1 1936, Articles divers (1936-1938). Forme et transformation, ou l’acte selon Kierkegaard (janvier 1936)
1  se rapporte à ce seul problème : comment devenir chrétien  ». Car on n’est pas chrétien, et même on ne peut pas l’être, mais il
2 me : comment devenir chrétien ». Car on n’est pas chrétien , et même on ne peut pas l’être, mais il faut le devenir. Et le problè
3 ouvons connaître que ce que nous prophétisons. Le chrétien marche dans la nuit en créant sa lumière et son chemin5, lumière qui
4 nulle préparation. « Comment un homme devient-il chrétien  ? Tout simplement : prends n’importe quelle règle d’action chrétienne
5 mplement : prends n’importe quelle règle d’action chrétienne , — ose la mettre en pratique. L’action que tu introduiras ainsi dans
6 c’est la marque de tout ce qui est véritablement chrétien (Journal). Vends ton bien et le donne aux pauvres, par exemple, ou si
7 cesse d’en désirer la possession, et vis comme un chrétien  : au jour le jour, sans assurances et sans préparation, à la grâce de
8 n qui commence à ses pas, — c’est là le destin du chrétien , c’est son « impossible » destin, le seul acte possible à l’homme. Et
9 il est ce qui la transforme. Vertige de la « vie chrétienne  », cette histoire de Dieu dans le temps, cette histoire de l’éternité
10 L’audace religieuse, à plus forte raison l’audace chrétienne , est au-delà de toute vraisemblance, là où précisément l’on renonce à
11 ar « le monde », il faut choisir. Il faut être un chrétien ou un bourgeois. Le bourgeois est sans vocation, il ne croit pas à l’
12 e est seulement la moins invraisemblable. Mais le chrétien qui marche dans la nouveauté ne prend mesure que de ce qu’il transfor
13 secret dernier de l’acte, et le sceau de l’amour chrétien . 3. Apprentissage du christianisme. 4. Dans ce sens, la catégori
14 e ce qui « se fait se faisant » est une antilogie chrétienne au premier chef, et non pas hindoue, comme certains l’ont voulu croir
15 core qu’une forme de l’agitation humaine. Pour le chrétien seul elle signifie une transformation effective. Ou mieux encore, pou
16 se la primauté d’un Esprit sans contenu ; pour le chrétien , la primauté d’une personne. 5. « Ta Parole est une lampe à mes pied
2 1937, Articles divers (1936-1938). Changer la vie ou changer l’homme ? (1937)
17 Variations du communisme Opposez les dogmes chrétiens aux axiomes de Marx et d’Engels, les communistes vous répondront, non
18 ent présente, dans sa forme, avec le mouvement du chrétien (qui est sa lutte contre le péché) les plus frappantes analogies ? Su
19 le monde d’abord ? Le marxiste, tout comme le chrétien , a reconnu que l’homme n’existe pas isolément, qu’il est un être « en
20 t lié à une société42. Mais encore, à l’instar du chrétien , le marxiste croit que la société présente n’a pas le droit de déterm
21 itif, correspond formellement, dans le diagnostic chrétien , la reconnaissance d’une corruption fondamentale, qui est le péché or
22 suit que pour le marxiste, aussi bien que pour le chrétien , l’homme ne pourra trouver sa plénitude et se « regagner totalement »
23 lable — toujours dans sa forme — dressera donc le chrétien et le marxiste contre toute espèce de statisme, contre toute spéculat
24 if pour l’homme et pour sa liberté. L’attitude chrétienne devant le « monde » On parle avec raison de « doctrine » marxiste,
25 même sens d’une « doctrine » du christianisme. Le chrétien , et surtout le protestant, répugne absolument à concevoir que les dog
26 i par les caricatures séculières de la révolution chrétienne .) La vie et la pensée chrétiennes, en effet, se réfèrent à chaque ins
