président responsabl
790
lub qui le communique à ses adhérents. Ceux-ci ne
sont
pas de simples lecteurs passifs, mais des membres actifs, qui partici
791
ontinuera à leur fournir la presse. Elle pourrait
être
une sorte d’école permanente des lecteurs de journaux ; 3° une partie
792
ublient pas que la réforme organique de la presse
est
le but final. Dans cette partie, on réunira petit à petit, une docume
793
se sur la structure et le mécanisme de la presse.
Soit
en signalant toutes les modifications dans la commandite, la directio
794
ction, la tendance, etc. des journaux existants ;
soit
par des études plus générales sur les problèmes financiers, professio
795
de duperie, une presse truquée. L’esprit Il
est
évident que la portée d’une telle entreprise dépend de la valeur prof
796
ment des clubs de presse. Les « Clubs de presse »
sont
fondés et dirigés par Denis de Rougemont et R.-Philippe Millet de L’
797
ls appartiennent, dans une entreprise qui ne veut
être
qu’une œuvre stricte d’information, à l’exclusivité de tout commentai
798
bs de presse », à défendre les principes qui leur
sont
communs : primauté de la personne humaine, respect de la vérité et lu
799
c des camarades venant d’autres organisations. Ce
sera
certainement par ailleurs l’occasion d’un échange de vues qui ne peut
800
leurs l’occasion d’un échange de vues qui ne peut
être
que fructueux pour tous. Nous faisons un appel pressant auprès de tou
801
ans leur localité, si éloignée, si peu importante
soit
-elle, le club de presse dont ils seront les instigateurs devienne rap
802
importante soit-elle, le club de presse dont ils
seront
les instigateurs devienne rapidement un organisme craint et respecté.
803
sée par le papier, le film et la radio n’a jamais
été
si grande, nous sommes obligés de revenir à une forme antique de tran
804
e film et la radio n’a jamais été si grande, nous
sommes
obligés de revenir à une forme antique de transmission : l’informatio
805
lus ce que signifie culture. C’est que la culture
est
en pleine crise, et que cette crise ne sévit plus seulement dans les
806
s de la nation. Je dis que la crise de la culture
est
dans la rue. Je dis que la culture fait le trottoir. Et que c’est la
807
fait le trottoir. Et que c’est la politique qui s’
est
chargée de réglementer à sa manière la prostitution des mots-clés, de
808
manifeste intitulé Au service de l’esprit, où il
est
question à chaque page de défendre la liberté. Dans l’état présent du
809
ngage, de la culture, et de la politique, on peut
être
à peu près certain que ces deux messieurs défendent en réalité le con
810
ciste. On dit que les mots n’ont plus de sens. Ce
serait
trop beau, ce serait trop facile, ce serait enfin la trêve des démago
811
mots n’ont plus de sens. Ce serait trop beau, ce
serait
trop facile, ce serait enfin la trêve des démagogues. En réalité, les
812
s. Ce serait trop beau, ce serait trop facile, ce
serait
enfin la trêve des démagogues. En réalité, les mots prennent tous les
813
celui de l’usage courant. (Staline dit : « Je ne
suis
pas un dictateur » ; Mussolini fait la conquête de l’Éthiopie au nom
814
si on les qualifiait de fascistes. Alors qu’elles
sont
, en fait, l’un et l’autre. La politique actuelle s’occupe bien moins
815
rité à droite. Mais la surenchère politicienne en
est
venue à ce point que, par une double démagogie, on dit aujourd’hui li
816
itique a prostitué le langage. La culture n’a pas
été
assez forte pour interdire cette prostitution. Il en résulte que la c
817
erait encore à écrire, à parler, si par hasard on
est
de bonne foi et si de plus on a des choses précises à exprimer. Je ré
818
blème tout d’abord. Écrivons pour montrer qu’il n’
est
pas de problème politique plus urgent que celui des mots ; et qu’il n
819
tique plus urgent que celui des mots ; et qu’il n’
est
pas de problème culturel qui ne dépende de la politique. Cela revient
820
rendrai rien à personne en affirmant que le roman
est
le plus « contagieux » de nos genres littéraires, j’entends celui qui
821
et la folie avec Ivan Karamazov, comme d’autres s’
étaient
suicidés après Werther ; ou qui entreprennent de gagner un million au
822
outes les sous-préfectures. Ce pouvoir contagieux
est
, bien sûr, tout à l’honneur des écrivains qui savent le communiquer à
823
r le subir autrement qu’en imagination. Et rien n’
est
plus légitime, voire désirable, que cette contagion pratique de l’art
824
e, que la vision banale de la vie quotidienne. Il
est
très bon que le romancier et ses romans agissent, de cette manière in
825
teurs marxistes.) Et, cependant, leur influence n’
est
pas moins grande, sur la vie privée du lecteur. Ils ne veulent rien d
826
ment de la lectrice, car en France, paraît-il, ce
sont
les femmes qui lisent et qui se passionnent pour les romans. Ainsi, à
827
tructif, le « romancier à succès », de nos jours,
est
devenu un simple reflet de la conscience bourgeoise moyenne. Il ne fa
828
se, pour un propagandiste. Cette crainte — qui ne
fut
jamais celle des grands artistes — fait de notre romancier, tout simp
829
, le propagandiste des goûts de sa classe. Rien n’
est
plus dangereusement tendancieux qu’un écrivain qui n’ose pas affirmer
830
es classes possédantes et de leurs coutumes. Il n’
est
que de voir l’importance démesurée que nos romanciers attachent à la
831
ce que cela porte à conséquences, ce romancier s’
est
condamné lui-même, en fait, à ne plus être que l’agent de publicité —
832
ncier s’est condamné lui-même, en fait, à ne plus
être
que l’agent de publicité — plus ou moins bénévole — des fournisseurs
833
urs loisirs improductifs. Une telle crise ne peut
être
résolue par des mesures de propagande, ni par des lois plus ou moins
834
C’est toutes les bases de la culture actuelle qui
sont
en crise. Faites-nous des œuvres qui affirment, qui combattent, qui m
835
a littérature française de Thibaudetk : celui qui
est
consacré à l’après-guerre. II est vrai que beaucoup de noms y sont om
836
etk : celui qui est consacré à l’après-guerre. II
est
vrai que beaucoup de noms y sont omis, que beaucoup de nos gloires y
837
’après-guerre. II est vrai que beaucoup de noms y
sont
omis, que beaucoup de nos gloires y sont traitées cavalièrement (Maur
838
e noms y sont omis, que beaucoup de nos gloires y
sont
traitées cavalièrement (Maurois-Mauriac : « manque de substance, d’ép
839
toires de leur milieu… »). On a dit : le chapitre
est
bâclé. Je me demande si l’époque méritait mieux. Époque bâclée, elle
840
ration : elle ignorait apparemment que la liberté
est
une conquête, et non pas une facilité. Tout concourait d’ailleurs à f
841
e libération érotique, des mécènes américains… Ce
fut
la grande Permission, la Permission perpétuelle — jusqu’à la crise de
842
e que c’était commode, et parce que les critiques
sont
admirablement disciplinés. (D’ailleurs, tous se connaissent trop bien
843
tiques et éditeurs ; pratiquement, la franchise n’
est
pas possible.) De ces années, et de celles de la crise qui les suit,
844
atine rassurante. Quant au roman contemporain, il
est
curieux que Thibaudet, son premier historien, ne tente d’en sauver qu
845
de siècle que meublera la génération de 1914. Il
est
caractéristique que le livre de Thibaudet se termine sur une note pes
846
duire celle de la société. Tous ces romans-cycles
sont
, en effet, des procès-verbaux de dissolution du monde bourgeois : de
847
se défont, les classes se mêlent, les propriétés
sont
vendues aux enchères ou rachetées par une coucherie, les fils renient
848
Tous les chefs-d’œuvre du genre, au xixe siècle,
étaient
issus d’une société solidement établie, où les types étaient fixes et
849
us d’une société solidement établie, où les types
étaient
fixes et stables, et les relations codifiées, tyranniques : il y avai
850
quand il n’y a plus de convention ? Lorsque tout
est
brouillé, lorsque tout est permis ? Que décrire, sinon ce qui s’écrou
851
vention ? Lorsque tout est brouillé, lorsque tout
est
permis ? Que décrire, sinon ce qui s’écroule — et cela ne peut pas do
852
e peut pas donner les éléments d’un art, si l’art
est
une construction. Il semble bien que la littérature la plus récente s
853
que nous assènent les Céline, Aragon ou Plisnier
sont
bien plus des pamphlets que des romans, des essais illustrés d’exempl
854
erniers livres d’Henri Petit et de Marius Richard
soient
promis à des succès moins tapageurs, mais plus profonds. Nous avons à
855
C’est jeune (10 avril 1937)l L’ironie
est
parfois la meilleure des prudences. C’est la conclusion que je tire d
856
t sans doute approuvée in petto… Mais M. Vandérem
est
réaliste : il trouve que j’en prends à mon aise et que je néglige un
857
lige un peu cavalièrement les contingences. Si j’
étais
plus avancé dans la vie — écrit-il —, je me rendrais compte de tous l
858
pour la critique un chambardement de ce genre. Ce
serait
toute une série de notions à acquérir, d’opinions à se former, de cla
859
nt des mois. On ne saurait mieux dire que le mal
est
aussi grave que je l’indiquais. Et si l’on en doutait encore, c’est M
860
tactique, il me semble que le talent de M. Amoux
est
supérieur à sa tactique ». Faut-il être jeune, tout de même, et peu a
861
e M. Amoux est supérieur à sa tactique ». Faut-il
être
jeune, tout de même, et peu avancé dans la vie, pour s’ébahir, comme
862
ant cela ? Dans quelle illusion ai-je vécu ? Ce n’
est
rien d’écrire, de faire une œuvre, de croire qu’on a quelque chose à
863
consister ? Aucune idée. L’angoisse m’étreint. Je
suis
comme un enfant devant le mystère de « la vie… ». Profitant de mon in
864
s ce journal, une révolution. Quand les clercs en
sont
arrivés — et l’élite — à subordonner leur mission à la « tactique » d
865
tuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)m J’
étais
chômeur depuis trois mois. On m’offrait un abri quelque part, une mai
866
tte ville, au moins pour la jeunesse sans argent,
est
la ville des gérants ignobles et des concierges, des lieux-sombres-et
867
nt, d’affirmer que cela peut se faire, que cela s’
est
fait, qu’il y a là un bonheur… 22 septembre 1934. À… (Gard) Arrivés h
868
attendais, ni ce que j’ai pu rêver de ce pays. Il
est
très pauvre, sec et lumineux. Toutes les nuances du gris, herbes, pie
869
supérieur. 23 septembre 1934 Maintenant les murs
sont
nus : d’un joli vert bleu très clair. Le carreau rouge a été débarras
870
’un joli vert bleu très clair. Le carreau rouge a
été
débarrassé du tapis. J’ai dressé ma table sur des tréteaux. Il ne res
871
eminée — vingt-deux pièces dûment recensées — ont
été
les remplacer. Seul vestige des splendeurs bourgeoises de ce salon :
872
oques de verre taillé. Fascinant, ce lustre. Nous
sommes
éreintés et couverts de poussière. Mais on va pouvoir respirer. 25 se
873
d’emballage. Pas un de ces petits visages qui ne
soit
beau et fin mais incroyablement crasseux. Vers la gare, il y a bien u
874
un nuage… Cela tend à confirmer un soupçon qui m’
est
venu en maintes autres régions de la France : les provinciaux ignoren
875
l’éducation primaire, bienfaisante en principe il
est
vrai, mais tristement abstraite, étroite, appauvrissante en fait. Je
876
ois le chômage s’étendre et s’installer, comme se
sont
installés dans ces villages malsains et mal soignés la tuberculose, l
877
ir la bouteille aux pièces de dix sous. Une chose
est
claire : faire des enfants, dans les conditions actuelles, c’est défi
878
je constate qu’en fait, et dans ce pays tel qu’il
est
, la morale rationnelle et les mesures qu’elle propose, ce n’est guère
879
rationnelle et les mesures qu’elle propose, ce n’
est
guère que le rêve des vieux célibataires assez fortunés, ou ascètes.
