1 1936, Articles divers (1936-1938). Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour (1936)
1 6)d Aucun ouvrage ne se passe mieux de préface qu’ un bon roman. Pourtant la réussite de Max Brod n’est pas seulement de
2 e de Garta, dont le lecteur ne tardera pas à voir qu’ il figure la conscience exigeante, et comme le juge incorruptible et a
3 andir : Franz Kafka. De cet esprit incomparable — qu’ on l’entende aux deux sens du terme —, un seul ouvrage a paru en franç
4 muler sa réaction, voilà sans doute l’explication qu’ il faut donner à l’espèce de résistance que rencontre Kafka parmi nous
5 cation qu’il faut donner à l’espèce de résistance que rencontre Kafka parmi nous. Rien ne me paraît plus propre à la réduir
6 nous. Rien ne me paraît plus propre à la réduire que le détour auquel a recouru Max Brod ; la biographie romanesque, l’app
7 oche vivante de la personne même de Kafka dans ce qu’ elle eut de quotidien et de très simplement communicable. Encore faut-
8 s simplement communicable. Encore faut-il montrer que ce détour n’est pas un artifice gratuit. Vieux Pragois lui aussi, Br
9 es œuvres, pour une très grande part inédites, et que Kafka lui-même, par l’excès d’un scrupule à la fois artistique et rel
10 ule à la fois artistique et religieux, souhaitait que l’on détruisît. Max Brod s’est expliqué sur ce point délicat dans une
11 jointe à l’édition posthume du Procès : je doute que les lecteurs de ce livre étonnant, le plus profond qu’on puisse imagi
12 es lecteurs de ce livre étonnant, le plus profond qu’ on puisse imaginer, aient le courage de le lui reprocher. La piété mêm
13 ent le courage de le lui reprocher. La piété même que voue Max Brod à la mémoire de son ami le retint d’entreprendre au len
14 r de prolonger le merveilleux dialogue interrompu que l’auteur du Royaume enchanté attribue aujourd’hui l’inspiration de ce
15 ériences et préoccupations sociales, les lectures qu’ il fait à son ami, la brève idylle de Weimar… tout cela compose une de
16 à Vienne en 1924. Il n’avait publié de son vivant qu’ un petit nombre de récits. Mais on trouva dans ses papiers les manuscr
17 s : Le Procès, Le Château, et Amérique. Le regard qu’ il y porte sur le monde est d’une précision proprement angoissante. Il
18 otre vie quotidienne, mais avec une minutie telle qu’ on ne tarde pas à pressentir que la plupart de nos démarches sous-ente
19 une minutie telle qu’on ne tarde pas à pressentir que la plupart de nos démarches sous-entendent et masquent à peine une fo
20 une foncière absurdité. L’état d’extrême lucidité que suscite en nous cette vision ressemble à s’y méprendre à un cauchemar
21 plus sobre de notre humaine condition. On dirait qu’ il incite ses héros à pratiquer contre la vie bourgeoise une espèce de
22 rs tâches banales et de leurs relations sociales, qu’ ils en découvrent et en dénoncent l’impossibilité foncière. À serrer d
23 ns la vie de son héros, Kafka nous amène à penser que le détail de l’existence banale, et le sentiment d’étrangeté qui parf
24 s’expliquent de la manière la plus logique sitôt qu’ on les rapporte à un fait initial mystérieux et d’apparence extravagan
25 les préoccupations sociales de « Garta », telles que nous les décrit Max Brod, aideront à deviner la nature assez rare du
26 de l’angoisse dérivent sans doute de Kierkegaard, qu’ il fut l’un des premiers à découvrir au xxe siècle. D’autre part, sa
27 admiration pour Goethe. Rien n’est plus suggestif que cette rencontre en un seul homme de deux influences aussi contradicto
2 1936, Articles divers (1936-1938). Forme et transformation, ou l’acte selon Kierkegaard (janvier 1936)
28 accepte ; mais dans cette mesure même, il se peut qu’ il cesse d’être humain. Car l’homme n’a d’existence proprement humaine
29 n. Car l’homme n’a d’existence proprement humaine que lorsqu’il participe à la transformation du monde. Autrement, il est a
30 radation. Ceux qui ne croient pas à l’acte, c’est qu’ ils ne connaissent plus aucun chemin. Comment marcher, s’il n’existe p
31 té. En vérité, toutes les démonstrations savantes qu’ on nous a faites depuis un siècle pour nous prouver que l’acte est imp
32 nous a faites depuis un siècle pour nous prouver que l’acte est impossible et que le tout de l’homme est soumis au calcul,
33 le pour nous prouver que l’acte est impossible et que le tout de l’homme est soumis au calcul, tout cet effort des sciences
34 t le chemin Christ est la Vérité dans ce sens qu’ être la vérité est la seule explication vraie de la vérité… Être la vé
35 ité ; et nul homme ne connaît davantage de vérité qu’ il n’en incarne.3 Voici donc le mystère : s’il n’y a pas de chemin,
36 suis le chemin ». Mais un chemin n’est un chemin que si on y marche4. Sinon il n’est qu’un point de vue ; ou bien encore l
37 est un chemin que si on y marche4. Sinon il n’est qu’ un point de vue ; ou bien encore le lieu d’un pur possible, et sur ces
38 croire au Paradoxe de l’incarnation, c’est croire que Dieu a revêtu la forme de ce monde, c’est croire donc que cette forme
39 a revêtu la forme de ce monde, c’est croire donc que cette forme peut être transformée. — à vrai dire, en vertu du paradox
40 u du paradoxe le plus fou. Nous ne pouvons agir «  qu’ en vertu de l’absurde » ; mais cela seul donne un sens à nos vies. Alo
41 lois qui nous disaient d’agir dans le même temps qu’ elles nous privaient de tout pouvoir, s’évanouissent et meurent aux pa
42 et la norme de toutes les normes. Au premier pas que nous faisons dans notre nuit, voici que le chemin s’éclaire et que le
43 emier pas que nous faisons dans notre nuit, voici que le chemin s’éclaire et que les perspectives se dégagent. Et nous allo
44 dans notre nuit, voici que le chemin s’éclaire et que les perspectives se dégagent. Et nous allons connaître maintenant que
45 se dégagent. Et nous allons connaître maintenant que seul l’acte de foi est création, transformation, nouveauté pure dans
46 ternité qui vient à nous. 2. Il n’est d’action que prophétique Qu’est-ce que prophétiser sinon dire la Parole qui dét
47 nous. 2. Il n’est d’action que prophétique Qu’ est-ce que prophétiser sinon dire la Parole qui détermine notre avenir
48 2. Il n’est d’action que prophétique Qu’est-ce que prophétiser sinon dire la Parole qui détermine notre avenir ? Mais la
49 étermine notre avenir ? Mais la Parole n’est dite que dans la foi, la foi n’existe que dans l’acte, et cet acte devient alo
50 arole n’est dite que dans la foi, la foi n’existe que dans l’acte, et cet acte devient alors notre chemin et notre loi. Ain
51 min et notre loi. Ainsi nous ne pouvons connaître que ce que nous prophétisons. Le chrétien marche dans la nuit en créant s
52 notre loi. Ainsi nous ne pouvons connaître que ce que nous prophétisons. Le chrétien marche dans la nuit en créant sa lumiè
53 lumière, chemin toujours imprévisible, certitude que devinent les pas, chemin qui se dérobe au doute et à l’orgueil, mais
54 hemin qui se dérobe au doute et à l’orgueil, mais que parfois la prophétie fait briller devant lui comme un éclair. « Sache
55 fait briller devant lui comme un éclair. « Sachez qu’ à l’origine, — lit-on dans un dialogue de Kassner6 — toutes les créatu
56 , pareils aux prophètes. C’est de ce commencement que chaque chose tire sa force et son temps ; toute créature languit aprè
57 e qui prophétise ? Le chemin est imprévisible. Ce que nous connaissons, c’est pourtant son point de départ. Le chemin comme
58 tout homme qui se met en devoir d’obéir à l’ordre qu’ il reçoit de Dieu, — n’importe où et n’importe qui, à n’importe quel o
59 chrétienne, — ose la mettre en pratique. L’action que tu introduiras ainsi dans la réalité portera la marque de l’absolu :
60 ans une sorte d’humour — dans l’aventure de celui que rien ne protège et la prudence de celui qui écoute, dans le tourment
61 emin, mais bien à l’inventer à chaque pas Tant que nous considérons le Christ avec des yeux de moralistes, comme une per
62 es, comme une personnalité morale de premier plan qu’ il ne resterait plus qu’à imiter, l’acte demeure un pur possible, un m
63 té morale de premier plan qu’il ne resterait plus qu’ à imiter, l’acte demeure un pur possible, un modèle d’acte, une abstra
64 acte, une abstraction, c’est-à-dire quelque chose que nous pouvons imaginer sans pour autant nous transformer, et c’est bie
65 quoi ? Parce que « le chemin » est invisible tant qu’ on n’y est pas engagé. Parce que c’est un blasphème de l’homme pieux,
66 ’est un blasphème de l’homme pieux, du moraliste, que de prétendre imiter le modèle que ses yeux voient et que sa chair per
67 , du moraliste, que de prétendre imiter le modèle que ses yeux voient et que sa chair perçoit (à la lecture des évangiles p
68 prétendre imiter le modèle que ses yeux voient et que sa chair perçoit (à la lecture des évangiles par exemple) au lieu d’é
69 rt de plaire, constamment exalté par la certitude que l’on est aimé maintenant, et même si l’effort échoue »8. Parce qu’il
70 le seul acte possible à l’homme. Et c’est l’acte que Dieu initie. 4. « Par rapport à l’absolu, il n’existe qu’un seul t
71 itie. 4. « Par rapport à l’absolu, il n’existe qu’ un seul temps : le présent »9 Nous ne connaissons rien du Christ,
72 ec notre durée, et l’on n’en peut n’en dire sinon qu’ il s’est produit, et qu’il peut se produire sans que rien y prépare. «
73 n’en peut n’en dire sinon qu’il s’est produit, et qu’ il peut se produire sans que rien y prépare. « Car Dieu peut tout à to
74 iennent ; c’est pourquoi nous n’avons plus d’être que par la foi, « substance des choses espérées », et c’est pourquoi la P
75 », et c’est pourquoi la Parole, parmi nous, n’est que promesse et vigilante prophétie de l’invisible. De Séir, une voix cri
76 Séir, une voix crie au prophète11 : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — La sentinel
77 « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — La sentinelle a répondu : Le matin vient, et la
78 ne perdit point Isaac ; c’est par la foi d’abord qu’ il le reçut »14. 5. Le temps de l’acte est renaissance, initiation
79 ux moments réels d’une vie d’homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la naissance et la mort, parce qu’ils son
80 l’anarchie et sur la loi individuelle. C’est ici qu’ on touche au mystère, sans lequel tout serait absurde : acte détruit l
81 ns le même instant et la mort et la vie des êtres qu’ il promet à l’existence ; mais détruisant le temps, il le recrée et le
82 ion absolue, mais un acte de l’homme n’est jamais qu’ une rédemption. Distinction de théologien, et qui veut prévenir l’orgu
83 doit agir, s’il veut juger de soi selon le succès qu’ il remporte, n’arrivera jamais à rien entreprendre. Même si le succès
84 rien au héros ; car le héros n’a connu son succès que lorsque tout était fini ; et ce n’est point par le succès qu’il fut h
85 tout était fini ; et ce n’est point par le succès qu’ il fut héros, mais par son entreprise »15. Le temps de l’acte vient s’
86 mort et de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’ est-ce que la personne ? C’est la vision et le visage du héros, sa vis
87 la vie a mis des marques victorieuses. Qu’est-ce que la personne ? C’est la vision et le visage du héros, sa vision contre
88 spoir Nous savons tous cela, comme nous savons qu’ il faut mourir : sans y croire. À vrai dire, nous avons toutes les rai
89 ons toutes les raisons d’en douter, s’il est vrai que le doute est révolte, et qu’il faut pour se l’avouer la joie qui naît
90 outer, s’il est vrai que le doute est révolte, et qu’ il faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte de la foi. Lorsque
91 illusion du désespoir, qui consiste à s’imaginer que l’acte est puissance de l’homme : d’où l’impossibilité de l’oser. Cel
92 e l’homme : d’où l’impossibilité de l’oser. Celui que la foi vint saisir sait maintenant que l’acte est le contraire du dés
93 ser. Celui que la foi vint saisir sait maintenant que l’acte est le contraire du désespoir. Mais il le sait d’une tout autr
94 désespoir. Mais il le sait d’une tout autre façon que le désespéré ne l’imagine. Parce que le rapport du désespoir à l’acte
95 e et sans prochain, — sans vocation ! — s’imagine que l’acte viendra comme un sursaut de joie, comme une révolte, comme une
96 e la preuve enfin de son moi, — mais il sait bien qu’ il n’en a pas, ou que son moi est désespoir, c’est-à-dire qu’il n’y cr
97 son moi, — mais il sait bien qu’il n’en a pas, ou que son moi est désespoir, c’est-à-dire qu’il n’y croit pas et qu’il ne c
98 a pas, ou que son moi est désespoir, c’est-à-dire qu’ il n’y croit pas et qu’il ne croit à aucun acte. Il vit dans le désir
99 st désespoir, c’est-à-dire qu’il n’y croit pas et qu’ il ne croit à aucun acte. Il vit dans le désir et dans la nostalgie, e
100 itation, sensualité et envie… Ainsi l’acte absolu qu’ il imagine serait sa mort, — et c’est pourquoi il n’y croit pas. Nul n
101 faudrait donc… la créer ? « L’homme ne peut faire qu’ une seule chose en toute sobriété, c’est l’absolu »17. Entre le désesp
102 é et l’absolu, il y a tout ce romantisme qui veut que l’acte soit puissance et jouissance, il y a ce moi de désir qui veut
103 ce et jouissance, il y a ce moi de désir qui veut que l’acte — l’instant ! — soit durée… Mais l’absolu qui vient jucher nos
104 eçue d’ailleurs, une rupture de tout drame humain que nous pussions prévoir, désirer et décrire ; une rupture et une vision
105 a Parole de Dieu, — la prophétie dans l’immédiat. Que s’est-il donc passé ? Me voici seul sur le chemin ; mais je vois des
106 t menaçante. Nous ne voyons aucun visage ailleurs que dans l’acte d’aimer. 7. Toute vocation est sans précédent Car e
107 étie justement ! — et c’est de la seule prophétie que relèvent la réalité et le sérieux, le risque et la splendeur d’une vi
108 vie d’homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’ il prophétise, uniquement, et dès l’origine. C’est pourquoi l’homme a
109 st pourquoi l’homme a un visage et une vision, ce que n’ont pas les animaux ; c’est pourquoi l’homme est héroïque. Il faut
110 Kierkegaard a très peu parlé de vocation18. C’est qu’ il parle sa vocation et ne s’en distingue jamais. Cependant il est hor
111 distingue jamais. Cependant il est hors de doute qu’ il eut conscience de cet aspect particulier de son destin qui qualifie
112 alors que la foi véritable est celle du solitaire que plus rien ne soutient, hors la foi ? « Celui qui ne renonce pas à la
113 tu de l’absurde ». L’homme ne peut être déterminé que par son Dieu ou par « le monde », il faut choisir. Il faut être un ch
114 Il vit dans la forme du monde : et ce n’est point qu’ elle soit pour lui réelle, elle est seulement la moins invraisemblable
115 tien qui marche dans la nouveauté ne prend mesure que de ce qu’il transforme. Sa connaissance est acte et vision prophétiqu
116 arche dans la nouveauté ne prend mesure que de ce qu’ il transforme. Sa connaissance est acte et vision prophétique. La mesu
117 du temps de sa vie réside dans la seule vocation qu’ il incarne. Sur le chemin qui commence à ses pas, il ne meurt jamais p
118 ne meurt jamais par surprise : et ce n’est point qu’ il ait connu le jour et l’heure, mais il connaît l’instant, s’il vit d
119 voulu croire. Chez les hindous, elle n’est encore qu’ une forme de l’agitation humaine. Pour le chrétien seul elle signifie
120 a pas de biographie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter de faire la psychologie d’un prophète, ou bien alors elle s
121 pasteur de campagne, par exemple. C’est, dit-il, que sa consigne est de « tenir bon en souffrant ». Le presbytère de campa
122 lution commode, surtout en regard des souffrances qu’ il sait trop bien que lui vaudront ses attaques contre l’Église établi
123 nt affligeant dans l’existence du bourgeois c’est qu’ elle est entièrement déterminée jusqu’à la mort, mais que la mort surv
124 est entièrement déterminée jusqu’à la mort, mais que la mort survient comme une absurdité, la première dans l’histoire du
3 1936, Articles divers (1936-1938). Décadence des lieux communs (décembre 1936)
125 tout, dit Alice. Ils se disputent tous tellement qu’ ils vous assourdissent. Ils ne suivent pas la règle du jeu et je ne sa
126 règle du jeu et je ne sais même pas s’ils savent qu’ il y en a une. Alice au Pays des Merveilles On peut penser que notre
127 une. Alice au Pays des Merveilles On peut penser que notre langue est plus malade que n’était le latin à l’époque de la Re
128 On peut penser que notre langue est plus malade que n’était le latin à l’époque de la Renaissance24. Le latin de Bembo et
129 teur moyen trouve parfaitement normal de déclarer que « c’est du latin » pour ses oreilles, mais encore il existe autant de
130 es, mais encore il existe autant de ces latins-là que de chapelles littéraires, que d’écoles philosophiques, que de théorie
131 nt de ces latins-là que de chapelles littéraires, que d’écoles philosophiques, que de théories politiques. Ainsi les mots n
132 apelles littéraires, que d’écoles philosophiques, que de théories politiques. Ainsi les mots n’ont plus le même sens pour l
133 commun. La plupart des débats qui nous occupent, qu’ il s’agisse de politique, de religion ou de littérature, nous offrent
134 r fantaisie, chacun croyant gagner à sa façon, et que les autres trichent ou font défaut. N’est-ce pas la partie de croquet
135 errain en hurlant au hasard son cri de guerre : «  Qu’ on lui coupe la tête ! » — Ainsi nos mots se déforment entre nos mains
136 condamnations d’autant plus excessives d’ailleurs que personne ne se soucie de les mettre à exécution25. « Vous n’avez pas
137 es instruments du jeu philosophique, ou politique que nous sommes en train de jouer, écrivains ou lecteurs, citoyens ou hom
138 se se faire l’accord. Or, sans parler des 29 sens que Littré donne, pour le seul mot : esprit, si j’interroge au hasard ceu
139 ntre les menaces dites matérialistes, je constate qu’ on entend par ce mot tantôt l’intelligence, tantôt le Saint-Esprit, ta
140 ui auraient dû « s’entendre » et s’allier : c’est que pour l’un, esprit signifie évasion, spiritualisme et duperie bourgeoi
141 ne révolution. Mais là, aux neuf sens très précis que nous donne le dictionnaire, il nous faut ajouter une dizaine de sens
142 reusement chargés de passion et de préjugés, tels que patriotisme, nationalisme, impérialisme… ⁂ Tout concourt à créer et a
143 paraissaient leurs œuvres capitales. Et je doute qu’ un Meyerson sont sérieusement compris et discuté par beaucoup plus de
144 compris et discuté par beaucoup plus de personnes que Descartes n’en convainquit de son vivant. Cependant les journaux du s
145 populaires à grand tirage, voilà tout un domaine que l’écrivain digne du nom ne contrôle pas, ne forme pas, n’atteint même
146 e pas, ne forme pas, n’atteint même pas. On a dit que cette « seconde zone culturelle » préparait peu à peu un public pour
147 ntre, on peut très nettement constater le déficit que représente pour la culture, la création de ces grandes zones d’échang
148 eurs appartements. Écrire dès lors n’est pour eux que tromper un besoin d’expression qui n’a plus de mission réelle. C’est
149 ment de l’unité sacrée. Ainsi toujours : pour peu que le sens des fins vienne à faiblir et que la mesure commune cesse d’êt
150 pour peu que le sens des fins vienne à faiblir et que la mesure commune cesse d’être effectivement perçue et observée, l’on
151 ue cesse d’exercer aucun contrôle sur son parler, qu’ elle ne soumet plus à un but unanime. Si bien que les écrivains ne son
152 les écrivains ne sont plus compris du peuple, et que la langue vulgaire s’encombre d’équivoques, de confusions et de malen
153 ement la ruine de la communauté, par le seul fait qu’ il ruine le langage. Cette absence d’un principe communautaire vivant
154 s. Ils échangent des paroles en plus grand nombre que jamais, et ne se disent rien qui compte. « Paroles vaines, serments f
155 a parole se détruit, quand elle n’est plus le don qu’ un homme fait à un homme, et qui engage quelque chose de son être, c’e
156 une coutume ancestrale : dans les villes. Mais ce que l’homme ne fait pas pour l’homme, le diable le fait à sa place, et co
157 , le diable le fait à sa place, et contre l’homme qu’ il séduit et qu’il trompe. Cette fin commune, cet idéal commun que nou
158 ait à sa place, et contre l’homme qu’il séduit et qu’ il trompe. Cette fin commune, cet idéal commun que nous devions servir
159 qu’il trompe. Cette fin commune, cet idéal commun que nous devions servir ensemble dans la fraternité que crée l’œuvre unan
160 e nous devions servir ensemble dans la fraternité que crée l’œuvre unanime, nous les cherchions en vain, et sans le savoir,
161 erchions en vain, et sans le savoir, dans la cité qu’ on nous a faite. C’est une faim, une soif, une nostalgie que tous nos
162 a faite. C’est une faim, une soif, une nostalgie que tous nos gestes, à notre insu, trahissent. Mais quelqu’un s’en est ap
163 trouve en effet le symbole agrandi d’un désespoir qu’ il sent vivre dans tous les cœurs. L’homme d’aujourd’hui méprise les r
164 e d’aujourd’hui méprise les religions. Il sait ce qu’ il faut penser des prêtres et des sorciers. On lui donnera donc autre
165 ordre politiques, tels sont les ersatz pitoyables que nous proposent l’Argent et l’État. Gîovinezza ! Tod den Juden ! Nous
166 t. Gîovinezza ! Tod den Juden ! Nous ferons mieux que l’Amérique ! Achetez français ! Passez vos vacances à la mer ! C’est
167 is ! Passez vos vacances à la mer ! C’est avec ça qu’ on fait les bons fascistes, les bons nazis, les vertueux komsomols, le
168 ence commune aux grandes masses européennes, quel que soit leur régime politique. Ainsi la mesure n’est plus cette loi qui
169 vivons à l’âge des mots d’ordre. L’on peut penser que c’est une espèce de progrès sur l’âge des clichés bourgeois. Mais si
170 . Mais si les mots d’ordre sont faux ? Si l’ordre qu’ ils imposent est arbitraire, ou s’il ne mise que sur l’indignité humai
171 e qu’ils imposent est arbitraire, ou s’il ne mise que sur l’indignité humaine ? Et si la propagande et la publicité qui ont
172 communs spirituels et effectifs ne nous ordonnent qu’ à des fins provisoires ou dégradantes : l’État totalitaire, et la rich
173 : l’État totalitaire, et la richesse matérielle ? Que vaut alors cette communauté de réflexes et d’obsession ? N’est-elle p
174 lture, si la culture est justement la part active que prend l’homme à tout ce qui est création dans la nature, dans l’histo
175 ès fort parce qu’ils se sentent très loin de ceux qu’ ils interpellent, et qu’ils traitent comme des sourds. 26. Contrairem
176 sentent très loin de ceux qu’ils interpellent, et qu’ ils traitent comme des sourds. 26. Contrairement à ce qui se passe no
4 1937, Articles divers (1936-1938). Changer la vie ou changer l’homme ? (1937)
177 s vous répondront, non sans apparence d’à-propos, que l’opération les laisse indifférents : ils sont sur le plan de l’histo
178 it (qui sont sans aucun doute les plus honnêtes), que la dictature de Staline se rapproche des régimes fascistes. Essayez d
179 oche des régimes fascistes. Essayez d’en conclure que le communisme c’est cela, s’il se confond, comme on nous l’affirmait,
