1
d’avoir mêlé à un beau drame d’amour le souvenir
et
davantage, la présence d’un être vrai, qui apporte à toute l’œuvre un
2
pas à voir qu’il figure la conscience exigeante,
et
comme le juge incorruptible et amical du héros et de son débat, ce pe
3
science exigeante, et comme le juge incorruptible
et
amical du héros et de son débat, ce personnage a vécu dans ce siècle,
4
et comme le juge incorruptible et amical du héros
et
de son débat, ce personnage a vécu dans ce siècle, où son nom ne cess
5
onner une idée de l’ordre de grandeur spirituelle
et
de la singularité de l’œuvre entière. Mais bien peu en ont eu connais
6
re entière. Mais bien peu en ont eu connaissance,
et
moins encore se sont risqués à en parler. Rien d’étonnant d’ailleurs
7
n de l’être dont il ignorait presque l’existence,
et
qui demande un peu de temps pour formuler sa réaction, voilà sans dou
8
ne même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien
et
de très simplement communicable. Encore faut-il montrer que ce détour
9
r ses œuvres, pour une très grande part inédites,
et
que Kafka lui-même, par l’excès d’un scrupule à la fois artistique et
10
e, par l’excès d’un scrupule à la fois artistique
et
religieux, souhaitait que l’on détruisît. Max Brod s’est expliqué sur
11
, ses propos, sa vision du monde, ses expériences
et
préoccupations sociales, les lectures qu’il fait à son ami, la brève
12
on exacte de la jeunesse de Kafka. Quelques faits
et
deux ou trois dates suffiront désormais à situer ce fragment de biogr
13
complets de trois romans : Le Procès, Le Château,
et
Amérique. Le regard qu’il y porte sur le monde est d’une précision pr
14
ir que la plupart de nos démarches sous-entendent
et
masquent à peine une foncière absurdité. L’état d’extrême lucidité qu
15
aient à la même époque de délirer méthodiquement,
et
de brouiller tous les plans du réel à seule fin de s’en évader — dura
16
xactitude dans l’exercice de leurs tâches banales
et
de leurs relations sociales, qu’ils en découvrent et en dénoncent l’i
17
de leurs relations sociales, qu’ils en découvrent
et
en dénoncent l’impossibilité foncière. À serrer de si près le réel, o
18
e réel, on le convainc rapidement de monstruosité
et
de scandale métaphysique. Et dès lors tout devient étrangement signif
19
ment de monstruosité et de scandale métaphysique.
Et
dès lors tout devient étrangement signifiant, le fait divers s’agrand
20
est le contraire : partant d’un fait inexplicable
et
monstrueux23 survenu dans la vie de son héros, Kafka nous amène à pen
21
ène à penser que le détail de l’existence banale,
et
le sentiment d’étrangeté qui parfois l’accompagne en sourdine s’expli
22
t qu’on les rapporte à un fait initial mystérieux
et
d’apparence extravagante. Derrière cette psychologie de l’angoisse qu
23
ez Kafka des intentions morales, une philosophie,
et
la recherche au moins d’une théologie. Tout cela, qui n’est pas expri
24
ogie. Tout cela, qui n’est pas exprimé mais voilé
et
seulement trahi par certaines bizarreries du récit, donne à l’œuvre u
25
ait comprendre, salutaire… Les lectures favorites
et
les préoccupations sociales de « Garta », telles que nous les décrit
26
ein secret de Kafka. Sa passion de l’absolu moral
et
religieux, sa psychologie de l’angoisse dérivent sans doute de Kierke
27
n des forces spirituelles par l’activité pratique
et
sociale, volonté qui se manifeste tout au long de son existence, et q
28
é qui se manifeste tout au long de son existence,
et
qui devait l’amener entre autres, à son projet de participation au je
29
ul homme de deux influences aussi contradictoires
et
à tant d’égards exclusives… Il y aurait fort à dire là-dessus… Mais e
30
ez pour faire entrevoir au lecteur l’arrière-plan
et
les prolongements de l’aventure du « vieux Pragois », héros non tout
31
r la Nouvelle Revue française : La Métamorphose
et
Le Terrier. 23. Par exemple : la métamorphose subite d’un jeune homm
32
se subite d’un jeune homme en une bête innommable
et
même indescriptible (dans La Métamorphose). Ou encore : l’inculpation
33
Forme
et
transformation, ou l’acte selon Kierkegaard (janvier 1936)c « Tout
34
nt devenir chrétien ». Car on n’est pas chrétien,
et
même on ne peut pas l’être, mais il faut le devenir. Et le problème,
35
e on ne peut pas l’être, mais il faut le devenir.
Et
le problème, alors, devient celui de l’acte, c’est-à-dire de la créat
36
d’aujourd’hui ne le croit pas. Il croit aux lois,
et
il se veut déterminé. Or il l’est dans la mesure exacte où il l’accep
37
ransformation du monde. Autrement, il est animal,
et
soumis à la forme des choses, — à la commune dégradation. Ceux qui ne
38
iècle pour nous prouver que l’acte est impossible
et
que le tout de l’homme est soumis au calcul, tout cet effort des scie
39
st soumis au calcul, tout cet effort des sciences
et
des sociologies établit à grands frais l’évidence du désespoir : l’ho
40
erdu « le chemin ». Je suis le chemin, la vérité
et
la vie, dit le Christ. 1. La vérité est le chemin Christ est la
41
érité… Être la vérité, c’est connaître la vérité,
et
le Christ n’aurait jamais connu la vérité s’il n’avait pas été la vér
42
connu la vérité s’il n’avait pas été la vérité ;
et
nul homme ne connaît davantage de vérité qu’il n’en incarne.3 Voici
43
eue. La foi au Christ est la condition nécessaire
et
suffisante de tout acte véritable, de toute marche, de toute création
44
e vue ; ou bien encore le lieu d’un pur possible,
et
sur ces lieux règne le désespoir. Il nous faut donc agir, si nous vou
45
l n’y a donc aucun acte possible, aucun acte vrai
et
vivant en dehors de la foi au Christ. Mais croire au Christ, c’est cr
46
un sens à nos vies. Alors les règles, les morales
et
les lois qui nous disaient d’agir dans le même temps qu’elles nous pr
47
es nous privaient de tout pouvoir, s’évanouissent
et
meurent aux pages des livres. L’action de l’homme devient aussi la vé
48
es. L’action de l’homme devient aussi la vérité ;
et
la norme de toutes les normes. Au premier pas que nous faisons dans n
49
ns dans notre nuit, voici que le chemin s’éclaire
et
que les perspectives se dégagent. Et nous allons connaître maintenant
50
in s’éclaire et que les perspectives se dégagent.
Et
nous allons connaître maintenant que seul l’acte de foi est création,
51
formation, nouveauté pure dans le monde, vocation
et
personne éternelle, prophétie de l’éternité qui vient à nous. 2. I
52
que dans la foi, la foi n’existe que dans l’acte,
et
cet acte devient alors notre chemin et notre loi. Ainsi nous ne pouvo
53
ns l’acte, et cet acte devient alors notre chemin
et
notre loi. Ainsi nous ne pouvons connaître que ce que nous prophétiso
54
chrétien marche dans la nuit en créant sa lumière
et
son chemin5, lumière qui n’est pas sa lumière, chemin toujours imprév
55
e devinent les pas, chemin qui se dérobe au doute
et
à l’orgueil, mais que parfois la prophétie fait briller devant lui co
56
leil, la Terre, la Lune, les plantes, les animaux
et
les pierres parlaient et prophétisaient, pareils aux prophètes. C’est
57
les plantes, les animaux et les pierres parlaient
et
prophétisaient, pareils aux prophètes. C’est de ce commencement que c
58
de ce commencement que chaque chose tire sa force
et
son temps ; toute créature languit après ce commencement et bienheure
59
ps ; toute créature languit après ce commencement
et
bienheureux est celui qui dans sa fin possède son commencement ». Mai
60
vision de sa fin. Le voici prisonnier des formes
et
des nombres, esclave des lois d’un monde sur lequel il devrait régner
61
s ténèbres. Certains reçoivent l’ordre de parler,
et
c’est là leur action, leur prophétie et leur salut. Cependant que les
62
e parler, et c’est là leur action, leur prophétie
et
leur salut. Cependant que les hommes les frappent sur la bouche. Kier
63
tyre. La Parole dite est leur chemin, leur vérité
et
leur vie dans ce monde ; ils meurent de l’avoir dite, et n’ont pas d’
64
vie dans ce monde ; ils meurent de l’avoir dite,
et
n’ont pas d’autre tâche7. Le chemin est imprévisible ; le nôtre, diso
65
es. Cependant la question demeure : comment agir,
et
comment transformer, c’est-à-dire comment obéir à la Parole qui proph
66
ir à l’ordre qu’il reçoit de Dieu, — n’importe où
et
n’importe qui, à n’importe quel ordre reçu, et sans nulle préparation
67
où et n’importe qui, à n’importe quel ordre reçu,
et
sans nulle préparation. « Comment un homme devient-il chrétien ? Tou
68
véritablement chrétien (Journal). Vends ton bien
et
le donne aux pauvres, par exemple, ou si tu ne possèdes pas de bien,
69
es pas de bien, cesse d’en désirer la possession,
et
vis comme un chrétien : au jour le jour, sans assurances et sans prép
70
me un chrétien : au jour le jour, sans assurances
et
sans préparation, à la grâce de Dieu, dans la confiance et l’inquiétu
71
réparation, à la grâce de Dieu, dans la confiance
et
l’inquiétude, — on pourrait dire, dans une sorte d’humour — dans l’av
72
ur — dans l’aventure de celui que rien ne protège
et
la prudence de celui qui écoute, dans le tourment et dans la joie d’u
73
la prudence de celui qui écoute, dans le tourment
et
dans la joie d’une découverte quotidienne du chemin, — ton chemin, su
74
l, parce qu’il est la parole de ta vie, sa mesure
et
sa vocation, son risque à chaque instant visible, et sa sécurité, cac
75
sa vocation, son risque à chaque instant visible,
et
sa sécurité, cachée au plus secret du risque. 3. Nous n’avons pas
76
uvons imaginer sans pour autant nous transformer,
et
c’est bien la définition de « l’inactuel ». Se conformer à ce pieux i
77
eut-être simplement « singer » un modèle flatteur
et
rassurant. Et pourquoi ? Parce que « le chemin » est invisible tant q
78
ement « singer » un modèle flatteur et rassurant.
Et
pourquoi ? Parce que « le chemin » est invisible tant qu’on n’y est p
79
de prétendre imiter le modèle que ses yeux voient
et
que sa chair perçoit (à la lecture des évangiles par exemple) au lieu
80
ple) au lieu d’écouter l’ordre, au lieu de croire
et
de faire un pas dans la nuit, sur ce « chemin » qui est le Christ pré
81
eux exigences : l’abîme entre les mérites humains
et
la grâce, l’abîme entre l’imitation et l’acte, l’abîme entre la relig
82
es humains et la grâce, l’abîme entre l’imitation
et
l’acte, l’abîme entre la religion et la foi — entre le temps et l’ins
83
l’imitation et l’acte, l’abîme entre la religion
et
la foi — entre le temps et l’instant créateur —, entre la forme et la
84
bîme entre la religion et la foi — entre le temps
et
l’instant créateur —, entre la forme et la transformation. Il ne faut
85
le temps et l’instant créateur —, entre la forme
et
la transformation. Il ne faut pas commencer par l’imitation, mais par
86
aissance… Tout commence par la joie d’être aimé —
et
ensuite vient l’effort de plaire, constamment exalté par la certitude
87
té par la certitude que l’on est aimé maintenant,
et
même si l’effort échoue »8. Parce qu’il est aimé maintenant, aller ma
88
ssible » destin, le seul acte possible à l’homme.
Et
c’est l’acte que Dieu initie. 4. « Par rapport à l’absolu, il n’ex
89
ontact impensable de l’éternité avec notre durée,
et
l’on n’en peut n’en dire sinon qu’il s’est produit, et qu’il peut se
90
on n’en peut n’en dire sinon qu’il s’est produit,
et
qu’il peut se produire sans que rien y prépare. « Car Dieu peut tout
91
de la foi »10. Si nous vivions dans l’obéissance
et
dans la foi, il n’y aurait ni passé ni futur, mais le Jour éternel de
92
futur, mais le Jour éternel de la présence à Dieu
et
à soi-même régnerait sur le monde et l’unité du genre humain. Si nous
93
sence à Dieu et à soi-même régnerait sur le monde
et
l’unité du genre humain. Si nous vivons dans l’obéissance et dans la
94
du genre humain. Si nous vivons dans l’obéissance
et
dans la foi, l’histoire s’arrêterait comme l’Aspiration d’un homme sa
95
omme l’Aspiration d’un homme saisi par la beauté,
et
le temps immobile s’abîmerait dans l’amen éternel. Æternitas non est
96
t est le chemin. Mais nous avons refusé l’éternel
et
nous lui préférons nos vies : c’est pourquoi nous vivons dans l’Histo
97
ies : c’est pourquoi nous vivons dans l’Histoire,
et
dans l’absence, ou dans la nostalgie des temps qui viennent ; c’est p
98
ue par la foi, « substance des choses espérées »,
et
c’est pourquoi la Parole, parmi nous, n’est que promesse et vigilante
99
ourquoi la Parole, parmi nous, n’est que promesse
et
vigilante prophétie de l’invisible. De Séir, une voix crie au prophèt
100
uit ? — La sentinelle a répondu : Le matin vient,
et
la nuit aussi ! Si vous voulez interroger, interrogez ; convertissez-
101
voulez interroger, interrogez ; convertissez-vous
et
revenez ! » La forme du monde est durée, et c’est la forme du péché,
102
-vous et revenez ! » La forme du monde est durée,
et
c’est la forme du péché, du refus de l’instant éternel12, — le temps,
103
de l’instant éternel12, — le temps, la succession
et
le désir. C’est le retard de l’acte et le retrait de Dieu, c’est le d
104
succession et le désir. C’est le retard de l’acte
et
le retrait de Dieu, c’est le doute qui s’interpose entre le savoir et
105
u, c’est le doute qui s’interpose entre le savoir
et
le faire, et c’est la lâcheté de l’homme qui se repose sur ses œuvres
106
oute qui s’interpose entre le savoir et le faire,
et
c’est la lâcheté de l’homme qui se repose sur ses œuvres et qui les j
107
a lâcheté de l’homme qui se repose sur ses œuvres
et
qui les juge : son alliance avec le serpent. De quelles étranges et s
108
son alliance avec le serpent. De quelles étranges
et
secrètes façons le temps est lié au péché, le pécheur seul le sait, d
109
dévoile ; mais un temps nouveau prend son cours,
et
sa mesure est plus mystérieuse encore. Voici : le pécheur pardonné vi
110
à contre-courant de sa durée, vit d’acte en acte.
Et
son temps n’est plus son péché, mais on pourrait dire : sa patience.
111
e : sa patience. Car il se tient où Dieu l’a mis,
et
ce n’est plus une dérive. Il vit dans la forme du monde, mais il est
112
temps afin de gagner l’éternité : car je la gagne
et
ne puis plus de toute éternité la renoncer ; et c’est le paradoxe ; m
113
e et ne puis plus de toute éternité la renoncer ;
et
c’est le paradoxe ; mais il faut un courage paradoxal et humble pour
114
t le paradoxe ; mais il faut un courage paradoxal
et
humble pour embrasser le temps en vertu de l’absurde 13. Et ce courag
115
pour embrasser le temps en vertu de l’absurde 13.
Et
ce courage est celui de la foi. Par la foi Abraham ne perdit point Is
116
vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la naissance
et
la mort, parce qu’ils sont des actes de Dieu. Entre la naissance et l
117
qu’ils sont des actes de Dieu. Entre la naissance
et
la mort — ou plutôt puisque l’acte est à contre-courant de la durée :
118
est à contre-courant de la durée : entre la mort
et
la naissance — toute la réalité de l’homme est dans son acte. Tout ac
119
l’homme est dans son acte. Tout acte est Passage
et
tension, — passage de la mort à la vie, tension entre ce qui résiste
120
de la mort à la vie, tension entre ce qui résiste
et
ce qui crée, victoire de la Parole sur la chair, autorité de la perso
121
la chair, autorité de la personne sur l’anarchie
et
sur la loi individuelle. C’est ici qu’on touche au mystère, sans lequ
122
ruit le temps, puisqu’il est dans le même instant
et
la mort et la vie des êtres qu’il promet à l’existence ; mais détruis
123
ps, puisqu’il est dans le même instant et la mort
et
la vie des êtres qu’il promet à l’existence ; mais détruisant le temp
124
xistence ; mais détruisant le temps, il le recrée
et
le rédime puisqu’il lui rend une Mesure et un rythme en le liant au d
125
recrée et le rédime puisqu’il lui rend une Mesure
et
un rythme en le liant au destin personnel. Ainsi l’acte absolu serait
126
ais qu’une rédemption. Distinction de théologien,
et
qui veut prévenir l’orgueil. Mais la vision de celui qui agit n’est p
127
’a connu son succès que lorsque tout était fini ;
et
ce n’est point par le succès qu’il fut héros, mais par son entreprise
128
te chair qui doit vieillir, la tension de la mort
et
de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’est-ce que la personne ?
129
uses. Qu’est-ce que la personne ? C’est la vision
et
le visage du héros, sa vision contre son visage, sa vision qui crée s
130
ps, mais la vision à la parole dont elle procède,
et
si la face d’un homme est belle, c’est parce qu’elle est un acte et u
131
homme est belle, c’est parce qu’elle est un acte
et
un destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la Parole créat
132
n douter, s’il est vrai que le doute est révolte,
et
qu’il faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte de la foi. Lor
133
ulement renversement, mais création irréversible.
Et
cela tient à la nature de l’acte, — mieux encore : à son origine. Cel
134
t l’homme dépourvu de foi, l’homme détendu, vague
et
fiévreux qui peuple nos cités, l’homme sans visage et sans prochain,
135
iévreux qui peuple nos cités, l’homme sans visage
et
sans prochain, — sans vocation ! — s’imagine que l’acte viendra comme
136
i est désespoir, c’est-à-dire qu’il n’y croit pas
et
qu’il ne croit à aucun acte. Il vit dans le désir et dans la nostalgi
137
qu’il ne croit à aucun acte. Il vit dans le désir
et
dans la nostalgie, et son regard n’est pas une vision dans un visage,
138
acte. Il vit dans le désir et dans la nostalgie,
et
son regard n’est pas une vision dans un visage, mais une manière de l
139
es liens, dans sa croyance à la réalité des liens
et
de la masse, à la réalité des autres dans l’ensemble. Comment cet hom
140
faire un acte ? Car l’acte est immédiat, création
et
initiation, c’est-à-dire sobriété pure, — quand l’être même du désesp
141
u désespéré est calcul, préméditation, sensualité
et
envie… Ainsi l’acte absolu qu’il imagine serait sa mort, — et c’est p
142
nsi l’acte absolu qu’il imagine serait sa mort, —
et
c’est pourquoi il n’y croit pas. Nul n’échappe à la forme du monde. M
143
sobriété, c’est l’absolu »17. Entre le désespéré
et
l’absolu, il y a tout ce romantisme qui veut que l’acte soit puissanc
144
ce romantisme qui veut que l’acte soit puissance
et
jouissance, il y a ce moi de désir qui veut que l’acte — l’instant !
145
t drame humain que nous pussions prévoir, désirer
et
décrire ; une rupture et une vision. La présence de l’absolu dans la
146
ussions prévoir, désirer et décrire ; une rupture
et
une vision. La présence de l’absolu dans la sobriété parfaite et inse
147
La présence de l’absolu dans la sobriété parfaite
et
insensible de l’instant, c’est l’obéissance à la Parole de Dieu, — la
148
visages fraternels où s’agitait la foule confuse
et
menaçante. Nous ne voyons aucun visage ailleurs que dans l’acte d’aim
149
précédent Car elle est prophétie justement ! —
et
c’est de la seule prophétie que relèvent la réalité et le sérieux, le
150
est de la seule prophétie que relèvent la réalité
et
le sérieux, le risque et la splendeur d’une vie d’homme. L’homme se d
151
que relèvent la réalité et le sérieux, le risque
et
la splendeur d’une vie d’homme. L’homme se distingue du singe en ce q
152
ngue du singe en ce qu’il prophétise, uniquement,
et
dès l’origine. C’est pourquoi l’homme a un visage et une vision, ce q
153
dès l’origine. C’est pourquoi l’homme a un visage
et
une vision, ce que n’ont pas les animaux ; c’est pourquoi l’homme est
154
arlé de vocation18. C’est qu’il parle sa vocation
et
ne s’en distingue jamais. Cependant il est hors de doute qu’il eut co
155
ignité de l’homme est de marcher dans l’invisible
et
de prophétiser « en vertu de l’absurde ». L’homme ne peut être déterm
156
geois est sans vocation, il ne croit pas à l’acte
et
il meurt au hasard, sans avoir rencontré personne ni soi-même20. Il v
157
ne ni soi-même20. Il vit dans la forme du monde :
et
ce n’est point qu’elle soit pour lui réelle, elle est seulement la mo
158
de ce qu’il transforme. Sa connaissance est acte
et
vision prophétique. La mesure du temps de sa vie réside dans la seule
159
ence à ses pas, il ne meurt jamais par surprise :
et
ce n’est point qu’il ait connu le jour et l’heure, mais il connaît l’
160
prise : et ce n’est point qu’il ait connu le jour
et
l’heure, mais il connaît l’instant, s’il vit de Parole. À cause de l’
161
ne meure »21. C’est le secret dernier de l’acte,
et
le sceau de l’amour chrétien. 3. Apprentissage du christianisme.
162
t » est une antilogie chrétienne au premier chef,
et
non pas hindoue, comme certains l’ont voulu croire. Chez les hindous,
163
grandeur humaine (NRF). 7. « Le prophète se lève
et
tombe avec sa mission » (Karl Barth). Il n’a pas de biographie. Rien
164
e, ou bien alors elle se réduirait à la grammaire
et
à la syntaxe particulière de son message. 8. Journal. « L’imitation
165
ette définition du temps comme refus de l’instant
et
de l’obéissance immédiate à la Parole. La ressemblance est seulement
166
Cur Deux Homo ? » de saint Anselme. 14. Crainte
et
tremblement. 15. Actes de l’amour. 16. Traduction française sous l
167
e n’ai jamais rencontré personne ». 21. Crainte
et
tremblement. c. Rougemont Denis de, « Forme et transformation, ou l
168
et tremblement. c. Rougemont Denis de, « Forme
et
transformation, ou l’acte selon Kierkegaard », Hermès, Bruxelles-Pari
169
assourdissent. Ils ne suivent pas la règle du jeu
et
je ne sais même pas s’ils savent qu’il y en a une. Alice au Pays des
170
à l’époque de la Renaissance24. Le latin de Bembo
et
de Sadolet était encore une rhétorique des lieux communs. Forme vide,
171
rhétorique — d’où son déclin — mais forme encore
et
convention admise par tous les clercs européens. On ne saurait en dir
172
ts n’ont plus le même sens pour les intellectuels
et
pour la masse — cela s’est vu en d’autres siècles. Ils n’ont plus le
173
ls n’ont plus un sens auquel on puisse se référer
et
qui fixe vraiment l’usage : un sens commun. La plupart des débats qui
174
leur fantaisie, chacun croyant gagner à sa façon,
et
que les autres trichent ou font défaut. N’est-ce pas la partie de cro
175
illes ? Les boules étaient des hérissons vivants,
et
les soldats s’arc-boutaient sur le sol pour former des arceaux vivant
176
lice avait réussi à mettre en boule son hérisson,
et
se préparait à le frapper avec la tête du héron, celui-ci tordait son
177
c la tête du héron, celui-ci tordait son long cou
et
la regardait d’un air d’ahurissement profond. Quand elle l’avait remi
178
en position, c’était le hérisson qui se déroulait
et
courait dans la haie voisine. Si par hasard la boule et le maillet re
179
rait dans la haie voisine. Si par hasard la boule
et
le maillet restaient en place, c’était alors l’arceau-soldat qui se l
180
lace, c’était alors l’arceau-soldat qui se levait
et
s’en allait un peu plus loin. Tandis que la Reine, au comble de la fu
181
comme il le peut, sans souci de la règle commune,
et
la terreur domine cette anarchie, distribuant des condamnations d’aut
182
inq mots parmi les plus fréquents dans le langage
et
les écrits de notre temps : esprit, révolution, liberté, ordre, patri
183
mes d’État. Les uns tiennent le parti de l’esprit
et
les autres celui de l’ordre, les uns le parti de la révolution, les a
184
patrie de la révolution… Toutes ces combinaisons
et
ces permutations seraient néanmoins assez simples à débrouiller dans
185
ins assez simples à débrouiller dans la pratique,
et
pourraient définir utilement le parti, si seulement chacun de ces mot
186
entalité de classe ou simplement toute la culture
et
ses produits. Une simple équivoque sémantique dresse parfois l’un con
187
’autre deux hommes qui auraient dû « s’entendre »
et
s’allier : c’est que pour l’un, esprit signifie évasion, spiritualism
188
pour l’un, esprit signifie évasion, spiritualisme
et
duperie bourgeoise ; pour l’autre, présence effective de la pensée et
189
e ; pour l’autre, présence effective de la pensée
et
de la foi à nos misères, activité concrète et créatrice, et garantie
190
sée et de la foi à nos misères, activité concrète
et
créatrice, et garantie contre les préjugés intéressés. « Voyez, gémit
191
oi à nos misères, activité concrète et créatrice,
et
garantie contre les préjugés intéressés. « Voyez, gémit Alice, l’arce
192
l je dois passer se promène à l’autre bout du jeu
et
j’aurais dû croquer le hérisson de la Reine s’il ne s’était mis à cou
193
fois contradictoires, créés par la crise actuelle
et
très mal distingués les uns des autres par la plupart de ceux qui les
194
es cas : émeute, prise de pouvoir légal, désordre
et
anarchie, établissement d’une dictature militaire, plan quinquennal,
195
ransmutation de toutes les valeurs morales, etc.