880
terminé les vendanges, et la récolte des figues d’
été
. (Les figues d’hiver apparaissent déjà, plus petites et toujours vert
881
« œillades ». C’est leur gros raisin bleu. Nous y
sommes
allés hier au soir. Des hauteurs, on voyait la plaine rose et violacé
882
, déjà dans l’ombre, paraissait désert. Nous nous
sommes
assis sur la terrasse, au pied d’un grand micocoulier. Bientôt un chi
883
s, où elle travaille jusqu’à la nuit tombée. Nous
sommes
dans une cuisine de ferme mais la fermière nous reçoit comme une « da
884
Pensez donc, deux femmes seules ! — C’est que je
suis
chômeur moi-même, Madame… » Elle sourit à son tour, de l’air de dire
885
rit à son tour, de l’air de dire : Oh, vous, ce n’
est
pas la même chose. Elle a sans doute entendu parler de nous. Rien à f
886
s doute entendu parler de nous. Rien à faire : je
suis
un « monsieur ». La fille rentre : une forte femme, environ 35 ans, u
887
Monsieur, sans indiscrétion ? » Je dis mon nom. —
Est
-ce que vous écrivez des articles ? J’en ai lu signés de ce nom-là. Et
888
m’étonne guère, s’agissant de protestantes. Ce ne
sont
pas des bourgeoises, certes, et pourtant elles en sont encore à estim
889
pas des bourgeoises, certes, et pourtant elles en
sont
encore à estimer que chômeur est synonyme de vagabond dangereux. Elle
890
urtant elles en sont encore à estimer que chômeur
est
synonyme de vagabond dangereux. Elles font partie des « travailleurs
891
ont partie des « travailleurs » et pourtant elles
sont
propriétaires. Je vois en elles un type très classique de Françaises
892
ur caricature de société. — Simard, le jardinier,
est
à demi métayer. Est-ce un prolétaire ? Il serait vexé qu’on le lui di
893
iété. — Simard, le jardinier, est à demi métayer.
Est
-ce un prolétaire ? Il serait vexé qu’on le lui dise. Il s’estime fort
894
er, est à demi métayer. Est-ce un prolétaire ? Il
serait
vexé qu’on le lui dise. Il s’estime fort au-dessus d’un mineur retrai
895
etraité, par exemple. Les instituteurs d’A… ? Ils
sont
du peuple. Oui, mais bourgeois par leur profession. Et les Calixte ?
896
te traitera les dames Turc de « koulaks » et tout
sera
dit. Le marxisme part de statistiques et de relations numériques (sal
897
ique. Il ne part pas de ce que les hommes veulent
être
, ni de la conscience globale qu’ils ont de leur état (et c’est pourta
898
e « mystification ». Il part de ce que les hommes
sont
malgré eux, du point de vue abstrait et inhumain de la Statistique. E
899
ssus non seulement des mesures techniques, ce qui
serait
parfaitement légitime, mais une morale, un art et une métaphysique !
900
étaphysique ! Problème de la politique actuelle :
sera-t
-elle l’affaire du meilleur statisticien, ou au contraire de l’homme l
901
? Sera-t-elle fondée sur la réalité telle qu’elle
est
vécue et voulue par les hommes réels et concrets, ou bien sur la réal
902
et concrets, ou bien sur la réalité telle qu’elle
est
chiffrable, inévitable, impersonnelle ? 2 novembre 1934 Minuit. J’ai
903
ssourdis ; de ces veillées fiévreuses, assiégées.
Est
-ce que je les regrette ? Est-ce que l’heure de la nuit où l’on ne dor
904
évreuses, assiégées. Est-ce que je les regrette ?
Est
-ce que l’heure de la nuit où l’on ne dort pas n’est pas toujours l’he
905
t-ce que l’heure de la nuit où l’on ne dort pas n’
est
pas toujours l’heure des mauvaises nostalgies. ? Qui pourrait nous éc
906
re une histoire des inventions de l’insomnie ? Ne
serait
-ce pas tout simplement l’histoire de la naissance de nos démons ? La
907
penserais-je, ici, d’humain, d’actif ? Ici où je
suis
sans prochain, à cette heure ou mes frères (?) les hommes sont plus é
908
chain, à cette heure ou mes frères (?) les hommes
sont
plus éloignés que jamais ? « La nuit est faite pour dormir », me disa
909
hommes sont plus éloignés que jamais ? « La nuit
est
faite pour dormir », me disait un gardien de l’ordre qui m’avait surp
910
voisine. Elles se plaignent du froid. Le fourneau
est
rouge, mais la porte donne au nord-ouest, d’où vient le vent le plus
911
is qui me paraît propre et sobre. La mère Calixte
est
au lit, un gros édredon ramassé sur le ventre, les pieds découverts,
912
bien sa blouse noire aussi. Elle me dit qu’elle a
été
assez mal. On devait lui retirer son linge toutes les deux heures. Qu
913
nde, pensez ! Il ne faut pas croire que la viande
soit
un si bon remède comme on le dit. Je lui ai fait du poulet, elle n’y
914
poulet, ça lui a fait de l’avantage. Voyez ! Ce n’
est
pas vrai que la viande est si bonne pour les malades. » Elle accepte
915
avantage. Voyez ! Ce n’est pas vrai que la viande
est
si bonne pour les malades. » Elle accepte de venir faire une lessive
916
her sur des buissons de ronce. Tous les mouchoirs
sont
plus ou moins déchirés quand on va les récolter. « Voyez-vous ! c’est
917
» 11 novembre 1934 D’une manière générale, ils ne
sont
pas conscients de porter la responsabilité des accidents qui leur arr
918
le détail. C’est assez sage dans l’ensemble. Ils
seraient
moins pauvres, moins malades, etc., s’ils étaient plus « pratiques »
919
eraient moins pauvres, moins malades, etc., s’ils
étaient
plus « pratiques » comme on dit dans la bourgeoisie — où l’on s’imagi
920
l’on s’imagine bien à tort que les gens du peuple
sont
spécialement adroits de leurs mains, débrouillards et pleins de resso
921
ds et pleins de ressources mystérieuses. Mais ils
seraient
moins dignes aussi. Leur dignité est de subir sans se tourmenter. Ils
922
ais ils seraient moins dignes aussi. Leur dignité
est
de subir sans se tourmenter. Ils ne se mettront jamais dans des états
923
de dépend de nous. Ceci vaut pour les femmes, qui
sont
la part la plus civilisée de la population. Ce sont elles qui gagnent
924
nt la part la plus civilisée de la population. Ce
sont
elles qui gagnent ce qu’il faut, elles qui travaillent, elles qui déc
925
ent. Pour les hommes, c’est tout autre chose. Ils
sont
éloquents et naïfs, revendicateurs et inefficaces. La plupart ne font
926
font rien, ou « travaillent le mazet », ce qui n’
est
rien. Les femmes vont à la filature — la dernière qui marche encore —
927
rs 7 francs par jour. Pendant ce temps les hommes
sont
sur la place et protestent contre le gouvernement. Ce sont les radica
928
la place et protestent contre le gouvernement. Ce
sont
les radicaux et les socialistes. Les commerçants sont souvent réactio
929
les radicaux et les socialistes. Les commerçants
sont
souvent réactionnaires et se mêlent peu à ceux de la place. Enfin ceu
930
se mêlent peu à ceux de la place. Enfin ceux qui
sont
occupés par l’imprimerie du journal local, par les garages ou à la Ma
931
du journal local, par les garages ou à la Mairie,
sont
communistes et mènent les affaires du pays. Ils vont à toutes les con
932
à une centaine d’ouvrières, dont le salaire moyen
est
de 7 francs par jour. Faillite de la dernière bonnetterie, ces dernie
933
etterie, ces derniers jours. Le tiers des maisons
est
en ruines, — tout le centre. On croirait une ville bombardée, 2300 ha
934
ificielle. Le cycle normal du progrès capitaliste
est
clos. Lyon a drainé toute la richesse indigène de ce département. Et
935
» (Il voulait dire : scandaleux. Mais un miracle
est
un scandale, après tout. Tradition laïque.) L’autre jour, dans l’auto
936
t, si l’on y réfléchit, résume un drame. Ce drame
est
celui du langage dans notre société présente. Et c’est encore une foi
937
e calembour qui ne joue que sur des sons. Mais il
est
clair que le sens des termes dont nous usons doit subir des métamorph
938
muns sur quoi repose, tacitement, la vie sociale,
sont
aujourd’hui vidés de leur signification à la fois symbolique et préci
939
goûts, que chez nous. Leur résonance sentimentale
est
différente, et c’est pourquoi leur sens est différent, en dépit de ce
940
ntale est différente, et c’est pourquoi leur sens
est
différent, en dépit de ce que l’on pourrait déduire, dans le fait, d’
941
llé des écrivains dans le langage parlé du peuple
fut
affectée de malentendus de ce genre. Voire. Le peuple ne lisait pas,
942
oncret des lieux communs. Aujourd’hui ces données
sont
bouleversées. L’instruction publique et la Presse répandent sinon le
943
sein des conventions communes. Un chacun peut en
être
, et juger comme il veut. Le droit de se tromper, et de tromper grâce
944
it de se tromper, et de tromper grâce au langage,
est
un des droits imprescriptibles que se trouve avoir décrété la Convent
945
se trouve avoir décrété la Convention. Bref, il n’
est
plus de mesure commune : ni l’Église, ni la Culture, ni l’École qui p
946
e pas dire dans le vide (il vaudrait mieux que ce
soit
le vide, dans bien des cas), quels que soient nos efforts vers la rig
947
ue ce soit le vide, dans bien des cas), quels que
soient
nos efforts vers la rigueur et vers l’adaptation de notre style à not
948
rs l’adaptation de notre style à notre action. On
serait
même tenté d’estimer que la plus grande rigueur entraîne la moindre e
949
osent des exigences dont il faut admirer qu’elles
soient
aussi exactement contradictoires. Or, de ces deux antagonistes, c’est
950
Or, de ces deux antagonistes, c’est l’esprit qui
sera
vaincu. Non point qu’il s’avilisse partout ni qu’il se laisse toujour
951
ons toujours dans les 40 à 50. Et une fois qu’ils
sont
là, on peut parler de tout… J’irai d’autant plus volontiers que, deva
952
cembre 1934 Soirée au « Cercle d’hommes ». — Ils
étaient
en effet une quarantaine hier soir. Je suis entré comme ils achevaien
953
ls étaient en effet une quarantaine hier soir. Je
suis
entré comme ils achevaient de boire leur tasse de café au fond de la
954
llustrés, quelques livres sur la table. Puis on s’
est
assis sur des chaises alignées, pour entendre le « conférencier »27.
