1 1936, Articles divers (1936-1938). Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour (1936)
1 Aucun ouvrage ne se passe mieux de préface qu’ un bon roman. Pourtant la réussite de Max Brod n’est pas seulement de l’
2 t de l’ordre romanesque : elle est d’avoir mêlé à un beau drame d’amour le souvenir et davantage, la présence d’un être vr
3 e d’amour le souvenir et davantage, la présence d’ un être vrai, qui apporte à toute l’œuvre une émouvante précision. Le pe
4 sence d’un être vrai, qui apporte à toute l’œuvre une émouvante précision. Le personnage de Garta, dont le lecteur ne tarde
5 rable — qu’on l’entende aux deux sens du terme —, un seul ouvrage a paru en français22. Ce serait assez pour donner une id
6 a paru en français22. Ce serait assez pour donner une idée de l’ordre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuv
7 rler. Rien d’étonnant d’ailleurs à cette réserve. Une sorte de stupéfaction respectueuse ; le mutisme de l’homme qui s’est
8 le mutisme de l’homme qui s’est senti touché dans une région de l’être dont il ignorait presque l’existence, et qui demande
9 e. Encore faut-il montrer que ce détour n’est pas un artifice gratuit. Vieux Pragois lui aussi, Brod fut l’ami le plus in
10 lui qui s’est chargé de publier ses œuvres, pour une très grande part inédites, et que Kafka lui-même, par l’excès d’un sc
11 rt inédites, et que Kafka lui-même, par l’excès d’ un scrupule à la fois artistique et religieux, souhaitait que l’on détru
12 Max Brod s’est expliqué sur ce point délicat dans une note jointe à l’édition posthume du Procès : je doute que les lecteur
13 a mort de Kafka sa biographie objective. Mais par une sorte de compensation tout inconsciente, c’est au désir de prolonger
14 roman. Sachons-lui gré d’accorder par là même, à un public plus étendu, l’avance nécessaire, le gage tout humain dont cer
15 lecteurs ont besoin, pour se risquer à découvrir un génie tellement « étranger »… Le récit de Max Brod est librement imag
16 ami, la brève idylle de Weimar… tout cela compose une description exacte de la jeunesse de Kafka. Quelques faits et deux ou
17 cteur en droit, il travailla d’abord au service d’ une compagnie d’assurances générales, puis d’une compagnie d’assurances o
18 ce d’une compagnie d’assurances générales, puis d’ une compagnie d’assurances ouvrières. Le travail manuel l’attirait ; il s
19 . Le travail manuel l’attirait ; il s’essaya dans un atelier de menuiserie, puis dans une entreprise de jardinage. Lorsque
20 s’essaya dans un atelier de menuiserie, puis dans une entreprise de jardinage. Lorsque enfin il voulut émigrer à Berlin pou
21 otalement à son œuvre, il était déjà condamné par une tuberculose du larynx dont il mourut à Vienne en 1924. Il n’avait pub
22 ienne en 1924. Il n’avait publié de son vivant qu’ un petit nombre de récits. Mais on trouva dans ses papiers les manuscrit
23 rique. Le regard qu’il y porte sur le monde est d’ une précision proprement angoissante. Il considère notre vie quotidienne,
24 te. Il considère notre vie quotidienne, mais avec une minutie telle qu’on ne tarde pas à pressentir que la plupart de nos d
25 nos démarches sous-entendent et masquent à peine une foncière absurdité. L’état d’extrême lucidité que suscite en nous cet
26 en nous cette vision ressemble à s’y méprendre à un cauchemar. Mais alors que tant de poètes s’efforçaient à la même époq
27 out au moins — Kafka nous ramène sans cesse, avec une sorte d’humour inflexible, à la conscience la plus sobre de notre hum
28 te ses héros à pratiquer contre la vie bourgeoise une espèce de « grève perlée » : c’est à force de conscience, de naturel,
29 ait divers s’agrandit peu à peu aux proportions d’ une parabole de l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’un fa
30 existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’ un fait inexplicable et monstrueux23 survenu dans la vie de son héros, K
31 anière la plus logique sitôt qu’on les rapporte à un fait initial mystérieux et d’apparence extravagante. Derrière cette p
32 l’angoisse quotidienne, l’on pressent chez Kafka des intentions morales, une philosophie, et la recherche au moins d’une t
33 l’on pressent chez Kafka des intentions morales, une philosophie, et la recherche au moins d’une théologie. Tout cela, qui
34 ales, une philosophie, et la recherche au moins d’ une théologie. Tout cela, qui n’est pas exprimé mais voilé et seulement t
35 r certaines bizarreries du récit, donne à l’œuvre une grandeur poétique, un pouvoir d’inquiéter presque morbide au jugement
36 du récit, donne à l’œuvre une grandeur poétique, un pouvoir d’inquiéter presque morbide au jugement de certains, mais aus
37 érivent sans doute de Kierkegaard, qu’il fut l’un des premiers à découvrir au xxe siècle. D’autre part, sa volonté de sobr
38 t, sa volonté de sobriété, d’utilité, d’éducation des forces spirituelles par l’activité pratique et sociale, volonté qui s
39 Rien n’est plus suggestif que cette rencontre en un seul homme de deux influences aussi contradictoires et à tant d’égard
40 rier. 23. Par exemple : la métamorphose subite d’ un jeune homme en une bête innommable et même indescriptible (dans La Mé
41 mple : la métamorphose subite d’un jeune homme en une bête innommable et même indescriptible (dans La Métamorphose). Ou enc
2 1936, Articles divers (1936-1938). Forme et transformation, ou l’acte selon Kierkegaard (janvier 1936)
42 nt celui de l’acte, c’est-à-dire de la création d’ une possibilité nouvelle, sans précédent. Y a-t-il des actes ? L’homme d’
43 ne possibilité nouvelle, sans précédent. Y a-t-il des actes ? L’homme d’aujourd’hui ne le croit pas. Il croit aux lois, et
44 e. Autrement, il est animal, et soumis à la forme des choses, — à la commune dégradation. Ceux qui ne croient pas à l’acte,
45 émonstrations savantes qu’on nous a faites depuis un siècle pour nous prouver que l’acte est impossible et que le tout de
46 de l’homme est soumis au calcul, tout cet effort des sciences et des sociologies établit à grands frais l’évidence du dése
47 soumis au calcul, tout cet effort des sciences et des sociologies établit à grands frais l’évidence du désespoir : l’homme
