1 1936, Articles divers (1936-1938). Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour (1936)
1 Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour (1936)d Aucun ouvrage ne se passe mieux de préface qu’un b
2 Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour ( 1936 )d Aucun ouvrage ne se passe mieux de préface qu’un bon roman. Pour
3 ’amour (1936)d Aucun ouvrage ne se passe mieux de préface qu’un bon roman. Pourtant la réussite de Max Brod n’est pas s
4 de préface qu’un bon roman. Pourtant la réussite de Max Brod n’est pas seulement de l’ordre romanesque : elle est d’avoir
5 rtant la réussite de Max Brod n’est pas seulement de l’ordre romanesque : elle est d’avoir mêlé à un beau drame d’amour le
6 st pas seulement de l’ordre romanesque : elle est d’ avoir mêlé à un beau drame d’amour le souvenir et davantage, la présen
7 omanesque : elle est d’avoir mêlé à un beau drame d’ amour le souvenir et davantage, la présence d’un être vrai, qui apport
8 ame d’amour le souvenir et davantage, la présence d’ un être vrai, qui apporte à toute l’œuvre une émouvante précision. Le
9 te l’œuvre une émouvante précision. Le personnage de Garta, dont le lecteur ne tardera pas à voir qu’il figure la conscien
10 comme le juge incorruptible et amical du héros et de son débat, ce personnage a vécu dans ce siècle, où son nom ne cessera
11 nage a vécu dans ce siècle, où son nom ne cessera de grandir : Franz Kafka. De cet esprit incomparable — qu’on l’entende a
12 , où son nom ne cessera de grandir : Franz Kafka. De cet esprit incomparable — qu’on l’entende aux deux sens du terme —, u
13 De cet esprit incomparable — qu’on l’entende aux deux sens du terme —, un seul ouvrage a paru en français22. Ce serait asse
14 français22. Ce serait assez pour donner une idée de l’ordre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entiè
15 . Ce serait assez pour donner une idée de l’ordre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entière. Mais bi
16 er une idée de l’ordre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entière. Mais bien peu en ont eu connaissan
17 rdre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entière. Mais bien peu en ont eu connaissance, et moins encor
18 et moins encore se sont risqués à en parler. Rien d’ étonnant d’ailleurs à cette réserve. Une sorte de stupéfaction respect
19 d’étonnant d’ailleurs à cette réserve. Une sorte de stupéfaction respectueuse ; le mutisme de l’homme qui s’est senti tou
20 e sorte de stupéfaction respectueuse ; le mutisme de l’homme qui s’est senti touché dans une région de l’être dont il igno
21 de l’homme qui s’est senti touché dans une région de l’être dont il ignorait presque l’existence, et qui demande un peu de
22 doute l’explication qu’il faut donner à l’espèce de résistance que rencontre Kafka parmi nous. Rien ne me paraît plus pro
23 od ; la biographie romanesque, l’approche vivante de la personne même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très
24 omanesque, l’approche vivante de la personne même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très simplement communic
25 de la personne même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très simplement communicable. Encore faut-il montrer
26 même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très simplement communicable. Encore faut-il montrer que ce détour n’
27 Pragois lui aussi, Brod fut l’ami le plus intime de Franz Kafka. C’est lui qui s’est chargé de publier ses œuvres, pour u
28 intime de Franz Kafka. C’est lui qui s’est chargé de publier ses œuvres, pour une très grande part inédites, et que Kafka
29 part inédites, et que Kafka lui-même, par l’excès d’ un scrupule à la fois artistique et religieux, souhaitait que l’on dét
30 on posthume du Procès : je doute que les lecteurs de ce livre étonnant, le plus profond qu’on puisse imaginer, aient le co
31 s profond qu’on puisse imaginer, aient le courage de le lui reprocher. La piété même que voue Max Brod à la mémoire de son
32 e voue Max Brod à la mémoire de son ami le retint d’ entreprendre au lendemain de la mort de Kafka sa biographie objective.
33 de son ami le retint d’entreprendre au lendemain de la mort de Kafka sa biographie objective. Mais par une sorte de compe
34 le retint d’entreprendre au lendemain de la mort de Kafka sa biographie objective. Mais par une sorte de compensation tou
35 Kafka sa biographie objective. Mais par une sorte de compensation tout inconsciente, c’est au désir de prolonger le mervei
36 de compensation tout inconsciente, c’est au désir de prolonger le merveilleux dialogue interrompu que l’auteur du Royaume
37 yaume enchanté attribue aujourd’hui l’inspiration de ce roman. Sachons-lui gré d’accorder par là même, à un public plus ét
38 rd’hui l’inspiration de ce roman. Sachons-lui gré d’ accorder par là même, à un public plus étendu, l’avance nécessaire, le
39 couvrir un génie tellement « étranger »… Le récit de Max Brod est librement imaginé. Toutefois le personnage de Garta, ses
40 od est librement imaginé. Toutefois le personnage de Garta, ses propos, sa vision du monde, ses expériences et préoccupati
41 es lectures qu’il fait à son ami, la brève idylle de Weimar… tout cela compose une description exacte de la jeunesse de Ka
42 Weimar… tout cela compose une description exacte de la jeunesse de Kafka. Quelques faits et deux ou trois dates suffiront
43 ela compose une description exacte de la jeunesse de Kafka. Quelques faits et deux ou trois dates suffiront désormais à si
44 exacte de la jeunesse de Kafka. Quelques faits et deux ou trois dates suffiront désormais à situer ce fragment de biographie
45 e la jeunesse de Kafka. Quelques faits et deux ou trois dates suffiront désormais à situer ce fragment de biographie. Franz K
46 is dates suffiront désormais à situer ce fragment de biographie. Franz Kafka naquit à Prague en 1883. Il passa dans cette
47 ent de biographie. Franz Kafka naquit à Prague en 1883. Il passa dans cette ville la plus grande partie de sa vie. Docteur en
48 . Il passa dans cette ville la plus grande partie de sa vie. Docteur en droit, il travailla d’abord au service d’une compa
49 Docteur en droit, il travailla d’abord au service d’ une compagnie d’assurances générales, puis d’une compagnie d’assurance
50 , il travailla d’abord au service d’une compagnie d’ assurances générales, puis d’une compagnie d’assurances ouvrières. Le
51 vice d’une compagnie d’assurances générales, puis d’ une compagnie d’assurances ouvrières. Le travail manuel l’attirait ; i
52 gnie d’assurances générales, puis d’une compagnie d’ assurances ouvrières. Le travail manuel l’attirait ; il s’essaya dans
53 l manuel l’attirait ; il s’essaya dans un atelier de menuiserie, puis dans une entreprise de jardinage. Lorsque enfin il v
54 n atelier de menuiserie, puis dans une entreprise de jardinage. Lorsque enfin il voulut émigrer à Berlin pour s’y vouer to
55 tuberculose du larynx dont il mourut à Vienne en 1924. Il n’avait publié de son vivant qu’un petit nombre de récits. Mais on
56 ont il mourut à Vienne en 1924. Il n’avait publié de son vivant qu’un petit nombre de récits. Mais on trouva dans ses papi
57 l n’avait publié de son vivant qu’un petit nombre de récits. Mais on trouva dans ses papiers les manuscrits presque comple
58 dans ses papiers les manuscrits presque complets de trois romans : Le Procès, Le Château, et Amérique. Le regard qu’il y
59 ns ses papiers les manuscrits presque complets de trois romans : Le Procès, Le Château, et Amérique. Le regard qu’il y porte
60 mérique. Le regard qu’il y porte sur le monde est d’ une précision proprement angoissante. Il considère notre vie quotidien
61 t masquent à peine une foncière absurdité. L’état d’ extrême lucidité que suscite en nous cette vision ressemble à s’y mépr
62 que tant de poètes s’efforçaient à la même époque de délirer méthodiquement, et de brouiller tous les plans du réel à seul
63 nt à la même époque de délirer méthodiquement, et de brouiller tous les plans du réel à seule fin de s’en évader — durant
64 t de brouiller tous les plans du réel à seule fin de s’en évader — durant le temps de leur ivresse tout au moins — Kafka n
65 réel à seule fin de s’en évader — durant le temps de leur ivresse tout au moins — Kafka nous ramène sans cesse, avec une s
66 ns — Kafka nous ramène sans cesse, avec une sorte d’ humour inflexible, à la conscience la plus sobre de notre humaine cond
67 ’humour inflexible, à la conscience la plus sobre de notre humaine condition. On dirait qu’il incite ses héros à pratiquer
68 s à pratiquer contre la vie bourgeoise une espèce de « grève perlée » : c’est à force de conscience, de naturel, d’exactit
69 e « grève perlée » : c’est à force de conscience, de naturel, d’exactitude dans l’exercice de leurs tâches banales et de l
70 rlée » : c’est à force de conscience, de naturel, d’ exactitude dans l’exercice de leurs tâches banales et de leurs relatio
71 science, de naturel, d’exactitude dans l’exercice de leurs tâches banales et de leurs relations sociales, qu’ils en découv
72 titude dans l’exercice de leurs tâches banales et de leurs relations sociales, qu’ils en découvrent et en dénoncent l’impo
73 t en dénoncent l’impossibilité foncière. À serrer de si près le réel, on le convainc rapidement de monstruosité et de scan
74 rer de si près le réel, on le convainc rapidement de monstruosité et de scandale métaphysique. Et dès lors tout devient ét
75 éel, on le convainc rapidement de monstruosité et de scandale métaphysique. Et dès lors tout devient étrangement signifian
76 fait divers s’agrandit peu à peu aux proportions d’ une parabole de l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’un
77 agrandit peu à peu aux proportions d’une parabole de l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’un fait inexplica
78 l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’ un fait inexplicable et monstrueux23 survenu dans la vie de son héros,
79 inexplicable et monstrueux23 survenu dans la vie de son héros, Kafka nous amène à penser que le détail de l’existence ban
80 on héros, Kafka nous amène à penser que le détail de l’existence banale, et le sentiment d’étrangeté qui parfois l’accompa
81 le détail de l’existence banale, et le sentiment d’ étrangeté qui parfois l’accompagne en sourdine s’expliquent de la mani
82 qui parfois l’accompagne en sourdine s’expliquent de la manière la plus logique sitôt qu’on les rapporte à un fait initial
83 u’on les rapporte à un fait initial mystérieux et d’ apparence extravagante. Derrière cette psychologie de l’angoisse quoti
84 pparence extravagante. Derrière cette psychologie de l’angoisse quotidienne, l’on pressent chez Kafka des intentions moral
85 orales, une philosophie, et la recherche au moins d’ une théologie. Tout cela, qui n’est pas exprimé mais voilé et seulemen
86 donne à l’œuvre une grandeur poétique, un pouvoir d’ inquiéter presque morbide au jugement de certains, mais aussi, pour qu
87 n pouvoir d’inquiéter presque morbide au jugement de certains, mais aussi, pour qui sait comprendre, salutaire… Les lectur
88 lectures favorites et les préoccupations sociales de « Garta », telles que nous les décrit Max Brod, aideront à deviner la
89 à deviner la nature assez rare du dessein secret de Kafka. Sa passion de l’absolu moral et religieux, sa psychologie de l
90 assez rare du dessein secret de Kafka. Sa passion de l’absolu moral et religieux, sa psychologie de l’angoisse dérivent sa
91 on de l’absolu moral et religieux, sa psychologie de l’angoisse dérivent sans doute de Kierkegaard, qu’il fut l’un des pre
92 sa psychologie de l’angoisse dérivent sans doute de Kierkegaard, qu’il fut l’un des premiers à découvrir au xxe siècle.
93 écouvrir au xxe siècle. D’autre part, sa volonté de sobriété, d’utilité, d’éducation des forces spirituelles par l’activi
94 xe siècle. D’autre part, sa volonté de sobriété, d’ utilité, d’éducation des forces spirituelles par l’activité pratique e
95 D’autre part, sa volonté de sobriété, d’utilité, d’ éducation des forces spirituelles par l’activité pratique et sociale,
96 et sociale, volonté qui se manifeste tout au long de son existence, et qui devait l’amener entre autres, à son projet de p
97 et qui devait l’amener entre autres, à son projet de participation au jeune mouvement sioniste, se rattache non moins cert
98 us suggestif que cette rencontre en un seul homme de deux influences aussi contradictoires et à tant d’égards exclusives…
99 suggestif que cette rencontre en un seul homme de deux influences aussi contradictoires et à tant d’égards exclusives… Il y
100 e deux influences aussi contradictoires et à tant d’ égards exclusives… Il y aurait fort à dire là-dessus… Mais en voilà sa
101 ir au lecteur l’arrière-plan et les prolongements de l’aventure du « vieux Pragois », héros non tout à fait imaginaire, lu
102 à fait imaginaire, lui aussi, du Royaume enchanté de l’amour. 22. Le Procès, roman traduit de l’allemand par A. Vialatt
103 ire, lui aussi, du Royaume enchanté de l’amour. 22. Le Procès, roman traduit de l’allemand par A. Vialatte. Deux autres
104 hanté de l’amour. 22. Le Procès, roman traduit de l’allemand par A. Vialatte. Deux autres récits de Kafka ont été publi
105 cès, roman traduit de l’allemand par A. Vialatte. Deux autres récits de Kafka ont été publiés par la Nouvelle Revue françai
106 de l’allemand par A. Vialatte. Deux autres récits de Kafka ont été publiés par la Nouvelle Revue française  : La Métamorp
107 evue française  : La Métamorphose et Le Terrier. 23. Par exemple : la métamorphose subite d’un jeune homme en une bête inn
108 errier. 23. Par exemple : la métamorphose subite d’ un jeune homme en une bête innommable et même indescriptible (dans La
109 pèse sur le héros du Procès. d. Rougemont Denis de , Brod Max, « [Préface] Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour  », d
110 od Max, « [Préface] Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour  », dans Le Royaume enchanté de l’amour, Paris, Édition « Je
111 enchanté de l’amour  », dans Le Royaume enchanté de l’amour, Paris, Édition « Je sers », 1936, p. 9-12.
112 enchanté de l’amour, Paris, Édition « Je sers », 1936, p. 9-12.
2 1936, Articles divers (1936-1938). Forme et transformation, ou l’acte selon Kierkegaard (janvier 1936)
113 nsformation, ou l’acte selon Kierkegaard (janvier 1936 )c « Toute mon activité d’auteur — nous dit Kierkegaard — se rappor
114 erkegaard (janvier 1936)c « Toute mon activité d’ auteur — nous dit Kierkegaard — se rapporte à ce seul problème : comme
115 le devenir. Et le problème, alors, devient celui de l’acte, c’est-à-dire de la création d’une possibilité nouvelle, sans
116 ème, alors, devient celui de l’acte, c’est-à-dire de la création d’une possibilité nouvelle, sans précédent. Y a-t-il des
117 ient celui de l’acte, c’est-à-dire de la création d’ une possibilité nouvelle, sans précédent. Y a-t-il des actes ? L’homme
118 lle, sans précédent. Y a-t-il des actes ? L’homme d’ aujourd’hui ne le croit pas. Il croit aux lois, et il se veut détermin
119 is dans cette mesure même, il se peut qu’il cesse d’ être humain. Car l’homme n’a d’existence proprement humaine que lorsqu
120 e peut qu’il cesse d’être humain. Car l’homme n’a d’ existence proprement humaine que lorsqu’il participe à la transformati
121 aucun chemin. Comment marcher, s’il n’existe pas de chemin ? disent-ils dans leur suffisance — car on appelle ainsi leur
122 prouver que l’acte est impossible et que le tout de l’homme est soumis au calcul, tout cet effort des sciences et des soc
123 le chemin, la vérité et la vie, dit le Christ. 1. La vérité est le chemin Christ est la Vérité dans ce sens qu’être
124 qu’être la vérité est la seule explication vraie de la vérité… Être la vérité, c’est connaître la vérité, et le Christ n’
125 été la vérité ; et nul homme ne connaît davantage de vérité qu’il n’en incarne.3 Voici donc le mystère : s’il n’y a pas
126 ncarne.3 Voici donc le mystère : s’il n’y a pas de chemin, nous ne pouvons marcher, mais si nous ne marchons pas, il n’y
127 rcher, mais si nous ne marchons pas, il n’y a pas de chemin. La foi au Christ nous permet seule de franchir ce cercle ench
128 pas de chemin. La foi au Christ nous permet seule de franchir ce cercle enchanté où nous maintient l’argument du démon — l
129 Christ est la condition nécessaire et suffisante de tout acte véritable, de toute marche, de toute création, de toute vic
130 nécessaire et suffisante de tout acte véritable, de toute marche, de toute création, de toute victoire sur la Nécessité.
131 ffisante de tout acte véritable, de toute marche, de toute création, de toute victoire sur la Nécessité. « Je suis le chem
132 te véritable, de toute marche, de toute création, de toute victoire sur la Nécessité. « Je suis le chemin ». Mais un chemi
133 n’est qu’un point de vue ; ou bien encore le lieu d’ un pur possible, et sur ces lieux règne le désespoir. Il nous faut don
134 c’est-à-dire agir dans le Christ. La possibilité de l’acte est identique à sa nécessité. Il n’y a donc aucun acte possibl
135 . Mais croire au Christ, c’est croire au Paradoxe de l’incarnation, c’est croire que Dieu a revêtu la forme de ce monde, c
136 arnation, c’est croire que Dieu a revêtu la forme de ce monde, c’est croire donc que cette forme peut être transformée. — 
137 règles, les morales et les lois qui nous disaient d’ agir dans le même temps qu’elles nous privaient de tout pouvoir, s’éva
138 d’agir dans le même temps qu’elles nous privaient de tout pouvoir, s’évanouissent et meurent aux pages des livres. L’actio
139 uissent et meurent aux pages des livres. L’action de l’homme devient aussi la vérité ; et la norme de toutes les normes. A
140 de l’homme devient aussi la vérité ; et la norme de toutes les normes. Au premier pas que nous faisons dans notre nuit, v
141 nous allons connaître maintenant que seul l’acte de foi est création, transformation, nouveauté pure dans le monde, vocat
142 monde, vocation et personne éternelle, prophétie de l’éternité qui vient à nous. 2. Il n’est d’action que prophétique
143 lle, prophétie de l’éternité qui vient à nous. 2. Il n’est d’action que prophétique Qu’est-ce que prophétiser sinon
144 ie de l’éternité qui vient à nous. 2. Il n’est d’ action que prophétique Qu’est-ce que prophétiser sinon dire la Paro
145  Sachez qu’à l’origine, — lit-on dans un dialogue de Kassner6 — toutes les créatures, le Soleil, la Terre, la Lune, les pl
146 t et prophétisaient, pareils aux prophètes. C’est de ce commencement que chaque chose tire sa force et son temps ; toute c
147 in possède son commencement ». Mais l’homme déchu de son origine éternelle a perdu la vision de sa fin. Le voici prisonnie
148 déchu de son origine éternelle a perdu la vision de sa fin. Le voici prisonnier des formes et des nombres, esclave des lo
149 nnier des formes et des nombres, esclave des lois d’ un monde sur lequel il devrait régner. Seule peut l’en délivrer la Par
150 pel dans les ténèbres. Certains reçoivent l’ordre de parler, et c’est là leur action, leur prophétie et leur salut. Cepend
151 ommes les frappent sur la bouche. Kierkegaard fut de ces croyants, dont la vocation prophétique pareille à celle des homme
152 vocation prophétique pareille à celle des hommes de Dieu qui se lèvent sous l’Ancienne Alliance, se confond avec la parol
153 ur vérité et leur vie dans ce monde ; ils meurent de l’avoir dite, et n’ont pas d’autre tâche7. Le chemin est imprévisible
154 monde ; ils meurent de l’avoir dite, et n’ont pas d’ autre tâche7. Le chemin est imprévisible ; le nôtre, disons-nous, n’es
155 évisible ; le nôtre, disons-nous, n’est pas celui de ces prophètes. Cependant la question demeure : comment agir, et comme
156 Ce que nous connaissons, c’est pourtant son point de départ. Le chemin commence à tout homme qui se met en devoir d’obéir
157 chemin commence à tout homme qui se met en devoir d’ obéir à l’ordre qu’il reçoit de Dieu, — n’importe où et n’importe qui,
158 i se met en devoir d’obéir à l’ordre qu’il reçoit de Dieu, — n’importe où et n’importe qui, à n’importe quel ordre reçu, e
159 ? Tout simplement : prends n’importe quelle règle d’ action chrétienne, — ose la mettre en pratique. L’action que tu introd
160 troduiras ainsi dans la réalité portera la marque de l’absolu : c’est la marque de tout ce qui est véritablement chrétien
161 é portera la marque de l’absolu : c’est la marque de tout ce qui est véritablement chrétien (Journal). Vends ton bien et l
162 ux pauvres, par exemple, ou si tu ne possèdes pas de bien, cesse d’en désirer la possession, et vis comme un chrétien : au
163 exemple, ou si tu ne possèdes pas de bien, cesse d’ en désirer la possession, et vis comme un chrétien : au jour le jour,
164 , sans assurances et sans préparation, à la grâce de Dieu, dans la confiance et l’inquiétude, — on pourrait dire, dans une
165 l’inquiétude, — on pourrait dire, dans une sorte d’ humour — dans l’aventure de celui que rien ne protège et la prudence d
166 t dire, dans une sorte d’humour — dans l’aventure de celui que rien ne protège et la prudence de celui qui écoute, dans le
167 nture de celui que rien ne protège et la prudence de celui qui écoute, dans le tourment et dans la joie d’une découverte q
168 elui qui écoute, dans le tourment et dans la joie d’ une découverte quotidienne du chemin, — ton chemin, sur lequel tu es s
169 sur lequel tu es seul, parce qu’il est la parole de ta vie, sa mesure et sa vocation, son risque à chaque instant visible
170 sa sécurité, cachée au plus secret du risque. 3. Nous n’avons pas à suivre le chemin, mais bien à l’inventer à chaque
171 Tant que nous considérons le Christ avec des yeux de moralistes, comme une personnalité morale de premier plan qu’il ne re
172 yeux de moralistes, comme une personnalité morale de premier plan qu’il ne resterait plus qu’à imiter, l’acte demeure un p
173 imiter, l’acte demeure un pur possible, un modèle d’ acte, une abstraction, c’est-à-dire quelque chose que nous pouvons ima
174 ant nous transformer, et c’est bien la définition de « l’inactuel ». Se conformer à ce pieux idéal, non seulement ce n’est
175 r, non seulement c’est limiter par avance le rôle de la foi, c’est-à-dire refuser la foi, mais c’est peut-être simplement
176 n’y est pas engagé. Parce que c’est un blasphème de l’homme pieux, du moraliste, que de prétendre imiter le modèle que se
177 un blasphème de l’homme pieux, du moraliste, que de prétendre imiter le modèle que ses yeux voient et que sa chair perçoi
178 ) au lieu d’écouter l’ordre, au lieu de croire et de faire un pas dans la nuit, sur ce « chemin » qui est le Christ présen
179 ui est le Christ présent. Il y a abîmes entre ces deux exigences : l’abîme entre les mérites humains et la grâce, l’abîme en
180 s par la grâce. L’imitation suivra comme un fruit de la reconnaissance… Tout commence par la joie d’être aimé — et ensuite
181 t de la reconnaissance… Tout commence par la joie d’ être aimé — et ensuite vient l’effort de plaire, constamment exalté pa
182 r la joie d’être aimé — et ensuite vient l’effort de plaire, constamment exalté par la certitude que l’on est aimé mainten
183 est aimé maintenant, et même si l’effort échoue » 8. Parce qu’il est aimé maintenant, aller maintenant, par la foi, sur ce
184 le à l’homme. Et c’est l’acte que Dieu initie. 4. « Par rapport à l’absolu, il n’existe qu’un seul temps : le présent »
185 bsolu, il n’existe qu’un seul temps : le présent » 9 Nous ne connaissons rien du Christ, du « chemin », en dehors de l
186 ien du Christ, du « chemin », en dehors de l’acte de foi qui, supprimant toute distance historique, nous rend contemporain
187 oute distance historique, nous rend contemporains de Son incarnation. Ainsi l’acte de foi détruit le temps où il a lieu ma
188 nd contemporains de Son incarnation. Ainsi l’acte de foi détruit le temps où il a lieu mais comme la plénitude détruit le
189 détruit le relatif. Il est ce contact impensable de l’éternité avec notre durée, et l’on n’en peut n’en dire sinon qu’il
190 Dieu peut tout à tout instant. C’est là la santé de la foi »10. Si nous vivions dans l’obéissance et dans la foi, il n’y
191 tout à tout instant. C’est là la santé de la foi » 10. Si nous vivions dans l’obéissance et dans la foi, il n’y aurait ni pa
192 ’y aurait ni passé ni futur, mais le Jour éternel de la présence à Dieu et à soi-même régnerait sur le monde et l’unité du
193 a foi, l’histoire s’arrêterait comme l’Aspiration d’ un homme saisi par la beauté, et le temps immobile s’abîmerait dans l’
194 s qui viennent ; c’est pourquoi nous n’avons plus d’ être que par la foi, « substance des choses espérées », et c’est pourq
195 i nous, n’est que promesse et vigilante prophétie de l’invisible. De Séir, une voix crie au prophète11 : « Sentinelle, que
196 e promesse et vigilante prophétie de l’invisible. De Séir, une voix crie au prophète11 : « Sentinelle, que dis-tu de la nu
197 oix crie au prophète11 : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — La sentinelle a répon
198 e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — La sentinelle a répondu : Le matin vient, et la nuit auss
199 e est durée, et c’est la forme du péché, du refus de l’instant éternel12, — le temps, la succession et le désir. C’est le
200 temps, la succession et le désir. C’est le retard de l’acte et le retrait de Dieu, c’est le doute qui s’interpose entre le
201 le désir. C’est le retard de l’acte et le retrait de Dieu, c’est le doute qui s’interpose entre le savoir et le faire, et
202 entre le savoir et le faire, et c’est la lâcheté de l’homme qui se repose sur ses œuvres et qui les juge : son alliance a
203 s et qui les juge : son alliance avec le serpent. De quelles étranges et secrètes façons le temps est lié au péché, le péc
204 au péché, le pécheur seul le sait, dans l’instant de la foi, où par grâce il peut rompre ce lien. « Si vous voulez interro
205 st : « Convertissez-vous ! » À la lumière jaillie de l’acte de la foi, le mystère du temps se dévoile ; mais un temps nouv
206 vertissez-vous ! » À la lumière jaillie de l’acte de la foi, le mystère du temps se dévoile ; mais un temps nouveau prend
207 pardonné vit dans le temps comme à contre-courant de sa durée, vit d’acte en acte. Et son temps n’est plus son péché, mais
208 le temps comme à contre-courant de sa durée, vit d’ acte en acte. Et son temps n’est plus son péché, mais on pourrait dire
209 monde, mais il est ce qui la transforme. Vertige de la « vie chrétienne », cette histoire de Dieu dans le temps, cette hi
210 Vertige de la « vie chrétienne », cette histoire de Dieu dans le temps, cette histoire de l’éternité ! « Il suffit d’un c
211 te histoire de Dieu dans le temps, cette histoire de l’éternité ! « Il suffit d’un courage purement humain pour renoncer l
212 temps, cette histoire de l’éternité ! « Il suffit d’ un courage purement humain pour renoncer le temps afin de gagner l’éte
213 gner l’éternité : car je la gagne et ne puis plus de toute éternité la renoncer ; et c’est le paradoxe ; mais il faut un c
214 ble pour embrasser le temps en vertu de l’absurde 13. Et ce courage est celui de la foi. Par la foi Abraham ne perdit point
215 en vertu de l’absurde 13. Et ce courage est celui de la foi. Par la foi Abraham ne perdit point Isaac ; c’est par la foi d
216 Isaac ; c’est par la foi d’abord qu’il le reçut » 14. 5. Le temps de l’acte est renaissance, initiation Les deux mome
217 ; c’est par la foi d’abord qu’il le reçut »14. 5. Le temps de l’acte est renaissance, initiation Les deux moments ré
218 la foi d’abord qu’il le reçut »14. 5. Le temps de l’acte est renaissance, initiation Les deux moments réels d’une vi
219 emps de l’acte est renaissance, initiation Les deux moments réels d’une vie d’homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel
220 renaissance, initiation Les deux moments réels d’ une vie d’homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la nais
221 e, initiation Les deux moments réels d’une vie d’ homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la naissance et l
222 naissance et la mort, parce qu’ils sont des actes de Dieu. Entre la naissance et la mort — ou plutôt puisque l’acte est à
223 t — ou plutôt puisque l’acte est à contre-courant de la durée : entre la mort et la naissance — toute la réalité de l’homm
224 entre la mort et la naissance — toute la réalité de l’homme est dans son acte. Tout acte est Passage et tension, — passag
225 acte. Tout acte est Passage et tension, — passage de la mort à la vie, tension entre ce qui résiste et ce qui crée, victoi
226 ion entre ce qui résiste et ce qui crée, victoire de la Parole sur la chair, autorité de la personne sur l’anarchie et sur
227 rée, victoire de la Parole sur la chair, autorité de la personne sur l’anarchie et sur la loi individuelle. C’est ici qu’o
228 acte absolu serait création absolue, mais un acte de l’homme n’est jamais qu’une rédemption. Distinction de théologien, et
229 homme n’est jamais qu’une rédemption. Distinction de théologien, et qui veut prévenir l’orgueil. Mais la vision de celui q
230 n, et qui veut prévenir l’orgueil. Mais la vision de celui qui agit n’est point un jugement des résultats, — des créatures
231 onséquence, il est toujours initiation. La vision de celui qui agit est tout entière absorbée par l’instant, par le passag
232 ut entière absorbée par l’instant, par le passage de ce qui meurt à ce qui nait, — par le réel. « Celui qui doit agir, s’i
233 r le réel. « Celui qui doit agir, s’il veut juger de soi selon le succès qu’il remporte, n’arrivera jamais à rien entrepre
234 uccès pouvait réjouir le monde entier, il ne sert de rien au héros ; car le héros n’a connu son succès que lorsque tout ét
235 succès qu’il fut héros, mais par son entreprise » 15. Le temps de l’acte vient s’inscrire sur les traits du visage héroïque
236 fut héros, mais par son entreprise »15. Le temps de l’acte vient s’inscrire sur les traits du visage héroïque. Dans cette
237 e. Dans cette chair qui doit vieillir, la tension de la mort et de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’est-ce que la
238 chair qui doit vieillir, la tension de la mort et de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’est-ce que la personne ? C’
239 sion à la parole dont elle procède, et si la face d’ un homme est belle, c’est parce qu’elle est un acte et un destin, une
240 ce qu’elle est un acte et un destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire de
241 n destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire de l’acte, c’est le désespoir
242 ’histoire, une effigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire de l’acte, c’est le désespoir Nous savons tous cela,
243 ffigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire de l’acte, c’est le désespoir Nous savons tous cela, comme nous savon
244 roire. À vrai dire, nous avons toutes les raisons d’ en douter, s’il est vrai que le doute est révolte, et qu’il faut pour
245 , et qu’il faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte de la foi. Lorsque Kierkegaard écrivit son traité de la Maladi
246 faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte de la foi. Lorsque Kierkegaard écrivit son traité de la Maladie mortelle
247 de la foi. Lorsque Kierkegaard écrivit son traité de la Maladie mortelle 16, il venait justement de dépasser cette illusio
248 kegaard écrivit son traité de la Maladie mortelle 16, il venait justement de dépasser cette illusion du désespoir, qui cons
249 té de la Maladie mortelle 16, il venait justement de dépasser cette illusion du désespoir, qui consiste à s’imaginer que l
250 ui consiste à s’imaginer que l’acte est puissance de l’homme : d’où l’impossibilité de l’oser. Celui que la foi vint saisi
251 s’imaginer que l’acte est puissance de l’homme : d’ où l’impossibilité de l’oser. Celui que la foi vint saisir sait mainte
252 e est puissance de l’homme : d’où l’impossibilité de l’oser. Celui que la foi vint saisir sait maintenant que l’acte est l
253 te est le contraire du désespoir. Mais il le sait d’ une tout autre façon que le désespéré ne l’imagine. Parce que le rappo
254 création irréversible. Et cela tient à la nature de l’acte, — mieux encore : à son origine. Cela tient à l’absolu de la P
255 eux encore : à son origine. Cela tient à l’absolu de la Personne qui l’initie. Le désespéré, le douteur, ou simplement l’h
256 spéré, le douteur, ou simplement l’homme dépourvu de foi, l’homme détendu, vague et fiévreux qui peuple nos cités, l’homme
257 ! — s’imagine que l’acte viendra comme un sursaut de joie, comme une révolte, comme une affirmation désespérée de son orgu
258 mme une révolte, comme une affirmation désespérée de son orgueil, comme la preuve enfin de son moi, — mais il sait bien qu
259 désespérée de son orgueil, comme la preuve enfin de son moi, — mais il sait bien qu’il n’en a pas, ou que son moi est dés
260 t pas une vision dans un visage, mais une manière de loucher vers « les autres », une chaîne qui le lie à la coutume du bo
261 », une chaîne qui le lie à la coutume du bourg ou de la classe. Comment cet homme pourrait-il faire un acte ? Car l’acte e
262 liens, dans sa croyance à la réalité des liens et de la masse, à la réalité des autres dans l’ensemble. Comment cet homme
263 ne seule chose en toute sobriété, c’est l’absolu » 17. Entre le désespéré et l’absolu, il y a tout ce romantisme qui veut qu
264 ’acte soit puissance et jouissance, il y a ce moi de désir qui veut que l’acte — l’instant ! — soit durée… Mais l’absolu q
265 n ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une rupture de tout drame humain que nous pussions prévoir, désirer et décrire ; une
266 décrire ; une rupture et une vision. La présence de l’absolu dans la sobriété parfaite et insensible de l’instant, c’est
267 l’absolu dans la sobriété parfaite et insensible de l’instant, c’est l’obéissance à la Parole de Dieu, — la prophétie dan
268 ible de l’instant, c’est l’obéissance à la Parole de Dieu, — la prophétie dans l’immédiat. Que s’est-il donc passé ? Me vo
269 s ne voyons aucun visage ailleurs que dans l’acte d’ aimer. 7. Toute vocation est sans précédent Car elle est prophét
270 aucun visage ailleurs que dans l’acte d’aimer. 7. Toute vocation est sans précédent Car elle est prophétie justement
271 Car elle est prophétie justement ! — et c’est de la seule prophétie que relèvent la réalité et le sérieux, le risque e
272 réalité et le sérieux, le risque et la splendeur d’ une vie d’homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise,
273 t le sérieux, le risque et la splendeur d’une vie d’ homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise, uniquemen
274 t bien remarquable : Kierkegaard a très peu parlé de vocation18. C’est qu’il parle sa vocation et ne s’en distingue jamais
275 pendant il est hors de doute qu’il eut conscience de cet aspect particulier de son destin qui qualifie précisément la voca
276 te qu’il eut conscience de cet aspect particulier de son destin qui qualifie précisément la vocation : l’invraisemblable.
277 able. Ses plus amers reproches au « christianisme de la chrétienté », à cette « inconcevable illusion des sens », ne s’adr
278 s pas justement à la « vraisemblance » doctrinale d’ une religion mise à la portée de « la masse », alors que la foi vérita
279 ance » doctrinale d’une religion mise à la portée de « la masse », alors que la foi véritable est celle du solitaire que p
280 lus forte raison l’audace chrétienne, est au-delà de toute vraisemblance, là où précisément l’on renonce à la vraisemblanc
281 à où précisément l’on renonce à la vraisemblance » 19. Parce qu’il faut créer le chemin, non pas le suivre ; parce que l’act
282 que l’acte est initiateur ; parce que la dignité de l’homme est de marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu
283 initiateur ; parce que la dignité de l’homme est de marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu de l’absurde ».
284 ité de l’homme est de marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu de l’absurde ». L’homme ne peut être déterminé
285 qui marche dans la nouveauté ne prend mesure que de ce qu’il transforme. Sa connaissance est acte et vision prophétique.
286 st acte et vision prophétique. La mesure du temps de sa vie réside dans la seule vocation qu’il incarne. Sur le chemin qui
287 r et l’heure, mais il connaît l’instant, s’il vit de Parole. À cause de l’instant éternel, « le héros meurt toujours avant
288 , « le héros meurt toujours avant qu’il ne meure » 21. C’est le secret dernier de l’acte, et le sceau de l’amour chrétien.
289 avant qu’il ne meure »21. C’est le secret dernier de l’acte, et le sceau de l’amour chrétien. 3. Apprentissage du chri
290 1. C’est le secret dernier de l’acte, et le sceau de l’amour chrétien. 3. Apprentissage du christianisme. 4. Dans ce
291 er de l’acte, et le sceau de l’amour chrétien. 3. Apprentissage du christianisme. 4. Dans ce sens, la catégorie récem
292 chrétien. 3. Apprentissage du christianisme. 4. Dans ce sens, la catégorie récemment « découverte » par les psycholog
293 rie récemment « découverte » par les psychologues de ce qui « se fait se faisant » est une antilogie chrétienne au premier
294 Chez les hindous, elle n’est encore qu’une forme de l’agitation humaine. Pour le chrétien seul elle signifie une transfor
295 our l’hindou, cette catégorie suppose la primauté d’ un Esprit sans contenu ; pour le chrétien, la primauté d’une personne.
296 prit sans contenu ; pour le chrétien, la primauté d’ une personne. 5. « Ta Parole est une lampe à mes pieds, une lumière s
297  ; pour le chrétien, la primauté d’une personne. 5. « Ta Parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier »
298 lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier » 6. Die Chimäre, trad. française dans les Éléments de la grandeur humain
299 . Die Chimäre, trad. française dans les Éléments de la grandeur humaine (NRF). 7. « Le prophète se lève et tombe avec sa
300 dans les Éléments de la grandeur humaine (NRF). 7. « Le prophète se lève et tombe avec sa mission » (Karl Barth). Il n’a
301 tombe avec sa mission » (Karl Barth). Il n’a pas de biographie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter de faire la ps
302 s de biographie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter de faire la psychologie d’un prophète, ou bien alors elle se r
303 aphie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter de faire la psychologie d’un prophète, ou bien alors elle se réduirait à
304 us ridicule que de tenter de faire la psychologie d’ un prophète, ou bien alors elle se réduirait à la grammaire et à la sy
305 irait à la grammaire et à la syntaxe particulière de son message. 8. Journal. « L’imitation suivra », en allemand, « Die
306 ire et à la syntaxe particulière de son message. 8. Journal. « L’imitation suivra », en allemand, « Die Nachfolge wird n
307 en allemand, « Die Nachfolge wird nachfolgen ». 9. Apprentissage du christianisme. 10. Traité du désespoir, trad. Gat
308 chfolgen ». 9. Apprentissage du christianisme. 10. Traité du désespoir, trad. Gateau, p. 105. 11. Isaïe 21, 11. 12. L
309 10. Traité du désespoir, trad. Gateau, p. 105. 11. Isaïe 21, 11. 12. Lorsque Schopenhauer écrit : « Le temps n’a pas so
310 té du désespoir, trad. Gateau, p. 105. 11. Isaïe 21, 11. 12. Lorsque Schopenhauer écrit : « Le temps n’a pas son origine
311 u désespoir, trad. Gateau, p. 105. 11. Isaïe 21, 11. 12. Lorsque Schopenhauer écrit : « Le temps n’a pas son origine dans
312 espoir, trad. Gateau, p. 105. 11. Isaïe 21, 11. 12. Lorsque Schopenhauer écrit : « Le temps n’a pas son origine dans les
313 retrouvons cette définition du temps comme refus de l’instant et de l’obéissance immédiate à la Parole. La ressemblance e
314 e définition du temps comme refus de l’instant et de l’obéissance immédiate à la Parole. La ressemblance est seulement for
315 ré par la lâcheté du pécheur, tandis que le temps de Schopenhauer est « l’idéalité » du sujet connaissant, — une chimère s
316 itualiste, une nostalgie. C’est pourquoi le temps de Kierkegaard peut connaître une rédemption par l’acte, quand celui de
317 connaître une rédemption par l’acte, quand celui de Schopenhauer s’évanouit en pure absence. 13. K. entend : en vertu de
318 elui de Schopenhauer s’évanouit en pure absence. 13. K. entend : en vertu de ce paradoxe impensable, l’Incarnation histori
319 ce paradoxe impensable, l’Incarnation historique de Dieu. Pas de réponse rationnelle au « Cur Deux Homo ? » de saint Anse
320 impensable, l’Incarnation historique de Dieu. Pas de réponse rationnelle au « Cur Deux Homo ? » de saint Anselme. 14. Cr
321 Pas de réponse rationnelle au « Cur Deux Homo ? » de saint Anselme. 14. Crainte et tremblement. 15. Actes de l’amour.
322 onnelle au « Cur Deux Homo ? » de saint Anselme. 14. Crainte et tremblement. 15. Actes de l’amour. 16. Traduction fran
323 de saint Anselme. 14. Crainte et tremblement. 15. Actes de l’amour. 16. Traduction française sous le titre de Traité
324 nselme. 14. Crainte et tremblement. 15. Actes de l’amour. 16. Traduction française sous le titre de Traité du désespo
325 Crainte et tremblement. 15. Actes de l’amour. 16. Traduction française sous le titre de Traité du désespoir. C’est une
326 l’amour. 16. Traduction française sous le titre de Traité du désespoir. C’est une laïcisation ! Kierkegaard se rapportai
327 C’est une laïcisation ! Kierkegaard se rapportait de la façon la plus précise à Jean XI. 4. 17. Richtet selbst. 18. Ib
328 rapportait de la façon la plus précise à Jean XI. 4. 17. Richtet selbst. 18. Ibid. 19. Toutefois dans le Journal des
329 ortait de la façon la plus précise à Jean XI. 4. 17. Richtet selbst. 18. Ibid. 19. Toutefois dans le Journal des année
330 plus précise à Jean XI. 4. 17. Richtet selbst. 18. Ibid. 19. Toutefois dans le Journal des années 1846 à 1848, on trou
331 à Jean XI. 4. 17. Richtet selbst. 18. Ibid. 19. Toutefois dans le Journal des années 1846 à 1848, on trouve de nombre
332 Ibid. 19. Toutefois dans le Journal des années 1846 à 1848, on trouve de nombreuses notations de ce genre : « Grande sera
333 19. Toutefois dans le Journal des années 1846 à 1848, on trouve de nombreuses notations de ce genre : « Grande sera ma resp
334 dans le Journal des années 1846 à 1848, on trouve de nombreuses notations de ce genre : « Grande sera ma responsabilité si
335 es 1846 à 1848, on trouve de nombreuses notations de ce genre : « Grande sera ma responsabilité si je rejette une mission
336 sera ma responsabilité si je rejette une mission de cette sorte » — c’est-à-dire s’il rejette sa mission d’écrivain relig
337 te sorte » — c’est-à-dire s’il rejette sa mission d’ écrivain religieux pour se faire pasteur de campagne, par exemple. C’e
338 ission d’écrivain religieux pour se faire pasteur de campagne, par exemple. C’est, dit-il, que sa consigne est de « tenir
339 , par exemple. C’est, dit-il, que sa consigne est de « tenir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une solu
340 est de « tenir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une solution commode, surtout en regard des souffranc
341 i vaudront ses attaques contre l’Église établie. 20. Ce qui est particulièrement affligeant dans l’existence du bourgeois
342 le sujet était : La rencontre la plus importante de votre vie ? M. Clément Vautel qui personnifie de nos jours le Bourgeo
343 de votre vie ? M. Clément Vautel qui personnifie de nos jours le Bourgeois, répondit avec une pertinence géniale : « Je n
344 géniale : « Je n’ai jamais rencontré personne ». 21. Crainte et tremblement. c. Rougemont Denis de, « Forme et transfor
345 21. Crainte et tremblement. c. Rougemont Denis de , « Forme et transformation, ou l’acte selon Kierkegaard », Hermès, Br
346 n Kierkegaard », Hermès, Bruxelles-Paris, janvier 1936, p. 83-92.
3 1936, Articles divers (1936-1938). Décadence des lieux communs (décembre 1936)
347 Décadence des lieux communs (décembre 1936 )e Je ne trouve pas ce jeu juste du tout, dit Alice. Ils se disput
348 e est plus malade que n’était le latin à l’époque de la Renaissance24. Le latin de Bembo et de Sadolet était encore une rh
349 le latin à l’époque de la Renaissance24. Le latin de Bembo et de Sadolet était encore une rhétorique des lieux communs. Fo
350 ’époque de la Renaissance24. Le latin de Bembo et de Sadolet était encore une rhétorique des lieux communs. Forme vide, fo
351 , forme idolâtrée, c’est-à-dire pure rhétorique — d’ où son déclin — mais forme encore et convention admise par tous les cl
352 uropéens. On ne saurait en dire autant du langage de nos bons écrivains. Car non seulement il est mal entendu par la grand
353 asse des lecteurs ordinaires, disons des lecteurs de journaux, mais encore il s’est divisé en une foule de dialectes ésoté
354 ournaux, mais encore il s’est divisé en une foule de dialectes ésotériques. Non seulement l’écrivain moderne use d’une lan
355 ésotériques. Non seulement l’écrivain moderne use d’ une langue dont le lecteur moyen trouve parfaitement normal de déclare
356 dont le lecteur moyen trouve parfaitement normal de déclarer que « c’est du latin » pour ses oreilles, mais encore il exi
357 » pour ses oreilles, mais encore il existe autant de ces latins-là que de chapelles littéraires, que d’écoles philosophiqu
358 mais encore il existe autant de ces latins-là que de chapelles littéraires, que d’écoles philosophiques, que de théories p
359 e ces latins-là que de chapelles littéraires, que d’ écoles philosophiques, que de théories politiques. Ainsi les mots n’on
360 les littéraires, que d’écoles philosophiques, que de théories politiques. Ainsi les mots n’ont plus le même sens pour les
361 part des débats qui nous occupent, qu’il s’agisse de politique, de religion ou de littérature, nous offrent l’image d’un j
362 s qui nous occupent, qu’il s’agisse de politique, de religion ou de littérature, nous offrent l’image d’un jeu dont les di
363 pent, qu’il s’agisse de politique, de religion ou de littérature, nous offrent l’image d’un jeu dont les différents parten
364 religion ou de littérature, nous offrent l’image d’ un jeu dont les différents partenaires changent la règle à leur fantai
365 s trichent ou font défaut. N’est-ce pas la partie de croquet dans Alice au pays des merveilles ? Les boules étaient des hé
366 on, celui-ci tordait son long cou et la regardait d’ un air d’ahurissement profond. Quand elle l’avait remis en position, c
367 -ci tordait son long cou et la regardait d’un air d’ ahurissement profond. Quand elle l’avait remis en position, c’était le
368 un peu plus loin. Tandis que la Reine, au comble de la fureur, parcourait le terrain en hurlant au hasard son cri de guer
369 arcourait le terrain en hurlant au hasard son cri de guerre : « Qu’on lui coupe la tête ! » — Ainsi nos mots se déforment
370 hacun joue sa partie comme il le peut, sans souci de la règle commune, et la terreur domine cette anarchie, distribuant de
371 ine cette anarchie, distribuant des condamnations d’ autant plus excessives d’ailleurs que personne ne se soucie de les met
372 s excessives d’ailleurs que personne ne se soucie de les mettre à exécution25. « Vous n’avez pas idée, conclut Alice, comb
373 z pas idée, conclut Alice, combien c’est affolant de jouer avec des choses vivantes. » ⁂ Prenons cinq mots parmi les plus
374 nt de jouer avec des choses vivantes. » ⁂ Prenons cinq mots parmi les plus fréquents dans le langage et les écrits de notre
375 les plus fréquents dans le langage et les écrits de notre temps : esprit, révolution, liberté, ordre, patrie. Voilà les i
376 oyens ou hommes d’État. Les uns tiennent le parti de l’esprit et les autres celui de l’ordre, les uns le parti de la révol
377 tiennent le parti de l’esprit et les autres celui de l’ordre, les uns le parti de la révolution, les autres celui de la pa
378 et les autres celui de l’ordre, les uns le parti de la révolution, les autres celui de la patrie… Les uns voudraient la l
379 s uns le parti de la révolution, les autres celui de la patrie… Les uns voudraient la liberté dans l’ordre, ou la révoluti
380 tion, l’ordre à la liberté, ou encore les patries de l’ordre à la patrie de la révolution… Toutes ces combinaisons et ces
381 rté, ou encore les patries de l’ordre à la patrie de la révolution… Toutes ces combinaisons et ces permutations seraient n
382 t définir utilement le parti, si seulement chacun de ces mots avait le même sens pour tout le monde. Ou, parmi plusieurs s
383 uel puisse se faire l’accord. Or, sans parler des 29 sens que Littré donne, pour le seul mot : esprit, si j’interroge au h
384 luxe des délicats, tantôt les facultés créatrices de l’homme, ou encore une sagesse asiatique, ou une mentalité de classe
385 ou encore une sagesse asiatique, ou une mentalité de classe ou simplement toute la culture et ses produits. Une simple équ
386 que sémantique dresse parfois l’un contre l’autre deux hommes qui auraient dû « s’entendre » et s’allier : c’est que pour l’
387 rie bourgeoise ; pour l’autre, présence effective de la pensée et de la foi à nos misères, activité concrète et créatrice,
388 pour l’autre, présence effective de la pensée et de la foi à nos misères, activité concrète et créatrice, et garantie con
389 re bout du jeu et j’aurais dû croquer le hérisson de la Reine s’il ne s’était mis à courir juste au moment où j’allais jou
390 u presque veut faire une révolution. Mais là, aux neuf sens très précis que nous donne le dictionnaire, il nous faut ajouter
391 s donne le dictionnaire, il nous faut ajouter une dizaine de sens parfois contradictoires, créés par la crise actuelle et très
392 le dictionnaire, il nous faut ajouter une dizaine de sens parfois contradictoires, créés par la crise actuelle et très mal
393 volution signifiera selon les cas : émeute, prise de pouvoir légal, désordre et anarchie, établissement d’une dictature mi
394 ouvoir légal, désordre et anarchie, établissement d’ une dictature militaire, plan quinquennal, conversion personnelle, app
395 quinquennal, conversion personnelle, application d’ une série de mesures économiques, trans­mutation de toutes les valeurs
396 , conversion personnelle, application d’une série de mesures économiques, trans­mutation de toutes les valeurs morales, et
397 ’une série de mesures économiques, trans­mutation de toutes les valeurs morales, etc. Et tous ces sens se chevauchent pour
398 ellectuels anarchistes ou libéraux, par la presse d’ opposition, par Staline qui fait taire cette presse au nom de la Révol
399 de la Révolution, par Hitler dénonçant le Diktat de Versailles, par l’Italie partant à la conquête de l’Éthiopie, etc. L’
400 de Versailles, par l’Italie partant à la conquête de l’Éthiopie, etc. L’ordre sera tantôt le statu quo, si absurde soit-il
401 ale et arbitraire, plus rarement la revendication d’ un équilibre vrai, d’une hiérarchie naturelle et féconde. Et quant au
402 us rarement la revendication d’un équilibre vrai, d’ une hiérarchie naturelle et féconde. Et quant au mot patrie, on le voi
403 voit confondu, dans les discours et les articles de journaux, avec état, nation, mystique raciale, peuple et coutumes, ou
404 euple et coutumes, ou terre natale, clocher, etc. D’ où l’embrouillamini de la politique et des partis, et la confusion meu
405 terre natale, clocher, etc. D’où l’embrouillamini de la politique et des partis, et la confusion meurtrière de termes dang
406 litique et des partis, et la confusion meurtrière de termes dangereusement chargés de passion et de préjugés, tels que pat
407 usion meurtrière de termes dangereusement chargés de passion et de préjugés, tels que patriotisme, nationalisme, impériali
408 re de termes dangereusement chargés de passion et de préjugés, tels que patriotisme, nationalisme, impérialisme… ⁂ Tout co
409 créer et aggraver cette crise du sens des mots et de la sémantique vivante. D’une part la somme des échanges écrits ou ver
410 ions formidables. D’autre part, le public capable de goûter une œuvre rigoureuse ou novatrice, et qui pourrait servir de n
411 e rigoureuse ou novatrice, et qui pourrait servir de norme ou de repère, a tout au plus triplé, et c’est sans doute encore
412 ou novatrice, et qui pourrait servir de norme ou de repère, a tout au plus triplé, et c’est sans doute encore trop dire.
413 ’est sans doute encore trop dire. Racine avait un millier d’auditeurs ; Valéry, Claudel, Gide, Péguy n’ont guère eu davantage d
414 s doute encore trop dire. Racine avait un millier d’ auditeurs ; Valéry, Claudel, Gide, Péguy n’ont guère eu davantage de l
415 ry, Claudel, Gide, Péguy n’ont guère eu davantage de lecteurs durant la période de leur vie ou paraissaient leurs œuvres c
416 guère eu davantage de lecteurs durant la période de leur vie ou paraissaient leurs œuvres capitales. Et je doute qu’un Me
417 sérieusement compris et discuté par beaucoup plus de personnes que Descartes n’en convainquit de son vivant. Cependant les
418 plus de personnes que Descartes n’en convainquit de son vivant. Cependant les journaux du soir à cinq-cent-mille exemplai
419 cent-mille exemplaires et la radio atteignent des millions d’auditeurs. Dans cette disproportion impressionnante entre l’aire de
420 e exemplaires et la radio atteignent des millions d’ auditeurs. Dans cette disproportion impressionnante entre l’aire de la
421 cette disproportion impressionnante entre l’aire de la vraie culture créatrice et régulatrice et l’aire des sous-produits
422 ulatrice et l’aire des sous-produits standardisés de la culture de consommation, on aperçoit la raison immédiate de la cri
423 aire des sous-produits standardisés de la culture de consommation, on aperçoit la raison immédiate de la crise actuelle du
424 de consommation, on aperçoit la raison immédiate de la crise actuelle du langage. La presse, la radio, l’éloquence politi
425 ccession démocratique des grandes masses à la vie de l’esprit me paraît tout à fait improbable dans l’état actuel du régim
426 ficit que représente pour la culture, la création de ces grandes zones d’échanges incontrôlés. Ces échanges en effet about
427 pour la culture, la création de ces grandes zones d’ échanges incontrôlés. Ces échanges en effet aboutissent rapidement à d
428 est vague, impropre, sans saveur et sans pouvoir d’ évocation active du vrai. Il habitue des millions de lecteurs au rendu
429 ouvoir d’évocation active du vrai. Il habitue des millions de lecteurs au rendu approximatif des faits, des choses, ou des idées
430 évocation active du vrai. Il habitue des millions de lecteurs au rendu approximatif des faits, des choses, ou des idées. I
431 choses, ou des idées. Il flatte ainsi la paresse de l’esprit, décourage le sens critique, décontenance les expressions le
432 i les mots perdent leur force et leur délicatesse d’ appel. Et les bons écrivains, qui n’ont pas d’autres armes, se voient
433 s, qui n’ont pas d’autres armes, se voient privés de tous moyens d’agir. Leurs coups ne portent plus, ne marquent pas dans
434 s d’autres armes, se voient privés de tous moyens d’ agir. Leurs coups ne portent plus, ne marquent pas dans ce magma incon
435 ire dès lors n’est pour eux que tromper un besoin d’ expression qui n’a plus de mission réelle. C’est un jeu formel et préc
436 x que tromper un besoin d’expression qui n’a plus de mission réelle. C’est un jeu formel et précis, dont ils sont seuls à
437 quis » et par suite inapte à traduire une volonté d’ action bientôt jugée vulgaire. ⁂ La civilisation occidentale aurait-el
438 fins dernières à quoi elle tend ? Quand le peuple d’ Israël oublie sa vocation et se détourne de l’Éternel son Dieu, il per
439 peuple d’Israël oublie sa vocation et se détourne de l’Éternel son Dieu, il perd aussi le sens des noms et bientôt sa lang
440 ux ! » s’écrie le prophète Osée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’être les dociles instruments de la vocation
441 rie le prophète Osée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’être les dociles instruments de la vocation catholique
442 Osée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’ être les dociles instruments de la vocation catholique, pour devenir d
443 ur de Rome cessent d’être les dociles instruments de la vocation catholique, pour devenir de raffinés rhéteurs, ils perden
444 struments de la vocation catholique, pour devenir de raffinés rhéteurs, ils perdent leur autorité et suscitent contre eux
445 s vienne à faiblir et que la mesure commune cesse d’ être effectivement perçue et observée, l’on assiste à la même dégradat
446 ’on assiste à la même dégradation des instruments de la culture : — d’une part les écrivains se mettent à raffiner l’expre
447 rivains se mettent à raffiner l’expression propre de chaque chose séparée, au détriment de l’expression générale, d’autre
448 nérale, d’autre part, la grande masse des usagers de la langue cesse d’exercer aucun contrôle sur son parler, qu’elle ne s
449 t, la grande masse des usagers de la langue cesse d’ exercer aucun contrôle sur son parler, qu’elle ne soumet plus à un but
450 s du peuple, et que la langue vulgaire s’encombre d’ équivoques, de confusions et de malentendus parfois tragiques : l’oubl
451 t que la langue vulgaire s’encombre d’équivoques, de confusions et de malentendus parfois tragiques : l’oubli des fins der
452 ulgaire s’encombre d’équivoques, de confusions et de malentendus parfois tragiques : l’oubli des fins dernières entraîne n
453 s fins dernières entraîne nécessairement la ruine de la communauté, par le seul fait qu’il ruine le langage. Cette absenc
454 seul fait qu’il ruine le langage. Cette absence d’ un principe communautaire vivant et puissant dans nos vies, c’est le d
455 vivant et puissant dans nos vies, c’est le drame de la civilisation, de la culture, de la cité modernes. Tous les hommes
456 dans nos vies, c’est le drame de la civilisation, de la culture, de la cité modernes. Tous les hommes de ce temps, s’ils o
457 c’est le drame de la civilisation, de la culture, de la cité modernes. Tous les hommes de ce temps, s’ils ont quelque cons
458 la culture, de la cité modernes. Tous les hommes de ce temps, s’ils ont quelque conscience, souffrent obscurément de leur
459 ils ont quelque conscience, souffrent obscurément de leur séparation. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressé
460 omme fait à un homme, et qui engage quelque chose de son être, c’est l’amitié humaine qui se détruit. ⁂ Telle est l’inquié
461 lle, elle est d’abord cette inquiétude du cœur et de l’esprit qui naît de la mort des amitiés. Plus angoissante encore, el
462 cette inquiétude du cœur et de l’esprit qui naît de la mort des amitiés. Plus angoissante encore, elle règne innommée et
463 crifié, là où elle n’a pas même laissé les traces d’ une coutume ancestrale : dans les villes. Mais ce que l’homme ne fait
464 u’un s’en est aperçu. Quelqu’un a formé le projet de tromper cette faim et cette soif. Au païen ignorant du vrai Dieu, les
465 donnent des idoles faites à l’image des terreurs de l’homme. Dans le culte de ces images, le peuple croit trouver son uni
466 à l’image des terreurs de l’homme. Dans le culte de ces images, le peuple croit trouver son unité, et il y retrouve en ef
467 ité, et il y retrouve en effet le symbole agrandi d’ un désespoir qu’il sent vivre dans tous les cœurs. L’homme d’aujourd’h
468 oir qu’il sent vivre dans tous les cœurs. L’homme d’ aujourd’hui méprise les religions. Il sait ce qu’il faut penser des pr
469 ette génération sans but. On nous en donnera donc de nouveaux fabriqués à notre mesure, — et quelle misérable mesure ! « S
470 le et mécanique qui plie l’individu à des calculs de masses, à des disciplines extérieures, à des ambitions inhumaines. No
471 ts d’ordre. L’on peut penser que c’est une espèce de progrès sur l’âge des clichés bourgeois. Mais si les mots d’ordre son
472 esse matérielle ? Que vaut alors cette communauté de réflexes et d’obsession ? N’est-elle pas une somme de nos défaites in
473  ? Que vaut alors cette communauté de réflexes et d’ obsession ? N’est-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos d
474 éflexes et d’obsession ? N’est-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité, — le contraire absolu
475 N’est-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité, — le contraire absolu de la culture, si la cult
476 s une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’ humanité, — le contraire absolu de la culture, si la culture est juste
477 s, de nos dénis d’humanité, — le contraire absolu de la culture, si la culture est justement la part active que prend l’ho
478 tion dans la nature, dans l’histoire, dans la vie de l’esprit ? 24. Extrait d’un ouvrage intitulé Penser avec les main
479 ure, dans l’histoire, dans la vie de l’esprit ? 24. Extrait d’un ouvrage intitulé Penser avec les mains , à paraître ch
480 istoire, dans la vie de l’esprit ? 24. Extrait d’ un ouvrage intitulé Penser avec les mains , à paraître chez Albin Mic
481 r avec les mains , à paraître chez Albin Michel. 25. Les injures et les marques de mépris hautain dont se gratinent les po
482 hez Albin Michel. 25. Les injures et les marques de mépris hautain dont se gratinent les poètes, les essayistes et les po
483 nes, avec une fureur sans exemple dans l’histoire de la culture, trahissent en somme l’impuissance pratique de notre langu
484 lture, trahissent en somme l’impuissance pratique de notre langue. Si les mots « portaient » réellement, les écrivains ser
485 a Terreur qui règne en permanence dans les revues d’ avant-garde est le signe d’une rupture de contact, d’un impuissant dép
486 anence dans les revues d’avant-garde est le signe d’ une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme
487 s revues d’avant-garde est le signe d’une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée
488 vant-garde est le signe d’une rupture de contact, d’ un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée qui désespèr
489 d’une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’ un profond pessimisme de la pensée qui désespère d’atteindre et de mou
490 t, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée qui désespère d’atteindre et de mouvoir effectivement les h
491 ’un profond pessimisme de la pensée qui désespère d’ atteindre et de mouvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche, de
492 simisme de la pensée qui désespère d’atteindre et de mouvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche, des surréalistes,
493 indre et de mouvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce sont des êtres isolés, qui crien
494 terpellent, et qu’ils traitent comme des sourds. 26. Contrairement à ce qui se passe normalement dans les cas d’homonymie
495 rement à ce qui se passe normalement dans les cas d’ homonymie ou de polysémie. Ainsi l’on ne risque pas de confondre le vo
496 se passe normalement dans les cas d’homonymie ou de polysémie. Ainsi l’on ne risque pas de confondre le vol à la tire et
497 monymie ou de polysémie. Ainsi l’on ne risque pas de confondre le vol à la tire et le vol plané dans la conversation coura
498 ts politiques ou électoraux abondent en confusion de cette espèce et s’en nourrissent. L’opération fameuse qui consiste à
499 nner les casseroles et les haricots est à la base de l’éloquence démagogique. e. Rougemont Denis de, « Décadence des lie
500 de l’éloquence démagogique. e. Rougemont Denis de , « Décadence des lieux communs », Cahiers du Sud, Marseille, décembre
501 ux communs », Cahiers du Sud, Marseille, décembre 1936, p. 898-905.