955
ues passages de l’Écriture. Après quoi le sujet a
été
introduit par l’un des instituteurs. Il s’agissait de « l’histoire de
956
a discussion n’a vraiment démarré que lorsqu’on s’
est
mis à parler d’autre chose que du sujet, c’est-à-dire d’un peu tout :
957
des traditions et anecdotes locales. Discussion n’
est
d’ailleurs pas le mot : c’étaient surtout des questions, des affirmat
958
geois peu cultivé, et sans doute de tout ce qui n’
est
pas « intellectuel » — ne « discute » pas à proprement parler. Son la
959
nt parler. Son langage en tout cas s’y prête mal,
soit
à cause de sa lenteur, soit à cause de ses répétitions pressées. Or c
960
ut cas s’y prête mal, soit à cause de sa lenteur,
soit
à cause de ses répétitions pressées. Or cette lenteur et ces répétiti
961
sser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui
est
dit. (C’est seulement de la langue des écrivains français qu’il est e
962
ulement de la langue des écrivains français qu’il
est
exact de dire, avec tous les manuels, qu’elle est une langue de discu
963
est exact de dire, avec tous les manuels, qu’elle
est
une langue de discussion, parce que toujours elle vise à la formule d
964
très mal au rythme de la réflexion spontanée, qui
est
« péguyste » et non « classique ». Écrivains inutilisables dans la me
965
vains inutilisables dans la mesure où ils veulent
être
de bons écrivains français.) — Que de bonne volonté chez les hommes d
966
! comme ils s’appliquent à comprendre, comme ils
sont
vifs et peu timides, camarades, malicieux et indulgents — leurs bons
967
rend les échanges bien pauvres…) Quand nous nous
sommes
levés pour sortir, le facteur ronflait, le front sur un dossier de ch
968
ronflait, le front sur un dossier de chaise. Il s’
est
relevé, s’est frotté les yeux, est sorti tout tranquillement. J’ai pa
969
ront sur un dossier de chaise. Il s’est relevé, s’
est
frotté les yeux, est sorti tout tranquillement. J’ai parlé avec plusi
970
e chaise. Il s’est relevé, s’est frotté les yeux,
est
sorti tout tranquillement. J’ai parlé avec plusieurs jeunes gens. Que
971
ans ce cercle ? — Il y a de tout. Le quincaillier
est
royaliste, un des instituteurs est objecteur de conscience, la plupar
972
e quincaillier est royaliste, un des instituteurs
est
objecteur de conscience, la plupart sont radicaux ou socialistes. Il
973
tituteurs est objecteur de conscience, la plupart
sont
radicaux ou socialistes. Il vient aussi des communistes, de temps à a
974
il cause bien ». 16 décembre 1934 À N… la mairie
est
tout entière communiste. Ceux des habitants qui ne le sont pas ne sav
975
entière communiste. Ceux des habitants qui ne le
sont
pas ne savent pas trop ce qu’ils sont, à part les châtelains. Ils vot
976
s qui ne le sont pas ne savent pas trop ce qu’ils
sont
, à part les châtelains. Ils votent radical ou socialiste, et se font
977
que les communistes, eux, savent pourquoi ils le
sont
, et connaissent le marxisme ? On m’avait dit : ce n’est pas cela du t
978
t connaissent le marxisme ? On m’avait dit : ce n’
est
pas cela du tout, vous verrez. Être communiste dans ce pays, c’est to
979
ait dit : ce n’est pas cela du tout, vous verrez.
Être
communiste dans ce pays, c’est tout simplement être à gauche, le plus
980
re communiste dans ce pays, c’est tout simplement
être
à gauche, le plus à gauche possible. S’il en est bien ainsi, me dis-j
981
être à gauche, le plus à gauche possible. S’il en
est
bien ainsi, me dis-je, on peut redouter que ces hommes ne sachent pas
982
sens le plus actif : car l’homme dont je parle n’
est
pas un enquêteur, simple curieux ou spectateur. C’est bien plutôt un
983
’aide morale et parfois matérielle, quelqu’un qui
est
responsable de connaître ces gens mieux qu’ils ne se connaissent eux-
984
rraille couronnant des hauteurs ventées. Les rues
sont
étroites et caillouteuses, pleines d’odeurs dès que le vent cesse de
985
odeurs dès que le vent cesse de les balayer. Nous
sommes
installés au presbytère sur une galerie d’où l’on domine un ample pay
986
’on domine un ample paysage horizontal. La plaine
est
à nos pieds, des Cévennes grises au nord jusqu’à l’horizon des collin
987
s au-dessous d’une tache blanche dans un pré, qui
est
le château. Joie de voir un pays dans son ensemble, dans son unité na
988
et plus on les voit de près… — Je comprends qu’il
soit
difficile de parler en général de ses paroissiens. Mais s’ils sont co
989
parler en général de ses paroissiens. Mais s’ils
sont
communistes, ils ne doivent tout de même pas faire partie de votre ég
990
les hommes d’ici ne viennent guère au culte. Ce n’
est
pas l’envie qui manque, mais ils ont peur. C’est toujours la question
991
. — ??? — Oui, vous savez que nos temples du Midi
sont
construits en général sur la place du village. En face ou à côté, il
992
orte de la sacristie, on viendrait bien ! Mais on
est
lâches ! — Et chez eux, les voyez-vous ? Pouvez-vous discuter avec eu
993
z-vous discuter avec eux ? — Guère. Là encore, ce
sont
surtout les femmes qu’on voit. Eux sont au travail, ou au café. — Pou
994
ncore, ce sont surtout les femmes qu’on voit. Eux
sont
au travail, ou au café. — Pourquoi n’iriez-vous pas au café avec eux
995
pas. Mais eux on les étonnerait, et surtout ils y
sont
entre eux. Je n’ai aucune envie d’aller faire l’intrus ou le bon apôt
996
’intrus ou le bon apôtre. Si c’était possible, ce
serait
épatant, je ne dis pas. Mais pratiquement, je vous assure, c’est diff
997
rence entre les chrétiens et les incroyants, ce n’
est
que pas les chrétiens se conduisent mieux que les autres, mais c’est
998
, si nous ne croyons pas en Dieu, nous autres, ce
serait
que nous sommes trop orgueilleux ? » En général, on peut dire que les
999
yons pas en Dieu, nous autres, ce serait que nous
sommes
trop orgueilleux ? » En général, on peut dire que les communistes son
1000
? » En général, on peut dire que les communistes
sont
les plus intelligents du village. Ce sont eux, et eux seuls, qui prop
1001
unistes sont les plus intelligents du village. Ce
sont
eux, et eux seuls, qui proposent des réformes pratiques, qui demanden
1002
ls me posent quelquefois des questions. Mais ce n’
est
pas par la lecture qu’ils viennent au parti. L’affaire, pour eux, c’e
1003
our la plupart — tous les chefs en tous cas —, ce
sont
de petits propriétaires ou des ouvriers travaillant à leur compte. —
1004
vous entendez bien avec eux ? — Ils savent que je
suis
de leur côté, en gros, dans les questions locales où il faut prendre
1005
ur donne, en fait de doctrine. En réalité, ils ne
sont
pas plus marxistes que moi. Ils veulent avant tout vivre et travaille
1006
qu’il n’y a rien d’autre et personne d’autre… Ce
seraient
souvent les meilleures têtes du pays, et on les laisse devenir les «
1007
ement des incroyants, tout en s’imaginant qu’il n’
est
pas un des leurs… Je voudrais définir le croyant véritable : celui qu
1008
onçant aux hommes la vérité et le chemin. Point n’
est
besoin d’actions extraordinaires, surhumaines : se rire des dieux du
1009
inaires, surhumaines : se rire des dieux du monde
est
assez héroïque, dans notre monde, pour qu’il soit vain de chercher mi
1010
est assez héroïque, dans notre monde, pour qu’il
soit
vain de chercher mieux. 12 janvier 1935 Ces cochons-là ! — Simard le
1011
er 1935 Ces cochons-là ! — Simard le jardinier s’
est
fait une forte entaille au doigt en travaillant. Ce gros homme, viola
1012
availlant. Ce gros homme, violacé d’ordinaire, en
est
tout pâle. Je vais discuter le coup avec lui pour le ravigoter. C’est
1013
ne attitude doctorale. La question des assurances
est
une question complexe, comme toutes les questions capitales. Les gens
1014
e légumes. Or la vente des produits de son jardin
est
son seul moyen de gagner). Carré sur son tabouret de cuisine, le doig
1015
d’assurances — et analogues — avec lesquelles il
est
en compte. Je dis compagnies d’assurances, mais lui les nomme plus co
1016
lus couramment « ces cochons-là ». Ces cochons-là
sont
donc au nombre de sept ou huit. Il en totalise sept pour son compte,
1017
compte, et sa dame fait le petit appoint. Elle s’
est
« coupé » la jambe, cela fait bien cinq ans déjà, et « touche » pour
1018
ochon-là » n’a pas répondu, et pourtant la lettre
était
recommandée. Alors il a été voir « une personne encore plus compétent
1019
pourtant la lettre était recommandée. Alors il a
été
voir « une personne encore plus compétente » que lui Simard, et cette
1020
ndée « à la charge du destinataire ». Eh bien, qu’
est
-ce que vous croyez ? Réponse dans les quatre jours ! ah, ils sont com
1021
croyez ? Réponse dans les quatre jours ! ah, ils
sont
comme ça ! Mais voilà que la personne compétente lui dit : « Ce cocho
1022
leur poche. — Tous les mas et mazets des environs
sont
