1 1936, Articles divers (1936-1938). Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour (1936)
1 e enchanté de l’amour (1936)d Aucun ouvrage ne se passe mieux de préface qu’un bon roman. Pourtant la réussite de Max B
2 bien peu en ont eu connaissance, et moins encore se sont risqués à en parler. Rien d’étonnant d’ailleurs à cette réserve.
3 éfaction respectueuse ; le mutisme de l’homme qui s’ est senti touché dans une région de l’être dont il ignorait presque l’
4 ’ami le plus intime de Franz Kafka. C’est lui qui s’ est chargé de publier ses œuvres, pour une très grande part inédites,
5 eligieux, souhaitait que l’on détruisît. Max Brod s’ est expliqué sur ce point délicat dans une note jointe à l’édition pos
6 ut humain dont certains lecteurs ont besoin, pour se risquer à découvrir un génie tellement « étranger »… Le récit de Max
7 nces ouvrières. Le travail manuel l’attirait ; il s’ essaya dans un atelier de menuiserie, puis dans une entreprise de jard
8 ge. Lorsque enfin il voulut émigrer à Berlin pour s’ y vouer totalement à son œuvre, il était déjà condamné par une tubercu
9 dité que suscite en nous cette vision ressemble à s’ y méprendre à un cauchemar. Mais alors que tant de poètes s’efforçaien
10 dre à un cauchemar. Mais alors que tant de poètes s’ efforçaient à la même époque de délirer méthodiquement, et de brouille
11 e brouiller tous les plans du réel à seule fin de s’ en évader — durant le temps de leur ivresse tout au moins — Kafka nous
12 ut devient étrangement signifiant, le fait divers s’ agrandit peu à peu aux proportions d’une parabole de l’existence. Ou b
13 d’étrangeté qui parfois l’accompagne en sourdine s’ expliquent de la manière la plus logique sitôt qu’on les rapporte à un
14 s par l’activité pratique et sociale, volonté qui se manifeste tout au long de son existence, et qui devait l’amener entre
15 jet de participation au jeune mouvement sioniste, se rattache non moins certainement à son admiration pour Goethe. Rien n’
2 1936, Articles divers (1936-1938). Forme et transformation, ou l’acte selon Kierkegaard (janvier 1936)
16 te mon activité d’auteur — nous dit Kierkegaard —  se rapporte à ce seul problème : comment devenir chrétien ». Car on n’es
17 urd’hui ne le croit pas. Il croit aux lois, et il se veut déterminé. Or il l’est dans la mesure exacte où il l’accepte ; m
18 où il l’accepte ; mais dans cette mesure même, il se peut qu’il cesse d’être humain. Car l’homme n’a d’existence propremen
19 e connaissent plus aucun chemin. Comment marcher, s’ il n’existe pas de chemin ? disent-ils dans leur suffisance — car on a
20 ité, et le Christ n’aurait jamais connu la vérité s’ il n’avait pas été la vérité ; et nul homme ne connaît davantage de vé
21 té qu’il n’en incarne.3 Voici donc le mystère : s’ il n’y a pas de chemin, nous ne pouvons marcher, mais si nous ne march
22 us maintient l’argument du démon — le serpent qui se mord la queue. La foi au Christ est la condition nécessaire et suffis
23 me temps qu’elles nous privaient de tout pouvoir, s’ évanouissent et meurent aux pages des livres. L’action de l’homme devi
24 nous faisons dans notre nuit, voici que le chemin s’ éclaire et que les perspectives se dégagent. Et nous allons connaître
25 i que le chemin s’éclaire et que les perspectives se dégagent. Et nous allons connaître maintenant que seul l’acte de foi
26 sible, certitude que devinent les pas, chemin qui se dérobe au doute et à l’orgueil, mais que parfois la prophétie fait br
27 ophétique pareille à celle des hommes de Dieu qui se lèvent sous l’Ancienne Alliance, se confond avec la parole qui les co
28 s de Dieu qui se lèvent sous l’Ancienne Alliance, se confond avec la parole qui les conduira au martyre. La Parole dite es
29 nt de départ. Le chemin commence à tout homme qui se met en devoir d’obéir à l’ordre qu’il reçoit de Dieu, — n’importe où
30 r, et c’est bien la définition de « l’inactuel ». Se conformer à ce pieux idéal, non seulement ce n’est point agir, non se
31 re durée, et l’on n’en peut n’en dire sinon qu’il s’ est produit, et qu’il peut se produire sans que rien y prépare. « Car
32 ’en dire sinon qu’il s’est produit, et qu’il peut se produire sans que rien y prépare. « Car Dieu peut tout à tout instant
33 vons dans l’obéissance et dans la foi, l’histoire s’ arrêterait comme l’Aspiration d’un homme saisi par la beauté, et le te
34 n homme saisi par la beauté, et le temps immobile s’ abîmerait dans l’amen éternel. Æternitas non est temporis successio si
35 l’acte et le retrait de Dieu, c’est le doute qui s’ interpose entre le savoir et le faire, et c’est la lâcheté de l’homme
36 r et le faire, et c’est la lâcheté de l’homme qui se repose sur ses œuvres et qui les juge : son alliance avec le serpent.
37 jaillie de l’acte de la foi, le mystère du temps se dévoile ; mais un temps nouveau prend son cours, et sa mesure est plu
38 éché, mais on pourrait dire : sa patience. Car il se tient où Dieu l’a mis, et ce n’est plus une dérive. Il vit dans la fo
39 tion Les deux moments réels d’une vie d’homme, s’ il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la naissance et la mort, p
40 e qui nait, — par le réel. « Celui qui doit agir, s’ il veut juger de soi selon le succès qu’il remporte, n’arrivera jamais
41 par son entreprise »15. Le temps de l’acte vient s’ inscrire sur les traits du visage héroïque. Dans cette chair qui doit
42 dire, nous avons toutes les raisons d’en douter, s’ il est vrai que le doute est révolte, et qu’il faut pour se l’avouer l
43 vrai que le doute est révolte, et qu’il faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte de la foi. Lorsque Kierkegaard éc
44 asser cette illusion du désespoir, qui consiste à s’ imaginer que l’acte est puissance de l’homme : d’où l’impossibilité de
45 sans visage et sans prochain, — sans vocation ! —  s’ imagine que l’acte viendra comme un sursaut de joie, comme une révolte
46 role de Dieu, — la prophétie dans l’immédiat. Que s’ est-il donc passé ? Me voici seul sur le chemin ; mais je vois des vis
47 e chemin ; mais je vois des visages fraternels où s’ agitait la foule confuse et menaçante. Nous ne voyons aucun visage ail
48 risque et la splendeur d’une vie d’homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise, uniquement, et dès l’origi
49 e vocation18. C’est qu’il parle sa vocation et ne s’ en distingue jamais. Cependant il est hors de doute qu’il eut conscien
50 », à cette « inconcevable illusion des sens », ne s’ adressent-ils pas justement à la « vraisemblance » doctrinale d’une re
51 nu le jour et l’heure, mais il connaît l’instant, s’ il vit de Parole. À cause de l’instant éternel, « le héros meurt toujo
52 t « découverte » par les psychologues de ce qui «  se fait se faisant » est une antilogie chrétienne au premier chef, et no
53 uverte » par les psychologues de ce qui « se fait se faisant » est une antilogie chrétienne au premier chef, et non pas hi
54 s de la grandeur humaine (NRF). 7. « Le prophète se lève et tombe avec sa mission » (Karl Barth). Il n’a pas de biographi
55 la psychologie d’un prophète, ou bien alors elle se réduirait à la grammaire et à la syntaxe particulière de son message.
56 édemption par l’acte, quand celui de Schopenhauer s’ évanouit en pure absence. 13. K. entend : en vertu de ce paradoxe imp
57 du désespoir. C’est une laïcisation ! Kierkegaard se rapportait de la façon la plus précise à Jean XI. 4. 17. Richtet se
58 jette une mission de cette sorte » — c’est-à-dire s’ il rejette sa mission d’écrivain religieux pour se faire pasteur de ca
59 s’il rejette sa mission d’écrivain religieux pour se faire pasteur de campagne, par exemple. C’est, dit-il, que sa consign
3 1936, Articles divers (1936-1938). Décadence des lieux communs (décembre 1936)
60 e trouve pas ce jeu juste du tout, dit Alice. Ils se disputent tous tellement qu’ils vous assourdissent. Ils ne suivent pa
61 uivent pas la règle du jeu et je ne sais même pas s’ ils savent qu’il y en a une. Alice au Pays des Merveilles On peut pen
62 , disons des lecteurs de journaux, mais encore il s’ est divisé en une foule de dialectes ésotériques. Non seulement l’écri
63 ns pour les intellectuels et pour la masse — cela s’ est vu en d’autres siècles. Ils n’ont plus le même sens pour les diver
64 surtout, ils n’ont plus un sens auquel on puisse se référer et qui fixe vraiment l’usage : un sens commun. La plupart des
65 n. La plupart des débats qui nous occupent, qu’il s’ agisse de politique, de religion ou de littérature, nous offrent l’ima
66 les étaient des hérissons vivants, et les soldats s’ arc-boutaient sur le sol pour former des arceaux vivants. Quand Alice
67 e avait réussi à mettre en boule son hérisson, et se préparait à le frapper avec la tête du héron, celui-ci tordait son lo
68 ’avait remis en position, c’était le hérisson qui se déroulait et courait dans la haie voisine. Si par hasard la boule et
69 aient en place, c’était alors l’arceau-soldat qui se levait et s’en allait un peu plus loin. Tandis que la Reine, au combl
70 e, c’était alors l’arceau-soldat qui se levait et s’ en allait un peu plus loin. Tandis que la Reine, au comble de la fureu
71  : « Qu’on lui coupe la tête ! » — Ainsi nos mots se déforment entre nos mains, nos problèmes se déforment au hasard, chac
72 mots se déforment entre nos mains, nos problèmes se déforment au hasard, chacun joue sa partie comme il le peut, sans sou
73 autant plus excessives d’ailleurs que personne ne se soucie de les mettre à exécution25. « Vous n’avez pas idée, conclut A
74 ns variés, un sens prépondérant sur lequel puisse se faire l’accord. Or, sans parler des 29 sens que Littré donne, pour le
75 l’un contre l’autre deux hommes qui auraient dû «  s’ entendre » et s’allier : c’est que pour l’un, esprit signifie évasion,
76 tre deux hommes qui auraient dû « s’entendre » et s’ allier : c’est que pour l’un, esprit signifie évasion, spiritualisme e
77 gémit Alice, l’arceau sous lequel je dois passer se promène à l’autre bout du jeu et j’aurais dû croquer le hérisson de l
78 eu et j’aurais dû croquer le hérisson de la Reine s’ il ne s’était mis à courir juste au moment où j’allais jouer. » ⁂ Tout
79 aurais dû croquer le hérisson de la Reine s’il ne s’ était mis à courir juste au moment où j’allais jouer. » ⁂ Tout le mond
80 toutes les valeurs morales, etc. Et tous ces sens se chevauchent pour former dans l’esprit des polémistes les plus étrange
81 les bons écrivains, qui n’ont pas d’autres armes, se voient privés de tous moyens d’agir. Leurs coups ne portent plus, ne
82 conseils paraissent obscurs dans la mesure où ils se veulent scrupuleux. C’est pourquoi la plupart renoncent à enseigner a
83 sont plus distinguées du bavardage quotidien. Ils se retirent dans leurs appartements. Écrire dès lors n’est pour eux que
84  ? Quand le peuple d’Israël oublie sa vocation et se détourne de l’Éternel son Dieu, il perd aussi le sens des noms et bie
85 rononce des paroles vaines, des serments faux ! » s’ écrie le prophète Osée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’
86 autorité et suscitent contre eux des révoltes qui s’ expriment dans des langues nouvelles, au détriment de l’unité sacrée.