Et
tous ces sens se chevauchent pour former dans l’esprit des polémistes
196
ns26. La liberté sera invoquée par la concurrence
et
l’oppression capitalistes, par les intellectuels anarchistes ou libér
197
, si absurde soit-il, tantôt la dictature brutale
et
arbitraire, plus rarement la revendication d’un équilibre vrai, d’une
198
n d’un équilibre vrai, d’une hiérarchie naturelle
et
féconde. Et quant au mot patrie, on le voit confondu, dans les discou
199
ibre vrai, d’une hiérarchie naturelle et féconde.
Et
quant au mot patrie, on le voit confondu, dans les discours et les ar
200
ot patrie, on le voit confondu, dans les discours
et
les articles de journaux, avec état, nation, mystique raciale, peuple
201
naux, avec état, nation, mystique raciale, peuple
et
coutumes, ou terre natale, clocher, etc. D’où l’embrouillamini de la
202
ocher, etc. D’où l’embrouillamini de la politique
et
des partis, et la confusion meurtrière de termes dangereusement charg
203
ù l’embrouillamini de la politique et des partis,
et
la confusion meurtrière de termes dangereusement chargés de passion e
204
rière de termes dangereusement chargés de passion
et
de préjugés, tels que patriotisme, nationalisme, impérialisme… ⁂ Tout
205
tionalisme, impérialisme… ⁂ Tout concourt à créer
et
aggraver cette crise du sens des mots et de la sémantique vivante. D’
206
à créer et aggraver cette crise du sens des mots
et
de la sémantique vivante. D’une part la somme des échanges écrits ou
207
able de goûter une œuvre rigoureuse ou novatrice,
et
qui pourrait servir de norme ou de repère, a tout au plus triplé, et
208
vir de norme ou de repère, a tout au plus triplé,
et
c’est sans doute encore trop dire. Racine avait un millier d’auditeur
209
leur vie ou paraissaient leurs œuvres capitales.
Et
je doute qu’un Meyerson sont sérieusement compris et discuté par beau
210
je doute qu’un Meyerson sont sérieusement compris
et
discuté par beaucoup plus de personnes que Descartes n’en convainquit
211
es journaux du soir à cinq-cent-mille exemplaires
et
la radio atteignent des millions d’auditeurs. Dans cette disproportio
212
nnante entre l’aire de la vraie culture créatrice
et
régulatrice et l’aire des sous-produits standardisés de la culture de
213
aire de la vraie culture créatrice et régulatrice
et
l’aire des sous-produits standardisés de la culture de consommation,
214
ngage. La presse, la radio, l’éloquence politique
et
les ouvrages populaires à grand tirage, voilà tout un domaine que l’é
215
ire des journaux est vague, impropre, sans saveur
et
sans pouvoir d’évocation active du vrai. Il habitue des millions de l
216
plus concrètes. Ainsi les mots perdent leur force
et
leur délicatesse d’appel. Et les bons écrivains, qui n’ont pas d’autr
217
s perdent leur force et leur délicatesse d’appel.
Et
les bons écrivains, qui n’ont pas d’autres armes, se voient privés de
218
plus, ne marquent pas dans ce magma inconsistant.
Et
leurs conseils paraissent obscurs dans la mesure où ils se veulent sc
219
i n’a plus de mission réelle. C’est un jeu formel
et
précis, dont ils sont seuls à connaître les règles. (Encore ne sont-i
220
!) Leur style devient de plus en plus « exquis »
et
par suite inapte à traduire une volonté d’action bientôt jugée vulgai
221
end ? Quand le peuple d’Israël oublie sa vocation
et
se détourne de l’Éternel son Dieu, il perd aussi le sens des noms et
222
’Éternel son Dieu, il perd aussi le sens des noms
et
bientôt sa langue délire : « Il prononce des paroles vaines, des serm
223
r de raffinés rhéteurs, ils perdent leur autorité
et
suscitent contre eux des révoltes qui s’expriment dans des langues no
224
: pour peu que le sens des fins vienne à faiblir
et
que la mesure commune cesse d’être effectivement perçue et observée,
225
mesure commune cesse d’être effectivement perçue
et
observée, l’on assiste à la même dégradation des instruments de la cu
226
que les écrivains ne sont plus compris du peuple,
et
que la langue vulgaire s’encombre d’équivoques, de confusions et de m
227
e vulgaire s’encombre d’équivoques, de confusions
et
de malentendus parfois tragiques : l’oubli des fins dernières entraîn
228
Cette absence d’un principe communautaire vivant
et
puissant dans nos vies, c’est le drame de la civilisation, de la cult
229
obscurément de leur séparation. Ils sont ensemble
et
ils sont seuls. Ils sont pressés les uns contre les autres et étrange
230
seuls. Ils sont pressés les uns contre les autres
et
étrangers. Ils échangent des paroles en plus grand nombre que jamais,
231
gent des paroles en plus grand nombre que jamais,
et
ne se disent rien qui compte. « Paroles vaines, serments faux ! » Or,
232
le n’est plus le don qu’un homme fait à un homme,
et
qui engage quelque chose de son être, c’est l’amitié humaine qui se d
233
rielle, elle est d’abord cette inquiétude du cœur
et
de l’esprit qui naît de la mort des amitiés. Plus angoissante encore,
234
iés. Plus angoissante encore, elle règne innommée
et
panique partout où l’amitié humaine n’a jamais rien noué, rien engagé
235
t pas pour l’homme, le diable le fait à sa place,
et
contre l’homme qu’il séduit et qu’il trompe. Cette fin commune, cet i
236
e fait à sa place, et contre l’homme qu’il séduit
et
qu’il trompe. Cette fin commune, cet idéal commun que nous devions se
237
rée l’œuvre unanime, nous les cherchions en vain,
et
sans le savoir, dans la cité qu’on nous a faite. C’est une faim, une
238
Quelqu’un a formé le projet de tromper cette faim
et
cette soif. Au païen ignorant du vrai Dieu, les prêtres donnent des i
239
de ces images, le peuple croit trouver son unité,
et
il y retrouve en effet le symbole agrandi d’un désespoir qu’il sent v
240
ligions. Il sait ce qu’il faut penser des prêtres
et
des sorciers. On lui donnera donc autre chose : les mêmes choses sous
241
es mêmes choses sous d’autres noms, des mystiques
et
des dictateurs. Les lieux communs sont morts et embaumés : déjà, on l
242
s et des dictateurs. Les lieux communs sont morts
et
embaumés : déjà, on leur fait des musées. Ou pire : ils n’ont jamais
243
nera donc de nouveaux fabriqués à notre mesure, —
et
quelle misérable mesure ! « Slogans » publicitaires, mots d’ordre pol
244
les ersatz pitoyables que nous proposent l’Argent
et
l’État. Gîovinezza ! Tod den Juden ! Nous ferons mieux que l’Amérique
245
sure n’est plus cette loi qui vit en l’homme réel
et
personnel, cette alliance du peuple avec sa vocation qui faisait la g
246
authentiques. Elle est devenue la loi inexorable
et
mécanique qui plie l’individu à des calculs de masses, à des discipli
247
re, ou s’il ne mise que sur l’indignité humaine ?
Et
si la propagande et la publicité qui ont pris la place des lieux comm
248
que sur l’indignité humaine ? Et si la propagande
et
la publicité qui ont pris la place des lieux communs spirituels et ef
249
ui ont pris la place des lieux communs spirituels
et
effectifs ne nous ordonnent qu’à des fins provisoires ou dégradantes
250
provisoires ou dégradantes : l’État totalitaire,
et
la richesse matérielle ? Que vaut alors cette communauté de réflexes
251
lle ? Que vaut alors cette communauté de réflexes
et
d’obsession ? N’est-elle pas une somme de nos défaites intimes, de no
252
, à paraître chez Albin Michel. 25. Les injures
et
les marques de mépris hautain dont se gratinent les poètes, les essay
253
tain dont se gratinent les poètes, les essayistes
et
les politiciens modernes, avec une fureur sans exemple dans l’histoir
254
pessimisme de la pensée qui désespère d’atteindre
et
de mouvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche, des surréalist
255
se sentent très loin de ceux qu’ils interpellent,
et
qu’ils traitent comme des sourds. 26. Contrairement à ce qui se pass
256
l’on ne risque pas de confondre le vol à la tire
et
le vol plané dans la conversation courante ; tandis que les débats po
257
électoraux abondent en confusion de cette espèce
et
s’en nourrissent. L’opération fameuse qui consiste à additionner les
258
fameuse qui consiste à additionner les casseroles
et
les haricots est à la base de l’éloquence démagogique. e. Rougemont
259
Opposez les dogmes chrétiens aux axiomes de Marx
et
d’Engels, les communistes vous répondront, non sans apparence d’à-pro
260
; qu’ainsi lestée, elle a pu se mettre en marche
et
agir au niveau du réel ; que son but primitif était de détruire l’Éta
261
et État jusqu’à l’extrême qu’on nomme dictature ;
et
qu’enfin cette dictature disparaîtra nécessairement, d’elle-même, ave
262
une constitution qui renforce encore l’étatisme,
et
ne parle même plus de sa suppression future. Au contraire, il fait fu
263
gnifiait donc, précisément, renoncer à la vérité,
et
ne croire plus qu’à la tactique d’un dictateur, lequel changera la vé
264
de Staline ; le pacifisme à tout prix des débuts
et
l’impérialisme actuel (si mal déguisé par la IIIe Internationale) ; l
265
la IIIe Internationale) ; la lutte contre l’État,
et
en même temps, le capitalisme d’État de Lénine ; l’expropriation des
266
itage puis son rétablissement ; l’antimilitarisme
et
la création enthousiaste d’une armée abondamment pourvue de maréchaux
267
alité sociale absolue puis la course aux salaires
et
aux grades ; la ruine de la famille puis sa réfection systématique ;
268
, je l’entends bien, par des nécessités pratiques
et
contingentes, et je n’ai pas à porter, ici, un jugement d’allure poli
269
en, par des nécessités pratiques et contingentes,
et
je n’ai pas à porter, ici, un jugement d’allure politique. Mais ce qu
270
els défendre ces manœuvres au nom de la doctrine,
et
les justifier à tout coup (avec léger retard sur l’événement !) par d
271
t les neuf dixièmes des adversaires du marxisme —
et
combien de marxistes eux-mêmes !) Si maintenant j’essaie de saisir l’
272
maintenant j’essaie de saisir l’identité foncière
et
la continuité de l’attitude communiste, au travers des contradictions
273
u monde. Connaître qu’il existe un mal universel,
et
qu’il faut donc transformer toutes choses, tel est, je crois, l’acte
274
ussi la passion constante du communiste conscient
et
conséquent. C’est ce mouvement profond qui légitime, à ses yeux tout
275
’a pas le droit de déterminer le tout de l’homme,
et
ne le peut pas. Car elle est divisée contre elle-même, et fait de l’h
276
peut pas. Car elle est divisée contre elle-même,
et
fait de l’homme qui s’abandonne à elle un être antinomique, « divisé
277
abandonne à elle un être antinomique, « divisé »,
et
comme « aliéné » de ce qu’il y a de plus humain en lui. À la découver
278
chrétien, l’homme ne pourra trouver sa plénitude
et
se « regagner totalement »43 qu’à la faveur d’une économie44 radicale
279
oujours dans sa forme — dressera donc le chrétien
et
le marxiste contre toute espèce de statisme, contre toute spéculation
280
sme, contre toute spéculation idéaliste, détachée
et
inactuelle, et contre toute activité qui ne concourrait pas, d’une fa
281
te spéculation idéaliste, détachée et inactuelle,
et
contre toute activité qui ne concourrait pas, d’une façon ou d’une au
282
amentale de transformation, je la trouve formulée
et
résumée, de part et d’autre, par deux propositions parfaitement clair
283
mation, je la trouve formulée et résumée, de part
et
d’autre, par deux propositions parfaitement claires qui, tout en affi
284
nt avec vigueur la nécessité d’un « changement »,
et
d’un changement pratique, concret, visible, divergent cependant, d’un
285
ant, d’une manière significative, quant aux voies
et
moyens qu’elles préconisent. La 2e thèse de Marx sur Feuerbach affirm
286
nde ; or il s’agit maintenant de le transformer.
Et
l’apôtre Paul écrit dans sa Lettre aux Romains (12, 2) : Ne vous con
287
est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable
et
parfait. Dans les deux cas, il s’agit du même mot : transformer ; et
288
s deux cas, il s’agit du même mot : transformer ;
et
il s’agit de transformer en tant que l’on est proprement humain (c’es
289
ire en tant que l’on obéit à l’Esprit, pour Paul,
et
en tant que l’on fait la révolution, pour Marx). Il s’agit donc d’act
290
ne action45 qui ne peut être que révolutionnaire.
Et
cependant l’opposition de Marx et de l’apôtre éclate en ceci : que Pa
291
évolutionnaire. Et cependant l’opposition de Marx
et
de l’apôtre éclate en ceci : que Paul veut transformer l’homme d’abor
292
eci : que Paul veut transformer l’homme d’abord —
et
le monde par lui — tandis que Marx veut transformer le monde d’abord,
293
dis que Marx veut transformer le monde d’abord, —
et
l’homme par lui. C’est sur le fait de cette opposition centrale qu’il
294
air, si l’on veut comprendre pourquoi la pratique
et
les fins du communisme contredisent radicalement la pratique et les f
295
communisme contredisent radicalement la pratique
et
les fins du christianisme, dont elles dérivent d’ailleurs obscurément
296
urope occidentale vers le milieu du xixe siècle,
et
par la volonté de la changer. En particulier, elle n’est « matérialis
297
où la mentalité de l’époque peut être qualifiée —
et
se qualifie elle-même — de spiritualiste, au sens le plus contestable
298
x ? C’était celle de la Restauration. Professeurs
et
bourgeois libéraux, grands patrons du capitalisme naissant en Anglete
299
nds patrons du capitalisme naissant en Angleterre
et
en Allemagne, théologiens de l’école hégélienne, ou adversaires du ch
300
e, que la religion concerne « l’homme intérieur »
et
rien que lui. C’était une « affaire privée » ; et Marx n’a fait que l
301
et rien que lui. C’était une « affaire privée » ;
et
Marx n’a fait que le constater. Elle n’empêchait nullement de faire d
302
semblait plus gêner personne46. Elle sanctionnait
et
protégeait l’ordre établi. Elle traduisait cet établissement même, et
303
e établi. Elle traduisait cet établissement même,
et
non plus ce qui l’eût jugé. Marx ne perd pas son temps à dénoncer l’e
304
l’évolution économique, qu’il formule. Je résume
et
je simplifie ce processus : ceux qui prétendent réformer « l’intérieu
305
eux, qu’il faut d’abord transformer l’extérieur —
et
le reste suivra nécessairement. Pour sauver le reste — disons : la cu
306
sauver le reste — disons : la culture, l’esprit,
et
l’âme si l’on y tient — il faut commencer par le nier. L’« esprit » d
307
ssité vertu. Proposons-nous de changer les choses
et
leurs rapports, de changer « le monde », c’est-à-dire les rapports éc
308
le monde », c’est-à-dire les rapports économiques
et
sociaux. Et s’il nous reste encore du temps, nous changerons l’homme.
309
c’est-à-dire les rapports économiques et sociaux.
Et
s’il nous reste encore du temps, nous changerons l’homme. D’ailleurs,
310
que son ami Engels en découvrit le danger. « Marx
et
moi — écrit-il en 1890 — nous sommes peut-être responsables de ce que
311
par opposition à nos adversaires qui le niaient,
et
nous n’eûmes pas toujours le temps ni l’occasion de rendre justice au
312
a cause de tous ses malheurs est dans les choses,
et
non dans lui. (Il n’en fut pas conscient, et pourtant il en est respo
313
ses, et non dans lui. (Il n’en fut pas conscient,
et
pourtant il en est responsable, nous reviendrons plus tard sur ce poi
314
reviendrons plus tard sur ce point.) Le peuple —
et
la bourgeoisie donc ! — répète que l’habit ne fait pas le moine, et q
315
donc ! — répète que l’habit ne fait pas le moine,
et
que l’argent ne fait pas le bonheur. Pratiquement, il croit dur comme
316
il croit dur comme fer que l’habit fait le moine
et
que l’argent fait le bonheur. Marx vient lui expliquer en 15 volumes
317
i démontrer que ceux qui prétendent le contraire,
et
qui prêchent que l’argent ne fait pas le bonheur, sont simplement des
318
sont simplement des exploiteurs, qui ont l’argent
et
qui veulent le garder — justement parce qu’il fait leur bonheur ! Alo
319
Mais les nécessités de la polémique d’une part, —
et
sa définition de l’homme concret, purement social, d’autre part, l’on
320
que le fascisme a de plus oppressif pour l’homme
et
pour sa liberté. L’attitude chrétienne devant le « monde » On p
321
d’une « doctrine » du christianisme. Le chrétien,
et
surtout le protestant, répugne absolument à concevoir que les dogmes
322
e, cela va de soi. Parlons plutôt d’une attitude.
Et
d’une attitude totale. (Je dirais bien totalitaire, si le mot n’avait
323
s séculières de la révolution chrétienne.) La vie
et
la pensée chrétiennes, en effet, se réfèrent à chaque instant à ce qu
324
termine le tout de l’homme : son origine, sa fin,
et
sa mission présente. Le chrétien sait qu’il vient de Dieu, le Créateu
325
l va vers le Royaume de Dieu, le Réconciliateur ;
et
qu’il a pour mission actuelle d’obéir à une Parole qui est Jésus-Chri
326
entre les hommes qui refusent totalement ce monde
et
s’attendent totalement au Royaume. Ce refus, cette attente active50 c
327
icale qui soit, disons mieux : la seule radicale.
Et
toutes les autres, dans notre Occident troublé par un message qu’il m
328
conversion, le chrétien n’ait plus qu’à attendre,
et
à subir en gémissant les lois d’un monde qu’il condamne ! Car alors,
329
qu’il condamne ! Car alors, où serait son refus ?
Et
quelle preuve aurions-nous de sa transformation ? Une mauvaise humeur
330
ur ignorance ou leur aveuglement quant au devoir,
et
au pouvoir, de l’homme transformé par la foi. L’homme nouveau, selon
331
lui adresse, il reconnaît du même coup l’origine
et
le but de sa vie : il connaît dès lors son péché, tout ce qui l’écart
332
monde. Car si le monde s’est livré à l’injustice
et
au désordre, c’est par la faute de l’homme, qui était son roi, et qui
333
c’est par la faute de l’homme, qui était son roi,
et
qui a trahi. Et tout péché individuel répète et aggrave cette faute.
334
te de l’homme, qui était son roi, et qui a trahi.
Et
tout péché individuel répète et aggrave cette faute. Ainsi : conscien
335
, et qui a trahi. Et tout péché individuel répète
et
aggrave cette faute. Ainsi : conscience du péché, connaissance de la
336
nsi : conscience du péché, connaissance de la fin
et
de l’origine, obligation d’agir pour racheter le mal commis, sont tro
337
nce de Dieu naît de l’obéissance », écrit Calvin.
Et
que serait une obéissance qui ne se manifesterait pas ? La transforma
338
hrétien : contre le monde dans sa forme présente,
et
pour le monde restauré dans la Promesse. Il faut aller plus loin que
339
rande portée. Voilà qui paraîtra plus scandaleux.
Et
cependant l’Évangile est formel : « Que servirait à un homme de gagne
340
on âme, c’est-à-dire la conscience de son origine
et
de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corpor
341
le voit le chrétien, de sauver sa vie matérielle
et
morale, d’échapper à la guerre, à la misère, à l’oppression, s’il ign
342
n est converti, laisser le monde aller son train,
et
les guerres se déchaîner, et les chômeurs mourir de faim ? Ce serait
343
nde aller son train, et les guerres se déchaîner,
et
les chômeurs mourir de faim ? Ce serait prouver qu’on n’est pas conve
344
erti. J’agirai donc, toutefois non pour le monde,
et
non pour sauver quelque bien, mais parce que je me sais responsable p
345
connais mon salut, je ne puis supporter mon péché
et
ses effets dans le monde réel où vivent les hommes — où meurent les h
346
proches réciproques que s’adressent les chrétiens
et
les marxistes Telle étant donc la conception chrétienne de l’homme
347
urte contre un meuble, se fâche contre les choses
et
les rend responsables. Il croit que c’est elles qu’il faut changer. I
348
par changer l’ordre matériel, l’ordre des choses,
et
que les hommes ensuite deviendraient plus habiles à s’entendre et à v
349
s ensuite deviendraient plus habiles à s’entendre
et
à vivre heureux ? « Changer la vie », criait l’enfant Rimbaud ! Et le
350
x ? « Changer la vie », criait l’enfant Rimbaud !
Et
les intellectuels de gauche reprennent aujourd’hui cette devise, pour
351
poser au « spiritualisme » autant qu’à la routine
et
au cynisme des conservateurs. Saint Paul n’a pas cette tragique naïve
352
ïveté. Il ne se fâche pas contre l’Empire romain,
et
ne désigne pas sa destruction comme premier objectif aux chrétiens. P
353
étiens. Pourtant l’Empire leur ôte toute liberté,
et
bientôt leur ôtera la vie ! Ne faut-il pas « aller au plus pressé »,
354
renverser les tyrans ? Ainsi parlent le bon sens,
et
le marxisme. Mais si l’Apôtre avait placé la lutte sur ce terrain que
355
es : il eût revêtu les formes du pouvoir déposé51
et
renvoyant à des temps plus paisibles l’évangélisation — sa raison d’ê
356
onsacré aux tâches plus urgentes : donner du pain
et
des spectacles à la foule. Mais Paul était apôtre et non pas dictateu
357
des spectacles à la foule. Mais Paul était apôtre
et
non pas dictateur. C’est pourquoi son message nous est encore prêché.
358
prêché. Il annonçait aux hommes non pas la haine
et
le cynisme — qui appartiennent à la forme du monde — mais la nouvelle
359
rie ardue, mais une présence immédiatement active
et
totalement salutaire, au nom d’une Personne vivante et de son amour é
360
talement salutaire, au nom d’une Personne vivante
et
de son amour éternel. Il annonçait l’homme changé. Trop beau tout cel
361
t vous parlez ? Sur une foi que ma raison refuse,
et
qu’elle m’ordonne d’ignorer. Je ne vois pas les effets d’une telle fo
362
ssants, soutenant partout les régimes rétrogrades
et
prêchant la résignation. C’est vraiment trop facile de se mettre en r
363
ence, en prétextant que l’intérieur importe seul,
et
que le « pain de vie » suffit à nourrir l’homme ! Peut-être suffit-il
364
du marxisme, c’est sa volonté proclamée, concrète
et
immédiate, de changer tout ; et non pas seulement l’« esprit » ou l’«
365
oclamée, concrète et immédiate, de changer tout ;
et
non pas seulement l’« esprit » ou l’« intérieur ». Or si le marxisme
366
rer chrétien. C’est que le sel a perdu sa saveur,
et
son amertume salutaire. C’est que la seule espérance véritable et cer
367
salutaire. C’est que la seule espérance véritable
et
certaine n’a plus été prêchée au monde avec une force d’attaque assez
368
e au monde avec une force d’attaque assez gênante
et
bouleversante. C’est que l’« esprit » qui devait être l’agent du chan
369
evait être l’agent du changement total, perpétuel
et
seul réel, est devenu le gardien des conformismes, ou du moins n’a pa
370
chrétien au marxiste. En gros : si Marx se trompe
et
réussit, c’est parce que Christ est mal prêché par ses disciples (que
371
les mêmes termes que la réaction. Mais ceci dit,
et
maintenu, il reste qu’en doctrine, et indépendamment de toutes nos fa
372
s ceci dit, et maintenu, il reste qu’en doctrine,
et
indépendamment de toutes nos fautes, l’objection marxiste ne vaut rie
373
e de me contenter d’un changement tout spirituel,
et
qui n’affecte en rien le cours des choses, je suis fondé à lui répond
374
t ‟une chose inquiète”, on ne l’a pas impunément,
et
si on l’a, cela se voit, des choses changent. Ce que tu me reproches,
375
st pas sa faute, à ce marxiste, mais notre faute,
et
tout d’abord la mienne.) Par contre, quand je reproche au marxisme sa
376
épart, dès l’origine doctrinale, intrinsèquement,
et
dans la mesure exacte où l’on est un marxiste convaincu, non point da
377
ocable, aujourd’hui manifeste. Erreur sur l’homme
et
sa mission cosmique. Erreur sur la personne — dans mon vocabulaire. M
378
que marxiste porte sur un christianisme dénaturé.