48 ire sur la Nécessité. « Je suis le chemin ». Mais un chemin n’est un chemin que si on y marche4. Sinon il n’est qu’un poin
49 sité. « Je suis le chemin ». Mais un chemin n’est un chemin que si on y marche4. Sinon il n’est qu’un point de vue ; ou bi
50 un chemin que si on y marche4. Sinon il n’est qu’ un point de vue ; ou bien encore le lieu d’un pur possible, et sur ces l
51 est qu’un point de vue ; ou bien encore le lieu d’ un pur possible, et sur ces lieux règne le désespoir. Il nous faut donc
52 qu’en vertu de l’absurde » ; mais cela seul donne un sens à nos vies. Alors les règles, les morales et les lois qui nous d
53 tout pouvoir, s’évanouissent et meurent aux pages des livres. L’action de l’homme devient aussi la vérité ; et la norme de
54 arfois la prophétie fait briller devant lui comme un éclair. « Sachez qu’à l’origine, — lit-on dans un dialogue de Kassner
55 un éclair. « Sachez qu’à l’origine, — lit-on dans un dialogue de Kassner6 — toutes les créatures, le Soleil, la Terre, la
56 a perdu la vision de sa fin. Le voici prisonnier des formes et des nombres, esclave des lois d’un monde sur lequel il devr
57 sion de sa fin. Le voici prisonnier des formes et des nombres, esclave des lois d’un monde sur lequel il devrait régner. Se
58 ici prisonnier des formes et des nombres, esclave des lois d’un monde sur lequel il devrait régner. Seule peut l’en délivre
59 ier des formes et des nombres, esclave des lois d’ un monde sur lequel il devrait régner. Seule peut l’en délivrer la Parol
60 ivrer la Parole prophétique qui lui advient comme un appel dans les ténèbres. Certains reçoivent l’ordre de parler, et c’e
61 ts, dont la vocation prophétique pareille à celle des hommes de Dieu qui se lèvent sous l’Ancienne Alliance, se confond ave
62 ordre reçu, et sans nulle préparation. « Comment un homme devient-il chrétien ? Tout simplement : prends n’importe quelle
63 n, cesse d’en désirer la possession, et vis comme un chrétien : au jour le jour, sans assurances et sans préparation, à la
64 nfiance et l’inquiétude, — on pourrait dire, dans une sorte d’humour — dans l’aventure de celui que rien ne protège et la p
65 ui qui écoute, dans le tourment et dans la joie d’ une découverte quotidienne du chemin, — ton chemin, sur lequel tu es seul
66 e pas Tant que nous considérons le Christ avec des yeux de moralistes, comme une personnalité morale de premier plan qu’
67 rons le Christ avec des yeux de moralistes, comme une personnalité morale de premier plan qu’il ne resterait plus qu’à imit
68 ’il ne resterait plus qu’à imiter, l’acte demeure un pur possible, un modèle d’acte, une abstraction, c’est-à-dire quelque
69 plus qu’à imiter, l’acte demeure un pur possible, un modèle d’acte, une abstraction, c’est-à-dire quelque chose que nous p
70 l’acte demeure un pur possible, un modèle d’acte, une abstraction, c’est-à-dire quelque chose que nous pouvons imaginer san
71 a foi, mais c’est peut-être simplement « singer » un modèle flatteur et rassurant. Et pourquoi ? Parce que « le chemin » e
72 le tant qu’on n’y est pas engagé. Parce que c’est un blasphème de l’homme pieux, du moraliste, que de prétendre imiter le
73 yeux voient et que sa chair perçoit (à la lecture des évangiles par exemple) au lieu d’écouter l’ordre, au lieu de croire e
74 d’écouter l’ordre, au lieu de croire et de faire un pas dans la nuit, sur ce « chemin » qui est le Christ présent. Il y a
75 tion, mais par la grâce. L’imitation suivra comme un fruit de la reconnaissance… Tout commence par la joie d’être aimé — e
76 e. 4. « Par rapport à l’absolu, il n’existe qu’ un seul temps : le présent »9 Nous ne connaissons rien du Christ, du
77 foi, l’histoire s’arrêterait comme l’Aspiration d’ un homme saisi par la beauté, et le temps immobile s’abîmerait dans l’am
78 Histoire, et dans l’absence, ou dans la nostalgie des temps qui viennent ; c’est pourquoi nous n’avons plus d’être que par
79 s n’avons plus d’être que par la foi, « substance des choses espérées », et c’est pourquoi la Parole, parmi nous, n’est que
80 e et vigilante prophétie de l’invisible. De Séir, une voix crie au prophète11 : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Senti
81 de la foi, le mystère du temps se dévoile ; mais un temps nouveau prend son cours, et sa mesure est plus mystérieuse enco
82 Car il se tient où Dieu l’a mis, et ce n’est plus une dérive. Il vit dans la forme du monde, mais il est ce qui la transfor
83 mps, cette histoire de l’éternité ! « Il suffit d’ un courage purement humain pour renoncer le temps afin de gagner l’étern
84 la renoncer ; et c’est le paradoxe ; mais il faut un courage paradoxal et humble pour embrasser le temps en vertu de l’abs
85 naissance, initiation Les deux moments réels d’ une vie d’homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la naissan
86 e sont la naissance et la mort, parce qu’ils sont des actes de Dieu. Entre la naissance et la mort — ou plutôt puisque l’ac
87 ’il est dans le même instant et la mort et la vie des êtres qu’il promet à l’existence ; mais détruisant le temps, il le re
88 mps, il le recrée et le rédime puisqu’il lui rend une Mesure et un rythme en le liant au destin personnel. Ainsi l’acte abs
89 rée et le rédime puisqu’il lui rend une Mesure et un rythme en le liant au destin personnel. Ainsi l’acte absolu serait cr
90 Ainsi l’acte absolu serait création absolue, mais un acte de l’homme n’est jamais qu’une rédemption. Distinction de théolo
91 absolue, mais un acte de l’homme n’est jamais qu’ une rédemption. Distinction de théologien, et qui veut prévenir l’orgueil
92 eil. Mais la vision de celui qui agit n’est point un jugement des résultats, — des créatures ; elle n’est pas davantage ap
93 vision de celui qui agit n’est point un jugement des résultats, — des créatures ; elle n’est pas davantage appréciation de
94 qui agit n’est point un jugement des résultats, —  des créatures ; elle n’est pas davantage appréciation des causes. L’acte
95 créatures ; elle n’est pas davantage appréciation des causes. L’acte n’est jamais conséquence, il est toujours initiation.