180 mait, avec ses effets historiques. On vous répond que vous vous trompez du tout au tout ; que vous n’entendez rien au « dev
181 us répond que vous vous trompez du tout au tout ; que vous n’entendez rien au « devenir dialectique », dont la dictature ac
182 r dialectique », dont la dictature actuelle n’est qu’ un stade nécessaire mais provisoire. Vous voilà rejeté sur le plan doc
183 rs de cette fameuse dialectique : vous apprendrez qu’ elle fut inventée par Hegel, qui eut le tort de la fonder sur l’Esprit
184 t, ce qui était proprement la poser sur la tête : que le génie de Marx l’a remise sur ses pieds en la fondant sur la matièr
185 s pieds en la fondant sur la matière économique ; qu’ ainsi lestée, elle a pu se mettre en marche et agir au niveau du réel 
186 u se mettre en marche et agir au niveau du réel ; que son but primitif était de détruire l’État au profit de l’homme concre
187 avoir d’abord renforcé cet État jusqu’à l’extrême qu’ on nomme dictature ; et qu’enfin cette dictature disparaîtra nécessair
188 État jusqu’à l’extrême qu’on nomme dictature ; et qu’ enfin cette dictature disparaîtra nécessairement, d’elle-même, avec le
189 fait fusiller ceux qui en parlent. On vous répond que c’est une nécessité de la tactique, dûment prévue d’ailleurs par les
190 . Alors, peut-être, vous commencez à entrevoir ce que signifie : dialectique. C’est en fait, l’obéissance au parti, l’obéis
191 cisément, renoncer à la vérité, et ne croire plus qu’ à la tactique d’un dictateur, lequel changera la vérité tous les six m
192 ques »… Les communistes sincères comprendront-ils que cette méthode figure aux yeux de qui n’a pas leur « foi », nécessaire
193 « foi », nécessairement, un simple opportunisme ? Que sert alors de discuter, de confronter ? « Rien ne sera juste à cette
194 eine de tomber aussitôt dans les pièges grossiers qu’ elle nous tend. (Pièges dans lesquels tombent les neuf dixièmes des ad
195 Or une telle volonté ne saurait prendre son élan que dans le sentiment insupportable d’un défaut inhérent au monde. Connaî
196 portable d’un défaut inhérent au monde. Connaître qu’ il existe un mal universel, et qu’il faut donc transformer toutes chos
197 onde. Connaître qu’il existe un mal universel, et qu’ il faut donc transformer toutes choses, tel est, je crois, l’acte init
198 tifie les moyens… Mais alors, comment ne pas voir que ce mouvement présente, dans sa forme, avec le mouvement du chrétien (
199 antes analogies ? Sur ce plan seul, il m’apparaît qu’ une confrontation soit possible. L’homme d’abord, ou le monde d’abo
200 Le marxiste, tout comme le chrétien, a reconnu que l’homme n’existe pas isolément, qu’il est un être « en relation », qu
201 en, a reconnu que l’homme n’existe pas isolément, qu’ il est un être « en relation », qu’il est lié à une société42. Mais en
202 pas isolément, qu’il est un être « en relation », qu’ il est lié à une société42. Mais encore, à l’instar du chrétien, le ma
203 encore, à l’instar du chrétien, le marxiste croit que la société présente n’a pas le droit de déterminer le tout de l’homme
204 ntinomique, « divisé », et comme « aliéné » de ce qu’ il y a de plus humain en lui. À la découverte de « cette aliénation de
205 damentale, qui est le péché originel. Il s’ensuit que pour le marxiste, aussi bien que pour le chrétien, l’homme ne pourra
206 uver sa plénitude et se « regagner totalement »43 qu’ à la faveur d’une économie44 radicalement renouvelée. Une réaction sem
207 manière significative, quant aux voies et moyens qu’ elles préconisent. La 2e thèse de Marx sur Feuerbach affirme : Les ph
208 h affirme : Les philosophes n’ont fait jusqu’ici qu’ interpréter diversement le monde ; or il s’agit maintenant de le trans
209 soit la pensée, par une action45 qui ne peut être que révolutionnaire. Et cependant l’opposition de Marx et de l’apôtre écl
210 pposition de Marx et de l’apôtre éclate en ceci : que Paul veut transformer l’homme d’abord — et le monde par lui — tandis
211 i. C’est sur le fait de cette opposition centrale qu’ il importe d’être bien au clair, si l’on veut comprendre pourquoi la p
212 doctrine marxiste On ne répétera jamais assez que la doctrine originelle de Marx est avant tout la mise en forme d’une
213 r, elle n’est « matérialiste », au sens vulgaire, que dans la mesure où la mentalité de l’époque peut être qualifiée — et s
214 laissaient entendre, par leur attitude pratique, que la religion concerne « l’homme intérieur » et rien que lui. C’était u
215 a religion concerne « l’homme intérieur » et rien que lui. C’était une « affaire privée » ; et Marx n’a fait que le constat
216 C’était une « affaire privée » ; et Marx n’a fait que le constater. Elle n’empêchait nullement de faire des affaires. Ni d’
217 incroyant. D’ailleurs, ce n’est pas l’« esprit » qu’ il veut sauver, mais l’homme, que les spiritualistes abandonnent à un
218 pas l’« esprit » qu’il veut sauver, mais l’homme, que les spiritualistes abandonnent à un sort toujours plus inhumain. Il l
219 donc recourir à un autre ordre d’arguments : ceux que l’on dit « matérialistes ». Ce seront d’une part la violence prolétar
220 » infaillible des lois de l’évolution économique, qu’ il formule. Je résume et je simplifie ce processus : ceux qui prétende
221 oucher à l’extérieur. Marx dira donc, contre eux, qu’ il faut d’abord transformer l’extérieur — et le reste suivra nécessair
222 er. L’« esprit » du bourgeois spiritualiste n’est qu’ une caricature, mais ses ravages sont déjà tels qu’on ne peut plus son
223 u’une caricature, mais ses ravages sont déjà tels qu’ on ne peut plus songer à rétablir la vérité par des moyens purement sp
224 pellerons matérialisme dialectique, pour indiquer qu’ il n’est que provisoire, instrumental, qu’il doit servir au bout du co
225 térialisme dialectique, pour indiquer qu’il n’est que provisoire, instrumental, qu’il doit servir au bout du compte la véri
226 ndiquer qu’il n’est que provisoire, instrumental, qu’ il doit servir au bout du compte la vérité ­­— laquelle contient aussi
227 é ­­— laquelle contient aussi l’« esprit » — bref qu’ il n’est en somme qu’une tactique. Faisons de nécessité vertu. Proposo
228 nt aussi l’« esprit » — bref qu’il n’est en somme qu’ une tactique. Faisons de nécessité vertu. Proposons-nous de changer le
229 ontenu se transforme ? N’a-t-on pas démontré déjà que la culture, par exemple, n’est qu’un « reflet » du processus économiq
230 démontré déjà que la culture, par exemple, n’est qu’ un « reflet » du processus économique ? On voit ainsi comment Marx lui
231 ême se prend à son jeu polémique. Ce ne fut guère qu’ à la fin de sa carrière que son ami Engels en découvrit le danger. « M
232 mique. Ce ne fut guère qu’à la fin de sa carrière que son ami Engels en découvrit le danger. « Marx et moi — écrit-il en 18
233 n 1890 — nous sommes peut-être responsables de ce que parfois nos disciples ont insisté plus qu’il ne convenait sur les fac
234 de ce que parfois nos disciples ont insisté plus qu’ il ne convenait sur les facteurs économiques. Nous étions forcés d’ins
235 enne En effet, de ce « mensonge » opportuniste qu’ était le matérialisme polémique, promu par un glissement inévitable au
236 vérité » tactique du matérialisme vulgaire, celui que la presse bourgeoise a si beau jeu d’attaquer aujourd’hui — encore qu
237 ise a si beau jeu d’attaquer aujourd’hui — encore qu’ elle le pratique elle-même sans vergogne, tout en le niant pour les be
238 es besoins de sa cause. Ce matérialisme vulgaire, que Marx avait tout d’abord combattu48, est devenu, après lui, un mensong
239 symétrique de celui des idéalistes : la croyance que si l’on change l’ordre des choses, on change automatiquement la réali
240 rimauté du matériel, Marx ne se rendit pas compte qu’ il allait déchaîner un préjugé absurde, une erreur non moins grave que
241 er un préjugé absurde, une erreur non moins grave que celle des défenseurs de l’esprit pur : l’erreur qui porte l’homme à c
242 ’esprit pur : l’erreur qui porte l’homme à croire que la cause de tous ses malheurs est dans les choses, et non dans lui. (
243 t.) Le peuple — et la bourgeoisie donc ! — répète que l’habit ne fait pas le moine, et que l’argent ne fait pas le bonheur.
244 c ! — répète que l’habit ne fait pas le moine, et que l’argent ne fait pas le bonheur. Pratiquement, il croit dur comme fer
245 le bonheur. Pratiquement, il croit dur comme fer que l’habit fait le moine et que l’argent fait le bonheur. Marx vient lui
246 croit dur comme fer que l’habit fait le moine et que l’argent fait le bonheur. Marx vient lui expliquer en 15 volumes — do
247 quer en 15 volumes — dont on a fait des résumés — qu’ il a raison de croire cela. Bien plus, Marx vient lui démontrer que ce
248 croire cela. Bien plus, Marx vient lui démontrer que ceux qui prétendent le contraire, et qui prêchent que l’argent ne fai
249 ceux qui prétendent le contraire, et qui prêchent que l’argent ne fait pas le bonheur, sont simplement des exploiteurs, qui
250 ce qu’il fait leur bonheur ! Alors, il n’y a plus qu’ une seule voie : instituons le plan quinquennal, créons une industrie
251 al, créons une industrie puissante, faisons mieux que l’Amérique, devenons encore plus riches, car l’argent distribué aux m
252 camarade Gide lui-même de s’indigner : il faut ce qu’ il faut. L’étatisme dictatorial contredit la doctrine de Marx ? Qu’imp
253 tisme dictatorial contredit la doctrine de Marx ? Qu’ importe, puisque le but final est la richesse, mère du bonheur. N’est-
254 la richesse, mère du bonheur. N’est-ce pas là ce que voulait Marx ? Résumons : Marx n’a pas voulu le matérialisme vulgaire
255 sur les facteurs matérialistes. C’est cet accent que « les masses » ont senti, parce que tout les y prédisposait. Le résul
256 démontre en quoi il diffère du fascisme, dans ce que le fascisme a de plus oppressif pour l’homme et pour sa liberté. L
257 s ce serait introduire une confusion irrémédiable que de parler dans le même sens d’une « doctrine » du christianisme. Le c
258 out le protestant, répugne absolument à concevoir que les dogmes théologiques puissent figurer la théorie d’une pratique49.
259 sa fin, et sa mission présente. Le chrétien sait qu’ il vient de Dieu, le Créateur ; qu’il va vers le Royaume de Dieu, le R
260 chrétien sait qu’il vient de Dieu, le Créateur ; qu’ il va vers le Royaume de Dieu, le Réconciliateur ; et qu’il a pour mis
261 a vers le Royaume de Dieu, le Réconciliateur ; et qu’ il a pour mission actuelle d’obéir à une Parole qui est Jésus-Christ,
262 juge « le monde » qui l’a rejetée. Elle ne sauve que ceux d’entre les hommes qui refusent totalement ce monde et s’attende
263 utres, dans notre Occident troublé par un message qu’ il méconnaît, ne sont que les reflets énigmatiques de cet événement pr
264 t troublé par un message qu’il méconnaît, ne sont que les reflets énigmatiques de cet événement primordial — ses succédanés
265 formés… » Cela ne signifie pas, pour un chrétien, que « le monde » soit abandonné. Cela ne signifie pas qu’une fois opérée
266 « le monde » soit abandonné. Cela ne signifie pas qu’ une fois opérée cette transformation personnelle que l’on nomme la con
267 ’une fois opérée cette transformation personnelle que l’on nomme la conversion, le chrétien n’ait plus qu’à attendre, et à
268 l’on nomme la conversion, le chrétien n’ait plus qu’ à attendre, et à subir en gémissant les lois d’un monde qu’il condamne
269 ndre, et à subir en gémissant les lois d’un monde qu’ il condamne ! Car alors, où serait son refus ? Et quelle preuve aurion
270 sein du conformisme triomphant ? C’est bien là ce que pensent les marxistes, mais c’est aussi où apparaît leur erreur initi
271 ’indique le mot conversion. Obéissant à la Parole que Dieu lui adresse, il reconnaît du même coup l’origine et le but de sa
272 de Dieu naît de l’obéissance », écrit Calvin. Et que serait une obéissance qui ne se manifesterait pas ? La transformation
273 e, ne peut donc se traduire, si elle s’est faite, que par une action du chrétien : contre le monde dans sa forme présente,
274 estauré dans la Promesse. Il faut aller plus loin que cette affirmation tout évidente. Non seulement l’homme converti devie
275 on des hommes, ne doit être aux yeux du chrétien, qu’ une réforme sans grande portée. Voilà qui paraîtra plus scandaleux. Et
276 candaleux. Et cependant l’Évangile est formel : «  Que servirait à un homme de gagner le monde, s’il perdait son âme ? » Son
277 ment théologiques » comme le dirait un incroyant. Que servirait à l’homme, tel que le voit le chrétien, de sauver sa vie ma
278 dirait un incroyant. Que servirait à l’homme, tel que le voit le chrétien, de sauver sa vie matérielle et morale, d’échappe
279 t les chômeurs mourir de faim ? Ce serait prouver qu’ on n’est pas converti. J’agirai donc, toutefois non pour le monde, et
280 Si je n’avais pas cette reconnaissance, ce serait que j’ignore mon salut. Mais si je connais mon salut, je ne puis supporte
281 — où meurent les hommes. Reproches réciproques que s’adressent les chrétiens et les marxistes Telle étant donc la con
282 sable du mal qui est dans le monde, on comprendra que l’état d’esprit marxiste lui apparaisse nécessairement borné. Je me s
283 tre les choses et les rend responsables. Il croit que c’est elles qu’il faut changer. Il bat la table, comme Xerxès faisait
284 t les rend responsables. Il croit que c’est elles qu’ il faut changer. Il bat la table, comme Xerxès faisait battre l’Helles
285 t battre l’Hellespont. C’est ce préjugé infantile que le marxisme devait consolider dans la conscience prolétarienne. Dévia
286 ouvait-elle être évitée ? Marx n’avait-il pas dit qu’ il fallait commencer par changer l’ordre matériel, l’ordre des choses,
287 changer l’ordre matériel, l’ordre des choses, et que les hommes ensuite deviendraient plus habiles à s’entendre et à vivre
288 evise, pour l’opposer au « spiritualisme » autant qu’ à la routine et au cynisme des conservateurs. Saint Paul n’a pas cette
289 s si l’Apôtre avait placé la lutte sur ce terrain que l’on dit réaliste, à supposer que le « parti chrétien » eût triomphé,
290 sur ce terrain que l’on dit réaliste, à supposer que le « parti chrétien » eût triomphé, rien ne l’eût empêché de subir le
291 tte transformation dont vous parlez ? Sur une foi que ma raison refuse, et qu’elle m’ordonne d’ignorer. Je ne vois pas les
292 ous parlez ? Sur une foi que ma raison refuse, et qu’ elle m’ordonne d’ignorer. Je ne vois pas les effets d’une telle foi da
293 règle avec sa mauvaise conscience, en prétextant que l’intérieur importe seul, et que le « pain de vie » suffit à nourrir
294 e, en prétextant que l’intérieur importe seul, et que le « pain de vie » suffit à nourrir l’homme ! Peut-être suffit-il à v
295 nthousiastes, si aveuglement enthousiastes, c’est qu’ il s’est trouvé seul à protester contre le monde tel qu’il va. On dira
296 s’est trouvé seul à protester contre le monde tel qu’ il va. On dira : c’est d’abord qu’il a su rejeter sur l’oppression cap
297 re le monde tel qu’il va. On dira : c’est d’abord qu’ il a su rejeter sur l’oppression capitaliste, trop réelle, tout le mal
298 s masses, n’a plus osé se montrer chrétien. C’est que le sel a perdu sa saveur, et son amertume salutaire. C’est que la seu
299 perdu sa saveur, et son amertume salutaire. C’est que la seule espérance véritable et certaine n’a plus été prêchée au mond
300 e d’attaque assez gênante et bouleversante. C’est que l’« esprit » qui devait être l’agent du changement total, perpétuel e
301 moins n’a pas su, par excès de prudence, empêcher que les foules le considèrent comme tel. Les chrétiens sont bien plus res
302 esponsables des succès de Marx auprès des foules, que le marxisme n’est responsable du déclin des Églises dans le monde mod
303 e au chrétien sont humainement bien plus valables que ceux du chrétien au marxiste. En gros : si Marx se trompe et réussit,
304 arce que Christ est mal prêché par ses disciples ( que ce soit en paroles ou en actes). Si les chrétiens gardaient une consc
305 le, partant plus douloureuse de ce fait, je crois qu’ ils éviteraient d’attaquer le marxisme dans les mêmes termes que la ré
306 ient d’attaquer le marxisme dans les mêmes termes que la réaction. Mais ceci dit, et maintenu, il reste qu’en doctrine, et
307 la réaction. Mais ceci dit, et maintenu, il reste qu’ en doctrine, et indépendamment de toutes nos fautes, l’objection marxi
308 si on l’a, cela se voit, des choses changent. Ce que tu me reproches, c’est, en fait, de n’être pas assez chrétien ! Tu m’
309 rôle d’aventure, pour un dialecticien ! Si tu dis que le chrétien est celui qui ne fait rien, tu prouves simplement que tu
310 est celui qui ne fait rien, tu prouves simplement que tu ignores tout du christianisme. » (Je répète que ce n’est pas sa fa
311 ue tu ignores tout du christianisme. » (Je répète que ce n’est pas sa faute, à ce marxiste, mais notre faute, et tout d’abo
312 de par lui. Or une telle volonté ne peut conduire qu’ à l’excès du matérialisme, non point par la malice de Staline, mais pa
313 itions physiques et spirituelles de l’homme en ce qu’ elles ont d’irréductibles à toute détermination sociale ou historique
314 is, par les ressemblances formelles indiscutables que présentent la volonté du vrai chrétien et celle du communiste militan
315 nt tenté la synthèse pratique des deux croyances, qu’ ils estimaient complémentaires. D’autres, plus nombreux qu’on ne le pe
316 timaient complémentaires. D’autres, plus nombreux qu’ on ne le pense, souhaitent au moins et appellent cette synthèse, parai
317 Karl », c’est-à-dire Barth et Marx !54 C’est ici qu’ une critique proprement théologique se révèle seule capable de marquer
318 pratique du communisme n’est justiciable, en soi, que d’une critique politique, économique, historique, etc.55 Et je ne voi
319 économique, historique, etc.55 Et je ne vois pas que le chrétien comme tel ait des lumières particulières sur ces sujets,
320 les buts derniers du communisme et les postulats qu’ il suppose. Qu’on me permette ici d’être un peu schématique pour plus
321 ers du communisme et les postulats qu’il suppose. Qu’ on me permette ici d’être un peu schématique pour plus de clarté. Il m
322 peu schématique pour plus de clarté. Il me paraît que l’opposition finale entre la croyance marxiste et la foi personnelle
323 Terre. Tous deux sont eschatologiques, en ce sens qu’ ils rapportent leur accomplissement à un état dernier et invariable, à
324 espérées, qui permet seule de supporter les maux que l’on endure au nom du but dernier. (Le chrétien chante sur son bûcher
325 ne. Le chrétien converti commence donc par la fin que visait l’espérance communiste. Il possède déjà l’essentiel, que Marx
326 spérance communiste. Il possède déjà l’essentiel, que Marx voyait au terme de l’histoire : la personne. Et alors, il attaqu
327 foi dans l’invisible, mais sur des faits concrets qu’ il faut changer. Chaque réforme obtenue, chaque revendication réalisée
328 un homme libéré, tandis qu’il ne peut me montrer que quelques conditions préliminaires d’une libération toujours future. J
329 à son bien souverain. S’il est chrétien, il sait qu’ il est membre d’un corps qui porte toutes les marques du péché. Il est
330 ain, mais encore rien ne peut le satisfaire de ce qu’ il obtient, par cet effort, s’il compare ce mieux-être relatif au don
331 s’il compare ce mieux-être relatif au don parfait qu’ il a reçu en Christ. Il possède en lui-même la mesure d’une perpétuell
332 é peut se développer57. Mais le marxiste, quelles que soient la souffrance et la colère qu’il éprouve devant les injustices
333 te, quelles que soient la souffrance et la colère qu’ il éprouve devant les injustices présentes, du fait qu’il croit que l’
334 éprouve devant les injustices présentes, du fait qu’ il croit que l’intérêt de l’homme est seul en jeu — et de l’homme tel
335 ant les injustices présentes, du fait qu’il croit que l’intérêt de l’homme est seul en jeu — et de l’homme tel qu’il le con
336 êt de l’homme est seul en jeu — et de l’homme tel qu’ il le conçoit, être social — se verra fatalement neutralisé dans son e
337 r cet accomplissement, ou plénitude, n’est jamais qu’ un futur théorique, — si passionnée que soit l’espérance du marxiste —
338 est jamais qu’un futur théorique, — si passionnée que soit l’espérance du marxiste — et non pas une présence exigeante et t
339 ’humanité (comme en 1789 et en 1917), il faudrait que l’homme soit délivré de son péché, « changé », sorti du plan, précisé
340 us les moyens du chrétien doivent être aussi purs que sa fin. Tout autre est le cas du marxiste. N’ayant pas derrière lui d
341 uveraine, il se sent libre d’appliquer les moyens qu’ il juge adéquats aux intérêts momentanés de son Parti et de sa classe.
342 . Il légitime son étatisme totalitaire en arguant que c’est le seul moyen d’accéder à un stade économique plus favorable au
343 beaucoup de marxistes s’en indigner mais je doute qu’ ils soient bien conséquents, et que leur indignation traduise la vraie
344 mais je doute qu’ils soient bien conséquents, et que leur indignation traduise la vraie volonté du marxisme, plutôt qu’un
345 ion traduise la vraie volonté du marxisme, plutôt qu’ un reste d’humanisme libéral. Le fait est que la grosse majorité des c
346 utôt qu’un reste d’humanisme libéral. Le fait est que la grosse majorité des communistes suit Staline. D’où il résulte à l’
347 nistes suit Staline. D’où il résulte à l’évidence que pour la grosse majorité des communistes, le mensonge, la haine, l’opp
348 et préparent un avenir conforme à la doctrine59. Que leur importe une « faute » personnelle et actuelle, puisqu’il n’y a p
349 es descendants de leurs descendants ? C’est ainsi qu’ on a vu Zinoviev, par « fidélité » au Parti, c’est-à-dire à l’avenir d
350 l’avenir du Parti, proférer des aveux mensongers qu’ il croyait tactiquement utiles. Imaginez maintenant qu’un vrai chrétie
351 croyait tactiquement utiles. Imaginez maintenant qu’ un vrai chrétien juge bon de s’inscrire au parti communiste ou de mili
352 . Car ou bien il accepte les disciplines d’action que lui impose son parti, et qui comportent la haine et le mensonge : mai
353 d’être personnelle, et renie justement cette foi qu’ il croyait mieux servir dans le communisme ; ou bien il tâche de n’agi
354 r dans le communisme ; ou bien il tâche de n’agir qu’ en chrétien ; mais alors il devient un opposant, un « trotzkyste » ou
355 ant suspect. Tout cela repose sur un fait unique, que nous pouvons formuler simplement : la fin dernière du chrétien est pr
356 e est un avenir absolument hétérogène aux actions qu’ il peut faire aujourd’hui, dans un ordre non socialiste. Par où l’on v
357 i, dans un ordre non socialiste. Par où l’on voit qu’ en dépit du langage, la transcendance de la foi chrétienne se manifest
358 humain total dans un avenir indéfini, et n’engage que certaines dispositions de l’être, celles-là précisément que l’avenir
359 nes dispositions de l’être, celles-là précisément que l’avenir socialiste, la société sans classes, doit supprimer ! Le mar
360 sans classes, doit supprimer ! Le marxiste croit que le bien sort du mal ; le chrétien sait que le bien naît du parfait.