4 1937, Articles divers (1936-1938). Changer la vie ou changer l’homme ? (1937)
502 Changer la vie ou changer l’homme ? ( 1937 )u Variations du communisme Opposez les dogmes chrétiens aux a
503 nisme Opposez les dogmes chrétiens aux axiomes de Marx et d’Engels, les communistes vous répondront, non sans apparence
504 posez les dogmes chrétiens aux axiomes de Marx et d’ Engels, les communistes vous répondront, non sans apparence d’à-propos
505 s communistes vous répondront, non sans apparence d’ à-propos, que l’opération les laisse indifférents : ils sont sur le pl
506 on les laisse indifférents : ils sont sur le plan de l’histoire, non des vérités éternelles. Placez-vous donc sur ce plan
507 aucun doute les plus honnêtes), que la dictature de Staline se rapproche des régimes fascistes. Essayez d’en conclure que
508 aline se rapproche des régimes fascistes. Essayez d’ en conclure que le communisme c’est cela, s’il se confond, comme on no
509 rejeté sur le plan doctrinal. Informez-vous alors de cette fameuse dialectique : vous apprendrez qu’elle fut inventée par
510 z qu’elle fut inventée par Hegel, qui eut le tort de la fonder sur l’Esprit, ce qui était proprement la poser sur la tête 
511 it proprement la poser sur la tête : que le génie de Marx l’a remise sur ses pieds en la fondant sur la matière économique
512 ir au niveau du réel ; que son but primitif était de détruire l’État au profit de l’homme concret, non sans avoir d’abord
513 n but primitif était de détruire l’État au profit de l’homme concret, non sans avoir d’abord renforcé cet État jusqu’à l’e
514 enfin cette dictature disparaîtra nécessairement, d’ elle-même, avec les derniers opposants. Vous pensiez être dans l’histo
515 ependant vous demeurez sceptique : Staline, après vingt ans de pouvoir des Soviets, annonce une constitution qui renforce enc
516 ous demeurez sceptique : Staline, après vingt ans de pouvoir des Soviets, annonce une constitution qui renforce encore l’é
517 renforce encore l’étatisme, et ne parle même plus de sa suppression future. Au contraire, il fait fusiller ceux qui en par
518 n parlent. On vous répond que c’est une nécessité de la tactique, dûment prévue d’ailleurs par les dialecticiens. Alors, p
519 ’obéissance aveugle à Staline, dépositaire unique de la doctrine. Quitter le plan des vérités éternelles pour entrer dans
520 n des vérités éternelles pour entrer dans le plan de l’histoire, cela signifiait donc, précisément, renoncer à la vérité,
521 r à la vérité, et ne croire plus qu’à la tactique d’ un dictateur, lequel changera la vérité tous les six mois. Mais alors
522 ’un dictateur, lequel changera la vérité tous les six mois. Mais alors de quoi donc parle-t-on lorsqu’on parle de communism
523 changera la vérité tous les six mois. Mais alors de quoi donc parle-t-on lorsqu’on parle de communisme ? Où le prendre ?
524 ais alors de quoi donc parle-t-on lorsqu’on parle de communisme ? Où le prendre ? En quoi peut résider l’identité d’une do
525 ? Où le prendre ? En quoi peut résider l’identité d’ une doctrine qui prétend justifier théoriquement, à quelques années d’
526 rétend justifier théoriquement, à quelques années d’ intervalle, la démocratie des Soviets, puis la dictature de Staline ;
527 lle, la démocratie des Soviets, puis la dictature de Staline ; le pacifisme à tout prix des débuts et l’impérialisme actue
528 e contre l’État, et en même temps, le capitalisme d’ État de Lénine ; l’expropriation des patrons en 1918, puis la restaura
529 d’État de Lénine ; l’expropriation des patrons en 1918, puis la restauration de la propriété privée en 1933 ; la suppression
530 riation des patrons en 1918, puis la restauration de la propriété privée en 1933 ; la suppression de l’héritage puis son r
531 8, puis la restauration de la propriété privée en 1933  ; la suppression de l’héritage puis son rétablissement ; l’antimilita
532 n de la propriété privée en 1933 ; la suppression de l’héritage puis son rétablissement ; l’antimilitarisme et la création
533 t ; l’antimilitarisme et la création enthousiaste d’ une armée abondamment pourvue de maréchaux ; l’égalité sociale absolue
534 tion enthousiaste d’une armée abondamment pourvue de maréchaux ; l’égalité sociale absolue puis la course aux salaires et
535 s la course aux salaires et aux grades ; la ruine de la famille puis sa réfection systématique ; la critique acerbe de la
536 is sa réfection systématique ; la critique acerbe de la SDN puis l’entrée dans cet organisme ? Tout cela peut s’expliquer,
537 gentes, et je n’ai pas à porter, ici, un jugement d’ allure politique. Mais ce qui est grave, c’est de voir tant d’intellec
538 d’allure politique. Mais ce qui est grave, c’est de voir tant d’intellectuels défendre ces manœuvres au nom de la doctrin
539 itique. Mais ce qui est grave, c’est de voir tant d’ intellectuels défendre ces manœuvres au nom de la doctrine, et les jus
540 airement, un simple opportunisme ? Que sert alors de discuter, de confronter ? « Rien ne sera juste à cette balance » (Pas
541 simple opportunisme ? Que sert alors de discuter, de confronter ? « Rien ne sera juste à cette balance » (Pascal). Je m’en
542 uste à cette balance » (Pascal). Je m’en voudrais d’ exploiter l’équivoque. Mais il fallait au moins rappeler son existence
543 elle nous tend. (Pièges dans lesquels tombent les neuf dixièmes des adversaires du marxisme — et combien de marxistes eux-mê
544 dixièmes des adversaires du marxisme — et combien de marxistes eux-mêmes !) Si maintenant j’essaie de saisir l’identité fo
545 de marxistes eux-mêmes !) Si maintenant j’essaie de saisir l’identité foncière et la continuité de l’attitude communiste,
546 ie de saisir l’identité foncière et la continuité de l’attitude communiste, au travers des contradictions violentes de ses
547 mmuniste, au travers des contradictions violentes de ses témoignages successifs, je trouve tout de même, en fin de compte,
548 ompte, une grande volonté invariable : la volonté de changer le monde. Or une telle volonté ne saurait prendre son élan qu
549 ndre son élan que dans le sentiment insupportable d’ un défaut inhérent au monde. Connaître qu’il existe un mal universel,
550 plus tortueux, mettons les détours dialectiques, de l’action du parti communiste41. La « cause » justifie les moyens… Mai
551 te croit que la société présente n’a pas le droit de déterminer le tout de l’homme, et ne le peut pas. Car elle est divisé
552 é présente n’a pas le droit de déterminer le tout de l’homme, et ne le peut pas. Car elle est divisée contre elle-même, et
553 s. Car elle est divisée contre elle-même, et fait de l’homme qui s’abandonne à elle un être antinomique, « divisé », et co
554 être antinomique, « divisé », et comme « aliéné » de ce qu’il y a de plus humain en lui. À la découverte de « cette aliéna
555 qu’il y a de plus humain en lui. À la découverte de « cette aliénation de soi », qui selon Marx serait le fait de toutes
556 ain en lui. À la découverte de « cette aliénation de soi », qui selon Marx serait le fait de toutes les sociétés passées,
557 liénation de soi », qui selon Marx serait le fait de toutes les sociétés passées, y compris le communisme primitif, corres
558 t, dans le diagnostic chrétien, la reconnaissance d’ une corruption fondamentale, qui est le péché originel. Il s’ensuit qu
559 trouver sa plénitude et se « regagner totalement » 43 qu’à la faveur d’une économie44 radicalement renouvelée. Une réaction
560 de et se « regagner totalement »43 qu’à la faveur d’ une économie44 radicalement renouvelée. Une réaction semblable — toujo
561 nc le chrétien et le marxiste contre toute espèce de statisme, contre toute spéculation idéaliste, détachée et inactuelle,
562 et contre toute activité qui ne concourrait pas, d’ une façon ou d’une autre, à transformer, à changer quelque chose, — à
563 e activité qui ne concourrait pas, d’une façon ou d’ une autre, à transformer, à changer quelque chose, — à lutter efficace
564 ntre le mal universel. Cette volonté fondamentale de transformation, je la trouve formulée et résumée, de part et d’autre,
565 transformation, je la trouve formulée et résumée, de part et d’autre, par deux propositions parfaitement claires qui, tout
566 ion, je la trouve formulée et résumée, de part et d’ autre, par deux propositions parfaitement claires qui, tout en affirma
567 ouve formulée et résumée, de part et d’autre, par deux propositions parfaitement claires qui, tout en affirmant avec vigueur
568 qui, tout en affirmant avec vigueur la nécessité d’ un « changement », et d’un changement pratique, concret, visible, dive
569 avec vigueur la nécessité d’un « changement », et d’ un changement pratique, concret, visible, divergent cependant, d’une m
570 pratique, concret, visible, divergent cependant, d’ une manière significative, quant aux voies et moyens qu’elles préconis
571 uant aux voies et moyens qu’elles préconisent. La 2e thèse de Marx sur Feuerbach affirme : Les philosophes n’ont fait jus
572 voies et moyens qu’elles préconisent. La 2e thèse de Marx sur Feuerbach affirme : Les philosophes n’ont fait jusqu’ici qu
573 er diversement le monde ; or il s’agit maintenant de le transformer. Et l’apôtre Paul écrit dans sa Lettre aux Romains (1
574 t l’apôtre Paul écrit dans sa Lettre aux Romains ( 12, 2) : Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais soyez transform
575 apôtre Paul écrit dans sa Lettre aux Romains (12, 2 ) : Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais soyez transformés
576 ent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre sens, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, c
577 s, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. Dans les deux cas, il s’a
578 u, ce qui est bon, agréable et parfait. Dans les deux cas, il s’agit du même mot : transformer ; et il s’agit de transforme
579 l s’agit du même mot : transformer ; et il s’agit de transformer en tant que l’on est proprement humain (c’est-à-dire en t
580 on fait la révolution, pour Marx). Il s’agit donc d’ action. Il s’agit d’attester soit la foi, par une réalisation des volo
581 n, pour Marx). Il s’agit donc d’action. Il s’agit d’ attester soit la foi, par une réalisation des volontés de Dieu, contra
582 ter soit la foi, par une réalisation des volontés de Dieu, contrariant celles du siècle, — soit la pensée, par une action4
583 re que révolutionnaire. Et cependant l’opposition de Marx et de l’apôtre éclate en ceci : que Paul veut transformer l’homm
584 lutionnaire. Et cependant l’opposition de Marx et de l’apôtre éclate en ceci : que Paul veut transformer l’homme d’abord —
585 d’abord, — et l’homme par lui. C’est sur le fait de cette opposition centrale qu’il importe d’être bien au clair, si l’on
586 e fait de cette opposition centrale qu’il importe d’ être bien au clair, si l’on veut comprendre pourquoi la pratique et le
587 les dérivent d’ailleurs obscurément, mais coupées de leurs liens éternels, abandonnées aux seules lois du Temps. De la
588 ternels, abandonnées aux seules lois du Temps. De la polémique antispiritualiste à la doctrine marxiste On ne répéte
589 répétera jamais assez que la doctrine originelle de Marx est avant tout la mise en forme d’une polémique. Elle est, très
590 riginelle de Marx est avant tout la mise en forme d’ une polémique. Elle est, très consciemment, conditionnée par la situat
591 très consciemment, conditionnée par la situation de l’Europe occidentale vers le milieu du xixe siècle, et par la volont
592 vers le milieu du xixe siècle, et par la volonté de la changer. En particulier, elle n’est « matérialiste », au sens vulg
593 sens vulgaire, que dans la mesure où la mentalité de l’époque peut être qualifiée — et se qualifie elle-même — de spiritua
594 peut être qualifiée — et se qualifie elle-même — de spiritualiste, au sens le plus contestable du terme. Quelle était, du
595 ituation qui se présentait à Marx ? C’était celle de la Restauration. Professeurs et bourgeois libéraux, grands patrons du
596 issant en Angleterre et en Allemagne, théologiens de l’école hégélienne, ou adversaires du christianisme, tous, dans un co
597 fait que le constater. Elle n’empêchait nullement de faire des affaires. Ni d’opprimer les ouvriers. Ni d’appeler justice,
598 e n’empêchait nullement de faire des affaires. Ni d’ opprimer les ouvriers. Ni d’appeler justice, au besoin, ce qui était u
599 aire des affaires. Ni d’opprimer les ouvriers. Ni d’ appeler justice, au besoin, ce qui était utile aux maîtres. La religio
600 s son temps à dénoncer l’erreur qui est à la base d’ une pareille imposture : il la sait trop profondément enracinée dans l
601 est la seule arme dont il disposerait sur le plan de l’« esprit », car il est incroyant. D’ailleurs, ce n’est pas l’« espr
602 ain. Il lui faudra donc recourir à un autre ordre d’ arguments : ceux que l’on dit « matérialistes ». Ce seront d’une part
603 d’autre part la « science » infaillible des lois de l’évolution économique, qu’il formule. Je résume et je simplifie ce p
604 étendent réformer « l’intérieur » se gardent bien de toucher à l’extérieur. Marx dira donc, contre eux, qu’il faut d’abord
605 songe spiritualiste, opposons l’argument frappant d’ un matérialisme polémique : nous l’appellerons matérialisme dialectiqu
606 ref qu’il n’est en somme qu’une tactique. Faisons de nécessité vertu. Proposons-nous de changer les choses et leurs rappor
607 tique. Faisons de nécessité vertu. Proposons-nous de changer les choses et leurs rapports, de changer « le monde », c’est-
608 ons-nous de changer les choses et leurs rapports, de changer « le monde », c’est-à-dire les rapports économiques et sociau
609 angerons l’homme. D’ailleurs, peut-être suffit-il de changer le cadre matériel pour que le contenu se transforme ? N’a-t-o
610 à son jeu polémique. Ce ne fut guère qu’à la fin de sa carrière que son ami Engels en découvrit le danger. « Marx et moi
611 découvrit le danger. « Marx et moi — écrit-il en 1890 — nous sommes peut-être responsables de ce que parfois nos disciples
612 t-il en 1890 — nous sommes peut-être responsables de ce que parfois nos disciples ont insisté plus qu’il ne convenait sur
613 sur les facteurs économiques. Nous étions forcés d’ insister sur leur caractère fondamental, par opposition à nos adversai
614 nous n’eûmes pas toujours le temps ni l’occasion de rendre justice aux autres facteurs. » De la doctrine marxiste à la
615 asion de rendre justice aux autres facteurs. » De la doctrine marxiste à la tactique stalinienne En effet, de ce « m
616 e marxiste à la tactique stalinienne En effet, de ce « mensonge » opportuniste qu’était le matérialisme polémique, prom
617 mique, promu par un glissement inévitable au rang de doctrine du parti, devait sortir la « vérité » tactique du matérialis
618 ire, celui que la presse bourgeoise a si beau jeu d’ attaquer aujourd’hui — encore qu’elle le pratique elle-même sans vergo
619 sans vergogne, tout en le niant pour les besoins de sa cause. Ce matérialisme vulgaire, que Marx avait tout d’abord comba
620 rès lui, un mensonge absolu exactement symétrique de celui des idéalistes : la croyance que si l’on change l’ordre des cho
621 e erreur non moins grave que celle des défenseurs de l’esprit pur : l’erreur qui porte l’homme à croire que la cause de to
622 l’erreur qui porte l’homme à croire que la cause de tous ses malheurs est dans les choses, et non dans lui. (Il n’en fut
623 gent fait le bonheur. Marx vient lui expliquer en 15 volumes — dont on a fait des résumés — qu’il a raison de croire cela.
624 mes — dont on a fait des résumés — qu’il a raison de croire cela. Bien plus, Marx vient lui démontrer que ceux qui prétend
625 , car l’argent distribué aux masses ne manque pas de créer du bonheur. Pour réussir, il faut une discipline. Pour la maint
626 , aux scrupuleux, libre au camarade Gide lui-même de s’indigner : il faut ce qu’il faut. L’étatisme dictatorial contredit
627 aut. L’étatisme dictatorial contredit la doctrine de Marx ? Qu’importe, puisque le but final est la richesse, mère du bonh
628 ulu le matérialisme vulgaire. Mais les nécessités de la polémique d’une part, — et sa définition de l’homme concret, purem
629 és de la polémique d’une part, — et sa définition de l’homme concret, purement social, d’autre part, l’ont amené à mettre
630 ienne devant le « monde » On parle avec raison de « doctrine » marxiste, d’« idéologie », de « tactique » communistes.
631 On parle avec raison de « doctrine » marxiste, d’ « idéologie », de « tactique » communistes. Mais ce serait introduire
632 raison de « doctrine » marxiste, d’« idéologie », de « tactique » communistes. Mais ce serait introduire une confusion irr
633 serait introduire une confusion irrémédiable que de parler dans le même sens d’une « doctrine » du christianisme. Le chré
634 sion irrémédiable que de parler dans le même sens d’ une « doctrine » du christianisme. Le chrétien, et surtout le protesta
635 s dogmes théologiques puissent figurer la théorie d’ une pratique49. Le christianisme n’est pas un programme ; ni, comme le
636 ; ni une tactique, cela va de soi. Parlons plutôt d’ une attitude. Et d’une attitude totale. (Je dirais bien totalitaire, s
637 cela va de soi. Parlons plutôt d’une attitude. Et d’ une attitude totale. (Je dirais bien totalitaire, si le mot n’avait ét
638 eillement perverti par les caricatures séculières de la révolution chrétienne.) La vie et la pensée chrétiennes, en effet,
639 èrent à chaque instant à ce qui détermine le tout de l’homme : son origine, sa fin, et sa mission présente. Le chrétien sa
640 t de Dieu, le Créateur ; qu’il va vers le Royaume de Dieu, le Réconciliateur ; et qu’il a pour mission actuelle d’obéir à
641 Réconciliateur ; et qu’il a pour mission actuelle d’ obéir à une Parole qui est Jésus-Christ, le Médiateur. Mais cette Paro
642 l méconnaît, ne sont que les reflets énigmatiques de cet événement primordial — ses succédanés temporels, en dérive vers l
643 s qu’à attendre, et à subir en gémissant les lois d’ un monde qu’il condamne ! Car alors, où serait son refus ? Et quelle p
644 serait son refus ? Et quelle preuve aurions-nous de sa transformation ? Une mauvaise humeur résignée ? Une simple réticen
645 leur aveuglement quant au devoir, et au pouvoir, de l’homme transformé par la foi. L’homme nouveau, selon l’Évangile, est
646 veau, selon l’Évangile, est un homme qui a changé de sens. Il est orienté autrement, comme l’indique le mot conversion. Ob
647 se, il reconnaît du même coup l’origine et le but de sa vie : il connaît dès lors son péché, tout ce qui l’écartait de sa
648 onnaît dès lors son péché, tout ce qui l’écartait de sa voie. Mais il se connaît du même coup responsable à l’endroit du m
649 faute. Ainsi : conscience du péché, connaissance de la fin et de l’origine, obligation d’agir pour racheter le mal commis
650  : conscience du péché, connaissance de la fin et de l’origine, obligation d’agir pour racheter le mal commis, sont trois
651 onnaissance de la fin et de l’origine, obligation d’ agir pour racheter le mal commis, sont trois moments indivisibles de l
652 ligation d’agir pour racheter le mal commis, sont trois moments indivisibles de la « transformation » dont parle Paul. L’un n
653 er le mal commis, sont trois moments indivisibles de la « transformation » dont parle Paul. L’un n’est pas concevable, sér
654 sement, sans l’autre. « Toute droite connaissance de Dieu naît de l’obéissance », écrit Calvin. Et que serait une obéissan
655 l’autre. « Toute droite connaissance de Dieu naît de l’obéissance », écrit Calvin. Et que serait une obéissance qui ne se
656 as ? La transformation personnelle, au sens total de l’Évangile, ne peut donc se traduire, si elle s’est faite, que par un
657 t pas converti — mais encore toute transformation de la forme actuelle des choses, qui ne serait pas l’effet d’une convers
658 me actuelle des choses, qui ne serait pas l’effet d’ une conversion des hommes, ne doit être aux yeux du chrétien, qu’une r
659 ’Évangile est formel : « Que servirait à un homme de gagner le monde, s’il perdait son âme ? » Son âme, c’est-à-dire la co
660 t son âme ? » Son âme, c’est-à-dire la conscience de son origine et de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, d
661 âme, c’est-à-dire la conscience de son origine et de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporell
662 science de son origine et de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporelle ! Précisons, car nous
663 origine et de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas
664 sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas de vérités « p
665 e corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas de vérités « purement théologiques » comme le dirait un incroyant. Que s
666 servirait à l’homme, tel que le voit le chrétien, de sauver sa vie matérielle et morale, d’échapper à la guerre, à la misè
667 chrétien, de sauver sa vie matérielle et morale, d’ échapper à la guerre, à la misère, à l’oppression, s’il ignore ou refu
668 les guerres se déchaîner, et les chômeurs mourir de faim ? Ce serait prouver qu’on n’est pas converti. J’agirai donc, tou
669 stes Telle étant donc la conception chrétienne de l’homme, seul responsable du mal qui est dans le monde, on comprendra
670 i apparaisse nécessairement borné. Je me servirai d’ une image. L’enfant qui rate son coup, ou qui se heurte contre un meub
671 », criait l’enfant Rimbaud ! Et les intellectuels de gauche reprennent aujourd’hui cette devise, pour l’opposer au « spiri
672 ti chrétien » eût triomphé, rien ne l’eût empêché de subir le sort fatal des révoltes politiques : il eût revêtu les forme
673 temps plus paisibles l’évangélisation — sa raison d’ être — il se fût consacré aux tâches plus urgentes : donner du pain et
674 nouvelle, absolument nouvelle, venant d’ailleurs, d’ au-delà de ce monde, de leur transformation en Christ, venu au monde.
675 absolument nouvelle, venant d’ailleurs, d’au-delà de ce monde, de leur transformation en Christ, venu au monde. Il n’annon
676 uvelle, venant d’ailleurs, d’au-delà de ce monde, de leur transformation en Christ, venu au monde. Il n’annonçait pas un f
677 ement salutaire, au nom d’une Personne vivante et de son amour éternel. Il annonçait l’homme changé. Trop beau tout cela !
678 ne foi que ma raison refuse, et qu’elle m’ordonne d’ ignorer. Je ne vois pas les effets d’une telle foi dans l’histoire de
679 le m’ordonne d’ignorer. Je ne vois pas les effets d’ une telle foi dans l’histoire de notre Occident52. Si je n’ai pas votr
680 is pas les effets d’une telle foi dans l’histoire de notre Occident52. Si je n’ai pas votre foi, je ne les vois pas. Je vo
681 êchant la résignation. C’est vraiment trop facile de se mettre en règle avec sa mauvaise conscience, en prétextant que l’i
682 nt que l’intérieur importe seul, et que le « pain de vie » suffit à nourrir l’homme ! Peut-être suffit-il à vous nourrir,
683 ovoqué parmi les « exploités » un tel soulèvement d’ espérances, de telles vagues d’adhésions enthousiastes, si aveuglement
684 es « exploités » un tel soulèvement d’espérances, de telles vagues d’adhésions enthousiastes, si aveuglement enthousiastes
685 un tel soulèvement d’espérances, de telles vagues d’ adhésions enthousiastes, si aveuglement enthousiastes, c’est qu’il s’e
686 xistence, tout le malheur dont en vérité le péché de chacun est responsable. L’observation est juste ; elle est insuffisan
687 ’est sa volonté proclamée, concrète et immédiate, de changer tout ; et non pas seulement l’« esprit » ou l’« intérieur ».
688 aine n’a plus été prêchée au monde avec une force d’ attaque assez gênante et bouleversante. C’est que l’« esprit » qui dev
689 s conformismes, ou du moins n’a pas su, par excès de prudence, empêcher que les foules le considèrent comme tel. Les chrét
690 chrétiens sont bien plus responsables des succès de Marx auprès des foules, que le marxisme n’est responsable du déclin d
691 conscience plus fidèle, partant plus douloureuse de ce fait, je crois qu’ils éviteraient d’attaquer le marxisme dans les
692 uloureuse de ce fait, je crois qu’ils éviteraient d’ attaquer le marxisme dans les mêmes termes que la réaction. Mais ceci
693 ntenu, il reste qu’en doctrine, et indépendamment de toutes nos fautes, l’objection marxiste ne vaut rien, alors que l’obj
694 enne est imparable. Quand un marxiste me reproche de me contenter d’un changement tout spirituel, et qui n’affecte en rien
695 le. Quand un marxiste me reproche de me contenter d’ un changement tout spirituel, et qui n’affecte en rien le cours des ch
696 sse à mon hypocrisie, à ma lâcheté, à mon absence de foi, mais non pas du tout à la foi. Car la foi, dit Luther, est ‟une
697 changent. Ce que tu me reproches, c’est, en fait, de n’être pas assez chrétien ! Tu m’incites donc à le devenir davantage,
698 eligion. Ton athéisme devient prédication ! Drôle d’ aventure, pour un dialecticien ! Si tu dis que le chrétien est celui q
699 ntiel du marxisme, je le répète, c’est sa volonté de changer le monde, le monde d’abord, et non pas l’homme d’abord, et le
700 l’excès du matérialisme, non point par la malice de Staline, mais par l’effet des conditions physiques et spirituelles de
701 l’effet des conditions physiques et spirituelles de l’homme en ce qu’elles ont d’irréductibles à toute détermination soci
702 ues et spirituelles de l’homme en ce qu’elles ont d’ irréductibles à toute détermination sociale ou historique imaginable,
703 ir53. Le problème des fins dernières : Royaume de Dieu ou paradis terrestre ? Nous arrivons maintenant, toute équivo
704 iste militant, ont tenté la synthèse pratique des deux croyances, qu’ils estimaient complémentaires. D’autres, plus nombreux
705 le problème se posait avec urgence, aux environs de 1933, de réunir dans un même enthousiasme, « les deux Karl », c’est-à
706 problème se posait avec urgence, aux environs de 1933, de réunir dans un même enthousiasme, « les deux Karl », c’est-à-dire
707 ème se posait avec urgence, aux environs de 1933, de réunir dans un même enthousiasme, « les deux Karl », c’est-à-dire Bar
708 1933, de réunir dans un même enthousiasme, « les deux Karl », c’est-à-dire Barth et Marx !54 C’est ici qu’une critique prop
709 ue proprement théologique se révèle seule capable de marquer les limites existant en fait, et les distinctions décisives.
710 ique du communisme n’est justiciable, en soi, que d’ une critique politique, économique, historique, etc.55 Et je ne vois p
711 nique. Mais ce qui tombe directement sous le coup de la seule critique théologique, ce sont les buts derniers du communism
712 es postulats qu’il suppose. Qu’on me permette ici d’ être un peu schématique pour plus de clarté. Il me paraît que l’opposi
713 permette ici d’être un peu schématique pour plus de clarté. Il me paraît que l’opposition finale entre la croyance marxis
714 prépare un paradis terrestre, le paradis temporel de l’homme ; le christianisme prépare un Royaume éternel, qui sera celui
715 anisme prépare un Royaume éternel, qui sera celui de Dieu, non de la Terre. Tous deux sont eschatologiques, en ce sens qu’
716 e un Royaume éternel, qui sera celui de Dieu, non de la Terre. Tous deux sont eschatologiques, en ce sens qu’ils rapporten
717 el, qui sera celui de Dieu, non de la Terre. Tous deux sont eschatologiques, en ce sens qu’ils rapportent leur accomplisseme
718 à un terme futur et total, accessible au travers d’ une longue tribulation, d’une longue passion temporelle. Et c’est la «
719 , accessible au travers d’une longue tribulation, d’ une longue passion temporelle. Et c’est la « foi », substance des chos
720 , substance des choses espérées, qui permet seule de supporter les maux que l’on endure au nom du but dernier. (Le chrétie
721 te sur son bûcher, le komsomol accepte un salaire de famine s’il faut cela pour sauver l’URSS.) Mais l’eschaton chrétien e
722 ver l’URSS.) Mais l’eschaton chrétien est au-delà de ce temps, est éternel, et par là même peut être immédiatement présent
723 ste, temporel, s’enfuit dans un futur indéfini, —  cent ans, mille ans ou deux-mille ans ? — et ne peut exister hic et nunc.
724 rel, s’enfuit dans un futur indéfini, — cent ans, mille ans ou deux-mille ans ? — et ne peut exister hic et nunc. Comment l’o
725 xister hic et nunc. Comment l’opposition radicale de ces deux fins, la temporelle et l’éternelle, va-t-elle maintenant se
726 hic et nunc. Comment l’opposition radicale de ces deux fins, la temporelle et l’éternelle, va-t-elle maintenant se manifeste
727 nt se manifester dans notre siècle ? Le phénomène de la « conversion » le fait bien voir. Un homme qui se convertit au chr
728 au-dedans de lui. Cet homme n’est plus le maître de sa vie. Il est l’agent d’une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui
729 me n’est plus le maître de sa vie. Il est l’agent d’ une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui seul et ici-bas, et qui a
730 elle porte témoignage en faveur du fait accompli d’ une révolution humaine. Le chrétien converti commence donc par la fin
731 ossède déjà l’essentiel, que Marx voyait au terme de l’histoire : la personne. Et alors, il attaque le monde ! Mais un hom
732 est pas accompli, l’histoire n’ayant jamais connu de réalisation de communisme. Ainsi, des deux, c’est le marxiste qui est
733 i, l’histoire n’ayant jamais connu de réalisation de communisme. Ainsi, des deux, c’est le marxiste qui est l’utopiste ; e
734 is connu de réalisation de communisme. Ainsi, des deux , c’est le marxiste qui est l’utopiste ; et c’est le chrétien qui est
735 ée, me montre dès maintenant un peu de la réalité de mes espérances. » Mais l’espérance finale du communisme, c’est la lib
736 pérance finale du communisme, c’est la libération de l’homme. Et moi je lui montre un homme libéré, tandis qu’il ne peut m
737 me montrer que quelques conditions préliminaires d’ une libération toujours future. Je marquerai encore une autre différen
738 ar là même, il se voit contraint à chaque instant de transformer autour de lui ce qui s’oppose à son bien souverain. S’il
739 rain. S’il est chrétien, il sait qu’il est membre d’ un corps qui porte toutes les marques du péché. Il est alors en face d
740 hé. Il est alors en face du monde, et au nom même de sa foi, dans la posture d’un révolutionnaire permanent. Non seulement
741 monde, et au nom même de sa foi, dans la posture d’ un révolutionnaire permanent. Non seulement il se voit contraint de ve
742 ire permanent. Non seulement il se voit contraint de venir en aide à son prochain, mais encore rien ne peut le satisfaire
743 prochain, mais encore rien ne peut le satisfaire de ce qu’il obtient, par cet effort, s’il compare ce mieux-être relatif
744 reçu en Christ. Il possède en lui-même la mesure d’ une perpétuelle transformation, nécessaire dans tous les domaines où s
745 ices présentes, du fait qu’il croit que l’intérêt de l’homme est seul en jeu — et de l’homme tel qu’il le conçoit, être so
746 oit que l’intérêt de l’homme est seul en jeu — et de l’homme tel qu’il le conçoit, être social — se verra fatalement neutr
747 t entre les intérêts sociaux présents et le désir d’ aller au-delà, d’aller jusqu’à l’accomplissement final. Car cet accomp
748 êts sociaux présents et le désir d’aller au-delà, d’ aller jusqu’à l’accomplissement final. Car cet accomplissement, ou plé
749 déviations dites « réformistes » ou « étatistes » de la révolution matérialiste. Pour qu’une telle pesanteur ne gagne pas
750 res spasmodiques qui agitent l’humanité (comme en 1789 et en 1917), il faudrait que l’homme soit délivré de son péché, « cha
751 iques qui agitent l’humanité (comme en 1789 et en 1917 ), il faudrait que l’homme soit délivré de son péché, « changé », sort
752 et en 1917), il faudrait que l’homme soit délivré de son péché, « changé », sorti du plan, précisément, où le marxisme le
753 écisément, où le marxisme le maintient. Moyens d’ action du chrétien et du marxiste Préparer le royaume de l’homme, o
754 du chrétien et du marxiste Préparer le royaume de l’homme, ou témoigner par des actes visibles en faveur du retour d’un
755 oigner par des actes visibles en faveur du retour d’ un Royaume déjà réalisé en Christ, cela suppose identiquement une volo
756 en Christ, cela suppose identiquement une volonté de changer tout ce qui peut l’être ; mais aussi, cela suppose certains m
757 l’être ; mais aussi, cela suppose certains moyens d’ action qui ne sauraient être les mêmes dans les deux cas, si la fin se
758 d’action qui ne sauraient être les mêmes dans les deux cas, si la fin seule justifie les moyens58. La fin, ou le télos de l’
759 seule justifie les moyens58. La fin, ou le télos de l’action du chrétien, c’est le royaume de justice et d’amour. Tout ac
760 e télos de l’action du chrétien, c’est le royaume de justice et d’amour. Tout acte qui contredirait, dans le présent, la l
761 ction du chrétien, c’est le royaume de justice et d’ amour. Tout acte qui contredirait, dans le présent, la loi d’amour et
762 ut acte qui contredirait, dans le présent, la loi d’ amour et de justice, même s’il était commis au nom des intérêts de l’É
763 contredirait, dans le présent, la loi d’amour et de justice, même s’il était commis au nom des intérêts de l’Église chrét
764 stice, même s’il était commis au nom des intérêts de l’Église chrétienne, détruirait en fait cette Église en tant qu’elle
765 fait cette Église en tant qu’elle vit dans chacun de ses membres, et non pas dans un ciel abstrait. Car le gage de l’actio
766 es, et non pas dans un ciel abstrait. Car le gage de l’action chrétienne n’est pas futur, mais éternel et donc présent. Si
767 éternel et donc présent. Si, pour sauver le futur de l’Église, je désobéis dans le présent, je perds tout du même coup, pr
768 st et je m’oppose à son retour. Il n’est donc pas d’ « opportunisme » chrétien qui tienne, et tous les moyens du chrétien d
769 est le cas du marxiste. N’ayant pas derrière lui de modèle accompli, ni en lui de Présence souveraine, il se sent libre d
770 nt pas derrière lui de modèle accompli, ni en lui de Présence souveraine, il se sent libre d’appliquer les moyens qu’il ju
771 i en lui de Présence souveraine, il se sent libre d’ appliquer les moyens qu’il juge adéquats aux intérêts momentanés de so
772 oyens qu’il juge adéquats aux intérêts momentanés de son Parti et de sa classe. Ainsi Staline peut justifier en bonne doct
773 adéquats aux intérêts momentanés de son Parti et de sa classe. Ainsi Staline peut justifier en bonne doctrine « dialectiq
774 ialectique » ses négations actuelles du but final de Marx. Il légitime son étatisme totalitaire en arguant que c’est le se
775 me totalitaire en arguant que c’est le seul moyen d’ accéder à un stade économique plus favorable au développement du socia
776 la vraie volonté du marxisme, plutôt qu’un reste d’ humanisme libéral. Le fait est que la grosse majorité des communistes
777 la grosse majorité des communistes suit Staline. D’ où il résulte à l’évidence que pour la grosse majorité des communistes
778 ’oppression, l’hypocrisie suprême nommée « raison d’ État », et jusqu’à la guerre s’il le faut, sont des moyens parfaitemen
779 te » personnelle et actuelle, puisqu’il n’y a pas de salut présent ni éternel, puisque le salut n’est pas pour eux de tout
780 t ni éternel, puisque le salut n’est pas pour eux de toute façon, mais pour les descendants de leurs descendants ? C’est a
781 our eux de toute façon, mais pour les descendants de leurs descendants ? C’est ainsi qu’on a vu Zinoviev, par « fidélité »
782 Imaginez maintenant qu’un vrai chrétien juge bon de s’inscrire au parti communiste ou de militer en sa faveur : l’alterna
783 ien juge bon de s’inscrire au parti communiste ou de militer en sa faveur : l’alternative où il se place est sans issue. C
784 ans issue. Car ou bien il accepte les disciplines d’ action que lui impose son parti, et qui comportent la haine et le mens
785 ais alors pour sauver le monde, il perd sa raison d’ être personnelle, et renie justement cette foi qu’il croyait mieux ser
786 ieux servir dans le communisme ; ou bien il tâche de n’agir qu’en chrétien ; mais alors il devient un opposant, un « trotz
787 a fin dernière du chrétien est présente en chacun de ses actes, ou bien n’est pas ; tandis que la fin dernière du marxiste
788 ’on voit qu’en dépit du langage, la transcendance de la foi chrétienne se manifeste ici et maintenant et engage le tout de
789 se manifeste ici et maintenant et engage le tout de l’homme ; tandis que l’immanence de la croyance marxiste renvoie sans
790 ngage le tout de l’homme ; tandis que l’immanence de la croyance marxiste renvoie sans cesse le fait humain total dans un
791 indéfini, et n’engage que certaines dispositions de l’être, celles-là précisément que l’avenir socialiste, la société san
792 le chrétien sait que le bien naît du parfait. D’ une conséquence politique de la foi Je m’adresserai maintenant aux
793 n naît du parfait. D’une conséquence politique de la foi Je m’adresserai maintenant aux chrétiens déclarés. J’en voi
794 vois beaucoup qui estiment que la transformation de l’homme importe seule, puisqu’elle est, en effet, l’essentiel, et le
795 puisqu’elle est, en effet, l’essentiel, et le but de tout autre changement. J’en vois beaucoup qui jugent que l’action per
796 vois beaucoup qui jugent que l’action personnelle de charité et de sacrifice, pour le mieux-être du prochain, suffit à com
797 qui jugent que l’action personnelle de charité et de sacrifice, pour le mieux-être du prochain, suffit à compléter, si je
798 des risques financiers, et même parfois l’abandon de tous biens et d’intérêts humains très chers. Mais je demande à ces ch
799 ciers, et même parfois l’abandon de tous biens et d’ intérêts humains très chers. Mais je demande à ces chrétiens « changés
800 isme le plus « activiste ». Pourquoi refusent-ils de s’occuper de politique ? Comment se fait-il qu’un grand nombre d’entr
801 « activiste ». Pourquoi refusent-ils de s’occuper de politique ? Comment se fait-il qu’un grand nombre d’entre eux s’en dé
802 nt : « On ne peut pas tout faire ! Quand beaucoup d’ hommes seront changés, beaucoup de problèmes se poseront autrement… »
803 ations toutes théoriques : elle doit nous avertir de corriger sans trêve la déviation spiritualiste qui menace notre vie c
804 ue leur foi doit se manifester sur tous les plans de l’activité humaine, y compris le plan politique, ils ne répondront pa
805 olitique chrétienne, déduite une fois pour toutes de la théologie. Mais je crois que le christianisme, aussitôt qu’il se m
806 intime, à la création d’autres formes. Il importe de savoir lesquelles, et de les préparer consciemment. Sinon nous laisse
807 utres formes. Il importe de savoir lesquelles, et de les préparer consciemment. Sinon nous laisserons le champ libre à tou
808 ntes. Il se pose là, me semble-t-il, une question de solidarité, qui est une forme de la charité. Parfois aussi le devoir
809 il, une question de solidarité, qui est une forme de la charité. Parfois aussi le devoir chrétien peut apparaître plus his
810 fasciste ou soviétique : c’est la « mise au pas » de nos vies et de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que maté
811 iétique : c’est la « mise au pas » de nos vies et de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que matériels, au servi
812  mise au pas » de nos vies et de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que matériels, au service de l’État déifié.
813 s vies, tant spirituels que matériels, au service de l’État déifié. Cette situation n’est pas sans rappeler celle de l’Emp
814 ié. Cette situation n’est pas sans rappeler celle de l’Empire romain au premier âge du christianisme, telle que nous l’évo
815 p bien organisées). On parle, à tort ou à raison, d’ États chrétiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes
816 parle, à tort ou à raison, d’États chrétiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes. Tout cela se trouve
817 rt ou à raison, d’États chrétiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes. Tout cela se trouve mis au défi
818 son, d’États chrétiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes. Tout cela se trouve mis au défi par l’exige
819 xigence totalitaire, comme le prouve le spectacle de l’Allemagne. L’État nouveau veut qu’on l’adore, sinon déjà dans des f
820 sent aux commandements du Décalogue, et au devoir d’ amour chrétien. Le conflit est inévitable. Suffira-t-il dès lors de se
821 Le conflit est inévitable. Suffira-t-il dès lors de se laisser persécuter ? N’avons-nous rien à faire qu’à subir le marty
822 Ou qu’à revêtir vis-à-vis de l’État une attitude d’ objecteurs de conscience ? N’avons-nous rien que nous-mêmes à sauver,
823 tir vis-à-vis de l’État une attitude d’objecteurs de conscience ? N’avons-nous rien que nous-mêmes à sauver, alors que nos
824 précise : un calviniste, doit être ici en mesure de répondre. De toutes les églises chrétiennes, l’église calviniste est
825 calviniste, doit être ici en mesure de répondre. De toutes les églises chrétiennes, l’église calviniste est en effet la p
826 elle qu’en passant les dragonnades et les guerres de religion qui les précèdent : on sait assez que ce fut la lutte d’une
827 les précèdent : on sait assez que ce fut la lutte d’ une royauté déjà « totalitaire » contre des groupes, loyalistes il est
828 certaine mise au pas. Il serait peut-être abusif de déduire d’une situation déterminée par la persécution brutale, que le
829 ise au pas. Il serait peut-être abusif de déduire d’ une situation déterminée par la persécution brutale, que les églises c
830 Mais si nous remontons plus haut, jusqu’au règne de François Ier, c’est-à-dire jusqu’à une époque où la passion totalitai
831 nsciemment fédérative61. Or il ne s’agit plus ici de contingences historiques. C’est le fond même de la doctrine calvinist
832 i de contingences historiques. C’est le fond même de la doctrine calviniste qui s’exprime par cette structure. L’importanc
833 ure. L’importance attachée par Calvin à la notion de vocation personnelle suffit à expliquer ce processus. À une éthique c
834 spond nécessairement une organisation fédéraliste de l’Église, et même de l’État. Calvin n’a pas fondé, comme le répètent
835 une organisation fédéraliste de l’Église, et même de l’État. Calvin n’a pas fondé, comme le répètent tous les manuels, une
836 , une société théocratique, mais bien une société de type fédératif, respectant les diversités, voulues par Dieu, dans l’u
837 par Dieu, dans l’unité spirituelle. Et les suites de cette création sont encore visibles aujourd’hui : nulle part l’esprit
838 nulle part l’esprit totalitaire n’a trouvé moins de complicité et plus de résistance déclarée que dans les pays calvinist
839 otalitaire n’a trouvé moins de complicité et plus de résistance déclarée que dans les pays calvinistes, où la notion de l’
840 larée que dans les pays calvinistes, où la notion de l’autonomie des groupes reste vivace (Angleterre, Écosse, Suisse, Hol
841 gne, la lutte des églises contre l’emprise morale de l’État fut menée, on le sait, par Karl Barth : c’est-à-dire par un ca
842 viniste… Je ne voudrais pas restreindre la portée de ce fait en l’opposant, comme il serait facile, à l’esprit unitaire et
843 l’esprit unitaire et impérial qui anime l’Église de Rome. Le grand souci d’œcuménisme, que nous voyons gagner toutes les
844 périal qui anime l’Église de Rome. Le grand souci d’ œcuménisme, que nous voyons gagner toutes les églises, est une promess
845 s, est une promesse à laquelle nous devons croire de toute la force de notre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu
846 e à laquelle nous devons croire de toute la force de notre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu’une conclusion qu
847 ute la force de notre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu’une conclusion que je crois valable pour tout chrétien
848 ue église qu’il appartienne. Nous avons tous reçu de Dieu un appel strictement personnel, un « charisme » dont nous sommes
849 les. Nous ne pouvons donc pas approuver une forme d’ État qui, par définition, contredit toute diversité, toute autonomie s
850 mie spirituelle au sein de la communauté. Il y va de notre tout, personnel, mais aussi de la valeur de la communauté pour
851 uté. Il y va de notre tout, personnel, mais aussi de la valeur de la communauté pour tous les hommes qui la composent. Ne
852 de notre tout, personnel, mais aussi de la valeur de la communauté pour tous les hommes qui la composent. Ne fût-ce que po
853 Elle entraîne beaucoup de braves gens au service d’ une cause présentée comme une valeur de pères de famille. C’est en vér
854 au service d’une cause présentée comme une valeur de pères de famille. C’est en vérité la croisade du matérialisme hypocri
855 e d’une cause présentée comme une valeur de pères de famille. C’est en vérité la croisade du matérialisme hypocrite contre
856 mes contre leur frère, le stalinisme : une guerre de religions qui ne sont pas les nôtres. Je prends ici parti contre une
857 régime communiste. On nous donne à choisir entre deux sortes de matérialisme. Mais le communisme, au moins, voulait changer
858 uniste. On nous donne à choisir entre deux sortes de matérialisme. Mais le communisme, au moins, voulait changer le monde…
859 anger le monde… Contre les arguments démagogiques de nos croisés, je répète, après Berdiaev, après Gide : la « vérité » du
860 après Gide : la « vérité » du communisme résulte de la trahison du christianisme par la chrétienté. Toutes les aspiration
861 ns valables et généreuses du marxisme sont autant d’ essais de sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformées, ou « mi
862 es et généreuses du marxisme sont autant d’essais de sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformées, ou « mises sous
863 ses du marxisme sont autant d’essais de sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformées, ou « mises sous le boisseau p
864 boisseau par les chrétiens ». Cela est vrai même de l’aspiration totalitaire, qui est monstrueuse dans ses formes actuell
865 ais qui traduit encore, obscurément, l’aspiration d’ un Occident jadis chrétien, vers une économie sauvée : le Royaume où D
866 ses chrétiennes ont à souffrir demain par le fait d’ un État tyrannique, il faut qu’elles sachent qu’elles en sont responsa
867 i nos libertés civiques sont brimées, par le fait d’ une doctrine et d’un État « matérialistes », il faut savoir que nous e
868 iques sont brimées, par le fait d’une doctrine et d’ un État « matérialistes », il faut savoir que nous en sommes les respo
869 e. Tout le mal vient de notre esprit. C’est à lui de faire pénitence, car c’était lui qui devait témoigner de sa primauté
870 e pénitence, car c’était lui qui devait témoigner de sa primauté salutaire. Mais il faut aussi repartir. La tragédie de Ma
871 lutaire. Mais il faut aussi repartir. La tragédie de Marx et du marxisme, c’est de n’avoir pas su, ou pas pu opposer au me
872 partir. La tragédie de Marx et du marxisme, c’est de n’avoir pas su, ou pas pu opposer au mensonge spiritualiste, la vérit
873 ns pas à nous dresser contre la « vérité » déviée de Marx, contre une vérité orpheline, coupée des liens vivants qui l’att
874  ! », disait l’Apôtre. Malheur à moi si je refuse de réaliser l’Évangile dans tous les domaines de la vie. La seule lutte
875 use de réaliser l’Évangile dans tous les domaines de la vie. La seule lutte efficace contre le matérialisme, c’est la lutt
876 faut mener contre la tentation spiritualiste. 41. « Le communisme n’est pas pour nous un état qui doive être créé, un i
877 ui supprimera la réalité présente. Les conditions de ce mouvement sont données par cette situation » (Marx, Deutsche Ideol
878 ar cette situation » (Marx, Deutsche Ideologie). 42. « Nous sommes tous membres les uns des autres » (Rom., 12, 5). D’autr
879 s sommes tous membres les uns des autres » (Rom., 12, 5). D’autre part, Marx n’a pas cessé de critiquer l’« individu isolé
880 mmes tous membres les uns des autres » (Rom., 12, 5 ). D’autre part, Marx n’a pas cessé de critiquer l’« individu isolé et
881 » (Rom., 12, 5). D’autre part, Marx n’a pas cessé de critiquer l’« individu isolé et abstrait » (Thèses sur Feuerbach). 4
882 vidu isolé et abstrait » (Thèses sur Feuerbach). 43. Marx, Critique de la philosophie hégélienne du droit. 44. Au sens le
883 ait » (Thèses sur Feuerbach). 43. Marx, Critique de la philosophie hégélienne du droit. 44. Au sens le plus large du ter
884 Critique de la philosophie hégélienne du droit. 44. Au sens le plus large du terme, qui peut désigner aussi bien la « soc
885 t désigner aussi bien la « société sans classes » de Marx, que le « Royaume de Dieu » chrétien. 45. « Dans la pratique, l
886  société sans classes » de Marx, que le « Royaume de Dieu » chrétien. 45. « Dans la pratique, l’homme doit prouver la vér
887  » de Marx, que le « Royaume de Dieu » chrétien. 45. « Dans la pratique, l’homme doit prouver la vérité de sa pensée, c’es
888  Dans la pratique, l’homme doit prouver la vérité de sa pensée, c’est-à-dire sa réalité et sa puissance concrète. Réalité
889 réalité et sa puissance concrète. Réalité ou non de la pensée humaine isolée du domaine pratique, c’est querelle de pure
890 umaine isolée du domaine pratique, c’est querelle de pure scolastique » (Marx, 2e thèse sur Feuerbach). De même pour le ch
891 ique, c’est querelle de pure scolastique » (Marx, 2e thèse sur Feuerbach). De même pour le chrétien, la foi sans les œuvre
892 , la foi sans les œuvres n’est pas la foi (Jacq., 2, 26). Et Luther même n’a jamais dit autre chose, contrairement aux aff
893 a foi sans les œuvres n’est pas la foi (Jacq., 2, 26 ). Et Luther même n’a jamais dit autre chose, contrairement aux affirm
894 s dit autre chose, contrairement aux affirmations de polémistes ignorants, ou qui jouent sur les deux sens du mot œuvres (
895 ns de polémistes ignorants, ou qui jouent sur les deux sens du mot œuvres (œuvres pies et action concrète). 46. Je parle, b
896 du mot œuvres (œuvres pies et action concrète). 46. Je parle, bien entendu, de la religion telle que Marx la voyait, tell
897 et action concrète). 46. Je parle, bien entendu, de la religion telle que Marx la voyait, telle qu’elle lui apparaissait
898 ue la même époque a vu le grand réveil piétiste. 47. « L’armée de la critique ne peut évidemment remplacer la critique des
899 que a vu le grand réveil piétiste. 47. « L’armée de la critique ne peut évidemment remplacer la critique des armes » (Mar
900 remplacer la critique des armes » (Marx, Critique de le philosophie hégélienne). Il faut en user, certes, mais elle ne suf
901 x, et non pas créature spirituelle et charnelle. 48. En particulier, dans les Thèses sur Feuerbach. On peut y lire une phr
902 e ne serait pas « dialectique ». « La coïncidence de la modification des circonstances et de la modification de l’activité
903 ïncidence de la modification des circonstances et de la modification de l’activité humaine, ou transformation personnelle,
904 ification des circonstances et de la modification de l’activité humaine, ou transformation personnelle, ne peut être ratio
905 me ! Mais combien oubliée par le communiste moyen de nos jours ! 49. Selon Karl Barth, par exemple, la dogmatique n’est q
906 n oubliée par le communiste moyen de nos jours ! 49. Selon Karl Barth, par exemple, la dogmatique n’est qu’une question pe
907 ise s’adresse à elle-même, et qui a pour fonction de corriger sans cesse, de rectifier le message annoncé par la prédicati
908 e, et qui a pour fonction de corriger sans cesse, de rectifier le message annoncé par la prédication et par les sacrements
909 prédication et par les sacrements. C’est un acte d’ obéissance, et c’est aussi un acte d’humilité ; car toute parole humai
910 ’est un acte d’obéissance, et c’est aussi un acte d’ humilité ; car toute parole humaine sur Dieu est nécessairement inadéq
911 t ainsi qu’une mesure critique que l’Église prend de son message sous le rapport de sa fidélité à son fondement, à son con
912 un programme théorique qu’il s’agirait maintenant d’ appliquer. En bref, la doctrine chrétienne, si l’on veut établir un pa
913 s doute dangereux — ce serait la Personne vivante de Jésus-Christ, et non pas la théologie, simple autocritique de l’Églis
914 ist, et non pas la théologie, simple autocritique de l’Église et du message que l’on prêche dans l’Église. 50. « S’attend
915 ise et du message que l’on prêche dans l’Église. 50. « S’attendre à… » veut dire ici : « tendre vers… » 51. Ma suppositio
916 S’attendre à… » veut dire ici : « tendre vers… » 51. Ma supposition n’est pas toute gratuite : elle s’est réalisée plus ta
917 c les mêmes inconvénients. Certes il y a des lois de l’histoire en ce sens qu’on retrouve les mêmes mécanismes partout où
918 mes mécanismes partout où l’esprit démissionne ! 52. « Je ne vois jamais le christianisme devenir révolutionnaire ! » S’ex
919 mait naguère Jean Guéhenno (Union pour la Vérité, 22 mars 1930). À quoi un socialiste allemand, le professeur Hans Mühlest
920 uère Jean Guéhenno (Union pour la Vérité, 22 mars 1930 ). À quoi un socialiste allemand, le professeur Hans Mühlestein, rétor
921 Mühlestein, rétorquait : « Toutes les révolutions de l’histoire de l’Occident, sont sorties de la religion chrétienne. Tou
922 torquait : « Toutes les révolutions de l’histoire de l’Occident, sont sorties de la religion chrétienne. Toute autre cause
923 lutions de l’histoire de l’Occident, sont sorties de la religion chrétienne. Toute autre cause est secondaire. » Et Henri
924 t Henri de Man : « Je crois qu’il n’y a jamais eu de tentative révolutionnaire qui n’ait été d’origine chrétienne. S’il n’
925 ais eu de tentative révolutionnaire qui n’ait été d’ origine chrétienne. S’il n’y a pas de socialisme en Asie, cela tient à
926 ui n’ait été d’origine chrétienne. S’il n’y a pas de socialisme en Asie, cela tient à l’absence du christianisme. » Je not
927 christianisme. » Je note ici, à l’appui des dires de de Man, que le mouvement syndicaliste au Japon a été fondé par un chr
928 te au Japon a été fondé par un chrétien, Kagawa. 53. Je ne dis pas « les conditions physiques et spirituelles en ce qu’ell
929 ions physiques et spirituelles en ce qu’elles ont de permanent », car alors, le marxiste me ferait observer que des facteu
930 ferait observer que des facteurs très essentiels de l’être même peuvent varier selon les milieux et la nature des institu
931 tutions. (Ainsi le besoin prétendu « primordial » de propriété, peut très bien être anéanti chez l’homme par un régime com
932 me communiste.) Que reste-t-il dans l’être humain d’ absolument irréductible à toute transformation sociale ? La mort physi
933 é. Mais aussi : la qualité, la fonction créatrice de l’esprit. En somme, tout l’essentiel ! — Je dis que toute doctrine qu
934 Je dis que toute doctrine qui ne tient pas compte d’ une de ces conditions conduit nécessairement soit à l’idéalisme, soit
935 que toute doctrine qui ne tient pas compte d’une de ces conditions conduit nécessairement soit à l’idéalisme, soit à son
936 Le stalinisme totalitaire résulte nécessairement d’ une conception de l’homme purement social, qui néglige la fonction spi
937 talitaire résulte nécessairement d’une conception de l’homme purement social, qui néglige la fonction spirituelle (créatri
938 arisation du christianisme résulte nécessairement de l’Évangile ! 54. Déclaration d’un étudiant chinois au congrès mondia
939 stianisme résulte nécessairement de l’Évangile ! 54. Déclaration d’un étudiant chinois au congrès mondial de la Fédération
940 e nécessairement de l’Évangile ! 54. Déclaration d’ un étudiant chinois au congrès mondial de la Fédération des étudiants
941 laration d’un étudiant chinois au congrès mondial de la Fédération des étudiants chrétiens. (Cf. Student World, automne 19
942 étudiants chrétiens. (Cf. Student World, automne 1933. ) 55. Telle que l’ont opérée par exemple un Werner Sombart, un de Man
943 ts chrétiens. (Cf. Student World, automne 1933.) 55. Telle que l’ont opérée par exemple un Werner Sombart, un de Man, et e
944 erner Sombart, un de Man, et en France, le groupe de l’Ordre nouveau. (Cf. en particulier la Révolution nécessaire, par Ar
945 n nécessaire, par Aron et Dandieu, et sa critique de la notion d’échange chez Marx.) 56. « Les pharisiens lui ayant deman
946 par Aron et Dandieu, et sa critique de la notion d’ échange chez Marx.) 56. « Les pharisiens lui ayant demandé quand vien
947 t sa critique de la notion d’échange chez Marx.) 56. « Les pharisiens lui ayant demandé quand viendrait le Royaume de Dieu
948 iens lui ayant demandé quand viendrait le Royaume de Dieu, Jésus leur répondit : Le Royaume de Dieu ne vient pas de manièr
949 Royaume de Dieu, Jésus leur répondit : Le Royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards et l’on ne dira pa
950 i, ou bien : il est là ! Car voici que le Royaume de Dieu est au-dedans de vous ! » (Luc, 17, 20-25.) 57. Je parle ici, l
951 e Royaume de Dieu est au-dedans de vous ! » (Luc, 17, 20-25.) 57. Je parle ici, l’on m’entend bien, de ce que doit être un
952 yaume de Dieu est au-dedans de vous ! » (Luc, 17, 20-25. ) 57. Je parle ici, l’on m’entend bien, de ce que doit être un chréti
953 Dieu est au-dedans de vous ! » (Luc, 17, 20-25.) 57. Je parle ici, l’on m’entend bien, de ce que doit être un chrétien con
954 7, 20-25.) 57. Je parle ici, l’on m’entend bien, de ce que doit être un chrétien conséquent. Il est trop clair que nous r
955 isons viennent de ceci : que nous n’acceptons pas de tout soumettre aux volontés de Dieu. Nous réservons certaines activit
956 us n’acceptons pas de tout soumettre aux volontés de Dieu. Nous réservons certaines activités, celles-là précisément dont
957 , et ceux des autres ! Exemple typique : l’auteur d’ un des cantiques les plus pieux du recueil anglais, sir John Browning,
958 sous la menace des canons, à s’ouvrir au commerce de l’opium. Un tel fait donne raison en apparence à la critique marxiste
959 me, non à la foi dont l’homme refuse les ordres. 58. Je prends l’expression dans ce sens, qui n’est pas le sens jésuite co
960 en soi contraires à la justice, — ou à l’essence de la fin souhaitée. 59. Je ne cède pas ici à l’imagerie polémique des
961 a justice, — ou à l’essence de la fin souhaitée. 59. Je ne cède pas ici à l’imagerie polémique des bourgeois, aux yeux des
962 istes représentent chez nous, en général, l’élite de leur classe. Je ne les traite pas de menteurs, d’hypocrites, etc. Mai
963 ral, l’élite de leur classe. Je ne les traite pas de menteurs, d’hypocrites, etc. Mais je dis qu’en tant qu’ils approuvent
964 de leur classe. Je ne les traite pas de menteurs, d’ hypocrites, etc. Mais je dis qu’en tant qu’ils approuvent la politique
965 je dis qu’en tant qu’ils approuvent la politique de Staline et ses moyens, connus de tous, ils approuvent le mensonge (af
966 ent la politique de Staline et ses moyens, connus de tous, ils approuvent le mensonge (affaire Zinoviev), l’hypocrisie (en
967 déportation des paysans, des écrivains), la haine de classe (prêchée par Marx) et la guerre (pour peu qu’elle soit censée
968 (pour peu qu’elle soit censée défendre l’URSS). 60. Je n’entends pas porter ici un jugement quelconque sur les groupes di
969 r ici un jugement quelconque sur les groupes dits d’ Oxford. Je ne les cite qu’au seul titre d’exemple topique. 61. Le réd
970 es dits d’Oxford. Je ne les cite qu’au seul titre d’ exemple topique. 61. Le rédacteur de cette « discipline » paraît avoi
971 ne les cite qu’au seul titre d’exemple topique. 61. Le rédacteur de cette « discipline » paraît avoir été le pasteur Anto
972 u seul titre d’exemple topique. 61. Le rédacteur de cette « discipline » paraît avoir été le pasteur Antoine de Chandieu,
973 oine de Chandieu, mais l’intervention personnelle de Calvin dans l’élaboration du document ne fait pas de doute. « C’est,
974 Calvin dans l’élaboration du document ne fait pas de doute. « C’est, dit F. de Schickler, une constitution très serrée en
975 ratique, fédérative et parlementaire. » À la base de tout, il y a l’église locale, ou paroisse. Ces églises se fédèrent pa
976 e. Ces églises se fédèrent par région. L’instance d’ appel est « la cour suprême du synode national ». (John Viénot, Histoi
977 rême du synode national ». (John Viénot, Histoire de la Réforme française, I, p. 271.) 62. C’est-à-dire : fondée sur la n
978 . (John Viénot, Histoire de la Réforme française, I , p. 271.) 62. C’est-à-dire : fondée sur la notion de vocation. 63.
