1 1936, Articles divers (1936-1938). Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour (1936)
1 aux deux sens du terme —, un seul ouvrage a paru en français22. Ce serait assez pour donner une idée de l’ordre de grande
2 la singularité de l’œuvre entière. Mais bien peu en ont eu connaissance, et moins encore se sont risqués à en parler. Rie
3 u connaissance, et moins encore se sont risqués à en parler. Rien d’étonnant d’ailleurs à cette réserve. Une sorte de stup
4 agment de biographie. Franz Kafka naquit à Prague en 1883. Il passa dans cette ville la plus grande partie de sa vie. Doct
5 te ville la plus grande partie de sa vie. Docteur en droit, il travailla d’abord au service d’une compagnie d’assurances g
6 une tuberculose du larynx dont il mourut à Vienne en 1924. Il n’avait publié de son vivant qu’un petit nombre de récits. M
7 absurdité. L’état d’extrême lucidité que suscite en nous cette vision ressemble à s’y méprendre à un cauchemar. Mais alor
8 brouiller tous les plans du réel à seule fin de s’ en évader — durant le temps de leur ivresse tout au moins — Kafka nous r
9 es banales et de leurs relations sociales, qu’ils en découvrent et en dénoncent l’impossibilité foncière. À serrer de si p
10 leurs relations sociales, qu’ils en découvrent et en dénoncent l’impossibilité foncière. À serrer de si près le réel, on l
11 le sentiment d’étrangeté qui parfois l’accompagne en sourdine s’expliquent de la manière la plus logique sitôt qu’on les r
12 he. Rien n’est plus suggestif que cette rencontre en un seul homme de deux influences aussi contradictoires et à tant d’ég
13 clusives… Il y aurait fort à dire là-dessus… Mais en voilà sans doute assez pour faire entrevoir au lecteur l’arrière-plan
14 exemple : la métamorphose subite d’un jeune homme en une bête innommable et même indescriptible (dans La Métamorphose). Ou
2 1936, Articles divers (1936-1938). Forme et transformation, ou l’acte selon Kierkegaard (janvier 1936)
15 nul homme ne connaît davantage de vérité qu’il n’ en incarne.3 Voici donc le mystère : s’il n’y a pas de chemin, nous ne
16 ous prophétisons. Le chrétien marche dans la nuit en créant sa lumière et son chemin5, lumière qui n’est pas sa lumière, c
17 monde sur lequel il devrait régner. Seule peut l’ en délivrer la Parole prophétique qui lui advient comme un appel dans le
18 épart. Le chemin commence à tout homme qui se met en devoir d’obéir à l’ordre qu’il reçoit de Dieu, — n’importe où et n’im
19 quelle règle d’action chrétienne, — ose la mettre en pratique. L’action que tu introduiras ainsi dans la réalité portera l
20 xemple, ou si tu ne possèdes pas de bien, cesse d’ en désirer la possession, et vis comme un chrétien : au jour le jour, sa
21 ensable de l’éternité avec notre durée, et l’on n’ en peut n’en dire sinon qu’il s’est produit, et qu’il peut se produire s
22 l’éternité avec notre durée, et l’on n’en peut n’ en dire sinon qu’il s’est produit, et qu’il peut se produire sans que ri
23 ps comme à contre-courant de sa durée, vit d’acte en acte. Et son temps n’est plus son péché, mais on pourrait dire : sa p
24 rédime puisqu’il lui rend une Mesure et un rythme en le liant au destin personnel. Ainsi l’acte absolu serait création abs
25 ire. À vrai dire, nous avons toutes les raisons d’ en douter, s’il est vrai que le doute est révolte, et qu’il faut pour se
26 uve enfin de son moi, — mais il sait bien qu’il n’ en a pas, ou que son moi est désespoir, c’est-à-dire qu’il n’y croit pas
27 réer ? « L’homme ne peut faire qu’une seule chose en toute sobriété, c’est l’absolu »17. Entre le désespéré et l’absolu, i
28 d’une vie d’homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise, uniquement, et dès l’origine. C’est pourquoi l’h
29 vocation18. C’est qu’il parle sa vocation et ne s’ en distingue jamais. Cependant il est hors de doute qu’il eut conscience
30 ne renonce pas à la vraisemblance n’entre jamais en relation avec Dieu. L’audace religieuse, à plus forte raison l’audace
31 on message. 8. Journal. « L’imitation suivra », en allemand, « Die Nachfolge wird nachfolgen ». 9. Apprentissage du ch
32 ar l’acte, quand celui de Schopenhauer s’évanouit en pure absence. 13. K. entend : en vertu de ce paradoxe impensable, l’
33 C’est, dit-il, que sa consigne est de « tenir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une solution commode, s
34 de campagne serait une solution commode, surtout en regard des souffrances qu’il sait trop bien que lui vaudront ses atta
3 1936, Articles divers (1936-1938). Décadence des lieux communs (décembre 1936)
35 u jeu et je ne sais même pas s’ils savent qu’il y en a une. Alice au Pays des Merveilles On peut penser que notre langue
36 mise par tous les clercs européens. On ne saurait en dire autant du langage de nos bons écrivains. Car non seulement il es
37 lecteurs de journaux, mais encore il s’est divisé en une foule de dialectes ésotériques. Non seulement l’écrivain moderne
38 es intellectuels et pour la masse — cela s’est vu en d’autres siècles. Ils n’ont plus le même sens pour les divers partis
39 rceaux vivants. Quand Alice avait réussi à mettre en boule son hérisson, et se préparait à le frapper avec la tête du héro
40 d’ahurissement profond. Quand elle l’avait remis en position, c’était le hérisson qui se déroulait et courait dans la hai
41 e. Si par hasard la boule et le maillet restaient en place, c’était alors l’arceau-soldat qui se levait et s’en allait un
42 c’était alors l’arceau-soldat qui se levait et s’ en allait un peu plus loin. Tandis que la Reine, au comble de la fureur,
43 ne, au comble de la fureur, parcourait le terrain en hurlant au hasard son cri de guerre : « Qu’on lui coupe la tête ! » —
44 té par beaucoup plus de personnes que Descartes n’ en convainquit de son vivant. Cependant les journaux du soir à cinq-cent
45 es autres et étrangers. Ils échangent des paroles en plus grand nombre que jamais, et ne se disent rien qui compte. « Paro
46 estes, à notre insu, trahissent. Mais quelqu’un s’ en est aperçu. Quelqu’un a formé le projet de tromper cette faim et cett
47 é vivants pour cette génération sans but. On nous en donnera donc de nouveaux fabriqués à notre mesure, — et quelle miséra
48 que. Ainsi la mesure n’est plus cette loi qui vit en l’homme réel et personnel, cette alliance du peuple avec sa vocation
49 que les débats politiques ou électoraux abondent en confusion de cette espèce et s’en nourrissent. L’opération fameuse qu
50 toraux abondent en confusion de cette espèce et s’ en nourrissent. L’opération fameuse qui consiste à additionner les casse
4 1937, Articles divers (1936-1938). Changer la vie ou changer l’homme ? (1937)
51 Placez-vous donc sur ce plan historique. Voyagez en URSS par exemple. Constatez, comme beaucoup l’ont fait (qui sont sans
52 ine se rapproche des régimes fascistes. Essayez d’ en conclure que le communisme c’est cela, s’il se confond, comme on nous
53 e : que le génie de Marx l’a remise sur ses pieds en la fondant sur la matière économique ; qu’ainsi lestée, elle a pu se
54 économique ; qu’ainsi lestée, elle a pu se mettre en marche et agir au niveau du réel ; que son but primitif était de détr
55 ire, dans le réel : on vous invite maintenant à n’ en pas croire vos yeux, qui voient Staline, mais à croire une prophétie.