361 croit que le bien sort du mal ; le chrétien sait que le bien naît du parfait. D’une conséquence politique de la foi
362 rétiens déclarés. J’en vois beaucoup qui estiment que la transformation de l’homme importe seule, puisqu’elle est, en effet
363 t autre changement. J’en vois beaucoup qui jugent que l’action personnelle de charité et de sacrifice, pour le mieux-être d
364 religieuse. Et j’entends bien que les sacrifices qu’ ils font ne sont pas seulement « spirituels », entraînent des risques
365 souci suffisant des suites sociales et politiques qu’ implique en fait leur attitude ? Et je pense en particulier aux membre
366 ls de s’occuper de politique ? Comment se fait-il qu’ un grand nombre d’entre eux s’en désintéressent pratiquement ? Ils me
367 pour justifier une action tout inverse. Je pense qu’ il faut aller plus loin60. La déviation matérialiste du marxisme ne do
368 st la cause certaine des succès du marxisme. Tant que les chrétiens ne comprendront pas que leur foi doit se manifester sur
369 xisme. Tant que les chrétiens ne comprendront pas que leur foi doit se manifester sur tous les plans de l’activité humaine,
370 e fois pour toutes de la théologie. Mais je crois que le christianisme, aussitôt qu’il se manifeste en vérité, entre en con
371 gie. Mais je crois que le christianisme, aussitôt qu’ il se manifeste en vérité, entre en conflit avec certaines structures
372 toriquement défini et localisé : je n’en donnerai qu’ un seul exemple, que je crois actuel entre tous. Tout le monde sait, o
373 t localisé : je n’en donnerai qu’un seul exemple, que je crois actuel entre tous. Tout le monde sait, ou pressent au moins,
374 ous. Tout le monde sait, ou pressent au moins, ce que signifie la menace totalitaire, qu’elle soit fasciste ou soviétique :
375 au moins, ce que signifie la menace totalitaire, qu’ elle soit fasciste ou soviétique : c’est la « mise au pas » de nos vie
376 de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que matériels, au service de l’État déifié. Cette situation n’est pas san
377 ire romain au premier âge du christianisme, telle que nous l’évoquions plus haut. Toutefois, l’un des facteurs au moins s’e
378 le spectacle de l’Allemagne. L’État nouveau veut qu’ on l’adore, sinon déjà dans des formes religieuses, du moins dans des
379 se laisser persécuter ? N’avons-nous rien à faire qu’ à subir le martyre ? Ou qu’à revêtir vis-à-vis de l’État une attitude
380 vons-nous rien à faire qu’à subir le martyre ? Ou qu’ à revêtir vis-à-vis de l’État une attitude d’objecteurs de conscience 
381 de d’objecteurs de conscience ? N’avons-nous rien que nous-mêmes à sauver, alors que nos erreurs passées sont pour une part
382 i vient ? Or toute attente passive, si courageuse qu’ elle soit, devient dans le cas présent une complicité. L’État totalita
383 -il soutenir, s’il ne veut pas rester l’objecteur que j’ai dit ? Un protestant, et je précise : un calviniste, doit être ic
384 plus antitotalitaire par essence. Je ne rappelle qu’ en passant les dragonnades et les guerres de religion qui les précèden
385 res de religion qui les précèdent : on sait assez que ce fut la lutte d’une royauté déjà « totalitaire » contre des groupes
386 situation déterminée par la persécution brutale, que les églises calvinistes défendaient alors, par principe, un régime fé
387 comme elle le fit sous Louis XIV, nous constatons que la première discipline que se donnent les églises calvinistes revêt u
388 s XIV, nous constatons que la première discipline que se donnent les églises calvinistes revêt une forme consciemment fédér
389 oins de complicité et plus de résistance déclarée que dans les pays calvinistes, où la notion de l’autonomie des groupes re
390 me l’Église de Rome. Le grand souci d’œcuménisme, que nous voyons gagner toutes les églises, est une promesse à laquelle no
391 notre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu’ une conclusion que je crois valable pour tout chrétien, à quelque égli
392 ne veux-je tirer de mon exemple qu’une conclusion que je crois valable pour tout chrétien, à quelque église qu’il appartien
393 rois valable pour tout chrétien, à quelque église qu’ il appartienne. Nous avons tous reçu de Dieu un appel strictement pers
394 pour tous les hommes qui la composent. Ne fût-ce que pour cette seule raison — et j’en ai mentionné plusieurs autres —, un
395 xistes On connaît la « croisade antimarxiste » qu’ organise dans le monde entier la panique des capitalismes. Cette crois
396 demain par le fait d’un État tyrannique, il faut qu’ elles sachent qu’elles en sont responsables, dans la mesure où elles c
397 it d’un État tyrannique, il faut qu’elles sachent qu’ elles en sont responsables, dans la mesure où elles cédèrent, jadis, a
398 ne et d’un État « matérialistes », il faut savoir que nous en sommes les responsables, dans la mesure où nous cultivons un
399 e efficace contre le matérialisme, c’est la lutte qu’ il nous faut mener contre la tentation spiritualiste. 41. « Le comm
400 r aussi bien la « société sans classes » de Marx, que le « Royaume de Dieu » chrétien. 45. « Dans la pratique, l’homme doi
401 46. Je parle, bien entendu, de la religion telle que Marx la voyait, telle qu’elle lui apparaissait dans le corps social.
402 u, de la religion telle que Marx la voyait, telle qu’ elle lui apparaissait dans le corps social. Je n’oublie pas que la mêm
403 pparaissait dans le corps social. Je n’oublie pas que la même époque a vu le grand réveil piétiste. 47. « L’armée de la cr
404 r Feuerbach. On peut y lire une phrase qui prouve que Marx ne prétendait nullement négliger les facteurs humains personnels
405 ersonnelle, ne peut être rationnellement comprise que comme une activité révolutionnaire. » Phrase importante à l’extrême !
406 elon Karl Barth, par exemple, la dogmatique n’est qu’ une question perpétuelle, une autocritique si l’on veut, que l’Église
407 stion perpétuelle, une autocritique si l’on veut, que l’Église s’adresse à elle-même, et qui a pour fonction de corriger sa
408 nécessairement inadéquate en soi, et ne peut être qu’ un renvoi à la Révélation seule parfaite, à Jésus-Christ. La « doctrin
409 aite, à Jésus-Christ. La « doctrine » n’est ainsi qu’ une mesure critique que l’Église prend de son message sous le rapport
410 a « doctrine » n’est ainsi qu’une mesure critique que l’Église prend de son message sous le rapport de sa fidélité à son fo
411 à son contenu et à son but. Elle ne présente rien que l’on puisse comparer, fût-ce le plus superficiellement, à un programm
412 plus superficiellement, à un programme théorique qu’ il s’agirait maintenant d’appliquer. En bref, la doctrine chrétienne,
413 ie, simple autocritique de l’Église et du message que l’on prêche dans l’Église. 50. « S’attendre à… » veut dire ici : « t
414 . Certes il y a des lois de l’histoire en ce sens qu’ on retrouve les mêmes mécanismes partout où l’esprit démissionne ! 52
415 se est secondaire. » Et Henri de Man : « Je crois qu’ il n’y a jamais eu de tentative révolutionnaire qui n’ait été d’origin
416 me. » Je note ici, à l’appui des dires de de Man, que le mouvement syndicaliste au Japon a été fondé par un chrétien, Kagaw
417 « les conditions physiques et spirituelles en ce qu’ elles ont de permanent », car alors, le marxiste me ferait observer qu
418 nent », car alors, le marxiste me ferait observer que des facteurs très essentiels de l’être même peuvent varier selon les
419 e anéanti chez l’homme par un régime communiste.) Que reste-t-il dans l’être humain d’absolument irréductible à toute trans
420 e l’esprit. En somme, tout l’essentiel ! — Je dis que toute doctrine qui ne tient pas compte d’une de ces conditions condui
421 ché. Tandis qu’à l’inverse, on ne saurait établir que la sécularisation du christianisme résulte nécessairement de l’Évangi
422 ns. (Cf. Student World, automne 1933.) 55. Telle que l’ont opérée par exemple un Werner Sombart, un de Man, et en France,
423 pas : il est ici, ou bien : il est là ! Car voici que le Royaume de Dieu est au-dedans de vous ! » (Luc, 17, 20-25.) 57. J
424 25.) 57. Je parle ici, l’on m’entend bien, de ce que doit être un chrétien conséquent. Il est trop clair que nous restons,
425 it être un chrétien conséquent. Il est trop clair que nous restons, tous tant que nous sommes, bien en arrière de notre voc
426 nt. Il est trop clair que nous restons, tous tant que nous sommes, bien en arrière de notre vocation. La plupart de nos tra
427 n. La plupart de nos trahisons viennent de ceci : que nous n’acceptons pas de tout soumettre aux volontés de Dieu. Nous rés
428 la critique marxiste. En vérité, il ne donne tort qu’ à l’homme, non à la foi dont l’homme refuse les ordres. 58. Je prends
429 ce sens, qui n’est pas le sens jésuite courant : que la fin seule doit indiquer les moyens justes qui la préparent. Et non
430 e pas de menteurs, d’hypocrites, etc. Mais je dis qu’ en tant qu’ils approuvent la politique de Staline et ses moyens, connu
431 classe (prêchée par Marx) et la guerre (pour peu qu’ elle soit censée défendre l’URSS). 60. Je n’entends pas porter ici un
432 que sur les groupes dits d’Oxford. Je ne les cite qu’ au seul titre d’exemple topique. 61. Le rédacteur de cette « discipli
5 1937, Articles divers (1936-1938). Vocation et destin d’Israël (1937)
433 teht und fallt mit seiner Mission », c’est-à-dire qu’ il consiste uniquement dans sa mission ; ou, si nous traduisons littér
434 isque c’est le message de Dieu. Jérémie n’eût été qu’ un berger bègue si l’Éternel n’avait parlé par lui. Voici qui est dign
435 qui est digne de remarque : le seul détail précis que rapporte la Bible à son sujet, c’est cette difficulté à s’exprimer. N
436 ique. Ce qui est vrai de la biographie d’un homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai de l’histoire profane des Juif
437 ofane des Juifs, porteurs eux aussi d’une mission que rien en eux ne semblait préparer. On peut le dire sans paradoxe : Isr
438 : Israël n’eût pas eu d’histoire sans la promesse que Dieu fit à Abraham. Cette tribu « se lève et tombe » avec la mission
439 Cette tribu « se lève et tombe » avec la mission qu’ elle incarne : « Préparer les voies du Seigneur », espérer et prêcher
440 e Messie, attendre activement l’invisible et plus que cela : le jamais vu, ce qu’aucun autre peuple au monde n’a jamais pu
441 t l’invisible et plus que cela : le jamais vu, ce qu’ aucun autre peuple au monde n’a jamais pu seulement imaginer, ce qui n
442 nstituer l’évolution immanente d’un peuple, telle qu’ on peut vraisemblablement la styliser et la chiffrer, c’est-à-dire, te
443 t la styliser et la chiffrer, c’est-à-dire, telle qu’ elle fut déterminée par des facteurs en partie mesurables (géographiqu
444 otre langage plus ou moins naïvement positiviste. Que nous apprend une science de cet ordre sur le destin auquel étaient pr
445 istoire n’a pas la plus petite raison de supposer que le peuple d’Israël, s’il n’avait pas été « élu », eût évolué d’une au
446 ait pas été « élu », eût évolué d’une autre sorte que tant de tribus d’Arabie qui nous offrent encore aujourd’hui, avec une
447 le, sans raison. Ou sans autre raison, peut-être, que cette impuissance étonnante à construire et à conquérir… Ainsi les an
448 mmanente aux conditions médiocres des Hébreux. Ce que nous connaissons de leur « histoire » — mais le mot prend ici un sens
449 st la suite des gestes de Dieu dont ils ne furent que les instruments. Mais les instruments indociles ! Ce qui est à eux, d
450 dolâtrie La considération du conflit séculaire que décrit l’Ancien Testament nous ramène avec une insistance innombrable
451 fiant ; vocation invisible et triomphante : celle que prêchent les prophètes au peuple et qui seule l’élève, l’assemble et
452 sans « fin » dans le désert, sans but jusqu’à ce que Dieu l’élise. Désormais sa voie est fixée, mais ce n’est plus sa « pr
453 le conflit de la foi et de la vue n’est en somme qu’ un autre aspect du conflit de la vocation et du destin. Il fait compre
454 s est une menace et une angoisse, au moins autant qu’ une promesse. Une menace pour les « intérêts immédiats » qui se voient
455 tur. Et une angoisse contre laquelle il est fatal que l’on cherche à se protéger par quelque chose de visible et de tangibl
456 rie qui renaît dès qu’Israël cesse de croire à ce que ses yeux ne peuvent voir, et qui pourtant fait toute sa grandeur, c’e
457 atues des idoles étrangères — car c’est le voisin qu’ on imite lorsqu’on doute de sa vocation — de même cette vocation et la
458 de sa vocation — de même cette vocation et la foi qu’ elle implique ont un symbole, unique et univoque : l’Arche de l’Allian
459 e, élu par Dieu et « mis à part »64. C’est à elle que tout acte se réfère, et non seulement tout geste, mais toute pensée.
460 s apparaît comme l’exemple à peu près idéal de ce que l’on peut nommer (d’un terme d’ailleurs emprunté à l’antiquité hellén
461 toutes les œuvres d’une nation, tant matérielles que politiques et spirituelles65. L’histoire des civilisations nous offre
462 ébraïques se distingue de toutes les autres en ce qu’ elle est une vocation adressée par un Dieu personnel, unique, éternel,
463 un grand chef. Elle est donc plus « totalitaire » que toute mesure humainement concevable, puisqu’elle ne tire pas son orig
464 l’Éternel ». Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la conscience finale du peuple hébr
465 est interdit pendant les guerres civiles : c’est que la mesure est indivisible. Dieu est au ciel, sa loi est sur la terre,
466 penchant immémorial et bien connu, s’ils oublient que le Dieu qu’ils servent est un Dieu qui se nomme « jaloux », les Proph
467 émorial et bien connu, s’ils oublient que le Dieu qu’ ils servent est un Dieu qui se nomme « jaloux », les Prophètes se lève
468 tre eux et dénoncent leur idolâtrie66. Remarquons que la notion d’idolâtrie déborde ici singulièrement le culte des images
469 le toute action ou pensée, si belle ou si féconde qu’ elle soit, qui ne puisse être consacrée au ministère sacerdotal du peu
470 lu. Idole, tout ce qui n’est pas ordonné à la fin que les prophètes annoncent sans relâche. Mais la pire des idolâtries, c’
471 rnant l’esprit. Et c’est à cette ultime tentation que devaient succomber les plus grands rigoristes, les savants docteurs d
472 rigoristes, les savants docteurs de la Loi, ceux que le peuple honorait à peu près comme on le fit plus tard des Pères de
473 étation de la Loi, comme mesure du peuple hébreu, qu’ un texte que je trouve dans le plus grand des historiens profanes des
474 a Loi, comme mesure du peuple hébreu, qu’un texte que je trouve dans le plus grand des historiens profanes des Juifs : Josè
475 mplètes et très détaillées, mais il a veillé à ce qu’ elles fussent connues de tous. Cette connaissance produit parmi nous
476 si capable de la faire naître et de l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’être élevés
477 esprit ; mais entre les philosophes… Nous croyons que Dieu voit tout ce qui se passe dans le monde. Nos femmes et nos servi
478 bouche les règles de la conduite de notre vie, et que toutes nos actions doivent avoir pour objet de plaire à Dieu. Une
479 Un homme du xxe siècle ne peut, me semble-t-il, qu’ éprouver une sorte d’effroi au spectacle d’un ordre social, spirituel
480 berté créatrice dans laquelle il met son orgueil. Que de richesses perdues, songe-t-il, que d’inventions négligées, méprisé
481 on orgueil. Que de richesses perdues, songe-t-il, que d’inventions négligées, méprisées ! Nous adorons la Vie et le Progrès
482 a diversité, et toute mesure ne serait à nos yeux qu’ une occasion de dépassement… Oui, la Richesse est notre dernier dieu,
483 e, est assez clairement défini par la comparaison que l’on peut faire de notre richesse anarchique, et rendue presque vaine
484 s, avec la pauvreté pleine de sens et de grandeur qu’ imposait la Loi d’Israël. Ce que l’on perd et ce que l’on gagne à sacr
485 ns et de grandeur qu’imposait la Loi d’Israël. Ce que l’on perd et ce que l’on gagne à sacrifier à une « mesure », voilà ce
486 ’imposait la Loi d’Israël. Ce que l’on perd et ce que l’on gagne à sacrifier à une « mesure », voilà ce dont l’exemple juif
487 voilà ce dont l’exemple juif nous permettra mieux que tout autre de juger. Que devient en effet la culture, dans un monde o
488 uif nous permettra mieux que tout autre de juger. Que devient en effet la culture, dans un monde où n’est tolérée que « la
489 effet la culture, dans un monde où n’est tolérée que « la seule chose nécessaire ? » L’homme qui a une vocation n’est pas
490 e, et avec des accents d’amère ironie, proclamait que la justice à l’ancienne manière ne devait jamais être sacrifiée.68
491 attente messianique. Point d’abstractions : c’est que le culte qu’il faut rendre au Dieu vivant est une obéissance directe
492 anique. Point d’abstractions : c’est que le culte qu’ il faut rendre au Dieu vivant est une obéissance directe « en esprit e
493 x, en bas sur la terre, et dans les eaux plus bas que la terre. » Cela condamne toute espèce d’art plastique. « Tu n’auras
494 nt le développement commercial71 et industriel. » Que reste-t-il de ce que nous nommons culture ? Philosophie, beaux-arts,
495 ommercial71 et industriel. » Que reste-t-il de ce que nous nommons culture ? Philosophie, beaux-arts, fictions écrites, sci
496 mplissement sont les moyens les plus élémentaires que les hommes ont de commercer : l’écriture, la parole et l’action, — la
497 se trouve sauver et garantir la possession de ce que notre Occident lui-même a défini comme le bien souverain : l’harmonie
498 namisme, le Sens général de la vie. Si l’on admet que la destination de toute culture, c’est de concentrer les puissances d
499 but auquel il dédie toutes ses œuvres, l’on voit que la culture la plus pauvre, qui fut celle du peuple hébreu, fut aussi
500 Toutefois, non tant à cause de sa pauvreté même, qu’ à cause de l’absolu de sa mesure, et de la promesse qu’elle portait. ⁂
501 cause de l’absolu de sa mesure, et de la promesse qu’ elle portait. ⁂ Revenons encore à Josèphe : Quant à ce que l’on nous
502 ortait. ⁂ Revenons encore à Josèphe : Quant à ce que l’on nous reproche comme un grand défaut, de ne nous point étudier à
503 , soit dans les arts, ou dans le langage, au lieu que les autres peuples méritent beaucoup de louange d’y apporter de conti
504 tumes de nos ancêtres, parce que c’est une preuve qu’ elles ont été parfaitement bien établies, puisqu’il n’y a que celles q
505 t été parfaitement bien établies, puisqu’il n’y a que celles qui n’ont pas cet avantage que l’on soit obligé de changer, lo
506 qu’il n’y a que celles qui n’ont pas cet avantage que l’on soit obligé de changer, lorsque l’expérience fait connaître le b
507 r les défauts. Ainsi, comme nous ne doutons point que ce ne soit Dieu qui nous a donné ces lois par l’entremise de Moïse, p
508 être plus juste, plus excellente et plus sainte, que celle dont ce souverain Monarque de l’univers est l’auteur… Quelle fo
509 orme de gouvernement peut donc être plus parfaite que la nôtre, et quels plus grands honneurs peut-on rendre à Dieu, puisqu
510 ommes toujours préparés à nous acquitter du culte que nous lui devons ; que nos Sacrificateurs sont établis pour veiller sa
511 s à nous acquitter du culte que nous lui devons ; que nos Sacrificateurs sont établis pour veiller sans cesse à ce qu’il ne
512 cateurs sont établis pour veiller sans cesse à ce qu’ il ne se fasse rien qui y soit contraire, et que toutes choses ne sont
513 e qu’il ne se fasse rien qui y soit contraire, et que toutes choses ne sont pas mieux réglées le jour d’une fête solennelle
514 pas mieux réglées le jour d’une fête solennelle, qu’ elles le sont toujours parmi nous ? Chute d’Israël Tout était s
515 arce qu’elle a perdu son sens en condamnant celui qu’ elle annonçait. Christ apporte une nouvelle mesure, fondant ainsi un n
516 n même temps l’héritage d’Israël, et l’attraction qu’ il exerçait venait non des principes généraux de la pensée hellénistiq
517 araissent définir en raccourci le double héritage que l’Église et l’Europe ont repris des mains d’Israël : héritage divin d
518 raël, au moins aussi fondamentaux pour l’Occident que la raison des Grecs et l’ordre des Romains. Il m’appartient seulement
519 seulement de préciser en quelques traits le sens que prend l’héritage d’Israël pour la foi chrétienne protestante. On sait
520 le jeune Samuel appelé trois fois par Jéhovah, —  que ce soit histoire ou légende, ces personnages lui sont incomparablemen
521 sonnages lui sont incomparablement plus familiers que les métamorphoses des dieux païens. Si bien qu’on a pu dire75 que l’A
522 hoses des dieux païens. Si bien qu’on a pu dire75 que l’Ancien Testament était la vraie Antiquité des peuples de l’Europe p
523 l’Europe protestante. Mais il y a bien davantage que cet arrière-plan poétique, et ces exemples d’une morale parfois scand
524 n réformé. Le « peuple élu » Le simple fait que le calvinisme ait été dès le début une église minoritaire, en butte à
525 acceptable et la situe dans son ordre réel, c’est que , dans les deux cas, la persécution et l’isolement minoritaire sont co
526 tuel, dans un monde incrédule et rebelle, de ceux que Dieu s’est « choisis » pour témoins, en tant que collectivité, peuple
527 chargés d’une mission au sein d’un monde pécheur que Dieu n’abandonne pas. De même que la loi de Moïse maintenait le peupl
528 cle. Max Weber, dans une thèse célèbre, a soutenu que c’était là l’origine du capitalisme moderne et de ses principales val
529 cipales valeurs éthiques. Mais Sombart lui répond que le capitalisme est plus ancien, et qu’il est d’origine judaïque78. Ce
530 lui répond que le capitalisme est plus ancien, et qu’ il est d’origine judaïque78. Ce n’est pas ici le lieu de prendre parti
531 e ces deux explications d’un phénomène économique que par ailleurs personne — non pas même Marx, quoi qu’on en pense souven
532 vent — n’a su définir clairement. Mais je retiens que l’une et l’autre hypothèse rattache le capitalisme à des attitudes re
533 ulsion, attitudes analogues en ceci tout au moins qu’ elles mettent l’accent sur le fait de l’élection. Il est curieux de no
534 ur le fait de l’élection. Il est curieux de noter que le parallélisme se poursuit même, — et peut-être surtout — dans les d
535 eut-être surtout — dans les déviations qualifiées que subirent l’éthique juive et l’éthique puritaine, à mesure qu’elles « 
536 l’éthique juive et l’éthique puritaine, à mesure qu’ elles « réussissaient ». Le spiritualisme transcendant des Juifs d’Ori
537 xact : c’est le matérialisme jouisseur et cynique que les nazis reprochent aux Juifs allemands capitalistes, avec d’autant
538 mands capitalistes, avec d’autant plus d’amertume que cette attitude provocante fut souvent prise à l’étranger pour un trai
539 himérique, au surplus troublé de sentimentalisme, que l’on dénonce à droite chez les auteurs d’origine juive, mais qui ont
540 , qui appelleraient d’ailleurs toutes les nuances qu’ on imagine, nous amènent au problème central que pose à la pensée d’un
541 s qu’on imagine, nous amènent au problème central que pose à la pensée d’un protestant, et particulièrement d’un calviniste
542 erait-il donc possible de perdre sa vocation ? Et que devient celui qui la trahit, soit qu’il rejette ses ordres, soit qu’i
543 cation ? Et que devient celui qui la trahit, soit qu’ il rejette ses ordres, soit qu’il la prenne pour idole, refusant d’en
544 ui la trahit, soit qu’il rejette ses ordres, soit qu’ il la prenne pour idole, refusant d’en reconnaître la vraie fin lorsqu
545 u cœur de la foi réformée. Or c’est lui justement que traite saint Paul au chapitre XI de l’Épître aux Romains. Et sans dou
546 t sans doute ce texte illumine aussi profondément qu’ il est possible le mystère dernier d’Israël. « Je demande maintenant :
547 ibu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’ il a connu d’avance » (c’est-à-dire prédestiné) (Rom., II, 1-2). Cepen
548 II, 1-2). Cependant, « Israël n’a point obtenu ce qu’ il cherche : mais les élus l’ont obtenu et les autres ont été endurcis
549  c’est par suite de la faute des enfants d’Israël que le salut est parvenu aux païens, afin d’exciter leur propre émulation
550 comme exclusif, de la Révélation. Mais c’est ici que saint Paul indique le mystérieux renversement des rôles au dernier jo
551 , et leur amoindrissement la richesse des païens, que ne fera pas leur complet relèvement ! » (v. 12). « En effet, je ne ve
552  ! » (v. 12). « En effet, je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, de peur que vous ne présumiez trop de votre
553 as, frères, que vous ignoriez ce mystère, de peur que vous ne présumiez trop de votre sagesse : c’est qu’une partie d’Israë
554 e vous ne présumiez trop de votre sagesse : c’est qu’ une partie d’Israël est tombée dans l’endurcissement jusqu’à ce que la
555 sraël est tombée dans l’endurcissement jusqu’à ce que la totalité des païens soit entrée (dans l’Église) ; et ainsi tout Is
556 ’Épître aux Romains. Et Calvin dit du même verset que c’est « une fort belle sentence ». Ainsi la vocation, du moins cette
557 d à l’humanité entière le bénéfice de la Promesse qu’ il a reçue, cependant que son destin final demeure entre les mains du
558 se rangeront à l’obéissance de la foi… toutefois que les Juifs tiendront le premier lieu, comme étant les enfants aînés en
559 s sentiments « ambivalents », comme dirait Freud, qu’ ont eus de tout temps les chrétiens à l’égard du peuple d’Israël. Tout
560 ine sourde, et en même temps le respect religieux qu’ on lui porte. Peut-être n’est-il pas excessif de voir dans cette passi
561 tisme des hitlériens, qui n’en serait en tout cas que le plus impur exemple. Il reste que la chrétienté non seulement ne po
562 t en tout cas que le plus impur exemple. Il reste que la chrétienté non seulement ne pourra jamais se désintéresser du sort
563 au sien en vertu d’un décret de Dieu, mais encore qu’ elle se doit de juger Israël autrement que ne fait « le monde ». Ce n’
564 encore qu’elle se doit de juger Israël autrement que ne fait « le monde ». Ce n’est pas au nom d’intérêts passagers que no
565 monde ». Ce n’est pas au nom d’intérêts passagers que nous avons à prendre position, mais au nom des promesses de la foi, e
566 iques nationalistes. Le drame est bien plus vaste que ne peuvent le concevoir nos polémiques. Et son issue ne dépend ni de
567 esse s’appelle le salut. 64. Il faut bien voir que le « racisme » juif n’est justifié à l’origine que par la vocation sp
568 ue le « racisme » juif n’est justifié à l’origine que par la vocation spirituelle de ce peuple. Il n’est pas du tout biolog
569 Il n’est pas du tout biologique. Il ne le devient qu’ accessoirement, à mesure que l’on prend les « signes » de la vocation
570 que. Il ne le devient qu’accessoirement, à mesure que l’on prend les « signes » de la vocation pour des réalités valables e
571 ent fatal s’est-il dessiné dès le début, à mesure que l’on codifiait les relations des « élus » et des « gentils ». On sait
572 uif Josèphe écrit dans sa Réponse à Appion (I, 2) qu’ un registre des « femmes sacerdotales » (c’est-à-dire appartenant aux
573 épousaient point qui aient été captives, de peur qu’ elles n’aient eu quelque commerce avec des étrangers. Peut-il y avoir
574 descente de père en fils depuis deux-mille ans ? Que si quelqu’un manque d’observer cet ordre, on le sépare de l’autel, sa
575 nctions sacerdotales. » — Il est curieux de noter que les lois racistes hitlériennes privent de tous droits civiques les pe
576 les registres la pureté de leurs origines : c’est que l’exercice des droits civiques est bien une sorte de « sacerdoce » na
577 ne sorte de « sacerdoce » national. On voit ainsi que l’eugénisme n’est pas le seul motif de la législation raciste. 65. S
578 ffre, entre autres, d’une très grave lacune en ce qu’ il paraît conclure sur l’abandon final d’Israël à son destin, après la
579 à la conception ancienne : un chef hébreu — celui que la Bible appelle Moïse — aurait bel et bien donné les rudiments de la
580 est un grand lieu commun de la théologie réformée que de voir dans l’Ancien Testament l’histoire du Christ avant qu’il vien
581 ès le Christ. Ainsi la Bible n’a pas d’autre sens que de désigner l’Incarnation qui est son centre, au-delà d’elle-même. To
582 . française, chez Rieder, 1934, p. 43. 74. Sitôt que la mesure cesse d’être transcendante, devient humaine, contingente et
583 urde de rendre Israël responsable de ce qui n’est que « profanations » de la notion de mesure totalitaire. 75. Cf. Ramuz.