96 ieillir, la tension de la mort et de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’est-ce que la personne ? C’est la vision et
97 on à la parole dont elle procède, et si la face d’ un homme est belle, c’est parce qu’elle est un acte et un destin, une in
98 ace d’un homme est belle, c’est parce qu’elle est un acte et un destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la Paro
99 mme est belle, c’est parce qu’elle est un acte et un destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la Parole créatric
100 le, c’est parce qu’elle est un acte et un destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la Parole créatrice. 6. Le
101 un acte et un destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire de l’acte, c’est l
102 est le contraire du désespoir. Mais il le sait d’ une tout autre façon que le désespéré ne l’imagine. Parce que le rapport
103 s vocation ! — s’imagine que l’acte viendra comme un sursaut de joie, comme une révolte, comme une affirmation désespérée
104 ue l’acte viendra comme un sursaut de joie, comme une révolte, comme une affirmation désespérée de son orgueil, comme la pr
105 omme un sursaut de joie, comme une révolte, comme une affirmation désespérée de son orgueil, comme la preuve enfin de son m
106 sir et dans la nostalgie, et son regard n’est pas une vision dans un visage, mais une manière de loucher vers « les autres 
107 ostalgie, et son regard n’est pas une vision dans un visage, mais une manière de loucher vers « les autres », une chaîne q
108 regard n’est pas une vision dans un visage, mais une manière de loucher vers « les autres », une chaîne qui le lie à la co
109 mais une manière de loucher vers « les autres », une chaîne qui le lie à la coutume du bourg ou de la classe. Comment cet
110 de la classe. Comment cet homme pourrait-il faire un acte ? Car l’acte est décision, rupture, isolation, quand l’être même
111 ste dans ses liens, dans sa croyance à la réalité des liens et de la masse, à la réalité des autres dans l’ensemble. Commen
112 la réalité des liens et de la masse, à la réalité des autres dans l’ensemble. Comment cet homme pourrait-il faire un acte ?
113 s l’ensemble. Comment cet homme pourrait-il faire un acte ? Car l’acte est immédiat, création et initiation, c’est-à-dire
114 drait donc… la créer ? « L’homme ne peut faire qu’ une seule chose en toute sobriété, c’est l’absolu »17. Entre le désespéré
115 i vient jucher nos vies nous meut parce qu’il est un ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une rupture de tout drame humain
116 cher nos vies nous meut parce qu’il est un ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une rupture de tout drame humain que nous pu
117 qu’il est un ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une rupture de tout drame humain que nous pussions prévoir, désirer et dé
118 n que nous pussions prévoir, désirer et décrire ; une rupture et une vision. La présence de l’absolu dans la sobriété parfa
119 ions prévoir, désirer et décrire ; une rupture et une vision. La présence de l’absolu dans la sobriété parfaite et insensib
120 assé ? Me voici seul sur le chemin ; mais je vois des visages fraternels où s’agitait la foule confuse et menaçante. Nous n
121 éalité et le sérieux, le risque et la splendeur d’ une vie d’homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise, un
122 ement, et dès l’origine. C’est pourquoi l’homme a un visage et une vision, ce que n’ont pas les animaux ; c’est pourquoi l
123 l’origine. C’est pourquoi l’homme a un visage et une vision, ce que n’ont pas les animaux ; c’est pourquoi l’homme est hér
124 pourquoi l’homme est héroïque. Il faut noter ici un trait bien remarquable : Kierkegaard a très peu parlé de vocation18.
125 la chrétienté », à cette « inconcevable illusion des sens », ne s’adressent-ils pas justement à la « vraisemblance » doctr
126 pas justement à la « vraisemblance » doctrinale d’ une religion mise à la portée de « la masse », alors que la foi véritable
127 u par « le monde », il faut choisir. Il faut être un chrétien ou un bourgeois. Le bourgeois est sans vocation, il ne croit
128 e », il faut choisir. Il faut être un chrétien ou un bourgeois. Le bourgeois est sans vocation, il ne croit pas à l’acte e
129 psychologues de ce qui « se fait se faisant » est une antilogie chrétienne au premier chef, et non pas hindoue, comme certa
130 lu croire. Chez les hindous, elle n’est encore qu’ une forme de l’agitation humaine. Pour le chrétien seul elle signifie une
131 tion humaine. Pour le chrétien seul elle signifie une transformation effective. Ou mieux encore, pour l’hindou, cette catég
132 r l’hindou, cette catégorie suppose la primauté d’ un Esprit sans contenu ; pour le chrétien, la primauté d’une personne.
