1
Aucun ouvrage ne se passe mieux de préface qu’
un
bon roman. Pourtant la réussite de Max Brod n’est pas seulement de l’
2
t de l’ordre romanesque : elle est d’avoir mêlé à
un
beau drame d’amour le souvenir et davantage, la présence d’un être vr
3
e d’amour le souvenir et davantage, la présence d’
un
être vrai, qui apporte à toute l’œuvre une émouvante précision. Le pe
4
sence d’un être vrai, qui apporte à toute l’œuvre
une
émouvante précision. Le personnage de Garta, dont le lecteur ne tarde
5
rable — qu’on l’entende aux deux sens du terme —,
un
seul ouvrage a paru en français22. Ce serait assez pour donner une id
6
a paru en français22. Ce serait assez pour donner
une
idée de l’ordre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuv
7
rler. Rien d’étonnant d’ailleurs à cette réserve.
Une
sorte de stupéfaction respectueuse ; le mutisme de l’homme qui s’est
8
le mutisme de l’homme qui s’est senti touché dans
une
région de l’être dont il ignorait presque l’existence, et qui demande
9
e. Encore faut-il montrer que ce détour n’est pas
un
artifice gratuit. Vieux Pragois lui aussi, Brod fut l’ami le plus in
10
lui qui s’est chargé de publier ses œuvres, pour
une
très grande part inédites, et que Kafka lui-même, par l’excès d’un sc
11
rt inédites, et que Kafka lui-même, par l’excès d’
un
scrupule à la fois artistique et religieux, souhaitait que l’on détru
12
Max Brod s’est expliqué sur ce point délicat dans
une
note jointe à l’édition posthume du Procès : je doute que les lecteur
13
a mort de Kafka sa biographie objective. Mais par
une
sorte de compensation tout inconsciente, c’est au désir de prolonger
14
roman. Sachons-lui gré d’accorder par là même, à
un
public plus étendu, l’avance nécessaire, le gage tout humain dont cer
15
lecteurs ont besoin, pour se risquer à découvrir
un
génie tellement « étranger »… Le récit de Max Brod est librement imag
16
ami, la brève idylle de Weimar… tout cela compose
une
description exacte de la jeunesse de Kafka. Quelques faits et deux ou
17
cteur en droit, il travailla d’abord au service d’
une
compagnie d’assurances générales, puis d’une compagnie d’assurances o
18
ce d’une compagnie d’assurances générales, puis d’
une
compagnie d’assurances ouvrières. Le travail manuel l’attirait ; il s
19
. Le travail manuel l’attirait ; il s’essaya dans
un
atelier de menuiserie, puis dans une entreprise de jardinage. Lorsque
20
s’essaya dans un atelier de menuiserie, puis dans
une
entreprise de jardinage. Lorsque enfin il voulut émigrer à Berlin pou
21
otalement à son œuvre, il était déjà condamné par
une
tuberculose du larynx dont il mourut à Vienne en 1924. Il n’avait pub
22
ienne en 1924. Il n’avait publié de son vivant qu’
un
petit nombre de récits. Mais on trouva dans ses papiers les manuscrit
23
rique. Le regard qu’il y porte sur le monde est d’
une
précision proprement angoissante. Il considère notre vie quotidienne,
24
te. Il considère notre vie quotidienne, mais avec
une
minutie telle qu’on ne tarde pas à pressentir que la plupart de nos d
25
nos démarches sous-entendent et masquent à peine
une
foncière absurdité. L’état d’extrême lucidité que suscite en nous cet
26
en nous cette vision ressemble à s’y méprendre à
un
cauchemar. Mais alors que tant de poètes s’efforçaient à la même époq
27
out au moins — Kafka nous ramène sans cesse, avec
une
sorte d’humour inflexible, à la conscience la plus sobre de notre hum
28
te ses héros à pratiquer contre la vie bourgeoise
une
espèce de « grève perlée » : c’est à force de conscience, de naturel,
29
ait divers s’agrandit peu à peu aux proportions d’
une
parabole de l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’un fa
30
existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’
un
fait inexplicable et monstrueux23 survenu dans la vie de son héros, K
31
anière la plus logique sitôt qu’on les rapporte à
un
fait initial mystérieux et d’apparence extravagante. Derrière cette p
32
l’angoisse quotidienne, l’on pressent chez Kafka
des
intentions morales, une philosophie, et la recherche au moins d’une t
33
l’on pressent chez Kafka des intentions morales,
une
philosophie, et la recherche au moins d’une théologie. Tout cela, qui
34
ales, une philosophie, et la recherche au moins d’
une
théologie. Tout cela, qui n’est pas exprimé mais voilé et seulement t
35
r certaines bizarreries du récit, donne à l’œuvre
une
grandeur poétique, un pouvoir d’inquiéter presque morbide au jugement
36
du récit, donne à l’œuvre une grandeur poétique,
un
pouvoir d’inquiéter presque morbide au jugement de certains, mais aus
37
érivent sans doute de Kierkegaard, qu’il fut l’un
des
premiers à découvrir au xxe siècle. D’autre part, sa volonté de sobr
38
t, sa volonté de sobriété, d’utilité, d’éducation
des
forces spirituelles par l’activité pratique et sociale, volonté qui s
39
Rien n’est plus suggestif que cette rencontre en
un
seul homme de deux influences aussi contradictoires et à tant d’égard
40
rier. 23. Par exemple : la métamorphose subite d’
un
jeune homme en une bête innommable et même indescriptible (dans La Mé
41
mple : la métamorphose subite d’un jeune homme en
une
bête innommable et même indescriptible (dans La Métamorphose). Ou enc
42
nt celui de l’acte, c’est-à-dire de la création d’
une
possibilité nouvelle, sans précédent. Y a-t-il des actes ? L’homme d’
43
ne possibilité nouvelle, sans précédent. Y a-t-il
des
actes ? L’homme d’aujourd’hui ne le croit pas. Il croit aux lois, et
44
e. Autrement, il est animal, et soumis à la forme
des
choses, — à la commune dégradation. Ceux qui ne croient pas à l’acte,
45
émonstrations savantes qu’on nous a faites depuis
un
siècle pour nous prouver que l’acte est impossible et que le tout de
46
de l’homme est soumis au calcul, tout cet effort
des
sciences et des sociologies établit à grands frais l’évidence du dése
47
soumis au calcul, tout cet effort des sciences et
des
sociologies établit à grands frais l’évidence du désespoir : l’homme
48
ire sur la Nécessité. « Je suis le chemin ». Mais
un
chemin n’est un chemin que si on y marche4. Sinon il n’est qu’un poin
49
sité. « Je suis le chemin ». Mais un chemin n’est
un
chemin que si on y marche4. Sinon il n’est qu’un point de vue ; ou bi
50
un chemin que si on y marche4. Sinon il n’est qu’
un
point de vue ; ou bien encore le lieu d’un pur possible, et sur ces l
51
est qu’un point de vue ; ou bien encore le lieu d’
un
pur possible, et sur ces lieux règne le désespoir. Il nous faut donc
52
qu’en vertu de l’absurde » ; mais cela seul donne
un
sens à nos vies. Alors les règles, les morales et les lois qui nous d
53
tout pouvoir, s’évanouissent et meurent aux pages
des
livres. L’action de l’homme devient aussi la vérité ; et la norme de
54
arfois la prophétie fait briller devant lui comme
un
éclair. « Sachez qu’à l’origine, — lit-on dans un dialogue de Kassner
55
un éclair. « Sachez qu’à l’origine, — lit-on dans
un
dialogue de Kassner6 — toutes les créatures, le Soleil, la Terre, la
56
a perdu la vision de sa fin. Le voici prisonnier
des
formes et des nombres, esclave des lois d’un monde sur lequel il devr
57
sion de sa fin. Le voici prisonnier des formes et
des
nombres, esclave des lois d’un monde sur lequel il devrait régner. Se
58
ici prisonnier des formes et des nombres, esclave
des
lois d’un monde sur lequel il devrait régner. Seule peut l’en délivre
59
ier des formes et des nombres, esclave des lois d’
un
monde sur lequel il devrait régner. Seule peut l’en délivrer la Parol
60
ivrer la Parole prophétique qui lui advient comme
un
appel dans les ténèbres. Certains reçoivent l’ordre de parler, et c’e
61
ts, dont la vocation prophétique pareille à celle
des
hommes de Dieu qui se lèvent sous l’Ancienne Alliance, se confond ave
62
ordre reçu, et sans nulle préparation. « Comment
un
homme devient-il chrétien ? Tout simplement : prends n’importe quelle
63
n, cesse d’en désirer la possession, et vis comme
un
chrétien : au jour le jour, sans assurances et sans préparation, à la
64
nfiance et l’inquiétude, — on pourrait dire, dans
une
sorte d’humour — dans l’aventure de celui que rien ne protège et la p
65
ui qui écoute, dans le tourment et dans la joie d’
une
découverte quotidienne du chemin, — ton chemin, sur lequel tu es seul
66
e pas Tant que nous considérons le Christ avec
des
yeux de moralistes, comme une personnalité morale de premier plan qu’
67
rons le Christ avec des yeux de moralistes, comme
une
personnalité morale de premier plan qu’il ne resterait plus qu’à imit
68
’il ne resterait plus qu’à imiter, l’acte demeure
un
pur possible, un modèle d’acte, une abstraction, c’est-à-dire quelque
69
plus qu’à imiter, l’acte demeure un pur possible,
un
modèle d’acte, une abstraction, c’est-à-dire quelque chose que nous p
70
l’acte demeure un pur possible, un modèle d’acte,
une
abstraction, c’est-à-dire quelque chose que nous pouvons imaginer san
71
a foi, mais c’est peut-être simplement « singer »
un
modèle flatteur et rassurant. Et pourquoi ? Parce que « le chemin » e
72
le tant qu’on n’y est pas engagé. Parce que c’est
un
blasphème de l’homme pieux, du moraliste, que de prétendre imiter le
73
yeux voient et que sa chair perçoit (à la lecture
des
évangiles par exemple) au lieu d’écouter l’ordre, au lieu de croire e
74
d’écouter l’ordre, au lieu de croire et de faire
un
pas dans la nuit, sur ce « chemin » qui est le Christ présent. Il y a
75
tion, mais par la grâce. L’imitation suivra comme
un
fruit de la reconnaissance… Tout commence par la joie d’être aimé — e
76
e. 4. « Par rapport à l’absolu, il n’existe qu’
un
seul temps : le présent »9 Nous ne connaissons rien du Christ, du
77
foi, l’histoire s’arrêterait comme l’Aspiration d’
un
homme saisi par la beauté, et le temps immobile s’abîmerait dans l’am
78
Histoire, et dans l’absence, ou dans la nostalgie
des
temps qui viennent ; c’est pourquoi nous n’avons plus d’être que par
79
s n’avons plus d’être que par la foi, « substance
des
choses espérées », et c’est pourquoi la Parole, parmi nous, n’est que
80
e et vigilante prophétie de l’invisible. De Séir,
une
voix crie au prophète11 : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Senti
81
de la foi, le mystère du temps se dévoile ; mais
un
temps nouveau prend son cours, et sa mesure est plus mystérieuse enco
82
Car il se tient où Dieu l’a mis, et ce n’est plus
une
dérive. Il vit dans la forme du monde, mais il est ce qui la transfor
83
mps, cette histoire de l’éternité ! « Il suffit d’
un
courage purement humain pour renoncer le temps afin de gagner l’étern
84
la renoncer ; et c’est le paradoxe ; mais il faut
un
courage paradoxal et humble pour embrasser le temps en vertu de l’abs
85
naissance, initiation Les deux moments réels d’
une
vie d’homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la naissan
86
e sont la naissance et la mort, parce qu’ils sont
des
actes de Dieu. Entre la naissance et la mort — ou plutôt puisque l’ac
87
’il est dans le même instant et la mort et la vie
des
êtres qu’il promet à l’existence ; mais détruisant le temps, il le re
88
mps, il le recrée et le rédime puisqu’il lui rend
une
Mesure et un rythme en le liant au destin personnel. Ainsi l’acte abs
89
rée et le rédime puisqu’il lui rend une Mesure et
un
rythme en le liant au destin personnel. Ainsi l’acte absolu serait cr
90
Ainsi l’acte absolu serait création absolue, mais
un
acte de l’homme n’est jamais qu’une rédemption. Distinction de théolo
91
absolue, mais un acte de l’homme n’est jamais qu’
une
rédemption. Distinction de théologien, et qui veut prévenir l’orgueil
92
eil. Mais la vision de celui qui agit n’est point
un
jugement des résultats, — des créatures ; elle n’est pas davantage ap
93
vision de celui qui agit n’est point un jugement
des
résultats, — des créatures ; elle n’est pas davantage appréciation de
94
qui agit n’est point un jugement des résultats, —
des
créatures ; elle n’est pas davantage appréciation des causes. L’acte
95
créatures ; elle n’est pas davantage appréciation
des
causes. L’acte n’est jamais conséquence, il est toujours initiation.
96
ieillir, la tension de la mort et de la vie a mis
des
marques victorieuses. Qu’est-ce que la personne ? C’est la vision et
97
on à la parole dont elle procède, et si la face d’
un
homme est belle, c’est parce qu’elle est un acte et un destin, une in
98
ace d’un homme est belle, c’est parce qu’elle est
un
acte et un destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la Paro
99
mme est belle, c’est parce qu’elle est un acte et
un
destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la Parole créatric
100
le, c’est parce qu’elle est un acte et un destin,
une
initiale de l’histoire, une effigie de la Parole créatrice. 6. Le
101
un acte et un destin, une initiale de l’histoire,
une
effigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire de l’acte, c’est l
102
est le contraire du désespoir. Mais il le sait d’
une
tout autre façon que le désespéré ne l’imagine. Parce que le rapport
103
s vocation ! — s’imagine que l’acte viendra comme
un
sursaut de joie, comme une révolte, comme une affirmation désespérée
104
ue l’acte viendra comme un sursaut de joie, comme
une
révolte, comme une affirmation désespérée de son orgueil, comme la pr
105
omme un sursaut de joie, comme une révolte, comme
une
affirmation désespérée de son orgueil, comme la preuve enfin de son m
106
sir et dans la nostalgie, et son regard n’est pas
une
vision dans un visage, mais une manière de loucher vers « les autres
107
ostalgie, et son regard n’est pas une vision dans
un
visage, mais une manière de loucher vers « les autres », une chaîne q
108
regard n’est pas une vision dans un visage, mais
une
manière de loucher vers « les autres », une chaîne qui le lie à la co
109
mais une manière de loucher vers « les autres »,
une
chaîne qui le lie à la coutume du bourg ou de la classe. Comment cet
110
de la classe. Comment cet homme pourrait-il faire
un
acte ? Car l’acte est décision, rupture, isolation, quand l’être même
111
ste dans ses liens, dans sa croyance à la réalité
des
liens et de la masse, à la réalité des autres dans l’ensemble. Commen
112
la réalité des liens et de la masse, à la réalité
des
autres dans l’ensemble. Comment cet homme pourrait-il faire un acte ?
113
s l’ensemble. Comment cet homme pourrait-il faire
un
acte ? Car l’acte est immédiat, création et initiation, c’est-à-dire
114
drait donc… la créer ? « L’homme ne peut faire qu’
une
seule chose en toute sobriété, c’est l’absolu »17. Entre le désespéré
115
i vient jucher nos vies nous meut parce qu’il est
un
ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une rupture de tout drame humain
116
cher nos vies nous meut parce qu’il est un ordre,
une
Parole reçue d’ailleurs, une rupture de tout drame humain que nous pu
117
qu’il est un ordre, une Parole reçue d’ailleurs,
une
rupture de tout drame humain que nous pussions prévoir, désirer et dé
118
n que nous pussions prévoir, désirer et décrire ;
une
rupture et une vision. La présence de l’absolu dans la sobriété parfa
119
ions prévoir, désirer et décrire ; une rupture et
une
vision. La présence de l’absolu dans la sobriété parfaite et insensib
120
assé ? Me voici seul sur le chemin ; mais je vois
des
visages fraternels où s’agitait la foule confuse et menaçante. Nous n
121
éalité et le sérieux, le risque et la splendeur d’
une
vie d’homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise, un
122
ement, et dès l’origine. C’est pourquoi l’homme a
un
visage et une vision, ce que n’ont pas les animaux ; c’est pourquoi l
123
l’origine. C’est pourquoi l’homme a un visage et
une
vision, ce que n’ont pas les animaux ; c’est pourquoi l’homme est hér
124
pourquoi l’homme est héroïque. Il faut noter ici
un
trait bien remarquable : Kierkegaard a très peu parlé de vocation18.
125
la chrétienté », à cette « inconcevable illusion
des
sens », ne s’adressent-ils pas justement à la « vraisemblance » doctr
126
pas justement à la « vraisemblance » doctrinale d’
une
religion mise à la portée de « la masse », alors que la foi véritable
127
u par « le monde », il faut choisir. Il faut être
un
chrétien ou un bourgeois. Le bourgeois est sans vocation, il ne croit
128
e », il faut choisir. Il faut être un chrétien ou
un
bourgeois. Le bourgeois est sans vocation, il ne croit pas à l’acte e
129
psychologues de ce qui « se fait se faisant » est
une
antilogie chrétienne au premier chef, et non pas hindoue, comme certa
130
lu croire. Chez les hindous, elle n’est encore qu’
une
forme de l’agitation humaine. Pour le chrétien seul elle signifie une
131
tion humaine. Pour le chrétien seul elle signifie
une
transformation effective. Ou mieux encore, pour l’hindou, cette catég
132
r l’hindou, cette catégorie suppose la primauté d’
un
Esprit sans contenu ; pour le chrétien, la primauté d’une personne.
133
it sans contenu ; pour le chrétien, la primauté d’
une
personne. 5. « Ta Parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur
134
, la primauté d’une personne. 5. « Ta Parole est
une
lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier » 6. Die Chimäre, tr
135
sonne. 5. « Ta Parole est une lampe à mes pieds,
une
lumière sur mon sentier » 6. Die Chimäre, trad. française dans les
136
ridicule que de tenter de faire la psychologie d’
un
prophète, ou bien alors elle se réduirait à la grammaire et à la synt
137
nhauer est « l’idéalité » du sujet connaissant, —
une
chimère spiritualiste, une nostalgie. C’est pourquoi le temps de Kier
138
u sujet connaissant, — une chimère spiritualiste,
une
nostalgie. C’est pourquoi le temps de Kierkegaard peut connaître une
139
t pourquoi le temps de Kierkegaard peut connaître
une
rédemption par l’acte, quand celui de Schopenhauer s’évanouit en pure
140
çaise sous le titre de Traité du désespoir. C’est
une
laïcisation ! Kierkegaard se rapportait de la façon la plus précise à
141
elbst. 18. Ibid. 19. Toutefois dans le Journal
des
années 1846 à 1848, on trouve de nombreuses notations de ce genre : «
142
e : « Grande sera ma responsabilité si je rejette
une
mission de cette sorte » — c’est-à-dire s’il rejette sa mission d’écr
143
en souffrant ». Le presbytère de campagne serait
une
solution commode, surtout en regard des souffrances qu’il sait trop b
144
ne serait une solution commode, surtout en regard
des
souffrances qu’il sait trop bien que lui vaudront ses attaques contre
145
jusqu’à la mort, mais que la mort survient comme
une
absurdité, la première dans l’histoire du bourgeois, mais décisive. À
146
re dans l’histoire du bourgeois, mais décisive. À
une
enquête dont le sujet était : La rencontre la plus importante de votr
147
sonnifie de nos jours le Bourgeois, répondit avec
une
pertinence géniale : « Je n’ai jamais rencontré personne ». 21. Cra
148
Décadence
des
lieux communs (décembre 1936)e Je ne trouve pas ce jeu juste du t
149
et je ne sais même pas s’ils savent qu’il y en a
une
. Alice au Pays des Merveilles On peut penser que notre langue est pl
150
pas s’ils savent qu’il y en a une. Alice au Pays
des
Merveilles On peut penser que notre langue est plus malade que n’éta
151
e24. Le latin de Bembo et de Sadolet était encore
une
rhétorique des lieux communs. Forme vide, forme idolâtrée, c’est-à-di
152
e Bembo et de Sadolet était encore une rhétorique
des
lieux communs. Forme vide, forme idolâtrée, c’est-à-dire pure rhétori
153
seulement il est mal entendu par la grande masse
des
lecteurs ordinaires, disons des lecteurs de journaux, mais encore il
154
r la grande masse des lecteurs ordinaires, disons
des
lecteurs de journaux, mais encore il s’est divisé en une foule de dia
155
teurs de journaux, mais encore il s’est divisé en
une
foule de dialectes ésotériques. Non seulement l’écrivain moderne use
156
otériques. Non seulement l’écrivain moderne use d’
une
langue dont le lecteur moyen trouve parfaitement normal de déclarer q
157
c’est plus nouveau. Mais surtout, ils n’ont plus
un
sens auquel on puisse se référer et qui fixe vraiment l’usage : un se
158
puisse se référer et qui fixe vraiment l’usage :
un
sens commun. La plupart des débats qui nous occupent, qu’il s’agisse
159
eligion ou de littérature, nous offrent l’image d’
un
jeu dont les différents partenaires changent la règle à leur fantaisi
160
st-ce pas la partie de croquet dans Alice au pays
des
merveilles ? Les boules étaient des hérissons vivants, et les soldats
161
Alice au pays des merveilles ? Les boules étaient
des
hérissons vivants, et les soldats s’arc-boutaient sur le sol pour for
162
es soldats s’arc-boutaient sur le sol pour former
des
arceaux vivants. Quand Alice avait réussi à mettre en boule son héris
163
, celui-ci tordait son long cou et la regardait d’
un
air d’ahurissement profond. Quand elle l’avait remis en position, c’é
164
lors l’arceau-soldat qui se levait et s’en allait
un
peu plus loin. Tandis que la Reine, au comble de la fureur, parcourai
165
et la terreur domine cette anarchie, distribuant
des
condamnations d’autant plus excessives d’ailleurs que personne ne se
166
nclut Alice, combien c’est affolant de jouer avec
des
choses vivantes. » ⁂ Prenons cinq mots parmi les plus fréquents dans
167
é dans l’ordre, ou la révolution par l’esprit, ou
un
esprit patriotique, ou une patrie spirituelle… Tandis que d’autres op
168
lution par l’esprit, ou un esprit patriotique, ou
une
patrie spirituelle… Tandis que d’autres opposent l’esprit à la révolu
169
r tout le monde. Ou, parmi plusieurs sens variés,
un
sens prépondérant sur lequel puisse se faire l’accord. Or, sans parle
170
lequel puisse se faire l’accord. Or, sans parler
des
29 sens que Littré donne, pour le seul mot : esprit, si j’interroge a
171
elligence, tantôt le Saint-Esprit, tantôt le luxe
des
délicats, tantôt les facultés créatrices de l’homme, ou encore une sa
172
tôt les facultés créatrices de l’homme, ou encore
une
sagesse asiatique, ou une mentalité de classe ou simplement toute la
173
s de l’homme, ou encore une sagesse asiatique, ou
une
mentalité de classe ou simplement toute la culture et ses produits. U
174
e ou simplement toute la culture et ses produits.
Une
simple équivoque sémantique dresse parfois l’un contre l’autre deux h
175
is jouer. » ⁂ Tout le monde ou presque veut faire
une
révolution. Mais là, aux neuf sens très précis que nous donne le dict
176
nous donne le dictionnaire, il nous faut ajouter
une
dizaine de sens parfois contradictoires, créés par la crise actuelle
177
la crise actuelle et très mal distingués les uns
des
autres par la plupart de ceux qui les prononcent. Ainsi révolution si
178
voir légal, désordre et anarchie, établissement d’
une
dictature militaire, plan quinquennal, conversion personnelle, applic
179
uinquennal, conversion personnelle, application d’
une
série de mesures économiques, transmutation de toutes les valeurs mo
180
ces sens se chevauchent pour former dans l’esprit
des
polémistes les plus étranges surimpressions26. La liberté sera invoqu
181
e et arbitraire, plus rarement la revendication d’
un
équilibre vrai, d’une hiérarchie naturelle et féconde. Et quant au mo
182
rarement la revendication d’un équilibre vrai, d’
une
hiérarchie naturelle et féconde. Et quant au mot patrie, on le voit c
183
er, etc. D’où l’embrouillamini de la politique et
des
partis, et la confusion meurtrière de termes dangereusement chargés d
184
concourt à créer et aggraver cette crise du sens
des
mots et de la sémantique vivante. D’une part la somme des échanges éc
185
et de la sémantique vivante. D’une part la somme
des
échanges écrits ou verbaux a crû depuis la Renaissance dans des propo
186
crits ou verbaux a crû depuis la Renaissance dans
des
proportions formidables. D’autre part, le public capable de goûter un
187
dables. D’autre part, le public capable de goûter
une
œuvre rigoureuse ou novatrice, et qui pourrait servir de norme ou de
188
t c’est sans doute encore trop dire. Racine avait
un
millier d’auditeurs ; Valéry, Claudel, Gide, Péguy n’ont guère eu dav
189
raissaient leurs œuvres capitales. Et je doute qu’
un
Meyerson sont sérieusement compris et discuté par beaucoup plus de pe
190
inq-cent-mille exemplaires et la radio atteignent
des
millions d’auditeurs. Dans cette disproportion impressionnante entre
191
vraie culture créatrice et régulatrice et l’aire
des
sous-produits standardisés de la culture de consommation, on aperçoit
192
es ouvrages populaires à grand tirage, voilà tout
un
domaine que l’écrivain digne du nom ne contrôle pas, ne forme pas, n’
193
e « seconde zone culturelle » préparait peu à peu
un
public pour les auteurs du niveau supérieur. Cette accession démocrat
194
du niveau supérieur. Cette accession démocratique
des
grandes masses à la vie de l’esprit me paraît tout à fait improbable
195
rapidement à démonétiser les mots. Le vocabulaire
des
journaux est vague, impropre, sans saveur et sans pouvoir d’évocation
196
ns pouvoir d’évocation active du vrai. Il habitue
des
millions de lecteurs au rendu approximatif des faits, des choses, ou
197
ue des millions de lecteurs au rendu approximatif
des
faits, des choses, ou des idées. Il flatte ainsi la paresse de l’espr
198
ions de lecteurs au rendu approximatif des faits,
des
choses, ou des idées. Il flatte ainsi la paresse de l’esprit, découra
199
s au rendu approximatif des faits, des choses, ou
des
idées. Il flatte ainsi la paresse de l’esprit, décourage le sens crit
200
quoi la plupart renoncent à enseigner au milieu d’
une
rumeur générale, où leurs paroles ne sont plus distinguées du bavarda
201
ments. Écrire dès lors n’est pour eux que tromper
un
besoin d’expression qui n’a plus de mission réelle. C’est un jeu form
202
’expression qui n’a plus de mission réelle. C’est
un
jeu formel et précis, dont ils sont seuls à connaître les règles. (En
203
en plus « exquis » et par suite inapte à traduire
une
volonté d’action bientôt jugée vulgaire. ⁂ La civilisation occidental
204
e. ⁂ La civilisation occidentale aurait-elle donc
des
fins dernières à quoi elle tend ? Quand le peuple d’Israël oublie sa
205
urne de l’Éternel son Dieu, il perd aussi le sens
des
noms et bientôt sa langue délire : « Il prononce des paroles vaines,
206
noms et bientôt sa langue délire : « Il prononce
des
paroles vaines, des serments faux ! » s’écrie le prophète Osée. Quand
207
langue délire : « Il prononce des paroles vaines,
des
serments faux ! » s’écrie le prophète Osée. Quand les clercs de la Co
208
ils perdent leur autorité et suscitent contre eux
des
révoltes qui s’expriment dans des langues nouvelles, au détriment de
209
tent contre eux des révoltes qui s’expriment dans
des
langues nouvelles, au détriment de l’unité sacrée. Ainsi toujours : p
210
ité sacrée. Ainsi toujours : pour peu que le sens
des
fins vienne à faiblir et que la mesure commune cesse d’être effective
211
e et observée, l’on assiste à la même dégradation
des
instruments de la culture : — d’une part les écrivains se mettent à r
212
xpression générale, d’autre part, la grande masse
des
usagers de la langue cesse d’exercer aucun contrôle sur son parler, q
213
contrôle sur son parler, qu’elle ne soumet plus à
un
but unanime. Si bien que les écrivains ne sont plus compris du peuple
214
ons et de malentendus parfois tragiques : l’oubli
des
fins dernières entraîne nécessairement la ruine de la communauté, par
215
eul fait qu’il ruine le langage. Cette absence d’
un
principe communautaire vivant et puissant dans nos vies, c’est le dra
216
uns contre les autres et étrangers. Ils échangent
des
paroles en plus grand nombre que jamais, et ne se disent rien qui com
217
arole se détruit, quand elle n’est plus le don qu’
un
homme fait à un homme, et qui engage quelque chose de son être, c’est
218
, quand elle n’est plus le don qu’un homme fait à
un
homme, et qui engage quelque chose de son être, c’est l’amitié humain
219
humaine qui se détruit. ⁂ Telle est l’inquiétude
des
masses. Elle n’est pas d’abord matérielle, elle est d’abord cette inq
220
iétude du cœur et de l’esprit qui naît de la mort
des
amitiés. Plus angoissante encore, elle règne innommée et panique part
221
ifié, là où elle n’a pas même laissé les traces d’
une
coutume ancestrale : dans les villes. Mais ce que l’homme ne fait pas
222
le savoir, dans la cité qu’on nous a faite. C’est
une
faim, une soif, une nostalgie que tous nos gestes, à notre insu, trah
223
dans la cité qu’on nous a faite. C’est une faim,
une
soif, une nostalgie que tous nos gestes, à notre insu, trahissent. Ma
224
ité qu’on nous a faite. C’est une faim, une soif,
une
nostalgie que tous nos gestes, à notre insu, trahissent. Mais quelqu’
225
païen ignorant du vrai Dieu, les prêtres donnent
des
idoles faites à l’image des terreurs de l’homme. Dans le culte de ces
226
, les prêtres donnent des idoles faites à l’image
des
terreurs de l’homme. Dans le culte de ces images, le peuple croit tro
227
é, et il y retrouve en effet le symbole agrandi d’
un
désespoir qu’il sent vivre dans tous les cœurs. L’homme d’aujourd’hui
228
prise les religions. Il sait ce qu’il faut penser
des
prêtres et des sorciers. On lui donnera donc autre chose : les mêmes
229
ions. Il sait ce qu’il faut penser des prêtres et
des
sorciers. On lui donnera donc autre chose : les mêmes choses sous d’a
230
utre chose : les mêmes choses sous d’autres noms,
des
mystiques et des dictateurs. Les lieux communs sont morts et embaumés
231
mêmes choses sous d’autres noms, des mystiques et
des
dictateurs. Les lieux communs sont morts et embaumés : déjà, on leur
232
mmuns sont morts et embaumés : déjà, on leur fait
des
musées. Ou pire : ils n’ont jamais été vivants pour cette génération
233
u peuple avec sa vocation qui faisait la grandeur
des
cultures authentiques. Elle est devenue la loi inexorable et mécaniqu
234
loi inexorable et mécanique qui plie l’individu à
des
calculs de masses, à des disciplines extérieures, à des ambitions inh
235
ue qui plie l’individu à des calculs de masses, à
des
disciplines extérieures, à des ambitions inhumaines. Nous vivons à l’
236
lculs de masses, à des disciplines extérieures, à
des
ambitions inhumaines. Nous vivons à l’âge des mots d’ordre. L’on peut
237
, à des ambitions inhumaines. Nous vivons à l’âge
des
mots d’ordre. L’on peut penser que c’est une espèce de progrès sur l’
238
’âge des mots d’ordre. L’on peut penser que c’est
une
espèce de progrès sur l’âge des clichés bourgeois. Mais si les mots d
239
penser que c’est une espèce de progrès sur l’âge
des
clichés bourgeois. Mais si les mots d’ordre sont faux ? Si l’ordre qu
240
propagande et la publicité qui ont pris la place
des
lieux communs spirituels et effectifs ne nous ordonnent qu’à des fins
241
ns spirituels et effectifs ne nous ordonnent qu’à
des
fins provisoires ou dégradantes : l’État totalitaire, et la richesse
242
nauté de réflexes et d’obsession ? N’est-elle pas
une
somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité, — le contrair
243
toire, dans la vie de l’esprit ? 24. Extrait d’
un
ouvrage intitulé Penser avec les mains , à paraître chez Albin Miche
244
les essayistes et les politiciens modernes, avec
une
fureur sans exemple dans l’histoire de la culture, trahissent en somm
245
ence dans les revues d’avant-garde est le signe d’
une
rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de
246
nt-garde est le signe d’une rupture de contact, d’
un
impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée qui désespère
247
’une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’
un
profond pessimisme de la pensée qui désespère d’atteindre et de mouvo
248
uvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche,
des
surréalistes, etc. Ce sont des êtres isolés, qui crient très fort par
249
Cas de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce sont
des
êtres isolés, qui crient très fort parce qu’ils se sentent très loin
250
eux qu’ils interpellent, et qu’ils traitent comme
des
sourds. 26. Contrairement à ce qui se passe normalement dans les cas
251
démagogique. e. Rougemont Denis de, « Décadence
des
lieux communs », Cahiers du Sud, Marseille, décembre 1936, p. 898-905
252
férents : ils sont sur le plan de l’histoire, non
des
vérités éternelles. Placez-vous donc sur ce plan historique. Voyagez
253
nnêtes), que la dictature de Staline se rapproche
des
régimes fascistes. Essayez d’en conclure que le communisme c’est cela
254
ialectique », dont la dictature actuelle n’est qu’
un
stade nécessaire mais provisoire. Vous voilà rejeté sur le plan doctr
255
roire vos yeux, qui voient Staline, mais à croire
une
prophétie. Cependant vous demeurez sceptique : Staline, après vingt a
256
z sceptique : Staline, après vingt ans de pouvoir
des
Soviets, annonce une constitution qui renforce encore l’étatisme, et
257
, après vingt ans de pouvoir des Soviets, annonce
une
constitution qui renforce encore l’étatisme, et ne parle même plus de
258
ler ceux qui en parlent. On vous répond que c’est
une
nécessité de la tactique, dûment prévue d’ailleurs par les dialectici
259
épositaire unique de la doctrine. Quitter le plan
des
vérités éternelles pour entrer dans le plan de l’histoire, cela signi
260
à la vérité, et ne croire plus qu’à la tactique d’
un
dictateur, lequel changera la vérité tous les six mois. Mais alors de
261
Où le prendre ? En quoi peut résider l’identité d’
une
doctrine qui prétend justifier théoriquement, à quelques années d’int
262
nt, à quelques années d’intervalle, la démocratie
des
Soviets, puis la dictature de Staline ; le pacifisme à tout prix des
263
a dictature de Staline ; le pacifisme à tout prix
des
débuts et l’impérialisme actuel (si mal déguisé par la IIIe Internati
264
le capitalisme d’État de Lénine ; l’expropriation
des
patrons en 1918, puis la restauration de la propriété privée en 1933
265
; l’antimilitarisme et la création enthousiaste d’
une
armée abondamment pourvue de maréchaux ; l’égalité sociale absolue pu
266
out cela peut s’expliquer, je l’entends bien, par
des
nécessités pratiques et contingentes, et je n’ai pas à porter, ici, u
267
es et contingentes, et je n’ai pas à porter, ici,
un
jugement d’allure politique. Mais ce qui est grave, c’est de voir tan
268
ut coup (avec léger retard sur l’événement !) par
des
nécessités dites « dialectiques »… Les communistes sincères comprendr
269
yeux de qui n’a pas leur « foi », nécessairement,
un
simple opportunisme ? Que sert alors de discuter, de confronter ? « R
270
. (Pièges dans lesquels tombent les neuf dixièmes
des
adversaires du marxisme — et combien de marxistes eux-mêmes !) Si mai
271
a continuité de l’attitude communiste, au travers
des
contradictions violentes de ses témoignages successifs, je trouve tou
272
essifs, je trouve tout de même, en fin de compte,
une
grande volonté invariable : la volonté de changer le monde. Or une te
273
é invariable : la volonté de changer le monde. Or
une
telle volonté ne saurait prendre son élan que dans le sentiment insup
274
re son élan que dans le sentiment insupportable d’
un
défaut inhérent au monde. Connaître qu’il existe un mal universel, et
275
défaut inhérent au monde. Connaître qu’il existe
un
mal universel, et qu’il faut donc transformer toutes choses, tel est,
276
es analogies ? Sur ce plan seul, il m’apparaît qu’
une
confrontation soit possible. L’homme d’abord, ou le monde d’abord
277
nnu que l’homme n’existe pas isolément, qu’il est
un
être « en relation », qu’il est lié à une société42. Mais encore, à l
278
u’il est un être « en relation », qu’il est lié à
une
société42. Mais encore, à l’instar du chrétien, le marxiste croit que
279
e-même, et fait de l’homme qui s’abandonne à elle
un
être antinomique, « divisé », et comme « aliéné » de ce qu’il y a de
280
dans le diagnostic chrétien, la reconnaissance d’
une
corruption fondamentale, qui est le péché originel. Il s’ensuit que p
281
et se « regagner totalement »43 qu’à la faveur d’
une
économie44 radicalement renouvelée. Une réaction semblable — toujours
282
faveur d’une économie44 radicalement renouvelée.
