1 1936, Articles divers (1936-1938). Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour (1936)
1 Brod n’est pas seulement de l’ordre romanesque : elle est d’avoir mêlé à un beau drame d’amour le souvenir et davantage, la
2 e Garta, dont le lecteur ne tardera pas à voir qu’ il figure la conscience exigeante, et comme le juge incorruptible et ami
3 s’est senti touché dans une région de l’être dont il ignorait presque l’existence, et qui demande un peu de temps pour for
4 er sa réaction, voilà sans doute l’explication qu’ il faut donner à l’espèce de résistance que rencontre Kafka parmi nous.
5 e vivante de la personne même de Kafka dans ce qu’ elle eut de quotidien et de très simplement communicable. Encore faut-il m
6 n et de très simplement communicable. Encore faut- il montrer que ce détour n’est pas un artifice gratuit. Vieux Pragois l
7 ences et préoccupations sociales, les lectures qu’ il fait à son ami, la brève idylle de Weimar… tout cela compose une desc
8 biographie. Franz Kafka naquit à Prague en 1883. Il passa dans cette ville la plus grande partie de sa vie. Docteur en dr
9 a plus grande partie de sa vie. Docteur en droit, il travailla d’abord au service d’une compagnie d’assurances générales,
10 urances ouvrières. Le travail manuel l’attirait ; il s’essaya dans un atelier de menuiserie, puis dans une entreprise de j
11 s dans une entreprise de jardinage. Lorsque enfin il voulut émigrer à Berlin pour s’y vouer totalement à son œuvre, il éta
12 r à Berlin pour s’y vouer totalement à son œuvre, il était déjà condamné par une tuberculose du larynx dont il mourut à Vi
13 déjà condamné par une tuberculose du larynx dont il mourut à Vienne en 1924. Il n’avait publié de son vivant qu’un petit
14 culose du larynx dont il mourut à Vienne en 1924. Il n’avait publié de son vivant qu’un petit nombre de récits. Mais on tr
15 Le Procès, Le Château, et Amérique. Le regard qu’ il y porte sur le monde est d’une précision proprement angoissante. Il c
16 monde est d’une précision proprement angoissante. Il considère notre vie quotidienne, mais avec une minutie telle qu’on ne
17 us sobre de notre humaine condition. On dirait qu’ il incite ses héros à pratiquer contre la vie bourgeoise une espèce de «
18 tâches banales et de leurs relations sociales, qu’ ils en découvrent et en dénoncent l’impossibilité foncière. À serrer de s
19 l’angoisse dérivent sans doute de Kierkegaard, qu’ il fut l’un des premiers à découvrir au xxe siècle. D’autre part, sa vo
20 e manifeste tout au long de son existence, et qui devait l’amener entre autres, à son projet de participation au jeune mouveme
2 1936, Articles divers (1936-1938). Forme et transformation, ou l’acte selon Kierkegaard (janvier 1936)
21 pas chrétien, et même on ne peut pas l’être, mais il faut le devenir. Et le problème, alors, devient celui de l’acte, c’es
22 d’une possibilité nouvelle, sans précédent. Y a-t- il des actes ? L’homme d’aujourd’hui ne le croit pas. Il croit aux lois,
23 es actes ? L’homme d’aujourd’hui ne le croit pas. Il croit aux lois, et il se veut déterminé. Or il l’est dans la mesure e
24 ujourd’hui ne le croit pas. Il croit aux lois, et il se veut déterminé. Or il l’est dans la mesure exacte où il l’accepte 
25 s. Il croit aux lois, et il se veut déterminé. Or il l’est dans la mesure exacte où il l’accepte ; mais dans cette mesure
26 t déterminé. Or il l’est dans la mesure exacte où il l’accepte ; mais dans cette mesure même, il se peut qu’il cesse d’êtr
27 te où il l’accepte ; mais dans cette mesure même, il se peut qu’il cesse d’être humain. Car l’homme n’a d’existence propre
28 epte ; mais dans cette mesure même, il se peut qu’ il cesse d’être humain. Car l’homme n’a d’existence proprement humaine q
29 mme n’a d’existence proprement humaine que lorsqu’ il participe à la transformation du monde. Autrement, il est animal, et
30 articipe à la transformation du monde. Autrement, il est animal, et soumis à la forme des choses, — à la commune dégradati
31 ation. Ceux qui ne croient pas à l’acte, c’est qu’ ils ne connaissent plus aucun chemin. Comment marcher, s’il n’existe pas
32 connaissent plus aucun chemin. Comment marcher, s’ il n’existe pas de chemin ? disent-ils dans leur suffisance — car on app
33 ent marcher, s’il n’existe pas de chemin ? disent- ils dans leur suffisance — car on appelle ainsi leur anxiété. En vérité,
34 é, et le Christ n’aurait jamais connu la vérité s’ il n’avait pas été la vérité ; et nul homme ne connaît davantage de véri
35  ; et nul homme ne connaît davantage de vérité qu’ il n’en incarne.3 Voici donc le mystère : s’il n’y a pas de chemin, no
36 qu’il n’en incarne.3 Voici donc le mystère : s’ il n’y a pas de chemin, nous ne pouvons marcher, mais si nous ne marchon
37 ne pouvons marcher, mais si nous ne marchons pas, il n’y a pas de chemin. La foi au Christ nous permet seule de franchir c
38 chemin n’est un chemin que si on y marche4. Sinon il n’est qu’un point de vue ; ou bien encore le lieu d’un pur possible,
39 ur possible, et sur ces lieux règne le désespoir. Il nous faut donc agir, si nous voulons la vérité, agir en vérité, c’est
40 ssibilité de l’acte est identique à sa nécessité. Il n’y a donc aucun acte possible, aucun acte vrai et vivant en dehors d
41 is qui nous disaient d’agir dans le même temps qu’ elles nous privaient de tout pouvoir, s’évanouissent et meurent aux pages d
42 , prophétie de l’éternité qui vient à nous. 2. Il n’est d’action que prophétique Qu’est-ce que prophétiser sinon dir
43 s nombres, esclave des lois d’un monde sur lequel il devrait régner. Seule peut l’en délivrer la Parole prophétique qui lu
44 ombres, esclave des lois d’un monde sur lequel il devrait régner. Seule peut l’en délivrer la Parole prophétique qui lui advien
45 r chemin, leur vérité et leur vie dans ce monde ; ils meurent de l’avoir dite, et n’ont pas d’autre tâche7. Le chemin est i
46 rt. Le chemin commence à tout homme qui se met en devoir d’obéir à l’ordre qu’il reçoit de Dieu, — n’importe où et n’importe q
47 t homme qui se met en devoir d’obéir à l’ordre qu’ il reçoit de Dieu, — n’importe où et n’importe qui, à n’importe quel ord
48 ns nulle préparation. « Comment un homme devient- il chrétien ? Tout simplement : prends n’importe quelle règle d’action c
49 in, — ton chemin, sur lequel tu es seul, parce qu’ il est la parole de ta vie, sa mesure et sa vocation, son risque à chaqu
50 comme une personnalité morale de premier plan qu’ il ne resterait plus qu’à imiter, l’acte demeure un pur possible, un mod
51 créateur —, entre la forme et la transformation. Il ne faut pas commencer par l’imitation, mais par la grâce. L’imitation
52 intenant, et même si l’effort échoue »8. Parce qu’ il est aimé maintenant, aller maintenant, par la foi, sur ce chemin qui
53 que Dieu initie. 4. « Par rapport à l’absolu, il n’existe qu’un seul temps : le présent »9 Nous ne connaissons rie
54 arnation. Ainsi l’acte de foi détruit le temps où il a lieu mais comme la plénitude détruit le relatif. Il est ce contact
55 lieu mais comme la plénitude détruit le relatif. Il est ce contact impensable de l’éternité avec notre durée, et l’on n’e
56 notre durée, et l’on n’en peut n’en dire sinon qu’ il s’est produit, et qu’il peut se produire sans que rien y prépare. « C
57 n peut n’en dire sinon qu’il s’est produit, et qu’ il peut se produire sans que rien y prépare. « Car Dieu peut tout à tout
58 Si nous vivions dans l’obéissance et dans la foi, il n’y aurait ni passé ni futur, mais le Jour éternel de la présence à D
59 l le sait, dans l’instant de la foi, où par grâce il peut rompre ce lien. « Si vous voulez interroger, interrogez ! », mai
60 n péché, mais on pourrait dire : sa patience. Car il se tient où Dieu l’a mis, et ce n’est plus une dérive. Il vit dans la
61 ent où Dieu l’a mis, et ce n’est plus une dérive. Il vit dans la forme du monde, mais il est ce qui la transforme. Vertige
62 s une dérive. Il vit dans la forme du monde, mais il est ce qui la transforme. Vertige de la « vie chrétienne », cette his
63 u dans le temps, cette histoire de l’éternité ! «  Il suffit d’un courage purement humain pour renoncer le temps afin de ga
64 ternité la renoncer ; et c’est le paradoxe ; mais il faut un courage paradoxal et humble pour embrasser le temps en vertu
65 perdit point Isaac ; c’est par la foi d’abord qu’ il le reçut »14. 5. Le temps de l’acte est renaissance, initiation
66 on Les deux moments réels d’une vie d’homme, s’ il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la naissance et la mort, par
67 t réel, ce sont la naissance et la mort, parce qu’ ils sont des actes de Dieu. Entre la naissance et la mort — ou plutôt pui
68 ut serait absurde : acte détruit le temps, puisqu’ il est dans le même instant et la mort et la vie des êtres qu’il promet
69 le même instant et la mort et la vie des êtres qu’ il promet à l’existence ; mais détruisant le temps, il le recrée et le r
70 promet à l’existence ; mais détruisant le temps, il le recrée et le rédime puisqu’il lui rend une Mesure et un rythme en
71 uisant le temps, il le recrée et le rédime puisqu’ il lui rend une Mesure et un rythme en le liant au destin personnel. Ain
72 oint un jugement des résultats, — des créatures ; elle n’est pas davantage appréciation des causes. L’acte n’est jamais cons
73 tion des causes. L’acte n’est jamais conséquence, il est toujours initiation. La vision de celui qui agit est tout entière
74 i meurt à ce qui nait, — par le réel. « Celui qui doit agir, s’il veut juger de soi selon le succès qu’il remporte, n’arrive
75 qui nait, — par le réel. « Celui qui doit agir, s’ il veut juger de soi selon le succès qu’il remporte, n’arrivera jamais à
76 t agir, s’il veut juger de soi selon le succès qu’ il remporte, n’arrivera jamais à rien entreprendre. Même si le succès po
77 ême si le succès pouvait réjouir le monde entier, il ne sert de rien au héros ; car le héros n’a connu son succès que lors
78 t était fini ; et ce n’est point par le succès qu’ il fut héros, mais par son entreprise »15. Le temps de l’acte vient s’in
79 s traits du visage héroïque. Dans cette chair qui doit vieillir, la tension de la mort et de la vie a mis des marques victor
80 artient au temps, mais la vision à la parole dont elle procède, et si la face d’un homme est belle, c’est parce qu’elle est
81 t si la face d’un homme est belle, c’est parce qu’ elle est un acte et un destin, une initiale de l’histoire, une effigie de
82 ir Nous savons tous cela, comme nous savons qu’ il faut mourir : sans y croire. À vrai dire, nous avons toutes les raiso
83 ire, nous avons toutes les raisons d’en douter, s’ il est vrai que le doute est révolte, et qu’il faut pour se l’avouer la
84 er, s’il est vrai que le doute est révolte, et qu’ il faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte de la foi. Lorsque K
85 ard écrivit son traité de la Maladie mortelle 16, il venait justement de dépasser cette illusion du désespoir, qui consist
86 nt que l’acte est le contraire du désespoir. Mais il le sait d’une tout autre façon que le désespéré ne l’imagine. Parce q
87 orgueil, comme la preuve enfin de son moi, — mais il sait bien qu’il n’en a pas, ou que son moi est désespoir, c’est-à-dir
88 a preuve enfin de son moi, — mais il sait bien qu’ il n’en a pas, ou que son moi est désespoir, c’est-à-dire qu’il n’y croi
89 as, ou que son moi est désespoir, c’est-à-dire qu’ il n’y croit pas et qu’il ne croit à aucun acte. Il vit dans le désir et
90 désespoir, c’est-à-dire qu’il n’y croit pas et qu’ il ne croit à aucun acte. Il vit dans le désir et dans la nostalgie, et
91 ’il n’y croit pas et qu’il ne croit à aucun acte. Il vit dans le désir et dans la nostalgie, et son regard n’est pas une v
92 bourg ou de la classe. Comment cet homme pourrait- il faire un acte ? Car l’acte est décision, rupture, isolation, quand l’
93 utres dans l’ensemble. Comment cet homme pourrait- il faire un acte ? Car l’acte est immédiat, création et initiation, c’es
94 tion, sensualité et envie… Ainsi l’acte absolu qu’ il imagine serait sa mort, — et c’est pourquoi il n’y croit pas. Nul n’é
95 qu’il imagine serait sa mort, — et c’est pourquoi il n’y croit pas. Nul n’échappe à la forme du monde. Mais la subir, c’es
96 monde. Mais la subir, c’est justement désespérer. Il faudrait donc… la créer ? « L’homme ne peut faire qu’une seule chose
97 solu qui vient jucher nos vies nous meut parce qu’ il est un ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une rupture de tout drame
98 e Dieu, — la prophétie dans l’immédiat. Que s’est- il donc passé ? Me voici seul sur le chemin ; mais je vois des visages f
99 r. 7. Toute vocation est sans précédent Car elle est prophétie justement ! — et c’est de la seule prophétie que relève
100 e d’homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’ il prophétise, uniquement, et dès l’origine. C’est pourquoi l’homme a un
101 es animaux ; c’est pourquoi l’homme est héroïque. Il faut noter ici un trait bien remarquable : Kierkegaard a très peu par
102 rkegaard a très peu parlé de vocation18. C’est qu’ il parle sa vocation et ne s’en distingue jamais. Cependant il est hors
103 a vocation et ne s’en distingue jamais. Cependant il est hors de doute qu’il eut conscience de cet aspect particulier de s
104 stingue jamais. Cependant il est hors de doute qu’ il eut conscience de cet aspect particulier de son destin qui qualifie p
105  inconcevable illusion des sens », ne s’adressent- ils pas justement à la « vraisemblance » doctrinale d’une religion mise à
106 ent l’on renonce à la vraisemblance »19. Parce qu’ il faut créer le chemin, non pas le suivre ; parce que l’acte est initia
107 e déterminé que par son Dieu ou par « le monde », il faut choisir. Il faut être un chrétien ou un bourgeois. Le bourgeois
108 ar son Dieu ou par « le monde », il faut choisir. Il faut être un chrétien ou un bourgeois. Le bourgeois est sans vocation
109 ou un bourgeois. Le bourgeois est sans vocation, il ne croit pas à l’acte et il meurt au hasard, sans avoir rencontré per
110 is est sans vocation, il ne croit pas à l’acte et il meurt au hasard, sans avoir rencontré personne ni soi-même20. Il vit
111 ard, sans avoir rencontré personne ni soi-même20. Il vit dans la forme du monde : et ce n’est point qu’elle soit pour lui
112 vit dans la forme du monde : et ce n’est point qu’ elle soit pour lui réelle, elle est seulement la moins invraisemblable. Ma
113 : et ce n’est point qu’elle soit pour lui réelle, elle est seulement la moins invraisemblable. Mais le chrétien qui marche d
114 he dans la nouveauté ne prend mesure que de ce qu’ il transforme. Sa connaissance est acte et vision prophétique. La mesure
115 temps de sa vie réside dans la seule vocation qu’ il incarne. Sur le chemin qui commence à ses pas, il ne meurt jamais par
116 il incarne. Sur le chemin qui commence à ses pas, il ne meurt jamais par surprise : et ce n’est point qu’il ait connu le j
117 meurt jamais par surprise : et ce n’est point qu’ il ait connu le jour et l’heure, mais il connaît l’instant, s’il vit de
118 st point qu’il ait connu le jour et l’heure, mais il connaît l’instant, s’il vit de Parole. À cause de l’instant éternel,
119 le jour et l’heure, mais il connaît l’instant, s’ il vit de Parole. À cause de l’instant éternel, « le héros meurt toujour
120 stant éternel, « le héros meurt toujours avant qu’ il ne meure »21. C’est le secret dernier de l’acte, et le sceau de l’amo
121 me certains l’ont voulu croire. Chez les hindous, elle n’est encore qu’une forme de l’agitation humaine. Pour le chrétien se
122 rme de l’agitation humaine. Pour le chrétien seul elle signifie une transformation effective. Ou mieux encore, pour l’hindou
123 se lève et tombe avec sa mission » (Karl Barth). Il n’a pas de biographie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter de
124 faire la psychologie d’un prophète, ou bien alors elle se réduirait à la grammaire et à la syntaxe particulière de son messa
125 tte une mission de cette sorte » — c’est-à-dire s’ il rejette sa mission d’écrivain religieux pour se faire pasteur de camp
126 aire pasteur de campagne, par exemple. C’est, dit- il , que sa consigne est de « tenir bon en souffrant ». Le presbytère de
127 ion commode, surtout en regard des souffrances qu’ il sait trop bien que lui vaudront ses attaques contre l’Église établie.
128 affligeant dans l’existence du bourgeois c’est qu’ elle est entièrement déterminée jusqu’à la mort, mais que la mort survient
3 1936, Articles divers (1936-1938). Décadence des lieux communs (décembre 1936)
129 Je ne trouve pas ce jeu juste du tout, dit Alice. Ils se disputent tous tellement qu’ils vous assourdissent. Ils ne suivent
130 ut, dit Alice. Ils se disputent tous tellement qu’ ils vous assourdissent. Ils ne suivent pas la règle du jeu et je ne sais
131 sputent tous tellement qu’ils vous assourdissent. Ils ne suivent pas la règle du jeu et je ne sais même pas s’ils savent qu
132 vent pas la règle du jeu et je ne sais même pas s’ ils savent qu’il y en a une. Alice au Pays des Merveilles On peut penser
133 gle du jeu et je ne sais même pas s’ils savent qu’ il y en a une. Alice au Pays des Merveilles On peut penser que notre la
134 langage de nos bons écrivains. Car non seulement il est mal entendu par la grande masse des lecteurs ordinaires, disons d
135 res, disons des lecteurs de journaux, mais encore il s’est divisé en une foule de dialectes ésotériques. Non seulement l’é
136 « c’est du latin » pour ses oreilles, mais encore il existe autant de ces latins-là que de chapelles littéraires, que d’éc
137 our la masse — cela s’est vu en d’autres siècles. Ils n’ont plus le même sens pour les divers partis intellectuels — c’est
138 intellectuels — c’est plus nouveau. Mais surtout, ils n’ont plus un sens auquel on puisse se référer et qui fixe vraiment l
139 mmun. La plupart des débats qui nous occupent, qu’ il s’agisse de politique, de religion ou de littérature, nous offrent l’
140 regardait d’un air d’ahurissement profond. Quand elle l’avait remis en position, c’était le hérisson qui se déroulait et co
141 déforment au hasard, chacun joue sa partie comme il le peut, sans souci de la règle commune, et la terreur domine cette a
142 fois l’un contre l’autre deux hommes qui auraient « s’entendre » et s’allier : c’est que pour l’un, esprit signifie éva
143 és. « Voyez, gémit Alice, l’arceau sous lequel je dois passer se promène à l’autre bout du jeu et j’aurais dû croquer le hér
144 sser se promène à l’autre bout du jeu et j’aurais croquer le hérisson de la Reine s’il ne s’était mis à courir juste au
145 et j’aurais dû croquer le hérisson de la Reine s’ il ne s’était mis à courir juste au moment où j’allais jouer. » ⁂ Tout l
146 sens très précis que nous donne le dictionnaire, il nous faut ajouter une dizaine de sens parfois contradictoires, créés
147 L’ordre sera tantôt le statu quo, si absurde soit- il , tantôt la dictature brutale et arbitraire, plus rarement la revendic
148 t à fait improbable dans l’état actuel du régime. Elle est à tout le moins vérifiable. Par contre, on peut très nettement co
149 aveur et sans pouvoir d’évocation active du vrai. Il habitue des millions de lecteurs au rendu approximatif des faits, des
150 approximatif des faits, des choses, ou des idées. Il flatte ainsi la paresse de l’esprit, décourage le sens critique, déco
151 urs conseils paraissent obscurs dans la mesure où ils se veulent scrupuleux. C’est pourquoi la plupart renoncent à enseigne
152 ne sont plus distinguées du bavardage quotidien. Ils se retirent dans leurs appartements. Écrire dès lors n’est pour eux q
153 ssion réelle. C’est un jeu formel et précis, dont ils sont seuls à connaître les règles. (Encore ne sont-ils guère d’accord
154 ont seuls à connaître les règles. (Encore ne sont- ils guère d’accord pour enregistrer les réussites ou les tricheries !) Le
155 ée vulgaire. ⁂ La civilisation occidentale aurait- elle donc des fins dernières à quoi elle tend ? Quand le peuple d’Israël o
156 entale aurait-elle donc des fins dernières à quoi elle tend ? Quand le peuple d’Israël oublie sa vocation et se détourne de
157 sa vocation et se détourne de l’Éternel son Dieu, il perd aussi le sens des noms et bientôt sa langue délire : « Il pronon
158 le sens des noms et bientôt sa langue délire : «  Il prononce des paroles vaines, des serments faux ! » s’écrie le prophèt
159 on catholique, pour devenir de raffinés rhéteurs, ils perdent leur autorité et suscitent contre eux des révoltes qui s’expr
160 cesse d’exercer aucun contrôle sur son parler, qu’ elle ne soumet plus à un but unanime. Si bien que les écrivains ne sont pl
161 nt la ruine de la communauté, par le seul fait qu’ il ruine le langage. Cette absence d’un principe communautaire vivant e
162 la cité modernes. Tous les hommes de ce temps, s’ ils ont quelque conscience, souffrent obscurément de leur séparation. Ils
163 cience, souffrent obscurément de leur séparation. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressés les uns contre les
164 curément de leur séparation. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressés les uns contre les autres et étrangers.