Et
l’essentiel du marxisme, je le répète, c’est sa volonté de changer le
379
sa volonté de changer le monde, le monde d’abord,
et
non pas l’homme d’abord, et le monde par lui. Or une telle volonté ne
380
de, le monde d’abord, et non pas l’homme d’abord,
et
le monde par lui. Or une telle volonté ne peut conduire qu’à l’excès
381
taline, mais par l’effet des conditions physiques
et
spirituelles de l’homme en ce qu’elles ont d’irréductibles à toute dé
382
tables que présentent la volonté du vrai chrétien
et
celle du communiste militant, ont tenté la synthèse pratique des deux
383
s nombreux qu’on ne le pense, souhaitent au moins
et
appellent cette synthèse, paraissant redouter je ne sais quel malheur
384
l’opérer. Dans la jeunesse universitaire chinoise
et
japonaise, le problème se posait avec urgence, aux environs de 1933,
385
thousiasme, « les deux Karl », c’est-à-dire Barth
et
Marx !54 C’est ici qu’une critique proprement théologique se révèle s
386
capable de marquer les limites existant en fait,
et
les distinctions décisives. La pratique du communisme n’est justiciab
387
ritique politique, économique, historique, etc.55
Et
je ne vois pas que le chrétien comme tel ait des lumières particulièr
388
ologique, ce sont les buts derniers du communisme
et
les postulats qu’il suppose. Qu’on me permette ici d’être un peu sché
389
ue l’opposition finale entre la croyance marxiste
et
la foi personnelle du chrétien suffit à expliquer tout le reste. Le c
390
rapportent leur accomplissement à un état dernier
et
invariable, à un terme futur et total, accessible au travers d’une lo
391
à un état dernier et invariable, à un terme futur
et
total, accessible au travers d’une longue tribulation, d’une longue p
392
gue tribulation, d’une longue passion temporelle.
Et
c’est la « foi », substance des choses espérées, qui permet seule de
393
on chrétien est au-delà de ce temps, est éternel,
et
par là même peut être immédiatement présent dans notre cœur56 alors q
394
fini, — cent ans, mille ans ou deux-mille ans ? —
et
ne peut exister hic et nunc. Comment l’opposition radicale de ces deu
395
position radicale de ces deux fins, la temporelle
et
l’éternelle, va-t-elle maintenant se manifester dans notre siècle ? L
396
ertit au christianisme, c’est un homme qui reçoit
et
qui saisit la Révélation en Personne. Et du coup le Royaume est au-de
397
i reçoit et qui saisit la Révélation en Personne.
Et
du coup le Royaume est au-dedans de lui. Cet homme n’est plus le maît
398
une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui seul
et
ici-bas, et qui anime désormais ses gestes et sa pensée la plus intim
399
venue d’ailleurs, mais pour lui seul et ici-bas,
et
qui anime désormais ses gestes et sa pensée la plus intime. Dès maint
400
eul et ici-bas, et qui anime désormais ses gestes
et
sa pensée la plus intime. Dès maintenant sa personne est recréée. Dès
401
s maintenant, elle entre en conflit avec le monde
et
ses formes mauvaises. Dès maintenant, elle porte témoignage en faveur
402
Marx voyait au terme de l’histoire : la personne.
Et
alors, il attaque le monde ! Mais un homme qui se convertit au commun
403
des deux, c’est le marxiste qui est l’utopiste ;
et
c’est le chrétien qui est le réaliste. (J’entends bien : le chrétien
404
le du communisme, c’est la libération de l’homme.
Et
moi je lui montre un homme libéré, tandis qu’il ne peut me montrer qu
405
i encore une autre différence, non moins radicale
et
urgente. Le chrétien converti a déjà l’essentiel : par là même, il se
406
marques du péché. Il est alors en face du monde,
et
au nom même de sa foi, dans la posture d’un révolutionnaire permanent
407
ais le marxiste, quelles que soient la souffrance
et
la colère qu’il éprouve devant les injustices présentes, du fait qu’i
408
croit que l’intérêt de l’homme est seul en jeu —
et
de l’homme tel qu’il le conçoit, être social — se verra fatalement ne
409
nce s’établit entre les intérêts sociaux présents
et
le désir d’aller au-delà, d’aller jusqu’à l’accomplissement final. Ca
410
si passionnée que soit l’espérance du marxiste —
et
non pas une présence exigeante et totalement animatrice. C’est ici la
411
e du marxiste — et non pas une présence exigeante
et
totalement animatrice. C’est ici la raison profonde des déviations di
412
pasmodiques qui agitent l’humanité (comme en 1789
et
en 1917), il faudrait que l’homme soit délivré de son péché, « changé
413
isme le maintient. Moyens d’action du chrétien
et
du marxiste Préparer le royaume de l’homme, ou témoigner par des a
414
l’action du chrétien, c’est le royaume de justice
et
d’amour. Tout acte qui contredirait, dans le présent, la loi d’amour
415
qui contredirait, dans le présent, la loi d’amour
et
de justice, même s’il était commis au nom des intérêts de l’Église ch
416
e en tant qu’elle vit dans chacun de ses membres,
et
non pas dans un ciel abstrait. Car le gage de l’action chrétienne n’e
417
l’action chrétienne n’est pas futur, mais éternel
et
donc présent. Si, pour sauver le futur de l’Église, je désobéis dans
418
, présent, futur, éternité. Je crucifie le Christ
et
je m’oppose à son retour. Il n’est donc pas d’« opportunisme » chréti
419
donc pas d’« opportunisme » chrétien qui tienne,
et
tous les moyens du chrétien doivent être aussi purs que sa fin. Tout
420
uge adéquats aux intérêts momentanés de son Parti
et
de sa classe. Ainsi Staline peut justifier en bonne doctrine « dialec
421
ner mais je doute qu’ils soient bien conséquents,
et
que leur indignation traduise la vraie volonté du marxisme, plutôt qu
422
n, l’hypocrisie suprême nommée « raison d’État »,
et
jusqu’à la guerre s’il le faut, sont des moyens parfaitement acceptab
423
es en tant qu’ils servent le progrès prolétarien,
et
préparent un avenir conforme à la doctrine59. Que leur importe une «
424
ine59. Que leur importe une « faute » personnelle
et
actuelle, puisqu’il n’y a pas de salut présent ni éternel, puisque le
425
es disciplines d’action que lui impose son parti,
et
qui comportent la haine et le mensonge : mais alors pour sauver le mo
426
lui impose son parti, et qui comportent la haine
et
le mensonge : mais alors pour sauver le monde, il perd sa raison d’êt
427
r le monde, il perd sa raison d’être personnelle,
et
renie justement cette foi qu’il croyait mieux servir dans le communis
428
n opposant, un « trotzkyste » ou un « saboteur »,
et
à tout le moins un militant suspect. Tout cela repose sur un fait uni
429
anscendance de la foi chrétienne se manifeste ici
et
maintenant et engage le tout de l’homme ; tandis que l’immanence de l
430
la foi chrétienne se manifeste ici et maintenant
et
engage le tout de l’homme ; tandis que l’immanence de la croyance mar
431
sse le fait humain total dans un avenir indéfini,
et
n’engage que certaines dispositions de l’être, celles-là précisément
432
te seule, puisqu’elle est, en effet, l’essentiel,
et
le but de tout autre changement. J’en vois beaucoup qui jugent que l’
433
up qui jugent que l’action personnelle de charité
et
de sacrifice, pour le mieux-être du prochain, suffit à compléter, si
434
si je puis dire, l’action proprement religieuse.
Et
j’entends bien que les sacrifices qu’ils font ne sont pas seulement «
435
spirituels », entraînent des risques financiers,
et
même parfois l’abandon de tous biens et d’intérêts humains très chers
436
nanciers, et même parfois l’abandon de tous biens
et
d’intérêts humains très chers. Mais je demande à ces chrétiens « chan
437
s’ils ont un souci suffisant des suites sociales
et
politiques qu’implique en fait leur attitude ? Et je pense en particu
438
et politiques qu’implique en fait leur attitude ?
Et
je pense en particulier aux membres du Mouvement des Groupes, qui rep
439
on spiritualiste qui menace notre vie chrétienne,
et
qui est la cause certaine des succès du marxisme. Tant que les chréti
440
en conflit avec certaines structures politiques,
et
contribue, par son action la plus intime, à la création d’autres form
441
d’autres formes. Il importe de savoir lesquelles,
et
de les préparer consciemment. Sinon nous laisserons le champ libre à
442
rétien peut apparaître plus historiquement défini
et
localisé : je n’en donnerai qu’un seul exemple, que je crois actuel e
443
soviétique : c’est la « mise au pas » de nos vies
et
de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que matériels, au se
444
obscurs, ils ont constitué des églises visibles (
et
même parfois trop visibles), organisées (parfois trop bien organisées
445
es qui s’opposent aux commandements du Décalogue,
et
au devoir d’amour chrétien. Le conflit est inévitable. Suffira-t-il d
446
rester l’objecteur que j’ai dit ? Un protestant,
et
je précise : un calviniste, doit être ici en mesure de répondre. De t
447
nce. Je ne rappelle qu’en passant les dragonnades
et
les guerres de religion qui les précèdent : on sait assez que ce fut
448
irement une organisation fédéraliste de l’Église,
et
même de l’État. Calvin n’a pas fondé, comme le répètent tous les manu
449
ités, voulues par Dieu, dans l’unité spirituelle.
Et
les suites de cette création sont encore visibles aujourd’hui : nulle
450
esprit totalitaire n’a trouvé moins de complicité
et
plus de résistance déclarée que dans les pays calvinistes, où la noti
451
sant, comme il serait facile, à l’esprit unitaire
et
impérial qui anime l’Église de Rome. Le grand souci d’œcuménisme, que
452
omposent. Ne fût-ce que pour cette seule raison —
et
j’en ai mentionné plusieurs autres —, un chrétien ne peut pas approuv
453
unisme63. Il lui faut donc en préparer une autre,
et
prendre enfin parti, positivement, dans l’immense lutte qui va mettre
454
e qui va mettre aux prises l’étatisme totalitaire
et
le fédéralisme libre. Responsabilité des chrétiens vis-à-vis des m
455
ar la chrétienté. Toutes les aspirations valables
et
généreuses du marxisme sont autant d’essais de sauvetage de vérités c
456
ations théocratiques ou séculières. Si la culture
et
si nos libertés civiques sont brimées, par le fait d’une doctrine et
457
civiques sont brimées, par le fait d’une doctrine
et
d’un État « matérialistes », il faut savoir que nous en sommes les re
458
prit détaché du réel, une liberté abstentionniste
et
inféconde. Tout le mal vient de notre esprit. C’est à lui de faire pé
459
Mais il faut aussi repartir. La tragédie de Marx
et
du marxisme, c’est de n’avoir pas su, ou pas pu opposer au mensonge s
460
iens vivants qui l’attachaient en Dieu à ses fins
et
à ses origines. Mais nous devons proclamer la vérité parfaite dont no
461
arx n’a pas cessé de critiquer l’« individu isolé
et
abstrait » (Thèses sur Feuerbach). 43. Marx, Critique de la philosop
462
r la vérité de sa pensée, c’est-à-dire sa réalité
et
sa puissance concrète. Réalité ou non de la pensée humaine isolée du
463
sans les œuvres n’est pas la foi (Jacq., 2, 26).
Et
Luther même n’a jamais dit autre chose, contrairement aux affirmation
464
uent sur les deux sens du mot œuvres (œuvres pies
et
action concrète). 46. Je parle, bien entendu, de la religion telle q
465
-dire l’homme concret, produit social selon Marx,
et
non pas créature spirituelle et charnelle. 48. En particulier, dans
466
ocial selon Marx, et non pas créature spirituelle
et
charnelle. 48. En particulier, dans les Thèses sur Feuerbach. On peu
467
coïncidence de la modification des circonstances
et
de la modification de l’activité humaine, ou transformation personnel
468
si l’on veut, que l’Église s’adresse à elle-même,
et
qui a pour fonction de corriger sans cesse, de rectifier le message a
469
e rectifier le message annoncé par la prédication
et
par les sacrements. C’est un acte d’obéissance, et c’est aussi un act
470
t par les sacrements. C’est un acte d’obéissance,
et
c’est aussi un acte d’humilité ; car toute parole humaine sur Dieu es
471
ne sur Dieu est nécessairement inadéquate en soi,
et
ne peut être qu’un renvoi à la Révélation seule parfaite, à Jésus-Chr
472
ort de sa fidélité à son fondement, à son contenu
et
à son but. Elle ne présente rien que l’on puisse comparer, fût-ce le
473
— ce serait la Personne vivante de Jésus-Christ,
et
non pas la théologie, simple autocritique de l’Église et du message q
474
pas la théologie, simple autocritique de l’Église
et
du message que l’on prêche dans l’Église. 50. « S’attendre à… » veut
475
n chrétienne. Toute autre cause est secondaire. »
Et
Henri de Man : « Je crois qu’il n’y a jamais eu de tentative révoluti
476
wa. 53. Je ne dis pas « les conditions physiques
et
spirituelles en ce qu’elles ont de permanent », car alors, le marxist
477
s de l’être même peuvent varier selon les milieux
et
la nature des institutions. (Ainsi le besoin prétendu « primordial »
478
à toute transformation sociale ? La mort physique
et
le péché. Mais aussi : la qualité, la fonction créatrice de l’esprit.
479
qui néglige la fonction spirituelle (créatrice),
et
la pesanteur du péché. Tandis qu’à l’inverse, on ne saurait établir q
480
opérée par exemple un Werner Sombart, un de Man,
et
en France, le groupe de l’Ordre nouveau. (Cf. en particulier la Révol
481
en particulier la Révolution nécessaire, par Aron
et
Dandieu, et sa critique de la notion d’échange chez Marx.) 56. « Les
482
er la Révolution nécessaire, par Aron et Dandieu,
et
sa critique de la notion d’échange chez Marx.) 56. « Les pharisiens
483
ieu ne vient pas de manière à frapper les regards
et
l’on ne dira pas : il est ici, ou bien : il est là ! Car voici que le
484
tique, nos affaires, nos intérêts dits matériels,
et
ceux des autres ! Exemple typique : l’auteur d’un des cantiques les p
485
doit indiquer les moyens justes qui la préparent.
Et
non pas justifier des moyens qui seraient en soi contraires à la just
486
en tant qu’ils approuvent la politique de Staline
et
ses moyens, connus de tous, ils approuvent le mensonge (affaire Zinov
487
écrivains), la haine de classe (prêchée par Marx)
et
la guerre (pour peu qu’elle soit censée défendre l’URSS). 60. Je n’e
488
es parties, constitution démocratique, fédérative
et
parlementaire. » À la base de tout, il y a l’église locale, ou parois
489
nger la vie ou changer l’homme ? », Le Communisme
et
les chrétiens, Paris, Plon, 1937, p. 203-233.
490
Vocation
et
destin d’Israël (1937)v Sens de « l’histoire » d’Israël Un pr
491
expression, à vrai dire très courante en allemand
et
qui sans doute a perdu sa vertu pour une oreille habituée : « Il se l
492
sa vertu pour une oreille habituée : « Il se lève
et
il tombe avec sa mission. » Nous ne savons rien du reste de sa vie, e
493
ission. » Nous ne savons rien du reste de sa vie,
et
n’avons nul besoin d’en rien connaître pour reconnaître la portée de
494
épuiseront — mais encore il y avait cet obstacle,
et
celui-là précisément qui paraît le plus décisif, à vues humaines, s’a
495
sse que Dieu fit à Abraham. Cette tribu « se lève
et
tombe » avec la mission qu’elle incarne : « Préparer les voies du Sei
496
rne : « Préparer les voies du Seigneur », espérer
et
prêcher le Messie, attendre activement l’invisible et plus que cela :
497
rêcher le Messie, attendre activement l’invisible
et
plus que cela : le jamais vu, ce qu’aucun autre peuple au monde n’a j
498
e, telle qu’on peut vraisemblablement la styliser
et
la chiffrer, c’est-à-dire, telle qu’elle fut déterminée par des facte
499
tre, que cette impuissance étonnante à construire
et
à conquérir… Ainsi les annales d’Israël sont celles d’une puissance i
500
les d’Israël sont celles d’une puissance imprévue
et
humainement imprévisible, qui ne fut jamais immanente aux conditions
501
tantes, leurs faux pas, leurs accès d’incroyance.
Et
toute leur grandeur est à Dieu, c’est-à-dire à la vocation qui les ar
502
eux, à ce destin de très piètre envergure. Foi
et
idolâtrie La considération du conflit séculaire que décrit l’Ancie
503
ament nous ramène avec une insistance innombrable
et
vraiment grandiose à cette opposition fondamentale d’une vocation et
504
se à cette opposition fondamentale d’une vocation
et
d’un destin, hors de laquelle on ne peut rien comprendre de ce qui to
505
Destin visible, insignifiant ; vocation invisible
et
triomphante : celle que prêchent les prophètes au peuple et qui seule
506
ante : celle que prêchent les prophètes au peuple
et
qui seule l’élève, l’assemble et donne un sens à la vie de chacun. Ce
507
phètes au peuple et qui seule l’élève, l’assemble
et
donne un sens à la vie de chacun. Ce peuple errait sans « fin » dans
508
propre » voie. Il vient de Dieu, il va vers Dieu,
et
c’est la loi de Dieu qui l’y conduit. C’est pourquoi son télos (sa fi
509
uoi son télos (sa fin dernière), est transcendant
et
mystérieux comme Dieu, unique en son essence, comme Dieu, et comme Di
510
ux comme Dieu, unique en son essence, comme Dieu,
et
comme Dieu objet de la foi seule. De la foi, et non de la vue ! Catég
511
, et comme Dieu objet de la foi seule. De la foi,
et
non de la vue ! Catégories absolument nouvelles, et qui joueront un r
512
non de la vue ! Catégories absolument nouvelles,
et
qui joueront un rôle déterminant dans l’éthique de l’Occident, même s
513
ccident, même sous les noms paganisés d’idéalisme
et
de réalisme au sens courant. Mais le conflit de la foi et de la vue n
514
alisme au sens courant. Mais le conflit de la foi
et
de la vue n’est en somme qu’un autre aspect du conflit de la vocation
515
omme qu’un autre aspect du conflit de la vocation
et
du destin. Il fait comprendre l’esprit de révolte qui tourmenta sans
516
. Car un but invisible aux mortels est une menace
et
une angoisse, au moins autant qu’une promesse. Une menace pour les «
517
trop négligés au profit d’on ne sait quel futur.
Et
une angoisse contre laquelle il est fatal que l’on cherche à se proté
518
herche à se protéger par quelque chose de visible
et
de tangible. Ainsi les Hébreux se rebellent, ils fuient dans le culte
519
hètes reviennent pour railler durement ces idoles
et
les traîtres qui les adorent : Mon peuple consulte son bois Et c’e
520
qui les adorent : Mon peuple consulte son bois
Et
c’est son bâton qui lui parle ! Car l’esprit de prostitution égare
521
ui parle ! Car l’esprit de prostitution égare
Et
ils se prostituent loin de leur Dieu ! (Osée, 4, 12) Cet « esprit de
522
esse de croire à ce que ses yeux ne peuvent voir,
et
qui pourtant fait toute sa grandeur, c’est la révolte du destin profa
523
du destin profane contre la vocation libératrice.
Et
de même que cette révolte, et ce destin, et ce besoin de voir, sont s
524
cation libératrice. Et de même que cette révolte,
et
ce destin, et ce besoin de voir, sont symbolisés au concret par les s
525
rice. Et de même que cette révolte, et ce destin,
et
ce besoin de voir, sont symbolisés au concret par les statues des ido
526
’on doute de sa vocation — de même cette vocation
et
la foi qu’elle implique ont un symbole, unique et univoque : l’Arche
527
et la foi qu’elle implique ont un symbole, unique
et
univoque : l’Arche de l’Alliance présente au sein du peuple, aussi no
528
rée : c’est elle qui rappelle à la fois l’origine
et
la fin du peuple en tant qu’il est un « nouveau » peuple, élu par Die
529
ant qu’il est un « nouveau » peuple, élu par Dieu
et
« mis à part »64. C’est à elle que tout acte se réfère, et non seulem
530
à part »64. C’est à elle que tout acte se réfère,
et
non seulement tout geste, mais toute pensée. Rien n’est plus neutre o
531
s neutre ou laissé au hasard, tout est « mesuré »
et
jugé dans la perspective de la fin assignée à toute la nation : l’Éte
532
a fin assignée à toute la nation : l’Éternel Dieu
et
son service. Ainsi l’Arche de l’Alliance nous apparaît comme l’exempl
533
mesure d’une civilisation, le canon d’une culture
et
d’un ordre social, le principe initial et final régulateur et en même
534
culture et d’un ordre social, le principe initial
et
final régulateur et en même temps animateur de toutes les œuvres d’un
535
e social, le principe initial et final régulateur
et
en même temps animateur de toutes les œuvres d’une nation, tant matér
536
res d’une nation, tant matérielles que politiques
et
spirituelles65. L’histoire des civilisations nous offre certes d’autr
537
e des Césars, papauté médiévale, empires égyptien
et
aztèque, Chine des grandes dynasties.) Mais la mesure des tribus hébr
538
roduit normal d’une évolution historique fécondée
et
cristallisée par l’intervention d’un grand chef. Elle est donc plus «
539
de l’Éternel ». Parce qu’elle est la loi de Dieu,
et
que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la conscience finale du peuple
540
la Loi est la conscience finale du peuple hébreu.
Et
parce qu’elle est la loi de Dieu — qui définit la vérité —, elle port
541
porte en elle la règle permanente de toute action
et
de toute pensée. Vraie mesure donc, et parfaitement commune. On porte
542
ute action et de toute pensée. Vraie mesure donc,
et
parfaitement commune. On porte l’Arche au-devant des armées, dans la
543
sible. Dieu est au ciel, sa loi est sur la terre,
et
les prêtres sont là pour veiller sur l’Alliance. Et si ces « clercs »
544
les prêtres sont là pour veiller sur l’Alliance.
Et
si ces « clercs » viennent à trahir, cédant à leur penchant immémoria
545
nnent à trahir, cédant à leur penchant immémorial
et
bien connu, s’ils oublient que le Dieu qu’ils servent est un Dieu qui
546
me « jaloux », les Prophètes se lèvent contre eux
et
dénoncent leur idolâtrie66. Remarquons que la notion d’idolâtrie débo
547
oi, mais vue, tout ce qui est refus d’obéissance,
et
imagination d’un autre bien. Idole tout ce qui détourne de la seule v
548
gislation divine, mais dont l’homme s’est emparé,
et
dont il fait sa chose, oubliant son Auteur. C’est alors que la lettre
549
me, au lieu de le secourir en incarnant l’esprit.
Et
c’est à cette ultime tentation que devaient succomber les plus grands
550
fit plus tard des Pères de l’Église, des évêques
et
des cardinaux : les pharisiens. Condamnant au nom de la Loi celui-là
551
ttre, celui dont cette lettre préparait la venue,
et
qui seul lui donnait son sens… ⁂ Rien ne me paraît plus propre à conf
552
ponse à Appion 67, a été le seul dont les actions
et
les paroles ont été conformes. » Car il n’a pas seulement formulé des
553
pas seulement formulé des lois justes, complètes
et
très détaillées, mais il a veillé à ce qu’elles fussent connues de to
554
arce que rien n’est si capable de la faire naître
et
de l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments de la grandeur de D
555
voir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu,
et
d’être élevés dans une même manière de vivre, et dans les mêmes coutu
556
et d’être élevés dans une même manière de vivre,
et
dans les mêmes coutumes ; car on n’entend point parmi nous parler div
557
it tout ce qui se passe dans le monde. Nos femmes
et
nos serviteurs en sont persuadés comme nous : on peut apprendre de le
558
ur bouche les règles de la conduite de notre vie,
et
que toutes nos actions doivent avoir pour objet de plaire à Dieu.