Une
réaction semblable — toujours dans sa forme — dressera donc le chréti
283
t contre toute activité qui ne concourrait pas, d’
une
façon ou d’une autre, à transformer, à changer quelque chose, — à lut
284
activité qui ne concourrait pas, d’une façon ou d’
une
autre, à transformer, à changer quelque chose, — à lutter efficacemen
285
ui, tout en affirmant avec vigueur la nécessité d’
un
« changement », et d’un changement pratique, concret, visible, diverg
286
ec vigueur la nécessité d’un « changement », et d’
un
changement pratique, concret, visible, divergent cependant, d’une man
287
ratique, concret, visible, divergent cependant, d’
une
manière significative, quant aux voies et moyens qu’elles préconisent
288
c d’action. Il s’agit d’attester soit la foi, par
une
réalisation des volontés de Dieu, contrariant celles du siècle, — soi
289
’agit d’attester soit la foi, par une réalisation
des
volontés de Dieu, contrariant celles du siècle, — soit la pensée, par
290
ntrariant celles du siècle, — soit la pensée, par
une
action45 qui ne peut être que révolutionnaire. Et cependant l’opposit
291
ginelle de Marx est avant tout la mise en forme d’
une
polémique. Elle est, très consciemment, conditionnée par la situation
292
enne, ou adversaires du christianisme, tous, dans
un
commun accord, enseignaient ou laissaient entendre, par leur attitude
293
ne « l’homme intérieur » et rien que lui. C’était
une
« affaire privée » ; et Marx n’a fait que le constater. Elle n’empêch
294
le constater. Elle n’empêchait nullement de faire
des
affaires. Ni d’opprimer les ouvriers. Ni d’appeler justice, au besoin
295
son temps à dénoncer l’erreur qui est à la base d’
une
pareille imposture : il la sait trop profondément enracinée dans l’ho
296
ent enracinée dans l’homme pour être atteinte par
une
simple critique philosophique47. Or cette critique philosophique est
297
ais l’homme, que les spiritualistes abandonnent à
un
sort toujours plus inhumain. Il lui faudra donc recourir à un autre o
298
ours plus inhumain. Il lui faudra donc recourir à
un
autre ordre d’arguments : ceux que l’on dit « matérialistes ». Ce ser
299
tarienne, d’autre part la « science » infaillible
des
lois de l’évolution économique, qu’il formule. Je résume et je simpli
300
L’« esprit » du bourgeois spiritualiste n’est qu’
une
caricature, mais ses ravages sont déjà tels qu’on ne peut plus songer
301
u’on ne peut plus songer à rétablir la vérité par
des
moyens purement spirituels. Au mensonge spiritualiste, opposons l’arg
302
nge spiritualiste, opposons l’argument frappant d’
un
matérialisme polémique : nous l’appellerons matérialisme dialectique,
303
aussi l’« esprit » — bref qu’il n’est en somme qu’
une
tactique. Faisons de nécessité vertu. Proposons-nous de changer les c
304
montré déjà que la culture, par exemple, n’est qu’
un
« reflet » du processus économique ? On voit ainsi comment Marx lui-m
305
ste qu’était le matérialisme polémique, promu par
un
glissement inévitable au rang de doctrine du parti, devait sortir la
306
t tout d’abord combattu48, est devenu, après lui,
un
mensonge absolu exactement symétrique de celui des idéalistes : la cr
307
un mensonge absolu exactement symétrique de celui
des
idéalistes : la croyance que si l’on change l’ordre des choses, on ch
308
éalistes : la croyance que si l’on change l’ordre
des
choses, on change automatiquement la réalité humaine. Obligé par ses
309
rx ne se rendit pas compte qu’il allait déchaîner
un
préjugé absurde, une erreur non moins grave que celle des défenseurs
310
compte qu’il allait déchaîner un préjugé absurde,
une
erreur non moins grave que celle des défenseurs de l’esprit pur : l’e
311
ugé absurde, une erreur non moins grave que celle
des
défenseurs de l’esprit pur : l’erreur qui porte l’homme à croire que
312
ient lui expliquer en 15 volumes — dont on a fait
des
résumés — qu’il a raison de croire cela. Bien plus, Marx vient lui dé
313
l’argent ne fait pas le bonheur, sont simplement
des
exploiteurs, qui ont l’argent et qui veulent le garder — justement pa
314
qu’il fait leur bonheur ! Alors, il n’y a plus qu’
une
seule voie : instituons le plan quinquennal, créons une industrie pui
315
ule voie : instituons le plan quinquennal, créons
une
industrie puissante, faisons mieux que l’Amérique, devenons encore pl
316
ue pas de créer du bonheur. Pour réussir, il faut
une
discipline. Pour la maintenir, il faut un dictateur. Libre aux bourge
317
l faut une discipline. Pour la maintenir, il faut
un
dictateur. Libre aux bourgeois, aux scrupuleux, libre au camarade Gid
318
tactique » communistes. Mais ce serait introduire
une
confusion irrémédiable que de parler dans le même sens d’une « doctri
319
on irrémédiable que de parler dans le même sens d’
une
« doctrine » du christianisme. Le chrétien, et surtout le protestant,
320
dogmes théologiques puissent figurer la théorie d’
une
pratique49. Le christianisme n’est pas un programme ; ni, comme le di
321
orie d’une pratique49. Le christianisme n’est pas
un
programme ; ni, comme le disent certains primaires marxistes, une « i
322
ni, comme le disent certains primaires marxistes,
une
« idéologie » ; ni une tactique, cela va de soi. Parlons plutôt d’une
323
tains primaires marxistes, une « idéologie » ; ni
une
tactique, cela va de soi. Parlons plutôt d’une attitude. Et d’une att
324
ni une tactique, cela va de soi. Parlons plutôt d’
une
attitude. Et d’une attitude totale. (Je dirais bien totalitaire, si l
325
la va de soi. Parlons plutôt d’une attitude. Et d’
une
attitude totale. (Je dirais bien totalitaire, si le mot n’avait été p
326
teur ; et qu’il a pour mission actuelle d’obéir à
une
Parole qui est Jésus-Christ, le Médiateur. Mais cette Parole juge « l
327
outes les autres, dans notre Occident troublé par
un
message qu’il méconnaît, ne sont que les reflets énigmatiques de cet
328
s soyez transformés… » Cela ne signifie pas, pour
un
chrétien, que « le monde » soit abandonné. Cela ne signifie pas qu’un
329
qu’à attendre, et à subir en gémissant les lois d’
un
monde qu’il condamne ! Car alors, où serait son refus ? Et quelle pre
330
quelle preuve aurions-nous de sa transformation ?
Une
mauvaise humeur résignée ? Une simple réticence ou réserve mentale au
331
a transformation ? Une mauvaise humeur résignée ?
Une
simple réticence ou réserve mentale au sein du conformisme triomphant
332
ar la foi. L’homme nouveau, selon l’Évangile, est
un
homme qui a changé de sens. Il est orienté autrement, comme l’indique
333
ît de l’obéissance », écrit Calvin. Et que serait
une
obéissance qui ne se manifesterait pas ? La transformation personnell
334
ut donc se traduire, si elle s’est faite, que par
une
action du chrétien : contre le monde dans sa forme présente, et pour
335
encore toute transformation de la forme actuelle
des
choses, qui ne serait pas l’effet d’une conversion des hommes, ne doi
336
actuelle des choses, qui ne serait pas l’effet d’
une
conversion des hommes, ne doit être aux yeux du chrétien, qu’une réfo
337
hoses, qui ne serait pas l’effet d’une conversion
des
hommes, ne doit être aux yeux du chrétien, qu’une réforme sans grande
338
des hommes, ne doit être aux yeux du chrétien, qu’
une
réforme sans grande portée. Voilà qui paraîtra plus scandaleux. Et ce
339
pendant l’Évangile est formel : « Que servirait à
un
homme de gagner le monde, s’il perdait son âme ? » Son âme, c’est-à-d
340
vérités « purement théologiques » comme le dirait
un
incroyant. Que servirait à l’homme, tel que le voit le chrétien, de s
341
apparaisse nécessairement borné. Je me servirai d’
une
image. L’enfant qui rate son coup, ou qui se heurte contre un meuble,
342
enfant qui rate son coup, ou qui se heurte contre
un
meuble, se fâche contre les choses et les rend responsables. Il croit
343
t commencer par changer l’ordre matériel, l’ordre
des
choses, et que les hommes ensuite deviendraient plus habiles à s’ente
344
ritualisme » autant qu’à la routine et au cynisme
des
conservateurs. Saint Paul n’a pas cette tragique naïveté. Il ne se fâ
345
phé, rien ne l’eût empêché de subir le sort fatal
des
révoltes politiques : il eût revêtu les formes du pouvoir déposé51 et
346
êtu les formes du pouvoir déposé51 et renvoyant à
des
temps plus paisibles l’évangélisation — sa raison d’être — il se fût
347
acré aux tâches plus urgentes : donner du pain et
des
spectacles à la foule. Mais Paul était apôtre et non pas dictateur. C
348
tion en Christ, venu au monde. Il n’annonçait pas
un
futur hypothétique, au nom d’une théorie ardue, mais une présence imm
349
l n’annonçait pas un futur hypothétique, au nom d’
une
théorie ardue, mais une présence immédiatement active et totalement s
350
ur hypothétique, au nom d’une théorie ardue, mais
une
présence immédiatement active et totalement salutaire, au nom d’une P
351
iatement active et totalement salutaire, au nom d’
une
Personne vivante et de son amour éternel. Il annonçait l’homme changé
352
epose cette transformation dont vous parlez ? Sur
une
foi que ma raison refuse, et qu’elle m’ordonne d’ignorer. Je ne vois
353
m’ordonne d’ignorer. Je ne vois pas les effets d’
une
telle foi dans l’histoire de notre Occident52. Si je n’ai pas votre f
354
e n’ai pas votre foi, je ne les vois pas. Je vois
une
Église établie, opprimant toutes les dissidences, pactisant avec les
355
eproches apparaissent justifiés à la grande masse
des
travailleurs. Si le marxisme a provoqué parmi les « exploités » un te
356
Si le marxisme a provoqué parmi les « exploités »
un
tel soulèvement d’espérances, de telles vagues d’adhésions enthousias
357
’est dans la mesure où le christianisme, aux yeux
des
masses, n’a plus osé se montrer chrétien. C’est que le sel a perdu sa
358
le et certaine n’a plus été prêchée au monde avec
une
force d’attaque assez gênante et bouleversante. C’est que l’« esprit
359
al, perpétuel et seul réel, est devenu le gardien
des
conformismes, ou du moins n’a pas su, par excès de prudence, empêcher
360
me tel. Les chrétiens sont bien plus responsables
des
succès de Marx auprès des foules, que le marxisme n’est responsable d
361
bien plus responsables des succès de Marx auprès
des
foules, que le marxisme n’est responsable du déclin des Églises dans
362
ules, que le marxisme n’est responsable du déclin
des
Églises dans le monde moderne. C’est pourquoi les reproches du marxis
363
paroles ou en actes). Si les chrétiens gardaient
une
conscience plus fidèle, partant plus douloureuse de ce fait, je crois
364
s que l’objection chrétienne est imparable. Quand
un
marxiste me reproche de me contenter d’un changement tout spirituel,
365
. Quand un marxiste me reproche de me contenter d’
un
changement tout spirituel, et qui n’affecte en rien le cours des chos
366
tout spirituel, et qui n’affecte en rien le cours
des
choses, je suis fondé à lui répondre : « Ton reproche s’adresse à mon
367
as du tout à la foi. Car la foi, dit Luther, est ‟
une
chose inquiète”, on ne l’a pas impunément, et si on l’a, cela se voit
368
e l’a pas impunément, et si on l’a, cela se voit,
des
choses changent. Ce que tu me reproches, c’est, en fait, de n’être pa
369
isme devient prédication ! Drôle d’aventure, pour
un
dialecticien ! Si tu dis que le chrétien est celui qui ne fait rien,
370
e qui est essentiel chez Marx. Je ne critique pas
une
erreur contingente. Je ne dis pas : vous n’êtes pas assez marxistes !
371
insèquement, et dans la mesure exacte où l’on est
un
marxiste convaincu, non point dans la mesure où l’on trahit le marxis
372
ans la mesure où l’on trahit le marxisme, on fait
une
erreur fatale, irrévocable, aujourd’hui manifeste. Erreur sur l’homme
373
arxisme, alors que la critique marxiste porte sur
un
christianisme dénaturé. Et l’essentiel du marxisme, je le répète, c’e
374
non pas l’homme d’abord, et le monde par lui. Or
une
telle volonté ne peut conduire qu’à l’excès du matérialisme, non poin
375
point par la malice de Staline, mais par l’effet
des
conditions physiques et spirituelles de l’homme en ce qu’elles ont d’
376
e passé, le présent ou l’avenir53. Le problème
des
fins dernières : Royaume de Dieu ou paradis terrestre ? Nous arriv
377
mmuniste militant, ont tenté la synthèse pratique
des
deux croyances, qu’ils estimaient complémentaires. D’autres, plus nom
378
vec urgence, aux environs de 1933, de réunir dans
un
même enthousiasme, « les deux Karl », c’est-à-dire Barth et Marx !54
379
rl », c’est-à-dire Barth et Marx !54 C’est ici qu’
une
critique proprement théologique se révèle seule capable de marquer le
380
ue du communisme n’est justiciable, en soi, que d’
une
critique politique, économique, historique, etc.55 Et je ne vois pas
381
5 Et je ne vois pas que le chrétien comme tel ait
des
lumières particulières sur ces sujets, qui exigent un savoir techniqu
382
umières particulières sur ces sujets, qui exigent
un
savoir technique. Mais ce qui tombe directement sous le coup de la se
383
ulats qu’il suppose. Qu’on me permette ici d’être
un
peu schématique pour plus de clarté. Il me paraît que l’opposition fi
384
à expliquer tout le reste. Le communisme prépare
un
paradis terrestre, le paradis temporel de l’homme ; le christianisme
385
is temporel de l’homme ; le christianisme prépare
un
Royaume éternel, qui sera celui de Dieu, non de la Terre. Tous deux s
386
ce sens qu’ils rapportent leur accomplissement à
un
état dernier et invariable, à un terme futur et total, accessible au
387
ccomplissement à un état dernier et invariable, à
un
terme futur et total, accessible au travers d’une longue tribulation,
388
un terme futur et total, accessible au travers d’
une
longue tribulation, d’une longue passion temporelle. Et c’est la « fo
389
accessible au travers d’une longue tribulation, d’
une
longue passion temporelle. Et c’est la « foi », substance des choses
390
assion temporelle. Et c’est la « foi », substance
des
choses espérées, qui permet seule de supporter les maux que l’on endu
391
rétien chante sur son bûcher, le komsomol accepte
un
salaire de famine s’il faut cela pour sauver l’URSS.) Mais l’eschaton
392
que l’eschaton marxiste, temporel, s’enfuit dans
un
futur indéfini, — cent ans, mille ans ou deux-mille ans ? — et ne peu
393
phénomène de la « conversion » le fait bien voir.
Un
homme qui se convertit au christianisme, c’est un homme qui reçoit et
394
Un homme qui se convertit au christianisme, c’est
un
homme qui reçoit et qui saisit la Révélation en Personne. Et du coup
395
n’est plus le maître de sa vie. Il est l’agent d’
une
vocation venue d’ailleurs, mais pour lui seul et ici-bas, et qui anim
396
lle porte témoignage en faveur du fait accompli d’
une
révolution humaine. Le chrétien converti commence donc par la fin que
397
la personne. Et alors, il attaque le monde ! Mais
un
homme qui se convertit au communisme ne se rattache pas à une Présenc
398
i se convertit au communisme ne se rattache pas à
une
Présence actuelle. Il fait un pari dont l’objet n’est pas accessible
399
se rattache pas à une Présence actuelle. Il fait
un
pari dont l’objet n’est pas accessible aujourd’hui. Il mise son actio
400
ble aujourd’hui. Il mise son action immédiate sur
un
fait qui n’est pas accompli, l’histoire n’ayant jamais connu de réali
401
jamais connu de réalisation de communisme. Ainsi,
des
deux, c’est le marxiste qui est l’utopiste ; et c’est le chrétien qui
402
ritable…) Le marxiste dit : « Je ne table pas sur
une
foi dans l’invisible, mais sur des faits concrets qu’il faut changer.
403
table pas sur une foi dans l’invisible, mais sur
des
faits concrets qu’il faut changer. Chaque réforme obtenue, chaque rev
404
st la libération de l’homme. Et moi je lui montre
un
homme libéré, tandis qu’il ne peut me montrer que quelques conditions
405
e montrer que quelques conditions préliminaires d’
une
libération toujours future. Je marquerai encore une autre différence,
406
e libération toujours future. Je marquerai encore
une
autre différence, non moins radicale et urgente. Le chrétien converti
407
in. S’il est chrétien, il sait qu’il est membre d’
un
corps qui porte toutes les marques du péché. Il est alors en face du
408
onde, et au nom même de sa foi, dans la posture d’
un
révolutionnaire permanent. Non seulement il se voit contraint de veni
409
eçu en Christ. Il possède en lui-même la mesure d’
une
perpétuelle transformation, nécessaire dans tous les domaines où son
410
dans son effort par les gains peu à peu obtenus.
Une
balance s’établit entre les intérêts sociaux présents et le désir d’a
411
et accomplissement, ou plénitude, n’est jamais qu’
un
futur théorique, — si passionnée que soit l’espérance du marxiste — e
412
née que soit l’espérance du marxiste — et non pas
une
présence exigeante et totalement animatrice. C’est ici la raison prof
413
talement animatrice. C’est ici la raison profonde
des
déviations dites « réformistes » ou « étatistes » de la révolution ma
414
tatistes » de la révolution matérialiste. Pour qu’
une
telle pesanteur ne gagne pas sans cesse sur les élans révolutionnaire
415
Préparer le royaume de l’homme, ou témoigner par
des
actes visibles en faveur du retour d’un Royaume déjà réalisé en Chris
416
gner par des actes visibles en faveur du retour d’
un
Royaume déjà réalisé en Christ, cela suppose identiquement une volont
417
éjà réalisé en Christ, cela suppose identiquement
une
volonté de changer tout ce qui peut l’être ; mais aussi, cela suppose
418
mour et de justice, même s’il était commis au nom
des
intérêts de l’Église chrétienne, détruirait en fait cette Église en t
419
e vit dans chacun de ses membres, et non pas dans
un
ciel abstrait. Car le gage de l’action chrétienne n’est pas futur, ma
420
re en arguant que c’est le seul moyen d’accéder à
un
stade économique plus favorable au développement du socialisme. Je vo
421
traduise la vraie volonté du marxisme, plutôt qu’
un
reste d’humanisme libéral. Le fait est que la grosse majorité des com
422
nisme libéral. Le fait est que la grosse majorité
des
communistes suit Staline. D’où il résulte à l’évidence que pour la gr
423
résulte à l’évidence que pour la grosse majorité
des
communistes, le mensonge, la haine, l’oppression, l’hypocrisie suprêm
424
d’État », et jusqu’à la guerre s’il le faut, sont
des
moyens parfaitement acceptables en tant qu’ils servent le progrès pro
425
’ils servent le progrès prolétarien, et préparent
un
avenir conforme à la doctrine59. Que leur importe une « faute » perso
426
avenir conforme à la doctrine59. Que leur importe
une
« faute » personnelle et actuelle, puisqu’il n’y a pas de salut prése
427
Parti, c’est-à-dire à l’avenir du Parti, proférer
des
aveux mensongers qu’il croyait tactiquement utiles. Imaginez maintena
428
oyait tactiquement utiles. Imaginez maintenant qu’
un
vrai chrétien juge bon de s’inscrire au parti communiste ou de milite
429
de n’agir qu’en chrétien ; mais alors il devient
un
opposant, un « trotzkyste » ou un « saboteur », et à tout le moins un
430
’en chrétien ; mais alors il devient un opposant,
un
« trotzkyste » ou un « saboteur », et à tout le moins un militant sus
431
lors il devient un opposant, un « trotzkyste » ou
un
« saboteur », et à tout le moins un militant suspect. Tout cela repos
432
otzkyste » ou un « saboteur », et à tout le moins
un
militant suspect. Tout cela repose sur un fait unique, que nous pouvo
433
e moins un militant suspect. Tout cela repose sur
un
fait unique, que nous pouvons formuler simplement : la fin dernière d
434
pas ; tandis que la fin dernière du marxiste est
un
avenir absolument hétérogène aux actions qu’il peut faire aujourd’hui
435
ne aux actions qu’il peut faire aujourd’hui, dans
un
ordre non socialiste. Par où l’on voit qu’en dépit du langage, la tra
436
iste renvoie sans cesse le fait humain total dans
un
avenir indéfini, et n’engage que certaines dispositions de l’être, ce
437
e chrétien sait que le bien naît du parfait. D’
une
conséquence politique de la foi Je m’adresserai maintenant aux chr
438
ne sont pas seulement « spirituels », entraînent
des
risques financiers, et même parfois l’abandon de tous biens et d’inté
439
je demande à ces chrétiens « changés » s’ils ont
un
souci suffisant des suites sociales et politiques qu’implique en fait
440
hrétiens « changés » s’ils ont un souci suffisant
des
suites sociales et politiques qu’implique en fait leur attitude ? Et
441
je pense en particulier aux membres du Mouvement
des
Groupes, qui représentent à l’heure actuelle le christianisme le plus
442
de s’occuper de politique ? Comment se fait-il qu’
un
grand nombre d’entre eux s’en désintéressent pratiquement ? Ils me di
443
e aussi me tenait ce raisonnement, pour justifier
une
action tout inverse. Je pense qu’il faut aller plus loin60. La déviat
444
du marxisme ne doit pas seulement nous inciter à
des
condamnations toutes théoriques : elle doit nous avertir de corriger
445
otre vie chrétienne, et qui est la cause certaine
des
succès du marxisme. Tant que les chrétiens ne comprendront pas que le
446
trouvera justifié pour autant. Je ne crois pas à
une
politique chrétienne, déduite une fois pour toutes de la théologie. M
447
asses incroyantes. Il se pose là, me semble-t-il,
une
question de solidarité, qui est une forme de la charité. Parfois auss
448
semble-t-il, une question de solidarité, qui est
une
forme de la charité. Parfois aussi le devoir chrétien peut apparaître
449
iquement défini et localisé : je n’en donnerai qu’
un
seul exemple, que je crois actuel entre tous. Tout le monde sait, ou
450
e que nous l’évoquions plus haut. Toutefois, l’un
des
facteurs au moins s’est modifié notablement : les chrétiens ne formen
451
difié notablement : les chrétiens ne forment plus
des
groupuscules obscurs, ils ont constitué des églises visibles (et même
452
plus des groupuscules obscurs, ils ont constitué
des
églises visibles (et même parfois trop visibles), organisées (parfois
453
’État nouveau veut qu’on l’adore, sinon déjà dans
des
formes religieuses, du moins dans des formes qui s’opposent aux comma
454
n déjà dans des formes religieuses, du moins dans
des
formes qui s’opposent aux commandements du Décalogue, et au devoir d’
455
le martyre ? Ou qu’à revêtir vis-à-vis de l’État
une
attitude d’objecteurs de conscience ? N’avons-nous rien que nous-même
456
à sauver, alors que nos erreurs passées sont pour
une
part, peut-être capitale, dans le malheur universel qui vient ? Or to
457
rageuse qu’elle soit, devient dans le cas présent
une
complicité. L’État totalitaire ne saurait s’instaurer contre l’opinio
458
’il ne veut pas rester l’objecteur que j’ai dit ?
Un
protestant, et je précise : un calviniste, doit être ici en mesure de
459
eur que j’ai dit ? Un protestant, et je précise :
un
calviniste, doit être ici en mesure de répondre. De toutes les église
460
s précèdent : on sait assez que ce fut la lutte d’
une
royauté déjà « totalitaire » contre des groupes, loyalistes il est vr
461
a lutte d’une royauté déjà « totalitaire » contre
des
groupes, loyalistes il est vrai, mais réfractaires à certaine mise au
462
e au pas. Il serait peut-être abusif de déduire d’
une
situation déterminée par la persécution brutale, que les églises calv
463
ises calvinistes défendaient alors, par principe,
un
régime fédéraliste. Mais si nous remontons plus haut, jusqu’au règne
464
qu’au règne de François Ier, c’est-à-dire jusqu’à
une
époque où la passion totalitaire des gouvernants n’avait pas encore p
465
dire jusqu’à une époque où la passion totalitaire
des
gouvernants n’avait pas encore pu s’affirmer comme elle le fit sous L
466
line que se donnent les églises calvinistes revêt
une
forme consciemment fédérative61. Or il ne s’agit plus ici de continge
467
on personnelle suffit à expliquer ce processus. À
une
éthique charismatique62 correspond nécessairement une organisation fé
468
éthique charismatique62 correspond nécessairement
une
organisation fédéraliste de l’Église, et même de l’État. Calvin n’a p
469
’a pas fondé, comme le répètent tous les manuels,
une
société théocratique, mais bien une société de type fédératif, respec
470
les manuels, une société théocratique, mais bien
une
société de type fédératif, respectant les diversités, voulues par Die
471
les pays calvinistes, où la notion de l’autonomie
des
groupes reste vivace (Angleterre, Écosse, Suisse, Hollande). En Allem
472
Écosse, Suisse, Hollande). En Allemagne, la lutte
des
églises contre l’emprise morale de l’État fut menée, on le sait, par
473
ée, on le sait, par Karl Barth : c’est-à-dire par
un
calviniste… Je ne voudrais pas restreindre la portée de ce fait en l’
474
e, que nous voyons gagner toutes les églises, est
une
promesse à laquelle nous devons croire de toute la force de notre foi
475
tre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu’
une
conclusion que je crois valable pour tout chrétien, à quelque église
476
e qu’il appartienne. Nous avons tous reçu de Dieu
un
appel strictement personnel, un « charisme » dont nous sommes respons
477
tous reçu de Dieu un appel strictement personnel,
un
« charisme » dont nous sommes responsables. Nous ne pouvons donc pas
478
responsables. Nous ne pouvons donc pas approuver
une
forme d’État qui, par définition, contredit toute diversité, toute au
479
raison — et j’en ai mentionné plusieurs autres —,
un
chrétien ne peut pas approuver, comme chrétien, la forme politique du
480
que du communisme63. Il lui faut donc en préparer
une
autre, et prendre enfin parti, positivement, dans l’immense lutte qui
481
itaire et le fédéralisme libre. Responsabilité
des
chrétiens vis-à-vis des marxistes On connaît la « croisade antimar
482
libre. Responsabilité des chrétiens vis-à-vis
des
marxistes On connaît la « croisade antimarxiste » qu’organise dans
483
ste » qu’organise dans le monde entier la panique
des
capitalismes. Cette croisade a pour vraie devise : dividendes d’abord
484
lle entraîne beaucoup de braves gens au service d’
une
cause présentée comme une valeur de pères de famille. C’est en vérité
485
raves gens au service d’une cause présentée comme
une
valeur de pères de famille. C’est en vérité la croisade du matérialis
486
le matérialisme généreux. C’est aussi la croisade
des
fascismes contre leur frère, le stalinisme : une guerre de religions
487
des fascismes contre leur frère, le stalinisme :
une
guerre de religions qui ne sont pas les nôtres. Je prends ici parti c
488
e sont pas les nôtres. Je prends ici parti contre
une
telle entreprise, pour les mêmes raisons, mais aggravées, qui me fais
489
s qui traduit encore, obscurément, l’aspiration d’
un
Occident jadis chrétien, vers une économie sauvée : le Royaume où Die
490
, l’aspiration d’un Occident jadis chrétien, vers
une
économie sauvée : le Royaume où Dieu est « tout en tous ». Si les égl
491
s chrétiennes ont à souffrir demain par le fait d’
un
État tyrannique, il faut qu’elles sachent qu’elles en sont responsabl
492
nos libertés civiques sont brimées, par le fait d’
une
doctrine et d’un État « matérialistes », il faut savoir que nous en s
493
ues sont brimées, par le fait d’une doctrine et d’
un
État « matérialistes », il faut savoir que nous en sommes les respons
494
es responsables, dans la mesure où nous cultivons
un
esprit détaché du réel, une liberté abstentionniste et inféconde. Tou
495
sure où nous cultivons un esprit détaché du réel,
une
liberté abstentionniste et inféconde. Tout le mal vient de notre espr
496
esser contre la « vérité » déviée de Marx, contre
une
vérité orpheline, coupée des liens vivants qui l’attachaient en Dieu
497
viée de Marx, contre une vérité orpheline, coupée
des
liens vivants qui l’attachaient en Dieu à ses fins et à ses origines.