87 uments de la culture : — d’une part les écrivains se mettent à raffiner l’expression propre de chaque chose séparée, au dé
88 plus compris du peuple, et que la langue vulgaire s’ encombre d’équivoques, de confusions et de malentendus parfois tragiqu
89 de la cité modernes. Tous les hommes de ce temps, s’ ils ont quelque conscience, souffrent obscurément de leur séparation.
90 es paroles en plus grand nombre que jamais, et ne se disent rien qui compte. « Paroles vaines, serments faux ! » Or, quand
91 les vaines, serments faux ! » Or, quand la parole se détruit, quand elle n’est plus le don qu’un homme fait à un homme, et
92 que chose de son être, c’est l’amitié humaine qui se détruit. ⁂ Telle est l’inquiétude des masses. Elle n’est pas d’abord
93 gestes, à notre insu, trahissent. Mais quelqu’un s’ en est aperçu. Quelqu’un a formé le projet de tromper cette faim et ce
94 x ? Si l’ordre qu’ils imposent est arbitraire, ou s’ il ne mise que sur l’indignité humaine ? Et si la propagande et la pub
95 Les injures et les marques de mépris hautain dont se gratinent les poètes, les essayistes et les politiciens modernes, ave
96 s êtres isolés, qui crient très fort parce qu’ils se sentent très loin de ceux qu’ils interpellent, et qu’ils traitent com
97 ent comme des sourds. 26. Contrairement à ce qui se passe normalement dans les cas d’homonymie ou de polysémie. Ainsi l’o
98 ectoraux abondent en confusion de cette espèce et s’ en nourrissent. L’opération fameuse qui consiste à additionner les cas
4 1937, Articles divers (1936-1938). Changer la vie ou changer l’homme ? (1937)
99 e les plus honnêtes), que la dictature de Staline se rapproche des régimes fascistes. Essayez d’en conclure que le communi
100 sayez d’en conclure que le communisme c’est cela, s’ il se confond, comme on nous l’affirmait, avec ses effets historiques.
101 d’en conclure que le communisme c’est cela, s’il se confond, comme on nous l’affirmait, avec ses effets historiques. On v
102 a matière économique ; qu’ainsi lestée, elle a pu se mettre en marche et agir au niveau du réel ; que son but primitif éta
103 puis l’entrée dans cet organisme ? Tout cela peut s’ expliquer, je l’entends bien, par des nécessités pratiques et continge
104 divisée contre elle-même, et fait de l’homme qui s’ abandonne à elle un être antinomique, « divisé », et comme « aliéné »
105 ption fondamentale, qui est le péché originel. Il s’ ensuit que pour le marxiste, aussi bien que pour le chrétien, l’homme
106 rétien, l’homme ne pourra trouver sa plénitude et se « regagner totalement »43 qu’à la faveur d’une économie44 radicalemen
107 u’ici qu’interpréter diversement le monde ; or il s’ agit maintenant de le transformer. Et l’apôtre Paul écrit dans sa Let
108 bon, agréable et parfait. Dans les deux cas, il s’ agit du même mot : transformer ; et il s’agit de transformer en tant q
109 cas, il s’agit du même mot : transformer ; et il s’ agit de transformer en tant que l’on est proprement humain (c’est-à-di
110 tant que l’on fait la révolution, pour Marx). Il s’ agit donc d’action. Il s’agit d’attester soit la foi, par une réalisat
111 volution, pour Marx). Il s’agit donc d’action. Il s’ agit d’attester soit la foi, par une réalisation des volontés de Dieu,
112 la mentalité de l’époque peut être qualifiée — et se qualifie elle-même — de spiritualiste, au sens le plus contestable du
113 tait, du point de vue religieux, la situation qui se présentait à Marx ? C’était celle de la Restauration. Professeurs et
114 us : ceux qui prétendent réformer « l’intérieur » se gardent bien de toucher à l’extérieur. Marx dira donc, contre eux, qu
115 st-à-dire les rapports économiques et sociaux. Et s’ il nous reste encore du temps, nous changerons l’homme. D’ailleurs, pe
116 de changer le cadre matériel pour que le contenu se transforme ? N’a-t-on pas démontré déjà que la culture, par exemple,
117 économique ? On voit ainsi comment Marx lui-même se prend à son jeu polémique. Ce ne fut guère qu’à la fin de sa carrière
118 ires à proclamer la primauté du matériel, Marx ne se rendit pas compte qu’il allait déchaîner un préjugé absurde, une erre
119 ux scrupuleux, libre au camarade Gide lui-même de s’ indigner : il faut ce qu’il faut. L’étatisme dictatorial contredit la
120 enne.) La vie et la pensée chrétiennes, en effet, se réfèrent à chaque instant à ce qui détermine le tout de l’homme : son
121 re les hommes qui refusent totalement ce monde et s’ attendent totalement au Royaume. Ce refus, cette attente active50 cons
122 péché, tout ce qui l’écartait de sa voie. Mais il se connaît du même coup responsable à l’endroit du monde. Car si le mond
123 responsable à l’endroit du monde. Car si le monde s’ est livré à l’injustice et au désordre, c’est par la faute de l’homme,
124 écrit Calvin. Et que serait une obéissance qui ne se manifesterait pas ? La transformation personnelle, au sens total de l
125 nnelle, au sens total de l’Évangile, ne peut donc se traduire, si elle s’est faite, que par une action du chrétien : contr
126 de l’Évangile, ne peut donc se traduire, si elle s’ est faite, que par une action du chrétien : contre le monde dans sa fo
127  : « Que servirait à un homme de gagner le monde, s’ il perdait son âme ? » Son âme, c’est-à-dire la conscience de son orig
128 chapper à la guerre, à la misère, à l’oppression, s’ il ignore ou refuse « la seule chose nécessaire », le seul gage du sal
129 laisser le monde aller son train, et les guerres se déchaîner, et les chômeurs mourir de faim ? Ce serait prouver qu’on n
130 meurent les hommes. Reproches réciproques que s’ adressent les chrétiens et les marxistes Telle étant donc la concep
131 i d’une image. L’enfant qui rate son coup, ou qui se heurte contre un meuble, se fâche contre les choses et les rend respo
132 rate son coup, ou qui se heurte contre un meuble, se fâche contre les choses et les rend responsables. Il croit que c’est
133 e les hommes ensuite deviendraient plus habiles à s’ entendre et à vivre heureux ? « Changer la vie », criait l’enfant Rimb
134 Saint Paul n’a pas cette tragique naïveté. Il ne se fâche pas contre l’Empire romain, et ne désigne pas sa destruction co
135 aisibles l’évangélisation — sa raison d’être — il se fût consacré aux tâches plus urgentes : donner du pain et des spectac
136 ant la résignation. C’est vraiment trop facile de se mettre en règle avec sa mauvaise conscience, en prétextant que l’inté
137 iastes, si aveuglement enthousiastes, c’est qu’il s’ est trouvé seul à protester contre le monde tel qu’il va. On dira : c’
138 l’« intérieur ». Or si le marxisme a réussi cela, s’ il a pu paraître cela, c’est dans la mesure où le christianisme, aux y
139 christianisme, aux yeux des masses, n’a plus osé se montrer chrétien. C’est que le sel a perdu sa saveur, et son amertume
140 e ceux du chrétien au marxiste. En gros : si Marx se trompe et réussit, c’est parce que Christ est mal prêché par ses disc
141 es, je suis fondé à lui répondre : « Ton reproche s’ adresse à mon hypocrisie, à ma lâcheté, à mon absence de foi, mais non
142 te”, on ne l’a pas impunément, et si on l’a, cela se voit, des choses changent. Ce que tu me reproches, c’est, en fait, de
143 universitaire chinoise et japonaise, le problème se posait avec urgence, aux environs de 1933, de réunir dans un même ent
144 C’est ici qu’une critique proprement théologique se révèle seule capable de marquer les limites existant en fait, et les
145 bûcher, le komsomol accepte un salaire de famine s’ il faut cela pour sauver l’URSS.) Mais l’eschaton chrétien est au-delà
146 e cœur56 alors que l’eschaton marxiste, temporel, s’ enfuit dans un futur indéfini, — cent ans, mille ans ou deux-mille ans
147 a temporelle et l’éternelle, va-t-elle maintenant se manifester dans notre siècle ? Le phénomène de la « conversion » le f
148 la « conversion » le fait bien voir. Un homme qui se convertit au christianisme, c’est un homme qui reçoit et qui saisit l
149 Et alors, il attaque le monde ! Mais un homme qui se convertit au communisme ne se rattache pas à une Présence actuelle. I
150 ! Mais un homme qui se convertit au communisme ne se rattache pas à une Présence actuelle. Il fait un pari dont l’objet n’
151 ien converti a déjà l’essentiel : par là même, il se voit contraint à chaque instant de transformer autour de lui ce qui s
152 haque instant de transformer autour de lui ce qui s’ oppose à son bien souverain. S’il est chrétien, il sait qu’il est memb
153 tour de lui ce qui s’oppose à son bien souverain. S’ il est chrétien, il sait qu’il est membre d’un corps qui porte toutes
154 d’un révolutionnaire permanent. Non seulement il se voit contraint de venir en aide à son prochain, mais encore rien ne p
155 e satisfaire de ce qu’il obtient, par cet effort, s’ il compare ce mieux-être relatif au don parfait qu’il a reçu en Christ
156 saire dans tous les domaines où son activité peut se développer57. Mais le marxiste, quelles que soient la souffrance et l
157 et de l’homme tel qu’il le conçoit, être social — se verra fatalement neutralisé dans son effort par les gains peu à peu o
158 fort par les gains peu à peu obtenus. Une balance s’ établit entre les intérêts sociaux présents et le désir d’aller au-del
159 ns le présent, la loi d’amour et de justice, même s’ il était commis au nom des intérêts de l’Église chrétienne, détruirait
160 le accompli, ni en lui de Présence souveraine, il se sent libre d’appliquer les moyens qu’il juge adéquats aux intérêts mo