559
’effroi au spectacle d’un ordre social, spirituel
et
matériel, aussi fanatiquement lié et suspendu à l’invisible. Le moder
560
l, spirituel et matériel, aussi fanatiquement lié
et
suspendu à l’invisible. Le moderne en ressent comme une offense à cet
561
ntions négligées, méprisées ! Nous adorons la Vie
et
le Progrès, le foisonnement et la diversité, et toute mesure ne serai
562
ous adorons la Vie et le Progrès, le foisonnement
et
la diversité, et toute mesure ne serait à nos yeux qu’une occasion de
563
e et le Progrès, le foisonnement et la diversité,
et
toute mesure ne serait à nos yeux qu’une occasion de dépassement… Oui
564
ssement… Oui, la Richesse est notre dernier dieu,
et
c’est peut-être le secret de l’expansion, mais aussi de l’anarchie fi
565
gue singulière au mépris de tout « sens » commun,
et
convoquant enfin, à grands frais d’inventions, la vieille malédiction
566
dilemme qui se trouve posé à toute civilisation,
et
d’une manière très urgente à la nôtre, est assez clairement défini pa
567
que l’on peut faire de notre richesse anarchique,
et
rendue presque vaine par ses excès, avec la pauvreté pleine de sens e
568
ne par ses excès, avec la pauvreté pleine de sens
et
de grandeur qu’imposait la Loi d’Israël. Ce que l’on perd et ce que l
569
eur qu’imposait la Loi d’Israël. Ce que l’on perd
et
ce que l’on gagne à sacrifier à une « mesure », voilà ce dont l’exemp
570
énie sombre lui montrait l’envers de toute chose,
et
avec des accents d’amère ironie, proclamait que la justice à l’ancien
571
ce qui est grand, c’est ce qui comble la mesure,
et
non pas ce qui la dépasse. Ce n’est pas la richesse, mais la fidélité
572
ieu vivant est une obéissance directe « en esprit
et
en vérité ». Or abstraire, c’est d’abord s’abstraire de l’immédiat. E
573
straire, c’est d’abord s’abstraire de l’immédiat.
Et
c’est aussi, dans une certaine mesure, douter… Ainsi donc, pour l’Héb
574
hants de la terre, ont réellement rythmé l’action
et
vérifié l’étymologie grecque de poésie, qui est agir. Point d’arts fi
575
imaginatifs. La loi les interdit par le deuxième
et
le troisième commandement. « Tu ne te feras pas d’image taillée, ni d
576
sont en haut dans les cieux, en bas sur la terre,
et
dans les eaux plus bas que la terre. » Cela condamne toute espèce d’a
577
ux devant ma face » — cela condamne la mythologie
et
la fabulation, où les Aryens puisent leur art de tromper et de se sat
578
lation, où les Aryens puisent leur art de tromper
et
de se satisfaire d’illusions. Point de science purement technique : l
579
, remarque encore Renan : « L’esprit prophétique,
et
les institutions qui en naissent, au moins virtuellement, interdisaie
580
ment, interdisaient le développement commercial71
et
industriel. » Que reste-t-il de ce que nous nommons culture ? Philoso
581
e : l’accomplissement d’une vocation spirituelle.
Et
les moyens de cet accomplissement sont les moyens les plus élémentair
582
s hommes ont de commercer : l’écriture, la parole
et
l’action, — la tradition, la prophétie, la guerre… Mais cet extrême d
583
résidu d’exclusions fanatiques, se trouve sauver
et
garantir la possession de ce que notre Occident lui-même a défini com
584
, c’est de concentrer les puissances de la nature
et
de la société dans les, mains de l’homme responsable, et dont l’espri
585
a société dans les, mains de l’homme responsable,
et
dont l’esprit connaît un but auquel il dédie toutes ses œuvres, l’on
586
uvreté même, qu’à cause de l’absolu de sa mesure,
et
de la promesse qu’elle portait. ⁂ Revenons encore à Josèphe : Quant
587
changements, nous attribuons au contraire à vertu
et
prudence, de demeurer constamment dans l’observation des lois et des
588
demeurer constamment dans l’observation des lois
et
des coutumes de nos ancêtres, parce que c’est une preuve qu’elles ont
589
as efforcer de les observer très religieusement ?
Et
quelle conduite peut être plus juste, plus excellente et plus sainte,
590
le conduite peut être plus juste, plus excellente
et
plus sainte, que celle dont ce souverain Monarque de l’univers est l’
591
nement peut donc être plus parfaite que la nôtre,
et
quels plus grands honneurs peut-on rendre à Dieu, puisque nous sommes
592
à ce qu’il ne se fasse rien qui y soit contraire,
et
que toutes choses ne sont pas mieux réglées le jour d’une fête solenn
593
fs72. Mais cette promesse, enfin, s’est incarnée.
Et
les juifs l’ont méconnue prenant prétexte de la Loi, cette « ombre de
594
pour repousser le Christ, qui était « l’esprit »
et
la réalité finale de la Loi. Dès lors, la Loi est « accomplie » comme
595
« accomplie » comme le dit Jésus-Christ lui-même,
et
elle l’est d’une double manière : parce qu’elle a abouti — le Messie
596
e : parce qu’elle a abouti — le Messie est venu —
et
parce qu’elle a perdu son sens en condamnant celui qu’elle annonçait.
597
us, il est lui-même cette mesure, cette Alliance,
et
ce sont ceux qui adorent encore l’ancienne Loi, « déclarée vieillie »
598
oi le peuple juif, qui n’a pas cru à sa victoire,
et
qui repousse la nouvelle mesure, c’est-à-dire la Nouvelle Alliance, e
599
t aujourd’hui le peuple sans mesure, sans limites
et
sans foyer. Sans espérance, il crée des utopies. Sans obéissance, il
600
brisait avec le nationalisme exclusif du judaïsme
et
assumait une mission de portée universelle. Il revendiquait toutefois
601
uait toutefois en même temps l’héritage d’Israël,
et
l’attraction qu’il exerçait venait non des principes généraux de la p
602
pure tradition hébraïque, représentée par la Loi
et
les Prophètes. L’Église primitive se regardait comme le second Israël
603
t précisément ce sens de la continuité historique
et
de la solidarité sociale qui distingua l’église chrétienne des religi
604
ngua l’église chrétienne des religions à mystères
et
des autres cultes orientaux de cette époque, et qui fit d’elle dès so
605
s et des autres cultes orientaux de cette époque,
et
qui fit d’elle dès son apparition la seule rivale véritable et la seu
606
elle dès son apparition la seule rivale véritable
et
la seule remplaçante possible de la religion officielle de l’Empire73
607
inir en raccourci le double héritage que l’Église
et
l’Europe ont repris des mains d’Israël : héritage divin de l’« électi
608
a grandeur de l’Église — mais dont les déviations
et
perversions ravagent l’Europe depuis le xviie siècle, et menacent au
609
rsions ravagent l’Europe depuis le xviie siècle,
et
menacent aujourd’hui de la détruire74. Il ne saurait être question de
610
s son ensemble l’évolution des éléments culturels
et
civilisateurs qui survécurent à la chute d’Israël, au moins aussi fon
611
damentaux pour l’Occident que la raison des Grecs
et
l’ordre des Romains. Il m’appartient seulement de préciser en quelque
612
ans la Réforme par le retour à l’Ancien Testament
et
aux traditions prophétiques. Mais sait-on à quel point tout cela vit
613
Jonas dans sa baleine, l’ânesse de Balaam, David
et
Jonathan, Absalon pris par les cheveux, le jeune Samuel appelé trois
614
y a bien davantage que cet arrière-plan poétique,
et
ces exemples d’une morale parfois scandaleusement antibourgeoise ! Le
615
eusement antibourgeoise ! Le thème de la vocation
et
le thème du peuple élu sont de ceux qui émeuvent le plus profondément
616
ent signalées entre le sort des tribus dispersées
et
celui du « petit troupeau » longtemps chassé de son pays ; ni les res
617
ni les ressemblances entre les formes d’activité
et
d’attitude sociale adoptées par les deux « nations »76. Ce qui est dé
618
alogie, ce qui lui donne son seul sens acceptable
et
la situe dans son ordre réel, c’est que, dans les deux cas, la perséc
619
éel, c’est que, dans les deux cas, la persécution
et
l’isolement minoritaire sont considérés comme « normaux » : ils expri
620
ment le destin spirituel, dans un monde incrédule
et
rebelle, de ceux que Dieu s’est « choisis » pour témoins, en tant que
621
surance d’être l’objet, par une grâce périlleuse,
et
dans la foi, les calvinistes, dès la fin du xvie siècle, se considèr
622
e péché, dans une économie provisoirement vivable
et
propre à entretenir l’attente active du Messie, de même l’éthique cha
623
de ces richesses « comme n’en usant pas », au nom
et
par la charge du Seigneur qui est venu, et qui doit revenir. Telle es
624
au nom et par la charge du Seigneur qui est venu,
et
qui doit revenir. Telle est sans doute la racine authentique du purit
625
u que c’était là l’origine du capitalisme moderne
et
de ses principales valeurs éthiques. Mais Sombart lui répond que le c
626
rt lui répond que le capitalisme est plus ancien,
et
qu’il est d’origine judaïque78. Ce n’est pas ici le lieu de prendre p
627
su définir clairement. Mais je retiens que l’une
et
l’autre hypothèse rattache le capitalisme à des attitudes religieuses
628
de noter que le parallélisme se poursuit même, —
et
peut-être surtout — dans les déviations qualifiées que subirent l’éth
629
éviations qualifiées que subirent l’éthique juive
et
l’éthique puritaine, à mesure qu’elles « réussissaient ». Le spiritua
630
contraire exact : c’est le matérialisme jouisseur
et
cynique que les nazis reprochent aux Juifs allemands capitalistes, av
631
sme stérilisant, l’esprit d’abstraction inhumaine
et
chimérique, au surplus troublé de sentimentalisme, que l’on dénonce à
632
ont cessé de croire à la mission de leur peuple,
et
qui exercent désormais à vide les facultés psychologiques fortement d
633
anglais, cédant aux tentations du succès immédiat
et
contrôlable, s’est transformé dans le Nouveau Monde d’une part en vol
634
part en utilitarisme platement moralisant ; l’une
et
l’autre de ces déviations traduisant une totale perte de conscience d
635
ence des fins religieuses de l’éthique puritaine,
et
transformant en tyrannie absurde ce qui était à l’origine une attitud
636
t à l’origine une attitude d’obéissance à la foi,
et
de renoncement à soi-même. Corruptio optimi pessima… La vocation c
637
ème central que pose à la pensée d’un protestant,
et
particulièrement d’un calviniste, l’exemple d’Israël et de sa chute.
638
ticulièrement d’un calviniste, l’exemple d’Israël
et
de sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin est centrée sur la
639
sraël qui était le peuple élu, a trahi sa mission
et
s’est livré à son destin. Sa dispersion en est le châtiment. Serait-i
640
. Serait-il donc possible de perdre sa vocation ?
Et
que devient celui qui la trahit, soit qu’il rejette ses ordres, soit
641
Dieu prédestine tout homme dès avant sa naissance
et
ses œuvres ? Ce problème n’est pas gratuit : il touche au cœur de la
642
aint Paul au chapitre XI de l’Épître aux Romains.
Et
sans doute ce texte illumine aussi profondément qu’il est possible le
643
enu ce qu’il cherche : mais les élus l’ont obtenu
et
les autres ont été endurcis » (v. 7). Ainsi, « c’est par suite de la
644
« Or, si leur faute a fait la richesse du monde,
et
leur amoindrissement la richesse des païens, que ne fera pas leur com
645
totalité des païens soit entrée (dans l’Église) ;
et
ainsi tout Israël sera sauvé » (v. 25-26) … « Car les dons et l’appel
646
t Israël sera sauvé » (v. 25-26) … « Car les dons
et
l’appel de Dieu sont irrévocables » (v. 29). Hoc est verbum praeclar
647
t, dans son Commentaire sur l’Épître aux Romains.
Et
Calvin dit du même verset que c’est « une fort belle sentence ». Ains
648
Commentaires, sur Rom. II, 26.) Le sort du monde,
et
l’on pourrait même dire : la date de son salut final, dépend ainsi de
649
t final, dépend ainsi de la conversion des Juifs.
Et
ceci nous révèle la plus profonde raison des sentiments « ambivalents
650
à l’égard du peuple d’Israël. Tout dépend de lui,
et
il refuse ! D’où la haine sourde, et en même temps le respect religie
651
pend de lui, et il refuse ! D’où la haine sourde,
et
en même temps le respect religieux qu’on lui porte. Peut-être n’est-i
652
re position, mais au nom des promesses de la foi,
et
dans une perspective missionnaire qui réduit à leurs justes proportio
653
vaste que ne peuvent le concevoir nos polémiques.
Et
son issue ne dépend ni de nous seuls, ni d’eux seuls. On dit : les Ju
654
croyant ? Leur faute a fait la richesse du monde.
Et
cette richesse s’appelle le salut. 64. Il faut bien voir que le «
655
ure que l’on codifiait les relations des « élus »
et
des « gentils ». On sait à quel point cette codification fut poussée.
656
des prêtres) était tenu par les sacrificateurs. «
Et
ils n’en épousaient point qui aient été captives, de peur qu’elles n’
657
des livres mosaïques est attribuée par Wellhausen
et
son école à des disciples des grands prophètes. Ce serait donc le pro
658
u — celui que la Bible appelle Moïse — aurait bel
et
bien donné les rudiments de la Loi au peuple juif dès la sortie d’Égy
659
ble pour la période primitive. 72. Abraham déjà,
et
les prophètes, ont vu « le jour du Seigneur ». Saint Paul et l’auteur
660
hètes, ont vu « le jour du Seigneur ». Saint Paul
et
l’auteur de l’Épître aux Hébreux (chap. II) insistent fortement sur c
661
73. Christopher Dawson, Les Origines de l’Europe
et
de la civilisation européenne, trad. française, chez Rieder, 1934, p.
662
’être transcendante, devient humaine, contingente
et
partielle, et n’étant plus totale, se veut encore totalitaire, on a l
663
dante, devient humaine, contingente et partielle,
et
n’étant plus totale, se veut encore totalitaire, on a l’État-nation-P
664
f. Ramuz. 76. Par exemple : cohésion spirituelle
et
matérielle des divers membres de ces nations éparses ou persécutées,
665
ou persécutées, esprit à la fois traditionaliste
et
hardiment novateur, génie financier, niveau de culture élevé, etc. 7
666
» de richesses des couvents anglais au Moyen Âge,
et
aux banques de l’Italie du Nord. Les responsabilités se partageraient
667
r les textes, note en effet cette restriction : «
Et
aussi ne faut-il pas entendre ceci de toute vocation, mais de celle p
668
rité d’Abraham : vu que le propos était nommément
et
spécialement d’icelle vocation. » (Commentaires, sur Rom. II, 29). v
669
Rom. II, 29). v. Rougemont Denis de, « Vocation
et
destin d’Israël », Les Juifs, Paris, Plon, 1937, p. 143-165.
670
i qu’on imagine. Car on fait pis que de l’ignorer
et
même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savo
671
nnent d’y trouver si peu de substance théologique
et
tant de plaisanteries parfois grossières, de platitudes, de contradic
672
ie jusqu’à cet excès grandiose d’assimiler Luther
et
M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’opinion moyenne sur
673
t pas lorsqu’il parut (en 1936) à louer la mesure
et
la sérieuse information théologique… Ceci dit, il est juste d’insiste
674
ouvrages publiés par MM. Henri Strohl, J. Vignaud
et
Lucien Febvre et aux cours, qu’ont professés MM. Jean Baruzi et E. Gi
675
par MM. Henri Strohl, J. Vignaud et Lucien Febvre
et
aux cours, qu’ont professés MM. Jean Baruzi et E. Gilson, pour ne rie
676
re et aux cours, qu’ont professés MM. Jean Baruzi
et
E. Gilson, pour ne rien dire — mais cela va de soi — de l’activité de
677
alomnies recueillies par des biographes amateurs,
et
à l’action de la polémique catholique (Denifle, Maritain, Grisar), me
678
éfinir symboliquement les pôles : pensée « pure »
et
pensée « engagée », ou encore attitude du « spectateur » et attitude
679
« engagée », ou encore attitude du « spectateur »
et
attitude du « témoin ». Opposition qui, sur le plan théologique, ou m
680
s de la religion s’ajoutant à ceux de la raison),
et
d’un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain » parc
681
excellence, mais au centre, aussi, de la Réforme,
et
de l’effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à un pamphlet, e
682
perçoit sans tarder que la discussion avec Érasme
et
sa Diatribe (souvent personnifiée), n’est en fait que le support appa
683
premières pages) par les procédés de l’humaniste
et
du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche
684
Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir
et
reposer avec puissance toutes les affirmations fondamentales de la Ré
685
e : justification par la foi, qui est don gratuit
et
œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice
686
de cette justice de Dieu à la justice des hommes
et
de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les terme
687
odifiée ; sens de la décision totale entre un oui
et
un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moi
688
a décision totale entre un oui et un non absolus,
et
refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moins rationnelle entr
689
re les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi
et
du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témoignage fid
690
du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage,
et
du témoignage fidèle, certifié par l’Esprit et la Bible, et constitua
691
e, et du témoignage fidèle, certifié par l’Esprit
et
la Bible, et constituant la véritable « action » de l’homme entre les
692
ignage fidèle, certifié par l’Esprit et la Bible,
et
constituant la véritable « action » de l’homme entre les mains de Die
693
s’impliquent très étroitement les uns les autres,
et
ne peuvent être mieux saisis que dans l’unique et perpétuelle questio
694
et ne peuvent être mieux saisis que dans l’unique
et
perpétuelle question que nous posent toutes les pages de la Bible. Il
695
Ils renvoient tous à la question du Christ : « …
et
toi, maintenant, crois-tu cela ? » — Si tu le crois, si tu as reçu la
696
ire siens, puisqu’il croit au mérite des œuvres ;
et
tous les protestants qui jugent encore que Calvin et Luther ont fait
697
tous les protestants qui jugent encore que Calvin
et
Luther ont fait leur temps — que dire de Paul, bien plus ancien — tou
698
olonté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme
et
son armée de grands docteurs de tous les siècles, pour soutenir le li
699
l’homme de contribuer à son salut par ses efforts
et
ses œuvres morales. Que trouveront-ils, dès lors, dans ce Traité ? Un
700
ante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre
et
têtue, qui va droit au point décisif, envisage honnêtement les object
701
se toutes ses chances, non sans ironie toutefois,
et
sait enfin conférer à son choix la force et la simplicité d’une const
702
fois, et sait enfin conférer à son choix la force
et
la simplicité d’une constatation évidente. D’un point de vue purement
703
rement esthétique, ces qualités sont assez rares,
et
chez Luther assez flagrantes, pour qu’un lecteur qui refuse l’essenti
704
r qui refuse l’essentiel soit tout de même attiré
et
subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage. (Nous ne savons que t
705
rme, admirer l’une quand nous condamnons l’autre,
et
vice versa.) Mais une fois reconnue cette maîtrise, qu’on attendait d
706
oyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul
et
des Apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas propremen
707
que Luther est obligé d’utiliser pour débrouiller
et
supprimer les faux problèmes où la Diatribe voulait l’embarrasser31.
708
ue théologien, que Luther s’applique à répondre ;
et
c’est même la plus dure ironie — quoique involontaire, je le suppose
709
uther nie le libre arbitre. Ceci pourrait suffire
et
doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’un moderne, l’objectio
710
tement anachronique, mais que je sais inévitable,
et
qui consiste à affirmer que Luther est « déterministe ». Mais le séri
711
Mais le sérieux théologique est chose trop rare,
et
pour beaucoup trop difficile à concevoir, pour qu’on puisse écarter c
712
ucune liberté, car en réalité, Dieu a tout prévu,
et
rien n’arrive que selon sa prévision. Luther ne pose pas seulement l’
713
e pas seulement l’omnipotence, mais l’omniscience
et
la prescience éternelle de Dieu, qui ne peut faillir à sa promesse, e
714
nelle de Dieu, qui ne peut faillir à sa promesse,
et
auquel nul obstacle ne s’oppose. Que devient alors notre effort ? Il
715
ire que ta vie était une partie à jouer entre toi
et
le monde, par exemple ; ou encore entre l’individu et le Sort, cette
716
e monde, par exemple ; ou encore entre l’individu
et
le Sort, cette idole païenne ? C. M. — J’ai besoin de le croire pour
717
gi par de puissantes forces sociales, historiques
et
économiques ? Toute ta science ne s’occupe-t-elle pas, justement, à l
718
’éternité qui est avant le temps, qui est en lui,
et
qui est encore après lui. Au regard de Dieu, donc, « tout est accompl
719
, ce qui, avouons-le, les ridiculise complètement
et
les rend vaines en fin de compte : car je sens, malgré tout, que je l
720
je sens, malgré tout, que je les fais librement,
et
tu viens me dire qu’elles sont prévues ! Et prévues par un Dieu étern
721
ment, et tu viens me dire qu’elles sont prévues !
Et
prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi indignement ! I
722
i Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’agir,
et
que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. C’est peut-être mal
723
ssi était prévu ? Pourrais-tu ne pas le fournir ?
Et
si tu décidais : « je suis, donc Dieu n’est pas ! »32 qui t’assurerai
724
ait-ce pas justement être rivé au temps sans fin,
et
refuser l’éternité qui vient nous délivrer du temps ? C. M. — Mais m
725
er du temps ? C. M. — Mais mon temps est vivant,
et
plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’imag
726
— Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes
et
la raison ne peuvent l’imaginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’
727
morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie,
et
que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éte
728
lle n’est pas au contraire la source de tout acte
et
de toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité
729
t acte et de toute création, une invention totale
et
perpétuelle, une actualité permanente, la seule chose qui change quel
730
le ? C’est un mystère plus profond que notre vie,
et
la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère q
731
tre vie. C’est un mystère que le croyant pressent
et
vit au seul moment de la prière. « Demandez et l’on vous donnera », d
732
nt et vit au seul moment de la prière. « Demandez
et
l’on vous donnera », dit le même Dieu qui nous prédestina ! Quand le
733
à Dieu, au nom de sa promesse, une prière précise
et
instante, ne vit-il pas ce paradoxe et ce mystère : croire que « l’Ét
734
re précise et instante, ne vit-il pas ce paradoxe
et
ce mystère : croire que « l’Éternel est vivant », croire que sa volon
735
e succession. Mais au contraire, nos divers temps
et
successions procèdent de l’Éternel et lui sont liés : nous venons de
736
ivers temps et successions procèdent de l’Éternel
et
lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en
737
nt ! Est-ce que nos objections « philosophiques »
et
notre crainte du « fatalisme » ne reposent pas, le plus souvent, sur
738
sières ?… C. M. — On peut aussi nier l’éternité,
et
affirmer que seul existe notre temps. Dans ce cas, tu n’as rien prouv
739
peut nous conduire qu’au seuil de cette décision.
Et
nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons pu dégager l’altern
740
a que la résistance acharnée du « vieil homme »,
et
les prétextes toujours très moraux, et même très pieux, qu’invoque no
741
l homme », et les prétextes toujours très moraux,
et
même très pieux, qu’invoque notre révolte… Réalité radicale du pro
742
lème Dans l’Église, une fois acceptés le Credo
et
son fondement, qui est la Parole dite en nous par l’Esprit et attesté
743
ment, qui est la Parole dite en nous par l’Esprit
et
attestée par l’Écriture, — or, cette Parole est Christ lui-même, — il
744
ther n’est pas sujette à de sérieuses objections.
Et
la démonstration purement biblique qu’on en trouvera dans ce traité,
745
ormulé avant toute « tradition ecclésiastique » ;
et
tous les Pères et tous les siècles dont se réclame Érasme n’y changer
746
« tradition ecclésiastique » ; et tous les Pères
et
tous les siècles dont se réclame Érasme n’y changeront rien : « Trava
747
nt rien : « Travaillez à votre salut avec crainte
et
tremblement, puisque c’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le
748
puisque c’est Dieu qui produit en vous le vouloir
et
le faire » (Phil. 2, 12-13). C’est parce que Dieu fait tout que nous
749
arce que Dieu a tout prévu que nous avons en lui,
et
en lui seul, la liberté. Mais cela n’apparaît qu’à celui qui ose alle
750
jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même
et
de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrémisme » é
751
es sophistes n’étaient que trop portés à corriger
et
à « humaniser », au risque d’« évacuer la Croix ». Tant qu’on n’a pas
752
aucune liberté, par nous-mêmes, dans notre péché.