498
liste. 41. « Le communisme n’est pas pour nous
un
état qui doive être créé, un idéal… Nous appelons communisme le mouve
499
n’est pas pour nous un état qui doive être créé,
un
idéal… Nous appelons communisme le mouvement effectif qui supprimera
500
eologie). 42. « Nous sommes tous membres les uns
des
autres » (Rom., 12, 5). D’autre part, Marx n’a pas cessé de critiquer
501
critique ne peut évidemment remplacer la critique
des
armes » (Marx, Critique de le philosophie hégélienne). Il faut en use
502
er, dans les Thèses sur Feuerbach. On peut y lire
une
phrase qui prouve que Marx ne prétendait nullement négliger les facte
503
ialectique ». « La coïncidence de la modification
des
circonstances et de la modification de l’activité humaine, ou transfo
504
, ne peut être rationnellement comprise que comme
une
activité révolutionnaire. » Phrase importante à l’extrême ! Mais comb
505
n Karl Barth, par exemple, la dogmatique n’est qu’
une
question perpétuelle, une autocritique si l’on veut, que l’Église s’a
506
la dogmatique n’est qu’une question perpétuelle,
une
autocritique si l’on veut, que l’Église s’adresse à elle-même, et qui
507
é par la prédication et par les sacrements. C’est
un
acte d’obéissance, et c’est aussi un acte d’humilité ; car toute paro
508
ments. C’est un acte d’obéissance, et c’est aussi
un
acte d’humilité ; car toute parole humaine sur Dieu est nécessairemen
509
essairement inadéquate en soi, et ne peut être qu’
un
renvoi à la Révélation seule parfaite, à Jésus-Christ. La « doctrine
510
e, à Jésus-Christ. La « doctrine » n’est ainsi qu’
une
mesure critique que l’Église prend de son message sous le rapport de
511
sse comparer, fût-ce le plus superficiellement, à
un
programme théorique qu’il s’agirait maintenant d’appliquer. En bref,
512
ref, la doctrine chrétienne, si l’on veut établir
un
parallèle — sans doute dangereux — ce serait la Personne vivante de J
513
elle s’est réalisée plus tard sous Constantin par
des
moyens légaux, il est vrai, mais avec les mêmes inconvénients. Certes
514
mais avec les mêmes inconvénients. Certes il y a
des
lois de l’histoire en ce sens qu’on retrouve les mêmes mécanismes par
515
enno (Union pour la Vérité, 22 mars 1930). À quoi
un
socialiste allemand, le professeur Hans Mühlestein, rétorquait : « To
516
bsence du christianisme. » Je note ici, à l’appui
des
dires de de Man, que le mouvement syndicaliste au Japon a été fondé p
517
e mouvement syndicaliste au Japon a été fondé par
un
chrétien, Kagawa. 53. Je ne dis pas « les conditions physiques et sp
518
», car alors, le marxiste me ferait observer que
des
facteurs très essentiels de l’être même peuvent varier selon les mili
519
ême peuvent varier selon les milieux et la nature
des
institutions. (Ainsi le besoin prétendu « primordial » de propriété,
520
été, peut très bien être anéanti chez l’homme par
un
régime communiste.) Que reste-t-il dans l’être humain d’absolument ir
521
dis que toute doctrine qui ne tient pas compte d’
une
de ces conditions conduit nécessairement soit à l’idéalisme, soit à s
522
e stalinisme totalitaire résulte nécessairement d’
une
conception de l’homme purement social, qui néglige la fonction spirit
523
nécessairement de l’Évangile ! 54. Déclaration d’
un
étudiant chinois au congrès mondial de la Fédération des étudiants ch
524
diant chinois au congrès mondial de la Fédération
des
étudiants chrétiens. (Cf. Student World, automne 1933.) 55. Telle qu
525
ne 1933.) 55. Telle que l’ont opérée par exemple
un
Werner Sombart, un de Man, et en France, le groupe de l’Ordre nouveau
526
e que l’ont opérée par exemple un Werner Sombart,
un
de Man, et en France, le groupe de l’Ordre nouveau. (Cf. en particuli
527
arle ici, l’on m’entend bien, de ce que doit être
un
chrétien conséquent. Il est trop clair que nous restons, tous tant qu
528
os affaires, nos intérêts dits matériels, et ceux
des
autres ! Exemple typique : l’auteur d’un des cantiques les plus pieux
529
et ceux des autres ! Exemple typique : l’auteur d’
un
des cantiques les plus pieux du recueil anglais, sir John Browning, e
530
ceux des autres ! Exemple typique : l’auteur d’un
des
cantiques les plus pieux du recueil anglais, sir John Browning, est l
531
me homme qui contraignit la Chine, sous la menace
des
canons, à s’ouvrir au commerce de l’opium. Un tel fait donne raison e
532
ce des canons, à s’ouvrir au commerce de l’opium.
Un
tel fait donne raison en apparence à la critique marxiste. En vérité,
533
ens justes qui la préparent. Et non pas justifier
des
moyens qui seraient en soi contraires à la justice, — ou à l’essence
534
e. 59. Je ne cède pas ici à l’imagerie polémique
des
bourgeois, aux yeux desquels tout bolcheviste est un criminel en puis
535
bourgeois, aux yeux desquels tout bolcheviste est
un
criminel en puissance. Les communistes représentent chez nous, en gén
536
e (entrée dans la SDN), l’oppression (déportation
des
paysans, des écrivains), la haine de classe (prêchée par Marx) et la
537
s la SDN), l’oppression (déportation des paysans,
des
écrivains), la haine de classe (prêchée par Marx) et la guerre (pour
538
éfendre l’URSS). 60. Je n’entends pas porter ici
un
jugement quelconque sur les groupes dits d’Oxford. Je ne les cite qu’
539
fait pas de doute. « C’est, dit F. de Schickler,
une
constitution très serrée en toutes ses parties, constitution démocrat
540
l (1937)v Sens de « l’histoire » d’Israël
Un
prophète, a écrit Karl Barth, est un homme sans biographie. « Er steh
541
d’Israël Un prophète, a écrit Karl Barth, est
un
homme sans biographie. « Er steht und fallt mit seiner Mission », c’e
542
allemand et qui sans doute a perdu sa vertu pour
une
oreille habituée : « Il se lève et il tombe avec sa mission. » Nous n
543
ue c’est le message de Dieu. Jérémie n’eût été qu’
un
berger bègue si l’Éternel n’avait parlé par lui. Voici qui est digne
544
ment notable ne le prédestinait à jouer le rôle d’
un
grand prophète, — les psychologues s’y épuiseront — mais encore il y
545
ît le plus décisif, à vues humaines, s’agissant d’
un
homme appelé au ministère de la Parole. Ce qui est vrai du prophète l
546
s prophétique. Ce qui est vrai de la biographie d’
un
homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai de l’histoire profan
547
hoisit n’est pas moins vrai de l’histoire profane
des
Juifs, porteurs eux aussi d’une mission que rien en eux ne semblait p
548
’histoire profane des Juifs, porteurs eux aussi d’
une
mission que rien en eux ne semblait préparer. On peut le dire sans pa
549
our tâche de reconstituer l’évolution immanente d’
un
peuple, telle qu’on peut vraisemblablement la styliser et la chiffrer
550
r, c’est-à-dire, telle qu’elle fut déterminée par
des
facteurs en partie mesurables (géographiques, économiques, etc.), ou
551
ou moins naïvement positiviste. Que nous apprend
une
science de cet ordre sur le destin auquel étaient promises les infime
552
ui constituaient, aux origines, la nation juive ?
Une
similitude facile nous permet de l’imaginer : l’histoire n’a pas la p
553
sraël, s’il n’avait pas été « élu », eût évolué d’
une
autre sorte que tant de tribus d’Arabie qui nous offrent encore aujou
554
’Arabie qui nous offrent encore aujourd’hui, avec
une
persistance bien remarquable tous les traits caractéristiques de la c
555
s traits caractéristiques de la coutume pastorale
des
temps d’Abraham. Nous ne possédons pas un renseignement d’ordre profa
556
torale des temps d’Abraham. Nous ne possédons pas
un
renseignement d’ordre profane, qui nous explique pourquoi cette tribu
557
nquérir… Ainsi les annales d’Israël sont celles d’
une
puissance imprévue et humainement imprévisible, qui ne fut jamais imm
558
ne fut jamais immanente aux conditions médiocres
des
Hébreux. Ce que nous connaissons de leur « histoire » — mais le mot p
559
sons de leur « histoire » — mais le mot prend ici
un
sens nouveau — c’est la suite des gestes de Dieu dont ils ne furent q
560
le mot prend ici un sens nouveau — c’est la suite
des
gestes de Dieu dont ils ne furent que les instruments. Mais les instr
561
re que décrit l’Ancien Testament nous ramène avec
une
insistance innombrable et vraiment grandiose à cette opposition fonda
562
iment grandiose à cette opposition fondamentale d’
une
vocation et d’un destin, hors de laquelle on ne peut rien comprendre
563
cette opposition fondamentale d’une vocation et d’
un
destin, hors de laquelle on ne peut rien comprendre de ce qui touche
564
peut rien comprendre de ce qui touche à la nation
des
Juifs. Destin nomade, vocation messianique. Destin visible, insignifi
565
peuple et qui seule l’élève, l’assemble et donne
un
sens à la vie de chacun. Ce peuple errait sans « fin » dans le désert
566
conflit de la foi et de la vue n’est en somme qu’
un
autre aspect du conflit de la vocation et du destin. Il fait comprend
567
olte qui tourmenta sans fin les douze tribus. Car
un
but invisible aux mortels est une menace et une angoisse, au moins au
568
ouze tribus. Car un but invisible aux mortels est
une
menace et une angoisse, au moins autant qu’une promesse. Une menace p
569
ar un but invisible aux mortels est une menace et
une
angoisse, au moins autant qu’une promesse. Une menace pour les « inté
570
st une menace et une angoisse, au moins autant qu’
une
promesse. Une menace pour les « intérêts immédiats » qui se voient pa
571
et une angoisse, au moins autant qu’une promesse.
Une
menace pour les « intérêts immédiats » qui se voient par trop négligé
572
op négligés au profit d’on ne sait quel futur. Et
une
angoisse contre laquelle il est fatal que l’on cherche à se protéger
573
es Hébreux se rebellent, ils fuient dans le culte
des
faux dieux, rassurants parce que « faits de main d’homme »… Mais sans
574
que « faits de main d’homme »… Mais sans relâche,
des
prophètes reviennent pour railler durement ces idoles et les traîtres
575
voir, sont symbolisés au concret par les statues
des
idoles étrangères — car c’est le voisin qu’on imite lorsqu’on doute d
576
ême cette vocation et la foi qu’elle implique ont
un
symbole, unique et univoque : l’Arche de l’Alliance présente au sein
577
s l’origine et la fin du peuple en tant qu’il est
un
« nouveau » peuple, élu par Dieu et « mis à part »64. C’est à elle qu
578
le à peu près idéal de ce que l’on peut nommer (d’
un
terme d’ailleurs emprunté à l’antiquité hellénique) la mesure d’une c
579
rs emprunté à l’antiquité hellénique) la mesure d’
une
civilisation, le canon d’une culture et d’un ordre social, le princip
580
lénique) la mesure d’une civilisation, le canon d’
une
culture et d’un ordre social, le principe initial et final régulateur
581
e d’une civilisation, le canon d’une culture et d’
un
ordre social, le principe initial et final régulateur et en même temp
582
et en même temps animateur de toutes les œuvres d’
une
nation, tant matérielles que politiques et spirituelles65. L’histoire
583
lles que politiques et spirituelles65. L’histoire
des
civilisations nous offre certes d’autres exemples assez grandioses de
584
oureuses. (Inde ancienne, Grèce de Périclès, Rome
des
Césars, papauté médiévale, empires égyptien et aztèque, Chine des gra
585
uté médiévale, empires égyptien et aztèque, Chine
des
grandes dynasties.) Mais la mesure des tribus hébraïques se distingue
586
que, Chine des grandes dynasties.) Mais la mesure
des
tribus hébraïques se distingue de toutes les autres en ce qu’elle est
587
distingue de toutes les autres en ce qu’elle est
une
vocation adressée par un Dieu personnel, unique, éternel, transcendan
588
utres en ce qu’elle est une vocation adressée par
un
Dieu personnel, unique, éternel, transcendant. Elle n’est pas le prod
589
transcendant. Elle n’est pas le produit normal d’
une
évolution historique fécondée et cristallisée par l’intervention d’un
590
que fécondée et cristallisée par l’intervention d’
un
grand chef. Elle est donc plus « totalitaire » que toute mesure humai
591
parfaitement commune. On porte l’Arche au-devant
des
armées, dans la guerre, comme le symbole de l’unité du peuple, mais s
592
nu, s’ils oublient que le Dieu qu’ils servent est
un
Dieu qui se nomme « jaloux », les Prophètes se lèvent contre eux et d
593
n d’idolâtrie déborde ici singulièrement le culte
des
images d’où elle tire son nom. Elle embrasse tout ce qui n’est pas fo
594
t ce qui est refus d’obéissance, et imagination d’
un
autre bien. Idole tout ce qui détourne de la seule vocation. Idole to
595
es prophètes annoncent sans relâche. Mais la pire
des
idolâtries, c’est celle qui prend pour objet de son culte la mesure m
596
on culte la mesure même, la Loi en soi, abstraite
des
fins pour lesquelles elle existe. C’est l’idolâtrie qui consiste à so
597
ui consiste à soumettre l’homme à la « lettre » d’
une
législation divine, mais dont l’homme s’est emparé, et dont il fait s
598
ple honorait à peu près comme on le fit plus tard
des
Pères de l’Église, des évêques et des cardinaux : les pharisiens. Con
599
comme on le fit plus tard des Pères de l’Église,
des
évêques et des cardinaux : les pharisiens. Condamnant au nom de la Lo
600
t plus tard des Pères de l’Église, des évêques et
des
cardinaux : les pharisiens. Condamnant au nom de la Loi celui-là même
601
tion de la Loi, comme mesure du peuple hébreu, qu’
un
texte que je trouve dans le plus grand des historiens profanes des Ju
602
reu, qu’un texte que je trouve dans le plus grand
des
historiens profanes des Juifs : Josèphe. « Notre législateur (Moïse),
603
trouve dans le plus grand des historiens profanes
des
Juifs : Josèphe. « Notre législateur (Moïse), écrit-il dans sa Répons
604
été conformes. » Car il n’a pas seulement formulé
des
lois justes, complètes et très détaillées, mais il a veillé à ce qu’e
605
s de tous. Cette connaissance produit parmi nous
une
admirable conformité, parce que rien n’est si capable de la faire naî
606
nts de la grandeur de Dieu, et d’être élevés dans
une
même manière de vivre, et dans les mêmes coutumes ; car on n’entend p
607
ns doivent avoir pour objet de plaire à Dieu.
Une
culture pauvre, mais fidèle Un homme du xxe siècle ne peut, me se
608
re à Dieu. Une culture pauvre, mais fidèle
Un
homme du xxe siècle ne peut, me semble-t-il, qu’éprouver une sorte d
609
xxe siècle ne peut, me semble-t-il, qu’éprouver
une
sorte d’effroi au spectacle d’un ordre social, spirituel et matériel,
610
il, qu’éprouver une sorte d’effroi au spectacle d’
un
ordre social, spirituel et matériel, aussi fanatiquement lié et suspe
611
spendu à l’invisible. Le moderne en ressent comme
une
offense à cette liberté créatrice dans laquelle il met son orgueil. Q
612
iversité, et toute mesure ne serait à nos yeux qu’
une
occasion de dépassement… Oui, la Richesse est notre dernier dieu, et
613
hacun se refermant sur sa spécialité, se forgeant
une
langue singulière au mépris de tout « sens » commun, et convoquant en
614
mme qui se trouve posé à toute civilisation, et d’
une
manière très urgente à la nôtre, est assez clairement défini par la c
615
que l’on perd et ce que l’on gagne à sacrifier à
une
« mesure », voilà ce dont l’exemple juif nous permettra mieux que tou
616
e de juger. Que devient en effet la culture, dans
un
monde où n’est tolérée que « la seule chose nécessaire ? » L’homme q
617
ue « la seule chose nécessaire ? » L’homme qui a
une
vocation n’est pas bon à autre chose. Israël portait dans son sein l’
618
était tenté de s’oublier dans les voies vulgaires
des
autres peuples, une sorte de génie sombre lui montrait l’envers de to
619
lier dans les voies vulgaires des autres peuples,
une
sorte de génie sombre lui montrait l’envers de toute chose, et avec d
620
bre lui montrait l’envers de toute chose, et avec
des
accents d’amère ironie, proclamait que la justice à l’ancienne manièr
621
tentative de culture profane se voit assimilée à
une
révolte d’orgueil contre Dieu. La culture d’Israël sera pauvre à rais
622
la fidélité de la culture du peuple hébreu. C’est
une
ascèse : il s’agit de détruire en germe tout ce qui comblerait trop t
623
que le culte qu’il faut rendre au Dieu vivant est
une
obéissance directe « en esprit et en vérité ». Or abstraire, c’est d’
624
res qui enrobent les notions les plus hautes dans
un
vêtement quotidien ; on dirait : un vêtement de travail. Cette « pauv
625
s hautes dans un vêtement quotidien ; on dirait :
un
vêtement de travail. Cette « pauvreté » philosophique — mais quand un
626
il. Cette « pauvreté » philosophique — mais quand
un
peuple a des prophètes, a-t-il besoin de philosophes ? — est ainsi l’
627
pauvreté » philosophique — mais quand un peuple a
des
prophètes, a-t-il besoin de philosophes ? — est ainsi l’aspect négati
628
n de philosophes ? — est ainsi l’aspect négatif d’
une
splendeur poétique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien sera g
629
ou grecque, sublime dans la mesure où la synthèse
des
deux traditions sera dominée par l’élément biblique.) Seuls les grand
630
e feras pas d’image taillée, ni de représentation
des
choses qui sont en haut dans les cieux, en bas sur la terre, et dans
631
ement technique : la sagesse de Salomon n’est pas
une
connaissance des « causes » mais bien des « signatures » naturelles.
632
la sagesse de Salomon n’est pas une connaissance
des
« causes » mais bien des « signatures » naturelles. Elle ne veut pas
633
est pas une connaissance des « causes » mais bien
des
« signatures » naturelles. Elle ne veut pas utiliser les choses, mais
634
à la seule chose nécessaire : l’accomplissement d’
une
vocation spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement sont les m
635
de l’homme responsable, et dont l’esprit connaît
un
but auquel il dédie toutes ses œuvres, l’on voit que la culture la pl
636
osèphe : Quant à ce que l’on nous reproche comme
un
grand défaut, de ne nous point étudier à inventer des choses nouvelle
637
grand défaut, de ne nous point étudier à inventer
des
choses nouvelles, soit dans les arts, ou dans le langage, au lieu que
638
dence, de demeurer constamment dans l’observation
des
lois et des coutumes de nos ancêtres, parce que c’est une preuve qu’e
639
meurer constamment dans l’observation des lois et
des
coutumes de nos ancêtres, parce que c’est une preuve qu’elles ont été
640
et des coutumes de nos ancêtres, parce que c’est
une
preuve qu’elles ont été parfaitement bien établies, puisqu’il n’y a q
641
toutes choses ne sont pas mieux réglées le jour d’
une
fête solennelle, qu’elles le sont toujours parmi nous ? Chute d’I
642
éconnue prenant prétexte de la Loi, cette « ombre
des
biens à venir. » (Héb. 10, 1), pour repousser le Christ, qui était «
643
mme le dit Jésus-Christ lui-même, et elle l’est d’
une
double manière : parce qu’elle a abouti — le Messie est venu — et par
644
ondamnant celui qu’elle annonçait. Christ apporte
une
nouvelle mesure, fondant ainsi un nouvel Israël. Bien plus, il est lu
645
Christ apporte une nouvelle mesure, fondant ainsi
un
nouvel Israël. Bien plus, il est lui-même cette mesure, cette Allianc
646
ns limites et sans foyer. Sans espérance, il crée
des
utopies. Sans obéissance, il imagine des lois fatales. Sans Messie, i
647
il crée des utopies. Sans obéissance, il imagine
des
lois fatales. Sans Messie, il se fait précurseur des messies qui ne v
648
lois fatales. Sans Messie, il se fait précurseur
des
messies qui ne viendront pas… Héritage d’Israël Le christianis
649
le nationalisme exclusif du judaïsme et assumait
une
mission de portée universelle. Il revendiquait toutefois en même temp
650
Israël, et l’attraction qu’il exerçait venait non
des
principes généraux de la pensée hellénistique, mais de la pure tradit
651
de Dieu. Aussi conserva-t-elle à l’égard du monde
des
gentils cette attitude voulue de séparatisme spirituel, cet esprit d’
652
idarité sociale qui distingua l’église chrétienne
des
religions à mystères et des autres cultes orientaux de cette époque,
653
a l’église chrétienne des religions à mystères et
des
autres cultes orientaux de cette époque, et qui fit d’elle dès son ap
654
uble héritage que l’Église et l’Europe ont repris
des
mains d’Israël : héritage divin de l’« élection collective », d’une p
655
ion de retracer ici dans son ensemble l’évolution
des
éléments culturels et civilisateurs qui survécurent à la chute d’Isra
656
aussi fondamentaux pour l’Occident que la raison
des
Grecs et l’ordre des Romains. Il m’appartient seulement de préciser e
657
our l’Occident que la raison des Grecs et l’ordre
des
Romains. Il m’appartient seulement de préciser en quelques traits le
658
mparablement plus familiers que les métamorphoses
des
dieux païens. Si bien qu’on a pu dire75 que l’Ancien Testament était
659
5 que l’Ancien Testament était la vraie Antiquité
des
peuples de l’Europe protestante. Mais il y a bien davantage que cet a
660
que cet arrière-plan poétique, et ces exemples d’
une
morale parfois scandaleusement antibourgeoise ! Le thème de la vocati
661
lus profondément la « sensibilité spirituelle » d’
un
réformé. Le « peuple élu » Le simple fait que le calvinisme ait
662
imple fait que le calvinisme ait été dès le début
une
église minoritaire, en butte à la persécution, ne suffit pas à expliq
663
ressemblances si souvent signalées entre le sort
des
tribus dispersées et celui du « petit troupeau » longtemps chassé de
664
rmaux » : ils expriment le destin spirituel, dans
un
monde incrédule et rebelle, de ceux que Dieu s’est « choisis » pour t
665
on » dont ils ont l’assurance d’être l’objet, par
une
grâce périlleuse, et dans la foi, les calvinistes, dès la fin du xvie
666
n du xvie siècle, se considèrent comme chargés d’
une
mission au sein d’un monde pécheur que Dieu n’abandonne pas. De même
667
considèrent comme chargés d’une mission au sein d’
un
monde pécheur que Dieu n’abandonne pas. De même que la loi de Moïse m
668
maintenait le peuple juif, malgré le péché, dans
une
économie provisoirement vivable et propre à entretenir l’attente acti
669
tive du Messie, de même l’éthique charismatique77
des
calvinistes les amène à la conception d’une intendance des biens terr
670
que77 des calvinistes les amène à la conception d’
une
intendance des biens terrestres, dont ils auraient à assumer l’office
671
nistes les amène à la conception d’une intendance
des
biens terrestres, dont ils auraient à assumer l’office : usant de ces
672
dans le courant du xviie siècle. Max Weber, dans
une
thèse célèbre, a soutenu que c’était là l’origine du capitalisme mode
673
eu de prendre parti entre ces deux explications d’
un
phénomène économique que par ailleurs personne — non pas même Marx, q
674
ne et l’autre hypothèse rattache le capitalisme à
des
attitudes religieuses, d’où serait partie l’impulsion, attitudes anal
675
« réussissaient ». Le spiritualisme transcendant
des
Juifs d’Orient au contact des coutumes occidentales, se mue peu à peu
676
alisme transcendant des Juifs d’Orient au contact
des
coutumes occidentales, se mue peu à peu en son contraire exact : c’es
677
de provocante fut souvent prise à l’étranger pour
un
trait de caractère germanique. Mais c’est aussi l’intellectualisme st
678
logiques fortement développées dans leur race par
des
siècles d’attente de l’invisible. De même, l’ascétisme vigoureux, le
679
même, l’ascétisme vigoureux, le pessimisme actif
des
puritains anglais, cédant aux tentations du succès immédiat et contrô
680
en volonté de puissance abstraite (les fondateurs
des
trusts au siècle dernier), d’autre part en utilitarisme platement mor
681
t ; l’une et l’autre de ces déviations traduisant
une
totale perte de conscience des fins religieuses de l’éthique puritain
682
iations traduisant une totale perte de conscience
des
fins religieuses de l’éthique puritaine, et transformant en tyrannie
683
mant en tyrannie absurde ce qui était à l’origine
une
attitude d’obéissance à la foi, et de renoncement à soi-même. Corrupt
684
mènent au problème central que pose à la pensée d’
un
protestant, et particulièrement d’un calviniste, l’exemple d’Israël e
685
la pensée d’un protestant, et particulièrement d’
un
calviniste, l’exemple d’Israël et de sa chute. Toute la théologie éth
686
apparaît incarnée ? Est-il rejeté à tout jamais ?
Une
vocation est-elle donc « amissible » ? Le refus de l’homme serait-il
687
fus de l’homme serait-il donc capable de modifier
un
arrêt éternel, alors que Dieu prédestine tout homme dès avant sa nais
688
is » (v. 7). Ainsi, « c’est par suite de la faute
des
enfants d’Israël que le salut est parvenu aux païens, afin d’exciter
689
que saint Paul indique le mystérieux renversement
des
rôles au dernier jour : « Or, si leur faute a fait la richesse du mon
690
sse du monde, et leur amoindrissement la richesse
des
païens, que ne fera pas leur complet relèvement ! » (v. 12). « En eff
691
ous ne présumiez trop de votre sagesse : c’est qu’
une
partie d’Israël est tombée dans l’endurcissement jusqu’à ce que la to
692
dans l’endurcissement jusqu’à ce que la totalité
des
païens soit entrée (dans l’Église) ; et ainsi tout Israël sera sauvé
693
les » (v. 29). Hoc est verbum praeclarum ! Voilà
une
parole admirable, s’écrie Luther, à propos de ce dernier verset, dans
694
Romains. Et Calvin dit du même verset que c’est «
une
fort belle sentence ». Ainsi la vocation, du moins cette vocation79 —
695
de son salut final, dépend ainsi de la conversion
des
Juifs. Et ceci nous révèle la plus profonde raison des sentiments « a
696
uifs. Et ceci nous révèle la plus profonde raison
des
sentiments « ambivalents », comme dirait Freud, qu’ont eus de tout te
697
voir dans cette passion contradictoire le secret
des
soudaines explosions de rancune qui apparurent périodiquement au Moye
698
explication vaudrait encore pour l’antisémitisme
des
hitlériens, qui n’en serait en tout cas que le plus impur exemple. Il
699
ulement ne pourra jamais se désintéresser du sort
des
Juifs, éternellement lié au sien en vertu d’un décret de Dieu, mais e
700
t des Juifs, éternellement lié au sien en vertu d’
un
décret de Dieu, mais encore qu’elle se doit de juger Israël autrement
701
rs que nous avons à prendre position, mais au nom
des
promesses de la foi, et dans une perspective missionnaire qui réduit
702
ion, mais au nom des promesses de la foi, et dans
une
perspective missionnaire qui réduit à leurs justes proportions les th
703
qui réduit à leurs justes proportions les thèses
des
politiques nationalistes. Le drame est bien plus vaste que ne peuvent
704
que l’on prend les « signes » de la vocation pour
des
réalités valables en elles-mêmes. Mais sans doute ce glissement fatal
705
début, à mesure que l’on codifiait les relations
des
« élus » et des « gentils ». On sait à quel point cette codification
706
que l’on codifiait les relations des « élus » et
des
« gentils ». On sait à quel point cette codification fut poussée. L’h
707
Josèphe écrit dans sa Réponse à Appion (I, 2) qu’
un
registre des « femmes sacerdotales » (c’est-à-dire appartenant aux fa
708
it dans sa Réponse à Appion (I, 2) qu’un registre
des
« femmes sacerdotales » (c’est-à-dire appartenant aux familles des pr
709
rdotales » (c’est-à-dire appartenant aux familles
des
prêtres) était tenu par les sacrificateurs. « Et ils n’en épousaient
710
de peur qu’elles n’aient eu quelque commerce avec
des
étrangers. Peut-il y avoir rien de plus exact pour exempter des races
711
Peut-il y avoir rien de plus exact pour exempter
des
races tout mélange avec d’autres, puisque nos sacrificateurs peuvent,
712
d’autres, puisque nos sacrificateurs peuvent, par
des
pièces si authentiques, prouver leur descente de père en fils depuis
713
, sans qu’il lui soit plus permis de faire aucune
des
fonctions sacerdotales. » — Il est curieux de noter que les lois raci
714
a pureté de leurs origines : c’est que l’exercice
des
droits civiques est bien une sorte de « sacerdoce » national. On voit
715
c’est que l’exercice des droits civiques est bien
une
sorte de « sacerdoce » national. On voit ainsi que l’eugénisme n’est
716
sation, j’ai donné de plus amples précisions dans
un
volume intitulé Penser avec les mains , où l’on trouvera un raccourc
717
ntitulé Penser avec les mains , où l’on trouvera
un
raccourci de la présente étude. Du point de vue de l’histoire du peup
718
euple juif, ce raccourci souffre, entre autres, d’
une
très grave lacune en ce qu’il paraît conclure sur l’abandon final d’I
719
hrist. Je suis heureux de pouvoir donner ci-après
un
développement qui n’avait pas sa place dans mon livre. 66. La rédact
720
it pas sa place dans mon livre. 66. La rédaction
des
livres mosaïques est attribuée par Wellhausen et son école à des disc
721
ïques est attribuée par Wellhausen et son école à
des
disciples des grands prophètes. Ce serait donc le prophétisme, c’est-
722
ibuée par Wellhausen et son école à des disciples
des
grands prophètes. Ce serait donc le prophétisme, c’est-à-dire l’éléme
723
ui démodée. On revient à la conception ancienne :
un
chef hébreu — celui que la Bible appelle Moïse — aurait bel et bien d
724
peuple au culte du vrai Dieu — contre les prêtres
des
dieux étrangers — mais aussi ceux qui dénoncent les excès du légalism
725
ite… » (Renan, op. cit., I, p. 49). Où Renan voit
un
obscurcissement, je vois le gage d’une vive actualité, ou efficacité,
726
Renan voit un obscurcissement, je vois le gage d’
une
vive actualité, ou efficacité, du langage des clercs, identique à cel
727
e d’une vive actualité, ou efficacité, du langage
des
clercs, identique à celui des bergers. 70. Voir sur ce point : Collo
728
icacité, du langage des clercs, identique à celui
des
bergers. 70. Voir sur ce point : Colloque avec Salomon, par Albert-M
729
hmidt, dans la revue Hic et Nunc , n° 9-10. 71.