165 séparation. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressés les uns contre les autres et étrangers. Ils échangent de
166 t pressés les uns contre les autres et étrangers. Ils échangent des paroles en plus grand nombre que jamais, et ne se disen
167 ts faux ! » Or, quand la parole se détruit, quand elle n’est plus le don qu’un homme fait à un homme, et qui engage quelque
168 se détruit. ⁂ Telle est l’inquiétude des masses. Elle n’est pas d’abord matérielle, elle est d’abord cette inquiétude du cœ
169 de des masses. Elle n’est pas d’abord matérielle, elle est d’abord cette inquiétude du cœur et de l’esprit qui naît de la mo
170 de la mort des amitiés. Plus angoissante encore, elle règne innommée et panique partout où l’amitié humaine n’a jamais rien
171 mais rien noué, rien engagé, rien sacrifié, là où elle n’a pas même laissé les traces d’une coutume ancestrale : dans les vi
172 e diable le fait à sa place, et contre l’homme qu’ il séduit et qu’il trompe. Cette fin commune, cet idéal commun que nous
173 à sa place, et contre l’homme qu’il séduit et qu’ il trompe. Cette fin commune, cet idéal commun que nous devions servir e
174 mpe. Cette fin commune, cet idéal commun que nous devions servir ensemble dans la fraternité que crée l’œuvre unanime, nous les
175 ces images, le peuple croit trouver son unité, et il y retrouve en effet le symbole agrandi d’un désespoir qu’il sent vivr
176 uve en effet le symbole agrandi d’un désespoir qu’ il sent vivre dans tous les cœurs. L’homme d’aujourd’hui méprise les rel
177 urs. L’homme d’aujourd’hui méprise les religions. Il sait ce qu’il faut penser des prêtres et des sorciers. On lui donnera
178 ’aujourd’hui méprise les religions. Il sait ce qu’ il faut penser des prêtres et des sorciers. On lui donnera donc autre ch
179 baumés : déjà, on leur fait des musées. Ou pire : ils n’ont jamais été vivants pour cette génération sans but. On nous en d
180 ui faisait la grandeur des cultures authentiques. Elle est devenue la loi inexorable et mécanique qui plie l’individu à des
181 ais si les mots d’ordre sont faux ? Si l’ordre qu’ ils imposent est arbitraire, ou s’il ne mise que sur l’indignité humaine 
182 ? Si l’ordre qu’ils imposent est arbitraire, ou s’ il ne mise que sur l’indignité humaine ? Et si la propagande et la publi
183 tte communauté de réflexes et d’obsession ? N’est- elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité, — le
184 t des êtres isolés, qui crient très fort parce qu’ ils se sentent très loin de ceux qu’ils interpellent, et qu’ils traitent
185 fort parce qu’ils se sentent très loin de ceux qu’ ils interpellent, et qu’ils traitent comme des sourds. 26. Contrairement
186 tent très loin de ceux qu’ils interpellent, et qu’ ils traitent comme des sourds. 26. Contrairement à ce qui se passe norma
4 1937, Articles divers (1936-1938). Changer la vie ou changer l’homme ? (1937)
187 propos, que l’opération les laisse indifférents : ils sont sur le plan de l’histoire, non des vérités éternelles. Placez-vo
188 yez d’en conclure que le communisme c’est cela, s’ il se confond, comme on nous l’affirmait, avec ses effets historiques. O
189 de cette fameuse dialectique : vous apprendrez qu’ elle fut inventée par Hegel, qui eut le tort de la fonder sur l’Esprit, ce
190 dant sur la matière économique ; qu’ainsi lestée, elle a pu se mettre en marche et agir au niveau du réel ; que son but prim
191 même plus de sa suppression future. Au contraire, il fait fusiller ceux qui en parlent. On vous répond que c’est une néces
192 ectiques »… Les communistes sincères comprendront- ils que cette méthode figure aux yeux de qui n’a pas leur « foi », nécess
193 ). Je m’en voudrais d’exploiter l’équivoque. Mais il fallait au moins rappeler son existence, sous peine de tomber aussitô
194 e de tomber aussitôt dans les pièges grossiers qu’ elle nous tend. (Pièges dans lesquels tombent les neuf dixièmes des advers
195 table d’un défaut inhérent au monde. Connaître qu’ il existe un mal universel, et qu’il faut donc transformer toutes choses
196 e. Connaître qu’il existe un mal universel, et qu’ il faut donc transformer toutes choses, tel est, je crois, l’acte initia
197 les plus frappantes analogies ? Sur ce plan seul, il m’apparaît qu’une confrontation soit possible. L’homme d’abord, ou
198 a reconnu que l’homme n’existe pas isolément, qu’ il est un être « en relation », qu’il est lié à une société42. Mais enco
199 isolément, qu’il est un être « en relation », qu’ il est lié à une société42. Mais encore, à l’instar du chrétien, le marx
200 rminer le tout de l’homme, et ne le peut pas. Car elle est divisée contre elle-même, et fait de l’homme qui s’abandonne à el
201 e elle-même, et fait de l’homme qui s’abandonne à elle un être antinomique, « divisé », et comme « aliéné » de ce qu’il y a
202 rruption fondamentale, qui est le péché originel. Il s’ensuit que pour le marxiste, aussi bien que pour le chrétien, l’hom
203 nière significative, quant aux voies et moyens qu’ elles préconisent. La 2e thèse de Marx sur Feuerbach affirme : Les philoso
204 usqu’ici qu’interpréter diversement le monde ; or il s’agit maintenant de le transformer. Et l’apôtre Paul écrit dans sa
205 est bon, agréable et parfait. Dans les deux cas, il s’agit du même mot : transformer ; et il s’agit de transformer en tan
206 eux cas, il s’agit du même mot : transformer ; et il s’agit de transformer en tant que l’on est proprement humain (c’est-à
207 en tant que l’on fait la révolution, pour Marx). Il s’agit donc d’action. Il s’agit d’attester soit la foi, par une réali
208 révolution, pour Marx). Il s’agit donc d’action. Il s’agit d’attester soit la foi, par une réalisation des volontés de Di
209 C’est sur le fait de cette opposition centrale qu’ il importe d’être bien au clair, si l’on veut comprendre pourquoi la pra
210 nt la pratique et les fins du christianisme, dont elles dérivent d’ailleurs obscurément, mais coupées de leurs liens éternels
211 est avant tout la mise en forme d’une polémique. Elle est, très consciemment, conditionnée par la situation de l’Europe occ
212 et par la volonté de la changer. En particulier, elle n’est « matérialiste », au sens vulgaire, que dans la mesure où la me
213 ire privée » ; et Marx n’a fait que le constater. Elle n’empêchait nullement de faire des affaires. Ni d’opprimer les ouvrie
214 s. La religion ne semblait plus gêner personne46. Elle sanctionnait et protégeait l’ordre établi. Elle traduisait cet établi
215 . Elle sanctionnait et protégeait l’ordre établi. Elle traduisait cet établissement même, et non plus ce qui l’eût jugé. Mar
216 reur qui est à la base d’une pareille imposture : il la sait trop profondément enracinée dans l’homme pour être atteinte p
217 tte critique philosophique est la seule arme dont il disposerait sur le plan de l’« esprit », car il est incroyant. D’aill
218 t il disposerait sur le plan de l’« esprit », car il est incroyant. D’ailleurs, ce n’est pas l’« esprit » qu’il veut sauve
219 croyant. D’ailleurs, ce n’est pas l’« esprit » qu’ il veut sauver, mais l’homme, que les spiritualistes abandonnent à un so
220 tes abandonnent à un sort toujours plus inhumain. Il lui faudra donc recourir à un autre ordre d’arguments : ceux que l’on
221 nfaillible des lois de l’évolution économique, qu’ il formule. Je résume et je simplifie ce processus : ceux qui prétendent
222 her à l’extérieur. Marx dira donc, contre eux, qu’ il faut d’abord transformer l’extérieur — et le reste suivra nécessairem
223 la culture, l’esprit, et l’âme si l’on y tient — il faut commencer par le nier. L’« esprit » du bourgeois spiritualiste n
224 lerons matérialisme dialectique, pour indiquer qu’ il n’est que provisoire, instrumental, qu’il doit servir au bout du comp
225 quer qu’il n’est que provisoire, instrumental, qu’ il doit servir au bout du compte la vérité ­­— laquelle contient aussi l
226 r qu’il n’est que provisoire, instrumental, qu’il doit servir au bout du compte la vérité ­­— laquelle contient aussi l’« es
227 ­— laquelle contient aussi l’« esprit » — bref qu’ il n’est en somme qu’une tactique. Faisons de nécessité vertu. Proposons
228 -à-dire les rapports économiques et sociaux. Et s’ il nous reste encore du temps, nous changerons l’homme. D’ailleurs, peut
229 changerons l’homme. D’ailleurs, peut-être suffit- il de changer le cadre matériel pour que le contenu se transforme ? N’a-
230 els en découvrit le danger. « Marx et moi — écrit- il en 1890 — nous sommes peut-être responsables de ce que parfois nos di
231 ce que parfois nos disciples ont insisté plus qu’ il ne convenait sur les facteurs économiques. Nous étions forcés d’insis
232 issement inévitable au rang de doctrine du parti, devait sortir la « vérité » tactique du matérialisme vulgaire, celui que la
233 a si beau jeu d’attaquer aujourd’hui — encore qu’ elle le pratique elle-même sans vergogne, tout en le niant pour les besoin
234 auté du matériel, Marx ne se rendit pas compte qu’ il allait déchaîner un préjugé absurde, une erreur non moins grave que c
235 s malheurs est dans les choses, et non dans lui. ( Il n’en fut pas conscient, et pourtant il en est responsable, nous revie
236 dans lui. (Il n’en fut pas conscient, et pourtant il en est responsable, nous reviendrons plus tard sur ce point.) Le peup
237 ue l’argent ne fait pas le bonheur. Pratiquement, il croit dur comme fer que l’habit fait le moine et que l’argent fait le
238 r en 15 volumes — dont on a fait des résumés — qu’ il a raison de croire cela. Bien plus, Marx vient lui démontrer que ceux
239 ent et qui veulent le garder — justement parce qu’ il fait leur bonheur ! Alors, il n’y a plus qu’une seule voie : instituo
240 justement parce qu’il fait leur bonheur ! Alors, il n’y a plus qu’une seule voie : instituons le plan quinquennal, créons
241 ne manque pas de créer du bonheur. Pour réussir, il faut une discipline. Pour la maintenir, il faut un dictateur. Libre a
242 ussir, il faut une discipline. Pour la maintenir, il faut un dictateur. Libre aux bourgeois, aux scrupuleux, libre au cama
243 , libre au camarade Gide lui-même de s’indigner : il faut ce qu’il faut. L’étatisme dictatorial contredit la doctrine de M
244 arade Gide lui-même de s’indigner : il faut ce qu’ il faut. L’étatisme dictatorial contredit la doctrine de Marx ? Qu’impor
245 e dont je voudrais bien qu’on me démontre en quoi il diffère du fascisme, dans ce que le fascisme a de plus oppressif pour
246 fin, et sa mission présente. Le chrétien sait qu’ il vient de Dieu, le Créateur ; qu’il va vers le Royaume de Dieu, le Réc
247 rétien sait qu’il vient de Dieu, le Créateur ; qu’ il va vers le Royaume de Dieu, le Réconciliateur ; et qu’il a pour missi
248 ers le Royaume de Dieu, le Réconciliateur ; et qu’ il a pour mission actuelle d’obéir à une Parole qui est Jésus-Christ, le
249 s cette Parole juge « le monde » qui l’a rejetée. Elle ne sauve que ceux d’entre les hommes qui refusent totalement ce monde
250 es, dans notre Occident troublé par un message qu’ il méconnaît, ne sont que les reflets énigmatiques de cet événement prim
251 e, et à subir en gémissant les lois d’un monde qu’ il condamne ! Car alors, où serait son refus ? Et quelle preuve aurions-
252 omme. Leur ignorance ou leur aveuglement quant au devoir , et au pouvoir, de l’homme transformé par la foi. L’homme nouveau, se
253 on l’Évangile, est un homme qui a changé de sens. Il est orienté autrement, comme l’indique le mot conversion. Obéissant à
254 sion. Obéissant à la Parole que Dieu lui adresse, il reconnaît du même coup l’origine et le but de sa vie : il connaît dès
255 naît du même coup l’origine et le but de sa vie : il connaît dès lors son péché, tout ce qui l’écartait de sa voie. Mais i
256 on péché, tout ce qui l’écartait de sa voie. Mais il se connaît du même coup responsable à l’endroit du monde. Car si le m
257 total de l’Évangile, ne peut donc se traduire, si elle s’est faite, que par une action du chrétien : contre le monde dans sa
258 ente, et pour le monde restauré dans la Promesse. Il faut aller plus loin que cette affirmation tout évidente. Non seuleme
259 nverti devient transformateur du monde — ou sinon il n’est pas converti — mais encore toute transformation de la forme act
260 erait pas l’effet d’une conversion des hommes, ne doit être aux yeux du chrétien, qu’une réforme sans grande portée. Voilà q
261 « Que servirait à un homme de gagner le monde, s’ il perdait son âme ? » Son âme, c’est-à-dire la conscience de son origin
262 apper à la guerre, à la misère, à l’oppression, s’ il ignore ou refuse « la seule chose nécessaire », le seul gage du salut
263 fâche contre les choses et les rend responsables. Il croit que c’est elles qu’il faut changer. Il bat la table, comme Xerx
264 oses et les rend responsables. Il croit que c’est elles qu’il faut changer. Il bat la table, comme Xerxès faisait battre l’He
265 es rend responsables. Il croit que c’est elles qu’ il faut changer. Il bat la table, comme Xerxès faisait battre l’Hellespo
266 les. Il croit que c’est elles qu’il faut changer. Il bat la table, comme Xerxès faisait battre l’Hellespont. C’est ce préj
267 spont. C’est ce préjugé infantile que le marxisme devait consolider dans la conscience prolétarienne. Déviation grossière, dir
268 ne. Déviation grossière, dira-t-on ; mais pouvait- elle être évitée ? Marx n’avait-il pas dit qu’il fallait commencer par cha
269 on ; mais pouvait-elle être évitée ? Marx n’avait- il pas dit qu’il fallait commencer par changer l’ordre matériel, l’ordre
270 ait-elle être évitée ? Marx n’avait-il pas dit qu’ il fallait commencer par changer l’ordre matériel, l’ordre des choses, e
271 teurs. Saint Paul n’a pas cette tragique naïveté. Il ne se fâche pas contre l’Empire romain, et ne désigne pas sa destruct
272 e liberté, et bientôt leur ôtera la vie ! Ne faut- il pas « aller au plus pressé », sauver d’abord sa peau, renverser les t
273 de subir le sort fatal des révoltes politiques : il eût revêtu les formes du pouvoir déposé51 et renvoyant à des temps pl
274 s paisibles l’évangélisation — sa raison d’être — il se fût consacré aux tâches plus urgentes : donner du pain et des spec
275 ’est pourquoi son message nous est encore prêché. Il annonçait aux hommes non pas la haine et le cynisme — qui appartienne
276 de leur transformation en Christ, venu au monde. Il n’annonçait pas un futur hypothétique, au nom d’une théorie ardue, ma
277 m d’une Personne vivante et de son amour éternel. Il annonçait l’homme changé. Trop beau tout cela ! Trop beau pour être v
278 parlez ? Sur une foi que ma raison refuse, et qu’ elle m’ordonne d’ignorer. Je ne vois pas les effets d’une telle foi dans l
279 vie » suffit à nourrir l’homme ! Peut-être suffit- il à vous nourrir, personnellement, mais ce n’est pas cela qui supprime
280 ère, qui empêche la guerre, qui change le monde ! Il faut le dire à notre honte, à nous chrétiens : ces reproches apparais
281 ousiastes, si aveuglement enthousiastes, c’est qu’ il s’est trouvé seul à protester contre le monde tel qu’il va. On dira :
282 st trouvé seul à protester contre le monde tel qu’ il va. On dira : c’est d’abord qu’il a su rejeter sur l’oppression capit
283 le monde tel qu’il va. On dira : c’est d’abord qu’ il a su rejeter sur l’oppression capitaliste, trop réelle, tout le malhe
284 chacun est responsable. L’observation est juste ; elle est insuffisante. Ce qui explique en dernier ressort le succès « reli
285 « intérieur ». Or si le marxisme a réussi cela, s’ il a pu paraître cela, c’est dans la mesure où le christianisme, aux yeu
286 ante et bouleversante. C’est que l’« esprit » qui devait être l’agent du changement total, perpétuel et seul réel, est devenu
287 partant plus douloureuse de ce fait, je crois qu’ ils éviteraient d’attaquer le marxisme dans les mêmes termes que la réact
288 rmes que la réaction. Mais ceci dit, et maintenu, il reste qu’en doctrine, et indépendamment de toutes nos fautes, l’objec
289 ons physiques et spirituelles de l’homme en ce qu’ elles ont d’irréductibles à toute détermination sociale ou historique imagi
290 tenté la synthèse pratique des deux croyances, qu’ ils estimaient complémentaires. D’autres, plus nombreux qu’on ne le pense
291 s buts derniers du communisme et les postulats qu’ il suppose. Qu’on me permette ici d’être un peu schématique pour plus de
292 ci d’être un peu schématique pour plus de clarté. Il me paraît que l’opposition finale entre la croyance marxiste et la fo
293 re. Tous deux sont eschatologiques, en ce sens qu’ ils rapportent leur accomplissement à un état dernier et invariable, à un
294 ûcher, le komsomol accepte un salaire de famine s’ il faut cela pour sauver l’URSS.) Mais l’eschaton chrétien est au-delà d
295 ces deux fins, la temporelle et l’éternelle, va-t- elle maintenant se manifester dans notre siècle ? Le phénomène de la « con
296 de lui. Cet homme n’est plus le maître de sa vie. Il est l’agent d’une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui seul et ic
297 intenant sa personne est recréée. Dès maintenant, elle entre en conflit avec le monde et ses formes mauvaises. Dès maintenan
298 le monde et ses formes mauvaises. Dès maintenant, elle porte témoignage en faveur du fait accompli d’une révolution humaine.
299 onc par la fin que visait l’espérance communiste. Il possède déjà l’essentiel, que Marx voyait au terme de l’histoire : la
300 t au terme de l’histoire : la personne. Et alors, il attaque le monde ! Mais un homme qui se convertit au communisme ne se
301 nisme ne se rattache pas à une Présence actuelle. Il fait un pari dont l’objet n’est pas accessible aujourd’hui. Il mise s
302 ri dont l’objet n’est pas accessible aujourd’hui. Il mise son action immédiate sur un fait qui n’est pas accompli, l’histo
303 dans l’invisible, mais sur des faits concrets qu’ il faut changer. Chaque réforme obtenue, chaque revendication réalisée,
304 . Et moi je lui montre un homme libéré, tandis qu’ il ne peut me montrer que quelques conditions préliminaires d’une libéra
305 rétien converti a déjà l’essentiel : par là même, il se voit contraint à chaque instant de transformer autour de lui ce qu
306 ur de lui ce qui s’oppose à son bien souverain. S’ il est chrétien, il sait qu’il est membre d’un corps qui porte toutes le
307 s’oppose à son bien souverain. S’il est chrétien, il sait qu’il est membre d’un corps qui porte toutes les marques du péch
308 son bien souverain. S’il est chrétien, il sait qu’ il est membre d’un corps qui porte toutes les marques du péché. Il est a
309 d’un corps qui porte toutes les marques du péché. Il est alors en face du monde, et au nom même de sa foi, dans la posture
310 ure d’un révolutionnaire permanent. Non seulement il se voit contraint de venir en aide à son prochain, mais encore rien n
311 , mais encore rien ne peut le satisfaire de ce qu’ il obtient, par cet effort, s’il compare ce mieux-être relatif au don pa
312 satisfaire de ce qu’il obtient, par cet effort, s’ il compare ce mieux-être relatif au don parfait qu’il a reçu en Christ.