584 vocation personnelle. 78. D’autres auteurs, tels que Labriola, font remonter le phénomène capitaliste à l’« accumulation »
585 dopté en son alliance la postérité d’Abraham : vu que le propos était nommément et spécialement d’icelle vocation. » (Comme
6 1937, Articles divers (1936-1938). Luther, Traité du serf arbitre (1937)
586 serf arbitre (1937)o Luther inconnu Dire qu’ on ignore Luther en France serait exagérer, mais dans le sens contrair
587 it exagérer, mais dans le sens contraire de celui qu’ on imagine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconna
588 contraire de celui qu’on imagine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir
589 imagine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il
590 e platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants, n’hésitent pas à
591 utres, moins exigeants, n’hésitent pas à soutenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de l
592 oute. Pour l’opinion moyenne sur Luther, je crois que la phrase suivante en donne une juste idée : « En somme, qu’est-ce qu
593 se suivante en donne une juste idée : « En somme, qu’ est-ce que Luther ? Un moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette
594 e en donne une juste idée : « En somme, qu’est-ce que Luther ? Un moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette déclaratio
595 Strohl, J. Vignaud et Lucien Febvre et aux cours, qu’ ont professés MM. Jean Baruzi et E. Gilson, pour ne rien dire — mais c
596 de théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la méconnaissance courantes à l’égard de Luther, joint
597 çais en état d’infériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture générale. Car ignorer ou méconnaître Luther
598 ceux de la raison), et d’un christianisme absolu, qu’ on déclare volontiers « inhumain » parce qu’il attribue tout à Dieu.
599 itrio C’est sans doute dans cette perspective que le lecteur, peu familiarisé avec la pensée luthérienne, parviendra le
600 aisément à saisir l’importance centrale du traité que nous publions : je le vois au centre du débat occidental par excellen
601 Luther30. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume matériel soit bien écrasant pour le genre. Mais on s’aperç
602 ant pour le genre. Mais on s’aperçoit sans tarder que la discussion avec Érasme et sa Diatribe (souvent personnifiée), n’es
603 sa Diatribe (souvent personnifiée), n’est en fait que le support apparent d’une réflexion de plus vaste envergure, d’un tém
604 îné par sa fougue habituelle, excité (bien plutôt que « désarmé » comme il le dit aux premières pages) par les procédés de
605 ) par les procédés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à res
606 mme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’ illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’il
607 vrage. S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’ ils ne constituent pas un système, au sens philosophique du mot, mais
608 as un système, au sens philosophique du mot, mais qu’ ils s’impliquent très étroitement les uns les autres, et ne peuvent êt
609 s uns les autres, et ne peuvent être mieux saisis que dans l’unique et perpétuelle question que nous posent toutes les page
610 saisis que dans l’unique et perpétuelle question que nous posent toutes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à une ré
611 Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les reflets, diversement réfractés par nos mots. Ils renvoient tous à
612 ibre arbitre. Ses coups violents n’ébranlent plus que le « vieil homme », celui qu’il nous faut dépouiller. Folie pour l
613 ts n’ébranlent plus que le « vieil homme », celui qu’ il nous faut dépouiller. Folie pour les sages Mais il s’en faut
614 ur les sages Mais il s’en faut de presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient acceptées (ou si
615 tiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes
616 uvres ; et tous les protestants qui jugent encore que Calvin et Luther ont fait leur temps — que dire de Paul, bien plus an
617 encore que Calvin et Luther ont fait leur temps — que dire de Paul, bien plus ancien — tous ceux qui tiennent la prédestina
618 eux qui traduisent « Paix sur la terre aux hommes que Dieu agrée » par « Paix aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là s
619 libre arbitre religieux, c’est-à-dire le pouvoir qu’ aurait l’homme de contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres
620 son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que trouveront-ils, dès lors, dans ce Traité ? Une verdeur de polémique q
621 e style, par le ton de l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le fond de la forme, admirer l’une
622 ce versa.) Mais une fois reconnue cette maîtrise, qu’ on attendait d’ailleurs du chef d’un grand mouvement (comme dirait le
623 astique, qui n’est pas proprement luthérien, mais que Luther est obligé d’utiliser pour débrouiller et supprimer les faux p
624 s termes. C’est à Érasme, en tant que théologien, que Luther s’applique à répondre ; et c’est même la plus dure ironie — qu
625 sable, non pas en philosophe ou en métaphysicien, que Luther nie le libre arbitre. Ceci pourrait suffire et doit suffire en
626 erne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais inévitable, et qui consiste à affirmer que Luther est « déter
627 ue je sais inévitable, et qui consiste à affirmer que Luther est « déterministe ». Mais le sérieux théologique est chose tr
628 du « serf arbitre » luthérien. (On peut admettre qu’ un tel dialogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’un homme
629 r en réalité, Dieu a tout prévu, et rien n’arrive que selon sa prévision. Luther ne pose pas seulement l’omnipotence, mais
630 sa promesse, et auquel nul obstacle ne s’oppose. Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’en feron
631 nt les vraies règles du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie était une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ;
632 — J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’ est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-mêm
633 soin de le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’ agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par
634 ’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la somme, la valeur absolue de nos actions passé
635 s encore nier ce Dieu, qui prétend voir plus loin que le terme de mes actions, ce qui, avouons-le, les ridiculise complètem
636 ines en fin de compte : car je sens, malgré tout, que je les fais librement, et tu viens me dire qu’elles sont prévues ! Et
637 t, que je les fais librement, et tu viens me dire qu’ elles sont prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue
638 i. Dussè-je tuer Dieu, comme Nietzsche a proclamé qu’ il avait fait. L. — Comment le temps tuerait-il l’Éternel ? Comment l
639 a chair tuerait-elle l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’elle s’en formait… Mais tu affirmes que si Dieu prév
640 le l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’ elle s’en formait… Mais tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu es al
641 dée fausse qu’elle s’en formait… Mais tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’est pl
642 ieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. C’est peut-être mal rai
643 suis, donc Dieu n’est pas ! »32 qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’éternelle prévision ? Qui t’assurerai
644 chappe à l’éternelle prévision ? Qui t’assurerait qu’ en prononçant ces mots, tu ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt ét
645 té immobile, c’est l’image même de la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l
646 es philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’
647 vent l’imaginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’ elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui no
648 te. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternit
649 us dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’ une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose
650 vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit q
651 lque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’ elle n’est pas au contraire la source de tout acte et de toute créatio
652  » de temps, comme l’écrit Paul) ?33 Qui t’assure que notre raison tout attachée à notre chair, à notre temps où elle s’est
653 té seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’es
654 re plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’ un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant presse
655 ’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul moment de la prière. « Demandez et
656 qui nous prédestina ! Quand le croyant, qui sait que Dieu a tout prévu éternellement, adresse à Dieu, au nom de sa promess
657 ne vit-il pas ce paradoxe et ce mystère : croire que « l’Éternel est vivant », croire que sa volonté — qui a tout prévu —
658 ère : croire que « l’Éternel est vivant », croire que sa volonté — qui a tout prévu — peut aussi tout changer en un instant
659 yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce qu’ a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éter
660 ue rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’ il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « 
661 ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’ il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas
662 cœur. Quelle étrange illusion nous ferait croire qu’ une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est
663 est elle seule qui définit notre présent ! Est-ce que nos objections « philosophiques » et notre crainte du « fatalisme » n
664 . M. — On peut aussi nier l’éternité, et affirmer que seul existe notre temps. Dans ce cas, tu n’as rien prouvé. L. — On n
665 une décision pure. Discuter ne peut nous conduire qu’ au seuil de cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si
666 pu dégager l’alternative du libre arbitre, telle qu’ elle se pose dans les termes extrêmes où elle revêt sa vraie réalité :
667 a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du « vieil homme », et les prétextes toujours
668 étextes toujours très moraux, et même très pieux, qu’ invoque notre révolte… Réalité radicale du problème Dans l’Églis
669 cette Parole est Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et l
670 objections. Et la démonstration purement biblique qu’ on en trouvera dans ce traité, malgré quelques détails exégétiques dis
671 tablir, pour le chrétien, la vérité d’un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’Évangile. L’ap
672 (Phil. 2, 12-13). C’est parce que Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu’il nous l’a commandé. C’est parce que Dieu
673 ce que Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu’ il nous l’a commandé. C’est parce que Dieu a tout prévu que nous avons
674 s l’a commandé. C’est parce que Dieu a tout prévu que nous avons en lui, et en lui seul, la liberté. Mais cela n’apparaît q
675 et en lui seul, la liberté. Mais cela n’apparaît qu’ à celui qui ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-mêm
676 uther insiste sur cet « extrémisme » évangélique, que les sophistes n’étaient que trop portés à corriger et à « humaniser »
677 émisme » évangélique, que les sophistes n’étaient que trop portés à corriger et à « humaniser », au risque d’« évacuer la C
678 maniser », au risque d’« évacuer la Croix ». Tant qu’ on n’a pas envisagé la doctrine de la pure grâce jusque dans son série
679 jusque dans son sérieux dernier, on peut soutenir que l’homme possède au moins « un faible libre arbitre »34 dans les chose
680 libre arbitre »34 dans les choses du salut. Mais que le Christ ait dû mourir — cet acte extrême — pour nous sauver, fait v
681 — cet acte extrême — pour nous sauver, fait voir que nous n’avons aucune liberté, par nous-mêmes, dans notre péché. Et à l
682 squ’au fond de la connaissance du péché pour voir qu’ il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Tou
683 u péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation de Luther vis
684 qu’il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la
685 ologien. Et tout est clair lorsque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout notre faculté de vouloir, mais nie seulemen
686 tout notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’ elle puisse suffire à nous obtenir le salut, étant elle-même soumise a
687 ttérature et scolastique. Il n’en reste pas moins qu’ aux yeux de la raison — cette folle, comme le répète Luther — ce que n
688 raison — cette folle, comme le répète Luther — ce que nous nommons ici un paradoxe demeure une pure et simple absurdité. Ma
689 ui me paraît correspondre, terme à terme, à celui que Luther et Paul — et l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’il a po
690 Paul — et l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’ il a poussé comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites de l’homme, jusqu
691 limites de l’homme, jusqu’aux questions dernières que peut envisager notre pensée. Pour échapper au nihilisme qui l’étreint
692 qui l’étreint, dès lors que « Dieu est mort » ou qu’ il l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme ce Retour étern
693 nté de reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’ il croit trouver et regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu.
694 ïncidence. En vérité, c’est bien du même problème qu’ il s’agit. Le seul problème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale
695 opre existence35. Mais la difficulté fondamentale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, dem
696 souveraine, demeure entière. La différence, c’est que Nietzsche nous propose d’adorer un Destin muet, tandis que nous adoro
697 el ! » — Dieu avec nous ! 30. À la proposition qu’ on lui faisait, en 1587, d’éditer ses œuvres complètes, le réformateur
7 1937, Articles divers (1936-1938). L’Acte comme point de départ (1936-1937)
698 rt (1936-1937)a b Nous partons de l’impression qu’ il existe, entre certains systèmes qu’on a coutume d’opposer très nett
699 ’impression qu’il existe, entre certains systèmes qu’ on a coutume d’opposer très nettement les uns aux autres, un commun dé
700 uns aux autres, un commun dénominateur d’erreur, que nous ne pourrions définir qu’en sortant du plan sur lequel ils voulai
701 ominateur d’erreur, que nous ne pourrions définir qu’ en sortant du plan sur lequel ils voulaient nous faire prendre parti.
702 s voulaient nous faire prendre parti. C’est ainsi qu’ on peut distinguer, dans l’idéalisme et dans le réalisme, ou dans le r
703 Les quelques pages qui suivent n’ont d’autre but que d’en indiquer le principe de permanente actualité. C’est précisément
704 ’est précisément ce sentiment de bonne conscience que nous ne pouvons plus éprouver en présence de la plupart des philosoph
705 philosophies de naguère et d’aujourd’hui, telles qu’ elles se présentent à nous. Avant même d’en pénétrer le détail et d’en
706 r ce mouvement de refus global. Mais nous sentons qu’ elles entraînent en nous un état de division intérieure. Elles opèrent
707 nomie parfaite qui nous semble absurde. Il semble que l’esprit ait proclamé, lui aussi, son autarchie, et qu’il puisse se d
708 esprit ait proclamé, lui aussi, son autarchie, et qu’ il puisse se donner des lois qui ne tiennent plus compte de la crise d
709 ’est dégagé des coordonnées du moment, c’est dire que son exercice n’engage plus à rien, concrètement. D’où ce sentiment, q
710 es dépens. On peut continuer la métaphore et dire que la pensée dont nous souffrons est une pensée débrayée. Un moteur débr
711 ne pensée débrayée. Un moteur débrayé n’en ronfle que mieux, d’ailleurs, et fait plus de bruit qu’en « prise ». Il arrive m
712 nfle que mieux, d’ailleurs, et fait plus de bruit qu’ en « prise ». Il arrive même qu’il tourne si vite que toute tentative
713 ait plus de bruit qu’en « prise ». Il arrive même qu’ il tourne si vite que toute tentative d’embrayage serait immédiatement
714 en « prise ». Il arrive même qu’il tourne si vite que toute tentative d’embrayage serait immédiatement fatale à la machine,
715 e part, le sentiment de division et de diminution qu’ elle favorise en nous : ce mot serait celui d’inactualité, entendu, no
716 s au sens de rupture entre la pensée et l’acte. ⁂ Que la pensée moderne repose sur un postulat d’inactualité, il suffit, po
717 traire. Si notre monde tient encore debout, c’est que les philosophies qui le partagent restent gratuites, relativistes et
718 plus effroyable anarchie matérielle. On nous dira que , cependant, si le désordre du monde est réel, il se peut qu’il provie
719 ant, si le désordre du monde est réel, il se peut qu’ il provienne, précisément, d’actualisations partielles des philosophie
720 ent, d’actualisations partielles des philosophies que nous repoussons ? Nous serions mal venus à le nier. Si le monde dure,
721 le monde dure, c’est-à-dire se renouvelle, c’est qu’ il y a dans le monde plus d’actualité que nos philosophies n’en peuven
722 e, c’est qu’il y a dans le monde plus d’actualité que nos philosophies n’en peuvent concevoir. Et s’il y a du désordre, c’e
723 peuvent concevoir. Et s’il y a du désordre, c’est que ces philosophies sont tout de même moins inopérantes que souvent elle
724 philosophies sont tout de même moins inopérantes que souvent elles ne voudraient l’être. Mais, chose étrange, la raison po
725 ibre entre le microbe et la maladie ne peut mener qu’ à une consomption lente, ou à des accidents violents, catastrophiques.