27 de la révolution chrétienne.) La vie et la pensée chrétiennes , en effet, se réfèrent à chaque instant à ce qui détermine le tout de
28 : son origine, sa fin, et sa mission présente. Le chrétien sait qu’il vient de Dieu, le Créateur ; qu’il va vers le Royaume de D
29 oyez transformés… » Cela ne signifie pas, pour un chrétien , que « le monde » soit abandonné. Cela ne signifie pas qu’une fois op
30 tion personnelle que l’on nomme la conversion, le chrétien n’ait plus qu’à attendre, et à subir en gémissant les lois d’un monde
31 duire, si elle s’est faite, que par une action du chrétien  : contre le monde dans sa forme présente, et pour le monde restauré d
32 e conversion des hommes, ne doit être aux yeux du chrétien , qu’une réforme sans grande portée. Voilà qui paraîtra plus scandaleu
33 yant. Que servirait à l’homme, tel que le voit le chrétien , de sauver sa vie matérielle et morale, d’échapper à la guerre, à la
34 mes. Reproches réciproques que s’adressent les chrétiens et les marxistes Telle étant donc la conception chrétienne de l’ho
35 t les marxistes Telle étant donc la conception chrétienne de l’homme, seul responsable du mal qui est dans le monde, on compren
36 gne pas sa destruction comme premier objectif aux chrétiens . Pourtant l’Empire leur ôte toute liberté, et bientôt leur ôtera la v
37 que l’on dit réaliste, à supposer que le « parti chrétien  » eût triomphé, rien ne l’eût empêché de subir le sort fatal des révo
38 ela ! Trop beau pour être vrai, dit le marxiste. ( Chrétien , changé, je suis encore assez « vieil homme » pour le comprendre.) Su
39 le monde ! Il faut le dire à notre honte, à nous chrétiens  : ces reproches apparaissent justifiés à la grande masse des travaill
40 sme, aux yeux des masses, n’a plus osé se montrer chrétien . C’est que le sel a perdu sa saveur, et son amertume salutaire. C’est
41 cher que les foules le considèrent comme tel. Les chrétiens sont bien plus responsables des succès de Marx auprès des foules, que
42 erne. C’est pourquoi les reproches du marxiste au chrétien sont humainement bien plus valables que ceux du chrétien au marxiste.
43 n sont humainement bien plus valables que ceux du chrétien au marxiste. En gros : si Marx se trompe et réussit, c’est parce que
44 ples (que ce soit en paroles ou en actes). Si les chrétiens gardaient une conscience plus fidèle, partant plus douloureuse de ce
45 tion marxiste ne vaut rien, alors que l’objection chrétienne est imparable. Quand un marxiste me reproche de me contenter d’un cha
46 me reproches, c’est, en fait, de n’être pas assez chrétien  ! Tu m’incites donc à le devenir davantage, quand tu croyais réfuter
47 aventure, pour un dialecticien ! Si tu dis que le chrétien est celui qui ne fait rien, tu prouves simplement que tu ignores tout
48 s indiscutables que présentent la volonté du vrai chrétien et celle du communiste militant, ont tenté la synthèse pratique des d
49 ique, historique, etc.55 Et je ne vois pas que le chrétien comme tel ait des lumières particulières sur ces sujets, qui exigent
50 tre la croyance marxiste et la foi personnelle du chrétien suffit à expliquer tout le reste. Le communisme prépare un paradis te
51 s maux que l’on endure au nom du but dernier. (Le chrétien chante sur son bûcher, le komsomol accepte un salaire de famine s’il
52 il faut cela pour sauver l’URSS.) Mais l’eschaton chrétien est au-delà de ce temps, est éternel, et par là même peut être immédi
53 eur du fait accompli d’une révolution humaine. Le chrétien converti commence donc par la fin que visait l’espérance communiste.