161 ment du socialisme. Je vois beaucoup de marxistes s’ en indigner mais je doute qu’ils soient bien conséquents, et que leur
162 me nommée « raison d’État », et jusqu’à la guerre s’ il le faut, sont des moyens parfaitement acceptables en tant qu’ils se
163 aginez maintenant qu’un vrai chrétien juge bon de s’ inscrire au parti communiste ou de militer en sa faveur : l’alternativ
164 ou de militer en sa faveur : l’alternative où il se place est sans issue. Car ou bien il accepte les disciplines d’action
165 du langage, la transcendance de la foi chrétienne se manifeste ici et maintenant et engage le tout de l’homme ; tandis que
166 hers. Mais je demande à ces chrétiens « changés » s’ ils ont un souci suffisant des suites sociales et politiques qu’impliq
167 e le plus « activiste ». Pourquoi refusent-ils de s’ occuper de politique ? Comment se fait-il qu’un grand nombre d’entre e
168 refusent-ils de s’occuper de politique ? Comment se fait-il qu’un grand nombre d’entre eux s’en désintéressent pratiqueme
169 Comment se fait-il qu’un grand nombre d’entre eux s’ en désintéressent pratiquement ? Ils me disent : « On ne peut pas tout
170 up d’hommes seront changés, beaucoup de problèmes se poseront autrement… » Je veux les croire. Ils courent au plus pressé.
171 s chrétiens ne comprendront pas que leur foi doit se manifester sur tous les plans de l’activité humaine, y compris le pla
172 e, ils ne répondront pas au défi du marxisme, qui s’ en trouvera justifié pour autant. Je ne crois pas à une politique chré
173 ais je crois que le christianisme, aussitôt qu’il se manifeste en vérité, entre en conflit avec certaines structures polit
174 pérées qui passionnent les masses incroyantes. Il se pose là, me semble-t-il, une question de solidarité, qui est une form
175 plus haut. Toutefois, l’un des facteurs au moins s’ est modifié notablement : les chrétiens ne forment plus des groupuscul
176 formes religieuses, du moins dans des formes qui s’ opposent aux commandements du Décalogue, et au devoir d’amour chrétien
177 conflit est inévitable. Suffira-t-il dès lors de se laisser persécuter ? N’avons-nous rien à faire qu’à subir le martyre 
178 ent une complicité. L’État totalitaire ne saurait s’ instaurer contre l’opinion générale. Celle-ci se laisse séduire par le
179 t s’instaurer contre l’opinion générale. Celle-ci se laisse séduire par les seuls constructeurs. Mais alors, quel point de
180 de vue constructif le chrétien peut-il soutenir, s’ il ne veut pas rester l’objecteur que j’ai dit ? Un protestant, et je
181 totalitaire des gouvernants n’avait pas encore pu s’ affirmer comme elle le fit sous Louis XIV, nous constatons que la prem
182 V, nous constatons que la première discipline que se donnent les églises calvinistes revêt une forme consciemment fédérati
183 vêt une forme consciemment fédérative61. Or il ne s’ agit plus ici de contingences historiques. C’est le fond même de la do
184 C’est le fond même de la doctrine calviniste qui s’ exprime par cette structure. L’importance attachée par Calvin à la not
185 elle, une autocritique si l’on veut, que l’Église s’ adresse à elle-même, et qui a pour fonction de corriger sans cesse, de
186 superficiellement, à un programme théorique qu’il s’ agirait maintenant d’appliquer. En bref, la doctrine chrétienne, si l’
187 du message que l’on prêche dans l’Église. 50. «  S’ attendre à… » veut dire ici : « tendre vers… » 51. Ma supposition n’e
188 1. Ma supposition n’est pas toute gratuite : elle s’ est réalisée plus tard sous Constantin par des moyens légaux, il est v
189 mais le christianisme devenir révolutionnaire ! » S’ exclamait naguère Jean Guéhenno (Union pour la Vérité, 22 mars 1930).
190 volutionnaire qui n’ait été d’origine chrétienne. S’ il n’y a pas de socialisme en Asie, cela tient à l’absence du christia
191 ontraignit la Chine, sous la menace des canons, à s’ ouvrir au commerce de l’opium. Un tel fait donne raison en apparence à
192 il y a l’église locale, ou paroisse. Ces églises se fédèrent par région. L’instance d’appel est « la cour suprême du syno
5 1937, Articles divers (1936-1938). Vocation et destin d’Israël (1937)
193 a perdu sa vertu pour une oreille habituée : « Il se lève et il tombe avec sa mission. » Nous ne savons rien du reste de s
194 te la Bible à son sujet, c’est cette difficulté à s’ exprimer. Non seulement rien d’historiquement notable ne le prédestina
195 r le rôle d’un grand prophète, — les psychologues s’ y épuiseront — mais encore il y avait cet obstacle, et celui-là précis
196 ment qui paraît le plus décisif, à vues humaines, s’ agissant d’un homme appelé au ministère de la Parole. Ce qui est vrai
197 la promesse que Dieu fit à Abraham. Cette tribu «  se lève et tombe » avec la mission qu’elle incarne : « Préparer les voie
198 hégélien ou tainien, ou matérialiste-dialectique, se donne pour tâche de reconstituer l’évolution immanente d’un peuple, t
199 petite raison de supposer que le peuple d’Israël, s’ il n’avait pas été « élu », eût évolué d’une autre sorte que tant de t
200 e. Une menace pour les « intérêts immédiats » qui se voient par trop négligés au profit d’on ne sait quel futur. Et une an
201 e contre laquelle il est fatal que l’on cherche à se protéger par quelque chose de visible et de tangible. Ainsi les Hébre
202 hose de visible et de tangible. Ainsi les Hébreux se rebellent, ils fuient dans le culte des faux dieux, rassurants parce
203 e ! Car l’esprit de prostitution égare Et ils se prostituent loin de leur Dieu ! (Osée, 4, 12) Cet « esprit de prosti
204 u et « mis à part »64. C’est à elle que tout acte se réfère, et non seulement tout geste, mais toute pensée. Rien n’est pl
205 dynasties.) Mais la mesure des tribus hébraïques se distingue de toutes les autres en ce qu’elle est une vocation adressé
206 cédant à leur penchant immémorial et bien connu, s’ ils oublient que le Dieu qu’ils servent est un Dieu qui se nomme « jal
207 blient que le Dieu qu’ils servent est un Dieu qui se nomme « jaloux », les Prophètes se lèvent contre eux et dénoncent leu
208 st un Dieu qui se nomme « jaloux », les Prophètes se lèvent contre eux et dénoncent leur idolâtrie66. Remarquons que la no
209 tre » d’une législation divine, mais dont l’homme s’ est emparé, et dont il fait sa chose, oubliant son Auteur. C’est alors
210 ilosophes… Nous croyons que Dieu voit tout ce qui se passe dans le monde. Nos femmes et nos serviteurs en sont persuadés c
211 n viennent à ne plus même pouvoir communiquer, ni s’ animer les uns les autres, chacun se refermant sur sa spécialité, se f
212 mmuniquer, ni s’animer les uns les autres, chacun se refermant sur sa spécialité, se forgeant une langue singulière au mép
213 es autres, chacun se refermant sur sa spécialité, se forgeant une langue singulière au mépris de tout « sens » commun, et
214 enir religieux du monde. Dès qu’il était tenté de s’ oublier dans les voies vulgaires des autres peuples, une sorte de géni
215 iée.68 Ainsi toute tentative de culture profane se voit assimilée à une révolte d’orgueil contre Dieu. La culture d’Isra
216 a culture du peuple hébreu. C’est une ascèse : il s’ agit de détruire en germe tout ce qui comblerait trop tôt, ou trop hum
217 sprit et en vérité ». Or abstraire, c’est d’abord s’ abstraire de l’immédiat. Et c’est aussi, dans une certaine mesure, dou
218 rtaine mesure, douter… Ainsi donc, pour l’Hébreu, se borner au concret, c’est rester fidèle à la Loi. D’ailleurs son langa
219 ster fidèle à la Loi. D’ailleurs son langage même s’ ordonne dès l’origine à cette vocation supérieure ; dénué de termes ab
220 , où les Aryens puisent leur art de tromper et de se satisfaire d’illusions. Point de science purement technique : la sage
221 ont établis pour veiller sans cesse à ce qu’il ne se fasse rien qui y soit contraire, et que toutes choses ne sont pas mie
222 es temps primitifs72. Mais cette promesse, enfin, s’ est incarnée. Et les juifs l’ont méconnue prenant prétexte de la Loi,
223 nce, il imagine des lois fatales. Sans Messie, il se fait précurseur des messies qui ne viendront pas… Héritage d’Israë
224 e par la Loi et les Prophètes. L’Église primitive se regardait comme le second Israël, l’héritière du Royaume promis au Pe
225 uel, cet esprit d’irréconciliable opposition dont s’ était nourrie toute la tradition judaïque. C’est précisément ce sens d
226 s un monde incrédule et rebelle, de ceux que Dieu s’ est « choisis » pour témoins, en tant que collectivité, peuple ou égli
227 foi, les calvinistes, dès la fin du xvie siècle, se considèrent comme chargés d’une mission au sein d’un monde pécheur qu
228 tion. Il est curieux de noter que le parallélisme se poursuit même, — et peut-être surtout — dans les déviations qualifiée
229 fs d’Orient au contact des coutumes occidentales, se mue peu à peu en son contraire exact : c’est le matérialisme jouisseu
230 aux tentations du succès immédiat et contrôlable, s’ est transformé dans le Nouveau Monde d’une part en volonté de puissanc
231 ël qui était le peuple élu, a trahi sa mission et s’ est livré à son destin. Sa dispersion en est le châtiment. Serait-il d
232 t verbum praeclarum ! Voilà une parole admirable, s’ écrie Luther, à propos de ce dernier verset, dans son Commentaire sur
233 eut être perdue, même si celui qui en est l’objet s’ y oppose de toutes ses forces ! Car sa révolte même se trouve servir l