56 n future. Au contraire, il fait fusiller ceux qui en parlent. On vous répond que c’est une nécessité de la tactique, dûmen
57 à entrevoir ce que signifie : dialectique. C’est en fait, l’obéissance au parti, l’obéissance aveugle à Staline, déposita
58 n lorsqu’on parle de communisme ? Où le prendre ? En quoi peut résider l’identité d’une doctrine qui prétend justifier thé
59 me d’État de Lénine ; l’expropriation des patrons en 1918, puis la restauration de la propriété privée en 1933 ; la suppre
60 1918, puis la restauration de la propriété privée en 1933 ; la suppression de l’héritage puis son rétablissement ; l’antim
61 en ne sera juste à cette balance » (Pascal). Je m’ en voudrais d’exploiter l’équivoque. Mais il fallait au moins rappeler s
62 homme n’existe pas isolément, qu’il est un être «  en relation », qu’il est lié à une société42. Mais encore, à l’instar du
63 t comme « aliéné » de ce qu’il y a de plus humain en lui. À la découverte de « cette aliénation de soi », qui selon Marx s
64 deux propositions parfaitement claires qui, tout en affirmant avec vigueur la nécessité d’un « changement », et d’un chan
65 endant l’opposition de Marx et de l’apôtre éclate en ceci : que Paul veut transformer l’homme d’abord — et le monde par lu
66 libéraux, grands patrons du capitalisme naissant en Angleterre et en Allemagne, théologiens de l’école hégélienne, ou adv
67 patrons du capitalisme naissant en Angleterre et en Allemagne, théologiens de l’école hégélienne, ou adversaires du chris
68 ère qu’à la fin de sa carrière que son ami Engels en découvrit le danger. « Marx et moi — écrit-il en 1890 — nous sommes p
69 en découvrit le danger. « Marx et moi — écrit-il en 1890 — nous sommes peut-être responsables de ce que parfois nos disci
70 qu’elle le pratique elle-même sans vergogne, tout en le niant pour les besoins de sa cause. Ce matérialisme vulgaire, que
71 heurs est dans les choses, et non dans lui. (Il n’ en fut pas conscient, et pourtant il en est responsable, nous reviendron
72 s lui. (Il n’en fut pas conscient, et pourtant il en est responsable, nous reviendrons plus tard sur ce point.) Le peuple
73 ’argent fait le bonheur. Marx vient lui expliquer en 15 volumes — dont on a fait des résumés — qu’il a raison de croire ce
74 e, régime dont je voudrais bien qu’on me démontre en quoi il diffère du fascisme, dans ce que le fascisme a de plus oppres
75 événement primordial — ses succédanés temporels, en dérive vers le néant. « Ne vous conformez pas à ce siècle présent, ma
76 le chrétien n’ait plus qu’à attendre, et à subir en gémissant les lois d’un monde qu’il condamne ! Car alors, où serait s
77 rs, d’au-delà de ce monde, de leur transformation en Christ, venu au monde. Il n’annonçait pas un futur hypothétique, au n
78 ignation. C’est vraiment trop facile de se mettre en règle avec sa mauvaise conscience, en prétextant que l’intérieur impo
79 e se mettre en règle avec sa mauvaise conscience, en prétextant que l’intérieur importe seul, et que le « pain de vie » su
80 st juste ; elle est insuffisante. Ce qui explique en dernier ressort le succès « religieux » du marxisme, c’est sa volonté
81 n plus valables que ceux du chrétien au marxiste. En gros : si Marx se trompe et réussit, c’est parce que Christ est mal p
82 ist est mal prêché par ses disciples (que ce soit en paroles ou en actes). Si les chrétiens gardaient une conscience plus
83 êché par ses disciples (que ce soit en paroles ou en actes). Si les chrétiens gardaient une conscience plus fidèle, partan
84 réaction. Mais ceci dit, et maintenu, il reste qu’ en doctrine, et indépendamment de toutes nos fautes, l’objection marxist
85 d’un changement tout spirituel, et qui n’affecte en rien le cours des choses, je suis fondé à lui répondre : « Ton reproc
86 s choses changent. Ce que tu me reproches, c’est, en fait, de n’être pas assez chrétien ! Tu m’incites donc à le devenir d
87 s conditions physiques et spirituelles de l’homme en ce qu’elles ont d’irréductibles à toute détermination sociale ou hist
88 ns maintenant, toute équivoque grossière dissipée en principe, au lieu de la véritable décision. Certains, frappés comme j
89 èle seule capable de marquer les limites existant en fait, et les distinctions décisives. La pratique du communisme n’est
90 non de la Terre. Tous deux sont eschatologiques, en ce sens qu’ils rapportent leur accomplissement à un état dernier et i
91 t un homme qui reçoit et qui saisit la Révélation en Personne. Et du coup le Royaume est au-dedans de lui. Cet homme n’est
92 personne est recréée. Dès maintenant, elle entre en conflit avec le monde et ses formes mauvaises. Dès maintenant, elle p
93 nent. Non seulement il se voit contraint de venir en aide à son prochain, mais encore rien ne peut le satisfaire de ce qu’
94 ce mieux-être relatif au don parfait qu’il a reçu en Christ. Il possède en lui-même la mesure d’une perpétuelle transforma
95 au don parfait qu’il a reçu en Christ. Il possède en lui-même la mesure d’une perpétuelle transformation, nécessaire dans
96 ait qu’il croit que l’intérêt de l’homme est seul en jeu — et de l’homme tel qu’il le conçoit, être social — se verra fata
97 naires spasmodiques qui agitent l’humanité (comme en 1789 et en 1917), il faudrait que l’homme soit délivré de son péché,
98 modiques qui agitent l’humanité (comme en 1789 et en 1917), il faudrait que l’homme soit délivré de son péché, « changé »,
99 les en faveur du retour d’un Royaume déjà réalisé en Christ, cela suppose identiquement une volonté de changer tout ce qui
100 m des intérêts de l’Église chrétienne, détruirait en fait cette Église en tant qu’elle vit dans chacun de ses membres, et
101 . N’ayant pas derrière lui de modèle accompli, ni en lui de Présence souveraine, il se sent libre d’appliquer les moyens q
102 rti et de sa classe. Ainsi Staline peut justifier en bonne doctrine « dialectique » ses négations actuelles du but final d
103 nal de Marx. Il légitime son étatisme totalitaire en arguant que c’est le seul moyen d’accéder à un stade économique plus
104 nt du socialisme. Je vois beaucoup de marxistes s’ en indigner mais je doute qu’ils soient bien conséquents, et que leur in
105 n de s’inscrire au parti communiste ou de militer en sa faveur : l’alternative où il se place est sans issue. Car ou bien
106 ans le communisme ; ou bien il tâche de n’agir qu’ en chrétien ; mais alors il devient un opposant, un « trotzkyste » ou un
107 lement : la fin dernière du chrétien est présente en chacun de ses actes, ou bien n’est pas ; tandis que la fin dernière d
108 m’adresserai maintenant aux chrétiens déclarés. J’ en vois beaucoup qui estiment que la transformation de l’homme importe s
109 ’essentiel, et le but de tout autre changement. J’ en vois beaucoup qui jugent que l’action personnelle de charité et de sa
110 ant des suites sociales et politiques qu’implique en fait leur attitude ? Et je pense en particulier aux membres du Mouvem
111 mment se fait-il qu’un grand nombre d’entre eux s’ en désintéressent pratiquement ? Ils me disent : « On ne peut pas tout f
112 ils ne répondront pas au défi du marxisme, qui s’ en trouvera justifié pour autant. Je ne crois pas à une politique chréti
113 sme, aussitôt qu’il se manifeste en vérité, entre en conflit avec certaines structures politiques, et contribue, par son a
114 tre plus historiquement défini et localisé : je n’ en donnerai qu’un seul exemple, que je crois actuel entre tous. Tout le
115 ant, et je précise : un calviniste, doit être ici en mesure de répondre. De toutes les églises chrétiennes, l’église calvi
116 te vivace (Angleterre, Écosse, Suisse, Hollande). En Allemagne, la lutte des églises contre l’emprise morale de l’État fut
117 ne voudrais pas restreindre la portée de ce fait en l’opposant, comme il serait facile, à l’esprit unitaire et impérial q
118 ent. Ne fût-ce que pour cette seule raison — et j’ en ai mentionné plusieurs autres —, un chrétien ne peut pas approuver, c
119 forme politique du communisme63. Il lui faut donc en préparer une autre, et prendre enfin parti, positivement, dans l’imme
120 e économie sauvée : le Royaume où Dieu est « tout en tous ». Si les églises chrétiennes ont à souffrir demain par le fait
121 tat tyrannique, il faut qu’elles sachent qu’elles en sont responsables, dans la mesure où elles cédèrent, jadis, aux tenta
122 n État « matérialistes », il faut savoir que nous en sommes les responsables, dans la mesure où nous cultivons un esprit d
123 eline, coupée des liens vivants qui l’attachaient en Dieu à ses fins et à ses origines. Mais nous devons proclamer la véri
124 , Critique de le philosophie hégélienne). Il faut en user, certes, mais elle ne suffit pas. « Être radical consiste à atta
125 théorique qu’il s’agirait maintenant d’appliquer. En bref, la doctrine chrétienne, si l’on veut établir un parallèle — san
126 convénients. Certes il y a des lois de l’histoire en ce sens qu’on retrouve les mêmes mécanismes partout où l’esprit démis
127 ’origine chrétienne. S’il n’y a pas de socialisme en Asie, cela tient à l’absence du christianisme. » Je note ici, à l’app