Et
à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond de la connaissance
753
entation de Luther vise le moment de la décision,
et
néglige les moyens termes où voulait se complaire Érasme. Le problème
754
mort. Or il est seul en cause pour le théologien.
Et
tout est clair lorsque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout n
755
u mal. Tout le reste est psychologie, littérature
et
scolastique. Il n’en reste pas moins qu’aux yeux de la raison — cette
756
que nous nommons ici un paradoxe demeure une pure
et
simple absurdité. Mais alors, on peut se demander si ceux qui refusen
757
t correspondre, terme à terme, à celui que Luther
et
Paul — et l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’il a poussé comme
758
ndre, terme à terme, à celui que Luther et Paul —
et
l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’il a poussé comme Luther, j
759
qu’il l’a « tué », il imagine le Retour éternel.
Et
comme ce Retour éternel paraît exclure toute liberté humaine, il se m
760
met à prêcher l’amor fati, l’adhésion volontaire
et
joyeuse à la fatalité inéluctable. C’est dans cette volonté de reconn
761
otre totale irresponsabilité, qu’il croit trouver
et
regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu. Être libre, c’est v
762
e.) La similitude étonnante du paradoxe luthérien
et
du paradoxe nietzschéen ne saurait être ramenée à quelque influence i
763
amentale que posent les rapports de notre volonté
et
de l’éternité souveraine, demeure entière. La différence, c’est que N
764
équat, si ce n’est peut-être le de servo arbitrio
et
le Catéchisme. » 31. Luther avertit à chaque fois : « nécessité cond
765
vertit à chaque fois : « nécessité conditionnelle
et
nécessité absolue, comme ils disent », et ce ils désigne « les sophis
766
onnelle et nécessité absolue, comme ils disent »,
et
ce ils désigne « les sophistes », c’est-à-dire les scolastiques. 32.
767
n un instant, en un clin d’œil… » 34. Modiculum
et
minimum, écrit Érasme ! 35. Voir Karl Löwith : Nietzsches Philosophi
768
erkunft des Gleichen, Berlin, 1935, p. 61, 83, 85
et
suiv. en particulier. o. Rougemont Denis de, Luther Martin, « [Préf
769
est ainsi qu’on peut distinguer, dans l’idéalisme
et
dans le réalisme, ou dans le rationalisme et dans le pragmatisme, etc
770
isme et dans le réalisme, ou dans le rationalisme
et
dans le pragmatisme, etc., un ensemble de suppositions communes qui n
771
ent renfermer la véritable raison de rejeter l’un
et
l’autre système, sans plus nous attacher à combattre leurs erreurs re
772
stitue l’unité de vision, la plénitude de volonté
et
en quelque sorte la bonne conscience nécessaire à toute œuvre constru
773
résence de la plupart des philosophies de naguère
et
d’aujourd’hui, telles qu’elles se présentent à nous. Avant même d’en
774
entent à nous. Avant même d’en pénétrer le détail
et
d’en critiquer la structure propre, nous nous sentons repoussés par q
775
tout. Nos analyses ne nous donnent en elles-mêmes
et
d’une façon précise rien de suffisant pour justifier ce mouvement de
776
l’esprit ait proclamé, lui aussi, son autarchie,
et
qu’il puisse se donner des lois qui ne tiennent plus compte de la cri
777
qui ne tiennent plus compte de la crise du monde,
et
de celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’est dégagé des coordon
778
urne à ses dépens. On peut continuer la métaphore
et
dire que la pensée dont nous souffrons est une pensée débrayée. Un mo
779
moteur débrayé n’en ronfle que mieux, d’ailleurs,
et
fait plus de bruit qu’en « prise ». Il arrive même qu’il tourne si vi
780
brayage serait immédiatement fatale à la machine,
et
ferait voler en éclats les engrenages. La merveilleuse subtilité d’un
781
à la fois son manque de coordonnées, d’une part,
et
, d’autre part, le sentiment de division et de diminution qu’elle favo
782
part, et, d’autre part, le sentiment de division
et
de diminution qu’elle favorise en nous : ce mot serait celui d’inactu
783
temporel, mais au sens de rupture entre la pensée
et
l’acte. ⁂ Que la pensée moderne repose sur un postulat d’inactualité,
784
qui le partagent restent gratuites, relativistes
et
inactuelles dans leur ensemble. Le « libéralisme » idéaliste, ce « la
785
lité que nos philosophies n’en peuvent concevoir.
Et
s’il y a du désordre, c’est que ces philosophies sont tout de même mo
786
de ce désordre : c’est la rupture entre la pensée
et
l’acte, rupture qui, d’une part, amorce l’anarchie, d’autre part, la
787
part, amorce l’anarchie, d’autre part, la freine
et
la prive pour le moment de virulence. Cet état d’équilibre entre le m
788
virulence. Cet état d’équilibre entre le microbe
et
la maladie ne peut mener qu’à une consomption lente, ou à des acciden
789
ême la thérapeutique que nous voudrions proposer,
et
qui serait un traitement préventif par l’actualisation, c’est-à-dire
790
if par l’actualisation, c’est-à-dire par l’effort
et
la volonté de confondre l’opération propre de la pensée avec l’acte q
791
l’acte qui la certifie1. À vrai dire, cet effort
et
cette volonté sont déjà présents, avant toute analyse, dans le sentim
792
ourrions-nous le définir, nous disons seulement —
et
littéralement — comment pourrions-nous faire comprendre de quoi il s’
793
r recours à une méthode rigoureusement indirecte,
et
en quelque sorte négative. Car, en vérité, il n’y a pas pour nous de
794
e l’acteur. On ne peut pas photographier un acte,
et
donner ensuite la description de la photo comme la description d’un a
795
elle n’est plus qu’un objectif, inactuel en soi,
et
problématique. Qu’on nous permette de reprendre ici une distinction i
796
rcel à la fin de son article intitulé : Existence
et
objectivité. M. Marcel distingue « entre les données susceptibles de
797
roblème, données qui sont par là même objectives,
et
celles sur lesquelles il faut que l’esprit s’appuie pour poser un pro
798
losophique est avec celui qui ne peut pas sauter.
Et
c’est peut-être cela précisément que la sagesse vulgaire appelle « pr
799
airement des mots tels que « départ », « partir »
et
« tout de suite ». Tout discours sur l’acte manifestera ce trouble, c
800
ard, n’a su montrer cette complicité essentielle,
et
d’apparence scandaleuse, entre l’expression et l’existence. Bornons-n
801
e, et d’apparence scandaleuse, entre l’expression
et
l’existence. Bornons-nous à citer de lui une phrase bien typique par
802
de lui une phrase bien typique par sa forme même,
et
qui, par ailleurs, peut éclairer notre débat : « L’éthique ne commenc
803
yse de ses effets. L’acte est à la fois créateur,
et
transcendant à sa création. Il est créateur en ceci qu’il introduit d
804
t nouveau instituant une situation irréversible ;
et
il est transcendant parce que dans ce rapport nouveau on ne trouvera
805
bandonné » livré à ses déterminations objectives,
et
s’offrant à son tour à l’éclair bouleversant d’un nouvel acte. Il n’y
806
nstant créateur, dans ce contact entre l’éternité
et
le temps, qui est le mystère même. Cela n’entraîne pas qu’on ne puiss
807
ivision intérieure, d’indivision entre le vouloir
et
le pouvoir. On pourrait presque dire que c’est la sensation de l’unit
808
ui éprouve simultanément la résistance d’un objet
et
la victoire sur cette résistance. Moment mystérieux entre tous, où le
809
, c’est le vouloir unique, unifiant l’être vivant
et
le confondant un instant avec l’objet de son désir. On comprendra peu
810
essentiellement l’affirmation simultanée de l’un
et
du divers, affirmation absurde en langage rationnel, tout système phi
811
n parte, comme de la réalité centrale, impensable
et
qui permet de penser. Nous voudrions dégager ici, à titre d’exemple,
812
firmer qu’il n’y a pas de transition entre l’acte
et
ses effets. C’est l’acte lui-même qui se trouve être transitif et nov
813
’est l’acte lui-même qui se trouve être transitif
et
novateur, sans qu’il y ait pour cela de « médiation ». On pourrait di
814
’acte, impliquées d’ailleurs dans ce qui précède,
et
que nous allons utiliser. La première, c’est la violence de l’acte. Q
815
onique, mais encore ordonnateur. C’est un conflit
et
une rupture, mais aussi une nouvelle mise en ordre. C’est ici que nou
816
tère agonique. Ce n’est pas à dire que la lumière
et
les ténèbres soient données avant l’acte, car sinon il ne serait pas
817
inissons la personne comme l’individu qui se sait
et
se veut engagé dans le conflit créateur. Mais en s’affirmant, c’est-à
818
ret. L’invention de l’homme « intérieur » suppose
et
permet celle du « robot » d’affaires. L’autisme est un fléchissement
819
de pensée susceptible de se traduire en formules
et
en mécanismes tout faits. D’un côté, un champ plus libre conquis pour
820
s difficile d’échapper au prestige du positivisme
et
du néo-pragmatisme qu’à celui du moulin à prières. Il est plus diffic
821
ratuit, c’est-à-dire de l’acte sans point d’appui
et
sans orientation, autrement dit de l’acte impossible, sont des exempl
822
sonnalité consécutif au relâchement de la tension
et
à la perte du sentiment du risque véritable. À côté de la réalité de
823
du « donné » à l’abstrait. (Conflit de l’identité
et
de la réalité, voir Meyerson). Il n’y a de paradoxe épistémologique q
824
la science se traduit par une économie d’énergie
et
de pensée, d’où cette zone où l’homme marche sur de l’art humain en t
825
omme marche sur de l’art humain en toute sécurité
et
en plein automatisme (exemple : les grandes villes). Le progrès scien
826
atisme, rançon de la conquête2. À tous les étages
et
dans tous les domaines de l’effort de pensée nous retrouvons ce risqu
827
est que le prolongement d’un schéma mathématique,
et
qu’elle est elle-même prolongée par la rationalisation. Nous avons là
828
sme positiviste). Un troisième exemple de tension
et
d’acte nous est fourni par l’homme considéré du point de vue social.
829
l’amour : l’attachement à la diversité concrète,
et
l’actualisation de l’universel par la charité personnaliste. ⁂ Pour é
830
s ainsi ce qui nous paraît spécifique de l’effort
et
de la pensée humaine. La pensée créatrice est donc l’acte le plus pur
831
. La pensée créatrice est donc l’acte le plus pur
et
le plus humain. Mais comment va se présenter à nos yeux ce qui n’est
832
l’édification de toute construction humaine, même
et
surtout rationnelle. Mais si nous rejetons toute médiation entre l’ac
833
ais si nous rejetons toute médiation entre l’acte
et
ses manifestations humaines, nous ne saurions écarter la réalité des
834
ut, certes, que l’homme trouve des points d’appui
et
garde une participation avec ce qui n’est pas personnel. Mais cette n
835
ore que peut-être l’acte de penser, au sens plein
et
cartésien du mot, soit infiniment plus difficile et plus rare qu’on n
836
cartésien du mot, soit infiniment plus difficile
et
plus rare qu’on ne se figure communément. Avant de chercher à répondr
837
uence qu’exerce ce seuil sur toute la vie humaine
et
, probablement, sur la vie en général. Cela est d’autant plus nécessai
838
rer dans ses constructions le principe de Carnot,
et
qu’elle n’a accepté l’irréversibilité qu’il recèle, que pour en tourn
839
Notre science n’est à l’aise que dans le continu
et
elle fait surgir le discontinu qu’elle multiplie par son progrès même
840
son progrès même. Elle ne connaît que du probable
et
, en tant qu’acte, elle est l’improbabilité essentielle. Paradoxe que
841
aris, 1936–1973, p. 55-64. b. Texte daté de 1933
et
co-rédigé avec Arnaud Dandieu.
842
janvier 1937)f g Les raisons Chacun sait
et
éprouve chaque jour, que l’état des dépendances financières ou des pa
843
peu près impossibles une documentation objective
et
une information sincère. Le procès de la presse n’est plus à faire. S
844
t plus à faire. Sa réforme pose tant de problèmes
et
entraîne de telles incidences (les dangers d’une information d’État :
845
accomplir isolément. Seul le redressement radical
et
général d’un régime économique où règne aujourd’hui l’argent, libérer
846
Clubs de presse », en même temps que de préparer
et
d’accélérer cette réforme nécessaire, est de fournir dès à présent à
847
les premiers éléments d’une information honnête,
et
cela en échappant résolument aux conditions et aux méthodes aujourd’h
848
e, et cela en échappant résolument aux conditions
et
aux méthodes aujourd’hui faussées de la grande presse imprimée. Le
849
en attendant que la question puisse être attaquée
et
résolue de front — de tourner la difficulté en remontant à la source,
850
l’information, l’information directe, personnelle
et
orale. Déjà aujourd’hui, devant la carence ou la subversion de l’info
851
se réunissent une fois par semaine, pour recevoir
et
apporter les éléments de cette nouvelle forme d’informations. Le trav
852
en quelque sorte, un double courant entre la base
et
le sommet, qui, après recoupements et vérifications, permet d’élabore
853
tre la base et le sommet, qui, après recoupements
et
vérifications, permet d’élaborer une matière définitive. Il convient
854
est pas distribué. Il est adressé personnellement
et
confidentiellement au président responsable de chaque club qui le com
855
resse commentée. On y relèvera les contradictions
et
les déformations de la grande presse ou de la presse d’opinion, en do
856
isons politiques ou financières de telle campagne
et
aussi de tel silence. Cette partie a pour but de donner aux adhérents
857
de donner aux adhérents, des moyens de comprendre
et
de redresser la documentation que continuera à leur fournir la presse
858
petit, une documentation précise sur la structure
et
le mécanisme de la presse. Soit en signalant toutes les modifications
859
le entreprise dépend de la valeur professionnelle
et
morale et de l’honnêteté intellectuelle de ses réalisateurs. Le côté
860
ise dépend de la valeur professionnelle et morale
et
de l’honnêteté intellectuelle de ses réalisateurs. Le côté confidenti
861
ctuelle de ses réalisateurs. Le côté confidentiel
et
privé de la méthode rend la question particulièrement importante. L’e
862
ra aux adhérents des clubs de vérifier le sérieux
et
l’indépendance du bulletin. Toutefois les adhérents trouveront au dép
863
upements qui ont pris l’initiative de la création
et
du fonctionnement des clubs de presse. Les « Clubs de presse » sont f
864
bs de presse. Les « Clubs de presse » sont fondés
et
dirigés par Denis de Rougemont et R.-Philippe Millet de L’Ordre nouv
865
e » sont fondés et dirigés par Denis de Rougemont
et
R.-Philippe Millet de L’Ordre nouveau , L.-Émile Gallëy et Jean Maze
866
ippe Millet de L’Ordre nouveau , L.-Émile Gallëy
et
Jean Maze de la Flèche, Jacques Madaule et Emmanuel Mounier d’ Esprit
867
Gallëy et Jean Maze de la Flèche, Jacques Madaule
et
Emmanuel Mounier d’ Esprit . Ceux-ci n’entendent nullement impliquer
868
’information, à l’exclusivité de tout commentaire
et
de tout jugement. Mais ils s’engagent, dans les « clubs de presse »,
869
auté de la personne humaine, respect de la vérité
et
lutte contre la tyrannie de l’argent. Louis E. Galey, Jacques Madaule
870
« Nous présentons ci-dessous à tous nos camarades
et
lecteurs de La Flèche le manifeste des clubs de presse en formation.
871
usts, il ne suffit plus de dénoncer ses mensonges
et
ses trahisons. Il faut passer à l’action. Sur un terrain parfaitement
872
er à l’action. Sur un terrain parfaitement précis
et
limité, celui de l’information, nous avons pensé que nous devions col
873
tigateurs devienne rapidement un organisme craint
et
respecté. À l’heure où l’Argent-roi investit complètement la presse f
874
la diffusion de la pensée par le papier, le film
et
la radio n’a jamais été si grande, nous sommes obligés de revenir à u
875
mars 1937)h Tout le monde parle de la culture
et
de la défense de la culture. C’est qu’on ne sait plus ce que signifie
876
ulture. C’est que la culture est en pleine crise,
et
que cette crise ne sévit plus seulement dans les élites, mais se mani
877
s élites, mais se manifeste dans la vie publique,
et
dans les couches profondes de la nation. Je dis que la crise de la cu
878
s la rue. Je dis que la culture fait le trottoir.
Et
que c’est la politique qui s’est chargée de réglementer à sa manière
879
é. Dans l’état présent du langage, de la culture,
et
de la politique, on peut être à peu près certain que ces deux messieu
880
urs défendent en réalité le contraire de l’esprit
et
de la liberté, c’est-à-dire qu’ils défendent l’un et l’autre un régim
881
de la liberté, c’est-à-dire qu’ils défendent l’un
et
l’autre un régime d’étatisme oppressif et de dictature de l’économiqu
882
nt l’un et l’autre un régime d’étatisme oppressif
et
de dictature de l’économique. Le résultat de ces pratiques ne se fera
883
ésultat de ces pratiques ne se fera pas attendre,
et
l’on en voit déjà les premiers signes : parlez de la liberté, posez-v
884
sens intermédiaires dans la bouche de nos députés
et
journalistes, qui flétrissent (à droite) ou approuvent (à gauche) les
885
iales parce qu’ils les qualifient de socialistes,
et
qui approuveraient (à droite), ou flétriraient (à gauche) les mêmes l
886
de fascistes. Alors qu’elles sont, en fait, l’un
et
l’autre. La politique actuelle s’occupe bien moins des faits que des
887
mystiques dont on se sert pour masquer, à gauche
et
à droite, une impuissance profonde à rien changer aux faits. Or, ces
888
ions réelles : on disait liberté à gauche, patrie
et
autorité à droite. Mais la surenchère politicienne en est venue à ce
889
une double démagogie, on dit aujourd’hui liberté
et
autorité à droite ; patrie, autorité et liberté à gauche. La politiqu
890
i liberté et autorité à droite ; patrie, autorité
et
liberté à gauche. La politique a prostitué le langage. La culture n’a
891
que la culture qui joue tant sur le sens des mots
et
sur leur acception commune, se trouve ruinée par la politique. Et que
892
ption commune, se trouve ruinée par la politique.
Et
que la politique, qui a tourné en mystique, parle pour ne rien dire o
893
rire, à parler, si par hasard on est de bonne foi
et
si de plus on a des choses précises à exprimer. Je réponds : écrivons
894
oblème politique plus urgent que celui des mots ;
et
qu’il n’est pas de problème culturel qui ne dépende de la politique.
895
ends celui qui exerce l’influence la plus directe
et
la plus intime sur nos mœurs, sur notre vie privée. Songez aux plus g
896
ilies, à ces jeunes gens qui choisissent le néant
et
la folie avec Ivan Karamazov, comme d’autres s’étaient suicidés après
897
nages, genre français par excellence, a provoqués
et
justifiés dans toutes les sous-préfectures. Ce pouvoir contagieux est
898
écrivains qui savent le communiquer à leur œuvre,
et
des lecteurs assez ardents pour le subir autrement qu’en imagination.
899
rdents pour le subir autrement qu’en imagination.
Et
rien n’est plus légitime, voire désirable, que cette contagion pratiq
900
r, d’influencer le public par des moyens choisis,
et
de lui transmettre une certaine vision du monde plus profonde, plus r
901
ertaine vision du monde plus profonde, plus riche
et
plus vraie, que la vision banale de la vie quotidienne. Il est très b
902
vie quotidienne. Il est très bon que le romancier
et
ses romans agissent, de cette manière intime et souterraine, tant qu’
903
r et ses romans agissent, de cette manière intime
et
souterraine, tant qu’ils ont quelque chose à dire. Mais nos romancier
904
urs contemporains ? Ils prétendent faire de pures
et
simples descriptions de la Vie (avec majuscule). Ils ne redoutent rie
905
ues. (J’excepte deux ou trois auteurs marxistes.)
Et
, cependant, leur influence n’est pas moins grande, sur la vie privée
906
contentent d’un opportunisme à la petite semaine,
et
ménagent les opinions plutôt que les intérêts de leurs électeurs. Cet
907
espèce de thèse, cela signifie simplement ménager
et
flatter le lecteur, la conscience bourgeoise du lecteur, ou plus préc
908
France, paraît-il, ce sont les femmes qui lisent
et
qui se passionnent pour les romans. Ainsi, à force de ménager les pré
909
ns. Ainsi, à force de ménager les préjugés moraux
et
immoraux, à force de flatter les instincts les plus faciles à flatter
910
trop positif, de trop réellement révolutionnaire
et
constructif, le « romancier à succès », de nos jours, est devenu un s
911
que traduire les humeurs, les goûts, les craintes
et
les vapeurs du bourgeois sensible, il ne cherche pas à les combattre,
912
rmer, à les dissiper au nom d’un idéal personnel,
et
moins encore au nom d’un idéal révolutionnaire cohérent. Il n’a qu’un
913
erce uniquement au profit des classes possédantes
et
de leurs coutumes. Il n’est que de voir l’importance démesurée que no
914
vêtements, des ameublements, des marques d’autos,
et
même de cigarettes (Paul Reboux) de leurs personnages ! Le romancier
915
Le romancier bourgeois qui s’imaginait, naïvement
et
confortablement, qu’on peut écrire n’importe quoi, sans ce que cela p
916
fournisseurs d’une certaine classe. Ce romancier,
et
la culture qu’il représente, on comprend que la jeunesse actuelle ne
917
le monde parle, c’est d’abord la crise du roman,
et
du roman fait à l’usage des bourgeois, de leurs loisirs improductifs.
918
e, surtout la romanesque. Jamais on ne l’avait vu
et
constaté aussi nettement qu’à la lecture de ce bilan désinvolte. Au l
919
rait apparemment que la liberté est une conquête,
et
non pas une facilité. Tout concourait d’ailleurs à faire passer cette
920
ération tuée à remplacer. Il y avait l’inflation,
et
la prospérité des nouveaux riches, une avidité de sensations, une lib
921
l nous en reste une génération de gloires rapides
et
sans ampleur, des « noms » qu’un seul livre imposa, et l’on acceptait
922
ns ampleur, des « noms » qu’un seul livre imposa,
et
l’on acceptait les suivants parce que c’était commode, et parce que l
923
acceptait les suivants parce que c’était commode,
et
parce que les critiques sont admirablement disciplinés. (D’ailleurs,
924
ous se connaissent trop bien : auteurs, critiques
et
éditeurs ; pratiquement, la franchise n’est pas possible.) De ces ann
925
la franchise n’est pas possible.) De ces années,
et
de celles de la crise qui les suit, on ne retiendra guère que les biz
926
de « mineurs » qui prendra le charme d’un style,
et
très vite, une patine rassurante. Quant au roman contemporain, il est
927
rellement les écrivains lassés de l’improvisation
et
du bâclé. Au lieu de chercher la densité, en profondeur, ils trouvent
928
e l’histoire sociale, ils s’étalent dans la durée
et
vagabondent à travers les générations. Notons qu’ils s’attardent pres
929
: le temps de leur jeunesse, remarque Thibaudet.
Et
il attribue ce phénomène de « refoulement de la durée vers l’amont »
930
urée vers l’amont » à l’incertitude du lendemain (
et
du présent), à la nécessité croissante de vivre sur ses réserves, enf
931
ante de vivre sur ses réserves, enfin à une crise
et
à une carence de la création. Malgré ces difficultés, conclut-il, on
932
de Thibaudet se termine sur une note pessimiste,
et
sur l’expression de « dégradation de la littérature, au sens où les p
933
té solidement établie, où les types étaient fixes
et
stables, et les relations codifiées, tyranniques : il y avait encore
934
t établie, où les types étaient fixes et stables,
et
les relations codifiées, tyranniques : il y avait encore intérêt à pa
935
st permis ? Que décrire, sinon ce qui s’écroule —
et
cela ne peut pas donner les éléments d’un art, si l’art est une const
936
t, que les documentaires entremêlés de réflexions
et
de jugements personnels, comme par exemple les derniers livres d’Henr
937
mme par exemple les derniers livres d’Henri Petit
et
de Marius Richard soient promis à des succès moins tapageurs, mais pl
938
ire un inventaire de l’homme, préparation modeste
et
nécessaire à une littérature vraiment personnaliste. j. Rougemont
939
que j’avais esquissée, ici même, se trouve citée
et
commentée, et sans doute approuvée in petto… Mais M. Vandérem est réa
940
squissée, ici même, se trouve citée et commentée,
et
sans doute approuvée in petto… Mais M. Vandérem est réaliste : il tro
941
t réaliste : il trouve que j’en prends à mon aise
et
que je néglige un peu cavalièrement les contingences. Si j’étais plu
942
re que le mal est aussi grave que je l’indiquais.