234 nt entrés dedans (l’Église), lors les Juifs aussi se retirant de leur révoltement, se rangeront à l’obéissance de la foi…
235 les Juifs aussi se retirant de leur révoltement, se rangeront à l’obéissance de la foi… toutefois que les Juifs tiendront
236 que la chrétienté non seulement ne pourra jamais se désintéresser du sort des Juifs, éternellement lié au sien en vertu d
237 en vertu d’un décret de Dieu, mais encore qu’elle se doit de juger Israël autrement que ne fait « le monde ». Ce n’est pas
238 t : les Juifs sont ceci, les Juifs sont cela, ils se sont emparés de nos richesses, etc. Mais de quels biens se préoccupe
239 mparés de nos richesses, etc. Mais de quels biens se préoccupe le croyant ? Leur faute a fait la richesse du monde. Et cet
240 te a fait la richesse du monde. Et cette richesse s’ appelle le salut. 64. Il faut bien voir que le « racisme » juif n’e
241 elles-mêmes. Mais sans doute ce glissement fatal s’ est-il dessiné dès le début, à mesure que l’on codifiait les relations
242 contingente et partielle, et n’étant plus totale, se veut encore totalitaire, on a l’État-nation-Police de type fasciste o
243 banques de l’Italie du Nord. Les responsabilités se partageraient donc équitablement entre les trois religions ! 79. Cal
6 1937, Articles divers (1936-1938). Luther, Traité du serf arbitre (1937)
244 au public français comme un ouvrage capital : ils s’ étonnent d’y trouver si peu de substance théologique et tant de plaisa
245 atitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’ est faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants, n’hésitent pas à sou
246 omme, qu’est-ce que Luther ? Un moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette déclaration du livre d’un critique littérai
247 de la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’ interdire de rien comprendre à la grande discussion millénaire, à la g
248 de l’être, revient à celle d’un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « div
249 ifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme absolu, qu’on déc
250 atériel soit bien écrasant pour le genre. Mais on s’ aperçoit sans tarder que la discussion avec Érasme et sa Diatribe (sou
251 r les procédés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressai
252 eu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un
253 ystème, au sens philosophique du mot, mais qu’ils s’ impliquent très étroitement les uns les autres, et ne peuvent être mie
254 ut dépouiller. Folie pour les sages Mais il s’ en faut de presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réfo
255 nues !) par nos contemporains, même chrétiens. Il s’ en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme no
256 s encore jusque chez les chrétiens, ces arguments se voient réinventés, admis, parfois même prêchés. Le laïcisme moraliste
257 n’en a pas du tout le monopole : tout catholique se doit, en bonne logique, de les faire siens, puisqu’il croit au mérite
258 e manquera pas de faire crier au dogmatisme. Tout se passe ici « à l’intérieur » du christianisme, de l’Église. L’humanism
259 ’est à Érasme, en tant que théologien, que Luther s’ applique à répondre ; et c’est même la plus dure ironie — quoique invo
260 » luthérien. (On peut admettre qu’un tel dialogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’un homme qui veut croire…)
261 faillir à sa promesse, et auquel nul obstacle ne s’ oppose. Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous
262 historiques et économiques ? Toute ta science ne s’ occupe-t-elle pas, justement, à les découvrir ? Au besoin, à les inven
263 acte qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’ il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il
264 évues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi indignement ! Il faudra donc choisir : Dieu ou moi. Je di
265 rit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’elle s’ en formait… Mais tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu es alors dis
266 st pas la supprimer en fait. Mais c’est peut-être se priver de son secours, ou encore la transformer en une menace obscure
267 out attachée à notre chair, à notre temps où elle s’ est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d
268 ger l’alternative du libre arbitre, telle qu’elle se pose dans les termes extrêmes où elle revêt sa vraie réalité : c’est
269 ue » ; et tous les Pères et tous les siècles dont se réclame Érasme n’y changeront rien : « Travaillez à votre salut avec
270 décision, et néglige les moyens termes où voulait se complaire Érasme. Le problème du salut est un problème de vie ou de m
271 une pure et simple absurdité. Mais alors, on peut se demander si ceux qui refusent le christianisme échappent vraiment à l
272 éternel paraît exclure toute liberté humaine, il se met à prêcher l’amor fati, l’adhésion volontaire et joyeuse à la fata
273 nce. En vérité, c’est bien du même problème qu’il s’ agit. Le seul problème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale de l
274 ous adorons une Providence dont la Parole vivante s’ est incarnée : « Emmanuel ! » — Dieu avec nous ! 30. À la propositi
7 1937, Articles divers (1936-1938). L’Acte comme point de départ (1936-1937)
275 s erreurs respectives dans le plan sur lequel ils s’ opposent. Cette impossibilité de prendre parti entre deux erreurs qui
276 hies de naguère et d’aujourd’hui, telles qu’elles se présentent à nous. Avant même d’en pénétrer le détail et d’en critiqu
277 oclamé, lui aussi, son autarchie, et qu’il puisse se donner des lois qui ne tiennent plus compte de la crise du monde, et
278 , et de celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’ est dégagé des coordonnées du moment, c’est dire que son exercice n’en
279 se sur un postulat d’inactualité, il suffit, pour s’ en convaincre, de se demander un instant ce qui arriverait dans le cas
280 ’inactualité, il suffit, pour s’en convaincre, de se demander un instant ce qui arriverait dans le cas contraire. Si notre
281 , cependant, si le désordre du monde est réel, il se peut qu’il provienne, précisément, d’actualisations partielles des ph
282 l venus à le nier. Si le monde dure, c’est-à-dire se renouvelle, c’est qu’il y a dans le monde plus d’actualité que nos ph
283 é que nos philosophies n’en peuvent concevoir. Et s’ il y a du désordre, c’est que ces philosophies sont tout de même moins
284 omment pourrions-nous faire comprendre de quoi il s’ agit ? Nous allons être obligés ici d’avoir recours à une méthode rigo
285 problème de l’acte mais il y a problème de ce qui s’ oppose à l’acte. (En d’autres termes, il n’y a pas de problème de la p
286 es, et celles sur lesquelles il faut que l’esprit s’ appuie pour poser un problème quelconque ». L’acte, tel que nous l’ent
287 nnée par excellence. En réalité, toute définition s’ appuie sur une donnée de ce type, sur un de ces « a priori de fait »,
288 nte qui refuse l’obstacle. Il ne reste alors qu’à se consoler par la certitude que l’analyse philosophique est avec celui
289 lème, mais une donnée initiale, le seul donné qui se donne à soi-même. Or, cette donnée, d’une part, n’est pas réductible
290 donné » livré à ses déterminations objectives, et s’ offrant à son tour à l’éclair bouleversant d’un nouvel acte. Il n’y a
291 ’acte « as it’s known as », réactions qui, elles, se manifestent dans une certaine durée de vibration. Le sentiment qui ac
292 nt mystérieux entre tous, où le maximum de risque s’ identifie au maximum de sécurité, dans la conscience de celui qui agit
293 principaux, tels que nous venons de les indiquer, se retrouvent — comme reflétés — dans ses effets immédiats. Car nous cro
294 Nous définissons la personne comme l’individu qui se sait et se veut engagé dans le conflit créateur. Mais en s’affirmant,
295 ssons la personne comme l’individu qui se sait et se veut engagé dans le conflit créateur. Mais en s’affirmant, c’est-à-di
296 se veut engagé dans le conflit créateur. Mais en s’ affirmant, c’est-à-dire en changeant de plan, en allant de l’angoisse
297 lus aigu que l’ancien. Au fur et à mesure qu’elle se libère, la personnalité se risque de plus en plus. C’est pourquoi les
298 ur et à mesure qu’elle se libère, la personnalité se risque de plus en plus. C’est pourquoi les époques de conciliation so
299 une économie de force ou de pensée susceptible de se traduire en formules et en mécanismes tout faits. D’un côté, un champ
300 troite. En effet, à l’intérieur même de l’empire, s’ établit un danger qu’ignorent les pays de marche. Le sentiment de la s
301 ra un bon exemple. En tant qu’activité, elle peut se définir par l’invention de l’abstrait, c’est-à-dire de l’homogénéité
302 t où il crée ; pour les autres hommes, la science se traduit par une économie d’énergie et de pensée, d’où cette zone où l
303 l’homme n’existe personnellement qu’autant qu’il s’ affirme en acte. Quand on parle de solidarité humaine, de valeur humai
304 adoxale, de la société humaine, qui lui permet de se dépasser elle-même. L’homme concret, l’homme vivant, l’homme en acte
305 te le plus pur et le plus humain. Mais comment va se présenter à nos yeux ce qui n’est pas immédiat à l’acte ? Est-ce que
306 es les manifestations d’activité. La médiation ne se manifeste pour nous que sous forme de résistance. Il y a assurément d
307 activité, comme certains climats ou certains pays se prêtent mieux au personnalisme social, mais ce ne sont jamais que des