128 is pas « les conditions physiques et spirituelles en ce qu’elles ont de permanent », car alors, le marxiste me ferait obse
129 érée par exemple un Werner Sombart, un de Man, et en France, le groupe de l’Ordre nouveau. (Cf. en particulier la Révoluti
130 ux yeux desquels tout bolcheviste est un criminel en puissance. Les communistes représentent chez nous, en général, l’élit
131 dit F. de Schickler, une constitution très serrée en toutes ses parties, constitution démocratique, fédérative et parlemen
132 muniste d’opposition, au retour de sa déportation en Sibérie. u. Rougemont Denis de, « Changer la vie ou changer l’homme
5 1937, Articles divers (1936-1938). Vocation et destin d’Israël (1937)
133 ement cette expression, à vrai dire très courante en allemand et qui sans doute a perdu sa vertu pour une oreille habituée
134 rien du reste de sa vie, et n’avons nul besoin d’ en rien connaître pour reconnaître la portée de son message puisque c’es
135 Juifs, porteurs eux aussi d’une mission que rien en eux ne semblait préparer. On peut le dire sans paradoxe : Israël n’eû
136 re, telle qu’elle fut déterminée par des facteurs en partie mesurables (géographiques, économiques, etc.), ou formulables
137 est transcendant et mystérieux comme Dieu, unique en son essence, comme Dieu, et comme Dieu objet de la foi seule. De la f
138 ibus hébraïques se distingue de toutes les autres en ce qu’elle est une vocation adressée par un Dieu personnel, unique, é
139 loi de Dieu — qui définit la vérité —, elle porte en elle la règle permanente de toute action et de toute pensée. Vraie me
140 que la lettre tue l’homme, au lieu de le secourir en incarnant l’esprit. Et c’est à cette ultime tentation que devaient su
141 de la Loi celui-là même qui l’avait donnée, tuant en Jésus-Christ au nom de la lettre, celui dont cette lettre préparait l
142 passe dans le monde. Nos femmes et nos serviteurs en sont persuadés comme nous : on peut apprendre de leur bouche les règl
143 quement lié et suspendu à l’invisible. Le moderne en ressent comme une offense à cette liberté créatrice dans laquelle il
144 ement désunis, puis coupés de toute base commune, en viennent à ne plus même pouvoir communiquer, ni s’animer les uns les
145 esse, mais la fidélité. Ce ne sont pas les moyens en eux-mêmes mais les moyens mesurés par la fin. C’est pourquoi sa pauvr
146 hébreu. C’est une ascèse : il s’agit de détruire en germe tout ce qui comblerait trop tôt, ou trop humainement, la grande
147 endre au Dieu vivant est une obéissance directe «  en esprit et en vérité ». Or abstraire, c’est d’abord s’abstraire de l’i
148 ne veut pas utiliser les choses, mais distinguer en elles les intentions divines, pour les offrir en holocauste spirituel
149 en elles les intentions divines, pour les offrir en holocauste spirituel au Créateur70. Enfin, remarque encore Renan : « 
150 : « L’esprit prophétique, et les institutions qui en naissent, au moins virtuellement, interdisaient le développement comm
151 , lorsque l’expérience fait connaître le besoin d’ en corriger les défauts. Ainsi, comme nous ne doutons point que ce ne so
152 ssie est venu — et parce qu’elle a perdu son sens en condamnant celui qu’elle annonçait. Christ apporte une nouvelle mesur
153 s quelques lignes de Dawson me paraissent définir en raccourci le double héritage que l’Église et l’Europe ont repris des
154 es Romains. Il m’appartient seulement de préciser en quelques traits le sens que prend l’héritage d’Israël pour la foi chr
155 isme ait été dès le début une église minoritaire, en butte à la persécution, ne suffit pas à expliquer les ressemblances s
156 sumer l’office : usant de ces richesses « comme n’ en usant pas », au nom et par la charge du Seigneur qui est venu, et qui
157 ailleurs personne — non pas même Marx, quoi qu’on en pense souvent — n’a su définir clairement. Mais je retiens que l’une
158 où serait partie l’impulsion, attitudes analogues en ceci tout au moins qu’elles mettent l’accent sur le fait de l’électio
159 ntact des coutumes occidentales, se mue peu à peu en son contraire exact : c’est le matérialisme jouisseur et cynique que
160 s’est transformé dans le Nouveau Monde d’une part en volonté de puissance abstraite (les fondateurs des trusts au siècle d
161 teurs des trusts au siècle dernier), d’autre part en utilitarisme platement moralisant ; l’une et l’autre de ces déviation
162 ligieuses de l’éthique puritaine, et transformant en tyrannie absurde ce qui était à l’origine une attitude d’obéissance à
163 ission et s’est livré à son destin. Sa dispersion en est le châtiment. Serait-il donc possible de perdre sa vocation ? Et
164 dres, soit qu’il la prenne pour idole, refusant d’ en reconnaître la vraie fin lorsqu’elle lui apparaît incarnée ? Est-il r
165 , afin d’exciter leur propre émulation » (v. 11). En tuant leur Messie, les Juifs ont forcé les Apôtres à prêcher le messa
166 est-à-dire ne peut être perdue, même si celui qui en est l’objet s’y oppose de toutes ses forces ! Car sa révolte même se
167 ’étends ce nom d’Israël à tout le peuple de Dieu, en ce sens, après que les gentils seront entrés dedans (l’Église), lors
168 nt le premier lieu, comme étant les enfants aînés en la maison de Dieu. » (Commentaires, sur Rom. II, 26.) Le sort du mond
169 encore pour l’antisémitisme des hitlériens, qui n’ en serait en tout cas que le plus impur exemple. Il reste que la chrétie
170 r l’antisémitisme des hitlériens, qui n’en serait en tout cas que le plus impur exemple. Il reste que la chrétienté non se
171 ignes » de la vocation pour des réalités valables en elles-mêmes. Mais sans doute ce glissement fatal s’est-il dessiné dès
172 es) était tenu par les sacrificateurs. « Et ils n’ en épousaient point qui aient été captives, de peur qu’elles n’aient eu
173 es si authentiques, prouver leur descente de père en fils depuis deux-mille ans ? Que si quelqu’un manque d’observer cet o
174 ci souffre, entre autres, d’une très grave lacune en ce qu’il paraît conclure sur l’abandon final d’Israël à son destin, a
175 . 71. Des études plus récentes semblent infirmer en partie ce dernier jugement de Renan. Mais il reste valable pour la pé
176 ocation, mais de celle par laquelle Dieu a adopté en son alliance la postérité d’Abraham : vu que le propos était nommémen
6 1937, Articles divers (1936-1938). Luther, Traité du serf arbitre (1937)
177 o Luther inconnu Dire qu’on ignore Luther en France serait exagérer, mais dans le sens contraire de celui qu’on im
178 yenne sur Luther, je crois que la phrase suivante en donne une juste idée : « En somme, qu’est-ce que Luther ? Un moine qu
179 dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’il parut ( en 1936) à louer la mesure et la sérieuse information théologique… Ceci
180 acultés françaises de théologie protestante. Il n’ en reste pas moins que l’ignorance ou la méconnaissance courantes à l’ég
181 le, Maritain, Grisar), mettent le public français en état d’infériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la cultu
182 asme et sa Diatribe (souvent personnifiée), n’est en fait que le support apparent d’une réflexion de plus vaste envergure,
183 du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et reposer avec puissance tou
184 vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et reposer avec puissance toutes les affirmations
185 iation plus ou moins rationnelle entre les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité
186 ’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un système, au sens philosophi
187 dépouiller. Folie pour les sages Mais il s’ en faut de presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réform
188 es !) par nos contemporains, même chrétiens. Il s’ en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous
189 is, parfois même prêchés. Le laïcisme moraliste n’ en a pas du tout le monopole : tout catholique se doit, en bonne logique
190 as du tout le monopole : tout catholique se doit, en bonne logique, de les faire siens, puisqu’il croit au mérite des œuvr
191 aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siècles
192 raité ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’une
193 que involontaire, je le suppose — dont il pouvait en l’occurrence, l’accabler. On ne saurait souligner trop fortement ce t
194 souligner trop fortement ce trait : c’est encore en théologien, en docteur de l’Église fidèle, en prédicateur responsable
195 fortement ce trait : c’est encore en théologien, en docteur de l’Église fidèle, en prédicateur responsable, non pas en ph
196 ore en théologien, en docteur de l’Église fidèle, en prédicateur responsable, non pas en philosophe ou en métaphysicien, q
197 glise fidèle, en prédicateur responsable, non pas en philosophe ou en métaphysicien, que Luther nie le libre arbitre. Ceci
198 prédicateur responsable, non pas en philosophe ou en métaphysicien, que Luther nie le libre arbitre. Ceci pourrait suffire
199 re arbitre. Ceci pourrait suffire et doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’un moderne, l’objection parfaitement a