Et
si l’on en doutait encore, c’est M. Fernandez qui me fournirait le pl
943
en ces matières, cela veut dire surtout la chance
et
la tactique, il me semble que le talent de M. Amoux est supérieur à s
944
sa tactique ». Faut-il être jeune, tout de même,
et
peu avancé dans la vie, pour s’ébahir, comme je le fais, d’une… « con
945
qui s’agite en vous, entre le rire, l’inquiétude,
et
le dégoût ? Partagez-vous ma naïveté ? Et M. Fernandez, qu’en pensait
946
iétude, et le dégoût ? Partagez-vous ma naïveté ?
Et
M. Fernandez, qu’en pensait-il, écrivant cela ? Dans quelle illusion
947
crivain, c’est de s’imposer avec force au Public.
Et
cela demande de la tactique ! Je le vois bien. Je supplie donc qu’on
948
es, mais quelque chose de beaucoup plus dangereux
et
difficile que l’avancement dans la vie : quelque chose que nous autre
949
ne révolution. Quand les clercs en sont arrivés —
et
l’élite — à subordonner leur mission à la « tactique » du succès comm
950
c’est le moment de fourrer les pieds dans le plat
et
d’éclabousser les convives. Nous ferons notre pain nous-mêmes. l.
951
se sans argent, est la ville des gérants ignobles
et
des concierges, des lieux-sombres-et-populeux où il faut pénétrer l’â
952
mbres-et-populeux où il faut pénétrer l’âme basse
et
la petite enveloppe à la main. Tant d’autres disent : « Allons-nous-e
953
main. Tant d’autres disent : « Allons-nous-en »,
et
restent faute d’imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour p
954
Allons-nous-en », et restent faute d’imagination.
Et
pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France a des milliers
955
s. Dites autour de vous que vous en cherchez une,
et
vous en trouverez pour rien, ou pas grand-chose. Encore faut-il savoi
956
j’ai pu rêver de ce pays. Il est très pauvre, sec
et
lumineux. Toutes les nuances du gris, herbes, pierres, oliviers, et q
957
s les nuances du gris, herbes, pierres, oliviers,
et
quelques touches de vert humide au fond des vallons, de vert sombre s
958
es, quelques cyprès en silhouette sur les crêtes,
et
des toits de ce rose émouvant des tuiles romaines sous un ciel doux.
959
très haute, aux murs de gros moellons rougeâtres
et
gris non revêtus. Il y a trois pièces au premier étage, où l’on entre
960
e fauteuils, de chaises de velours, tables rondes
et
ovaloïdes, guéridons à photos, meubles à musique — sans piano —, bibl
961
napés, sofas, rideaux à franges, tabourets brodés
et
objets d’art. Aux murs, plusieurs douzaines d’aquarelles, sous-bois e
962
murs, plusieurs douzaines d’aquarelles, sous-bois
et
marines. Quelques tapis sur du carreau rouge. La plupart des fenêtres
963
erme la cour sur la droite, derrière des palmiers
et
des lauriers. Très haute aussi, blanchie, presque sans fenêtres. Un v
964
rte d’entrée, où l’on accède par quelques marches
et
un balcon de pierre. L’on descend par d’étroits escaliers aux quatre
965
une échappée sur la fin de la vallée, la rivière
et
la plaine. La petite ville reste invisible, massée au pied des rocher
966
de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour,
et
remplit l’ombre bleue sous le tilleul immense et les lauriers. Un gra
967
et remplit l’ombre bleue sous le tilleul immense
et
les lauriers. Un grand vase jaune brille au bord du bassin. Le reflet
968
du bassin. Le reflet de l’eau tremble au plafond
et
sur les murs verdâtres de la chambre où j’écris. Et voilà mon petit e
969
sur les murs verdâtres de la chambre où j’écris.
Et
voilà mon petit exercice de rentrée terminé : « Décrivez la maison de
970
rd, sa femme Marguerite, son chien basset Pernod.
Et
qu’il va falloir modifier cette maison pleine de guéridons et d’aquar
971
falloir modifier cette maison pleine de guéridons
et
d’aquarelles, de telle sorte qu’on puisse y travailler. Nous faisons
972
y travailler. Nous faisons l’inventaire minutieux
et
le plan d’arrangement actuel de chacune des pièces du premier, avant
973
chacune des pièces du premier, avant de les vider
et
de transporter leur contenu à l’étage supérieur. 23 septembre 1934 Ma
974
Il ne reste qu’un grand canapé de velours ponceau
et
des chaises de paille trouvées dans un coin de la remise, où les chai
975
la remise, où les chaises brodées, les guéridons
et
le dessus de cheminée — vingt-deux pièces dûment recensées — ont été
976
tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles
et
de pendeloques de verre taillé. Fascinant, ce lustre. Nous sommes ére
977
aillé. Fascinant, ce lustre. Nous sommes éreintés
et
couverts de poussière. Mais on va pouvoir respirer. 25 septembre 1934
978
illent encore gagnent à peine de quoi se nourrir.
Et
j’entrevois déjà ce qu’ils appellent ici se nourrir : nos voisins n’o
979
à midi, que des châtaignes, des olives, des radis
et
quelques légumes de leurs cultures, qu’ils n’ont pas pu vendre au mar
980
mère Calixte pour donner un coup de main le matin
et
faire les lessives. C’est une toute petite vieille noueuse, à la sage
981
petite vieille noueuse, à la sagesse sentencieuse
et
imagée. Étonnamment active. Bonne protestante et qui tient à le dire.
982
et imagée. Étonnamment active. Bonne protestante
et
qui tient à le dire. Sa cordialité demeure digne, trait notable à par
983
etite cité tassée à la base d’une paroi de rocher
et
le long d’une rivière rapide qui débouche d’une gorge étroite, cité c
984
gorge étroite, cité couleur de rocher, de rivière
et
de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin paraît en ruine, prouve s
985
oin paraît en ruine, prouve sa vie par ses odeurs
et
la saleté de ses ruelles. Un ruisseau coule au milieu du pavé, charri
986
ge. Pas un de ces petits visages qui ne soit beau
et
fin mais incroyablement crasseux. Vers la gare, il y a bien un parc m
987
s des grandes villes. Le goût de « la vie saine »
et
du grand air, vous ne le trouverez que dans la « banlieue rouge » de
988
ieue rouge » de Paris, d’ailleurs importé d’URSS,
et
récemment. On me dit qu’ici trois maisons seulement, sur 200, ont l’e
989
ur la grande place, juste à côté de la pissotière
et
de l’arrêt des autocars. Pittoresque, on peut le dire… 8 octobre 1934
990
Je vois la misère qui règne dans tous ces foyers,
et
qui les détruit. Je vois ces enfants sales abandonnés par leurs paren
991
appauvrissante en fait. Je vois tous les espoirs
et
toutes les « assurances » de cette population balayée périodiquement
992
elque décret d’État. Je vois le chômage s’étendre
et
s’installer, comme se sont installés dans ces villages malsains et ma
993
omme se sont installés dans ces villages malsains
et
mal soignés la tuberculose, l’alcoolisme et la misère héréditaire. Ma
994
sains et mal soignés la tuberculose, l’alcoolisme
et
la misère héréditaire. Mais je vois d’autre part, en parcourant la fe
995
lculer, faire son budget, bourrer le bas de laine
et
nourrir la bouteille aux pièces de dix sous. Une chose est claire : f
996
es conditions actuelles, c’est défier le bon sens
et
la raison pratique. C’est s’en remettre à quelque espoir vague et pro
997
tique. C’est s’en remettre à quelque espoir vague
et
profond. Or tout ce que l’État nous apprend, par le moyen de l’école
998
oyen de l’école primaire entre autres, ridiculise
et
ruine ce genre d’espoirs. Qui voudrait condamner l’usage pratique de
999
de la raison ? Simplement je constate qu’en fait,
et
dans ce pays tel qu’il est, la morale rationnelle et les mesures qu’e
1000
dans ce pays tel qu’il est, la morale rationnelle
et
les mesures qu’elle propose, ce n’est guère que le rêve des vieux cél
1001
n’ont plus besoin de calculer, ceux-là calculent.
Et
les autres acceptent leurs risques, c’est-à-dire acceptent de vivre,
1002
rgne. 15 octobre 1934 On a terminé les vendanges,
et
la récolte des figues d’été. (Les figues d’hiver apparaissent déjà, p
1003
es figues d’hiver apparaissent déjà, plus petites
et
toujours vertes ; on ne les mange pas). Simard nous a indiqué une fer
1004
r au soir. Des hauteurs, on voyait la plaine rose
et
violacée entre des monticules pointus tout frisés d’oliviers, un pays
1005
n peu mieux, avec une politesse pleine de réserve
et
d’attentions. On parle du domaine. Les deux femmes le dirigent seules
1006
n trouve de moins en moins. — « Mais, lui dis-je,
et
les chômeurs ? On m’a dit qu’il y en a 400 à A ? » La mère, vivement
1007
ez des articles ? J’en ai lu signés de ce nom-là.
Et
elle me cite une revue protestante et une revue littéraire auxquelles
1008
ce nom-là. Et elle me cite une revue protestante
et
une revue littéraire auxquelles je collabore, en effet. — Vous avez l
1009
estantes. Ce ne sont pas des bourgeoises, certes,
et
pourtant elles en sont encore à estimer que chômeur est synonyme de v
1010
dangereux. Elles font partie des « travailleurs »
et
pourtant elles sont propriétaires. Je vois en elles un type très clas
1011
a-t-il de classes entre la bourgeoisie des villes
et
le prolétariat ? L’opposition que veulent voir les marxistes entre bo
1012
t voir les marxistes entre bourgeois, ou maîtres,
et
prolétaires ou serviteurs, je la trouve fausse dans tous les cas conc
1013
concrets, dès que je sors des très grandes villes
et
de leur caricature de société. — Simard, le jardinier, est à demi mét
1014
peuple. Oui, mais bourgeois par leur profession.
Et
les Calixte ? Prolétaires sans doute, mais d’une tout autre espèce, o
1015
la montagne qu’on voit venir à A… pour le marché.
Et
très conscients d’une supériorité qu’ils ne peuvent attribuer au rang
1016
celle des ancêtres, tout au moins ! — l’éducation
et
le métier. C’est cela qui crée des groupes, des couches, des différen
1017
ui crée des groupes, des couches, des différences
et
des affinités, au moins autant que les conditions économiques. On ne
1018
communiste traitera les dames Turc de « koulaks »
et
tout sera dit. Le marxisme part de statistiques et de relations numér
1019
t tout sera dit. Le marxisme part de statistiques
et
de relations numériques (salaires, plus-value, profits). Il s’estime
1020
de la conscience globale qu’ils ont de leur état (
et
c’est pourtant le principal, pratiquement et moralement, c’est ce qui
1021
tat (et c’est pourtant le principal, pratiquement
et
moralement, c’est ce qui règle le jeu des relations humaines et les o
1022
c’est ce qui règle le jeu des relations humaines
et
les opinions politiques). Le marxisme traite tout cela de nuances vai
1023
hommes sont malgré eux, du point de vue abstrait
et
inhumain de la Statistique. Et il prétend fonder là-dessus non seulem
1024
nt de vue abstrait et inhumain de la Statistique.
Et
il prétend fonder là-dessus non seulement des mesures techniques, ce
1025
it parfaitement légitime, mais une morale, un art
et
une métaphysique ! Problème de la politique actuelle : sera-t-elle l’
1026
lle fondée sur la réalité telle qu’elle est vécue
et
voulue par les hommes réels et concrets, ou bien sur la réalité telle
1027
qu’elle est vécue et voulue par les hommes réels
et
concrets, ou bien sur la réalité telle qu’elle est chiffrable, inévit
1028
mère a la grippe. Je trouve à la cuisine la fille
et
une voisine. Elles se plaignent du froid. Le fourneau est rouge, mais
1029
ient le vent le plus glacial, depuis des siècles,
et
en tout cas depuis longtemps avant la construction de cette maison… O
1030
ans une chambre obscure mais qui me paraît propre
et
sobre. La mère Calixte est au lit, un gros édredon ramassé sur le ven
1031
ieds découverts, un foulard noir sur les épaules,
et
je crois bien sa blouse noire aussi. Elle me dit qu’elle a été assez
1032
pécialement adroits de leurs mains, débrouillards
et
pleins de ressources mystérieuses. Mais ils seraient moins dignes aus
1033
anière qu’on entend bien que c’est ainsi de tout,
et
qu’on aurait grand tort de croire que rien au monde dépend de nous. C
1034
ommes, c’est tout autre chose. Ils sont éloquents
et
naïfs, revendicateurs et inefficaces. La plupart ne font rien, ou « t
1035
hose. Ils sont éloquents et naïfs, revendicateurs
et
inefficaces. La plupart ne font rien, ou « travaillent le mazet », ce
1036
t à la filature — la dernière qui marche encore —
et
gagnent leurs 7 francs par jour. Pendant ce temps les hommes sont sur
1037
ur. Pendant ce temps les hommes sont sur la place
et
protestent contre le gouvernement. Ce sont les radicaux et les social
1038
tent contre le gouvernement. Ce sont les radicaux
et
les socialistes. Les commerçants sont souvent réactionnaires et se mê
1039
stes. Les commerçants sont souvent réactionnaires
et
se mêlent peu à ceux de la place. Enfin ceux qui sont occupés par l’i
1040
par les garages ou à la Mairie, sont communistes
et
mènent les affaires du pays. Ils vont à toutes les conférences, prenn
1041
iné toute la richesse indigène de ce département.
Et
cette richesse à son tour va reprendre le chemin de l’Orient, d’où vi
1042
est celui du langage dans notre société présente.
Et
c’est encore une fois le drame de la culture. Qu’on ne croie pas que
1043
, les mots n’ont plus le même sens pour le peuple
et
pour ceux qui voudraient lui parler. Le petit exemple que je viens de
1044
s effarantes. Travail, liberté ou union, richesse
et
pauvreté, tous ces vocables dont nous pensions qu’ils exprimaient les
1045
vidés de leur signification à la fois symbolique
et
précise. Ils n’éveillent plus chez l’homme du peuple les mêmes espoir
1046
nous. Leur résonance sentimentale est différente,
et
c’est pourquoi leur sens est différent, en dépit de ce que l’on pourr
1047
le de Guizot. Le « public », c’était la noblesse,
et
les bourgeois imitant la noblesse. Le vrai peuple les comprenait dans
1048
données sont bouleversées. L’instruction publique
et
la Presse répandent sinon le goût, du moins la pratique quotidienne d
1049
des conventions communes. Un chacun peut en être,
et
juger comme il veut. Le droit de se tromper, et de tromper grâce au l
1050
, et juger comme il veut. Le droit de se tromper,
et
de tromper grâce au langage, est un des droits imprescriptibles que s
1051
as), quels que soient nos efforts vers la rigueur
et
vers l’adaptation de notre style à notre action. On serait même tenté
1052
us grande rigueur entraîne la moindre efficacité,
et
l’inverse. Par où l’on voit que le contraire de la « vie spirituelle
1053
lle », c’est « le public ». Cette vie spirituelle
et
ce public nous posent des exigences dont il faut admirer qu’elles soi
1054
neutre, nous en avons toujours dans les 40 à 50.
Et
une fois qu’ils sont là, on peut parler de tout… J’irai d’autant plus
1055
s un coin arrangé en cabinet de lecture. Journaux
et
illustrés, quelques livres sur la table. Puis on s’est assis sur des
1056
: de l’enseignement, des journaux, des traditions
et
anecdotes locales. Discussion n’est d’ailleurs pas le mot : c’étaient
1057
nt chaque fois de gros rires. L’homme du peuple —
et
je pense qu’il en va de même du bourgeois peu cultivé, et sans doute
1058
nse qu’il en va de même du bourgeois peu cultivé,
et
sans doute de tout ce qui n’est pas « intellectuel » — ne « discute »
1059
use de ses répétitions pressées. Or cette lenteur
et
ces répétitions n’ont d’autre but que de laisser à l’esprit le temps
1060
rce que toujours elle vise à la formule décisive,
et
ne s’accorde le droit de dire chaque chose qu’une seule fois, de la f
1061
qu’une seule fois, de la façon la plus économique
et
la plus claire28. Or, cette langue d’échanges dialectiques rapides se
1062
e de la réflexion spontanée, qui est « péguyste »
et
non « classique ». Écrivains inutilisables dans la mesure où ils veul
1063
ls s’appliquent à comprendre, comme ils sont vifs
et
peu timides, camarades, malicieux et indulgents — leurs bons rires qu
1064
ls sont vifs et peu timides, camarades, malicieux
et
indulgents — leurs bons rires quand l’un ou l’autre dit une bêtise ou
1065
and l’un ou l’autre dit une bêtise ou bafouille —
et
comme on a envie de leur expliquer des choses, amicalement ; de parta
1066
endus, à leurs vagues sourires, à leurs timidités
et
aux distances télescopiques que tout cela met entre celui qui parle e
1067
scopiques que tout cela met entre celui qui parle
et
son public ! (Le « conférencier » en tournée se présente comme un séd
1068
ésente comme un séducteur, c’est la loi du genre,
et
cela rend les échanges bien pauvres…) Quand nous nous sommes levés po
1069
a chauffe certains soirs. Mais le pasteur préside
et
on le respecte : 40 ans ; genre ancien combattant ; « très large », d
1070
genre ancien combattant ; « très large », dit-on.
Et
« il cause bien ». 16 décembre 1934 À N… la mairie est tout entière c
1071
les châtelains. Ils votent radical ou socialiste,
et
se font battre à plate couture, régulièrement. Mais faut-il donc pens
1072
es communistes, eux, savent pourquoi ils le sont,
et
connaissent le marxisme ? On m’avait dit : ce n’est pas cela du tout,
1073
achent pas faire la distinction entre le marxisme
et
l’anarchie. D’autre part, sauront-ils s’opposer au dictateur qui se p
1074
lles, leurs difficultés morales, leurs traditions
et
leurs rancunes — c’est souvent la même chose — leurs idées sur la vie
1075
rs idées sur la vie, sur la mort, sur le mariage.
Et
quand je dis que sa vie consiste à connaître ces choses, il faut pren
1076
en plutôt un conseiller, un donneur d’aide morale
et
parfois matérielle, quelqu’un qui est responsable de connaître ces ge
1077
pasteur. Sa paroisse comprend les villages de N.
et
de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle, une pierraille co
1078
nant des hauteurs ventées. Les rues sont étroites
et
caillouteuses, pleines d’odeurs dès que le vent cesse de les balayer.
1079
collines vers Uzès, où quelques ruines de castels
et
quelques cheminées d’usines grattent le bas d’un grand ciel jaune. On
1080
pays dans son ensemble, dans son unité naturelle
et
ancienne. Une même patine de crépuscule réunit les champs, les arbres
1081
connais si bien ? C’est difficile de les classer
et
je n’aime pas beaucoup ça… Il y en a de toutes sortes, bien sûr, et p
1082
eaucoup ça… Il y en a de toutes sortes, bien sûr,
et
plus on les voit de près… — Je comprends qu’il soit difficile de parl
1083
votre église, pratiquement ? — C’est-à-dire, oui
et
non. — Enfin, viennent-ils au temple le dimanche ? — Ça non. D’ailleu
1084
l y a les cafés, les terrasses sous les platanes,
et
le dimanche matin, les hommes y vont boire leur pastis. Si l’on va au
1085
istie, on viendrait bien ! Mais on est lâches ! —
Et
chez eux, les voyez-vous ? Pouvez-vous discuter avec eux ? — Guère. L
1086
a ne me gênerait pas. Mais eux on les étonnerait,
et
surtout ils y sont entre eux. Je n’ai aucune envie d’aller faire l’in
1087
pratiquement, je vous assure, c’est difficile. —
Et
les salutistes ? — Ils ont un uniforme. C’est classé. On les connaît…
1088
dans des cercles d’hommes. Vous voyez le genre. —
Et
les communistes y viennent ? — Bien sûr, le maire en tête. Et ils dis
1089
nistes y viennent ? — Bien sûr, le maire en tête.
Et
ils discutent, et même très bien. Je me rappelle par exemple une disc
1090
? — Bien sûr, le maire en tête. Et ils discutent,
et
même très bien. Je me rappelle par exemple une discussion sur l’incro
1091
r avait dit que la différence entre les chrétiens
et
les incroyants, ce n’est que pas les chrétiens se conduisent mieux qu
1092
es autres, mais c’est qu’ils se confient en Dieu,
et
qu’ils attendent tous les ordres de lui. À la fin, un des communistes
1093
dres de lui. À la fin, un des communistes se lève
et
résume le débat : « En somme, dit-il, si nous ne croyons pas en Dieu,
1094
nt les plus intelligents du village. Ce sont eux,
et
eux seuls, qui proposent des réformes pratiques, qui demandent qu’on
1095
mes pratiques, qui demandent qu’on installe l’eau
et
l’électricité dans les maisons, etc. C’est l’élément réveillé et entr
1096
é dans les maisons, etc. C’est l’élément réveillé
et
entreprenant de la population. — Mais savent-ils ce que c’est, le mar
1097
er aux gros propriétaires qui tiennent la région,
et
de leur imposer des mesures de progrès, de bon sens… — Au point de vu
1098
d’abord parce qu’ils la connaissent mal, ensuite
et
surtout parce qu’elle ne joue pratiquement aucun rôle dans leur actio
1099
ne joue pratiquement aucun rôle dans leur action,
et
qu’elle n’a rien changé à leur croyance ou plutôt à leur incroyance.
1100
s marxistes que moi. Ils veulent avant tout vivre
et
travailler raisonnablement. Mais rien ne se présente pour les souteni
1101
u parti communiste parce qu’il n’y a rien d’autre
et
personne d’autre… Ce seraient souvent les meilleures têtes du pays, e
1102
Ce seraient souvent les meilleures têtes du pays,
et
on les laisse devenir les « mauvaises têtes ». 17 décembre 1934 Le gr
1103
peur. Or ils devraient n’avoir peur que de Dieu,
et
des vocations bouleversantes qu’il arrive que Dieu nous adresse. C’es
1104
u nous adresse. C’est un comique profond, lugubre
et
déprimant que celui du chrétien honteux, honteux d’une foi qu’il n’a
1105
plus de honte à la confesser devant les hommes ;
et
s’il a honte, c’est qu’il ne craint pas Dieu, mais qu’il croit au jug
1106
i qui sait qu’il ne croit pas aux dieux du monde,
et
qui le prouve. Comment le prouve-t-il ? Tout simplement en témoignant
1107
en témoignant, en annonçant aux hommes la vérité
et
le chemin. Point n’est besoin d’actions extraordinaires, surhumaines
1108
, il passe en revue les compagnies d’assurances —
et
analogues — avec lesquelles il est en compte. Je dis compagnies d’ass
1109
ept ou huit. Il en totalise sept pour son compte,
et
sa dame fait le petit appoint. Elle s’est « coupé » la jambe, cela fa
1110
« coupé » la jambe, cela fait bien cinq ans déjà,
et
« touche » pour cette jambe cassée et d’ailleurs dûment guérie, 20 so
1111
q ans déjà, et « touche » pour cette jambe cassée
et
d’ailleurs dûment guérie, 20 sous par jour. Au dernier examen médical
1112
se venger, il leur a retiré son assurance à lui,
et
l’a passée à d’autres. Il reste par bonheur : les assurances sociales
1113
age », vieillesse, accidents du travail, incendie
et
une histoire très compliquée de capitalisation-loterie, qui l’excite
1114
son beau-frère. « Ce cochon-là » n’a pas répondu,
et
pourtant la lettre était recommandée. Alors il a été voir « une perso
1115
personne encore plus compétente » que lui Simard,
et
cette personne lui a conseillé d’écrire une nouvelle lettre recommand
1116
llu récrire deux fois pour obtenir gain de cause.