308 t infiniment plus difficile et plus rare qu’on ne se figure communément. Avant de chercher à répondre à cette question, il
309 site à faire la part de l’orientation humaine qui s’ exprime par une affirmation croissante de la discontinuité explosive s
8 1937, Articles divers (1936-1938). Formons des Clubs de presse (30 janvier 1937)
310 ole privé) qu’il est à craindre qu’elle ne puisse s’ accomplir isolément. Seul le redressement radical et général d’un régi
311 t devenu pour le public, synonyme de mensonge. Il s’ agit en attendant que la question puisse être attaquée et résolue de f
312 lles exemptes de déformations ou de tendances. Il s’ agit, en contrôlant, en systématisant cette presse parlée qui se crée
313 trôlant, en systématisant cette presse parlée qui se crée spontanément, d’établir dans toute la France, un vaste réseau en
314 de localités un « Club de presse ». Les adhérents se réunissent une fois par semaine, pour recevoir et apporter les élémen
315 actylographié condensant les résultats acquis. Il s’ établit ainsi, en quelque sorte, un double courant entre la base et le
316 les points de vue. Le programme Le bulletin se divise en trois parties 1° une partie politique positive : documentat
317 édier à l’action néfaste de la presse imprimée en se plaçant hors de son domaine, les « Clubs » n’oublient pas que la réfo
318 de tout commentaire et de tout jugement. Mais ils s’ engagent, dans les « clubs de presse », à défendre les principes qui l
319 ormation. À l’heure où la grande presse française se constitue chaque jour davantage en trusts, il ne suffit plus de dénon
9 1937, Articles divers (1936-1938). À qui la liberté ? (5 mars 1937)
320 ise ne sévit plus seulement dans les élites, mais se manifeste dans la vie publique, et dans les couches profondes de la n
321 e fait le trottoir. Et que c’est la politique qui s’ est chargée de réglementer à sa manière la prostitution des mots-clés,
322 és, des lieux communs fondamentaux sur lesquelles s’ édifiait la culture. M. de la Rocque défend ce qu’il appelle « la prim
323 de l’économique. Le résultat de ces pratiques ne se fera pas attendre, et l’on en voit déjà les premiers signes : parlez
324 , en fait, l’un et l’autre. La politique actuelle s’ occupe bien moins des faits que des mystiques dont on se sert pour mas
325 pe bien moins des faits que des mystiques dont on se sert pour masquer, à gauche et à droite, une impuissance profonde à r
326 e ou pour dire autre chose que ce qu’elle dit. On se demande pourquoi, dans de telles conditions, l’on s’obstinerait encor
327 demande pourquoi, dans de telles conditions, l’on s’ obstinerait encore à écrire, à parler, si par hasard on est de bonne f
10 1937, Articles divers (1936-1938). Romanciers publicitaires ou la contagion romanesque (13 mars 1937)
328 t et la folie avec Ivan Karamazov, comme d’autres s’ étaient suicidés après Werther ; ou qui entreprennent de gagner un mil
329 al enfièvre l’ambition ; aux jeunes bourgeois qui se défont à rechercher leur « Temps perdu » ; enfin, à tous les adultère
330 que cette contagion pratique de l’art, tant qu’il s’ agit véritablement d’art, tant qu’il s’agit, pour un auteur, d’influen
331 tant qu’il s’agit véritablement d’art, tant qu’il s’ agit, pour un auteur, d’influencer le public par des moyens choisis, e
332 s ne redoutent rien tant que l’œuvre à thèse. Ils se défendent de toutes leurs forces d’avoir une métaphysique, une idéolo
333 à ces gouvernements libéraux qui, par crainte de s’ imposer ou par ignorance de ce qu’il faudrait imposer, se contentent d
334 er ou par ignorance de ce qu’il faudrait imposer, se contentent d’un opportunisme à la petite semaine, et ménagent les opi
335 , paraît-il, ce sont les femmes qui lisent et qui se passionnent pour les romans. Ainsi, à force de ménager les préjugés m
336 ntagion du roman réaliste ou psychologique actuel s’ exerce uniquement au profit des classes possédantes et de leurs coutum
337 de leurs personnages ! Le romancier bourgeois qui s’ imaginait, naïvement et confortablement, qu’on peut écrire n’importe q
338 ns ce que cela porte à conséquences, ce romancier s’ est condamné lui-même, en fait, à ne plus être que l’agent de publicit
11 1937, Articles divers (1936-1938). Vers une littérature personnaliste (20 mars 1937)
339 éritable boom commercial. « À nous la liberté ! » s’ écriait cette génération : elle ignorait apparemment que la liberté es
340 sont admirablement disciplinés. (D’ailleurs, tous se connaissent trop bien : auteurs, critiques et éditeurs ; pratiquement
341 urable un moment donné de l’histoire sociale, ils s’ étalent dans la durée et vagabondent à travers les générations. Notons
342 abondent à travers les générations. Notons qu’ils s’ attardent presque tous aux générations d’avant-guerre : le temps de le
343 Il est caractéristique que le livre de Thibaudet se termine sur une note pessimiste, et sur l’expression de « dégradation
344 tion de la littérature, au sens où les physiciens s’ intéressent à la dégradation de l’énergie ». Mais cette dégradation li
345 de bourgeois : de Proust à Lacretelle, les salons se défont, les classes se mêlent, les propriétés sont vendues aux enchèr
346 t à Lacretelle, les salons se défont, les classes se mêlent, les propriétés sont vendues aux enchères ou rachetées par une
347 rsque tout est permis ? Que décrire, sinon ce qui s’ écroule — et cela ne peut pas donner les éléments d’un art, si l’art e
348 Il semble bien que la littérature la plus récente s’ oriente déjà vers d’autres formes. Les gros romans sociaux de huit-cen
12 1937, Articles divers (1936-1938). C’est jeune (10 avril 1937)
349 ute une série de notions à acquérir, d’opinions à se former, de classements à établir, bref une réinstallation complète de
350 nos bons écrivains, M. Arnoux, de n’avoir pas su s’ imposer « avec assez de force au public ». Car, précisait-il, « on sai
351 ne, tout de même, et peu avancé dans la vie, pour s’ ébahir, comme je le fais, d’une… « constatation » de cet ordre ! Compr
352 turel ? Sentez-vous, à la lire, quelque chose qui s’ agite en vous, entre le rire, l’inquiétude, et le dégoût ? Partagez-vo
353 que chose à dire ; le but de l’écrivain, c’est de s’ imposer avec force au Public. Et cela demande de la tactique ! Je le v
13 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)
354 de décrire un précédent, d’affirmer que cela peut se faire, que cela s’est fait, qu’il y a là un bonheur… 22 septembre 193
355 dent, d’affirmer que cela peut se faire, que cela s’ est fait, qu’il y a là un bonheur… 22 septembre 1934. À… (Gard) Arrivé
356 des rochers, en retrait sur notre gauche. À peine s’ il nous en vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’auto, d
357 ison de vos vacances… » Ajoutons que le jardinier s’ appelle Simard, sa femme Marguerite, son chien basset Pernod. Et qu’il
358 ux qui travaillent encore gagnent à peine de quoi se nourrir. Et j’entrevois déjà ce qu’ils appellent ici se nourrir : nos
359 rrir. Et j’entrevois déjà ce qu’ils appellent ici se nourrir : nos voisins n’ont sur leur table, quand on va les voir à mi
360 ils n’ont pas pu vendre au marché. Cependant, ils se considèrent comme des privilégiés, cela se sent à la manière dont ils
361 t, ils se considèrent comme des privilégiés, cela se sent à la manière dont ils nous parlent de quelques familles des envi
362 t le noir. Avec fanatisme. J’observe aussi qu’ils s’ arrangent pour vivre plus mal que la population des faubourgs des gran
363 ou par quelque décret d’État. Je vois le chômage s’ étendre et s’installer, comme se sont installés dans ces villages mals
364 ue décret d’État. Je vois le chômage s’étendre et s’ installer, comme se sont installés dans ces villages malsains et mal s
365 e vois le chômage s’étendre et s’installer, comme se sont installés dans ces villages malsains et mal soignés la tuberculo
366 t défier le bon sens et la raison pratique. C’est s’ en remettre à quelque espoir vague et profond. Or tout ce que l’État n
367 fort au-dessus de la moyenne, ne m’étonne guère, s’ agissant de protestantes. Ce ne sont pas des bourgeoises, certes, et p
368 son, leur énergie sérieuse, cette façon de ne pas se plaindre de son sort… Pourtant, il y en a peu de cette espèce, semble
369 arle jamais. Mais elles ne paraissent pas du tout se considérer comme un type social d’exception. Combien y a-t-il de clas
370 prolétaire ? Il serait vexé qu’on le lui dise. Il s’ estime fort au-dessus d’un mineur retraité, par exemple. Les institute
371 raction de tout cela dont le marxisme, justement, se doit de ne pas tenir compte. Un communiste traitera les dames Turc de
372 ns numériques (salaires, plus-value, profits). Il s’ estime donc scientifique. Il ne part pas de ce que les hommes veulent
373 rouve à la cuisine la fille et une voisine. Elles se plaignent du froid. Le fourneau est rouge, mais la porte donne au nor
374 Ils seraient moins pauvres, moins malades, etc., s’ ils étaient plus « pratiques » comme on dit dans la bourgeoisie — où l
375 ques » comme on dit dans la bourgeoisie — où l’on s’ imagine bien à tort que les gens du peuple sont spécialement adroits d
376 oins dignes aussi. Leur dignité est de subir sans se tourmenter. Ils ne se mettront jamais dans des états parce qu’ils ont
377 r dignité est de subir sans se tourmenter. Ils ne se mettront jamais dans des états parce qu’ils ont cassé deux assiettes.