habités par des retraités, des pensionnés, des assurés qui vivent dan
1023
eu ni à diable et à peine à la politique, l’hiver
est
« pourri », la « pulmonie » fait des ravages, et ces cochons-là vous
1024
comme nous autres. » Arriérés, illettrés. Je n’en
suis
plus au temps où j’approuvais certains « Éloges de l’ignorance » plus
1025
l’ignorance — oui, au sens de l’école primaire —
est
un mal qu’il faudrait guérir. Mais je ne puis m’empêcher de penser qu
1026
e puis m’empêcher de penser que ces « illettrés »
sont
peut-être moins bas que ces « assurés ». Ce peuple à la retraite qui
1027
Ligne écrit : « Il ne croit à rien excepté ce qui
est
le moins croyable, étant superstitieux sur tout plein d’objets. » Mal
1028
roit à rien excepté ce qui est le moins croyable,
étant
superstitieux sur tout plein d’objets. » Malchance affreuse du peuple
1029
mbe. 3 février 1935 Déclassé. — L’intellectuel l’
est
toujours. C’est qu’il est d’une classe particulière, dispersée comme
1030
ssé. — L’intellectuel l’est toujours. C’est qu’il
est
d’une classe particulière, dispersée comme les Juifs le sont chez les
1031
classe particulière, dispersée comme les Juifs le
sont
chez les gentils. Pourquoi ne l’ai-je compris vraiment qu’à la faveur
1032
cacher ce fait que l’intellectuel en tant que tel
est
un hors-classe, un être à part, auquel on ne croit pas. (D’où sans do
1033
tellectuel en tant que tel est un hors-classe, un
être
à part, auquel on ne croit pas. (D’où sans doute l’angoisse qui pouss
1034
ituation bien définie dans le corps social). Nous
sommes
méprisés dans la mesure où nous sommes intellectuels, et acceptés — o
1035
ial). Nous sommes méprisés dans la mesure où nous
sommes
intellectuels, et acceptés — ou utilisés — dans la mesure où nous réu
1036
cle d’hommes. — Hier soir le sujet de l’entretien
était
le problème de l’autorité. La discussion dévia bientôt vers le fascis
1037
s simplement que je pus, que le problème fasciste
est
un problème avant tout national ; qu’il s’est posé en Italie dans des
1038
ste est un problème avant tout national ; qu’il s’
est
posé en Italie dans des termes particuliers à ce pays, et qu’en tout
1039
e manière de prévenir utilement un fascisme, ce n’
était
pas de condamner les Italiens et leurs admirateurs français, position
1040
ne prend point parti. Mais l’électeur veut qu’on
soit
pour ou contre, et il se méfie par principe de celui qui distingue et
1041
oviets, de mettre en épigraphe à mon article : Je
suis
contre. Sinon, pour peu que l’article expose le pour et le contre, qu
1042
l’article expose le pour et le contre, quelle que
soit
d’ailleurs ma conclusion, on me classera fasciste ou communiste. Et p
1043
mmuniste. Et pourtant, la mission de l’écrivain n’
est
-elle pas justement d’éduquer le lecteur, j’entends de l’amener à réfl
1044
l d’un intellectuel en chômage , ces pages que je
suis
en train de rédiger à temps perdu. Il est assez sceptique sur le résu
1045
que je suis en train de rédiger à temps perdu. Il
est
assez sceptique sur le résultat de cette entreprise. Pour des raisons
1046
as mentir. — Mais pourquoi n’aime-t-on pas ce qui
est
vrai ? — Parce que c’est gênant. Cela oblige à conclure, une histoire
1047
scret, de ma part, ce journal. Un tel jugement ne
serait
pas très franc, d’ailleurs. L’indiscrétion, en soi, ne gêne pas beauc
1048
urtout la vérité sur une situation matérielle. Il
est
entendu qu’on ne doit pas parler de « questions matérielles » dans un
1049
lement, il se trouve que mon propos, précisément,
est
de montrer, entre autres, la décadence de ce tabou. Je trouve moins i
1050
e désirer.) R. me disait aussi : En somme, vous n’
êtes
pas un vrai chômeur, puisque vous avez la possibilité de travailler.
1051
e vous avez la possibilité de travailler. — Je me
suis
fait moi-même cette objection. Il est clair qu’un intellectuel aura t
1052
r. — Je me suis fait moi-même cette objection. Il
est
clair qu’un intellectuel aura toujours la possibilité de travailler,
1053
é de travailler, pour autant que son vrai travail
est
de penser. Mais je l’appelle chômeur, faute d’autre terme, s’il n’a p
1054
, s’il n’a plus d’emploi, et ne sait plus de quoi
sera
fait le lendemain. — Admettez que cela ne vous empêche pas de vivre a
1055
vez l’air très satisfait de votre situation. Ce n’
est
fichtre pas le cas des vrais chômeurs ! — Ah, c’est vrai, je suis bie
1056
le cas des vrais chômeurs ! — Ah, c’est vrai, je
suis
bien content, malgré tout. — Alors, vous n’êtes donc pas un vrai chôm
1057
e suis bien content, malgré tout. — Alors, vous n’
êtes
donc pas un vrai chômeur. — Mais je ne tiens pas du tout à être un «
1058
un vrai chômeur. — Mais je ne tiens pas du tout à
être
un « vrai chômeur », je vous l’assure ! D’ailleurs j’ai déjà dit que
1059
s l’assure ! D’ailleurs j’ai déjà dit que cela me
serait
pratiquement impossible, sauf gâtisme précoce. Ce n’est pas un mal, j
1060
atiquement impossible, sauf gâtisme précoce. Ce n’
est
pas un mal, je pense, si je suis heureux, bien que sans ressources. M
1061
sme précoce. Ce n’est pas un mal, je pense, si je
suis
heureux, bien que sans ressources. Mais d’autre part, est-ce que le f
1062
eux, bien que sans ressources. Mais d’autre part,
est
-ce que le fait que je suis heureux suffit à me nourrir et à me vêtir
1063
ces. Mais d’autre part, est-ce que le fait que je
suis
heureux suffit à me nourrir et à me vêtir ? Vous n’avez qu’à regarder
1064
vez qu’à regarder la frange de mon pantalon. Ce n’
est
pas avec ça que je pourrais faire une carrière dans le monde, à suppo
1065
je compte dire dans mon journal, c’est qu’on peut
être
très content d’un sort matériel très médiocre. Ce n’est pas nouveau.
1066
ès content d’un sort matériel très médiocre. Ce n’
est
pas nouveau. Et il faut bien reconnaître que ce n’est pas aussi roman
1067
pas nouveau. Et il faut bien reconnaître que ce n’
est
pas aussi romantique et excitant que mon titre pourrait le faire croi
1068
eux travailleurs. Demain dimanche, à 10 heures,
sera
donnée une conférence au profit des vieux, hommes et femmes, âgés de
1069
vous, activez la propagande afin que satisfaction
soit
donnée aux légitimes revendications des vieux ! « L’organisation lutt
1070
urgeois, l’obscurantisme clérical — la conférence
est
à 10 heures, dimanche matin… — et les oligarchies réactionnaires ! Ô
1071
raternité, Déclaration des droits de l’homme ! Il
est
venu, il est venu le jour que la Volonté populaire appelait de tous s
1072
claration des droits de l’homme ! Il est venu, il
est
venu le jour que la Volonté populaire appelait de tous ses espoirs !
1073
de Justice et de passion libertaire, ce grand mot
sera
prononcé, proclamé, acclamé par les travailleurs de Bouillargues, pro
1074
epuis 89 ! Oui, dis-je, ce symbolique mot d’ordre
sera
donné comme un soufflet à la Réaction insolente : « Place aux Vieux !
1075
ente : « Place aux Vieux ! » — On se demande s’il
est
au monde un seul pays, hormis la France, où cette phrase soit possibl
1076
e un seul pays, hormis la France, où cette phrase
soit
possible. Où les partis qui se disent « avancés » osent le proposer c
1077
Où la publication d’un communiqué de ce genre ne
soit
pas accueillie par une traînée de rigolade irrépressible dans toutes
1078
pondre par cette simple déclaration : « La France
est
un pays comblé qui a résolu tous les problèmes économiques urgents. L
1079
s les problèmes économiques urgents. La preuve en
est
fournie par ces phrases cueillies dans un journal révolutionnaire : ‟
1080
ous, activez la propagande, afin que satisfaction
soit
donnée aux légitimes revendications des vieux !” Quand on en est à ce
1081
légitimes revendications des vieux !” Quand on en
est
à cela, dans les partis d’extrême gauche, c’est que l’état social est
1082
partis d’extrême gauche, c’est que l’état social
est
à peu près paradisiaque. » J’ajouterais peut-être ceci : « En tout ca
1083
ut-être ceci : « En tout cas, tout péril fasciste
est
écarté d’emblée pour une nation qui dévoue tous ses enthousiasmes aux
1084
Notre opinion publique, à en croire les journaux,
est
actuellement dominée par le souci des élections académiques et des re
1085
académiques et des retraites aux sexagénaires. N’
est
-ce pas beau, rassurant, émouvant, dans une Europe que l’on croyait en
1086
patronne qui ne répond pas. C’est un habitué, il
est
comme ça. Il faut le laisser frapper le sol de sa canne et redresser
1087
ais il y a bien d’autres aspects. Ces deux hommes
sont
du même niveau social, sans doute parents, de mœurs et de langage par
1088
langage pareils. S’ils s’opposent, c’est que l’un
est
avare et légèrement maboul, l’autre énergique et assez sensé. Simple
1089
n de tempérament. Peut-être aussi le communiste n’
est
-il pas encore parvenu à « mettre de côté » autant qu’il le voudrait.