200 rs notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’ en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le vainqueur a été
201 u dans l’éternité qui est avant le temps, qui est en lui, et qui est encore après lui. Au regard de Dieu, donc, « tout est
202 t ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’elle s’ en formait… Mais tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispe
203 ppe à l’éternelle prévision ? Qui t’assurerait qu’ en prononçant ces mots, tu ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt éter
204 s yeux sur une réalité, ce n’est pas la supprimer en fait. Mais c’est peut-être se priver de son secours, ou encore la tra
205 e priver de son secours, ou encore la transformer en une menace obscure… Il y a une double prédestination : l’une au salut
206 onté — qui a tout prévu — peut aussi tout changer en un instant aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce qu’a
207 nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en nous lorsque l’Esprit dit : la Parole dans notre cœur. Quelle étrange
208 le Credo et son fondement, qui est la Parole dite en nous par l’Esprit et attestée par l’Écriture, — or, cette Parole est
209 ions. Et la démonstration purement biblique qu’on en trouvera dans ce traité, malgré quelques détails exégétiques discutab
210 te et tremblement, puisque c’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire » (Phil. 2, 12-13). C’est parce que Dieu
211 C’est parce que Dieu a tout prévu que nous avons en lui, et en lui seul, la liberté. Mais cela n’apparaît qu’à celui qui
212 e que Dieu a tout prévu que nous avons en lui, et en lui seul, la liberté. Mais cela n’apparaît qu’à celui qui ose aller j
213 est un problème de vie ou de mort. Or il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair lorsque l’on a compris qu
214 est psychologie, littérature et scolastique. Il n’ en reste pas moins qu’aux yeux de la raison — cette folle, comme le répè
215 de son destin. (Pour le chrétien, c’est accepter en acte l’éternelle prévision du Dieu qui sauve.) La similitude étonnant
216 roblème qu’il s’agit. Le seul problème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens,
217 nous ! 30. À la proposition qu’on lui faisait, en 1587, d’éditer ses œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je n
218 es donnent en général : « Nous serons transformés en un instant, en un clin d’œil… » 34. Modiculum et minimum, écrit Éra
219 énéral : « Nous serons transformés en un instant, en un clin d’œil… » 34. Modiculum et minimum, écrit Érasme ! 35. Voir
7 1937, Articles divers (1936-1938). L’Acte comme point de départ (1936-1937)
220 nateur d’erreur, que nous ne pourrions définir qu’ en sortant du plan sur lequel ils voulaient nous faire prendre parti. C’
221 uelques pages qui suivent n’ont d’autre but que d’ en indiquer le principe de permanente actualité. C’est précisément ce se
222 elles qu’elles se présentent à nous. Avant même d’ en pénétrer le détail et d’en critiquer la structure propre, nous nous s
223 t à nous. Avant même d’en pénétrer le détail et d’ en critiquer la structure propre, nous nous sentons repoussés par quelqu
224 ut-être, notre tout. Nos analyses ne nous donnent en elles-mêmes et d’une façon précise rien de suffisant pour justifier c
225 fus global. Mais nous sentons qu’elles entraînent en nous un état de division intérieure. Elles opèrent dans un monde dépo
226 rons est une pensée débrayée. Un moteur débrayé n’ en ronfle que mieux, d’ailleurs, et fait plus de bruit qu’en « prise ».
227 e que mieux, d’ailleurs, et fait plus de bruit qu’ en « prise ». Il arrive même qu’il tourne si vite que toute tentative d’
228 mmédiatement fatale à la machine, et ferait voler en éclats les engrenages. La merveilleuse subtilité d’une certaine pensé
229 ent de division et de diminution qu’elle favorise en nous : ce mot serait celui d’inactualité, entendu, non pas au sens te
230 sur un postulat d’inactualité, il suffit, pour s’ en convaincre, de se demander un instant ce qui arriverait dans le cas c
231 le monde plus d’actualité que nos philosophies n’ en peuvent concevoir. Et s’il y a du désordre, c’est que ces philosophie
232 aire, cet acte, comment pourrions-nous maintenant en rendre compte ? Nous ne disons pas : comment pourrions-nous le défini
233 l’acte, c’est-à-dire un retour contre l’acte, qui en neutraliserait aussitôt le dynamisme. La réflexion sur l’acte ne pouv
234 mmence pas dans une ignorance qu’il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exige sa réalisation. » Nous dirions
235 r, et transcendant à sa création. Il est créateur en ceci qu’il introduit dans les choses un rapport nouveau instituant un
236 ultanée de l’un et du divers, affirmation absurde en langage rationnel, tout système philosophique sera amené, par son jeu
237 l’éliminer ou à la disqualifier. À moins qu’il n’ en parte, comme de la réalité centrale, impensable et qui permet de pens
238 a véritable valeur d’une philosophie de l’acte qu’ en montrant comment ses caractères principaux, tels que nous venons de l
239 tés — dans ses effets immédiats. Car nous croyons en avoir assez dit pour pouvoir affirmer qu’il n’y a pas de transition e
240 ligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas d’évolution
241 flit et une rupture, mais aussi une nouvelle mise en ordre. C’est ici que nous retrouvons, sous un aspect dynamique, la di
242 et se veut engagé dans le conflit créateur. Mais en s’affirmant, c’est-à-dire en changeant de plan, en allant de l’angois
243 nflit créateur. Mais en s’affirmant, c’est-à-dire en changeant de plan, en allant de l’angoisse à la création, de l’impass
244 n s’affirmant, c’est-à-dire en changeant de plan, en allant de l’angoisse à la création, de l’impasse du désordre à l’ordr
245 de force ou de pensée susceptible de se traduire en formules et en mécanismes tout faits. D’un côté, un champ plus libre
246 pensée susceptible de se traduire en formules et en mécanismes tout faits. D’un côté, un champ plus libre conquis pour l’
247 ssi, puisque la tentation de l’inertie augmentera en raison même de la plus grande docilité de l’inerte. Il est plus diffi
248 que, la pensée étant la plus immédiate des mises en ordre, la raison est tentée de confondre cet ordre même, qui n’est qu
249 ême, qui n’est qu’un effet, avec le dynamisme qui en est cause. Ce dynamisme propre de la pensée créatrice, c’est cela que
250 appelons sa faculté dichotomique. La science nous en donnera un bon exemple. En tant qu’activité, elle peut se définir par
251 cette zone où l’homme marche sur de l’art humain en toute sécurité et en plein automatisme (exemple : les grandes villes)
252 ’existe personnellement qu’autant qu’il s’affirme en acte. Quand on parle de solidarité humaine, de valeur humaine, c’est
253 le-même. L’homme concret, l’homme vivant, l’homme en acte est l’affirmation d’une tension permanente entre ces deux pôles
254 entendu essentiel, nous tenons à souligner encore en terminant le caractère d’instantanéité de l’acte créateur. Nous affir
255 accepté l’irréversibilité qu’il recèle, que pour en tourner l’irrationalité foncière à l’aide d’une loi statistique, de m
8 1937, Articles divers (1936-1938). Formons des Clubs de presse (30 janvier 1937)
256 hui l’argent, libérera l’information. Ce n’est qu’ en attaquant l’ensemble des trusts qu’on atteindra celui des journaux.
257 ire, est de fournir dès à présent à tous ceux qui en éprouvent le pressant besoin, les premiers éléments d’une information
258 miers éléments d’une information honnête, et cela en échappant résolument aux conditions et aux méthodes aujourd’hui fauss
259 u pour le public, synonyme de mensonge. Il s’agit en attendant que la question puisse être attaquée et résolue de front —
260 ée et résolue de front — de tourner la difficulté en remontant à la source, en renouvelant le mode primitif de l’informati
261 e tourner la difficulté en remontant à la source, en renouvelant le mode primitif de l’information, l’information directe,
262 mptes de déformations ou de tendances. Il s’agit, en contrôlant, en systématisant cette presse parlée qui se crée spontané
263 ations ou de tendances. Il s’agit, en contrôlant, en systématisant cette presse parlée qui se crée spontanément, d’établir
264 de vue. Le programme Le bulletin se divise en trois parties 1° une partie politique positive : documentation object
265 ns de la grande presse ou de la presse d’opinion, en donnant chaque fois les raisons politiques ou financières de telle ca
266  ; 3° une partie documentaire sur la presse. Tout en cherchant à remédier à l’action néfaste de la presse imprimée en se p
267 remédier à l’action néfaste de la presse imprimée en se plaçant hors de son domaine, les « Clubs » n’oublient pas que la r
268 r la structure et le mécanisme de la presse. Soit en signalant toutes les modifications dans la commandite, la direction,
269 urs de La Flèche le manifeste des clubs de presse en formation. À l’heure où la grande presse française se constitue chaqu
270 esse française se constitue chaque jour davantage en trusts, il ne suffit plus de dénoncer ses mensonges et ses trahisons.