378 s. Les commerçants sont souvent réactionnaires et se mêlent peu à ceux de la place. Enfin ceux qui sont occupés par l’impr
379 re notre lessive la semaine prochaine. Elle vient s’ excuser : « Qui sait, Madame, j’aimerais d’aller à Alès, quelle jour ç
380 la pratique quotidienne de la lecture. Le public s’ étend au hasard. Il ne constitue plus un corps limité, éduqué, instrui
381 peut en être, et juger comme il veut. Le droit de se tromper, et de tromper grâce au langage, est un des droits imprescrip
382 , c’est l’esprit qui sera vaincu. Non point qu’il s’ avilisse partout ni qu’il se laisse toujours persuader par la tentatio
383 incu. Non point qu’il s’avilisse partout ni qu’il se laisse toujours persuader par la tentation du succès. Mais simplement
384 illustrés, quelques livres sur la table. Puis on s’ est assis sur des chaises alignées, pour entendre le « conférencier »2
385 jet a été introduit par l’un des instituteurs. Il s’ agissait de « l’histoire de notre département ». La discussion n’a vra
386 La discussion n’a vraiment démarré que lorsqu’on s’ est mis à parler d’autre chose que du sujet, c’est-à-dire d’un peu tou
387 pas à proprement parler. Son langage en tout cas s’ y prête mal, soit à cause de sa lenteur, soit à cause de ses répétitio
388 d’autre but que de laisser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui est dit. (C’est seulement de la langue des écrivai
389 e toujours elle vise à la formule décisive, et ne s’ accorde le droit de dire chaque chose qu’une seule fois, de la façon l
390 t méticuleusement les reprises, les retours, elle s’ accorde très mal au rythme de la réflexion spontanée, qui est « péguys
391 volonté chez les hommes de ce Cercle ! comme ils s’ appliquent à comprendre, comme ils sont vifs et peu timides, camarades
392 e et son public ! (Le « conférencier » en tournée se présente comme un séducteur, c’est la loi du genre, et cela rend les
393 r ronflait, le front sur un dossier de chaise. Il s’ est relevé, s’est frotté les yeux, est sorti tout tranquillement. J’ai
394 front sur un dossier de chaise. Il s’est relevé, s’ est frotté les yeux, est sorti tout tranquillement. J’ai parlé avec pl
395 châtelains. Ils votent radical ou socialiste, et se font battre à plate couture, régulièrement. Mais faut-il donc penser
396 plement être à gauche, le plus à gauche possible. S’ il en est bien ainsi, me dis-je, on peut redouter que ces hommes ne sa
397 marxisme et l’anarchie. D’autre part, sauront-ils s’ opposer au dictateur qui se présentera un jour comme l’homme de gauche
398 utre part, sauront-ils s’opposer au dictateur qui se présentera un jour comme l’homme de gauche à poigne ? J’ai questionné
399 responsable de connaître ces gens mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes, quelqu’un qui a pour mission de leur enseigner
400 ile de parler en général de ses paroissiens. Mais s’ ils sont communistes, ils ne doivent tout de même pas faire partie de
401 et les incroyants, ce n’est que pas les chrétiens se conduisent mieux que les autres, mais c’est qu’ils se confient en Die
402 onduisent mieux que les autres, mais c’est qu’ils se confient en Dieu, et qu’ils attendent tous les ordres de lui. À la fi
403 s les ordres de lui. À la fin, un des communistes se lève et résume le débat : « En somme, dit-il, si nous ne croyons pas
404 t au parti. L’affaire, pour eux, c’est d’abord de se grouper afin d’entreprendre quelque chose, de résister aux gros propr
405 nce ou plutôt à leur incroyance. Tout de même, on se dit souvent que ces hommes mériteraient mieux que ce qu’on leur donne
406 vivre et travailler raisonnablement. Mais rien ne se présente pour les soutenir. Ils vont au parti communiste parce qu’il
407 en honteux, honteux d’une foi qu’il n’a pas ! Car s’ il l’avait, il n’aurait plus de honte à la confesser devant les hommes
408 us de honte à la confesser devant les hommes ; et s’ il a honte, c’est qu’il ne craint pas Dieu, mais qu’il croit au jugeme
409 s qu’il croit au jugement des incroyants, tout en s’ imaginant qu’il n’est pas un des leurs… Je voudrais définir le croyant
410 t besoin d’actions extraordinaires, surhumaines : se rire des dieux du monde est assez héroïque, dans notre monde, pour qu
411 vier 1935 Ces cochons-là ! — Simard le jardinier s’ est fait une forte entaille au doigt en travaillant. Ce gros homme, vi
412 on compte, et sa dame fait le petit appoint. Elle s’ est « coupé » la jambe, cela fait bien cinq ans déjà, et « touche » po
413 u’ils « l’ont diminuée à 17 sous par jour ». Pour se venger, il leur a retiré son assurance à lui, et l’a passée à d’autre
414 lus ou moins. Dans certains cas, bien entendu, il s’ agit même d’y aller de sa poche. Enfin, on obtient tout de même quelqu
415 ien coûté 50 francs. Autrement, vous savez ce qui se passe, les employés là-bas, au ministère, ils mettent l’argent dans l
416 ur le dos de l’État, on suit des enterrements, on se brouille avec ses enfants pour des questions d’argent, on ne croit pl
417 diminuent. Simard m’explique encore que les gens s’ en vont d’ici pour travailler à la ville. C’est comme partout. Bon. Al
418 fameux, premier gagnant de la Loterie nationale, s’ inclinant sur la tombe du Soldat inconnu. Juste hommage au collègue, a
419 ciste est un problème avant tout national ; qu’il s’ est posé en Italie dans des termes particuliers à ce pays, et qu’en to
420 liers à ce pays, et qu’en tout cas il ne peut pas se poser de la même façon en France. Je conclus que la seule manière de
421 l’électeur veut qu’on soit pour ou contre, et il se méfie par principe de celui qui distingue et nuance. On ne tiendra ja
422 . Mais je l’appelle chômeur, faute d’autre terme, s’ il n’a plus la possibilité de s’assurer un gagne-pain régulier par son
423 te d’autre terme, s’il n’a plus la possibilité de s’ assurer un gagne-pain régulier par son travail, s’il n’a plus d’emploi
424 s’assurer un gagne-pain régulier par son travail, s’ il n’a plus d’emploi, et ne sait plus de quoi sera fait le lendemain.
425 tal ; c’est l’affectivité quasi insupportable qui s’ attache aujourd’hui à l’argent, et qui se mêle en particulier à tout é
426 able qui s’attache aujourd’hui à l’argent, et qui se mêle en particulier à tout échange d’idées sur la richesse, la pauvre
427 a Réaction insolente : « Place aux Vieux ! » — On se demande s’il est au monde un seul pays, hormis la France, où cette ph
428 insolente : « Place aux Vieux ! » — On se demande s’ il est au monde un seul pays, hormis la France, où cette phrase soit p
429 où cette phrase soit possible. Où les partis qui se disent « avancés » osent le proposer comme objectif de « lutte ». Où
430 uatre ans que vous l’avez, le pouvoir ! » L’autre se dégage et s’en va, un peu triste, ou peut-être gêné. Entre ces deux h
431 vous l’avez, le pouvoir ! » L’autre se dégage et s’ en va, un peu triste, ou peut-être gêné. Entre ces deux hommes, je n’h
432 ns doute parents, de mœurs et de langage pareils. S’ ils s’opposent, c’est que l’un est avare et légèrement maboul, l’autre
433 te parents, de mœurs et de langage pareils. S’ils s’ opposent, c’est que l’un est avare et légèrement maboul, l’autre énerg
434 oir foi dans le pouvoir d’une pensée droite, — on se demande par quelle rancune vaguement démoniaque, et surtout vaine, il
435 t démoniaque, et surtout vaine, ils en viennent à s’ imaginer qu’ils défendent eux aussi les « petits » en défendant ces ex
436 ibilité de « suivre » un effort bien localisé, de s’ attacher à ce qu’on fait ; nécessité où l’on se trouve de bâcler son o
437 ez la gorge brûlante après un verre »). Enfin ils se plaindront de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiat
438 populaire, on ne dira pas un mot de tout cela, on s’ en tiendra aux clichés du journal. On n’aura pas le temps ni le courag
439 atrices, des sports, des moyens de circuler et de s’ instruire, résistance à l’état tentaculaire. (Quant à la lutte contre
440 in, la mère Calixte arrive tout agitée : « Madame se meurt ! s’écrie-t-elle. C’est Madame Bastide, la belle-mère. — Qu’a-t
441 Calixte arrive tout agitée : « Madame se meurt ! s’ écrie-t-elle. C’est Madame Bastide, la belle-mère. — Qu’a-t-elle ? — O
442 s », bien sûr. C’est instructif. Mais le désir de s’ instruire a des limites. Déjà les relations se stabilisent, les « cour
443 de s’instruire a des limites. Déjà les relations se stabilisent, les « courtes habitudes » épuisent leur vertu. C’est le
444 es de jeunes gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre des villes, où ils s’incrustent — la province deviendra viva
445 ls en ont assez de se plaindre des villes, où ils s’ incrustent — la province deviendra vivable. La révolution sera faite.