726 diagnostic indique par lui-même la thérapeutique que nous voudrions proposer, et qui serait un traitement préventif par l’
727 présents, avant toute analyse, dans le sentiment que nous disions tout à l’heure éprouver en face d’une conception puremen
728 On pourrait dire tout au plus (métaphoriquement) que l’acte révélé par le cliché, c’est l’éclair de magnésium dont la phot
729 a scène représentée par la photo, elle n’est plus qu’ un objectif, inactuel en soi, et problématique. Qu’on nous permette de
730 u’un objectif, inactuel en soi, et problématique. Qu’ on nous permette de reprendre ici une distinction importante introduit
731 même objectives, et celles sur lesquelles il faut que l’esprit s’appuie pour poser un problème quelconque ». L’acte, tel qu
732 pour poser un problème quelconque ». L’acte, tel que nous l’entendons, est évidemment une donnée de ce deuxième type, la d
733 me. La réflexion sur l’acte ne pouvant intervenir qu’ a posteriori, elle n’est, en réalité, qu’une réflexion sur les effets
734 tervenir qu’a posteriori, elle n’est, en réalité, qu’ une réflexion sur les effets de l’acte. Si, au moment de sauter, l’ath
735 ne reste alors qu’à se consoler par la certitude que l’analyse philosophique est avec celui qui ne peut pas sauter. Et c’e
736 t pas sauter. Et c’est peut-être cela précisément que la sagesse vulgaire appelle « prendre les choses avec philosophie »…
737 s avec philosophie »… Ceci nous amène à constater que  : 1° Si on ne part pas de l’acte, on ne part pas du tout. 2° Si on n
738 ur l’acte contiendra nécessairement des mots tels que « départ », « partir » et « tout de suite ». Tout discours sur l’acte
739 la réalité créante. Force nous est de reconnaître qu’ un tel discours, dans l’état de notre philosophie, paraîtra peu philos
740 phie, paraîtra peu philosophique. Personne, mieux que Kierkegaard, n’a su montrer cette complicité essentielle, et d’appare
741  : « L’éthique ne commence pas dans une ignorance qu’ il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exige sa réalisati
742 anscendant à sa création. Il est créateur en ceci qu’ il introduit dans les choses un rapport nouveau instituant une situati
743 ns ce rapport nouveau on ne trouvera rien d’autre que la matière d’une problématique nouvelle, un donné, ou plutôt un « aba
744 bouleversant d’un nouvel acte. Il n’y a eu d’acte que dans le présent, dans l’instant créateur, dans ce contact entre l’éte
745 mps, qui est le mystère même. Cela n’entraîne pas qu’ on ne puisse rien dire des réactions psychologiques à l’acte « as it’s
746 e vouloir et le pouvoir. On pourrait presque dire que c’est la sensation de l’unité, ou, plus exactement, de son accompliss
747 maintenant le reproche d’inactualité essentielle que nous adressions dès le début à certains systèmes par ailleurs fort di
748 gique, à l’éliminer ou à la disqualifier. À moins qu’ il n’en parte, comme de la réalité centrale, impensable et qui permet
749 e la véritable valeur d’une philosophie de l’acte qu’ en montrant comment ses caractères principaux, tels que nous venons de
750 montrant comment ses caractères principaux, tels que nous venons de les indiquer, se retrouvent — comme reflétés — dans se
751 croyons en avoir assez dit pour pouvoir affirmer qu’ il n’y a pas de transition entre l’acte et ses effets. C’est l’acte lu
752 ait dire, paradoxalement : il n’y a de transition que par l’acte, mais l’acte est le contraire d’une transition. Avant de p
753 te, impliquées d’ailleurs dans ce qui précède, et que nous allons utiliser. La première, c’est la violence de l’acte. Quand
754 mais aussi une nouvelle mise en ordre. C’est ici que nous retrouvons, sous un aspect dynamique, la distinction esprit-mati
755 n aspect dynamique, la distinction esprit-matière que nous avions écartée tout d’abord. L’acte créateur sépare la lumière d
756 lé de son caractère agonique. Ce n’est pas à dire que la lumière et les ténèbres soient données avant l’acte, car sinon il
757 car sinon il ne serait pas créateur, c’est-à-dire qu’ il ne serait pas acte. L’acte n’a qu’un point d’application, le chaos,
758 c’est-à-dire qu’il ne serait pas acte. L’acte n’a qu’ un point d’application, le chaos, la discorde, le non-être, ou ce qui
759 ordre. L’acte est si étroitement lié à ses effets qu’ on ne saurait humainement le séparer du premier d’entre eux, qui est l
760 tension. Le nouvel état du conflit est plus aigu que l’ancien. Au fur et à mesure qu’elle se libère, la personnalité se ri
761 it est plus aigu que l’ancien. Au fur et à mesure qu’ elle se libère, la personnalité se risque de plus en plus. C’est pourq
762 au prestige du positivisme et du néo-pragmatisme qu’ à celui du moulin à prières. Il est plus difficile de maintenir sur le
763 difficile de maintenir sur le qui-vive un empire qu’ une cité étroite. En effet, à l’intérieur même de l’empire, s’établit
764 l’intérieur même de l’empire, s’établit un danger qu’ ignorent les pays de marche. Le sentiment de la sécurité, de l’ennui,
765 échissement. La tentation de l’acte gratuit n’est qu’ une forme moderne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la
766 on seulement la pensée est acte, mais elle est ce qu’ il y a de plus actuel ·dans l’acte. Ce qui a pu tromper sur ce point,
767 qui a pu tromper sur ce point, c’est précisément que , la pensée étant la plus immédiate des mises en ordre, la raison est
768 est tentée de confondre cet ordre même, qui n’est qu’ un effet, avec le dynamisme qui en est cause. Ce dynamisme propre de l
769 namisme propre de la pensée créatrice, c’est cela que nous appelons sa faculté dichotomique. La science nous en donnera un
770 r Meyerson). Il n’y a de paradoxe épistémologique que pour qui refuse d’aborder le problème de la connaissance à partir de
771 me monument ou système de règles, ne saurait être qu’ un aspect provisoirement favorable du chaos. La vérité scientifique es
772 ence-faite rejoint le donné. Mais cela n’est vrai que pour le savant seulement au moment où il crée ; pour les autres homme
773 es termes, la machine sépare le travail qualifié, qu’ elle repousse vers l’activité spirituelle, du travail non qualifié, où
774 du travail non qualifié, où l’homme ne joue plus qu’ un rôle d’exécuteur. Remarquons que la machine n’est que le prolongeme
775 e ne joue plus qu’un rôle d’exécuteur. Remarquons que la machine n’est que le prolongement d’un schéma mathématique, et qu’
776 rôle d’exécuteur. Remarquons que la machine n’est que le prolongement d’un schéma mathématique, et qu’elle est elle-même pr
777 que le prolongement d’un schéma mathématique, et qu’ elle est elle-même prolongée par la rationalisation. Nous avons là un
778 as y renoncer sans briser son ressort. Remarquons que cet attachement est la marque de l’humanité. Mais, d’autre part, l’ho
779 s, d’autre part, l’homme n’existe personnellement qu’ autant qu’il s’affirme en acte. Quand on parle de solidarité humaine,
780 part, l’homme n’existe personnellement qu’autant qu’ il s’affirme en acte. Quand on parle de solidarité humaine, de valeur
781 valeur humaine, c’est à une société de personnes que l’on pense. L’homme n’atteint l’universel qu’à travers le personnel.
782 nes que l’on pense. L’homme n’atteint l’universel qu’ à travers le personnel. Originalité éclatante, inoubliable, paradoxale
783 yeux ce qui n’est pas immédiat à l’acte ? Est-ce que nous n’allons pas être amenés à nier la réalité de toute médiation ?
784 éalité des résistances à cette activité. Ce n’est que dans certains domaines très étroits de la pensée que ces résistances
785 dans certains domaines très étroits de la pensée que ces résistances sont assez nettement brisées pour conférer à la créat
786 ’activité. La médiation ne se manifeste pour nous que sous forme de résistance. Il y a assurément des résistances plus ou m
787 x au personnalisme social, mais ce ne sont jamais que des résistances. Entre les deux pôles de la tension, il n’y a ni iden
788 umaine ne saurait donc considérer toute médiation que comme une résistance à son effort immédiat, ou, pour reprendre l’expr
789 métaphysique contre l’éthique ». Il faut, certes, que l’homme trouve des points d’appui et garde une participation avec ce
790 sonnel. Mais cette nécessité ne reprend sa valeur que dans la tension active dirigée tout entière vers l’affirmation du per
791 ine, l’acte instantané ne fera briller son éclair que bien rarement. Les conflits contre le temps, contre l’espace, contre
792 ort une sorte de réalité indépendante, ne donnent que rarement l’occasion d’une victoire évidente ; mais dans tous les doma
793 té de l’acte. 1. Ce qui ne signifie pas du tout que la pensée doive être soumise à l’action — bien au contraire ! — mais
794 e soumise à l’action — bien au contraire ! — mais que le risque de penser est actuel (D. R.). 2. Je retrouve dans les pap
795 ssable. En effet, de tous les seuils irrationnels que l’homme puisse passer, c’est sans doute le seul qui ne lui coûte pas
796 ement M. Lévy-Bruhl, notamment dans la conférence qu’ il a faite à Oxford, le 19 mai 1931, il le passe chaque fois qu’il pen
797 1931, il le passe chaque fois qu’il pense, encore que peut-être l’acte de penser, au sens plein et cartésien du mot, soit i
798 mot, soit infiniment plus difficile et plus rare qu’ on ne se figure communément. Avant de chercher à répondre à cette ques
799 dispensable de marquer très fortement l’influence qu’ exerce ce seuil sur toute la vie humaine et, probablement, sur la vie
800 vie en général. Cela est d’autant plus nécessaire que de même que la science a longtemps refusé de faire entrer dans ses co
801 dans ses constructions le principe de Carnot, et qu’ elle n’a accepté l’irréversibilité qu’il recèle, que pour en tourner l
802 Carnot, et qu’elle n’a accepté l’irréversibilité qu’ il recèle, que pour en tourner l’irrationalité foncière à l’aide d’une
803 ’elle n’a accepté l’irréversibilité qu’il recèle, que pour en tourner l’irrationalité foncière à l’aide d’une loi statistiq
804 tion intellectuelle. Notre science n’est à l’aise que dans le continu et elle fait surgir le discontinu qu’elle multiplie p
805 dans le continu et elle fait surgir le discontinu qu’ elle multiplie par son progrès même. Elle ne connaît que du probable e
806 e multiplie par son progrès même. Elle ne connaît que du probable et, en tant qu’acte, elle est l’improbabilité essentielle
807 e, elle est l’improbabilité essentielle. Paradoxe que M. Meyerson a décrit sous le nom de paradoxe épistémologique. » (Arna
8 1937, Articles divers (1936-1938). Formons des Clubs de presse (30 janvier 1937)
808 es raisons Chacun sait et éprouve chaque jour, que l’état des dépendances financières ou des partisanneries politiques q
809 nformation d’État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’un monopole privé) qu’il est à craindre qu’elle ne puisse s’
810 sont aussi graves que celles d’un monopole privé) qu’ il est à craindre qu’elle ne puisse s’accomplir isolément. Seul le red
811 celles d’un monopole privé) qu’il est à craindre qu’ elle ne puisse s’accomplir isolément. Seul le redressement radical et
812 rd’hui l’argent, libérera l’information. Ce n’est qu’ en attaquant l’ensemble des trusts qu’on atteindra celui des journaux.
813 n. Ce n’est qu’en attaquant l’ensemble des trusts qu’ on atteindra celui des journaux. Le but L’objet des « Clubs de p
814 lic, synonyme de mensonge. Il s’agit en attendant que la question puisse être attaquée et résolue de front — de tourner la
815 r une matière définitive. Il convient de préciser que le bulletin n’est pas distribué. Il est adressé personnellement et co
816 ils acceptent les statuts. Il faut encore ajouter que le « Comité central d’informations » qui rédige le bulletin, n’a pas
817 pas seulement à sa disposition les renseignements que lui fournissent les clubs de base. Composé lui-même de journalistes,
818 ns de comprendre et de redresser la documentation que continuera à leur fournir la presse. Elle pourrait être une sorte d’é
819 hors de son domaine, les « Clubs » n’oublient pas que la réforme organique de la presse est le but final. Dans cette partie
820 roblèmes financiers, professionnels, législatifs, que pose la réforme de la presse. Dès à présent, de tels documents facili
821 une presse truquée. L’esprit Il est évident que la portée d’une telle entreprise dépend de la valeur professionnelle
822 partiennent, dans une entreprise qui ne veut être qu’ une œuvre stricte d’information, à l’exclusivité de tout commentaire e
823 limité, celui de l’information, nous avons pensé que nous devions collaborer avec des camarades venant d’autres organisati
824 l’occasion d’un échange de vues qui ne peut être que fructueux pour tous. Nous faisons un appel pressant auprès de tous no
825 s, pour qu’ils comprennent l’intérêt exceptionnel que présente la formation des clubs, pour qu’ils y collaborent activement
9 1937, Articles divers (1936-1938). À qui la liberté ? (5 mars 1937)
826 la culture et de la défense de la culture. C’est qu’ on ne sait plus ce que signifie culture. C’est que la culture est en p
827 éfense de la culture. C’est qu’on ne sait plus ce que signifie culture. C’est que la culture est en pleine crise, et que ce
828 qu’on ne sait plus ce que signifie culture. C’est que la culture est en pleine crise, et que cette crise ne sévit plus seul
829 ure. C’est que la culture est en pleine crise, et que cette crise ne sévit plus seulement dans les élites, mais se manifest
830 t dans les couches profondes de la nation. Je dis que la crise de la culture est dans la rue. Je dis que la culture fait le
831 ue la crise de la culture est dans la rue. Je dis que la culture fait le trottoir. Et que c’est la politique qui s’est char
832 a rue. Je dis que la culture fait le trottoir. Et que c’est la politique qui s’est chargée de réglementer à sa manière la p
833 s’édifiait la culture. M. de la Rocque défend ce qu’ il appelle « la primauté de l’esprit ». Il fait placarder des affiches
834 de la politique, on peut être à peu près certain que ces deux messieurs défendent en réalité le contraire de l’esprit et d
835 traire de l’esprit et de la liberté, c’est-à-dire qu’ ils défendent l’un et l’autre un régime d’étatisme oppressif et de dic
836 aine, vous passerez bientôt pour fasciste. On dit que les mots n’ont plus de sens. Ce serait trop beau, ce serait trop faci
837 gues. En réalité, les mots prennent tous les sens qu’ on veut dans la bouche des politiciens. Ils prennent de préférence un
838 olini fait la conquête de l’Éthiopie au nom de ce qu’ il appelle sa liberté, etc.) Mais ils prennent aussi toutes sortes de
839 politique actuelle s’occupe bien moins des faits que des mystiques dont on se sert pour masquer, à gauche et à droite, une
840 a surenchère politicienne en est venue à ce point que , par une double démagogie, on dit aujourd’hui liberté et autorité à d
841 pour interdire cette prostitution. Il en résulte que la culture qui joue tant sur le sens des mots et sur leur acception c
842 on commune, se trouve ruinée par la politique. Et que la politique, qui a tourné en mystique, parle pour ne rien dire ou po
843 parle pour ne rien dire ou pour dire autre chose que ce qu’elle dit. On se demande pourquoi, dans de telles conditions, l’
844 pour ne rien dire ou pour dire autre chose que ce qu’ elle dit. On se demande pourquoi, dans de telles conditions, l’on s’ob
845 r ce problème tout d’abord. Écrivons pour montrer qu’ il n’est pas de problème politique plus urgent que celui des mots ; et
846 qu’il n’est pas de problème politique plus urgent que celui des mots ; et qu’il n’est pas de problème culturel qui ne dépen
847 ème politique plus urgent que celui des mots ; et qu’ il n’est pas de problème culturel qui ne dépende de la politique. Cela
10 1937, Articles divers (1936-1938). Romanciers publicitaires ou la contagion romanesque (13 mars 1937)
848 i Je n’apprendrai rien à personne en affirmant que le roman est le plus « contagieux » de nos genres littéraires, j’ente
849 eur « Temps perdu » ; enfin, à tous les adultères que le roman à trois personnages, genre français par excellence, a provoq
850 es lecteurs assez ardents pour le subir autrement qu’ en imagination. Et rien n’est plus légitime, voire désirable, que cett
851 on. Et rien n’est plus légitime, voire désirable, que cette contagion pratique de l’art, tant qu’il s’agit véritablement d’
852 able, que cette contagion pratique de l’art, tant qu’ il s’agit véritablement d’art, tant qu’il s’agit, pour un auteur, d’in
853 ’art, tant qu’il s’agit véritablement d’art, tant qu’ il s’agit, pour un auteur, d’influencer le public par des moyens chois
854 du monde plus profonde, plus riche et plus vraie, que la vision banale de la vie quotidienne. Il est très bon que le romanc
855 ion banale de la vie quotidienne. Il est très bon que le romancier et ses romans agissent, de cette manière intime et soute
856 ent, de cette manière intime et souterraine, tant qu’ ils ont quelque chose à dire. Mais nos romanciers d’après-guerre, qu’o
857 chose à dire. Mais nos romanciers d’après-guerre, qu’ ont-ils à dire ? Dans quel sens entendent-ils agir sur les mœurs de le
858 Vie (avec majuscule). Ils ne redoutent rien tant que l’œuvre à thèse. Ils se défendent de toutes leurs forces d’avoir une
859 , par crainte de s’imposer ou par ignorance de ce qu’ il faudrait imposer, se contentent d’un opportunisme à la petite semai
860 a petite semaine, et ménagent les opinions plutôt que les intérêts de leurs électeurs. Cet opportunisme à courte vue caract
861 t de la conscience bourgeoise moyenne. Il ne fait que traduire les humeurs, les goûts, les craintes et les vapeurs du bourg
862 u nom d’un idéal révolutionnaire cohérent. Il n’a qu’ une crainte : celle de passer pour autre chose qu’un « pur artiste »,
863 qu’une crainte : celle de passer pour autre chose qu’ un « pur artiste », celle de passer pour un auteur à thèse, pour un pr
864 lasse. Rien n’est plus dangereusement tendancieux qu’ un écrivain qui n’ose pas affirmer sa tendance. La contagion du roman
865 lasses possédantes et de leurs coutumes. Il n’est que de voir l’importance démesurée que nos romanciers attachent à la desc
866 umes. Il n’est que de voir l’importance démesurée que nos romanciers attachent à la description des vêtements, des ameublem
867 is qui s’imaginait, naïvement et confortablement, qu’ on peut écrire n’importe quoi, sans ce que cela porte à conséquences,
868 lement, qu’on peut écrire n’importe quoi, sans ce que cela porte à conséquences, ce romancier s’est condamné lui-même, en f
869 s’est condamné lui-même, en fait, à ne plus être que l’agent de publicité — plus ou moins bénévole — des fournisseurs d’un
870 ’une certaine classe. Ce romancier, et la culture qu’ il représente, on comprend que la jeunesse actuelle ne marche plus pou
871 cier, et la culture qu’il représente, on comprend que la jeunesse actuelle ne marche plus pour les défendre. La crise du li
11 1937, Articles divers (1936-1938). Vers une littérature personnaliste (20 mars 1937)
872 ui qui est consacré à l’après-guerre. II est vrai que beaucoup de noms y sont omis, que beaucoup de nos gloires y sont trai
873 re. II est vrai que beaucoup de noms y sont omis, que beaucoup de nos gloires y sont traitées cavalièrement (Maurois-Mauria
874 mais on ne l’avait vu et constaté aussi nettement qu’ à la lecture de ce bilan désinvolte. Au lendemain de la guerre, la pro
875 iait cette génération : elle ignorait apparemment que la liberté est une conquête, et non pas une facilité. Tout concourait
876 de gloires rapides et sans ampleur, des « noms » qu’ un seul livre imposa, et l’on acceptait les suivants parce que c’était
877 s de la crise qui les suit, on ne retiendra guère que les bizarreries les plus aiguës : Cocteau, Max Jacob, les premiers su
878 ante. Quant au roman contemporain, il est curieux que Thibaudet, son premier historien, ne tente d’en sauver que les plus g
879 udet, son premier historien, ne tente d’en sauver que les plus gros morceaux — au poids — les « romans-cycles ». Le roman-c
880 . Le roman-cycle, c’est, semble-t-il, la solution qu’ adoptent naturellement les écrivains lassés de l’improvisation et du b
881 et vagabondent à travers les générations. Notons qu’ ils s’attardent presque tous aux générations d’avant-guerre : le temps
882 fficultés, conclut-il, on ne saurait guère douter que le super-cycle de ces sept romans-cycles (Martin du Gard, Duhamel, Fr
883 u paysage, du roman, pour cette tranche de siècle que meublera la génération de 1914. Il est caractéristique que le livre
884 ra la génération de 1914. Il est caractéristique que le livre de Thibaudet se termine sur une note pessimiste, et sur l’ex
885 cette dégradation littéraire, après tout, ne fait que traduire celle de la société. Tous ces romans-cycles sont, en effet,
886 sque tout est brouillé, lorsque tout est permis ? Que décrire, sinon ce qui s’écroule — et cela ne peut pas donner les élém
887 rmes. Les gros romans sociaux de huit-cents pages que nous assènent les Céline, Aragon ou Plisnier sont bien plus des pamph
888 , Aragon ou Plisnier sont bien plus des pamphlets que des romans, des essais illustrés d’exemples : du coup, ils retrouvent
889 ls retrouvent un public. Il semble, d’autre part, que les documentaires entremêlés de réflexions et de jugements personnels
12 1937, Articles divers (1936-1938). C’est jeune (10 avril 1937)
890 s la meilleure des prudences. C’est la conclusion que je tire d’un article de M. Vandérem (dans Candide) où la critique des
891 ans Candide) où la critique des critiques actuels que j’avais esquissée, ici même, se trouve citée et commentée, et sans do
892 petto… Mais M. Vandérem est réaliste : il trouve que j’en prends à mon aise et que je néglige un peu cavalièrement les con
893 éaliste : il trouve que j’en prends à mon aise et que je néglige un peu cavalièrement les contingences. Si j’étais plus av
894 rit-il —, je me rendrais compte de tous les aléas que représenteraient pour la critique un chambardement de ce genre. Ce se
895 ète demandant des mois. On ne saurait mieux dire que le mal est aussi grave que je l’indiquais. Et si l’on en doutait enco
896 ne saurait mieux dire que le mal est aussi grave que je l’indiquais. Et si l’on en doutait encore, c’est M. Fernandez qui
897 e force au public ». Car, précisait-il, « on sait que la force, en ces matières, cela veut dire surtout la chance et la tac
898 re surtout la chance et la tactique, il me semble que le talent de M. Amoux est supérieur à sa tactique ». Faut-il être jeu
899 « constatation » de cet ordre ! Comprenez-vous ce qu’ elle suppose, ce qu’elle avoue sereinement, ce qu’elle déclare avec ta
900 cet ordre ! Comprenez-vous ce qu’elle suppose, ce qu’ elle avoue sereinement, ce qu’elle déclare avec tant de naturel ? Sent
901 qu’elle suppose, ce qu’elle avoue sereinement, ce qu’ elle déclare avec tant de naturel ? Sentez-vous, à la lire, quelque ch
902 oût ? Partagez-vous ma naïveté ? Et M. Fernandez, qu’ en pensait-il, écrivant cela ? Dans quelle illusion ai-je vécu ? Ce n’
903 ’est rien d’écrire, de faire une œuvre, de croire qu’ on a quelque chose à dire ; le but de l’écrivain, c’est de s’imposer a
904 de la tactique ! Je le vois bien. Je supplie donc qu’ on m’explique la tactique. En quoi cela peut-il consister ? Aucune idé
905 stère de « la vie… ». Profitant de mon innocence, que j’espère d’ailleurs provisoire, — je vieillirai — je voudrais dire ce
906 que chose de beaucoup plus dangereux et difficile que l’avancement dans la vie : quelque chose que nous autres appelons, da
907 cile que l’avancement dans la vie : quelque chose que nous autres appelons, dans ce journal, une révolution. Quand les cler
13 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)
908  : mes dernières années de Paris m’avaient appris que cette ville, au moins pour la jeunesse sans argent, est la ville des
909 s milliers de maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez une, et vous en trouverez pour rien, ou pas grand-ch
910 eut « vivre » ? C’est à cette question judicieuse que j’ai voulu répondre. Peut-être mon récit n’a-t-il pas d’autre but que
911 dre. Peut-être mon récit n’a-t-il pas d’autre but que de décrire un précédent, d’affirmer que cela peut se faire, que cela
912 autre but que de décrire un précédent, d’affirmer que cela peut se faire, que cela s’est fait, qu’il y a là un bonheur… 22
913 un précédent, d’affirmer que cela peut se faire, que cela s’est fait, qu’il y a là un bonheur… 22 septembre 1934. À… (Gard
914 rmer que cela peut se faire, que cela s’est fait, qu’ il y a là un bonheur… 22 septembre 1934. À… (Gard) Arrivés hier matin,
915 és hier matin, par Nîmes. Déjà je ne sais plus ce que j’attendais, ni ce que j’ai pu rêver de ce pays. Il est très pauvre,
916 s. Déjà je ne sais plus ce que j’attendais, ni ce que j’ai pu rêver de ce pays. Il est très pauvre, sec et lumineux. Toutes
917 « Décrivez la maison de vos vacances… » Ajoutons que le jardinier s’appelle Simard, sa femme Marguerite, son chien basset
918 sa femme Marguerite, son chien basset Pernod. Et qu’ il va falloir modifier cette maison pleine de guéridons et d’aquarelle
919 eine de guéridons et d’aquarelles, de telle sorte qu’ on puisse y travailler. Nous faisons l’inventaire minutieux et le plan
920 ’ai dressé ma table sur des tréteaux. Il ne reste qu’ un grand canapé de velours ponceau et des chaises de paille trouvées d
921 peine de quoi se nourrir. Et j’entrevois déjà ce qu’ ils appellent ici se nourrir : nos voisins n’ont sur leur table, quand
922 ’ont sur leur table, quand on va les voir à midi, que des châtaignes, des olives, des radis et quelques légumes de leurs cu
923 des radis et quelques légumes de leurs cultures, qu’ ils n’ont pas pu vendre au marché. Cependant, ils se considèrent comme
924 ité, dont la femme fait des journées. Considérant que richesse oblige — car je gagne à peu près 1.000 francs par mois — nou
925 d’un couvent désaffecté, mais je n’y vois jamais que des vieillards en pantoufles. Devant le parc, un mail couvert d’une é
926 s aiment le noir. Avec fanatisme. J’observe aussi qu’ ils s’arrangent pour vivre plus mal que la population des faubourgs de
927 erve aussi qu’ils s’arrangent pour vivre plus mal que la population des faubourgs des grandes villes. Le goût de « la vie s
928 vie saine » et du grand air, vous ne le trouverez que dans la « banlieue rouge » de Paris, d’ailleurs importé d’URSS, et ré
929 ’ailleurs importé d’URSS, et récemment. On me dit qu’ ici trois maisons seulement, sur 200, ont l’eau courante. Les femmes v
930 is d’autre part, en parcourant la feuille locale, qu’ il naît encore pas mal d’enfants dans ces foyers que tout menace. Fais
931 ’il naît encore pas mal d’enfants dans ces foyers que tout menace. Faisons la part des « accidents », des « imprudences ».