Des
études plus récentes semblent infirmer en partie ce dernier jugement
730
rtement sur cette unicité de la Révélation. C’est
un
grand lieu commun de la théologie réformée que de voir dans l’Ancien
731
du Christ avant qu’il vienne, dans les Prophètes,
des
Apôtres avant le Christ, dans les Apôtres, des Prophètes après le Chr
732
s, des Apôtres avant le Christ, dans les Apôtres,
des
Prophètes après le Christ. Ainsi la Bible n’a pas d’autre sens que de
733
Par exemple : cohésion spirituelle et matérielle
des
divers membres de ces nations éparses ou persécutées, esprit à la foi
734
ène capitaliste à l’« accumulation » de richesses
des
couvents anglais au Moyen Âge, et aux banques de l’Italie du Nord. Le
735
opos de table, présentés au public français comme
un
ouvrage capital : ils s’étonnent d’y trouver si peu de substance théo
736
igeants, n’hésitent pas à soutenir que Luther fut
un
démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race alleman
737
itent pas à soutenir que Luther fut un démagogue,
un
exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la c
738
Luther, je crois que la phrase suivante en donne
une
juste idée : « En somme, qu’est-ce que Luther ? Un moine qui a voulu
739
e juste idée : « En somme, qu’est-ce que Luther ?
Un
moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette déclaration du livre d
740
marier. » J’extrais cette déclaration du livre d’
un
critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’il
741
dit, il est juste d’insister sur la grande valeur
des
travaux de quelques spécialistes français qui, au niveau de la haute
742
e rien dire — mais cela va de soi — de l’activité
des
professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans
743
r, jointes aux diverses calomnies recueillies par
des
biographes amateurs, et à l’action de la polémique catholique (Denifl
744
méconnaître Luther, c’est ignorer ou méconnaître
un
des deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’
745
connaître Luther, c’est ignorer ou méconnaître un
des
deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occi
746
x : dans la totalité de l’être, revient à celle d’
un
christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’
747
la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’
un
christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain » parce qu’
748
effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à
un
pamphlet, encore que son volume matériel soit bien écrasant pour le g
749
nnifiée), n’est en fait que le support apparent d’
une
réflexion de plus vaste envergure, d’un témoignage qui transcende tou
750
parent d’une réflexion de plus vaste envergure, d’
un
témoignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue habit
751
opposition de cette justice de Dieu à la justice
des
hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon
752
ition codifiée ; sens de la décision totale entre
un
oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus
753
fiée ; sens de la décision totale entre un oui et
un
non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moins
754
traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas
un
système, au sens philosophique du mot, mais qu’ils s’impliquent très
755
outes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à
une
réalité dont ils ne sont que les reflets, diversement réfractés par n
756
de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’
un
Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement tou
757
de sophismes. Non seulement tous les humanistes —
des
marxistes aux vieux libéraux — y applaudissent ouvertement, mais enco
758
ue, de les faire siens, puisqu’il croit au mérite
des
œuvres ; et tous les protestants qui jugent encore que Calvin et Luth
759
n — tous ceux qui tiennent la prédestination pour
un
dogme immoral ou périmé ; ceux qui traduisent « Paix sur la terre aux
760
s. Que trouveront-ils, dès lors, dans ce Traité ?
Une
verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque
761
pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’
une
certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et têt
762
le d’une certitude pesante, vraiment « grave », d’
une
dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisage h
763
conférer à son choix la force et la simplicité d’
une
constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces qua
764
e et la simplicité d’une constatation évidente. D’
un
point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et c
765
z rares, et chez Luther assez flagrantes, pour qu’
un
lecteur qui refuse l’essentiel soit tout de même attiré et subjugué p
766
te maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef d’
un
grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est fait
767
nt, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul et
des
Apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas proprement lu
768
de toute espèce de considération psychologique. (
Un
tel homme est bien trop vivant pour faire de la psychologie ; trop en
769
nisme laïque, autonome, est simplement nié, comme
une
absurdité, une contradiction dans les termes. C’est à Érasme, en tant
770
utonome, est simplement nié, comme une absurdité,
une
contradiction dans les termes. C’est à Érasme, en tant que théologien
771
et doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’
un
moderne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais inév
772
ir, pour qu’on puisse écarter cette objection par
un
simple rappel de l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai
773
ai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’
une
« conscience moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un partisa
774
nce moderne », douée d’exigence spirituelle, avec
un
partisan du « serf arbitre » luthérien. (On peut admettre qu’un tel d
775
« serf arbitre » luthérien. (On peut admettre qu’
un
tel dialogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’un homme qu
776
ogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’
un
homme qui veut croire…) Dialogue Car Dieu peut tout à tout inst
777
tant. C’est là la santé de la foi. Kierkegaard
Une
conscience moderne. — Selon Luther, nous n’avons aucune liberté, car
778
ouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par
un
arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un luthérien. — Ma
779
rbitre qui ne tient pas compte de nos exploits !
Un
luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies règles du jeu ? Qui
780
les du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie était
une
partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou encore entre l
781
i reconnues ; à m’affirmer dans mon autonomie par
un
acte qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’il le faut ! L.
782
on autonomie par un acte qui crée ma liberté, par
un
acte de révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel po
783
volte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir
un
tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit
784
e suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est
une
hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la
785
ns me dire qu’elles sont prévues ! Et prévues par
un
Dieu éternel, qui alors se joue de moi indignement ! Il faudra donc c
786
ent, n’existe plus pour toi ? Fermer les yeux sur
une
réalité, ce n’est pas la supprimer en fait. Mais c’est peut-être se p
787
river de son secours, ou encore la transformer en
une
menace obscure… Il y a une double prédestination : l’une au salut, l’
788
core la transformer en une menace obscure… Il y a
une
double prédestination : l’une au salut, l’autre à la damnation. Être
789
dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’
une
mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’i
790
aire la source de tout acte et de toute création,
une
invention totale et perpétuelle, une actualité permanente, la seule c
791
te création, une invention totale et perpétuelle,
une
actualité permanente, la seule chose qui change quelque chose au déro
792
temps, quand elle le touche dans l’instant (dans
un
« atome » de temps, comme l’écrit Paul) ?33 Qui t’assure que notre ra
793
capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’
une
éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre vie
794
ce scandale d’une éternité seule actuelle ? C’est
un
mystère plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’un faible é
795
plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’
un
faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent
796
on n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est
un
mystère que le croyant pressent et vit au seul moment de la prière. «
797
nellement, adresse à Dieu, au nom de sa promesse,
une
prière précise et instante, ne vit-il pas ce paradoxe et ce mystère :
798
é — qui a tout prévu — peut aussi tout changer en
un
instant aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce qu’a déc
799
t pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à
une
succession. Mais au contraire, nos divers temps et successions procèd
800
ur. Quelle étrange illusion nous ferait croire qu’
une
décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est el
801
us ferait croire qu’une décision de l’Éternel est
une
décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui définit notre pré
802
e reposent pas, le plus souvent, sur cette erreur
des
plus grossières ?… C. M. — On peut aussi nier l’éternité, et affirme
803
entiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’
une
décision pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil de cette dé
804
, suffit à établir, pour le chrétien, la vérité d’
un
paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’É
805
, on peut soutenir que l’homme possède au moins «
un
faible libre arbitre »34 dans les choses du salut. Mais que le Christ
806
ait se complaire Érasme. Le problème du salut est
un
problème de vie ou de mort. Or il est seul en cause pour le théologie
807
comme le répète Luther — ce que nous nommons ici
un
paradoxe demeure une pure et simple absurdité. Mais alors, on peut se
808
her — ce que nous nommons ici un paradoxe demeure
une
pure et simple absurdité. Mais alors, on peut se demander si ceux qui
809
au contraire, ils ne la retrouvent pas, mais dans
un
plan où elle reste insoluble. Érasme était encore catholique ; son hu
810
oir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand
des
adversaires du christianisme dans les temps modernes, Nietzsche, abou
811
sme dans les temps modernes, Nietzsche, aboutit à
un
dilemme qui me paraît correspondre, terme à terme, à celui que Luther
812
elque influence inconsciente, encore bien moins à
une
coïncidence. En vérité, c’est bien du même problème qu’il s’agit. Le
813
il s’agit. Le seul problème, dès qu’on en vient à
une
épreuve radicale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est pro
814
à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois »
des
chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux »
815
érence, c’est que Nietzsche nous propose d’adorer
un
Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la Parole vi
816
d’adorer un Destin muet, tandis que nous adorons
une
Providence dont la Parole vivante s’est incarnée : « Emmanuel ! » — D
817
donnent en général : « Nous serons transformés en
un
instant, en un clin d’œil… » 34. Modiculum et minimum, écrit Érasme
818
ral : « Nous serons transformés en un instant, en
un
clin d’œil… » 34. Modiculum et minimum, écrit Érasme ! 35. Voir Ka
819
h : Nietzsches Philosophie der ewigen Wiederkunft
des
Gleichen, Berlin, 1935, p. 61, 83, 85 et suiv. en particulier. o. R
820
tume d’opposer très nettement les uns aux autres,
un
commun dénominateur d’erreur, que nous ne pourrions définir qu’en sor
821
ans le rationalisme et dans le pragmatisme, etc.,
un
ensemble de suppositions communes qui nous paraissent renfermer la vé
822
semblent organiquement liées, créant pratiquement
une
impasse absolue, nous contraint à une conception proprement révolutio
823
ratiquement une impasse absolue, nous contraint à
une
conception proprement révolutionnaire (ou « changement de plan »), qu
824
Nos analyses ne nous donnent en elles-mêmes et d’
une
façon précise rien de suffisant pour justifier ce mouvement de refus
825
al. Mais nous sentons qu’elles entraînent en nous
un
état de division intérieure. Elles opèrent dans un monde dépourvu de
826
n état de division intérieure. Elles opèrent dans
un
monde dépourvu de correspondances avec notre situation concrète. Ce n
827
i aussi, son autarchie, et qu’il puisse se donner
des
lois qui ne tiennent plus compte de la crise du monde, et de celle de
828
de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’est dégagé
des
coordonnées du moment, c’est dire que son exercice n’engage plus à ri
829
ore et dire que la pensée dont nous souffrons est
une
pensée débrayée. Un moteur débrayé n’en ronfle que mieux, d’ailleurs,
830
nsée dont nous souffrons est une pensée débrayée.
Un
moteur débrayé n’en ronfle que mieux, d’ailleurs, et fait plus de bru
831
clats les engrenages. La merveilleuse subtilité d’
une
certaine pensée critique, aujourd’hui, ne donne-t-elle pas exactement
832
Ne pourrions-nous la caractériser maintenant par
un
seul mot, qui exprime à la fois son manque de coordonnées, d’une part
833
sée et l’acte. ⁂ Que la pensée moderne repose sur
un
postulat d’inactualité, il suffit, pour s’en convaincre, de se demand
834
, il suffit, pour s’en convaincre, de se demander
un
instant ce qui arriverait dans le cas contraire. Si notre monde tient
835
ovienne, précisément, d’actualisations partielles
des
philosophies que nous repoussons ? Nous serions mal venus à le nier.
836
entre le microbe et la maladie ne peut mener qu’à
une
consomption lente, ou à des accidents violents, catastrophiques. Un t
837
ie ne peut mener qu’à une consomption lente, ou à
des
accidents violents, catastrophiques. Un tel diagnostic indique par lu
838
te, ou à des accidents violents, catastrophiques.
Un
tel diagnostic indique par lui-même la thérapeutique que nous voudrio
839
utique que nous voudrions proposer, et qui serait
un
traitement préventif par l’actualisation, c’est-à-dire par l’effort e
840
ue nous disions tout à l’heure éprouver en face d’
une
conception purement critique, ou idéaliste, ou relativiste, de l’acti
841
? Nous allons être obligés ici d’avoir recours à
une
méthode rigoureusement indirecte, et en quelque sorte négative. Car,
842
l n’y a pas de problème de la personne, mais bien
des
« choses », de l’impersonnel.) L’acte, étant immédiat au sujet, ne pe
843
en face de l’acteur. On ne peut pas photographier
un
acte, et donner ensuite la description de la photo comme la descripti
844
la description de la photo comme la description d’
un
acte. On pourrait dire tout au plus (métaphoriquement) que l’acte rév
845
’éclair de magnésium dont la photo constitue l’un
des
effets. Quant à la scène représentée par la photo, elle n’est plus qu
846
cène représentée par la photo, elle n’est plus qu’
un
objectif, inactuel en soi, et problématique. Qu’on nous permette de r
847
oblématique. Qu’on nous permette de reprendre ici
une
distinction importante introduite par M. Gabriel Marcel à la fin de s
848
les données susceptibles de fournir la matière d’
un
problème, données qui sont par là même objectives, et celles sur lesq
849
squelles il faut que l’esprit s’appuie pour poser
un
problème quelconque ». L’acte, tel que nous l’entendons, est évidemme
850
L’acte, tel que nous l’entendons, est évidemment
une
donnée de ce deuxième type, la donnée par excellence. En réalité, tou
851
llence. En réalité, toute définition s’appuie sur
une
donnée de ce type, sur un de ces « a priori de fait », comme dirait H
852
éfinition s’appuie sur une donnée de ce type, sur
un
de ces « a priori de fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative
853
tive de définition de l’acte lui-même supposerait
un
arrêt, un retour sur l’acte, c’est-à-dire un retour contre l’acte, qu
854
finition de l’acte lui-même supposerait un arrêt,
un
retour sur l’acte, c’est-à-dire un retour contre l’acte, qui en neutr
855
rait un arrêt, un retour sur l’acte, c’est-à-dire
un
retour contre l’acte, qui en neutraliserait aussitôt le dynamisme. La
856
venir qu’a posteriori, elle n’est, en réalité, qu’
une
réflexion sur les effets de l’acte. Si, au moment de sauter, l’athlèt
857
ut, il ne sautera pas. Tous ceux qui ont pratiqué
un
minimum de culture physique connaissent ce genre d’échec. C’est la co
858
t pas tout de suite, on ne partira jamais. Le jeu
des
mots traduit ici le jeu des faits. Impossible de parler de l’acte dan
859
artira jamais. Le jeu des mots traduit ici le jeu
des
faits. Impossible de parler de l’acte dans un langage arrêté ou déten
860
eu des faits. Impossible de parler de l’acte dans
un
langage arrêté ou détendu. Tout discours sur l’acte contiendra nécess
861
out discours sur l’acte contiendra nécessairement
des
mots tels que « départ », « partir » et « tout de suite ». Tout disco
862
réalité créante. Force nous est de reconnaître qu’
un
tel discours, dans l’état de notre philosophie, paraîtra peu philosop
863
ssion et l’existence. Bornons-nous à citer de lui
une
phrase bien typique par sa forme même, et qui, par ailleurs, peut écl
864
er notre débat : « L’éthique ne commence pas dans
une
ignorance qu’il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exig
865
gnorance qu’il faudrait muer en savoir, mais dans
un
savoir qui exige sa réalisation. » Nous dirions en d’autres termes :
866
ous dirions en d’autres termes : l’acte n’est pas
un
problème, mais une donnée initiale, le seul donné qui se donne à soi-
867
utres termes : l’acte n’est pas un problème, mais
une
donnée initiale, le seul donné qui se donne à soi-même. Or, cette don
868
créateur en ceci qu’il introduit dans les choses
un
rapport nouveau instituant une situation irréversible ; et il est tra
869
uit dans les choses un rapport nouveau instituant
une
situation irréversible ; et il est transcendant parce que dans ce rap
870
veau on ne trouvera rien d’autre que la matière d’
une
problématique nouvelle, un donné, ou plutôt un « abandonné » livré à
871
utre que la matière d’une problématique nouvelle,
un
donné, ou plutôt un « abandonné » livré à ses déterminations objectiv
872
d’une problématique nouvelle, un donné, ou plutôt
un
« abandonné » livré à ses déterminations objectives, et s’offrant à s
873
et s’offrant à son tour à l’éclair bouleversant d’
un
nouvel acte. Il n’y a eu d’acte que dans le présent, dans l’instant c
874
me. Cela n’entraîne pas qu’on ne puisse rien dire
des
réactions psychologiques à l’acte « as it’s known as », réactions qui
875
n as », réactions qui, elles, se manifestent dans
une
certaine durée de vibration. Le sentiment qui accompagne l’acte, c’es
876
e celui qui éprouve simultanément la résistance d’
un
objet et la victoire sur cette résistance. Moment mystérieux entre to
877
Nous appellerions volontiers cet instant le saint
des
saints de la réalité humaine, le lieu de la pureté, si la « pureté du
878
r unique, unifiant l’être vivant et le confondant
un
instant avec l’objet de son désir. On comprendra peut-être mieux main
879
divers, mais dont l’exercice se trouve être lié à
une
division préalable de notre être, par exemple à une objectivation du
880
e division préalable de notre être, par exemple à
une
objectivation du corps — de mon corps — ou à une objectivation du dev
881
une objectivation du corps — de mon corps — ou à
une
objectivation du devenir historique, ou encore à une autonomie de la
882
objectivation du devenir historique, ou encore à
une
autonomie de la raison critique. Division qui a pour effet, généralem
883
ons dégager ici, à titre d’exemple, quelques-unes
des
conséquences (méthodologiques) de notre position. ⁂ Nous ne pouvons f
884
ne pouvons faire comprendre la véritable valeur d’
une
philosophie de l’acte qu’en montrant comment ses caractères principau
885
on que par l’acte, mais l’acte est le contraire d’
une
transition. Avant de passer à l’examen de ses effets, rappelons encor
886
é de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en
un
mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas d’évolution cr
887
sera donc agonique. D’autre part, l’acte implique
un
élan vers, pour reprendre l’expression du Dr Minkowski. L’acte est l’
888
ession du Dr Minkowski. L’acte est l’éclatement d’
une
tension orientée ; il est donc aussi intention. Il n’est pas seulemen
889
eulement agonique, mais encore ordonnateur. C’est
un
conflit et une rupture, mais aussi une nouvelle mise en ordre. C’est
890
que, mais encore ordonnateur. C’est un conflit et
une
rupture, mais aussi une nouvelle mise en ordre. C’est ici que nous re
891
teur. C’est un conflit et une rupture, mais aussi
une
nouvelle mise en ordre. C’est ici que nous retrouvons, sous un aspect
892
ise en ordre. C’est ici que nous retrouvons, sous
un
aspect dynamique, la distinction esprit-matière que nous avions écart
893
e tout d’abord. L’acte créateur sépare la lumière
des
ténèbres. Son caractère dichotomique n’est pas isolé de son caractère
894
st-à-dire qu’il ne serait pas acte. L’acte n’a qu’
un
point d’application, le chaos, la discorde, le non-être, ou ce qui te
895
. C’est pourquoi les époques de conciliation sont
des
époques de décadence. Le salut n’est jamais dans le repli, dans le re
896
rmet celle du « robot » d’affaires. L’autisme est
un
fléchissement de la personnalité. D’une manière générale, l’acte pers
897
utisme est un fléchissement de la personnalité. D’
une
manière générale, l’acte personnel revêtira donc deux aspects, symbol
898
i constitue le ressort de l’activité elle-même. D’
un
côté, il y aura une joie créatrice, une conscience de libération qui
899
ort de l’activité elle-même. D’un côté, il y aura
une
joie créatrice, une conscience de libération qui est la jouissance sp
900
le-même. D’un côté, il y aura une joie créatrice,
une
conscience de libération qui est la jouissance spécifiquement humaine
901
cifiquement humaine. De l’autre côté, on trouvera
une
économie de force ou de pensée susceptible de se traduire en formules
902
aduire en formules et en mécanismes tout faits. D’
un
côté, un champ plus libre conquis pour l’esprit, de l’autre une press
903
formules et en mécanismes tout faits. D’un côté,
un
champ plus libre conquis pour l’esprit, de l’autre une pression accru
904
hamp plus libre conquis pour l’esprit, de l’autre
une
pression accrue sur l’inerte. Risque par conséquent accru aussi, puis
905
l est plus difficile de maintenir sur le qui-vive
un
empire qu’une cité étroite. En effet, à l’intérieur même de l’empire,
906
fficile de maintenir sur le qui-vive un empire qu’
une
cité étroite. En effet, à l’intérieur même de l’empire, s’établit un
907
effet, à l’intérieur même de l’empire, s’établit
un
danger qu’ignorent les pays de marche. Le sentiment de la sécurité, d
908
ment de la sécurité, de l’ennui, du vide, traduit
un
fléchissement de la tension. L’adoration de l’abstrait, c’est-à-dire
909
ntation, autrement dit de l’acte impossible, sont
des
exemples de ce fléchissement. La tentation de l’acte gratuit n’est qu
910
issement. La tentation de l’acte gratuit n’est qu’
une
forme moderne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la per
911
forme moderne de la tentation de l’inerte. C’est
un
vertige de la personnalité consécutif au relâchement de la tension et
912
e véritable. À côté de la réalité de la personne,
une
autre réalité immédiate à l’acte, c’est évidemment la connaissance. N
913
récisément que, la pensée étant la plus immédiate
des
mises en ordre, la raison est tentée de confondre cet ordre même, qui
914
tentée de confondre cet ordre même, qui n’est qu’
un
effet, avec le dynamisme qui en est cause. Ce dynamisme propre de la
915
faculté dichotomique. La science nous en donnera
un
bon exemple. En tant qu’activité, elle peut se définir par l’inventio
916
mogénéité mathématique. Elle apparaît ainsi comme
un
va-et-vient du « donné » à l’abstrait. (Conflit de l’identité et de l
917
monument ou système de règles, ne saurait être qu’
un
aspect provisoirement favorable du chaos. La vérité scientifique est
918
pour les autres hommes, la science se traduit par
une
économie d’énergie et de pensée, d’où cette zone où l’homme marche su
919
à-dire la zone du travail manuel où l’œuvre garde
un
caractère plus ou moins net de totalité. En d’autres termes, la machi
920
travail non qualifié, où l’homme ne joue plus qu’
un
rôle d’exécuteur. Remarquons que la machine n’est que le prolongement
921
rquons que la machine n’est que le prolongement d’
un
schéma mathématique, et qu’elle est elle-même prolongée par la ration
922
e prolongée par la rationalisation. Nous avons là
un
exemple saisissant de la progression par dichotomie. Progression réel
923
ession par dichotomie. Progression réelle, créant
un
double risque non moins réel, ou si l’on veut, une double tentation.
924
un double risque non moins réel, ou si l’on veut,
une
double tentation. Car, d’une part, renoncer à la machine ce serait en
925
i par l’homme considéré du point de vue social. D’
un
côté, nous trouvons l’attachement de l’homme à la terre, à la famille
926
de solidarité humaine, de valeur humaine, c’est à
une
société de personnes que l’on pense. L’homme n’atteint l’universel qu
927
homme vivant, l’homme en acte est l’affirmation d’
une
tension permanente entre ces deux pôles de l’amour : l’attachement à
928
ersel par la charité personnaliste. ⁂ Pour éviter
un
malentendu essentiel, nous tenons à souligner encore en terminant le
929
ons humaines, nous ne saurions écarter la réalité
des
résistances à cette activité. Ce n’est que dans certains domaines trè
930
pour conférer à la création issue de l’acte comme
une
forme d’éternité. Partout ailleurs, les résistances sont étroitement
931
s que sous forme de résistance. Il y a assurément
des
résistances plus ou moins favorables au ressort de l’activité, comme
932
personnalisme social, mais ce ne sont jamais que
des
résistances. Entre les deux pôles de la tension, il n’y a ni identité
933
saurait donc considérer toute médiation que comme
une
résistance à son effort immédiat, ou, pour reprendre l’expression vig
934
e l’expression vigoureuse de Kierkegaard, comme «
un
attentat métaphysique contre l’éthique ». Il faut, certes, que l’homm
935
l’éthique ». Il faut, certes, que l’homme trouve
des
points d’appui et garde une participation avec ce qui n’est pas perso
936
s, que l’homme trouve des points d’appui et garde
une
participation avec ce qui n’est pas personnel. Mais cette nécessité n
937
reprennent ici en tant que résistance à l’effort
une
sorte de réalité indépendante, ne donnent que rarement l’occasion d’u
938
ndépendante, ne donnent que rarement l’occasion d’
une
victoire évidente ; mais dans tous les domaines de l’activité humaine
939
? Le point est d’importance car il nous éclairera
un
peu sur la nature intime de l’acte créateur, dans la mesure où elle e
940
ur en tourner l’irrationalité foncière à l’aide d’
une
loi statistique, de même la méthode sociologique qui a conduit à la d
941
a part de l’orientation humaine qui s’exprime par
une
affirmation croissante de la discontinuité explosive sous forme d’ind
942
Formons
des
Clubs de presse (30 janvier 1937)f g Les raisons Chacun sait
943
Chacun sait et éprouve chaque jour, que l’état
des
dépendances financières ou des partisanneries politiques qui est celu
944
e jour, que l’état des dépendances financières ou
des
partisanneries politiques qui est celui de la presse française, rend
945
la presse française, rend à peu près impossibles
une
documentation objective et une information sincère. Le procès de la p
946
u près impossibles une documentation objective et
une
information sincère. Le procès de la presse n’est plus à faire. Sa ré
947
s et entraîne de telles incidences (les dangers d’
une
information d’État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’un mo
948
État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’
un
monopole privé) qu’il est à craindre qu’elle ne puisse s’accomplir is
949
lément. Seul le redressement radical et général d’
un
régime économique où règne aujourd’hui l’argent, libérera l’informati
950
’information. Ce n’est qu’en attaquant l’ensemble
des
trusts qu’on atteindra celui des journaux. Le but L’objet des «
951
quant l’ensemble des trusts qu’on atteindra celui
des
journaux. Le but L’objet des « Clubs de presse », en même temps
952
tteindra celui des journaux. Le but L’objet
des
« Clubs de presse », en même temps que de préparer et d’accélérer cet
953
uvent le pressant besoin, les premiers éléments d’
une
information honnête, et cela en échappant résolument aux conditions e
954
l’information officielle, chercher à obtenir, par
des
contacts personnels, des renseignements aux sources mêmes, des nouvel
955
chercher à obtenir, par des contacts personnels,
des
renseignements aux sources mêmes, des nouvelles exemptes de déformati
956
personnels, des renseignements aux sources mêmes,
des
nouvelles exemptes de déformations ou de tendances. Il s’agit, en con
957
rée spontanément, d’établir dans toute la France,
un
vaste réseau entre les hommes de bonne volonté. Les organismes
958
, dans le plus grand nombre possible de localités
un
« Club de presse ». Les adhérents se réunissent une fois par semaine,
959
rme d’informations. Le travail est centralisé par
un
« Comité central des informations », siégeant à Paris, qui envoie cha
960
Le travail est centralisé par un « Comité central
des
informations », siégeant à Paris, qui envoie chaque semaine un bullet
961
ns », siégeant à Paris, qui envoie chaque semaine
un
bulletin dactylographié condensant les résultats acquis. Il s’établit
962
ats acquis. Il s’établit ainsi, en quelque sorte,
un
double courant entre la base et le sommet, qui, après recoupements et
963
recoupements et vérifications, permet d’élaborer
une
matière définitive. Il convient de préciser que le bulletin n’est pas
964
-ci ne sont pas de simples lecteurs passifs, mais
des
membres actifs, qui participent à une œuvre commune, dans le cadre du
965
ssifs, mais des membres actifs, qui participent à
une
œuvre commune, dans le cadre du Club privé dont ils acceptent les sta
966
amme Le bulletin se divise en trois parties 1°
une
partie politique positive : documentation objective, condensée, sans
967
e, sans commentaire, ni appréciations, sur chacun
des
faits importants de la semaine. Cette première partie doit donner aux
968
ne. Cette première partie doit donner aux membres
des
clubs, une suite de « matières premières » offrant toute garantie ; 2
969
remière partie doit donner aux membres des clubs,
une
suite de « matières premières » offrant toute garantie ; 2° une parti
970
matières premières » offrant toute garantie ; 2°
une
partie critique. C’est une sorte de revue de presse commentée. On y r
971
nt toute garantie ; 2° une partie critique. C’est
une
sorte de revue de presse commentée. On y relèvera les contradictions
972
Cette partie a pour but de donner aux adhérents,
des
moyens de comprendre et de redresser la documentation que continuera
973
uera à leur fournir la presse. Elle pourrait être
une
sorte d’école permanente des lecteurs de journaux ; 3° une partie doc
974
. Elle pourrait être une sorte d’école permanente
des
lecteurs de journaux ; 3° une partie documentaire sur la presse. Tout
975
d’école permanente des lecteurs de journaux ; 3°
une
partie documentaire sur la presse. Tout en cherchant à remédier à l’a
976
nal. Dans cette partie, on réunira petit à petit,
une
documentation précise sur la structure et le mécanisme de la presse.