133 it sans contenu ; pour le chrétien, la primauté d’ une personne. 5. « Ta Parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur
134 , la primauté d’une personne. 5. « Ta Parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier » 6. Die Chimäre, tr
135 sonne. 5. « Ta Parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier » 6. Die Chimäre, trad. française dans les
136 ridicule que de tenter de faire la psychologie d’ un prophète, ou bien alors elle se réduirait à la grammaire et à la synt
137 nhauer est « l’idéalité » du sujet connaissant, —  une chimère spiritualiste, une nostalgie. C’est pourquoi le temps de Kier
138 u sujet connaissant, — une chimère spiritualiste, une nostalgie. C’est pourquoi le temps de Kierkegaard peut connaître une
139 t pourquoi le temps de Kierkegaard peut connaître une rédemption par l’acte, quand celui de Schopenhauer s’évanouit en pure
140 çaise sous le titre de Traité du désespoir. C’est une laïcisation ! Kierkegaard se rapportait de la façon la plus précise à
141 elbst. 18. Ibid. 19. Toutefois dans le Journal des années 1846 à 1848, on trouve de nombreuses notations de ce genre : «
142 e : « Grande sera ma responsabilité si je rejette une mission de cette sorte » — c’est-à-dire s’il rejette sa mission d’écr
143 en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une solution commode, surtout en regard des souffrances qu’il sait trop b
144 ne serait une solution commode, surtout en regard des souffrances qu’il sait trop bien que lui vaudront ses attaques contre
145 jusqu’à la mort, mais que la mort survient comme une absurdité, la première dans l’histoire du bourgeois, mais décisive. À
146 re dans l’histoire du bourgeois, mais décisive. À une enquête dont le sujet était : La rencontre la plus importante de votr
147 sonnifie de nos jours le Bourgeois, répondit avec une pertinence géniale : « Je n’ai jamais rencontré personne ». 21. Cra
3 1936, Articles divers (1936-1938). Décadence des lieux communs (décembre 1936)
148 Décadence des lieux communs (décembre 1936)e Je ne trouve pas ce jeu juste du t
149 et je ne sais même pas s’ils savent qu’il y en a une . Alice au Pays des Merveilles On peut penser que notre langue est pl
150 pas s’ils savent qu’il y en a une. Alice au Pays des Merveilles On peut penser que notre langue est plus malade que n’éta
151 e24. Le latin de Bembo et de Sadolet était encore une rhétorique des lieux communs. Forme vide, forme idolâtrée, c’est-à-di
152 e Bembo et de Sadolet était encore une rhétorique des lieux communs. Forme vide, forme idolâtrée, c’est-à-dire pure rhétori
153 seulement il est mal entendu par la grande masse des lecteurs ordinaires, disons des lecteurs de journaux, mais encore il
154 r la grande masse des lecteurs ordinaires, disons des lecteurs de journaux, mais encore il s’est divisé en une foule de dia
155 teurs de journaux, mais encore il s’est divisé en une foule de dialectes ésotériques. Non seulement l’écrivain moderne use
156 otériques. Non seulement l’écrivain moderne use d’ une langue dont le lecteur moyen trouve parfaitement normal de déclarer q
157 c’est plus nouveau. Mais surtout, ils n’ont plus un sens auquel on puisse se référer et qui fixe vraiment l’usage : un se
158 puisse se référer et qui fixe vraiment l’usage : un sens commun. La plupart des débats qui nous occupent, qu’il s’agisse
159 eligion ou de littérature, nous offrent l’image d’ un jeu dont les différents partenaires changent la règle à leur fantaisi
160 st-ce pas la partie de croquet dans Alice au pays des merveilles ? Les boules étaient des hérissons vivants, et les soldats
161 Alice au pays des merveilles ? Les boules étaient des hérissons vivants, et les soldats s’arc-boutaient sur le sol pour for
162 es soldats s’arc-boutaient sur le sol pour former des arceaux vivants. Quand Alice avait réussi à mettre en boule son héris
163 , celui-ci tordait son long cou et la regardait d’ un air d’ahurissement profond. Quand elle l’avait remis en position, c’é
164 lors l’arceau-soldat qui se levait et s’en allait un peu plus loin. Tandis que la Reine, au comble de la fureur, parcourai
165 et la terreur domine cette anarchie, distribuant des condamnations d’autant plus excessives d’ailleurs que personne ne se
166 nclut Alice, combien c’est affolant de jouer avec des choses vivantes. » ⁂ Prenons cinq mots parmi les plus fréquents dans
167 é dans l’ordre, ou la révolution par l’esprit, ou un esprit patriotique, ou une patrie spirituelle… Tandis que d’autres op
168 lution par l’esprit, ou un esprit patriotique, ou une patrie spirituelle… Tandis que d’autres opposent l’esprit à la révolu
169 r tout le monde. Ou, parmi plusieurs sens variés, un sens prépondérant sur lequel puisse se faire l’accord. Or, sans parle
170 lequel puisse se faire l’accord. Or, sans parler des 29 sens que Littré donne, pour le seul mot : esprit, si j’interroge a
171 elligence, tantôt le Saint-Esprit, tantôt le luxe des délicats, tantôt les facultés créatrices de l’homme, ou encore une sa
172 tôt les facultés créatrices de l’homme, ou encore une sagesse asiatique, ou une mentalité de classe ou simplement toute la
173 s de l’homme, ou encore une sagesse asiatique, ou une mentalité de classe ou simplement toute la culture et ses produits. U
174 e ou simplement toute la culture et ses produits. Une simple équivoque sémantique dresse parfois l’un contre l’autre deux h
175 is jouer. » ⁂ Tout le monde ou presque veut faire une révolution. Mais là, aux neuf sens très précis que nous donne le dict
176 nous donne le dictionnaire, il nous faut ajouter une dizaine de sens parfois contradictoires, créés par la crise actuelle
177 la crise actuelle et très mal distingués les uns des autres par la plupart de ceux qui les prononcent. Ainsi révolution si
178 voir légal, désordre et anarchie, établissement d’ une dictature militaire, plan quinquennal, conversion personnelle, applic