932 Pourtant c’est bien ici le peuple « raisonnable » qu’ on donne en exemple aux barbares de l’Europe centrale. Le peuple qui s
933 tre à quelque espoir vague et profond. Or tout ce que l’État nous apprend, par le moyen de l’école primaire entre autres, r
934 ge pratique de la raison ? Simplement je constate qu’ en fait, et dans ce pays tel qu’il est, la morale rationnelle et les m
935 ement je constate qu’en fait, et dans ce pays tel qu’ il est, la morale rationnelle et les mesures qu’elle propose, ce n’est
936 l qu’il est, la morale rationnelle et les mesures qu’ elle propose, ce n’est guère que le rêve des vieux célibataires assez
937 le et les mesures qu’elle propose, ce n’est guère que le rêve des vieux célibataires assez fortunés, ou ascètes. Ceux qui n
938 ont un peu de peine avec les ouvriers. Il paraît qu’ on en trouve de moins en moins. — « Mais, lui dis-je, et les chômeurs 
939  « Mais, lui dis-je, et les chômeurs ? On m’a dit qu’ il y en a 400 à A ? » La mère, vivement : « Jamais je n’ai engagé de c
940 urs, Monsieur, c’est un principe. Nous ne voulons que des ouvriers honnêtes. Pensez donc, deux femmes seules ! — C’est que
941 nnêtes. Pensez donc, deux femmes seules ! — C’est que je suis chômeur moi-même, Madame… » Elle sourit à son tour, de l’air
942 r, sans indiscrétion ? » Je dis mon nom. — Est-ce que vous écrivez des articles ? J’en ai lu signés de ce nom-là. Et elle m
943 ertes, et pourtant elles en sont encore à estimer que chômeur est synonyme de vagabond dangereux. Elles font partie des « t
944 oisie des villes et le prolétariat ? L’opposition que veulent voir les marxistes entre bourgeois, ou maîtres, et prolétaire
945 mi métayer. Est-ce un prolétaire ? Il serait vexé qu’ on le lui dise. Il s’estime fort au-dessus d’un mineur retraité, par e
946 out autre espèce, on dirait même d’une autre race que les métayers catholiques de la montagne qu’on voit venir à A… pour le
947 race que les métayers catholiques de la montagne qu’ on voit venir à A… pour le marché. Et très conscients d’une supériorit
948 r le marché. Et très conscients d’une supériorité qu’ ils ne peuvent attribuer au rang social ni au salaire, c’est évident,
949 des différences et des affinités, au moins autant que les conditions économiques. On ne comprend rien à la réalité sociale
950 s’estime donc scientifique. Il ne part pas de ce que les hommes veulent être, ni de la conscience globale qu’ils ont de le
951 hommes veulent être, ni de la conscience globale qu’ ils ont de leur état (et c’est pourtant le principal, pratiquement et
952 usions, voire de « mystification ». Il part de ce que les hommes sont malgré eux, du point de vue abstrait et inhumain de l
953 humain ? Sera-t-elle fondée sur la réalité telle qu’ elle est vécue et voulue par les hommes réels et concrets, ou bien sur
954 s réels et concrets, ou bien sur la réalité telle qu’ elle est chiffrable, inévitable, impersonnelle ? 2 novembre 1934 Minui
955 s ; de ces veillées fiévreuses, assiégées. Est-ce que je les regrette ? Est-ce que l’heure de la nuit où l’on ne dort pas n
956 s, assiégées. Est-ce que je les regrette ? Est-ce que l’heure de la nuit où l’on ne dort pas n’est pas toujours l’heure des
957 heure suspendue, il vaut mieux cesser de penser. Que penserais-je, ici, d’humain, d’actif ? Ici où je suis sans prochain,
958 e ou mes frères (?) les hommes sont plus éloignés que jamais ? « La nuit est faite pour dormir », me disait un gardien de l
959 s gens. — Je vais chez les Calixte. On nous a dit que la mère a la grippe. Je trouve à la cuisine la fille et une voisine.
960 je crois bien sa blouse noire aussi. Elle me dit qu’ elle a été assez mal. On devait lui retirer son linge toutes les deux
961 ucher à la viande, pensez ! Il ne faut pas croire que la viande soit un si bon remède comme on le dit. Je lui ai fait du po
962 i a fait de l’avantage. Voyez ! Ce n’est pas vrai que la viande est si bonne pour les malades. » Elle accepte de venir fair
963 és quand on va les récolter. « Voyez-vous ! c’est qu’ il a fait un vent cette nuit ! » 11 novembre 1934 D’une manière généra
964 ns la bourgeoisie — où l’on s’imagine bien à tort que les gens du peuple sont spécialement adroits de leurs mains, débrouil
965 eux assiettes. La mère Calixte, qui casse tout ce que l’on veut, a coutume de dire en constatant le mal : « Voyez-vous ! je
966 yais la tenir cette assiette ! » De telle manière qu’ on entend bien que c’est ainsi de tout, et qu’on aurait grand tort de
967 ère qu’on entend bien que c’est ainsi de tout, et qu’ on aurait grand tort de croire que rien au monde dépend de nous. Ceci
968 nsi de tout, et qu’on aurait grand tort de croire que rien au monde dépend de nous. Ceci vaut pour les femmes, qui sont la
969 ée de la population. Ce sont elles qui gagnent ce qu’ il faut, elles qui travaillent, elles qui décident, elles qui lisent,
970 Orient, d’où vint autrefois le mûrier. Question : Que reste-t-il pour entreprendre ici une révolution constructive ? 21 nov
971 la filature : « Je vous dis, c’est miraculeux ce qu’ on leur donne ! Sept francs par jour ! » (Il voulait dire : scandaleux
972 ans l’autocar, une femme dont j’ai cru comprendre qu’ elle tient un petit hôtel à Saint-Jean-du-Gard, expliquait à sa voisin
973 ialiste, rappelle-toi ! Si tu oublies, tu n’auras qu’ à te rappeler épicerie. » Épicerie pour spécialiste, vous n’auriez jam
974 Et c’est encore une fois le drame de la culture. Qu’ on ne croie pas que j’exagère. Je ne tire de ce fait, à vrai dire minu
975 e fois le drame de la culture. Qu’on ne croie pas que j’exagère. Je ne tire de ce fait, à vrai dire minuscule, qu’une évide
976 re. Je ne tire de ce fait, à vrai dire minuscule, qu’ une évidence. Les mots que nous disons ou que nous écrivons, nous autr
977 à vrai dire minuscule, qu’une évidence. Les mots que nous disons ou que nous écrivons, nous autres intellectuels, éveillen
978 ule, qu’une évidence. Les mots que nous disons ou que nous écrivons, nous autres intellectuels, éveillent dans l’esprit pop
979 éveillent dans l’esprit populaire des harmoniques que nous ne savons plus prévoir. Littéralement, les mots n’ont plus le mê
980 ceux qui voudraient lui parler. Le petit exemple que je viens de citer, c’est une espèce de calembour qui ne joue que sur
981 citer, c’est une espèce de calembour qui ne joue que sur des sons. Mais il est clair que le sens des termes dont nous uson
982 r qui ne joue que sur des sons. Mais il est clair que le sens des termes dont nous usons doit subir des métamorphoses non m
983 et pauvreté, tous ces vocables dont nous pensions qu’ ils exprimaient les lieux communs sur quoi repose, tacitement, la vie
984 e du peuple les mêmes espoirs, les mêmes dégoûts, que chez nous. Leur résonance sentimentale est différente, et c’est pourq
985 pourquoi leur sens est différent, en dépit de ce que l’on pourrait déduire, dans le fait, d’une discussion raisonnable, c’
986 dire truquée, avec tel ou tel ouvrier. On pensera que de tout temps la traduction du langage surveillé des écrivains dans l
987 ce au langage, est un des droits imprescriptibles que se trouve avoir décrété la Convention. Bref, il n’est plus de mesure
988 pour ne pas dire dans le vide (il vaudrait mieux que ce soit le vide, dans bien des cas), quels que soient nos efforts ver
989 ux que ce soit le vide, dans bien des cas), quels que soient nos efforts vers la rigueur et vers l’adaptation de notre styl
990 le à notre action. On serait même tenté d’estimer que la plus grande rigueur entraîne la moindre efficacité, et l’inverse.
991 oindre efficacité, et l’inverse. Par où l’on voit que le contraire de la « vie spirituelle », c’est « le public ». Cette vi
992 ic nous posent des exigences dont il faut admirer qu’ elles soient aussi exactement contradictoires. Or, de ces deux antagon
993 nistes, c’est l’esprit qui sera vaincu. Non point qu’ il s’avilisse partout ni qu’il se laisse toujours persuader par la ten
994 era vaincu. Non point qu’il s’avilisse partout ni qu’ il se laisse toujours persuader par la tentation du succès. Mais simpl
995 implement on ne l’entend plus, il n’agit plus. Ce qu’ on « entend », c’est l’absence de l’esprit, c’est l’appel aux instinct
996 embre 1934 Le pasteur m’a convoqué aux entretiens qu’ il organise le samedi soir, dans une salle attenante au temple, pour l
997 it-il. Comme vous l’aurez remarqué, il n’en vient qu’ une dizaine au culte. C’est trop compromettant. Mais pour une causerie
998 t parler de tout… J’irai d’autant plus volontiers que , devant parler moi-même, dans quelques jours, au cercle d’hommes de S
999 département ». La discussion n’a vraiment démarré que lorsqu’on s’est mis à parler d’autre chose que du sujet, c’est-à-dire
1000 ré que lorsqu’on s’est mis à parler d’autre chose que du sujet, c’est-à-dire d’un peu tout : de l’enseignement, des journau
1001 is de gros rires. L’homme du peuple — et je pense qu’ il en va de même du bourgeois peu cultivé, et sans doute de tout ce qu
1002 ette lenteur et ces répétitions n’ont d’autre but que de laisser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui est dit. (C’e
1003 est seulement de la langue des écrivains français qu’ il est exact de dire, avec tous les manuels, qu’elle est une langue de
1004 s qu’il est exact de dire, avec tous les manuels, qu’ elle est une langue de discussion, parce que toujours elle vise à la f
1005 ve, et ne s’accorde le droit de dire chaque chose qu’ une seule fois, de la façon la plus économique et la plus claire28. Or
1006 ù ils veulent être de bons écrivains français.) — Que de bonne volonté chez les hommes de ce Cercle ! comme ils s’appliquen
1007 des choses, amicalement ; de partager avec eux ce que l’on sait ! Je pense aux auditoires bourgeois, à leurs airs entendus,
1008 à leurs timidités et aux distances télescopiques que tout cela met entre celui qui parle et son public ! (Le « conférencie
1009 ussi des communistes, de temps à autre. Il paraît que ça chauffe certains soirs. Mais le pasteur préside et on le respecte 
1010 abitants qui ne le sont pas ne savent pas trop ce qu’ ils sont, à part les châtelains. Ils votent radical ou socialiste, et
1011 couture, régulièrement. Mais faut-il donc penser que les communistes, eux, savent pourquoi ils le sont, et connaissent le
1012 il en est bien ainsi, me dis-je, on peut redouter que ces hommes ne sachent pas faire la distinction entre le marxisme et l
1013 vie, sur la mort, sur le mariage. Et quand je dis que sa vie consiste à connaître ces choses, il faut prendre le mot dans l
1014 n qui est responsable de connaître ces gens mieux qu’ ils ne se connaissent eux-mêmes, quelqu’un qui a pour mission de leur
1015 a donc des communistes. Je demande au pasteur ce que c’est que ces communistes. — Voilà. Que vous dire de gens que je conn
1016 s communistes. Je demande au pasteur ce que c’est que ces communistes. — Voilà. Que vous dire de gens que je connais si bie
1017 asteur ce que c’est que ces communistes. — Voilà. Que vous dire de gens que je connais si bien ? C’est difficile de les cla
1018 e ces communistes. — Voilà. Que vous dire de gens que je connais si bien ? C’est difficile de les classer et je n’aime pas
1019 sûr, et plus on les voit de près… — Je comprends qu’ il soit difficile de parler en général de ses paroissiens. Mais s’ils
1020 de la place à traverser. — ??? — Oui, vous savez que nos temples du Midi sont construits en général sur la place du villag
1021  ? — Guère. Là encore, ce sont surtout les femmes qu’ on voit. Eux sont au travail, ou au café. — Pourquoi n’iriez-vous pas
1022 yez-vous ? — Surtout à l’occasion des conférences que j’organise. Vous avez déjà parlé dans des cercles d’hommes. Vous voye
1023 discussion sur l’incroyance. L’orateur avait dit que la différence entre les chrétiens et les incroyants, ce n’est que pas
1024 e entre les chrétiens et les incroyants, ce n’est que pas les chrétiens se conduisent mieux que les autres, mais c’est qu’i
1025 e n’est que pas les chrétiens se conduisent mieux que les autres, mais c’est qu’ils se confient en Dieu, et qu’ils attenden
1026 ns se conduisent mieux que les autres, mais c’est qu’ ils se confient en Dieu, et qu’ils attendent tous les ordres de lui. À
1027 autres, mais c’est qu’ils se confient en Dieu, et qu’ ils attendent tous les ordres de lui. À la fin, un des communistes se
1028 us ne croyons pas en Dieu, nous autres, ce serait que nous sommes trop orgueilleux ? » En général, on peut dire que les com
1029 mes trop orgueilleux ? » En général, on peut dire que les communistes sont les plus intelligents du village. Ce sont eux, e
1030 i proposent des réformes pratiques, qui demandent qu’ on installe l’eau et l’électricité dans les maisons, etc. C’est l’élém
1031 treprenant de la population. — Mais savent-ils ce que c’est, le marxisme ? — Ils essaient ; peut-être plus qu’on ne croirai
1032 st, le marxisme ? — Ils essaient ; peut-être plus qu’ on ne croirait. J’en connais plusieurs qui lisent des brochures de vul
1033 s des questions. Mais ce n’est pas par la lecture qu’ ils viennent au parti. L’affaire, pour eux, c’est d’abord de se groupe
1034 , vous vous entendez bien avec eux ? — Ils savent que je suis de leur côté, en gros, dans les questions locales où il faut
1035 joue pratiquement aucun rôle dans leur action, et qu’ elle n’a rien changé à leur croyance ou plutôt à leur incroyance. Tout
1036 leur incroyance. Tout de même, on se dit souvent que ces hommes mériteraient mieux que ce qu’on leur donne, en fait de doc
1037 se dit souvent que ces hommes mériteraient mieux que ce qu’on leur donne, en fait de doctrine. En réalité, ils ne sont pas
1038 souvent que ces hommes mériteraient mieux que ce qu’ on leur donne, en fait de doctrine. En réalité, ils ne sont pas plus m
1039 trine. En réalité, ils ne sont pas plus marxistes que moi. Ils veulent avant tout vivre et travailler raisonnablement. Mais
1040 décembre 1934 Le grand tort des chrétiens, c’est qu’ ils prennent au sérieux l’incroyance de leurs contemporains. Au fond,
1041 d, ils en ont peur. Or ils devraient n’avoir peur que de Dieu, et des vocations bouleversantes qu’il arrive que Dieu nous a
1042 peur que de Dieu, et des vocations bouleversantes qu’ il arrive que Dieu nous adresse. C’est un comique profond, lugubre et
1043 ieu, et des vocations bouleversantes qu’il arrive que Dieu nous adresse. C’est un comique profond, lugubre et déprimant que
1044 e. C’est un comique profond, lugubre et déprimant que celui du chrétien honteux, honteux d’une foi qu’il n’a pas ! Car s’il
1045 que celui du chrétien honteux, honteux d’une foi qu’ il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aurait plus de honte à la confesse
1046 fesser devant les hommes ; et s’il a honte, c’est qu’ il ne craint pas Dieu, mais qu’il croit au jugement des incroyants, to
1047 ’il a honte, c’est qu’il ne craint pas Dieu, mais qu’ il croit au jugement des incroyants, tout en s’imaginant qu’il n’est p
1048 t au jugement des incroyants, tout en s’imaginant qu’ il n’est pas un des leurs… Je voudrais définir le croyant véritable :
1049 ais définir le croyant véritable : celui qui sait qu’ il ne croit pas aux dieux du monde, et qui le prouve. Comment le prouv
1050 Méridionaux qui ne connaît pas de meilleur remède que la parlotte. Tout de suite, c’est la question des assurances qu’il ab
1051 . Tout de suite, c’est la question des assurances qu’ il aborde avec autorité, tout en tenant son doigt blessé droit en l’ai
1052 si je l’en crois, n’a guère vendu depuis un mois que pour 50 francs de légumes. Or la vente des produits de son jardin est
1053 ernier examen médical, ces cochons-là ont déclaré que tout allait bien, c’est-à-dire qu’ils « l’ont diminuée à 17 sous par
1054 là ont déclaré que tout allait bien, c’est-à-dire qu’ ils « l’ont diminuée à 17 sous par jour ». Pour se venger, il leur a r
1055 été voir « une personne encore plus compétente » que lui Simard, et cette personne lui a conseillé d’écrire une nouvelle l
1056 mmandée « à la charge du destinataire ». Eh bien, qu’ est-ce que vous croyez ? Réponse dans les quatre jours ! ah, ils sont
1057 à la charge du destinataire ». Eh bien, qu’est-ce que vous croyez ? Réponse dans les quatre jours ! ah, ils sont comme ça !
1058 quatre jours ! ah, ils sont comme ça ! Mais voilà que la personne compétente lui dit : « Ce cochon-là t’a refait de 299 fra
1059 chons-là vous diminuent. Simard m’explique encore que les gens s’en vont d’ici pour travailler à la ville. C’est comme part
1060 « On les appelle ici les illettrés. Ça veut dire que c’est des gens arriérés, quoi. Ils n’ont pas l’instruction comme nous
1061 ges de l’ignorance » plus sentimentaux d’ailleurs que machiavéliques. Je sais que l’ignorance — oui, au sens de l’école pri
1062 ntimentaux d’ailleurs que machiavéliques. Je sais que l’ignorance — oui, au sens de l’école primaire — est un mal qu’il fau
1063 e — oui, au sens de l’école primaire — est un mal qu’ il faudrait guérir. Mais je ne puis m’empêcher de penser que ces « ill
1064 rait guérir. Mais je ne puis m’empêcher de penser que ces « illettrés » sont peut-être moins bas que ces « assurés ». Ce pe
1065 er que ces « illettrés » sont peut-être moins bas que ces « assurés ». Ce peuple à la retraite qui meurt en rouspétant cont
1066 tant contre les bureaucrates ne sait plus bien ce qu’ il craint davantage : de la vie qui ne rapporte plus, ou de la mort qu
1067 0 janvier 1935 Superstition. — C’est de Casanova que Ligne écrit : « Il ne croit à rien excepté ce qui est le moins croyab
1068 se du peuple français : il n’échappe aux jésuites que pour tomber dans le fétichisme : le franc sacré, les idées à majuscul
1069 Déclassé. — L’intellectuel l’est toujours. C’est qu’ il est d’une classe particulière, dispersée comme les Juifs le sont ch
1070 les gentils. Pourquoi ne l’ai-je compris vraiment qu’ à la faveur de ce chômage ? C’est qu’il m’a fallu m’éloigner de cette
1071 ris vraiment qu’à la faveur de ce chômage ? C’est qu’ il m’a fallu m’éloigner de cette ambiance bourgeoise où l’on a convenu
1072 l’on a convenu de cacher cela — de cacher ce fait que l’intellectuel en tant que tel est un hors-classe, un être à part, au
1073 ndai la parole pour expliquer, le plus simplement que je pus, que le problème fasciste est un problème avant tout national 
1074 le pour expliquer, le plus simplement que je pus, que le problème fasciste est un problème avant tout national ; qu’il s’es
1075 me fasciste est un problème avant tout national ; qu’ il s’est posé en Italie dans des termes particuliers à ce pays, et qu’
1076 Italie dans des termes particuliers à ce pays, et qu’ en tout cas il ne peut pas se poser de la même façon en France. Je con
1077 s se poser de la même façon en France. Je conclus que la seule manière de prévenir utilement un fascisme, ce n’était pas de
1078 « à la française » le problème de l’autorité, tel que le posent cinquante années de démocratie parlementaire, et toute une
1079 end ou ne prend point parti. Mais l’électeur veut qu’ on soit pour ou contre, et il se méfie par principe de celui qui disti
1080 e à mon article : Je suis contre. Sinon, pour peu que l’article expose le pour et le contre, quelle que soit d’ailleurs ma
1081 que l’article expose le pour et le contre, quelle que soit d’ailleurs ma conclusion, on me classera fasciste ou communiste.