977
ns la commandite, la direction, la tendance, etc.
des
journaux existants ; soit par des études plus générales sur les probl
978
tendance, etc. des journaux existants ; soit par
des
études plus générales sur les problèmes financiers, professionnels, l
979
ulletin : savoir lire avec le minimum de duperie,
une
presse truquée. L’esprit Il est évident que la portée d’une tel
980
ée. L’esprit Il est évident que la portée d’
une
telle entreprise dépend de la valeur professionnelle et morale et de
981
tante. L’expérience seule permettra aux adhérents
des
clubs de vérifier le sérieux et l’indépendance du bulletin. Toutefois
982
l’initiative de la création et du fonctionnement
des
clubs de presse. Les « Clubs de presse » sont fondés et dirigés par D
983
ent nullement impliquer la ligne politique propre
des
mouvements auxquels ils appartiennent, dans une entreprise qui ne veu
984
e des mouvements auxquels ils appartiennent, dans
une
entreprise qui ne veut être qu’une œuvre stricte d’information, à l’e
985
tiennent, dans une entreprise qui ne veut être qu’
une
œuvre stricte d’information, à l’exclusivité de tout commentaire et d
986
e Rougemont. f. Rougemont Denis de, « Formons
des
clubs de presse », La Flèche, Paris, 30 janvier 1937, p. 2. g. Précé
987
s camarades et lecteurs de La Flèche le manifeste
des
clubs de presse en formation. À l’heure où la grande presse française
988
et ses trahisons. Il faut passer à l’action. Sur
un
terrain parfaitement précis et limité, celui de l’information, nous a
989
nous avons pensé que nous devions collaborer avec
des
camarades venant d’autres organisations. Ce sera certainement par ail
990
s. Ce sera certainement par ailleurs l’occasion d’
un
échange de vues qui ne peut être que fructueux pour tous. Nous faison
991
e peut être que fructueux pour tous. Nous faisons
un
appel pressant auprès de tous nos amis, frontistes ou non frontistes,
992
l’intérêt exceptionnel que présente la formation
des
clubs, pour qu’ils y collaborent activement, pour que dans leur local
993
t ils seront les instigateurs devienne rapidement
un
organisme craint et respecté. À l’heure où l’Argent-roi investit comp
994
s été si grande, nous sommes obligés de revenir à
une
forme antique de transmission : l’information orale. C’est la seule p
995
argée de réglementer à sa manière la prostitution
des
mots-clés, des lieux communs fondamentaux sur lesquelles s’édifiait l
996
enter à sa manière la prostitution des mots-clés,
des
lieux communs fondamentaux sur lesquelles s’édifiait la culture. M. d
997
le « la primauté de l’esprit ». Il fait placarder
des
affiches « Pour la défense de la liberté ». M. Vaillant-Couturier pub
998
nse de la liberté ». M. Vaillant-Couturier publie
un
manifeste intitulé Au service de l’esprit, où il est question à chaqu
999
té, c’est-à-dire qu’ils défendent l’un et l’autre
un
régime d’étatisme oppressif et de dictature de l’économique. Le résul
1000
, ce serait trop facile, ce serait enfin la trêve
des
démagogues. En réalité, les mots prennent tous les sens qu’on veut da
1001
prennent tous les sens qu’on veut dans la bouche
des
politiciens. Ils prennent de préférence un sens contraire à celui de
1002
ouche des politiciens. Ils prennent de préférence
un
sens contraire à celui de l’usage courant. (Staline dit : « Je ne sui
1003
l’usage courant. (Staline dit : « Je ne suis pas
un
dictateur » ; Mussolini fait la conquête de l’Éthiopie au nom de ce q
1004
’autre. La politique actuelle s’occupe bien moins
des
faits que des mystiques dont on se sert pour masquer, à gauche et à d
1005
itique actuelle s’occupe bien moins des faits que
des
mystiques dont on se sert pour masquer, à gauche et à droite, une imp
1006
nt on se sert pour masquer, à gauche et à droite,
une
impuissance profonde à rien changer aux faits. Or, ces mystiques repo
1007
changer aux faits. Or, ces mystiques reposent sur
des
mots. Ces mots suffirent longtemps à départager les opinions réelles
1008
ère politicienne en est venue à ce point que, par
une
double démagogie, on dit aujourd’hui liberté et autorité à droite ; p
1009
résulte que la culture qui joue tant sur le sens
des
mots et sur leur acception commune, se trouve ruinée par la politique
1010
par hasard on est de bonne foi et si de plus on a
des
choses précises à exprimer. Je réponds : écrivons pour poser ce probl
1011
t pas de problème politique plus urgent que celui
des
mots ; et qu’il n’est pas de problème culturel qui ne dépende de la p
1012
és après Werther ; ou qui entreprennent de gagner
un
million au sortir d’une lecture de Balzac ; aux boursiers dont Stendh
1013
ui entreprennent de gagner un million au sortir d’
une
lecture de Balzac ; aux boursiers dont Stendhal enfièvre l’ambition ;
1014
ouvoir contagieux est, bien sûr, tout à l’honneur
des
écrivains qui savent le communiquer à leur œuvre, et des lecteurs ass
1015
ivains qui savent le communiquer à leur œuvre, et
des
lecteurs assez ardents pour le subir autrement qu’en imagination. Et
1016
agit véritablement d’art, tant qu’il s’agit, pour
un
auteur, d’influencer le public par des moyens choisis, et de lui tran
1017
’agit, pour un auteur, d’influencer le public par
des
moyens choisis, et de lui transmettre une certaine vision du monde pl
1018
lic par des moyens choisis, et de lui transmettre
une
certaine vision du monde plus profonde, plus riche et plus vraie, que
1019
. Ils se défendent de toutes leurs forces d’avoir
une
métaphysique, une idéologie déterminée, des intentions morales, socia
1020
de toutes leurs forces d’avoir une métaphysique,
une
idéologie déterminée, des intentions morales, sociales ou politiques.
1021
avoir une métaphysique, une idéologie déterminée,
des
intentions morales, sociales ou politiques. (J’excepte deux ou trois
1022
ermes, ils influencent au hasard, gratuitement, d’
une
manière anarchique — tout en prétendant ne pas vouloir influencer, il
1023
nce de ce qu’il faudrait imposer, se contentent d’
un
opportunisme à la petite semaine, et ménagent les opinions plutôt que
1024
« romancier à succès », de nos jours, est devenu
un
simple reflet de la conscience bourgeoise moyenne. Il ne fait que tra
1025
attre, à les transformer, à les dissiper au nom d’
un
idéal personnel, et moins encore au nom d’un idéal révolutionnaire co
1026
om d’un idéal personnel, et moins encore au nom d’
un
idéal révolutionnaire cohérent. Il n’a qu’une crainte : celle de pass
1027
om d’un idéal révolutionnaire cohérent. Il n’a qu’
une
crainte : celle de passer pour autre chose qu’un « pur artiste », cel
1028
une crainte : celle de passer pour autre chose qu’
un
« pur artiste », celle de passer pour un auteur à thèse, pour un prop
1029
chose qu’un « pur artiste », celle de passer pour
un
auteur à thèse, pour un propagandiste. Cette crainte — qui ne fut jam
1030
e », celle de passer pour un auteur à thèse, pour
un
propagandiste. Cette crainte — qui ne fut jamais celle des grands art
1031
gandiste. Cette crainte — qui ne fut jamais celle
des
grands artistes — fait de notre romancier, tout simplement, le propag
1032
otre romancier, tout simplement, le propagandiste
des
goûts de sa classe. Rien n’est plus dangereusement tendancieux qu’un
1033
se. Rien n’est plus dangereusement tendancieux qu’
un
écrivain qui n’ose pas affirmer sa tendance. La contagion du roman ré
1034
sychologique actuel s’exerce uniquement au profit
des
classes possédantes et de leurs coutumes. Il n’est que de voir l’impo
1035
rée que nos romanciers attachent à la description
des
vêtements, des ameublements, des marques d’autos, et même de cigarett
1036
anciers attachent à la description des vêtements,
des
ameublements, des marques d’autos, et même de cigarettes (Paul Reboux
1037
à la description des vêtements, des ameublements,
des
marques d’autos, et même de cigarettes (Paul Reboux) de leurs personn
1038
e l’agent de publicité — plus ou moins bénévole —
des
fournisseurs d’une certaine classe. Ce romancier, et la culture qu’il
1039
ité — plus ou moins bénévole — des fournisseurs d’
une
certaine classe. Ce romancier, et la culture qu’il représente, on com
1040
ord la crise du roman, et du roman fait à l’usage
des
bourgeois, de leurs loisirs improductifs. Une telle crise ne peut êtr
1041
age des bourgeois, de leurs loisirs improductifs.
Une
telle crise ne peut être résolue par des mesures de propagande, ni pa
1042
ductifs. Une telle crise ne peut être résolue par
des
mesures de propagande, ni par des lois plus ou moins astucieuses. C’e
1043
tre résolue par des mesures de propagande, ni par
des
lois plus ou moins astucieuses. C’est toutes les bases de la culture
1044
a culture actuelle qui sont en crise. Faites-nous
des
œuvres qui affirment, qui combattent, qui militent en faveur d’un ord
1045
firment, qui combattent, qui militent en faveur d’
un
ordre vrai, donnez-nous des romans qui riment à quelque chose, il n’y
1046
i militent en faveur d’un ordre vrai, donnez-nous
des
romans qui riment à quelque chose, il n’y aura plus de crise du livre
1047
Vers
une
littérature personnaliste (20 mars 1937)j On a très vivement criti
1048
. Au lendemain de la guerre, la production écrite
des
hommes qui revenaient du front — 20 à 35 ans — connut un véritable bo
1049
es qui revenaient du front — 20 à 35 ans — connut
un
véritable boom commercial. « À nous la liberté ! » s’écriait cette gé
1050
on : elle ignorait apparemment que la liberté est
une
conquête, et non pas une facilité. Tout concourait d’ailleurs à faire
1051
mment que la liberté est une conquête, et non pas
une
facilité. Tout concourait d’ailleurs à faire passer cette erreur pour
1052
urait d’ailleurs à faire passer cette erreur pour
une
évidence. Il y avait des places vides, toute une génération tuée à re
1053
passer cette erreur pour une évidence. Il y avait
des
places vides, toute une génération tuée à remplacer. Il y avait l’inf
1054
une évidence. Il y avait des places vides, toute
une
génération tuée à remplacer. Il y avait l’inflation, et la prospérité
1055
mplacer. Il y avait l’inflation, et la prospérité
des
nouveaux riches, une avidité de sensations, une libération érotique,
1056
’inflation, et la prospérité des nouveaux riches,
une
avidité de sensations, une libération érotique, des mécènes américain
1057
é des nouveaux riches, une avidité de sensations,
une
libération érotique, des mécènes américains… Ce fut la grande Permiss
1058
e avidité de sensations, une libération érotique,
des
mécènes américains… Ce fut la grande Permission, la Permission perpét
1059
elle — jusqu’à la crise de 1930. Il nous en reste
une
génération de gloires rapides et sans ampleur, des « noms » qu’un seu
1060
ne génération de gloires rapides et sans ampleur,
des
« noms » qu’un seul livre imposa, et l’on acceptait les suivants parc
1061
gloires rapides et sans ampleur, des « noms » qu’
un
seul livre imposa, et l’on acceptait les suivants parce que c’était c
1062
emiers surréalistes composeront très probablement
une
anthologie de « mineurs » qui prendra le charme d’un style, et très v
1063
anthologie de « mineurs » qui prendra le charme d’
un
style, et très vite, une patine rassurante. Quant au roman contempora
1064
» qui prendra le charme d’un style, et très vite,
une
patine rassurante. Quant au roman contemporain, il est curieux que Th
1065
r, ils trouvent plus commode de donner en surface
une
impression de masse construite. Au lieu d’approfondir un personnage j
1066
ession de masse construite. Au lieu d’approfondir
un
personnage jusqu’au type, ils multiplient les personnages. Au lieu de
1067
multiplient les personnages. Au lieu de marquer d’
une
empreinte durable un moment donné de l’histoire sociale, ils s’étalen
1068
nages. Au lieu de marquer d’une empreinte durable
un
moment donné de l’histoire sociale, ils s’étalent dans la durée et va
1069
ité croissante de vivre sur ses réserves, enfin à
une
crise et à une carence de la création. Malgré ces difficultés, concl
1070
de vivre sur ses réserves, enfin à une crise et à
une
carence de la création. Malgré ces difficultés, conclut-il, on ne sa
1071
, Chardonne, Romains, Béhaine), le Tour de France
des
romanciers cyclistes, ne reste un trait capital de l’histoire du roma
1072
Tour de France des romanciers cyclistes, ne reste
un
trait capital de l’histoire du roman, du paysage, du roman, pour cett
1073
ristique que le livre de Thibaudet se termine sur
une
note pessimiste, et sur l’expression de « dégradation de la littératu
1074
a société. Tous ces romans-cycles sont, en effet,
des
procès-verbaux de dissolution du monde bourgeois : de Proust à Lacret
1075
riétés sont vendues aux enchères ou rachetées par
une
coucherie, les fils renient leurs pères, les hommes leur sexe, les pe
1076
s leur identité. Comment imaginer la naissance, d’
une
grande œuvre romanesque dans un pareil état social ? Tous les chefs-d
1077
la naissance, d’une grande œuvre romanesque dans
un
pareil état social ? Tous les chefs-d’œuvre du genre, au xixe siècle
1078
’œuvre du genre, au xixe siècle, étaient issus d’
une
société solidement établie, où les types étaient fixes et stables, et
1079
roule — et cela ne peut pas donner les éléments d’
un
art, si l’art est une construction. Il semble bien que la littérature
1080
ut pas donner les éléments d’un art, si l’art est
une
construction. Il semble bien que la littérature la plus récente s’ori
1081
ent les Céline, Aragon ou Plisnier sont bien plus
des
pamphlets que des romans, des essais illustrés d’exemples : du coup,
1082
agon ou Plisnier sont bien plus des pamphlets que
des
romans, des essais illustrés d’exemples : du coup, ils retrouvent un
1083
nier sont bien plus des pamphlets que des romans,
des
essais illustrés d’exemples : du coup, ils retrouvent un public. Il s
1084
is illustrés d’exemples : du coup, ils retrouvent
un
public. Il semble, d’autre part, que les documentaires entremêlés de
1085
’Henri Petit et de Marius Richard soient promis à
des
succès moins tapageurs, mais plus profonds. Nous avons à refaire un i
1086
pageurs, mais plus profonds. Nous avons à refaire
un
inventaire de l’homme, préparation modeste et nécessaire à une littér
1087
e de l’homme, préparation modeste et nécessaire à
une
littérature vraiment personnaliste. j. Rougemont Denis de, « Vers
1088
t personnaliste. j. Rougemont Denis de, « Vers
une
littérature personnaliste », À nous la liberté, Paris, 20 mars 1937,
1089
avril 1937)l L’ironie est parfois la meilleure
des
prudences. C’est la conclusion que je tire d’un article de M. Vandére
1090
des prudences. C’est la conclusion que je tire d’
un
article de M. Vandérem (dans Candide) où la critique des critiques ac
1091
icle de M. Vandérem (dans Candide) où la critique
des
critiques actuels que j’avais esquissée, ici même, se trouve citée et
1092
ouve que j’en prends à mon aise et que je néglige
un
peu cavalièrement les contingences. Si j’étais plus avancé dans la v
1093
s les aléas que représenteraient pour la critique
un
chambardement de ce genre. Ce serait toute une série de notions à acq
1094
que un chambardement de ce genre. Ce serait toute
une
série de notions à acquérir, d’opinions à se former, de classements à
1095
nions à se former, de classements à établir, bref
une
réinstallation complète demandant des mois. On ne saurait mieux dire
1096
ablir, bref une réinstallation complète demandant
des
mois. On ne saurait mieux dire que le mal est aussi grave que je l’i
1097
é dans la vie, pour s’ébahir, comme je le fais, d’
une
… « constatation » de cet ordre ! Comprenez-vous ce qu’elle suppose, c
1098
ion ai-je vécu ? Ce n’est rien d’écrire, de faire
une
œuvre, de croire qu’on a quelque chose à dire ; le but de l’écrivain,
1099
Aucune idée. L’angoisse m’étreint. Je suis comme
un
enfant devant le mystère de « la vie… ». Profitant de mon innocence,
1100
e » dont nous parlions ne demandera pas seulement
des
mois, ni même des années ou des siècles, mais quelque chose de beauco
1101
ions ne demandera pas seulement des mois, ni même
des
années ou des siècles, mais quelque chose de beaucoup plus dangereux
1102
era pas seulement des mois, ni même des années ou
des
siècles, mais quelque chose de beaucoup plus dangereux et difficile q
1103
chose que nous autres appelons, dans ce journal,
une
révolution. Quand les clercs en sont arrivés — et l’élite — à subordo
1104
Journal d’
un
intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)m J’étais chôme
1105
J’étais chômeur depuis trois mois. On m’offrait
un
abri quelque part, une maison vide, une occasion de solitude désirée
1106
is trois mois. On m’offrait un abri quelque part,
une
maison vide, une occasion de solitude désirée en secret dès longtemps
1107
m’offrait un abri quelque part, une maison vide,
une
occasion de solitude désirée en secret dès longtemps. Je voudrais bie
1108
moins pour la jeunesse sans argent, est la ville
des
gérants ignobles et des concierges, des lieux-sombres-et-populeux où
1109
sans argent, est la ville des gérants ignobles et
des
concierges, des lieux-sombres-et-populeux où il faut pénétrer l’âme b
1110
la ville des gérants ignobles et des concierges,
des
lieux-sombres-et-populeux où il faut pénétrer l’âme basse et la petit
1111
t il suffit de bien peu pour partir : la France a
des
milliers de maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez
1112
vides. Dites autour de vous que vous en cherchez
une
, et vous en trouverez pour rien, ou pas grand-chose. Encore faut-il s
1113
mon récit n’a-t-il pas d’autre but que de décrire
un
précédent, d’affirmer que cela peut se faire, que cela s’est fait, qu
1114
peut se faire, que cela s’est fait, qu’il y a là
un
bonheur… 22 septembre 1934. À… (Gard) Arrivés hier matin, par Nîmes.
1115
viers, et quelques touches de vert humide au fond
des
vallons, de vert sombre sur les premières pentes des Cévennes, où com
1116
vallons, de vert sombre sur les premières pentes
des
Cévennes, où commencent les châtaigneraies. Au sud, on voit un coin d
1117
où commencent les châtaigneraies. Au sud, on voit
un
coin de plaine entre des collines longues, aux olivettes étagées, que
1118
gneraies. Au sud, on voit un coin de plaine entre
des
collines longues, aux olivettes étagées, quelques cyprès en silhouett
1119
quelques cyprès en silhouette sur les crêtes, et
des
toits de ce rose émouvant des tuiles romaines sous un ciel doux. Au n
1120
sur les crêtes, et des toits de ce rose émouvant
des
tuiles romaines sous un ciel doux. Au nord, derrière notre maison, c’
1121
oits de ce rose émouvant des tuiles romaines sous
un
ciel doux. Au nord, derrière notre maison, c’est le rocher, la montag
1122
c’est le rocher, la montagne brûlée. La maison :
une
ancienne magnanerie, très haute, aux murs de gros moellons rougeâtres
1123
tre de plain-pied par-derrière. Au-dessous, c’est
une
grande remise. Au second quatre petites chambres. Le tout encombré de
1124
fenêtres donnent au midi dans le branchage bleu d’
un
tilleul. Au bord de la terrasse, une fontaine abondante coule dans un
1125
nchage bleu d’un tilleul. Au bord de la terrasse,
une
fontaine abondante coule dans un fort grand bassin rectangulaire aux
1126
de la terrasse, une fontaine abondante coule dans
un
fort grand bassin rectangulaire aux eaux sombres. La maison du jardin
1127
u jardinier ferme la cour sur la droite, derrière
des
palmiers et des lauriers. Très haute aussi, blanchie, presque sans fe
1128
e la cour sur la droite, derrière des palmiers et
des
lauriers. Très haute aussi, blanchie, presque sans fenêtres. Un voile
1129
rès haute aussi, blanchie, presque sans fenêtres.
Un
voile vert clôt la porte d’entrée, où l’on accède par quelques marche
1130
d’entrée, où l’on accède par quelques marches et
un
balcon de pierre. L’on descend par d’étroits escaliers aux quatre aut
1131
errasses du jardin, étagées sur le versant nord d’
un
vallon qui vient mourir à notre hauteur sur la droite, tandis que le
1132
ferme l’horizon immédiat. Au sud-est, nous avons
une
échappée sur la fin de la vallée, la rivière et la plaine. La petite
1133
. La petite ville reste invisible, massée au pied
des
rochers, en retrait sur notre gauche. À peine s’il nous en vient quel
1134
eine s’il nous en vient quelques rumeurs de gare,
un
coup de trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte
1135
elques rumeurs de gare, un coup de trompe d’auto,
des
cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour, et remplit l’o
1136
re bleue sous le tilleul immense et les lauriers.
Un
grand vase jaune brille au bord du bassin. Le reflet de l’eau tremble
1137
utieux et le plan d’arrangement actuel de chacune
des
pièces du premier, avant de les vider et de transporter leur contenu
1138
3 septembre 1934 Maintenant les murs sont nus : d’
un
joli vert bleu très clair. Le carreau rouge a été débarrassé du tapis
1139
été débarrassé du tapis. J’ai dressé ma table sur
des
tréteaux. Il ne reste qu’un grand canapé de velours ponceau et des ch
1140
dressé ma table sur des tréteaux. Il ne reste qu’
un
grand canapé de velours ponceau et des chaises de paille trouvées dan
1141
ne reste qu’un grand canapé de velours ponceau et
des
chaises de paille trouvées dans un coin de la remise, où les chaises
1142
rs ponceau et des chaises de paille trouvées dans
un
coin de la remise, où les chaises brodées, les guéridons et le dessus
1143
t recensées — ont été les remplacer. Seul vestige
des
splendeurs bourgeoises de ce salon : un lustre formé d’une écaille de
1144
vestige des splendeurs bourgeoises de ce salon :
un
lustre formé d’une écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougie
1145
deurs bourgeoises de ce salon : un lustre formé d’
une
écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de pe
1146
uvoir respirer. 25 septembre 1934 La traduction d’
un
considérable ouvrage allemand nous permettra de passer trois mois ou
1147
ite l’une après l’autre. Il y a 400 chômeurs pour
une
population de 2300 habitants. Ceux qui travaillent encore gagnent à p
1148
sur leur table, quand on va les voir à midi, que
des
châtaignes, des olives, des radis et quelques légumes de leurs cultur
1149
quand on va les voir à midi, que des châtaignes,
des
olives, des radis et quelques légumes de leurs cultures, qu’ils n’ont
1150
les voir à midi, que des châtaignes, des olives,
des
radis et quelques légumes de leurs cultures, qu’ils n’ont pas pu vend
1151
re au marché. Cependant, ils se considèrent comme
des
privilégiés, cela se sent à la manière dont ils nous parlent de quelq
1152
anière dont ils nous parlent de quelques familles
des
environs qui n’ont pas la ressource d’un jardin, ou qui ne « savent p
1153
amilles des environs qui n’ont pas la ressource d’
un
jardin, ou qui ne « savent pas y faire ». (Légère nuance de supériori
1154
ard). Nos hôtes nous avaient signalé la famille d’
un
mineur retraité, dont la femme fait des journées. Considérant que ric
1155
famille d’un mineur retraité, dont la femme fait
des
journées. Considérant que richesse oblige — car je gagne à peu près 1
1156
s — nous avons engagé la mère Calixte pour donner
un
coup de main le matin et faire les lessives. C’est une toute petite v
1157
oup de main le matin et faire les lessives. C’est
une
toute petite vieille noueuse, à la sagesse sentencieuse et imagée. Ét
1158
cordialité demeure digne, trait notable à partir
des
Cévennes. Mais bavarde ! De gré ou de force, c’est certain, nous saur
1159
le… 5 octobre 1934 Petite cité tassée à la base d’
une
paroi de rocher et le long d’une rivière rapide qui débouche d’une go
1160
ssée à la base d’une paroi de rocher et le long d’
une
rivière rapide qui débouche d’une gorge étroite, cité couleur de roch
1161
er et le long d’une rivière rapide qui débouche d’
une
gorge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles tuil
1162
a vie par ses odeurs et la saleté de ses ruelles.
Un
ruisseau coule au milieu du pavé, charriant des ordures, des papiers,
1163
s. Un ruisseau coule au milieu du pavé, charriant
des
ordures, des papiers, du sang près de la boucherie, du lait verdi. C’
1164
u coule au milieu du pavé, charriant des ordures,
des
papiers, du sang près de la boucherie, du lait verdi. C’est à peine s
1165
ed sec dans les passages étroits. Sur les seuils,
des
groupes de femmes en noir jacassent pendant des heures. Des enfants e
1166
, des groupes de femmes en noir jacassent pendant
des
heures. Des enfants en sarraus noirs jouent au football dans le ruiss
1167
s de femmes en noir jacassent pendant des heures.
Des
enfants en sarraus noirs jouent au football dans le ruisseau avec un
1168
us noirs jouent au football dans le ruisseau avec
un
torchon de papier d’emballage. Pas un de ces petits visages qui ne so
1169
isseau avec un torchon de papier d’emballage. Pas
un
de ces petits visages qui ne soit beau et fin mais incroyablement cra
1170
ncroyablement crasseux. Vers la gare, il y a bien
un
parc municipal, le jardin d’un couvent désaffecté, mais je n’y vois j
1171
gare, il y a bien un parc municipal, le jardin d’
un
couvent désaffecté, mais je n’y vois jamais que des vieillards en pan
1172
n couvent désaffecté, mais je n’y vois jamais que
des
vieillards en pantoufles. Devant le parc, un mail couvert d’une épais
1173
que des vieillards en pantoufles. Devant le parc,
un
mail couvert d’une épaisse couche de poussière : là, de nouveau, des
1174
en pantoufles. Devant le parc, un mail couvert d’
une
épaisse couche de poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs d
1175
une épaisse couche de poussière : là, de nouveau,
des
bandes de joueurs de balle, dans un nuage… Cela tend à confirmer un s
1176
de nouveau, des bandes de joueurs de balle, dans
un
nuage… Cela tend à confirmer un soupçon qui m’est venu en maintes aut
1177
rs de balle, dans un nuage… Cela tend à confirmer
un
soupçon qui m’est venu en maintes autres régions de la France : les p
1178
s’arrangent pour vivre plus mal que la population
des
faubourgs des grandes villes. Le goût de « la vie saine » et du grand
1179
ur vivre plus mal que la population des faubourgs
des
grandes villes. Le goût de « la vie saine » et du grand air, vous ne
1180
sur 200, ont l’eau courante. Les femmes vont avec
des
cruches à la fontaine qui coule son filet sur la grande place, juste
1181
lace, juste à côté de la pissotière et de l’arrêt
des
autocars. Pittoresque, on peut le dire… 8 octobre 1934 Du rôle prati
1182
population balayée périodiquement par la faillite
des
entreprises où elle travaille, ou par quelque décret d’État. Je vois
1183
dans ces foyers que tout menace. Faisons la part
des
« accidents », des « imprudences ». Il reste encore une marge assez n
1184
e tout menace. Faisons la part des « accidents »,
des
« imprudences ». Il reste encore une marge assez notable d’imprévoyan
1185
accidents », des « imprudences ». Il reste encore
une
marge assez notable d’imprévoyance naïve, d’acceptation des risques,
1186
assez notable d’imprévoyance naïve, d’acceptation
des
risques, de confiance obscurément accordée à l’instinct ou à « la Vie
1187
e et nourrir la bouteille aux pièces de dix sous.
Une
chose est claire : faire des enfants, dans les conditions actuelles,
1188
pièces de dix sous. Une chose est claire : faire
des
enfants, dans les conditions actuelles, c’est défier le bon sens et l
1189
sures qu’elle propose, ce n’est guère que le rêve
des
vieux célibataires assez fortunés, ou ascètes. Ceux qui n’ont plus be
1190
re 1934 On a terminé les vendanges, et la récolte
des
figues d’été. (Les figues d’hiver apparaissent déjà, plus petites et
1191
tes ; on ne les mange pas). Simard nous a indiqué
une
ferme, de l’autre côté de la colline du sud, où nous pourrons acheter
1192
té de la colline du sud, où nous pourrons acheter
une
provision d’« œillades ». C’est leur gros raisin bleu. Nous y sommes
1193
os raisin bleu. Nous y sommes allés hier au soir.
Des
hauteurs, on voyait la plaine rose et violacée entre des monticules p
1194
teurs, on voyait la plaine rose et violacée entre
des
monticules pointus tout frisés d’oliviers, un paysage de primitifs it
1195
re des monticules pointus tout frisés d’oliviers,
un
paysage de primitifs italiens. Le mas au flanc de la colline, déjà da
1196
Nous nous sommes assis sur la terrasse, au pied d’
un
grand micocoulier. Bientôt un chien furieux surgit de la maison, suiv
1197
terrasse, au pied d’un grand micocoulier. Bientôt
un
chien furieux surgit de la maison, suivi d’une grande femme en noir.
1198
tôt un chien furieux surgit de la maison, suivi d’
une
grande femme en noir. C’est la propriétaire, Madame Turc. Elle nous f
1199
raisin, il faut attendre sa fille qui va rentrer
des
champs, où elle travaille jusqu’à la nuit tombée. Nous sommes dans un
1200
ravaille jusqu’à la nuit tombée. Nous sommes dans
une
cuisine de ferme mais la fermière nous reçoit comme une « dame », ou
1201
isine de ferme mais la fermière nous reçoit comme
une
« dame », ou plutôt un peu mieux, avec une politesse pleine de réserv
1202
ermière nous reçoit comme une « dame », ou plutôt
un
peu mieux, avec une politesse pleine de réserve et d’attentions. On p
1203
comme une « dame », ou plutôt un peu mieux, avec
une
politesse pleine de réserve et d’attentions. On parle du domaine. Les
1204
amais je n’ai engagé de chômeurs, Monsieur, c’est
un
principe. Nous ne voulons que des ouvriers honnêtes. Pensez donc, deu
1205
Monsieur, c’est un principe. Nous ne voulons que
des
ouvriers honnêtes. Pensez donc, deux femmes seules ! — C’est que je s
1206
te entendu parler de nous. Rien à faire : je suis
un
« monsieur ». La fille rentre : une forte femme, environ 35 ans, un p
1207
aire : je suis un « monsieur ». La fille rentre :
une
forte femme, environ 35 ans, un peu masculine. Elle nous conduit à la
1208
a fille rentre : une forte femme, environ 35 ans,
un
peu masculine. Elle nous conduit à la chambre de conserve des raisins
1209
uline. Elle nous conduit à la chambre de conserve
des
raisins. Pendant qu’elle fait la pesée : « C’est pour qui, Monsieur,
1210
ion ? » Je dis mon nom. — Est-ce que vous écrivez
des
articles ? J’en ai lu signés de ce nom-là. Et elle me cite une revue
1211
? J’en ai lu signés de ce nom-là. Et elle me cite
une
revue protestante et une revue littéraire auxquelles je collabore, en
1212
nom-là. Et elle me cite une revue protestante et
une
revue littéraire auxquelles je collabore, en effet. — Vous avez le te
1213
France, cela étonne.) 16 octobre 1934 Complexité
des
« Classes ». À quelle classe appartiennent ces deux femmes ? Je résum
1214
mps. Vie laborieuse, peu ou point de gains depuis
des
années. Pas de relations. Leur niveau de culture, fort au-dessus de l
1215
guère, s’agissant de protestantes. Ce ne sont pas
des
bourgeoises, certes, et pourtant elles en sont encore à estimer que c
1216
synonyme de vagabond dangereux. Elles font partie
des
« travailleurs » et pourtant elles sont propriétaires. Je vois en ell
1217
urtant elles sont propriétaires. Je vois en elles
un
type très classique de Françaises : leur politesse mesurée, leur rais
1218
les ne paraissent pas du tout se considérer comme
un
type social d’exception. Combien y a-t-il de classes entre la bourgeo
1219
Combien y a-t-il de classes entre la bourgeoisie
des
villes et le prolétariat ? L’opposition que veulent voir les marxiste
1220
ausse dans tous les cas concrets, dès que je sors
des
très grandes villes et de leur caricature de société. — Simard, le ja
1221
Simard, le jardinier, est à demi métayer. Est-ce
un
prolétaire ? Il serait vexé qu’on le lui dise. Il s’estime fort au-de
1222
é qu’on le lui dise. Il s’estime fort au-dessus d’
un
mineur retraité, par exemple. Les instituteurs d’A… ? Ils sont du peu
1223
. Et les Calixte ? Prolétaires sans doute, mais d’
une
tout autre espèce, on dirait même d’une autre race que les métayers c
1224
e, mais d’une tout autre espèce, on dirait même d’
une
autre race que les métayers catholiques de la montagne qu’on voit ven
1225
t venir à A… pour le marché. Et très conscients d’
une
supériorité qu’ils ne peuvent attribuer au rang social ni au salaire,
1226
ui compte dans ce pays, c’est la religion — celle
des
ancêtres, tout au moins ! — l’éducation et le métier. C’est cela qui
1227
! — l’éducation et le métier. C’est cela qui crée
des
groupes, des couches, des différences et des affinités, au moins auta
1228
on et le métier. C’est cela qui crée des groupes,
des
couches, des différences et des affinités, au moins autant que les co
1229
er. C’est cela qui crée des groupes, des couches,
des
différences et des affinités, au moins autant que les conditions écon
1230
crée des groupes, des couches, des différences et
des
affinités, au moins autant que les conditions économiques. On ne comp
1231
xisme, justement, se doit de ne pas tenir compte.