179 uinquennal, conversion personnelle, application d’ une série de mesures économiques, trans­mutation de toutes les valeurs mo
180 ces sens se chevauchent pour former dans l’esprit des polémistes les plus étranges surimpressions26. La liberté sera invoqu
181 e et arbitraire, plus rarement la revendication d’ un équilibre vrai, d’une hiérarchie naturelle et féconde. Et quant au mo
182 rarement la revendication d’un équilibre vrai, d’ une hiérarchie naturelle et féconde. Et quant au mot patrie, on le voit c
183 er, etc. D’où l’embrouillamini de la politique et des partis, et la confusion meurtrière de termes dangereusement chargés d
184 concourt à créer et aggraver cette crise du sens des mots et de la sémantique vivante. D’une part la somme des échanges éc
185 et de la sémantique vivante. D’une part la somme des échanges écrits ou verbaux a crû depuis la Renaissance dans des propo
186 crits ou verbaux a crû depuis la Renaissance dans des proportions formidables. D’autre part, le public capable de goûter un
187 dables. D’autre part, le public capable de goûter une œuvre rigoureuse ou novatrice, et qui pourrait servir de norme ou de
188 t c’est sans doute encore trop dire. Racine avait un millier d’auditeurs ; Valéry, Claudel, Gide, Péguy n’ont guère eu dav
189 raissaient leurs œuvres capitales. Et je doute qu’ un Meyerson sont sérieusement compris et discuté par beaucoup plus de pe
190 inq-cent-mille exemplaires et la radio atteignent des millions d’auditeurs. Dans cette disproportion impressionnante entre
191 vraie culture créatrice et régulatrice et l’aire des sous-produits standardisés de la culture de consommation, on aperçoit
192 es ouvrages populaires à grand tirage, voilà tout un domaine que l’écrivain digne du nom ne contrôle pas, ne forme pas, n’
193 e « seconde zone culturelle » préparait peu à peu un public pour les auteurs du niveau supérieur. Cette accession démocrat
194 du niveau supérieur. Cette accession démocratique des grandes masses à la vie de l’esprit me paraît tout à fait improbable
195 rapidement à démonétiser les mots. Le vocabulaire des journaux est vague, impropre, sans saveur et sans pouvoir d’évocation
196 ns pouvoir d’évocation active du vrai. Il habitue des millions de lecteurs au rendu approximatif des faits, des choses, ou
197 ue des millions de lecteurs au rendu approximatif des faits, des choses, ou des idées. Il flatte ainsi la paresse de l’espr
198 ions de lecteurs au rendu approximatif des faits, des choses, ou des idées. Il flatte ainsi la paresse de l’esprit, découra
199 s au rendu approximatif des faits, des choses, ou des idées. Il flatte ainsi la paresse de l’esprit, décourage le sens crit
200 quoi la plupart renoncent à enseigner au milieu d’ une rumeur générale, où leurs paroles ne sont plus distinguées du bavarda
201 ments. Écrire dès lors n’est pour eux que tromper un besoin d’expression qui n’a plus de mission réelle. C’est un jeu form
202 ’expression qui n’a plus de mission réelle. C’est un jeu formel et précis, dont ils sont seuls à connaître les règles. (En
203 en plus « exquis » et par suite inapte à traduire une volonté d’action bientôt jugée vulgaire. ⁂ La civilisation occidental
204 e. ⁂ La civilisation occidentale aurait-elle donc des fins dernières à quoi elle tend ? Quand le peuple d’Israël oublie sa
205 urne de l’Éternel son Dieu, il perd aussi le sens des noms et bientôt sa langue délire : « Il prononce des paroles vaines,
206 noms et bientôt sa langue délire : « Il prononce des paroles vaines, des serments faux ! » s’écrie le prophète Osée. Quand
207 langue délire : « Il prononce des paroles vaines, des serments faux ! » s’écrie le prophète Osée. Quand les clercs de la Co
208 ils perdent leur autorité et suscitent contre eux des révoltes qui s’expriment dans des langues nouvelles, au détriment de
209 tent contre eux des révoltes qui s’expriment dans des langues nouvelles, au détriment de l’unité sacrée. Ainsi toujours : p
210 ité sacrée. Ainsi toujours : pour peu que le sens des fins vienne à faiblir et que la mesure commune cesse d’être effective
211 e et observée, l’on assiste à la même dégradation des instruments de la culture : — d’une part les écrivains se mettent à r
212 xpression générale, d’autre part, la grande masse des usagers de la langue cesse d’exercer aucun contrôle sur son parler, q
213 contrôle sur son parler, qu’elle ne soumet plus à un but unanime. Si bien que les écrivains ne sont plus compris du peuple
214 ons et de malentendus parfois tragiques : l’oubli des fins dernières entraîne nécessairement la ruine de la communauté, par
215 eul fait qu’il ruine le langage. Cette absence d’ un principe communautaire vivant et puissant dans nos vies, c’est le dra
216 uns contre les autres et étrangers. Ils échangent des paroles en plus grand nombre que jamais, et ne se disent rien qui com
217 arole se détruit, quand elle n’est plus le don qu’ un homme fait à un homme, et qui engage quelque chose de son être, c’est
218 , quand elle n’est plus le don qu’un homme fait à un homme, et qui engage quelque chose de son être, c’est l’amitié humain
219 humaine qui se détruit. ⁂ Telle est l’inquiétude des masses. Elle n’est pas d’abord matérielle, elle est d’abord cette inq
220 iétude du cœur et de l’esprit qui naît de la mort des amitiés. Plus angoissante encore, elle règne innommée et panique part
221 ifié, là où elle n’a pas même laissé les traces d’ une coutume ancestrale : dans les villes. Mais ce que l’homme ne fait pas
222 le savoir, dans la cité qu’on nous a faite. C’est une faim, une soif, une nostalgie que tous nos gestes, à notre insu, trah
223 dans la cité qu’on nous a faite. C’est une faim, une soif, une nostalgie que tous nos gestes, à notre insu, trahissent. Ma
224 ité qu’on nous a faite. C’est une faim, une soif, une nostalgie que tous nos gestes, à notre insu, trahissent. Mais quelqu’
225 païen ignorant du vrai Dieu, les prêtres donnent des idoles faites à l’image des terreurs de l’homme. Dans le culte de ces