14 1937, Articles divers (1936-1938). Lénine, Staline et la littérature (17 avril 1937)
446 urs aux cadets de l’Académie de l’Armée rouge, il s’ écrie : « Chez nous, dans les circonstances actuelles, les cadres déci
447 poème, il raille impitoyablement les réunions et se moque des communistes qui ne font que siéger et siéger encore. Je ne
448 l saines, banales, un peu courtes, et que Staline s’ est chargé d’en extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et d’att
15 1937, Articles divers (1936-1938). Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue (mai-juin 1937)
449 ans les régions obscures de la légende populaire. S’ il se risque à paraître devant Chamisso, c’est peut-être poussé par l’
450 es régions obscures de la légende populaire. S’il se risque à paraître devant Chamisso, c’est peut-être poussé par l’envie
451 e, mais dirait-on, sans le savoir. Chamisso, lui, s’ en étonnera. Tel est le calcul de l’homme sans ombre. Surprendre ce Fr
452 errible secret ! Il arrive souvent qu’un étranger s’ initiant aux croyances d’un peuple soit le premier saisi par ce frisso
453 te ou crée, chez celui qui l’éprouve, le désir de s’ en délivrer en l’exprimant. Et c’est ainsi que Chamisso introduisit da
454 ui reste entier. Cependant, à voir tant d’auteurs s’ exercer l’imagination sur un sujet qui défie l’expérience, l’on s’éton
455 ination sur un sujet qui défie l’expérience, l’on s’ étonne qu’aucun d’entre eux n’ait songé à se justifier. L’on s’étonne
456 l’on s’étonne qu’aucun d’entre eux n’ait songé à se justifier. L’on s’étonne qu’aucun non plus n’ait essayé de formuler l
457 ucun d’entre eux n’ait songé à se justifier. L’on s’ étonne qu’aucun non plus n’ait essayé de formuler le symbole enfermé d
458 croire qu’ils ont écrit leurs contes sans jamais se poser de questions sur le sens d’un tel accident — dont à vrai dire l
459 nal du terme — préfère en ignorer la cause ? L’on s’ étonne enfin de ce lien entre le domaine germanique et l’expression li
460 gravement. Mais encore ? Ils en ont tous une, et s’ entendent à tirer parti du plaisir que dispense un corps. Ils prisent
461 chair, — oui, même ceux-là qui déplorent qu’elle se fasse, aux regards de la convoitise, « opaque »36. Que pouvais-je tir
462 puisable. Désormais riche, mais privé d’ombre, il se croit le maître du monde. Point du tout : on se moque de lui. Comblé,
463 l se croit le maître du monde. Point du tout : on se moque de lui. Comblé, le voici plus qu’avant inadmissible. Le complex
464 infériorité à peine défait par la fortune subite, se renoue, cette fois-ci sans remède. Il ne tarde pas à tourner au délir
465 orsque son imposture éclate au grand soleil, Mina s’ écrie : « Oh ! mon pressentiment ! Oui, je le savais depuis longtemps,
466 sans exigences, et qui veut croire à la vertu, —  s’ il n’y avait, au centre de lui-même, cette absence. En tout pareil aux
467 n et devient l’essentiel, notre philistin méconnu se voit chassé de la communauté des siens. Et par sa faute ! c’est là so
468 au voisinage et au dialogue. Son existence réelle se confond avec tous les vagabondages qu’il imagine. Il peut même retrou
469 outes les plantes de la terre. C’est à cela qu’il s’ occupe en Thébaïde, quand nous perdons sa trace. Résumons : complexe d
470 ns d’états qui, normalement, ne tarderaient pas à se muer en leur contraire ? Plus précisément, l’état de Peter Schlemihl
471 , de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’ il était un peu en arrière des choses, lent à démêler le monde où il r
472 de la persécution). Il arrive aussi que cet homme se sente trop lucide, perçant toutes choses à jour, et lui-même, d’où l’
473 fait humain élémentaire. J’étais déçu de le voir se réduire à quelque chose d’aussi précis, et que mille préjugés, frança
474 ur la paroi, laquelle (ombre) vient de l’homme et se forme d’après lui : telle est aussi la Liquor, qui est « l’ombre inté
475 organes. Elle figure le « miroir auquel la nature se regarde en nous. » Elle est ainsi l’agent microcosmique, la puissance
476 le vrai problème39. La créativité : c’est à quoi se ramène tout ce qui est vraiment grave dans notre vie ; et la fameuse
477 avoir son siège dans le seul sexe, que la pudeur s’ est localisée là ? Ne serait-ce point pour cette raison que l’homme ch
478 on spirituelle, le centre de la créativité paraît se déplacer dans le cerveau ou dans le cœur. La pudeur aussitôt affecte
479 vaise pudeur provient de ce que le corps et l’âme se distinguent de plus en plus, et cessent d’être reflets l’un de l’autr
480 e d’un embrassement sans amour, ou d’un amour qui se refuse à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t-elle d’exister — n
481 t-elle d’exister — normalement — quand deux êtres s’ aiment ? Parce que le sexe reprend alors sa « propriété » symbolique.
482 té dans la personne, celui qui a perdu son ombre, se promène parmi les hommes avec l’angoisse de voir révélée au grand jou
483 asteté. L’esprit offensif et joyeux, le corps qui se sent « plein dans sa peau », partagent les richesses du désir. Et l’h
484 fille du peuple. Mais Andersen, comme on pouvait s’ y attendre, fait dominer l’aspect « spirituel » du mythe. Son conte de
485 e symbole de la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour prendre corps dans l’œuvre poétique. Et le
486 ême par l’attrait puissant d’un désir — reviendra s’ asservir le poète… ⁂ C’est une des gloires du romantisme allemand que
487 absurdités lyriques, j’en suis parfois, devraient se garder d’affadir une telle œuvre, n’y admirant à leur coutume qu’une
488 n ordre, un sens donné… C’est par là que Chamisso s’ est sauvé de lui-même : s’il a fait Schlemihl comme on sait, en grande
489 est par là que Chamisso s’est sauvé de lui-même : s’ il a fait Schlemihl comme on sait, en grande partie à son image, il en
490 ue deux ou trois auteurs français. Encore ceux-ci s’ orientent plutôt vers l’aspect individuel du mythe de l’ombre, rejoign
491 nte célèbre serait donc bien française, et Barrès s’ en réjouit. Il va jusqu’à soutenir que l’ombre perdue serait le symbol
492 i fait, sur l’antiquité nordique du mythe, auquel se rattachent de très nombreuses coutumes populaires, antérieures de plu
493 e que chaque objet de cette terre que je convoite se fait opaque, par cela même que je le convoite… », A. Gide : Les Nouve
494 rtant de ses pieds commençait à croître lorsqu’il se promenait dans le soleil. » Ici donc, pas de fixation morbide, comme
495 . 39. Selon Paracelse toujours, l’élément sexuel se distingue de la Liquor vitae « comme l’écume d’une soupe ». La créati
496 itae « comme l’écume d’une soupe ». La créativité se purifie donc en le localisant. Il paraît alors que le freudisme ne s’
497 e localisant. Il paraît alors que le freudisme ne s’ occupe que de l’écume d’une soupe ! (ou bien l’appelle-t-il libido ?).
16 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)
498 je ne veux rien dire encore : je laisse tout cela se mêler à ma vie, dans l’heureux étourdissement de la lumière maritime.
499 33 Premiers contacts avec les gens. — Le village se termine au bout de notre jardin. Passé la porte, on enfile une petite
500 côtés de la place généralement vide, les maisons s’ alignent en ordre modeste, peintes en tons clairs et simples, blanc, j
501 ples, blanc, jaune ou vert. La couleur des volets s’ harmonise avec chaque façade d’une manière subtile et précise qui en d
502 ieu. Son supérieur lui a confirmé qu’un manuscrit s’ affranchit comme une lettre. Il faut donc que je m’exécute, sinon c’es
503 ui apparaît entre les gens d’ici et moi dès qu’il s’ agit de mon travail et de ses conditions pratiques. Petits ennuis sans
504 (sinon dépenserais-je tant à son guichet ?), mais s’ il savait que j’ai dépensé près de 600 francs depuis trois semaines, i
505 de jours auparavant, un petit hérisson était venu se mettre en boule dans la plate-bande qui borde la maison, sous ma fenê
506 te que la porte d’entrée joint mal le seuil, tout s’ explique sans peine désormais, grâce à la phrase de Colette. Je rappor
507 plus rien. Pour celui qui vit au jour le jour, il s’ agit essentiellement d’éviter les lacunes de cette sorte. (Ce que l’on
508 expérience de deux mois, c’est que la liberté ne s’ improvise pas. Qu’il faut la conquérir avec méthode, et organiser à l’
509 s pages, l’auteur peint notamment le milieu où il s’ est retiré, une petite île vendéenne. »
17 1937, Articles divers (1936-1938). Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)
510 faut parler des « autocars ». Je ne sais si l’on se doute à Paris de l’importance des autocars et des transformations qu’
511 tortillards cahotants, jamais à l’heure, où l’on se sentait relégué à l’écart de la « vraie » circulation. Et l’on ne voy
512 cela vous pose dans l’esprit des populations, on se sent maître à bord de sa puissante machine, et l’on bénéficie de ces
513 ’un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’ écria : « Ah ! cher monsieur, je vous envie ! Vous avez un rôle magnif
514 n moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se puisse imaginer, dans les antres rédactionnels. Je dis les antres. De
515 humaine, quel luxe d’énergie ou d’invention qui, s’ ils les possédaient vraiment, feraient de leurs détenteurs non point d
516 effort de restauration morale — et sociale — qui s’ impose aux nouvelles générations. Par les menues expériences d’une vie
18 1937, Articles divers (1936-1938). « Subjectivité et transcendance », Lettre de M. Denis de Rougemont (décembre 1937)
517 voulez-vous — ou veulent-ils — que la philosophie se purifie de théologie ? La théologie vaut bien la science. C’est même
19 1938, Articles divers (1936-1938). Réponse à Pierre Beausire (15 janvier 1938)
518 rendre le pouvoir, il faut convaincre, sinon l’on se verra contraint d’exercer cette dictature que l’on se proposait juste
519 erra contraint d’exercer cette dictature que l’on se proposait justement de combattre, et qui est celle de l’État totalita
520 t que les suivre et les approuver. » En somme, il se rangerait à nos côtés pour l’essentiel de ce que nous avons dit dans
521 e que nous avons dit dans notre numéro spécial81. S’ il nous attaque, c’est sur des points que nous n’avons pas abordés, et
522 ne jamais. Précisons. ⁂ « Au nom de quel principe s’ insurgent-ils ? » demande M. Beausire. C’est au nom du personnalisme.