Un
communiste traitera les dames Turc de « koulaks » et tout sera dit. L
1232
iquement et moralement, c’est ce qui règle le jeu
des
relations humaines et les opinions politiques). Le marxisme traite to
1233
que. Et il prétend fonder là-dessus non seulement
des
mesures techniques, ce qui serait parfaitement légitime, mais une mor
1234
niques, ce qui serait parfaitement légitime, mais
une
morale, un art et une métaphysique ! Problème de la politique actuell
1235
ui serait parfaitement légitime, mais une morale,
un
art et une métaphysique ! Problème de la politique actuelle : sera-t-
1236
parfaitement légitime, mais une morale, un art et
une
métaphysique ! Problème de la politique actuelle : sera-t-elle l’affa
1237
ns la chambre dont je vois la porte entrebâillée.
Une
dernière bûche fume, il fait presque froid. Dans ce silence vide de l
1238
, les yeux bien ouverts, l’esprit clair. Clarté d’
un
minuit solitaire, veillée trop lucide peut-être, puisque le monde n’y
1239
it où l’on ne dort pas n’est pas toujours l’heure
des
mauvaises nostalgies. ? Qui pourrait nous écrire une histoire des inv
1240
mauvaises nostalgies. ? Qui pourrait nous écrire
une
histoire des inventions de l’insomnie ? Ne serait-ce pas tout simplem
1241
stalgies. ? Qui pourrait nous écrire une histoire
des
inventions de l’insomnie ? Ne serait-ce pas tout simplement l’histoir
1242
is ? « La nuit est faite pour dormir », me disait
un
gardien de l’ordre qui m’avait surpris sur les quais de la Seine, au
1243
pris sur les quais de la Seine, au plus profond d’
une
contemplation des eaux nocturnes. Ma police personnelle m’envoie auss
1244
de la Seine, au plus profond d’une contemplation
des
eaux nocturnes. Ma police personnelle m’envoie aussi me coucher. Elle
1245
lle m’envoie aussi me coucher. Elle m’y contraint
un
peu… Quelle résistance absurde opposerais-je, quelle arrière-pensée r
1246
uvaise habitude de penser « librement » ? Le goût
des
chimères précises ? 10 novembre 1934 Observations nouvelles sur les g
1247
e a la grippe. Je trouve à la cuisine la fille et
une
voisine. Elles se plaignent du froid. Le fourneau est rouge, mais la
1248
ouest, d’où vient le vent le plus glacial, depuis
des
siècles, et en tout cas depuis longtemps avant la construction de cet
1249
… On n’y avait pas pensé ? Je passe au fond, dans
une
chambre obscure mais qui me paraît propre et sobre. La mère Calixte e
1250
raît propre et sobre. La mère Calixte est au lit,
un
gros édredon ramassé sur le ventre, les pieds découverts, un foulard
1251
edon ramassé sur le ventre, les pieds découverts,
un
foulard noir sur les épaules, et je crois bien sa blouse noire aussi.
1252
pensez ! Il ne faut pas croire que la viande soit
un
si bon remède comme on le dit. Je lui ai fait du poulet, elle n’y ava
1253
e pour les malades. » Elle accepte de venir faire
une
lessive à la maison pour remplacer sa mère. Nous manquons de corde po
1254
le linge ; elle imagine de le mettre à sécher sur
des
buissons de ronce. Tous les mouchoirs sont plus ou moins déchirés qua
1255
a les récolter. « Voyez-vous ! c’est qu’il a fait
un
vent cette nuit ! » 11 novembre 1934 D’une manière générale, ils ne s
1256
a fait un vent cette nuit ! » 11 novembre 1934 D’
une
manière générale, ils ne sont pas conscients de porter la responsabil
1257
e sont pas conscients de porter la responsabilité
des
accidents qui leur arrivent. Cela peut agacer dans le détail. C’est a
1258
ans se tourmenter. Ils ne se mettront jamais dans
des
états parce qu’ils ont cassé deux assiettes. La mère Calixte, qui cas
1259
es, prennent la parole au Cercle d’hommes, citent
des
livres sur la politique. 12 novembre 1934 J’ai relevé quelques chiffr
1260
novembre 1934 J’ai relevé quelques chiffres dans
un
ouvrage sur A…, dû à la plume d’un de ses pasteurs à la retraite. En
1261
chiffres dans un ouvrage sur A…, dû à la plume d’
un
de ses pasteurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine,
1262
ures, deux fabriques de chapeaux, 5000 habitants,
un
commerce important de produits soyeux manufacturés. Lors de la dédica
1263
estants accourent de toute la contrée pour suivre
des
cérémonies dont leurs descendants parlent encore. En 1900 : vingt fil
1264
son apparition dans la vallée du Rhône. Fondation
des
grandes usines de la région lyonnaise. Apparition du grand capital. É
1265
ournit encore du travail cinq jours par semaine à
une
centaine d’ouvrières, dont le salaire moyen est de 7 francs par jour.
1266
ernière bonnetterie, ces derniers jours. Le tiers
des
maisons est en ruines, — tout le centre. On croirait une ville bombar
1267
sons est en ruines, — tout le centre. On croirait
une
ville bombardée, 2300 habitants. Cent personnes au culte. Dans la cam
1268
ersonnes au culte. Dans la campagne environnante,
une
maison sur dix habitée. Dès 1934, la soie japonaise a fait son appari
1269
ion sur le marché lyonnais. Faillite de plusieurs
des
grosses entreprises de soie artificielle. Le cycle normal du progrès
1270
. Question : Que reste-t-il pour entreprendre ici
une
révolution constructive ? 21 novembre 1934 Leur langage. La mère Cal
1271
s e muets). Simart, à propos de la récente baisse
des
salaires à la filature : « Je vous dis, c’est miraculeux ce qu’on leu
1272
par jour ! » (Il voulait dire : scandaleux. Mais
un
miracle est un scandale, après tout. Tradition laïque.) L’autre jour,
1273
Il voulait dire : scandaleux. Mais un miracle est
un
scandale, après tout. Tradition laïque.) L’autre jour, dans l’autocar
1274
Tradition laïque.) L’autre jour, dans l’autocar,
une
femme dont j’ai cru comprendre qu’elle tient un petit hôtel à Saint-J
1275
une femme dont j’ai cru comprendre qu’elle tient
un
petit hôtel à Saint-Jean-du-Gard, expliquait à sa voisine qui paraiss
1276
sine qui paraissait malade : « Tu demanderas bien
un
espécialiste, rappelle-toi ! Si tu oublies, tu n’auras qu’à te rappel
1277
ment ? Ce petit fait, si l’on y réfléchit, résume
un
drame. Ce drame est celui du langage dans notre société présente. Et
1278
Je ne tire de ce fait, à vrai dire minuscule, qu’
une
évidence. Les mots que nous disons ou que nous écrivons, nous autres
1279
intellectuels, éveillent dans l’esprit populaire
des
harmoniques que nous ne savons plus prévoir. Littéralement, les mots
1280
er. Le petit exemple que je viens de citer, c’est
une
espèce de calembour qui ne joue que sur des sons. Mais il est clair q
1281
c’est une espèce de calembour qui ne joue que sur
des
sons. Mais il est clair que le sens des termes dont nous usons doit s
1282
e que sur des sons. Mais il est clair que le sens
des
termes dont nous usons doit subir des métamorphoses non moins effaran
1283
que le sens des termes dont nous usons doit subir
des
métamorphoses non moins effarantes. Travail, liberté ou union, riches
1284
de ce que l’on pourrait déduire, dans le fait, d’
une
discussion raisonnable, c’est-à-dire truquée, avec tel ou tel ouvrier
1285
de tout temps la traduction du langage surveillé
des
écrivains dans le langage parlé du peuple fut affectée de malentendus
1286
trait d’union, l’Église gardienne du sens concret
des
lieux communs. Aujourd’hui ces données sont bouleversées. L’instructi
1287
Le public s’étend au hasard. Il ne constitue plus
un
corps limité, éduqué, instruit au sein des conventions communes. Un c
1288
ue plus un corps limité, éduqué, instruit au sein
des
conventions communes. Un chacun peut en être, et juger comme il veut.
1289
duqué, instruit au sein des conventions communes.
Un
chacun peut en être, et juger comme il veut. Le droit de se tromper,
1290
e se tromper, et de tromper grâce au langage, est
un
des droits imprescriptibles que se trouve avoir décrété la Convention
1291
e tromper, et de tromper grâce au langage, est un
des
droits imprescriptibles que se trouve avoir décrété la Convention. Br
1292
(il vaudrait mieux que ce soit le vide, dans bien
des
cas), quels que soient nos efforts vers la rigueur et vers l’adaptati
1293
». Cette vie spirituelle et ce public nous posent
des
exigences dont il faut admirer qu’elles soient aussi exactement contr
1294
ux entretiens qu’il organise le samedi soir, dans
une
salle attenante au temple, pour les hommes de sa paroisse. « C’est le
1295
il. Comme vous l’aurez remarqué, il n’en vient qu’
une
dizaine au culte. C’est trop compromettant. Mais pour une causerie su
1296
ine au culte. C’est trop compromettant. Mais pour
une
causerie sur un sujet neutre, nous en avons toujours dans les 40 à 50
1297
st trop compromettant. Mais pour une causerie sur
un
sujet neutre, nous en avons toujours dans les 40 à 50. Et une fois qu
1298
ée au « Cercle d’hommes ». — Ils étaient en effet
une
quarantaine hier soir. Je suis entré comme ils achevaient de boire le
1299
oire leur tasse de café au fond de la salle, dans
un
coin arrangé en cabinet de lecture. Journaux et illustrés, quelques l
1300
ques livres sur la table. Puis on s’est assis sur
des
chaises alignées, pour entendre le « conférencier »27. J’ai reconnu d
1301
onnu deux facteurs, le libraire, le quincaillier,
un
adjoint de la mairie, quelques retraités qui « travaillent le mazet »
1302
és qui « travaillent le mazet » dans nos parages,
un
ou deux cultivateurs, les trois instituteurs. Le pasteur a lu quelque
1303
ure. Après quoi le sujet a été introduit par l’un
des
instituteurs. Il s’agissait de « l’histoire de notre département ». L
1304
parler d’autre chose que du sujet, c’est-à-dire d’
un
peu tout : de l’enseignement, des journaux, des traditions et anecdot
1305
, c’est-à-dire d’un peu tout : de l’enseignement,
des
journaux, des traditions et anecdotes locales. Discussion n’est d’ail
1306
d’un peu tout : de l’enseignement, des journaux,
des
traditions et anecdotes locales. Discussion n’est d’ailleurs pas le m
1307
n n’est d’ailleurs pas le mot : c’étaient surtout
des
questions, des affirmations de partis pris ou des récits entremêlés d
1308
urs pas le mot : c’étaient surtout des questions,
des
affirmations de partis pris ou des récits entremêlés d’allusions à de
1309
des questions, des affirmations de partis pris ou
des
récits entremêlés d’allusions à des célébrités locales, provoquant ch
1310
artis pris ou des récits entremêlés d’allusions à
des
célébrités locales, provoquant chaque fois de gros rires. L’homme du
1311
r » ce qui est dit. (C’est seulement de la langue
des
écrivains français qu’il est exact de dire, avec tous les manuels, qu
1312
exact de dire, avec tous les manuels, qu’elle est
une
langue de discussion, parce que toujours elle vise à la formule décis
1313
et ne s’accorde le droit de dire chaque chose qu’
une
seule fois, de la façon la plus économique et la plus claire28. Or, c
1314
ents — leurs bons rires quand l’un ou l’autre dit
une
bêtise ou bafouille — et comme on a envie de leur expliquer des chose
1315
bafouille — et comme on a envie de leur expliquer
des
choses, amicalement ; de partager avec eux ce que l’on sait ! Je pens
1316
(Le « conférencier » en tournée se présente comme
un
séducteur, c’est la loi du genre, et cela rend les échanges bien pauv
1317
és pour sortir, le facteur ronflait, le front sur
un
dossier de chaise. Il s’est relevé, s’est frotté les yeux, est sorti
1318
— Il y a de tout. Le quincaillier est royaliste,
un
des instituteurs est objecteur de conscience, la plupart sont radicau
1319
Il y a de tout. Le quincaillier est royaliste, un
des
instituteurs est objecteur de conscience, la plupart sont radicaux ou
1320
part sont radicaux ou socialistes. Il vient aussi
des
communistes, de temps à autre. Il paraît que ça chauffe certains soir
1321
À N… la mairie est tout entière communiste. Ceux
des
habitants qui ne le sont pas ne savent pas trop ce qu’ils sont, à par
1322
ront-ils s’opposer au dictateur qui se présentera
un
jour comme l’homme de gauche à poigne ? J’ai questionné à ce sujet qu
1323
plus actif : car l’homme dont je parle n’est pas
un
enquêteur, simple curieux ou spectateur. C’est bien plutôt un conseil
1324
, simple curieux ou spectateur. C’est bien plutôt
un
conseiller, un donneur d’aide morale et parfois matérielle, quelqu’un
1325
x ou spectateur. C’est bien plutôt un conseiller,
un
donneur d’aide morale et parfois matérielle, quelqu’un qui est respon
1326
a pour mission de leur enseigner le sens dernier
des
circonstances de leur vie. C’est le pasteur. Sa paroisse comprend les
1327
s villages de N. et de V. où il habite. V., c’est
un
vieux nid d’aigle, une pierraille couronnant des hauteurs ventées. Le
1328
V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle,
une
pierraille couronnant des hauteurs ventées. Les rues sont étroites et
1329
t un vieux nid d’aigle, une pierraille couronnant
des
hauteurs ventées. Les rues sont étroites et caillouteuses, pleines d’
1330
balayer. Nous sommes installés au presbytère sur
une
galerie d’où l’on domine un ample paysage horizontal. La plaine est à
1331
és au presbytère sur une galerie d’où l’on domine
un
ample paysage horizontal. La plaine est à nos pieds, des Cévennes gri
1332
le paysage horizontal. La plaine est à nos pieds,
des
Cévennes grises au nord jusqu’à l’horizon des collines vers Uzès, où
1333
ds, des Cévennes grises au nord jusqu’à l’horizon
des
collines vers Uzès, où quelques ruines de castels et quelques cheminé
1334
et quelques cheminées d’usines grattent le bas d’
un
grand ciel jaune. On distingue à peine le village de N. parmi les ran
1335
. parmi les rangées de peupliers : il faut suivre
des
yeux la route noire pour découvrir enfin l’amas brunâtre des maisons
1336
route noire pour découvrir enfin l’amas brunâtre
des
maisons au-dessous d’une tache blanche dans un pré, qui est le châtea
1337
ir enfin l’amas brunâtre des maisons au-dessous d’
une
tache blanche dans un pré, qui est le château. Joie de voir un pays d
1338
e des maisons au-dessous d’une tache blanche dans
un
pré, qui est le château. Joie de voir un pays dans son ensemble, dans
1339
che dans un pré, qui est le château. Joie de voir
un
pays dans son ensemble, dans son unité naturelle et ancienne. Une mêm
1340
n ensemble, dans son unité naturelle et ancienne.
Une
même patine de crépuscule réunit les champs, les arbres, les maisons.
1341
rbres, les maisons. Dans ces maisons, il y a donc
des
communistes. Je demande au pasteur ce que c’est que ces communistes.
1342
faut défiler devant les terrasses, c’est gênant.
Un
homme me disait l’autre jour : Ah, monsieur le pasteur, si on pouvait
1343
c’est difficile. — Et les salutistes ? — Ils ont
un
uniforme. C’est classé. On les connaît… — Alors, quand les voyez-vous
1344
rs, quand les voyez-vous ? — Surtout à l’occasion
des
conférences que j’organise. Vous avez déjà parlé dans des cercles d’h
1345
érences que j’organise. Vous avez déjà parlé dans
des
cercles d’hommes. Vous voyez le genre. — Et les communistes y viennen
1346
nt, et même très bien. Je me rappelle par exemple
une
discussion sur l’incroyance. L’orateur avait dit que la différence en
1347
u’ils attendent tous les ordres de lui. À la fin,
un
des communistes se lève et résume le débat : « En somme, dit-il, si n
1348
ls attendent tous les ordres de lui. À la fin, un
des
communistes se lève et résume le débat : « En somme, dit-il, si nous
1349
village. Ce sont eux, et eux seuls, qui proposent
des
réformes pratiques, qui demandent qu’on installe l’eau et l’électrici
1350
on ne croirait. J’en connais plusieurs qui lisent
des
brochures de vulgarisation de la doctrine. Ils me posent quelquefois
1351
isation de la doctrine. Ils me posent quelquefois
des
questions. Mais ce n’est pas par la lecture qu’ils viennent au parti.
1352
taires qui tiennent la région, et de leur imposer
des
mesures de progrès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’où
1353
esures de progrès, de bon sens… — Au point de vue
des
classes, d’où viennent-ils ? — Pour la plupart — tous les chefs en to
1354
en tous cas —, ce sont de petits propriétaires ou
des
ouvriers travaillant à leur compte. — En somme, vous vous entendez bi
1355
mauvaises têtes ». 17 décembre 1934 Le grand tort
des
chrétiens, c’est qu’ils prennent au sérieux l’incroyance de leurs con
1356
ur. Or ils devraient n’avoir peur que de Dieu, et
des
vocations bouleversantes qu’il arrive que Dieu nous adresse. C’est un
1357
rsantes qu’il arrive que Dieu nous adresse. C’est
un
comique profond, lugubre et déprimant que celui du chrétien honteux,
1358
éprimant que celui du chrétien honteux, honteux d’
une
foi qu’il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aurait plus de honte à la
1359
ne craint pas Dieu, mais qu’il croit au jugement
des
incroyants, tout en s’imaginant qu’il n’est pas un des leurs… Je voud
1360
s incroyants, tout en s’imaginant qu’il n’est pas
un
des leurs… Je voudrais définir le croyant véritable : celui qui sait
1361
ncroyants, tout en s’imaginant qu’il n’est pas un
des
leurs… Je voudrais définir le croyant véritable : celui qui sait qu’i
1362
d’actions extraordinaires, surhumaines : se rire
des
dieux du monde est assez héroïque, dans notre monde, pour qu’il soit
1363
Ces cochons-là ! — Simard le jardinier s’est fait
une
forte entaille au doigt en travaillant. Ce gros homme, violacé d’ordi
1364
iscuter le coup avec lui pour le ravigoter. C’est
un
de ces Méridionaux qui ne connaît pas de meilleur remède que la parlo
1365
que la parlotte. Tout de suite, c’est la question
des
assurances qu’il aborde avec autorité, tout en tenant son doigt bless
1366
t en tenant son doigt blessé droit en l’air, dans
une
attitude doctorale. La question des assurances est une question compl
1367
n l’air, dans une attitude doctorale. La question
des
assurances est une question complexe, comme toutes les questions capi
1368
ttitude doctorale. La question des assurances est
une
question complexe, comme toutes les questions capitales. Les gens d’i
1369
exemple, si je l’en crois, n’a guère vendu depuis
un
mois que pour 50 francs de légumes. Or la vente des produits de son j
1370
n mois que pour 50 francs de légumes. Or la vente
des
produits de son jardin est son seul moyen de gagner). Carré sur son t
1371
», vieillesse, accidents du travail, incendie et
une
histoire très compliquée de capitalisation-loterie, qui l’excite part
1372
au ministre — au ministre du Travail — pour avoir
une
pension de 5000 francs pour son beau-frère. « Ce cochon-là » n’a pas
1373
a lettre était recommandée. Alors il a été voir «
une
personne encore plus compétente » que lui Simard, et cette personne l
1374
imard, et cette personne lui a conseillé d’écrire
une
nouvelle lettre recommandée « à la charge du destinataire ». Eh bien,
1375
’argent dans leur poche. — Tous les mas et mazets
des
environs sont habités par des retraités, des pensionnés, des assurés
1376
s les mas et mazets des environs sont habités par
des
retraités, des pensionnés, des assurés qui vivent dans la rouspétance
1377
zets des environs sont habités par des retraités,
des
pensionnés, des assurés qui vivent dans la rouspétance contre ces « c
1378
s sont habités par des retraités, des pensionnés,
des
assurés qui vivent dans la rouspétance contre ces « cochons-là » et d
1379
croissante, on vit sur le dos de l’État, on suit
des
enterrements, on se brouille avec ses enfants pour des questions d’ar
1380
nterrements, on se brouille avec ses enfants pour
des
questions d’argent, on ne croit plus ni à Dieu ni à diable et à peine
1381
que, l’hiver est « pourri », la « pulmonie » fait
des
ravages, et ces cochons-là vous diminuent. Simard m’explique encore q
1382
appelle ici les illettrés. Ça veut dire que c’est
des
gens arriérés, quoi. Ils n’ont pas l’instruction comme nous autres. »
1383
gnorance — oui, au sens de l’école primaire — est
un
mal qu’il faudrait guérir. Mais je ne puis m’empêcher de penser que c
1384
la bouteille de champagne brisée contre la coque
des
bateaux neufs, etc. Un geste résume toute la situation : c’est celui
1385
ne brisée contre la coque des bateaux neufs, etc.
Un
geste résume toute la situation : c’est celui du coiffeur fameux, pre
1386
inconnu. Juste hommage au collègue, au gagnant d’
une
autre loterie ! Toute la grande presse en a parlé. Personne ne rit. L
1387
L’intellectuel l’est toujours. C’est qu’il est d’
une
classe particulière, dispersée comme les Juifs le sont chez les genti
1388
er ce fait que l’intellectuel en tant que tel est
un
hors-classe, un être à part, auquel on ne croit pas. (D’où sans doute
1389
’intellectuel en tant que tel est un hors-classe,
un
être à part, auquel on ne croit pas. (D’où sans doute l’angoisse qui
1390
rôle politique : pour faire figure, pour acquérir
une
situation bien définie dans le corps social). Nous sommes méprisés da
1391
sure où nous réussissons à nous faire passer pour
des
bourgeois ou des défenseurs du prolétariat. 17 février 1935 Cercle d
1392
sissons à nous faire passer pour des bourgeois ou
des
défenseurs du prolétariat. 17 février 1935 Cercle d’hommes. — Hier s
1393
té. La discussion dévia bientôt vers le fascisme.
Un
beau chaos de partis pris, d’erreurs de faits et de formules électora
1394
mplement que je pus, que le problème fasciste est
un
problème avant tout national ; qu’il s’est posé en Italie dans des te
1395
t tout national ; qu’il s’est posé en Italie dans
des
termes particuliers à ce pays, et qu’en tout cas il ne peut pas se po
1396
onclus que la seule manière de prévenir utilement
un
fascisme, ce n’était pas de condamner les Italiens et leurs admirateu
1397
ante années de démocratie parlementaire, et toute
une
tradition de libertés. Bref, un petit sermon élémentaire sur le thème
1398
ntaire, et toute une tradition de libertés. Bref,
un
petit sermon élémentaire sur le thème « liberté oblige ». Au sortir d
1399
sortir de la réunion, je surprends cette phrase d’
un
homme, dans la cour, tandis qu’il donne du feu à son copain : Pour mo
1400
qu’il donne du feu à son copain : Pour moi, c’est
un
fasciste ! Toutes nos confusions politiques résumées dans cette petit
1401
mon projet de publier sous le titre de Journal d’
un
intellectuel en chômage , ces pages que je suis en train de rédiger à
1402
eptique sur le résultat de cette entreprise. Pour
des
raisons que je devine plus sentimentales que les arguments qu’il m’op
1403
e que le lecteur demande, c’est qu’on lui raconte
une
histoire, me dit R. — Mais si je raconte mon histoire ? — Le lecteur
1404
is si je raconte mon histoire ? — Le lecteur veut
des
histoires inventées. — Mais si je lui dis que j’invente mon histoire
1405
— Parce que c’est gênant. Cela oblige à conclure,
une
histoire vraie. Cela vous met en question, cela vous invite à compare
1406
ra sans doute, indiscret, de ma part, ce journal.
Un
tel jugement ne serait pas très franc, d’ailleurs. L’indiscrétion, en
1407
tôt la vérité telle quelle, surtout la vérité sur
une
situation matérielle. Il est entendu qu’on ne doit pas parler de « qu
1408
doit pas parler de « questions matérielles » dans
une
société distinguée. Vous me direz qu’on ne parle guère que de cela. O
1409
rez qu’on ne parle guère que de cela. Oui, mais d’
une
façon générale, non pas personnelle. Seulement, il se trouve que mon
1410
e mes amours, en donnant toutes les précisions qu’
un
collégien puisse désirer.) R. me disait aussi : En somme, vous n’êtes
1411
.) R. me disait aussi : En somme, vous n’êtes pas
un
vrai chômeur, puisque vous avez la possibilité de travailler. — Je me
1412
is fait moi-même cette objection. Il est clair qu’
un
intellectuel aura toujours la possibilité de travailler, pour autant
1413
terme, s’il n’a plus la possibilité de s’assurer
un
gagne-pain régulier par son travail, s’il n’a plus d’emploi, et ne sa
1414
t de votre situation. Ce n’est fichtre pas le cas
des
vrais chômeurs ! — Ah, c’est vrai, je suis bien content, malgré tout.
1415
ntent, malgré tout. — Alors, vous n’êtes donc pas
un
vrai chômeur. — Mais je ne tiens pas du tout à être un « vrai chômeur
1416
ai chômeur. — Mais je ne tiens pas du tout à être
un
« vrai chômeur », je vous l’assure ! D’ailleurs j’ai déjà dit que cel
1417
nt impossible, sauf gâtisme précoce. Ce n’est pas
un
mal, je pense, si je suis heureux, bien que sans ressources. Mais d’a
1418
talon. Ce n’est pas avec ça que je pourrais faire
une
carrière dans le monde, à supposer que l’envie m’en prenne. Tout ce q
1419
mon journal, c’est qu’on peut être très content d’
un
sort matériel très médiocre. Ce n’est pas nouveau. Et il faut bien re
1420
⁂ Cette conversation avec R. m’a rendu attentif à
un
fait qui m’apparaît soudain fondamental ; c’est l’affectivité quasi i
1421
à l’apparition de délires subits de la pensée ou
des
sentiments. Aigreur et nervosité qui révèlent surtout un refoulement
1422
iments. Aigreur et nervosité qui révèlent surtout
un
refoulement séculaire de ces questions. Plusieurs générations de bour
1423
, et la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’
un
des plus beaux complexes que le diable ait jamais pu concevoir pour d
1424
t la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’un
des
plus beaux complexes que le diable ait jamais pu concevoir pour dress
1425
onction du vrai but de notre vie, de nous refaire
une
hiérarchie éthique, et de rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de
1426
en… 31 mars 1935 Place aux vieux ! — Je lis dans
un
journal socialiste du Midi, sous la rubrique « La vie régionale », qu
1427
eurs. Demain dimanche, à 10 heures, sera donnée
une
conférence au profit des vieux, hommes et femmes, âgés de 60 ans au m
1428
à 10 heures, sera donnée une conférence au profit
des
vieux, hommes et femmes, âgés de 60 ans au mois de juillet 1930 29 .
1429
0 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas de la loi
des
assurances sociales ont intérêt à assister à la conférence. L’organis
1430
ence. L’organisation lutte afin de faire accorder
une
retraite aux vieux. Unissez-vous, activez la propagande afin que sati
1431
sfaction soit donnée aux légitimes revendications
des
vieux ! « L’organisation lutte… Unissez-vous ! Activez la propagande
1432
ô gloire de la phraséologie marxiste ! Ô triomphe
des
mots d’ordre sur l’inertie des masses, l’égoïsme des petits bourgeois
1433
xiste ! Ô triomphe des mots d’ordre sur l’inertie
des
masses, l’égoïsme des petits bourgeois, l’obscurantisme clérical — la
1434
mots d’ordre sur l’inertie des masses, l’égoïsme
des
petits bourgeois, l’obscurantisme clérical — la conférence est à 10 h
1435
res ! Ô liberté, égalité, fraternité, Déclaration
des
droits de l’homme ! Il est venu, il est venu le jour que la Volonté p
1436
is-je, ce symbolique mot d’ordre sera donné comme
un
soufflet à la Réaction insolente : « Place aux Vieux ! » — On se dema
1437
e aux Vieux ! » — On se demande s’il est au monde
un
seul pays, hormis la France, où cette phrase soit possible. Où les pa
1438
comme objectif de « lutte ». Où la publication d’
un
communiqué de ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de rigo
1439
communiqué de ce genre ne soit pas accueillie par
une
traînée de rigolade irrépressible dans toutes les couches de la popul
1440
re par cette simple déclaration : « La France est
un
pays comblé qui a résolu tous les problèmes économiques urgents. La p
1441
uve en est fournie par ces phrases cueillies dans
un
journal révolutionnaire : ‟L’organisation lutte afin de faire accorde
1442
re : ‟L’organisation lutte afin de faire accorder
une
retraite aux vieux. Unissez-vous, activez la propagande, afin que sat
1443
sfaction soit donnée aux légitimes revendications
des
vieux !” Quand on en est à cela, dans les partis d’extrême gauche, c’
1444
cas, tout péril fasciste est écarté d’emblée pour
une
nation qui dévoue tous ses enthousiasmes aux soins que réclame la vie
1445
s journaux, est actuellement dominée par le souci
des
élections académiques et des retraites aux sexagénaires. N’est-ce pas
1446
dominée par le souci des élections académiques et
des
retraites aux sexagénaires. N’est-ce pas beau, rassurant, émouvant, d
1447
res. N’est-ce pas beau, rassurant, émouvant, dans
une
Europe que l’on croyait en proie aux brutales jeunesses bottées ? » 2
1448
la plupart des journaux parisiens et méridionaux.
Un
vieux bonhomme au nez violacé traîne ses pantoufles par la boutique e
1449
rossièrement la patronne qui ne répond pas. C’est
un
habitué, il est comme ça. Il faut le laisser frapper le sol de sa can
1450
ur ponctuer ses raisonnements d’alcoolique. Entre
un
homme maigre, casquette et veste de toile bleue proprette, visage ner
1451
foire). — Allons, tant mieux, fait l’homme. Et si
des
fois on vous en demande de trop, vous n’avez qu’à donner la mienne, v
1452
tre à la mairie ? » L’homme au visage maigre fait
un
geste réticent. Le vieux le tient par la manche et lui martèle de sa
1453
par la manche et lui martèle de sa canne le bout
des
souliers : « Tu m’entends ? Nous ôtres, nous allons vous passer à tab
1454
it ? Peuchère, c’est notre devoir ! (Il glousse d’
un
air malin). — On sait bien, dit le communiste, que vous avez toujours
1455
vez, le pouvoir ! » L’autre se dégage et s’en va,
un
peu triste, ou peut-être gêné. Entre ces deux hommes, je n’hésite pas
1456
n’hésite pas : je vote pour le communiste. C’est
un
Méridional du type sérieux, un de ces hommes qui pourraient sauver sa
1457
communiste. C’est un Méridional du type sérieux,
un
de ces hommes qui pourraient sauver sa région de la totale décrépitud
1458
ct local et personnel de la question, sur le plan
des
prochaines élections municipales. Mais il y a bien d’autres aspects.