226 , les prêtres donnent des idoles faites à l’image des terreurs de l’homme. Dans le culte de ces images, le peuple croit tro
227 é, et il y retrouve en effet le symbole agrandi d’ un désespoir qu’il sent vivre dans tous les cœurs. L’homme d’aujourd’hui
228 prise les religions. Il sait ce qu’il faut penser des prêtres et des sorciers. On lui donnera donc autre chose : les mêmes
229 ions. Il sait ce qu’il faut penser des prêtres et des sorciers. On lui donnera donc autre chose : les mêmes choses sous d’a
230 utre chose : les mêmes choses sous d’autres noms, des mystiques et des dictateurs. Les lieux communs sont morts et embaumés
231 mêmes choses sous d’autres noms, des mystiques et des dictateurs. Les lieux communs sont morts et embaumés : déjà, on leur
232 mmuns sont morts et embaumés : déjà, on leur fait des musées. Ou pire : ils n’ont jamais été vivants pour cette génération
233 u peuple avec sa vocation qui faisait la grandeur des cultures authentiques. Elle est devenue la loi inexorable et mécaniqu
234 loi inexorable et mécanique qui plie l’individu à des calculs de masses, à des disciplines extérieures, à des ambitions inh
235 ue qui plie l’individu à des calculs de masses, à des disciplines extérieures, à des ambitions inhumaines. Nous vivons à l’
236 lculs de masses, à des disciplines extérieures, à des ambitions inhumaines. Nous vivons à l’âge des mots d’ordre. L’on peut
237 , à des ambitions inhumaines. Nous vivons à l’âge des mots d’ordre. L’on peut penser que c’est une espèce de progrès sur l’
238 ’âge des mots d’ordre. L’on peut penser que c’est une espèce de progrès sur l’âge des clichés bourgeois. Mais si les mots d
239 penser que c’est une espèce de progrès sur l’âge des clichés bourgeois. Mais si les mots d’ordre sont faux ? Si l’ordre qu
240 propagande et la publicité qui ont pris la place des lieux communs spirituels et effectifs ne nous ordonnent qu’à des fins
241 ns spirituels et effectifs ne nous ordonnent qu’à des fins provisoires ou dégradantes : l’État totalitaire, et la richesse
242 nauté de réflexes et d’obsession ? N’est-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité, — le contrair
243 toire, dans la vie de l’esprit ? 24. Extrait d’ un ouvrage intitulé Penser avec les mains , à paraître chez Albin Miche
244 les essayistes et les politiciens modernes, avec une fureur sans exemple dans l’histoire de la culture, trahissent en somm
245 ence dans les revues d’avant-garde est le signe d’ une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de
246 nt-garde est le signe d’une rupture de contact, d’ un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée qui désespère
247 ’une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’ un profond pessimisme de la pensée qui désespère d’atteindre et de mouvo
248 uvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce sont des êtres isolés, qui crient très fort par
249 Cas de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce sont des êtres isolés, qui crient très fort parce qu’ils se sentent très loin
250 eux qu’ils interpellent, et qu’ils traitent comme des sourds. 26. Contrairement à ce qui se passe normalement dans les cas
251 démagogique. e. Rougemont Denis de, « Décadence des lieux communs », Cahiers du Sud, Marseille, décembre 1936, p. 898-905
4 1937, Articles divers (1936-1938). Changer la vie ou changer l’homme ? (1937)
252 férents : ils sont sur le plan de l’histoire, non des vérités éternelles. Placez-vous donc sur ce plan historique. Voyagez
253 nnêtes), que la dictature de Staline se rapproche des régimes fascistes. Essayez d’en conclure que le communisme c’est cela
254 ialectique », dont la dictature actuelle n’est qu’ un stade nécessaire mais provisoire. Vous voilà rejeté sur le plan doctr
255 roire vos yeux, qui voient Staline, mais à croire une prophétie. Cependant vous demeurez sceptique : Staline, après vingt a
256 z sceptique : Staline, après vingt ans de pouvoir des Soviets, annonce une constitution qui renforce encore l’étatisme, et
257 , après vingt ans de pouvoir des Soviets, annonce une constitution qui renforce encore l’étatisme, et ne parle même plus de
258 ler ceux qui en parlent. On vous répond que c’est une nécessité de la tactique, dûment prévue d’ailleurs par les dialectici
259 épositaire unique de la doctrine. Quitter le plan des vérités éternelles pour entrer dans le plan de l’histoire, cela signi
260 à la vérité, et ne croire plus qu’à la tactique d’ un dictateur, lequel changera la vérité tous les six mois. Mais alors de
261 Où le prendre ? En quoi peut résider l’identité d’ une doctrine qui prétend justifier théoriquement, à quelques années d’int
262 nt, à quelques années d’intervalle, la démocratie des Soviets, puis la dictature de Staline ; le pacifisme à tout prix des
263 a dictature de Staline ; le pacifisme à tout prix des débuts et l’impérialisme actuel (si mal déguisé par la IIIe Internati
264 le capitalisme d’État de Lénine ; l’expropriation des patrons en 1918, puis la restauration de la propriété privée en 1933 
265 ; l’antimilitarisme et la création enthousiaste d’ une armée abondamment pourvue de maréchaux ; l’égalité sociale absolue pu
266 out cela peut s’expliquer, je l’entends bien, par des nécessités pratiques et contingentes, et je n’ai pas à porter, ici, u
267 es et contingentes, et je n’ai pas à porter, ici, un jugement d’allure politique. Mais ce qui est grave, c’est de voir tan
268 ut coup (avec léger retard sur l’événement !) par des nécessités dites « dialectiques »… Les communistes sincères comprendr
269 yeux de qui n’a pas leur « foi », nécessairement, un simple opportunisme ? Que sert alors de discuter, de confronter ? « R
270 . (Pièges dans lesquels tombent les neuf dixièmes des adversaires du marxisme — et combien de marxistes eux-mêmes !) Si mai
271 a continuité de l’attitude communiste, au travers des contradictions violentes de ses témoignages successifs, je trouve tou