313 l compare ce mieux-être relatif au don parfait qu’ il a reçu en Christ. Il possède en lui-même la mesure d’une perpétuelle
314 re relatif au don parfait qu’il a reçu en Christ. Il possède en lui-même la mesure d’une perpétuelle transformation, néces
315 quelles que soient la souffrance et la colère qu’ il éprouve devant les injustices présentes, du fait qu’il croit que l’in
316 rouve devant les injustices présentes, du fait qu’ il croit que l’intérêt de l’homme est seul en jeu — et de l’homme tel qu
317 de l’homme est seul en jeu — et de l’homme tel qu’ il le conçoit, être social — se verra fatalement neutralisé dans son eff
318 ui agitent l’humanité (comme en 1789 et en 1917), il faudrait que l’homme soit délivré de son péché, « changé », sorti du
319 le présent, la loi d’amour et de justice, même s’ il était commis au nom des intérêts de l’Église chrétienne, détruirait e
320 ienne, détruirait en fait cette Église en tant qu’ elle vit dans chacun de ses membres, et non pas dans un ciel abstrait. Car
321 e crucifie le Christ et je m’oppose à son retour. Il n’est donc pas d’« opportunisme » chrétien qui tienne, et tous les mo
322 rétien qui tienne, et tous les moyens du chrétien doivent être aussi purs que sa fin. Tout autre est le cas du marxiste. N’ayan
323 odèle accompli, ni en lui de Présence souveraine, il se sent libre d’appliquer les moyens qu’il juge adéquats aux intérêts
324 raine, il se sent libre d’appliquer les moyens qu’ il juge adéquats aux intérêts momentanés de son Parti et de sa classe. A
325 e » ses négations actuelles du but final de Marx. Il légitime son étatisme totalitaire en arguant que c’est le seul moyen
326 ucoup de marxistes s’en indigner mais je doute qu’ ils soient bien conséquents, et que leur indignation traduise la vraie vo
327 rosse majorité des communistes suit Staline. D’où il résulte à l’évidence que pour la grosse majorité des communistes, le
328 nommée « raison d’État », et jusqu’à la guerre s’ il le faut, sont des moyens parfaitement acceptables en tant qu’ils serv
329 nt des moyens parfaitement acceptables en tant qu’ ils servent le progrès prolétarien, et préparent un avenir conforme à la
330 rte une « faute » personnelle et actuelle, puisqu’ il n’y a pas de salut présent ni éternel, puisque le salut n’est pas pou
331 avenir du Parti, proférer des aveux mensongers qu’ il croyait tactiquement utiles. Imaginez maintenant qu’un vrai chrétien
332 ste ou de militer en sa faveur : l’alternative où il se place est sans issue. Car ou bien il accepte les disciplines d’act
333 native où il se place est sans issue. Car ou bien il accepte les disciplines d’action que lui impose son parti, et qui com
334 et le mensonge : mais alors pour sauver le monde, il perd sa raison d’être personnelle, et renie justement cette foi qu’il
335 être personnelle, et renie justement cette foi qu’ il croyait mieux servir dans le communisme ; ou bien il tâche de n’agir
336 croyait mieux servir dans le communisme ; ou bien il tâche de n’agir qu’en chrétien ; mais alors il devient un opposant, u
337 en il tâche de n’agir qu’en chrétien ; mais alors il devient un opposant, un « trotzkyste » ou un « saboteur », et à tout
338 st un avenir absolument hétérogène aux actions qu’ il peut faire aujourd’hui, dans un ordre non socialiste. Par où l’on voi
339 que l’avenir socialiste, la société sans classes, doit supprimer ! Le marxiste croit que le bien sort du mal ; le chrétien s
340 a transformation de l’homme importe seule, puisqu’ elle est, en effet, l’essentiel, et le but de tout autre changement. J’en
341 ligieuse. Et j’entends bien que les sacrifices qu’ ils font ne sont pas seulement « spirituels », entraînent des risques fin
342 rs. Mais je demande à ces chrétiens « changés » s’ ils ont un souci suffisant des suites sociales et politiques qu’implique
343 tianisme le plus « activiste ». Pourquoi refusent- ils de s’occuper de politique ? Comment se fait-il qu’un grand nombre d’e
344 t-ils de s’occuper de politique ? Comment se fait- il qu’un grand nombre d’entre eux s’en désintéressent pratiquement ? Ils
345 re d’entre eux s’en désintéressent pratiquement ? Ils me disent : « On ne peut pas tout faire ! Quand beaucoup d’hommes ser
346 èmes se poseront autrement… » Je veux les croire. Ils courent au plus pressé. Mais le marxiste aussi me tenait ce raisonnem
347 ur justifier une action tout inverse. Je pense qu’ il faut aller plus loin60. La déviation matérialiste du marxisme ne doit
348 loin60. La déviation matérialiste du marxisme ne doit pas seulement nous inciter à des condamnations toutes théoriques : el
349 s inciter à des condamnations toutes théoriques : elle doit nous avertir de corriger sans trêve la déviation spiritualiste q
350 iter à des condamnations toutes théoriques : elle doit nous avertir de corriger sans trêve la déviation spiritualiste qui me
351 ue les chrétiens ne comprendront pas que leur foi doit se manifester sur tous les plans de l’activité humaine, y compris le
352 l’activité humaine, y compris le plan politique, ils ne répondront pas au défi du marxisme, qui s’en trouvera justifié pou
353 . Mais je crois que le christianisme, aussitôt qu’ il se manifeste en vérité, entre en conflit avec certaines structures po
354 on la plus intime, à la création d’autres formes. Il importe de savoir lesquelles, et de les préparer consciemment. Sinon
355 sespérées qui passionnent les masses incroyantes. Il se pose là, me semble-t-il, une question de solidarité, qui est une f
356 es masses incroyantes. Il se pose là, me semble-t- il , une question de solidarité, qui est une forme de la charité. Parfois
357 qui est une forme de la charité. Parfois aussi le devoir chrétien peut apparaître plus historiquement défini et localisé : je
358 moins, ce que signifie la menace totalitaire, qu’ elle soit fasciste ou soviétique : c’est la « mise au pas » de nos vies et
359 rétiens ne forment plus des groupuscules obscurs, ils ont constitué des églises visibles (et même parfois trop visibles), o
360 s’opposent aux commandements du Décalogue, et au devoir d’amour chrétien. Le conflit est inévitable. Suffira-t-il dès lors de
361 ur chrétien. Le conflit est inévitable. Suffira-t- il dès lors de se laisser persécuter ? N’avons-nous rien à faire qu’à su
362 ient ? Or toute attente passive, si courageuse qu’ elle soit, devient dans le cas présent une complicité. L’État totalitaire
363 s, quel point de vue constructif le chrétien peut- il soutenir, s’il ne veut pas rester l’objecteur que j’ai dit ? Un prote
364 e vue constructif le chrétien peut-il soutenir, s’ il ne veut pas rester l’objecteur que j’ai dit ? Un protestant, et je pr
365 t ? Un protestant, et je précise : un calviniste, doit être ici en mesure de répondre. De toutes les églises chrétiennes, l’
366 jà « totalitaire » contre des groupes, loyalistes il est vrai, mais réfractaires à certaine mise au pas. Il serait peut-êt
367 t vrai, mais réfractaires à certaine mise au pas. Il serait peut-être abusif de déduire d’une situation déterminée par la
368 ouvernants n’avait pas encore pu s’affirmer comme elle le fit sous Louis XIV, nous constatons que la première discipline que
369 tes revêt une forme consciemment fédérative61. Or il ne s’agit plus ici de contingences historiques. C’est le fond même de
370 reindre la portée de ce fait en l’opposant, comme il serait facile, à l’esprit unitaire et impérial qui anime l’Église de
371 tes les églises, est une promesse à laquelle nous devons croire de toute la force de notre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon
372 s valable pour tout chrétien, à quelque église qu’ il appartienne. Nous avons tous reçu de Dieu un appel strictement person
373 e autonomie spirituelle au sein de la communauté. Il y va de notre tout, personnel, mais aussi de la valeur de la communau
374 mme chrétien, la forme politique du communisme63. Il lui faut donc en préparer une autre, et prendre enfin parti, positive
375 e a pour vraie devise : dividendes d’abord ! Mais elle entend utiliser le spirituel comme masque. Elle entraîne beaucoup de
376 s elle entend utiliser le spirituel comme masque. Elle entraîne beaucoup de braves gens au service d’une cause présentée com
377 souffrir demain par le fait d’un État tyrannique, il faut qu’elles sachent qu’elles en sont responsables, dans la mesure o
378 main par le fait d’un État tyrannique, il faut qu’ elles sachent qu’elles en sont responsables, dans la mesure où elles cédère
379 d’un État tyrannique, il faut qu’elles sachent qu’ elles en sont responsables, dans la mesure où elles cédèrent, jadis, aux te
380 qu’elles en sont responsables, dans la mesure où elles cédèrent, jadis, aux tentations théocratiques ou séculières. Si la cu
381 it d’une doctrine et d’un État « matérialistes », il faut savoir que nous en sommes les responsables, dans la mesure où no
382 est à lui de faire pénitence, car c’était lui qui devait témoigner de sa primauté salutaire. Mais il faut aussi repartir. La t
383 i devait témoigner de sa primauté salutaire. Mais il faut aussi repartir. La tragédie de Marx et du marxisme, c’est de n’a
384 t en Dieu à ses fins et à ses origines. Mais nous devons proclamer la vérité parfaite dont nous avons, nous les premiers, dévi
385 fficace contre le matérialisme, c’est la lutte qu’ il nous faut mener contre la tentation spiritualiste. 41. « Le commun
386 . « Le communisme n’est pas pour nous un état qui doive être créé, un idéal… Nous appelons communisme le mouvement effectif q
387 Dieu » chrétien. 45. « Dans la pratique, l’homme doit prouver la vérité de sa pensée, c’est-à-dire sa réalité et sa puissan
388 de la religion telle que Marx la voyait, telle qu’ elle lui apparaissait dans le corps social. Je n’oublie pas que la même ép
389  » (Marx, Critique de le philosophie hégélienne). Il faut en user, certes, mais elle ne suffit pas. « Être radical consist
390 sophie hégélienne). Il faut en user, certes, mais elle ne suffit pas. « Être radical consiste à attaquer le mal dans la raci
391 lité à son fondement, à son contenu et à son but. Elle ne présente rien que l’on puisse comparer, fût-ce le plus superficiel
392 us superficiellement, à un programme théorique qu’ il s’agirait maintenant d’appliquer. En bref, la doctrine chrétienne, si
393  » 51. Ma supposition n’est pas toute gratuite : elle s’est réalisée plus tard sous Constantin par des moyens légaux, il es
394 plus tard sous Constantin par des moyens légaux, il est vrai, mais avec les mêmes inconvénients. Certes il y a des lois d
395 est secondaire. » Et Henri de Man : « Je crois qu’ il n’y a jamais eu de tentative révolutionnaire qui n’ait été d’origine
396 lutionnaire qui n’ait été d’origine chrétienne. S’ il n’y a pas de socialisme en Asie, cela tient à l’absence du christiani
397 les conditions physiques et spirituelles en ce qu’ elles ont de permanent », car alors, le marxiste me ferait observer que des
398 ez l’homme par un régime communiste.) Que reste-t- il dans l’être humain d’absolument irréductible à toute transformation s
399 nière à frapper les regards et l’on ne dira pas : il est ici, ou bien : il est là ! Car voici que le Royaume de Dieu est a
400 gards et l’on ne dira pas : il est ici, ou bien : il est là ! Car voici que le Royaume de Dieu est au-dedans de vous ! » (
401 57. Je parle ici, l’on m’entend bien, de ce que doit être un chrétien conséquent. Il est trop clair que nous restons, tous
402 bien, de ce que doit être un chrétien conséquent. Il est trop clair que nous restons, tous tant que nous sommes, bien en a
403 tivités, celles-là précisément dont le marxisme a faire sa spécialité, en vertu de notre carence : la politique, nos af
404 n en apparence à la critique marxiste. En vérité, il ne donne tort qu’à l’homme, non à la foi dont l’homme refuse les ordr
405 st pas le sens jésuite courant : que la fin seule doit indiquer les moyens justes qui la préparent. Et non pas justifier des
406 urs, d’hypocrites, etc. Mais je dis qu’en tant qu’ ils approuvent la politique de Staline et ses moyens, connus de tous, ils
407 litique de Staline et ses moyens, connus de tous, ils approuvent le mensonge (affaire Zinoviev), l’hypocrisie (entrée dans
408 asse (prêchée par Marx) et la guerre (pour peu qu’ elle soit censée défendre l’URSS). 60. Je n’entends pas porter ici un jug
5 1937, Articles divers (1936-1938). Vocation et destin d’Israël (1937)
409 t und fallt mit seiner Mission », c’est-à-dire qu’ il consiste uniquement dans sa mission ; ou, si nous traduisons littéral
410 te a perdu sa vertu pour une oreille habituée : «  Il se lève et il tombe avec sa mission. » Nous ne savons rien du reste d
411 vertu pour une oreille habituée : « Il se lève et il tombe avec sa mission. » Nous ne savons rien du reste de sa vie, et n
412 tte tribu « se lève et tombe » avec la mission qu’ elle incarne : « Préparer les voies du Seigneur », espérer et prêcher le M
413 a styliser et la chiffrer, c’est-à-dire, telle qu’ elle fut déterminée par des facteurs en partie mesurables (géographiques,
414 tite raison de supposer que le peuple d’Israël, s’ il n’avait pas été « élu », eût évolué d’une autre sorte que tant de tri
415 nouveau — c’est la suite des gestes de Dieu dont ils ne furent que les instruments. Mais les instruments indociles ! Ce qu
416 est fixée, mais ce n’est plus sa « propre » voie. Il vient de Dieu, il va vers Dieu, et c’est la loi de Dieu qui l’y condu
417 n’est plus sa « propre » voie. Il vient de Dieu, il va vers Dieu, et c’est la loi de Dieu qui l’y conduit. C’est pourquoi
418 re aspect du conflit de la vocation et du destin. Il fait comprendre l’esprit de révolte qui tourmenta sans fin les douze
419 sait quel futur. Et une angoisse contre laquelle il est fatal que l’on cherche à se protéger par quelque chose de visible
420 e et de tangible. Ainsi les Hébreux se rebellent, ils fuient dans le culte des faux dieux, rassurants parce que « faits de
421 parle ! Car l’esprit de prostitution égare Et ils se prostituent loin de leur Dieu ! (Osée, 4, 12) Cet « esprit de pro
422 sa vocation — de même cette vocation et la foi qu’ elle implique ont un symbole, unique et univoque : l’Arche de l’Alliance p
423 euple, aussi nommée arche du témoignage, parce qu’ elle atteste les volontés de Dieu, les conditions de son alliance. La m
424 e la Loi. La Loi est la « mesure » sacrée : c’est elle qui rappelle à la fois l’origine et la fin du peuple en tant qu’il es
425 la fois l’origine et la fin du peuple en tant qu’ il est un « nouveau » peuple, élu par Dieu et « mis à part »64. C’est à
426 peuple, élu par Dieu et « mis à part »64. C’est à elle que tout acte se réfère, et non seulement tout geste, mais toute pens
427 aïques se distingue de toutes les autres en ce qu’ elle est une vocation adressée par un Dieu personnel, unique, éternel, tra
428 un Dieu personnel, unique, éternel, transcendant. Elle n’est pas le produit normal d’une évolution historique fécondée et cr
429 cristallisée par l’intervention d’un grand chef. Elle est donc plus « totalitaire » que toute mesure humainement concevable
430 » que toute mesure humainement concevable, puisqu’ elle ne tire pas son origine de circonstances ou de personnes nécessaireme
431 rsonnes nécessairement imparfaites ou partielles. Elle ne laisse aucune contingence, ni aucune possibilité de retrait ou de
432 refuge « loin de la face de l’Éternel ». Parce qu’ elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la consc
433 a conscience finale du peuple hébreu. Et parce qu’ elle est la loi de Dieu — qui définit la vérité —, elle porte en elle la r
434 lle est la loi de Dieu — qui définit la vérité —, elle porte en elle la règle permanente de toute action et de toute pensée.
435 de Dieu — qui définit la vérité —, elle porte en elle la règle permanente de toute action et de toute pensée. Vraie mesure
436 édant à leur penchant immémorial et bien connu, s’ ils oublient que le Dieu qu’ils servent est un Dieu qui se nomme « jaloux
437 rial et bien connu, s’ils oublient que le Dieu qu’ ils servent est un Dieu qui se nomme « jaloux », les Prophètes se lèvent
438 borde ici singulièrement le culte des images d’où elle tire son nom. Elle embrasse tout ce qui n’est pas foi, mais vue, tout
439 ement le culte des images d’où elle tire son nom. Elle embrasse tout ce qui n’est pas foi, mais vue, tout ce qui est refus d
440 toute action ou pensée, si belle ou si féconde qu’ elle soit, qui ne puisse être consacrée au ministère sacerdotal du peuple
441 la Loi en soi, abstraite des fins pour lesquelles elle existe. C’est l’idolâtrie qui consiste à soumettre l’homme à la « let
442 n divine, mais dont l’homme s’est emparé, et dont il fait sa chose, oubliant son Auteur. C’est alors que la lettre tue l’h
443 t l’esprit. Et c’est à cette ultime tentation que devaient succomber les plus grands rigoristes, les savants docteurs de la Loi,
444 ifs : Josèphe. « Notre législateur (Moïse), écrit- il dans sa Réponse à Appion 67, a été le seul dont les actions et les pa
445 s actions et les paroles ont été conformes. » Car il n’a pas seulement formulé des lois justes, complètes et très détaillé
446 s lois justes, complètes et très détaillées, mais il a veillé à ce qu’elles fussent connues de tous. Cette connaissance p
447 ètes et très détaillées, mais il a veillé à ce qu’ elles fussent connues de tous. Cette connaissance produit parmi nous une a
448 oint parmi nous parler diversement de Dieu, comme il arrive parmi les autres peuples, non seulement entre les personnes du
449 conduite de notre vie, et que toutes nos actions doivent avoir pour objet de plaire à Dieu. Une culture pauvre, mais fidèl
450 e Un homme du xxe siècle ne peut, me semble-t- il , qu’éprouver une sorte d’effroi au spectacle d’un ordre social, spiri
451 e offense à cette liberté créatrice dans laquelle il met son orgueil. Que de richesses perdues, songe-t-il, que d’inventio
452 et son orgueil. Que de richesses perdues, songe-t- il , que d’inventions négligées, méprisées ! Nous adorons la Vie et le Pr
453 dans son sein l’avenir religieux du monde. Dès qu’ il était tenté de s’oublier dans les voies vulgaires des autres peuples,
454 proclamait que la justice à l’ancienne manière ne devait jamais être sacrifiée.68 Ainsi toute tentative de culture profane s
455 e la culture du peuple hébreu. C’est une ascèse : il s’agit de détruire en germe tout ce qui comblerait trop tôt, ou trop
456 que. Point d’abstractions : c’est que le culte qu’ il faut rendre au Dieu vivant est une obéissance directe « en esprit et
457 termes abstraits, impropre à toute métaphysique69 il contraint les auteurs sacrés à l’invention de métaphores qui enrobent
458 hique — mais quand un peuple a des prophètes, a-t- il besoin de philosophes ? — est ainsi l’aspect négatif d’une splendeur
459 l’Occident chrétien sera grande dans la mesure où elle sera biblique ou grecque, sublime dans la mesure où la synthèse des d
460 causes » mais bien des « signatures » naturelles. Elle ne veut pas utiliser les choses, mais distinguer en elles les intenti
461 veut pas utiliser les choses, mais distinguer en elles les intentions divines, pour les offrir en holocauste spirituel au Cr
462 ppement commercial71 et industriel. » Que reste-t- il de ce que nous nommons culture ? Philosophie, beaux-arts, fictions éc
463 sponsable, et dont l’esprit connaît un but auquel il dédie toutes ses œuvres, l’on voit que la culture la plus pauvre, qui
464 se de l’absolu de sa mesure, et de la promesse qu’ elle portait. ⁂ Revenons encore à Josèphe : Quant à ce que l’on nous repr
465 es de nos ancêtres, parce que c’est une preuve qu’ elles ont été parfaitement bien établies, puisqu’il n’y a que celles qui n’
466 ’elles ont été parfaitement bien établies, puisqu’ il n’y a que celles qui n’ont pas cet avantage que l’on soit obligé de c
467 s préparés à nous acquitter du culte que nous lui devons  ; que nos Sacrificateurs sont établis pour veiller sans cesse à ce qu
468 eurs sont établis pour veiller sans cesse à ce qu’ il ne se fasse rien qui y soit contraire, et que toutes choses ne sont p
469 s mieux réglées le jour d’une fête solennelle, qu’ elles le sont toujours parmi nous ? Chute d’Israël Tout était suspen
470 ccomplie » comme le dit Jésus-Christ lui-même, et elle l’est d’une double manière : parce qu’elle a abouti — le Messie est v
471 me, et elle l’est d’une double manière : parce qu’ elle a abouti — le Messie est venu — et parce qu’elle a perdu son sens en
472 ’elle a abouti — le Messie est venu — et parce qu’ elle a perdu son sens en condamnant celui qu’elle annonçait. Christ apport
473 e qu’elle a perdu son sens en condamnant celui qu’ elle annonçait. Christ apporte une nouvelle mesure, fondant ainsi un nouve
474 esure, fondant ainsi un nouvel Israël. Bien plus, il est lui-même cette mesure, cette Alliance, et ce sont ceux qui adoren
475 sure, sans limites et sans foyer. Sans espérance, il crée des utopies. Sans obéissance, il imagine des lois fatales. Sans
476 espérance, il crée des utopies. Sans obéissance, il imagine des lois fatales. Sans Messie, il se fait précurseur des mess
477 ssance, il imagine des lois fatales. Sans Messie, il se fait précurseur des messies qui ne viendront pas… Héritage d’Is
478 me et assumait une mission de portée universelle. Il revendiquait toutefois en même temps l’héritage d’Israël, et l’attrac
479 ême temps l’héritage d’Israël, et l’attraction qu’ il exerçait venait non des principes généraux de la pensée hellénistique
480 oyaume promis au Peuple de Dieu. Aussi conserva-t- elle à l’égard du monde des gentils cette attitude voulue de séparatisme s
481 es cultes orientaux de cette époque, et qui fit d’ elle dès son apparition la seule rivale véritable et la seule remplaçante
482 de cette notion de la mesure « totalitaire » qui devait assurer la grandeur de l’Église — mais dont les déviations et pervers
483 siècle, et menacent aujourd’hui de la détruire74. Il ne saurait être question de retracer ici dans son ensemble l’évolutio
484 t que la raison des Grecs et l’ordre des Romains. Il m’appartient seulement de préciser en quelques traits le sens que pre
485 t minoritaire sont considérés comme « normaux » : ils expriment le destin spirituel, dans un monde incrédule et rebelle, de
486 le ou église. En vertu de cette « élection » dont ils ont l’assurance d’être l’objet, par une grâce périlleuse, et dans la
487 ption d’une intendance des biens terrestres, dont ils auraient à assumer l’office : usant de ces richesses « comme n’en usa
488 et par la charge du Seigneur qui est venu, et qui doit revenir. Telle est sans doute la racine authentique du puritanisme qu
489 répond que le capitalisme est plus ancien, et qu’ il est d’origine judaïque78. Ce n’est pas ici le lieu de prendre parti e
490 ion, attitudes analogues en ceci tout au moins qu’ elles mettent l’accent sur le fait de l’élection. Il est curieux de noter q
491 elles mettent l’accent sur le fait de l’élection. Il est curieux de noter que le parallélisme se poursuit même, — et peut-
492 éthique juive et l’éthique puritaine, à mesure qu’ elles « réussissaient ». Le spiritualisme transcendant des Juifs d’Orient a
493 destin. Sa dispersion en est le châtiment. Serait- il donc possible de perdre sa vocation ? Et que devient celui qui la tra
494 ion ? Et que devient celui qui la trahit, soit qu’ il rejette ses ordres, soit qu’il la prenne pour idole, refusant d’en re
495 la trahit, soit qu’il rejette ses ordres, soit qu’ il la prenne pour idole, refusant d’en reconnaître la vraie fin lorsqu’e
496 le, refusant d’en reconnaître la vraie fin lorsqu’ elle lui apparaît incarnée ? Est-il rejeté à tout jamais ? Une vocation es
497 vraie fin lorsqu’elle lui apparaît incarnée ? Est- il rejeté à tout jamais ? Une vocation est-elle donc « amissible » ? Le
498  ? Est-il rejeté à tout jamais ? Une vocation est- elle donc « amissible » ? Le refus de l’homme serait-il donc capable de mo
499 e donc « amissible » ? Le refus de l’homme serait- il donc capable de modifier un arrêt éternel, alors que Dieu prédestine
500 e et ses œuvres ? Ce problème n’est pas gratuit : il touche au cœur de la foi réformée. Or c’est lui justement que traite