271 les lettres à La Flèche, 7, rue de la Michodière, en mettant dans le coin la mention : clubs de presse.) »
9 1937, Articles divers (1936-1938). À qui la liberté ? (5 mars 1937)
272 de ces pratiques ne se fera pas attendre, et l’on en voit déjà les premiers signes : parlez de la liberté, posez-vous en d
273 remiers signes : parlez de la liberté, posez-vous en défenseur de cet idéal permanent de la Révolution humaine, vous passe
274 les qualifiait de fascistes. Alors qu’elles sont, en fait, l’un et l’autre. La politique actuelle s’occupe bien moins des
275 utorité à droite. Mais la surenchère politicienne en est venue à ce point que, par une double démagogie, on dit aujourd’hu
276 assez forte pour interdire cette prostitution. Il en résulte que la culture qui joue tant sur le sens des mots et sur leur
277 r la politique. Et que la politique, qui a tourné en mystique, parle pour ne rien dire ou pour dire autre chose que ce qu’
10 1937, Articles divers (1936-1938). Romanciers publicitaires ou la contagion romanesque (13 mars 1937)
278 13 mars 1937)i Je n’apprendrai rien à personne en affirmant que le roman est le plus « contagieux » de nos genres litté
279 lecteurs assez ardents pour le subir autrement qu’ en imagination. Et rien n’est plus légitime, voire désirable, que cette
280 rd, gratuitement, d’une manière anarchique — tout en prétendant ne pas vouloir influencer, ils ressemblent beaucoup à ces
281 lecteur, ou plus précisément de la lectrice, car en France, paraît-il, ce sont les femmes qui lisent et qui se passionnen
282 nséquences, ce romancier s’est condamné lui-même, en fait, à ne plus être que l’agent de publicité — plus ou moins bénévol
283 toutes les bases de la culture actuelle qui sont en crise. Faites-nous des œuvres qui affirment, qui combattent, qui mili
11 1937, Articles divers (1936-1938). Vers une littérature personnaliste (20 mars 1937)
284 n perpétuelle — jusqu’à la crise de 1930. Il nous en reste une génération de gloires rapides et sans ampleur, des « noms »
285 que Thibaudet, son premier historien, ne tente d’ en sauver que les plus gros morceaux — au poids — les « romans-cycles ».
286 tion et du bâclé. Au lieu de chercher la densité, en profondeur, ils trouvent plus commode de donner en surface une impres
287 n profondeur, ils trouvent plus commode de donner en surface une impression de masse construite. Au lieu d’approfondir un
12 1937, Articles divers (1936-1938). C’est jeune (10 avril 1937)
288 … Mais M. Vandérem est réaliste : il trouve que j’ en prends à mon aise et que je néglige un peu cavalièrement les continge
289 al est aussi grave que je l’indiquais. Et si l’on en doutait encore, c’est M. Fernandez qui me fournirait le plus savoureu
290 lic ». Car, précisait-il, « on sait que la force, en ces matières, cela veut dire surtout la chance et la tactique, il me
291 Sentez-vous, à la lire, quelque chose qui s’agite en vous, entre le rire, l’inquiétude, et le dégoût ? Partagez-vous ma na
292  ? Partagez-vous ma naïveté ? Et M. Fernandez, qu’ en pensait-il, écrivant cela ? Dans quelle illusion ai-je vécu ? Ce n’es
293 en. Je supplie donc qu’on m’explique la tactique. En quoi cela peut-il consister ? Aucune idée. L’angoisse m’étreint. Je s
294 dans ce journal, une révolution. Quand les clercs en sont arrivés — et l’élite — à subordonner leur mission à la « tactiqu
13 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)
295 Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)m J’étais chômeur depuis trois
296 une maison vide, une occasion de solitude désirée en secret dès longtemps. Je voudrais bien n’avoir pas l’air trop romanti
297 e à la main. Tant d’autres disent : « Allons-nous- en  », et restent faute d’imagination. Et pourtant il suffit de bien peu
298 s de maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez une, et vous en trouverez pour rien, ou pas grand-chose. Enc
299 autour de vous que vous en cherchez une, et vous en trouverez pour rien, ou pas grand-chose. Encore faut-il savoir commen
300 s longues, aux olivettes étagées, quelques cyprès en silhouette sur les crêtes, et des toits de ce rose émouvant des tuile
301 ille reste invisible, massée au pied des rochers, en retrait sur notre gauche. À peine s’il nous en vient quelques rumeurs
302 s, en retrait sur notre gauche. À peine s’il nous en vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris de
303 e vieilles tuiles romaines, A… qui de loin paraît en ruine, prouve sa vie par ses odeurs et la saleté de ses ruelles. Un r
304 es étroits. Sur les seuils, des groupes de femmes en noir jacassent pendant des heures. Des enfants en sarraus noirs jouen
305 en noir jacassent pendant des heures. Des enfants en sarraus noirs jouent au football dans le ruisseau avec un torchon de
306 fecté, mais je n’y vois jamais que des vieillards en pantoufles. Devant le parc, un mail couvert d’une épaisse couche de p
307 … Cela tend à confirmer un soupçon qui m’est venu en maintes autres régions de la France : les provinciaux ignorent obstin
308 aux hasards de l’éducation primaire, bienfaisante en principe il est vrai, mais tristement abstraite, étroite, appauvrissa
309 ais tristement abstraite, étroite, appauvrissante en fait. Je vois tous les espoirs et toutes les « assurances » de cette
310 la misère héréditaire. Mais je vois d’autre part, en parcourant la feuille locale, qu’il naît encore pas mal d’enfants dan
311 st bien ici le peuple « raisonnable » qu’on donne en exemple aux barbares de l’Europe centrale. Le peuple qui sait calcule
312 défier le bon sens et la raison pratique. C’est s’ en remettre à quelque espoir vague et profond. Or tout ce que l’État nou
313 pratique de la raison ? Simplement je constate qu’ en fait, et dans ce pays tel qu’il est, la morale rationnelle et les mes
314 eux surgit de la maison, suivi d’une grande femme en noir. C’est la propriétaire, Madame Turc. Elle nous fait entrer. Pour
315 n peu de peine avec les ouvriers. Il paraît qu’on en trouve de moins en moins. — « Mais, lui dis-je, et les chômeurs ? On
316 les ouvriers. Il paraît qu’on en trouve de moins en moins. — « Mais, lui dis-je, et les chômeurs ? On m’a dit qu’il y en
317 lui dis-je, et les chômeurs ? On m’a dit qu’il y en a 400 à A ? » La mère, vivement : « Jamais je n’ai engagé de chômeurs
318 n nom. — Est-ce que vous écrivez des articles ? J’ en ai lu signés de ce nom-là. Et elle me cite une revue protestante et u
319 le prend. Comme nous ne voyons jamais personne… ( En France, cela étonne.) 16 octobre 1934 Complexité des « Classes ». À
320 nt pas des bourgeoises, certes, et pourtant elles en sont encore à estimer que chômeur est synonyme de vagabond dangereux.
321 s » et pourtant elles sont propriétaires. Je vois en elles un type très classique de Françaises : leur politesse mesurée,
322 de ne pas se plaindre de son sort… Pourtant, il y en a peu de cette espèce, semble-t-il. On n’en parle jamais. Mais elles
323 il y en a peu de cette espèce, semble-t-il. On n’ en parle jamais. Mais elles ne paraissent pas du tout se considérer comm
324 t le vent le plus glacial, depuis des siècles, et en tout cas depuis longtemps avant la construction de cette maison… On n
325 ui casse tout ce que l’on veut, a coutume de dire en constatant le mal : « Voyez-vous ! je croyais la tenir cette assiette
326 dû à la plume d’un de ses pasteurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine, fait son apparition dans le Midi.