1090
tre de côté » autant qu’il le voudrait. Mais ce n’
est
pas sûr. Je sais bien une douzaine de ses camarades qui comptent parm
1091
simplement des attitudes morales différentes ? Ce
serait
nouveau… Il y a au fond tout autre chose. C’est moi qui avais acheté,
1092
uppôts, ces retraités radicaux ou socialistes, ce
serait
d’être le parti de la vérité et du bon sens. Ils auraient avec eux to
1093
es retraités radicaux ou socialistes, ce serait d’
être
le parti de la vérité et du bon sens. Ils auraient avec eux tous les
1094
reuve d’une prose abstraite, brutale — eux qui le
sont
si peu ! — et si possible, plus médiocre que celle des grands journau
1095
ystique confectionnée à l’usage des moujiks… Quel
est
l’homme sain qui oserait affirmer que ce quotidien lamentable, hériss
1096
s lecteurs ? Si l’on prend au sérieux le sort qui
est
fait aux ouvriers — ce n’est pas le cas des intellectuels qui « adhèr
1097
sérieux le sort qui est fait aux ouvriers — ce n’
est
pas le cas des intellectuels qui « adhèrent » aux disciplines stalini
1098
plines staliniennes en haine d’une société qu’ils
sont
les seuls à croire encore « chrétienne » — il faut bien dire que le p
1099
nne » — il faut bien dire que le parti communiste
est
une sinistre trahison des pauvres hommes. Beaucoup, je le sais, résis
1100
rend sa situation, et ne voit pas que son journal
est
sans rapport réel avec cette situation. Mais les intellectuels, dont
1101
situation. Mais les intellectuels, dont le métier
est
de comprendre, dont le métier est de vouloir la vérité, dont la seule
1102
dont le métier est de comprendre, dont le métier
est
de vouloir la vérité, dont la seule dignité est d’avoir foi dans le p
1103
r est de vouloir la vérité, dont la seule dignité
est
d’avoir foi dans le pouvoir d’une pensée droite, — on se demande par
1104
ore, parlez-leur de leur travail, de celui qu’ils
sont
en train de faire tandis que vous causez, vous arriverez à leur tirer
1105
leur ouvrage, quand ils savent que les résultats
sont
à la merci soit d’un trust, soit d’un syndicat d’incapables. Ils vous
1106
uand ils savent que les résultats sont à la merci
soit
d’un trust, soit d’un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le m
1107
ue les résultats sont à la merci soit d’un trust,
soit
d’un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal vient de l’Éta
1108
plus de vie, d’initiative, de vrai plaisir. On n’
est
plus fier d’en être, on approuve la jeunesse qui délaisse la terre po
1109
tiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en
être
, on approuve la jeunesse qui délaisse la terre pour la ville. (« C’es
1110
r du peuple, n’écoutons plus ses assemblées, ce n’
est
pas lui. Écoutons les observations que formulent des individus pris à
1111
la lutte contre le capitalisme, tout le monde en
est
, ou feint d’en être ; c’est bien moins concret qu’il ne semble.) Conc
1112
capitalisme, tout le monde en est, ou feint d’en
être
; c’est bien moins concret qu’il ne semble.) Conclusion : il appartie
1113
s journaux, les orateurs et les affiches — et qui
est
la volonté réelle des travailleurs, trahis par le langage politicien.
1114
s, trahis par le langage politicien. La dictature
est
la seule solution de ceux qui refusent d’éduquer le peuple. Dictature
1115
on, voilà le dilemme du xxe siècle. La dictature
est
très facile. Elle n’a qu’un argument très puissant contre nous : sur
1116
mains. C’est peu, dites-vous. Mais rien d’autre n’
est
vrai… 6 mai 1935 La mort et les cérémonies dans le Gard. — La maison
1117
it du lecteur philosophe. Déjà huit mois que nous
sommes
ici, et combien de fois ne sommes-nous pas entrés dans la grande cuis
1118
t mois que nous sommes ici, et combien de fois ne
sommes
-nous pas entrés dans la grande cuisine qui était, pensions-nous, tout
1119
sommes-nous pas entrés dans la grande cuisine qui
était
, pensions-nous, tout leur logis — nous avions cru comprendre que les
1120
nous avions cru comprendre que les autres pièces
étaient
vides ou ne servaient que de débarras —, et rien ne pouvait nous fair
1121
mais elle va passer cette nuit, vous savez, elle
est
toute chargée, bou die, l’estomac et tout. — Mais les Simard ne m’ava
1122
languir bien longtemps. On peut dire que la chose
est
sûre. Et on l’entend ! Trois fois par jour, le bruit d’effroyables di
1123
parvient de la cuisine des Simard. Un beau-frère
est
arrivé, et on partage. C’est toujours assez compliqué. La nuit, par u
1124
la moribonde qu’ils veillent à tour de rôle, ils
sont
venus discuter dans la remise qui est au-dessous de notre chambre, et
1125
rôle, ils sont venus discuter dans la remise qui
est
au-dessous de notre chambre, et leurs éclats de voix nous ont plusieu
1126
être, quand toutes ces maisons vides des environs
seront
habitées par des colonies de jeunes gens — si jamais ils en ont assez
1127
nt — la province deviendra vivable. La révolution
sera
faite. Nous reviendrons… — Demain, il faut remettre en place les aqua
1128
naugurèrent les généraux de la Révolution, et qui
fut
celle de Bonaparte, n’est en somme que l’application du style françai
1129
e la Révolution, et qui fut celle de Bonaparte, n’
est
en somme que l’application du style français à la chose militaire. 2
1130
ompris qu’il faut défendre la culture. Le malheur
est
qu’ils n’envisagent pour cette défense que des moyens fascistes. « To
1131
s décident de tout ! » Compris ? Ces deux phrases
sont
tirées d’un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littératur
1132
éus et Barbusse). Son inculture, dans ce domaine,
est
d’ailleurs franchement avouée par sa veuve : « En Russie, Ilitch ne g
1133
qu’il faut penser de la poésie, mais pour ce qui
est
de la politique, je m’en porte garant, c’est parfaitement vrai. Voil
1134
Père des peuples, sur le même Maïakovski : Il a
été
et il demeure le poète le meilleur, le plus talentueux de notre époqu
1135
ique. L’indifférence à sa mémoire et à ses œuvres
est
un crime. Vous reconnaissez le ton du policier, et du fonctionnaire
1136
nctionnaire arrivé. « L’indifférence à ses œuvres
est
un crime. » Heureusement pour lui que Lénine est déjà mort et momifié
1137
est un crime. » Heureusement pour lui que Lénine
est
déjà mort et momifié ! Je ne sais quelle était l’intention des éditeu
1138
nine est déjà mort et momifié ! Je ne sais quelle
était
l’intention des éditeurs communistes de ce choix. Il en ressort à l’é
1139
ce que les « idées » de Lénine sur la littérature
étaient
en général saines, banales, un peu courtes, et que Staline s’est char
1140
saines, banales, un peu courtes, et que Staline s’
est
chargé d’en extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et d’attard
1141
nt Chamisso, c’est peut-être poussé par l’envie d’
être
enfin deviné, expliqué. Chamisso est français de naissance et d’éduca
1142
r l’envie d’être enfin deviné, expliqué. Chamisso
est
français de naissance et d’éducation. Une excentricité du sort a fait
1143
sans le savoir. Chamisso, lui, s’en étonnera. Tel
est
le calcul de l’homme sans ombre. Surprendre ce Français, c’est passer
1144
’un étranger s’initiant aux croyances d’un peuple
soit
le premier saisi par ce frisson d’absurdité que l’on baptise inspirat
1145
ayé de formuler le symbole enfermé dans le mythe.
Serait
-ce pudeur d’artistes ? Pudeur tout court ? Ou faut-il croire qu’ils o
1146
s d’un tel accident — dont à vrai dire les suites
sont
assez pittoresques pour qu’un « poète » — au sens banal du terme — pr
1147
l, et bien d’autres imitateurs, dont le moindre n’
est
pas Hoffmann… ⁂ L’énigme commença de m’inquiéter lors d’un séjour all
1148
inaire popularité du bonhomme Peter Schlemihl. Je
fus
à l’Opéra. On y donnait du Strauss. Je ne connaissais pas le livret d
1149
s tard je lus le livre qui me parut splendide… Qu’
est
-ce qu’une ombre ? me demandais-je. Quelque chose d’assez méprisable.