501 ans doute ce texte illumine aussi profondément qu’ il est possible le mystère dernier d’Israël. « Je demande maintenant : D
502 nier d’Israël. « Je demande maintenant : Dieu a-t- il rejeté son peuple ? Non certes, car je suis moi-même israélite, de la
503 de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’ il a connu d’avance » (c’est-à-dire prédestiné) (Rom., II, 1-2). Cependa
504 1-2). Cependant, « Israël n’a point obtenu ce qu’ il cherche : mais les élus l’ont obtenu et les autres ont été endurcis »
505 rcé les Apôtres à prêcher le message aux gentils, ils ont perdu le bénéfice national, comme exclusif, de la Révélation. Mai
506 e se trouve servir les desseins éternels de Dieu. Elle étend à l’humanité entière le bénéfice de la Promesse qu’il a reçue,
507 l’humanité entière le bénéfice de la Promesse qu’ il a reçue, cependant que son destin final demeure entre les mains du pl
508 ’égard du peuple d’Israël. Tout dépend de lui, et il refuse ! D’où la haine sourde, et en même temps le respect religieux
509 espect religieux qu’on lui porte. Peut-être n’est- il pas excessif de voir dans cette passion contradictoire le secret des
510 ’en serait en tout cas que le plus impur exemple. Il reste que la chrétienté non seulement ne pourra jamais se désintéress
511 sien en vertu d’un décret de Dieu, mais encore qu’ elle se doit de juger Israël autrement que ne fait « le monde ». Ce n’est
512 vertu d’un décret de Dieu, mais encore qu’elle se doit de juger Israël autrement que ne fait « le monde ». Ce n’est pas au n
513 n dit : les Juifs sont ceci, les Juifs sont cela, ils se sont emparés de nos richesses, etc. Mais de quels biens se préoccu
514 nde. Et cette richesse s’appelle le salut. 64. Il faut bien voir que le « racisme » juif n’est justifié à l’origine que
515 ine que par la vocation spirituelle de ce peuple. Il n’est pas du tout biologique. Il ne le devient qu’accessoirement, à m
516 le de ce peuple. Il n’est pas du tout biologique. Il ne le devient qu’accessoirement, à mesure que l’on prend les « signes
517 -mêmes. Mais sans doute ce glissement fatal s’est- il dessiné dès le début, à mesure que l’on codifiait les relations des «
518 prêtres) était tenu par les sacrificateurs. « Et ils n’en épousaient point qui aient été captives, de peur qu’elles n’aien
519 ousaient point qui aient été captives, de peur qu’ elles n’aient eu quelque commerce avec des étrangers. Peut-il y avoir rien
520 erver cet ordre, on le sépare de l’autel, sans qu’ il lui soit plus permis de faire aucune des fonctions sacerdotales. » —
521 s de faire aucune des fonctions sacerdotales. » — Il est curieux de noter que les lois racistes hitlériennes privent de to
522 e, entre autres, d’une très grave lacune en ce qu’ il paraît conclure sur l’abandon final d’Israël à son destin, après la m
523 rmer en partie ce dernier jugement de Renan. Mais il reste valable pour la période primitive. 72. Abraham déjà, et les pr
524 l’Ancien Testament l’histoire du Christ avant qu’ il vienne, dans les Prophètes, des Apôtres avant le Christ, dans les Apô
525 lice de type fasciste ou stalinien. Bien entendu, il serait absurde de rendre Israël responsable de ce qui n’est que « pro
526 e en effet cette restriction : « Et aussi ne faut- il pas entendre ceci de toute vocation, mais de celle par laquelle Dieu
6 1937, Articles divers (1936-1938). Luther, Traité du serf arbitre (1937)
527  : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés
528 d, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au public f
529 tés au public français comme un ouvrage capital : ils s’étonnent d’y trouver si peu de substance théologique et tant de pla
530 re connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’ il parut (en 1936) à louer la mesure et la sérieuse information théologi
531 et la sérieuse information théologique… Ceci dit, il est juste d’insister sur la grande valeur des travaux de quelques spé
532 ois facultés françaises de théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la méconnaissance courantes à
533 u, qu’on déclare volontiers « inhumain » parce qu’ il attribue tout à Dieu. Importance du De servo arbitrio C’est sa
534 tuelle, excité (bien plutôt que « désarmé » comme il le dit aux premières pages) par les procédés de l’humaniste et du sce
535 . Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un sys
536 ge. S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’ ils ne constituent pas un système, au sens philosophique du mot, mais qu’
537 un système, au sens philosophique du mot, mais qu’ ils s’impliquent très étroitement les uns les autres, et ne peuvent être
538 ion que nous posent toutes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les reflets, divers
539 e la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les reflets, diversement réfractés par nos mots. Ils renv
540 les reflets, diversement réfractés par nos mots. Ils renvoient tous à la question du Christ : « … et toi, maintenant, croi
541 cela ? » — Si tu le crois, si tu as reçu la foi, il n’est plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni da
542 n’ébranlent plus que le « vieil homme », celui qu’ il nous faut dépouiller. Folie pour les sages Mais il s’en faut de
543 faut dépouiller. Folie pour les sages Mais il s’en faut de presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la R
544 connues !) par nos contemporains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme
545 en a pas du tout le monopole : tout catholique se doit , en bonne logique, de les faire siens, puisqu’il croit au mérite des
546 oit, en bonne logique, de les faire siens, puisqu’ il croit au mérite des œuvres ; et tous les protestants qui jugent encor
547 ses efforts et ses œuvres morales. Que trouveront- ils , dès lors, dans ce Traité ? Une verdeur de polémique qui peut flatter
548 onie — quoique involontaire, je le suppose — dont il pouvait en l’occurrence, l’accabler. On ne saurait souligner trop for
549 er nie le libre arbitre. Ceci pourrait suffire et doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’un moderne, l’objection par
550 cle ne s’oppose. Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer
551 s et économiques ? Toute ta science ne s’occupe-t- elle pas, justement, à les découvrir ? Au besoin, à les inventer ? C. M.
552 te qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’ il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me
553 — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de t
554 de nos actions passées, présentes, futures ; car elles sont dans le temps, Dieu dans l’éternité qui est avant le temps, qui
555 que je les fais librement, et tu viens me dire qu’ elles sont prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de m
556 u éternel, qui alors se joue de moi indignement ! Il faudra donc choisir : Dieu ou moi. Je dirai : moi. Dussè-je tuer Dieu
557 Dussè-je tuer Dieu, comme Nietzsche a proclamé qu’ il avait fait. L. — Comment le temps tuerait-il l’Éternel ? Comment la
558 qu’il avait fait. L. — Comment le temps tuerait- il l’Éternel ? Comment la chair tuerait-elle l’Esprit ? Elle ne peut tue
559 s tuerait-il l’Éternel ? Comment la chair tuerait- elle l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’elle s’en formait…
560 ternel ? Comment la chair tuerait-elle l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’elle s’en formait… Mais tu affirmes
561 l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’ elle s’en formait… Mais tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu es alors
562 t l’imaginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’ elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous p
563 e chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’ elle n’est pas au contraire la source de tout acte et de toute création, u
564 e chose au déroulement calculable du temps, quand elle le touche dans l’instant (dans un « atome » de temps, comme l’écrit P
565 son tout attachée à notre chair, à notre temps où elle s’est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandal
566 promesse, une prière précise et instante, ne vit- il pas ce paradoxe et ce mystère : croire que « l’Éternel est vivant »,
567 rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’ il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « te
568 qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’ il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas li
569 dera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais au contraire, nos div
570 liés : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en nous lorsque l’Esprit dit : la Parole dans notre cœur. Quelle
571 rnel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui définit notre présent ! Est-ce que nos objections « philoso
572 dégager l’alternative du libre arbitre, telle qu’ elle se pose dans les termes extrêmes où elle revêt sa vraie réalité : c’e
573 telle qu’elle se pose dans les termes extrêmes où elle revêt sa vraie réalité : c’est l’Éternel qui commande — ou c’est moi.
574 té : c’est l’Éternel qui commande — ou c’est moi. Il n’y a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistan
575 . Il n’y a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du « vieil homme », et les prétextes
576 riture, — or, cette Parole est Christ lui-même, —  il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses ob
577 , 12-13). C’est parce que Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu’il nous l’a commandé. C’est parce que Dieu a tout prév
578 que Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu’ il nous l’a commandé. C’est parce que Dieu a tout prévu que nous avons e
579 dans les choses du salut. Mais que le Christ ait mourir — cet acte extrême — pour nous sauver, fait voir que nous n’av
580 par nous-mêmes, dans notre péché. Et à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond de la connaissance du péché pour vo
581 ’au fond de la connaissance du péché pour voir qu’ il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute
582 me du salut est un problème de vie ou de mort. Or il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair lorsque l’on
583 t notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’ elle puisse suffire à nous obtenir le salut, étant elle-même soumise au ma
584 este est psychologie, littérature et scolastique. Il n’en reste pas moins qu’aux yeux de la raison — cette folle, comme le
585 t vraiment à la difficulté ; ou si, au contraire, ils ne la retrouvent pas, mais dans un plan où elle reste insoluble. Éras
586 e, ils ne la retrouvent pas, mais dans un plan où elle reste insoluble. Érasme était encore catholique ; son humanisme mesur
587 ul — et l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’ il a poussé comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites de l’homme, jusqu’a
588 i l’étreint, dès lors que « Dieu est mort » ou qu’ il l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme ce Retour éternel
589 lors que « Dieu est mort » ou qu’il l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme ce Retour éternel paraît exclure
590 our éternel paraît exclure toute liberté humaine, il se met à prêcher l’amor fati, l’adhésion volontaire et joyeuse à la f
591 de reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’ il croit trouver et regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu. Êt
592 idence. En vérité, c’est bien du même problème qu’ il s’agit. Le seul problème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale d
593 n vient à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois  » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je
594 de l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre existence35. Mais la difficulté fondamentale que pos
595 essité conditionnelle et nécessité absolue, comme ils disent », et ce ils désigne « les sophistes », c’est-à-dire les scola
596 e et nécessité absolue, comme ils disent », et ce ils désigne « les sophistes », c’est-à-dire les scolastiques. 32. Comme
7 1937, Articles divers (1936-1938). L’Acte comme point de départ (1936-1937)
597 (1936-1937)a b Nous partons de l’impression qu’ il existe, entre certains systèmes qu’on a coutume d’opposer très nettem
598 ourrions définir qu’en sortant du plan sur lequel ils voulaient nous faire prendre parti. C’est ainsi qu’on peut distinguer
599 leurs erreurs respectives dans le plan sur lequel ils s’opposent. Cette impossibilité de prendre parti entre deux erreurs q
600 ilosophies de naguère et d’aujourd’hui, telles qu’ elles se présentent à nous. Avant même d’en pénétrer le détail et d’en crit
601 e mouvement de refus global. Mais nous sentons qu’ elles entraînent en nous un état de division intérieure. Elles opèrent dans
602 ntraînent en nous un état de division intérieure. Elles opèrent dans un monde dépourvu de correspondances avec notre situatio
603 leur autonomie parfaite qui nous semble absurde. Il semble que l’esprit ait proclamé, lui aussi, son autarchie, et qu’il
604 rit ait proclamé, lui aussi, son autarchie, et qu’ il puisse se donner des lois qui ne tiennent plus compte de la crise du
605 n’est plus le moteur de l’action ; au contraire, elle tourne à ses dépens. On peut continuer la métaphore et dire que la pe
606 ’ailleurs, et fait plus de bruit qu’en « prise ». Il arrive même qu’il tourne si vite que toute tentative d’embrayage sera
607 plus de bruit qu’en « prise ». Il arrive même qu’ il tourne si vite que toute tentative d’embrayage serait immédiatement f
608 certaine pensée critique, aujourd’hui, ne donne-t- elle pas exactement cette impression ? Ne pourrions-nous la caractériser m
609 art, le sentiment de division et de diminution qu’ elle favorise en nous : ce mot serait celui d’inactualité, entendu, non pa
610 sée moderne repose sur un postulat d’inactualité, il suffit, pour s’en convaincre, de se demander un instant ce qui arrive
611 que, cependant, si le désordre du monde est réel, il se peut qu’il provienne, précisément, d’actualisations partielles des
612 , si le désordre du monde est réel, il se peut qu’ il provienne, précisément, d’actualisations partielles des philosophies
613 s sont tout de même moins inopérantes que souvent elles ne voudraient l’être. Mais, chose étrange, la raison pour laquelle le
614 — comment pourrions-nous faire comprendre de quoi il s’agit ? Nous allons être obligés ici d’avoir recours à une méthode r
615 te, et en quelque sorte négative. Car, en vérité, il n’y a pas pour nous de problème de l’acte mais il y a problème de ce
616 de ce qui s’oppose à l’acte. (En d’autres termes, il n’y a pas de problème de la personne, mais bien des « choses », de l’
617 ffets. Quant à la scène représentée par la photo, elle n’est plus qu’un objectif, inactuel en soi, et problématique. Qu’on n
618 par là même objectives, et celles sur lesquelles il faut que l’esprit s’appuie pour poser un problème quelconque ». L’act
619 sur l’acte ne pouvant intervenir qu’a posteriori, elle n’est, en réalité, qu’une réflexion sur les effets de l’acte. Si, au
620 t de sauter, l’athlète essaie de définir le saut, il ne sautera pas. Tous ceux qui ont pratiqué un minimum de culture phys
621 la conscience défaillante qui refuse l’obstacle. Il ne reste alors qu’à se consoler par la certitude que l’analyse philos
622 « L’éthique ne commence pas dans une ignorance qu’ il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exige sa réalisation
623 la fois créateur, et transcendant à sa création. Il est créateur en ceci qu’il introduit dans les choses un rapport nouve
624 cendant à sa création. Il est créateur en ceci qu’ il introduit dans les choses un rapport nouveau instituant une situation
625 ouveau instituant une situation irréversible ; et il est transcendant parce que dans ce rapport nouveau on ne trouvera rie
626 on tour à l’éclair bouleversant d’un nouvel acte. Il n’y a eu d’acte que dans le présent, dans l’instant créateur, dans ce
627 ues à l’acte « as it’s known as », réactions qui, elles , se manifestent dans une certaine durée de vibration. Le sentiment qu
628 ue, à l’éliminer ou à la disqualifier. À moins qu’ il n’en parte, comme de la réalité centrale, impensable et qui permet de
629 oyons en avoir assez dit pour pouvoir affirmer qu’ il n’y a pas de transition entre l’acte et ses effets. C’est l’acte lui-
630 « médiation ». On pourrait dire, paradoxalement : il n’y a de transition que par l’acte, mais l’acte est le contraire d’un
631 , en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas d’évolution créatrice sans révolution. L’acte sera donc ago
632 L’acte est l’éclatement d’une tension orientée ; il est donc aussi intention. Il n’est pas seulement agonique, mais encor
633 e tension orientée ; il est donc aussi intention. Il n’est pas seulement agonique, mais encore ordonnateur. C’est un confl
634 s ténèbres soient données avant l’acte, car sinon il ne serait pas créateur, c’est-à-dire qu’il ne serait pas acte. L’acte
635 sinon il ne serait pas créateur, c’est-à-dire qu’ il ne serait pas acte. L’acte n’a qu’un point d’application, le chaos, l
636 est plus aigu que l’ancien. Au fur et à mesure qu’ elle se libère, la personnalité se risque de plus en plus. C’est pourquoi
637 ison même de la plus grande docilité de l’inerte. Il est plus difficile d’échapper au prestige du positivisme et du néo-pr
638 u néo-pragmatisme qu’à celui du moulin à prières. Il est plus difficile de maintenir sur le qui-vive un empire qu’une cité
639 naissance. Non seulement la pensée est acte, mais elle est ce qu’il y a de plus actuel ·dans l’acte. Ce qui a pu tromper sur
640 s en donnera un bon exemple. En tant qu’activité, elle peut se définir par l’invention de l’abstrait, c’est-à-dire de l’homo
641 rait, c’est-à-dire de l’homogénéité mathématique. Elle apparaît ainsi comme un va-et-vient du « donné » à l’abstrait. (Confl
642 t de l’identité et de la réalité, voir Meyerson). Il n’y a de paradoxe épistémologique que pour qui refuse d’aborder le pr
643 st vrai que pour le savant seulement au moment où il crée ; pour les autres hommes, la science se traduit par une économie
644 termes, la machine sépare le travail qualifié, qu’ elle repousse vers l’activité spirituelle, du travail non qualifié, où l’h
645 e le prolongement d’un schéma mathématique, et qu’ elle est elle-même prolongée par la rationalisation. Nous avons là un exem
646 rt, l’homme n’existe personnellement qu’autant qu’ il s’affirme en acte. Quand on parle de solidarité humaine, de valeur hu
647 résistances. Entre les deux pôles de la tension, il n’y a ni identité, ni égalité, justement parce que l’un d’entre eux a
648 me « un attentat métaphysique contre l’éthique ». Il faut, certes, que l’homme trouve des points d’appui et garde une part
649 1. Ce qui ne signifie pas du tout que la pensée doive être soumise à l’action — bien au contraire ! — mais que le risque de
650 seuil qui sépare le prélogique du logique, où est- il donc ? Le point est d’importance car il nous éclairera un peu sur la
651 e, où est-il donc ? Le point est d’importance car il nous éclairera un peu sur la nature intime de l’acte créateur, dans l
652 ture intime de l’acte créateur, dans la mesure où elle est saisissable. En effet, de tous les seuils irrationnels que l’homm
653 nt M. Lévy-Bruhl, notamment dans la conférence qu’ il a faite à Oxford, le 19 mai 1931, il le passe chaque fois qu’il pense
654 onférence qu’il a faite à Oxford, le 19 mai 1931, il le passe chaque fois qu’il pense, encore que peut-être l’acte de pens
655 xford, le 19 mai 1931, il le passe chaque fois qu’ il pense, encore que peut-être l’acte de penser, au sens plein et cartés
656 t. Avant de chercher à répondre à cette question, il est indispensable de marquer très fortement l’influence qu’exerce ce
657 ns ses constructions le principe de Carnot, et qu’ elle n’a accepté l’irréversibilité qu’il recèle, que pour en tourner l’irr
658 rnot, et qu’elle n’a accepté l’irréversibilité qu’ il recèle, que pour en tourner l’irrationalité foncière à l’aide d’une l
659 tre science n’est à l’aise que dans le continu et elle fait surgir le discontinu qu’elle multiplie par son progrès même. Ell
660 s le continu et elle fait surgir le discontinu qu’ elle multiplie par son progrès même. Elle ne connaît que du probable et, e
661 iscontinu qu’elle multiplie par son progrès même. Elle ne connaît que du probable et, en tant qu’acte, elle est l’improbabil
662 e ne connaît que du probable et, en tant qu’acte, elle est l’improbabilité essentielle. Paradoxe que M. Meyerson a décrit so
8 1937, Articles divers (1936-1938). Formons des Clubs de presse (30 janvier 1937)
663 t aussi graves que celles d’un monopole privé) qu’ il est à craindre qu’elle ne puisse s’accomplir isolément. Seul le redre
664 lles d’un monopole privé) qu’il est à craindre qu’ elle ne puisse s’accomplir isolément. Seul le redressement radical et géné
665 est devenu pour le public, synonyme de mensonge. Il s’agit en attendant que la question puisse être attaquée et résolue d
666 uvelles exemptes de déformations ou de tendances. Il s’agit, en contrôlant, en systématisant cette presse parlée qui se cr
667 n dactylographié condensant les résultats acquis. Il s’établit ainsi, en quelque sorte, un double courant entre la base et
668 ations, permet d’élaborer une matière définitive. Il convient de préciser que le bulletin n’est pas distribué. Il est adre
669 de préciser que le bulletin n’est pas distribué. Il est adressé personnellement et confidentiellement au président respon
670 e œuvre commune, dans le cadre du Club privé dont ils acceptent les statuts. Il faut encore ajouter que le « Comité central
671 dre du Club privé dont ils acceptent les statuts. Il faut encore ajouter que le « Comité central d’informations » qui rédi
672 stes, d’économistes, de financiers, de militants, il utilise toutes les Informations directes dans les agences, les rédact
673 fessionnelle, par l’étendue de ses ramifications, il vise à ne délaisser aucune source, à tenir compte de tous les points
674 s importants de la semaine. Cette première partie doit donner aux membres des clubs, une suite de « matières premières » off
675 entation que continuera à leur fournir la presse. Elle pourrait être une sorte d’école permanente des lecteurs de journaux ;
676 um de duperie, une presse truquée. L’esprit Il est évident que la portée d’une telle entreprise dépend de la valeur
677 la ligne politique propre des mouvements auxquels ils appartiennent, dans une entreprise qui ne veut être qu’une œuvre stri
678 ité de tout commentaire et de tout jugement. Mais ils s’engagent, dans les « clubs de presse », à défendre les principes qu
679 ise se constitue chaque jour davantage en trusts, il ne suffit plus de dénoncer ses mensonges et ses trahisons. Il faut pa
680 plus de dénoncer ses mensonges et ses trahisons. Il faut passer à l’action. Sur un terrain parfaitement précis et limité,
681 celui de l’information, nous avons pensé que nous devions collaborer avec des camarades venant d’autres organisations. Ce sera
682 s nos amis, frontistes ou non frontistes, pour qu’ ils comprennent l’intérêt exceptionnel que présente la formation des club
683 nnel que présente la formation des clubs, pour qu’ ils y collaborent activement, pour que dans leur localité, si éloignée, s
684 eur localité, si éloignée, si peu importante soit- elle , le club de presse dont ils seront les instigateurs devienne rapideme
685 peu importante soit-elle, le club de presse dont ils seront les instigateurs devienne rapidement un organisme craint et re
9 1937, Articles divers (1936-1938). À qui la liberté ? (5 mars 1937)
686 édifiait la culture. M. de la Rocque défend ce qu’ il appelle « la primauté de l’esprit ». Il fait placarder des affiches «
687 end ce qu’il appelle « la primauté de l’esprit ». Il fait placarder des affiches « Pour la défense de la liberté ». M. Vai
688 un manifeste intitulé Au service de l’esprit, où il est question à chaque page de défendre la liberté. Dans l’état présen
689 ire de l’esprit et de la liberté, c’est-à-dire qu’ ils défendent l’un et l’autre un régime d’étatisme oppressif et de dictat
690 s sens qu’on veut dans la bouche des politiciens. Ils prennent de préférence un sens contraire à celui de l’usage courant.