327 e, fait son apparition dans le Midi. État du pays en 1820 : douze filatures, deux fabriques de chapeaux, 5000 habitants, u
328 ufacturés. Lors de la dédicace du nouveau temple, en 1822, quinze mille protestants accourent de toute la contrée pour sui
329 cérémonies dont leurs descendants parlent encore. En 1900 : vingt filatures, 7000 habitants. Quinze cents personnes au tem
330 nnaise. Apparition du grand capital. État du pays en 1935 : Dix-sept filatures fermées. La dernière fournit encore du trav
331 rie, ces derniers jours. Le tiers des maisons est en ruines, — tout le centre. On croirait une ville bombardée, 2300 habit
332 ller à Alès, quelle jour ça vous préférerait ? » ( En prononçant tous les e muets). Simart, à propos de la récente baisse d
333 au sein des conventions communes. Un chacun peut en être, et juger comme il veut. Le droit de se tromper, et de tromper g
334 oir, me dit-il. Comme vous l’aurez remarqué, il n’ en vient qu’une dizaine au culte. C’est trop compromettant. Mais pour un
335 Mais pour une causerie sur un sujet neutre, nous en avons toujours dans les 40 à 50. Et une fois qu’ils sont là, on peut
336 de café au fond de la salle, dans un coin arrangé en cabinet de lecture. Journaux et illustrés, quelques livres sur la tab
337 gros rires. L’homme du peuple — et je pense qu’il en va de même du bourgeois peu cultivé, et sans doute de tout ce qui n’e
338 « discute » pas à proprement parler. Son langage en tout cas s’y prête mal, soit à cause de sa lenteur, soit à cause de s
339 ui qui parle et son public ! (Le « conférencier » en tournée se présente comme un séducteur, c’est la loi du genre, et cel
340 nt être à gauche, le plus à gauche possible. S’il en est bien ainsi, me dis-je, on peut redouter que ces hommes ne sachent
341 de les classer et je n’aime pas beaucoup ça… Il y en a de toutes sortes, bien sûr, et plus on les voit de près… — Je compr
342 les communistes y viennent ? — Bien sûr, le maire en tête. Et ils discutent, et même très bien. Je me rappelle par exemple
343 eux que les autres, mais c’est qu’ils se confient en Dieu, et qu’ils attendent tous les ordres de lui. À la fin, un des co
344 ébat : « En somme, dit-il, si nous ne croyons pas en Dieu, nous autres, ce serait que nous sommes trop orgueilleux ? » En
345 ls essaient ; peut-être plus qu’on ne croirait. J’ en connais plusieurs qui lisent des brochures de vulgarisation de la doc
346 avec eux ? — Ils savent que je suis de leur côté, en gros, dans les questions locales où il faut prendre position. Quant à
347 ommes mériteraient mieux que ce qu’on leur donne, en fait de doctrine. En réalité, ils ne sont pas plus marxistes que moi.
348 l’incroyance de leurs contemporains. Au fond, ils en ont peur. Or ils devraient n’avoir peur que de Dieu, et des vocations
349 mais qu’il croit au jugement des incroyants, tout en s’imaginant qu’il n’est pas un des leurs… Je voudrais définir le croy
350 prouve. Comment le prouve-t-il ? Tout simplement en témoignant, en annonçant aux hommes la vérité et le chemin. Point n’e
351 t le prouve-t-il ? Tout simplement en témoignant, en annonçant aux hommes la vérité et le chemin. Point n’est besoin d’act
352 jardinier s’est fait une forte entaille au doigt en travaillant. Ce gros homme, violacé d’ordinaire, en est tout pâle. Je
353 travaillant. Ce gros homme, violacé d’ordinaire, en est tout pâle. Je vais discuter le coup avec lui pour le ravigoter. C
354 n des assurances qu’il aborde avec autorité, tout en tenant son doigt blessé droit en l’air, dans une attitude doctorale.
355 c autorité, tout en tenant son doigt blessé droit en l’air, dans une attitude doctorale. La question des assurances est un
356 gagnent presque rien. (Lui, par exemple, si je l’ en crois, n’a guère vendu depuis un mois que pour 50 francs de légumes.
357 ner). Carré sur son tabouret de cuisine, le doigt en l’air, il passe en revue les compagnies d’assurances — et analogues —
358 tabouret de cuisine, le doigt en l’air, il passe en revue les compagnies d’assurances — et analogues — avec lesquelles il
359 ssurances — et analogues — avec lesquelles il est en compte. Je dis compagnies d’assurances, mais lui les nomme plus coura
360 ochons-là sont donc au nombre de sept ou huit. Il en totalise sept pour son compte, et sa dame fait le petit appoint. Elle
361 iminuent. Simard m’explique encore que les gens s’ en vont d’ici pour travailler à la ville. C’est comme partout. Bon. Alor
362 on comme nous autres. » Arriérés, illettrés. Je n’ en suis plus au temps où j’approuvais certains « Éloges de l’ignorance »
363 es « assurés ». Ce peuple à la retraite qui meurt en rouspétant contre les bureaucrates ne sait plus bien ce qu’il craint
364 ui ne rapporte plus, ou de la mort qui rapporte «  en doublage »… 20 janvier 1935 Superstition. — C’est de Casanova que Li
365 nant d’une autre loterie ! Toute la grande presse en a parlé. Personne ne rit. Léon Bloy rugit dans sa tombe. 3 février 19
366 n problème avant tout national ; qu’il s’est posé en Italie dans des termes particuliers à ce pays, et qu’en tout cas il n
367 lie dans des termes particuliers à ce pays, et qu’ en tout cas il ne peut pas se poser de la même façon en France. Je concl
368 tout cas il ne peut pas se poser de la même façon en France. Je conclus que la seule manière de prévenir utilement un fasc
369 dis : c’est bien ma faute. J’ai de nouveau parlé en intellectuel. En homme qui veut savoir pour quelles raisons il prend
370 ma faute. J’ai de nouveau parlé en intellectuel. En homme qui veut savoir pour quelles raisons il prend ou ne prend point
371 ose sur le fascisme ou sur les soviets, de mettre en épigraphe à mon article : Je suis contre. Sinon, pour peu que l’artic
372 blier sous le titre de Journal d’un intellectuel en chômage , ces pages que je suis en train de rédiger à temps perdu. Il
373 de ce tabou. Je trouve moins indiscret de parler en public de ma pauvreté — qui ne me gêne pas moralement — moins indiscr
374 ue de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en donnant toutes les précisions qu’un collégien puisse désirer.) R. me
375 carrière dans le monde, à supposer que l’envie m’ en prenne. Tout ce que je compte dire dans mon journal, c’est qu’on peut
376 contre les autres. Et qui, ou quoi, pourrait nous en guérir ? — Commençons par nous avouer, passons outre à nos vieilles p
377 Ensuite il faudra essayer de réviser nos préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous refaire une hiérarchie éth
378 tous les problèmes économiques urgents. La preuve en est fournie par ces phrases cueillies dans un journal révolutionnaire
379 ux légitimes revendications des vieux !” Quand on en est à cela, dans les partis d’extrême gauche, c’est que l’état social
380 s paradisiaque. » J’ajouterais peut-être ceci : «  En tout cas, tout péril fasciste est écarté d’emblée pour une nation qui
381 réclame la vieillesse. Notre opinion publique, à en croire les journaux, est actuellement dominée par le souci des électi
382 tant mieux, fait l’homme. Et si des fois on vous en demande de trop, vous n’avez qu’à donner la mienne, vous savez. Plus
383 ous l’avez, le pouvoir ! » L’autre se dégage et s’ en va, un peu triste, ou peut-être gêné. Entre ces deux hommes, je n’hés
384 s. J’accepte à la rigueur cette division du monde en gros et en petits, si c’est le seul moyen pratique de faire valoir le
385 e à la rigueur cette division du monde en gros et en petits, si c’est le seul moyen pratique de faire valoir les droits él
386 els qui « adhèrent » aux disciplines staliniennes en haine d’une société qu’ils sont les seuls à croire encore « chrétienn
387 ncune vaguement démoniaque, et surtout vaine, ils en viennent à s’imaginer qu’ils défendent eux aussi les « petits » en dé
388 maginer qu’ils défendent eux aussi les « petits » en défendant ces exploiteurs de la bassesse et du mensonge en service co
389 ant ces exploiteurs de la bassesse et du mensonge en service commandé. L’homme à la veste bleue, je le comprends et je l’a
390 e réforme pratique : faire de la place aux jeunes en abaissant la limite d’âge dans les chemins de fer et l’administration
391 des lois régionales pour la viticulture ; mettre en commun les terres d’un petit village ; vendre le vin du pays dans les
392 initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’ en être, on approuve la jeunesse qui délaisse la terre pour la ville. («
393 pulaire, on ne dira pas un mot de tout cela, on s’ en tiendra aux clichés du journal. On n’aura pas le temps ni le courage,
394 t à la lutte contre le capitalisme, tout le monde en est, ou feint d’en être ; c’est bien moins concret qu’il ne semble.)