1082 Journal d’un intellectuel en chômage , ces pages que je suis en train de rédiger à temps perdu. Il est assez sceptique sur
1083 le résultat de cette entreprise. Pour des raisons que je devine plus sentimentales que les arguments qu’il m’oppose… — Tout
1084 Pour des raisons que je devine plus sentimentales que les arguments qu’il m’oppose… — Tout ce que le lecteur demande, c’est
1085 ue je devine plus sentimentales que les arguments qu’ il m’oppose… — Tout ce que le lecteur demande, c’est qu’on lui raconte
1086 tales que les arguments qu’il m’oppose… — Tout ce que le lecteur demande, c’est qu’on lui raconte une histoire, me dit R. —
1087 m’oppose… — Tout ce que le lecteur demande, c’est qu’ on lui raconte une histoire, me dit R. — Mais si je raconte mon histoi
1088 eut des histoires inventées. — Mais si je lui dis que j’invente mon histoire ? — Il ne vous croira pas, vous ne savez pas m
1089 rité sur une situation matérielle. Il est entendu qu’ on ne doit pas parler de « questions matérielles » dans une société di
1090 lles » dans une société distinguée. Vous me direz qu’ on ne parle guère que de cela. Oui, mais d’une façon générale, non pas
1091 té distinguée. Vous me direz qu’on ne parle guère que de cela. Oui, mais d’une façon générale, non pas personnelle. Seuleme
1092 ale, non pas personnelle. Seulement, il se trouve que mon propos, précisément, est de montrer, entre autres, la décadence d
1093 s moralement — moins indiscret de parler d’argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en donnant toutes les
1094 , de mes amours, en donnant toutes les précisions qu’ un collégien puisse désirer.) R. me disait aussi : En somme, vous n’êt
1095 suis fait moi-même cette objection. Il est clair qu’ un intellectuel aura toujours la possibilité de travailler, pour autan
1096 t plus de quoi sera fait le lendemain. — Admettez que cela ne vous empêche pas de vivre assez bien, à votre idée. Vous avez
1097 ur », je vous l’assure ! D’ailleurs j’ai déjà dit que cela me serait pratiquement impossible, sauf gâtisme précoce. Ce n’es
1098 en que sans ressources. Mais d’autre part, est-ce que le fait que je suis heureux suffit à me nourrir et à me vêtir ? Vous
1099 ressources. Mais d’autre part, est-ce que le fait que je suis heureux suffit à me nourrir et à me vêtir ? Vous n’avez qu’à
1100 x suffit à me nourrir et à me vêtir ? Vous n’avez qu’ à regarder la frange de mon pantalon. Ce n’est pas avec ça que je pour
1101 r la frange de mon pantalon. Ce n’est pas avec ça que je pourrais faire une carrière dans le monde, à supposer que l’envie
1102 rais faire une carrière dans le monde, à supposer que l’envie m’en prenne. Tout ce que je compte dire dans mon journal, c’e
1103 onde, à supposer que l’envie m’en prenne. Tout ce que je compte dire dans mon journal, c’est qu’on peut être très content d
1104 out ce que je compte dire dans mon journal, c’est qu’ on peut être très content d’un sort matériel très médiocre. Ce n’est p
1105 Ce n’est pas nouveau. Et il faut bien reconnaître que ce n’est pas aussi romantique et excitant que mon titre pourrait le f
1106 tre que ce n’est pas aussi romantique et excitant que mon titre pourrait le faire croire. L’intéressant à mon point de vue,
1107 eoisie ont accouché d’un des plus beaux complexes que le diable ait jamais pu concevoir pour dresser les humains les uns co
1108 rrables sujets de méditation, le petit communiqué que voici : Bouillargues. — Les « exclus » vieux travailleurs. Demain
1109 its de l’homme ! Il est venu, il est venu le jour que la Volonté populaire appelait de tous ses espoirs ! Mais que dis-je l
1110 nté populaire appelait de tous ses espoirs ! Mais que dis-je le jour ! C’est l’heure même qui va sonner : demain dimanche,
1111 eurs de Bouillargues, prouvant à la face du monde que nos militants héroïques n’ont pas perdu leur peine depuis 89 ! Oui, d
1112 t à cela, dans les partis d’extrême gauche, c’est que l’état social est à peu près paradisiaque. » J’ajouterais peut-être c
1113 ation qui dévoue tous ses enthousiasmes aux soins que réclame la vieillesse. Notre opinion publique, à en croire les journa
1114 ce pas beau, rassurant, émouvant, dans une Europe que l’on croyait en proie aux brutales jeunesses bottées ? » 25 avril 193
1115 des fois on vous en demande de trop, vous n’avez qu’ à donner la mienne, vous savez. Plus on la lit… Ce généreux apôtre de
1116 rête sur le seuil. « Et alors, mon bon, c’est toi qu’ on va mettre à la mairie ? » L’homme au visage maigre fait un geste ré
1117 un air malin). — On sait bien, dit le communiste, que vous avez toujours soutenu les gros qui pressent les petits ! — Les g
1118 ous pressez toute notre argent, depuis quatre ans que vous l’avez, le pouvoir ! » L’autre se dégage et s’en va, un peu tris
1119 rs et de langage pareils. S’ils s’opposent, c’est que l’un est avare et légèrement maboul, l’autre énergique et assez sensé
1120 il pas encore parvenu à « mettre de côté » autant qu’ il le voudrait. Mais ce n’est pas sûr. Je sais bien une douzaine de se
1121 les mieux rentés de ce pays. Faut-il donc penser que les partis expriment tout simplement des attitudes morales différente
1122 le sont si peu ! — et si possible, plus médiocre que celle des grands journaux d’information. On leur impose une mystique
1123 ujiks… Quel est l’homme sain qui oserait affirmer que ce quotidien lamentable, hérissé de clichés hargneux, travaille pour
1124 x disciplines staliniennes en haine d’une société qu’ ils sont les seuls à croire encore « chrétienne » — il faut bien dire
1125 croire encore « chrétienne » — il faut bien dire que le parti communiste est une sinistre trahison des pauvres hommes. Bea
1126 n, mais cela prouve simplement, une fois de plus, que l’homme du peuple ne comprend pas profondément ce qu’on lui donne à l
1127 l’homme du peuple ne comprend pas profondément ce qu’ on lui donne à lire ou à entendre. Il comprend sa situation, et ne voi
1128 ntendre. Il comprend sa situation, et ne voit pas que son journal est sans rapport réel avec cette situation. Mais les inte
1129 e, et surtout vaine, ils en viennent à s’imaginer qu’ ils défendent eux aussi les « petits » en défendant ces exploiteurs de
1130 Réflexion de « personnaliste ». — Le peuple tel qu’ on le voit paraît tout ignorant de ses intérêts véritables. Mais c’est
1131 t ignorant de ses intérêts véritables. Mais c’est qu’ il ne peut pas les exprimer très aisément. Question de langage. Revene
1132 uestion de langage. Revenez voir ces mêmes hommes que j’ai dit, revenez deux fois, vingt fois, prenez-les sur le fait au dé
1133 eux encore, parlez-leur de leur travail, de celui qu’ ils sont en train de faire tandis que vous causez, vous arriverez à le
1134 artisans de la dictature. Ils vous diront d’abord que le fond de leur vie, c’est l’ennui. Ils expliqueront presque toujours
1135 vre » un effort bien localisé, de s’attacher à ce qu’ on fait ; nécessité où l’on se trouve de bâcler son ouvrage, pour gagn
1136 le de changer de condition. Ils vous diront aussi qu’ ils n’ont plus le cœur à leur ouvrage, quand ils savent que les résult
1137 ont plus le cœur à leur ouvrage, quand ils savent que les résultats sont à la merci soit d’un trust, soit d’un syndicat d’i
1138 soit d’un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal vient de l’État — et cela veut dire : de ceux qui font les loi
1139 dans les épiceries du pays, lesquelles ne vendent que des succédanés fabriqués dans des « caves centrales » avec des vins d
1140 c des vins d’Afrique et des produits chimiques («  que vous avez la gorge brûlante après un verre »). Enfin ils se plaindron
1141 après un verre »). Enfin ils se plaindront de ce que , dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiative, de vrai plaisir.
1142 lées, ce n’est pas lui. Écoutons les observations que formulent des individus pris à part, dans leur vie concrète. Je const
1143 pris à part, dans leur vie concrète. Je constate qu’ elles vont toutes dans le sens de ce que proposent les personnalistes 
1144 constate qu’elles vont toutes dans le sens de ce que proposent les personnalistes : autonomie de la région naturelle, comm
1145 st, ou feint d’en être ; c’est bien moins concret qu’ il ne semble.) Conclusion : il appartient à des équipes d’hommes nouve
1146 es et sortis de toutes les classes, d’exprimer ce que taisent les journaux, les orateurs et les affiches — et qui est la vo
1147 e siècle. La dictature est très facile. Elle n’a qu’ un argument très puissant contre nous : sur qui et sur quoi tablez-vou
1148 — La maison de Simard recèle un effrayant secret qu’ on m’avait laissé ignorer : une belle-mère. Nous apprenons son existen
1149 ns l’esprit du lecteur philosophe. Déjà huit mois que nous sommes ici, et combien de fois ne sommes-nous pas entrés dans la
1150 ous, tout leur logis — nous avions cru comprendre que les autres pièces étaient vides ou ne servaient que de débarras —, et
1151 e les autres pièces étaient vides ou ne servaient que de débarras —, et rien ne pouvait nous faire soupçonner cette présenc
1152 ie-t-elle. C’est Madame Bastide, la belle-mère. —  Qu’ a-t-elle ? — Oh, elle m’a bien reconnue, mais elle va passer cette nui
1153 uront plus à languir bien longtemps. On peut dire que la chose est sûre. Et on l’entend ! Trois fois par jour, le bruit d’e
1154 La nuit, par un dernier respect pour la moribonde qu’ ils veillent à tour de rôle, ils sont venus discuter dans la remise qu
1155 ingué », disait la convocation. 28. La stratégie qu’ inaugurèrent les généraux de la Révolution, et qui fut celle de Bonapa
1156 on, et qui fut celle de Bonaparte, n’est en somme que l’application du style français à la chose militaire. 29. Ils ont do
14 1937, Articles divers (1936-1938). Lénine, Staline et la littérature (17 avril 1937)
1157 ascisme, les communistes paraissent avoir compris qu’ il faut défendre la culture. Le malheur est qu’ils n’envisagent pour c
1158 is qu’il faut défendre la culture. Le malheur est qu’ ils n’envisagent pour cette défense que des moyens fascistes. « Toute
1159 alheur est qu’ils n’envisagent pour cette défense que des moyens fascistes. « Toute la littérature sociale-démocrate — écri
1160 Sur la littérature et l’art. Disons tout de suite que le Père des peuples n’a fourni pour sa part qu’une dizaine de pages (
1161 e que le Père des peuples n’a fourni pour sa part qu’ une dizaine de pages (sur 150) relatives surtout au développement d’un
1162 réunions et se moque des communistes qui ne font que siéger et siéger encore. Je ne sais ce qu’il faut penser de la poésie
1163 e font que siéger et siéger encore. Je ne sais ce qu’ il faut penser de la poésie, mais pour ce qui est de la politique, je
1164 le ton des « dirigeants » a bien changé. Voici ce qu’ écrit, à cette date, le Père des peuples, sur le même Maïakovski : Il
1165 ses œuvres est un crime. » Heureusement pour lui que Lénine est déjà mort et momifié ! Je ne sais quelle était l’intention
1166 mmunistes de ce choix. Il en ressort à l’évidence que les « idées » de Lénine sur la littérature étaient en général saines,
1167 nt en général saines, banales, un peu courtes, et que Staline s’est chargé d’en extraire ce qu’elles avaient de réactionnai
1168 tes, et que Staline s’est chargé d’en extraire ce qu’ elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou de brutalement primair
15 1937, Articles divers (1936-1938). Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue (mai-juin 1937)
1169 onc avouer un terrible secret ! Il arrive souvent qu’ un étranger s’initiant aux croyances d’un peuple soit le premier saisi
1170 soit le premier saisi par ce frisson d’absurdité que l’on baptise inspiration lorsqu’il excite ou crée, chez celui qui l’é
1171 r de s’en délivrer en l’exprimant. Et c’est ainsi que Chamisso introduisit dans la conscience moderne le mythe de l’homme q
1172 ur un sujet qui défie l’expérience, l’on s’étonne qu’ aucun d’entre eux n’ait songé à se justifier. L’on s’étonne qu’aucun n
1173 tre eux n’ait songé à se justifier. L’on s’étonne qu’ aucun non plus n’ait essayé de formuler le symbole enfermé dans le myt
1174 ’artistes ? Pudeur tout court ? Ou faut-il croire qu’ ils ont écrit leurs contes sans jamais se poser de questions sur le se
1175 Plus tard je lus le livre qui me parut splendide… Qu’ est-ce qu’une ombre ? me demandais-je. Quelque chose d’assez méprisabl
1176 je lus le livre qui me parut splendide… Qu’est-ce qu’ une ombre ? me demandais-je. Quelque chose d’assez méprisable. Les Lat
1177 C’est pour eux l’irréalité même. (« Il n’est plus que l’ombre de lui-même ! ») Mais je vois bien qu’ils exagèrent : si nous
1178 tous une, et s’entendent à tirer parti du plaisir que dispense un corps. Ils prisent fort la « transparence », mais tolèren
1179 en cette chair, — oui, même ceux-là qui déplorent qu’ elle se fasse, aux regards de la convoitise, « opaque »36. Que pouvais
1180 asse, aux regards de la convoitise, « opaque »36. Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien qu’une évidence assez pauvre : l
1181 que »36. Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien qu’ une évidence assez pauvre : l’ombre est le fait, en nous, de notre cha
1182 était même si vivant, et sa présence si gênante, que je tentai de le contraindre, quoi qu’il arrive, aux suprêmes aveux. I
1183 , en m’appliquant à écarter les conseils de pitié que me dictait mon cœur. Signalement de Peter Schlemihl Peter est u
1184 un naïf : il croit à la fortune. Il croit surtout qu’ elle seule assure à l’homme une dignité. C’est un bourgeois de la plus
1185 vie les bourgeois riches. D’où vient le sentiment qu’ il a d’être inférieur. Le diable sait cela : c’est par là qu’il le tie
1186 tre inférieur. Le diable sait cela : c’est par là qu’ il le tient. Peter lui donne son ombre contre une bourse magique, d’où
1187 tout : on se moque de lui. Comblé, le voici plus qu’ avant inadmissible. Le complexe d’infériorité à peine défait par la fo
1188 ans la rue, les valets qui le servent, les femmes qu’ il rencontre, surtout la lumière du jour, et même la clarté de la lune
1189 pour eux, comme toutes les choses trop naturelles que l’on possède. Peter, lui, le connaît, mais, parce qu’il l’a vendu. (N
1190 naît, mais, parce qu’il l’a vendu. (Ne connaît-on que ce qui vient à manquer ? Et perd-on ce que l’on connaît, comme Adam e
1191 aît-on que ce qui vient à manquer ? Et perd-on ce que l’on connaît, comme Adam et Ève l’innocence ?) Schlemihl est donc le
1192 hit cette fêlure : on aime Schlemihl pour tout ce qu’ il a, qui n’est pas lui. Ce sont les femmes, bien entendu, qui le devi
1193 el est le rapport social le plus réel ? Admettons que ce soit le mariage surtout pour ce philistin-là. Toutes les ruses de
1194 nt devant cet obstacle dernier. Il a beau n’aller que de nuit aux rendez-vous avec Mina. Le jour venu de signer le contrat,
1195 e savais depuis longtemps, il n’a pas d’ombre ! » Que reste-t-il à un tel homme ? Le suicide ? Rien n’est plus loin de sa p
1196 ence réelle se confond avec tous les vagabondages qu’ il imagine. Il peut même retrouver une espèce d’activité, purement des
1197 e de toutes les plantes de la terre. C’est à cela qu’ il s’occupe en Thébaïde, quand nous perdons sa trace. Résumons : compl
1198 ussi probable. Et quand rien ne dépend à coup sûr que du tout ? Ceci dit, la psychanalyse peut nous donner des descriptions
1199 mal dans sa vie sexuelle »37. Nous venons de voir que Schlemihl est le type même de l’inadapté, — celui qui ne peut « trouv
1200 i ne subsiste dans la compagnie de ses semblables que par un subterfuge toujours menacé. D’une incompatibilité sociale auss
1201 cette aberration, il conviendrait de rappeler ici que Peter parvient à la cacher à tous sauf aux deux femmes qu’il voudrait
1202 parvient à la cacher à tous sauf aux deux femmes qu’ il voudrait épouser. Mais n’allons pas conclure trop vite. Les états d
1203 cela peut être comme une première influence de ce qu’ on nommera chez un malade, folie de la persécution). Il arrive aussi q
1204 malade, folie de la persécution). Il arrive aussi que cet homme se sente trop lucide, perçant toutes choses à jour, et lui-
1205 tes choses à jour, et lui-même, d’où l’impression qu’ il a d’être mal défendu contre les regards qu’il rencontre, transparen
1206 ion qu’il a d’être mal défendu contre les regards qu’ il rencontre, transparent dirait-on, — sans ombre ! Voilà, peut-être,
1207 raîtra sans doute plus probante à des adolescents qu’ à des adultes, à des mélancoliques qu’à des sanguins, et même à des No
1208 adolescents qu’à des adultes, à des mélancoliques qu’ à des sanguins, et même à des Nordiques qu’à des Méridionaux, pourrion
1209 liques qu’à des sanguins, et même à des Nordiques qu’ à des Méridionaux, pourrions-nous ajouter avec toutes les réserves qu’
1210 , pourrions-nous ajouter avec toutes les réserves qu’ on voudra, mais en nous souvenant de la question que nous posait l’ori
1211 ’on voudra, mais en nous souvenant de la question que nous posait l’origine germanique du mythe38. Dès le début, j’avais pr
1212 nique du mythe38. Dès le début, j’avais pressenti qu’ une fable à ce point célèbre dans un peuple ne pouvait exprimer qu’un
1213 point célèbre dans un peuple ne pouvait exprimer qu’ un fait humain élémentaire. J’étais déçu de le voir se réduire à quelq
1214 oir se réduire à quelque chose d’aussi précis, et que mille préjugés, français surtout, concourent à ridiculiser. Un fragme
1215 mparer la Liquor vitae dans l’homme à autre chose qu’ à une ombre sur la paroi, laquelle (ombre) vient de l’homme et se form
1216 avec bien d’autres choses curieuses et profondes, que la portée de ce passage était en vérité beaucoup plus vaste que tout
1217 de ce passage était en vérité beaucoup plus vaste que tout ce que permettait d’imaginer l’obtus physiologisme de ce siècle.
1218 e était en vérité beaucoup plus vaste que tout ce que permettait d’imaginer l’obtus physiologisme de ce siècle. La « Liquor
1219 otre créativité dans tous les ordres. Elle est ce qu’ il y a de plus noble dans le corps tout entier et dans l’homme. » Je l
1220 stion sexuelle » ne tire son importance démesurée que du seul fait qu’elle est une image physique du pouvoir créateur spiri
1221 ne tire son importance démesurée que du seul fait qu’ elle est une image physique du pouvoir créateur spirituel. Comme on pe
1222 n de la pudeur. Ne serait-ce point pour la raison qu’ en beaucoup d’êtres la créativité paraît avoir son siège dans le seul
1223 ativité paraît avoir son siège dans le seul sexe, que la pudeur s’est localisée là ? Ne serait-ce point pour cette raison q
1224 calisée là ? Ne serait-ce point pour cette raison que l’homme cherche à le dissimuler comme quelque chose de sacré, et que
1225 à le dissimuler comme quelque chose de sacré, et que les deux fils de Noé couvrirent la nudité de leur père ivre en marcha
1226 es remarques n’expliquent pas encore l’essentiel. Que l’on cache son secret le plus profond, le plus sacré, qui est le pouv
1227 nd, le plus sacré, qui est le pouvoir de création que l’on possède, c’est naturel ; mais non du tout qu’on en ait honte, se
1228 ue l’on possède, c’est naturel ; mais non du tout qu’ on en ait honte, semble-t-il. En vérité, la mauvaise pudeur provient d
1229 -il. En vérité, la mauvaise pudeur provient de ce que le corps et l’âme se distinguent de plus en plus, et cessent d’être r
1230 ise description de l’individu romantique, dans ce qu’ il a de démissionnaire, d’impuissant à saisir le monde pour le former
1231 n Peter tous les traits physiques et moraux de ce que l’on appellera plus tard le vague à l’âme, — qui est aussi bien le va
1232 e. Et le poème ensuite — plus beau et plus vivant que l’individu qui l’a conçu comme porté au-delà de lui-même par l’attrai
1233 e… ⁂ C’est une des gloires du romantisme allemand que d’avoir su élever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses
1234 du mythe, et de la Fable, plus profondément vrais que la vie. (Plus riches d’enseignements concrets, et d’invites à la méta
1235 adir une telle œuvre, n’y admirant à leur coutume qu’ une « fantaisie gratuite » de l’art. Nul doute que l’art de Chamisso n
1236 qu’une « fantaisie gratuite » de l’art. Nul doute que l’art de Chamisso ne signifie. Il y suffit d’ailleurs qu’il soit vrai
1237 t de Chamisso ne signifie. Il y suffit d’ailleurs qu’ il soit vraiment un art — tout effort digne de ce nom établit d’abord
1238 e, une mise en ordre, un sens donné… C’est par là que Chamisso s’est sauvé de lui-même : s’il a fait Schlemihl comme on sai
1239 tie à son image, il en diffère toutefois par ceci qu’ il l’a fait, témoignant d’un pouvoir d’invention dont la nouveauté res
1240 où je vis qui n’a plus d’ombre, et c’est pour lui que je garde ma pitié. Il ne sait même plus écrire sa Fable, il n’en veut
1241 rs romans, pièces, ou contes fantastiques. Notons qu’ en dehors du domaine germanique et anglais, il ne relève que deux ou t
1242 rs du domaine germanique et anglais, il ne relève que deux ou trois auteurs français. Encore ceux-ci s’orientent plutôt ver
1243 e, et Barrès s’en réjouit. Il va jusqu’à soutenir que l’ombre perdue serait le symbole de la patrie (française) perdue par
1244 par Chamisso. Les documents réunis par Rank — et que j’ignorais d’ailleurs au moment où j’écrivis cette étude — réduisent
1245 deux millénaires, à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque objet de cette terre que je convoite se fait opaque, par cela
1246 36. « J’éprouve que chaque objet de cette terre que je convoite se fait opaque, par cela même que je le convoite… », A. G
1247 rre que je convoite se fait opaque, par cela même que je le convoite… », A. Gide : Les Nouvelles Nourritures. 37. Freud :
1248 onc ici : adapté au milieu social. Qui ne voit ce qu’ on pourrait tirer de cette « vérité d’expérience » si l’on voulait en
1249  ? On ne peut accepter une « vérité » de ce genre qu’ en insistant sur le contraire : l’anormal peut être créateur d’un nouv
1250 perd son ombre à force de rêver d’une jeune femme qu’ il perçoit de sa fenêtre. « Mais dans les climats chauds, les choses c
1251 qu’une semaine eut passé, il vit à sa grande joie qu’ une nouvelle ombre partant de ses pieds commençait à croître lorsqu’il
1252 ant. Il paraît alors que le freudisme ne s’occupe que de l’écume d’une soupe ! (ou bien l’appelle-t-il libido ?). 40. Ces
1253 l libido ?). 40. Ces traits ne sauraient définir qu’ un aspect, à vrai dire fréquent, du romantisme allemand qui en a montr
1254 tré bien d’autres, et de tout contraire parfois : que l’on songe à Hegel, à Fichte, à Schlegel. p. Rougemont Denis de, « 
16 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)
1255 r Début de novembre 1933 Mon domaine, c’est ce que j’ai sous la main. Voici d’abord la table que je me suis fabriquée :
1256 ce que j’ai sous la main. Voici d’abord la table que je me suis fabriquée : j’ai trouvé dans le chai deux tréteaux et deux
1257 a juste la largeur de la maison. On ne voit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d’oiseaux, et parfois traversé p
1258 udes. Décor candide et gai, oui vraiment plus gai qu’ ascétique. Dans le chai, à la porte un peu trop basse, règne une pénét
1259 r : la vigne croît ici au ras d’un sol sablonneux que l’on fume avec du varech. De l’île, du village, de la mer, je ne veux
1260 avec ce beau vertige de liberté. Depuis six jours que nous sommes arrivés, je n’ai lu que les Règles de Descartes, comme on
1261 uis six jours que nous sommes arrivés, je n’ai lu que les Règles de Descartes, comme on ferait un mot croisé, pour tuer le
1262 ur l’âme de ce peuple discret. C’est l’impression que je veux retenir pour le moment des gens d’ici. Elle corrige la mauvai
1263 t des gens d’ici. Elle corrige la mauvaise humeur que m’a donnée notre épicière. Car il faut bien, hélas, commencer par l’é
1264 mais râpés, ne la renseignent pas clairement. Et que penser d’un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout
1265 e rester ici tout l’hiver ? — C’est plutôt en été qu’ on vient chez nous, me fait-elle prudemment observer. — Je le sais bie
1266 i expliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’ est-ce que cela signifie ? Écrire pour les journaux, sans doute, mais
1267 r la nature de mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cela signifie ? Écrire pour les journaux, sans doute, mais il n’y en
1268 attendaient en silence, le nez sur leurs sabots, que je sois sorti. La mère Aujard n’a pas toujours ce qu’on voudrait. En
1269 je sois sorti. La mère Aujard n’a pas toujours ce qu’ on voudrait. En hiver elle fait peu de réserves de produits alimentair
1270 aires, les habitants n’achetant guère autre chose que de la mercerie, des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’
1271 t pour le punir d’avoir été en face. Sans compter qu’ on n’aime pas être accueilli par la réprobation sournoise d’une épiciè
1272 le, le long visage de Pédenaud. J’ai l’impression que je lui gâte la vie. Trois fois la semaine au moins, il me voit venir