691 ni fait la conquête de l’Éthiopie au nom de ce qu’ il appelle sa liberté, etc.) Mais ils prennent aussi toutes sortes de se
692 au nom de ce qu’il appelle sa liberté, etc.) Mais ils prennent aussi toutes sortes de sens intermédiaires dans la bouche de
693 approuvent (à gauche) les lois sociales parce qu’ ils les qualifient de socialistes, et qui approuveraient (à droite), ou f
694 lois si on les qualifiait de fascistes. Alors qu’ elles sont, en fait, l’un et l’autre. La politique actuelle s’occupe bien m
695 té assez forte pour interdire cette prostitution. Il en résulte que la culture qui joue tant sur le sens des mots et sur l
696 r ne rien dire ou pour dire autre chose que ce qu’ elle dit. On se demande pourquoi, dans de telles conditions, l’on s’obstin
697 e problème tout d’abord. Écrivons pour montrer qu’ il n’est pas de problème politique plus urgent que celui des mots ; et q
698 politique plus urgent que celui des mots ; et qu’ il n’est pas de problème culturel qui ne dépende de la politique. Cela r
10 1937, Articles divers (1936-1938). Romanciers publicitaires ou la contagion romanesque (13 mars 1937)
699 e, que cette contagion pratique de l’art, tant qu’ il s’agit véritablement d’art, tant qu’il s’agit, pour un auteur, d’infl
700 t, tant qu’il s’agit véritablement d’art, tant qu’ il s’agit, pour un auteur, d’influencer le public par des moyens choisis
701 raie, que la vision banale de la vie quotidienne. Il est très bon que le romancier et ses romans agissent, de cette manièr
702 , de cette manière intime et souterraine, tant qu’ ils ont quelque chose à dire. Mais nos romanciers d’après-guerre, qu’ont-
703 dire. Mais nos romanciers d’après-guerre, qu’ont- ils à dire ? Dans quel sens entendent-ils agir sur les mœurs de leurs con
704 rre, qu’ont-ils à dire ? Dans quel sens entendent- ils agir sur les mœurs de leurs contemporains ? Ils prétendent faire de p
705 t-ils agir sur les mœurs de leurs contemporains ? Ils prétendent faire de pures et simples descriptions de la Vie (avec maj
706 simples descriptions de la Vie (avec majuscule). Ils ne redoutent rien tant que l’œuvre à thèse. Ils se défendent de toute
707 . Ils ne redoutent rien tant que l’œuvre à thèse. Ils se défendent de toutes leurs forces d’avoir une métaphysique, une idé
708 t pas moins grande, sur la vie privée du lecteur. Ils ne veulent rien dire, mais, pourtant, ils disent ! En d’autres termes
709 ecteur. Ils ne veulent rien dire, mais, pourtant, ils disent ! En d’autres termes, ils influencent au hasard, gratuitement,
710 mais, pourtant, ils disent ! En d’autres termes, ils influencent au hasard, gratuitement, d’une manière anarchique — tout
711 e — tout en prétendant ne pas vouloir influencer, ils ressemblent beaucoup à ces gouvernements libéraux qui, par crainte de
712 ar crainte de s’imposer ou par ignorance de ce qu’ il faudrait imposer, se contentent d’un opportunisme à la petite semaine
713 précisément de la lectrice, car en France, paraît- il , ce sont les femmes qui lisent et qui se passionnent pour les romans.
714 imple reflet de la conscience bourgeoise moyenne. Il ne fait que traduire les humeurs, les goûts, les craintes et les vape
715 es craintes et les vapeurs du bourgeois sensible, il ne cherche pas à les combattre, à les transformer, à les dissiper au
716 ncore au nom d’un idéal révolutionnaire cohérent. Il n’a qu’une crainte : celle de passer pour autre chose qu’un « pur art
717 fit des classes possédantes et de leurs coutumes. Il n’est que de voir l’importance démesurée que nos romanciers attachent
718 e certaine classe. Ce romancier, et la culture qu’ il représente, on comprend que la jeunesse actuelle ne marche plus pour
719 onnez-nous des romans qui riment à quelque chose, il n’y aura plus de crise du livre. i. Rougemont Denis de, « Romancie
11 1937, Articles divers (1936-1938). Vers une littérature personnaliste (20 mars 1937)
720 emande si l’époque méritait mieux. Époque bâclée, elle aussi, littérature bâclée, surtout la romanesque. Jamais on ne l’avai
721 nous la liberté ! » s’écriait cette génération : elle ignorait apparemment que la liberté est une conquête, et non pas une
722 ermission perpétuelle — jusqu’à la crise de 1930. Il nous en reste une génération de gloires rapides et sans ampleur, des
723 e patine rassurante. Quant au roman contemporain, il est curieux que Thibaudet, son premier historien, ne tente d’en sauve
724  romans-cycles ». Le roman-cycle, c’est, semble-t- il , la solution qu’adoptent naturellement les écrivains lassés de l’impr
725 é. Au lieu de chercher la densité, en profondeur, ils trouvent plus commode de donner en surface une impression de masse co
726 u lieu d’approfondir un personnage jusqu’au type, ils multiplient les personnages. Au lieu de marquer d’une empreinte durab
727 te durable un moment donné de l’histoire sociale, ils s’étalent dans la durée et vagabondent à travers les générations. Not
728 vagabondent à travers les générations. Notons qu’ ils s’attardent presque tous aux générations d’avant-guerre : le temps de
729 le temps de leur jeunesse, remarque Thibaudet. Et il attribue ce phénomène de « refoulement de la durée vers l’amont » à l
730 de la création. Malgré ces difficultés, conclut- il , on ne saurait guère douter que le super-cycle de ces sept romans-cyc
731 he de siècle que meublera la génération de 1914. Il est caractéristique que le livre de Thibaudet se termine sur une note
732 ntérêt à passer outre aux conventions. Mais quand il n’y a plus de convention ? Lorsque tout est brouillé, lorsque tout es
733 éléments d’un art, si l’art est une construction. Il semble bien que la littérature la plus récente s’oriente déjà vers d’
734 omans, des essais illustrés d’exemples : du coup, ils retrouvent un public. Il semble, d’autre part, que les documentaires
735 s d’exemples : du coup, ils retrouvent un public. Il semble, d’autre part, que les documentaires entremêlés de réflexions
12 1937, Articles divers (1936-1938). C’est jeune (10 avril 1937)
736 prouvée in petto… Mais M. Vandérem est réaliste : il trouve que j’en prends à mon aise et que je néglige un peu cavalièrem
737 nces. Si j’étais plus avancé dans la vie — écrit- il —, je me rendrais compte de tous les aléas que représenteraient pour
738 gument. Dans sa chronique littéraire de Marianne, il reprochait tout récemment à l’un de nos bons écrivains, M. Arnoux, de
739 « avec assez de force au public ». Car, précisait- il , « on sait que la force, en ces matières, cela veut dire surtout la c
740 cela veut dire surtout la chance et la tactique, il me semble que le talent de M. Amoux est supérieur à sa tactique ». Fa
741 t de M. Amoux est supérieur à sa tactique ». Faut- il être jeune, tout de même, et peu avancé dans la vie, pour s’ébahir, c
742 onstatation » de cet ordre ! Comprenez-vous ce qu’ elle suppose, ce qu’elle avoue sereinement, ce qu’elle déclare avec tant d
743 ordre ! Comprenez-vous ce qu’elle suppose, ce qu’ elle avoue sereinement, ce qu’elle déclare avec tant de naturel ? Sentez-v
744 elle suppose, ce qu’elle avoue sereinement, ce qu’ elle déclare avec tant de naturel ? Sentez-vous, à la lire, quelque chose
745 -vous ma naïveté ? Et M. Fernandez, qu’en pensait- il , écrivant cela ? Dans quelle illusion ai-je vécu ? Ce n’est rien d’éc
746 c qu’on m’explique la tactique. En quoi cela peut- il consister ? Aucune idée. L’angoisse m’étreint. Je suis comme un enfan
13 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)
747 des concierges, des lieux-sombres-et-populeux où il faut pénétrer l’âme basse et la petite enveloppe à la main. Tant d’au
748 en », et restent faute d’imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons
749 uverez pour rien, ou pas grand-chose. Encore faut- il savoir comment on y peut « vivre » ? C’est à cette question judicieus
750 ue j’ai voulu répondre. Peut-être mon récit n’a-t- il pas d’autre but que de décrire un précédent, d’affirmer que cela peut
751 j’attendais, ni ce que j’ai pu rêver de ce pays. Il est très pauvre, sec et lumineux. Toutes les nuances du gris, herbes,
752 s rochers, en retrait sur notre gauche. À peine s’ il nous en vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’auto, des
753 femme Marguerite, son chien basset Pernod. Et qu’ il va falloir modifier cette maison pleine de guéridons et d’aquarelles,
754 du tapis. J’ai dressé ma table sur des tréteaux. Il ne reste qu’un grand canapé de velours ponceau et des chaises de pail
755 ine de quoi se nourrir. Et j’entrevois déjà ce qu’ ils appellent ici se nourrir : nos voisins n’ont sur leur table, quand on
756 s radis et quelques légumes de leurs cultures, qu’ ils n’ont pas pu vendre au marché. Cependant, ils se considèrent comme de
757 qu’ils n’ont pas pu vendre au marché. Cependant, ils se considèrent comme des privilégiés, cela se sent à la manière dont
758 e des privilégiés, cela se sent à la manière dont ils nous parlent de quelques familles des environs qui n’ont pas la resso
759 couleur verte, le soleil, la nature, la propreté. Ils aiment le noir. Avec fanatisme. J’observe aussi qu’ils s’arrangent po
760 iment le noir. Avec fanatisme. J’observe aussi qu’ ils s’arrangent pour vivre plus mal que la population des faubourgs des g
761 de l’éducation primaire, bienfaisante en principe il est vrai, mais tristement abstraite, étroite, appauvrissante en fait.
762 périodiquement par la faillite des entreprises où elle travaille, ou par quelque décret d’État. Je vois le chômage s’étendre
763 d’autre part, en parcourant la feuille locale, qu’ il naît encore pas mal d’enfants dans ces foyers que tout menace. Faison
764 s la part des « accidents », des « imprudences ». Il reste encore une marge assez notable d’imprévoyance naïve, d’acceptat
765 nt je constate qu’en fait, et dans ce pays tel qu’ il est, la morale rationnelle et les mesures qu’elle propose, ce n’est g
766 u’il est, la morale rationnelle et les mesures qu’ elle propose, ce n’est guère que le rêve des vieux célibataires assez fort
767 emme en noir. C’est la propriétaire, Madame Turc. Elle nous fait entrer. Pour la vente du raisin, il faut attendre sa fille
768 . Elle nous fait entrer. Pour la vente du raisin, il faut attendre sa fille qui va rentrer des champs, où elle travaille j
769 t attendre sa fille qui va rentrer des champs, où elle travaille jusqu’à la nuit tombée. Nous sommes dans une cuisine de fer
770 mes le dirigent seules depuis la mort de M. Turc. Elles ont un peu de peine avec les ouvriers. Il paraît qu’on en trouve de m
771 urc. Elles ont un peu de peine avec les ouvriers. Il paraît qu’on en trouve de moins en moins. — « Mais, lui dis-je, et le
772 Mais, lui dis-je, et les chômeurs ? On m’a dit qu’ il y en a 400 à A ? » La mère, vivement : « Jamais je n’ai engagé de chô
773 ! — C’est que je suis chômeur moi-même, Madame… » Elle sourit à son tour, de l’air de dire : Oh, vous, ce n’est pas la même
774 r de dire : Oh, vous, ce n’est pas la même chose. Elle a sans doute entendu parler de nous. Rien à faire : je suis un « mons
775 ne forte femme, environ 35 ans, un peu masculine. Elle nous conduit à la chambre de conserve des raisins. Pendant qu’elle fa
776 à la chambre de conserve des raisins. Pendant qu’ elle fait la pesée : « C’est pour qui, Monsieur, sans indiscrétion ? » Je
777 des articles ? J’en ai lu signés de ce nom-là. Et elle me cite une revue protestante et une revue littéraire auxquelles je c
778 ne sont pas des bourgeoises, certes, et pourtant elles en sont encore à estimer que chômeur est synonyme de vagabond dangere
779 r que chômeur est synonyme de vagabond dangereux. Elles font partie des « travailleurs » et pourtant elles sont propriétaires
780 lles font partie des « travailleurs » et pourtant elles sont propriétaires. Je vois en elles un type très classique de França
781 et pourtant elles sont propriétaires. Je vois en elles un type très classique de Françaises : leur politesse mesurée, leur r
782 açon de ne pas se plaindre de son sort… Pourtant, il y en a peu de cette espèce, semble-t-il. On n’en parle jamais. Mais e
783 Pourtant, il y en a peu de cette espèce, semble-t- il . On n’en parle jamais. Mais elles ne paraissent pas du tout se consid
784 e espèce, semble-t-il. On n’en parle jamais. Mais elles ne paraissent pas du tout se considérer comme un type social d’except
785 r comme un type social d’exception. Combien y a-t- il de classes entre la bourgeoisie des villes et le prolétariat ? L’oppo
786 inier, est à demi métayer. Est-ce un prolétaire ? Il serait vexé qu’on le lui dise. Il s’estime fort au-dessus d’un mineur
787 un prolétaire ? Il serait vexé qu’on le lui dise. Il s’estime fort au-dessus d’un mineur retraité, par exemple. Les instit
788 ur retraité, par exemple. Les instituteurs d’A… ? Ils sont du peuple. Oui, mais bourgeois par leur profession. Et les Calix
789 e marché. Et très conscients d’une supériorité qu’ ils ne peuvent attribuer au rang social ni au salaire, c’est évident, mai
790 tion de tout cela dont le marxisme, justement, se doit de ne pas tenir compte. Un communiste traitera les dames Turc de « ko
791 tions numériques (salaires, plus-value, profits). Il s’estime donc scientifique. Il ne part pas de ce que les hommes veule
792 s-value, profits). Il s’estime donc scientifique. Il ne part pas de ce que les hommes veulent être, ni de la conscience gl
793 mmes veulent être, ni de la conscience globale qu’ ils ont de leur état (et c’est pourtant le principal, pratiquement et mor
794 vaines, d’illusions, voire de « mystification ». Il part de ce que les hommes sont malgré eux, du point de vue abstrait e
795 de vue abstrait et inhumain de la Statistique. Et il prétend fonder là-dessus non seulement des mesures techniques, ce qui
796 ique ! Problème de la politique actuelle : sera-t- elle l’affaire du meilleur statisticien, ou au contraire de l’homme le plu
797 u au contraire de l’homme le plus humain ? Sera-t- elle fondée sur la réalité telle qu’elle est vécue et voulue par les homme
798 main ? Sera-t-elle fondée sur la réalité telle qu’ elle est vécue et voulue par les hommes réels et concrets, ou bien sur la
799 éels et concrets, ou bien sur la réalité telle qu’ elle est chiffrable, inévitable, impersonnelle ? 2 novembre 1934 Minuit. J
800 s la porte entrebâillée. Une dernière bûche fume, il fait presque froid. Dans ce silence vide de la nuit campagnarde, me v
801 ates. C’est pourquoi, dans cette heure suspendue, il vaut mieux cesser de penser. Que penserais-je, ici, d’humain, d’actif
802 Ma police personnelle m’envoie aussi me coucher. Elle m’y contraint un peu… Quelle résistance absurde opposerais-je, quelle
803 . Je trouve à la cuisine la fille et une voisine. Elles se plaignent du froid. Le fourneau est rouge, mais la porte donne au
804 épaules, et je crois bien sa blouse noire aussi. Elle me dit qu’elle a été assez mal. On devait lui retirer son linge toute
805 crois bien sa blouse noire aussi. Elle me dit qu’ elle a été assez mal. On devait lui retirer son linge toutes les deux heur
806 re aussi. Elle me dit qu’elle a été assez mal. On devait lui retirer son linge toutes les deux heures. Quand elle sortait sa m
807 i retirer son linge toutes les deux heures. Quand elle sortait sa main du lit, cela fumait. « Vous avez eu de la fièvre ! »
808 lit, cela fumait. « Vous avez eu de la fièvre ! » Elle ne sait pas. Elle ne veut pas de médecin. Sa fille dit : « Elle ne vo
809 « Vous avez eu de la fièvre ! » Elle ne sait pas. Elle ne veut pas de médecin. Sa fille dit : « Elle ne voulait même plus to
810 as. Elle ne veut pas de médecin. Sa fille dit : «  Elle ne voulait même plus toucher à la viande, pensez ! Il ne faut pas cro
811 e voulait même plus toucher à la viande, pensez ! Il ne faut pas croire que la viande soit un si bon remède comme on le di
812 remède comme on le dit. Je lui ai fait du poulet, elle n’y avait pas goût. Alors j’ai pensé lui faire du bouillon de poulet,
813 ai que la viande est si bonne pour les malades. » Elle accepte de venir faire une lessive à la maison pour remplacer sa mère
814 e. Nous manquons de corde pour étendre le linge ; elle imagine de le mettre à sécher sur des buissons de ronce. Tous les mou
815 quand on va les récolter. « Voyez-vous ! c’est qu’ il a fait un vent cette nuit ! » 11 novembre 1934 D’une manière générale
816 nuit ! » 11 novembre 1934 D’une manière générale, ils ne sont pas conscients de porter la responsabilité des accidents qui
817 dans le détail. C’est assez sage dans l’ensemble. Ils seraient moins pauvres, moins malades, etc., s’ils étaient plus « pra
818 ls seraient moins pauvres, moins malades, etc., s’ ils étaient plus « pratiques » comme on dit dans la bourgeoisie — où l’on
819 llards et pleins de ressources mystérieuses. Mais ils seraient moins dignes aussi. Leur dignité est de subir sans se tourme
820 si. Leur dignité est de subir sans se tourmenter. Ils ne se mettront jamais dans des états parce qu’ils ont cassé deux assi
821 Ils ne se mettront jamais dans des états parce qu’ ils ont cassé deux assiettes. La mère Calixte, qui casse tout ce que l’on
822 part la plus civilisée de la population. Ce sont elles qui gagnent ce qu’il faut, elles qui travaillent, elles qui décident,
823 de la population. Ce sont elles qui gagnent ce qu’ il faut, elles qui travaillent, elles qui décident, elles qui lisent, el
824 ulation. Ce sont elles qui gagnent ce qu’il faut, elles qui travaillent, elles qui décident, elles qui lisent, elles qui vont
825 qui gagnent ce qu’il faut, elles qui travaillent, elles qui décident, elles qui lisent, elles qui vont à l’église ou au templ
826 faut, elles qui travaillent, elles qui décident, elles qui lisent, elles qui vont à l’église ou au temple, ou n’y vont pas,
827 ravaillent, elles qui décident, elles qui lisent, elles qui vont à l’église ou au temple, ou n’y vont pas, elles qui savent.