395 le capitalisme, tout le monde en est, ou feint d’ en être ; c’est bien moins concret qu’il ne semble.) Conclusion : il app
396 s par des colonies de jeunes gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre des villes, où ils s’incrustent — la provinc
397 ite. Nous reviendrons… — Demain, il faut remettre en place les aquarelles, les guéridons et les dessus de cheminée. Après-
398 Rougemont Denis de, «  Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) », Mesures, Châtenay-Malabry / Paris, 15 avril 19
14 1937, Articles divers (1936-1938). Lénine, Staline et la littérature (17 avril 1937)
399 e la littérature sociale-démocrate — écrit Lénine en 1905 déjà ! — doit devenir une littérature de Parti. » Et Staline fai
400 développement d’une culture nationale-socialiste en Russie. Mais cela permet toutefois de comparer sa manière à celle de
401 arer sa manière à celle de Lénine. Lénine affiche en littérature des goûts tantôt traditionnels et presque scolaires (Lerm
402 st d’ailleurs franchement avouée par sa veuve : «  En Russie, Ilitch ne goûta pas l’art nouveau, qui lui demeurait étranger
403 oésie, mais pour ce qui est de la politique, je m’ en porte garant, c’est parfaitement vrai. Voilà qui donne toute la mesu
404 n, et cela rend l’homme plutôt sympathique. Mais, en 1935, le ton des « dirigeants » a bien changé. Voici ce qu’écrit, à c
405 ntention des éditeurs communistes de ce choix. Il en ressort à l’évidence que les « idées » de Lénine sur la littérature é
406 es, un peu courtes, et que Staline s’est chargé d’ en extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou de bru
15 1937, Articles divers (1936-1938). Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue (mai-juin 1937)
407 mais dirait-on, sans le savoir. Chamisso, lui, s’ en étonnera. Tel est le calcul de l’homme sans ombre. Surprendre ce Fran
408 ou crée, chez celui qui l’éprouve, le désir de s’ en délivrer en l’exprimant. Et c’est ainsi que Chamisso introduisit dans
409 ez celui qui l’éprouve, le désir de s’en délivrer en l’exprimant. Et c’est ainsi que Chamisso introduisit dans la conscien
410 u’un « poète » — au sens banal du terme — préfère en ignorer la cause ? L’on s’étonne enfin de ce lien entre le domaine ge
411 s ombre. Je voyais une actrice parcourir la scène en hurlant : elle tirait après soi un grand morceau d’étoffe qui figurai
412 e, et la mésestiment gravement. Mais encore ? Ils en ont tous une, et s’entendent à tirer parti du plaisir que dispense un
413 ’une évidence assez pauvre : l’ombre est le fait, en nous, de notre chair. Mais perdre sa chair, c’est mourir, et cet info
414 s aveux. Il y avait la psychanalyse. Mais avant d’ en venir à cette extrémité, on pouvait essayer d’un pédantisme moins bar
415 isme moins barbare. Je rédigeai la note qui suit, en m’appliquant à écarter les conseils de pitié que me dictait mon cœur.
416 de persécution. Tout effraye Peter, et le moleste en mille manières. Les jeux des enfants dans la rue, les valets qui le s
417 ner des réflexions désespérées. Souvent il éclate en sanglots à l’idée du plus simple bonheur, — de ce bonheur dont tous l
418 ablir tous les contacts. Ou plutôt il les établit en apparences, mais dirait-on, sans réciprocité. La moindre épreuve trah
419 n’y avait, au centre de lui-même, cette absence. En tout pareil aux autres, sauf en ce je ne sais quoi qui n’est rien et
420 e, cette absence. En tout pareil aux autres, sauf en ce je ne sais quoi qui n’est rien et devient l’essentiel, notre phili
421 plantes de la terre. C’est à cela qu’il s’occupe en Thébaïde, quand nous perdons sa trace. Résumons : complexe d’inférior
422 est schizoïde. Chamisso, heureusement pour lui, n’ en savait rien. Il savait peut-être autre chose. Tentative d’interpré
423 ts qui, normalement, ne tarderaient pas à se muer en leur contraire ? Plus précisément, l’état de Peter Schlemihl n’est-il
424 outer avec toutes les réserves qu’on voudra, mais en nous souvenant de la question que nous posait l’origine germanique du
425 le figure le « miroir auquel la nature se regarde en nous. » Elle est ainsi l’agent microcosmique, la puissance même de no
426 e la pudeur. Ne serait-ce point pour la raison qu’ en beaucoup d’êtres la créativité paraît avoir son siège dans le seul se
427 ils de Noé couvrirent la nudité de leur père ivre en marchant vers lui à reculons ? Mais chez l’homme qui parvient à la co
428 n possède, c’est naturel ; mais non du tout qu’on en ait honte, semble-t-il. En vérité, la mauvaise pudeur provient de ce
429 e. (Ce qui est douteux, non propre, c’est ce qui, en moi, m’est étranger). Revenons alors à notre mythe : la transparence,
430 and jour non son secret, mais justement l’absence en lui de son secret, sa transparence : spirituellement, ou de quelque a
431 e, la chasteté (spirituelle ou corporelle) rénove en l’homme son élan vers le monde. Elle le porte au-devant de tout, comm
432 n Chamisso. Les amateurs d’absurdités lyriques, j’ en suis parfois, devraient se garder d’affadir une telle œuvre, n’y admi
433 om établit d’abord une action concertée, une mise en ordre, un sens donné… C’est par là que Chamisso s’est sauvé de lui-mê
434 l comme on sait, en grande partie à son image, il en diffère toutefois par ceci qu’il l’a fait, témoignant d’un pouvoir d’
435 . Et j’y songe : ce Schlemihl éternel, ce symbole en bottes de sept lieues qui traverse encore notre vie, n’est-ce pas l’o
436 pitié. Il ne sait même plus écrire sa Fable, il n’ en veut plus, il veut du vraisemblable ! Il est retombé dans le roman in
437 e célèbre serait donc bien française, et Barrès s’ en réjouit. Il va jusqu’à soutenir que l’ombre perdue serait le symbole
438 de cette « vérité d’expérience » si l’on voulait en faire une règle, comme nous en menacent les conformismes totalitaires
439  » si l’on voulait en faire une règle, comme nous en menacent les conformismes totalitaires ? On ne peut accepter une « vé
440 On ne peut accepter une « vérité » de ce genre qu’ en insistant sur le contraire : l’anormal peut être créateur d’un nouvea
441 cume d’une soupe ». La créativité se purifie donc en le localisant. Il paraît alors que le freudisme ne s’occupe que de l’
442 à vrai dire fréquent, du romantisme allemand qui en a montré bien d’autres, et de tout contraire parfois : que l’on songe
16 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)
443 Journal d’un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)q r Début de novembre 1933 Mon domaine, c
444 oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide. En me retournant à droite, je vois par une autre fenêtre un coin de land
445 lumière maritime. Pour mes pensées, je les occupe en attendant à de petits exercices formels, sans nul rapport avec ce bea
446 a place généralement vide, les maisons s’alignent en ordre modeste, peintes en tons clairs et simples, blanc, jaune ou ver
447 les maisons s’alignent en ordre modeste, peintes en tons clairs et simples, blanc, jaune ou vert. La couleur des volets s
448 haque façade d’une manière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple discret. C’est l’impression que je ve
449 tteuse. Elle a des douleurs dans les jambes, et m’ en parle d’abord, pour me mettre en confiance. Je sens bien qu’elle veut
450 les jambes, et m’en parle d’abord, pour me mettre en confiance. Je sens bien qu’elle veut me faire causer avant de fixer l
451 ntion de rester ici tout l’hiver ? — C’est plutôt en été qu’on vient chez nous, me fait-elle prudemment observer. — Je le
452 moi, des tas de choses à écrire… Elle n’ose pas m’ en demander davantage. Et moi, je recule devant l’entreprise de lui expl
453 Écrire pour les journaux, sans doute, mais il n’y en a pas tant à raconter sur ce pays… Je l’ai laissée en plein mystère.