1150
ulisent. C’est pour eux l’irréalité même. (« Il n’
est
plus que l’ombre de lui-même ! ») Mais je vois bien qu’ils exagèrent
1151
! ») Mais je vois bien qu’ils exagèrent : si nous
étions
de purs esprits, nous ne projetterions pas d’ombre. L’ombre est la pr
1152
prits, nous ne projetterions pas d’ombre. L’ombre
est
la preuve humiliante de la chair — humiliante pour ceux, du moins qui
1153
a Raison dans le monde des dieux, voudraient bien
être
pris pour des gens raisonnables. Voilà pourquoi, pensais-je, ils mépr
1154
ela ? Rien qu’une évidence assez pauvre : l’ombre
est
le fait, en nous, de notre chair. Mais perdre sa chair, c’est mourir,
1155
chair, c’est mourir, et cet infortuné Schlemihl n’
était
tout de même pas mort d’avoir perdu son ombre… Il était même si vivan
1156
tout de même pas mort d’avoir perdu son ombre… Il
était
même si vivant, et sa présence si gênante, que je tentai de le contra
1157
cœur. Signalement de Peter Schlemihl Peter
est
un naïf : il croit à la fortune. Il croit surtout qu’elle seule assur
1158
urgeois riches. D’où vient le sentiment qu’il a d’
être
inférieur. Le diable sait cela : c’est par là qu’il le tient. Peter l
1159
usement, méchamment, contre lui ! Un secret, ce l’
est
bien pour eux, comme toutes les choses trop naturelles que l’on possè
1160
nnaît, comme Adam et Ève l’innocence ?) Schlemihl
est
donc le type classique de l’homme qui perd le contact social. L’or mê
1161
e : on aime Schlemihl pour tout ce qu’il a, qui n’
est
pas lui. Ce sont les femmes, bien entendu, qui le devinent. Quel est
1162
emihl pour tout ce qu’il a, qui n’est pas lui. Ce
sont
les femmes, bien entendu, qui le devinent. Quel est le rapport social
1163
t les femmes, bien entendu, qui le devinent. Quel
est
le rapport social le plus réel ? Admettons que ce soit le mariage sur
1164
le rapport social le plus réel ? Admettons que ce
soit
le mariage surtout pour ce philistin-là. Toutes les ruses de Peter éc
1165
e reste-t-il à un tel homme ? Le suicide ? Rien n’
est
plus loin de sa pensée. Sa vision du monde serait exactement celle d’
1166
n’est plus loin de sa pensée. Sa vision du monde
serait
exactement celle d’un philistin sympathique, d’un philistin sans exig
1167
reil aux autres, sauf en ce je ne sais quoi qui n’
est
rien et devient l’essentiel, notre philistin méconnu se voit chassé d
1168
de bottes usagées. Mais voilà bien sa chance, ce
sont
les bottes de sept lieues ! Désormais il échappe à la vie, au voisina
1169
er une espèce d’activité, purement descriptive il
est
vrai, solitaire, presque mécanique : il dresse un vaste catalogue de
1170
maniaque (ou universitaire-érudite)… Nul doute n’
est
plus permis : Schlemihl est schizoïde. Chamisso, heureusement pour lu
1171
érudite)… Nul doute n’est plus permis : Schlemihl
est
schizoïde. Chamisso, heureusement pour lui, n’en savait rien. Il sava
1172
les symboles. Car, pour la vie spirituelle, il n’
est
pas de lieux séparés, on peut toujours passer de l’un à l’autre par q
1173
l’autre par quelque ruse de la métamorphose, qui
est
la vie même de la vie. Et pourquoi dire dès lors : ceci est cause de
1174
même de la vie. Et pourquoi dire dès lors : ceci
est
cause de cela ? Quand l’inverse est au moins aussi probable. Et quand
1175
s lors : ceci est cause de cela ? Quand l’inverse
est
au moins aussi probable. Et quand rien ne dépend à coup sûr que du to
1176
tation : « Celui qui, dans un domaine quelconque,
est
considéré comme anormal au point de vue social et moral, celui-là peu
1177
al au point de vue social et moral, celui-là peut
être
considéré comme anormal dans sa vie sexuelle »37. Nous venons de voir
1178
e sexuelle »37. Nous venons de voir que Schlemihl
est
le type même de l’inadapté, — celui qui ne peut « trouver sa place au
1179
entiellement des états d’âme d’un homme sain ? Ne
sont
-ils pas plutôt de simples fixations d’états qui, normalement, ne tard
1180
e ? Plus précisément, l’état de Peter Schlemihl n’
est
-il pas comparable à celui d’un esprit et d’un corps sains après « l’a
1181
légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il
était
un peu en arrière des choses, lent à démêler le monde où il revient,
1182
mais aussi quelques fois, hostiles. (Et cela peut
être
comme une première influence de ce qu’on nommera chez un malade, foli
1183
à jour, et lui-même, d’où l’impression qu’il a d’
être
mal défendu contre les regards qu’il rencontre, transparent dirait-on
1184
pouvait exprimer qu’un fait humain élémentaire. J’
étais
déçu de le voir se réduire à quelque chose d’aussi précis, et que mil
1185
vient de l’homme et se forme d’après lui : telle
est
aussi la Liquor, qui est « l’ombre intérieure. » Une lecture plus pou
1186
orme d’après lui : telle est aussi la Liquor, qui
est
« l’ombre intérieure. » Une lecture plus poussée de Paracelse devait
1187
rieuses et profondes, que la portée de ce passage
était
en vérité beaucoup plus vaste que tout ce que permettait d’imaginer l
1188
iroir auquel la nature se regarde en nous. » Elle
est
ainsi l’agent microcosmique, la puissance même de notre créativité da
1189
me de notre créativité dans tous les ordres. Elle
est
ce qu’il y a de plus noble dans le corps tout entier et dans l’homme.
1190
a créativité : c’est à quoi se ramène tout ce qui
est
vraiment grave dans notre vie ; et la fameuse « question sexuelle » n
1191
son importance démesurée que du seul fait qu’elle
est
une image physique du pouvoir créateur spirituel. Comme on peut le vo
1192
mme on peut le voir par l’examen de la pudeur. Ne
serait
-ce point pour la raison qu’en beaucoup d’êtres la créativité paraît a
1193
e serait-ce point pour la raison qu’en beaucoup d’
êtres
la créativité paraît avoir son siège dans le seul sexe, que la pudeur
1194
voir son siège dans le seul sexe, que la pudeur s’
est
localisée là ? Ne serait-ce point pour cette raison que l’homme cherc
1195
seul sexe, que la pudeur s’est localisée là ? Ne
serait
-ce point pour cette raison que l’homme cherche à le dissimuler comme
1196
une excessive sincérité dans ses écrits. (Il peut
être
d’ailleurs, au sens courant du mot, le plus « pudibond » des bourgeoi
1197
he son secret le plus profond, le plus sacré, qui
est
le pouvoir de création que l’on possède, c’est naturel ; mais non du
1198
’âme se distinguent de plus en plus, et cessent d’
être
reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et cell
1199
cesse-t-elle d’exister — normalement — quand deux
êtres
s’aiment ? Parce que le sexe reprend alors sa « propriété » symboliqu
1200
eprend alors sa « propriété » symbolique. (Ce qui
est
douteux, non propre, c’est ce qui, en moi, m’est étranger). Revenons
1201
est douteux, non propre, c’est ce qui, en moi, m’
est
étranger). Revenons alors à notre mythe : la transparence, c’est l’ab
1202
e d’ombre, donc de secret. Or le secret « sacré »
étant
le lieu de la créativité dans la personne, celui qui a perdu son ombr
1203
spirituellement, ou de quelque autre sorte, il n’
est
plus un homme créateur. À l’inverse, la chasteté (spirituelle ou corp
1204
l’on appellera plus tard le vague à l’âme, — qui
est
aussi bien le vague au corps… Le roman d’Hoffmannsthal — contre-épreu
1205
hamisso. Les amateurs d’absurdités lyriques, j’en
suis
parfois, devraient se garder d’affadir une telle œuvre, n’y admirant
1206
hamisso ne signifie. Il y suffit d’ailleurs qu’il
soit
vraiment un art — tout effort digne de ce nom établit d’abord une act
1207
ordre, un sens donné… C’est par là que Chamisso s’
est
sauvé de lui-même : s’il a fait Schlemihl comme on sait, en grande pa
1208
s de sept lieues qui traverse encore notre vie, n’
est
-ce pas l’ombre de Chamisso ? Une ombre qui a perdu son homme, cette f
1209
il n’en veut plus, il veut du vraisemblable ! Il
est
retombé dans le roman insignifiant. P.-S. Je n’ai pas voulu alourdir
1210
so, selon lequel l’idée de Peter Schlemihl aurait
été
donnée à son auteur par un de ses parents, au cours d’un séjour à Par
1211
s d’un séjour à Paris. L’origine du conte célèbre
serait
donc bien française, et Barrès s’en réjouit. Il va jusqu’à soutenir q
1212
éjouit. Il va jusqu’à soutenir que l’ombre perdue
serait
le symbole de la patrie (française) perdue par Chamisso. Les document
1213
théorie de la sexualité. La définition du normal
est
donc ici : adapté au milieu social. Qui ne voit ce qu’on pourrait tir
1214
qu’en insistant sur le contraire : l’anormal peut
être
créateur d’un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’une no
1215
de, comme dans Schlemihl. Aussi bien, le diable n’
est
-il pas dans l’affaire, cette fois-ci. 39. Selon Paracelse toujours,
1216
ai sous la main. Voici d’abord la table que je me
suis
fabriquée : j’ai trouvé dans le chai deux tréteaux et deux planches b
1217
t des treilles pour la pêche aux crevettes. Je me
suis
procuré un petit tonneau de vin blanc de l’île. C’est un clairet asse
1218
aisse peut-être un léger goût iodé, au moins l’on
est
tenté de l’imaginer : la vigne croît ici au ras d’un sol sablonneux q
1219
eau vertige de liberté. Depuis six jours que nous
sommes
arrivés, je n’ai lu que les Règles de Descartes, comme on ferait un m
1220
a place principale. Au milieu de cette place, qui
est
un vaste rectangle de terre jaune, les habitants plantèrent à la Révo
1221
à la Révolution un arbre de la Liberté. Cet orme
est
devenu gigantesque, majestueux exemplaire dans sa symétrie architectu
1222
e. Il domine toutes les maisons et le clocher. Il
est
seul au-dessus du pays. Je voudrais le dessiner dans le style rom ant
1223
d on aborde le village où l’on va vivre. Celle-ci
est
énorme et goutteuse. Elle a des douleurs dans les jambes, et m’en par
1224
on de rester ici tout l’hiver ? — C’est plutôt en
été
qu’on vient chez nous, me fait-elle prudemment observer. — Je le sais
1225
xpliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’
est
-ce que cela signifie ? Écrire pour les journaux, sans doute, mais il
1226
aient en silence, le nez sur leurs sabots, que je
sois
sorti. La mère Aujard n’a pas toujours ce qu’on voudrait. En hiver el
1227
ler de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’
est
pas simple d’éviter d’être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c
1228
place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’
être
vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent, on me l’a dit
1229
es augmenteront bien plutôt pour le punir d’avoir
été
en face. Sans compter qu’on n’aime pas être accueilli par la réprobat
1230
’avoir été en face. Sans compter qu’on n’aime pas
être
accueilli par la réprobation sournoise d’une épicière. 21 novembre 19
1231
avec une grande enveloppe contenant un manuscrit.