1459
le voudrait. Mais ce n’est pas sûr. Je sais bien
une
douzaine de ses camarades qui comptent parmi les mieux rentés de ce p
1460
c penser que les partis expriment tout simplement
des
attitudes morales différentes ? Ce serait nouveau… Il y a au fond tou
1461
uelques mensonges grossiers, le truquage habituel
des
titres, une sauce aigre où nagent de grandes vérités brutales, toujou
1462
onges grossiers, le truquage habituel des titres,
une
sauce aigre où nagent de grandes vérités brutales, toujours bonnes à
1463
ratique de faire valoir les droits élémentaires d’
une
partie de la population. Mais quelle trahison des « petits » représen
1464
une partie de la population. Mais quelle trahison
des
« petits » représente alors ce journal ! Leur seule force contre les
1465
s, on les étourdit de mensonges, on les abreuve d’
une
prose abstraite, brutale — eux qui le sont si peu ! — et si possible,
1466
i peu ! — et si possible, plus médiocre que celle
des
grands journaux d’information. On leur impose une mystique confection
1467
des grands journaux d’information. On leur impose
une
mystique confectionnée à l’usage des moujiks… Quel est l’homme sain q
1468
leur impose une mystique confectionnée à l’usage
des
moujiks… Quel est l’homme sain qui oserait affirmer que ce quotidien
1469
t qui est fait aux ouvriers — ce n’est pas le cas
des
intellectuels qui « adhèrent » aux disciplines staliniennes en haine
1470
dhèrent » aux disciplines staliniennes en haine d’
une
société qu’ils sont les seuls à croire encore « chrétienne » — il fau
1471
» — il faut bien dire que le parti communiste est
une
sinistre trahison des pauvres hommes. Beaucoup, je le sais, résistent
1472
que le parti communiste est une sinistre trahison
des
pauvres hommes. Beaucoup, je le sais, résistent à l’intoxication, mai
1473
a seule dignité est d’avoir foi dans le pouvoir d’
une
pensée droite, — on se demande par quelle rancune vaguement démoniaqu
1474
s, vingt fois, prenez-les sur le fait au détour d’
une
phrase maladroite, rendez-les attentifs au sens de leurs clichés. Mie
1475
éel, — et qui renversera les conclusions cyniques
des
partisans de la dictature. Ils vous diront d’abord que le fond de leu
1476
s depuis la guerre dans les campagnes : nomadisme
des
employés et ouvriers, impossibilité de « suivre » un effort bien loca
1477
employés et ouvriers, impossibilité de « suivre »
un
effort bien localisé, de s’attacher à ce qu’on fait ; nécessité où l’
1478
s savent que les résultats sont à la merci soit d’
un
trust, soit d’un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal vi
1479
résultats sont à la merci soit d’un trust, soit d’
un
syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal vient de l’État — e
1480
dire : de ceux qui font les lois sans rien savoir
des
situations locales. Parfois ils proposeront quelque réforme pratique
1481
ns les chemins de fer et l’administration ; faire
des
lois régionales pour la viticulture ; mettre en commun les terres d’u
1482
ur la viticulture ; mettre en commun les terres d’
un
petit village ; vendre le vin du pays dans les épiceries du pays, les
1483
les épiceries du pays, lesquelles ne vendent que
des
succédanés fabriqués dans des « caves centrales » avec des vins d’Afr
1484
lles ne vendent que des succédanés fabriqués dans
des
« caves centrales » avec des vins d’Afrique et des produits chimiques
1485
danés fabriqués dans des « caves centrales » avec
des
vins d’Afrique et des produits chimiques (« que vous avez la gorge br
1486
es « caves centrales » avec des vins d’Afrique et
des
produits chimiques (« que vous avez la gorge brûlante après un verre
1487
himiques (« que vous avez la gorge brûlante après
un
verre »). Enfin ils se plaindront de ce que, dans leur pays, il n’y a
1488
a ville. (« C’est mort, ici ! » — phrase entendue
un
peu partout dans la province). Et puis « leur » politique, parlez-moi
1489
s combines » — il n’y a rien à y comprendre. Dans
une
assemblée populaire, on ne dira pas un mot de tout cela, on s’en tien
1490
dre. Dans une assemblée populaire, on ne dira pas
un
mot de tout cela, on s’en tiendra aux clichés du journal. On n’aura p
1491
e, ni même l’idée de pousser plus loin, d’aborder
des
réalités. Donc, par amour du peuple, n’écoutons plus ses assemblées,
1492
pas lui. Écoutons les observations que formulent
des
individus pris à part, dans leur vie concrète. Je constate qu’elles v
1493
e, communalisme, syndicats locaux, rajeunissement
des
cadres, développement des techniques libératrices, des sports, des mo
1494
locaux, rajeunissement des cadres, développement
des
techniques libératrices, des sports, des moyens de circuler et de s’i
1495
adres, développement des techniques libératrices,
des
sports, des moyens de circuler et de s’instruire, résistance à l’état
1496
oppement des techniques libératrices, des sports,
des
moyens de circuler et de s’instruire, résistance à l’état tentaculair
1497
et qu’il ne semble.) Conclusion : il appartient à
des
équipes d’hommes nouveaux, jeunes et sortis de toutes les classes, d’
1498
rs et les affiches — et qui est la volonté réelle
des
travailleurs, trahis par le langage politicien. La dictature est la s
1499
siècle. La dictature est très facile. Elle n’a qu’
un
argument très puissant contre nous : sur qui et sur quoi tablez-vous
1500
sur quels intérêts ? — Nous comptons sur l’effort
des
hommes les plus humains. C’est peu, dites-vous. Mais rien d’autre n’e
1501
monies dans le Gard. — La maison de Simard recèle
un
effrayant secret qu’on m’avait laissé ignorer : une belle-mère. Nous
1502
n effrayant secret qu’on m’avait laissé ignorer :
une
belle-mère. Nous apprenons son existence en même temps que l’imminenc
1503
nce de sa mort — et voici qui éveillera peut-être
des
réflexions fécondes dans l’esprit du lecteur philosophe. Déjà huit mo
1504
froyables discussions nous parvient de la cuisine
des
Simard. Un beau-frère est arrivé, et on partage. C’est toujours assez
1505
scussions nous parvient de la cuisine des Simard.
Un
beau-frère est arrivé, et on partage. C’est toujours assez compliqué.
1506
age. C’est toujours assez compliqué. La nuit, par
un
dernier respect pour la moribonde qu’ils veillent à tour de rôle, ils
1507
us ont plusieurs fois réveillés. 18 mai 1935 … Et
un
beau jour, plus moyen d’échapper à cette humiliante évidence : sans a
1508
ns argent, sans amis proches, la solitude devient
un
isolement. Il y a « les gens », bien sûr. C’est instructif. Mais le d
1509
C’est instructif. Mais le désir de s’instruire a
des
limites. Déjà les relations se stabilisent, les « courtes habitudes »
1510
s tard, peut-être, quand toutes ces maisons vides
des
environs seront habitées par des colonies de jeunes gens — si jamais
1511
es maisons vides des environs seront habitées par
des
colonies de jeunes gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre d
1512
gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre
des
villes, où ils s’incrustent — la province deviendra vivable. La révol
1513
cle paraît. m. Rougemont Denis de, « Journal d’
un
intellectuel en chômage (fragments) », Mesures, Châtenay-Malabry / Pa
1514
ur est qu’ils n’envisagent pour cette défense que
des
moyens fascistes. « Toute la littérature sociale-démocrate — écrit Lé
1515
rate — écrit Lénine en 1905 déjà ! — doit devenir
une
littérature de Parti. » Et Staline fait écho, trente ans plus tard, à
1516
plus tard, à cette déclaration totalitaire ; dans
un
discours aux cadets de l’Académie de l’Armée rouge, il s’écrie : « Ch
1517
tout ! » Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’
un
choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art.
1518
rature et l’art. Disons tout de suite que le Père
des
peuples n’a fourni pour sa part qu’une dizaine de pages (sur 150) rel
1519
ue le Père des peuples n’a fourni pour sa part qu’
une
dizaine de pages (sur 150) relatives surtout au développement d’une c
1520
es (sur 150) relatives surtout au développement d’
une
culture nationale-socialiste en Russie. Mais cela permet toutefois de
1521
à celle de Lénine. Lénine affiche en littérature
des
goûts tantôt traditionnels et presque scolaires (Lermontov, Pouchkine
1522
Mais notre cœur — vous ne l’aurez jamais ! Dans
un
article de 1922, il loue cependant un poème de Maïakovski contre les
1523
ais ! Dans un article de 1922, il loue cependant
un
poème de Maïakovski contre les bureaucrates. Je n’appartiens pas, di
1524
omaine. Mais depuis longtemps, je n’avais éprouvé
un
pareil plaisir, du point de vue politique et administratif. Dans son
1525
l raille impitoyablement les réunions et se moque
des
communistes qui ne font que siéger et siéger encore. Je ne sais ce qu
1526
l’homme plutôt sympathique. Mais, en 1935, le ton
des
« dirigeants » a bien changé. Voici ce qu’écrit, à cette date, le Pèr
1527
changé. Voici ce qu’écrit, à cette date, le Père
des
peuples, sur le même Maïakovski : Il a été et il demeure le poète le
1528
. L’indifférence à sa mémoire et à ses œuvres est
un
crime. Vous reconnaissez le ton du policier, et du fonctionnaire arr
1529
onnaire arrivé. « L’indifférence à ses œuvres est
un
crime. » Heureusement pour lui que Lénine est déjà mort et momifié !
1530
et momifié ! Je ne sais quelle était l’intention
des
éditeurs communistes de ce choix. Il en ressort à l’évidence que les
1531
a littérature étaient en général saines, banales,
un
peu courtes, et que Staline s’est chargé d’en extraire ce qu’elles av
1532
s de relever la vraie défense de la culture, et d’
une
culture créatrice, novatrice, contre ses fossoyeurs totalitaires, et
1533
ur de prix à l’Académie de l’Armée rouge, l’homme
des
« cadres qui décident de tout ». n. Rougemont Denis de, « Lénine,
1534
rdue (mai-juin 1937)p L’énigme Vers 1813,
un
personnage assez hagard aborde l’imagination de Chamisso ; il déclare
1535
Le second romantisme bat son plein. On a vu bien
des
fous Chez Tieck et chez Fouqué. Celui-ci pourtant manifeste une anxié
1536
Tieck et chez Fouqué. Celui-ci pourtant manifeste
une
anxiété plus sérieusement troublante. « L’homme sans ombre » rôdait d
1537
hamisso est français de naissance et d’éducation.
Une
excentricité du sort a fait de lui un poète allemand. Les autres ont
1538
éducation. Une excentricité du sort a fait de lui
un
poète allemand. Les autres ont toujours cru à cette fable, mais dirai
1539
nçais, c’est passer au soleil : c’est donc avouer
un
terrible secret ! Il arrive souvent qu’un étranger s’initiant aux cro
1540
avouer un terrible secret ! Il arrive souvent qu’
un
étranger s’initiant aux croyances d’un peuple soit le premier saisi p
1541
souvent qu’un étranger s’initiant aux croyances d’
un
peuple soit le premier saisi par ce frisson d’absurdité que l’on bapt
1542
ont repris cette histoire. Le dernier même y mêle
une
assez opaque science, sans détriment pour le mystère, qui reste entie
1543
à voir tant d’auteurs s’exercer l’imagination sur
un
sujet qui défie l’expérience, l’on s’étonne qu’aucun d’entre eux n’ai
1544
s sans jamais se poser de questions sur le sens d’
un
tel accident — dont à vrai dire les suites sont assez pittoresques po
1545
i dire les suites sont assez pittoresques pour qu’
un
« poète » — au sens banal du terme — préfère en ignorer la cause ? L’
1546
ffmann… ⁂ L’énigme commença de m’inquiéter lors d’
un
séjour allemand au cours duquel je pus observer mainte fois l’extraor
1547
mal l’intrigue de la Femme sans ombre. Je voyais
une
actrice parcourir la scène en hurlant : elle tirait après soi un gran
1548
ourir la scène en hurlant : elle tirait après soi
un
grand morceau d’étoffe qui figurait son ombre et l’embarrassait fort.
1549
lus le livre qui me parut splendide… Qu’est-ce qu’
une
ombre ? me demandais-je. Quelque chose d’assez méprisable. Les Latins
1550
ux, du moins qui, plaçant la Raison dans le monde
des
dieux, voudraient bien être pris pour des gens raisonnables. Voilà po
1551
e monde des dieux, voudraient bien être pris pour
des
gens raisonnables. Voilà pourquoi, pensais-je, ils méprisent l’ombre,
1552
estiment gravement. Mais encore ? Ils en ont tous
une
, et s’entendent à tirer parti du plaisir que dispense un corps. Ils p
1553
s’entendent à tirer parti du plaisir que dispense
un
corps. Ils prisent fort la « transparence », mais tolèrent très bien
1554
»36. Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien qu’
une
évidence assez pauvre : l’ombre est le fait, en nous, de notre chair.
1555
’en venir à cette extrémité, on pouvait essayer d’
un
pédantisme moins barbare. Je rédigeai la note qui suit, en m’appliqua
1556
r. Signalement de Peter Schlemihl Peter est
un
naïf : il croit à la fortune. Il croit surtout qu’elle seule assure à
1557
. Il croit surtout qu’elle seule assure à l’homme
une
dignité. C’est un bourgeois de la plus dangereuse espèce, le bourgeoi
1558
qu’elle seule assure à l’homme une dignité. C’est
un
bourgeois de la plus dangereuse espèce, le bourgeois pauvre qui envie
1559
qu’il le tient. Peter lui donne son ombre contre
une
bourse magique, d’où il pourra tirer un or inépuisable. Désormais ric
1560
e contre une bourse magique, d’où il pourra tirer
un
or inépuisable. Désormais riche, mais privé d’ombre, il se croit le m
1561
Peter, et le moleste en mille manières. Les jeux
des
enfants dans la rue, les valets qui le servent, les femmes qu’il renc
1562
de la lune. Il recherche la solitude pour y mener
des
réflexions désespérées. Souvent il éclate en sanglots à l’idée du plu
1563
le secret, jalousement, méchamment, contre lui !
Un
secret, ce l’est bien pour eux, comme toutes les choses trop naturell
1564
ongtemps, il n’a pas d’ombre ! » Que reste-t-il à
un
tel homme ? Le suicide ? Rien n’est plus loin de sa pensée. Sa vision
1565
sée. Sa vision du monde serait exactement celle d’
un
philistin sympathique, d’un philistin sans exigences, et qui veut cro
1566
it exactement celle d’un philistin sympathique, d’
un
philistin sans exigences, et qui veut croire à la vertu, — s’il n’y a
1567
philistin méconnu se voit chassé de la communauté
des
siens. Et par sa faute ! c’est là son amertume. Ici intervient l’évas
1568
intervient l’évasion. Il achète — par économie —
une
paire de bottes usagées. Mais voilà bien sa chance, ce sont les botte
1569
agabondages qu’il imagine. Il peut même retrouver
une
espèce d’activité, purement descriptive il est vrai, solitaire, presq
1570
st vrai, solitaire, presque mécanique : il dresse
un
vaste catalogue de toutes les plantes de la terre. C’est à cela qu’il
1571
tout ? Ceci dit, la psychanalyse peut nous donner
des
descriptions utiles, et quelques « trucs » d’observation. Je retiens
1572
c de Freud cette constatation : « Celui qui, dans
un
domaine quelconque, est considéré comme anormal au point de vue socia
1573
siste dans la compagnie de ses semblables que par
un
subterfuge toujours menacé. D’une incompatibilité sociale aussi absol
1574
mblables que par un subterfuge toujours menacé. D’
une
incompatibilité sociale aussi absolue, nous devrions déduire, semble-
1575
ussi absolue, nous devrions déduire, semble-t-il,
une
aberration maximum. Pour confirmer notre soupçon sur la nature de cet
1576
’allons pas conclure trop vite. Les états d’âme d’
un
malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’un
1577
clure trop vite. Les états d’âme d’un malade ou d’
un
fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’un homme sain ? N
1578
malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement
des
états d’âme d’un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixat
1579
u diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’
un
homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’états qui,
1580
Peter Schlemihl n’est-il pas comparable à celui d’
un
esprit et d’un corps sains après « l’amour » ? Durant quelques moment
1581
n’est-il pas comparable à celui d’un esprit et d’
un
corps sains après « l’amour » ? Durant quelques moments, l’homme épro
1582
mour » ? Durant quelques moments, l’homme éprouve
une
sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’
1583
té et en même temps de lourdeur, comme s’il était
un
peu en arrière des choses, lent à démêler le monde où il revient, et
1584
s de lourdeur, comme s’il était un peu en arrière
des
choses, lent à démêler le monde où il revient, et qui l’accable de pr
1585
e une première influence de ce qu’on nommera chez
un
malade, folie de la persécution). Il arrive aussi que cet homme se se
1586
ication. Elle paraîtra sans doute plus probante à
des
adolescents qu’à des adultes, à des mélancoliques qu’à des sanguins,
1587
a sans doute plus probante à des adolescents qu’à
des
adultes, à des mélancoliques qu’à des sanguins, et même à des Nordiqu
1588
us probante à des adolescents qu’à des adultes, à
des
mélancoliques qu’à des sanguins, et même à des Nordiques qu’à des Mér
1589
scents qu’à des adultes, à des mélancoliques qu’à
des
sanguins, et même à des Nordiques qu’à des Méridionaux, pourrions-nou
1590
à des mélancoliques qu’à des sanguins, et même à
des
Nordiques qu’à des Méridionaux, pourrions-nous ajouter avec toutes le
1591
s qu’à des sanguins, et même à des Nordiques qu’à
des
Méridionaux, pourrions-nous ajouter avec toutes les réserves qu’on vo
1592
ue du mythe38. Dès le début, j’avais pressenti qu’
une
fable à ce point célèbre dans un peuple ne pouvait exprimer qu’un fai
1593
is pressenti qu’une fable à ce point célèbre dans
un
peuple ne pouvait exprimer qu’un fait humain élémentaire. J’étais déç
1594
int célèbre dans un peuple ne pouvait exprimer qu’
un
fait humain élémentaire. J’étais déçu de le voir se réduire à quelque
1595
ugés, français surtout, concourent à ridiculiser.
Un
fragment de Paracelse, lu par hasard à cette époque, vint heureusemen
1596
ette époque, vint heureusement me donner la clé d’
une
interprétation autrement riche et inquiétante. Je traduis ce fragment
1597
r la Liquor vitae dans l’homme à autre chose qu’à
une
ombre sur la paroi, laquelle (ombre) vient de l’homme et se forme d’a
1598
aussi la Liquor, qui est « l’ombre intérieure. »
Une
lecture plus poussée de Paracelse devait bientôt m’apprendre, avec bi
1599
importance démesurée que du seul fait qu’elle est
une
image physique du pouvoir créateur spirituel. Comme on peut le voir p
1600
ntiments. On parle « d’étalage impudique » lorsqu’
un
auteur exhibe une excessive sincérité dans ses écrits. (Il peut être
1601
e « d’étalage impudique » lorsqu’un auteur exhibe
une
excessive sincérité dans ses écrits. (Il peut être d’ailleurs, au sen
1602
urs, au sens courant du mot, le plus « pudibond »
des
bourgeois : un Amiel). Cependant ces remarques n’expliquent pas encor
1603
rant du mot, le plus « pudibond » des bourgeois :
un
Amiel). Cependant ces remarques n’expliquent pas encore l’essentiel.
1604
Alors le corps a honte de sa pensée, et celle-ci
des
désirs de son corps — comme d’un embrassement sans amour, ou d’un amo
1605
ée, et celle-ci des désirs de son corps — comme d’
un
embrassement sans amour, ou d’un amour qui se refuse à l’étreinte. Et
1606
corps — comme d’un embrassement sans amour, ou d’
un
amour qui se refuse à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t-elle
1607
llement, ou de quelque autre sorte, il n’est plus
un
homme créateur. À l’inverse, la chasteté (spirituelle ou corporelle)
1608
le monde. Elle le porte au-devant de tout, comme
un
peu en avant de lui-même, là où il peut dominer sa vie et la construi
1609
la construire avec tout son instinct à l’image d’
une
vision de l’esprit. (L’esprit seul voit) Le corps et l’âme chantent a
1610
fable Peter Schlemihl nous apparaît maintenant
une
émouvante et très précise description de l’individu romantique, dans
1611
mannsthal — contre-épreuve — décrit le tourment d’
une
femme stérile, l’impératrice qui a perdu son ombre et qui emprunte ce
1612
ice qui a perdu son ombre et qui emprunte celle d’
une
fille du peuple. Mais Andersen, comme on pouvait s’y attendre, fait d
1613
orté au-delà de lui-même par l’attrait puissant d’
un
désir — reviendra s’asservir le poète… ⁂ C’est une des gloires du rom
1614
un désir — reviendra s’asservir le poète… ⁂ C’est
une
des gloires du romantisme allemand que d’avoir su élever les faibless
1615
ésir — reviendra s’asservir le poète… ⁂ C’est une
des
gloires du romantisme allemand que d’avoir su élever les faiblesses d
1616
génial, l’audace comme malgré soi re-créatrice d’
un
Chamisso. Les amateurs d’absurdités lyriques, j’en suis parfois, devr
1617
j’en suis parfois, devraient se garder d’affadir
une
telle œuvre, n’y admirant à leur coutume qu’une « fantaisie gratuite
1618
r une telle œuvre, n’y admirant à leur coutume qu’
une
« fantaisie gratuite » de l’art. Nul doute que l’art de Chamisso ne s
1619
nifie. Il y suffit d’ailleurs qu’il soit vraiment
un
art — tout effort digne de ce nom établit d’abord une action concerté
1620
art — tout effort digne de ce nom établit d’abord
une
action concertée, une mise en ordre, un sens donné… C’est par là que
1621
e de ce nom établit d’abord une action concertée,
une
mise en ordre, un sens donné… C’est par là que Chamisso s’est sauvé d
1622
d’abord une action concertée, une mise en ordre,
un
sens donné… C’est par là que Chamisso s’est sauvé de lui-même : s’il
1623
e toutefois par ceci qu’il l’a fait, témoignant d’
un
pouvoir d’invention dont la nouveauté reste entière. Et j’y songe : c
1624
ore notre vie, n’est-ce pas l’ombre de Chamisso ?
Une
ombre qui a perdu son homme, cette fois, mais non pas ses charmes pro
1625
Je n’ai pas voulu alourdir cette esquisse de tout
un
appareil de références bibliographiques. On les trouve d’ailleurs réu
1626
. Cet érudit psychanalyste ne recense pas moins d’
une
cinquantaine d’auteurs célèbres qui ont traité le mythe de l’ombre pe
1627
. Barrès, dans ses Cahiers, recueille la lettre d’
un
descendant français de Chamisso, selon lequel l’idée de Peter Schlemi
1628
eter Schlemihl aurait été donnée à son auteur par
un
de ses parents, au cours d’un séjour à Paris. L’origine du conte célè
1629
ée à son auteur par un de ses parents, au cours d’
un
séjour à Paris. L’origine du conte célèbre serait donc bien française
1630
laires, antérieures de plusieurs siècles, voire d’
un
ou deux millénaires, à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque objet
1631
« vérité d’expérience » si l’on voulait en faire
une
règle, comme nous en menacent les conformismes totalitaires ? On ne p
1632
s conformismes totalitaires ? On ne peut accepter
une
« vérité » de ce genre qu’en insistant sur le contraire : l’anormal p
1633
sur le contraire : l’anormal peut être créateur d’
un
nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’une nouvelle normali
1634
nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’
une
nouvelle normalité. 38. Dans le conte intitulé « l’Ombre », Andersen
1635
te intitulé « l’Ombre », Andersen raconte comment
un
philosophe « Venant des froides régions du Nord » et voyageant aux pa
1636
, Andersen raconte comment un philosophe « Venant
des
froides régions du Nord » et voyageant aux pays chauds, perd son ombr
1637
ux pays chauds, perd son ombre à force de rêver d’
une
jeune femme qu’il perçoit de sa fenêtre. « Mais dans les climats chau
1638
auds, les choses croissent très vite, et après qu’
une
semaine eut passé, il vit à sa grande joie qu’une nouvelle ombre part
1639
une semaine eut passé, il vit à sa grande joie qu’
une
nouvelle ombre partant de ses pieds commençait à croître lorsqu’il se
1640
se distingue de la Liquor vitae « comme l’écume d’
une
soupe ». La créativité se purifie donc en le localisant. Il paraît al
1641
ors que le freudisme ne s’occupe que de l’écume d’
une
soupe ! (ou bien l’appelle-t-il libido ?). 40. Ces traits ne sauraie
1642
ibido ?). 40. Ces traits ne sauraient définir qu’
un
aspect, à vrai dire fréquent, du romantisme allemand qui en a montré
1643
Journal d’
un
intellectuel en chômage (25 juillet 1937)q r Début de novembre 193
1644
illeuls, la margelle du puits à gauche, où repose
une
vieille chatte, le chai à droite. Au-delà de la cour, les planches in
1645
es planches incultes du potager, de chaque côté d’
une
allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux b
1646
d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à
une
porte de bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais.
1647
porte de bois à deux battants, à demi cachée par
des
lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardi
1648
e la maison. On ne voit rien que le ciel au-delà,
un
ciel lavé, tissé d’oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide.
1649
el lavé, tissé d’oiseaux, et parfois traversé par
un
nuage rapide. En me retournant à droite, je vois par une autre fenêtr
1650
ge rapide. En me retournant à droite, je vois par
une
autre fenêtre un coin de lande, et de petites dunes broussailleuses q
1651
etournant à droite, je vois par une autre fenêtre
un
coin de lande, et de petites dunes broussailleuses qui ferment l’hori
1652
, et partout cette humide lumière blanche qui met
des
ombres si légères, vertes et bleues, sur les murailles rosées. La mai
1653
es au rez-de-chaussée, séparées de la cuisine par
un
couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par un petit escalier qui
1654
un couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par
un
petit escalier qui prend au fond de la cuisine, deux autres chambres
1655
rt de plafond. Très peu de meubles, comme j’aime.
Des
murs blanchis ou teintés de bleu clair, des planchers rudes. Décor ca
1656
aime. Des murs blanchis ou teintés de bleu clair,
des
planchers rudes. Décor candide et gai, oui vraiment plus gai qu’ascét
1657
t plus gai qu’ascétique. Dans le chai, à la porte
un
peu trop basse, règne une pénétrante odeur de laurier. On distingue d
1658
Dans le chai, à la porte un peu trop basse, règne
une
pénétrante odeur de laurier. On distingue dans l’ombre des amas de br
1659
rante odeur de laurier. On distingue dans l’ombre
des
amas de branchages, des outils et des treilles pour la pêche aux crev
1660
On distingue dans l’ombre des amas de branchages,
des
outils et des treilles pour la pêche aux crevettes. Je me suis procur
1661
ans l’ombre des amas de branchages, des outils et
des
treilles pour la pêche aux crevettes. Je me suis procuré un petit ton
1662
s pour la pêche aux crevettes. Je me suis procuré
un
petit tonneau de vin blanc de l’île. C’est un clairet assez acide, qu
1663
uré un petit tonneau de vin blanc de l’île. C’est
un
clairet assez acide, qui laisse peut-être un léger goût iodé, au moin
1664
’est un clairet assez acide, qui laisse peut-être
un
léger goût iodé, au moins l’on est tenté de l’imaginer : la vigne cro
1665
tenté de l’imaginer : la vigne croît ici au ras d’
un
sol sablonneux que l’on fume avec du varech. De l’île, du village, de
1666
i lu que les Règles de Descartes, comme on ferait
un
mot croisé, pour tuer le temps avant un rendez-vous. 19 novembre 1933
1667
on ferait un mot croisé, pour tuer le temps avant
un
rendez-vous. 19 novembre 1933 Premiers contacts avec les gens. — Le
1668
u bout de notre jardin. Passé la porte, on enfile
une
petite rue toute blanche qui contourne la panse de l’église, et about
1669
ace principale. Au milieu de cette place, qui est
un
vaste rectangle de terre jaune, les habitants plantèrent à la Révolut
1670
e jaune, les habitants plantèrent à la Révolution
un
arbre de la Liberté. Cet orme est devenu gigantesque, majestueux exem
1671
us ses détails et toute son opulence, frisé comme
une
perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vid
1672
airs et simples, blanc, jaune ou vert. La couleur
des
volets s’harmonise avec chaque façade d’une manière subtile et précis
1673
uleur des volets s’harmonise avec chaque façade d’
une
manière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple dis
1674
t l’impression que je veux retenir pour le moment
des
gens d’ici. Elle corrige la mauvaise humeur que m’a donnée notre épic
1675
a vivre. Celle-ci est énorme et goutteuse. Elle a
des
douleurs dans les jambes, et m’en parle d’abord, pour me mettre en co
1676
aire causer avant de fixer le prix du chou-fleur,
des
enveloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtem
1677
ne la renseignent pas clairement. Et que penser d’
un
« Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ? —
1678
pas pour mes vacances ! J’ai du travail chez moi,
des
tas de choses à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage. Et mo
1679
n’achetant guère autre chose que de la mercerie,
des
lainages et des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la pla
1680
e autre chose que de la mercerie, des lainages et
des
épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie.
1681
ar elles ne baisseront pas leurs prix pour garder
un
client, elles les augmenteront bien plutôt pour le punir d’avoir été
1682
pas être accueilli par la réprobation sournoise d’
une
épicière. 21 novembre 1933 Le bureau de poste. — Trois mètres sur tro
1683
s fois la semaine au moins, il me voit venir avec
une
grande enveloppe contenant un manuscrit. Est-ce une lettre ? — Non. —
1684
me voit venir avec une grande enveloppe contenant
un
manuscrit. Est-ce une lettre ? — Non. — Est-ce un imprimé ? — Non. C’
1685
e grande enveloppe contenant un manuscrit. Est-ce
une
lettre ? — Non. — Est-ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine.