828 ui vont à l’église ou au temple, ou n’y vont pas, elles qui savent. Pour les hommes, c’est tout autre chose. Ils sont éloquen
829 savent. Pour les hommes, c’est tout autre chose. Ils sont éloquents et naïfs, revendicateurs et inefficaces. La plupart ne
830 sont communistes et mènent les affaires du pays. Ils vont à toutes les conférences, prennent la parole au Cercle d’hommes,
831 relevé quelques chiffres dans un ouvrage sur A…, à la plume d’un de ses pasteurs à la retraite. En 1570, le mûrier, im
832 vint autrefois le mûrier. Question : Que reste-t- il pour entreprendre ici une révolution constructive ? 21 novembre 1934
833 ? 21 novembre 1934 Leur langage. La mère Calixte devait faire notre lessive la semaine prochaine. Elle vient s’excuser : « Qu
834 devait faire notre lessive la semaine prochaine. Elle vient s’excuser : « Qui sait, Madame, j’aimerais d’aller à Alès, quel
835 x ce qu’on leur donne ! Sept francs par jour ! » ( Il voulait dire : scandaleux. Mais un miracle est un scandale, après tou
836 l’autocar, une femme dont j’ai cru comprendre qu’ elle tient un petit hôtel à Saint-Jean-du-Gard, expliquait à sa voisine qu
837 e de calembour qui ne joue que sur des sons. Mais il est clair que le sens des termes dont nous usons doit subir des métam
838 est clair que le sens des termes dont nous usons doit subir des métamorphoses non moins effarantes. Travail, liberté ou uni
839 pauvreté, tous ces vocables dont nous pensions qu’ ils exprimaient les lieux communs sur quoi repose, tacitement, la vie soc
840 ur signification à la fois symbolique et précise. Ils n’éveillent plus chez l’homme du peuple les mêmes espoirs, les mêmes
841 ienne de la lecture. Le public s’étend au hasard. Il ne constitue plus un corps limité, éduqué, instruit au sein des conve
842 communes. Un chacun peut en être, et juger comme il veut. Le droit de se tromper, et de tromper grâce au langage, est un
843 que se trouve avoir décrété la Convention. Bref, il n’est plus de mesure commune : ni l’Église, ni la Culture, ni l’École
844 parlons au hasard, pour ne pas dire dans le vide ( il vaudrait mieux que ce soit le vide, dans bien des cas), quels que soi
845 uelle et ce public nous posent des exigences dont il faut admirer qu’elles soient aussi exactement contradictoires. Or, de
846 nous posent des exigences dont il faut admirer qu’ elles soient aussi exactement contradictoires. Or, de ces deux antagonistes
847 tes, c’est l’esprit qui sera vaincu. Non point qu’ il s’avilisse partout ni qu’il se laisse toujours persuader par la tenta
848 vaincu. Non point qu’il s’avilisse partout ni qu’ il se laisse toujours persuader par la tentation du succès. Mais simplem
849 n du succès. Mais simplement on ne l’entend plus, il n’agit plus. Ce qu’on « entend », c’est l’absence de l’esprit, c’est
850 re 1934 Le pasteur m’a convoqué aux entretiens qu’ il organise le samedi soir, dans une salle attenante au temple, pour les
851 oisse. « C’est le seul moyen de les avoir, me dit- il . Comme vous l’aurez remarqué, il n’en vient qu’une dizaine au culte.
852 es avoir, me dit-il. Comme vous l’aurez remarqué, il n’en vient qu’une dizaine au culte. C’est trop compromettant. Mais po
853 n avons toujours dans les 40 à 50. Et une fois qu’ ils sont là, on peut parler de tout… J’irai d’autant plus volontiers que,
854 3 décembre 1934 Soirée au « Cercle d’hommes ». —  Ils étaient en effet une quarantaine hier soir. Je suis entré comme ils a
855 et une quarantaine hier soir. Je suis entré comme ils achevaient de boire leur tasse de café au fond de la salle, dans un c
856 sujet a été introduit par l’un des instituteurs. Il s’agissait de « l’histoire de notre département ». La discussion n’a
857 de gros rires. L’homme du peuple — et je pense qu’ il en va de même du bourgeois peu cultivé, et sans doute de tout ce qui
858 seulement de la langue des écrivains français qu’ il est exact de dire, avec tous les manuels, qu’elle est une langue de d
859 u’il est exact de dire, avec tous les manuels, qu’ elle est une langue de discussion, parce que toujours elle vise à la formu
860 est une langue de discussion, parce que toujours elle vise à la formule décisive, et ne s’accorde le droit de dire chaque c
861 trouve par là même inefficace sur le « peuple ». Elle manque de durée. Évitant méticuleusement les reprises, les retours, e
862 vitant méticuleusement les reprises, les retours, elle s’accorde très mal au rythme de la réflexion spontanée, qui est « pég
863 ique ». Écrivains inutilisables dans la mesure où ils veulent être de bons écrivains français.) — Que de bonne volonté chez
864 onne volonté chez les hommes de ce Cercle ! comme ils s’appliquent à comprendre, comme ils sont vifs et peu timides, camara
865 rcle ! comme ils s’appliquent à comprendre, comme ils sont vifs et peu timides, camarades, malicieux et indulgents — leurs
866 teur ronflait, le front sur un dossier de chaise. Il s’est relevé, s’est frotté les yeux, est sorti tout tranquillement. J
867 science, la plupart sont radicaux ou socialistes. Il vient aussi des communistes, de temps à autre. Il paraît que ça chauf
868 Il vient aussi des communistes, de temps à autre. Il paraît que ça chauffe certains soirs. Mais le pasteur préside et on l
869 ancien combattant ; « très large », dit-on. Et «  il cause bien ». 16 décembre 1934 À N… la mairie est tout entière commun
870 tants qui ne le sont pas ne savent pas trop ce qu’ ils sont, à part les châtelains. Ils votent radical ou socialiste, et se
871 t pas trop ce qu’ils sont, à part les châtelains. Ils votent radical ou socialiste, et se font battre à plate couture, régu
872 battre à plate couture, régulièrement. Mais faut- il donc penser que les communistes, eux, savent pourquoi ils le sont, et
873 penser que les communistes, eux, savent pourquoi ils le sont, et connaissent le marxisme ? On m’avait dit : ce n’est pas c
874 ement être à gauche, le plus à gauche possible. S’ il en est bien ainsi, me dis-je, on peut redouter que ces hommes ne sach
875 le marxisme et l’anarchie. D’autre part, sauront- ils s’opposer au dictateur qui se présentera un jour comme l’homme de gau
876 e dis que sa vie consiste à connaître ces choses, il faut prendre le mot dans le sens le plus actif : car l’homme dont je
877 ui est responsable de connaître ces gens mieux qu’ ils ne se connaissent eux-mêmes, quelqu’un qui a pour mission de leur ens
878 paroisse comprend les villages de N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle, une pierraille couronnant des
879 le village de N. parmi les rangées de peupliers : il faut suivre des yeux la route noire pour découvrir enfin l’amas brunâ
880 cile de les classer et je n’aime pas beaucoup ça… Il y en a de toutes sortes, bien sûr, et plus on les voit de près… — Je
881 r, et plus on les voit de près… — Je comprends qu’ il soit difficile de parler en général de ses paroissiens. Mais s’ils so
882 e de parler en général de ses paroissiens. Mais s’ ils sont communistes, ils ne doivent tout de même pas faire partie de vot
883 de ses paroissiens. Mais s’ils sont communistes, ils ne doivent tout de même pas faire partie de votre église, pratiquemen
884 paroissiens. Mais s’ils sont communistes, ils ne doivent tout de même pas faire partie de votre église, pratiquement ? — C’est
885 t ? — C’est-à-dire, oui et non. — Enfin, viennent- ils au temple le dimanche ? — Ça non. D’ailleurs, communistes ou pas, les
886 e au culte. Ce n’est pas l’envie qui manque, mais ils ont peur. C’est toujours la question de la place à traverser. — ??? —
887 es y vont boire leur pastis. Si l’on va au culte, il faut défiler devant les terrasses, c’est gênant. Un homme me disait l
888 erait pas. Mais eux on les étonnerait, et surtout ils y sont entre eux. Je n’ai aucune envie d’aller faire l’intrus ou le b
889 assure, c’est difficile. — Et les salutistes ? — Ils ont un uniforme. C’est classé. On les connaît… — Alors, quand les voy
890 tes y viennent ? — Bien sûr, le maire en tête. Et ils discutent, et même très bien. Je me rappelle par exemple une discussi
891 se conduisent mieux que les autres, mais c’est qu’ ils se confient en Dieu, et qu’ils attendent tous les ordres de lui. À la
892 res, mais c’est qu’ils se confient en Dieu, et qu’ ils attendent tous les ordres de lui. À la fin, un des communistes se lèv
893 stes se lève et résume le débat : « En somme, dit- il , si nous ne croyons pas en Dieu, nous autres, ce serait que nous somm
894 é et entreprenant de la population. — Mais savent- ils ce que c’est, le marxisme ? — Ils essaient ; peut-être plus qu’on ne
895 . — Mais savent-ils ce que c’est, le marxisme ? — Ils essaient ; peut-être plus qu’on ne croirait. J’en connais plusieurs q
896 nt des brochures de vulgarisation de la doctrine. Ils me posent quelquefois des questions. Mais ce n’est pas par la lecture
897 es questions. Mais ce n’est pas par la lecture qu’ ils viennent au parti. L’affaire, pour eux, c’est d’abord de se grouper a
898 ens… — Au point de vue des classes, d’où viennent- ils  ? — Pour la plupart — tous les chefs en tous cas —, ce sont de petits
899 — En somme, vous vous entendez bien avec eux ? — Ils savent que je suis de leur côté, en gros, dans les questions locales
900 leur côté, en gros, dans les questions locales où il faut prendre position. Quant à la doctrine, c’est difficile à discute
901 ine, c’est difficile à discuter, d’abord parce qu’ ils la connaissent mal, ensuite et surtout parce qu’elle ne joue pratique
902 s la connaissent mal, ensuite et surtout parce qu’ elle ne joue pratiquement aucun rôle dans leur action, et qu’elle n’a rien
903 e pratiquement aucun rôle dans leur action, et qu’ elle n’a rien changé à leur croyance ou plutôt à leur incroyance. Tout de
904 u’on leur donne, en fait de doctrine. En réalité, ils ne sont pas plus marxistes que moi. Ils veulent avant tout vivre et t
905 réalité, ils ne sont pas plus marxistes que moi. Ils veulent avant tout vivre et travailler raisonnablement. Mais rien ne
906 ment. Mais rien ne se présente pour les soutenir. Ils vont au parti communiste parce qu’il n’y a rien d’autre et personne d
907 s soutenir. Ils vont au parti communiste parce qu’ il n’y a rien d’autre et personne d’autre… Ce seraient souvent les meill
908 cembre 1934 Le grand tort des chrétiens, c’est qu’ ils prennent au sérieux l’incroyance de leurs contemporains. Au fond, ils
909 eux l’incroyance de leurs contemporains. Au fond, ils en ont peur. Or ils devraient n’avoir peur que de Dieu, et des vocati
910 leurs contemporains. Au fond, ils en ont peur. Or ils devraient n’avoir peur que de Dieu, et des vocations bouleversantes q
911 s contemporains. Au fond, ils en ont peur. Or ils devraient n’avoir peur que de Dieu, et des vocations bouleversantes qu’il arriv
912 r que de Dieu, et des vocations bouleversantes qu’ il arrive que Dieu nous adresse. C’est un comique profond, lugubre et dé
913 e celui du chrétien honteux, honteux d’une foi qu’ il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aurait plus de honte à la confesser
914 honteux, honteux d’une foi qu’il n’a pas ! Car s’ il l’avait, il n’aurait plus de honte à la confesser devant les hommes ;
915 nteux d’une foi qu’il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aurait plus de honte à la confesser devant les hommes ; et s’il a h
916 de honte à la confesser devant les hommes ; et s’ il a honte, c’est qu’il ne craint pas Dieu, mais qu’il croit au jugement
917 ser devant les hommes ; et s’il a honte, c’est qu’ il ne craint pas Dieu, mais qu’il croit au jugement des incroyants, tout
918 a honte, c’est qu’il ne craint pas Dieu, mais qu’ il croit au jugement des incroyants, tout en s’imaginant qu’il n’est pas
919 u jugement des incroyants, tout en s’imaginant qu’ il n’est pas un des leurs… Je voudrais définir le croyant véritable : ce
920 définir le croyant véritable : celui qui sait qu’ il ne croit pas aux dieux du monde, et qui le prouve. Comment le prouve-
921 x du monde, et qui le prouve. Comment le prouve-t- il  ? Tout simplement en témoignant, en annonçant aux hommes la vérité et
922 nde est assez héroïque, dans notre monde, pour qu’ il soit vain de chercher mieux. 12 janvier 1935 Ces cochons-là ! — Sima
923 out de suite, c’est la question des assurances qu’ il aborde avec autorité, tout en tenant son doigt blessé droit en l’air,
924 é sur son tabouret de cuisine, le doigt en l’air, il passe en revue les compagnies d’assurances — et analogues — avec lesq
925 ies d’assurances — et analogues — avec lesquelles il est en compte. Je dis compagnies d’assurances, mais lui les nomme plu
926 s cochons-là sont donc au nombre de sept ou huit. Il en totalise sept pour son compte, et sa dame fait le petit appoint. E
927 our son compte, et sa dame fait le petit appoint. Elle s’est « coupé » la jambe, cela fait bien cinq ans déjà, et « touche »
928 ont déclaré que tout allait bien, c’est-à-dire qu’ ils « l’ont diminuée à 17 sous par jour ». Pour se venger, il leur a reti
929 nt diminuée à 17 sous par jour ». Pour se venger, il leur a retiré son assurance à lui, et l’a passée à d’autres. Il reste
930 ré son assurance à lui, et l’a passée à d’autres. Il reste par bonheur : les assurances sociales, vie, décès, « avec doubl
931 d plus ou moins. Dans certains cas, bien entendu, il s’agit même d’y aller de sa poche. Enfin, on obtient tout de même que
932 u Diou ! ça demande du raisonnement. Par exemple, il a écrit au ministre — au ministre du Travail — pour avoir une pension
933 u, et pourtant la lettre était recommandée. Alors il a été voir « une personne encore plus compétente » que lui Simard, et
934 vous croyez ? Réponse dans les quatre jours ! ah, ils sont comme ça ! Mais voilà que la personne compétente lui dit : « Ce
935 refait de 299 francs, consulte voir le barème ! » Il a fallu récrire deux fois pour obtenir gain de cause. Et tout ça lui
936 qui se passe, les employés là-bas, au ministère, ils mettent l’argent dans leur poche. — Tous les mas et mazets des enviro
937 . Ça veut dire que c’est des gens arriérés, quoi. Ils n’ont pas l’instruction comme nous autres. » Arriérés, illettrés. Je
938 oui, au sens de l’école primaire — est un mal qu’ il faudrait guérir. Mais je ne puis m’empêcher de penser que ces « illet
939 t contre les bureaucrates ne sait plus bien ce qu’ il craint davantage : de la vie qui ne rapporte plus, ou de la mort qui
940 rstition. — C’est de Casanova que Ligne écrit : «  Il ne croit à rien excepté ce qui est le moins croyable, étant superstit
941 objets. » Malchance affreuse du peuple français : il n’échappe aux jésuites que pour tomber dans le fétichisme : le franc
942 classé. — L’intellectuel l’est toujours. C’est qu’ il est d’une classe particulière, dispersée comme les Juifs le sont chez
943 vraiment qu’à la faveur de ce chômage ? C’est qu’ il m’a fallu m’éloigner de cette ambiance bourgeoise où l’on a convenu d
944 fasciste est un problème avant tout national ; qu’ il s’est posé en Italie dans des termes particuliers à ce pays, et qu’en
945 termes particuliers à ce pays, et qu’en tout cas il ne peut pas se poser de la même façon en France. Je conclus que la se
946 cette phrase d’un homme, dans la cour, tandis qu’ il donne du feu à son copain : Pour moi, c’est un fasciste ! Toutes nos
947 el. En homme qui veut savoir pour quelles raisons il prend ou ne prend point parti. Mais l’électeur veut qu’on soit pour o
948 ais l’électeur veut qu’on soit pour ou contre, et il se méfie par principe de celui qui distingue et nuance. On ne tiendra
949 iste. Et pourtant, la mission de l’écrivain n’est- elle pas justement d’éduquer le lecteur, j’entends de l’amener à réfléchir
950 es que je suis en train de rédiger à temps perdu. Il est assez sceptique sur le résultat de cette entreprise. Pour des rai
951 je devine plus sentimentales que les arguments qu’ il m’oppose… — Tout ce que le lecteur demande, c’est qu’on lui raconte u
952 Mais si je lui dis que j’invente mon histoire ? —  Il ne vous croira pas, vous ne savez pas mentir. — Mais pourquoi n’aime-
953 , surtout la vérité sur une situation matérielle. Il est entendu qu’on ne doit pas parler de « questions matérielles » dan
954 une situation matérielle. Il est entendu qu’on ne doit pas parler de « questions matérielles » dans une société distinguée.