54 ’est le marxiste qui est l’utopiste ; et c’est le chrétien qui est le réaliste. (J’entends bien : le chrétien véritable…) Le mar
55 hrétien qui est le réaliste. (J’entends bien : le chrétien véritable…) Le marxiste dit : « Je ne table pas sur une foi dans l’in
56 tre différence, non moins radicale et urgente. Le chrétien converti a déjà l’essentiel : par là même, il se voit contraint à cha
57 ui ce qui s’oppose à son bien souverain. S’il est chrétien , il sait qu’il est membre d’un corps qui porte toutes les marques du
58 ù le marxisme le maintient. Moyens d’action du chrétien et du marxiste Préparer le royaume de l’homme, ou témoigner par de
59 les moyens58. La fin, ou le télos de l’action du chrétien , c’est le royaume de justice et d’amour. Tout acte qui contredirait,
60 s’il était commis au nom des intérêts de l’Église chrétienne , détruirait en fait cette Église en tant qu’elle vit dans chacun de s
61 as dans un ciel abstrait. Car le gage de l’action chrétienne n’est pas futur, mais éternel et donc présent. Si, pour sauver le fut
62 son retour. Il n’est donc pas d’« opportunisme » chrétien qui tienne, et tous les moyens du chrétien doivent être aussi purs qu
63 isme » chrétien qui tienne, et tous les moyens du chrétien doivent être aussi purs que sa fin. Tout autre est le cas du marxiste
64 ctiquement utiles. Imaginez maintenant qu’un vrai chrétien juge bon de s’inscrire au parti communiste ou de militer en sa faveur
65 le communisme ; ou bien il tâche de n’agir qu’en chrétien  ; mais alors il devient un opposant, un « trotzkyste » ou un « sabote
66 pouvons formuler simplement : la fin dernière du chrétien est présente en chacun de ses actes, ou bien n’est pas ; tandis que l
67 u’en dépit du langage, la transcendance de la foi chrétienne se manifeste ici et maintenant et engage le tout de l’homme ; tandis
68  ! Le marxiste croit que le bien sort du mal ; le chrétien sait que le bien naît du parfait. D’une conséquence politique de l
69 tique de la foi Je m’adresserai maintenant aux chrétiens déclarés. J’en vois beaucoup qui estiment que la transformation de l’
70 ntérêts humains très chers. Mais je demande à ces chrétiens « changés » s’ils ont un souci suffisant des suites sociales et polit
71 e la déviation spiritualiste qui menace notre vie chrétienne , et qui est la cause certaine des succès du marxisme. Tant que les ch
72 use certaine des succès du marxisme. Tant que les chrétiens ne comprendront pas que leur foi doit se manifester sur tous les plan
73 ifié pour autant. Je ne crois pas à une politique chrétienne , déduite une fois pour toutes de la théologie. Mais je crois que le c
74 une forme de la charité. Parfois aussi le devoir chrétien peut apparaître plus historiquement défini et localisé : je n’en donn
75 facteurs au moins s’est modifié notablement : les chrétiens ne forment plus des groupuscules obscurs, ils ont constitué des églis
76 rganisées). On parle, à tort ou à raison, d’États chrétiens , ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes. Tout cela se
77 étiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes . Tout cela se trouve mis au défi par l’exigence totalitaire, comme le
78 commandements du Décalogue, et au devoir d’amour chrétien . Le conflit est inévitable. Suffira-t-il dès lors de se laisser persé
79 urs. Mais alors, quel point de vue constructif le chrétien peut-il soutenir, s’il ne veut pas rester l’objecteur que j’ai dit ?
80 ici en mesure de répondre. De toutes les églises chrétiennes , l’église calviniste est en effet la plus antitotalitaire par essence
81 qu’une conclusion que je crois valable pour tout chrétien , à quelque église qu’il appartienne. Nous avons tous reçu de Dieu un
82 son — et j’en ai mentionné plusieurs autres —, un chrétien ne peut pas approuver, comme chrétien, la forme politique du communis
83 utres —, un chrétien ne peut pas approuver, comme chrétien , la forme politique du communisme63. Il lui faut donc en préparer une
84 re et le fédéralisme libre. Responsabilité des chrétiens vis-à-vis des marxistes On connaît la « croisade antimarxiste » qu
85 isme sont autant d’essais de sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformées, ou « mises sous le boisseau par les chrétiens ».
86 s, déformées, ou « mises sous le boisseau par les chrétiens  ». Cela est vrai même de l’aspiration totalitaire, qui est monstrueus
87 re, obscurément, l’aspiration d’un Occident jadis chrétien , vers une économie sauvée : le Royaume où Dieu est « tout en tous ».