1686
un manuscrit. Est-ce une lettre ? — Non. — Est-ce
un
imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a rien d
1687
qu’il n’y a rien d’écrit à la main ? — Si, il y a
des
corrections écrites à la main. Pédenaud relit pour la nième fois son
1688
pour la nième fois son tarif, fait son calcul sur
un
bout de papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs, pour un envoi,
1689
pier, et conclut que j’ai à payer 72 francs, pour
un
envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuillets. Il en paraît lui-même
1690
i à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour-là, d’
une
centaine de feuillets. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme ave
1691
du jardin. C’est la femme de Pédenaud qui brandit
un
papier. J’accours : elle me tend une formule de télégramme, mais ce n
1692
d qui brandit un papier. J’accours : elle me tend
une
formule de télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une not
1693
tend une formule de télégramme, mais ce n’est pas
un
télégramme, c’est une notification officielle d’avoir à verser sans d
1694
élégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est
une
notification officielle d’avoir à verser sans délai la somme de Fr. 6
1695
édenaud, qui a voulu en avoir le cœur net, a pris
des
instructions par téléphone au chef-lieu. Son supérieur lui a confirmé
1696
one au chef-lieu. Son supérieur lui a confirmé qu’
un
manuscrit s’affranchit comme une lettre. Il faut donc que je m’exécut
1697
lui a confirmé qu’un manuscrit s’affranchit comme
une
lettre. Il faut donc que je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé
1698
ge le sac postal, discuter passionnément, trouver
une
formule d’apaisement qui ménage toutes les susceptibilités, et finale
1699
rien payer de plus. Je note ceci parce que c’est
un
petit signe assez typique du malentendu qui apparaît entre les gens d
1700
gravité, bien sûr. Mais quel drame dans la vie d’
un
buraliste de recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit et transpire
1701
t et transpire rien qu’à me voir entrer. Je cause
un
peu, pour me faire pardonner. Pédenaud est mutilé de guerre. Il boite
1702
ancs par mois « en comptant tout ». Sa femme fait
des
lessives. En été ils pêchent des palourdes et les vendent aux baigneu
1703
». Sa femme fait des lessives. En été ils pêchent
des
palourdes et les vendent aux baigneurs. Bien entendu, je n’arrive pas
1704
mbien ce petit commerce lui rapporte, « ça dépend
des
années ». Pédenaud me considère comme riche (sinon dépenserais-je tan
1705
semaines, il estimerait que j’exagère, même pour
un
riche. Je me sens rejeté dans la catégorie bourgeoise. Ma bonne consc
1706
vrages traitant de mon île, j’ai déniché ce matin
une
édition populaire de La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas
1707
Il est exactement de l’espèce que j’aime, et l’un
des
plus charmants dans cette espèce, mais ce n’est point pour cela que j
1708
st point pour cela que j’en parle ici. C’est pour
une
raison très précise et qui n’a rien à voir avec la critique littérair
1709
lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces d’
un
hérisson mort. » Cette phrase a fait dans mon esprit ce qu’on appelle
1710
te phrase a fait dans mon esprit ce qu’on appelle
un
trait de lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous sommes rév
1711
l’espace de deux minutes, ce qui doit constituer
une
sorte de record. D’autres sautaient sur le couvre-pied. D’autres sur
1712
use du phénomène. Il est vrai qu’on a beau porter
un
nombre excessif de jupons, cela ne devrait pas suffire à rendre vrais
1713
ela ne devrait pas suffire à rendre vraisemblable
une
hypothèse à ce point injurieuse. Pourtant nous n’en trouvions pas d’a
1714
uvions pas d’autres. Or, peu de jours auparavant,
un
petit hérisson était venu se mettre en boule dans la plate-bande qui
1715
je l’avais oublié là, sans sépulture, caché sous
des
feuillages brunis. Si j’ajoute que la porte d’entrée joint mal le seu
1716
Je rapporte cette anecdote parce qu’elle comporte
une
conclusion qui la dépasse d’ailleurs notablement et qui me paraît ass
1717
e sais combien d’années, je viens de trouver dans
un
ouvrage littéraire la solution d’une question précise. Grâce à Colett
1718
trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’
une
question précise. Grâce à Colette, je sais maintenant pourquoi notre
1719
es. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme
un
symbole. Les livres devraient être utiles. 23 décembre 1933 J’écris c
1720
nt être utiles. 23 décembre 1933 J’écris ceci sur
une
table de café. À travers la vitrine, je vois le vieux port de cette v
1721
s pour Taillefer. Nous sommes attablés ici depuis
un
bon moment déjà, tout contents de revoir le va-et-vient d’un lieu pub
1722
nt déjà, tout contents de revoir le va-et-vient d’
un
lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarettes
1723
public, de lire les journaux de Paris et de fumer
des
cigarettes américaines au goût de miel, introuvables dans l’île. Pend
1724
introuvables dans l’île. Pendant que ma femme lit
des
hebdomadaires, je vais renouer le fil de ce journal. Tout d’abord, j’
1725
availlé beaucoup, mais je ne serai pas payé avant
un
mois. Or, un mois, ou même une semaine, cela compte quand on n’a plus
1726
oup, mais je ne serai pas payé avant un mois. Or,
un
mois, ou même une semaine, cela compte quand on n’a plus rien. Pour c
1727
erai pas payé avant un mois. Or, un mois, ou même
une
semaine, cela compte quand on n’a plus rien. Pour celui qui vit au jo
1728
rie » dans les affaires, devient ici, évidemment,
un
obstacle absolu.) Assuré au moins de quelque argent à venir, j’ai acc
1729
elque argent à venir, j’ai accepté l’invitation d’
un
ami qui nous offre de passer trois semaines chez lui. Il habite à une
1730
re de passer trois semaines chez lui. Il habite à
une
petite journée de voyage de notre île. La leçon pratique de cette pre
1731
a conquérir avec méthode, et organiser à l’avance
un
plan d’attaque, prévoyant à un jour près la date d’arrivée des renfor
1732
ganiser à l’avance un plan d’attaque, prévoyant à
un
jour près la date d’arrivée des renforts. Je ne suis pas trop fier de
1733
taque, prévoyant à un jour près la date d’arrivée
des
renforts. Je ne suis pas trop fier de ma retraite stratégique, mais t
1734
même bien décidé à renouveler ma tentative, dans
un
mois. q. Rougemont Denis de, « Journal d’un intellectuel en chôma
1735
s un mois. q. Rougemont Denis de, « Journal d’
un
intellectuel en chômage », La Revue du dimanche, supplément hebdomad
1736
du Livre, à Lausanne, paraîtra très prochainement
un
ouvrage de notre compatriote, l’excellent écrivain neuchâtelois Denis
1737
vain neuchâtelois Denis de Rougement : Journal d’
un
intellectuel en chômage . Grâce à la complaisance du directeur de la
1738
eur peint notamment le milieu où il s’est retiré,
une
petite île vendéenne. »
1739
Extraits de… Journal d’
un
intellectuel en chômage (15 août 1937)s t Il faut parler des « aut
1740
el en chômage (15 août 1937)s t Il faut parler
des
« autocars ». Je ne sais si l’on se doute à Paris de l’importance des
1741
ne sais si l’on se doute à Paris de l’importance
des
autocars et des transformations qu’ils sont en train de causer dans l
1742
se doute à Paris de l’importance des autocars et
des
transformations qu’ils sont en train de causer dans la vie provincial
1743
t plus guère de « pays » qui ne soit desservi par
une
ou deux ou même trois compagnies de transports locaux. Depuis que j’a
1744
. Depuis que j’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé
une
vingtaine de ces lignes. Je commence à connaître leurs coutumes : rie
1745
t convergeait vers Paris, non seulement du fait d’
une
organisation ferroviaire centralisée, mais encore sentimentalement. L
1746
mais encore sentimentalement. Le confort relatif
des
grandes lignes indiquait qu’on allait à Paris ou qu’on en venait. Tou
1747
vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère que
des
gares, ce qu’il y a de plus attristant dans chaque village. Aujourd’h
1748
ce principale. C’est de là qu’on part au milieu d’
une
grande affluence de badauds, c’est là qu’on arrive à grands sons de t
1749
oit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était
une
sorte d’insulte à la vie locale ; elle la traversait abstraitement, s
1750
de ses circonstances. Sur ses bords ne vivait qu’
une
population nomade, qui portait l’uniforme de l’État, partout la même.
1751
itent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’
une
province à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui change. N
1752
as tous de la même sorte, et que d’une province à
une
autre, ce n’est pas seulement le paysage qui change. N’était-ce pas l
1753
nt le paysage qui change. N’était-ce pas là l’une
des
raisons qui faisait, si facilement nier la subsistance des « petites
1754
ns qui faisait, si facilement nier la subsistance
des
« petites patries » dans la nation abstraitement unifiée ? La ligne d
1755
Elle quitte à tout propos la route nationale pour
des
chemins secondaires ou des ruelles à peine plus larges que la voiture
1756
a route nationale pour des chemins secondaires ou
des
ruelles à peine plus larges que la voiture. Mais aussi elle tient com
1757
rges que la voiture. Mais aussi elle tient compte
des
rythmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matina
1758
ompte des rythmes de la vie locale, du calendrier
des
marées, de l’heure matinale des foires, dans les districts ruraux, et
1759
le, du calendrier des marées, de l’heure matinale
des
foires, dans les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la s
1760
s ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie
des
usines ou des écoles. La simple intention d’utiliser ce moyen de tran
1761
illeurs de l’entrée et de la sortie des usines ou
des
écoles. La simple intention d’utiliser ce moyen de transport vous met
1762
faut aller dans deux ou trois cafés pour obtenir
un
minimum de précisions concernant l’heure du prochain départ et la des
1763
nant l’heure du prochain départ et la destination
des
diverses voitures qui stationnent, sur la place… Et que dire maintena
1764
Et que dire maintenant du voyage lui-même ? C’est
une
résurrection de ce que Vigny pleurait, la poésie des diligences, mais
1765
résurrection de ce que Vigny pleurait, la poésie
des
diligences, mais aérée. C’est fait d’une foule d’incidents entrevus,
1766
a poésie des diligences, mais aérée. C’est fait d’
une
foule d’incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conversa
1767
es, avec ce personnage enfoui à côté de vous dans
un
luxueux fauteuil de cuir rouge ou bleu vif, et qui change de tête plu
1768
ups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’
un
jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours
1769
geurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou d’
un
enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les c
1770
pas deux mots à dire par la portière entr’ouverte
un
instant à la fille de l’auberge écartée qui attend le passage du car,
1771
bord de la route. Rien n’est plus sympathique qu’
un
conducteur de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce sont en gé
1772
erne, c’est sportif, cela vous pose dans l’esprit
des
populations, on se sent maître à bord de sa puissante machine, et l’o
1773
x qui commandent et disposent, ne fût-ce que pour
une
heure, de leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec lesquels je rêver
1774
s hommes avec lesquels je rêverais d’entreprendre
une
belle révolution, qui rajeunisse la France : ils ont la bonne humeur,
1775
ont ils disposent et qui seraient décisifs lors d’
une
action rapide. Mais loin de moi ces ambitions : ceux qui les ont n’en
1776
es ont n’en parlent pas, dit-on. Et je ne suis qu’
un
écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais dû no
1777
n. Et je ne suis qu’un écrivain. Ceci me rappelle
un
bout de conversation que j’aurais dû noter plus tôt. Le monsieur renc
1778
dit que je n’en avais aucun, et que je n’étais qu’
un
écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’écria : « Ah ! cher m
1779
: « Ah ! cher monsieur, je vous envie ! Vous avez
un
rôle magnifique à jouer dans la société. Vous avez le temps de réfléc
1780
aux curés ? » — Comptez, monsieur, lui dis-je, qu’
un
écrivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’un homme normal, m
1781
crivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’
un
homme normal, mettons qu’un fonctionnaire c’était pour le flatter, et
1782
s de peine à vivre qu’un homme normal, mettons qu’
un
fonctionnaire c’était pour le flatter, et cela tient aux circonstance
1783
ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’
une
faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui compliquent fo
1784
t pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’
une
ambition excessive, deux choses qui compliquent fort la vie, je crois
1785
iquent fort la vie, je crois ; ou bien l’on écrit
des
choses intelligentes, et c’est encore l’aveu d’une inadaptation cruel
1786
es choses intelligentes, et c’est encore l’aveu d’
une
inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; on bien l’on
1787
rédactionnels. Je dis les antres. De toute façon,
un
écrivain est par nature un empêtré. Et voilà le paradoxe et l’injusti
1788
ntres. De toute façon, un écrivain est par nature
un
empêtré. Et voilà le paradoxe et l’injustice : c’est qu’on attend, qu
1789
est qu’on attend, qu’on exige même de ces gens-là
des
vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets qui suffiraient
1790
vraiment, feraient de leurs détenteurs non point
des
écrivains mais des Don Juan, des dictateurs, des milliardaires ou des
1791
de leurs détenteurs non point des écrivains mais
des
Don Juan, des dictateurs, des milliardaires ou des saints. Croyez-moi
1792
nteurs non point des écrivains mais des Don Juan,
des
dictateurs, des milliardaires ou des saints. Croyez-moi, ce que nous
1793
des écrivains mais des Don Juan, des dictateurs,
des
milliardaires ou des saints. Croyez-moi, ce que nous vous donnons, c’
1794
es Don Juan, des dictateurs, des milliardaires ou
des
saints. Croyez-moi, ce que nous vous donnons, c’est justement ce qui
1795
s. Rougemont Denis de, « Extraits de… Journal d’
un
intellectuel en chômage », Le Journal, 15 août 1937, p. 2. t. Précé
1796
ne », en nous donnant, sous le titre de Journal d’
un
intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’observations et
1797
le titre de Journal d’un intellectuel en chômage,
un
recueil de réflexions, d’observations et de jugements. Il y montre ce
1798
uvelles générations. Par les menues expériences d’
une
vie diminuée et matériellement difficile, M. Denis de Rougemont sait
1799
ment difficile, M. Denis de Rougemont sait tracer
un
tableau très vivant et très nuancé de la province française, ainsi qu
1800
e ? La théologie vaut bien la science. C’est même
une
science bien moins variable que les sciences dites exactes, dont les
1801
stoï, chez Nietzsche : dans la mesure où elle est
un
élément de transcendance, la nature devient divinité (et ne peut pas
1802
s votre communication nous oriente utilement vers
une
nouvelle analyse de la transcendance dans son rapport aux puissances
1803
re numéro spécial81. S’il nous attaque, c’est sur
des
points que nous n’avons pas abordés, et sur des thèses que je souhait
1804
r des points que nous n’avons pas abordés, et sur
des
thèses que je souhaite qu’aucun de nous ne soutienne jamais. Précison
1805
dirais : Le personnalisme, c’est l’amour concret
des
hommes réels. Ce n’est pas « la bonté, la charité (vertus toutes pass
1806
eul plan « moral » où M. Beausire nous situe, par
un
réflexe bien romand ; (qu’il me pardonne !). Le personnalisme est bie
1807
me pardonne !). Le personnalisme est bien plus qu’
une
morale, s’il en suppose une. Il est, à mon sens, la tradition central
1808
isme est bien plus qu’une morale, s’il en suppose
une
. Il est, à mon sens, la tradition centrale de l’Occident, l’élément c
1809
le caractère spécifique de la pensée et de la vie
des
hommes qui ont fait l’Europe et qui veulent la maintenir. Et l’indivi
1810
ue parce que dans l’Europe actuelle se déchaînent
des
puissances de mort, spirituelles et matérielles, radicalement contrai
1811
ar leurs menaces instantes et brutales, à prendre
une
conscience active de ce qui, depuis nos origines, n’était que le sous
1812
urtout protestants ; en Espagne, avant l’invasion
des
idéologies totalitaires, en termes proches de l’anarchisme, etc. Comm
1813
fférences en ce qu’elles ont de créateur. Il veut
une
organisation de la cité qui leur permette de s’exprimer. Telle est la
1814
evêt « la charité personnaliste », pour reprendre
une
formule d’Arnaud Dandieu (qui d’ailleurs était nietzschéen). Que le c
1815
nnent-ils pas le christianisme dont je parle pour
une
niaiserie sentimentale. À défaut de la foi, ils connaissent l’Histoir
1816
aint pas de proclamer que « si l’on veut parler à
des
hommes, et non à des enfants, il faut renoncer à invoquer le Christ »
1817
que « si l’on veut parler à des hommes, et non à
des
enfants, il faut renoncer à invoquer le Christ ». Je ne craindrai pas
1818
peuple a besoin — nous dit l’auteur — de chefs d’
une
souveraine dignité, d’une intelligence froide et d’un jugement droit.
1819
t l’auteur — de chefs d’une souveraine dignité, d’
une
intelligence froide et d’un jugement droit. » Où trouve-t-on cela ? D
1820
ouveraine dignité, d’une intelligence froide et d’
un
jugement droit. » Où trouve-t-on cela ? Dans les livres de Nietzsche.
1821
non pas encore dans l’Histoire ? Si ce n’est pas
une
utopie de plus, un refuge pour les faibles et les sceptiques, pour ce
1822
l’Histoire ? Si ce n’est pas une utopie de plus,
un
refuge pour les faibles et les sceptiques, pour ceux qui craignent de
1823
nt, et préfèrent la littérature ; si ce n’est pas
une
manière de « grève perlée » que de n’accepter la lutte que dans ces t
1824
usire connaît de tels chefs, ou désire en devenir
un
, qu’il nous amène ce précieux renfort, et nous le saluerons d’un viva
1825
amène ce précieux renfort, et nous le saluerons d’
un
vivat ! Nous saurons très bien nous entendre avec tous ceux qui veule
1826
», auquel Beausire croit que je crois, résulte d’
un
malentendu. Je crois à « l’idée suisse » telle que l’exprime Liehburg
1827
l’exprime Liehburg. Idée qui exclut l’existence d’
un
type suisse racial, ou « national » au sens unitaire. Je ne crois mêm
1828
e à garder les moutons dans la plaine du Jutland.
Un
jour, accablé par la misère, il était monté sur un tertre et il avait
1829
n jour, accablé par la misère, il était monté sur
un
tertre et il avait maudit le Dieu Tout-Puissant qui le laissait mouri
1830
père de Kierkegaard. Il devint commerçant, amassa
une
fortune, et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage, après une
1831
st ainsi que Kierkegaard reçut en héritage, après
une
sévère éducation piétiste, un secret qu’il qualifiera de terrifiant,
1832
en héritage, après une sévère éducation piétiste,
un
secret qu’il qualifiera de terrifiant, et une belle aisance matériell
1833
ste, un secret qu’il qualifiera de terrifiant, et
une
belle aisance matérielle. Du secret, il tira une partie de son œuvre
1834
une belle aisance matérielle. Du secret, il tira
une
partie de son œuvre : son analyse du désespoir considéré comme une ré
1835
œuvre : son analyse du désespoir considéré comme
une
révolte contre Dieu. De sa fortune, il ne voulut tirer nul intérêt :
1836
restait que 200 francs. Cette fortune provenait d’
une
malédiction, pensait-il. Il l’avait donc dilapidée sans compter, mais
1837
nait ses études de théologie, et se fiançait avec
une
jeune fille de 18 ans, Régine Olsen. Tout le monde connaît le drame d
1838
ces fiançailles douloureusement rompues au bout d’
un
an. L’idée que Kierkegaard s’était formée du mariage était trop absol
1839
rmée du mariage était trop absolue pour comporter
une
réalisation pratique. Le « tout ou rien » qui est sa devise devait fa
1840
a devise devait fatalement le conduire au refus d’
une
perspective de bonheur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai tout
1841
n existence singulière. (Que d’autres y cherchent
des
raisons physiologiques ; c’est probable, et de peu de portée). Au len
1842
es mois, puis il revint à Copenhague pour y mener
une
existence solitaire, jusqu’à sa mort, en 1835. Il travaillait une gra
1843
litaire, jusqu’à sa mort, en 1835. Il travaillait
une
grande partie de la nuit. Georg Brandes raconte qu’on pouvait le voir
1844
rtements. Dans chaque chambre il faisait disposer
une
écritoire et du papier, de façon à pouvoir noter, au cours de son int
1845
lant, riant et discutant avec les bourgeois, avec
des
jeunes filles, avec des balayeurs, avec le petit peuple qu’il aimait
1846
avec les bourgeois, avec des jeunes filles, avec
des
balayeurs, avec le petit peuple qu’il aimait par-dessus tout. Tout le
1847
grand écrivain de son pays. Sa première œuvre eut
un
immense succès : c’était l’Alternative, qu’il publia en 1843. La même
1848
ayé. Et lorsqu’en 1831, il se mit à attaquer avec
une
extrême violence, le christianisme officiel et ses évêques, il se vit
1849
complète solitude qu’ait sans doute jamais connue
un
grand esprit. Un an plus tard, accablé par la lutte qu’il menait seul
1850
qu’ait sans doute jamais connue un grand esprit.
Un
an plus tard, accablé par la lutte qu’il menait seul contre tous, il
1851
l contre tous, il tombait d’épuisement au cours d’
une
promenade en ville. On le transporta à l’hôpital où il mourut paisibl
1852
que contre le « monde chrétien » au nom du Christ
des
évangiles. ⁂ Toute mon activité d’auteur — nous dit-il dans son Point
1853
’ironiste et de théologien. Il se trouvait devant
un
monde où tout avait été brouille : sérieux et plaisanterie, valeurs é
1854
témoin de la vérité ». Kierkegaard écrivit alors
un
article indigné, qui provoqua un énorme scandale. Il décrivait la vie
1855
rd écrivit alors un article indigné, qui provoqua
un
énorme scandale. Il décrivait la vie de Nynster. Était-ce celle d’un
1856
Il décrivait la vie de Nynster. Était-ce celle d’
un
témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la v
1857
moin de la vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard :
Un
témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie est familière avec to
1858
iait Kierkegaard : Un témoin de la vérité, c’est
un
homme dont la vie est familière avec toute espèce de souffrance, … un
1859
est familière avec toute espèce de souffrance, …
un
homme qui témoigne dans le dénuement, la misère et l’humiliation, méc
1860
’humiliation, méconnu, déteste, insulté, bafoué —
un
homme qui est flagellé, torturé, traîné en prison, et puis enfin — ca
1861
raîné en prison, et puis enfin — car c’est bien d’
un
véritable témoin de la vérité qu’on nous parle — et puis enfin crucif
1862
puis enfin crucifié, décapité, brûlé ou rôti sur
un
gril, jeté par le bourreau dans un endroit écarté, sans être enterré.
1863
lé ou rôti sur un gril, jeté par le bourreau dans
un
endroit écarté, sans être enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa v
1864
dans un endroit écarté, sans être enterré. Voilà
un
témoin de la vérité, sa vie et son existence, sa mort et son enterrem
1865
nterrement, et l’évêque Nynster, nous dit-on, fut
un
des vrais témoins de la vérité ! En vérité, il y a quelque chose de p
1866
rrement, et l’évêque Nynster, nous dit-on, fut un
des
vrais témoins de la vérité ! En vérité, il y a quelque chose de plus
1867
e jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynster était
un
témoin de la vérité. Cas symbolique aux yeux de Kierkegaard. Il fall
1868
as symbolique aux yeux de Kierkegaard. Il fallait
un
rappel à l’ordre. Il le devint lui-même, de tout son être. Et il sava
1869
e dans sa pureté. La plupart des gens vivent dans
une
confusion impensable, et n’en conçoivent pas de malaise. D’autres, qu
1870
ssaient à penser en fin de semaine, comme on fait
un
peu d’ordre dans l’appartement, reculent bientôt devant l’énormité —
1871
a découvrent. Ils se rendorment, ou bien édifient
des
systèmes (qu’ils se garderont d’habiter). Ceux qui persistent cependa
1872
mort accidentelle, l’autre, la folie qui l’abat.
Un
seul, je crois, parvint dans l’intégrité de sa force à une mort que t
1873
je crois, parvint dans l’intégrité de sa force à
une
mort que toute son œuvre provoquait et qui vaincue par une telle vict
1874
que toute son œuvre provoquait et qui vaincue par
une
telle victime, lui révéla dans les derniers instants le vrai sens, la
1875
ort de Kierkegaard, son incommensurable grandeur.
Un
acharnement sans pareil à forcer l’esprit sur l’obstacle du désespoir
1876
ésespoir et de l’absurdité de l’existence ; toute
une
vie tendue vers l’impossible, toute une œuvre de sarcasmes précis con
1877
e ; toute une vie tendue vers l’impossible, toute
une
œuvre de sarcasmes précis contre les innombrables tentations d’une re
1878
asmes précis contre les innombrables tentations d’
une
religion qui n’est pas Dieu ; et soudain, sur son lit de mort, cette
1879
est exactement prendre le chemin du vrai martyre.
Un
vrai martyr n’a jamais eu recours à la violence, il combat à l’aide d
1880
al de l’hôpital où vint mourir Kierkegaard (c’est
un
interne qui transcrit les déclarations du malade) : Il tient sa mala
1881
est simple. « La pureté du cœur, c’est de vouloir
une
seule chose », écrit-il. Mais cette seule chose nécessaire s’oppose à
1882
. On n’étudie pas Kierkegaard, on l’attrape comme
une
maladie. Cet homme sécrète un poison salutaire, dont nul ne trouvera
1883
on l’attrape comme une maladie. Cet homme sécrète
un
poison salutaire, dont nul ne trouvera l’antidote : qu’il en soit mor
1884
eur à Méphisto : expérimentateurs qui se ménagent
un
dernier retour, guerriers qui déposent les armes avant la décision mo
1885
solu chrétien, mais seul Kierkegaard en est mort.
Une
pureté presque inhumaine, voilà ce qui définit sa grandeur. Une simpl
1886
sque inhumaine, voilà ce qui définit sa grandeur.
Une
simplicité conquise aux dépens de tout ce qui soutient l’homme contre
1887
boles, de certaines ironies polémiques. Et tout d’
un
coup on s’aperçoit qu’elles nous jettent en plein drame de l’existenc
1888
l’ironie de l’éternité. L’éternité, pour lui, est
une
ironie sur le temps, à laquelle le temps finira bien par succomber. M
1889
pit amoureux — Kierkegaard peut enfin parler avec
un
sérieux total, dont l’écrivain d’aujourd’hui n’a même plus l’idée. Un
1890
nt l’écrivain d’aujourd’hui n’a même plus l’idée.
Un
de nos meilleurs auteurs déclarait récemment que le palais de Versail
1891
eux lui-même en écrivant cela, ou bien faisait-il
une
phrase ? Ce qui est sérieux, est seul important, mais tant de gens «
1892
à propos de choses si peu plaisantes en général),
un
« soupçon » d’ironie qui est infiniment pire qu’une ironie. Car peut-
1893
n « soupçon » d’ironie qui est infiniment pire qu’
une
ironie. Car peut-être que l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’une fi
1894
eut-être que l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’
une
figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, un saut dans le
1895
te pas, n’est qu’une figure de rhétorique pieuse,
une
illusion, un mythe, un saut dans le vide, etc. Et alors il n’y a plus
1896
qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion,
un
mythe, un saut dans le vide, etc. Et alors il n’y a plus nulle part d
1897
ure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe,
un
saut dans le vide, etc. Et alors il n’y a plus nulle part de « vrai »
1898
en train de sauver l’honneur et l’existence même
des
églises allemandes. Nul ne peut mesurer aujourd’hui le développement
1899
s, on le traduit partout, on publie sur son œuvre
des
centaines d’ouvrages et d’articles. Ce qui est certain, c’est qu’à la
1900
parviendra jamais à « utiliser » Kierkegaard pour
des
fins politiques et temporelles. Il se dresse, au seuil de l’époque co
1901
spirituels, nos passions courtes et agitées. Sur
une
pierre de cimetière danois, on peut lire cette inscription nue : « Le
1902
eu, durant mille-huit-cents ans de christianisme,
une
seule tâche comparable à la mienne. Dans la ‟chrétienté”, elle appara
1903
Nouvelles pages du Journal d’
un
intellectuel en chômage (avril 1938)aa Note pour une préface. — «
1904
ellectuel en chômage (avril 1938)aa Note pour
une
préface. — « C’est une entreprise hardie que d’aller dire aux hommes
1905
vril 1938)aa Note pour une préface. — « C’est
une
entreprise hardie que d’aller dire aux hommes qu’ils sont peu de chos
1906
se, n’est pas trop humiliant pour qui se flatte d’
une
image de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’est pas avou
1907
’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’au prix d’
un
désordre social — selon les préjugés du régime établi — que ces renco
1908
Chômage. — On dit souvent qu’il faut à l’homme
un
minimum de confort ou d’aisance matérielle pour pouvoir réfléchir, se
1909
sance matérielle pour pouvoir réfléchir, se poser
des
problèmes nouveaux, créer… D’où résulterait qu’un certain degré de pa
1910
es problèmes nouveaux, créer… D’où résulterait qu’
un
certain degré de pauvreté ou de misère physique condamnerait même un
1911
pauvreté ou de misère physique condamnerait même
un
« intellectuel » au chômage absolu, c’est-à-dire à l’arrêt de la pens
1912
aît insoluble dès qu’on la pose dans le concret d’
une
vie connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux pr
1913
cteurs d’idées : deux hommes qui ont écrit chacun
une
vingtaine de volumes l’espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche.
1914
lus grandes œuvres qu’il ne lui restait plus même
une
chemise entière : les morceaux du bras avant servi à rapiécer les épa
1915
d’autres buts à leur existence que la recherche d’
un
gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler qu
1916
. — La nuit ! Je l’avais oubliée à Paris. La nuit
des
villes n’est pas cette mort opaque dont il faut redouter je ne sais q
1917
s quelle invisible et brusque vie tout près. Nuit
des
villes, rouge et circulante, pleine de rumeurs, comparable à la fièvr
1918
ent que les jours. Ici, tout repose complètement.
Un
silence implacable et mat enserre l’homme qui chemine sur la route in
1919
tons, le verrou de la porte du fond, dans l’odeur
des
lauriers épais. Voici les rues du village, illuminées comme un décor
1920
pais. Voici les rues du village, illuminées comme
un
décor blanc et vert. Des chiens surgissent des coins d’ombre, aboient
1921
village, illuminées comme un décor blanc et vert.
Des
chiens surgissent des coins d’ombre, aboient horriblement, tournent a
1922
mme un décor blanc et vert. Des chiens surgissent
des
coins d’ombre, aboient horriblement, tournent autour de moi, me flair
1923
ec angoisse, et fuient soudain en gémissant. J’ai
des
lettres à porter à l’autobus. Il faut s’éloigner du village. De nouve
1924
eau le noir, et l’écho de mes pas contre les murs
des
maisons mortes. Je me glisse dans le hangar de la grosse voiture et t
1925
étriques, dominées par le clocher à toit plat, et
des
fragments de silhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la
1926
bouffées. Puis c’est de nouveau cet étrange écho
des
pas, si proche dans les rues vides, et les mêmes chiens qui reviennen
1927
vides, et les mêmes chiens qui reviennent, et pas
une
âme. « Vallée de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terr
1928
toutefois le plan d’aménagement et de décoration
des
trois chambres du premier étage, on ne sait jamais… Les vingt-deux pi
1929
de cheminée ont été replacées au millimètre, dans
une
symétrie impeccable. Mais tout l’effet de notre labeur risque d’être
1930
l’effet de notre labeur risque d’être détruit par
une
odieuse malice du sort. Nous avions descendu du deuxième un lourd som
1931
malice du sort. Nous avions descendu du deuxième
un
lourd sommier pour en faire un divan. L’escalier est étroit. La desce
1932
scendu du deuxième un lourd sommier pour en faire
un
divan. L’escalier est étroit. La descente s’était opérée sans trop de
1933
nous n’avions pas prévu la remontée ! Épuisés par
une
demi-heure d’efforts haletants, qui n’ont abouti qu’à coincer le somm
1934
de de Simard. « Ce cochon-là » refuse, prétextant
une
hernie ; sa femme aussi, prétextant sa jambe « coupée ». (Bonne occas
1935
oupée ». (Bonne occasion pourtant de la décrocher
un
peu pour toucher davantage à l’assurance !) Il a bien fallu se rendre
1936
r implacable restera dans l’escalier comme témoin
des
bouleversements que nous avons infligés à la maison. Pas question d’a
1937
de livres à la gare, etc., et le train part dans
une
heure. Quand la propriétaire reviendra pour l’été, elle se heurtera à
1938
ange humain. — Considération irritée et décevante
des
« gens » en général — quand je ne fais que les jauger d’un regard — e
1939
» en général — quand je ne fais que les jauger d’
un
regard — et sympathie violente, « élan vers », dès que mon regard s’a
1940
ente, « élan vers », dès que mon regard s’attache
un
peu longuement à un visage, au corps et aux vêtements, aux mains, à l
1941
dès que mon regard s’attache un peu longuement à
un
visage, au corps et aux vêtements, aux mains, à l’attitude distraite
1942
nts, aux mains, à l’attitude distraite et vraie d’
un
être isolé près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buander
1943
ertains parfums de femmes, rien que pour regarder
des
êtres et vivre un moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le
1944
femmes, rien que pour regarder des êtres et vivre
un
moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer
1945
, le temps de trois stations, le temps d’imaginer
une
rencontre, un échange spontané, une de ces découvertes frémissantes t
1946
rois stations, le temps d’imaginer une rencontre,
un
échange spontané, une de ces découvertes frémissantes telles que j’en
1947
ps d’imaginer une rencontre, un échange spontané,
une
de ces découvertes frémissantes telles que j’en ai sans doute vécues,
1948
femme descend sans se retourner ; l’homme déplie
un
journal que je n’aime pas, qu’il a peut-être acheté tout par hasard,
1949
quins vides et mal truqués. Figures grises devant
des
menthes fausses. « Fric », « bagnoles », « Paris-Soir », « on se défe
1950
robe à fleurs sur le quai désert du métro, enfin
un
être vrai. Conclusion. — S’occuper des « petits-faits-vrais » vaut
1951
ro, enfin un être vrai. Conclusion. — S’occuper
des
« petits-faits-vrais » vaut mieux que de les ignorer. Mais l’excellen
1952
’on les a bien connus, dans leur réalité sordide.
Un
petit fait vrai vaut plus que dix grandes idées discutables. Mais n’o
1953
cutables. Mais n’oublions pas qu’il vaut moins qu’
un
grand fait vrai, comme serait, par exemple, une grande idée embrassée
1954
qu’un grand fait vrai, comme serait, par exemple,
une
grande idée embrassée avec force au mépris de soi-même et de l’utilit
1955
ns chaque vie d’homme à peu près digne de ce nom,
un
fait qui commande tous les autres et qui est la mesure de tout. Quand
1956
de les choses, les gestes incongrus et mécaniques
des
autres : écoute bien ce qu’ils disent à travers les paroles qu’ils cr
1957
as, tu n’entendras et tu ne comprendras jamais qu’
un
appel à devenir toi-même ce fait qui est plus fort que toi. Car il es
1958
ougemont Denis de, « Nouvelles pages du Journal d’
un
intellectuel en chômage », Existences, Saint-Hilaire-du-Touvet, avri