979 t, Histoire de la Réforme française, I, p. 271.) 62. C’est-à-dire : fondée sur la notion de vocation. 63. L’URSS est le s
980 p. 271.) 62. C’est-à-dire : fondée sur la notion de vocation. 63. L’URSS est le seul État totalement totalitaire, disait
981 C’est-à-dire : fondée sur la notion de vocation. 63. L’URSS est le seul État totalement totalitaire, disait récemment Vict
982 isait récemment Victor Serge, écrivain communiste d’ opposition, au retour de sa déportation en Sibérie. u. Rougemont Den
983 erge, écrivain communiste d’opposition, au retour de sa déportation en Sibérie. u. Rougemont Denis de, « Changer la vie
984 e sa déportation en Sibérie. u. Rougemont Denis de , « Changer la vie ou changer l’homme ? », Le Communisme et les chréti
985 ? », Le Communisme et les chrétiens, Paris, Plon, 1937, p. 203-233.
5 1937, Articles divers (1936-1938). Vocation et destin d’Israël (1937)
986 Vocation et destin d’ Israël (1937)v Sens de « l’histoire » d’Israël Un prophète, a
987 Vocation et destin d’Israël ( 1937 )v Sens de « l’histoire » d’Israël Un prophète, a écrit Karl B
988 Vocation et destin d’Israël (1937)v Sens de « l’histoire » d’Israël Un prophète, a écrit Karl Barth, est un ho
989 stin d’Israël (1937)v Sens de « l’histoire » d’ Israël Un prophète, a écrit Karl Barth, est un homme sans biographi
990 e avec sa mission. » Nous ne savons rien du reste de sa vie, et n’avons nul besoin d’en rien connaître pour reconnaître la
991 ns rien du reste de sa vie, et n’avons nul besoin d’ en rien connaître pour reconnaître la portée de son message puisque c’
992 in d’en rien connaître pour reconnaître la portée de son message puisque c’est le message de Dieu. Jérémie n’eût été qu’un
993 la portée de son message puisque c’est le message de Dieu. Jérémie n’eût été qu’un berger bègue si l’Éternel n’avait parlé
994 ternel n’avait parlé par lui. Voici qui est digne de remarque : le seul détail précis que rapporte la Bible à son sujet, c
995 cette difficulté à s’exprimer. Non seulement rien d’ historiquement notable ne le prédestinait à jouer le rôle d’un grand p
996 uement notable ne le prédestinait à jouer le rôle d’ un grand prophète, — les psychologues s’y épuiseront — mais encore il
997 raît le plus décisif, à vues humaines, s’agissant d’ un homme appelé au ministère de la Parole. Ce qui est vrai du prophète
998 maines, s’agissant d’un homme appelé au ministère de la Parole. Ce qui est vrai du prophète l’est aussi de son peuple, — p
999 a Parole. Ce qui est vrai du prophète l’est aussi de son peuple, — peuple entre tous prophétique. Ce qui est vrai de la bi
1000 — peuple entre tous prophétique. Ce qui est vrai de la biographie d’un homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai d
1001 ous prophétique. Ce qui est vrai de la biographie d’ un homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai de l’histoire prof
1002 homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai de l’histoire profane des Juifs, porteurs eux aussi d’une mission que ri
1003 l’histoire profane des Juifs, porteurs eux aussi d’ une mission que rien en eux ne semblait préparer. On peut le dire sans
1004 peut le dire sans paradoxe : Israël n’eût pas eu d’ histoire sans la promesse que Dieu fit à Abraham. Cette tribu « se lèv
1005 ou matérialiste-dialectique, se donne pour tâche de reconstituer l’évolution immanente d’un peuple, telle qu’on peut vrai
1006 pour tâche de reconstituer l’évolution immanente d’ un peuple, telle qu’on peut vraisemblablement la styliser et la chiffr
1007 ïvement positiviste. Que nous apprend une science de cet ordre sur le destin auquel étaient promises les infimes tribus no
1008 nation juive ? Une similitude facile nous permet de l’imaginer : l’histoire n’a pas la plus petite raison de supposer que
1009 aginer : l’histoire n’a pas la plus petite raison de supposer que le peuple d’Israël, s’il n’avait pas été « élu », eût év
1010 s la plus petite raison de supposer que le peuple d’ Israël, s’il n’avait pas été « élu », eût évolué d’une autre sorte que
1011 ’Israël, s’il n’avait pas été « élu », eût évolué d’ une autre sorte que tant de tribus d’Arabie qui nous offrent encore au
1012 , eût évolué d’une autre sorte que tant de tribus d’ Arabie qui nous offrent encore aujourd’hui, avec une persistance bien
1013 bien remarquable tous les traits caractéristiques de la coutume pastorale des temps d’Abraham. Nous ne possédons pas un re
1014 aractéristiques de la coutume pastorale des temps d’ Abraham. Nous ne possédons pas un renseignement d’ordre profane, qui n
1015 d’Abraham. Nous ne possédons pas un renseignement d’ ordre profane, qui nous explique pourquoi cette tribu-là échappa au de
1016 jours sur les habitants du désert. Désignée entre mille , sans raison. Ou sans autre raison, peut-être, que cette impuissance
1017 te à construire et à conquérir… Ainsi les annales d’ Israël sont celles d’une puissance imprévue et humainement imprévisibl
1018 conquérir… Ainsi les annales d’Israël sont celles d’ une puissance imprévue et humainement imprévisible, qui ne fut jamais
1019 ns médiocres des Hébreux. Ce que nous connaissons de leur « histoire » — mais le mot prend ici un sens nouveau — c’est la
1020 d ici un sens nouveau — c’est la suite des gestes de Dieu dont ils ne furent que les instruments. Mais les instruments ind
1021 révoltes constantes, leurs faux pas, leurs accès d’ incroyance. Et toute leur grandeur est à Dieu, c’est-à-dire à la vocat
1022 vocation qui les arrache, malgré eux, à ce destin de très piètre envergure. Foi et idolâtrie La considération du con
1023 raiment grandiose à cette opposition fondamentale d’ une vocation et d’un destin, hors de laquelle on ne peut rien comprend
1024 à cette opposition fondamentale d’une vocation et d’ un destin, hors de laquelle on ne peut rien comprendre de ce qui touch
1025 stin, hors de laquelle on ne peut rien comprendre de ce qui touche à la nation des Juifs. Destin nomade, vocation messiani
1026 ule l’élève, l’assemble et donne un sens à la vie de chacun. Ce peuple errait sans « fin » dans le désert, sans but jusqu’
1027 l vient de Dieu, il va vers Dieu, et c’est la loi de Dieu qui l’y conduit. C’est pourquoi son télos (sa fin dernière), est
1028 e en son essence, comme Dieu, et comme Dieu objet de la foi seule. De la foi, et non de la vue ! Catégories absolument nou
1029 comme Dieu, et comme Dieu objet de la foi seule. De la foi, et non de la vue ! Catégories absolument nouvelles, et qui jo
1030 mme Dieu objet de la foi seule. De la foi, et non de la vue ! Catégories absolument nouvelles, et qui joueront un rôle dét
1031 t qui joueront un rôle déterminant dans l’éthique de l’Occident, même sous les noms paganisés d’idéalisme et de réalisme a
1032 hique de l’Occident, même sous les noms paganisés d’ idéalisme et de réalisme au sens courant. Mais le conflit de la foi et
1033 dent, même sous les noms paganisés d’idéalisme et de réalisme au sens courant. Mais le conflit de la foi et de la vue n’es
1034 e et de réalisme au sens courant. Mais le conflit de la foi et de la vue n’est en somme qu’un autre aspect du conflit de l
1035 sme au sens courant. Mais le conflit de la foi et de la vue n’est en somme qu’un autre aspect du conflit de la vocation et
1036 vue n’est en somme qu’un autre aspect du conflit de la vocation et du destin. Il fait comprendre l’esprit de révolte qui
1037 ocation et du destin. Il fait comprendre l’esprit de révolte qui tourmenta sans fin les douze tribus. Car un but invisible
1038 re l’esprit de révolte qui tourmenta sans fin les douze tribus. Car un but invisible aux mortels est une menace et une angois
1039 diats » qui se voient par trop négligés au profit d’ on ne sait quel futur. Et une angoisse contre laquelle il est fatal qu
1040 que l’on cherche à se protéger par quelque chose de visible et de tangible. Ainsi les Hébreux se rebellent, ils fuient da
1041 che à se protéger par quelque chose de visible et de tangible. Ainsi les Hébreux se rebellent, ils fuient dans le culte de
1042 ulte des faux dieux, rassurants parce que « faits de main d’homme »… Mais sans relâche, des prophètes reviennent pour rail
1043 faux dieux, rassurants parce que « faits de main d’ homme »… Mais sans relâche, des prophètes reviennent pour railler dure
1044 Et c’est son bâton qui lui parle ! Car l’esprit de prostitution égare Et ils se prostituent loin de leur Dieu ! (Osée,
1045 Et ils se prostituent loin de leur Dieu ! (Osée, 4, 12) Cet « esprit de prostitution », cette idolâtrie qui renaît dès q
1046 ils se prostituent loin de leur Dieu ! (Osée, 4, 12 ) Cet « esprit de prostitution », cette idolâtrie qui renaît dès qu’I
1047 t loin de leur Dieu ! (Osée, 4, 12) Cet « esprit de prostitution », cette idolâtrie qui renaît dès qu’Israël cesse de cro
1048 », cette idolâtrie qui renaît dès qu’Israël cesse de croire à ce que ses yeux ne peuvent voir, et qui pourtant fait toute
1049 ême que cette révolte, et ce destin, et ce besoin de voir, sont symbolisés au concret par les statues des idoles étrangère
1050 — car c’est le voisin qu’on imite lorsqu’on doute de sa vocation — de même cette vocation et la foi qu’elle implique ont u
1051 ique ont un symbole, unique et univoque : l’Arche de l’Alliance présente au sein du peuple, aussi nommée arche du témoigna
1052 du témoignage, parce qu’elle atteste les volontés de Dieu, les conditions de son alliance. La mesure Dans l’Arche so
1053 elle atteste les volontés de Dieu, les conditions de son alliance. La mesure Dans l’Arche sont les Tables de la Loi.
1054 nce. La mesure Dans l’Arche sont les Tables de la Loi. La Loi est la « mesure » sacrée : c’est elle qui rappelle à l
1055 « nouveau » peuple, élu par Dieu et « mis à part » 64. C’est à elle que tout acte se réfère, et non seulement tout geste, ma
1056 , tout est « mesuré » et jugé dans la perspective de la fin assignée à toute la nation : l’Éternel Dieu et son service. Ai
1057 on : l’Éternel Dieu et son service. Ainsi l’Arche de l’Alliance nous apparaît comme l’exemple à peu près idéal de ce que l
1058 ce nous apparaît comme l’exemple à peu près idéal de ce que l’on peut nommer (d’un terme d’ailleurs emprunté à l’antiquité
1059 mple à peu près idéal de ce que l’on peut nommer ( d’ un terme d’ailleurs emprunté à l’antiquité hellénique) la mesure d’une
1060 eurs emprunté à l’antiquité hellénique) la mesure d’ une civilisation, le canon d’une culture et d’un ordre social, le prin
1061 ellénique) la mesure d’une civilisation, le canon d’ une culture et d’un ordre social, le principe initial et final régulat
1062 ure d’une civilisation, le canon d’une culture et d’ un ordre social, le principe initial et final régulateur et en même te
1063 al et final régulateur et en même temps animateur de toutes les œuvres d’une nation, tant matérielles que politiques et sp
1064 r et en même temps animateur de toutes les œuvres d’ une nation, tant matérielles que politiques et spirituelles65. L’histo
1065 s offre certes d’autres exemples assez grandioses de communes mesures rigoureuses. (Inde ancienne, Grèce de Périclès, Rome
1066 Mais la mesure des tribus hébraïques se distingue de toutes les autres en ce qu’elle est une vocation adressée par un Dieu
1067 l, transcendant. Elle n’est pas le produit normal d’ une évolution historique fécondée et cristallisée par l’intervention d
1068 rique fécondée et cristallisée par l’intervention d’ un grand chef. Elle est donc plus « totalitaire » que toute mesure hum
1069 t concevable, puisqu’elle ne tire pas son origine de circonstances ou de personnes nécessairement imparfaites ou partielle
1070 ’elle ne tire pas son origine de circonstances ou de personnes nécessairement imparfaites ou partielles. Elle ne laisse au
1071 laisse aucune contingence, ni aucune possibilité de retrait ou de dépassement. Aucun refuge « loin de la face de l’Éterne
1072 contingence, ni aucune possibilité de retrait ou de dépassement. Aucun refuge « loin de la face de l’Éternel ». Parce qu’
1073 ou de dépassement. Aucun refuge « loin de la face de l’Éternel ». Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’É
1074 la face de l’Éternel ». Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la conscience finale d
1075 ale du peuple hébreu. Et parce qu’elle est la loi de Dieu — qui définit la vérité —, elle porte en elle la règle permanent
1076 vérité —, elle porte en elle la règle permanente de toute action et de toute pensée. Vraie mesure donc, et parfaitement c
1077 te en elle la règle permanente de toute action et de toute pensée. Vraie mesure donc, et parfaitement commune. On porte l’
1078 vant des armées, dans la guerre, comme le symbole de l’unité du peuple, mais son usage est interdit pendant les guerres ci
1079 oncent leur idolâtrie66. Remarquons que la notion d’ idolâtrie déborde ici singulièrement le culte des images d’où elle tir
1080 ie déborde ici singulièrement le culte des images d’ où elle tire son nom. Elle embrasse tout ce qui n’est pas foi, mais vu
1081 ui n’est pas foi, mais vue, tout ce qui est refus d’ obéissance, et imagination d’un autre bien. Idole tout ce qui détourne
1082 out ce qui est refus d’obéissance, et imagination d’ un autre bien. Idole tout ce qui détourne de la seule vocation. Idole
1083 ation d’un autre bien. Idole tout ce qui détourne de la seule vocation. Idole toute action ou pensée, si belle ou si fécon
1084 des idolâtries, c’est celle qui prend pour objet de son culte la mesure même, la Loi en soi, abstraite des fins pour lesq
1085 qui consiste à soumettre l’homme à la « lettre » d’ une législation divine, mais dont l’homme s’est emparé, et dont il fai
1086 les plus grands rigoristes, les savants docteurs de la Loi, ceux que le peuple honorait à peu près comme on le fit plus t
1087 raît plus propre à confirmer cette interprétation de la Loi, comme mesure du peuple hébreu, qu’un texte que je trouve dans
1088 lateur (Moïse), écrit-il dans sa Réponse à Appion 67, a été le seul dont les actions et les paroles ont été conformes. » Ca
1089 s, mais il a veillé à ce qu’elles fussent connues de tous. Cette connaissance produit parmi nous une admirable conformité
1090 rable conformité, parce que rien n’est si capable de la faire naître et de l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments
1091 e que rien n’est si capable de la faire naître et de l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu
1092 apable de la faire naître et de l’entretenir, que d’ avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’être élevés da
1093 de l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’être élevés dans une même manière de vivre,
1094 , que d’avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’être élevés dans une même manière de vivre, et dans les mê
1095 r les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’ être élevés dans une même manière de vivre, et dans les mêmes coutumes
1096 r de Dieu, et d’être élevés dans une même manière de vivre, et dans les mêmes coutumes ; car on n’entend point parmi nous
1097 r on n’entend point parmi nous parler diversement de Dieu, comme il arrive parmi les autres peuples, non seulement entre l
1098 en sont persuadés comme nous : on peut apprendre de leur bouche les règles de la conduite de notre vie, et que toutes nos
1099 ous : on peut apprendre de leur bouche les règles de la conduite de notre vie, et que toutes nos actions doivent avoir pou
1100 pprendre de leur bouche les règles de la conduite de notre vie, et que toutes nos actions doivent avoir pour objet de plai
1101 t que toutes nos actions doivent avoir pour objet de plaire à Dieu. Une culture pauvre, mais fidèle Un homme du xxe
1102 le ne peut, me semble-t-il, qu’éprouver une sorte d’ effroi au spectacle d’un ordre social, spirituel et matériel, aussi fa
1103 t-il, qu’éprouver une sorte d’effroi au spectacle d’ un ordre social, spirituel et matériel, aussi fanatiquement lié et sus
1104 é créatrice dans laquelle il met son orgueil. Que de richesses perdues, songe-t-il, que d’inventions négligées, méprisées 
1105 rgueil. Que de richesses perdues, songe-t-il, que d’ inventions négligées, méprisées ! Nous adorons la Vie et le Progrès, l
1106 toute mesure ne serait à nos yeux qu’une occasion de dépassement… Oui, la Richesse est notre dernier dieu, et c’est peut-ê
1107 notre dernier dieu, et c’est peut-être le secret de l’expansion, mais aussi de l’anarchie finale de notre culture moderne
1108 st peut-être le secret de l’expansion, mais aussi de l’anarchie finale de notre culture moderne. Culture dont les éléments
1109 t de l’expansion, mais aussi de l’anarchie finale de notre culture moderne. Culture dont les éléments progressivement désu
1110 les éléments progressivement désunis, puis coupés de toute base commune, en viennent à ne plus même pouvoir communiquer, n
1111 lité, se forgeant une langue singulière au mépris de tout « sens » commun, et convoquant enfin, à grands frais d’invention
1112 ens » commun, et convoquant enfin, à grands frais d’ inventions, la vieille malédiction de la tour de Babel, qui est la dis
1113 grands frais d’inventions, la vieille malédiction de la tour de Babel, qui est la dispersion du genre humain. Le dilemme q
1114 s d’inventions, la vieille malédiction de la tour de Babel, qui est la dispersion du genre humain. Le dilemme qui se trouv
1115 lemme qui se trouve posé à toute civilisation, et d’ une manière très urgente à la nôtre, est assez clairement défini par l
1116 ent défini par la comparaison que l’on peut faire de notre richesse anarchique, et rendue presque vaine par ses excès, ave
1117 sque vaine par ses excès, avec la pauvreté pleine de sens et de grandeur qu’imposait la Loi d’Israël. Ce que l’on perd et
1118 par ses excès, avec la pauvreté pleine de sens et de grandeur qu’imposait la Loi d’Israël. Ce que l’on perd et ce que l’on
1119 pleine de sens et de grandeur qu’imposait la Loi d’ Israël. Ce que l’on perd et ce que l’on gagne à sacrifier à une « mesu
1120 ’exemple juif nous permettra mieux que tout autre de juger. Que devient en effet la culture, dans un monde où n’est toléré
1121 ’avenir religieux du monde. Dès qu’il était tenté de s’oublier dans les voies vulgaires des autres peuples, une sorte de g
1122 les voies vulgaires des autres peuples, une sorte de génie sombre lui montrait l’envers de toute chose, et avec des accent
1123 , une sorte de génie sombre lui montrait l’envers de toute chose, et avec des accents d’amère ironie, proclamait que la ju
1124 rait l’envers de toute chose, et avec des accents d’ amère ironie, proclamait que la justice à l’ancienne manière ne devait
1125 jamais être sacrifiée.68 Ainsi toute tentative de culture profane se voit assimilée à une révolte d’orgueil contre Dieu
1126 e culture profane se voit assimilée à une révolte d’ orgueil contre Dieu. La culture d’Israël sera pauvre à raison même de
1127 e à une révolte d’orgueil contre Dieu. La culture d’ Israël sera pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté sera la con
1128 eu. La culture d’Israël sera pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté sera la condition de sa grandeur. Car ce qui e
1129 même de sa pureté. Sa pauvreté sera la condition de sa grandeur. Car ce qui est grand, c’est ce qui comble la mesure, et
1130 st pourquoi sa pauvreté même garantit la fidélité de la culture du peuple hébreu. C’est une ascèse : il s’agit de détruire
1131 re du peuple hébreu. C’est une ascèse : il s’agit de détruire en germe tout ce qui comblerait trop tôt, ou trop humainemen
1132 humainement, la grande attente messianique. Point d’ abstractions : c’est que le culte qu’il faut rendre au Dieu vivant est
1133 vérité ». Or abstraire, c’est d’abord s’abstraire de l’immédiat. Et c’est aussi, dans une certaine mesure, douter… Ainsi d
1134 dès l’origine à cette vocation supérieure ; dénué de termes abstraits, impropre à toute métaphysique69 il contraint les au
1135 e69 il contraint les auteurs sacrés à l’invention de métaphores qui enrobent les notions les plus hautes dans un vêtement
1136 s un vêtement quotidien ; on dirait : un vêtement de travail. Cette « pauvreté » philosophique — mais quand un peuple a de
1137 is quand un peuple a des prophètes, a-t-il besoin de philosophes ? — est ainsi l’aspect négatif d’une splendeur poétique i
1138 oin de philosophes ? — est ainsi l’aspect négatif d’ une splendeur poétique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien ser
1139 tif d’une splendeur poétique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien sera grande dans la mesure où elle sera biblique
1140 recque, sublime dans la mesure où la synthèse des deux traditions sera dominée par l’élément biblique.) Seuls les grands dis
1141 ands discours prophétiques, parmi tous les chants de la terre, ont réellement rythmé l’action et vérifié l’étymologie grec
1142 t rythmé l’action et vérifié l’étymologie grecque de poésie, qui est agir. Point d’arts figuratifs ou imaginatifs. La loi
1143 étymologie grecque de poésie, qui est agir. Point d’ arts figuratifs ou imaginatifs. La loi les interdit par le deuxième et
1144 t le troisième commandement. « Tu ne te feras pas d’ image taillée, ni de représentation des choses qui sont en haut dans l
1145 ndement. « Tu ne te feras pas d’image taillée, ni de représentation des choses qui sont en haut dans les cieux, en bas sur
1146 us bas que la terre. » Cela condamne toute espèce d’ art plastique. « Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face » — cela
1147 et la fabulation, où les Aryens puisent leur art de tromper et de se satisfaire d’illusions. Point de science purement te
1148 ion, où les Aryens puisent leur art de tromper et de se satisfaire d’illusions. Point de science purement technique : la s
1149 s puisent leur art de tromper et de se satisfaire d’ illusions. Point de science purement technique : la sagesse de Salomon
1150 de tromper et de se satisfaire d’illusions. Point de science purement technique : la sagesse de Salomon n’est pas une conn
1151 Point de science purement technique : la sagesse de Salomon n’est pas une connaissance des « causes » mais bien des « sig
1152 ment commercial71 et industriel. » Que reste-t-il de ce que nous nommons culture ? Philosophie, beaux-arts, fictions écrit
1153 é à la seule chose nécessaire : l’accomplissement d’ une vocation spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement sont le
1154 ssement d’une vocation spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement sont les moyens les plus élémentaires que les hom
1155 s moyens les plus élémentaires que les hommes ont de commercer : l’écriture, la parole et l’action, — la tradition, la pro
1156 la guerre… Mais cet extrême dénuement, ce résidu d’ exclusions fanatiques, se trouve sauver et garantir la possession de c
1157 iques, se trouve sauver et garantir la possession de ce que notre Occident lui-même a défini comme le bien souverain : l’h
1158 n : l’harmonie dans le dynamisme, le Sens général de la vie. Si l’on admet que la destination de toute culture, c’est de c
1159 néral de la vie. Si l’on admet que la destination de toute culture, c’est de concentrer les puissances de la nature et de
1160 admet que la destination de toute culture, c’est de concentrer les puissances de la nature et de la société dans les, mai
1161 toute culture, c’est de concentrer les puissances de la nature et de la société dans les, mains de l’homme responsable, et
1162 ’est de concentrer les puissances de la nature et de la société dans les, mains de l’homme responsable, et dont l’esprit c
1163 ces de la nature et de la société dans les, mains de l’homme responsable, et dont l’esprit connaît un but auquel il dédie
1164 u, fut aussi la plus convenable aux fins suprêmes de l’esprit. Toutefois, non tant à cause de sa pauvreté même, qu’à cause
1165 cause de sa pauvreté même, qu’à cause de l’absolu de sa mesure, et de la promesse qu’elle portait. ⁂ Revenons encore à Jos
1166 eté même, qu’à cause de l’absolu de sa mesure, et de la promesse qu’elle portait. ⁂ Revenons encore à Josèphe : Quant à c
1167 ce que l’on nous reproche comme un grand défaut, de ne nous point étudier à inventer des choses nouvelles, soit dans les
1168 e les autres peuples méritent beaucoup de louange d’ y apporter de continuels changements, nous attribuons au contraire à v
1169 peuples méritent beaucoup de louange d’y apporter de continuels changements, nous attribuons au contraire à vertu et prude
1170 nous attribuons au contraire à vertu et prudence, de demeurer constamment dans l’observation des lois et des coutumes de n
1171 mment dans l’observation des lois et des coutumes de nos ancêtres, parce que c’est une preuve qu’elles ont été parfaitemen
1172 s qui n’ont pas cet avantage que l’on soit obligé de changer, lorsque l’expérience fait connaître le besoin d’en corriger
1173 er, lorsque l’expérience fait connaître le besoin d’ en corriger les défauts. Ainsi, comme nous ne doutons point que ce ne
1174 it Dieu qui nous a donné ces lois par l’entremise de Moïse, pourrions-nous, sans impiété, ne nous pas efforcer de les obse
1175 ourrions-nous, sans impiété, ne nous pas efforcer de les observer très religieusement ? Et quelle conduite peut être plus
1176 plus sainte, que celle dont ce souverain Monarque de l’univers est l’auteur… Quelle forme de gouvernement peut donc être p
1177 Monarque de l’univers est l’auteur… Quelle forme de gouvernement peut donc être plus parfaite que la nôtre, et quels plus
1178 e toutes choses ne sont pas mieux réglées le jour d’ une fête solennelle, qu’elles le sont toujours parmi nous ? Chute
1179 qu’elles le sont toujours parmi nous ? Chute d’ Israël Tout était suspendu à la Loi, qui était elle-même suspendue
1180 née. Et les juifs l’ont méconnue prenant prétexte de la Loi, cette « ombre des biens à venir. » (Héb. 10, 1), pour repouss
1181 la Loi, cette « ombre des biens à venir. » (Héb. 10, 1), pour repousser le Christ, qui était « l’esprit » et la réalité fi
1182 Loi, cette « ombre des biens à venir. » (Héb. 10, 1 ), pour repousser le Christ, qui était « l’esprit » et la réalité fina
1183 rist, qui était « l’esprit » et la réalité finale de la Loi. Dès lors, la Loi est « accomplie » comme le dit Jésus-Christ
1184 comme le dit Jésus-Christ lui-même, et elle l’est d’ une double manière : parce qu’elle a abouti — le Messie est venu — et
1185 eur des messies qui ne viendront pas… Héritage d’ Israël Le christianisme par sa nature même, brisait avec le nation
1186 isme exclusif du judaïsme et assumait une mission de portée universelle. Il revendiquait toutefois en même temps l’héritag
1187 l revendiquait toutefois en même temps l’héritage d’ Israël, et l’attraction qu’il exerçait venait non des principes généra
1188 qu’il exerçait venait non des principes généraux de la pensée hellénistique, mais de la pure tradition hébraïque, représe
1189 incipes généraux de la pensée hellénistique, mais de la pure tradition hébraïque, représentée par la Loi et les Prophètes.
1190 d Israël, l’héritière du Royaume promis au Peuple de Dieu. Aussi conserva-t-elle à l’égard du monde des gentils cette atti
1191 ’égard du monde des gentils cette attitude voulue de séparatisme spirituel, cet esprit d’irréconciliable opposition dont s
1192 itude voulue de séparatisme spirituel, cet esprit d’ irréconciliable opposition dont s’était nourrie toute la tradition jud
1193 la tradition judaïque. C’est précisément ce sens de la continuité historique et de la solidarité sociale qui distingua l’
1194 récisément ce sens de la continuité historique et de la solidarité sociale qui distingua l’église chrétienne des religions
1195 ligions à mystères et des autres cultes orientaux de cette époque, et qui fit d’elle dès son apparition la seule rivale vé
1196 tres cultes orientaux de cette époque, et qui fit d’ elle dès son apparition la seule rivale véritable et la seule remplaça
1197 rivale véritable et la seule remplaçante possible de la religion officielle de l’Empire73. Ces quelques lignes de Dawson
1198 le remplaçante possible de la religion officielle de l’Empire73. Ces quelques lignes de Dawson me paraissent définir en r
1199 on officielle de l’Empire73. Ces quelques lignes de Dawson me paraissent définir en raccourci le double héritage que l’Ég
1200 age que l’Église et l’Europe ont repris des mains d’ Israël : héritage divin de l’« élection collective », d’une part, — ca
1201 pe ont repris des mains d’Israël : héritage divin de l’« élection collective », d’une part, — car la postérité d’Abraham,
1202 tion collective », d’une part, — car la postérité d’ Abraham, après le Christ, c’est l’ensemble de tous les croyants, genti
1203 rité d’Abraham, après le Christ, c’est l’ensemble de tous les croyants, gentils ou Juifs convertis, donc l’Église — hérita
1204 s, donc l’Église — héritage humain, d’autre part, de cette notion de la mesure « totalitaire » qui devait assurer la grand
1205 — héritage humain, d’autre part, de cette notion de la mesure « totalitaire » qui devait assurer la grandeur de l’Église
1206 re « totalitaire » qui devait assurer la grandeur de l’Église — mais dont les déviations et perversions ravagent l’Europe
1207 depuis le xviie siècle, et menacent aujourd’hui de la détruire74. Il ne saurait être question de retracer ici dans son e
1208 hui de la détruire74. Il ne saurait être question de retracer ici dans son ensemble l’évolution des éléments culturels et
1209 urels et civilisateurs qui survécurent à la chute d’ Israël, au moins aussi fondamentaux pour l’Occident que la raison des
1210 et l’ordre des Romains. Il m’appartient seulement de préciser en quelques traits le sens que prend l’héritage d’Israël pou
1211 r en quelques traits le sens que prend l’héritage d’ Israël pour la foi chrétienne protestante. On sait le rôle joué dans l
1212 out cela vit encore dans les églises évangéliques de nos jours ? Dès les bancs de « l’école du dimanche », tout jeune prot
1213 églises évangéliques de nos jours ? Dès les bancs de « l’école du dimanche », tout jeune protestant est nourri aux sources
1214 u par ses frères, Jonas dans sa baleine, l’ânesse de Balaam, David et Jonathan, Absalon pris par les cheveux, le jeune Sam
1215 alon pris par les cheveux, le jeune Samuel appelé trois fois par Jéhovah, — que ce soit histoire ou légende, ces personnages
1216 en Testament était la vraie Antiquité des peuples de l’Europe protestante. Mais il y a bien davantage que cet arrière-plan
1217 ge que cet arrière-plan poétique, et ces exemples d’ une morale parfois scandaleusement antibourgeoise ! Le thème de la voc
1218 parfois scandaleusement antibourgeoise ! Le thème de la vocation et le thème du peuple élu sont de ceux qui émeuvent le pl
1219 ème de la vocation et le thème du peuple élu sont de ceux qui émeuvent le plus profondément la « sensibilité spirituelle »
1220 plus profondément la « sensibilité spirituelle » d’ un réformé. Le « peuple élu » Le simple fait que le calvinisme a
1221 s et celui du « petit troupeau » longtemps chassé de son pays ; ni les ressemblances entre les formes d’activité et d’atti
1222 son pays ; ni les ressemblances entre les formes d’ activité et d’attitude sociale adoptées par les deux « nations »76. Ce
1223 les ressemblances entre les formes d’activité et d’ attitude sociale adoptées par les deux « nations »76. Ce qui est déter
1224 d’activité et d’attitude sociale adoptées par les deux « nations »76. Ce qui est déterminant pour cette analogie, ce qui lui
1225 attitude sociale adoptées par les deux « nations » 76. Ce qui est déterminant pour cette analogie, ce qui lui donne son seul
1226 la situe dans son ordre réel, c’est que, dans les deux cas, la persécution et l’isolement minoritaire sont considérés comme
1227 in spirituel, dans un monde incrédule et rebelle, de ceux que Dieu s’est « choisis » pour témoins, en tant que collectivit
1228 tu de cette « élection » dont ils ont l’assurance d’ être l’objet, par une grâce périlleuse, et dans la foi, les calviniste
1229 fin du xvie siècle, se considèrent comme chargés d’ une mission au sein d’un monde pécheur que Dieu n’abandonne pas. De mê
1230 heur que Dieu n’abandonne pas. De même que la loi de Moïse maintenait le peuple juif, malgré le péché, dans une économie p
1231 tique77 des calvinistes les amène à la conception d’ une intendance des biens terrestres, dont ils auraient à assumer l’off
1232 res, dont ils auraient à assumer l’office : usant de ces richesses « comme n’en usant pas », au nom et par la charge du Se
1233 ue c’était là l’origine du capitalisme moderne et de ses principales valeurs éthiques. Mais Sombart lui répond que le capi
1234 que le capitalisme est plus ancien, et qu’il est d’ origine judaïque78. Ce n’est pas ici le lieu de prendre parti entre ce
1235 st d’origine judaïque78. Ce n’est pas ici le lieu de prendre parti entre ces deux explications d’un phénomène économique q
1236 n’est pas ici le lieu de prendre parti entre ces deux explications d’un phénomène économique que par ailleurs personne — no
1237 lieu de prendre parti entre ces deux explications d’ un phénomène économique que par ailleurs personne — non pas même Marx,
1238 tache le capitalisme à des attitudes religieuses, d’ où serait partie l’impulsion, attitudes analogues en ceci tout au moin
1239 ut au moins qu’elles mettent l’accent sur le fait de l’élection. Il est curieux de noter que le parallélisme se poursuit m
1240 ’accent sur le fait de l’élection. Il est curieux de noter que le parallélisme se poursuit même, — et peut-être surtout —
1241 saient ». Le spiritualisme transcendant des Juifs d’ Orient au contact des coutumes occidentales, se mue peu à peu en son c
1242 reprochent aux Juifs allemands capitalistes, avec d’ autant plus d’amertume que cette attitude provocante fut souvent prise
1243 Juifs allemands capitalistes, avec d’autant plus d’ amertume que cette attitude provocante fut souvent prise à l’étranger
1244 ante fut souvent prise à l’étranger pour un trait de caractère germanique. Mais c’est aussi l’intellectualisme stérilisant
1245 st aussi l’intellectualisme stérilisant, l’esprit d’ abstraction inhumaine et chimérique, au surplus troublé de sentimental
1246 ction inhumaine et chimérique, au surplus troublé de sentimentalisme, que l’on dénonce à droite chez les auteurs d’origine
1247 lisme, que l’on dénonce à droite chez les auteurs d’ origine juive, mais qui ont cessé de croire à la mission de leur peupl
1248 z les auteurs d’origine juive, mais qui ont cessé de croire à la mission de leur peuple, et qui exercent désormais à vide
1249 juive, mais qui ont cessé de croire à la mission de leur peuple, et qui exercent désormais à vide les facultés psychologi
1250 tement développées dans leur race par des siècles d’ attente de l’invisible. De même, l’ascétisme vigoureux, le pessimisme
1251 eloppées dans leur race par des siècles d’attente de l’invisible. De même, l’ascétisme vigoureux, le pessimisme actif des
1252 formé dans le Nouveau Monde d’une part en volonté de puissance abstraite (les fondateurs des trusts au siècle dernier), d’
1253 litarisme platement moralisant ; l’une et l’autre de ces déviations traduisant une totale perte de conscience des fins rel
1254 tre de ces déviations traduisant une totale perte de conscience des fins religieuses de l’éthique puritaine, et transforma
1255 e totale perte de conscience des fins religieuses de l’éthique puritaine, et transformant en tyrannie absurde ce qui était
1256 nie absurde ce qui était à l’origine une attitude d’ obéissance à la foi, et de renoncement à soi-même. Corruptio optimi pe
1257 l’origine une attitude d’obéissance à la foi, et de renoncement à soi-même. Corruptio optimi pessima… La vocation coll
1258 amènent au problème central que pose à la pensée d’ un protestant, et particulièrement d’un calviniste, l’exemple d’Israël
1259 à la pensée d’un protestant, et particulièrement d’ un calviniste, l’exemple d’Israël et de sa chute. Toute la théologie é
1260 t, et particulièrement d’un calviniste, l’exemple d’ Israël et de sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin est centré
1261 ulièrement d’un calviniste, l’exemple d’Israël et de sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin est centrée sur la voc
1262 Israël et de sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin est centrée sur la vocation : vocation du « petit troupeau » o
1263 r la vocation : vocation du « petit troupeau » ou de l’Église ; vocation personnelle de chaque membre de l’Église. Or, Isr
1264 troupeau » ou de l’Église ; vocation personnelle de chaque membre de l’Église. Or, Israël qui était le peuple élu, a trah
1265 l’Église ; vocation personnelle de chaque membre de l’Église. Or, Israël qui était le peuple élu, a trahi sa mission et s
1266 sion en est le châtiment. Serait-il donc possible de perdre sa vocation ? Et que devient celui qui la trahit, soit qu’il r
1267 ordres, soit qu’il la prenne pour idole, refusant d’ en reconnaître la vraie fin lorsqu’elle lui apparaît incarnée ? Est-il
1268 e vocation est-elle donc « amissible » ? Le refus de l’homme serait-il donc capable de modifier un arrêt éternel, alors qu
1269 le » ? Le refus de l’homme serait-il donc capable de modifier un arrêt éternel, alors que Dieu prédestine tout homme dès a
1270 Ce problème n’est pas gratuit : il touche au cœur de la foi réformée. Or c’est lui justement que traite saint Paul au chap
1271 t lui justement que traite saint Paul au chapitre XI de l’Épître aux Romains. Et sans doute ce texte illumine aussi profon
1272 ui justement que traite saint Paul au chapitre XI de l’Épître aux Romains. Et sans doute ce texte illumine aussi profondém
1273 rofondément qu’il est possible le mystère dernier d’ Israël. « Je demande maintenant : Dieu a-t-il rejeté son peuple ? Non
1274 ple ? Non certes, car je suis moi-même israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejet
1275 , car je suis moi-même israélite, de la postérité d’ Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’
1276 is moi-même israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’il a connu
1277 israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’il a connu d’avance » (
1278 n. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’il a connu d’ avance » (c’est-à-dire prédestiné) (Rom., II, 1-2). Cependant, « Israë
1279 connu d’avance » (c’est-à-dire prédestiné) (Rom., II , 1-2). Cependant, « Israël n’a point obtenu ce qu’il cherche : mais l
1280 u d’avance » (c’est-à-dire prédestiné) (Rom., II, 1-2 ). Cependant, « Israël n’a point obtenu ce qu’il cherche : mais les él
1281 l’ont obtenu et les autres ont été endurcis » (v. 7 ). Ainsi, « c’est par suite de la faute des enfants d’Israël que le sa
1282 Ainsi, « c’est par suite de la faute des enfants d’ Israël que le salut est parvenu aux païens, afin d’exciter leur propre
1283 aïens, afin d’exciter leur propre émulation » (v. 11 ). En tuant leur Messie, les Juifs ont forcé les Apôtres à prêcher le
1284 s ont perdu le bénéfice national, comme exclusif, de la Révélation. Mais c’est ici que saint Paul indique le mystérieux re
1285 , que ne fera pas leur complet relèvement ! » (v. 12 ). « En effet, je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, d
1286 e veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, de peur que vous ne présumiez trop de votre sagesse : c’est qu’une parti
1287 ez ce mystère, de peur que vous ne présumiez trop de votre sagesse : c’est qu’une partie d’Israël est tombée dans l’endurc
1288 umiez trop de votre sagesse : c’est qu’une partie d’ Israël est tombée dans l’endurcissement jusqu’à ce que la totalité des
1289 l’Église) ; et ainsi tout Israël sera sauvé » (v. 25-26 ) … « Car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (v. 29). Ho
1290 ra sauvé » (v. 25-26) … « Car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (v. 29). Hoc est verbum praeclarum ! Voilà
1291 s dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (v. 29 ). Hoc est verbum praeclarum ! Voilà une parole admirable, s’écrie Lu
1292 rdue, même si celui qui en est l’objet s’y oppose de toutes ses forces ! Car sa révolte même se trouve servir les desseins
1293 volte même se trouve servir les desseins éternels de Dieu. Elle étend à l’humanité entière le bénéfice de la Promesse qu’i
1294 Dieu. Elle étend à l’humanité entière le bénéfice de la Promesse qu’il a reçue, cependant que son destin final demeure ent
1295 al demeure entre les mains du plus secret conseil de Dieu. « Quant à moi, écrit Calvin, j’étends ce nom d’Israël à tout le
1296 ieu. « Quant à moi, écrit Calvin, j’étends ce nom d’ Israël à tout le peuple de Dieu, en ce sens, après que les gentils ser
1297 Calvin, j’étends ce nom d’Israël à tout le peuple de Dieu, en ce sens, après que les gentils seront entrés dedans (l’Églis
1298 dans (l’Église), lors les Juifs aussi se retirant de leur révoltement, se rangeront à l’obéissance de la foi… toutefois qu
1299 de leur révoltement, se rangeront à l’obéissance de la foi… toutefois que les Juifs tiendront le premier lieu, comme étan
1300 lieu, comme étant les enfants aînés en la maison de Dieu. » (Commentaires, sur Rom. II, 26.) Le sort du monde, et l’on po
1301 s en la maison de Dieu. » (Commentaires, sur Rom. II , 26.) Le sort du monde, et l’on pourrait même dire : la date de son s
1302 la maison de Dieu. » (Commentaires, sur Rom. II, 26. ) Le sort du monde, et l’on pourrait même dire : la date de son salut
1303 rt du monde, et l’on pourrait même dire : la date de son salut final, dépend ainsi de la conversion des Juifs. Et ceci nou
1304 e dire : la date de son salut final, dépend ainsi de la conversion des Juifs. Et ceci nous révèle la plus profonde raison
1305 s « ambivalents », comme dirait Freud, qu’ont eus de tout temps les chrétiens à l’égard du peuple d’Israël. Tout dépend de
1306 s de tout temps les chrétiens à l’égard du peuple d’ Israël. Tout dépend de lui, et il refuse ! D’où la haine sourde, et en
1307 rétiens à l’égard du peuple d’Israël. Tout dépend de lui, et il refuse ! D’où la haine sourde, et en même temps le respect
1308 uple d’Israël. Tout dépend de lui, et il refuse ! D’ où la haine sourde, et en même temps le respect religieux qu’on lui po
1309 qu’on lui porte. Peut-être n’est-il pas excessif de voir dans cette passion contradictoire le secret des soudaines explos
1310 contradictoire le secret des soudaines explosions de rancune qui apparurent périodiquement au Moyen Âge. Je ne sais si cet
1311 s, éternellement lié au sien en vertu d’un décret de Dieu, mais encore qu’elle se doit de juger Israël autrement que ne fa
1312 d’un décret de Dieu, mais encore qu’elle se doit de juger Israël autrement que ne fait « le monde ». Ce n’est pas au nom
1313 ons à prendre position, mais au nom des promesses de la foi, et dans une perspective missionnaire qui réduit à leurs juste
1314 ncevoir nos polémiques. Et son issue ne dépend ni de nous seuls, ni d’eux seuls. On dit : les Juifs sont ceci, les Juifs s
1315 ques. Et son issue ne dépend ni de nous seuls, ni d’ eux seuls. On dit : les Juifs sont ceci, les Juifs sont cela, ils se s
1316 nt ceci, les Juifs sont cela, ils se sont emparés de nos richesses, etc. Mais de quels biens se préoccupe le croyant ? Leu
1317 , ils se sont emparés de nos richesses, etc. Mais de quels biens se préoccupe le croyant ? Leur faute a fait la richesse d
1318 u monde. Et cette richesse s’appelle le salut. 64. Il faut bien voir que le « racisme » juif n’est justifié à l’origine
1319 tifié à l’origine que par la vocation spirituelle de ce peuple. Il n’est pas du tout biologique. Il ne le devient qu’acces
1320 soirement, à mesure que l’on prend les « signes » de la vocation pour des réalités valables en elles-mêmes. Mais sans dout
1321 rien juif Josèphe écrit dans sa Réponse à Appion ( I , 2) qu’un registre des « femmes sacerdotales » (c’est-à-dire apparten
1322 n juif Josèphe écrit dans sa Réponse à Appion (I, 2 ) qu’un registre des « femmes sacerdotales » (c’est-à-dire appartenant
1323 ils n’en épousaient point qui aient été captives, de peur qu’elles n’aient eu quelque commerce avec des étrangers. Peut-il
1324 des pièces si authentiques, prouver leur descente de père en fils depuis deux-mille ans ? Que si quelqu’un manque d’observ
1325 s depuis deux-mille ans ? Que si quelqu’un manque d’ observer cet ordre, on le sépare de l’autel, sans qu’il lui soit plus
1326 elqu’un manque d’observer cet ordre, on le sépare de l’autel, sans qu’il lui soit plus permis de faire aucune des fonction
1327 épare de l’autel, sans qu’il lui soit plus permis de faire aucune des fonctions sacerdotales. » — Il est curieux de noter
1328 ne des fonctions sacerdotales. » — Il est curieux de noter que les lois racistes hitlériennes privent de tous droits civiq
1329 noter que les lois racistes hitlériennes privent de tous droits civiques les personnes qui ne peuvent prouver par les reg
1330 ui ne peuvent prouver par les registres la pureté de leurs origines : c’est que l’exercice des droits civiques est bien un
1331 l’exercice des droits civiques est bien une sorte de « sacerdoce » national. On voit ainsi que l’eugénisme n’est pas le se
1332 oit ainsi que l’eugénisme n’est pas le seul motif de la législation raciste. 65. Sur l’importance capitale de cette notio
1333 est pas le seul motif de la législation raciste. 65. Sur l’importance capitale de cette notion de commune mesure pour tout
1334 gislation raciste. 65. Sur l’importance capitale de cette notion de commune mesure pour toute culture ou civilisation, j’
1335 e. 65. Sur l’importance capitale de cette notion de commune mesure pour toute culture ou civilisation, j’ai donné de plus
1336 er avec les mains , où l’on trouvera un raccourci de la présente étude. Du point de vue de l’histoire du peuple juif, ce r
1337 n raccourci de la présente étude. Du point de vue de l’histoire du peuple juif, ce raccourci souffre, entre autres, d’une
1338 peuple juif, ce raccourci souffre, entre autres, d’ une très grave lacune en ce qu’il paraît conclure sur l’abandon final
1339 e en ce qu’il paraît conclure sur l’abandon final d’ Israël à son destin, après la mort de Jésus-Christ. Je suis heureux de
1340 bandon final d’Israël à son destin, après la mort de Jésus-Christ. Je suis heureux de pouvoir donner ci-après un développe
1341 n, après la mort de Jésus-Christ. Je suis heureux de pouvoir donner ci-après un développement qui n’avait pas sa place dan
1342 ppement qui n’avait pas sa place dans mon livre. 66. La rédaction des livres mosaïques est attribuée par Wellhausen et son
1343 hétisme, c’est-à-dire l’élément le plus finaliste de la religion d’Israël qui aurait donné au peuple l’expression légale d
1344 à-dire l’élément le plus finaliste de la religion d’ Israël qui aurait donné au peuple l’expression légale de sa commune me
1345 ël qui aurait donné au peuple l’expression légale de sa commune mesure : le Décalogue. Ainsi la fin crée ses moyens. Cette
1346 le Moïse — aurait bel et bien donné les rudiments de la Loi au peuple juif dès la sortie d’Égypte. Les prophètes seraient
1347 rudiments de la Loi au peuple juif dès la sortie d’ Égypte. Les prophètes seraient alors ceux qui rappellent le peuple au
1348 aussi ceux qui dénoncent les excès du légalisme. 67. Livre II, chap. VI, trad. d’Arnaud d’Andilly. 68. Renan, Histoire d
1349 qui dénoncent les excès du légalisme. 67. Livre II , chap. VI, trad. d’Arnaud d’Andilly. 68. Renan, Histoire du peuple
1350 cent les excès du légalisme. 67. Livre II, chap.  VI , trad. d’Arnaud d’Andilly. 68. Renan, Histoire du peuple d’Israël,
1351 xcès du légalisme. 67. Livre II, chap. VI, trad. d’ Arnaud d’Andilly. 68. Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. II, p. 
1352 7. Livre II, chap. VI, trad. d’Arnaud d’Andilly. 68. Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. II, p. 265. 69. « L’embarras
1353 Arnaud d’Andilly. 68. Renan, Histoire du peuple d’ Israël, t. II, p. 265. 69. « L’embarras de l’hébreu pour expliquer le
1354 lly. 68. Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. II , p. 265. 69. « L’embarras de l’hébreu pour expliquer les notions phi
1355 nan, Histoire du peuple d’Israël, t. II, p. 265. 69. « L’embarras de l’hébreu pour expliquer les notions philosophiques le
1356 peuple d’Israël, t. II, p. 265. 69. « L’embarras de l’hébreu pour expliquer les notions philosophiques les plus simples,
1357 ns philosophiques les plus simples, dans le Livre de Job, dans l’Ecclésiaste, est quelque chose de surprenant. L’image phy
1358 vre de Job, dans l’Ecclésiaste, est quelque chose de surprenant. L’image physique qui, dans les langues sémitiques, est en
1359 , dans les langues sémitiques, est encore à fleur de sol, obscurcit la déduction abstraite… » (Renan, op. cit., I, p. 49).