454 pays… Je l’ai laissée en plein mystère. Elle a dû en parler longuement avec les clients qui attendaient en silence, le nez
455 arler longuement avec les clients qui attendaient en silence, le nez sur leurs sabots, que je sois sorti. La mère Aujard n
456 a mère Aujard n’a pas toujours ce qu’on voudrait. En hiver elle fait peu de réserves de produits alimentaires, les habitan
457 nvoi, ce jour-là, d’une centaine de feuillets. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme avec vivacité que ça ne peut pas
458 nvoi de ce matin. En effet, Pédenaud, qui a voulu en avoir le cœur net, a pris des instructions par téléphone au chef-lieu
459 de dédommagement. Salaire : 280 francs par mois «  en comptant tout ». Sa femme fait des lessives. En été ils pêchent des p
460 « en comptant tout ». Sa femme fait des lessives. En été ils pêchent des palourdes et les vendent aux baigneurs. Bien ente
461 cette espèce, mais ce n’est point pour cela que j’ en parle ici. C’est pour une raison très précise et qui n’a rien à voir
462 de puces. J’exagère à peine : pour mon compte, j’ en ai pris sept sur mon pyjama dans l’espace de deux minutes, ce qui doi
463 ur le couvre-pied. D’autres sur le plancher. Je n’ en menais pas large. Comme la mère Renaud était venue nous voir la veill
464 hypothèse à ce point injurieuse. Pourtant nous n’ en trouvions pas d’autres. Or, peu de jours auparavant, un petit hérisso
465 uparavant, un petit hérisson était venu se mettre en boule dans la plate-bande qui borde la maison, sous ma fenêtre. Il so
466 île, et où nous devons encore passer deux heures en attendant le départ de l’autobus pour Taillefer. Nous sommes attablés
467 Rougemont Denis de, «  Journal d’un intellectuel en chômage  », La Revue du dimanche, supplément hebdomadaire de la Revue
468 s Denis de Rougement : Journal d’un intellectuel en chômage . Grâce à la complaisance du directeur de la Guilde, M. A. Me
469 irecteur de la Guilde, M. A. Mermoud, nous sommes en mesure d’offrir à nos lecteurs la primeur de quelques pages de ce liv
17 1937, Articles divers (1936-1938). Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)
470 Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)s t Il faut parler des « autocars ». Je ne s
471 es lignes indiquait qu’on allait à Paris ou qu’on en venait. Tout le reste n’était que tortillards cahotants, jamais à l’h
472 us pouviez parcourir vingt fois la France de part en part sans remarquer que les gens qui l’habitent ne sont pas tous de l
473 ée ? La ligne d’autocar fait partie du pays. Elle en épouse la géographie physique mais aussi humaine. Elle quitte à tout
474 tention d’utiliser ce moyen de transport vous met en contact avec toutes sortes d’habitudes locales. D’abord il faut aller
475 ue et la rapidité d’esprit que les bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuent par erreur au « peuple » en général. Sans
476 is loin de moi ces ambitions : ceux qui les ont n’ en parlent pas, dit-on. Et je ne suis qu’un écrivain. Ceci me rappelle u
477 uel était mon métier. Et quand j’eus dit que je n’ en avais aucun, et que je n’étais qu’un écrivain, et chômeur par-dessus
478 enis de, « Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage  », Le Journal, 15 août 1937, p. 2. t. Précédé de la notice
479 lustrer ce que l’on peut appeler sa « doctrine », en nous donnant, sous le titre de Journal d’un intellectuel en chômage,
480 nnant, sous le titre de Journal d’un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’observations et de jugements. Il
481 et très nuancé de la province française, ainsi qu’ en témoigne cet extrait. »
18 1937, Articles divers (1936-1938). « Subjectivité et transcendance », Lettre de M. Denis de Rougemont (décembre 1937)
482 dements sont renversés tous les vingt ans de fond en comble. Je ne pense pas que la transcendance puisse jamais être « sim
19 1938, Articles divers (1936-1938). Réponse à Pierre Beausire (15 janvier 1938)
483 ; et quand il énumère nos réclamations, il ajoute en parlant de leurs auteurs : « On ne peut que les suivre et les approuv
484 , la volonté d’agir dans le sens de ce qui libère en l’homme les forces de résistance et de création, systématiquement dép
485 e personnalisme est bien plus qu’une morale, s’il en suppose une. Il est, à mon sens, la tradition centrale de l’Occident,
486 uée diversement selon les milieux et les groupes. En France, elle s’est traduite surtout en termes catholiques et en terme
487 s groupes. En France, elle s’est traduite surtout en termes catholiques et en termes proudhoniens ; chez nous, en termes s
488 e s’est traduite surtout en termes catholiques et en termes proudhoniens ; chez nous, en termes surtout protestants ; en E
489 atholiques et en termes proudhoniens ; chez nous, en termes surtout protestants ; en Espagne, avant l’invasion des idéolog
490 iens ; chez nous, en termes surtout protestants ; en Espagne, avant l’invasion des idéologies totalitaires, en termes proc
491 ne, avant l’invasion des idéologies totalitaires, en termes proches de l’anarchisme, etc. Comme l’Europe, le personnalisme
492 t-à-dire : fédéraliste. Il exalte les différences en ce qu’elles ont de créateur. Il veut une organisation de la cité qui
493 orité même, ne partagent pas cette certitude. Ils en ont d’autres, que je crois insuffisantes, et je le leur dis en toute
494 es, que je crois insuffisantes, et je le leur dis en toute franchise. Du moins ne tiennent-ils pas le christianisme dont j
495 ai pas de lui répondre que ce n’est pas là parler en homme, ni en enfant, mais en adolescent impénitent. ⁂ Je ne sais trop
496 répondre que ce n’est pas là parler en homme, ni en enfant, mais en adolescent impénitent. ⁂ Je ne sais trop quelle dose
497 n’est pas là parler en homme, ni en enfant, mais en adolescent impénitent. ⁂ Je ne sais trop quelle dose d’ironie M. Beau
498 ’emparent hardiment du pouvoir dans cet État, et, en manifestant la noblesse de leur caractère, nous délivrent du triste s
499 sceptiques, pour ceux qui craignent de se perdre en s’engageant, et préfèrent la littérature ; si ce n’est pas une manièr
500 ble, si Beausire connaît de tels chefs, ou désire en devenir un, qu’il nous amène ce précieux renfort, et nous le salueron
501 ir numéro du 1er décembre 1937 : Le Personnalisme en Suisse. 81. La réserve indiquée sur « le Suisse », auquel Beausire c
20 1938, Articles divers (1936-1938). Søren Kierkegaard (février 1938)
502 février 1938)z Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813. Son père avait passé son enfance à garder les moutons dans la p
503 e blasphème assombrit sa vie, et la révélation qu’ en eut plus tard Søren fut décisive pour son développement religieux. Ma
504 une fortune, et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage, après une sévère éducation piétiste, un secret qu’il qualif
505 ques, et lorsqu’il mourut, l’on s’aperçut qu’il n’ en restait que 200 francs. Cette fortune provenait d’une malédiction, pe
506 l’avait donc dilapidée sans compter, mais surtout en dons généreux. À 27 ans, il terminait ses études de théologie, et se
507 y mener une existence solitaire, jusqu’à sa mort, en 1835. Il travaillait une grande partie de la nuit. Georg Brandes raco
508 menade, les phrases qu’il venait de composer tout en marchant. À l’aube, il s’accordait quelque répit, errait sur les quai
509 ense succès : c’était l’Alternative, qu’il publia en 1843. La même année parurent deux autres ouvrages, signés de pseudony
510 sa pensée, le public s’écarta, effrayé. Et lorsqu’ en 1831, il se mit à attaquer avec une extrême violence, le christianism
511 il tombait d’épuisement au cours d’une promenade en ville. On le transporta à l’hôpital où il mourut paisiblement en disa
512 transporta à l’hôpital où il mourut paisiblement en disant à son seul ami, le pasteur Boesen : « Salue tous les hommes de
513 rale de l’œuvre énorme de Kierkegaard (40 volumes en douze années). Pensée qu’il défendit et qu’il servit de toutes les fo
514 foué — un homme qui est flagellé, torturé, traîné en prison, et puis enfin — car c’est bien d’un véritable témoin de la vé
515 le hérésie, et c’est de jouer au christianisme, d’ en écarter les dangers, et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynster
516 s gens vivent dans une confusion impensable, et n’ en conçoivent pas de malaise. D’autres, qui s’essaient à penser en fin d
517 pas de malaise. D’autres, qui s’essaient à penser en fin de semaine, comme on fait un peu d’ordre dans l’appartement, recu
518 tuelles et toute son œuvre d’écrivain… S’il reste en vie, dit-il, il poursuivra sa lutte religieuse, mais il craint qu’ell
519 ’absurde », c’est-à-dire de l’incarnation de Dieu en Christ. On ne peut pas le comprendre : on le souffre. On l’aime, on l
520 alutaire, dont nul ne trouvera l’antidote : qu’il en soit mort, atteste ce fait capital que la pensée humaine ne peut être
521 ssion de l’absolu chrétien, mais seul Kierkegaard en est mort. Une pureté presque inhumaine, voilà ce qui définit sa grand
522 temps finira bien par succomber. Mais, ayant tué en lui toute autre vanité que celle de haïr le temps — c’est là son dépi
523 n vu. Mais notre auteur était-il sérieux lui-même en écrivant cela, ou bien faisait-il une phrase ? Ce qui est sérieux, es
524 emière fois. Je le sais, je sais aussi ce qu’il m’ en a coûté, ce que j’ai souffert, je puis l’exprimer par cette seule phr
21 1938, Articles divers (1936-1938). Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage (avril 1938)
525 Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage (avril 1938)aa Note pour une préface. — « C’est une entre
526 mains que le métier ou notre rang social nous met en mesure d’approcher. L’épreuve décisive est celle que l’on subit au co
527 lle que l’on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien dans notre vie n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est q
528 moi, me flairent avec angoisse, et fuient soudain en gémissant. J’ai des lettres à porter à l’autobus. Il faut s’éloigner
529 tte nuit. Fin de séjour à A… (Gard). — Tout est en place. Je garderai toutefois le plan d’aménagement et de décoration d
530 avions descendu du deuxième un lourd sommier pour en faire un divan. L’escalier est étroit. La descente s’était opérée san
531 une de ces découvertes frémissantes telles que j’ en ai sans doute vécues, adolescent — et sûrement ce serait bien autre c
532 85. Kierkegaard avait déposé sa fortune, réalisée en argent liquide, chez son beau-frère. Il était adversaire du prêt à l’
533 e, « Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage  », Existences, Saint-Hilaire-du-Touvet, avril 1938, p. 11-14