Est
-ce une lettre ? — Non. — Est-ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la m
1232
tenant un manuscrit. Est-ce une lettre ? — Non. —
Est
-ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a
1233
ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. —
Est
-ce qu’il n’y a rien d’écrit à la main ? — Si, il y a des corrections
1234
elle me tend une formule de télégramme, mais ce n’
est
pas un télégramme, c’est une notification officielle d’avoir à verser
1235
l faut donc que je m’exécute, sinon c’est lui qui
sera
forcé « d’y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour ar
1236
e cause un peu, pour me faire pardonner. Pédenaud
est
mutilé de guerre. Il boite. On lui a donné cette recette auxiliaire à
1237
n comptant tout ». Sa femme fait des lessives. En
été
ils pêchent des palourdes et les vendent aux baigneurs. Bien entendu,
1238
de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre. Il
est
exactement de l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dans ce
1239
n des plus charmants dans cette espèce, mais ce n’
est
point pour cela que j’en parle ici. C’est pour une raison très précis
1240
lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous
sommes
réveillés couverts de puces. J’exagère à peine : pour mon compte, j’e
1241
r. Je n’en menais pas large. Comme la mère Renaud
était
venue nous voir la veille, nous ne cherchâmes pas plus loin la cause
1242
herchâmes pas plus loin la cause du phénomène. Il
est
vrai qu’on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrai
1243
s. Or, peu de jours auparavant, un petit hérisson
était
venu se mettre en boule dans la plate-bande qui borde la maison, sous
1244
olette, je sais maintenant pourquoi notre chambre
était
pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un sym
1245
je vois là comme un symbole. Les livres devraient
être
utiles. 23 décembre 1933 J’écris ceci sur une table de café. À traver
1246
ndant le départ de l’autobus pour Taillefer. Nous
sommes
attablés ici depuis un bon moment déjà, tout contents de revoir le va
1247
ec de notre première tentative d’autonomie. Je ne
suis
pas arrivé à gagner assez vite ce qu’il nous fallait pour subsister a
1248
otre réserve. J’ai travaillé beaucoup, mais je ne
serai
pas payé avant un mois. Or, un mois, ou même une semaine, cela compte
1249
n jour près la date d’arrivée des renforts. Je ne
suis
pas trop fier de ma retraite stratégique, mais tout de même bien déci
1250
ce du directeur de la Guilde, M. A. Mermoud, nous
sommes
en mesure d’offrir à nos lecteurs la primeur de quelques pages de ce
1251
pages, l’auteur peint notamment le milieu où il s’
est
retiré, une petite île vendéenne. »
1252
rtance des autocars et des transformations qu’ils
sont
en train de causer dans la vie provinciale. Je n’ai pas compté le nom
1253
er dans plusieurs départements de l’Ouest qu’il n’
est
plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou même t
1254
l’Ouest qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne
soit
desservi par une ou deux ou même trois compagnies de transports locau
1255
ent « la coutume » de la France rurale. Mais ce n’
est
pas encore assez dire : l’autocar modifie complètement le mode de con
1256
llait à Paris ou qu’on en venait. Tout le reste n’
était
que tortillards cahotants, jamais à l’heure, où l’on se sentait relég
1257
que village. Aujourd’hui, les stations d’autocars
sont
sur la place principale. C’est de là qu’on part au milieu d’une grand
1258
l’on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée
était
une sorte d’insulte à la vie locale ; elle la traversait abstraitemen
1259
art sans remarquer que les gens qui l’habitent ne
sont
pas tous de la même sorte, et que d’une province à une autre, ce n’es
1260
me sorte, et que d’une province à une autre, ce n’
est
pas seulement le paysage qui change. N’était-ce pas là l’une des rais
1261
, ce n’est pas seulement le paysage qui change. N’
était
-ce pas là l’une des raisons qui faisait, si facilement nier la subsis
1262
ent au départ avec force recommandations ; et ils
sont
rares, ceux qui n’ont pas deux mots à dire par la portière entr’ouver
1263
cheveux au vent, sur le bord de la route. Rien n’
est
plus sympathique qu’un conducteur de car. Cela tient évidemment à leu
1264
r de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce
sont
en général de jeunes gaillards solides et gais, et qui ont toutes les
1265
accordées à ceux qui commandent et disposent, ne
fût
-ce que pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec l
1266
et la rapidité d’esprit que les bourgeois, qui en
sont
dépourvus, attribuent par erreur au « peuple » en général. Sans compt
1267
r les moyens techniques dont ils disposent et qui
seraient
décisifs lors d’une action rapide. Mais loin de moi ces ambitions : c
1268
ux qui les ont n’en parlent pas, dit-on. Et je ne
suis
qu’un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais
1269
é dans l’autocar de Taillefer voulait savoir quel
était
mon métier. Et quand j’eus dit que je n’en avais aucun, et que je n’é
1270
nd j’eus dit que je n’en avais aucun, et que je n’
étais
qu’un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’écria : « Ah !
1271
s. Je dis les antres. De toute façon, un écrivain
est
par nature un empêtré. Et voilà le paradoxe et l’injustice : c’est qu
1272
e les sciences dites exactes, dont les fondements
sont
renversés tous les vingt ans de fond en comble. Je ne pense pas que l
1273
e ne pense pas que la transcendance puisse jamais
être
« simplement la nature ». Voyez chez Goethe, chez Tolstoï, chez Nietz
1274
Tolstoï, chez Nietzsche : dans la mesure où elle
est
un élément de transcendance, la nature devient divinité (et ne peut p
1275
l’on se proposait justement de combattre, et qui
est
celle de l’État totalitaire. Or, pour convaincre, il faut entre autre
1276
Beausire. C’est au nom du personnalisme. Mais qu’
est
-ce que le personnalisme ? « C’est l’amour abstrait de l’humanité. » E
1277
sme, c’est l’amour concret des hommes réels. Ce n’
est
pas « la bonté, la charité (vertus toutes passives et féminines) » (a
1278
romand ; (qu’il me pardonne !). Le personnalisme
est
bien plus qu’une morale, s’il en suppose une. Il est, à mon sens, la
1279
bien plus qu’une morale, s’il en suppose une. Il
est
, à mon sens, la tradition centrale de l’Occident, l’élément civilisat
1280
nir. Et l’individualisme et les collectivismes ne
sont
que les déviations complémentaires et périodiques de cette ligne de p
1281
rande efficacité. Le mouvement personnaliste ne s’
est
constitué comme tel, et n’a pris ce nom, que parce que dans l’Europe
1282
nscience active de ce qui, depuis nos origines, n’
était
que le sous-entendu de tous nos efforts créateurs. Cette prise de con
1283
rts créateurs. Cette prise de conscience active s’
est
effectuée diversement selon les milieux et les groupes. En France, el
1284
lon les milieux et les groupes. En France, elle s’
est
traduite surtout en termes catholiques et en termes proudhoniens ; ch
1285
anarchisme, etc. Comme l’Europe, le personnalisme
est
essentiellement pluraliste, c’est-à-dire : fédéraliste. Il exalte les
1286
de la cité qui leur permette de s’exprimer. Telle
est
la forme que revêt « la charité personnaliste », pour reprendre une f
1287
ndre une formule d’Arnaud Dandieu (qui d’ailleurs
était
nietzschéen). Que le christianisme vrai revive dans ce mouvement, je
1288
e christianisme vrai revive dans ce mouvement, je
serais
mal venu à le nier. En tant que protestant personnaliste, je tiens qu
1289
naissent l’Histoire, et savent de quoi l’Europe s’
est
faite. Pierre Beausire ne craint pas de proclamer que « si l’on veut
1290
t ». Je ne craindrai pas de lui répondre que ce n’
est
pas là parler en homme, ni en enfant, mais en adolescent impénitent.
1291
he. Mais non pas encore dans l’Histoire ? Si ce n’
est
pas une utopie de plus, un refuge pour les faibles et les sceptiques,
1292
’engageant, et préfèrent la littérature ; si ce n’
est
pas une manière de « grève perlée » que de n’accepter la lutte que da
1293
epter la lutte que dans ces termes ; si cet idéal
est
possible, si Beausire connaît de tels chefs, ou désire en devenir un,
1294
ne du Jutland. Un jour, accablé par la misère, il
était
monté sur un tertre et il avait maudit le Dieu Tout-Puissant qui le l
1295
a vie, et la révélation qu’en eut plus tard Søren
fut
décisive pour son développement religieux. Mais le défi jeté à Dieu s
1296
rompues au bout d’un an. L’idée que Kierkegaard s’
était
formée du mariage était trop absolue pour comporter une réalisation p
1297
L’idée que Kierkegaard s’était formée du mariage
était
trop absolue pour comporter une réalisation pratique. Le « tout ou ri
1298
une réalisation pratique. Le « tout ou rien » qui
est
sa devise devait fatalement le conduire au refus d’une perspective de
1299
trop longs. Mais on savait aussi que cet original
était
le plus grand écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense
1300
us… » Le seul événement extérieur de sa vie avait
été
la rupture de ses fiançailles. Mais l’acte qui résume toute son œuvre
1301
ut mourir certain d’avoir accompli sa mission, ce
fut
l’attaque qu’il mena contre l’Église établie et contre dix-huit siècl
1302
on ne naît pas chrétien, et même on ne peut pas l’
être
, il faut sans cesse le devenir, et le devenir dans l’instant de la fo
1303
enir, et le devenir dans l’instant de la foi, qui
est
l’instant de l’acte d’obéissance. Cessons de prendre le christianisme
1304
ien. Il se trouvait devant un monde où tout avait
été
brouille : sérieux et plaisanterie, valeurs éternelles et opportunism
1305
énorme scandale. Il décrivait la vie de Nynster.