1360 urcit la déduction abstraite… » (Renan, op. cit., I , p. 49). Où Renan voit un obscurcissement, je vois le gage d’une vive
1361 Où Renan voit un obscurcissement, je vois le gage d’ une vive actualité, ou efficacité, du langage des clercs, identique à
1362 ngage des clercs, identique à celui des bergers. 70. Voir sur ce point : Colloque avec Salomon, par Albert-Marie Schmidt,
1363 rt-Marie Schmidt, dans la revue Hic et Nunc , n°  9-10. 71. Des études plus récentes semblent infirmer en partie ce dernier
1364 e Schmidt, dans la revue Hic et Nunc , n° 9-10. 71. Des études plus récentes semblent infirmer en partie ce dernier jugem
1365 s semblent infirmer en partie ce dernier jugement de Renan. Mais il reste valable pour la période primitive. 72. Abraham
1366 Mais il reste valable pour la période primitive. 72. Abraham déjà, et les prophètes, ont vu « le jour du Seigneur ». Saint
1367 u « le jour du Seigneur ». Saint Paul et l’auteur de l’Épître aux Hébreux (chap. II) insistent fortement sur cette unicité
1368 t Paul et l’auteur de l’Épître aux Hébreux (chap.  II ) insistent fortement sur cette unicité de la Révélation. C’est un gra
1369 (chap. II) insistent fortement sur cette unicité de la Révélation. C’est un grand lieu commun de la théologie réformée qu
1370 cité de la Révélation. C’est un grand lieu commun de la théologie réformée que de voir dans l’Ancien Testament l’histoire
1371 un grand lieu commun de la théologie réformée que de voir dans l’Ancien Testament l’histoire du Christ avant qu’il vienne,
1372 Prophètes après le Christ. Ainsi la Bible n’a pas d’ autre sens que de désigner l’Incarnation qui est son centre, au-delà d
1373 e Christ. Ainsi la Bible n’a pas d’autre sens que de désigner l’Incarnation qui est son centre, au-delà d’elle-même. Tolle
1374 ésigner l’Incarnation qui est son centre, au-delà d’ elle-même. Tolle Christum e scripturis, quid amplius invenies in illis
1375 turis, quid amplius invenies in illis ? (Luther : De servo arbitrio.) 73. Christopher Dawson, Les Origines de l’Europe et
1376 nvenies in illis ? (Luther : De servo arbitrio.) 73. Christopher Dawson, Les Origines de l’Europe et de la civilisation eu
1377 arbitrio.) 73. Christopher Dawson, Les Origines de l’Europe et de la civilisation européenne, trad. française, chez Ried
1378 . Christopher Dawson, Les Origines de l’Europe et de la civilisation européenne, trad. française, chez Rieder, 1934, p. 43
1379 isation européenne, trad. française, chez Rieder, 1934, p. 43. 74. Sitôt que la mesure cesse d’être transcendante, devient h
1380 enne, trad. française, chez Rieder, 1934, p. 43. 74. Sitôt que la mesure cesse d’être transcendante, devient humaine, cont
1381 eder, 1934, p. 43. 74. Sitôt que la mesure cesse d’ être transcendante, devient humaine, contingente et partielle, et n’ét
1382 eut encore totalitaire, on a l’État-nation-Police de type fasciste ou stalinien. Bien entendu, il serait absurde de rendre
1383 ste ou stalinien. Bien entendu, il serait absurde de rendre Israël responsable de ce qui n’est que « profanations » de la
1384 u, il serait absurde de rendre Israël responsable de ce qui n’est que « profanations » de la notion de mesure totalitaire.
1385 responsable de ce qui n’est que « profanations » de la notion de mesure totalitaire. 75. Cf. Ramuz. 76. Par exemple : c
1386 de ce qui n’est que « profanations » de la notion de mesure totalitaire. 75. Cf. Ramuz. 76. Par exemple : cohésion spiri
1387 ofanations » de la notion de mesure totalitaire. 75. Cf. Ramuz. 76. Par exemple : cohésion spirituelle et matérielle des
1388 la notion de mesure totalitaire. 75. Cf. Ramuz. 76. Par exemple : cohésion spirituelle et matérielle des divers membres d
1389 sion spirituelle et matérielle des divers membres de ces nations éparses ou persécutées, esprit à la fois traditionaliste
1390 te et hardiment novateur, génie financier, niveau de culture élevé, etc. 77. Charisme signifie don particulier, vocation
1391 , génie financier, niveau de culture élevé, etc. 77. Charisme signifie don particulier, vocation personnelle. 78. D’autre
1392 signifie don particulier, vocation personnelle. 78. D’autres auteurs, tels que Labriola, font remonter le phénomène capit
1393 ter le phénomène capitaliste à l’« accumulation » de richesses des couvents anglais au Moyen Âge, et aux banques de l’Ital
1394 des couvents anglais au Moyen Âge, et aux banques de l’Italie du Nord. Les responsabilités se partageraient donc équitable
1395 tés se partageraient donc équitablement entre les trois religions ! 79. Calvin, toujours soucieux de ne pas spéculer arbitra
1396 t donc équitablement entre les trois religions ! 79. Calvin, toujours soucieux de ne pas spéculer arbitrairement sur les t
1397 trois religions ! 79. Calvin, toujours soucieux de ne pas spéculer arbitrairement sur les textes, note en effet cette re
1398 riction : « Et aussi ne faut-il pas entendre ceci de toute vocation, mais de celle par laquelle Dieu a adopté en son allia
1399 faut-il pas entendre ceci de toute vocation, mais de celle par laquelle Dieu a adopté en son alliance la postérité d’Abrah
1400 quelle Dieu a adopté en son alliance la postérité d’ Abraham : vu que le propos était nommément et spécialement d’icelle vo
1401 vu que le propos était nommément et spécialement d’ icelle vocation. » (Commentaires, sur Rom. II, 29). v. Rougemont Den
1402 ment d’icelle vocation. » (Commentaires, sur Rom. II , 29). v. Rougemont Denis de, « Vocation et destin d’Israël », Les J
1403 d’icelle vocation. » (Commentaires, sur Rom. II, 29 ). v. Rougemont Denis de, « Vocation et destin d’Israël », Les Juifs
1404 mentaires, sur Rom. II, 29). v. Rougemont Denis de , « Vocation et destin d’Israël », Les Juifs, Paris, Plon, 1937, p. 14
1405 9). v. Rougemont Denis de, « Vocation et destin d’ Israël », Les Juifs, Paris, Plon, 1937, p. 143-165.
1406 ion et destin d’Israël », Les Juifs, Paris, Plon, 1937, p. 143-165.
6 1937, Articles divers (1936-1938). Luther, Traité du serf arbitre (1937)
1407 Luther, Traité du serf arbitre ( 1937 )o Luther inconnu Dire qu’on ignore Luther en France serait ex
1408 ance serait exagérer, mais dans le sens contraire de celui qu’on imagine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que de
1409 raire de celui qu’on imagine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir ja
1410 ine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fu
1411 fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au public français comme un ouvrage capital : ils s’
1412 rançais comme un ouvrage capital : ils s’étonnent d’ y trouver si peu de substance théologique et tant de plaisanteries par
1413 ique et tant de plaisanteries parfois grossières, de platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Ré
1414 plaisanteries parfois grossières, de platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autre
1415 utenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation ro
1416 émagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation romaine. On a poussé la bouf
1417 oussé la bouffonnerie jusqu’à cet excès grandiose d’ assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’
1418 andiose d’assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’opinion moyenne sur Luther, je crois que l
1419 se marier. » J’extrais cette déclaration du livre d’ un critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’
1420 t les revues n’hésitèrent pas lorsqu’il parut (en 1936 ) à louer la mesure et la sérieuse information théologique… Ceci dit,
1421 e information théologique… Ceci dit, il est juste d’ insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes fra
1422 juste d’insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes français qui, au niveau de la haute culture, on
1423 e la haute culture, ont largement sauvé l’honneur de leur pays. Je pense aux ouvrages publiés par MM. Henri Strohl, J. Vig
1424 Gilson, pour ne rien dire — mais cela va de soi — de l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de
1425 is cela va de soi — de l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois facul
1426 vité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’ histoire de l’Église dans les trois facultés françaises de théologie p
1427 ofesseurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois facultés françaises de théologie protestante.
1428 ue luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois facultés françaises de théologie protestante. Il n’en reste pas moins
1429 re de l’Église dans les trois facultés françaises de théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la
1430 illies par des biographes amateurs, et à l’action de la polémique catholique (Denifle, Maritain, Grisar), mettent le publi
1431 tain, Grisar), mettent le public français en état d’ infériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture génér
1432 nfériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture générale. Car ignorer ou méconnaître Luther, c’est ignorer
1433 aître Luther, c’est ignorer ou méconnaître un des deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident,
1434 ther, c’est ignorer ou méconnaître un des deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’
1435 méconnaître un des deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien co
1436 ois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussi
1437 ion fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussion millénaire, à la grande tensio
1438 u libre arbitre, opposant Érasme à Luther, permet de définir symboliquement les pôles : pensée « pure » et pensée « engagé
1439 le plan théologique, ou mieux : dans la totalité de l’être, revient à celle d’un christianisme qui se met au service de l
1440 eux : dans la totalité de l’être, revient à celle d’ un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de
1441 à celle d’un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les ef
1442 qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajout
1443 de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme ab
1444 par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « 
1445 e la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’ un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain » parce q
1446 arce qu’il attribue tout à Dieu. Importance du De servo arbitrio C’est sans doute dans cette perspective que le lec
1447 occidental par excellence, mais au centre, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à
1448 ellence, mais au centre, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à un pamphlet, enco
1449 , aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume matér
1450 sonnifiée), n’est en fait que le support apparent d’ une réflexion de plus vaste envergure, d’un témoignage qui transcende
1451 apparent d’une réflexion de plus vaste envergure, d’ un témoignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue hab
1452 e il le dit aux premières pages) par les procédés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en v
1453 dés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’ être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et repo
1454 ue que se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et reposer avec puissance toutes les af
1455 c puissance toutes les affirmations fondamentales de la Réforme : justification par la foi, qui est don gratuit et œuvre d
1456 fication par la foi, qui est don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des homm
1457 st don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; op
1458 œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la gr
1459 cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes d
1460 ustice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la
1461 osition de la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ;
1462 nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision total
1463 la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout m
1464 n totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moins rationnelle entre les règ
1465 nnelle entre les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témo
1466 en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témoignage fidèle, certifié
1467 la Bible, et constituant la véritable « action » de l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet
1468 a véritable « action » de l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pa
1469 étuelle question que nous posent toutes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les r
1470 e crois, si tu as reçu la foi, il n’est plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joye
1471 st plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joyeuse du libre arbitre. Ses coups viole
1472 ler. Folie pour les sages Mais il s’en faut de presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient
1473 presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient acceptées (ou simplement connues !) par nos contemp
1474 r nos contemporains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparai
1475 orains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparaissent comme a
1476 t de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’ un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement t
1477 uments d’un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement tous les humanistes — des marxistes aux vieu
1478 pole : tout catholique se doit, en bonne logique, de les faire siens, puisqu’il croit au mérite des œuvres ; et tous les p
1479 e Calvin et Luther ont fait leur temps — que dire de Paul, bien plus ancien — tous ceux qui tiennent la prédestination pou
1480 aux hommes que Dieu agrée » par « Paix aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée
1481 s ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siècles, pour soutenir le libre arbitre r
1482 fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siècles, pour soutenir le libre arbitre religieux, c’est-à-d
1483 igieux, c’est-à-dire le pouvoir qu’aurait l’homme de contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que tro
1484 eront-ils, dès lors, dans ce Traité ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan gé
1485 u pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’ une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et
1486 yale d’une certitude pesante, vraiment « grave », d’ une dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisag
1487 in conférer à son choix la force et la simplicité d’ une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces
1488 rce et la simplicité d’une constatation évidente. D’ un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et
1489 même attiré et subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le f
1490 ons que trop bien, nous modernes, séparer le fond de la forme, admirer l’une quand nous condamnons l’autre, et vice versa.
1491 ette maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef d’ un grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est fa
1492 chef d’un grand mouvement (comme dirait le jargon d’ aujourd’hui), tout est fait, dans notre Traité, pour heurter de front
1493 ), tout est fait, dans notre Traité, pour heurter de front le lecteur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Pau
1494 eur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul et des Apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas p
1495 proprement luthérien, mais que Luther est obligé d’ utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où la Diatri
1496 efus total, ou mieux, cette négligence tranquille de toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien t
1497 ieux, cette négligence tranquille de toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien trop vivant pour
1498 ue. (Un tel homme est bien trop vivant pour faire de la psychologie ; trop engagé dans le réel pour prendre au sérieux ses
1499 conscience du spectateur.) Ce qui ne manquera pas de faire crier au dogmatisme. Tout se passe ici « à l’intérieur » du chr
1500 se passe ici « à l’intérieur » du christianisme, de l’Église. L’humanisme laïque, autonome, est simplement nié, comme une
1501 e et doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’ un moderne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais in
1502 isse écarter cette objection par un simple rappel de l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’esquisser
1503 dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’ esquisser, tout au moins, le dialogue d’une « conscience moderne », do
1504 erai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’ une « conscience moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un part
1505 , le dialogue d’une « conscience moderne », douée d’ exigence spirituelle, avec un partisan du « serf arbitre » luthérien.
1506 alogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’ un homme qui veut croire…) Dialogue Car Dieu peut tout à tout in
1507 Dieu peut tout à tout instant. C’est là la santé de la foi. Kierkegaard Une conscience moderne. — Selon Luther, nous n
1508 ce, mais l’omniscience et la prescience éternelle de Dieu, qui ne peut faillir à sa promesse, et auquel nul obstacle ne s’
1509 Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le
1510 us de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne
1511 ous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’ avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas com
1512 té désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies
1513 tre l’individu et le Sort, cette idole païenne ? C. M. — J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir
1514 Sort, cette idole païenne ? C. M. — J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment t
1515 e ? C. M. — J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu
1516 nt toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par de puissantes forces sociales, historiques et économiques ? Toute ta sci
1517 t, à les découvrir ? Au besoin, à les inventer ? C. M. — Certes, mais ma dignité consiste à lutter contre de telles force
1518 Certes, mais ma dignité consiste à lutter contre de telles forces, une fois que je les ai reconnues ; à m’affirmer dans m
1519 omie par un acte qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ?
1520 liberté, par un acte de révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vou
1521 t ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypoth
1522 nc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour
1523 r ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu c
1524 uloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la somme, la val
1525 Dieu connaît la fin, la somme, la valeur absolue de nos actions passées, présentes, futures ; car elles sont dans le temp
1526 r la croix. Non seulement prévu, mais accompli ! C. M. — Si c’était vrai, je préférerais encore nier ce Dieu, qui prétend
1527 ce Dieu, qui prétend voir plus loin que le terme de mes actions, ce qui, avouons-le, les ridiculise complètement et les r
1528 Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi indignement ! Il faudra donc choisir : Dieu ou moi. Je dirai : mo
1529 eu, comme Nietzsche a proclamé qu’il avait fait. L. — Comment le temps tuerait-il l’Éternel ? Comment la chair tuerait-el
1530 es que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’ agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. C’est peut-
1531 rs dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. C’est peut-être mal raisonner. Si ton effort auss
1532 i tu décidais : « je suis, donc Dieu n’est pas ! » 32 qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’éternelle prévis
1533 ieu n’est pas ! »32 qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’éternelle prévision ? Qui t’assurerait qu’en pron
1534 ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt éternel de Dieu te rejetant vers le néant, en sorte que Dieu, vraiment, n’existe
1535 supprimer en fait. Mais c’est peut-être se priver de son secours, ou encore la transformer en une menace obscure… Il y a u
1536 er l’éternité qui vient nous délivrer du temps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création !
1537 ps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de
1538 Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L.
1539 ation ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la
1540 ternité immobile, c’est l’image même de la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peu
1541 st l’image même de la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer que m
1542 Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’ immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas au contraire la
1543 ouve que l’éternité est quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas au contraire la source de t
1544 nous dit qu’elle n’est pas au contraire la source de tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle,
1545 n’est pas au contraire la source de tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité pe
1546 elle le touche dans l’instant (dans un « atome » de temps, comme l’écrit Paul) ?33 Qui t’assure que notre raison tout att
1547 otre temps où elle s’est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule actuelle ?
1548 t capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’ une éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre
1549 otre vie, et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul mo
1550 ère que le croyant pressent et vit au seul moment de la prière. « Demandez et l’on vous donnera », dit le même Dieu qui no
1551 nt aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car
1552 sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pa
1553 ngé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’e
1554 ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais au cont
1555 traire, nos divers temps et successions procèdent de l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lu
1556 range illusion nous ferait croire qu’une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui
1557 souvent, sur cette erreur des plus grossières ?… C. M. — On peut aussi nier l’éternité, et affirmer que seul existe notre
1558 e notre temps. Dans ce cas, tu n’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de ce qui est essentiel ; on l’accepte ou on le r
1559 cas, tu n’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de ce qui est essentiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’une d
1560 pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil de cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons
1561 rnel qui commande — ou c’est moi. Il n’y a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du «
1562 est Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstrati
1563 araît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstration purement biblique qu’on en
1564 es, suffit à établir, pour le chrétien, la vérité d’ un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l
1565 Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute « tradition ecclési
1566 i produit en vous le vouloir et le faire » (Phil. 2, 12-13). C’est parce que Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu
1567 roduit en vous le vouloir et le faire » (Phil. 2, 12-13 ). C’est parce que Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu’il no
1568 araît qu’à celui qui ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther i
1569 i ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « ex
1570 qu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrémisme » évan
1571 la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrémisme » évangélique, que les so
1572 p portés à corriger et à « humaniser », au risque d’ « évacuer la Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pu
1573 Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pure grâce jusque dans son sérieux dernier, on peut soutenir que l
1574 homme possède au moins « un faible libre arbitre » 34 dans les choses du salut. Mais que le Christ ait dû mourir — cet acte
1575 à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible qu
1576 de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argume
1577 a grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où
1578 t. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où voulait se complaire Éra
1579 aire Érasme. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or il est seul en cause pour le théologien. Et tout e
1580 e. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair l
1581 mpris que Luther ne nie pas du tout notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’elle puisse suffire à nous obtenir le
1582 ncore catholique ; son humanisme mesuré l’empêche de voir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand des adversaires du
1583 a poussé comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites de l’homme, jusqu’aux questions dernières que peut envisager notre pensé
1584 la fatalité inéluctable. C’est dans cette volonté de reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’il croit trouver et reg
1585 u’il croit trouver et regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin
1586 e sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin. (Pour le chrétien, c’est accepter en acte l’éternelle pré
1587 oblème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Niet
1588 rononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre ex
1589 e veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre existence35. Mais la difficulté fondamental
1590 a difficulté fondamentale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différ
1591 ntale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différence, c’est que Niet
1592 . La différence, c’est que Nietzsche nous propose d’ adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la
1593 t incarnée : « Emmanuel ! » — Dieu avec nous ! 30. À la proposition qu’on lui faisait, en 1587, d’éditer ses œuvres comp
1594 s ! 30. À la proposition qu’on lui faisait, en 1587, d’éditer ses œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je ne reco
1595 30. À la proposition qu’on lui faisait, en 1587, d’ éditer ses œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je ne reconna
1596 le réformateur répondit : « Je ne reconnais aucun de mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le de servo arbitrio e
1597 mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le de servo arbitrio et le Catéchisme. » 31. Luther avertit à chaque fois 
1598 ut-être le de servo arbitrio et le Catéchisme. » 31. Luther avertit à chaque fois : « nécessité conditionnelle et nécessit
1599  les sophistes », c’est-à-dire les scolastiques. 32. Comme l’anarchiste Bakounine. 33. I Cor. 15, 52. Les traductions fr
1600 scolastiques. 32. Comme l’anarchiste Bakounine. 33. I Cor. 15, 52. Les traductions françaises donnent en général : « Nou
1601 stiques. 32. Comme l’anarchiste Bakounine. 33. I Cor. 15, 52. Les traductions françaises donnent en général : « Nous s
1602 . 32. Comme l’anarchiste Bakounine. 33. I Cor. 15, 52. Les traductions françaises donnent en général : « Nous serons tra
1603 2. Comme l’anarchiste Bakounine. 33. I Cor. 15, 52. Les traductions françaises donnent en général : « Nous serons transfo
1604 s transformés en un instant, en un clin d’œil… » 34. Modiculum et minimum, écrit Érasme ! 35. Voir Karl Löwith : Nietzsc
1605 il… » 34. Modiculum et minimum, écrit Érasme ! 35. Voir Karl Löwith : Nietzsches Philosophie der ewigen Wiederkunft des
1606 phie der ewigen Wiederkunft des Gleichen, Berlin, 1935, p. 61, 83, 85 et suiv. en particulier. o. Rougemont Denis de, Luthe
1607 en Wiederkunft des Gleichen, Berlin, 1935, p. 61, 83, 85 et suiv. en particulier. o. Rougemont Denis de, Luther Martin, «
1608 iederkunft des Gleichen, Berlin, 1935, p. 61, 83, 85 et suiv. en particulier. o. Rougemont Denis de, Luther Martin, « [P
1609 85 et suiv. en particulier. o. Rougemont Denis de , Luther Martin, « [Préface] Martin Luther, Traité du serf arbitre  »,
1610 ans Traité du serf arbitre, trad. Rougemont Denis de , Paris, Éditions « Je sers », 1937, p. 15-27.
1611 Rougemont Denis de, Paris, Éditions « Je sers », 1937, p. 15-27.
7 1937, Articles divers (1936-1938). L’Acte comme point de départ (1936-1937)
1612 L’Acte comme point de départ (1936-1937)a b Nous partons de l’impression qu’il existe, e
1613 L’Acte comme point de départ ( 1936-1937 )a b Nous partons de l’impression qu’il existe, entre certains syst
1614 me point de départ (1936-1937)a b Nous partons de l’impression qu’il existe, entre certains systèmes qu’on a coutume d’
1615 l existe, entre certains systèmes qu’on a coutume d’ opposer très nettement les uns aux autres, un commun dénominateur d’er
1616 tement les uns aux autres, un commun dénominateur d’ erreur, que nous ne pourrions définir qu’en sortant du plan sur lequel
1617 nalisme et dans le pragmatisme, etc., un ensemble de suppositions communes qui nous paraissent renfermer la véritable rais
1618 qui nous paraissent renfermer la véritable raison de rejeter l’un et l’autre système, sans plus nous attacher à combattre
1619 an sur lequel ils s’opposent. Cette impossibilité de prendre parti entre deux erreurs qui nous semblent organiquement liée
1620 osent. Cette impossibilité de prendre parti entre deux erreurs qui nous semblent organiquement liées, créant pratiquement un
1621 ption proprement révolutionnaire (ou « changement de plan »), qui seule nous restitue l’unité de vision, la plénitude de v
1622 ement de plan »), qui seule nous restitue l’unité de vision, la plénitude de volonté et en quelque sorte la bonne conscien
1623 ule nous restitue l’unité de vision, la plénitude de volonté et en quelque sorte la bonne conscience nécessaire à toute œu
1624 onstructive. Les quelques pages qui suivent n’ont d’ autre but que d’en indiquer le principe de permanente actualité. C’est
1625 quelques pages qui suivent n’ont d’autre but que d’ en indiquer le principe de permanente actualité. C’est précisément ce
1626 t n’ont d’autre but que d’en indiquer le principe de permanente actualité. C’est précisément ce sentiment de bonne conscie
1627 manente actualité. C’est précisément ce sentiment de bonne conscience que nous ne pouvons plus éprouver en présence de la
1628 rouver en présence de la plupart des philosophies de naguère et d’aujourd’hui, telles qu’elles se présentent à nous. Avant
1629 ence de la plupart des philosophies de naguère et d’ aujourd’hui, telles qu’elles se présentent à nous. Avant même d’en pén
1630 telles qu’elles se présentent à nous. Avant même d’ en pénétrer le détail et d’en critiquer la structure propre, nous nous
1631 ent à nous. Avant même d’en pénétrer le détail et d’ en critiquer la structure propre, nous nous sentons repoussés par quel
1632 t. Nos analyses ne nous donnent en elles-mêmes et d’ une façon précise rien de suffisant pour justifier ce mouvement de ref
1633 onnent en elles-mêmes et d’une façon précise rien de suffisant pour justifier ce mouvement de refus global. Mais nous sent
1634 ise rien de suffisant pour justifier ce mouvement de refus global. Mais nous sentons qu’elles entraînent en nous un état d
1635 nous sentons qu’elles entraînent en nous un état de division intérieure. Elles opèrent dans un monde dépourvu de correspo
1636 intérieure. Elles opèrent dans un monde dépourvu de correspondances avec notre situation concrète. Ce n’est pas leur abst
1637 se se donner des lois qui ne tiennent plus compte de la crise du monde, et de celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’
1638 ne tiennent plus compte de la crise du monde, et de celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’est dégagé des coordonnée
1639 ent plus compte de la crise du monde, et de celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’est dégagé des coordonnées du mome
1640 son exercice n’engage plus à rien, concrètement. D’ où ce sentiment, quand nous voulons penser telle idéologie, de nous tr
1641 iment, quand nous voulons penser telle idéologie, de nous trouver diminués dans notre énergie totale. La pensée n’est plus
1642 re énergie totale. La pensée n’est plus le moteur de l’action ; au contraire, elle tourne à ses dépens. On peut continuer
1643 é n’en ronfle que mieux, d’ailleurs, et fait plus de bruit qu’en « prise ». Il arrive même qu’il tourne si vite que toute
1644 ive même qu’il tourne si vite que toute tentative d’ embrayage serait immédiatement fatale à la machine, et ferait voler en
1645 éclats les engrenages. La merveilleuse subtilité d’ une certaine pensée critique, aujourd’hui, ne donne-t-elle pas exactem
1646 par un seul mot, qui exprime à la fois son manque de coordonnées, d’une part, et, d’autre part, le sentiment de division e
1647 nnées, d’une part, et, d’autre part, le sentiment de division et de diminution qu’elle favorise en nous : ce mot serait ce
1648 rt, et, d’autre part, le sentiment de division et de diminution qu’elle favorise en nous : ce mot serait celui d’inactuali
1649 on qu’elle favorise en nous : ce mot serait celui d’ inactualité, entendu, non pas au sens temporel, mais au sens de ruptur
1650 , entendu, non pas au sens temporel, mais au sens de rupture entre la pensée et l’acte. ⁂ Que la pensée moderne repose sur
1651 e. ⁂ Que la pensée moderne repose sur un postulat d’ inactualité, il suffit, pour s’en convaincre, de se demander un instan
1652 t d’inactualité, il suffit, pour s’en convaincre, de se demander un instant ce qui arriverait dans le cas contraire. Si no
1653 ser passer, laisser faire », suppose le débrayage de la pensée, sinon nous vivrions dans la plus effroyable anarchie matér
1654 st réel, il se peut qu’il provienne, précisément, d’ actualisations partielles des philosophies que nous repoussons ? Nous
1655 se renouvelle, c’est qu’il y a dans le monde plus d’ actualité que nos philosophies n’en peuvent concevoir. Et s’il y a du
1656 le désordre n’est pas total, c’est la raison même de ce désordre : c’est la rupture entre la pensée et l’acte, rupture qui
1657 ’autre part, la freine et la prive pour le moment de virulence. Cet état d’équilibre entre le microbe et la maladie ne peu
1658 et la prive pour le moment de virulence. Cet état d’ équilibre entre le microbe et la maladie ne peut mener qu’à une consom
1659 lisation, c’est-à-dire par l’effort et la volonté de confondre l’opération propre de la pensée avec l’acte qui la certifie
1660 ort et la volonté de confondre l’opération propre de la pensée avec l’acte qui la certifie1. À vrai dire, cet effort et ce
1661 purement critique, ou idéaliste, ou relativiste, de l’activité du philosophe. ⁂ Mais cette réalité salutaire, cet acte, c
1662 alement — comment pourrions-nous faire comprendre de quoi il s’agit ? Nous allons être obligés ici d’avoir recours à une m
1663 de quoi il s’agit ? Nous allons être obligés ici d’ avoir recours à une méthode rigoureusement indirecte, et en quelque so
1664 négative. Car, en vérité, il n’y a pas pour nous de problème de l’acte mais il y a problème de ce qui s’oppose à l’acte.
1665 ar, en vérité, il n’y a pas pour nous de problème de l’acte mais il y a problème de ce qui s’oppose à l’acte. (En d’autres
1666 r nous de problème de l’acte mais il y a problème de ce qui s’oppose à l’acte. (En d’autres termes, il n’y a pas de problè
1667 ppose à l’acte. (En d’autres termes, il n’y a pas de problème de la personne, mais bien des « choses », de l’impersonnel.)
1668 te. (En d’autres termes, il n’y a pas de problème de la personne, mais bien des « choses », de l’impersonnel.) L’acte, éta
1669 roblème de la personne, mais bien des « choses », de l’impersonnel.) L’acte, étant immédiat au sujet, ne peut pas, sans ce
1670 étant immédiat au sujet, ne peut pas, sans cesser d’ être acte, être posé en face de l’acteur. On ne peut pas photographier
1671 raphier un acte, et donner ensuite la description de la photo comme la description d’un acte. On pourrait dire tout au plu
1672 e la description de la photo comme la description d’ un acte. On pourrait dire tout au plus (métaphoriquement) que l’acte r
1673 ) que l’acte révélé par le cliché, c’est l’éclair de magnésium dont la photo constitue l’un des effets. Quant à la scène r
1674 uel en soi, et problématique. Qu’on nous permette de reprendre ici une distinction importante introduite par M. Gabriel Ma
1675 ortante introduite par M. Gabriel Marcel à la fin de son article intitulé : Existence et objectivité. M. Marcel distingue
1676 Marcel distingue « entre les données susceptibles de fournir la matière d’un problème, données qui sont par là même object
1677 re les données susceptibles de fournir la matière d’ un problème, données qui sont par là même objectives, et celles sur le
1678 l que nous l’entendons, est évidemment une donnée de ce deuxième type, la donnée par excellence. En réalité, toute définit
1679 réalité, toute définition s’appuie sur une donnée de ce type, sur un de ces « a priori de fait », comme dirait Heidegger.
1680 nition s’appuie sur une donnée de ce type, sur un de ces « a priori de fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative de
1681 r une donnée de ce type, sur un de ces « a priori de fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative de définition de l’ac
1682 e fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative de définition de l’acte lui-même supposerait un arrêt, un retour sur l’a
1683 e dirait Heidegger. Toute tentative de définition de l’acte lui-même supposerait un arrêt, un retour sur l’acte, c’est-à-d
1684 ’est, en réalité, qu’une réflexion sur les effets de l’acte. Si, au moment de sauter, l’athlète essaie de définir le saut,
1685 l’acte. Si, au moment de sauter, l’athlète essaie de définir le saut, il ne sautera pas. Tous ceux qui ont pratiqué un min
1686 autera pas. Tous ceux qui ont pratiqué un minimum de culture physique connaissent ce genre d’échec. C’est la conscience dé
1687 minimum de culture physique connaissent ce genre d’ échec. C’est la conscience défaillante qui refuse l’obstacle. Il ne re
1688 philosophie »… Ceci nous amène à constater que :  Si on ne part pas de l’acte, on ne part pas du tout. 2° Si on ne par
1689 nous amène à constater que : 1° Si on ne part pas de l’acte, on ne part pas du tout. 2° Si on ne part pas tout de suite,
1690 n ne part pas de l’acte, on ne part pas du tout.  Si on ne part pas tout de suite, on ne partira jamais. Le jeu des mot
1691 des mots traduit ici le jeu des faits. Impossible de parler de l’acte dans un langage arrêté ou détendu. Tout discours sur
1692 raduit ici le jeu des faits. Impossible de parler de l’acte dans un langage arrêté ou détendu. Tout discours sur l’acte co
1693 nouveauté » déconcertante qui révèle la proximité de la réalité créante. Force nous est de reconnaître qu’un tel discours,
1694 a proximité de la réalité créante. Force nous est de reconnaître qu’un tel discours, dans l’état de notre philosophie, par
1695 st de reconnaître qu’un tel discours, dans l’état de notre philosophie, paraîtra peu philosophique. Personne, mieux que Ki
1696 , n’a su montrer cette complicité essentielle, et d’ apparence scandaleuse, entre l’expression et l’existence. Bornons-nous
1697 l’expression et l’existence. Bornons-nous à citer de lui une phrase bien typique par sa forme même, et qui, par ailleurs,
1698 de, d’autre part, n’est pas épuisée par l’analyse de ses effets. L’acte est à la fois créateur, et transcendant à sa créat
1699 e que dans ce rapport nouveau on ne trouvera rien d’ autre que la matière d’une problématique nouvelle, un donné, ou plutôt
1700 ouveau on ne trouvera rien d’autre que la matière d’ une problématique nouvelle, un donné, ou plutôt un « abandonné » livré
1701 , et s’offrant à son tour à l’éclair bouleversant d’ un nouvel acte. Il n’y a eu d’acte que dans le présent, dans l’instant
1702 éclair bouleversant d’un nouvel acte. Il n’y a eu d’ acte que dans le présent, dans l’instant créateur, dans ce contact ent
1703 ui, elles, se manifestent dans une certaine durée de vibration. Le sentiment qui accompagne l’acte, c’est le sentiment d’i
1704 ntiment qui accompagne l’acte, c’est le sentiment d’ indivision intérieure, d’indivision entre le vouloir et le pouvoir. On
1705 acte, c’est le sentiment d’indivision intérieure, d’ indivision entre le vouloir et le pouvoir. On pourrait presque dire qu
1706 . On pourrait presque dire que c’est la sensation de l’unité, ou, plus exactement, de son accomplissement. C’est l’euphori
1707 est la sensation de l’unité, ou, plus exactement, de son accomplissement. C’est l’euphorie de celui qui éprouve simultaném
1708 ctement, de son accomplissement. C’est l’euphorie de celui qui éprouve simultanément la résistance d’un objet et la victoi
1709 de celui qui éprouve simultanément la résistance d’ un objet et la victoire sur cette résistance. Moment mystérieux entre
1710 ance. Moment mystérieux entre tous, où le maximum de risque s’identifie au maximum de sécurité, dans la conscience de celu
1711 s, où le maximum de risque s’identifie au maximum de sécurité, dans la conscience de celui qui agit. Nous appellerions vol
1712 ntifie au maximum de sécurité, dans la conscience de celui qui agit. Nous appellerions volontiers cet instant le saint des
1713 erions volontiers cet instant le saint des saints de la réalité humaine, le lieu de la pureté, si la « pureté du cœur », c
1714 e saint des saints de la réalité humaine, le lieu de la pureté, si la « pureté du cœur », comme le veut Kierkegaard, c’est
1715 e vivant et le confondant un instant avec l’objet de son désir. On comprendra peut-être mieux maintenant le reproche d’ina
1716 comprendra peut-être mieux maintenant le reproche d’ inactualité essentielle que nous adressions dès le début à certains sy
1717 rcice se trouve être lié à une division préalable de notre être, par exemple à une objectivation du corps — de mon corps —
1718 être, par exemple à une objectivation du corps — de mon corps — ou à une objectivation du devenir historique, ou encore à
1719 du devenir historique, ou encore à une autonomie de la raison critique. Division qui a pour effet, généralement, de volat
1720 ritique. Division qui a pour effet, généralement, de volatiliser les points d’application de notre volonté, de relativiser
1721 ur effet, généralement, de volatiliser les points d’ application de notre volonté, de relativiser tout effort créateur, enf
1722 ralement, de volatiliser les points d’application de notre volonté, de relativiser tout effort créateur, enfin de « dés-or
1723 iliser les points d’application de notre volonté, de relativiser tout effort créateur, enfin de « dés-orienter » l’activit
1724 lonté, de relativiser tout effort créateur, enfin de « dés-orienter » l’activité spécifique de la pensée. L’acte, étant es
1725 , enfin de « dés-orienter » l’activité spécifique de la pensée. L’acte, étant essentiellement l’affirmation simultanée de
1726 e, étant essentiellement l’affirmation simultanée de l’un et du divers, affirmation absurde en langage rationnel, tout sys
1727 la disqualifier. À moins qu’il n’en parte, comme de la réalité centrale, impensable et qui permet de penser. Nous voudrio
1728 de la réalité centrale, impensable et qui permet de penser. Nous voudrions dégager ici, à titre d’exemple, quelques-unes
1729 et de penser. Nous voudrions dégager ici, à titre d’ exemple, quelques-unes des conséquences (méthodologiques) de notre pos
1730 quelques-unes des conséquences (méthodologiques) de notre position. ⁂ Nous ne pouvons faire comprendre la véritable valeu
1731 s ne pouvons faire comprendre la véritable valeur d’ une philosophie de l’acte qu’en montrant comment ses caractères princi
1732 comprendre la véritable valeur d’une philosophie de l’acte qu’en montrant comment ses caractères principaux, tels que nou
1733 r assez dit pour pouvoir affirmer qu’il n’y a pas de transition entre l’acte et ses effets. C’est l’acte lui-même qui se t
1734 transitif et novateur, sans qu’il y ait pour cela de « médiation ». On pourrait dire, paradoxalement : il n’y a de transit
1735 on ». On pourrait dire, paradoxalement : il n’y a de transition que par l’acte, mais l’acte est le contraire d’une transit
1736 tion que par l’acte, mais l’acte est le contraire d’ une transition. Avant de passer à l’examen de ses effets, rappelons en
1737 aire d’une transition. Avant de passer à l’examen de ses effets, rappelons encore deux caractéristiques de l’acte, impliqu
1738 passer à l’examen de ses effets, rappelons encore deux caractéristiques de l’acte, impliquées d’ailleurs dans ce qui précède
1739 es effets, rappelons encore deux caractéristiques de l’acte, impliquées d’ailleurs dans ce qui précède, et que nous allons
1740 s allons utiliser. La première, c’est la violence de l’acte. Quand on descend au fond de la notion de force, on est obligé
1741 t la violence de l’acte. Quand on descend au fond de la notion de force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de
1742 de l’acte. Quand on descend au fond de la notion de force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en
1743 cend au fond de la notion de force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir
1744 n de force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il
1745 e, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas
1746 ire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas d’évolution créatrice
1747 e violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas d’ évolution créatrice sans révolution. L’acte sera donc agonique. D’autr
1748 pression du Dr Minkowski. L’acte est l’éclatement d’ une tension orientée ; il est donc aussi intention. Il n’est pas seule
1749 èbres. Son caractère dichotomique n’est pas isolé de son caractère agonique. Ce n’est pas à dire que la lumière et les tén
1750 qu’il ne serait pas acte. L’acte n’a qu’un point d’ application, le chaos, la discorde, le non-être, ou ce qui tend à y re
1751 rer du premier d’entre eux, qui est l’affirmation de la personnalité. Nous définissons la personne comme l’individu qui se
1752 r. Mais en s’affirmant, c’est-à-dire en changeant de plan, en allant de l’angoisse à la création, de l’impasse du désordre
1753 ant, c’est-à-dire en changeant de plan, en allant de l’angoisse à la création, de l’impasse du désordre à l’ordre nouveau,
1754 t de plan, en allant de l’angoisse à la création, de l’impasse du désordre à l’ordre nouveau, la personnalité accentue enc
1755 isque de plus en plus. C’est pourquoi les époques de conciliation sont des époques de décadence. Le salut n’est jamais dan
1756 quoi les époques de conciliation sont des époques de décadence. Le salut n’est jamais dans le repli, dans le refus du conf
1757 li, dans le refus du conflit concret. L’invention de l’homme « intérieur » suppose et permet celle du « robot » d’affaires
1758  intérieur » suppose et permet celle du « robot » d’ affaires. L’autisme est un fléchissement de la personnalité. D’une man
1759 obot » d’affaires. L’autisme est un fléchissement de la personnalité. D’une manière générale, l’acte personnel revêtira do
1760 ’autisme est un fléchissement de la personnalité. D’ une manière générale, l’acte personnel revêtira donc deux aspects, sym
1761 manière générale, l’acte personnel revêtira donc deux aspects, symbolisant les pôles de cette tension qui constitue le ress
1762 revêtira donc deux aspects, symbolisant les pôles de cette tension qui constitue le ressort de l’activité elle-même. D’un
1763 s pôles de cette tension qui constitue le ressort de l’activité elle-même. D’un côté, il y aura une joie créatrice, une co
1764 qui constitue le ressort de l’activité elle-même. D’ un côté, il y aura une joie créatrice, une conscience de libération qu
1765 ôté, il y aura une joie créatrice, une conscience de libération qui est la jouissance spécifiquement humaine. De l’autre c
1766 ion qui est la jouissance spécifiquement humaine. De l’autre côté, on trouvera une économie de force ou de pensée suscepti
1767 umaine. De l’autre côté, on trouvera une économie de force ou de pensée susceptible de se traduire en formules et en mécan
1768 ’autre côté, on trouvera une économie de force ou de pensée susceptible de se traduire en formules et en mécanismes tout f
1769 ra une économie de force ou de pensée susceptible de se traduire en formules et en mécanismes tout faits. D’un côté, un ch
1770 traduire en formules et en mécanismes tout faits. D’ un côté, un champ plus libre conquis pour l’esprit, de l’autre une pre
1771 côté, un champ plus libre conquis pour l’esprit, de l’autre une pression accrue sur l’inerte. Risque par conséquent accru
1772 par conséquent accru aussi, puisque la tentation de l’inertie augmentera en raison même de la plus grande docilité de l’i
1773 tentation de l’inertie augmentera en raison même de la plus grande docilité de l’inerte. Il est plus difficile d’échapper
1774 mentera en raison même de la plus grande docilité de l’inerte. Il est plus difficile d’échapper au prestige du positivisme
1775 rande docilité de l’inerte. Il est plus difficile d’ échapper au prestige du positivisme et du néo-pragmatisme qu’à celui d
1776 celui du moulin à prières. Il est plus difficile de maintenir sur le qui-vive un empire qu’une cité étroite. En effet, à
1777 qu’une cité étroite. En effet, à l’intérieur même de l’empire, s’établit un danger qu’ignorent les pays de marche. Le sent
1778 ’empire, s’établit un danger qu’ignorent les pays de marche. Le sentiment de la sécurité, de l’ennui, du vide, traduit un
1779 nger qu’ignorent les pays de marche. Le sentiment de la sécurité, de l’ennui, du vide, traduit un fléchissement de la tens
1780 les pays de marche. Le sentiment de la sécurité, de l’ennui, du vide, traduit un fléchissement de la tension. L’adoration
1781 té, de l’ennui, du vide, traduit un fléchissement de la tension. L’adoration de l’abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’
1782 aduit un fléchissement de la tension. L’adoration de l’abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’invention de l’acte gratuit
1783 tension. L’adoration de l’abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’invention de l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte san
1784 abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’invention de l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte sans point d’appui et sans ori
1785 mule, l’invention de l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte sans point d’appui et sans orientation, autrement dit de l’act
1786 l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte sans point d’ appui et sans orientation, autrement dit de l’acte impossible, sont de
1787 point d’appui et sans orientation, autrement dit de l’acte impossible, sont des exemples de ce fléchissement. La tentatio
1788 ement dit de l’acte impossible, sont des exemples de ce fléchissement. La tentation de l’acte gratuit n’est qu’une forme m
1789 nt des exemples de ce fléchissement. La tentation de l’acte gratuit n’est qu’une forme moderne de la tentation de l’inerte
1790 tion de l’acte gratuit n’est qu’une forme moderne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la personnalité consécu
1791 ratuit n’est qu’une forme moderne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la personnalité consécutif au relâcheme
1792 rne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la personnalité consécutif au relâchement de la tension et à la perte
1793 tige de la personnalité consécutif au relâchement de la tension et à la perte du sentiment du risque véritable. À côté de
1794 ntiment du risque véritable. À côté de la réalité de la personne, une autre réalité immédiate à l’acte, c’est évidemment l
1795 mmédiate des mises en ordre, la raison est tentée de confondre cet ordre même, qui n’est qu’un effet, avec le dynamisme qu
1796 e dynamisme qui en est cause. Ce dynamisme propre de la pensée créatrice, c’est cela que nous appelons sa faculté dichotom
1797 qu’activité, elle peut se définir par l’invention de l’abstrait, c’est-à-dire de l’homogénéité mathématique. Elle apparaît
1798 finir par l’invention de l’abstrait, c’est-à-dire de l’homogénéité mathématique. Elle apparaît ainsi comme un va-et-vient
1799 n va-et-vient du « donné » à l’abstrait. (Conflit de l’identité et de la réalité, voir Meyerson). Il n’y a de paradoxe épi
1800 « donné » à l’abstrait. (Conflit de l’identité et de la réalité, voir Meyerson). Il n’y a de paradoxe épistémologique que
1801 entité et de la réalité, voir Meyerson). Il n’y a de paradoxe épistémologique que pour qui refuse d’aborder le problème de
1802 a de paradoxe épistémologique que pour qui refuse d’ aborder le problème de la connaissance à partir de l’acte. Mais, au co
1803 logique que pour qui refuse d’aborder le problème de la connaissance à partir de l’acte. Mais, au contraire, la science, c
1804 , considérée maintenant comme monument ou système de règles, ne saurait être qu’un aspect provisoirement favorable du chao
1805 es hommes, la science se traduit par une économie d’ énergie et de pensée, d’où cette zone où l’homme marche sur de l’art h
1806 science se traduit par une économie d’énergie et de pensée, d’où cette zone où l’homme marche sur de l’art humain en tout
1807 traduit par une économie d’énergie et de pensée, d’ où cette zone où l’homme marche sur de l’art humain en toute sécurité
1808 de pensée, d’où cette zone où l’homme marche sur de l’art humain en toute sécurité et en plein automatisme (exemple : les
1809 progrès scientifique accroît sans cesse ce risque d’ automatisme, rançon de la conquête2. À tous les étages et dans tous le
1810 ccroît sans cesse ce risque d’automatisme, rançon de la conquête2. À tous les étages et dans tous les domaines de l’effort
1811 ête2. À tous les étages et dans tous les domaines de l’effort de pensée nous retrouvons ce risque, né du caractère ordonna
1812 les étages et dans tous les domaines de l’effort de pensée nous retrouvons ce risque, né du caractère ordonnateur de l’ac
1813 retrouvons ce risque, né du caractère ordonnateur de l’activité humaine. Ainsi dans l’organisation du travail. La machine
1814 l où l’œuvre garde un caractère plus ou moins net de totalité. En d’autres termes, la machine sépare le travail qualifié,
1815 non qualifié, où l’homme ne joue plus qu’un rôle d’ exécuteur. Remarquons que la machine n’est que le prolongement d’un sc
1816 marquons que la machine n’est que le prolongement d’ un schéma mathématique, et qu’elle est elle-même prolongée par la rati
1817 ionalisation. Nous avons là un exemple saisissant de la progression par dichotomie. Progression réelle, créant un double r
1818 ce serait en quelque sorte renoncer au sens même de l’activité humaine ; mais, d’autre part, la domination de la machine
1819 ivité humaine ; mais, d’autre part, la domination de la machine serait le résultat fatal du renoncement à la valeur éthiqu
1820 résultat fatal du renoncement à la valeur éthique de la science en tant qu’acte (tentation à laquelle nous condamne à céde
1821 périmentalisme positiviste). Un troisième exemple de tension et d’acte nous est fourni par l’homme considéré du point de v
1822 positiviste). Un troisième exemple de tension et d’ acte nous est fourni par l’homme considéré du point de vue social. D’u
1823 rni par l’homme considéré du point de vue social. D’ un côté, nous trouvons l’attachement de l’homme à la terre, à la famil
1824 ue social. D’un côté, nous trouvons l’attachement de l’homme à la terre, à la famille, à la race, à l’ambiance sociale. L’
1825 ort. Remarquons que cet attachement est la marque de l’humanité. Mais, d’autre part, l’homme n’existe personnellement qu’a
1826 qu’autant qu’il s’affirme en acte. Quand on parle de solidarité humaine, de valeur humaine, c’est à une société de personn
1827 me en acte. Quand on parle de solidarité humaine, de valeur humaine, c’est à une société de personnes que l’on pense. L’ho
1828 é humaine, de valeur humaine, c’est à une société de personnes que l’on pense. L’homme n’atteint l’universel qu’à travers
1829 . Originalité éclatante, inoubliable, paradoxale, de la société humaine, qui lui permet de se dépasser elle-même. L’homme
1830 paradoxale, de la société humaine, qui lui permet de se dépasser elle-même. L’homme concret, l’homme vivant, l’homme en ac
1831 l’homme vivant, l’homme en acte est l’affirmation d’ une tension permanente entre ces deux pôles de l’amour : l’attachement
1832 l’affirmation d’une tension permanente entre ces deux pôles de l’amour : l’attachement à la diversité concrète, et l’actual
1833 ion d’une tension permanente entre ces deux pôles de l’amour : l’attachement à la diversité concrète, et l’actualisation d
1834 ement à la diversité concrète, et l’actualisation de l’universel par la charité personnaliste. ⁂ Pour éviter un malentendu
1835 nons à souligner encore en terminant le caractère d’ instantanéité de l’acte créateur. Nous affirmons ainsi ce qui nous par
1836 encore en terminant le caractère d’instantanéité de l’acte créateur. Nous affirmons ainsi ce qui nous paraît spécifique d
1837 ous affirmons ainsi ce qui nous paraît spécifique de l’effort et de la pensée humaine. La pensée créatrice est donc l’acte
1838 insi ce qui nous paraît spécifique de l’effort et de la pensée humaine. La pensée créatrice est donc l’acte le plus pur et
1839 e nous n’allons pas être amenés à nier la réalité de toute médiation ? Assurément l’évidence de l’acte, non seulement prim
1840 éalité de toute médiation ? Assurément l’évidence de l’acte, non seulement prime tout pour nous, mais constitue, comme nou
1841 mais constitue, comme nous l’avons dit, le point de départ nécessaire, la supra-rationalité la plus favorable à l’édifica
1842 pra-rationalité la plus favorable à l’édification de toute construction humaine, même et surtout rationnelle. Mais si nous
1843 Ce n’est que dans certains domaines très étroits de la pensée que ces résistances sont assez nettement brisées pour confé
1844 ttement brisées pour conférer à la création issue de l’acte comme une forme d’éternité. Partout ailleurs, les résistances
1845 rer à la création issue de l’acte comme une forme d’ éternité. Partout ailleurs, les résistances sont étroitement mêlées à
1846 nt étroitement mêlées à toutes les manifestations d’ activité. La médiation ne se manifeste pour nous que sous forme de rés
1847 s résistances plus ou moins favorables au ressort de l’activité, comme certains climats ou certains pays se prêtent mieux
1848 ce ne sont jamais que des résistances. Entre les deux pôles de la tension, il n’y a ni identité, ni égalité, justement parc
1849 jamais que des résistances. Entre les deux pôles de la tension, il n’y a ni identité, ni égalité, justement parce que l’u
1850 ’un d’entre eux attache l’homme aux autres formes de la vie, tandis que le second affirme la transcendance de l’acte. Étan
1851 ie, tandis que le second affirme la transcendance de l’acte. Étant orientée vers l’acte, la tension humaine ne saurait don
1852 édiat, ou, pour reprendre l’expression vigoureuse de Kierkegaard, comme « un attentat métaphysique contre l’éthique ». Il
1853 ». Il faut, certes, que l’homme trouve des points d’ appui et garde une participation avec ce qui n’est pas personnel. Mais
1854 irmation du personnalisme. Dans les divers ordres de l’activité humaine, l’acte instantané ne fera briller son éclair que
1855 t ici en tant que résistance à l’effort une sorte de réalité indépendante, ne donnent que rarement l’occasion d’une victoi
1856 indépendante, ne donnent que rarement l’occasion d’ une victoire évidente ; mais dans tous les domaines de l’activité huma
1857 e victoire évidente ; mais dans tous les domaines de l’activité humaine la pensée dichotomique maintiendra cette volonté :
1858 libérer la personnalité, dégager l’instantanéité de l’acte. 1. Ce qui ne signifie pas du tout que la pensée doive être
1859 ersonnalité, dégager l’instantanéité de l’acte. 1. Ce qui ne signifie pas du tout que la pensée doive être soumise à l’a
1860 action — bien au contraire ! — mais que le risque de penser est actuel (D. R.). 2. Je retrouve dans les papiers posthume
1861 aire ! — mais que le risque de penser est actuel ( D. R.). 2. Je retrouve dans les papiers posthumes d’Arnaud Dandieu que
1862 ais que le risque de penser est actuel (D. R.). 2. Je retrouve dans les papiers posthumes d’Arnaud Dandieu quelques lign
1863 R.). 2. Je retrouve dans les papiers posthumes d’ Arnaud Dandieu quelques lignes qui me paraissent propres à éclairer ce
1864 aissent propres à éclairer ce dernier paragraphe ( D. R.). « Le seuil qui sépare le prélogique du logique, où est-il donc ?
1865 logique du logique, où est-il donc ? Le point est d’ importance car il nous éclairera un peu sur la nature intime de l’acte
1866 car il nous éclairera un peu sur la nature intime de l’acte créateur, dans la mesure où elle est saisissable. En effet, de
1867 dans la mesure où elle est saisissable. En effet, de tous les seuils irrationnels que l’homme puisse passer, c’est sans do
1868 ent dans la conférence qu’il a faite à Oxford, le 19 mai 1931, il le passe chaque fois qu’il pense, encore que peut-être l
1869 s la conférence qu’il a faite à Oxford, le 19 mai 1931, il le passe chaque fois qu’il pense, encore que peut-être l’acte de p
1870 que fois qu’il pense, encore que peut-être l’acte de penser, au sens plein et cartésien du mot, soit infiniment plus diffi
1871 à répondre à cette question, il est indispensable de marquer très fortement l’influence qu’exerce ce seuil sur toute la vi
1872 et, probablement, sur la vie en général. Cela est d’ autant plus nécessaire que de même que la science a longtemps refusé d
1873 ire que de même que la science a longtemps refusé de faire entrer dans ses constructions le principe de Carnot, et qu’elle
1874 e faire entrer dans ses constructions le principe de Carnot, et qu’elle n’a accepté l’irréversibilité qu’il recèle, que po
1875 pour en tourner l’irrationalité foncière à l’aide d’ une loi statistique, de même la méthode sociologique qui a conduit à l
1876 éthode sociologique qui a conduit à la découverte de la véritable nature de la mentalité prélogique, hésite à faire la par
1877 a conduit à la découverte de la véritable nature de la mentalité prélogique, hésite à faire la part de l’orientation huma
1878 e la mentalité prélogique, hésite à faire la part de l’orientation humaine qui s’exprime par une affirmation croissante de
1879 aine qui s’exprime par une affirmation croissante de la discontinuité explosive sous forme d’individualisation ou de créat
1880 oissante de la discontinuité explosive sous forme d’ individualisation ou de création intellectuelle. Notre science n’est à
1881 nuité explosive sous forme d’individualisation ou de création intellectuelle. Notre science n’est à l’aise que dans le con
1882 le. Paradoxe que M. Meyerson a décrit sous le nom de paradoxe épistémologique. » (Arnaud Dandieu). a. Rougemont Denis d
1883 ogique. » (Arnaud Dandieu). a. Rougemont Denis de , « L’Acte comme point de départ », Recherches philosophiques, Paris,
1884 ). a. Rougemont Denis de, « L’Acte comme point de départ », Recherches philosophiques, Paris, 1936–1973, p. 55-64. b.
1885 nt de départ », Recherches philosophiques, Paris, 1936 –1973, p. 55-64. b. Texte daté de 1933 et co-rédigé avec Arnaud Dandi
1886 départ », Recherches philosophiques, Paris, 1936– 1973, p. 55-64. b. Texte daté de 1933 et co-rédigé avec Arnaud Dandieu.
1887 iques, Paris, 1936–1973, p. 55-64. b. Texte daté de 1933 et co-rédigé avec Arnaud Dandieu.
1888 es, Paris, 1936–1973, p. 55-64. b. Texte daté de 1933 et co-rédigé avec Arnaud Dandieu.