955 e façon générale, non pas personnelle. Seulement, il se trouve que mon propos, précisément, est de montrer, entre autres,
956 ller. — Je me suis fait moi-même cette objection. Il est clair qu’un intellectuel aura toujours la possibilité de travaill
957 Mais je l’appelle chômeur, faute d’autre terme, s’ il n’a plus la possibilité de s’assurer un gagne-pain régulier par son t
958 assurer un gagne-pain régulier par son travail, s’ il n’a plus d’emploi, et ne sait plus de quoi sera fait le lendemain. — 
959 matériel très médiocre. Ce n’est pas nouveau. Et il faut bien reconnaître que ce n’est pas aussi romantique et excitant q
960 lles pudeurs : c’est le début de la cure. Ensuite il faudra essayer de réviser nos préjugés en fonction du vrai but de not
961 , fraternité, Déclaration des droits de l’homme ! Il est venu, il est venu le jour que la Volonté populaire appelait de to
962 Déclaration des droits de l’homme ! Il est venu, il est venu le jour que la Volonté populaire appelait de tous ses espoir
963 solente : « Place aux Vieux ! » — On se demande s’ il est au monde un seul pays, hormis la France, où cette phrase soit pos
964 pantoufles par la boutique et grogne sans arrêt. Il interpelle assez grossièrement la patronne qui ne répond pas. C’est u
965 la patronne qui ne répond pas. C’est un habitué, il est comme ça. Il faut le laisser frapper le sol de sa canne et redres
966 ne répond pas. C’est un habitué, il est comme ça. Il faut le laisser frapper le sol de sa canne et redresser sa casquette
967 tre droit ! — Notre droit ? Peuchère, c’est notre devoir  ! (Il glousse d’un air malin). — On sait bien, dit le communiste, que
968 ! — Notre droit ? Peuchère, c’est notre devoir ! ( Il glousse d’un air malin). — On sait bien, dit le communiste, que vous
969 doute parents, de mœurs et de langage pareils. S’ ils s’opposent, c’est que l’un est avare et légèrement maboul, l’autre én
970 tempérament. Peut-être aussi le communiste n’est- il pas encore parvenu à « mettre de côté » autant qu’il le voudrait. Mai
971 pas encore parvenu à « mettre de côté » autant qu’ il le voudrait. Mais ce n’est pas sûr. Je sais bien une douzaine de ses
972 comptent parmi les mieux rentés de ce pays. Faut- il donc penser que les partis expriment tout simplement des attitudes mo
973 rait d’être le parti de la vérité et du bon sens. Ils auraient avec eux tous les hommes — bourgeois ou intellectuels — qui
974 isciplines staliniennes en haine d’une société qu’ ils sont les seuls à croire encore « chrétienne » — il faut bien dire que
975 s sont les seuls à croire encore « chrétienne » — il faut bien dire que le parti communiste est une sinistre trahison des
976 ondément ce qu’on lui donne à lire ou à entendre. Il comprend sa situation, et ne voit pas que son journal est sans rappor
977 e rancune vaguement démoniaque, et surtout vaine, ils en viennent à s’imaginer qu’ils défendent eux aussi les « petits » en
978 et surtout vaine, ils en viennent à s’imaginer qu’ ils défendent eux aussi les « petits » en défendant ces exploiteurs de la
979 adroit et réel. Mais dans la mesure où je l’aime, ils me dégoûtent. 28 avril 1935 Réflexion de « personnaliste ». — Le peu
980 gnorant de ses intérêts véritables. Mais c’est qu’ il ne peut pas les exprimer très aisément. Question de langage. Revenez
981 encore, parlez-leur de leur travail, de celui qu’ ils sont en train de faire tandis que vous causez, vous arriverez à leur
982 nclusions cyniques des partisans de la dictature. Ils vous diront d’abord que le fond de leur vie, c’est l’ennui. Ils expli
983 t d’abord que le fond de leur vie, c’est l’ennui. Ils expliqueront presque toujours cet ennui par les conditions du travail
984 e, tentation perpétuelle de changer de condition. Ils vous diront aussi qu’ils n’ont plus le cœur à leur ouvrage, quand ils
985 de changer de condition. Ils vous diront aussi qu’ ils n’ont plus le cœur à leur ouvrage, quand ils savent que les résultats
986 i qu’ils n’ont plus le cœur à leur ouvrage, quand ils savent que les résultats sont à la merci soit d’un trust, soit d’un s
987 soit d’un trust, soit d’un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal vient de l’État — et cela veut dire : de ceux
988 sans rien savoir des situations locales. Parfois ils proposeront quelque réforme pratique : faire de la place aux jeunes e
989 s avez la gorge brûlante après un verre »). Enfin ils se plaindront de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’init
990 nfin ils se plaindront de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier
991 r » politique, parlez-moi de « leurs combines » — il n’y a rien à y comprendre. Dans une assemblée populaire, on ne dira p
992 is à part, dans leur vie concrète. Je constate qu’ elles vont toutes dans le sens de ce que proposent les personnalistes : aut
993 ou feint d’en être ; c’est bien moins concret qu’ il ne semble.) Conclusion : il appartient à des équipes d’hommes nouveau
994 bien moins concret qu’il ne semble.) Conclusion : il appartient à des équipes d’hommes nouveaux, jeunes et sortis de toute
995 mme du xxe siècle. La dictature est très facile. Elle n’a qu’un argument très puissant contre nous : sur qui et sur quoi ta
996 nous : sur qui et sur quoi tablez-vous ? nous dit- elle , sur quelle classe, sur quels intérêts ? — Nous comptons sur l’effort
997 rrive tout agitée : « Madame se meurt ! s’écrie-t- elle . C’est Madame Bastide, la belle-mère. — Qu’a-t-elle ? — Oh, elle m’a
998 le. C’est Madame Bastide, la belle-mère. — Qu’a-t- elle  ? — Oh, elle m’a bien reconnue, mais elle va passer cette nuit, vous
999 ame Bastide, la belle-mère. — Qu’a-t-elle ? — Oh, elle m’a bien reconnue, mais elle va passer cette nuit, vous savez, elle e
1000  Qu’a-t-elle ? — Oh, elle m’a bien reconnue, mais elle va passer cette nuit, vous savez, elle est toute chargée, bou die, l’
1001 nnue, mais elle va passer cette nuit, vous savez, elle est toute chargée, bou die, l’estomac et tout. — Mais les Simard ne m
1002 ut. — Mais les Simard ne m’avaient jamais parlé d’ elle  ! — Peuchère ! ils languissaient de l’emballer, la vieille ! » Ils n’
1003 d ne m’avaient jamais parlé d’elle ! — Peuchère ! ils languissaient de l’emballer, la vieille ! » Ils n’auront plus à langu
1004 ! ils languissaient de l’emballer, la vieille ! » Ils n’auront plus à languir bien longtemps. On peut dire que la chose est
1005 nuit, par un dernier respect pour la moribonde qu’ ils veillent à tour de rôle, ils sont venus discuter dans la remise qui e
1006 pour la moribonde qu’ils veillent à tour de rôle, ils sont venus discuter dans la remise qui est au-dessous de notre chambr
1007 itées par des colonies de jeunes gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre des villes, où ils s’incrustent — la prov
1008 is ils en ont assez de se plaindre des villes, où ils s’incrustent — la province deviendra vivable. La révolution sera fait
1009 évolution sera faite. Nous reviendrons… — Demain, il faut remettre en place les aquarelles, les guéridons et les dessus de
1010 tion du style français à la chose militaire. 29. Ils ont donc au moins 66 ans aujourd’hui, où l’article paraît. m. Rouge
14 1937, Articles divers (1936-1938). Lénine, Staline et la littérature (17 avril 1937)
1011 isme, les communistes paraissent avoir compris qu’ il faut défendre la culture. Le malheur est qu’ils n’envisagent pour cet
1012 qu’il faut défendre la culture. Le malheur est qu’ ils n’envisagent pour cette défense que des moyens fascistes. « Toute la
1013 sociale-démocrate — écrit Lénine en 1905 déjà ! —  doit devenir une littérature de Parti. » Et Staline fait écho, trente ans
1014 scours aux cadets de l’Académie de l’Armée rouge, il s’écrie : « Chez nous, dans les circonstances actuelles, les cadres d
1015 pas l’art nouveau, qui lui demeurait étranger. » Il préférait de beaucoup à Maïakovski le « Salut au 17e » : Salut, salu
1016 ous ne l’aurez jamais ! Dans un article de 1922, il loue cependant un poème de Maïakovski contre les bureaucrates. Je n’
1017 e vue politique et administratif. Dans son poème, il raille impitoyablement les réunions et se moque des communistes qui n
1018 ont que siéger et siéger encore. Je ne sais ce qu’ il faut penser de la poésie, mais pour ce qui est de la politique, je m’
1019 e, le Père des peuples, sur le même Maïakovski : Il a été et il demeure le poète le meilleur, le plus talentueux de notre
1020 es peuples, sur le même Maïakovski : Il a été et il demeure le poète le meilleur, le plus talentueux de notre époque sovi
1021 l’intention des éditeurs communistes de ce choix. Il en ressort à l’évidence que les « idées » de Lénine sur la littératur
1022 , et que Staline s’est chargé d’en extraire ce qu’ elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou de brutalement primaire, po
15 1937, Articles divers (1936-1938). Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue (mai-juin 1937)
1023 e assez hagard aborde l’imagination de Chamisso ; il déclare avoir perdu son ombre. Le second romantisme bat son plein. On
1024 s les régions obscures de la légende populaire. S’ il se risque à paraître devant Chamisso, c’est peut-être poussé par l’en
1025 u soleil : c’est donc avouer un terrible secret ! Il arrive souvent qu’un étranger s’initiant aux croyances d’un peuple so
1026 n d’absurdité que l’on baptise inspiration lorsqu’ il excite ou crée, chez celui qui l’éprouve, le désir de s’en délivrer e
1027 e pudeur d’artistes ? Pudeur tout court ? Ou faut- il croire qu’ils ont écrit leurs contes sans jamais se poser de question
1028 tistes ? Pudeur tout court ? Ou faut-il croire qu’ ils ont écrit leurs contes sans jamais se poser de questions sur le sens
1029 oyais une actrice parcourir la scène en hurlant : elle tirait après soi un grand morceau d’étoffe qui figurait son ombre et
1030 ridiculisent. C’est pour eux l’irréalité même. («  Il n’est plus que l’ombre de lui-même ! ») Mais je vois bien qu’ils exag
1031 que l’ombre de lui-même ! ») Mais je vois bien qu’ ils exagèrent : si nous étions de purs esprits, nous ne projetterions pas
1032 es gens raisonnables. Voilà pourquoi, pensais-je, ils méprisent l’ombre, et la mésestiment gravement. Mais encore ? Ils en
1033 ombre, et la mésestiment gravement. Mais encore ? Ils en ont tous une, et s’entendent à tirer parti du plaisir que dispense
1034 t à tirer parti du plaisir que dispense un corps. Ils prisent fort la « transparence », mais tolèrent très bien cette chair
1035 cette chair, — oui, même ceux-là qui déplorent qu’ elle se fasse, aux regards de la convoitise, « opaque »36. Que pouvais-je
1036 it tout de même pas mort d’avoir perdu son ombre… Il était même si vivant, et sa présence si gênante, que je tentai de le
1037 gênante, que je tentai de le contraindre, quoi qu’ il arrive, aux suprêmes aveux. Il y avait la psychanalyse. Mais avant d’
1038 alement de Peter Schlemihl Peter est un naïf : il croit à la fortune. Il croit surtout qu’elle seule assure à l’homme u
1039 ihl Peter est un naïf : il croit à la fortune. Il croit surtout qu’elle seule assure à l’homme une dignité. C’est un bo
1040 naïf : il croit à la fortune. Il croit surtout qu’ elle seule assure à l’homme une dignité. C’est un bourgeois de la plus dan
1041 les bourgeois riches. D’où vient le sentiment qu’ il a d’être inférieur. Le diable sait cela : c’est par là qu’il le tient
1042 inférieur. Le diable sait cela : c’est par là qu’ il le tient. Peter lui donne son ombre contre une bourse magique, d’où i
1043 i donne son ombre contre une bourse magique, d’où il pourra tirer un or inépuisable. Désormais riche, mais privé d’ombre,
1044 inépuisable. Désormais riche, mais privé d’ombre, il se croit le maître du monde. Point du tout : on se moque de lui. Comb
1045 une subite, se renoue, cette fois-ci sans remède. Il ne tarde pas à tourner au délire de persécution. Tout effraye Peter,
1046 la rue, les valets qui le servent, les femmes qu’ il rencontre, surtout la lumière du jour, et même la clarté de la lune.
1047 la lumière du jour, et même la clarté de la lune. Il recherche la solitude pour y mener des réflexions désespérées. Souven
1048 pour y mener des réflexions désespérées. Souvent il éclate en sanglots à l’idée du plus simple bonheur, — de ce bonheur d
1049 n possède. Peter, lui, le connaît, mais, parce qu’ il l’a vendu. (Ne connaît-on que ce qui vient à manquer ? Et perd-on ce
1050 uffit pas à rétablir tous les contacts. Ou plutôt il les établit en apparences, mais dirait-on, sans réciprocité. La moind
1051 cette fêlure : on aime Schlemihl pour tout ce qu’ il a, qui n’est pas lui. Ce sont les femmes, bien entendu, qui le devine
1052 es de Peter échouent devant cet obstacle dernier. Il a beau n’aller que de nuit aux rendez-vous avec Mina. Le jour venu de
1053 essentiment ! Oui, je le savais depuis longtemps, il n’a pas d’ombre ! » Que reste-t-il à un tel homme ? Le suicide ? Rien
1054 uis longtemps, il n’a pas d’ombre ! » Que reste-t- il à un tel homme ? Le suicide ? Rien n’est plus loin de sa pensée. Sa v
1055 ans exigences, et qui veut croire à la vertu, — s’ il n’y avait, au centre de lui-même, cette absence. En tout pareil aux a
1056 c’est là son amertume. Ici intervient l’évasion. Il achète — par économie — une paire de bottes usagées. Mais voilà bien
1057 ce, ce sont les bottes de sept lieues ! Désormais il échappe à la vie, au voisinage et au dialogue. Son existence réelle s
1058 e réelle se confond avec tous les vagabondages qu’ il imagine. Il peut même retrouver une espèce d’activité, purement descr
1059 confond avec tous les vagabondages qu’il imagine. Il peut même retrouver une espèce d’activité, purement descriptive il es
1060 ouver une espèce d’activité, purement descriptive il est vrai, solitaire, presque mécanique : il dresse un vaste catalogue
1061 ptive il est vrai, solitaire, presque mécanique : il dresse un vaste catalogue de toutes les plantes de la terre. C’est à
1062 e toutes les plantes de la terre. C’est à cela qu’ il s’occupe en Thébaïde, quand nous perdons sa trace. Résumons : complex
1063 hamisso, heureusement pour lui, n’en savait rien. Il savait peut-être autre chose. Tentative d’interprétation Je rep
1064 liser les symboles. Car, pour la vie spirituelle, il n’est pas de lieux séparés, on peut toujours passer de l’un à l’autre
1065 D’une incompatibilité sociale aussi absolue, nous devrions déduire, semble-t-il, une aberration maximum. Pour confirmer notre so
1066 le aussi absolue, nous devrions déduire, semble-t- il , une aberration maximum. Pour confirmer notre soupçon sur la nature d
1067 notre soupçon sur la nature de cette aberration, il conviendrait de rappeler ici que Peter parvient à la cacher à tous sa
1068 rvient à la cacher à tous sauf aux deux femmes qu’ il voudrait épouser. Mais n’allons pas conclure trop vite. Les états d’â
1069 Les états d’âme d’un malade ou d’un fou diffèrent- ils essentiellement des états d’âme d’un homme sain ? Ne sont-ils pas plu
1070 llement des états d’âme d’un homme sain ? Ne sont- ils pas plutôt de simples fixations d’états qui, normalement, ne tarderai
1071 Plus précisément, l’état de Peter Schlemihl n’est- il pas comparable à celui d’un esprit et d’un corps sains après « l’amou
1072 de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’ il était un peu en arrière des choses, lent à démêler le monde où il rev
1073 en arrière des choses, lent à démêler le monde où il revient, et qui l’accable de présences bizarres, ou douces, mais auss
1074 nommera chez un malade, folie de la persécution). Il arrive aussi que cet homme se sente trop lucide, perçant toutes chose
1075 choses à jour, et lui-même, d’où l’impression qu’ il a d’être mal défendu contre les regards qu’il rencontre, transparent
1076 qu’il a d’être mal défendu contre les regards qu’ il rencontre, transparent dirait-on, — sans ombre ! Voilà, peut-être, un
1077 mbre ! Voilà, peut-être, une première indication. Elle paraîtra sans doute plus probante à des adolescents qu’à des adultes,
1078 térieure. » Une lecture plus poussée de Paracelse devait bientôt m’apprendre, avec bien d’autres choses curieuses et profondes
1079 d’activité vitale répandu dans tous nos organes. Elle figure le « miroir auquel la nature se regarde en nous. » Elle est ai
1080 e « miroir auquel la nature se regarde en nous. » Elle est ainsi l’agent microcosmique, la puissance même de notre créativit
1081 ce même de notre créativité dans tous les ordres. Elle est ce qu’il y a de plus noble dans le corps tout entier et dans l’ho
1082 tire son importance démesurée que du seul fait qu’ elle est une image physique du pouvoir créateur spirituel. Comme on peut l
1083 exhibe une excessive sincérité dans ses écrits. ( Il peut être d’ailleurs, au sens courant du mot, le plus « pudibond » de
1084 l ; mais non du tout qu’on en ait honte, semble-t- il . En vérité, la mauvaise pudeur provient de ce que le corps et l’âme s
1085 efuse à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t- elle d’exister — normalement — quand deux êtres s’aiment ? Parce que le se
1086 nce : spirituellement, ou de quelque autre sorte, il n’est plus un homme créateur. À l’inverse, la chasteté (spirituelle o
1087 orelle) rénove en l’homme son élan vers le monde. Elle le porte au-devant de tout, comme un peu en avant de lui-même, là où
1088 de tout, comme un peu en avant de lui-même, là où il peut dominer sa vie et la construire avec tout son instinct à l’image
1089 description de l’individu romantique, dans ce qu’ il a de démissionnaire, d’impuissant à saisir le monde pour le former à
1090 mateurs d’absurdités lyriques, j’en suis parfois, devraient se garder d’affadir une telle œuvre, n’y admirant à leur coutume qu’u
1091 art. Nul doute que l’art de Chamisso ne signifie. Il y suffit d’ailleurs qu’il soit vraiment un art — tout effort digne de
1092 e Chamisso ne signifie. Il y suffit d’ailleurs qu’ il soit vraiment un art — tout effort digne de ce nom établit d’abord un
1093 t par là que Chamisso s’est sauvé de lui-même : s’ il a fait Schlemihl comme on sait, en grande partie à son image, il en d
1094 mihl comme on sait, en grande partie à son image, il en diffère toutefois par ceci qu’il l’a fait, témoignant d’un pouvoir
1095 à son image, il en diffère toutefois par ceci qu’ il l’a fait, témoignant d’un pouvoir d’invention dont la nouveauté reste
1096 d’ombre, et c’est pour lui que je garde ma pitié. Il ne sait même plus écrire sa Fable, il n’en veut plus, il veut du vrai
1097 e ma pitié. Il ne sait même plus écrire sa Fable, il n’en veut plus, il veut du vraisemblable ! Il est retombé dans le rom
1098 ait même plus écrire sa Fable, il n’en veut plus, il veut du vraisemblable ! Il est retombé dans le roman insignifiant. P
1099 le, il n’en veut plus, il veut du vraisemblable ! Il est retombé dans le roman insignifiant. P.-S. Je n’ai pas voulu alou
1100 ns qu’en dehors du domaine germanique et anglais, il ne relève que deux ou trois auteurs français. Encore ceux-ci s’orient
1101 rait donc bien française, et Barrès s’en réjouit. Il va jusqu’à soutenir que l’ombre perdue serait le symbole de la patrie
1102 d son ombre à force de rêver d’une jeune femme qu’ il perçoit de sa fenêtre. « Mais dans les climats chauds, les choses cro
1103 ent très vite, et après qu’une semaine eut passé, il vit à sa grande joie qu’une nouvelle ombre partant de ses pieds comme
1104 partant de ses pieds commençait à croître lorsqu’ il se promenait dans le soleil. » Ici donc, pas de fixation morbide, com
1105 comme dans Schlemihl. Aussi bien, le diable n’est- il pas dans l’affaire, cette fois-ci. 39. Selon Paracelse toujours, l’é
1106 . La créativité se purifie donc en le localisant. Il paraît alors que le freudisme ne s’occupe que de l’écume d’une soupe 
1107 que de l’écume d’une soupe ! (ou bien l’appelle-t- il libido ?). 40. Ces traits ne sauraient définir qu’un aspect, à vrai
16 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)
1108 tueux exemplaire dans sa symétrie architecturale. Il domine toutes les maisons et le clocher. Il est seul au-dessus du pay
1109 rale. Il domine toutes les maisons et le clocher. Il est seul au-dessus du pays. Je voudrais le dessiner dans le style rom
1110 ue je veux retenir pour le moment des gens d’ici. Elle corrige la mauvaise humeur que m’a donnée notre épicière. Car il faut
1111 auvaise humeur que m’a donnée notre épicière. Car il faut bien, hélas, commencer par l’épicière, quand on aborde le villag
1112 l’on va vivre. Celle-ci est énorme et goutteuse. Elle a des douleurs dans les jambes, et m’en parle d’abord, pour me mettre
1113 ord, pour me mettre en confiance. Je sens bien qu’ elle veut me faire causer avant de fixer le prix du chou-fleur, des envelo
1114 ’est plutôt en été qu’on vient chez nous, me fait- elle prudemment observer. — Je le sais bien, madame Aujard, mais je ne vie
1115 du travail chez moi, des tas de choses à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage. Et moi, je recule devant l’entrepr
1116 ifie ? Écrire pour les journaux, sans doute, mais il n’y en a pas tant à raconter sur ce pays… Je l’ai laissée en plein my
1117 er sur ce pays… Je l’ai laissée en plein mystère. Elle a dû en parler longuement avec les clients qui attendaient en silence
1118 ce pays… Je l’ai laissée en plein mystère. Elle a en parler longuement avec les clients qui attendaient en silence, le
1119 jard n’a pas toujours ce qu’on voudrait. En hiver elle fait peu de réserves de produits alimentaires, les habitants n’acheta
1120 de la mercerie, des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simp
1121 z l’autre. Mais c’est prudent, on me l’a dit. Car elles ne baisseront pas leurs prix pour garder un client, elles les augment
1122 baisseront pas leurs prix pour garder un client, elles les augmenteront bien plutôt pour le punir d’avoir été en face. Sans
1123 lui gâte la vie. Trois fois la semaine au moins, il me voit venir avec une grande enveloppe contenant un manuscrit. Est-c
1124 imé ? — Non. C’est tapé à la machine. — Est-ce qu’ il n’y a rien d’écrit à la main ? — Si, il y a des corrections écrites à
1125 n envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuillets. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme avec vivacité que ça ne peut
1126 J’affirme avec vivacité que ça ne peut pas aller. Il faut tout recommencer. Finalement l’on décide d’envoyer le manuscrit
1127 me de Pédenaud qui brandit un papier. J’accours : elle me tend une formule de télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c
1128 à verser sans délai la somme de Fr. 67.25 restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud, qui a voulu en avoir le
1129 mé qu’un manuscrit s’affranchit comme une lettre. Il faut donc que je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé « d’y alle
1130 r arrêter le courrier. L’autobus vient de partir. Il faut téléphoner au chef-lieu, faire rouvrir au passage le sac postal,