523 ’humanité. » Erreur totale et malentendu maximum. S’ il fallait à tout prix reprendre les termes choisis par M. Beausire lu
524 !). Le personnalisme est bien plus qu’une morale, s’ il en suppose une. Il est, à mon sens, la tradition centrale de l’Occi
525 grande efficacité. Le mouvement personnaliste ne s’ est constitué comme tel, et n’a pris ce nom, que parce que dans l’Euro
526 pris ce nom, que parce que dans l’Europe actuelle se déchaînent des puissances de mort, spirituelles et matérielles, radic
527 forts créateurs. Cette prise de conscience active s’ est effectuée diversement selon les milieux et les groupes. En France,
528 selon les milieux et les groupes. En France, elle s’ est traduite surtout en termes catholiques et en termes proudhoniens ;
529 une organisation de la cité qui leur permette de s’ exprimer. Telle est la forme que revêt « la charité personnaliste », p
530 onnaissent l’Histoire, et savent de quoi l’Europe s’ est faite. Pierre Beausire ne craint pas de proclamer que « si l’on ve
531 onie M. Beausire joint à son vœu final : « Qu’ils s’ emparent hardiment du pouvoir dans cet État, et, en manifestant la nob
532 les et les sceptiques, pour ceux qui craignent de se perdre en s’engageant, et préfèrent la littérature ; si ce n’est pas
533 eptiques, pour ceux qui craignent de se perdre en s’ engageant, et préfèrent la littérature ; si ce n’est pas une manière d
20 1938, Articles divers (1936-1938). Søren Kierkegaard (février 1938)
534 ir affaire aux banques, et lorsqu’il mourut, l’on s’ aperçut qu’il n’en restait que 200 francs. Cette fortune provenait d’u
535 27 ans, il terminait ses études de théologie, et se fiançait avec une jeune fille de 18 ans, Régine Olsen. Tout le monde
536 t rompues au bout d’un an. L’idée que Kierkegaard s’ était formée du mariage était trop absolue pour comporter une réalisat
537 venait de composer tout en marchant. À l’aube, il s’ accordait quelque répit, errait sur les quais déserts du port, ou gagn
538 it les forêts qui avoisinent la capitale. Puis il se remettait à écrire. Vers midi, on le voyait parcourir les rues les pl
539 eux voir le fond chrétien de sa pensée, le public s’ écarta, effrayé. Et lorsqu’en 1831, il se mit à attaquer avec une extr
540 e public s’écarta, effrayé. Et lorsqu’en 1831, il se mit à attaquer avec une extrême violence, le christianisme officiel e
541 nce, le christianisme officiel et ses évêques, il se vit abandonné dans la plus complète solitude qu’ait sans doute jamais
542 dans son Point de vue explicatif sur mon œuvre — se rapporte à ce seul problème : « comment peut-on devenir chrétien ». C
543 r. Était-ce celle d’un témoin de la vérité ? Non, s’ écriait Kierkegaard : Un témoin de la vérité, c’est un homme dont la
544 monde ne tolère jamais la passion spirituelle qui se déclare dans sa pureté. La plupart des gens vivent dans une confusion
545 et n’en conçoivent pas de malaise. D’autres, qui s’ essaient à penser en fin de semaine, comme on fait un peu d’ordre dans
546 ormes — de la vie telle qu’ils la découvrent. Ils se rendorment, ou bien édifient des systèmes (qu’ils se garderont d’habi
547 rendorment, ou bien édifient des systèmes (qu’ils se garderont d’habiter). Ceux qui persistent cependant, s’aperçoivent qu
548 deront d’habiter). Ceux qui persistent cependant, s’ aperçoivent que l’entreprise pourrait être mortellement compromettante
549 force les hommes à être attentifs. Ah ! Dieu sait s’ ils deviennent attentifs, ils le tuent. Mais c’est là ce qu’il voulait
550 orces spirituelles et toute son œuvre d’écrivain… S’ il reste en vie, dit-il, il poursuivra sa lutte religieuse, mais il cr
551 se », écrit-il. Mais cette seule chose nécessaire s’ oppose à tous nos conformismes, et même à nos plus hauts désirs. Il es
552 l est désespéré, mais c’est à cause de la foi. Et s’ il espère, c’est « en vertu de l’absurde », c’est-à-dire de l’incarnat
553 ndre : on le souffre. On l’aime, on l’injurie, on se débat sous son regard, on argumente contre sa souffrance, on craint p
554 ffrance, on craint pitié corrosive. Finalement on se rend et il refuse cette capitulation. On n’étudie pas Kierkegaard, on
555 lie le penseur à Méphisto : expérimentateurs qui se ménagent un dernier retour, guerriers qui déposent les armes avant la
556 ture à tromper le lecteur mille manières. On peut se laisser prendre à la fantaisie baroque de certaines paraboles, de cer
557 ertaines ironies polémiques. Et tout d’un coup on s’ aperçoit qu’elles nous jettent en plein drame de l’existence. Kierkega
558 gaard pour des fins politiques et temporelles. Il se dresse, au seuil de l’époque comme la plus formidable accusation viva
21 1938, Articles divers (1936-1938). Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage (avril 1938)
559 aller dire aux hommes qu’ils sont peu de chose », s’ écrie Bossuet (Sermon sur la mort, 22 mars 1662). Que dirions-nous alo
560 dirions-nous alors du sort fait à celui qui doit se montrer aux hommes tel qu’il est ? S’entendre dire que l’homme en gén
561 ui qui doit se montrer aux hommes tel qu’il est ? S’ entendre dire que l’homme en général est peu de chose, n’est pas trop
562 t peu de chose, n’est pas trop humiliant pour qui se flatte d’une image de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s
563 de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’ est pas avoué devant les autres, on peut toujours s’estimer singulier,
564 est pas avoué devant les autres, on peut toujours s’ estimer singulier, c’est-à-dire supérieur à la masse. Et ce n’est pas
565 ur à la masse. Et ce n’est pas encore franchement s’ avouer que de se comparer aux seuls humains que le métier ou notre ran
566 t ce n’est pas encore franchement s’avouer que de se comparer aux seuls humains que le métier ou notre rang social nous me
567 établi — que ces rencontres deviennent possibles, se multiplient : se « déclasser », c’est à la fois se reconnaître en vér
568 rencontres deviennent possibles, se multiplient : se « déclasser », c’est à la fois se reconnaître en vérité et rejoindre
569 e multiplient : se « déclasser », c’est à la fois se reconnaître en vérité et rejoindre l’humanité. Chômage. — On dit so
570 t ou d’aisance matérielle pour pouvoir réfléchir, se poser des problèmes nouveaux, créer… D’où résulterait qu’un certain d
571 t rappeler que la recherche du confort est ce qui s’ oppose le plus radicalement à toute culture véritable. Île de R. — L
572 t. J’ai des lettres à porter à l’autobus. Il faut s’ éloigner du village. De nouveau le noir, et l’écho de mes pas contre l
573 aire un divan. L’escalier est étroit. La descente s’ était opérée sans trop de mal lors de notre arrivée. Mais nous n’avion
574 oucher davantage à l’assurance !) Il a bien fallu se rendre à l’évidence : ce sommier implacable restera dans l’escalier c
575 Quand la propriétaire reviendra pour l’été, elle se heurtera à ce sommier monumental dans sa pose scandale et ma réputati
576 athie violente, « élan vers », dès que mon regard s’ attache un peu longuement à un visage, au corps et aux vêtements, aux
577 ce serait bien autre chose… La femme descend sans se retourner ; l’homme déplie un journal que je n’aime pas, qu’il a peut
578 ar hasard, comme il m’arrive à moi aussi, mais on se juge tout de même là-dessus… Je sors, je pense à autre chose, à quelq
579 mour. La même déception de l’amour, parce rien ne s’ est produit, rien ne peut se produire, pour tant de mauvaises raisons
580 ’amour, parce rien ne s’est produit, rien ne peut se produire, pour tant de mauvaises raisons qui sont plus fortes que nou
581 ses. « Fric », « bagnoles », « Paris-Soir », « on se défend… » La grosse petite bonne qui tire sa robe à fleurs sur le qua
582 ert du métro, enfin un être vrai. Conclusion. — S’ occuper des « petits-faits-vrais » vaut mieux que de les ignorer. Mais
583 croient dire : essaie de les comprendre quand ils se plaignent ou quand ils rient : tu ne verras, tu n’entendras et tu ne
584 tive. Il donnait à qui voulait. Après sa mort, on s’ aperçut qu’il ne restait que 250 francs dans le coffre. aa. Rougemon