8 1937, Articles divers (1936-1938). Formons des Clubs de presse (30 janvier 1937)
1889 Formons des Clubs de presse (30 janvier 1937)f g Les raisons Chacun sait et éprouv
1890 Formons des Clubs de presse ( 30 janvier 1937)f g Les raisons Chacun sait et éprouve chaque jo
1891 Formons des Clubs de presse (30 janvier 1937 )f g Les raisons Chacun sait et éprouve chaque jour, que l’éta
1892 es ou des partisanneries politiques qui est celui de la presse française, rend à peu près impossibles une documentation ob
1893 n objective et une information sincère. Le procès de la presse n’est plus à faire. Sa réforme pose tant de problèmes et en
1894 re. Sa réforme pose tant de problèmes et entraîne de telles incidences (les dangers d’une information d’État : Tass ou DNB
1895 mes et entraîne de telles incidences (les dangers d’ une information d’État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’un
1896 telles incidences (les dangers d’une information d’ État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’un monopole privé) q
1897 d’État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’ un monopole privé) qu’il est à craindre qu’elle ne puisse s’accomplir
1898 solément. Seul le redressement radical et général d’ un régime économique où règne aujourd’hui l’argent, libérera l’informa
1899 ui des journaux. Le but L’objet des « Clubs de presse », en même temps que de préparer et d’accélérer cette réforme
1900 ’objet des « Clubs de presse », en même temps que de préparer et d’accélérer cette réforme nécessaire, est de fournir dès
1901 ubs de presse », en même temps que de préparer et d’ accélérer cette réforme nécessaire, est de fournir dès à présent à tou
1902 arer et d’accélérer cette réforme nécessaire, est de fournir dès à présent à tous ceux qui en éprouvent le pressant besoin
1903 rouvent le pressant besoin, les premiers éléments d’ une information honnête, et cela en échappant résolument aux condition
1904 x conditions et aux méthodes aujourd’hui faussées de la grande presse imprimée. Le principe Ce sont les mêmes procéd
1905 ité, centralisation, etc.) qui ont fait le succès de la presse moderne, qui font aujourd’hui son servage. « L’imprimé » qu
1906 ’hui son servage. « L’imprimé » qui était, il y a trente ans, synonyme dans l’opinion populaire, de vérité, est devenu pour le
1907 a trente ans, synonyme dans l’opinion populaire, de vérité, est devenu pour le public, synonyme de mensonge. Il s’agit en
1908 e, de vérité, est devenu pour le public, synonyme de mensonge. Il s’agit en attendant que la question puisse être attaquée
1909 t que la question puisse être attaquée et résolue de front — de tourner la difficulté en remontant à la source, en renouve
1910 estion puisse être attaquée et résolue de front — de tourner la difficulté en remontant à la source, en renouvelant le mod
1911 tant à la source, en renouvelant le mode primitif de l’information, l’information directe, personnelle et orale. Déjà aujo
1912 à aujourd’hui, devant la carence ou la subversion de l’information officielle, chercher à obtenir, par des contacts person
1913 nements aux sources mêmes, des nouvelles exemptes de déformations ou de tendances. Il s’agit, en contrôlant, en systématis
1914 mêmes, des nouvelles exemptes de déformations ou de tendances. Il s’agit, en contrôlant, en systématisant cette presse pa
1915 ant cette presse parlée qui se crée spontanément, d’ établir dans toute la France, un vaste réseau entre les hommes de bonn
1916 toute la France, un vaste réseau entre les hommes de bonne volonté. Les organismes On constitue, dans le plus grand
1917 On constitue, dans le plus grand nombre possible de localités un « Club de presse ». Les adhérents se réunissent une fois
1918 plus grand nombre possible de localités un « Club de presse ». Les adhérents se réunissent une fois par semaine, pour rece
1919 r semaine, pour recevoir et apporter les éléments de cette nouvelle forme d’informations. Le travail est centralisé par un
1920 et apporter les éléments de cette nouvelle forme d’ informations. Le travail est centralisé par un « Comité central des in
1921 qui, après recoupements et vérifications, permet d’ élaborer une matière définitive. Il convient de préciser que le bullet
1922 et d’élaborer une matière définitive. Il convient de préciser que le bulletin n’est pas distribué. Il est adressé personne
1923 nt et confidentiellement au président responsable de chaque club qui le communique à ses adhérents. Ceux-ci ne sont pas de
1924 e communique à ses adhérents. Ceux-ci ne sont pas de simples lecteurs passifs, mais des membres actifs, qui participent à
1925 s. Il faut encore ajouter que le « Comité central d’ informations » qui rédige le bulletin, n’a pas seulement à sa disposit
1926 les renseignements que lui fournissent les clubs de base. Composé lui-même de journalistes, d’économistes, de financiers,
1927 i fournissent les clubs de base. Composé lui-même de journalistes, d’économistes, de financiers, de militants, il utilise
1928 clubs de base. Composé lui-même de journalistes, d’ économistes, de financiers, de militants, il utilise toutes les Inform
1929 Composé lui-même de journalistes, d’économistes, de financiers, de militants, il utilise toutes les Informations directes
1930 me de journalistes, d’économistes, de financiers, de militants, il utilise toutes les Informations directes dans les agenc
1931 ndicats, les milieux financiers… Par la diversité de sa composition professionnelle, par l’étendue de ses ramifications, i
1932 de sa composition professionnelle, par l’étendue de ses ramifications, il vise à ne délaisser aucune source, à tenir comp
1933 vise à ne délaisser aucune source, à tenir compte de tous les points de vue. Le programme Le bulletin se divise en t
1934 vue. Le programme Le bulletin se divise en trois parties 1° une partie politique positive : documentation objective, c
1935 ogramme Le bulletin se divise en trois parties  une partie politique positive : documentation objective, condensée, s
1936 ni appréciations, sur chacun des faits importants de la semaine. Cette première partie doit donner aux membres des clubs,
1937 rtie doit donner aux membres des clubs, une suite de « matières premières » offrant toute garantie ; 2° une partie critiqu
1938 e « matières premières » offrant toute garantie ;  une partie critique. C’est une sorte de revue de presse commentée. On
1939 arantie ; 2° une partie critique. C’est une sorte de revue de presse commentée. On y relèvera les contradictions et les dé
1940 2° une partie critique. C’est une sorte de revue de presse commentée. On y relèvera les contradictions et les déformation
1941 y relèvera les contradictions et les déformations de la grande presse ou de la presse d’opinion, en donnant chaque fois le
1942 ctions et les déformations de la grande presse ou de la presse d’opinion, en donnant chaque fois les raisons politiques ou
1943 déformations de la grande presse ou de la presse d’ opinion, en donnant chaque fois les raisons politiques ou financières
1944 chaque fois les raisons politiques ou financières de telle campagne et aussi de tel silence. Cette partie a pour but de do
1945 itiques ou financières de telle campagne et aussi de tel silence. Cette partie a pour but de donner aux adhérents, des moy
1946 et aussi de tel silence. Cette partie a pour but de donner aux adhérents, des moyens de comprendre et de redresser la doc
1947 ie a pour but de donner aux adhérents, des moyens de comprendre et de redresser la documentation que continuera à leur fou
1948 donner aux adhérents, des moyens de comprendre et de redresser la documentation que continuera à leur fournir la presse. E
1949 r fournir la presse. Elle pourrait être une sorte d’ école permanente des lecteurs de journaux ; 3° une partie documentaire
1950 it être une sorte d’école permanente des lecteurs de journaux ; 3° une partie documentaire sur la presse. Tout en cherchan
1951 rte d’école permanente des lecteurs de journaux ;  une partie documentaire sur la presse. Tout en cherchant à remédier à
1952 . Tout en cherchant à remédier à l’action néfaste de la presse imprimée en se plaçant hors de son domaine, les « Clubs » n
1953 « Clubs » n’oublient pas que la réforme organique de la presse est le but final. Dans cette partie, on réunira petit à pet
1954 entation précise sur la structure et le mécanisme de la presse. Soit en signalant toutes les modifications dans la command
1955 professionnels, législatifs, que pose la réforme de la presse. Dès à présent, de tels documents facilitent aux adhérents
1956 que pose la réforme de la presse. Dès à présent, de tels documents facilitent aux adhérents l’objet de la partie numéro 2
1957 e tels documents facilitent aux adhérents l’objet de la partie numéro 2 du bulletin : savoir lire avec le minimum de duper
1958 ilitent aux adhérents l’objet de la partie numéro 2 du bulletin : savoir lire avec le minimum de duperie, une presse truq
1959 uméro 2 du bulletin : savoir lire avec le minimum de duperie, une presse truquée. L’esprit Il est évident que la por
1960 quée. L’esprit Il est évident que la portée d’ une telle entreprise dépend de la valeur professionnelle et morale et
1961 ident que la portée d’une telle entreprise dépend de la valeur professionnelle et morale et de l’honnêteté intellectuelle
1962 dépend de la valeur professionnelle et morale et de l’honnêteté intellectuelle de ses réalisateurs. Le côté confidentiel
1963 nnelle et morale et de l’honnêteté intellectuelle de ses réalisateurs. Le côté confidentiel et privé de la méthode rend la
1964 e ses réalisateurs. Le côté confidentiel et privé de la méthode rend la question particulièrement importante. L’expérience
1965 xpérience seule permettra aux adhérents des clubs de vérifier le sérieux et l’indépendance du bulletin. Toutefois les adhé
1966 ie dans les groupements qui ont pris l’initiative de la création et du fonctionnement des clubs de presse. Les « Clubs de
1967 ive de la création et du fonctionnement des clubs de presse. Les « Clubs de presse » sont fondés et dirigés par Denis de R
1968 u fonctionnement des clubs de presse. Les « Clubs de presse » sont fondés et dirigés par Denis de Rougemont et R.-Philippe
1969 igés par Denis de Rougemont et R.-Philippe Millet de L’Ordre nouveau , L.-Émile Gallëy et Jean Maze de la Flèche, Jacques
1970 entreprise qui ne veut être qu’une œuvre stricte d’ information, à l’exclusivité de tout commentaire et de tout jugement.
1971 ’une œuvre stricte d’information, à l’exclusivité de tout commentaire et de tout jugement. Mais ils s’engagent, dans les «
1972 formation, à l’exclusivité de tout commentaire et de tout jugement. Mais ils s’engagent, dans les « clubs de presse », à d
1973 t jugement. Mais ils s’engagent, dans les « clubs de presse », à défendre les principes qui leur sont communs : primauté d
1974 re les principes qui leur sont communs : primauté de la personne humaine, respect de la vérité et lutte contre la tyrannie
1975 ommuns : primauté de la personne humaine, respect de la vérité et lutte contre la tyrannie de l’argent. Louis E. Galey, Ja
1976 respect de la vérité et lutte contre la tyrannie de l’argent. Louis E. Galey, Jacques Madaule, Jean Maze, R.-Philippe Mil
1977 unier, Denis de Rougemont. f. Rougemont Denis de , « Formons des clubs de presse », La Flèche, Paris, 30 janvier 1937,
1978 t. f. Rougemont Denis de, « Formons des clubs de presse », La Flèche, Paris, 30 janvier 1937, p. 2. g. Précédé de la
1979  Formons des clubs de presse », La Flèche, Paris, 30 janvier 1937, p. 2. g. Précédé de la notice suivante : « Nous présen
1980 s clubs de presse », La Flèche, Paris, 30 janvier 1937, p. 2. g. Précédé de la notice suivante : « Nous présentons ci-dessou
1981 Flèche, Paris, 30 janvier 1937, p. 2. g. Précédé de la notice suivante : « Nous présentons ci-dessous à tous nos camarade
1982 ntons ci-dessous à tous nos camarades et lecteurs de La Flèche le manifeste des clubs de presse en formation. À l’heure où
1983 s et lecteurs de La Flèche le manifeste des clubs de presse en formation. À l’heure où la grande presse française se const
1984 haque jour davantage en trusts, il ne suffit plus de dénoncer ses mensonges et ses trahisons. Il faut passer à l’action. S
1985 r un terrain parfaitement précis et limité, celui de l’information, nous avons pensé que nous devions collaborer avec des
1986 ons. Ce sera certainement par ailleurs l’occasion d’ un échange de vues qui ne peut être que fructueux pour tous. Nous fais
1987 certainement par ailleurs l’occasion d’un échange de vues qui ne peut être que fructueux pour tous. Nous faisons un appel
1988 si éloignée, si peu importante soit-elle, le club de presse dont ils seront les instigateurs devienne rapidement un organi
1989 l’heure où Havas règne, à l’heure où la diffusion de la pensée par le papier, le film et la radio n’a jamais été si grande
1990 dio n’a jamais été si grande, nous sommes obligés de revenir à une forme antique de transmission : l’information orale. C’
1991 ous sommes obligés de revenir à une forme antique de transmission : l’information orale. C’est la seule possible aujourd’h
1992 adressez provisoirement les lettres à La Flèche, 7, rue de la Michodière, en mettant dans le coin la mention : clubs de p
1993 dière, en mettant dans le coin la mention : clubs de presse.) »
9 1937, Articles divers (1936-1938). À qui la liberté ? (5 mars 1937)
1994 À qui la liberté ? ( 5 mars 1937)h Tout le monde parle de la culture et de la défense de
1995 À qui la liberté ? (5 mars 1937 )h Tout le monde parle de la culture et de la défense de la culture
1996 a liberté ? (5 mars 1937)h Tout le monde parle de la culture et de la défense de la culture. C’est qu’on ne sait plus c
1997 rs 1937)h Tout le monde parle de la culture et de la défense de la culture. C’est qu’on ne sait plus ce que signifie cu
1998 ns la vie publique, et dans les couches profondes de la nation. Je dis que la crise de la culture est dans la rue. Je dis
1999 uches profondes de la nation. Je dis que la crise de la culture est dans la rue. Je dis que la culture fait le trottoir. E
2000 toir. Et que c’est la politique qui s’est chargée de réglementer à sa manière la prostitution des mots-clés, des lieux com
2001 e la Rocque défend ce qu’il appelle « la primauté de l’esprit ». Il fait placarder des affiches « Pour la défense de la li
2002 Couturier publie un manifeste intitulé Au service de l’esprit, où il est question à chaque page de défendre la liberté. Da
2003 ice de l’esprit, où il est question à chaque page de défendre la liberté. Dans l’état présent du langage, de la culture, e
2004 endre la liberté. Dans l’état présent du langage, de la culture, et de la politique, on peut être à peu près certain que c
2005 Dans l’état présent du langage, de la culture, et de la politique, on peut être à peu près certain que ces deux messieurs
2006 olitique, on peut être à peu près certain que ces deux messieurs défendent en réalité le contraire de l’esprit et de la libe
2007 deux messieurs défendent en réalité le contraire de l’esprit et de la liberté, c’est-à-dire qu’ils défendent l’un et l’au
2008 défendent en réalité le contraire de l’esprit et de la liberté, c’est-à-dire qu’ils défendent l’un et l’autre un régime d
2009 à-dire qu’ils défendent l’un et l’autre un régime d’ étatisme oppressif et de dictature de l’économique. Le résultat de ces
2010 l’un et l’autre un régime d’étatisme oppressif et de dictature de l’économique. Le résultat de ces pratiques ne se fera pa
2011 re un régime d’étatisme oppressif et de dictature de l’économique. Le résultat de ces pratiques ne se fera pas attendre, e
2012 ssif et de dictature de l’économique. Le résultat de ces pratiques ne se fera pas attendre, et l’on en voit déjà les premi
2013 et l’on en voit déjà les premiers signes : parlez de la liberté, posez-vous en défenseur de cet idéal permanent de la Révo
2014 s : parlez de la liberté, posez-vous en défenseur de cet idéal permanent de la Révolution humaine, vous passerez bientôt p
2015 é, posez-vous en défenseur de cet idéal permanent de la Révolution humaine, vous passerez bientôt pour fasciste. On dit qu
2016 tôt pour fasciste. On dit que les mots n’ont plus de sens. Ce serait trop beau, ce serait trop facile, ce serait enfin la
2017 veut dans la bouche des politiciens. Ils prennent de préférence un sens contraire à celui de l’usage courant. (Staline dit
2018 prennent de préférence un sens contraire à celui de l’usage courant. (Staline dit : « Je ne suis pas un dictateur » ; Mus
2019 s pas un dictateur » ; Mussolini fait la conquête de l’Éthiopie au nom de ce qu’il appelle sa liberté, etc.) Mais ils pren
2020 erté, etc.) Mais ils prennent aussi toutes sortes de sens intermédiaires dans la bouche de nos députés et journalistes, qu
2021 utes sortes de sens intermédiaires dans la bouche de nos députés et journalistes, qui flétrissent (à droite) ou approuvent
2022 he) les lois sociales parce qu’ils les qualifient de socialistes, et qui approuveraient (à droite), ou flétriraient (à gau
2023 nt (à gauche) les mêmes lois si on les qualifiait de fascistes. Alors qu’elles sont, en fait, l’un et l’autre. La politiqu
2024 que ce qu’elle dit. On se demande pourquoi, dans de telles conditions, l’on s’obstinerait encore à écrire, à parler, si p
2025 t encore à écrire, à parler, si par hasard on est de bonne foi et si de plus on a des choses précises à exprimer. Je répon
2026 ut d’abord. Écrivons pour montrer qu’il n’est pas de problème politique plus urgent que celui des mots ; et qu’il n’est pa
2027 us urgent que celui des mots ; et qu’il n’est pas de problème culturel qui ne dépende de la politique. Cela revient à écri
2028 ’il n’est pas de problème culturel qui ne dépende de la politique. Cela revient à écrire, si l’on me comprend, pour éduque
2029 uer la méfiance du lecteur. h. Rougemont Denis de , « À qui la liberté ? », À nous la liberté, Paris, 5 mars 1937, p. 10
2030 « À qui la liberté ? », À nous la liberté, Paris, 5 mars 1937, p. 10.
2031 la liberté ? », À nous la liberté, Paris, 5 mars 1937, p. 10.
10 1937, Articles divers (1936-1938). Romanciers publicitaires ou la contagion romanesque (13 mars 1937)
2032 anciers publicitaires ou la contagion romanesque ( 13 mars 1937)i Je n’apprendrai rien à personne en affirmant que le ro
2033 publicitaires ou la contagion romanesque (13 mars 1937 )i Je n’apprendrai rien à personne en affirmant que le roman est le
2034 affirmant que le roman est le plus « contagieux » de nos genres littéraires, j’entends celui qui exerce l’influence la plu
2035 ent suicidés après Werther ; ou qui entreprennent de gagner un million au sortir d’une lecture de Balzac ; aux boursiers d
2036 après Werther ; ou qui entreprennent de gagner un million au sortir d’une lecture de Balzac ; aux boursiers dont Stendhal enfiè
2037 qui entreprennent de gagner un million au sortir d’ une lecture de Balzac ; aux boursiers dont Stendhal enfièvre l’ambitio
2038 nent de gagner un million au sortir d’une lecture de Balzac ; aux boursiers dont Stendhal enfièvre l’ambition ; aux jeunes
2039 du » ; enfin, à tous les adultères que le roman à trois personnages, genre français par excellence, a provoqués et justifiés
2040 me, voire désirable, que cette contagion pratique de l’art, tant qu’il s’agit véritablement d’art, tant qu’il s’agit, pour
2041 ratique de l’art, tant qu’il s’agit véritablement d’ art, tant qu’il s’agit, pour un auteur, d’influencer le public par des
2042 blement d’art, tant qu’il s’agit, pour un auteur, d’ influencer le public par des moyens choisis, et de lui transmettre une
2043 d’influencer le public par des moyens choisis, et de lui transmettre une certaine vision du monde plus profonde, plus rich
2044 e, plus riche et plus vraie, que la vision banale de la vie quotidienne. Il est très bon que le romancier et ses romans ag
2045 très bon que le romancier et ses romans agissent, de cette manière intime et souterraine, tant qu’ils ont quelque chose à
2046 ils ont quelque chose à dire. Mais nos romanciers d’ après-guerre, qu’ont-ils à dire ? Dans quel sens entendent-ils agir su
2047 ? Dans quel sens entendent-ils agir sur les mœurs de leurs contemporains ? Ils prétendent faire de pures et simples descri
2048 urs de leurs contemporains ? Ils prétendent faire de pures et simples descriptions de la Vie (avec majuscule). Ils ne redo
2049 prétendent faire de pures et simples descriptions de la Vie (avec majuscule). Ils ne redoutent rien tant que l’œuvre à thè
2050 t rien tant que l’œuvre à thèse. Ils se défendent de toutes leurs forces d’avoir une métaphysique, une idéologie déterminé
2051 à thèse. Ils se défendent de toutes leurs forces d’ avoir une métaphysique, une idéologie déterminée, des intentions moral
2052 tions morales, sociales ou politiques. (J’excepte deux ou trois auteurs marxistes.) Et, cependant, leur influence n’est pas
2053 rales, sociales ou politiques. (J’excepte deux ou trois auteurs marxistes.) Et, cependant, leur influence n’est pas moins gra
2054 termes, ils influencent au hasard, gratuitement, d’ une manière anarchique — tout en prétendant ne pas vouloir influencer,
2055 ux qui, par crainte de s’imposer ou par ignorance de ce qu’il faudrait imposer, se contentent d’un opportunisme à la petit
2056 rance de ce qu’il faudrait imposer, se contentent d’ un opportunisme à la petite semaine, et ménagent les opinions plutôt q
2057 et ménagent les opinions plutôt que les intérêts de leurs électeurs. Cet opportunisme à courte vue caractérise très bien
2058 bien le romancier bourgeois. Refuser toute espèce de thèse, cela signifie simplement ménager et flatter le lecteur, la con
2059 cience bourgeoise du lecteur, ou plus précisément de la lectrice, car en France, paraît-il, ce sont les femmes qui lisent
2060 es à flatter, à force de ne vouloir rien affirmer de trop volontaire, de trop positif, de trop réellement révolutionnaire
2061 e de ne vouloir rien affirmer de trop volontaire, de trop positif, de trop réellement révolutionnaire et constructif, le «
2062 ien affirmer de trop volontaire, de trop positif, de trop réellement révolutionnaire et constructif, le « romancier à succ
2063 nnaire et constructif, le « romancier à succès », de nos jours, est devenu un simple reflet de la conscience bourgeoise mo
2064 ccès », de nos jours, est devenu un simple reflet de la conscience bourgeoise moyenne. Il ne fait que traduire les humeurs
2065 tionnaire cohérent. Il n’a qu’une crainte : celle de passer pour autre chose qu’un « pur artiste », celle de passer pour u
2066 ser pour autre chose qu’un « pur artiste », celle de passer pour un auteur à thèse, pour un propagandiste. Cette crainte —
2067 ui ne fut jamais celle des grands artistes — fait de notre romancier, tout simplement, le propagandiste des goûts de sa cl
2068 cier, tout simplement, le propagandiste des goûts de sa classe. Rien n’est plus dangereusement tendancieux qu’un écrivain
2069 e uniquement au profit des classes possédantes et de leurs coutumes. Il n’est que de voir l’importance démesurée que nos r
2070 es possédantes et de leurs coutumes. Il n’est que de voir l’importance démesurée que nos romanciers attachent à la descrip
2071 tion des vêtements, des ameublements, des marques d’ autos, et même de cigarettes (Paul Reboux) de leurs personnages ! Le r
2072 s, des ameublements, des marques d’autos, et même de cigarettes (Paul Reboux) de leurs personnages ! Le romancier bourgeoi
2073 ques d’autos, et même de cigarettes (Paul Reboux) de leurs personnages ! Le romancier bourgeois qui s’imaginait, naïvement
2074 mné lui-même, en fait, à ne plus être que l’agent de publicité — plus ou moins bénévole — des fournisseurs d’une certaine
2075 icité — plus ou moins bénévole — des fournisseurs d’ une certaine classe. Ce romancier, et la culture qu’il représente, on
2076 roman, et du roman fait à l’usage des bourgeois, de leurs loisirs improductifs. Une telle crise ne peut être résolue par
2077 telle crise ne peut être résolue par des mesures de propagande, ni par des lois plus ou moins astucieuses. C’est toutes l
2078 plus ou moins astucieuses. C’est toutes les bases de la culture actuelle qui sont en crise. Faites-nous des œuvres qui aff
2079 mans qui riment à quelque chose, il n’y aura plus de crise du livre. i. Rougemont Denis de, « Romanciers publicitaires
2080 ura plus de crise du livre. i. Rougemont Denis de , « Romanciers publicitaires ou la contagion romanesque », À nous la l
2081 contagion romanesque », À nous la liberté, Paris, 13 mars 1937, p. 10.
2082 n romanesque », À nous la liberté, Paris, 13 mars 1937, p. 10.
11 1937, Articles divers (1936-1938). Vers une littérature personnaliste (20 mars 1937)
2083 Vers une littérature personnaliste ( 20 mars 1937)j On a très vivement critiqué le dernier chapitre de l’H
2084 Vers une littérature personnaliste (20 mars 1937 )j On a très vivement critiqué le dernier chapitre de l’Histoire de
2085 On a très vivement critiqué le dernier chapitre de l’Histoire de la littérature française de Thibaudetk : celui qui est
2086 vement critiqué le dernier chapitre de l’Histoire de la littérature française de Thibaudetk : celui qui est consacré à l’a
2087 hapitre de l’Histoire de la littérature française de Thibaudetk : celui qui est consacré à l’après-guerre. II est vrai que
2088 audetk : celui qui est consacré à l’après-guerre. II est vrai que beaucoup de noms y sont omis, que beaucoup de nos gloire
2089 raitées cavalièrement (Maurois-Mauriac : « manque de substance, d’épaisseur, de variété… », « accrochés aux petites histoi
2090 èrement (Maurois-Mauriac : « manque de substance, d’ épaisseur, de variété… », « accrochés aux petites histoires de leur mi
2091 ois-Mauriac : « manque de substance, d’épaisseur, de variété… », « accrochés aux petites histoires de leur milieu… »). On
2092 de variété… », « accrochés aux petites histoires de leur milieu… »). On a dit : le chapitre est bâclé. Je me demande si l
2093 it vu et constaté aussi nettement qu’à la lecture de ce bilan désinvolte. Au lendemain de la guerre, la production écrite
2094 à la lecture de ce bilan désinvolte. Au lendemain de la guerre, la production écrite des hommes qui revenaient du front —
2095 ction écrite des hommes qui revenaient du front — 20 à 35 ans — connut un véritable boom commercial. « À nous la liberté !
2096 écrite des hommes qui revenaient du front — 20 à 35 ans — connut un véritable boom commercial. « À nous la liberté ! » s’
2097 et la prospérité des nouveaux riches, une avidité de sensations, une libération érotique, des mécènes américains… Ce fut l
2098 ion, la Permission perpétuelle — jusqu’à la crise de 1930. Il nous en reste une génération de gloires rapides et sans ampl
2099 , la Permission perpétuelle — jusqu’à la crise de 1930. Il nous en reste une génération de gloires rapides et sans ampleur, d
2100 la crise de 1930. Il nous en reste une génération de gloires rapides et sans ampleur, des « noms » qu’un seul livre imposa
2101 ; pratiquement, la franchise n’est pas possible.) De ces années, et de celles de la crise qui les suit, on ne retiendra gu
2102 franchise n’est pas possible.) De ces années, et de celles de la crise qui les suit, on ne retiendra guère que les bizarr
2103 n’est pas possible.) De ces années, et de celles de la crise qui les suit, on ne retiendra guère que les bizarreries les
2104 stes composeront très probablement une anthologie de « mineurs » qui prendra le charme d’un style, et très vite, une patin
2105 e anthologie de « mineurs » qui prendra le charme d’ un style, et très vite, une patine rassurante. Quant au roman contempo
2106 ux que Thibaudet, son premier historien, ne tente d’ en sauver que les plus gros morceaux — au poids — les « romans-cycles 
2107 on qu’adoptent naturellement les écrivains lassés de l’improvisation et du bâclé. Au lieu de chercher la densité, en profo
2108 densité, en profondeur, ils trouvent plus commode de donner en surface une impression de masse construite. Au lieu d’appro
2109 plus commode de donner en surface une impression de masse construite. Au lieu d’approfondir un personnage jusqu’au type,
2110 s multiplient les personnages. Au lieu de marquer d’ une empreinte durable un moment donné de l’histoire sociale, ils s’éta
2111 e marquer d’une empreinte durable un moment donné de l’histoire sociale, ils s’étalent dans la durée et vagabondent à trav
2112 s qu’ils s’attardent presque tous aux générations d’ avant-guerre : le temps de leur jeunesse, remarque Thibaudet. Et il at
2113 ue tous aux générations d’avant-guerre : le temps de leur jeunesse, remarque Thibaudet. Et il attribue ce phénomène de « r
2114 , remarque Thibaudet. Et il attribue ce phénomène de « refoulement de la durée vers l’amont » à l’incertitude du lendemain
2115 det. Et il attribue ce phénomène de « refoulement de la durée vers l’amont » à l’incertitude du lendemain (et du présent),
2116 demain (et du présent), à la nécessité croissante de vivre sur ses réserves, enfin à une crise et à une carence de la créa
2117 ses réserves, enfin à une crise et à une carence de la création. Malgré ces difficultés, conclut-il, on ne saurait guère
2118 il, on ne saurait guère douter que le super-cycle de ces sept romans-cycles (Martin du Gard, Duhamel, Francis, Lacretelle,
2119 Lacretelle, Chardonne, Romains, Béhaine), le Tour de France des romanciers cyclistes, ne reste un trait capital de l’histo
2120 s romanciers cyclistes, ne reste un trait capital de l’histoire du roman, du paysage, du roman, pour cette tranche de sièc
2121 u roman, du paysage, du roman, pour cette tranche de siècle que meublera la génération de 1914. Il est caractéristique qu
2122 ette tranche de siècle que meublera la génération de 1914. Il est caractéristique que le livre de Thibaudet se termine su
2123 e tranche de siècle que meublera la génération de 1914. Il est caractéristique que le livre de Thibaudet se termine sur une
2124 ion de 1914. Il est caractéristique que le livre de Thibaudet se termine sur une note pessimiste, et sur l’expression de
2125 mine sur une note pessimiste, et sur l’expression de « dégradation de la littérature, au sens où les physiciens s’intéress
2126 pessimiste, et sur l’expression de « dégradation de la littérature, au sens où les physiciens s’intéressent à la dégradat
2127 où les physiciens s’intéressent à la dégradation de l’énergie ». Mais cette dégradation littéraire, après tout, ne fait q
2128 ittéraire, après tout, ne fait que traduire celle de la société. Tous ces romans-cycles sont, en effet, des procès-verbaux
2129 romans-cycles sont, en effet, des procès-verbaux de dissolution du monde bourgeois : de Proust à Lacretelle, les salons s
2130 rocès-verbaux de dissolution du monde bourgeois : de Proust à Lacretelle, les salons se défont, les classes se mêlent, les
2131 nes leur identité. Comment imaginer la naissance, d’ une grande œuvre romanesque dans un pareil état social ? Tous les chef
2132 -d’œuvre du genre, au xixe siècle, étaient issus d’ une société solidement établie, où les types étaient fixes et stables,
2133 r outre aux conventions. Mais quand il n’y a plus de convention ? Lorsque tout est brouillé, lorsque tout est permis ? Que
2134 écroule — et cela ne peut pas donner les éléments d’ un art, si l’art est une construction. Il semble bien que la littératu
2135 éjà vers d’autres formes. Les gros romans sociaux de huit-cents pages que nous assènent les Céline, Aragon ou Plisnier son
2136 es pamphlets que des romans, des essais illustrés d’ exemples : du coup, ils retrouvent un public. Il semble, d’autre part,
2137 e, d’autre part, que les documentaires entremêlés de réflexions et de jugements personnels, comme par exemple les derniers
2138 que les documentaires entremêlés de réflexions et de jugements personnels, comme par exemple les derniers livres d’Henri P
2139 personnels, comme par exemple les derniers livres d’ Henri Petit et de Marius Richard soient promis à des succès moins tapa
2140 par exemple les derniers livres d’Henri Petit et de Marius Richard soient promis à des succès moins tapageurs, mais plus
2141 plus profonds. Nous avons à refaire un inventaire de l’homme, préparation modeste et nécessaire à une littérature vraiment
2142 ure vraiment personnaliste. j. Rougemont Denis de , « Vers une littérature personnaliste », À nous la liberté, Paris, 20
2143 rature personnaliste », À nous la liberté, Paris, 20 mars 1937, p. 10. k. Rougemont a rendu compte de cet ouvrage dans E
2144 ersonnaliste », À nous la liberté, Paris, 20 mars 1937, p. 10. k. Rougemont a rendu compte de cet ouvrage dans Esprit de ma
2145 20 mars 1937, p. 10. k. Rougemont a rendu compte de cet ouvrage dans Esprit de mars 1937.
2146 gemont a rendu compte de cet ouvrage dans Esprit de mars 1937.
2147 rendu compte de cet ouvrage dans Esprit de mars 1937.
12 1937, Articles divers (1936-1938). C’est jeune (10 avril 1937)
2148 C’est jeune ( 10 avril 1937)l L’ironie est parfois la meilleure des prudences. C’es
2149 C’est jeune (10 avril 1937 )l L’ironie est parfois la meilleure des prudences. C’est la conclu
2150 re des prudences. C’est la conclusion que je tire d’ un article de M. Vandérem (dans Candide) où la critique des critiques
2151 ces. C’est la conclusion que je tire d’un article de M. Vandérem (dans Candide) où la critique des critiques actuels que j
2152 é dans la vie — écrit-il —, je me rendrais compte de tous les aléas que représenteraient pour la critique un chambardement
2153 eprésenteraient pour la critique un chambardement de ce genre. Ce serait toute une série de notions à acquérir, d’opinions
2154 mbardement de ce genre. Ce serait toute une série de notions à acquérir, d’opinions à se former, de classements à établir,
2155 Ce serait toute une série de notions à acquérir, d’ opinions à se former, de classements à établir, bref une réinstallatio
2156 ie de notions à acquérir, d’opinions à se former, de classements à établir, bref une réinstallation complète demandant des
2157 savoureux argument. Dans sa chronique littéraire de Marianne, il reprochait tout récemment à l’un de nos bons écrivains,
2158 de Marianne, il reprochait tout récemment à l’un de nos bons écrivains, M. Arnoux, de n’avoir pas su s’imposer « avec ass
2159 écemment à l’un de nos bons écrivains, M. Arnoux, de n’avoir pas su s’imposer « avec assez de force au public ». Car, préc
2160 Arnoux, de n’avoir pas su s’imposer « avec assez de force au public ». Car, précisait-il, « on sait que la force, en ces
2161 chance et la tactique, il me semble que le talent de M. Amoux est supérieur à sa tactique ». Faut-il être jeune, tout de m
2162 ncé dans la vie, pour s’ébahir, comme je le fais, d’ une… « constatation » de cet ordre ! Comprenez-vous ce qu’elle suppose
2163 ébahir, comme je le fais, d’une… « constatation » de cet ordre ! Comprenez-vous ce qu’elle suppose, ce qu’elle avoue serei
2164 ? Dans quelle illusion ai-je vécu ? Ce n’est rien d’ écrire, de faire une œuvre, de croire qu’on a quelque chose à dire ; l
2165 lle illusion ai-je vécu ? Ce n’est rien d’écrire, de faire une œuvre, de croire qu’on a quelque chose à dire ; le but de l
2166 écu ? Ce n’est rien d’écrire, de faire une œuvre, de croire qu’on a quelque chose à dire ; le but de l’écrivain, c’est de
2167 , de croire qu’on a quelque chose à dire ; le but de l’écrivain, c’est de s’imposer avec force au Public. Et cela demande
2168 uelque chose à dire ; le but de l’écrivain, c’est de s’imposer avec force au Public. Et cela demande de la tactique ! Je l
2169 e s’imposer avec force au Public. Et cela demande de la tactique ! Je le vois bien. Je supplie donc qu’on m’explique la ta
2170 treint. Je suis comme un enfant devant le mystère de « la vie… ». Profitant de mon innocence, que j’espère d’ailleurs prov
2171 nfant devant le mystère de « la vie… ». Profitant de mon innocence, que j’espère d’ailleurs provisoire, — je vieillirai —
2172 ême des années ou des siècles, mais quelque chose de beaucoup plus dangereux et difficile que l’avancement dans la vie : q
2173  tactique » du succès commercial, c’est le moment de fourrer les pieds dans le plat et d’éclabousser les convives. Nous fe
2174 st le moment de fourrer les pieds dans le plat et d’ éclabousser les convives. Nous ferons notre pain nous-mêmes. l. Rou
2175 rons notre pain nous-mêmes. l. Rougemont Denis de , « C’est jeune », À nous la liberté, Paris, 10 avril 1937, p. 10.
2176 is de, « C’est jeune », À nous la liberté, Paris, 10 avril 1937, p. 10.
2177 C’est jeune », À nous la liberté, Paris, 10 avril 1937, p. 10.
13 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)
2178 Journal d’ un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)m J’étais chô
2179 Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) ( 15 avril 1937)m J’étais chômeur depuis trois mois. On m’offrait un ab
2180 ’un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937 )m J’étais chômeur depuis trois mois. On m’offrait un abri quelque
2181 ments) (15 avril 1937)m J’étais chômeur depuis trois mois. On m’offrait un abri quelque part, une maison vide, une occasio
2182 abri quelque part, une maison vide, une occasion de solitude désirée en secret dès longtemps. Je voudrais bien n’avoir pa
2183 pas l’air trop romantique : mes dernières années de Paris m’avaient appris que cette ville, au moins pour la jeunesse san
2184 res disent : « Allons-nous-en », et restent faute d’ imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France
2185 estent faute d’imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dit
2186 suffit de bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez une, et v
2187 e bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez une, et vous
2188 voulu répondre. Peut-être mon récit n’a-t-il pas d’ autre but que de décrire un précédent, d’affirmer que cela peut se fai
2189 Peut-être mon récit n’a-t-il pas d’autre but que de décrire un précédent, d’affirmer que cela peut se faire, que cela s’e
2190 t-il pas d’autre but que de décrire un précédent, d’ affirmer que cela peut se faire, que cela s’est fait, qu’il y a là un
2191 re, que cela s’est fait, qu’il y a là un bonheur… 22 septembre 1934. À… (Gard) Arrivés hier matin, par Nîmes. Déjà je ne s
2192 s’est fait, qu’il y a là un bonheur… 22 septembre 1934. À… (Gard) Arrivés hier matin, par Nîmes. Déjà je ne sais plus ce que
2193 plus ce que j’attendais, ni ce que j’ai pu rêver de ce pays. Il est très pauvre, sec et lumineux. Toutes les nuances du g
2194 s, herbes, pierres, oliviers, et quelques touches de vert humide au fond des vallons, de vert sombre sur les premières pen
2195 lques touches de vert humide au fond des vallons, de vert sombre sur les premières pentes des Cévennes, où commencent les
2196 ncent les châtaigneraies. Au sud, on voit un coin de plaine entre des collines longues, aux olivettes étagées, quelques cy
2197 cyprès en silhouette sur les crêtes, et des toits de ce rose émouvant des tuiles romaines sous un ciel doux. Au nord, derr
2198 n : une ancienne magnanerie, très haute, aux murs de gros moellons rougeâtres et gris non revêtus. Il y a trois pièces au
2199 s moellons rougeâtres et gris non revêtus. Il y a trois pièces au premier étage, où l’on entre de plain-pied par-derrière. Au
2200 y a trois pièces au premier étage, où l’on entre de plain-pied par-derrière. Au-dessous, c’est une grande remise. Au seco
2201 e. Au-dessous, c’est une grande remise. Au second quatre petites chambres. Le tout encombré de fauteuils, de chaises de velour
2202 second quatre petites chambres. Le tout encombré de fauteuils, de chaises de velours, tables rondes et ovaloïdes, guérido
2203 petites chambres. Le tout encombré de fauteuils, de chaises de velours, tables rondes et ovaloïdes, guéridons à photos, m
2204 ambres. Le tout encombré de fauteuils, de chaises de velours, tables rondes et ovaloïdes, guéridons à photos, meubles à mu
2205 as, rideaux à franges, tabourets brodés et objets d’ art. Aux murs, plusieurs douzaines d’aquarelles, sous-bois et marines.
2206 és et objets d’art. Aux murs, plusieurs douzaines d’ aquarelles, sous-bois et marines. Quelques tapis sur du carreau rouge.
2207 s fenêtres donnent au midi dans le branchage bleu d’ un tilleul. Au bord de la terrasse, une fontaine abondante coule dans
2208 où l’on accède par quelques marches et un balcon de pierre. L’on descend par d’étroits escaliers aux quatre autres terras
2209 marches et un balcon de pierre. L’on descend par d’ étroits escaliers aux quatre autres terrasses du jardin, étagées sur l
2210 pierre. L’on descend par d’étroits escaliers aux quatre autres terrasses du jardin, étagées sur le versant nord d’un vallon q
2211 terrasses du jardin, étagées sur le versant nord d’ un vallon qui vient mourir à notre hauteur sur la droite, tandis que l
2212 que le versant sud, avec ses restanques touffues d’ oliviers, ferme l’horizon immédiat. Au sud-est, nous avons une échappé
2213 t. Au sud-est, nous avons une échappée sur la fin de la vallée, la rivière et la plaine. La petite ville reste invisible,
2214 uche. À peine s’il nous en vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin fo
2215 l nous en vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la c
2216 vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’ auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour, et re
2217 meurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour, et remplit l’ombre ble
2218 o, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour, et remplit l’ombre bleue sous le tilleul immense et les laur
2219 nd vase jaune brille au bord du bassin. Le reflet de l’eau tremble au plafond et sur les murs verdâtres de la chambre où j
2220 ’eau tremble au plafond et sur les murs verdâtres de la chambre où j’écris. Et voilà mon petit exercice de rentrée terminé
2221 a chambre où j’écris. Et voilà mon petit exercice de rentrée terminé : « Décrivez la maison de vos vacances… » Ajoutons qu
2222 xercice de rentrée terminé : « Décrivez la maison de vos vacances… » Ajoutons que le jardinier s’appelle Simard, sa femme
2223 Et qu’il va falloir modifier cette maison pleine de guéridons et d’aquarelles, de telle sorte qu’on puisse y travailler.
2224 loir modifier cette maison pleine de guéridons et d’ aquarelles, de telle sorte qu’on puisse y travailler. Nous faisons l’i
2225 cette maison pleine de guéridons et d’aquarelles, de telle sorte qu’on puisse y travailler. Nous faisons l’inventaire minu
2226 r. Nous faisons l’inventaire minutieux et le plan d’ arrangement actuel de chacune des pièces du premier, avant de les vide
2227 entaire minutieux et le plan d’arrangement actuel de chacune des pièces du premier, avant de les vider et de transporter l
2228 cune des pièces du premier, avant de les vider et de transporter leur contenu à l’étage supérieur. 23 septembre 1934 Maint
2229 de transporter leur contenu à l’étage supérieur. 23 septembre 1934 Maintenant les murs sont nus : d’un joli vert bleu trè
2230 er leur contenu à l’étage supérieur. 23 septembre 1934 Maintenant les murs sont nus : d’un joli vert bleu très clair. Le car
2231 23 septembre 1934 Maintenant les murs sont nus : d’ un joli vert bleu très clair. Le carreau rouge a été débarrassé du tap
2232 sur des tréteaux. Il ne reste qu’un grand canapé de velours ponceau et des chaises de paille trouvées dans un coin de la
2233 un grand canapé de velours ponceau et des chaises de paille trouvées dans un coin de la remise, où les chaises brodées, le
2234 au et des chaises de paille trouvées dans un coin de la remise, où les chaises brodées, les guéridons et le dessus de chem
2235 ù les chaises brodées, les guéridons et le dessus de cheminée — vingt-deux pièces dûment recensées — ont été les remplacer
2236 brodées, les guéridons et le dessus de cheminée — vingt-deux pièces dûment recensées — ont été les remplacer. Seul vestige des spl
2237 emplacer. Seul vestige des splendeurs bourgeoises de ce salon : un lustre formé d’une écaille de tortue polie, agrémenté d
2238 endeurs bourgeoises de ce salon : un lustre formé d’ une écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de
2239 oises de ce salon : un lustre formé d’une écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de pendeloques d
2240 re formé d’une écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de pendeloques de verre taillé. Fascinant,
2241 tue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de pendeloques de verre taillé. Fascinant, ce lustre. Nous sommes éreint
2242 menté de porte-bougies inutiles et de pendeloques de verre taillé. Fascinant, ce lustre. Nous sommes éreintés et couverts
2243 nant, ce lustre. Nous sommes éreintés et couverts de poussière. Mais on va pouvoir respirer. 25 septembre 1934 La traducti
2244 uverts de poussière. Mais on va pouvoir respirer. 25 septembre 1934 La traduction d’un considérable ouvrage allemand nous
2245 ssière. Mais on va pouvoir respirer. 25 septembre 1934 La traduction d’un considérable ouvrage allemand nous permettra de pa
2246 pouvoir respirer. 25 septembre 1934 La traduction d’ un considérable ouvrage allemand nous permettra de passer trois mois o
2247 d’un considérable ouvrage allemand nous permettra de passer trois mois ou quatre sans trop de soucis matériels. La vie par
2248 dérable ouvrage allemand nous permettra de passer trois mois ou quatre sans trop de soucis matériels. La vie paraît assez peu
2249 e allemand nous permettra de passer trois mois ou quatre sans trop de soucis matériels. La vie paraît assez peu chère. Mais bi
2250 ermettra de passer trois mois ou quatre sans trop de soucis matériels. La vie paraît assez peu chère. Mais bien trop chère
2251 travail font faillite l’une après l’autre. Il y a 400 chômeurs pour une population de 2300 habitants. Ceux qui travaillent
2252 l’autre. Il y a 400 chômeurs pour une population de 2300 habitants. Ceux qui travaillent encore gagnent à peine de quoi s
2253 autre. Il y a 400 chômeurs pour une population de 2300 habitants. Ceux qui travaillent encore gagnent à peine de quoi se nou
2254 aignes, des olives, des radis et quelques légumes de leurs cultures, qu’ils n’ont pas pu vendre au marché. Cependant, ils
2255 , cela se sent à la manière dont ils nous parlent de quelques familles des environs qui n’ont pas la ressource d’un jardin
2256 familles des environs qui n’ont pas la ressource d’ un jardin, ou qui ne « savent pas y faire ». (Légère nuance de supério
2257 ou qui ne « savent pas y faire ». (Légère nuance de supériorité sociale chez Simard). Nos hôtes nous avaient signalé la f
2258 imard). Nos hôtes nous avaient signalé la famille d’ un mineur retraité, dont la femme fait des journées. Considérant que r
2259 ant que richesse oblige — car je gagne à peu près 1.000 francs par mois — nous avons engagé la mère Calixte pour donner un co
2260 ait notable à partir des Cévennes. Mais bavarde ! De gré ou de force, c’est certain, nous saurons tout sur les gens de la
2261 e à partir des Cévennes. Mais bavarde ! De gré ou de force, c’est certain, nous saurons tout sur les gens de la ville… 5 o
2262 ce, c’est certain, nous saurons tout sur les gens de la ville… 5 octobre 1934 Petite cité tassée à la base d’une paroi de
2263 tain, nous saurons tout sur les gens de la ville… 5 octobre 1934 Petite cité tassée à la base d’une paroi de rocher et le
2264 saurons tout sur les gens de la ville… 5 octobre 1934 Petite cité tassée à la base d’une paroi de rocher et le long d’une r
2265 ille… 5 octobre 1934 Petite cité tassée à la base d’ une paroi de rocher et le long d’une rivière rapide qui débouche d’une
2266 bre 1934 Petite cité tassée à la base d’une paroi de rocher et le long d’une rivière rapide qui débouche d’une gorge étroi
2267 tassée à la base d’une paroi de rocher et le long d’ une rivière rapide qui débouche d’une gorge étroite, cité couleur de r
2268 cher et le long d’une rivière rapide qui débouche d’ une gorge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles t
2269 de qui débouche d’une gorge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin par
2270 uche d’une gorge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin paraît en ruin
2271 ge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin paraît en ruine, prouve sa v
2272 de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin paraît en ruine, prouve sa vie par ses odeurs et la saleté de se
2273 ruine, prouve sa vie par ses odeurs et la saleté de ses ruelles. Un ruisseau coule au milieu du pavé, charriant des ordur
2274 les passages étroits. Sur les seuils, des groupes de femmes en noir jacassent pendant des heures. Des enfants en sarraus n
2275 uent au football dans le ruisseau avec un torchon de papier d’emballage. Pas un de ces petits visages qui ne soit beau et
2276 otball dans le ruisseau avec un torchon de papier d’ emballage. Pas un de ces petits visages qui ne soit beau et fin mais i
2277 eau avec un torchon de papier d’emballage. Pas un de ces petits visages qui ne soit beau et fin mais incroyablement crasse
2278 la gare, il y a bien un parc municipal, le jardin d’ un couvent désaffecté, mais je n’y vois jamais que des vieillards en p
2279 ds en pantoufles. Devant le parc, un mail couvert d’ une épaisse couche de poussière : là, de nouveau, des bandes de joueur
2280 ant le parc, un mail couvert d’une épaisse couche de poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs de balle, dans un n
2281 couche de poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs de balle, dans un nuage… Cela tend à confirmer un soupçon qui
2282 poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs de balle, dans un nuage… Cela tend à confirmer un soupçon qui m’est venu
2283 soupçon qui m’est venu en maintes autres régions de la France : les provinciaux ignorent obstinément, peut-être même haïs
2284 ulation des faubourgs des grandes villes. Le goût de « la vie saine » et du grand air, vous ne le trouverez que dans la « 
2285 us ne le trouverez que dans la « banlieue rouge » de Paris, d’ailleurs importé d’URSS, et récemment. On me dit qu’ici troi
2286 a « banlieue rouge » de Paris, d’ailleurs importé d’ URSS, et récemment. On me dit qu’ici trois maisons seulement, sur 200,
2287 rs importé d’URSS, et récemment. On me dit qu’ici trois maisons seulement, sur 200, ont l’eau courante. Les femmes vont avec
2288 nt. On me dit qu’ici trois maisons seulement, sur 200, ont l’eau courante. Les femmes vont avec des cruches à la fontaine qu
2289 la grande place, juste à côté de la pissotière et de l’arrêt des autocars. Pittoresque, on peut le dire… 8 octobre 1934 D
2290 arrêt des autocars. Pittoresque, on peut le dire… 8 octobre 1934 Du rôle pratique de la raison. Je vois la misère qui rè
2291 autocars. Pittoresque, on peut le dire… 8 octobre 1934 Du rôle pratique de la raison. Je vois la misère qui règne dans tous
2292 on peut le dire… 8 octobre 1934 Du rôle pratique de la raison. Je vois la misère qui règne dans tous ces foyers, et qui l
2293 ts sales abandonnés par leurs parents aux hasards de la rue, qui valent bien ceux de la famille, mais aussi aux hasards de
2294 rents aux hasards de la rue, qui valent bien ceux de la famille, mais aussi aux hasards de l’éducation primaire, bienfaisa
2295 t bien ceux de la famille, mais aussi aux hasards de l’éducation primaire, bienfaisante en principe il est vrai, mais tris
2296 ois tous les espoirs et toutes les « assurances » de cette population balayée périodiquement par la faillite des entrepris
2297 reprises où elle travaille, ou par quelque décret d’ État. Je vois le chômage s’étendre et s’installer, comme se sont insta
2298 rant la feuille locale, qu’il naît encore pas mal d’ enfants dans ces foyers que tout menace. Faisons la part des « acciden
2299 dences ». Il reste encore une marge assez notable d’ imprévoyance naïve, d’acceptation des risques, de confiance obscurémen
2300 ore une marge assez notable d’imprévoyance naïve, d’ acceptation des risques, de confiance obscurément accordée à l’instinc
2301 d’imprévoyance naïve, d’acceptation des risques, de confiance obscurément accordée à l’instinct ou à « la Vie », ou à la
2302 à l’instinct ou à « la Vie », ou à la solidarité de l’espèce humaine, malgré tout. Pourtant c’est bien ici le peuple « ra
2303 raisonnable » qu’on donne en exemple aux barbares de l’Europe centrale. Le peuple qui sait calculer, faire son budget, bou
2304 i sait calculer, faire son budget, bourrer le bas de laine et nourrir la bouteille aux pièces de dix sous. Une chose est c
2305 e bas de laine et nourrir la bouteille aux pièces de dix sous. Une chose est claire : faire des enfants, dans les conditio
2306 as de laine et nourrir la bouteille aux pièces de dix sous. Une chose est claire : faire des enfants, dans les conditions a
2307 Or tout ce que l’État nous apprend, par le moyen de l’école primaire entre autres, ridiculise et ruine ce genre d’espoirs
2308 imaire entre autres, ridiculise et ruine ce genre d’ espoirs. Qui voudrait condamner l’usage pratique de la raison ? Simple
2309 ’espoirs. Qui voudrait condamner l’usage pratique de la raison ? Simplement je constate qu’en fait, et dans ce pays tel qu
2310 fortunés, ou ascètes. Ceux qui n’ont plus besoin de calculer, ceux-là calculent. Et les autres acceptent leurs risques, c
2311 s acceptent leurs risques, c’est-à-dire acceptent de vivre, malgré l’État laïque qui leur conseille plutôt l’épargne. 15 o
2312 ’État laïque qui leur conseille plutôt l’épargne. 15 octobre 1934 On a terminé les vendanges, et la récolte des figues d’é
2313 e qui leur conseille plutôt l’épargne. 15 octobre 1934 On a terminé les vendanges, et la récolte des figues d’été. (Les figu
2314 a terminé les vendanges, et la récolte des figues d’ été. (Les figues d’hiver apparaissent déjà, plus petites et toujours v
2315 nges, et la récolte des figues d’été. (Les figues d’ hiver apparaissent déjà, plus petites et toujours vertes ; on ne les m
2316 les mange pas). Simard nous a indiqué une ferme, de l’autre côté de la colline du sud, où nous pourrons acheter une provi
2317 Simard nous a indiqué une ferme, de l’autre côté de la colline du sud, où nous pourrons acheter une provision d’« œillade
2318 ne du sud, où nous pourrons acheter une provision d’ « œillades ». C’est leur gros raisin bleu. Nous y sommes allés hier au
2319 violacée entre des monticules pointus tout frisés d’ oliviers, un paysage de primitifs italiens. Le mas au flanc de la coll
2320 icules pointus tout frisés d’oliviers, un paysage de primitifs italiens. Le mas au flanc de la colline, déjà dans l’ombre,
2321 un paysage de primitifs italiens. Le mas au flanc de la colline, déjà dans l’ombre, paraissait désert. Nous nous sommes as
2322 . Nous nous sommes assis sur la terrasse, au pied d’ un grand micocoulier. Bientôt un chien furieux surgit de la maison, su
2323 rand micocoulier. Bientôt un chien furieux surgit de la maison, suivi d’une grande femme en noir. C’est la propriétaire, M
2324 entôt un chien furieux surgit de la maison, suivi d’ une grande femme en noir. C’est la propriétaire, Madame Turc. Elle nou
2325 qu’à la nuit tombée. Nous sommes dans une cuisine de ferme mais la fermière nous reçoit comme une « dame », ou plutôt un p
2326 ou plutôt un peu mieux, avec une politesse pleine de réserve et d’attentions. On parle du domaine. Les deux femmes le diri
2327 eu mieux, avec une politesse pleine de réserve et d’ attentions. On parle du domaine. Les deux femmes le dirigent seules de
2328 réserve et d’attentions. On parle du domaine. Les deux femmes le dirigent seules depuis la mort de M. Turc. Elles ont un peu
2329 Les deux femmes le dirigent seules depuis la mort de M. Turc. Elles ont un peu de peine avec les ouvriers. Il paraît qu’on
2330 eine avec les ouvriers. Il paraît qu’on en trouve de moins en moins. — « Mais, lui dis-je, et les chômeurs ? On m’a dit qu
2331 dis-je, et les chômeurs ? On m’a dit qu’il y en a 400 à A ? » La mère, vivement : « Jamais je n’ai engagé de chômeurs, Mons
2332 A ? » La mère, vivement : « Jamais je n’ai engagé de chômeurs, Monsieur, c’est un principe. Nous ne voulons que des ouvrie
2333 e voulons que des ouvriers honnêtes. Pensez donc, deux femmes seules ! — C’est que je suis chômeur moi-même, Madame… » Elle
2334 ômeur moi-même, Madame… » Elle sourit à son tour, de l’air de dire : Oh, vous, ce n’est pas la même chose. Elle a sans dou
2335 -même, Madame… » Elle sourit à son tour, de l’air de dire : Oh, vous, ce n’est pas la même chose. Elle a sans doute entend
2336 s la même chose. Elle a sans doute entendu parler de nous. Rien à faire : je suis un « monsieur ». La fille rentre : une f
2337 eur ». La fille rentre : une forte femme, environ 35 ans, un peu masculine. Elle nous conduit à la chambre de conserve des
2338 un peu masculine. Elle nous conduit à la chambre de conserve des raisins. Pendant qu’elle fait la pesée : « C’est pour qu
2339 que vous écrivez des articles ? J’en ai lu signés de ce nom-là. Et elle me cite une revue protestante et une revue littéra
2340 lles je collabore, en effet. — Vous avez le temps de lire beaucoup ? — Oh, on le prend. Comme nous ne voyons jamais person
2341 voyons jamais personne… (En France, cela étonne.) 16 octobre 1934 Complexité des « Classes ». À quelle classe appartienne
2342 is personne… (En France, cela étonne.) 16 octobre 1934 Complexité des « Classes ». À quelle classe appartiennent ces deux f
2343 es « Classes ». À quelle classe appartiennent ces deux femmes ? Je résume mes renseignements : famille paysanne, de tout tem
2344 Je résume mes renseignements : famille paysanne, de tout temps. Vie laborieuse, peu ou point de gains depuis des années.