Et
tout ça lui a bien coûté 50 francs. Autrement, vous savez ce qui se p
1117
mettent l’argent dans leur poche. — Tous les mas
et
mazets des environs sont habités par des retraités, des pensionnés, d
1118
ent dans la rouspétance contre ces « cochons-là »
et
dans la crainte de la vieillesse. On travaille pour ne rien gagner, à
1119
d’argent, on ne croit plus ni à Dieu ni à diable
et
à peine à la politique, l’hiver est « pourri », la « pulmonie » fait
1120
est « pourri », la « pulmonie » fait des ravages,
et
ces cochons-là vous diminuent. Simard m’explique encore que les gens
1121
. Alors les catholiques descendent de la montagne
et
viennent prendre la place. « On les appelle ici les illettrés. Ça veu
1122
isés dans la mesure où nous sommes intellectuels,
et
acceptés — ou utilisés — dans la mesure où nous réussissons à nous fa
1123
Un beau chaos de partis pris, d’erreurs de faits
et
de formules électorales ! Je demandai la parole pour expliquer, le pl
1124
en Italie dans des termes particuliers à ce pays,
et
qu’en tout cas il ne peut pas se poser de la même façon en France. Je
1125
ascisme, ce n’était pas de condamner les Italiens
et
leurs admirateurs français, position négative, paresseuse, et donc fa
1126
irateurs français, position négative, paresseuse,
et
donc faible, mais d’essayer de résoudre « à la française » le problèm
1127
ent cinquante années de démocratie parlementaire,
et
toute une tradition de libertés. Bref, un petit sermon élémentaire su
1128
. Mais l’électeur veut qu’on soit pour ou contre,
et
il se méfie par principe de celui qui distingue et nuance. On ne tien
1129
t il se méfie par principe de celui qui distingue
et
nuance. On ne tiendra jamais assez compte de cette opposition fondame
1130
tre. Sinon, pour peu que l’article expose le pour
et
le contre, quelle que soit d’ailleurs ma conclusion, on me classera f
1131
onclusion, on me classera fasciste ou communiste.
Et
pourtant, la mission de l’écrivain n’est-elle pas justement d’éduquer
1132
régulier par son travail, s’il n’a plus d’emploi,
et
ne sait plus de quoi sera fait le lendemain. — Admettez que cela ne v
1133
e le fait que je suis heureux suffit à me nourrir
et
à me vêtir ? Vous n’avez qu’à regarder la frange de mon pantalon. Ce
1134
ort matériel très médiocre. Ce n’est pas nouveau.
Et
il faut bien reconnaître que ce n’est pas aussi romantique et excitan
1135
ien reconnaître que ce n’est pas aussi romantique
et
excitant que mon titre pourrait le faire croire. L’intéressant à mon
1136
de vue, c’est de montrer une fois que c’est vrai,
et
de montrer comment c’est vrai, dans le détail… ⁂ Cette conversation a
1137
supportable qui s’attache aujourd’hui à l’argent,
et
qui se mêle en particulier à tout échange d’idées sur la richesse, la
1138
es subits de la pensée ou des sentiments. Aigreur
et
nervosité qui révèlent surtout un refoulement séculaire de ces questi
1139
questions. Plusieurs générations de bourgeoisie,
et
la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’un des plus beaux comple
1140
ur dresser les humains les uns contre les autres.
Et
qui, ou quoi, pourrait nous en guérir ? — Commençons par nous avouer,
1141
otre vie, de nous refaire une hiérarchie éthique,
et
de rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de moyen, d’impur et simpl
1142
insi à l’argent son rôle mineur de moyen, d’impur
et
simple moyen… 31 mars 1935 Place aux vieux ! — Je lis dans un journa
1143
donnée une conférence au profit des vieux, hommes
et
femmes, âgés de 60 ans au mois de juillet 1930 29 . Tous ceux qui ne
1144
la conférence est à 10 heures, dimanche matin… —
et
les oligarchies réactionnaires ! Ô liberté, égalité, fraternité, Décl
1145
e cent années d’efforts, de luttes, de sacrifices
et
d’éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justi
1146
libre, de raison cartésienne, de soif de Justice
et
de passion libertaire, ce grand mot sera prononcé, proclamé, acclamé
1147
nt dominée par le souci des élections académiques
et
des retraites aux sexagénaires. N’est-ce pas beau, rassurant, émouvan
1148
me chaque jour, la plupart des journaux parisiens
et
méridionaux. Un vieux bonhomme au nez violacé traîne ses pantoufles p
1149
nez violacé traîne ses pantoufles par la boutique
et
grogne sans arrêt. Il interpelle assez grossièrement la patronne qui
1150
ça. Il faut le laisser frapper le sol de sa canne
et
redresser sa casquette pour ponctuer ses raisonnements d’alcoolique.
1151
ts d’alcoolique. Entre un homme maigre, casquette
et
veste de toile bleue proprette, visage nerveux et intelligent. — Vous
1152
et veste de toile bleue proprette, visage nerveux
et
intelligent. — Vous avez mon Huma ? — Bou die ! je les ai toutes vend
1153
ur de foire). — Allons, tant mieux, fait l’homme.
Et
si des fois on vous en demande de trop, vous n’avez qu’à donner la mi
1154
lorsque le vieux gâteux l’arrête sur le seuil. «
Et
alors, mon bon, c’est toi qu’on va mettre à la mairie ? » L’homme au
1155
n geste réticent. Le vieux le tient par la manche
et
lui martèle de sa canne le bout des souliers : « Tu m’entends ? Nous
1156
que vous l’avez, le pouvoir ! » L’autre se dégage
et
s’en va, un peu triste, ou peut-être gêné. Entre ces deux hommes, je
1157
totale décrépitude où l’ont laissée les radicaux
et
les créatures de Bouisson, dont mon alcoolique fait partie. Voilà l’a
1158
mon alcoolique fait partie. Voilà l’aspect local
et
personnel de la question, sur le plan des prochaines élections munici
1159
même niveau social, sans doute parents, de mœurs
et
de langage pareils. S’ils s’opposent, c’est que l’un est avare et lég
1160
reils. S’ils s’opposent, c’est que l’un est avare
et
légèrement maboul, l’autre énergique et assez sensé. Simple question
1161
est avare et légèrement maboul, l’autre énergique
et
assez sensé. Simple question de tempérament. Peut-être aussi le commu
1162
cemment, le dernier numéro de l’Huma. De la haine
et
encore de la haine, quelques mensonges grossiers, le truquage habitue
1163
epte à la rigueur cette division du monde en gros
et
en petits, si c’est le seul moyen pratique de faire valoir les droits
1164
ournal ! Leur seule force contre les capitalistes
et
surtout contre leurs suppôts, ces retraités radicaux ou socialistes,
1165
cialistes, ce serait d’être le parti de la vérité
et
du bon sens. Ils auraient avec eux tous les hommes — bourgeois ou int
1166
ois ou intellectuels — qui détestent la politique
et
la combine électorale. Au lieu de quoi on pervertit les révoltes les
1167
e abstraite, brutale — eux qui le sont si peu ! —
et
si possible, plus médiocre que celle des grands journaux d’informatio
1168
e à lire ou à entendre. Il comprend sa situation,
et
ne voit pas que son journal est sans rapport réel avec cette situatio
1169
demande par quelle rancune vaguement démoniaque,
et
surtout vaine, ils en viennent à s’imaginer qu’ils défendent eux auss
1170
its » en défendant ces exploiteurs de la bassesse
et
du mensonge en service commandé. L’homme à la veste bleue, je le comp
1171
mmandé. L’homme à la veste bleue, je le comprends
et
je l’aime dans son effort maladroit et réel. Mais dans la mesure où j
1172
comprends et je l’aime dans son effort maladroit
et
réel. Mais dans la mesure où je l’aime, ils me dégoûtent. 28 avril 19
1173
tirer quelque chose de sensé, de vécu, de réel, —
et
qui renversera les conclusions cyniques des partisans de la dictature
1174
uerre dans les campagnes : nomadisme des employés
et
ouvriers, impossibilité de « suivre » un effort bien localisé, de s’a
1175
les. Ils vous diront que le mal vient de l’État —
et
cela veut dire : de ceux qui font les lois sans rien savoir des situa
1176
abaissant la limite d’âge dans les chemins de fer
et
l’administration ; faire des lois régionales pour la viticulture ; me
1177
s des « caves centrales » avec des vins d’Afrique
et
des produits chimiques (« que vous avez la gorge brûlante après un ve
1178
phrase entendue un peu partout dans la province).
Et
puis « leur » politique, parlez-moi de « leurs combines » — il n’y a
1179
libératrices, des sports, des moyens de circuler
et
de s’instruire, résistance à l’état tentaculaire. (Quant à la lutte c
1180
ppartient à des équipes d’hommes nouveaux, jeunes
et
sortis de toutes les classes, d’exprimer ce que taisent les journaux,
1181
xprimer ce que taisent les journaux, les orateurs
et
les affiches — et qui est la volonté réelle des travailleurs, trahis
1182
sent les journaux, les orateurs et les affiches —
et
qui est la volonté réelle des travailleurs, trahis par le langage pol
1183
u’un argument très puissant contre nous : sur qui
et
sur quoi tablez-vous ? nous dit-elle, sur quelle classe, sur quels in
1184
Mais rien d’autre n’est vrai… 6 mai 1935 La mort
et
les cérémonies dans le Gard. — La maison de Simard recèle un effrayan
1185
stence en même temps que l’imminence de sa mort —
et
voici qui éveillera peut-être des réflexions fécondes dans l’esprit d
1186
r philosophe. Déjà huit mois que nous sommes ici,
et
combien de fois ne sommes-nous pas entrés dans la grande cuisine qui
1187
étaient vides ou ne servaient que de débarras —,
et
rien ne pouvait nous faire soupçonner cette présence à côté. Hier mat
1188
savez, elle est toute chargée, bou die, l’estomac
et
tout. — Mais les Simard ne m’avaient jamais parlé d’elle ! — Peuchère
1189
en longtemps. On peut dire que la chose est sûre.
Et
on l’entend ! Trois fois par jour, le bruit d’effroyables discussions
1190
la cuisine des Simard. Un beau-frère est arrivé,
et
on partage. C’est toujours assez compliqué. La nuit, par un dernier r
1191
ns la remise qui est au-dessous de notre chambre,
et
leurs éclats de voix nous ont plusieurs fois réveillés. 18 mai 1935 …
1192
nous ont plusieurs fois réveillés. 18 mai 1935 …
Et
un beau jour, plus moyen d’échapper à cette humiliante évidence : san
1193
t remettre en place les aquarelles, les guéridons
et
les dessus de cheminée. Après-demain, nous partons. Nous fuyons. 27
1194
ie qu’inaugurèrent les généraux de la Révolution,
et
qui fut celle de Bonaparte, n’est en somme que l’application du style
1195
Lénine, Staline
et
la littérature (17 avril 1937)n Pour lutter contre le fascisme, le
1196
déjà ! — doit devenir une littérature de Parti. »
Et
Staline fait écho, trente ans plus tard, à cette déclaration totalita
1197
hrases sont tirées d’un choix de propos de Lénine
et
de Staline Sur la littérature et l’art. Disons tout de suite que le P
1198
propos de Lénine et de Staline Sur la littérature
et
l’art. Disons tout de suite que le Père des peuples n’a fourni pour s
1199
che en littérature des goûts tantôt traditionnels
et
presque scolaires (Lermontov, Pouchkine, Tolstoï), tantôt petits-bour
1200
kine, Tolstoï), tantôt petits-bourgeois (Monthéus
et
Barbusse). Son inculture, dans ce domaine, est d’ailleurs franchement
1201
ouvé un pareil plaisir, du point de vue politique
et
administratif. Dans son poème, il raille impitoyablement les réunions
1202
son poème, il raille impitoyablement les réunions
et
se moque des communistes qui ne font que siéger et siéger encore. Je
1203
t se moque des communistes qui ne font que siéger
et
siéger encore. Je ne sais ce qu’il faut penser de la poésie, mais pou
1204
ulture ». Au moins, c’est franc, sans prétention,
et
cela rend l’homme plutôt sympathique. Mais, en 1935, le ton des « dir
1205
e des peuples, sur le même Maïakovski : Il a été
et
il demeure le poète le meilleur, le plus talentueux de notre époque s
1206
re époque soviétique. L’indifférence à sa mémoire
et
à ses œuvres est un crime. Vous reconnaissez le ton du policier, et
1207
un crime. Vous reconnaissez le ton du policier,
et
du fonctionnaire arrivé. « L’indifférence à ses œuvres est un crime.
1208
» Heureusement pour lui que Lénine est déjà mort
et
momifié ! Je ne sais quelle était l’intention des éditeurs communiste
1209
aient en général saines, banales, un peu courtes,
et
que Staline s’est chargé d’en extraire ce qu’elles avaient de réactio
1210
’en extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire
et
d’attardé, ou de brutalement primaire, pour le planifier à l’échelle
1211
À nous de relever la vraie défense de la culture,
et
d’une culture créatrice, novatrice, contre ses fossoyeurs totalitaire
1212
e, novatrice, contre ses fossoyeurs totalitaires,
et
contre ce distributeur de prix à l’Académie de l’Armée rouge, l’homme
1213
ut ». n. Rougemont Denis de, « Lénine, Staline
et
la littérature », À nous la liberté, Paris, 17 avril 1937, p. 10.
1214
Chamisso
et
le Mythe de l’Ombre perdue (mai-juin 1937)p L’énigme Vers 181
1215
e bat son plein. On a vu bien des fous Chez Tieck
et
chez Fouqué. Celui-ci pourtant manifeste une anxiété plus sérieusemen
1216
iné, expliqué. Chamisso est français de naissance
et
d’éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un poète allemand
1217
prouve, le désir de s’en délivrer en l’exprimant.
Et
c’est ainsi que Chamisso introduisit dans la conscience moderne le my
1218
ui a perdu son ombre, sous les traits pathétiques
et
naïfs du célèbre Peter Schlemihl. De Chamisso à Hofmannsthal, plusieu
1219
onne enfin de ce lien entre le domaine germanique
et
l’expression littéraire du mythe : Chamisso, Andersen, Hofmannsthal,
1220
aire du mythe : Chamisso, Andersen, Hofmannsthal,
et
bien d’autres imitateurs, dont le moindre n’est pas Hoffmann… ⁂ L’éni
1221
. Je ne connaissais pas le livret d’Hofmannsthal,
et
compris mal l’intrigue de la Femme sans ombre. Je voyais une actrice
1222
un grand morceau d’étoffe qui figurait son ombre
et
l’embarrassait fort. Aux entractes, on parlait de Freud. La musique m
1223
oilà pourquoi, pensais-je, ils méprisent l’ombre,
et
la mésestiment gravement. Mais encore ? Ils en ont tous une, et s’ent
1224
ent gravement. Mais encore ? Ils en ont tous une,
et
s’entendent à tirer parti du plaisir que dispense un corps. Ils prise
1225
notre chair. Mais perdre sa chair, c’est mourir,
et
cet infortuné Schlemihl n’était tout de même pas mort d’avoir perdu s
1226
d’avoir perdu son ombre… Il était même si vivant,
et
sa présence si gênante, que je tentai de le contraindre, quoi qu’il a
1227
ner au délire de persécution. Tout effraye Peter,
et
le moleste en mille manières. Les jeux des enfants dans la rue, les v
1228
mmes qu’il rencontre, surtout la lumière du jour,
et
même la clarté de la lune. Il recherche la solitude pour y mener des
1229
endu. (Ne connaît-on que ce qui vient à manquer ?
Et
perd-on ce que l’on connaît, comme Adam et Ève l’innocence ?) Schlemi
1230
quer ? Et perd-on ce que l’on connaît, comme Adam
et
Ève l’innocence ?) Schlemihl est donc le type classique de l’homme qu
1231
istin sympathique, d’un philistin sans exigences,
et
qui veut croire à la vertu, — s’il n’y avait, au centre de lui-même,
1232
autres, sauf en ce je ne sais quoi qui n’est rien
et
devient l’essentiel, notre philistin méconnu se voit chassé de la com
1233
éconnu se voit chassé de la communauté des siens.
Et
par sa faute ! c’est là son amertume. Ici intervient l’évasion. Il ac
1234
ues ! Désormais il échappe à la vie, au voisinage
et
au dialogue. Son existence réelle se confond avec tous les vagabondag
1235
e la métamorphose, qui est la vie même de la vie.
Et
pourquoi dire dès lors : ceci est cause de cela ? Quand l’inverse est
1236
la ? Quand l’inverse est au moins aussi probable.
Et
quand rien ne dépend à coup sûr que du tout ? Ceci dit, la psychanaly
1237
analyse peut nous donner des descriptions utiles,
et
quelques « trucs » d’observation. Je retiens donc de Freud cette cons
1238
st considéré comme anormal au point de vue social
et
moral, celui-là peut être considéré comme anormal dans sa vie sexuell
1239
celui qui ne peut « trouver sa place au soleil »,
et
qui ne subsiste dans la compagnie de ses semblables que par un subter
1240
emihl n’est-il pas comparable à celui d’un esprit
et
d’un corps sains après « l’amour » ? Durant quelques moments, l’homme
1241
’homme éprouve une sensation de vide, de légèreté
et
en même temps de lourdeur, comme s’il était un peu en arrière des cho
1242
es choses, lent à démêler le monde où il revient,
et
qui l’accable de présences bizarres, ou douces, mais aussi quelques f
1243
, ou douces, mais aussi quelques fois, hostiles. (
Et
cela peut être comme une première influence de ce qu’on nommera chez
1244
sente trop lucide, perçant toutes choses à jour,
et
lui-même, d’où l’impression qu’il a d’être mal défendu contre les reg
1245
s adultes, à des mélancoliques qu’à des sanguins,
et
même à des Nordiques qu’à des Méridionaux, pourrions-nous ajouter ave
1246
e voir se réduire à quelque chose d’aussi précis,
et
que mille préjugés, français surtout, concourent à ridiculiser. Un fr
1247
onner la clé d’une interprétation autrement riche
et
inquiétante. Je traduis ce fragment littéralement : « On ne peut comp
1248
e sur la paroi, laquelle (ombre) vient de l’homme
et
se forme d’après lui : telle est aussi la Liquor, qui est « l’ombre i
1249
m’apprendre, avec bien d’autres choses curieuses
et
profondes, que la portée de ce passage était en vérité beaucoup plus
1250
qu’il y a de plus noble dans le corps tout entier
et
dans l’homme. » Je la rapproche alors de ce Selbst (ou soi-même) dont
1251
e tout ce qui est vraiment grave dans notre vie ;
et
la fameuse « question sexuelle » ne tire son importance démesurée que
1252
che à le dissimuler comme quelque chose de sacré,
et
que les deux fils de Noé couvrirent la nudité de leur père ivre en ma
1253
é, la mauvaise pudeur provient de ce que le corps
et
l’âme se distinguent de plus en plus, et cessent d’être reflets l’un
1254
le corps et l’âme se distinguent de plus en plus,
et
cessent d’être reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa
1255
de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée,
et
celle-ci des désirs de son corps — comme d’un embrassement sans amour
1256
amour, ou d’un amour qui se refuse à l’étreinte.
Et
pourquoi la pudeur cesse-t-elle d’exister — normalement — quand deux
1257
n avant de lui-même, là où il peut dominer sa vie
et
la construire avec tout son instinct à l’image d’une vision de l’espr
1258
vision de l’esprit. (L’esprit seul voit) Le corps
et
l’âme chantent alors dans l’unisson de la chasteté. L’esprit offensif
1259
dans l’unisson de la chasteté. L’esprit offensif
et
joyeux, le corps qui se sent « plein dans sa peau », partagent les ri
1260
dans sa peau », partagent les richesses du désir.
Et
l’homme a retrouvé son ombre. Suite et fin de la fable Peter Sc
1261
désir. Et l’homme a retrouvé son ombre. Suite
et
fin de la fable Peter Schlemihl nous apparaît maintenant une émouv
1262
Schlemihl nous apparaît maintenant une émouvante
et
très précise description de l’individu romantique, dans ce qu’il a de
1263
t à saisir le monde pour le former à son image40,
et
d’évasif devant sa vocation : le mystère de l’incarnation. Chamisso a
1264
sso a donné à son Peter tous les traits physiques
et
moraux de ce que l’on appellera plus tard le vague à l’âme, — qui est
1265
emme stérile, l’impératrice qui a perdu son ombre
et
qui emprunte celle d’une fille du peuple. Mais Andersen, comme on pou
1266
’auteur pour prendre corps dans l’œuvre poétique.
Et
le poème ensuite — plus beau et plus vivant que l’individu qui l’a co
1267
l’œuvre poétique. Et le poème ensuite — plus beau
et
plus vivant que l’individu qui l’a conçu comme porté au-delà de lui-m
1268
que d’avoir su élever les faiblesses de l’homme,
et
quelques-unes de ses plus folles illusions, à la hauteur du mythe, et
1269
ses plus folles illusions, à la hauteur du mythe,
et
de la Fable, plus profondément vrais que la vie. (Plus riches d’ensei
1270
ue la vie. (Plus riches d’enseignements concrets,
et
d’invites à la métamorphose). Mettre en forme ce qui nous défait, c’e
1271
voir d’invention dont la nouveauté reste entière.
Et
j’y songe : ce Schlemihl éternel, ce symbole en bottes de sept lieues
1272
. C’est le siècle où je vis qui n’a plus d’ombre,
et
c’est pour lui que je garde ma pitié. Il ne sait même plus écrire sa
1273
tiques. Notons qu’en dehors du domaine germanique
et
anglais, il ne relève que deux ou trois auteurs français. Encore ceux
1274
gine du conte célèbre serait donc bien française,
et
Barrès s’en réjouit. Il va jusqu’à soutenir que l’ombre perdue serait
1275
due par Chamisso. Les documents réunis par Rank —
et
que j’ignorais d’ailleurs au moment où j’écrivis cette étude — réduis
1276
philosophe « Venant des froides régions du Nord »
et
voyageant aux pays chauds, perd son ombre à force de rêver d’une jeun
1277
s climats chauds, les choses croissent très vite,
et
après qu’une semaine eut passé, il vit à sa grande joie qu’une nouvel
1278
omantisme allemand qui en a montré bien d’autres,
et
de tout contraire parfois : que l’on songe à Hegel, à Fichte, à Schle
1279
, à Schlegel. p. Rougemont Denis de, « Chamisso
et
le Mythe de l’Ombre perdue », Les Cahiers du Sud, Marseille, mai–juin
1280
abriquée : j’ai trouvé dans le chai deux tréteaux
et
deux planches bien rabotées ; j’ai dressé cela devant la fenêtre ouve
1281
e le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d’oiseaux,
et
parfois traversé par un nuage rapide. En me retournant à droite, je v
1282
, je vois par une autre fenêtre un coin de lande,
et
de petites dunes broussailleuses qui ferment l’horizon bas. Peu de te
1283
ailleuses qui ferment l’horizon bas. Peu de terre
et
beaucoup de ciel, et partout cette humide lumière blanche qui met des
1284
l’horizon bas. Peu de terre et beaucoup de ciel,
et
partout cette humide lumière blanche qui met des ombres si légères, v
1285
ère blanche qui met des ombres si légères, vertes
et
bleues, sur les murailles rosées. La maison compte deux chambres au r
1286
de la cuisine, deux autres chambres assez vastes
et
presque vides, auxquelles le toit sert de plafond. Très peu de meuble
1287
de bleu clair, des planchers rudes. Décor candide
et
gai, oui vraiment plus gai qu’ascétique. Dans le chai, à la porte un
1288
e dans l’ombre des amas de branchages, des outils
et
des treilles pour la pêche aux crevettes. Je me suis procuré un petit
1289
toute blanche qui contourne la panse de l’église,
et
aboutit à la place principale. Au milieu de cette place, qui est un v
1290
trie architecturale. Il domine toutes les maisons
et
le clocher. Il est seul au-dessus du pays. Je voudrais le dessiner da
1291
dans le style rom antique, avec tous ses détails
et
toute son opulence, frisé comme une perruque du grand siècle. De troi
1292
alignent en ordre modeste, peintes en tons clairs
et
simples, blanc, jaune ou vert. La couleur des volets s’harmonise avec
1293
armonise avec chaque façade d’une manière subtile
et
précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple discret. C’est l’impre
1294
le village où l’on va vivre. Celle-ci est énorme
et
goutteuse. Elle a des douleurs dans les jambes, et m’en parle d’abord
1295
t goutteuse. Elle a des douleurs dans les jambes,
et
m’en parle d’abord, pour me mettre en confiance. Je sens bien qu’elle
1296
eur, des enveloppes jaunes, du peloton de ficelle
et
du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la renseignent
1297
ins mais râpés, ne la renseignent pas clairement.
Et
que penser d’un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici
1298
à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage.
Et
moi, je recule devant l’entreprise de lui expliquer la nature de mon
1299
uère autre chose que de la mercerie, des lainages
et
des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mél
1300
933 Le bureau de poste. — Trois mètres sur trois,
et
grille épaisse au milieu. Derrière la grille, le long visage de Péden
1301
son tarif, fait son calcul sur un bout de papier,
et
conclut que j’ai à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour-là, d’une
1302
apaisement qui ménage toutes les susceptibilités,
et
finalement ne rien payer de plus. Je note ceci parce que c’est un pet
1303
e du malentendu qui apparaît entre les gens d’ici
et
moi dès qu’il s’agit de mon travail et de ses conditions pratiques. P
1304
gens d’ici et moi dès qu’il s’agit de mon travail
et
de ses conditions pratiques. Petits ennuis sans gravité, bien sûr. Ma
1305
te de recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit
et
transpire rien qu’à me voir entrer. Je cause un peu, pour me faire pa
1306
it des lessives. En été ils pêchent des palourdes
et
les vendent aux baigneurs. Bien entendu, je n’arrive pas à savoir com
1307
livre. Il est exactement de l’espèce que j’aime,
et
l’un des plus charmants dans cette espèce, mais ce n’est point pour c
1308
’en parle ici. C’est pour une raison très précise
et
qui n’a rien à voir avec la critique littéraire. À la page 43 de l’éd
1309
’air malade. Le lendemain nous le trouvions mort.