272 essifs, je trouve tout de même, en fin de compte, une grande volonté invariable : la volonté de changer le monde. Or une te
273 é invariable : la volonté de changer le monde. Or une telle volonté ne saurait prendre son élan que dans le sentiment insup
274 re son élan que dans le sentiment insupportable d’ un défaut inhérent au monde. Connaître qu’il existe un mal universel, et
275 défaut inhérent au monde. Connaître qu’il existe un mal universel, et qu’il faut donc transformer toutes choses, tel est,
276 es analogies ? Sur ce plan seul, il m’apparaît qu’ une confrontation soit possible. L’homme d’abord, ou le monde d’abord 
277 nnu que l’homme n’existe pas isolément, qu’il est un être « en relation », qu’il est lié à une société42. Mais encore, à l
278 u’il est un être « en relation », qu’il est lié à une société42. Mais encore, à l’instar du chrétien, le marxiste croit que
279 e-même, et fait de l’homme qui s’abandonne à elle un être antinomique, « divisé », et comme « aliéné » de ce qu’il y a de
280 dans le diagnostic chrétien, la reconnaissance d’ une corruption fondamentale, qui est le péché originel. Il s’ensuit que p
281 et se « regagner totalement »43 qu’à la faveur d’ une économie44 radicalement renouvelée. Une réaction semblable — toujours
282 faveur d’une économie44 radicalement renouvelée. Une réaction semblable — toujours dans sa forme — dressera donc le chréti
283 t contre toute activité qui ne concourrait pas, d’ une façon ou d’une autre, à transformer, à changer quelque chose, — à lut
284 activité qui ne concourrait pas, d’une façon ou d’ une autre, à transformer, à changer quelque chose, — à lutter efficacemen
285 ui, tout en affirmant avec vigueur la nécessité d’ un « changement », et d’un changement pratique, concret, visible, diverg
286 ec vigueur la nécessité d’un « changement », et d’ un changement pratique, concret, visible, divergent cependant, d’une man
287 ratique, concret, visible, divergent cependant, d’ une manière significative, quant aux voies et moyens qu’elles préconisent
288 c d’action. Il s’agit d’attester soit la foi, par une réalisation des volontés de Dieu, contrariant celles du siècle, — soi
289 ’agit d’attester soit la foi, par une réalisation des volontés de Dieu, contrariant celles du siècle, — soit la pensée, par
290 ntrariant celles du siècle, — soit la pensée, par une action45 qui ne peut être que révolutionnaire. Et cependant l’opposit
291 ginelle de Marx est avant tout la mise en forme d’ une polémique. Elle est, très consciemment, conditionnée par la situation
292 enne, ou adversaires du christianisme, tous, dans un commun accord, enseignaient ou laissaient entendre, par leur attitude
293 ne « l’homme intérieur » et rien que lui. C’était une « affaire privée » ; et Marx n’a fait que le constater. Elle n’empêch
294 le constater. Elle n’empêchait nullement de faire des affaires. Ni d’opprimer les ouvriers. Ni d’appeler justice, au besoin
295 son temps à dénoncer l’erreur qui est à la base d’ une pareille imposture : il la sait trop profondément enracinée dans l’ho
296 ent enracinée dans l’homme pour être atteinte par une simple critique philosophique47. Or cette critique philosophique est
297 ais l’homme, que les spiritualistes abandonnent à un sort toujours plus inhumain. Il lui faudra donc recourir à un autre o
298 ours plus inhumain. Il lui faudra donc recourir à un autre ordre d’arguments : ceux que l’on dit « matérialistes ». Ce ser
299 tarienne, d’autre part la « science » infaillible des lois de l’évolution économique, qu’il formule. Je résume et je simpli
300 L’« esprit » du bourgeois spiritualiste n’est qu’ une caricature, mais ses ravages sont déjà tels qu’on ne peut plus songer
301 u’on ne peut plus songer à rétablir la vérité par des moyens purement spirituels. Au mensonge spiritualiste, opposons l’arg
302 nge spiritualiste, opposons l’argument frappant d’ un matérialisme polémique : nous l’appellerons matérialisme dialectique,
303 aussi l’« esprit » — bref qu’il n’est en somme qu’ une tactique. Faisons de nécessité vertu. Proposons-nous de changer les c
304 montré déjà que la culture, par exemple, n’est qu’ un « reflet » du processus économique ? On voit ainsi comment Marx lui-m
305 ste qu’était le matérialisme polémique, promu par un glissement inévitable au rang de doctrine du parti, devait sortir la
306 t tout d’abord combattu48, est devenu, après lui, un mensonge absolu exactement symétrique de celui des idéalistes : la cr
307 un mensonge absolu exactement symétrique de celui des idéalistes : la croyance que si l’on change l’ordre des choses, on ch
308 éalistes : la croyance que si l’on change l’ordre des choses, on change automatiquement la réalité humaine. Obligé par ses
309 rx ne se rendit pas compte qu’il allait déchaîner un préjugé absurde, une erreur non moins grave que celle des défenseurs
310 compte qu’il allait déchaîner un préjugé absurde, une erreur non moins grave que celle des défenseurs de l’esprit pur : l’e
311 ugé absurde, une erreur non moins grave que celle des défenseurs de l’esprit pur : l’erreur qui porte l’homme à croire que
312 ient lui expliquer en 15 volumes — dont on a fait des résumés — qu’il a raison de croire cela. Bien plus, Marx vient lui dé
313 l’argent ne fait pas le bonheur, sont simplement des exploiteurs, qui ont l’argent et qui veulent le garder — justement pa
314 qu’il fait leur bonheur ! Alors, il n’y a plus qu’ une seule voie : instituons le plan quinquennal, créons une industrie pui
315 ule voie : instituons le plan quinquennal, créons une industrie puissante, faisons mieux que l’Amérique, devenons encore pl
316 ue pas de créer du bonheur. Pour réussir, il faut une discipline. Pour la maintenir, il faut un dictateur. Libre aux bourge
317 l faut une discipline. Pour la maintenir, il faut un dictateur. Libre aux bourgeois, aux scrupuleux, libre au camarade Gid