1131 u qui apparaît entre les gens d’ici et moi dès qu’ il s’agit de mon travail et de ses conditions pratiques. Petits ennuis s
1132 un buraliste de recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit et transpire rien qu’à me voir entrer. Je cause un peu, pour m
1133 e faire pardonner. Pédenaud est mutilé de guerre. Il boite. On lui a donné cette recette auxiliaire à titre de dédommageme
1134 mptant tout ». Sa femme fait des lessives. En été ils pêchent des palourdes et les vendent aux baigneurs. Bien entendu, je
1135 inon dépenserais-je tant à son guichet ?), mais s’ il savait que j’ai dépensé près de 600 francs depuis trois semaines, il
1136 dépensé près de 600 francs depuis trois semaines, il estimerait que j’exagère, même pour un riche. Je me sens rejeté dans
1137 r, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dan
1138 édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces d’un hérisson mort. » Cette phrase a fait
1139 mon pyjama dans l’espace de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sautaient sur le couvre-pied
1140 e cherchâmes pas plus loin la cause du phénomène. Il est vrai qu’on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne de
1141 beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrait pas suffire à rendre vraisemblable une hypothèse à ce point injurieus
1142 plate-bande qui borde la maison, sous ma fenêtre. Il soufflait très vite, il avait l’air malade. Le lendemain nous le trou
1143 maison, sous ma fenêtre. Il soufflait très vite, il avait l’air malade. Le lendemain nous le trouvions mort. Et je l’avai
1144 e de Colette. Je rapporte cette anecdote parce qu’ elle comporte une conclusion qui la dépasse d’ailleurs notablement et qui
1145 ien, mais je vois là comme un symbole. Les livres devraient être utiles. 23 décembre 1933 J’écris ceci sur une table de café. À t
1146 le ville, la plus proche de notre île, et où nous devons encore passer deux heures en attendant le départ de l’autobus pour Ta
1147 . Je ne suis pas arrivé à gagner assez vite ce qu’ il nous fallait pour subsister après l’épuisement de notre réserve. J’ai
1148 ’a plus rien. Pour celui qui vit au jour le jour, il s’agit essentiellement d’éviter les lacunes de cette sorte. (Ce que l
1149 qui nous offre de passer trois semaines chez lui. Il habite à une petite journée de voyage de notre île. La leçon pratique
1150 mois, c’est que la liberté ne s’improvise pas. Qu’ il faut la conquérir avec méthode, et organiser à l’avance un plan d’att
1151 ces pages, l’auteur peint notamment le milieu où il s’est retiré, une petite île vendéenne. »
17 1937, Articles divers (1936-1938). Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)
1152 d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)s t Il faut parler des « autocars ». Je ne sais si l’on se doute à Paris de
1153 importance des autocars et des transformations qu’ ils sont en train de causer dans la vie provinciale. Je n’ai pas compté l
1154 nstater dans plusieurs départements de l’Ouest qu’ il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou
1155 errée était une sorte d’insulte à la vie locale ; elle la traversait abstraitement, sans la voir, sans tenir compte de ses c
1156 unifiée ? La ligne d’autocar fait partie du pays. Elle en épouse la géographie physique mais aussi humaine. Elle quitte à to
1157 épouse la géographie physique mais aussi humaine. Elle quitte à tout propos la route nationale pour des chemins secondaires
1158 es à peine plus larges que la voiture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale, du calendrier des marées,
1159 t avec toutes sortes d’habitudes locales. D’abord il faut aller dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum de précis
1160 onfient au départ avec force recommandations ; et ils sont rares, ceux qui n’ont pas deux mots à dire par la portière entr’
1161 une belle révolution, qui rajeunisse la France : ils ont la bonne humeur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’
1162 général. Sans compter les moyens techniques dont ils disposent et qui seraient décisifs lors d’une action rapide. Mais loi
1163 me rappelle un bout de conversation que j’aurais noter plus tôt. Le monsieur rencontré dans l’autocar de Taillefer vou
1164 qu’un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’écria : « Ah ! cher monsieur, je vous envie ! Vous avez un rôle mag
1165 umaine, quel luxe d’énergie ou d’invention qui, s’ ils les possédaient vraiment, feraient de leurs détenteurs non point des
1166 il de réflexions, d’observations et de jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidien cet effort de restauration mo
18 1937, Articles divers (1936-1938). « Subjectivité et transcendance », Lettre de M. Denis de Rougemont (décembre 1937)
1167 bre 1937)w x Pourquoi voulez-vous — ou veulent- ils — que la philosophie se purifie de théologie ? La théologie vaut bien
1168 chez Tolstoï, chez Nietzsche : dans la mesure où elle est un élément de transcendance, la nature devient divinité (et ne pe
19 1938, Articles divers (1936-1938). Réponse à Pierre Beausire (15 janvier 1938)
1169 leurs forces à discuter avec leurs adversaires ». Il leur demande ensuite de prendre le pouvoir. Mais avant de prendre le
1170 dre le pouvoir. Mais avant de prendre le pouvoir, il faut convaincre, sinon l’on se verra contraint d’exercer cette dictat
1171 celle de l’État totalitaire. Or, pour convaincre, il faut entre autres dissiper les malentendus, désarmer autant que possi
1172 terme d’adversaire convient à M. Pierre Beausire. Il approuve notre réaction (qu’il dit « parfaitement justifiée ») ; et q
1173 . Pierre Beausire. Il approuve notre réaction (qu’ il dit « parfaitement justifiée ») ; et quand il énumère nos réclamation
1174 (qu’il dit « parfaitement justifiée ») ; et quand il énumère nos réclamations, il ajoute en parlant de leurs auteurs : « O
1175 tifiée ») ; et quand il énumère nos réclamations, il ajoute en parlant de leurs auteurs : « On ne peut que les suivre et l
1176 peut que les suivre et les approuver. » En somme, il se rangerait à nos côtés pour l’essentiel de ce que nous avons dit da
1177 que nous avons dit dans notre numéro spécial81. S’ il nous attaque, c’est sur des points que nous n’avons pas abordés, et s
1178 récisons. ⁂ « Au nom de quel principe s’insurgent- ils  ? » demande M. Beausire. C’est au nom du personnalisme. Mais qu’est-c
1179 umanité. » Erreur totale et malentendu maximum. S’ il fallait à tout prix reprendre les termes choisis par M. Beausire lui-
1180 sire nous situe, par un réflexe bien romand ; (qu’ il me pardonne !). Le personnalisme est bien plus qu’une morale, s’il en
1181 . Le personnalisme est bien plus qu’une morale, s’ il en suppose une. Il est, à mon sens, la tradition centrale de l’Occide
1182 est bien plus qu’une morale, s’il en suppose une. Il est, à mon sens, la tradition centrale de l’Occident, l’élément civil
1183 ment selon les milieux et les groupes. En France, elle s’est traduite surtout en termes catholiques et en termes proudhonien
1184 iellement pluraliste, c’est-à-dire : fédéraliste. Il exalte les différences en ce qu’elles ont de créateur. Il veut une or
1185 : fédéraliste. Il exalte les différences en ce qu’ elles ont de créateur. Il veut une organisation de la cité qui leur permett
1186 e les différences en ce qu’elles ont de créateur. Il veut une organisation de la cité qui leur permette de s’exprimer. Tel
1187 majorité même, ne partagent pas cette certitude. Ils en ont d’autres, que je crois insuffisantes, et je le leur dis en tou
1188 leur dis en toute franchise. Du moins ne tiennent- ils pas le christianisme dont je parle pour une niaiserie sentimentale. À
1189 r une niaiserie sentimentale. À défaut de la foi, ils connaissent l’Histoire, et savent de quoi l’Europe s’est faite. Pierr
1190 n veut parler à des hommes, et non à des enfants, il faut renoncer à invoquer le Christ ». Je ne craindrai pas de lui répo
1191 d’ironie M. Beausire joint à son vœu final : « Qu’ ils s’emparent hardiment du pouvoir dans cet État, et, en manifestant la
1192 ue nous avons sous les yeux. » Car la noblesse qu’ il nous suppose, purement « morale », sentimentale, idéaliste, ne saurai
1193 onnaît de tels chefs, ou désire en devenir un, qu’ il nous amène ce précieux renfort, et nous le saluerons d’un vivat ! Nou
20 1938, Articles divers (1936-1938). Søren Kierkegaard (février 1938)
1194 laine du Jutland. Un jour, accablé par la misère, il était monté sur un tertre et il avait maudit le Dieu Tout-Puissant qu
1195 lé par la misère, il était monté sur un tertre et il avait maudit le Dieu Tout-Puissant qui le laissait mourir de faim. Ce
1196 ieu sembla porter bonheur au père de Kierkegaard. Il devint commerçant, amassa une fortune, et c’est ainsi que Kierkegaard
1197 après une sévère éducation piétiste, un secret qu’ il qualifiera de terrifiant, et une belle aisance matérielle. Du secret,
1198 iant, et une belle aisance matérielle. Du secret, il tira une partie de son œuvre : son analyse du désespoir considéré com
1199 éré comme une révolte contre Dieu. De sa fortune, il ne voulut tirer nul intérêt : il la confia à l’un de ses frères, pour
1200 . De sa fortune, il ne voulut tirer nul intérêt : il la confia à l’un de ses frères, pour éviter d’avoir affaire aux banqu
1201 our éviter d’avoir affaire aux banques, et lorsqu’ il mourut, l’on s’aperçut qu’il n’en restait que 200 francs. Cette fortu
1202 x banques, et lorsqu’il mourut, l’on s’aperçut qu’ il n’en restait que 200 francs. Cette fortune provenait d’une malédictio
1203 ette fortune provenait d’une malédiction, pensait- il . Il l’avait donc dilapidée sans compter, mais surtout en dons généreu
1204 fortune provenait d’une malédiction, pensait-il. Il l’avait donc dilapidée sans compter, mais surtout en dons généreux. À
1205 compter, mais surtout en dons généreux. À 27 ans, il terminait ses études de théologie, et se fiançait avec une jeune fill
1206 n pratique. Le « tout ou rien » qui est sa devise devait fatalement le conduire au refus d’une perspective de bonheur dans laq
1207 refus d’une perspective de bonheur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai tout de son existence singulière. (Que d’autr
1208 et de peu de portée). Au lendemain de sa rupture, il partit pour Berlin où il désirait suivre les cours de Schelling. Il y
1209 lendemain de sa rupture, il partit pour Berlin où il désirait suivre les cours de Schelling. Il y demeura quelques mois, p
1210 lin où il désirait suivre les cours de Schelling. Il y demeura quelques mois, puis il revint à Copenhague pour y mener une
1211 rs de Schelling. Il y demeura quelques mois, puis il revint à Copenhague pour y mener une existence solitaire, jusqu’à sa
1212 ne existence solitaire, jusqu’à sa mort, en 1835. Il travaillait une grande partie de la nuit. Georg Brandes raconte qu’on
1213 s de ses vastes appartements. Dans chaque chambre il faisait disposer une écritoire et du papier, de façon à pouvoir noter
1214 urs de son interminable promenade, les phrases qu’ il venait de composer tout en marchant. À l’aube, il s’accordait quelque
1215 il venait de composer tout en marchant. À l’aube, il s’accordait quelque répit, errait sur les quais déserts du port, ou g
1216 gnait les forêts qui avoisinent la capitale. Puis il se remettait à écrire. Vers midi, on le voyait parcourir les rues les
1217 lles, avec des balayeurs, avec le petit peuple qu’ il aimait par-dessus tout. Tout le monde, à Copenhague, connaissait sa s
1218 eut un immense succès : c’était l’Alternative, qu’ il publia en 1843. La même année parurent deux autres ouvrages, signés d
1219 rs édifiants, signés de son nom. Mais à mesure qu’ il faisait mieux voir le fond chrétien de sa pensée, le public s’écarta,
1220 , le public s’écarta, effrayé. Et lorsqu’en 1831, il se mit à attaquer avec une extrême violence, le christianisme officie
1221 olence, le christianisme officiel et ses évêques, il se vit abandonné dans la plus complète solitude qu’ait sans doute jam
1222 esprit. Un an plus tard, accablé par la lutte qu’ il menait seul contre tous, il tombait d’épuisement au cours d’une prome
1223 cablé par la lutte qu’il menait seul contre tous, il tombait d’épuisement au cours d’une promenade en ville. On le transpo
1224 omenade en ville. On le transporta à l’hôpital où il mourut paisiblement en disant à son seul ami, le pasteur Boesen : « S
1225 el, semblable au prince Hamlet — autre Danois ! —  il put mourir certain d’avoir accompli sa mission, ce fut l’attaque qu’i
1226 d’avoir accompli sa mission, ce fut l’attaque qu’ il mena contre l’Église établie et contre dix-huit siècles de chrétienté
1227 angiles. ⁂ Toute mon activité d’auteur — nous dit- il dans son Point de vue explicatif sur mon œuvre — se rapporte à ce seu
1228 naît pas chrétien, et même on ne peut pas l’être, il faut sans cesse le devenir, et le devenir dans l’instant de la foi, q
1229 erkegaard (40 volumes en douze années). Pensée qu’ il défendit et qu’il servit de toutes les forces de son génie universel
1230 mes en douze années). Pensée qu’il défendit et qu’ il servit de toutes les forces de son génie universel de poète, de philo
1231 oète, de philosophe, d’ironiste et de théologien. Il se trouvait devant un monde où tout avait été brouille : sérieux et p
1232 article indigné, qui provoqua un énorme scandale. Il décrivait la vie de Nynster. Était-ce celle d’un témoin de la vérité 
1233 vérité. Cas symbolique aux yeux de Kierkegaard. Il fallait un rappel à l’ordre. Il le devint lui-même, de tout son être.
1234 x de Kierkegaard. Il fallait un rappel à l’ordre. Il le devint lui-même, de tout son être. Et il savait ce que cela devait
1235 rdre. Il le devint lui-même, de tout son être. Et il savait ce que cela devait lui coûter. Car le monde ne tolère jamais l
1236 -même, de tout son être. Et il savait ce que cela devait lui coûter. Car le monde ne tolère jamais la passion spirituelle qui
1237 ormité — l’absence de normes — de la vie telle qu’ ils la découvrent. Ils se rendorment, ou bien édifient des systèmes (qu’i
1238 de normes — de la vie telle qu’ils la découvrent. Ils se rendorment, ou bien édifient des systèmes (qu’ils se garderont d’h
1239 se rendorment, ou bien édifient des systèmes (qu’ ils se garderont d’habiter). Ceux qui persistent cependant, s’aperçoivent
1240 mpromettante. Aussi l’histoire de la pensée n’est- elle peut-être que la chronique de ses retraites éloquentes. Très peu vont
1241 vrai martyr n’a jamais eu recours à la violence, il combat à l’aide de son impuissance. Il force les hommes à être attent
1242 violence, il combat à l’aide de son impuissance. Il force les hommes à être attentifs. Ah ! Dieu sait s’ils deviennent at
1243 rce les hommes à être attentifs. Ah ! Dieu sait s’ ils deviennent attentifs, ils le tuent. Mais c’est là ce qu’il voulait. I
1244 ntifs. Ah ! Dieu sait s’ils deviennent attentifs, ils le tuent. Mais c’est là ce qu’il voulait. Il n’a jamais cru que sa mo
1245 nent attentifs, ils le tuent. Mais c’est là ce qu’ il voulait. Il n’a jamais cru que sa mort pourrait entraver son action,
1246 fs, ils le tuent. Mais c’est là ce qu’il voulait. Il n’a jamais cru que sa mort pourrait entraver son action, il a compris
1247 ais cru que sa mort pourrait entraver son action, il a compris qu’elle faisait partie de son action, oui, que cette action
1248 ort pourrait entraver son action, il a compris qu’ elle faisait partie de son action, oui, que cette action ne commencerait v
1249 erne qui transcrit les déclarations du malade) : Il tient sa maladie pour mortelle. Sa mort serait nécessaire à l’action
1250 . Sa mort serait nécessaire à l’action à laquelle il a consacré toutes ses forces spirituelles et toute son œuvre d’écriva
1251 ces spirituelles et toute son œuvre d’écrivain… S’ il reste en vie, dit-il, il poursuivra sa lutte religieuse, mais il crai
1252 oute son œuvre d’écrivain… S’il reste en vie, dit- il , il poursuivra sa lutte religieuse, mais il craint qu’elle ne soit al
1253 son œuvre d’écrivain… S’il reste en vie, dit-il, il poursuivra sa lutte religieuse, mais il craint qu’elle ne soit alors
1254 , dit-il, il poursuivra sa lutte religieuse, mais il craint qu’elle ne soit alors affaiblie. Au contraire sa mort donnera
1255 poursuivra sa lutte religieuse, mais il craint qu’ elle ne soit alors affaiblie. Au contraire sa mort donnera de la force à s
1256 la force à son attaque, et lui assurera, pense-t- il , la victoire.84 ⁂ De cette œuvre considérable, il ne saurait être q
1257 , la victoire.84 ⁂ De cette œuvre considérable, il ne saurait être question, ici, de résumer ne fût-ce que les thèmes di
1258 , de résumer ne fût-ce que les thèmes directeurs. Il faut y aller voir dans ses livres traduits, et dans l’étude monumenta
1259 numentale que Jean Wahl publie ces jours-ci. Mais il sera peut-être utile d’insister sur deux caractères qui ne peuvent ma
1260 de l’ironie. Kierkegaard est difficile parce qu’ il est simple. « La pureté du cœur, c’est de vouloir une seule chose »,
1261 u cœur, c’est de vouloir une seule chose », écrit- il . Mais cette seule chose nécessaire s’oppose à tous nos conformismes,
1262 os conformismes, et même à nos plus hauts désirs. Il est désespéré, mais c’est à cause de la foi. Et s’il espère, c’est « 
1263 est désespéré, mais c’est à cause de la foi. Et s’ il espère, c’est « en vertu de l’absurde », c’est-à-dire de l’incarnatio
1264 craint pitié corrosive. Finalement on se rend et il refuse cette capitulation. On n’étudie pas Kierkegaard, on l’attrape
1265 n salutaire, dont nul ne trouvera l’antidote : qu’ il en soit mort, atteste ce fait capital que la pensée humaine ne peut ê
1266 Concession, la raison de Pascal, et lors même qu’ il y renonce : concession, la pitié parfois presque sadique de Dostoievs
1267 du surhomme. Quant au « sérieux » de Kierkegaard, il est de nature à tromper le lecteur mille manières. On peut se laisser
1268 es polémiques. Et tout d’un coup on s’aperçoit qu’ elles nous jettent en plein drame de l’existence. Kierkegaard déconsidère l
1269 sérieux. C’était bien vu. Mais notre auteur était- il sérieux lui-même en écrivant cela, ou bien faisait-il une phrase ? Ce
1270 érieux lui-même en écrivant cela, ou bien faisait- il une phrase ? Ce qui est sérieux, est seul important, mais tant de gen
1271 on, un mythe, un saut dans le vide, etc. Et alors il n’y a plus nulle part de « vrai » sérieux. Mais peut-être aussi cet a
1272 » sérieux. Mais peut-être aussi cet acte existe-t- il , quelque part, et alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie tant
1273 ussi cet acte existe-t-il, quelque part, et alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie tant que je n’ai pas trouvé dan
1274 rkegaard pour des fins politiques et temporelles. Il se dresse, au seuil de l’époque comme la plus formidable accusation v
1275 ard avait aussi noté, peu de jours auparavant : «  Il n’y a pas eu, durant mille-huit-cents ans de christianisme, une seule
1276 che comparable à la mienne. Dans la ‟chrétienté”, elle apparaît pour la première fois. Je le sais, je sais aussi ce qu’il m’
1277 la première fois. Je le sais, je sais aussi ce qu’ il m’en a coûté, ce que j’ai souffert, je puis l’exprimer par cette seul
21 1938, Articles divers (1936-1938). Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage (avril 1938)
1278 entreprise hardie que d’aller dire aux hommes qu’ ils sont peu de chose », s’écrie Bossuet (Sermon sur la mort, 22 mars 166
1279 . Que dirions-nous alors du sort fait à celui qui doit se montrer aux hommes tel qu’il est ? S’entendre dire que l’homme en
1280 ait à celui qui doit se montrer aux hommes tel qu’ il est ? S’entendre dire que l’homme en général est peu de chose, n’est
1281 oindre l’humanité. Chômage. — On dit souvent qu’ il faut à l’homme un minimum de confort ou d’aisance matérielle pour pou
1282 ompter85. Le second était si pauvre, au moment où il écrivit ses plus grandes œuvres qu’il ne lui restait plus même une ch
1283 u moment où il écrivit ses plus grandes œuvres qu’ il ne lui restait plus même une chemise entière : les morceaux du bras a
1284 des contre ses effroyables maux de tête. De plus, il était à demi aveugle… Confort et culture. — À ceux qui n’ont rien,
1285 e… Confort et culture. — À ceux qui n’ont rien, il faut donner du confort, afin qu’ils puissent concevoir d’autres buts
1286 ui n’ont rien, il faut donner du confort, afin qu’ ils puissent concevoir d’autres buts à leur existence que la recherche d’
1287 gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler que la recherche du confort est ce qui s’oppose le plus
1288 nuit des villes n’est pas cette mort opaque dont il faut redouter je ne sais quelle invisible et brusque vie tout près. N
1289 très grosses et molles au-dessus du jardin. Mais il arrive que le noir soit compact. Je me dirige à peu près le long de l
1290 gémissant. J’ai des lettres à porter à l’autobus. Il faut s’éloigner du village. De nouveau le noir, et l’écho de mes pas
1291 er un peu pour toucher davantage à l’assurance !) Il a bien fallu se rendre à l’évidence : ce sommier implacable restera d
1292 eure. Quand la propriétaire reviendra pour l’été, elle se heurtera à ce sommier monumental dans sa pose scandale et ma réput
1293 ; l’homme déplie un journal que je n’aime pas, qu’ il a peut-être acheté tout par hasard, comme il m’arrive à moi aussi, ma
1294 , qu’il a peut-être acheté tout par hasard, comme il m’arrive à moi aussi, mais on se juge tout de même là-dessus… Je sors
1295 route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’est profondément le même mouv
1296 grandes idées discutables. Mais n’oublions pas qu’ il vaut moins qu’un grand fait vrai, comme serait, par exemple, une gran
1297 force au mépris de soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. En vérité, il n’y a pas de faits gra
1298 elle peut devenir le fait dominateur. En vérité, il n’y a pas de faits grands ou petits en soi et par comparaison. Il y a
1299 grus et mécaniques des autres : écoute bien ce qu’ ils disent à travers les paroles qu’ils croient dire : essaie de les comp
1300 te bien ce qu’ils disent à travers les paroles qu’ ils croient dire : essaie de les comprendre quand ils se plaignent ou qua
1301 ils croient dire : essaie de les comprendre quand ils se plaignent ou quand ils rient : tu ne verras, tu n’entendras et tu
1302 de les comprendre quand ils se plaignent ou quand ils rient : tu ne verras, tu n’entendras et tu ne comprendras jamais qu’u
1303 r toi-même ce fait qui est plus fort que toi. Car il est tout ce que le monde attend, attend de toute éternité pour aujour
1304 réalisée en argent liquide, chez son beau-frère. Il était adversaire du prêt à l’intérêt, condamné par l’église primitive
1305 rêt à l’intérêt, condamné par l’église primitive. Il donnait à qui voulait. Après sa mort, on s’aperçut qu’il ne restait q
1306 ait à qui voulait. Après sa mort, on s’aperçut qu’ il ne restait que 250 francs dans le coffre. aa. Rougemont Denis de, «