88 aume où Dieu est « tout en tous ». Si les églises chrétiennes ont à souffrir demain par le fait d’un État tyrannique, il faut qu’el
89 ans classes » de Marx, que le « Royaume de Dieu » chrétien . 45. « Dans la pratique, l’homme doit prouver la vérité de sa pensée
90 » (Marx, 2e thèse sur Feuerbach). De même pour le chrétien , la foi sans les œuvres n’est pas la foi (Jacq., 2, 26). Et Luther mê
91 rait maintenant d’appliquer. En bref, la doctrine chrétienne , si l’on veut établir un parallèle — sans doute dangereux — ce serait
92 stoire de l’Occident, sont sorties de la religion chrétienne . Toute autre cause est secondaire. » Et Henri de Man : « Je crois qu’
93 tentative révolutionnaire qui n’ait été d’origine chrétienne . S’il n’y a pas de socialisme en Asie, cela tient à l’absence du chri
94 ouvement syndicaliste au Japon a été fondé par un chrétien , Kagawa. 53. Je ne dis pas « les conditions physiques et spirituelle
95 au congrès mondial de la Fédération des étudiants chrétiens . (Cf. Student World, automne 1933.) 55. Telle que l’ont opérée par e
96 e ici, l’on m’entend bien, de ce que doit être un chrétien conséquent. Il est trop clair que nous restons, tous tant que nous so
97 vie ou changer l’homme ? », Le Communisme et les chrétiens , Paris, Plon, 1937, p. 203-233.
3 1937, Articles divers (1936-1938). Vocation et destin d’Israël (1937)
98 ndeur poétique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien sera grande dans la mesure où elle sera biblique ou grecque, sublime
99 t de la solidarité sociale qui distingua l’église chrétienne des religions à mystères et des autres cultes orientaux de cette époq
100 le sens que prend l’héritage d’Israël pour la foi chrétienne protestante. On sait le rôle joué dans la Réforme par le retour à l’A
101 comme dirait Freud, qu’ont eus de tout temps les chrétiens à l’égard du peuple d’Israël. Tout dépend de lui, et il refuse ! D’où
4 1937, Articles divers (1936-1938). Luther, Traité du serf arbitre (1937)
102 simplement connues !) par nos contemporains, même chrétiens . Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Ér
103 udissent ouvertement, mais encore jusque chez les chrétiens , ces arguments se voient réinventés, admis, parfois même prêchés. Le
104 xégétiques discutables, suffit à établir, pour le chrétien , la vérité d’un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au
105 c’est vouloir l’éternité de son destin. (Pour le chrétien , c’est accepter en acte l’éternelle prévision du Dieu qui sauve.) La
106 ne épreuve radicale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens , qui est prononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux » de l’homm
5 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)
107 . L’orateur avait dit que la différence entre les chrétiens et les incroyants, ce n’est que pas les chrétiens se conduisent mieux
108 chrétiens et les incroyants, ce n’est que pas les chrétiens se conduisent mieux que les autres, mais c’est qu’ils se confient en
109 aises têtes ». 17 décembre 1934 Le grand tort des chrétiens , c’est qu’ils prennent au sérieux l’incroyance de leurs contemporains
110 omique profond, lugubre et déprimant que celui du chrétien honteux, honteux d’une foi qu’il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aur
111 e société qu’ils sont les seuls à croire encore «  chrétienne  » — il faut bien dire que le parti communiste est une sinistre trahis
6 1938, Articles divers (1936-1938). Søren Kierkegaard (février 1938)
112 m. Mais à mesure qu’il faisait mieux voir le fond chrétien de sa pensée, le public s’écarta, effrayé. Et lorsqu’en 1831, il se m
113 chrétienté officielle — attaque contre le « monde chrétien  » au nom du Christ des évangiles. ⁂ Toute mon activité d’auteur — nou
114 te à ce seul problème : « comment peut-on devenir chrétien  ». Car on ne naît pas chrétien, et même on ne peut pas l’être, il fau
115 nt peut-on devenir chrétien ». Car on ne naît pas chrétien , et même on ne peut pas l’être, il faut sans cesse le devenir, et le
116 ui sont allés si loin dans la passion de l’absolu chrétien , mais seul Kierkegaard en est mort. Une pureté presque inhumaine, voi
117 spoir, jamais de défi, ni d’« hybris ». Pureté du chrétien , non du surhomme. Quant au « sérieux » de Kierkegaard, il est de natu