2345 anne, de tout temps. Vie laborieuse, peu ou point de gains depuis des années. Pas de relations. Leur niveau de culture, fo
2346 use, peu ou point de gains depuis des années. Pas de relations. Leur niveau de culture, fort au-dessus de la moyenne, ne m
2347 depuis des années. Pas de relations. Leur niveau de culture, fort au-dessus de la moyenne, ne m’étonne guère, s’agissant
2348 relations. Leur niveau de culture, fort au-dessus de la moyenne, ne m’étonne guère, s’agissant de protestantes. Ce ne sont
2349 ssus de la moyenne, ne m’étonne guère, s’agissant de protestantes. Ce ne sont pas des bourgeoises, certes, et pourtant ell
2350 en sont encore à estimer que chômeur est synonyme de vagabond dangereux. Elles font partie des « travailleurs » et pourtan
2351 iétaires. Je vois en elles un type très classique de Françaises : leur politesse mesurée, leur raison, leur énergie sérieu
2352 , leur raison, leur énergie sérieuse, cette façon de ne pas se plaindre de son sort… Pourtant, il y en a peu de cette espè
2353 ergie sérieuse, cette façon de ne pas se plaindre de son sort… Pourtant, il y en a peu de cette espèce, semble-t-il. On n’
2354 nt pas du tout se considérer comme un type social d’ exception. Combien y a-t-il de classes entre la bourgeoisie des villes
2355 omme un type social d’exception. Combien y a-t-il de classes entre la bourgeoisie des villes et le prolétariat ? L’opposit
2356 crets, dès que je sors des très grandes villes et de leur caricature de société. — Simard, le jardinier, est à demi métaye
2357 ors des très grandes villes et de leur caricature de société. — Simard, le jardinier, est à demi métayer. Est-ce un prolét
2358 exé qu’on le lui dise. Il s’estime fort au-dessus d’ un mineur retraité, par exemple. Les instituteurs d’A… ? Ils sont du p
2359 un mineur retraité, par exemple. Les instituteurs d’ A… ? Ils sont du peuple. Oui, mais bourgeois par leur profession. Et l
2360 on. Et les Calixte ? Prolétaires sans doute, mais d’ une tout autre espèce, on dirait même d’une autre race que les métayer
2361 ute, mais d’une tout autre espèce, on dirait même d’ une autre race que les métayers catholiques de la montagne qu’on voit
2362 ême d’une autre race que les métayers catholiques de la montagne qu’on voit venir à A… pour le marché. Et très conscients
2363 oit venir à A… pour le marché. Et très conscients d’ une supériorité qu’ils ne peuvent attribuer au rang social ni au salai
2364 omiques. On ne comprend rien à la réalité sociale de ce canton si l’on fait abstraction de tout cela dont le marxisme, jus
2365 ité sociale de ce canton si l’on fait abstraction de tout cela dont le marxisme, justement, se doit de ne pas tenir compte
2366 de tout cela dont le marxisme, justement, se doit de ne pas tenir compte. Un communiste traitera les dames Turc de « koula
2367 nir compte. Un communiste traitera les dames Turc de « koulaks » et tout sera dit. Le marxisme part de statistiques et de
2368 de « koulaks » et tout sera dit. Le marxisme part de statistiques et de relations numériques (salaires, plus-value, profit
2369 out sera dit. Le marxisme part de statistiques et de relations numériques (salaires, plus-value, profits). Il s’estime don
2370 s). Il s’estime donc scientifique. Il ne part pas de ce que les hommes veulent être, ni de la conscience globale qu’ils on
2371 ne part pas de ce que les hommes veulent être, ni de la conscience globale qu’ils ont de leur état (et c’est pourtant le p
2372 lent être, ni de la conscience globale qu’ils ont de leur état (et c’est pourtant le principal, pratiquement et moralement
2373 pinions politiques). Le marxisme traite tout cela de nuances vaines, d’illusions, voire de « mystification ». Il part de c
2374 . Le marxisme traite tout cela de nuances vaines, d’ illusions, voire de « mystification ». Il part de ce que les hommes so
2375 e tout cela de nuances vaines, d’illusions, voire de « mystification ». Il part de ce que les hommes sont malgré eux, du p
2376 d’illusions, voire de « mystification ». Il part de ce que les hommes sont malgré eux, du point de vue abstrait et inhuma
2377 malgré eux, du point de vue abstrait et inhumain de la Statistique. Et il prétend fonder là-dessus non seulement des mesu
2378 une morale, un art et une métaphysique ! Problème de la politique actuelle : sera-t-elle l’affaire du meilleur statisticie
2379 ’elle est chiffrable, inévitable, impersonnelle ? 2 novembre 1934 Minuit. J’ai terminé la tâche de la journée. Ma femme d
2380 hiffrable, inévitable, impersonnelle ? 2 novembre 1934 Minuit. J’ai terminé la tâche de la journée. Ma femme dort, dans la c
2381 e ? 2 novembre 1934 Minuit. J’ai terminé la tâche de la journée. Ma femme dort, dans la chambre dont je vois la porte entr
2382 fume, il fait presque froid. Dans ce silence vide de la nuit campagnarde, me voici seul encore éveillé, les yeux bien ouve
2383 lé, les yeux bien ouverts, l’esprit clair. Clarté d’ un minuit solitaire, veillée trop lucide peut-être, puisque le monde n
2384 lucide peut-être, puisque le monde n’y porte plus d’ ombres. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines d’appels fugitif
2385 le monde n’y porte plus d’ombres. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines d’appels fugitifs, assourdis ; de ces vei
2386 porte plus d’ombres. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines d’appels fugitifs, assourdis ; de ces veillées fiévreu
2387 es. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines d’ appels fugitifs, assourdis ; de ces veillées fiévreuses, assiégées. Es
2388 de Paris, pleines d’appels fugitifs, assourdis ; de ces veillées fiévreuses, assiégées. Est-ce que je les regrette ? Est-
2389 . Est-ce que je les regrette ? Est-ce que l’heure de la nuit où l’on ne dort pas n’est pas toujours l’heure des mauvaises
2390 pourrait nous écrire une histoire des inventions de l’insomnie ? Ne serait-ce pas tout simplement l’histoire de la naissa
2391 nie ? Ne serait-ce pas tout simplement l’histoire de la naissance de nos démons ? La nuit ne pose pas de questions immédia
2392 ce pas tout simplement l’histoire de la naissance de nos démons ? La nuit ne pose pas de questions immédiates. C’est pourq
2393 la naissance de nos démons ? La nuit ne pose pas de questions immédiates. C’est pourquoi, dans cette heure suspendue, il
2394 dans cette heure suspendue, il vaut mieux cesser de penser. Que penserais-je, ici, d’humain, d’actif ? Ici où je suis san
2395 ut mieux cesser de penser. Que penserais-je, ici, d’ humain, d’actif ? Ici où je suis sans prochain, à cette heure ou mes f
2396 esser de penser. Que penserais-je, ici, d’humain, d’ actif ? Ici où je suis sans prochain, à cette heure ou mes frères (?)
2397 uit est faite pour dormir », me disait un gardien de l’ordre qui m’avait surpris sur les quais de la Seine, au plus profon
2398 dien de l’ordre qui m’avait surpris sur les quais de la Seine, au plus profond d’une contemplation des eaux nocturnes. Ma
2399 urpris sur les quais de la Seine, au plus profond d’ une contemplation des eaux nocturnes. Ma police personnelle m’envoie a
2400 le arrière-pensée rode ici ? La mauvaise habitude de penser « librement » ? Le goût des chimères précises ? 10 novembre 19
2401 r « librement » ? Le goût des chimères précises ? 10 novembre 1934 Observations nouvelles sur les gens. — Je vais chez les
2402 t » ? Le goût des chimères précises ? 10 novembre 1934 Observations nouvelles sur les gens. — Je vais chez les Calixte. On n
2403 eau est rouge, mais la porte donne au nord-ouest, d’ où vient le vent le plus glacial, depuis des siècles, et en tout cas d
2404 n tout cas depuis longtemps avant la construction de cette maison… On n’y avait pas pensé ? Je passe au fond, dans une cha
2405 z mal. On devait lui retirer son linge toutes les deux heures. Quand elle sortait sa main du lit, cela fumait. « Vous avez e
2406 rtait sa main du lit, cela fumait. « Vous avez eu de la fièvre ! » Elle ne sait pas. Elle ne veut pas de médecin. Sa fille
2407 la fièvre ! » Elle ne sait pas. Elle ne veut pas de médecin. Sa fille dit : « Elle ne voulait même plus toucher à la vian
2408 pas goût. Alors j’ai pensé lui faire du bouillon de poulet, ça lui a fait de l’avantage. Voyez ! Ce n’est pas vrai que la
2409 sé lui faire du bouillon de poulet, ça lui a fait de l’avantage. Voyez ! Ce n’est pas vrai que la viande est si bonne pour
2410 nde est si bonne pour les malades. » Elle accepte de venir faire une lessive à la maison pour remplacer sa mère. Nous manq
2411 à la maison pour remplacer sa mère. Nous manquons de corde pour étendre le linge ; elle imagine de le mettre à sécher sur
2412 ons de corde pour étendre le linge ; elle imagine de le mettre à sécher sur des buissons de ronce. Tous les mouchoirs sont
2413 le imagine de le mettre à sécher sur des buissons de ronce. Tous les mouchoirs sont plus ou moins déchirés quand on va les
2414 -vous ! c’est qu’il a fait un vent cette nuit ! » 11 novembre 1934 D’une manière générale, ils ne sont pas conscients de p
2415 t qu’il a fait un vent cette nuit ! » 11 novembre 1934 D’une manière générale, ils ne sont pas conscients de porter la respo
2416 il a fait un vent cette nuit ! » 11 novembre 1934 D’ une manière générale, ils ne sont pas conscients de porter la responsa
2417 ’une manière générale, ils ne sont pas conscients de porter la responsabilité des accidents qui leur arrivent. Cela peut a
2418 que les gens du peuple sont spécialement adroits de leurs mains, débrouillards et pleins de ressources mystérieuses. Mais
2419 t adroits de leurs mains, débrouillards et pleins de ressources mystérieuses. Mais ils seraient moins dignes aussi. Leur d
2420 ils seraient moins dignes aussi. Leur dignité est de subir sans se tourmenter. Ils ne se mettront jamais dans des états pa
2421 ront jamais dans des états parce qu’ils ont cassé deux assiettes. La mère Calixte, qui casse tout ce que l’on veut, a coutum
2422 lixte, qui casse tout ce que l’on veut, a coutume de dire en constatant le mal : « Voyez-vous ! je croyais la tenir cette
2423 yez-vous ! je croyais la tenir cette assiette ! » De telle manière qu’on entend bien que c’est ainsi de tout, et qu’on aur
2424 e telle manière qu’on entend bien que c’est ainsi de tout, et qu’on aurait grand tort de croire que rien au monde dépend d
2425 e c’est ainsi de tout, et qu’on aurait grand tort de croire que rien au monde dépend de nous. Ceci vaut pour les femmes, q
2426 ait grand tort de croire que rien au monde dépend de nous. Ceci vaut pour les femmes, qui sont la part la plus civilisée d
2427 ur les femmes, qui sont la part la plus civilisée de la population. Ce sont elles qui gagnent ce qu’il faut, elles qui tra
2428 la dernière qui marche encore — et gagnent leurs 7 francs par jour. Pendant ce temps les hommes sont sur la place et pro
2429 nt souvent réactionnaires et se mêlent peu à ceux de la place. Enfin ceux qui sont occupés par l’imprimerie du journal loc
2430 tes les conférences, prennent la parole au Cercle d’ hommes, citent des livres sur la politique. 12 novembre 1934 J’ai rele
2431 cle d’hommes, citent des livres sur la politique. 12 novembre 1934 J’ai relevé quelques chiffres dans un ouvrage sur A…, d
2432 , citent des livres sur la politique. 12 novembre 1934 J’ai relevé quelques chiffres dans un ouvrage sur A…, dû à la plume d
2433 es chiffres dans un ouvrage sur A…, dû à la plume d’ un de ses pasteurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine
2434 iffres dans un ouvrage sur A…, dû à la plume d’un de ses pasteurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine, fai
2435 à la plume d’un de ses pasteurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine, fait son apparition dans le Midi. État d
2436 steurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine, fait son apparition dans le Midi. État du pays en 1820 : douze
2437 fait son apparition dans le Midi. État du pays en 1820  : douze filatures, deux fabriques de chapeaux, 5000 habitants, un com
2438 n apparition dans le Midi. État du pays en 1820 : douze filatures, deux fabriques de chapeaux, 5000 habitants, un commerce im
2439 le Midi. État du pays en 1820 : douze filatures, deux fabriques de chapeaux, 5000 habitants, un commerce important de produ
2440 du pays en 1820 : douze filatures, deux fabriques de chapeaux, 5000 habitants, un commerce important de produits soyeux ma
2441 20 : douze filatures, deux fabriques de chapeaux, 5000 habitants, un commerce important de produits soyeux manufacturés. Lor
2442 e chapeaux, 5000 habitants, un commerce important de produits soyeux manufacturés. Lors de la dédicace du nouveau temple,
2443 cturés. Lors de la dédicace du nouveau temple, en 1822, quinze mille protestants accourent de toute la contrée pour suivre de
2444 . Lors de la dédicace du nouveau temple, en 1822, quinze mille protestants accourent de toute la contrée pour suivre des cérém
2445 de la dédicace du nouveau temple, en 1822, quinze mille protestants accourent de toute la contrée pour suivre des cérémonies
2446 mple, en 1822, quinze mille protestants accourent de toute la contrée pour suivre des cérémonies dont leurs descendants pa
2447 émonies dont leurs descendants parlent encore. En 1900  : vingt filatures, 7000 habitants. Quinze cents personnes au temple c
2448 dont leurs descendants parlent encore. En 1900 : vingt filatures, 7000 habitants. Quinze cents personnes au temple chaque di
2449 ndants parlent encore. En 1900 : vingt filatures, 7000 habitants. Quinze cents personnes au temple chaque dimanche. Je compl
2450 ncore. En 1900 : vingt filatures, 7000 habitants. Quinze cents personnes au temple chaque dimanche. Je complète : vers 1900, l
2451 En 1900 : vingt filatures, 7000 habitants. Quinze cents personnes au temple chaque dimanche. Je complète : vers 1900, la soie
2452 nes au temple chaque dimanche. Je complète : vers 1900, la soie artificielle fait son apparition dans la vallée du Rhône. Fon
2453 la vallée du Rhône. Fondation des grandes usines de la région lyonnaise. Apparition du grand capital. État du pays en 193
2454 ise. Apparition du grand capital. État du pays en 1935  : Dix-sept filatures fermées. La dernière fournit encore du travail c
2455 parition du grand capital. État du pays en 1935 : Dix-sept filatures fermées. La dernière fournit encore du travail cinq jours p
2456 es fermées. La dernière fournit encore du travail cinq jours par semaine à une centaine d’ouvrières, dont le salaire moyen e
2457 it encore du travail cinq jours par semaine à une centaine d’ouvrières, dont le salaire moyen est de 7 francs par jour. Faillite
2458 du travail cinq jours par semaine à une centaine d’ ouvrières, dont le salaire moyen est de 7 francs par jour. Faillite de
2459 e centaine d’ouvrières, dont le salaire moyen est de 7 francs par jour. Faillite de la dernière bonnetterie, ces derniers
2460 entaine d’ouvrières, dont le salaire moyen est de 7 francs par jour. Faillite de la dernière bonnetterie, ces derniers jo
2461 salaire moyen est de 7 francs par jour. Faillite de la dernière bonnetterie, ces derniers jours. Le tiers des maisons est
2462  tout le centre. On croirait une ville bombardée, 2300 habitants. Cent personnes au culte. Dans la campagne environnante, un
2463 On croirait une ville bombardée, 2300 habitants. Cent personnes au culte. Dans la campagne environnante, une maison sur dix
2464 te. Dans la campagne environnante, une maison sur dix habitée. Dès 1934, la soie japonaise a fait son apparition sur le mar
2465 gne environnante, une maison sur dix habitée. Dès 1934, la soie japonaise a fait son apparition sur le marché lyonnais. Faill
2466 t son apparition sur le marché lyonnais. Faillite de plusieurs des grosses entreprises de soie artificielle. Le cycle norm
2467 is. Faillite de plusieurs des grosses entreprises de soie artificielle. Le cycle normal du progrès capitaliste est clos. L
2468 st clos. Lyon a drainé toute la richesse indigène de ce département. Et cette richesse à son tour va reprendre le chemin d
2469 cette richesse à son tour va reprendre le chemin de l’Orient, d’où vint autrefois le mûrier. Question : Que reste-t-il po
2470 se à son tour va reprendre le chemin de l’Orient, d’ où vint autrefois le mûrier. Question : Que reste-t-il pour entreprend
2471 ur entreprendre ici une révolution constructive ? 21 novembre 1934 Leur langage. La mère Calixte devait faire notre lessi
2472 dre ici une révolution constructive ? 21 novembre 1934 Leur langage. La mère Calixte devait faire notre lessive la semaine
2473 vient s’excuser : « Qui sait, Madame, j’aimerais d’ aller à Alès, quelle jour ça vous préférerait ? » (En prononçant tous
2474 vous dis, c’est miraculeux ce qu’on leur donne ! Sept francs par jour ! » (Il voulait dire : scandaleux. Mais un miracle es
2475 ciété présente. Et c’est encore une fois le drame de la culture. Qu’on ne croie pas que j’exagère. Je ne tire de ce fait,
2476 ure. Qu’on ne croie pas que j’exagère. Je ne tire de ce fait, à vrai dire minuscule, qu’une évidence. Les mots que nous di
2477 t exemple que je viens de citer, c’est une espèce de calembour qui ne joue que sur des sons. Mais il est clair que le sens
2478 acitement, la vie sociale, sont aujourd’hui vidés de leur signification à la fois symbolique et précise. Ils n’éveillent p
2479 it de ce que l’on pourrait déduire, dans le fait, d’ une discussion raisonnable, c’est-à-dire truquée, avec tel ou tel ouvr
2480 truquée, avec tel ou tel ouvrier. On pensera que de tout temps la traduction du langage surveillé des écrivains dans le l
2481 ains dans le langage parlé du peuple fut affectée de malentendus de ce genre. Voire. Le peuple ne lisait pas, avant l’écol
2482 ngage parlé du peuple fut affectée de malentendus de ce genre. Voire. Le peuple ne lisait pas, avant l’école de Guizot. Le
2483 re. Voire. Le peuple ne lisait pas, avant l’école de Guizot. Le « public », c’était la noblesse, et les bourgeois imitant
2484 e vrai peuple les comprenait dans la seule mesure de l’utile. L’Église faisait le trait d’union, l’Église gardienne du sen
2485 eule mesure de l’utile. L’Église faisait le trait d’ union, l’Église gardienne du sens concret des lieux communs. Aujourd’h
2486 t sinon le goût, du moins la pratique quotidienne de la lecture. Le public s’étend au hasard. Il ne constitue plus un corp
2487 un peut en être, et juger comme il veut. Le droit de se tromper, et de tromper grâce au langage, est un des droits impresc
2488 t juger comme il veut. Le droit de se tromper, et de tromper grâce au langage, est un des droits imprescriptibles que se t
2489 avoir décrété la Convention. Bref, il n’est plus de mesure commune : ni l’Église, ni la Culture, ni l’École qui prétend l
2490 ni l’École qui prétend les remplacer, n’ont plus d’ autorité sur l’esprit de la lettre. Aussi bien nous parlons au hasard,
2491 les remplacer, n’ont plus d’autorité sur l’esprit de la lettre. Aussi bien nous parlons au hasard, pour ne pas dire dans l
2492 nos efforts vers la rigueur et vers l’adaptation de notre style à notre action. On serait même tenté d’estimer que la plu
2493 notre style à notre action. On serait même tenté d’ estimer que la plus grande rigueur entraîne la moindre efficacité, et
2494 , et l’inverse. Par où l’on voit que le contraire de la « vie spirituelle », c’est « le public ». Cette vie spirituelle et
2495 lles soient aussi exactement contradictoires. Or, de ces deux antagonistes, c’est l’esprit qui sera vaincu. Non point qu’i
2496 ient aussi exactement contradictoires. Or, de ces deux antagonistes, c’est l’esprit qui sera vaincu. Non point qu’il s’avili
2497 n’agit plus. Ce qu’on « entend », c’est l’absence de l’esprit, c’est l’appel aux instincts, aux intérêts urgents, presque
2498 contraires, en fin de compte, aux intérêts réels… 1er décembre 1934 Le pasteur m’a convoqué aux entretiens qu’il organise l
2499 n fin de compte, aux intérêts réels… 1er décembre 1934 Le pasteur m’a convoqué aux entretiens qu’il organise le samedi soir,
2500 ns une salle attenante au temple, pour les hommes de sa paroisse. « C’est le seul moyen de les avoir, me dit-il. Comme vou
2501 les hommes de sa paroisse. « C’est le seul moyen de les avoir, me dit-il. Comme vous l’aurez remarqué, il n’en vient qu’u
2502 Comme vous l’aurez remarqué, il n’en vient qu’une dizaine au culte. C’est trop compromettant. Mais pour une causerie sur un suj
2503 un sujet neutre, nous en avons toujours dans les 40 à 50. Et une fois qu’ils sont là, on peut parler de tout… J’irai d’au
2504 ujet neutre, nous en avons toujours dans les 40 à 50. Et une fois qu’ils sont là, on peut parler de tout… J’irai d’autant p
2505 à 50. Et une fois qu’ils sont là, on peut parler de tout… J’irai d’autant plus volontiers que, devant parler moi-même, da
2506 is qu’ils sont là, on peut parler de tout… J’irai d’ autant plus volontiers que, devant parler moi-même, dans quelques jour
2507 t parler moi-même, dans quelques jours, au cercle d’ hommes de St-J. j’ai besoin de prendre contact. 3 décembre 1934 Soiré
2508 moi-même, dans quelques jours, au cercle d’hommes de St-J. j’ai besoin de prendre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Ce
2509 es jours, au cercle d’hommes de St-J. j’ai besoin de prendre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Cercle d’hommes ». — Il
2510 d’hommes de St-J. j’ai besoin de prendre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Cercle d’hommes ». — Ils étaient en effet
2511 St-J. j’ai besoin de prendre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Cercle d’hommes ». — Ils étaient en effet une quarantain
2512 ndre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Cercle d’ hommes ». — Ils étaient en effet une quarantaine hier soir. Je suis en
2513 ine hier soir. Je suis entré comme ils achevaient de boire leur tasse de café au fond de la salle, dans un coin arrangé en
2514 is entré comme ils achevaient de boire leur tasse de café au fond de la salle, dans un coin arrangé en cabinet de lecture.
2515 ls achevaient de boire leur tasse de café au fond de la salle, dans un coin arrangé en cabinet de lecture. Journaux et ill
2516 fond de la salle, dans un coin arrangé en cabinet de lecture. Journaux et illustrés, quelques livres sur la table. Puis on
2517 haises alignées, pour entendre le « conférencier » 27. J’ai reconnu deux facteurs, le libraire, le quincaillier, un adjoint
2518 pour entendre le « conférencier »27. J’ai reconnu deux facteurs, le libraire, le quincaillier, un adjoint de la mairie, quel
2519 acteurs, le libraire, le quincaillier, un adjoint de la mairie, quelques retraités qui « travaillent le mazet » dans nos p
2520 « travaillent le mazet » dans nos parages, un ou deux cultivateurs, les trois instituteurs. Le pasteur a lu quelques passag
2521  » dans nos parages, un ou deux cultivateurs, les trois instituteurs. Le pasteur a lu quelques passages de l’Écriture. Après
2522 s instituteurs. Le pasteur a lu quelques passages de l’Écriture. Après quoi le sujet a été introduit par l’un des institut
2523 ntroduit par l’un des instituteurs. Il s’agissait de « l’histoire de notre département ». La discussion n’a vraiment démar
2524 n des instituteurs. Il s’agissait de « l’histoire de notre département ». La discussion n’a vraiment démarré que lorsqu’on
2525 vraiment démarré que lorsqu’on s’est mis à parler d’ autre chose que du sujet, c’est-à-dire d’un peu tout : de l’enseigneme
2526 à parler d’autre chose que du sujet, c’est-à-dire d’ un peu tout : de l’enseignement, des journaux, des traditions et anecd
2527 chose que du sujet, c’est-à-dire d’un peu tout : de l’enseignement, des journaux, des traditions et anecdotes locales. Di
2528 c’étaient surtout des questions, des affirmations de partis pris ou des récits entremêlés d’allusions à des célébrités loc
2529 irmations de partis pris ou des récits entremêlés d’ allusions à des célébrités locales, provoquant chaque fois de gros rir
2530 à des célébrités locales, provoquant chaque fois de gros rires. L’homme du peuple — et je pense qu’il en va de même du bo
2531 a de même du bourgeois peu cultivé, et sans doute de tout ce qui n’est pas « intellectuel » — ne « discute » pas à proprem
2532 essées. Or cette lenteur et ces répétitions n’ont d’ autre but que de laisser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui
2533 lenteur et ces répétitions n’ont d’autre but que de laisser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui est dit. (C’est
2534 nt d’autre but que de laisser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui est dit. (C’est seulement de la langue des écri
2535 e se « figurer » ce qui est dit. (C’est seulement de la langue des écrivains français qu’il est exact de dire, avec tous l
2536 la langue des écrivains français qu’il est exact de dire, avec tous les manuels, qu’elle est une langue de discussion, pa
2537 re, avec tous les manuels, qu’elle est une langue de discussion, parce que toujours elle vise à la formule décisive, et ne
2538 e à la formule décisive, et ne s’accorde le droit de dire chaque chose qu’une seule fois, de la façon la plus économique e
2539 le droit de dire chaque chose qu’une seule fois, de la façon la plus économique et la plus claire28. Or, cette langue d’é
2540 économique et la plus claire28. Or, cette langue d’ échanges dialectiques rapides se trouve par là même inefficace sur le
2541 là même inefficace sur le « peuple ». Elle manque de durée. Évitant méticuleusement les reprises, les retours, elle s’acco
2542 s, les retours, elle s’accorde très mal au rythme de la réflexion spontanée, qui est « péguyste » et non « classique ». Éc
2543 inutilisables dans la mesure où ils veulent être de bons écrivains français.) — Que de bonne volonté chez les hommes de c
2544 s veulent être de bons écrivains français.) — Que de bonne volonté chez les hommes de ce Cercle ! comme ils s’appliquent à
2545 français.) — Que de bonne volonté chez les hommes de ce Cercle ! comme ils s’appliquent à comprendre, comme ils sont vifs
2546 dit une bêtise ou bafouille — et comme on a envie de leur expliquer des choses, amicalement ; de partager avec eux ce que
2547 envie de leur expliquer des choses, amicalement ; de partager avec eux ce que l’on sait ! Je pense aux auditoires bourgeoi
2548 tir, le facteur ronflait, le front sur un dossier de chaise. Il s’est relevé, s’est frotté les yeux, est sorti tout tranqu
2549 es opinions politiques, dans ce cercle ? — Il y a de tout. Le quincaillier est royaliste, un des instituteurs est objecteu
2550 est royaliste, un des instituteurs est objecteur de conscience, la plupart sont radicaux ou socialistes. Il vient aussi d
2551 x ou socialistes. Il vient aussi des communistes, de temps à autre. Il paraît que ça chauffe certains soirs. Mais le paste
2552 oirs. Mais le pasteur préside et on le respecte : 40 ans ; genre ancien combattant ; « très large », dit-on. Et « il cause
2553 t ; « très large », dit-on. Et « il cause bien ». 16 décembre 1934 À N… la mairie est tout entière communiste. Ceux des ha
2554 arge », dit-on. Et « il cause bien ». 16 décembre 1934 À N… la mairie est tout entière communiste. Ceux des habitants qui ne
2555 dictateur qui se présentera un jour comme l’homme de gauche à poigne ? J’ai questionné à ce sujet quelqu’un qui connaît bi
2556 quelqu’un qui connaît bien son monde. La vie même de cet homme consiste en effet à connaître intimement le plus grand nomb
2557 effet à connaître intimement le plus grand nombre de familles de N., leurs circonstances matérielles, leurs difficultés mo
2558 aître intimement le plus grand nombre de familles de N., leurs circonstances matérielles, leurs difficultés morales, leurs
2559 teur. C’est bien plutôt un conseiller, un donneur d’ aide morale et parfois matérielle, quelqu’un qui est responsable de co
2560 parfois matérielle, quelqu’un qui est responsable de connaître ces gens mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes, quelqu’u
2561 nnaissent eux-mêmes, quelqu’un qui a pour mission de leur enseigner le sens dernier des circonstances de leur vie. C’est l
2562 leur enseigner le sens dernier des circonstances de leur vie. C’est le pasteur. Sa paroisse comprend les villages de N. e
2563 est le pasteur. Sa paroisse comprend les villages de N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle, une pierrai
2564 steur. Sa paroisse comprend les villages de N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle, une pierraille couro
2565 ur. Sa paroisse comprend les villages de N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle, une pierraille couronna
2566 omprend les villages de N. et de V. où il habite. V. , c’est un vieux nid d’aigle, une pierraille couronnant des hauteurs v
2567 N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’ aigle, une pierraille couronnant des hauteurs ventées. Les rues sont é
2568 Les rues sont étroites et caillouteuses, pleines d’ odeurs dès que le vent cesse de les balayer. Nous sommes installés au
2569 louteuses, pleines d’odeurs dès que le vent cesse de les balayer. Nous sommes installés au presbytère sur une galerie d’où
2570 us sommes installés au presbytère sur une galerie d’ où l’on domine un ample paysage horizontal. La plaine est à nos pieds,
2571 orizon des collines vers Uzès, où quelques ruines de castels et quelques cheminées d’usines grattent le bas d’un grand cie
2572 quelques ruines de castels et quelques cheminées d’ usines grattent le bas d’un grand ciel jaune. On distingue à peine le
2573 ls et quelques cheminées d’usines grattent le bas d’ un grand ciel jaune. On distingue à peine le village de N. parmi les r
2574 grand ciel jaune. On distingue à peine le village de N. parmi les rangées de peupliers : il faut suivre des yeux la route
2575 tingue à peine le village de N. parmi les rangées de peupliers : il faut suivre des yeux la route noire pour découvrir enf
2576 vrir enfin l’amas brunâtre des maisons au-dessous d’ une tache blanche dans un pré, qui est le château. Joie de voir un pay
2577 che blanche dans un pré, qui est le château. Joie de voir un pays dans son ensemble, dans son unité naturelle et ancienne.
2578 son unité naturelle et ancienne. Une même patine de crépuscule réunit les champs, les arbres, les maisons. Dans ces maiso
2579 c’est que ces communistes. — Voilà. Que vous dire de gens que je connais si bien ? C’est difficile de les classer et je n’
2580 de gens que je connais si bien ? C’est difficile de les classer et je n’aime pas beaucoup ça… Il y en a de toutes sortes,
2581 s classer et je n’aime pas beaucoup ça… Il y en a de toutes sortes, bien sûr, et plus on les voit de près… — Je comprends
2582 a de toutes sortes, bien sûr, et plus on les voit de près… — Je comprends qu’il soit difficile de parler en général de ses
2583 voit de près… — Je comprends qu’il soit difficile de parler en général de ses paroissiens. Mais s’ils sont communistes, il
2584 mprends qu’il soit difficile de parler en général de ses paroissiens. Mais s’ils sont communistes, ils ne doivent tout de
2585 tes, ils ne doivent tout de même pas faire partie de votre église, pratiquement ? — C’est-à-dire, oui et non. — Enfin, vie
2586 ue, mais ils ont peur. C’est toujours la question de la place à traverser. — ??? — Oui, vous savez que nos temples du Midi
2587 , si on pouvait entrer par-derrière, par la porte de la sacristie, on viendrait bien ! Mais on est lâches ! — Et chez eux,
2588 urtout ils y sont entre eux. Je n’ai aucune envie d’ aller faire l’intrus ou le bon apôtre. Si c’était possible, ce serait
2589 j’organise. Vous avez déjà parlé dans des cercles d’ hommes. Vous voyez le genre. — Et les communistes y viennent ? — Bien
2590 ient en Dieu, et qu’ils attendent tous les ordres de lui. À la fin, un des communistes se lève et résume le débat : « En s
2591 ns, etc. C’est l’élément réveillé et entreprenant de la population. — Mais savent-ils ce que c’est, le marxisme ? — Ils es
2592 . J’en connais plusieurs qui lisent des brochures de vulgarisation de la doctrine. Ils me posent quelquefois des questions
2593 usieurs qui lisent des brochures de vulgarisation de la doctrine. Ils me posent quelquefois des questions. Mais ce n’est p
2594 nent au parti. L’affaire, pour eux, c’est d’abord de se grouper afin d’entreprendre quelque chose, de résister aux gros pr
2595 de se grouper afin d’entreprendre quelque chose, de résister aux gros propriétaires qui tiennent la région, et de leur im
2596 aux gros propriétaires qui tiennent la région, et de leur imposer des mesures de progrès, de bon sens… — Au point de vue d
2597 iennent la région, et de leur imposer des mesures de progrès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’où viennent-il
2598 égion, et de leur imposer des mesures de progrès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’où viennent-ils ? — Pour l
2599 grès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’ où viennent-ils ? — Pour la plupart — tous les chefs en tous cas —, ce
2600 a plupart — tous les chefs en tous cas —, ce sont de petits propriétaires ou des ouvriers travaillant à leur compte. — En
2601 entendez bien avec eux ? — Ils savent que je suis de leur côté, en gros, dans les questions locales où il faut prendre pos
2602 riteraient mieux que ce qu’on leur donne, en fait de doctrine. En réalité, ils ne sont pas plus marxistes que moi. Ils veu
2603 s vont au parti communiste parce qu’il n’y a rien d’ autre et personne d’autre… Ce seraient souvent les meilleures têtes du
2604 uniste parce qu’il n’y a rien d’autre et personne d’ autre… Ce seraient souvent les meilleures têtes du pays, et on les lai
2605 et on les laisse devenir les « mauvaises têtes ». 17 décembre 1934 Le grand tort des chrétiens, c’est qu’ils prennent au s
2606 isse devenir les « mauvaises têtes ». 17 décembre 1934 Le grand tort des chrétiens, c’est qu’ils prennent au sérieux l’incro
2607 ns, c’est qu’ils prennent au sérieux l’incroyance de leurs contemporains. Au fond, ils en ont peur. Or ils devraient n’avo
2608 ls en ont peur. Or ils devraient n’avoir peur que de Dieu, et des vocations bouleversantes qu’il arrive que Dieu nous adre
2609 déprimant que celui du chrétien honteux, honteux d’ une foi qu’il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aurait plus de honte à
2610 u’il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aurait plus de honte à la confesser devant les hommes ; et s’il a honte, c’est qu’il
2611 hommes la vérité et le chemin. Point n’est besoin d’ actions extraordinaires, surhumaines : se rire des dieux du monde est
2612 héroïque, dans notre monde, pour qu’il soit vain de chercher mieux. 12 janvier 1935 Ces cochons-là ! — Simard le jardini
2613 re monde, pour qu’il soit vain de chercher mieux. 12 janvier 1935 Ces cochons-là ! — Simard le jardinier s’est fait une f
2614 our qu’il soit vain de chercher mieux. 12 janvier 1935 Ces cochons-là ! — Simard le jardinier s’est fait une forte entaille
2615 e au doigt en travaillant. Ce gros homme, violacé d’ ordinaire, en est tout pâle. Je vais discuter le coup avec lui pour le
2616 uter le coup avec lui pour le ravigoter. C’est un de ces Méridionaux qui ne connaît pas de meilleur remède que la parlotte
2617 r. C’est un de ces Méridionaux qui ne connaît pas de meilleur remède que la parlotte. Tout de suite, c’est la question des
2618 en crois, n’a guère vendu depuis un mois que pour 50 francs de légumes. Or la vente des produits de son jardin est son seu
2619 n’a guère vendu depuis un mois que pour 50 francs de légumes. Or la vente des produits de son jardin est son seul moyen de
2620 ur 50 francs de légumes. Or la vente des produits de son jardin est son seul moyen de gagner). Carré sur son tabouret de c
2621 nte des produits de son jardin est son seul moyen de gagner). Carré sur son tabouret de cuisine, le doigt en l’air, il pas
2622 son seul moyen de gagner). Carré sur son tabouret de cuisine, le doigt en l’air, il passe en revue les compagnies d’assura
2623 doigt en l’air, il passe en revue les compagnies d’ assurances — et analogues — avec lesquelles il est en compte. Je dis c
2624 ec lesquelles il est en compte. Je dis compagnies d’ assurances, mais lui les nomme plus couramment « ces cochons-là ». Ces
2625 cochons-là ». Ces cochons-là sont donc au nombre de sept ou huit. Il en totalise sept pour son compte, et sa dame fait le
2626  ». Ces cochons-là sont donc au nombre de sept ou huit . Il en totalise sept pour son compte, et sa dame fait le petit appoin
2627 nt. Elle s’est « coupé » la jambe, cela fait bien cinq ans déjà, et « touche » pour cette jambe cassée et d’ailleurs dûment
2628 r cette jambe cassée et d’ailleurs dûment guérie, 20 sous par jour. Au dernier examen médical, ces cochons-là ont déclaré
2629 lait bien, c’est-à-dire qu’ils « l’ont diminuée à 17 sous par jour ». Pour se venger, il leur a retiré son assurance à lui
2630 travail, incendie et une histoire très compliquée de capitalisation-loterie, qui l’excite particulièrement. Tout cela rend
2631 . Dans certains cas, bien entendu, il s’agit même d’ y aller de sa poche. Enfin, on obtient tout de même quelque chose, mai
2632 tains cas, bien entendu, il s’agit même d’y aller de sa poche. Enfin, on obtient tout de même quelque chose, mais bou Diou
2633 — au ministre du Travail — pour avoir une pension de 5000 francs pour son beau-frère. « Ce cochon-là » n’a pas répondu, et
2634 u ministre du Travail — pour avoir une pension de 5000 francs pour son beau-frère. « Ce cochon-là » n’a pas répondu, et pour
2635 que lui Simard, et cette personne lui a conseillé d’ écrire une nouvelle lettre recommandée « à la charge du destinataire »
2636 ien, qu’est-ce que vous croyez ? Réponse dans les quatre jours ! ah, ils sont comme ça ! Mais voilà que la personne compétente
2637 ne compétente lui dit : « Ce cochon-là t’a refait de 299 francs, consulte voir le barème ! » Il a fallu récrire deux fois
2638 compétente lui dit : « Ce cochon-là t’a refait de 299 francs, consulte voir le barème ! » Il a fallu récrire deux fois pour
2639 s, consulte voir le barème ! » Il a fallu récrire deux fois pour obtenir gain de cause. Et tout ça lui a bien coûté 50 franc
2640  » Il a fallu récrire deux fois pour obtenir gain de cause. Et tout ça lui a bien coûté 50 francs. Autrement, vous savez c
2641 btenir gain de cause. Et tout ça lui a bien coûté 50 francs. Autrement, vous savez ce qui se passe, les employés là-bas, a
2642 cause de la mévente croissante, on vit sur le dos de l’État, on suit des enterrements, on se brouille avec ses enfants pou
2643 n se brouille avec ses enfants pour des questions d’ argent, on ne croit plus ni à Dieu ni à diable et à peine à la politiq
2644 me partout. Bon. Alors les catholiques descendent de la montagne et viennent prendre la place. « On les appelle ici les il
2645 s plus au temps où j’approuvais certains « Éloges de l’ignorance » plus sentimentaux d’ailleurs que machiavéliques. Je sai
2646 avéliques. Je sais que l’ignorance — oui, au sens de l’école primaire — est un mal qu’il faudrait guérir. Mais je ne puis
2647 qu’il faudrait guérir. Mais je ne puis m’empêcher de penser que ces « illettrés » sont peut-être moins bas que ces « assur
2648 tes ne sait plus bien ce qu’il craint davantage : de la vie qui ne rapporte plus, ou de la mort qui rapporte « en doublage
2649 nt davantage : de la vie qui ne rapporte plus, ou de la mort qui rapporte « en doublage »… 20 janvier 1935 Superstition.
2650 plus, ou de la mort qui rapporte « en doublage »… 20 janvier 1935 Superstition. — C’est de Casanova que Ligne écrit : « I
2651 la mort qui rapporte « en doublage »… 20 janvier 1935 Superstition. — C’est de Casanova que Ligne écrit : « Il ne croit à
2652 oublage »… 20 janvier 1935 Superstition. — C’est de Casanova que Ligne écrit : « Il ne croit à rien excepté ce qui est le
2653 oins croyable, étant superstitieux sur tout plein d’ objets. » Malchance affreuse du peuple français : il n’échappe aux jés
2654 idées à majuscules, toucher du bois, la bouteille de champagne brisée contre la coque des bateaux neufs, etc. Un geste rés
2655 : c’est celui du coiffeur fameux, premier gagnant de la Loterie nationale, s’inclinant sur la tombe du Soldat inconnu. Jus
2656 at inconnu. Juste hommage au collègue, au gagnant d’ une autre loterie ! Toute la grande presse en a parlé. Personne ne rit
2657 . Personne ne rit. Léon Bloy rugit dans sa tombe. 3 février 1935 Déclassé. — L’intellectuel l’est toujours. C’est qu’il
2658 ne rit. Léon Bloy rugit dans sa tombe. 3 février 1935 Déclassé. — L’intellectuel l’est toujours. C’est qu’il est d’une cla
2659 — L’intellectuel l’est toujours. C’est qu’il est d’ une classe particulière, dispersée comme les Juifs le sont chez les ge
2660 urquoi ne l’ai-je compris vraiment qu’à la faveur de ce chômage ? C’est qu’il m’a fallu m’éloigner de cette ambiance bourg
2661 de ce chômage ? C’est qu’il m’a fallu m’éloigner de cette ambiance bourgeoise où l’on a convenu de cacher cela — de cache
2662 er de cette ambiance bourgeoise où l’on a convenu de cacher cela — de cacher ce fait que l’intellectuel en tant que tel es
2663 nce bourgeoise où l’on a convenu de cacher cela — de cacher ce fait que l’intellectuel en tant que tel est un hors-classe,
2664 -classe, un être à part, auquel on ne croit pas. ( D’ où sans doute l’angoisse qui pousse tant d’écrivains à gagner de l’arg
2665 pas. (D’où sans doute l’angoisse qui pousse tant d’ écrivains à gagner de l’argent, à entrer à l’Académie, voire à jouer u
2666 e l’angoisse qui pousse tant d’écrivains à gagner de l’argent, à entrer à l’Académie, voire à jouer un rôle politique : po
2667 r des bourgeois ou des défenseurs du prolétariat. 17 février 1935 Cercle d’hommes. — Hier soir le sujet de l’entretien ét
2668 eois ou des défenseurs du prolétariat. 17 février 1935 Cercle d’hommes. — Hier soir le sujet de l’entretien était le problè
2669 éfenseurs du prolétariat. 17 février 1935 Cercle d’ hommes. — Hier soir le sujet de l’entretien était le problème de l’aut
2670 vrier 1935 Cercle d’hommes. — Hier soir le sujet de l’entretien était le problème de l’autorité. La discussion dévia bien
2671 er soir le sujet de l’entretien était le problème de l’autorité. La discussion dévia bientôt vers le fascisme. Un beau cha
2672 ion dévia bientôt vers le fascisme. Un beau chaos de partis pris, d’erreurs de faits et de formules électorales ! Je deman
2673 t vers le fascisme. Un beau chaos de partis pris, d’ erreurs de faits et de formules électorales ! Je demandai la parole po
2674 fascisme. Un beau chaos de partis pris, d’erreurs de faits et de formules électorales ! Je demandai la parole pour expliqu
2675 beau chaos de partis pris, d’erreurs de faits et de formules électorales ! Je demandai la parole pour expliquer, le plus
2676 e pays, et qu’en tout cas il ne peut pas se poser de la même façon en France. Je conclus que la seule manière de prévenir
2677 façon en France. Je conclus que la seule manière de prévenir utilement un fascisme, ce n’était pas de condamner les Itali
2678 de prévenir utilement un fascisme, ce n’était pas de condamner les Italiens et leurs admirateurs français, position négati
2679 sition négative, paresseuse, et donc faible, mais d’ essayer de résoudre « à la française » le problème de l’autorité, tel
2680 ative, paresseuse, et donc faible, mais d’essayer de résoudre « à la française » le problème de l’autorité, tel que le pos
2681 ssayer de résoudre « à la française » le problème de l’autorité, tel que le posent cinquante années de démocratie parlemen
2682 se » le problème de l’autorité, tel que le posent cinquante années de démocratie parlementaire, et toute une tradition de liberté
2683 de l’autorité, tel que le posent cinquante années de démocratie parlementaire, et toute une tradition de libertés. Bref, u
2684 démocratie parlementaire, et toute une tradition de libertés. Bref, un petit sermon élémentaire sur le thème « liberté ob
2685 u sortir de la réunion, je surprends cette phrase d’ un homme, dans la cour, tandis qu’il donne du feu à son copain : Pour
2686 soit pour ou contre, et il se méfie par principe de celui qui distingue et nuance. On ne tiendra jamais assez compte de c
2687 ngue et nuance. On ne tiendra jamais assez compte de cette opposition fondamentale. Peut-être ferais-je bien, à l’avenir,
2688 quelque chose sur le fascisme ou sur les soviets, de mettre en épigraphe à mon article : Je suis contre. Sinon, pour peu q
2689 a fasciste ou communiste. Et pourtant, la mission de l’écrivain n’est-elle pas justement d’éduquer le lecteur, j’entends d
2690 la mission de l’écrivain n’est-elle pas justement d’ éduquer le lecteur, j’entends de l’amener à réfléchir sur les raisons
2691 lle pas justement d’éduquer le lecteur, j’entends de l’amener à réfléchir sur les raisons de ses partis pris ? Mars 1935 (
2692 j’entends de l’amener à réfléchir sur les raisons de ses partis pris ? Mars 1935 (à Marseille) J’ai parlé à R. de mon proj
2693 fléchir sur les raisons de ses partis pris ? Mars 1935 (à Marseille) J’ai parlé à R. de mon projet de publier sous le titre
2694 is pris ? Mars 1935 (à Marseille) J’ai parlé à R. de mon projet de publier sous le titre de Journal d’un intellectuel en
2695 1935 (à Marseille) J’ai parlé à R. de mon projet de publier sous le titre de Journal d’un intellectuel en chômage , ces
2696 parlé à R. de mon projet de publier sous le titre de Journal d’un intellectuel en chômage , ces pages que je suis en trai
2697 e mon projet de publier sous le titre de Journal d’ un intellectuel en chômage , ces pages que je suis en train de rédiger
2698 mps perdu. Il est assez sceptique sur le résultat de cette entreprise. Pour des raisons que je devine plus sentimentales q
2699 ilà pourquoi l’on trouvera sans doute, indiscret, de ma part, ce journal. Un tel jugement ne serait pas très franc, d’aill
2700 térielle. Il est entendu qu’on ne doit pas parler de « questions matérielles » dans une société distinguée. Vous me direz
2701 istinguée. Vous me direz qu’on ne parle guère que de cela. Oui, mais d’une façon générale, non pas personnelle. Seulement,
2702 direz qu’on ne parle guère que de cela. Oui, mais d’ une façon générale, non pas personnelle. Seulement, il se trouve que m
2703 nt, il se trouve que mon propos, précisément, est de montrer, entre autres, la décadence de ce tabou. Je trouve moins indi
2704 ément, est de montrer, entre autres, la décadence de ce tabou. Je trouve moins indiscret de parler en public de ma pauvret
2705 décadence de ce tabou. Je trouve moins indiscret de parler en public de ma pauvreté — qui ne me gêne pas moralement — moi
2706 ou. Je trouve moins indiscret de parler en public de ma pauvreté — qui ne me gêne pas moralement — moins indiscret de parl
2707 — qui ne me gêne pas moralement — moins indiscret de parler d’argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en
2708 e gêne pas moralement — moins indiscret de parler d’ argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en donnant t
2709 ralement — moins indiscret de parler d’argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en donnant toutes les pré
2710 rler d’argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en donnant toutes les précisions qu’un collégien puisse d
2711 un vrai chômeur, puisque vous avez la possibilité de travailler. — Je me suis fait moi-même cette objection. Il est clair
2712 r qu’un intellectuel aura toujours la possibilité de travailler, pour autant que son vrai travail est de penser. Mais je l
2713 travailler, pour autant que son vrai travail est de penser. Mais je l’appelle chômeur, faute d’autre terme, s’il n’a plus
2714 l est de penser. Mais je l’appelle chômeur, faute d’ autre terme, s’il n’a plus la possibilité de s’assurer un gagne-pain r
2715 faute d’autre terme, s’il n’a plus la possibilité de s’assurer un gagne-pain régulier par son travail, s’il n’a plus d’emp
2716 agne-pain régulier par son travail, s’il n’a plus d’ emploi, et ne sait plus de quoi sera fait le lendemain. — Admettez que
2717 travail, s’il n’a plus d’emploi, et ne sait plus de quoi sera fait le lendemain. — Admettez que cela ne vous empêche pas
2718 endemain. — Admettez que cela ne vous empêche pas de vivre assez bien, à votre idée. Vous avez l’air très satisfait de vot
2719 ien, à votre idée. Vous avez l’air très satisfait de votre situation. Ce n’est fichtre pas le cas des vrais chômeurs ! — A
2720 à me vêtir ? Vous n’avez qu’à regarder la frange de mon pantalon. Ce n’est pas avec ça que je pourrais faire une carrière
2721 s mon journal, c’est qu’on peut être très content d’ un sort matériel très médiocre. Ce n’est pas nouveau. Et il faut bien
2722 e croire. L’intéressant à mon point de vue, c’est de montrer une fois que c’est vrai, et de montrer comment c’est vrai, da
2723 vue, c’est de montrer une fois que c’est vrai, et de montrer comment c’est vrai, dans le détail… ⁂ Cette conversation avec
2724 ent, et qui se mêle en particulier à tout échange d’ idées sur la richesse, la pauvreté ou le chômage. Mélange extraordinai
2725 le chômage. Mélange extraordinairement irritable de mauvaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendication
2726 raordinairement irritable de mauvaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie,
2727 ement irritable de mauvaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobis
2728 itable de mauvaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibo
2729 vaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibourgeois ou pr
2730 de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibourgeois ou prolétarien, de méfiances poli
2731 réjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibourgeois ou prolétarien, de méfiances politiques, d’arr
2732 lousie, de snobisme antibourgeois ou prolétarien, de méfiances politiques, d’arrière-sentiments religieux, de rancunes, de
2733 ourgeois ou prolétarien, de méfiances politiques, d’ arrière-sentiments religieux, de rancunes, de souvenirs… On ne peut gu
2734 ances politiques, d’arrière-sentiments religieux, de rancunes, de souvenirs… On ne peut guère imaginer d’imbroglio passion
2735 ues, d’arrière-sentiments religieux, de rancunes, de souvenirs… On ne peut guère imaginer d’imbroglio passionnel plus idéa
2736 rancunes, de souvenirs… On ne peut guère imaginer d’ imbroglio passionnel plus idéalement favorable à l’apparition de délir
2737 ssionnel plus idéalement favorable à l’apparition de délires subits de la pensée ou des sentiments. Aigreur et nervosité q
2738 lement favorable à l’apparition de délires subits de la pensée ou des sentiments. Aigreur et nervosité qui révèlent surtou
2739 ité qui révèlent surtout un refoulement séculaire de ces questions. Plusieurs générations de bourgeoisie, et la crise de c
2740 séculaire de ces questions. Plusieurs générations de bourgeoisie, et la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’un des p
2741 Plusieurs générations de bourgeoisie, et la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’un des plus beaux complexes que le d
2742 ie, et la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’ un des plus beaux complexes que le diable ait jamais pu concevoir pour
2743 ons outre à nos vieilles pudeurs : c’est le début de la cure. Ensuite il faudra essayer de réviser nos préjugés en fonctio
2744 st le début de la cure. Ensuite il faudra essayer de réviser nos préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous re
2745 r de réviser nos préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi
2746 os préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi à l’argent so
2747 e vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de moyen, d’impur et simple m
2748 ue, et de rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de moyen, d’impur et simple moyen… 31 mars 1935 Place aux vieux ! — Je
2749 rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de moyen, d’ impur et simple moyen… 31 mars 1935 Place aux vieux ! — Je lis dans u
2750 on rôle mineur de moyen, d’impur et simple moyen… 31 mars 1935 Place aux vieux ! — Je lis dans un journal socialiste du M
2751 mineur de moyen, d’impur et simple moyen… 31 mars 1935 Place aux vieux ! — Je lis dans un journal socialiste du Midi, sous
2752 e « La vie régionale », qui chaque jour m’apporte d’ inénarrables sujets de méditation, le petit communiqué que voici : Bo
2753 , qui chaque jour m’apporte d’inénarrables sujets de méditation, le petit communiqué que voici : Bouillargues. — Les « ex
2754 exclus » vieux travailleurs. Demain dimanche, à 10 heures, sera donnée une conférence au profit des vieux, hommes et fem
2755 rence au profit des vieux, hommes et femmes, âgés de 60 ans au mois de juillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas
2756 ce au profit des vieux, hommes et femmes, âgés de 60 ans au mois de juillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas de
2757 s vieux, hommes et femmes, âgés de 60 ans au mois de juillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas de la loi des assu
2758 mmes et femmes, âgés de 60 ans au mois de juillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas de la loi des assurances social
2759 et femmes, âgés de 60 ans au mois de juillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas de la loi des assurances sociales
2760 uillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas de la loi des assurances sociales ont intérêt à assister à la conférence
2761 Ô merveille du pathos révolutionnaire ! ô gloire de la phraséologie marxiste ! Ô triomphe des mots d’ordre sur l’inertie
2762 s, l’obscurantisme clérical — la conférence est à 10 heures, dimanche matin… — et les oligarchies réactionnaires ! Ô liber
2763 st venu le jour que la Volonté populaire appelait de tous ses espoirs ! Mais que dis-je le jour ! C’est l’heure même qui v
2764 même qui va sonner : demain dimanche, sur le coup de dix heures, le grand mot qui résume cent années d’efforts, de luttes,
2765 e qui va sonner : demain dimanche, sur le coup de dix heures, le grand mot qui résume cent années d’efforts, de luttes, de
2766 ur le coup de dix heures, le grand mot qui résume cent années d’efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée
2767 e dix heures, le grand mot qui résume cent années d’ efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de
2768 s, le grand mot qui résume cent années d’efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cart
2769 mot qui résume cent années d’efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de
2770 ent années d’efforts, de luttes, de sacrifices et d’ éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice
2771 efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion
2772 s, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion libertaire, ce g
2773 loquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion libertaire, ce grand mot sera prononcé,
2774 , de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion libertaire, ce grand mot sera prononcé, proclam
2775 bre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion libertaire, ce grand mot sera prononcé, proclamé, acclamé par
2776 prononcé, proclamé, acclamé par les travailleurs de Bouillargues, prouvant à la face du monde que nos militants héroïques
2777 tants héroïques n’ont pas perdu leur peine depuis 89  ! Oui, dis-je, ce symbolique mot d’ordre sera donné comme un soufflet
2778 sent « avancés » osent le proposer comme objectif de « lutte ». Où la publication d’un communiqué de ce genre ne soit pas
2779 er comme objectif de « lutte ». Où la publication d’ un communiqué de ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de ri
2780 f de « lutte ». Où la publication d’un communiqué de ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de rigolade irrépress
2781 e ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de rigolade irrépressible dans toutes les couches de la population, « la
2782 de rigolade irrépressible dans toutes les couches de la population, « laborieuse » ou « réactionnaire ». À la prochaine en
2783 re ». À la prochaine enquête sur l’état politique de la France, je me promets de répondre par cette simple déclaration : «
2784 sur l’état politique de la France, je me promets de répondre par cette simple déclaration : « La France est un pays combl
2785 vieux !” Quand on en est à cela, dans les partis d’ extrême gauche, c’est que l’état social est à peu près paradisiaque. »
2786 oyait en proie aux brutales jeunesses bottées ? » 25 avril 1935 Communisme. — Dans la petite librairie grande ouverte sur
2787 proie aux brutales jeunesses bottées ? » 25 avril 1935 Communisme. — Dans la petite librairie grande ouverte sur la rue pri
2788 l est comme ça. Il faut le laisser frapper le sol de sa canne et redresser sa casquette pour ponctuer ses raisonnements d’
2789 sser sa casquette pour ponctuer ses raisonnements d’ alcoolique. Entre un homme maigre, casquette et veste de toile bleue p
2790 olique. Entre un homme maigre, casquette et veste de toile bleue proprette, visage nerveux et intelligent. — Vous avez mon
2791 s ai toutes vendues, Monsieur Dumas ! (C’est jour de foire). — Allons, tant mieux, fait l’homme. Et si des fois on vous en
2792 , fait l’homme. Et si des fois on vous en demande de trop, vous n’avez qu’à donner la mienne, vous savez. Plus on la lit…
2793 e, vous savez. Plus on la lit… Ce généreux apôtre de la cause va sortir, lorsque le vieux gâteux l’arrête sur le seuil. « 
2794 t. Le vieux le tient par la manche et lui martèle de sa canne le bout des souliers : « Tu m’entends ? Nous ôtres, nous all
2795 roit ? Peuchère, c’est notre devoir ! (Il glousse d’ un air malin). — On sait bien, dit le communiste, que vous avez toujou
2796 vous, qui nous pressez toute notre argent, depuis quatre ans que vous l’avez, le pouvoir ! » L’autre se dégage et s’en va, un
2797 n va, un peu triste, ou peut-être gêné. Entre ces deux hommes, je n’hésite pas : je vote pour le communiste. C’est un Méridi
2798 mmuniste. C’est un Méridional du type sérieux, un de ces hommes qui pourraient sauver sa région de la totale décrépitude o
2799 un de ces hommes qui pourraient sauver sa région de la totale décrépitude où l’ont laissée les radicaux et les créatures
2800 de où l’ont laissée les radicaux et les créatures de Bouisson, dont mon alcoolique fait partie. Voilà l’aspect local et pe
2801 ue fait partie. Voilà l’aspect local et personnel de la question, sur le plan des prochaines élections municipales. Mais i
2802 nicipales. Mais il y a bien d’autres aspects. Ces deux hommes sont du même niveau social, sans doute parents, de mœurs et de
2803 s sont du même niveau social, sans doute parents, de mœurs et de langage pareils. S’ils s’opposent, c’est que l’un est ava
2804 me niveau social, sans doute parents, de mœurs et de langage pareils. S’ils s’opposent, c’est que l’un est avare et légère
2805 l’autre énergique et assez sensé. Simple question de tempérament. Peut-être aussi le communiste n’est-il pas encore parven
2806 communiste n’est-il pas encore parvenu à « mettre de côté » autant qu’il le voudrait. Mais ce n’est pas sûr. Je sais bien
2807 Mais ce n’est pas sûr. Je sais bien une douzaine de ses camarades qui comptent parmi les mieux rentés de ce pays. Faut-il
2808 ses camarades qui comptent parmi les mieux rentés de ce pays. Faut-il donc penser que les partis expriment tout simplement
2809 qui avais acheté, innocemment, le dernier numéro de l’Huma. De la haine et encore de la haine, quelques mensonges grossie
2810 acheté, innocemment, le dernier numéro de l’Huma. De la haine et encore de la haine, quelques mensonges grossiers, le truq
2811 e dernier numéro de l’Huma. De la haine et encore de la haine, quelques mensonges grossiers, le truquage habituel des titr
2812 ge habituel des titres, une sauce aigre où nagent de grandes vérités brutales, toujours bonnes à dire, mais mal dites. J’a
2813 ros et en petits, si c’est le seul moyen pratique de faire valoir les droits élémentaires d’une partie de la population. M
2814 pratique de faire valoir les droits élémentaires d’ une partie de la population. Mais quelle trahison des « petits » repré
2815 faire valoir les droits élémentaires d’une partie de la population. Mais quelle trahison des « petits » représente alors c
2816 ces retraités radicaux ou socialistes, ce serait d’ être le parti de la vérité et du bon sens. Ils auraient avec eux tous
2817 adicaux ou socialistes, ce serait d’être le parti de la vérité et du bon sens. Ils auraient avec eux tous les hommes — bou
2818 es révoltes les mieux justifiées, on les étourdit de mensonges, on les abreuve d’une prose abstraite, brutale — eux qui le
2819 ées, on les étourdit de mensonges, on les abreuve d’ une prose abstraite, brutale — eux qui le sont si peu ! — et si possib
2820 ible, plus médiocre que celle des grands journaux d’ information. On leur impose une mystique confectionnée à l’usage des m
2821 ait affirmer que ce quotidien lamentable, hérissé de clichés hargneux, travaille pour le bien de ses lecteurs ? Si l’on pr
2822 rissé de clichés hargneux, travaille pour le bien de ses lecteurs ? Si l’on prend au sérieux le sort qui est fait aux ouvr
2823  adhèrent » aux disciplines staliniennes en haine d’ une société qu’ils sont les seuls à croire encore « chrétienne » — il
2824 ation. Mais les intellectuels, dont le métier est de comprendre, dont le métier est de vouloir la vérité, dont la seule di
2825 t le métier est de comprendre, dont le métier est de vouloir la vérité, dont la seule dignité est d’avoir foi dans le pouv
2826 t de vouloir la vérité, dont la seule dignité est d’ avoir foi dans le pouvoir d’une pensée droite, — on se demande par que
2827 la seule dignité est d’avoir foi dans le pouvoir d’ une pensée droite, — on se demande par quelle rancune vaguement démoni
2828 aussi les « petits » en défendant ces exploiteurs de la bassesse et du mensonge en service commandé. L’homme à la veste bl
2829 is dans la mesure où je l’aime, ils me dégoûtent. 28 avril 1935 Réflexion de « personnaliste ». — Le peuple tel qu’on le
2830 a mesure où je l’aime, ils me dégoûtent. 28 avril 1935 Réflexion de « personnaliste ». — Le peuple tel qu’on le voit paraît
2831 ’aime, ils me dégoûtent. 28 avril 1935 Réflexion de « personnaliste ». — Le peuple tel qu’on le voit paraît tout ignorant
2832  Le peuple tel qu’on le voit paraît tout ignorant de ses intérêts véritables. Mais c’est qu’il ne peut pas les exprimer tr
2833 ne peut pas les exprimer très aisément. Question de langage. Revenez voir ces mêmes hommes que j’ai dit, revenez deux foi
2834 venez voir ces mêmes hommes que j’ai dit, revenez deux fois, vingt fois, prenez-les sur le fait au détour d’une phrase malad
2835 ces mêmes hommes que j’ai dit, revenez deux fois, vingt fois, prenez-les sur le fait au détour d’une phrase maladroite, rende
2836 ois, vingt fois, prenez-les sur le fait au détour d’ une phrase maladroite, rendez-les attentifs au sens de leurs clichés.