Et
je l’avais oublié là, sans sépulture, caché sous des feuillages bruni
1310
conclusion qui la dépasse d’ailleurs notablement
et
qui me paraît assez frappante. Voici : pour la première fois depuis j
1311
cette vieille ville, la plus proche de notre île,
et
où nous devons encore passer deux heures en attendant le départ de l’
1312
t d’un lieu public, de lire les journaux de Paris
et
de fumer des cigarettes américaines au goût de miel, introuvables dan
1313
rovise pas. Qu’il faut la conquérir avec méthode,
et
organiser à l’avance un plan d’attaque, prévoyant à un jour près la d
1314
’on se doute à Paris de l’importance des autocars
et
des transformations qu’ils sont en train de causer dans la vie provin
1315
utumes : rien ne pouvait modifier plus rapidement
et
plus profondément « la coutume » de la France rurale. Mais ce n’est p
1316
complètement le mode de contact entre le voyageur
et
la province. Naguère encore, quand on n’avait que les chemins de fer,
1317
it relégué à l’écart de la « vraie » circulation.
Et
l’on ne voyait guère que des gares, ce qu’il y a de plus attristant d
1318
qui l’habitent ne sont pas tous de la même sorte,
et
que d’une province à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui
1319
e matinale des foires, dans les districts ruraux,
et
ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La sim
1320
ans les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée
et
de la sortie des usines ou des écoles. La simple intention d’utiliser
1321
précisions concernant l’heure du prochain départ
et
la destination des diverses voitures qui stationnent, sur la place… E
1322
diverses voitures qui stationnent, sur la place…
Et
que dire maintenant du voyage lui-même ? C’est une résurrection de ce
1323
ut dispose à romancer ; de conversations absurdes
et
rapidement intimes, avec ce personnage enfoui à côté de vous dans un
1324
ns un luxueux fauteuil de cuir rouge ou bleu vif,
et
qui change de tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main
1325
aquets ou d’un jeune veau, ou d’un enfant hurlant
et
admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les chauffeurs accepten
1326
veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts
et
de détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontiers toutes
1327
r confient au départ avec force recommandations ;
et
ils sont rares, ceux qui n’ont pas deux mots à dire par la portière e
1328
r. Ce sont en général de jeunes gaillards solides
et
gais, et qui ont toutes les raisons d’aimer le travail et de le faire
1329
t en général de jeunes gaillards solides et gais,
et
qui ont toutes les raisons d’aimer le travail et de le faire bien : c
1330
et qui ont toutes les raisons d’aimer le travail
et
de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, cela vous pose dans
1331
on se sent maître à bord de sa puissante machine,
et
l’on bénéficie de ces petites faveurs que les femmes ont toujours acc
1332
mmes ont toujours accordées à ceux qui commandent
et
disposent, ne fût-ce que pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien
1333
t la bonne humeur, le dynamisme, le sens pratique
et
la rapidité d’esprit que les bourgeois, qui en sont dépourvus, attrib
1334
compter les moyens techniques dont ils disposent
et
qui seraient décisifs lors d’une action rapide. Mais loin de moi ces
1335
ions : ceux qui les ont n’en parlent pas, dit-on.
Et
je ne suis qu’un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation q
1336
e Taillefer voulait savoir quel était mon métier.
Et
quand j’eus dit que je n’en avais aucun, et que je n’étais qu’un écri
1337
tier. Et quand j’eus dit que je n’en avais aucun,
et
que je n’étais qu’un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’
1338
en avais aucun, et que je n’étais qu’un écrivain,
et
chômeur par-dessus le marché, il s’écria : « Ah ! cher monsieur, je v
1339
dans la société. Vous avez le temps de réfléchir
et
de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc
1340
réfléchir et de nous faire part de vos lumières,
et
sans vous, où irions-nous donc, nous qui ne croyons plus aux curés ?
1341
tons qu’un fonctionnaire c’était pour le flatter,
et
cela tient aux circonstances mêmes qui l’ont mis dans le cas d’écrire
1342
ou bien l’on écrit ce que l’on ne peut pas faire,
et
c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses
1343
is ; ou bien l’on écrit des choses intelligentes,
et
c’est encore l’aveu d’une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes
1344
ncore l’aveu d’une inadaptation cruelle aux mœurs
et
coutumes de ce temps ; on bien l’on écrit simplement pour gagner sa c
1345
n écrit simplement pour gagner sa chienne de vie,
et
c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se puiss
1346
ute façon, un écrivain est par nature un empêtré.
Et
voilà le paradoxe et l’injustice : c’est qu’on attend, qu’on exige mê
1347
n est par nature un empêtré. Et voilà le paradoxe
et
l’injustice : c’est qu’on attend, qu’on exige même de ces gens-là des
1348
i suffiraient à rendre heureux les plus indignes,
et
ingénieux les plus balourds, enfin je ne sais quelle supériorité huma
1349
vous donnons, c’est justement ce qui nous manque,
et
quand vous aurez compris cela, vous cesserez, je le crains, d’envier
1350
ouvrages déjà remarqués : Penser avec les mains
et
Politique du personnalisme [sic], M. Denis de Rougemont vient d’ill
1351
chômage, un recueil de réflexions, d’observations
et
de jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidien cet effort d
1352
de quotidien cet effort de restauration morale —
et
sociale — qui s’impose aux nouvelles générations. Par les menues expé
1353
ns. Par les menues expériences d’une vie diminuée
et
matériellement difficile, M. Denis de Rougemont sait tracer un tablea
1354
s de Rougemont sait tracer un tableau très vivant
et
très nuancé de la province française, ainsi qu’en témoigne cet extrai
1355
« Subjectivité
et
transcendance », Lettre de M. Denis de Rougemont (décembre 1937)w x
1356
ent de transcendance, la nature devient divinité (
et
ne peut pas ne pas le devenir). Pour ma part, je ne conçois pas de re
1357
dans son rapport aux puissances de l’imagination
et
non seulement dans son rapport à l’éthique. w. Rougemont Denis de,
1358
ions à la conférence de Jean Wahl, « Subjectivité
et
transcendance ».
1359
ux personnalistes « de ne point perdre leur temps
et
leurs forces à discuter avec leurs adversaires ». Il leur demande ens
1360
ure que l’on se proposait justement de combattre,
et
qui est celle de l’État totalitaire. Or, pour convaincre, il faut ent
1361
réaction (qu’il dit « parfaitement justifiée ») ;
et
quand il énumère nos réclamations, il ajoute en parlant de leurs aute
1362
nt de leurs auteurs : « On ne peut que les suivre
et
les approuver. » En somme, il se rangerait à nos côtés pour l’essenti
1363
’est sur des points que nous n’avons pas abordés,
et
sur des thèses que je souhaite qu’aucun de nous ne soutienne jamais.
1364
t l’amour abstrait de l’humanité. » Erreur totale
et
malentendu maximum. S’il fallait à tout prix reprendre les termes cho
1365
as « la bonté, la charité (vertus toutes passives
et
féminines) » (au sentiment de l’auteur), mais c’est, au contraire, la
1366
ce qui libère en l’homme les forces de résistance
et
de création, systématiquement déprimées par les tyrannies que l’on sa
1367
ivilisation, le caractère spécifique de la pensée
et
de la vie des hommes qui ont fait l’Europe et qui veulent la mainteni
1368
sée et de la vie des hommes qui ont fait l’Europe
et
qui veulent la maintenir. Et l’individualisme et les collectivismes n
1369
ui ont fait l’Europe et qui veulent la maintenir.
Et
l’individualisme et les collectivismes ne sont que les déviations com
1370
et qui veulent la maintenir. Et l’individualisme
et
les collectivismes ne sont que les déviations complémentaires et péri
1371
vismes ne sont que les déviations complémentaires
et
périodiques de cette ligne de plus grande efficacité. Le mouvement pe
1372
ement personnaliste ne s’est constitué comme tel,
et
n’a pris ce nom, que parce que dans l’Europe actuelle se déchaînent d
1373
e déchaînent des puissances de mort, spirituelles
et
matérielles, radicalement contraires au génie de l’Occident. Ces puis
1374
ces nous ont obligés, par leurs menaces instantes
et
brutales, à prendre une conscience active de ce qui, depuis nos origi
1375
ive s’est effectuée diversement selon les milieux
et
les groupes. En France, elle s’est traduite surtout en termes catholi
1376
elle s’est traduite surtout en termes catholiques
et
en termes proudhoniens ; chez nous, en termes surtout protestants ; e
1377
e tiens que seule la foi réelle — celle qui agit,
et
non celle qui endort — donne à notre attitude son sens dernier. Beauc
1378
Ils en ont d’autres, que je crois insuffisantes,
et
je le leur dis en toute franchise. Du moins ne tiennent-ils pas le ch
1379
. À défaut de la foi, ils connaissent l’Histoire,
et
savent de quoi l’Europe s’est faite. Pierre Beausire ne craint pas de
1380
proclamer que « si l’on veut parler à des hommes,
et
non à des enfants, il faut renoncer à invoquer le Christ ». Je ne cra
1381
ls s’emparent hardiment du pouvoir dans cet État,
et
, en manifestant la noblesse de leur caractère, nous délivrent du tris
1382
une souveraine dignité, d’une intelligence froide
et
d’un jugement droit. » Où trouve-t-on cela ? Dans les livres de Nietz
1383
as une utopie de plus, un refuge pour les faibles
et
les sceptiques, pour ceux qui craignent de se perdre en s’engageant,
1384
r ceux qui craignent de se perdre en s’engageant,
et
préfèrent la littérature ; si ce n’est pas une manière de « grève per
1385
devenir un, qu’il nous amène ce précieux renfort,
et
nous le saluerons d’un vivat ! Nous saurons très bien nous entendre a
1386
de Dieu seul — mais bien la possibilité de vivre
et
de créer sa vérité — bonne ou mauvaise — contre les fous totalitaires
1387
otalitaires de droite ou de gauche, leurs guerres
et
leurs cultes d’État. 80. Voir numéro du 1er décembre 1937 : Le Pers
1388
cablé par la misère, il était monté sur un tertre
et
il avait maudit le Dieu Tout-Puissant qui le laissait mourir de faim.
1389
it mourir de faim. Ce blasphème assombrit sa vie,
et
la révélation qu’en eut plus tard Søren fut décisive pour son dévelop
1390
egaard. Il devint commerçant, amassa une fortune,
et
c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage, après une sévère éduca
1391
étiste, un secret qu’il qualifiera de terrifiant,
et
une belle aisance matérielle. Du secret, il tira une partie de son œu
1392
frères, pour éviter d’avoir affaire aux banques,
et
lorsqu’il mourut, l’on s’aperçut qu’il n’en restait que 200 francs. C
1393
. À 27 ans, il terminait ses études de théologie,
et
se fiançait avec une jeune fille de 18 ans, Régine Olsen. Tout le mon
1394
hent des raisons physiologiques ; c’est probable,
et
de peu de portée). Au lendemain de sa rupture, il partit pour Berlin
1395
chaque chambre il faisait disposer une écritoire
et
du papier, de façon à pouvoir noter, au cours de son interminable pro
1396
rues les plus animées de la ville, parlant, riant
et
discutant avec les bourgeois, avec des jeunes filles, avec des balaye
1397
es, signés de pseudonymes (La Répétition, Crainte
et
Tremblement) et deux recueils de Discours édifiants, signés de son no
1398
eudonymes (La Répétition, Crainte et Tremblement)
et
deux recueils de Discours édifiants, signés de son nom. Mais à mesure
1399
rétien de sa pensée, le public s’écarta, effrayé.
Et
lorsqu’en 1831, il se mit à attaquer avec une extrême violence, le ch
1400
c une extrême violence, le christianisme officiel
et
ses évêques, il se vit abandonné dans la plus complète solitude qu’ai
1401
fut l’attaque qu’il mena contre l’Église établie
et
contre dix-huit siècles de chrétienté officielle — attaque contre le
1402
devenir chrétien ». Car on ne naît pas chrétien,
et
même on ne peut pas l’être, il faut sans cesse le devenir, et le deve
1403
e peut pas l’être, il faut sans cesse le devenir,
et
le devenir dans l’instant de la foi, qui est l’instant de l’acte d’ob
1404
0 volumes en douze années). Pensée qu’il défendit
et
qu’il servit de toutes les forces de son génie universel de poète, de
1405
nie universel de poète, de philosophe, d’ironiste
et
de théologien. Il se trouvait devant un monde où tout avait été broui
1406
ant un monde où tout avait été brouille : sérieux
et
plaisanterie, valeurs éternelles et opportunisme, christianisme et co
1407
lle : sérieux et plaisanterie, valeurs éternelles
et
opportunisme, christianisme et confort moral, témoignage, discours ac
1408
valeurs éternelles et opportunisme, christianisme
et
confort moral, témoignage, discours académiques. L’évêque Nynster ven
1409
vêque Nynster venait de mourir, comblé d’honneurs
et
de gloire mondaine. Sur sa tombe son successeur le qualifia, selon l’
1410
n homme qui témoigne dans le dénuement, la misère
et
l’humiliation, méconnu, déteste, insulté, bafoué — un homme qui est f
1411
omme qui est flagellé, torturé, traîné en prison,
et
puis enfin — car c’est bien d’un véritable témoin de la vérité qu’on
1412
véritable témoin de la vérité qu’on nous parle —
et
puis enfin crucifié, décapité, brûlé ou rôti sur un gril, jeté par le
1413
tre enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa vie
et
son existence, sa mort et son enterrement, et l’évêque Nynster, nous
1414
in de la vérité, sa vie et son existence, sa mort
et
son enterrement, et l’évêque Nynster, nous dit-on, fut un des vrais t
1415
vie et son existence, sa mort et son enterrement,
et
l’évêque Nynster, nous dit-on, fut un des vrais témoins de la vérité
1416
re au christianisme que n’importe quelle hérésie,
et
c’est de jouer au christianisme, d’en écarter les dangers, et de joue
1417
jouer au christianisme, d’en écarter les dangers,
et
de jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynster était un témoin de la vé
1418
l’ordre. Il le devint lui-même, de tout son être.
Et
il savait ce que cela devait lui coûter. Car le monde ne tolère jamai
1419
rt des gens vivent dans une confusion impensable,
et
n’en conçoivent pas de malaise. D’autres, qui s’essaient à penser en
1420
a force à une mort que toute son œuvre provoquait
et
qui vaincue par une telle victime, lui révéla dans les derniers insta
1421
Contempler dans sa mort la « fin » de sa passion
et
l’accomplissement de sa foi, tel fut le sort de Kierkegaard, son inco
1422
eil à forcer l’esprit sur l’obstacle du désespoir
et
de l’absurdité de l’existence ; toute une vie tendue vers l’impossibl
1423
es tentations d’une religion qui n’est pas Dieu ;
et
soudain, sur son lit de mort, cette phrase : Je ne pense pas que ce
1424
j’ai dit, mais je ne l’ai dit que pour l’écarter,
et
pour arriver à Alléluia ! Alléluia ! Alléluia !82 Deux documents éc
1425
tère de ce triomphe, le sens dernier de cette vie
et
de cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer les hommes à ê
1426
Kierkegaard : Forcer les hommes à être attentifs
et
à juger, c’est exactement prendre le chemin du vrai martyre. Un vrai
1427
elle il a consacré toutes ses forces spirituelles
et
toute son œuvre d’écrivain… S’il reste en vie, dit-il, il poursuivra
1428
traire sa mort donnera de la force à son attaque,
et
lui assurera, pense-t-il, la victoire.84 ⁂ De cette œuvre considéra
1429
s. Il faut y aller voir dans ses livres traduits,
et
dans l’étude monumentale que Jean Wahl publie ces jours-ci. Mais il s
1430
ur non prévenu : la « difficulté » de Kierkegaard
et
sa dialectique du sérieux et de l’ironie. Kierkegaard est difficile
1431
lté » de Kierkegaard et sa dialectique du sérieux
et
de l’ironie. Kierkegaard est difficile parce qu’il est simple. « La
1432
hose nécessaire s’oppose à tous nos conformismes,
et
même à nos plus hauts désirs. Il est désespéré, mais c’est à cause de
1433
. Il est désespéré, mais c’est à cause de la foi.
Et
s’il espère, c’est « en vertu de l’absurde », c’est-à-dire de l’incar
1434
on craint pitié corrosive. Finalement on se rend
et
il refuse cette capitulation. On n’étudie pas Kierkegaard, on l’attra
1435
tre irrémédiable. Tous les autres, sauf Empédocle
et
Nietzsche, ont refusé de signer de leur sang le pacte qui lie le pens
1436
cision mortelle. Concession, la raison de Pascal,
et
lors même qu’il y renonce : concession, la pitié parfois presque sadi
1437
pens de tout ce qui soutient l’homme contre Dieu.
Et
cependant, dans le pire désespoir, jamais de défi, ni d’« hybris ». P
1438
aines paraboles, de certaines ironies polémiques.
Et
tout d’un coup on s’aperçoit qu’elles nous jettent en plein drame de
1439
eul acte de foi, qui jette sur nos sérieux, poses
et
amusettes (ou « plaisirs » comme on dit non sans grandiloquence à pro
1440
ne illusion, un mythe, un saut dans le vide, etc.
Et
alors il n’y a plus nulle part de « vrai » sérieux. Mais peut-être au
1441
ut-être aussi cet acte existe-t-il, quelque part,
et
alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie tant que je n’ai pas t
1442
première est littéraire : ce sont les dramaturges
et
les poètes du Nord, dont le plus grand nom est Ibsen. La seconde phil
1443
xistentielle » d’Allemagne, avec Martin Heidegger
et
Karl Jaspers. La troisième théologique : l’école dialectique, qui sou
1444
on de Karl Barth est en train de sauver l’honneur
et
l’existence même des églises allemandes. Nul ne peut mesurer aujourd’
1445
on publie sur son œuvre des centaines d’ouvrages
et
d’articles. Ce qui est certain, c’est qu’à la différence de Nietzsche
1446
« utiliser » Kierkegaard pour des fins politiques
et
temporelles. Il se dresse, au seuil de l’époque comme la plus formida
1447
s, nos compromis spirituels, nos passions courtes
et
agitées. Sur une pierre de cimetière danois, on peut lire cette inscr
1448
cette inscription nue : « Le Solitaire ». Le rire
et
la passion sévère, le ricanement puissant et le message d’amour de Ki
1449
rire et la passion sévère, le ricanement puissant
et
le message d’amour de Kierkegaard traversent notre âge comme cette pi
1450
erkegaard traversent notre âge comme cette pierre
et
ce mot gravé qui ne cessent de nous accuser dans leur silence d’étern
1451
mer singulier, c’est-à-dire supérieur à la masse.
Et
ce n’est pas encore franchement s’avouer que de se comparer aux seuls
1452
rien en nous, que rien dans notre vie n’attendait
et
ne prévoyait. Ce n’est qu’au prix d’un désordre social — selon les pr
1453
asser », c’est à la fois se reconnaître en vérité
et
rejoindre l’humanité. Chômage. — On dit souvent qu’il faut à l’homm
1454
aine de volumes l’espace de dix ans : Kierkegaard
et
Nietzsche. Le premier était riche et dépensait sans compter85. Le sec
1455
Kierkegaard et Nietzsche. Le premier était riche
et
dépensait sans compter85. Le second était si pauvre, au moment où il
1456
rceaux du bras avant servi à rapiécer les épaules
et
le plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur servait à p
1457
fesseur servait à payer ses logeuses successives,
et
les remèdes contre ses effroyables maux de tête. De plus, il était à
1458
tête. De plus, il était à demi aveugle… Confort
et
culture. — À ceux qui n’ont rien, il faut donner du confort, afin qu’
1459
dont il faut redouter je ne sais quelle invisible
et
brusque vie tout près. Nuit des villes, rouge et circulante, pleine d
1460
et brusque vie tout près. Nuit des villes, rouge
et
circulante, pleine de rumeurs, comparable à la fièvre. Plus lucide so
1461
, tout repose complètement. Un silence implacable
et
mat enserre l’homme qui chemine sur la route incertaine, au milieu de
1462
s. Par temps clair, les étoiles sont très grosses
et
molles au-dessus du jardin. Mais il arrive que le noir soit compact.
1463
rues du village, illuminées comme un décor blanc
et
vert. Des chiens surgissent des coins d’ombre, aboient horriblement,
1464
ournent autour de moi, me flairent avec angoisse,
et
fuient soudain en gémissant. J’ai des lettres à porter à l’autobus. I
1465
l faut s’éloigner du village. De nouveau le noir,
et
l’écho de mes pas contre les murs des maisons mortes. Je me glisse da
1466
Je me glisse dans le hangar de la grosse voiture
et
tâte ses flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ouverture de la boîte a
1467
bas, éclairent quelques façades blanches, carrés
et
rectangles détachés violemment au bas de l’énorme nuit. On ne voit qu
1468
éométriques, dominées par le clocher à toit plat,
et
des fragments de silhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur d
1469
ange écho des pas, si proche dans les rues vides,
et
les mêmes chiens qui reviennent, et pas une âme. « Vallée de l’ombre
1470
s rues vides, et les mêmes chiens qui reviennent,
et
pas une âme. « Vallée de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur
1471
une âme. « Vallée de l’ombre de la mort… étranger
et
voyageur sur la terre… » Jamais plus que dans cette nuit. Fin de sé
1472
lace. Je garderai toutefois le plan d’aménagement
et
de décoration des trois chambres du premier étage, on ne sait jamais…
1473
incer le sommier au tournant, entre la balustrade
et
les parois de la cage d’escalier — au surplus fortement rayées — nous
1474
descendre mes caisses de livres à la gare, etc.,
et
le train part dans une heure. Quand la propriétaire reviendra pour l’
1475
era à ce sommier monumental dans sa pose scandale
et
ma réputation sera faite ! Fuyons, fuyons ! (Été à Paris). Impossib
1476
du libre-échange humain. — Considération irritée
et
décevante des « gens » en général — quand je ne fais que les jauger d
1477
l — quand je ne fais que les jauger d’un regard —
et
sympathie violente, « élan vers », dès que mon regard s’attache un pe
1478
s’attache un peu longuement à un visage, au corps
et
aux vêtements, aux mains, à l’attitude distraite et vraie d’un être i
1479
aux vêtements, aux mains, à l’attitude distraite
et
vraie d’un être isolé près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur
1480
. Je prends le métro, malgré l’odeur de buanderie
et
ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour rega
1481
rfums de femmes, rien que pour regarder des êtres
et
vivre un moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’
1482
elles que j’en ai sans doute vécues, adolescent —
et
sûrement ce serait bien autre chose… La femme descend sans se retourn
1483
autre chose, à quelque chose qui n’est pas d’ici.
Et
déjà je ne comprends plus pourquoi j’ai eu ce fort désir soudain, dan
1484
ses raisons qui sont plus fortes que nous tous. —
Et
alors, dira-t-on : « Faire la révolution ! » — Ce substitut, ce renvo
1485
ntparnasse. — Stupidité triste, parfois insolente
et
lourde, de cette population de mannequins vides et mal truqués. Figur
1486
t lourde, de cette population de mannequins vides
et
mal truqués. Figures grises devant des menthes fausses. « Fric », « b
1487
e idée embrassée avec force au mépris de soi-même
et
de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. En vérité, il
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té, il n’y a pas de faits grands ou petits en soi
et
par comparaison. Il y a dans chaque vie d’homme à peu près digne de c
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e de ce nom, un fait qui commande tous les autres
et
qui est la mesure de tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu es
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qui est la mesure de tout. Quand tu l’auras connu
et
accepté — tu es seul à pouvoir le connaître — lève-toi et regarde les
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té — tu es seul à pouvoir le connaître — lève-toi
et
regarde les choses, les gestes incongrus et mécaniques des autres : é
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e-toi et regarde les choses, les gestes incongrus
et
mécaniques des autres : écoute bien ce qu’ils disent à travers les pa
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ou quand ils rient : tu ne verras, tu n’entendras
et
tu ne comprendras jamais qu’un appel à devenir toi-même ce fait qui e
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attend, attend de toute éternité pour aujourd’hui
et
de toi seul — et c’est ta foi. 85. Kierkegaard avait déposé sa fort
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toute éternité pour aujourd’hui et de toi seul —
et
c’est ta foi. 85. Kierkegaard avait déposé sa fortune, réalisée en