1273 mprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. — Est-ce qu’ il n’y a rien d’écrit à la main ? — Si, il y a des corrections écrites
1274 fait son calcul sur un bout de papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine de
1275 araît lui-même consterné. J’affirme avec vivacité que ça ne peut pas aller. Il faut tout recommencer. Finalement l’on décid
1276 éphone au chef-lieu. Son supérieur lui a confirmé qu’ un manuscrit s’affranchit comme une lettre. Il faut donc que je m’exéc
1277 scrit s’affranchit comme une lettre. Il faut donc que je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé « d’y aller de sa poche 
1278 liaire ! Depuis lors, il rougit et transpire rien qu’ à me voir entrer. Je cause un peu, pour me faire pardonner. Pédenaud e
1279 serais-je tant à son guichet ?), mais s’il savait que j’ai dépensé près de 600 francs depuis trois semaines, il estimerait
1280 e 600 francs depuis trois semaines, il estimerait que j’exagère, même pour un riche. Je me sens rejeté dans la catégorie bo
1281 même pile d’assiettes où je crois avoir déjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages traitant de mon île, j’ai déniché ce mat
1282 encore lu ce livre. Il est exactement de l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dans cette espèce, mais ce n’est p
1283 dans cette espèce, mais ce n’est point pour cela que j’en parle ici. C’est pour une raison très précise et qui n’a rien à
1284 la critique littéraire. À la page 43 de l’édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces
1285 on mort. » Cette phrase a fait dans mon esprit ce qu’ on appelle un trait de lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous no
1286 pas plus loin la cause du phénomène. Il est vrai qu’ on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrait pas suf
1287 re, caché sous des feuillages brunis. Si j’ajoute que la porte d’entrée joint mal le seuil, tout s’explique sans peine déso
1288 mie. Je ne suis pas arrivé à gagner assez vite ce qu’ il nous fallait pour subsister après l’épuisement de notre réserve. J’
1289 ellement d’éviter les lacunes de cette sorte. (Ce que l’on nomme « difficultés de trésorerie » dans les affaires, devient i
1290 de cette première expérience de deux mois, c’est que la liberté ne s’improvise pas. Qu’il faut la conquérir avec méthode,
1291 ux mois, c’est que la liberté ne s’improvise pas. Qu’ il faut la conquérir avec méthode, et organiser à l’avance un plan d’a
17 1937, Articles divers (1936-1938). Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)
1292 l’importance des autocars et des transformations qu’ ils sont en train de causer dans la vie provinciale. Je n’ai pas compt
1293 constater dans plusieurs départements de l’Ouest qu’ il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux o
1294 ême trois compagnies de transports locaux. Depuis que j’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé une vingtaine de ces lignes. Je
1295 et la province. Naguère encore, quand on n’avait que les chemins de fer, tout convergeait vers Paris, non seulement du fai
1296 . Le confort relatif des grandes lignes indiquait qu’ on allait à Paris ou qu’on en venait. Tout le reste n’était que tortil
1297 grandes lignes indiquait qu’on allait à Paris ou qu’ on en venait. Tout le reste n’était que tortillards cahotants, jamais
1298 à Paris ou qu’on en venait. Tout le reste n’était que tortillards cahotants, jamais à l’heure, où l’on se sentait relégué à
1299 la « vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère que des gares, ce qu’il y a de plus attristant dans chaque village. Aujou
1300 lation. Et l’on ne voyait guère que des gares, ce qu’ il y a de plus attristant dans chaque village. Aujourd’hui, les statio
1301 utocars sont sur la place principale. C’est de là qu’ on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là qu’on ar
1302 ilieu d’une grande affluence de badauds, c’est là qu’ on arrive à grands sons de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mie
1303 on arrive à grands sons de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’i
1304 pte de ses circonstances. Sur ses bords ne vivait qu’ une population nomade, qui portait l’uniforme de l’État, partout la mê
1305 ngt fois la France de part en part sans remarquer que les gens qui l’habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’u
1306 l’habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’une province à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui cha
1307 ns secondaires ou des ruelles à peine plus larges que la voiture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale
1308 verses voitures qui stationnent, sur la place… Et que dire maintenant du voyage lui-même ? C’est une résurrection de ce que
1309 du voyage lui-même ? C’est une résurrection de ce que Vigny pleurait, la poésie des diligences, mais aérée. C’est fait d’un
1310 rée. C’est fait d’une foule d’incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conversations absurdes et rapidement int
1311 t volontiers toutes sortes de petites commissions que de vieilles dames leur confient au départ avec force recommandations 
1312 le bord de la route. Rien n’est plus sympathique qu’ un conducteur de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce sont en
1313 machine, et l’on bénéficie de ces petites faveurs que les femmes ont toujours accordées à ceux qui commandent et disposent,
1314 ées à ceux qui commandent et disposent, ne fût-ce que pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec lesquels
1315 namisme, le sens pratique et la rapidité d’esprit que les bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuent par erreur au « peup
1316 i les ont n’en parlent pas, dit-on. Et je ne suis qu’ un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais dû
1317 crivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais dû noter plus tôt. Le monsieur rencontré dans l’autocar de T
1318 savoir quel était mon métier. Et quand j’eus dit que je n’en avais aucun, et que je n’étais qu’un écrivain, et chômeur par
1319 r. Et quand j’eus dit que je n’en avais aucun, et que je n’étais qu’un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’écri
1320 us dit que je n’en avais aucun, et que je n’étais qu’ un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’écria : « Ah ! cher
1321 us aux curés ? » — Comptez, monsieur, lui dis-je, qu’ un écrivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’un homme normal,
1322 n écrivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’ un homme normal, mettons qu’un fonctionnaire c’était pour le flatter,
1323 plus de peine à vivre qu’un homme normal, mettons qu’ un fonctionnaire c’était pour le flatter, et cela tient aux circonstan
1324 s dans le cas d’écrire. Car ou bien l’on écrit ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’une ambi
1325 êtré. Et voilà le paradoxe et l’injustice : c’est qu’ on attend, qu’on exige même de ces gens-là des vertus au-dessus du com
1326 le paradoxe et l’injustice : c’est qu’on attend, qu’ on exige même de ces gens-là des vertus au-dessus du commun, la révéla
1327 , des milliardaires ou des saints. Croyez-moi, ce que nous vous donnons, c’est justement ce qui nous manque, et quand vous
1328 [sic], M. Denis de Rougemont vient d’illustrer ce que l’on peut appeler sa « doctrine », en nous donnant, sous le titre de
1329 s, d’observations et de jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidien cet effort de restauration morale — et social
1330 nt et très nuancé de la province française, ainsi qu’ en témoigne cet extrait. »
18 1937, Articles divers (1936-1938). « Subjectivité et transcendance », Lettre de M. Denis de Rougemont (décembre 1937)
1331 37)w x Pourquoi voulez-vous — ou veulent-ils — que la philosophie se purifie de théologie ? La théologie vaut bien la sc
1332 ience. C’est même une science bien moins variable que les sciences dites exactes, dont les fondements sont renversés tous l
1333 les vingt ans de fond en comble. Je ne pense pas que la transcendance puisse jamais être « simplement la nature ». Voyez c
19 1938, Articles divers (1936-1938). Réponse à Pierre Beausire (15 janvier 1938)
1334 l’on se verra contraint d’exercer cette dictature que l’on se proposait justement de combattre, et qui est celle de l’État
1335 autres dissiper les malentendus, désarmer autant que possible les adversaires, donc discuter. Au surplus, je ne sais pas s
1336 à M. Pierre Beausire. Il approuve notre réaction ( qu’ il dit « parfaitement justifiée ») ; et quand il énumère nos réclamati
1337 ajoute en parlant de leurs auteurs : « On ne peut que les suivre et les approuver. » En somme, il se rangerait à nos côtés
1338 l se rangerait à nos côtés pour l’essentiel de ce que nous avons dit dans notre numéro spécial81. S’il nous attaque, c’est
1339 pécial81. S’il nous attaque, c’est sur des points que nous n’avons pas abordés, et sur des thèses que je souhaite qu’aucun
1340 s que nous n’avons pas abordés, et sur des thèses que je souhaite qu’aucun de nous ne soutienne jamais. Précisons. ⁂ « Au n
1341 ns pas abordés, et sur des thèses que je souhaite qu’ aucun de nous ne soutienne jamais. Précisons. ⁂ « Au nom de quel princ
1342 M. Beausire. C’est au nom du personnalisme. Mais qu’ est-ce que le personnalisme ? « C’est l’amour abstrait de l’humanité. 
1343 re. C’est au nom du personnalisme. Mais qu’est-ce que le personnalisme ? « C’est l’amour abstrait de l’humanité. » Erreur t
1344 ion, systématiquement déprimées par les tyrannies que l’on sait. Mais tout ceci nous maintiendrait encore dans le seul plan
1345 eausire nous situe, par un réflexe bien romand ; ( qu’ il me pardonne !). Le personnalisme est bien plus qu’une morale, s’il
1346 il me pardonne !). Le personnalisme est bien plus qu’ une morale, s’il en suppose une. Il est, à mon sens, la tradition cent
1347 Et l’individualisme et les collectivismes ne sont que les déviations complémentaires et périodiques de cette ligne de plus
1348 ne s’est constitué comme tel, et n’a pris ce nom, que parce que dans l’Europe actuelle se déchaînent des puissances de mort
1349 ce active de ce qui, depuis nos origines, n’était que le sous-entendu de tous nos efforts créateurs. Cette prise de conscie
1350 re : fédéraliste. Il exalte les différences en ce qu’ elles ont de créateur. Il veut une organisation de la cité qui leur pe
1351 i leur permette de s’exprimer. Telle est la forme que revêt « la charité personnaliste », pour reprendre une formule d’Arna
1352 rnaud Dandieu (qui d’ailleurs était nietzschéen). Que le christianisme vrai revive dans ce mouvement, je serais mal venu à
1353 r. En tant que protestant personnaliste, je tiens que seule la foi réelle — celle qui agit, et non celle qui endort — donne
1354 rtagent pas cette certitude. Ils en ont d’autres, que je crois insuffisantes, et je le leur dis en toute franchise. Du moin
1355 faite. Pierre Beausire ne craint pas de proclamer que « si l’on veut parler à des hommes, et non à des enfants, il faut ren
1356 le Christ ». Je ne craindrai pas de lui répondre que ce n’est pas là parler en homme, ni en enfant, mais en adolescent imp
1357 se d’ironie M. Beausire joint à son vœu final : «  Qu’ ils s’emparent hardiment du pouvoir dans cet État, et, en manifestant
1358 eur caractère, nous délivrent du triste spectacle que nous avons sous les yeux. » Car la noblesse qu’il nous suppose, purem
1359 e que nous avons sous les yeux. » Car la noblesse qu’ il nous suppose, purement « morale », sentimentale, idéaliste, ne saur
1360 ; si ce n’est pas une manière de « grève perlée » que de n’accepter la lutte que dans ces termes ; si cet idéal est possibl
1361 re de « grève perlée » que de n’accepter la lutte que dans ces termes ; si cet idéal est possible, si Beausire connaît de t
1362 e connaît de tels chefs, ou désire en devenir un, qu’ il nous amène ce précieux renfort, et nous le saluerons d’un vivat ! N
1363 indiquée sur « le Suisse », auquel Beausire croit que je crois, résulte d’un malentendu. Je crois à « l’idée suisse » telle
1364 un malentendu. Je crois à « l’idée suisse » telle que l’exprime Liehburg. Idée qui exclut l’existence d’un type suisse raci
20 1938, Articles divers (1936-1938). Søren Kierkegaard (février 1938)
1365 . Ce blasphème assombrit sa vie, et la révélation qu’ en eut plus tard Søren fut décisive pour son développement religieux.
1366 nt commerçant, amassa une fortune, et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage, après une sévère éducation piétiste, u
1367 e, après une sévère éducation piétiste, un secret qu’ il qualifiera de terrifiant, et une belle aisance matérielle. Du secre
1368 aux banques, et lorsqu’il mourut, l’on s’aperçut qu’ il n’en restait que 200 francs. Cette fortune provenait d’une malédict
1369 rsqu’il mourut, l’on s’aperçut qu’il n’en restait que 200 francs. Cette fortune provenait d’une malédiction, pensait-il. Il
1370 s douloureusement rompues au bout d’un an. L’idée que Kierkegaard s’était formée du mariage était trop absolue pour comport
1371 t voir le vrai tout de son existence singulière. ( Que d’autres y cherchent des raisons physiologiques ; c’est probable, et
1372 e grande partie de la nuit. Georg Brandes raconte qu’ on pouvait le voir, de la rue, arpenter longuement les pièces illuminé
1373 cours de son interminable promenade, les phrases qu’ il venait de composer tout en marchant. À l’aube, il s’accordait quelq
1374 filles, avec des balayeurs, avec le petit peuple qu’ il aimait par-dessus tout. Tout le monde, à Copenhague, connaissait sa
1375 u, ses pantalons trop longs. Mais on savait aussi que cet original était le plus grand écrivain de son pays. Sa première œu
1376 re eut un immense succès : c’était l’Alternative, qu’ il publia en 1843. La même année parurent deux autres ouvrages, signés
1377 cours édifiants, signés de son nom. Mais à mesure qu’ il faisait mieux voir le fond chrétien de sa pensée, le public s’écart
1378 l se vit abandonné dans la plus complète solitude qu’ ait sans doute jamais connue un grand esprit. Un an plus tard, accablé
1379 and esprit. Un an plus tard, accablé par la lutte qu’ il menait seul contre tous, il tombait d’épuisement au cours d’une pro
1380 ain d’avoir accompli sa mission, ce fut l’attaque qu’ il mena contre l’Église établie et contre dix-huit siècles de chrétien
1381 Kierkegaard (40 volumes en douze années). Pensée qu’ il défendit et qu’il servit de toutes les forces de son génie universe
1382 olumes en douze années). Pensée qu’il défendit et qu’ il servit de toutes les forces de son génie universel de poète, de phi
1383 car c’est bien d’un véritable témoin de la vérité qu’ on nous parle — et puis enfin crucifié, décapité, brûlé ou rôti sur un
1384 quelque chose de plus contraire au christianisme que n’importe quelle hérésie, et c’est de jouer au christianisme, d’en éc
1385 n écarter les dangers, et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynster était un témoin de la vérité. Cas symbolique aux ye
1386 evint lui-même, de tout son être. Et il savait ce que cela devait lui coûter. Car le monde ne tolère jamais la passion spir
1387 ’énormité — l’absence de normes — de la vie telle qu’ ils la découvrent. Ils se rendorment, ou bien édifient des systèmes (q
1388 Ils se rendorment, ou bien édifient des systèmes ( qu’ ils se garderont d’habiter). Ceux qui persistent cependant, s’aperçoiv
1389 er). Ceux qui persistent cependant, s’aperçoivent que l’entreprise pourrait être mortellement compromettante. Aussi l’histo
1390 ussi l’histoire de la pensée n’est-elle peut-être que la chronique de ses retraites éloquentes. Très peu vont jusqu’au bout
1391 , parvint dans l’intégrité de sa force à une mort que toute son œuvre provoquait et qui vaincue par une telle victime, lui
1392 son lit de mort, cette phrase : Je ne pense pas que ce soit mauvais, ce que j’ai dit, mais je ne l’ai dit que pour l’écar
1393 phrase : Je ne pense pas que ce soit mauvais, ce que j’ai dit, mais je ne l’ai dit que pour l’écarter, et pour arriver à A
1394 oit mauvais, ce que j’ai dit, mais je ne l’ai dit que pour l’écarter, et pour arriver à Alléluia ! Alléluia ! Alléluia !82
1395 iennent attentifs, ils le tuent. Mais c’est là ce qu’ il voulait. Il n’a jamais cru que sa mort pourrait entraver son action
1396 Mais c’est là ce qu’il voulait. Il n’a jamais cru que sa mort pourrait entraver son action, il a compris qu’elle faisait pa
1397 a mort pourrait entraver son action, il a compris qu’ elle faisait partie de son action, oui, que cette action ne commencera
1398 ompris qu’elle faisait partie de son action, oui, que cette action ne commencerait vraiment qu’avec sa mort !83 On trouve
1399 n, oui, que cette action ne commencerait vraiment qu’ avec sa mort !83 On trouve le second document dans le journal de l’h
1400 il poursuivra sa lutte religieuse, mais il craint qu’ elle ne soit alors affaiblie. Au contraire sa mort donnera de la force
1401 saurait être question, ici, de résumer ne fût-ce que les thèmes directeurs. Il faut y aller voir dans ses livres traduits,
1402 ses livres traduits, et dans l’étude monumentale que Jean Wahl publie ces jours-ci. Mais il sera peut-être utile d’insiste
1403 ison salutaire, dont nul ne trouvera l’antidote : qu’ il en soit mort, atteste ce fait capital que la pensée humaine ne peut
1404 ote : qu’il en soit mort, atteste ce fait capital que la pensée humaine ne peut être irrémédiable. Tous les autres, sauf Em
1405 le. Concession, la raison de Pascal, et lors même qu’ il y renonce : concession, la pitié parfois presque sadique de Dostoie
1406 onies polémiques. Et tout d’un coup on s’aperçoit qu’ elles nous jettent en plein drame de l’existence. Kierkegaard déconsid
1407 comber. Mais, ayant tué en lui toute autre vanité que celle de haïr le temps — c’est là son dépit amoureux — Kierkegaard pe
1408 . Un de nos meilleurs auteurs déclarait récemment que le palais de Versailles manque de sérieux. C’était bien vu. Mais notr
1409 nt les importants ». Où est la différence ? C’est que le sérieux vrai est en définitive dans le seul acte de foi, qui jette
1410 , un « soupçon » d’ironie qui est infiniment pire qu’ une ironie. Car peut-être que l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’une
1411 est infiniment pire qu’une ironie. Car peut-être que l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’une figure de rhétorique pieuse,
1412 r peut-être que l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’ une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, un saut dans
1413 ors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie tant que je n’ai pas trouvé dans la foi, ou mieux : tant que la foi — qui est
1414 e je n’ai pas trouvé dans la foi, ou mieux : tant que la foi — qui est don de Dieu — ne m’a trouvé. Kierkegaard a eu trois
1415 ouvrages et d’articles. Ce qui est certain, c’est qu’ à la différence de Nietzsche, personne ne parviendra jamais à « utilis
1416 ur la première fois. Je le sais, je sais aussi ce qu’ il m’en a coûté, ce que j’ai souffert, je puis l’exprimer par cette se
1417 le sais, je sais aussi ce qu’il m’en a coûté, ce que j’ai souffert, je puis l’exprimer par cette seule phrase : ‟Je ne fus
21 1938, Articles divers (1936-1938). Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage (avril 1938)
1418 pour une préface. — « C’est une entreprise hardie que d’aller dire aux hommes qu’ils sont peu de chose », s’écrie Bossuet (
1419 une entreprise hardie que d’aller dire aux hommes qu’ ils sont peu de chose », s’écrie Bossuet (Sermon sur la mort, 22 mars
1420 écrie Bossuet (Sermon sur la mort, 22 mars 1662). Que dirions-nous alors du sort fait à celui qui doit se montrer aux homme
1421 t fait à celui qui doit se montrer aux hommes tel qu’ il est ? S’entendre dire que l’homme en général est peu de chose, n’es
1422 ontrer aux hommes tel qu’il est ? S’entendre dire que l’homme en général est peu de chose, n’est pas trop humiliant pour qu
1423 une image de soi composée dans la solitude : tant qu’ on ne s’est pas avoué devant les autres, on peut toujours s’estimer si
1424 asse. Et ce n’est pas encore franchement s’avouer que de se comparer aux seuls humains que le métier ou notre rang social n
1425 ent s’avouer que de se comparer aux seuls humains que le métier ou notre rang social nous met en mesure d’approcher. L’épre
1426 mesure d’approcher. L’épreuve décisive est celle que l’on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien dans notr
1427 ve est celle que l’on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien dans notre vie n’attendait et ne prévoyait. Ce
1428 ’on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien dans notre vie n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’au prix
1429 s notre vie n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’ au prix d’un désordre social — selon les préjugés du régime établi — q
1430 re social — selon les préjugés du régime établi — que ces rencontres deviennent possibles, se multiplient : se « déclasser 
1431 rejoindre l’humanité. Chômage. — On dit souvent qu’ il faut à l’homme un minimum de confort ou d’aisance matérielle pour p
1432 r des problèmes nouveaux, créer… D’où résulterait qu’ un certain degré de pauvreté ou de misère physique condamnerait même u
1433 , au moment où il écrivit ses plus grandes œuvres qu’ il ne lui restait plus même une chemise entière : les morceaux du bras
1434 puissent concevoir d’autres buts à leur existence que la recherche d’un gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, i
1435 is à ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler que la recherche du confort est ce qui s’oppose le plus radicalement à to
1436 eurs, comparable à la fièvre. Plus lucide souvent que les jours. Ici, tout repose complètement. Un silence implacable et ma
1437 ses et molles au-dessus du jardin. Mais il arrive que le noir soit compact. Je me dirige à peu près le long de l’allée uniq
1438 e la grosse voiture et tâte ses flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village
1439 és violemment au bas de l’énorme nuit. On ne voit que ces figures géométriques, dominées par le clocher à toit plat, et des
1440 étranger et voyageur sur la terre… » Jamais plus que dans cette nuit. Fin de séjour à A… (Gard). — Tout est en place. Je
1441 demi-heure d’efforts haletants, qui n’ont abouti qu’ à coincer le sommier au tournant, entre la balustrade et les parois de
1442 dans l’escalier comme témoin des bouleversements que nous avons infligés à la maison. Pas question d’aller quérir du renfo
1443 evante des « gens » en général — quand je ne fais que les jauger d’un regard — et sympathie violente, « élan vers », dès qu
1444 ent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des êtres et vivre un moment auprès d’eux, le temps de
1445 ntané, une de ces découvertes frémissantes telles que j’en ai sans doute vécues, adolescent — et sûrement ce serait bien au
1446 end sans se retourner ; l’homme déplie un journal que je n’aime pas, qu’il a peut-être acheté tout par hasard, comme il m’a
1447 er ; l’homme déplie un journal que je n’aime pas, qu’ il a peut-être acheté tout par hasard, comme il m’arrive à moi aussi,
1448 e donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’est profondément le même mouvement, l’amour. La même d
1449 e recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’est profondément le même mouvement, l’amour. La même déception de l
1450 ur tant de mauvaises raisons qui sont plus fortes que nous tous. — Et alors, dira-t-on : « Faire la révolution ! » — Ce sub
1451 — S’occuper des « petits-faits-vrais » vaut mieux que de les ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer ave
1452 eur réalité sordide. Un petit fait vrai vaut plus que dix grandes idées discutables. Mais n’oublions pas qu’il vaut moins q
1453 ix grandes idées discutables. Mais n’oublions pas qu’ il vaut moins qu’un grand fait vrai, comme serait, par exemple, une gr
1454 discutables. Mais n’oublions pas qu’il vaut moins qu’ un grand fait vrai, comme serait, par exemple, une grande idée embrass
1455 congrus et mécaniques des autres : écoute bien ce qu’ ils disent à travers les paroles qu’ils croient dire : essaie de les c
1456 coute bien ce qu’ils disent à travers les paroles qu’ ils croient dire : essaie de les comprendre quand ils se plaignent ou
1457 erras, tu n’entendras et tu ne comprendras jamais qu’ un appel à devenir toi-même ce fait qui est plus fort que toi. Car il
1458 ppel à devenir toi-même ce fait qui est plus fort que toi. Car il est tout ce que le monde attend, attend de toute éternité
1459 ait qui est plus fort que toi. Car il est tout ce que le monde attend, attend de toute éternité pour aujourd’hui et de toi
1460 onnait à qui voulait. Après sa mort, on s’aperçut qu’ il ne restait que 250 francs dans le coffre. aa. Rougemont Denis de,
1461 ait. Après sa mort, on s’aperçut qu’il ne restait que 250 francs dans le coffre. aa. Rougemont Denis de, « Nouvelles page