2837 e phrase maladroite, rendez-les attentifs au sens de leurs clichés. Mieux encore, parlez-leur de leur travail, de celui qu
2838 sens de leurs clichés. Mieux encore, parlez-leur de leur travail, de celui qu’ils sont en train de faire tandis que vous
2839 ichés. Mieux encore, parlez-leur de leur travail, de celui qu’ils sont en train de faire tandis que vous causez, vous arri
2840 causez, vous arriverez à leur tirer quelque chose de sensé, de vécu, de réel, — et qui renversera les conclusions cyniques
2841 us arriverez à leur tirer quelque chose de sensé, de vécu, de réel, — et qui renversera les conclusions cyniques des parti
2842 rez à leur tirer quelque chose de sensé, de vécu, de réel, — et qui renversera les conclusions cyniques des partisans de l
2843 renversera les conclusions cyniques des partisans de la dictature. Ils vous diront d’abord que le fond de leur vie, c’est
2844 la dictature. Ils vous diront d’abord que le fond de leur vie, c’est l’ennui. Ils expliqueront presque toujours cet ennui
2845 nomadisme des employés et ouvriers, impossibilité de « suivre » un effort bien localisé, de s’attacher à ce qu’on fait ; n
2846 ossibilité de « suivre » un effort bien localisé, de s’attacher à ce qu’on fait ; nécessité où l’on se trouve de bâcler so
2847 her à ce qu’on fait ; nécessité où l’on se trouve de bâcler son ouvrage, pour gagner de quoi vivre, tentation perpétuelle
2848 l’on se trouve de bâcler son ouvrage, pour gagner de quoi vivre, tentation perpétuelle de changer de condition. Ils vous d
2849 pour gagner de quoi vivre, tentation perpétuelle de changer de condition. Ils vous diront aussi qu’ils n’ont plus le cœur
2850 r de quoi vivre, tentation perpétuelle de changer de condition. Ils vous diront aussi qu’ils n’ont plus le cœur à leur ouv
2851 ils savent que les résultats sont à la merci soit d’ un trust, soit d’un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal
2852 s résultats sont à la merci soit d’un trust, soit d’ un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal vient de l’État —
2853 nt à la merci soit d’un trust, soit d’un syndicat d’ incapables. Ils vous diront que le mal vient de l’État — et cela veut
2854 que le mal vient de l’État — et cela veut dire : de ceux qui font les lois sans rien savoir des situations locales. Parfo
2855 ils proposeront quelque réforme pratique : faire de la place aux jeunes en abaissant la limite d’âge dans les chemins de
2856 ire de la place aux jeunes en abaissant la limite d’ âge dans les chemins de fer et l’administration ; faire des lois régio
2857 pour la viticulture ; mettre en commun les terres d’ un petit village ; vendre le vin du pays dans les épiceries du pays, l
2858 riqués dans des « caves centrales » avec des vins d’ Afrique et des produits chimiques (« que vous avez la gorge brûlante a
2859 ûlante après un verre »). Enfin ils se plaindront de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiative, de vrai p
2860 aindront de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on
2861 de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’ initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on approuve
2862 ns leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on approuve la jeunesse q
2863 d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’ en être, on approuve la jeunesse qui délaisse la terre pour la ville.
2864 province). Et puis « leur » politique, parlez-moi de « leurs combines » — il n’y a rien à y comprendre. Dans une assemblée
2865 ns une assemblée populaire, on ne dira pas un mot de tout cela, on s’en tiendra aux clichés du journal. On n’aura pas le t
2866 n’aura pas le temps ni le courage, ni même l’idée de pousser plus loin, d’aborder des réalités. Donc, par amour du peuple,
2867 le courage, ni même l’idée de pousser plus loin, d’ aborder des réalités. Donc, par amour du peuple, n’écoutons plus ses a
2868 te. Je constate qu’elles vont toutes dans le sens de ce que proposent les personnalistes : autonomie de la région naturell
2869 e ce que proposent les personnalistes : autonomie de la région naturelle, communalisme, syndicats locaux, rajeunissement d
2870 s techniques libératrices, des sports, des moyens de circuler et de s’instruire, résistance à l’état tentaculaire. (Quant
2871 bératrices, des sports, des moyens de circuler et de s’instruire, résistance à l’état tentaculaire. (Quant à la lutte cont
2872 re le capitalisme, tout le monde en est, ou feint d’ en être ; c’est bien moins concret qu’il ne semble.) Conclusion : il a
2873 semble.) Conclusion : il appartient à des équipes d’ hommes nouveaux, jeunes et sortis de toutes les classes, d’exprimer ce
2874 à des équipes d’hommes nouveaux, jeunes et sortis de toutes les classes, d’exprimer ce que taisent les journaux, les orate
2875 nouveaux, jeunes et sortis de toutes les classes, d’ exprimer ce que taisent les journaux, les orateurs et les affiches — e
2876 ge politicien. La dictature est la seule solution de ceux qui refusent d’éduquer le peuple. Dictature ou éducation, voilà
2877 tature est la seule solution de ceux qui refusent d’ éduquer le peuple. Dictature ou éducation, voilà le dilemme du xxe si
2878 es plus humains. C’est peu, dites-vous. Mais rien d’ autre n’est vrai… 6 mai 1935 La mort et les cérémonies dans le Gard.
2879 st peu, dites-vous. Mais rien d’autre n’est vrai… 6 mai 1935 La mort et les cérémonies dans le Gard. — La maison de Sima
2880 , dites-vous. Mais rien d’autre n’est vrai… 6 mai 1935 La mort et les cérémonies dans le Gard. — La maison de Simard recèle
2881 mort et les cérémonies dans le Gard. — La maison de Simard recèle un effrayant secret qu’on m’avait laissé ignorer : une
2882 enons son existence en même temps que l’imminence de sa mort — et voici qui éveillera peut-être des réflexions fécondes da
2883 écondes dans l’esprit du lecteur philosophe. Déjà huit mois que nous sommes ici, et combien de fois ne sommes-nous pas entré
2884 e. Déjà huit mois que nous sommes ici, et combien de fois ne sommes-nous pas entrés dans la grande cuisine qui était, pens
2885 s autres pièces étaient vides ou ne servaient que de débarras —, et rien ne pouvait nous faire soupçonner cette présence à
2886 tout. — Mais les Simard ne m’avaient jamais parlé d’ elle ! — Peuchère ! ils languissaient de l’emballer, la vieille ! » Il
2887 ais parlé d’elle ! — Peuchère ! ils languissaient de l’emballer, la vieille ! » Ils n’auront plus à languir bien longtemps
2888 peut dire que la chose est sûre. Et on l’entend ! Trois fois par jour, le bruit d’effroyables discussions nous parvient de la
2889 e. Et on l’entend ! Trois fois par jour, le bruit d’ effroyables discussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un bea
2890 le bruit d’effroyables discussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un beau-frère est arrivé, et on partage. C’est
2891 respect pour la moribonde qu’ils veillent à tour de rôle, ils sont venus discuter dans la remise qui est au-dessous de no
2892 est au-dessous de notre chambre, et leurs éclats de voix nous ont plusieurs fois réveillés. 18 mai 1935 … Et un beau jour
2893 éclats de voix nous ont plusieurs fois réveillés. 18 mai 1935 … Et un beau jour, plus moyen d’échapper à cette humiliante
2894 de voix nous ont plusieurs fois réveillés. 18 mai 1935 … Et un beau jour, plus moyen d’échapper à cette humiliante évidence 
2895 eillés. 18 mai 1935 … Et un beau jour, plus moyen d’ échapper à cette humiliante évidence : sans auto, sans argent, sans am
2896 gens », bien sûr. C’est instructif. Mais le désir de s’instruire a des limites. Déjà les relations se stabilisent, les « c
2897 habitudes » épuisent leur vertu. C’est le moment de lever son camp. Plus tard, peut-être, quand toutes ces maisons vides
2898 des des environs seront habitées par des colonies de jeunes gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre des villes, o
2899 onies de jeunes gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre des villes, où ils s’incrustent — la province deviendra v
2900 place les aquarelles, les guéridons et les dessus de cheminée. Après-demain, nous partons. Nous fuyons. 27. Monsieur X…
2901 minée. Après-demain, nous partons. Nous fuyons. 27. Monsieur X… « orateur distingué », disait la convocation. 28. La str
2902 X… « orateur distingué », disait la convocation. 28. La stratégie qu’inaugurèrent les généraux de la Révolution, et qui fu
2903 n. 28. La stratégie qu’inaugurèrent les généraux de la Révolution, et qui fut celle de Bonaparte, n’est en somme que l’ap
2904 t les généraux de la Révolution, et qui fut celle de Bonaparte, n’est en somme que l’application du style français à la ch
2905 lication du style français à la chose militaire. 29. Ils ont donc au moins 66 ans aujourd’hui, où l’article paraît. m. R
2906 à la chose militaire. 29. Ils ont donc au moins 66 ans aujourd’hui, où l’article paraît. m. Rougemont Denis de, «  Jou
2907 rd’hui, où l’article paraît. m. Rougemont Denis de , «  Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) », Mesures, Chât
2908 ticle paraît. m. Rougemont Denis de, «  Journal d’ un intellectuel en chômage (fragments) », Mesures, Châtenay-Malabry /
2909 (fragments) », Mesures, Châtenay-Malabry / Paris, 15 avril 1937, p. 45-76.
2910 s) », Mesures, Châtenay-Malabry / Paris, 15 avril 1937, p. 45-76.
14 1937, Articles divers (1936-1938). Lénine, Staline et la littérature (17 avril 1937)
2911 Lénine, Staline et la littérature ( 17 avril 1937)n Pour lutter contre le fascisme, les communistes parai
2912 Lénine, Staline et la littérature (17 avril 1937 )n Pour lutter contre le fascisme, les communistes paraissent avoir
2913 a littérature sociale-démocrate — écrit Lénine en 1905 déjà ! — doit devenir une littérature de Parti. » Et Staline fait éch
2914 ine en 1905 déjà ! — doit devenir une littérature de Parti. » Et Staline fait écho, trente ans plus tard, à cette déclarat
2915 une littérature de Parti. » Et Staline fait écho, trente ans plus tard, à cette déclaration totalitaire ; dans un discours aux
2916 aration totalitaire ; dans un discours aux cadets de l’Académie de l’Armée rouge, il s’écrie : « Chez nous, dans les circo
2917 taire ; dans un discours aux cadets de l’Académie de l’Armée rouge, il s’écrie : « Chez nous, dans les circonstances actue
2918 les circonstances actuelles, les cadres décident de tout ! » Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’un choix de propos
2919 es, les cadres décident de tout ! » Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’un choix de propos de Lénine et de Staline Sur
2920 e tout ! » Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’ un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art
2921 Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art. Disons to
2922 Ces deux phrases sont tirées d’un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art. Disons tout de suit
2923 ses sont tirées d’un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art. Disons tout de suite que le Père
2924 e Père des peuples n’a fourni pour sa part qu’une dizaine de pages (sur 150) relatives surtout au développement d’une culture n
2925 es peuples n’a fourni pour sa part qu’une dizaine de pages (sur 150) relatives surtout au développement d’une culture nati
2926 fourni pour sa part qu’une dizaine de pages (sur 150 ) relatives surtout au développement d’une culture nationale-socialist
2927 ages (sur 150) relatives surtout au développement d’ une culture nationale-socialiste en Russie. Mais cela permet toutefois
2928 -socialiste en Russie. Mais cela permet toutefois de comparer sa manière à celle de Lénine. Lénine affiche en littérature
2929 a permet toutefois de comparer sa manière à celle de Lénine. Lénine affiche en littérature des goûts tantôt traditionnels
2930 uveau, qui lui demeurait étranger. » Il préférait de beaucoup à Maïakovski le « Salut au 17e » : Salut, salut à vous, bra
2931 préférait de beaucoup à Maïakovski le « Salut au 17e  » : Salut, salut à vous, braves soldats du 17e… ou encore la chanso
2932 u 17e » : Salut, salut à vous, braves soldats du 17e … ou encore la chanson patriotarde sur l’Alsace-Lorraine : Vous avez
2933 cœur — vous ne l’aurez jamais ! Dans un article de 1922, il loue cependant un poème de Maïakovski contre les bureaucrate
2934 ur — vous ne l’aurez jamais ! Dans un article de 1922, il loue cependant un poème de Maïakovski contre les bureaucrates. Je
2935 ns un article de 1922, il loue cependant un poème de Maïakovski contre les bureaucrates. Je n’appartiens pas, dit-il, aux
2936 es. Je n’appartiens pas, dit-il, aux admirateurs de son talent poétique, bien que je reconnaisse tout à fait mon incompét
2937 et siéger encore. Je ne sais ce qu’il faut penser de la poésie, mais pour ce qui est de la politique, je m’en porte garant
2938 il faut penser de la poésie, mais pour ce qui est de la politique, je m’en porte garant, c’est parfaitement vrai. Voilà q
2939 onne toute la mesure (la dernière phrase surtout) de Lénine « fondateur de la nouvelle culture ». Au moins, c’est franc, s
2940 la dernière phrase surtout) de Lénine « fondateur de la nouvelle culture ». Au moins, c’est franc, sans prétention, et cel
2941 et cela rend l’homme plutôt sympathique. Mais, en 1935, le ton des « dirigeants » a bien changé. Voici ce qu’écrit, à cette d
2942 demeure le poète le meilleur, le plus talentueux de notre époque soviétique. L’indifférence à sa mémoire et à ses œuvres
2943 quelle était l’intention des éditeurs communistes de ce choix. Il en ressort à l’évidence que les « idées » de Lénine sur
2944 oix. Il en ressort à l’évidence que les « idées » de Lénine sur la littérature étaient en général saines, banales, un peu
2945 ales, un peu courtes, et que Staline s’est chargé d’ en extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou de b
2946 ne s’est chargé d’en extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou de brutalement primaire, pour le plani
2947 extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et d’ attardé, ou de brutalement primaire, pour le planifier à l’échelle de
2948 u’elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou de brutalement primaire, pour le planifier à l’échelle de son empire nat
2949 utalement primaire, pour le planifier à l’échelle de son empire national-socialiste. À nous de relever la vraie défense de
2950 échelle de son empire national-socialiste. À nous de relever la vraie défense de la culture, et d’une culture créatrice, n
2951 ous de relever la vraie défense de la culture, et d’ une culture créatrice, novatrice, contre ses fossoyeurs totalitaires,
2952 ossoyeurs totalitaires, et contre ce distributeur de prix à l’Académie de l’Armée rouge, l’homme des « cadres qui décident
2953 s, et contre ce distributeur de prix à l’Académie de l’Armée rouge, l’homme des « cadres qui décident de tout ». n. Rou
2954 l’Armée rouge, l’homme des « cadres qui décident de tout ». n. Rougemont Denis de, « Lénine, Staline et la littérature
2955 res qui décident de tout ». n. Rougemont Denis de , « Lénine, Staline et la littérature », À nous la liberté, Paris, 17
2956 ne et la littérature », À nous la liberté, Paris, 17 avril 1937, p. 10.
2957 littérature », À nous la liberté, Paris, 17 avril 1937, p. 10.
15 1937, Articles divers (1936-1938). Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue (mai-juin 1937)
2958 Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue (mai-juin 1937)p L’énigme Vers 1813, un person
2959 Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue (mai-juin 1937 )p L’énigme Vers 1813, un personnage assez hagard aborde l’ima
2960 bre perdue (mai-juin 1937)p L’énigme Vers 1813, un personnage assez hagard aborde l’imagination de Chamisso ; il décl
2961 , un personnage assez hagard aborde l’imagination de Chamisso ; il déclare avoir perdu son ombre. Le second romantisme bat
2962 rôdait depuis longtemps dans les régions obscures de la légende populaire. S’il se risque à paraître devant Chamisso, c’es
2963 vant Chamisso, c’est peut-être poussé par l’envie d’ être enfin deviné, expliqué. Chamisso est français de naissance et d’é
2964 tre enfin deviné, expliqué. Chamisso est français de naissance et d’éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un p
2965 , expliqué. Chamisso est français de naissance et d’ éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un poète allemand. L
2966 e et d’éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un poète allemand. Les autres ont toujours cru à cette fable, mai
2967 . Chamisso, lui, s’en étonnera. Tel est le calcul de l’homme sans ombre. Surprendre ce Français, c’est passer au soleil :
2968 e souvent qu’un étranger s’initiant aux croyances d’ un peuple soit le premier saisi par ce frisson d’absurdité que l’on ba
2969 d’un peuple soit le premier saisi par ce frisson d’ absurdité que l’on baptise inspiration lorsqu’il excite ou crée, chez
2970 xcite ou crée, chez celui qui l’éprouve, le désir de s’en délivrer en l’exprimant. Et c’est ainsi que Chamisso introduisit
2971 o introduisit dans la conscience moderne le mythe de l’homme qui a perdu son ombre, sous les traits pathétiques et naïfs d
2972 pathétiques et naïfs du célèbre Peter Schlemihl. De Chamisso à Hofmannsthal, plusieurs ont repris cette histoire. Le dern
2973 mystère, qui reste entier. Cependant, à voir tant d’ auteurs s’exercer l’imagination sur un sujet qui défie l’expérience, l
2974 ier. L’on s’étonne qu’aucun non plus n’ait essayé de formuler le symbole enfermé dans le mythe. Serait-ce pudeur d’artiste
2975 e symbole enfermé dans le mythe. Serait-ce pudeur d’ artistes ? Pudeur tout court ? Ou faut-il croire qu’ils ont écrit leur
2976 u’ils ont écrit leurs contes sans jamais se poser de questions sur le sens d’un tel accident — dont à vrai dire les suites
2977 tes sans jamais se poser de questions sur le sens d’ un tel accident — dont à vrai dire les suites sont assez pittoresques
2978 préfère en ignorer la cause ? L’on s’étonne enfin de ce lien entre le domaine germanique et l’expression littéraire du myt
2979 e moindre n’est pas Hoffmann… ⁂ L’énigme commença de m’inquiéter lors d’un séjour allemand au cours duquel je pus observer
2980 Hoffmann… ⁂ L’énigme commença de m’inquiéter lors d’ un séjour allemand au cours duquel je pus observer mainte fois l’extra
2981 nnait du Strauss. Je ne connaissais pas le livret d’ Hofmannsthal, et compris mal l’intrigue de la Femme sans ombre. Je voy
2982 livret d’Hofmannsthal, et compris mal l’intrigue de la Femme sans ombre. Je voyais une actrice parcourir la scène en hurl
2983 hurlant : elle tirait après soi un grand morceau d’ étoffe qui figurait son ombre et l’embarrassait fort. Aux entractes, o
2984 et l’embarrassait fort. Aux entractes, on parlait de Freud. La musique m’ennuyait, indéfinie. Plus tard je lus le livre qu
2985 -ce qu’une ombre ? me demandais-je. Quelque chose d’ assez méprisable. Les Latins la ridiculisent. C’est pour eux l’irréali
2986 ux l’irréalité même. (« Il n’est plus que l’ombre de lui-même ! ») Mais je vois bien qu’ils exagèrent : si nous étions de
2987 is je vois bien qu’ils exagèrent : si nous étions de purs esprits, nous ne projetterions pas d’ombre. L’ombre est la preuv
2988 étions de purs esprits, nous ne projetterions pas d’ ombre. L’ombre est la preuve humiliante de la chair — humiliante pour
2989 ons pas d’ombre. L’ombre est la preuve humiliante de la chair — humiliante pour ceux, du moins qui, plaçant la Raison dans
2990 ux-là qui déplorent qu’elle se fasse, aux regards de la convoitise, « opaque »36. Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien
2991 se fasse, aux regards de la convoitise, « opaque » 36. Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien qu’une évidence assez pauvre
2992 la convoitise, « opaque »36. Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien qu’une évidence assez pauvre : l’ombre est le fait,
2993 ence assez pauvre : l’ombre est le fait, en nous, de notre chair. Mais perdre sa chair, c’est mourir, et cet infortuné Sch
2994 infortuné Schlemihl n’était tout de même pas mort d’ avoir perdu son ombre… Il était même si vivant, et sa présence si gêna
2995 vivant, et sa présence si gênante, que je tentai de le contraindre, quoi qu’il arrive, aux suprêmes aveux. Il y avait la
2996 mes aveux. Il y avait la psychanalyse. Mais avant d’ en venir à cette extrémité, on pouvait essayer d’un pédantisme moins b
2997 d’en venir à cette extrémité, on pouvait essayer d’ un pédantisme moins barbare. Je rédigeai la note qui suit, en m’appliq
2998 qui suit, en m’appliquant à écarter les conseils de pitié que me dictait mon cœur. Signalement de Peter Schlemihl P
2999 de pitié que me dictait mon cœur. Signalement de Peter Schlemihl Peter est un naïf : il croit à la fortune. Il croi
3000 assure à l’homme une dignité. C’est un bourgeois de la plus dangereuse espèce, le bourgeois pauvre qui envie les bourgeoi
3001 bourgeois pauvre qui envie les bourgeois riches. D’ où vient le sentiment qu’il a d’être inférieur. Le diable sait cela :
3002 bourgeois riches. D’où vient le sentiment qu’il a d’ être inférieur. Le diable sait cela : c’est par là qu’il le tient. Pet
3003 er lui donne son ombre contre une bourse magique, d’ où il pourra tirer un or inépuisable. Désormais riche, mais privé d’om
3004 er un or inépuisable. Désormais riche, mais privé d’ ombre, il se croit le maître du monde. Point du tout : on se moque de
3005 t le maître du monde. Point du tout : on se moque de lui. Comblé, le voici plus qu’avant inadmissible. Le complexe d’infér
3006 le voici plus qu’avant inadmissible. Le complexe d’ infériorité à peine défait par la fortune subite, se renoue, cette foi
3007 sans remède. Il ne tarde pas à tourner au délire de persécution. Tout effraye Peter, et le moleste en mille manières. Les
3008 persécution. Tout effraye Peter, et le moleste en mille manières. Les jeux des enfants dans la rue, les valets qui le servent
3009 re, surtout la lumière du jour, et même la clarté de la lune. Il recherche la solitude pour y mener des réflexions désespé
3010 te en sanglots à l’idée du plus simple bonheur, —  de ce bonheur dont tous les autres semblent détenir le secret, jalouseme
3011 innocence ?) Schlemihl est donc le type classique de l’homme qui perd le contact social. L’or même ne suffit pas à rétabli
3012 ge surtout pour ce philistin-là. Toutes les ruses de Peter échouent devant cet obstacle dernier. Il a beau n’aller que de
3013 evant cet obstacle dernier. Il a beau n’aller que de nuit aux rendez-vous avec Mina. Le jour venu de signer le contrat, de
3014  ! Oui, je le savais depuis longtemps, il n’a pas d’ ombre ! » Que reste-t-il à un tel homme ? Le suicide ? Rien n’est plus
3015 ensée. Sa vision du monde serait exactement celle d’ un philistin sympathique, d’un philistin sans exigences, et qui veut c
3016 rait exactement celle d’un philistin sympathique, d’ un philistin sans exigences, et qui veut croire à la vertu, — s’il n’y
3017 ut croire à la vertu, — s’il n’y avait, au centre de lui-même, cette absence. En tout pareil aux autres, sauf en ce je ne
3018 essentiel, notre philistin méconnu se voit chassé de la communauté des siens. Et par sa faute ! c’est là son amertume. Ici
3019 t l’évasion. Il achète — par économie — une paire de bottes usagées. Mais voilà bien sa chance, ce sont les bottes de sept
3020 es. Mais voilà bien sa chance, ce sont les bottes de sept lieues ! Désormais il échappe à la vie, au voisinage et au dialo
3021 qu’il imagine. Il peut même retrouver une espèce d’ activité, purement descriptive il est vrai, solitaire, presque mécaniq
3022 presque mécanique : il dresse un vaste catalogue de toutes les plantes de la terre. C’est à cela qu’il s’occupe en Thébaï
3023 l dresse un vaste catalogue de toutes les plantes de la terre. C’est à cela qu’il s’occupe en Thébaïde, quand nous perdons
3024 quand nous perdons sa trace. Résumons : complexe d’ infériorité, délire de persécution, perte du contact social, sentiment
3025 trace. Résumons : complexe d’infériorité, délire de persécution, perte du contact social, sentiment de culpabilité, besoi
3026 e persécution, perte du contact social, sentiment de culpabilité, besoin d’évasion, activité maniaque (ou universitaire-ér
3027 contact social, sentiment de culpabilité, besoin d’ évasion, activité maniaque (ou universitaire-érudite)… Nul doute n’est
3028 en. Il savait peut-être autre chose. Tentative d’ interprétation Je reproche pour ma part à la psychanalyse de flatte
3029 ion Je reproche pour ma part à la psychanalyse de flatter notre propension à localiser les symboles. Car, pour la vie s
3030 boles. Car, pour la vie spirituelle, il n’est pas de lieux séparés, on peut toujours passer de l’un à l’autre par quelque
3031 est pas de lieux séparés, on peut toujours passer de l’un à l’autre par quelque ruse de la métamorphose, qui est la vie mê
3032 oujours passer de l’un à l’autre par quelque ruse de la métamorphose, qui est la vie même de la vie. Et pourquoi dire dès
3033 lque ruse de la métamorphose, qui est la vie même de la vie. Et pourquoi dire dès lors : ceci est cause de cela ? Quand l’
3034 a vie. Et pourquoi dire dès lors : ceci est cause de cela ? Quand l’inverse est au moins aussi probable. Et quand rien ne
3035 er des descriptions utiles, et quelques « trucs » d’ observation. Je retiens donc de Freud cette constatation : « Celui qui
3036 quelques « trucs » d’observation. Je retiens donc de Freud cette constatation : « Celui qui, dans un domaine quelconque, e
3037 tre considéré comme anormal dans sa vie sexuelle » 37. Nous venons de voir que Schlemihl est le type même de l’inadapté, — c
3038 ous venons de voir que Schlemihl est le type même de l’inadapté, — celui qui ne peut « trouver sa place au soleil », et qu
3039 au soleil », et qui ne subsiste dans la compagnie de ses semblables que par un subterfuge toujours menacé. D’une incompati
3040 semblables que par un subterfuge toujours menacé. D’ une incompatibilité sociale aussi absolue, nous devrions déduire, semb
3041 ximum. Pour confirmer notre soupçon sur la nature de cette aberration, il conviendrait de rappeler ici que Peter parvient
3042 ur la nature de cette aberration, il conviendrait de rappeler ici que Peter parvient à la cacher à tous sauf aux deux femm
3043 ci que Peter parvient à la cacher à tous sauf aux deux femmes qu’il voudrait épouser. Mais n’allons pas conclure trop vite.
3044 . Mais n’allons pas conclure trop vite. Les états d’ âme d’un malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’
3045 n’allons pas conclure trop vite. Les états d’âme d’ un malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’
3046 onclure trop vite. Les états d’âme d’un malade ou d’ un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’un homme sain ?
3047 d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’ âme d’un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’ét
3048 fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’ un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’états qu
3049 ts d’âme d’un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’états qui, normalement, ne tarderaient pas à se m
3050 ain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’ états qui, normalement, ne tarderaient pas à se muer en leur contraire
3051 muer en leur contraire ? Plus précisément, l’état de Peter Schlemihl n’est-il pas comparable à celui d’un esprit et d’un c
3052 e Peter Schlemihl n’est-il pas comparable à celui d’ un esprit et d’un corps sains après « l’amour » ? Durant quelques mome
3053 hl n’est-il pas comparable à celui d’un esprit et d’ un corps sains après « l’amour » ? Durant quelques moments, l’homme ép
3054 t quelques moments, l’homme éprouve une sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un p
3055 s moments, l’homme éprouve une sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un peu en arr
3056 e sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un peu en arrière des choses, lent à démêl
3057 démêler le monde où il revient, et qui l’accable de présences bizarres, ou douces, mais aussi quelques fois, hostiles. (E
3058 . (Et cela peut être comme une première influence de ce qu’on nommera chez un malade, folie de la persécution). Il arrive
3059 fluence de ce qu’on nommera chez un malade, folie de la persécution). Il arrive aussi que cet homme se sente trop lucide,
3060 ucide, perçant toutes choses à jour, et lui-même, d’ où l’impression qu’il a d’être mal défendu contre les regards qu’il re
3061 es à jour, et lui-même, d’où l’impression qu’il a d’ être mal défendu contre les regards qu’il rencontre, transparent dirai
3062 les réserves qu’on voudra, mais en nous souvenant de la question que nous posait l’origine germanique du mythe38. Dès le d
3063 rimer qu’un fait humain élémentaire. J’étais déçu de le voir se réduire à quelque chose d’aussi précis, et que mille préju
3064 ’étais déçu de le voir se réduire à quelque chose d’ aussi précis, et que mille préjugés, français surtout, concourent à ri
3065 se réduire à quelque chose d’aussi précis, et que mille préjugés, français surtout, concourent à ridiculiser. Un fragment de
3066 is surtout, concourent à ridiculiser. Un fragment de Paracelse, lu par hasard à cette époque, vint heureusement me donner
3067 cette époque, vint heureusement me donner la clé d’ une interprétation autrement riche et inquiétante. Je traduis ce fragm
3068 « l’ombre intérieure. » Une lecture plus poussée de Paracelse devait bientôt m’apprendre, avec bien d’autres choses curie
3069 tres choses curieuses et profondes, que la portée de ce passage était en vérité beaucoup plus vaste que tout ce que permet
3070 té beaucoup plus vaste que tout ce que permettait d’ imaginer l’obtus physiologisme de ce siècle. La « Liquor vitae », selo
3071 e que permettait d’imaginer l’obtus physiologisme de ce siècle. La « Liquor vitae », selon Paracelse, c’est en effet le pr
3072 ae », selon Paracelse, c’est en effet le principe d’ activité vitale répandu dans tous nos organes. Elle figure le « miroir
3073 st ainsi l’agent microcosmique, la puissance même de notre créativité dans tous les ordres. Elle est ce qu’il y a de plus
3074 t entier et dans l’homme. » Je la rapproche alors de ce Selbst (ou soi-même) dont parle Chamisso vers la fin de son conte.
3075 bst (ou soi-même) dont parle Chamisso vers la fin de son conte. Voilà qui peut situer enfin le vrai problème39. La créativ
3076 eur spirituel. Comme on peut le voir par l’examen de la pudeur. Ne serait-ce point pour la raison qu’en beaucoup d’êtres l
3077 Ne serait-ce point pour la raison qu’en beaucoup d’ êtres la créativité paraît avoir son siège dans le seul sexe, que la p
3078 homme cherche à le dissimuler comme quelque chose de sacré, et que les deux fils de Noé couvrirent la nudité de leur père
3079 ssimuler comme quelque chose de sacré, et que les deux fils de Noé couvrirent la nudité de leur père ivre en marchant vers l
3080 omme quelque chose de sacré, et que les deux fils de Noé couvrirent la nudité de leur père ivre en marchant vers lui à rec
3081 et que les deux fils de Noé couvrirent la nudité de leur père ivre en marchant vers lui à reculons ? Mais chez l’homme qu
3082  ? Mais chez l’homme qui parvient à la conscience de sa mission spirituelle, le centre de la créativité paraît se déplacer
3083 a conscience de sa mission spirituelle, le centre de la créativité paraît se déplacer dans le cerveau ou dans le cœur. La
3084 tôt affecte la pensée, les sentiments. On parle «  d’ étalage impudique » lorsqu’un auteur exhibe une excessive sincérité da
3085 e plus profond, le plus sacré, qui est le pouvoir de création que l’on possède, c’est naturel ; mais non du tout qu’on en
3086 mble-t-il. En vérité, la mauvaise pudeur provient de ce que le corps et l’âme se distinguent de plus en plus, et cessent d
3087 l’âme se distinguent de plus en plus, et cessent d’ être reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et
3088 t de plus en plus, et cessent d’être reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs
3089 e reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs de son corps — comme d’un embrassem
3090 orps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs de son corps — comme d’un embrassement sans amour, ou d’un amour qui se
3091 nsée, et celle-ci des désirs de son corps — comme d’ un embrassement sans amour, ou d’un amour qui se refuse à l’étreinte.
3092 on corps — comme d’un embrassement sans amour, ou d’ un amour qui se refuse à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t-ell
3093 à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t-elle d’ exister — normalement — quand deux êtres s’aiment ? Parce que le sexe
3094 deur cesse-t-elle d’exister — normalement — quand deux êtres s’aiment ? Parce que le sexe reprend alors sa « propriété » sym
3095 à notre mythe : la transparence, c’est l’absence d’ ombre, donc de secret. Or le secret « sacré » étant le lieu de la créa
3096  : la transparence, c’est l’absence d’ombre, donc de secret. Or le secret « sacré » étant le lieu de la créativité dans la
3097 c de secret. Or le secret « sacré » étant le lieu de la créativité dans la personne, celui qui a perdu son ombre, se promè
3098 mbre, se promène parmi les hommes avec l’angoisse de voir révélée au grand jour non son secret, mais justement l’absence e
3099 r non son secret, mais justement l’absence en lui de son secret, sa transparence : spirituellement, ou de quelque autre so
3100 son secret, sa transparence : spirituellement, ou de quelque autre sorte, il n’est plus un homme créateur. À l’inverse, la
3101 e son élan vers le monde. Elle le porte au-devant de tout, comme un peu en avant de lui-même, là où il peut dominer sa vie
3102 et la construire avec tout son instinct à l’image d’ une vision de l’esprit. (L’esprit seul voit) Le corps et l’âme chanten
3103 ire avec tout son instinct à l’image d’une vision de l’esprit. (L’esprit seul voit) Le corps et l’âme chantent alors dans
3104 ) Le corps et l’âme chantent alors dans l’unisson de la chasteté. L’esprit offensif et joyeux, le corps qui se sent « plei
3105 Et l’homme a retrouvé son ombre. Suite et fin de la fable Peter Schlemihl nous apparaît maintenant une émouvante et
3106 ntenant une émouvante et très précise description de l’individu romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire, d’impuissan
3107 ription de l’individu romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire, d’impuissant à saisir le monde pour le former à son i
3108 du romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire, d’ impuissant à saisir le monde pour le former à son image40, et d’évasif
3109 saisir le monde pour le former à son image40, et d’ évasif devant sa vocation : le mystère de l’incarnation. Chamisso a do
3110 ge40, et d’évasif devant sa vocation : le mystère de l’incarnation. Chamisso a donné à son Peter tous les traits physiques
3111 é à son Peter tous les traits physiques et moraux de ce que l’on appellera plus tard le vague à l’âme, — qui est aussi bie
3112 — qui est aussi bien le vague au corps… Le roman d’ Hoffmannsthal — contre-épreuve — décrit le tourment d’une femme stéril
3113 ffmannsthal — contre-épreuve — décrit le tourment d’ une femme stérile, l’impératrice qui a perdu son ombre et qui emprunte
3114 trice qui a perdu son ombre et qui emprunte celle d’ une fille du peuple. Mais Andersen, comme on pouvait s’y attendre, fai
3115 ominer l’aspect « spirituel » du mythe. Son conte de l’Ombre, c’est le symbole de la puissance de création qui vient à se
3116 du mythe. Son conte de l’Ombre, c’est le symbole de la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour pre
3117 onte de l’Ombre, c’est le symbole de la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour prendre corps dans
3118 la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour prendre corps dans l’œuvre poétique. Et le poème ensuit
3119 que l’individu qui l’a conçu comme porté au-delà de lui-même par l’attrait puissant d’un désir — reviendra s’asservir le
3120 porté au-delà de lui-même par l’attrait puissant d’ un désir — reviendra s’asservir le poète… ⁂ C’est une des gloires du r
3121 C’est une des gloires du romantisme allemand que d’ avoir su élever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses plu
3122 sme allemand que d’avoir su élever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses plus folles illusions, à la hauteur
3123 lever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses plus folles illusions, à la hauteur du mythe, et de la Fable, plu
3124 plus folles illusions, à la hauteur du mythe, et de la Fable, plus profondément vrais que la vie. (Plus riches d’enseigne
3125 plus profondément vrais que la vie. (Plus riches d’ enseignements concrets, et d’invites à la métamorphose). Mettre en for
3126 la vie. (Plus riches d’enseignements concrets, et d’ invites à la métamorphose). Mettre en forme ce qui nous défait, c’est
3127 xe génial, l’audace comme malgré soi re-créatrice d’ un Chamisso. Les amateurs d’absurdités lyriques, j’en suis parfois, de
3128 lgré soi re-créatrice d’un Chamisso. Les amateurs d’ absurdités lyriques, j’en suis parfois, devraient se garder d’affadir
3129 lyriques, j’en suis parfois, devraient se garder d’ affadir une telle œuvre, n’y admirant à leur coutume qu’une « fantaisi
3130 rant à leur coutume qu’une « fantaisie gratuite » de l’art. Nul doute que l’art de Chamisso ne signifie. Il y suffit d’ail
3131 antaisie gratuite » de l’art. Nul doute que l’art de Chamisso ne signifie. Il y suffit d’ailleurs qu’il soit vraiment un a
3132 rs qu’il soit vraiment un art — tout effort digne de ce nom établit d’abord une action concertée, une mise en ordre, un se
3133 sens donné… C’est par là que Chamisso s’est sauvé de lui-même : s’il a fait Schlemihl comme on sait, en grande partie à so
3134 ère toutefois par ceci qu’il l’a fait, témoignant d’ un pouvoir d’invention dont la nouveauté reste entière. Et j’y songe :
3135 par ceci qu’il l’a fait, témoignant d’un pouvoir d’ invention dont la nouveauté reste entière. Et j’y songe : ce Schlemihl
3136 onge : ce Schlemihl éternel, ce symbole en bottes de sept lieues qui traverse encore notre vie, n’est-ce pas l’ombre de Ch
3137 i traverse encore notre vie, n’est-ce pas l’ombre de Chamisso ? Une ombre qui a perdu son homme, cette fois, mais non pas
3138 profonds. C’est le siècle où je vis qui n’a plus d’ ombre, et c’est pour lui que je garde ma pitié. Il ne sait même plus é
3139 P.-S. Je n’ai pas voulu alourdir cette esquisse de tout un appareil de références bibliographiques. On les trouve d’aill
3140 voulu alourdir cette esquisse de tout un appareil de références bibliographiques. On les trouve d’ailleurs réunies dans le
3141 k). Cet érudit psychanalyste ne recense pas moins d’ une cinquantaine d’auteurs célèbres qui ont traité le mythe de l’ombre
3142 hanalyste ne recense pas moins d’une cinquantaine d’ auteurs célèbres qui ont traité le mythe de l’ombre perdue dans leurs
3143 ntaine d’auteurs célèbres qui ont traité le mythe de l’ombre perdue dans leurs romans, pièces, ou contes fantastiques. Not
3144 u domaine germanique et anglais, il ne relève que deux ou trois auteurs français. Encore ceux-ci s’orientent plutôt vers l’a
3145 e germanique et anglais, il ne relève que deux ou trois auteurs français. Encore ceux-ci s’orientent plutôt vers l’aspect ind
3146 rientent plutôt vers l’aspect individuel du mythe de l’ombre, rejoignant le mythe voisin du double. (Maupassant par exempl
3147 e). Barrès, dans ses Cahiers, recueille la lettre d’ un descendant français de Chamisso, selon lequel l’idée de Peter Schle
3148 ers, recueille la lettre d’un descendant français de Chamisso, selon lequel l’idée de Peter Schlemihl aurait été donnée à
3149 cendant français de Chamisso, selon lequel l’idée de Peter Schlemihl aurait été donnée à son auteur par un de ses parents,
3150 r Schlemihl aurait été donnée à son auteur par un de ses parents, au cours d’un séjour à Paris. L’origine du conte célèbre
3151 nnée à son auteur par un de ses parents, au cours d’ un séjour à Paris. L’origine du conte célèbre serait donc bien françai
3152 u’à soutenir que l’ombre perdue serait le symbole de la patrie (française) perdue par Chamisso. Les documents réunis par R
3153 antiquité nordique du mythe, auquel se rattachent de très nombreuses coutumes populaires, antérieures de plusieurs siècles
3154 très nombreuses coutumes populaires, antérieures de plusieurs siècles, voire d’un ou deux millénaires, à Chamisso. 36.
3155 pulaires, antérieures de plusieurs siècles, voire d’ un ou deux millénaires, à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque obje
3156 , antérieures de plusieurs siècles, voire d’un ou deux millénaires, à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque objet de cette
3157 érieures de plusieurs siècles, voire d’un ou deux millénaires , à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque objet de cette terre que j
3158 s, voire d’un ou deux millénaires, à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque objet de cette terre que je convoite se fait o
3159 , à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque objet de cette terre que je convoite se fait opaque, par cela même que je le c
3160 onvoite… », A. Gide : Les Nouvelles Nourritures. 37. Freud : Trois essais sur la théorie de la sexualité. La définition du
3161 A. Gide : Les Nouvelles Nourritures. 37. Freud : Trois essais sur la théorie de la sexualité. La définition du normal est do
3162 ritures. 37. Freud : Trois essais sur la théorie de la sexualité. La définition du normal est donc ici : adapté au milieu
3163 ilieu social. Qui ne voit ce qu’on pourrait tirer de cette « vérité d’expérience » si l’on voulait en faire une règle, com
3164 ne voit ce qu’on pourrait tirer de cette « vérité d’ expérience » si l’on voulait en faire une règle, comme nous en menacen
3165 totalitaires ? On ne peut accepter une « vérité » de ce genre qu’en insistant sur le contraire : l’anormal peut être créat
3166 t sur le contraire : l’anormal peut être créateur d’ un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’une nouvelle norma
3167  : l’anormal peut être créateur d’un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’une nouvelle normalité. 38. Dans le
3168 un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’ une nouvelle normalité. 38. Dans le conte intitulé « l’Ombre », Ander
3169 sociaux, c’est-à-dire d’une nouvelle normalité. 38. Dans le conte intitulé « l’Ombre », Andersen raconte comment un philo
3170 aux pays chauds, perd son ombre à force de rêver d’ une jeune femme qu’il perçoit de sa fenêtre. « Mais dans les climats c
3171 à force de rêver d’une jeune femme qu’il perçoit de sa fenêtre. « Mais dans les climats chauds, les choses croissent très
3172 it à sa grande joie qu’une nouvelle ombre partant de ses pieds commençait à croître lorsqu’il se promenait dans le soleil.
3173 u’il se promenait dans le soleil. » Ici donc, pas de fixation morbide, comme dans Schlemihl. Aussi bien, le diable n’est-i
3174 able n’est-il pas dans l’affaire, cette fois-ci. 39. Selon Paracelse toujours, l’élément sexuel se distingue de la Liquor
3175 Paracelse toujours, l’élément sexuel se distingue de la Liquor vitae « comme l’écume d’une soupe ». La créativité se purif
3176 l se distingue de la Liquor vitae « comme l’écume d’ une soupe ». La créativité se purifie donc en le localisant. Il paraît
3177 Il paraît alors que le freudisme ne s’occupe que de l’écume d’une soupe ! (ou bien l’appelle-t-il libido ?). 40. Ces tra
3178 alors que le freudisme ne s’occupe que de l’écume d’ une soupe ! (ou bien l’appelle-t-il libido ?). 40. Ces traits ne saur
3179 d’une soupe ! (ou bien l’appelle-t-il libido ?). 40. Ces traits ne sauraient définir qu’un aspect, à vrai dire fréquent, d
3180 ntisme allemand qui en a montré bien d’autres, et de tout contraire parfois : que l’on songe à Hegel, à Fichte, à Schlegel
3181 Hegel, à Fichte, à Schlegel. p. Rougemont Denis de , « Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue », Les Cahiers du Sud, Mars
3182 . p. Rougemont Denis de, « Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue », Les Cahiers du Sud, Marseille, mai–juin 1937, p. 28
3183 perdue », Les Cahiers du Sud, Marseille, mai–juin 1937, p. 282‑291.
3184 Cahiers du Sud, Marseille, mai–juin 1937, p. 282‑ 291.
16 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)
3185 Journal d’ un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)q r Début de novembre 1
3186 Journal d’un intellectuel en chômage ( 25 juillet 1937)q r Début de novembre 1933 Mon domaine, c’est ce que
3187 Journal d’un intellectuel en chômage (25 juillet 1937 )q r Début de novembre 1933 Mon domaine, c’est ce que j’ai sous la
3188 llectuel en chômage (25 juillet 1937)q r Début de novembre 1933 Mon domaine, c’est ce que j’ai sous la main. Voici d’ab
3189 chômage (25 juillet 1937)q r Début de novembre 1933 Mon domaine, c’est ce que j’ai sous la main. Voici d’abord la table q
3190 e je me suis fabriquée : j’ai trouvé dans le chai deux tréteaux et deux planches bien rabotées ; j’ai dressé cela devant la
3191 iquée : j’ai trouvé dans le chai deux tréteaux et deux planches bien rabotées ; j’ai dressé cela devant la fenêtre ouverte s
3192 du jardin. Quand je lève le nez, je vois la cour de terre battue à l’ombre de ses deux tilleuls, la margelle du puits à g
3193 je vois la cour de terre battue à l’ombre de ses deux tilleuls, la margelle du puits à gauche, où repose une vieille chatte
3194 ose une vieille chatte, le chai à droite. Au-delà de la cour, les planches incultes du potager, de chaque côté d’une allée
3195 elà de la cour, les planches incultes du potager, de chaque côté d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une port
3196 les planches incultes du potager, de chaque côté d’ une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deu
3197 tes du potager, de chaque côté d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi
3198 ée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts
3199 de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts murs blancs
3200 x battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé qui a jus
3201 es lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé qui a juste la largeur de la maison. On
3202 uts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé qui a juste la largeur de la maison. On ne voit rien que le ciel
3203 us côtés ce jardin de curé qui a juste la largeur de la maison. On ne voit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d
3204 oit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d’ oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide. En me retournant à d
3205 t à droite, je vois par une autre fenêtre un coin de lande, et de petites dunes broussailleuses qui ferment l’horizon bas.
3206 e vois par une autre fenêtre un coin de lande, et de petites dunes broussailleuses qui ferment l’horizon bas. Peu de terre
3207 leues, sur les murailles rosées. La maison compte deux chambres au rez-de-chaussée, séparées de la cuisine par un couloir da
3208 compte deux chambres au rez-de-chaussée, séparées de la cuisine par un couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par un p
3209 parvient par un petit escalier qui prend au fond de la cuisine, deux autres chambres assez vastes et presque vides, auxqu
3210 n petit escalier qui prend au fond de la cuisine, deux autres chambres assez vastes et presque vides, auxquelles le toit ser
3211 vastes et presque vides, auxquelles le toit sert de plafond. Très peu de meubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou tein
3212 ubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou teintés de bleu clair, des planchers rudes. Décor candide et gai, oui vraiment p
3213 rte un peu trop basse, règne une pénétrante odeur de laurier. On distingue dans l’ombre des amas de branchages, des outils
3214 ur de laurier. On distingue dans l’ombre des amas de branchages, des outils et des treilles pour la pêche aux crevettes. J
3215 ux crevettes. Je me suis procuré un petit tonneau de vin blanc de l’île. C’est un clairet assez acide, qui laisse peut-êtr
3216 Je me suis procuré un petit tonneau de vin blanc de l’île. C’est un clairet assez acide, qui laisse peut-être un léger go
3217 -être un léger goût iodé, au moins l’on est tenté de l’imaginer : la vigne croît ici au ras d’un sol sablonneux que l’on f
3218 t tenté de l’imaginer : la vigne croît ici au ras d’ un sol sablonneux que l’on fume avec du varech. De l’île, du village,
3219 d’un sol sablonneux que l’on fume avec du varech. De l’île, du village, de la mer, je ne veux rien dire encore : je laisse
3220 e l’on fume avec du varech. De l’île, du village, de la mer, je ne veux rien dire encore : je laisse tout cela se mêler à
3221 se mêler à ma vie, dans l’heureux étourdissement de la lumière maritime. Pour mes pensées, je les occupe en attendant à d
3222 e. Pour mes pensées, je les occupe en attendant à de petits exercices formels, sans nul rapport avec ce beau vertige de li
3223 es formels, sans nul rapport avec ce beau vertige de liberté. Depuis six jours que nous sommes arrivés, je n’ai lu que les
3224 l rapport avec ce beau vertige de liberté. Depuis six jours que nous sommes arrivés, je n’ai lu que les Règles de Descartes
3225 ue nous sommes arrivés, je n’ai lu que les Règles de Descartes, comme on ferait un mot croisé, pour tuer le temps avant un
3226 croisé, pour tuer le temps avant un rendez-vous. 19 novembre 1933 Premiers contacts avec les gens. — Le village se termi
3227 r tuer le temps avant un rendez-vous. 19 novembre 1933 Premiers contacts avec les gens. — Le village se termine au bout de
3228 e petite rue toute blanche qui contourne la panse de l’église, et aboutit à la place principale. Au milieu de cette place,
3229 milieu de cette place, qui est un vaste rectangle de terre jaune, les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la
3230 les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la Liberté. Cet orme est devenu gigantesque, majestueux exemplaire da
3231 ulence, frisé comme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en
3232 nce, frisé comme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en ordre
3233 omme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en ordre modeste,
3234 couleur des volets s’harmonise avec chaque façade d’ une manière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple
3235 ière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple discret. C’est l’impression que je veux retenir pour le mom
3236 du chou-fleur, des enveloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la
3237 veloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la renseignent pas claire
3238 , ne la renseignent pas clairement. Et que penser d’ un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ?
3239 enser d’un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ? — C’est plutôt en été qu’on vient chez nous
3240 mes vacances ! J’ai du travail chez moi, des tas de choses à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage. Et moi, je r
3241 davantage. Et moi, je recule devant l’entreprise de lui expliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cel
3242 le devant l’entreprise de lui expliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cela signifie ? Écrire pour le
3243 u’on voudrait. En hiver elle fait peu de réserves de produits alimentaires, les habitants n’achetant guère autre chose que
3244 s, les habitants n’achetant guère autre chose que de la mercerie, des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’aut
3245 , des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’
3246 t des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’être vu par l’un
3247 côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’ éviter d’être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent,
3248 a place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’ être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent, on me l’a
3249 elles les augmenteront bien plutôt pour le punir d’ avoir été en face. Sans compter qu’on n’aime pas être accueilli par la
3250 e pas être accueilli par la réprobation sournoise d’ une épicière. 21 novembre 1933 Le bureau de poste. — Trois mètres sur
3251 illi par la réprobation sournoise d’une épicière. 21 novembre 1933 Le bureau de poste. — Trois mètres sur trois, et grille
3252 réprobation sournoise d’une épicière. 21 novembre 1933 Le bureau de poste. — Trois mètres sur trois, et grille épaisse au mi
3253 rnoise d’une épicière. 21 novembre 1933 Le bureau de poste. — Trois mètres sur trois, et grille épaisse au milieu. Derrièr
3254 épicière. 21 novembre 1933 Le bureau de poste. —  Trois mètres sur trois, et grille épaisse au milieu. Derrière la grille, le
3255 embre 1933 Le bureau de poste. — Trois mètres sur trois , et grille épaisse au milieu. Derrière la grille, le long visage de P
3256 sse au milieu. Derrière la grille, le long visage de Pédenaud. J’ai l’impression que je lui gâte la vie. Trois fois la sem
3257 denaud. J’ai l’impression que je lui gâte la vie. Trois fois la semaine au moins, il me voit venir avec une grande enveloppe
3258 ’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a rien d’ écrit à la main ? — Si, il y a des corrections écrites à la main. Péde
3259 nième fois son tarif, fait son calcul sur un bout de papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour
3260 ur un bout de papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuillets. Il en
3261 ’ai à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour-là, d’ une centaine de feuillets. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme
3262 payer 72 francs, pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuillets. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme avec vivacit
3263 francs, pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuillets. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme avec vivacité q
3264 Il faut tout recommencer. Finalement l’on décide d’ envoyer le manuscrit comme échantillon sans valeur. Port : quatre fran
3265 e manuscrit comme échantillon sans valeur. Port : quatre francs soixante-quinze. Dans l’après-midi, tandis que j’écris à ma ta
3266 mme échantillon sans valeur. Port : quatre francs soixante-quinze . Dans l’après-midi, tandis que j’écris à ma table, j’entends grincer
3267 ntends grincer la porte du jardin. C’est la femme de Pédenaud qui brandit un papier. J’accours : elle me tend une formule
3268 t un papier. J’accours : elle me tend une formule de télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une notification o
3269 un télégramme, c’est une notification officielle d’ avoir à verser sans délai la somme de Fr. 67.25 restant due sur l’envo
3270 n officielle d’avoir à verser sans délai la somme de Fr. 67.25 restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud, qu
3271 ielle d’avoir à verser sans délai la somme de Fr. 67.25 restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud, qui a voulu
3272 lai la somme de Fr. 67.25 restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud, qui a voulu en avoir le cœur net, a pri
3273 ue je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé «  d’ y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le co
3274 écute, sinon c’est lui qui sera forcé « d’y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le courrier. L’
3275 stal, discuter passionnément, trouver une formule d’ apaisement qui ménage toutes les susceptibilités, et finalement ne rie
3276 raît entre les gens d’ici et moi dès qu’il s’agit de mon travail et de ses conditions pratiques. Petits ennuis sans gravit
3277 s d’ici et moi dès qu’il s’agit de mon travail et de ses conditions pratiques. Petits ennuis sans gravité, bien sûr. Mais
3278 ns gravité, bien sûr. Mais quel drame dans la vie d’ un buraliste de recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit et transpi
3279 n sûr. Mais quel drame dans la vie d’un buraliste de recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit et transpire rien qu’à me
3280 peu, pour me faire pardonner. Pédenaud est mutilé de guerre. Il boite. On lui a donné cette recette auxiliaire à titre de
3281 te auxiliaire à titre de dédommagement. Salaire : 280 francs par mois « en comptant tout ». Sa femme fait des lessives. En
3282 het ?), mais s’il savait que j’ai dépensé près de 600 francs depuis trois semaines, il estimerait que j’exagère, même pour
3283 savait que j’ai dépensé près de 600 francs depuis trois semaines, il estimerait que j’exagère, même pour un riche. Je me sens
3284 dans la catégorie bourgeoise. Ma bonne conscience de pauvre n’aura pas duré bien longtemps. 16 décembre 1933 Derrière la m
3285 science de pauvre n’aura pas duré bien longtemps. 16 décembre 1933 Derrière la même pile d’assiettes où je crois avoir déj
3286 auvre n’aura pas duré bien longtemps. 16 décembre 1933 Derrière la même pile d’assiettes où je crois avoir déjà dit que j’av
3287 longtemps. 16 décembre 1933 Derrière la même pile d’ assiettes où je crois avoir déjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages
3288 tes où je crois avoir déjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages traitant de mon île, j’ai déniché ce matin une édition popul
3289 éjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages traitant de mon île, j’ai déniché ce matin une édition populaire de La Naissance
3290 île, j’ai déniché ce matin une édition populaire de La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre.