Était
-ce celle d’un témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un
1306
n témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie
est
familière avec toute espèce de souffrance, … un homme qui témoigne da
1307
méconnu, déteste, insulté, bafoué — un homme qui
est
flagellé, torturé, traîné en prison, et puis enfin — car c’est bien d
1308
jeté par le bourreau dans un endroit écarté, sans
être
enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa vie et son existence, sa mo
1309
on enterrement, et l’évêque Nynster, nous dit-on,
fut
un des vrais témoins de la vérité ! En vérité, il y a quelque chose d
1310
, et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynster
était
un témoin de la vérité. Cas symbolique aux yeux de Kierkegaard. Il f
1311
pel à l’ordre. Il le devint lui-même, de tout son
être
. Et il savait ce que cela devait lui coûter. Car le monde ne tolère j
1312
ependant, s’aperçoivent que l’entreprise pourrait
être
mortellement compromettante. Aussi l’histoire de la pensée n’est-elle
1313
t compromettante. Aussi l’histoire de la pensée n’
est
-elle peut-être que la chronique de ses retraites éloquentes. Très peu
1314
de sa passion et l’accomplissement de sa foi, tel
fut
le sort de Kierkegaard, son incommensurable grandeur. Un acharnement
1315
les innombrables tentations d’une religion qui n’
est
pas Dieu ; et soudain, sur son lit de mort, cette phrase : Je ne pen
1316
t de mort, cette phrase : Je ne pense pas que ce
soit
mauvais, ce que j’ai dit, mais je ne l’ai dit que pour l’écarter, et
1317
dernier de cette vie et de cette mort. Le premier
est
de Kierkegaard : Forcer les hommes à être attentifs et à juger, c’es
1318
premier est de Kierkegaard : Forcer les hommes à
être
attentifs et à juger, c’est exactement prendre le chemin du vrai mart
1319
l’aide de son impuissance. Il force les hommes à
être
attentifs. Ah ! Dieu sait s’ils deviennent attentifs, ils le tuent. M
1320
de) : Il tient sa maladie pour mortelle. Sa mort
serait
nécessaire à l’action à laquelle il a consacré toutes ses forces spir
1321
ra sa lutte religieuse, mais il craint qu’elle ne
soit
alors affaiblie. Au contraire sa mort donnera de la force à son attaq
1322
84 ⁂ De cette œuvre considérable, il ne saurait
être
question, ici, de résumer ne fût-ce que les thèmes directeurs. Il fau
1323
, il ne saurait être question, ici, de résumer ne
fût
-ce que les thèmes directeurs. Il faut y aller voir dans ses livres tr
1324
entale que Jean Wahl publie ces jours-ci. Mais il
sera
peut-être utile d’insister sur deux caractères qui ne peuvent manquer
1325
alectique du sérieux et de l’ironie. Kierkegaard
est
difficile parce qu’il est simple. « La pureté du cœur, c’est de voulo
1326
l’ironie. Kierkegaard est difficile parce qu’il
est
simple. « La pureté du cœur, c’est de vouloir une seule chose », écri
1327
conformismes, et même à nos plus hauts désirs. Il
est
désespéré, mais c’est à cause de la foi. Et s’il espère, c’est « en v
1328
taire, dont nul ne trouvera l’antidote : qu’il en
soit
mort, atteste ce fait capital que la pensée humaine ne peut être irré
1329
ste ce fait capital que la pensée humaine ne peut
être
irrémédiable. Tous les autres, sauf Empédocle et Nietzsche, ont refus
1330
oievsky. Oui, même ceux-là ! Même ces deux-là qui
sont
allés si loin dans la passion de l’absolu chrétien, mais seul Kierkeg
1331
on de l’absolu chrétien, mais seul Kierkegaard en
est
mort. Une pureté presque inhumaine, voilà ce qui définit sa grandeur.
1332
surhomme. Quant au « sérieux » de Kierkegaard, il
est
de nature à tromper le lecteur mille manières. On peut se laisser pre
1333
par l’ironie de l’éternité. L’éternité, pour lui,
est
une ironie sur le temps, à laquelle le temps finira bien par succombe
1334
ue de sérieux. C’était bien vu. Mais notre auteur
était
-il sérieux lui-même en écrivant cela, ou bien faisait-il une phrase ?
1335
vant cela, ou bien faisait-il une phrase ? Ce qui
est
sérieux, est seul important, mais tant de gens « font les importants
1336
bien faisait-il une phrase ? Ce qui est sérieux,
est
seul important, mais tant de gens « font les importants ». Où est la
1337
nt, mais tant de gens « font les importants ». Où
est
la différence ? C’est que le sérieux vrai est en définitive dans le s
1338
Où est la différence ? C’est que le sérieux vrai
est
en définitive dans le seul acte de foi, qui jette sur nos sérieux, po
1339
aisantes en général), un « soupçon » d’ironie qui
est
infiniment pire qu’une ironie. Car peut-être que l’acte de foi n’exis
1340
. Car peut-être que l’acte de foi n’existe pas, n’
est
qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, un saut d
1341
uvé dans la foi, ou mieux : tant que la foi — qui
est
don de Dieu — ne m’a trouvé. Kierkegaard a eu trois descendances spir
1342
a eu trois descendances spirituelles. La première
est
littéraire : ce sont les dramaturges et les poètes du Nord, dont le p
1343
ces spirituelles. La première est littéraire : ce
sont
les dramaturges et les poètes du Nord, dont le plus grand nom est Ibs
1344
ges et les poètes du Nord, dont le plus grand nom
est
Ibsen. La seconde philosophique : l’école « existentielle » d’Allemag
1345
e dialectique, qui sous l’impulsion de Karl Barth
est
en train de sauver l’honneur et l’existence même des églises allemand
1346
re des centaines d’ouvrages et d’articles. Ce qui
est
certain, c’est qu’à la différence de Nietzsche, personne ne parviendr
1347
e puis l’exprimer par cette seule phrase : ‟Je ne
fus
pas comme les autres” ». 83. Point de vue explicatif sur mon activi
1348
reprise hardie que d’aller dire aux hommes qu’ils
sont
peu de chose », s’écrie Bossuet (Sermon sur la mort, 22 mars 1662). Q
1349
à celui qui doit se montrer aux hommes tel qu’il
est
? S’entendre dire que l’homme en général est peu de chose, n’est pas
1350
u’il est ? S’entendre dire que l’homme en général
est
peu de chose, n’est pas trop humiliant pour qui se flatte d’une image
1351
e dire que l’homme en général est peu de chose, n’
est
pas trop humiliant pour qui se flatte d’une image de soi composée dan
1352
e soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’
est
pas avoué devant les autres, on peut toujours s’estimer singulier, c’
1353
ulier, c’est-à-dire supérieur à la masse. Et ce n’
est
pas encore franchement s’avouer que de se comparer aux seuls humains
1354
ous met en mesure d’approcher. L’épreuve décisive
est
celle que l’on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien
1355
dans notre vie n’attendait et ne prévoyait. Ce n’
est
qu’au prix d’un désordre social — selon les préjugés du régime établi
1356
, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel
est
ce certain degré ? À quel niveau placer cette limite inférieure ? La
1357
concret d’une vie connue. Prenons deux hommes qui
furent
tous deux de prodigieux producteurs d’idées : deux hommes qui ont écr
1358
de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier
était
riche et dépensait sans compter85. Le second était si pauvre, au mome
1359
tait riche et dépensait sans compter85. Le second
était
si pauvre, au moment où il écrivit ses plus grandes œuvres qu’il ne l
1360
contre ses effroyables maux de tête. De plus, il
était
à demi aveugle… Confort et culture. — À ceux qui n’ont rien, il fau
1361
ose, il faut rappeler que la recherche du confort
est
ce qui s’oppose le plus radicalement à toute culture véritable. Île
1362
Je l’avais oubliée à Paris. La nuit des villes n’
est
pas cette mort opaque dont il faut redouter je ne sais quelle invisib
1363
menaces originelles. Par temps clair, les étoiles
sont
très grosses et molles au-dessus du jardin. Mais il arrive que le noi
1364
s au-dessus du jardin. Mais il arrive que le noir
soit
compact. Je me dirige à peu près le long de l’allée unique, entre les
1365
s cette nuit. Fin de séjour à A… (Gard). — Tout
est
en place. Je garderai toutefois le plan d’aménagement et de décoratio
1366
… Les vingt-deux pièces du dessus de cheminée ont
été
replacées au millimètre, dans une symétrie impeccable. Mais tout l’ef
1367
cable. Mais tout l’effet de notre labeur risque d’
être
détruit par une odieuse malice du sort. Nous avions descendu du deuxi
1368
lourd sommier pour en faire un divan. L’escalier
est
étroit. La descente s’était opérée sans trop de mal lors de notre arr
1369
re un divan. L’escalier est étroit. La descente s’
était
opérée sans trop de mal lors de notre arrivée. Mais nous n’avions pas
1370
une heure. Quand la propriétaire reviendra pour l’
été
, elle se heurtera à ce sommier monumental dans sa pose scandale et ma
1371
monumental dans sa pose scandale et ma réputation
sera
faite ! Fuyons, fuyons ! (Été à Paris). Impossibilité du libre-écha
1372
et ma réputation sera faite ! Fuyons, fuyons ! (
Été
à Paris). Impossibilité du libre-échange humain. — Considération irri
1373
, aux mains, à l’attitude distraite et vraie d’un
être
isolé près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buanderie et
1374
ins parfums de femmes, rien que pour regarder des
êtres
et vivre un moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le temps
1375
ai sans doute vécues, adolescent — et sûrement ce
serait
bien autre chose… La femme descend sans se retourner ; l’homme déplie
1376
rs, je pense à autre chose, à quelque chose qui n’
est
pas d’ici. Et déjà je ne comprends plus pourquoi j’ai eu ce fort dési
1377
ans le métro, de tutoyer mes compagnons de route.
Était
-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écr
1378
ur. La même déception de l’amour, parce rien ne s’
est
produit, rien ne peut se produire, pour tant de mauvaises raisons qui
1379
t se produire, pour tant de mauvaises raisons qui
sont
plus fortes que nous tous. — Et alors, dira-t-on : « Faire la révolut
1380
be à fleurs sur le quai désert du métro, enfin un
être
vrai. Conclusion. — S’occuper des « petits-faits-vrais » vaut mieux
1381
pas qu’il vaut moins qu’un grand fait vrai, comme
serait
, par exemple, une grande idée embrassée avec force au mépris de soi-m
1382
nom, un fait qui commande tous les autres et qui
est
la mesure de tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu es seul à p
1383
e de tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu
es
seul à pouvoir le connaître — lève-toi et regarde les choses, les ges
1384
jamais qu’un appel à devenir toi-même ce fait qui
est
plus fort que toi. Car il est tout ce que le monde attend, attend de
1385
oi-même ce fait qui est plus fort que toi. Car il
est
tout ce que le monde attend, attend de toute éternité pour aujourd’hu
1386
alisée en argent liquide, chez son beau-frère. Il
était
adversaire du prêt à l’intérêt, condamné par l’église primitive. Il d