3291 in une édition populaire de La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’es
3292 n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dans cette espèce, ma
3293 ien à voir avec la critique littéraire. À la page 43 de l’édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent
3294 à voir avec la critique littéraire. À la page 43 de l’édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… c
3295 je lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces d’ un hérisson mort. » Cette phrase a fait dans mon esprit ce qu’on appel
3296 a fait dans mon esprit ce qu’on appelle un trait de lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous sommes réveillés co
3297 petit matin, nous nous sommes réveillés couverts de puces. J’exagère à peine : pour mon compte, j’en ai pris sept sur mon
3298 e, j’en ai pris sept sur mon pyjama dans l’espace de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sa
3299 j’en ai pris sept sur mon pyjama dans l’espace de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sautaie
3300 de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sautaient sur le couvre-pied. D’autres sur le planch
3301 l est vrai qu’on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrait pas suffire à rendre vraisemblable une hypoth
3302 ’explique sans peine désormais, grâce à la phrase de Colette. Je rapporte cette anecdote parce qu’elle comporte une conclu
3303 : pour la première fois depuis je ne sais combien d’ années, je viens de trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’u
3304 de trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’ une question précise. Grâce à Colette, je sais maintenant pourquoi not
3305 is maintenant pourquoi notre chambre était pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un symbole. Les
3306 tre chambre était pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un symbole. Les livres devraient être uti
3307 mme un symbole. Les livres devraient être utiles. 23 décembre 1933 J’écris ceci sur une table de café. À travers la vitrin
3308 le. Les livres devraient être utiles. 23 décembre 1933 J’écris ceci sur une table de café. À travers la vitrine, je vois le
3309 iles. 23 décembre 1933 J’écris ceci sur une table de café. À travers la vitrine, je vois le vieux port de cette vieille vi
3310 café. À travers la vitrine, je vois le vieux port de cette vieille ville, la plus proche de notre île, et où nous devons e
3311 che de notre île, et où nous devons encore passer deux heures en attendant le départ de l’autobus pour Taillefer. Nous somme
3312 encore passer deux heures en attendant le départ de l’autobus pour Taillefer. Nous sommes attablés ici depuis un bon mome
3313 blés ici depuis un bon moment déjà, tout contents de revoir le va-et-vient d’un lieu public, de lire les journaux de Paris
3314 ment déjà, tout contents de revoir le va-et-vient d’ un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarett
3315 ntents de revoir le va-et-vient d’un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarettes américaines au
3316 a-et-vient d’un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarettes américaines au goût de miel, introuv
3317 ’un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarettes américaines au goût de miel, introuvables dans l
3318 is et de fumer des cigarettes américaines au goût de miel, introuvables dans l’île. Pendant que ma femme lit des hebdomada
3319 mme lit des hebdomadaires, je vais renouer le fil de ce journal. Tout d’abord, j’ai à constater l’échec de notre première
3320 e journal. Tout d’abord, j’ai à constater l’échec de notre première tentative d’autonomie. Je ne suis pas arrivé à gagner
3321 i à constater l’échec de notre première tentative d’ autonomie. Je ne suis pas arrivé à gagner assez vite ce qu’il nous fal
3322 il nous fallait pour subsister après l’épuisement de notre réserve. J’ai travaillé beaucoup, mais je ne serai pas payé ava
3323 ui vit au jour le jour, il s’agit essentiellement d’ éviter les lacunes de cette sorte. (Ce que l’on nomme « difficultés de
3324 r, il s’agit essentiellement d’éviter les lacunes de cette sorte. (Ce que l’on nomme « difficultés de trésorerie » dans le
3325 de cette sorte. (Ce que l’on nomme « difficultés de trésorerie » dans les affaires, devient ici, évidemment, un obstacle
3326 évidemment, un obstacle absolu.) Assuré au moins de quelque argent à venir, j’ai accepté l’invitation d’un ami qui nous o
3327 quelque argent à venir, j’ai accepté l’invitation d’ un ami qui nous offre de passer trois semaines chez lui. Il habite à u
3328 j’ai accepté l’invitation d’un ami qui nous offre de passer trois semaines chez lui. Il habite à une petite journée de voy
3329 té l’invitation d’un ami qui nous offre de passer trois semaines chez lui. Il habite à une petite journée de voyage de notre
3330 semaines chez lui. Il habite à une petite journée de voyage de notre île. La leçon pratique de cette première expérience d
3331 hez lui. Il habite à une petite journée de voyage de notre île. La leçon pratique de cette première expérience de deux moi
3332 journée de voyage de notre île. La leçon pratique de cette première expérience de deux mois, c’est que la liberté ne s’imp
3333 e. La leçon pratique de cette première expérience de deux mois, c’est que la liberté ne s’improvise pas. Qu’il faut la con
3334 La leçon pratique de cette première expérience de deux mois, c’est que la liberté ne s’improvise pas. Qu’il faut la conquéri
3335 rir avec méthode, et organiser à l’avance un plan d’ attaque, prévoyant à un jour près la date d’arrivée des renforts. Je n
3336 plan d’attaque, prévoyant à un jour près la date d’ arrivée des renforts. Je ne suis pas trop fier de ma retraite stratégi
3337 d’arrivée des renforts. Je ne suis pas trop fier de ma retraite stratégique, mais tout de même bien décidé à renouveler m
3338 ma tentative, dans un mois. q. Rougemont Denis de , «  Journal d’un intellectuel en chômage  », La Revue du dimanche, su
3339 ans un mois. q. Rougemont Denis de, «  Journal d’ un intellectuel en chômage  », La Revue du dimanche, supplément hebdom
3340  », La Revue du dimanche, supplément hebdomadaire de la Revue de Lausanne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé d
3341 du dimanche, supplément hebdomadaire de la Revue de Lausanne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé de la note su
3342 hebdomadaire de la Revue de Lausanne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé de la note suivante : « Par les soins
3343 re de la Revue de Lausanne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé de la note suivante : « Par les soins de la Guilde
3344 ne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé de la note suivante : « Par les soins de la Guilde du Livre, à Lausanne,
3345 r. Précédé de la note suivante : « Par les soins de la Guilde du Livre, à Lausanne, paraîtra très prochainement un ouvrag
3346 Lausanne, paraîtra très prochainement un ouvrage de notre compatriote, l’excellent écrivain neuchâtelois Denis de Rougeme
3347 rivain neuchâtelois Denis de Rougement : Journal d’ un intellectuel en chômage . Grâce à la complaisance du directeur de l
3348 en chômage . Grâce à la complaisance du directeur de la Guilde, M. A. Mermoud, nous sommes en mesure d’offrir à nos lecteu
3349 e la Guilde, M. A. Mermoud, nous sommes en mesure d’ offrir à nos lecteurs la primeur de quelques pages de ce livre. Dans c
3350 mmes en mesure d’offrir à nos lecteurs la primeur de quelques pages de ce livre. Dans ces pages, l’auteur peint notamment
3351 ffrir à nos lecteurs la primeur de quelques pages de ce livre. Dans ces pages, l’auteur peint notamment le milieu où il s’
17 1937, Articles divers (1936-1938). Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)
3352 Extraits de … Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)s t Il faut pa
3353 Extraits de… Journal d’ un intellectuel en chômage (15 août 1937)s t Il faut parler des « a
3354 xtraits de… Journal d’un intellectuel en chômage ( 15 août 1937)s t Il faut parler des « autocars ». Je ne sais si l’on
3355 de… Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937 )s t Il faut parler des « autocars ». Je ne sais si l’on se doute à
3356 « autocars ». Je ne sais si l’on se doute à Paris de l’importance des autocars et des transformations qu’ils sont en train
3357 la vie provinciale. Je n’ai pas compté le nombre de lignes actuellement exploitées. Mais j’ai pu constater dans plusieurs
3358 ais j’ai pu constater dans plusieurs départements de l’Ouest qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par u
3359 rs départements de l’Ouest qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou même trois compagnie
3360 guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou même trois compagnies de transports locaux. Depuis que j’ai quitté
3361 ys » qui ne soit desservi par une ou deux ou même trois compagnies de transports locaux. Depuis que j’ai quitté Paris, j’ai b
3362 desservi par une ou deux ou même trois compagnies de transports locaux. Depuis que j’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé un
3363 ’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé une vingtaine de ces lignes. Je commence à connaître leurs coutumes : rien ne pouvait
3364 us rapidement et plus profondément « la coutume » de la France rurale. Mais ce n’est pas encore assez dire : l’autocar mod
3365 sez dire : l’autocar modifie complètement le mode de contact entre le voyageur et la province. Naguère encore, quand on n’
3366 out convergeait vers Paris, non seulement du fait d’ une organisation ferroviaire centralisée, mais encore sentimentalement
3367 s à l’heure, où l’on se sentait relégué à l’écart de la « vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère que des gares, ce q
3368 nt dans chaque village. Aujourd’hui, les stations d’ autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on part au milie
3369 ns d’autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là q
3370 de là qu’on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là qu’on arrive à grands sons de trompe, c’est enfin c
3371 e de badauds, c’est là qu’on arrive à grands sons de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie
3372 de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’insulte à la vie locale
3373 ux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’ insulte à la vie locale ; elle la traversait abstraitement, sans la vo
3374 it abstraitement, sans la voir, sans tenir compte de ses circonstances. Sur ses bords ne vivait qu’une population nomade,
3375 qu’une population nomade, qui portait l’uniforme de l’État, partout la même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France
3376 e l’État, partout la même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France de part en part sans remarquer que les gens qui l’habi
3377 même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France de part en part sans remarquer que les gens qui l’habitent ne sont pas t
3378 quer que les gens qui l’habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’une province à une autre, ce n’est pas seulem
3379 abitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’ une province à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui change
3380 » dans la nation abstraitement unifiée ? La ligne d’ autocar fait partie du pays. Elle en épouse la géographie physique mai
3381 voiture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foir
3382 thmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foires, dans les districts ruraux, et ailleurs d
3383 es foires, dans les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intentio
3384 les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intention d’utiliser ce
3385 tie des usines ou des écoles. La simple intention d’ utiliser ce moyen de transport vous met en contact avec toutes sortes
3386 s écoles. La simple intention d’utiliser ce moyen de transport vous met en contact avec toutes sortes d’habitudes locales.
3387 transport vous met en contact avec toutes sortes d’ habitudes locales. D’abord il faut aller dans deux ou trois cafés pour
3388 s d’habitudes locales. D’abord il faut aller dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum de précisions concernant l’heu
3389 tudes locales. D’abord il faut aller dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum de précisions concernant l’heure du pro
3390 dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum de précisions concernant l’heure du prochain départ et la destination de
3391 enant du voyage lui-même ? C’est une résurrection de ce que Vigny pleurait, la poésie des diligences, mais aérée. C’est fa
3392 la poésie des diligences, mais aérée. C’est fait d’ une foule d’incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conve
3393 es diligences, mais aérée. C’est fait d’une foule d’ incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conversations abs
3394 incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conversations absurdes et rapidement intimes, avec ce personnage enfo
3395 ge enfoui à côté de vous dans un luxueux fauteuil de cuir rouge ou bleu vif, et qui change de tête plusieurs fois pendant
3396 fauteuil de cuir rouge ou bleu vif, et qui change de tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main aux voyageurs
3397 change de tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou
3398 le trajet, de coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêt
3399 coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’ un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détour
3400 yageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou d’ un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les
3401 ’un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’ arrêts et de détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontier
3402 au, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontiers toutes sor
3403 les chauffeurs acceptent volontiers toutes sortes de petites commissions que de vieilles dames leur confient au départ ave
3404 lontiers toutes sortes de petites commissions que de vieilles dames leur confient au départ avec force recommandations ; e
3405 andations ; et ils sont rares, ceux qui n’ont pas deux mots à dire par la portière entr’ouverte un instant à la fille de l’a
3406 ar la portière entr’ouverte un instant à la fille de l’auberge écartée qui attend le passage du car, les cheveux au vent,
3407 passage du car, les cheveux au vent, sur le bord de la route. Rien n’est plus sympathique qu’un conducteur de car. Cela t
3408 ute. Rien n’est plus sympathique qu’un conducteur de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce sont en général de jeune
3409 ient évidemment à leur métier. Ce sont en général de jeunes gaillards solides et gais, et qui ont toutes les raisons d’aim
3410 ds solides et gais, et qui ont toutes les raisons d’ aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, c
3411 qui ont toutes les raisons d’aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, cela vous pose dans l’e
3412 à bord de sa puissante machine, et l’on bénéficie de ces petites faveurs que les femmes ont toujours accordées à ceux qui
3413 ndent et disposent, ne fût-ce que pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’entr
3414 , voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’ entreprendre une belle révolution, qui rajeunisse la France : ils ont
3415 ur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’ esprit que les bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuent par erreur
3416 dont ils disposent et qui seraient décisifs lors d’ une action rapide. Mais loin de moi ces ambitions : ceux qui les ont n
3417 ne suis qu’un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais dû noter plus tôt. Le monsieur rencontré da
3418 er plus tôt. Le monsieur rencontré dans l’autocar de Taillefer voulait savoir quel était mon métier. Et quand j’eus dit qu
3419 fique à jouer dans la société. Vous avez le temps de réfléchir et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où iri
3420 ns la société. Vous avez le temps de réfléchir et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, n
3421 avez le temps de réfléchir et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, nous qui ne croyons
3422 ptez, monsieur, lui dis-je, qu’un écrivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’un homme normal, mettons qu’un fonction
3423 lui dis-je, qu’un écrivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’un homme normal, mettons qu’un fonctionnaire c’était
3424 aux circonstances mêmes qui l’ont mis dans le cas d’ écrire. Car ou bien l’on écrit ce que l’on ne peut pas faire, et c’est
3425 it ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’ une faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui compliquent
3426 eut pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’ une ambition excessive, deux choses qui compliquent fort la vie, je cr
3427 aveu d’une faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui compliquent fort la vie, je crois ; ou bien l’on écrit des
3428 des choses intelligentes, et c’est encore l’aveu d’ une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; on bien l
3429 d’une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; on bien l’on écrit simplement pour gagner sa chienne de vi
3430 bien l’on écrit simplement pour gagner sa chienne de vie, et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui
3431 r gagner sa chienne de vie, et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se puisse imaginer, dans les a
3432 dans les antres rédactionnels. Je dis les antres. De toute façon, un écrivain est par nature un empêtré. Et voilà le parad
3433 ’injustice : c’est qu’on attend, qu’on exige même de ces gens-là des vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets
3434 -là des vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets qui suffiraient à rendre heureux les plus indignes, et ingéni
3435 je ne sais quelle supériorité humaine, quel luxe d’ énergie ou d’invention qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient d
3436 uelle supériorité humaine, quel luxe d’énergie ou d’ invention qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient de leurs déten
3437 ion qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient de leurs détenteurs non point des écrivains mais des Don Juan, des dicta
3438 aurez compris cela, vous cesserez, je le crains, d’ envier ma condition… s. Rougemont Denis de, « Extraits de… Journal
3439 ins, d’envier ma condition… s. Rougemont Denis de , « Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage  », Le Journal,
3440 a condition… s. Rougemont Denis de, « Extraits de … Journal d’un intellectuel en chômage  », Le Journal, 15 août 1937, p
3441 s. Rougemont Denis de, « Extraits de… Journal d’ un intellectuel en chômage  », Le Journal, 15 août 1937, p. 2. t. Pré
3442 rnal d’un intellectuel en chômage  », Le Journal, 15 août 1937, p. 2. t. Précédé de la notice suivante : « Brillant essay
3443 n intellectuel en chômage  », Le Journal, 15 août 1937, p. 2. t. Précédé de la notice suivante : « Brillant essayiste dans d
3444 e  », Le Journal, 15 août 1937, p. 2. t. Précédé de la notice suivante : « Brillant essayiste dans deux ouvrages déjà rem
3445 de la notice suivante : « Brillant essayiste dans deux ouvrages déjà remarqués : Penser avec les mains et Politique du pe
3446 personnalisme [sic], M. Denis de Rougemont vient d’ illustrer ce que l’on peut appeler sa « doctrine », en nous donnant, s
3447 r sa « doctrine », en nous donnant, sous le titre de Journal d’un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’obs
3448 rine », en nous donnant, sous le titre de Journal d’ un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’observations e
3449 Journal d’un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’observations et de jugements. Il y montre ce que peut a
3450 ntellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’ observations et de jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidi
3451 mage, un recueil de réflexions, d’observations et de jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidien cet effort de r
3452 ns et de jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidien cet effort de restauration morale — et sociale — qui s’impo
3453 montre ce que peut avoir de quotidien cet effort de restauration morale — et sociale — qui s’impose aux nouvelles générat
3454 nouvelles générations. Par les menues expériences d’ une vie diminuée et matériellement difficile, M. Denis de Rougemont sa
3455 sait tracer un tableau très vivant et très nuancé de la province française, ainsi qu’en témoigne cet extrait. »
18 1937, Articles divers (1936-1938). « Subjectivité et transcendance », Lettre de M. Denis de Rougemont (décembre 1937)
3456 « Subjectivité et transcendance », Lettre de M. Denis de Rougemont (décembre 1937)w x Pourquoi voulez-vous — ou
3457 ance », Lettre de M. Denis de Rougemont (décembre 1937 )w x Pourquoi voulez-vous — ou veulent-ils — que la philosophie se
3458 — ou veulent-ils — que la philosophie se purifie de théologie ? La théologie vaut bien la science. C’est même une science
3459 ctes, dont les fondements sont renversés tous les vingt ans de fond en comble. Je ne pense pas que la transcendance puisse ja
3460 les fondements sont renversés tous les vingt ans de fond en comble. Je ne pense pas que la transcendance puisse jamais êt
3461 Nietzsche : dans la mesure où elle est un élément de transcendance, la nature devient divinité (et ne peut pas ne pas le d
3462 pas le devenir). Pour ma part, je ne conçois pas de relation concrète à la transcendance où manquerait le sentiment du di
3463 nous oriente utilement vers une nouvelle analyse de la transcendance dans son rapport aux puissances de l’imagination et
3464 la transcendance dans son rapport aux puissances de l’imagination et non seulement dans son rapport à l’éthique. w. Ro
3465 ns son rapport à l’éthique. w. Rougemont Denis de , « Lettre de M. Denis de Rougemont », Bulletin de la Société français
3466 t à l’éthique. w. Rougemont Denis de, « Lettre de M. Denis de Rougemont », Bulletin de la Société française de philosop
3467 de, « Lettre de M. Denis de Rougemont », Bulletin de la Société française de philosophie, Paris, décembre 1937, p. 204. x
3468 de Rougemont », Bulletin de la Société française de philosophie, Paris, décembre 1937, p. 204. x. Lettre publiée parmi l
3469 Société française de philosophie, Paris, décembre 1937, p. 204. x. Lettre publiée parmi les réactions à la conférence de Jea
3470 ettre publiée parmi les réactions à la conférence de Jean Wahl, « Subjectivité et transcendance ».
19 1938, Articles divers (1936-1938). Réponse à Pierre Beausire (15 janvier 1938)
3471 Réponse à Pierre Beausire ( 15 janvier 1938)y M. Pierre Beausire80 demande aux personnalistes « d
3472 Réponse à Pierre Beausire (15 janvier 1938 )y M. Pierre Beausire80 demande aux personnalistes « de ne point pe
3473 M. Pierre Beausire80 demande aux personnalistes «  de ne point perdre leur temps et leurs forces à discuter avec leurs adve
3474 avec leurs adversaires ». Il leur demande ensuite de prendre le pouvoir. Mais avant de prendre le pouvoir, il faut convain
3475 il faut convaincre, sinon l’on se verra contraint d’ exercer cette dictature que l’on se proposait justement de combattre,
3476 r cette dictature que l’on se proposait justement de combattre, et qui est celle de l’État totalitaire. Or, pour convaincr
3477 roposait justement de combattre, et qui est celle de l’État totalitaire. Or, pour convaincre, il faut entre autres dissipe
3478 discuter. Au surplus, je ne sais pas si le terme d’ adversaire convient à M. Pierre Beausire. Il approuve notre réaction (
3479 il énumère nos réclamations, il ajoute en parlant de leurs auteurs : « On ne peut que les suivre et les approuver. » En so
3480 mme, il se rangerait à nos côtés pour l’essentiel de ce que nous avons dit dans notre numéro spécial81. S’il nous attaque,
3481 ordés, et sur des thèses que je souhaite qu’aucun de nous ne soutienne jamais. Précisons. ⁂ « Au nom de quel principe s’in
3482 e que le personnalisme ? « C’est l’amour abstrait de l’humanité. » Erreur totale et malentendu maximum. S’il fallait à tou
3483 tus toutes passives et féminines) » (au sentiment de l’auteur), mais c’est, au contraire, la volonté d’agir dans le sens d
3484 e l’auteur), mais c’est, au contraire, la volonté d’ agir dans le sens de ce qui libère en l’homme les forces de résistance
3485 est, au contraire, la volonté d’agir dans le sens de ce qui libère en l’homme les forces de résistance et de création, sys
3486 ns le sens de ce qui libère en l’homme les forces de résistance et de création, systématiquement déprimées par les tyranni
3487 qui libère en l’homme les forces de résistance et de création, systématiquement déprimées par les tyrannies que l’on sait.
3488 se une. Il est, à mon sens, la tradition centrale de l’Occident, l’élément civilisateur de notre civilisation, le caractèr
3489 on centrale de l’Occident, l’élément civilisateur de notre civilisation, le caractère spécifique de la pensée et de la vie
3490 ur de notre civilisation, le caractère spécifique de la pensée et de la vie des hommes qui ont fait l’Europe et qui veulen
3491 lisation, le caractère spécifique de la pensée et de la vie des hommes qui ont fait l’Europe et qui veulent la maintenir.
3492 que les déviations complémentaires et périodiques de cette ligne de plus grande efficacité. Le mouvement personnaliste ne
3493 ns l’Europe actuelle se déchaînent des puissances de mort, spirituelles et matérielles, radicalement contraires au génie d
3494 et matérielles, radicalement contraires au génie de l’Occident. Ces puissances nous ont obligés, par leurs menaces instan
3495 ntes et brutales, à prendre une conscience active de ce qui, depuis nos origines, n’était que le sous-entendu de tous nos
3496 depuis nos origines, n’était que le sous-entendu de tous nos efforts créateurs. Cette prise de conscience active s’est ef
3497 on des idéologies totalitaires, en termes proches de l’anarchisme, etc. Comme l’Europe, le personnalisme est essentielleme
3498 ste. Il exalte les différences en ce qu’elles ont de créateur. Il veut une organisation de la cité qui leur permette de s’
3499 u’elles ont de créateur. Il veut une organisation de la cité qui leur permette de s’exprimer. Telle est la forme que revêt
3500 eut une organisation de la cité qui leur permette de s’exprimer. Telle est la forme que revêt « la charité personnaliste »
3501 arité personnaliste », pour reprendre une formule d’ Arnaud Dandieu (qui d’ailleurs était nietzschéen). Que le christianism
3502 de la foi, ils connaissent l’Histoire, et savent de quoi l’Europe s’est faite. Pierre Beausire ne craint pas de proclamer
3503 Europe s’est faite. Pierre Beausire ne craint pas de proclamer que « si l’on veut parler à des hommes, et non à des enfant
3504 oncer à invoquer le Christ ». Je ne craindrai pas de lui répondre que ce n’est pas là parler en homme, ni en enfant, mais
3505 lescent impénitent. ⁂ Je ne sais trop quelle dose d’ ironie M. Beausire joint à son vœu final : « Qu’ils s’emparent hardime
3506 oir dans cet État, et, en manifestant la noblesse de leur caractère, nous délivrent du triste spectacle que nous avons sou
3507 tâche. « Le peuple a besoin — nous dit l’auteur — de chefs d’une souveraine dignité, d’une intelligence froide et d’un jug
3508 Le peuple a besoin — nous dit l’auteur — de chefs d’ une souveraine dignité, d’une intelligence froide et d’un jugement dro
3509 dit l’auteur — de chefs d’une souveraine dignité, d’ une intelligence froide et d’un jugement droit. » Où trouve-t-on cela 
3510 souveraine dignité, d’une intelligence froide et d’ un jugement droit. » Où trouve-t-on cela ? Dans les livres de Nietzsch
3511 nt droit. » Où trouve-t-on cela ? Dans les livres de Nietzsche. Mais non pas encore dans l’Histoire ? Si ce n’est pas une
3512 aibles et les sceptiques, pour ceux qui craignent de se perdre en s’engageant, et préfèrent la littérature ; si ce n’est p
3513 rent la littérature ; si ce n’est pas une manière de « grève perlée » que de n’accepter la lutte que dans ces termes ; si
3514 ce n’est pas une manière de « grève perlée » que de n’accepter la lutte que dans ces termes ; si cet idéal est possible,
3515  ; si cet idéal est possible, si Beausire connaît de tels chefs, ou désire en devenir un, qu’il nous amène ce précieux ren
3516 s amène ce précieux renfort, et nous le saluerons d’ un vivat ! Nous saurons très bien nous entendre avec tous ceux qui veu
3517 ulent sauver non point nos âmes — c’est l’affaire de Dieu seul — mais bien la possibilité de vivre et de créer sa vérité —
3518 l’affaire de Dieu seul — mais bien la possibilité de vivre et de créer sa vérité — bonne ou mauvaise — contre les fous tot
3519 Dieu seul — mais bien la possibilité de vivre et de créer sa vérité — bonne ou mauvaise — contre les fous totalitaires de
3520 bonne ou mauvaise — contre les fous totalitaires de droite ou de gauche, leurs guerres et leurs cultes d’État. 80. Voir
3521 vaise — contre les fous totalitaires de droite ou de gauche, leurs guerres et leurs cultes d’État. 80. Voir numéro du 1e
3522 roite ou de gauche, leurs guerres et leurs cultes d’ État. 80. Voir numéro du 1er décembre 1937 : Le Personnalisme en Sui
3523 e gauche, leurs guerres et leurs cultes d’État. 80. Voir numéro du 1er décembre 1937 : Le Personnalisme en Suisse. 81. L
3524 rres et leurs cultes d’État. 80. Voir numéro du 1er décembre 1937 : Le Personnalisme en Suisse. 81. La réserve indiquée
3525 cultes d’État. 80. Voir numéro du 1er décembre 1937  : Le Personnalisme en Suisse. 81. La réserve indiquée sur « le Suiss
3526 1er décembre 1937 : Le Personnalisme en Suisse. 81. La réserve indiquée sur « le Suisse », auquel Beausire croit que je c
3527 se », auquel Beausire croit que je crois, résulte d’ un malentendu. Je crois à « l’idée suisse » telle que l’exprime Liehbu
3528 e l’exprime Liehburg. Idée qui exclut l’existence d’ un type suisse racial, ou « national » au sens unitaire. Je ne crois m
3529 ois même pas à l’homo alpinus, création polémique de Ramuz. y. Rougemont Denis de, « Réponse à Pierre Beausire », Suisse
3530 création polémique de Ramuz. y. Rougemont Denis de , « Réponse à Pierre Beausire », Suisse romande, Morges, 15 janvier 19
3531 onse à Pierre Beausire », Suisse romande, Morges, 15 janvier 1938, p. 182-184.
3532 re Beausire », Suisse romande, Morges, 15 janvier 1938, p. 182-184.
20 1938, Articles divers (1936-1938). Søren Kierkegaard (février 1938)
3533 Søren Kierkegaard (février 1938 )z Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813. Son père avait passé so
3534 rier 1938)z Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813. Son père avait passé son enfance à garder les moutons dans la plaine
3535 udit le Dieu Tout-Puissant qui le laissait mourir de faim. Ce blasphème assombrit sa vie, et la révélation qu’en eut plus
3536 re éducation piétiste, un secret qu’il qualifiera de terrifiant, et une belle aisance matérielle. Du secret, il tira une p
3537 aisance matérielle. Du secret, il tira une partie de son œuvre : son analyse du désespoir considéré comme une révolte cont
3538 ésespoir considéré comme une révolte contre Dieu. De sa fortune, il ne voulut tirer nul intérêt : il la confia à l’un de s
3539 ne voulut tirer nul intérêt : il la confia à l’un de ses frères, pour éviter d’avoir affaire aux banques, et lorsqu’il mou
3540  : il la confia à l’un de ses frères, pour éviter d’ avoir affaire aux banques, et lorsqu’il mourut, l’on s’aperçut qu’il n
3541 ’il mourut, l’on s’aperçut qu’il n’en restait que 200 francs. Cette fortune provenait d’une malédiction, pensait-il. Il l’a
3542 n restait que 200 francs. Cette fortune provenait d’ une malédiction, pensait-il. Il l’avait donc dilapidée sans compter, m
3543 ée sans compter, mais surtout en dons généreux. À 27 ans, il terminait ses études de théologie, et se fiançait avec une je
3544 dons généreux. À 27 ans, il terminait ses études de théologie, et se fiançait avec une jeune fille de 18 ans, Régine Olse
3545 de théologie, et se fiançait avec une jeune fille de 18 ans, Régine Olsen. Tout le monde connaît le drame de ces fiançaill
3546 théologie, et se fiançait avec une jeune fille de 18 ans, Régine Olsen. Tout le monde connaît le drame de ces fiançailles
3547 ans, Régine Olsen. Tout le monde connaît le drame de ces fiançailles douloureusement rompues au bout d’un an. L’idée que K
3548 sa devise devait fatalement le conduire au refus d’ une perspective de bonheur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai to
3549 fatalement le conduire au refus d’une perspective de bonheur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai tout de son existenc
3550 eur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai tout de son existence singulière. (Que d’autres y cherchent des raisons physi
3551 t des raisons physiologiques ; c’est probable, et de peu de portée). Au lendemain de sa rupture, il partit pour Berlin où
3552 ’est probable, et de peu de portée). Au lendemain de sa rupture, il partit pour Berlin où il désirait suivre les cours de
3553 artit pour Berlin où il désirait suivre les cours de Schelling. Il y demeura quelques mois, puis il revint à Copenhague po
3554 ener une existence solitaire, jusqu’à sa mort, en 1835. Il travaillait une grande partie de la nuit. Georg Brandes raconte qu
3555 a mort, en 1835. Il travaillait une grande partie de la nuit. Georg Brandes raconte qu’on pouvait le voir, de la rue, arpe
3556 uit. Georg Brandes raconte qu’on pouvait le voir, de la rue, arpenter longuement les pièces illuminées de ses vastes appar
3557 la rue, arpenter longuement les pièces illuminées de ses vastes appartements. Dans chaque chambre il faisait disposer une
3558 on le voyait parcourir les rues les plus animées de la ville, parlant, riant et discutant avec les bourgeois, avec des je
3559 ssi que cet original était le plus grand écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense succès : c’était l’Alterna
3560 e succès : c’était l’Alternative, qu’il publia en 1843. La même année parurent deux autres ouvrages, signés de pseudonymes (L
3561 ive, qu’il publia en 1843. La même année parurent deux autres ouvrages, signés de pseudonymes (La Répétition, Crainte et Tre
3562 même année parurent deux autres ouvrages, signés de pseudonymes (La Répétition, Crainte et Tremblement) et deux recueils
3563 onymes (La Répétition, Crainte et Tremblement) et deux recueils de Discours édifiants, signés de son nom. Mais à mesure qu’i
3564 étition, Crainte et Tremblement) et deux recueils de Discours édifiants, signés de son nom. Mais à mesure qu’il faisait mi
3565 t) et deux recueils de Discours édifiants, signés de son nom. Mais à mesure qu’il faisait mieux voir le fond chrétien de s
3566 mesure qu’il faisait mieux voir le fond chrétien de sa pensée, le public s’écarta, effrayé. Et lorsqu’en 1831, il se mit
3567 pensée, le public s’écarta, effrayé. Et lorsqu’en 1831, il se mit à attaquer avec une extrême violence, le christianisme offi
3568 a lutte qu’il menait seul contre tous, il tombait d’ épuisement au cours d’une promenade en ville. On le transporta à l’hôp
3569 eul contre tous, il tombait d’épuisement au cours d’ une promenade en ville. On le transporta à l’hôpital où il mourut pais
3570 ami, le pasteur Boesen : « Salue tous les hommes de tua part, je les aimais bien, tous… » Le seul événement extérieur de
3571 aimais bien, tous… » Le seul événement extérieur de sa vie avait été la rupture de ses fiançailles. Mais l’acte qui résum
3572 vénement extérieur de sa vie avait été la rupture de ses fiançailles. Mais l’acte qui résume toute son œuvre, cet acte apr
3573 e Hamlet — autre Danois ! — il put mourir certain d’ avoir accompli sa mission, ce fut l’attaque qu’il mena contre l’Église
3574 aque qu’il mena contre l’Église établie et contre dix-huit siècles de chrétienté officielle — attaque contre le « monde chrétien
3575 ontre l’Église établie et contre dix-huit siècles de chrétienté officielle — attaque contre le « monde chrétien » au nom d
3576 nom du Christ des évangiles. ⁂ Toute mon activité d’ auteur — nous dit-il dans son Point de vue explicatif sur mon œuvre —
3577 ns cesse le devenir, et le devenir dans l’instant de la foi, qui est l’instant de l’acte d’obéissance. Cessons de prendre
3578 venir dans l’instant de la foi, qui est l’instant de l’acte d’obéissance. Cessons de prendre le christianisme « à bon marc
3579 l’instant de la foi, qui est l’instant de l’acte d’ obéissance. Cessons de prendre le christianisme « à bon marché », comm
3580 qui est l’instant de l’acte d’obéissance. Cessons de prendre le christianisme « à bon marché », comme les évêques. Pensée
3581 bon marché », comme les évêques. Pensée centrale de l’œuvre énorme de Kierkegaard (40 volumes en douze années). Pensée qu
3582 me les évêques. Pensée centrale de l’œuvre énorme de Kierkegaard (40 volumes en douze années). Pensée qu’il défendit et qu
3583 Pensée centrale de l’œuvre énorme de Kierkegaard ( 40 volumes en douze années). Pensée qu’il défendit et qu’il servit de to
3584 e de l’œuvre énorme de Kierkegaard (40 volumes en douze années). Pensée qu’il défendit et qu’il servit de toutes les forces d
3585 ze années). Pensée qu’il défendit et qu’il servit de toutes les forces de son génie universel de poète, de philosophe, d’i
3586 ’il défendit et qu’il servit de toutes les forces de son génie universel de poète, de philosophe, d’ironiste et de théolog
3587 ervit de toutes les forces de son génie universel de poète, de philosophe, d’ironiste et de théologien. Il se trouvait dev
3588 outes les forces de son génie universel de poète, de philosophe, d’ironiste et de théologien. Il se trouvait devant un mon
3589 s de son génie universel de poète, de philosophe, d’ ironiste et de théologien. Il se trouvait devant un monde où tout avai
3590 universel de poète, de philosophe, d’ironiste et de théologien. Il se trouvait devant un monde où tout avait été brouille
3591 miques. L’évêque Nynster venait de mourir, comblé d’ honneurs et de gloire mondaine. Sur sa tombe son successeur le qualifi
3592 ue Nynster venait de mourir, comblé d’honneurs et de gloire mondaine. Sur sa tombe son successeur le qualifia, selon l’usa
3593 tombe son successeur le qualifia, selon l’usage, de « grand témoin de la vérité ». Kierkegaard écrivit alors un article i
3594 eur le qualifia, selon l’usage, de « grand témoin de la vérité ». Kierkegaard écrivit alors un article indigné, qui provoq
3595 provoqua un énorme scandale. Il décrivait la vie de Nynster. Était-ce celle d’un témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kie
3596 e. Il décrivait la vie de Nynster. Était-ce celle d’ un témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la
3597 ait la vie de Nynster. Était-ce celle d’un témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la vérité, c’e
3598 vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie est familière avec toute espèce
3599 homme dont la vie est familière avec toute espèce de souffrance, … un homme qui témoigne dans le dénuement, la misère et l
3600 traîné en prison, et puis enfin — car c’est bien d’ un véritable témoin de la vérité qu’on nous parle — et puis enfin cruc
3601 puis enfin — car c’est bien d’un véritable témoin de la vérité qu’on nous parle — et puis enfin crucifié, décapité, brûlé
3602 ndroit écarté, sans être enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa vie et son existence, sa mort et son enterrement, et l’
3603 ue Nynster, nous dit-on, fut un des vrais témoins de la vérité ! En vérité, il y a quelque chose de plus contraire au chri
3604 istianisme que n’importe quelle hérésie, et c’est de jouer au christianisme, d’en écarter les dangers, et de jouer ensuite
3605 elle hérésie, et c’est de jouer au christianisme, d’ en écarter les dangers, et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynste
3606 er au christianisme, d’en écarter les dangers, et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynster était un témoin de la vérit
3607 suite au jeu que l’évêque Nynster était un témoin de la vérité. Cas symbolique aux yeux de Kierkegaard. Il fallait un rap
3608 llait un rappel à l’ordre. Il le devint lui-même, de tout son être. Et il savait ce que cela devait lui coûter. Car le mon
3609 une confusion impensable, et n’en conçoivent pas de malaise. D’autres, qui s’essaient à penser en fin de semaine, comme o
3610 malaise. D’autres, qui s’essaient à penser en fin de semaine, comme on fait un peu d’ordre dans l’appartement, reculent bi
3611 à penser en fin de semaine, comme on fait un peu d’ ordre dans l’appartement, reculent bientôt devant l’énormité — l’absen
3612 t, reculent bientôt devant l’énormité — l’absence de normes — de la vie telle qu’ils la découvrent. Ils se rendorment, ou
3613 bientôt devant l’énormité — l’absence de normes — de la vie telle qu’ils la découvrent. Ils se rendorment, ou bien édifien
3614 u bien édifient des systèmes (qu’ils se garderont d’ habiter). Ceux qui persistent cependant, s’aperçoivent que l’entrepris
3615 tre mortellement compromettante. Aussi l’histoire de la pensée n’est-elle peut-être que la chronique de ses retraites éloq
3616 e la pensée n’est-elle peut-être que la chronique de ses retraites éloquentes. Très peu vont jusqu’au bout de leur emporte
3617 abat. Un seul, je crois, parvint dans l’intégrité de sa force à une mort que toute son œuvre provoquait et qui vaincue par
3618 ans les derniers instants le vrai sens, la valeur de destin de la pensée qui aboutissait là. Contempler dans sa mort la « 
3619 rniers instants le vrai sens, la valeur de destin de la pensée qui aboutissait là. Contempler dans sa mort la « fin » de s
3620 boutissait là. Contempler dans sa mort la « fin » de sa passion et l’accomplissement de sa foi, tel fut le sort de Kierkeg
3621 ort la « fin » de sa passion et l’accomplissement de sa foi, tel fut le sort de Kierkegaard, son incommensurable grandeur.
3622 n et l’accomplissement de sa foi, tel fut le sort de Kierkegaard, son incommensurable grandeur. Un acharnement sans pareil
3623 à forcer l’esprit sur l’obstacle du désespoir et de l’absurdité de l’existence ; toute une vie tendue vers l’impossible,
3624 rit sur l’obstacle du désespoir et de l’absurdité de l’existence ; toute une vie tendue vers l’impossible, toute une œuvre
3625 une vie tendue vers l’impossible, toute une œuvre de sarcasmes précis contre les innombrables tentations d’une religion qu
3626 rcasmes précis contre les innombrables tentations d’ une religion qui n’est pas Dieu ; et soudain, sur son lit de mort, cet
3627 gion qui n’est pas Dieu ; et soudain, sur son lit de mort, cette phrase : Je ne pense pas que ce soit mauvais, ce que j’a
3628 ur arriver à Alléluia ! Alléluia ! Alléluia !82 Deux documents éclairent le mystère de ce triomphe, le sens dernier de cet
3629 lléluia !82 Deux documents éclairent le mystère de ce triomphe, le sens dernier de cette vie et de cette mort. Le premie
3630 airent le mystère de ce triomphe, le sens dernier de cette vie et de cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer l
3631 e de ce triomphe, le sens dernier de cette vie et de cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer les hommes à être
3632 ier de cette vie et de cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer les hommes à être attentifs et à juger, c’est e
3633 r son action, il a compris qu’elle faisait partie de son action, oui, que cette action ne commencerait vraiment qu’avec sa
3634 83 On trouve le second document dans le journal de l’hôpital où vint mourir Kierkegaard (c’est un interne qui transcrit
3635 toutes ses forces spirituelles et toute son œuvre d’ écrivain… S’il reste en vie, dit-il, il poursuivra sa lutte religieuse
3636 oit alors affaiblie. Au contraire sa mort donnera de la force à son attaque, et lui assurera, pense-t-il, la victoire.84
3637 , et lui assurera, pense-t-il, la victoire.84 ⁂ De cette œuvre considérable, il ne saurait être question, ici, de résume
3638 e considérable, il ne saurait être question, ici, de résumer ne fût-ce que les thèmes directeurs. Il faut y aller voir dan
3639 publie ces jours-ci. Mais il sera peut-être utile d’ insister sur deux caractères qui ne peuvent manquer de frapper, de ret
3640 s-ci. Mais il sera peut-être utile d’insister sur deux caractères qui ne peuvent manquer de frapper, de retenir ou de repous
3641 sister sur deux caractères qui ne peuvent manquer de frapper, de retenir ou de repousser le lecteur non prévenu : la « dif
3642 eux caractères qui ne peuvent manquer de frapper, de retenir ou de repousser le lecteur non prévenu : la « difficulté » de
3643 qui ne peuvent manquer de frapper, de retenir ou de repousser le lecteur non prévenu : la « difficulté » de Kierkegaard e
3644 ousser le lecteur non prévenu : la « difficulté » de Kierkegaard et sa dialectique du sérieux et de l’ironie. Kierkegaard
3645  » de Kierkegaard et sa dialectique du sérieux et de l’ironie. Kierkegaard est difficile parce qu’il est simple. « La pur
3646 arce qu’il est simple. « La pureté du cœur, c’est de vouloir une seule chose », écrit-il. Mais cette seule chose nécessair
3647 re, c’est « en vertu de l’absurde », c’est-à-dire de l’incarnation de Dieu en Christ. On ne peut pas le comprendre : on le
3648 rtu de l’absurde », c’est-à-dire de l’incarnation de Dieu en Christ. On ne peut pas le comprendre : on le souffre. On l’ai
3649 s autres, sauf Empédocle et Nietzsche, ont refusé de signer de leur sang le pacte qui lie le penseur à Méphisto : expérime
3650 sauf Empédocle et Nietzsche, ont refusé de signer de leur sang le pacte qui lie le penseur à Méphisto : expérimentateurs q
3651 avant la décision mortelle. Concession, la raison de Pascal, et lors même qu’il y renonce : concession, la pitié parfois p
3652 ce : concession, la pitié parfois presque sadique de Dostoievsky. Oui, même ceux-là ! Même ces deux-là qui sont allés si l
3653 ique de Dostoievsky. Oui, même ceux-là ! Même ces deux -là qui sont allés si loin dans la passion de l’absolu chrétien, mais
3654 es deux-là qui sont allés si loin dans la passion de l’absolu chrétien, mais seul Kierkegaard en est mort. Une pureté pres
3655 ieu. Et cependant, dans le pire désespoir, jamais de défi, ni d’« hybris ». Pureté du chrétien, non du surhomme. Quant au
3656 ndant, dans le pire désespoir, jamais de défi, ni d’ « hybris ». Pureté du chrétien, non du surhomme. Quant au « sérieux »
3657 u chrétien, non du surhomme. Quant au « sérieux » de Kierkegaard, il est de nature à tromper le lecteur mille manières. On
3658 omme. Quant au « sérieux » de Kierkegaard, il est de nature à tromper le lecteur mille manières. On peut se laisser prendr
3659 ierkegaard, il est de nature à tromper le lecteur mille manières. On peut se laisser prendre à la fantaisie baroque de certai
3660 On peut se laisser prendre à la fantaisie baroque de certaines paraboles, de certaines ironies polémiques. Et tout d’un co
3661 re à la fantaisie baroque de certaines paraboles, de certaines ironies polémiques. Et tout d’un coup on s’aperçoit qu’elle
3662 raboles, de certaines ironies polémiques. Et tout d’ un coup on s’aperçoit qu’elles nous jettent en plein drame de l’existe
3663 n s’aperçoit qu’elles nous jettent en plein drame de l’existence. Kierkegaard déconsidère le sérieux « humain », par l’iro
3664 d déconsidère le sérieux « humain », par l’ironie de l’éternité. L’éternité, pour lui, est une ironie sur le temps, à laqu
3665 is, ayant tué en lui toute autre vanité que celle de haïr le temps — c’est là son dépit amoureux — Kierkegaard peut enfin
3666 fin parler avec un sérieux total, dont l’écrivain d’ aujourd’hui n’a même plus l’idée. Un de nos meilleurs auteurs déclarai
3667 l’écrivain d’aujourd’hui n’a même plus l’idée. Un de nos meilleurs auteurs déclarait récemment que le palais de Versailles
3668 illeurs auteurs déclarait récemment que le palais de Versailles manque de sérieux. C’était bien vu. Mais notre auteur étai
3669 rait récemment que le palais de Versailles manque de sérieux. C’était bien vu. Mais notre auteur était-il sérieux lui-même
3670 sérieux vrai est en définitive dans le seul acte de foi, qui jette sur nos sérieux, poses et amusettes (ou « plaisirs » c
3671 ses si peu plaisantes en général), un « soupçon » d’ ironie qui est infiniment pire qu’une ironie. Car peut-être que l’acte
3672 ment pire qu’une ironie. Car peut-être que l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’une figure de rhétorique pieuse, une illus
3673 e l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, un saut dans le vide, etc.
3674 s le vide, etc. Et alors il n’y a plus nulle part de « vrai » sérieux. Mais peut-être aussi cet acte existe-t-il, quelque
3675 existe-t-il, quelque part, et alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie tant que je n’ai pas trouvé dans la foi, ou
3676 la foi, ou mieux : tant que la foi — qui est don de Dieu — ne m’a trouvé. Kierkegaard a eu trois descendances spirituelle
3677 est don de Dieu — ne m’a trouvé. Kierkegaard a eu trois descendances spirituelles. La première est littéraire : ce sont les d
3678 seconde philosophique : l’école « existentielle » d’ Allemagne, avec Martin Heidegger et Karl Jaspers. La troisième théolog
3679 gique : l’école dialectique, qui sous l’impulsion de Karl Barth est en train de sauver l’honneur et l’existence même des é
3680 aujourd’hui le développement promis à l’influence de Kierkegaard sur notre temps : on le redécouvre après cent ans, on le
3681 rkegaard sur notre temps : on le redécouvre après cent ans, on le traduit partout, on publie sur son œuvre des centaines d’o
3682 n le traduit partout, on publie sur son œuvre des centaines d’ouvrages et d’articles. Ce qui est certain, c’est qu’à la différenc
3683 it partout, on publie sur son œuvre des centaines d’ ouvrages et d’articles. Ce qui est certain, c’est qu’à la différence d
3684 publie sur son œuvre des centaines d’ouvrages et d’ articles. Ce qui est certain, c’est qu’à la différence de Nietzsche, p
3685 les. Ce qui est certain, c’est qu’à la différence de Nietzsche, personne ne parviendra jamais à « utiliser » Kierkegaard p
3686 politiques et temporelles. Il se dresse, au seuil de l’époque comme la plus formidable accusation vivante contre nos lâche
3687 , nos passions courtes et agitées. Sur une pierre de cimetière danois, on peut lire cette inscription nue : « Le Solitaire
3688 sion sévère, le ricanement puissant et le message d’ amour de Kierkegaard traversent notre âge comme cette pierre et ce mot
3689 ère, le ricanement puissant et le message d’amour de Kierkegaard traversent notre âge comme cette pierre et ce mot gravé q
3690 comme cette pierre et ce mot gravé qui ne cessent de nous accuser dans leur silence d’éternité. 82. « Alléluia » : Louez
3691 qui ne cessent de nous accuser dans leur silence d’ éternité. 82. « Alléluia » : Louez l’Éternel. Kierkegaard avait auss
3692 t de nous accuser dans leur silence d’éternité. 82. « Alléluia » : Louez l’Éternel. Kierkegaard avait aussi noté, peu de
3693  : « Il n’y a pas eu, durant mille-huit-cents ans de christianisme, une seule tâche comparable à la mienne. Dans la ‟chrét
3694 ule phrase : ‟Je ne fus pas comme les autres” ». 83. Point de vue explicatif sur mon activité d’auteur (1848). 84. Rappo
3695 ». 83. Point de vue explicatif sur mon activité d’ auteur (1848). 84. Rapporté par Georges Brandes, dans Søren Kierkegaa
3696 oint de vue explicatif sur mon activité d’auteur ( 1848 ). 84. Rapporté par Georges Brandes, dans Søren Kierkegaard, ein lite
3697 vue explicatif sur mon activité d’auteur (1848). 84. Rapporté par Georges Brandes, dans Søren Kierkegaard, ein literarisch
3698 literarische Charakterbild. z. Rougemont Denis de , « Søren Kierkegaard », Jean-Jacques, Paris, 20 février 1938, p. 3.
3699 s de, « Søren Kierkegaard », Jean-Jacques, Paris, 20 février 1938, p. 3.
3700 en Kierkegaard », Jean-Jacques, Paris, 20 février 1938, p. 3.
21 1938, Articles divers (1936-1938). Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage (avril 1938)
3701 Nouvelles pages du Journal d’ un intellectuel en chômage (avril 1938)aa Note pour une préface. —
3702 es du Journal d’un intellectuel en chômage (avril 1938 )aa Note pour une préface. — « C’est une entreprise hardie que d’a
3703 une préface. — « C’est une entreprise hardie que d’ aller dire aux hommes qu’ils sont peu de chose », s’écrie Bossuet (Ser
3704 de chose », s’écrie Bossuet (Sermon sur la mort, 22 mars 1662). Que dirions-nous alors du sort fait à celui qui doit se m
3705 e », s’écrie Bossuet (Sermon sur la mort, 22 mars 1662 ). Que dirions-nous alors du sort fait à celui qui doit se montrer aux
3706 hose, n’est pas trop humiliant pour qui se flatte d’ une image de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’est pas a
3707 pas trop humiliant pour qui se flatte d’une image de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’est pas avoué devant
3708 . Et ce n’est pas encore franchement s’avouer que de se comparer aux seuls humains que le métier ou notre rang social nous
3709 le métier ou notre rang social nous met en mesure d’ approcher. L’épreuve décisive est celle que l’on subit au contact de v
3710 euve décisive est celle que l’on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien dans notre vie n’attendait et ne p
3711 n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’au prix d’ un désordre social — selon les préjugés du régime établi — que ces ren
3712 — On dit souvent qu’il faut à l’homme un minimum de confort ou d’aisance matérielle pour pouvoir réfléchir, se poser des
3713 ent qu’il faut à l’homme un minimum de confort ou d’ aisance matérielle pour pouvoir réfléchir, se poser des problèmes nouv
3714 éfléchir, se poser des problèmes nouveaux, créer… D’ où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique c
3715 eaux, créer… D’où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique condamnerait même un « intellectuel »
3716 où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique condamnerait même un « intellectuel » au chômage abso
3717 ctuel » au chômage absolu, c’est-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel est ce cer
3718 ’est-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel est ce certain degré ? À quel niveau p
3719 araît insoluble dès qu’on la pose dans le concret d’ une vie connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux
3720 la pose dans le concret d’une vie connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux producteurs d’idées : deux
3721 e vie connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux producteurs d’idées : deux hommes qui ont écrit chacun
3722 connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux producteurs d’idées : deux hommes qui ont écrit chacun une
3723 es qui furent tous deux de prodigieux producteurs d’ idées : deux hommes qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes l’es
3724 ent tous deux de prodigieux producteurs d’idées : deux hommes qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes l’espace de dix
3725  : deux hommes qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes l’espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier ét
3726 nt écrit chacun une vingtaine de volumes l’espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier était riche et dépensa
3727 écrit chacun une vingtaine de volumes l’espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier était riche et dépensait s
3728 rvi à rapiécer les épaules et le plastron. Le peu d’ argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses succe
3729 iécer les épaules et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses successives, e
3730 es et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses successives, et les remèdes c
3731 r d’autres buts à leur existence que la recherche d’ un gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler
3732 rès. Nuit des villes, rouge et circulante, pleine de rumeurs, comparable à la fièvre. Plus lucide souvent que les jours. I
3733 entre les rosiers. Je trouve, à tâtons, le verrou de la porte du fond, dans l’odeur des lauriers épais. Voici les rues du
3734 or blanc et vert. Des chiens surgissent des coins d’ ombre, aboient horriblement, tournent autour de moi, me flairent avec
3735 loigner du village. De nouveau le noir, et l’écho de mes pas contre les murs des maisons mortes. Je me glisse dans le hang
3736 s des maisons mortes. Je me glisse dans le hangar de la grosse voiture et tâte ses flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ou
3737 es flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantastique : les
3738 je rencontre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantastique : les becs de gaz, très bas, éc
3739 nées par le clocher à toit plat, et des fragments de silhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive p
3740 cher à toit plat, et des fragments de silhouettes d’ arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive par bouffées. Pu
3741 ilhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive par bouffées. Puis c’est de nouveau cet étrange écho de
3742 s chiens qui reviennent, et pas une âme. « Vallée de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terre… » Jamais plus
3743 i reviennent, et pas une âme. « Vallée de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terre… » Jamais plus que dans ce
3744 a terre… » Jamais plus que dans cette nuit. Fin de séjour à A… (Gard). — Tout est en place. Je garderai toutefois le pla
3745 Tout est en place. Je garderai toutefois le plan d’ aménagement et de décoration des trois chambres du premier étage, on n
3746 e. Je garderai toutefois le plan d’aménagement et de décoration des trois chambres du premier étage, on ne sait jamais… Le
3747 tefois le plan d’aménagement et de décoration des trois chambres du premier étage, on ne sait jamais… Les vingt-deux pièces d
3748 chambres du premier étage, on ne sait jamais… Les vingt-deux pièces du dessus de cheminée ont été replacées au millimètre, dans un
3749 n ne sait jamais… Les vingt-deux pièces du dessus de cheminée ont été replacées au millimètre, dans une symétrie impeccabl
3750 pièces du dessus de cheminée ont été replacées au millimètre , dans une symétrie impeccable. Mais tout l’effet de notre labeur risq
3751 , dans une symétrie impeccable. Mais tout l’effet de notre labeur risque d’être détruit par une odieuse malice du sort. No
3752 eccable. Mais tout l’effet de notre labeur risque d’ être détruit par une odieuse malice du sort. Nous avions descendu du d
3753 est étroit. La descente s’était opérée sans trop de mal lors de notre arrivée. Mais nous n’avions pas prévu la remontée !
3754 as prévu la remontée ! Épuisés par une demi-heure d’ efforts haletants, qui n’ont abouti qu’à coincer le sommier au tournan
3755 er au tournant, entre la balustrade et les parois de la cage d’escalier — au surplus fortement rayées — nous avons couru i
3756 rtement rayées — nous avons couru implorer l’aide de Simard. « Ce cochon-là » refuse, prétextant une hernie ; sa femme aus
3757 ant sa jambe « coupée ». (Bonne occasion pourtant de la décrocher un peu pour toucher davantage à l’assurance !) Il a bien
3758 que nous avons infligés à la maison. Pas question d’ aller quérir du renfort à A. Il faut encore boucler les valises, desce
3759 encore boucler les valises, descendre mes caisses de livres à la gare, etc., et le train part dans une heure. Quand la pro
3760 ns » en général — quand je ne fais que les jauger d’ un regard — et sympathie violente, « élan vers », dès que mon regard s
3761 ments, aux mains, à l’attitude distraite et vraie d’ un être isolé près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buand
3762 é près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien
3763 e métro, malgré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des être
3764 algré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des êtres et vivre
3765 nderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des êtres et vivre un moment auprès d’
3766 pour regarder des êtres et vivre un moment auprès d’ eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un
3767 s êtres et vivre un moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un échange spontan
3768 tres et vivre un moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un échange spontané, une
3769 uprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’ imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces découvertes fr
3770 ’imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces découvertes frémissantes telles que j’en ai sans doute vécues, ad
3771 uoi j’ai eu ce fort désir soudain, dans le métro, de tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recev
3772 soudain, dans le métro, de tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble mainten
3773 e tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’es
3774 compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’est profondémen
3775 ent le même mouvement, l’amour. La même déception de l’amour, parce rien ne s’est produit, rien ne peut se produire, pour
3776 lution ! » — Ce substitut, ce renvoi aux calendes de la Grande Communication… Montparnasse. — Stupidité triste, parfois
3777 — Stupidité triste, parfois insolente et lourde, de cette population de mannequins vides et mal truqués. Figures grises d
3778 parfois insolente et lourde, de cette population de mannequins vides et mal truqués. Figures grises devant des menthes fa
3779 occuper des « petits-faits-vrais » vaut mieux que de les ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec f
3780 mieux que de les ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec force, une fois qu’on les a bien connus,
3781 réalité sordide. Un petit fait vrai vaut plus que dix grandes idées discutables. Mais n’oublions pas qu’il vaut moins qu’un
3782 e, une grande idée embrassée avec force au mépris de soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. E
3783 dée embrassée avec force au mépris de soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. En vérité, il n’
3784 venir le fait dominateur. En vérité, il n’y a pas de faits grands ou petits en soi et par comparaison. Il y a dans chaque
3785 en soi et par comparaison. Il y a dans chaque vie d’ homme à peu près digne de ce nom, un fait qui commande tous les autres
3786 . Il y a dans chaque vie d’homme à peu près digne de ce nom, un fait qui commande tous les autres et qui est la mesure de
3787 qui commande tous les autres et qui est la mesure de tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu es seul à pouvoir le con
3788 travers les paroles qu’ils croient dire : essaie de les comprendre quand ils se plaignent ou quand ils rient : tu ne verr
3789 i. Car il est tout ce que le monde attend, attend de toute éternité pour aujourd’hui et de toi seul — et c’est ta foi. 8
3790 end, attend de toute éternité pour aujourd’hui et de toi seul — et c’est ta foi. 85. Kierkegaard avait déposé sa fortune
3791 r aujourd’hui et de toi seul — et c’est ta foi. 85. Kierkegaard avait déposé sa fortune, réalisée en argent liquide, chez
3792 Après sa mort, on s’aperçut qu’il ne restait que 250 francs dans le coffre. aa. Rougemont Denis de, « Nouvelles pages du
3793 250 francs dans le coffre. aa. Rougemont Denis de , « Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage  », Existe
3794 Rougemont Denis de, « Nouvelles pages du Journal d’ un intellectuel en chômage  », Existences, Saint-Hilaire-du-Touvet, av
3795 ge  », Existences, Saint-Hilaire-du-Touvet, avril 1938, p. 11-14.