318 tactique » communistes. Mais ce serait introduire une confusion irrémédiable que de parler dans le même sens d’une « doctri
319 on irrémédiable que de parler dans le même sens d’ une « doctrine » du christianisme. Le chrétien, et surtout le protestant,
320 dogmes théologiques puissent figurer la théorie d’ une pratique49. Le christianisme n’est pas un programme ; ni, comme le di
321 orie d’une pratique49. Le christianisme n’est pas un programme ; ni, comme le disent certains primaires marxistes, une « i
322 ni, comme le disent certains primaires marxistes, une « idéologie » ; ni une tactique, cela va de soi. Parlons plutôt d’une
323 tains primaires marxistes, une « idéologie » ; ni une tactique, cela va de soi. Parlons plutôt d’une attitude. Et d’une att
324 ni une tactique, cela va de soi. Parlons plutôt d’ une attitude. Et d’une attitude totale. (Je dirais bien totalitaire, si l
325 la va de soi. Parlons plutôt d’une attitude. Et d’ une attitude totale. (Je dirais bien totalitaire, si le mot n’avait été p
326 teur ; et qu’il a pour mission actuelle d’obéir à une Parole qui est Jésus-Christ, le Médiateur. Mais cette Parole juge « l
327 outes les autres, dans notre Occident troublé par un message qu’il méconnaît, ne sont que les reflets énigmatiques de cet
328 s soyez transformés… » Cela ne signifie pas, pour un chrétien, que « le monde » soit abandonné. Cela ne signifie pas qu’un
329 qu’à attendre, et à subir en gémissant les lois d’ un monde qu’il condamne ! Car alors, où serait son refus ? Et quelle pre
330 quelle preuve aurions-nous de sa transformation ? Une mauvaise humeur résignée ? Une simple réticence ou réserve mentale au
331 a transformation ? Une mauvaise humeur résignée ? Une simple réticence ou réserve mentale au sein du conformisme triomphant
332 ar la foi. L’homme nouveau, selon l’Évangile, est un homme qui a changé de sens. Il est orienté autrement, comme l’indique
333 ît de l’obéissance », écrit Calvin. Et que serait une obéissance qui ne se manifesterait pas ? La transformation personnell
334 ut donc se traduire, si elle s’est faite, que par une action du chrétien : contre le monde dans sa forme présente, et pour
335 encore toute transformation de la forme actuelle des choses, qui ne serait pas l’effet d’une conversion des hommes, ne doi
336 actuelle des choses, qui ne serait pas l’effet d’ une conversion des hommes, ne doit être aux yeux du chrétien, qu’une réfo
337 hoses, qui ne serait pas l’effet d’une conversion des hommes, ne doit être aux yeux du chrétien, qu’une réforme sans grande
338 des hommes, ne doit être aux yeux du chrétien, qu’ une réforme sans grande portée. Voilà qui paraîtra plus scandaleux. Et ce
339 pendant l’Évangile est formel : « Que servirait à un homme de gagner le monde, s’il perdait son âme ? » Son âme, c’est-à-d
340 vérités « purement théologiques » comme le dirait un incroyant. Que servirait à l’homme, tel que le voit le chrétien, de s
341 apparaisse nécessairement borné. Je me servirai d’ une image. L’enfant qui rate son coup, ou qui se heurte contre un meuble,
342 enfant qui rate son coup, ou qui se heurte contre un meuble, se fâche contre les choses et les rend responsables. Il croit
343 t commencer par changer l’ordre matériel, l’ordre des choses, et que les hommes ensuite deviendraient plus habiles à s’ente
344 ritualisme » autant qu’à la routine et au cynisme des conservateurs. Saint Paul n’a pas cette tragique naïveté. Il ne se fâ
345 phé, rien ne l’eût empêché de subir le sort fatal des révoltes politiques : il eût revêtu les formes du pouvoir déposé51 et
346 êtu les formes du pouvoir déposé51 et renvoyant à des temps plus paisibles l’évangélisation — sa raison d’être — il se fût
347 acré aux tâches plus urgentes : donner du pain et des spectacles à la foule. Mais Paul était apôtre et non pas dictateur. C
348 tion en Christ, venu au monde. Il n’annonçait pas un futur hypothétique, au nom d’une théorie ardue, mais une présence imm
349 l n’annonçait pas un futur hypothétique, au nom d’ une théorie ardue, mais une présence immédiatement active et totalement s
350 ur hypothétique, au nom d’une théorie ardue, mais une présence immédiatement active et totalement salutaire, au nom d’une P
351 iatement active et totalement salutaire, au nom d’ une Personne vivante et de son amour éternel. Il annonçait l’homme changé
352 epose cette transformation dont vous parlez ? Sur une foi que ma raison refuse, et qu’elle m’ordonne d’ignorer. Je ne vois
353 m’ordonne d’ignorer. Je ne vois pas les effets d’ une telle foi dans l’histoire de notre Occident52. Si je n’ai pas votre f
354 e n’ai pas votre foi, je ne les vois pas. Je vois une Église établie, opprimant toutes les dissidences, pactisant avec les
355 eproches apparaissent justifiés à la grande masse des travailleurs. Si le marxisme a provoqué parmi les « exploités » un te
356 Si le marxisme a provoqué parmi les « exploités » un tel soulèvement d’espérances, de telles vagues d’adhésions enthousias
357 ’est dans la mesure où le christianisme, aux yeux des masses, n’a plus osé se montrer chrétien. C’est que le sel a perdu sa
358 le et certaine n’a plus été prêchée au monde avec une force d’attaque assez gênante et bouleversante. C’est que l’« esprit 
359 al, perpétuel et seul réel, est devenu le gardien des conformismes, ou du moins n’a pas su, par excès de prudence, empêcher
360 me tel. Les chrétiens sont bien plus responsables des succès de Marx auprès des foules, que le marxisme n’est responsable d
361 bien plus responsables des succès de Marx auprès des foules, que le marxisme n’est responsable du déclin des Églises dans
362 ules, que le marxisme n’est responsable du déclin des Églises dans le monde moderne. C’est pourquoi les reproches du marxis
363 paroles ou en actes). Si les chrétiens gardaient une conscience plus fidèle, partant plus douloureuse de ce fait, je crois
364 s que l’objection chrétienne est imparable. Quand un marxiste me reproche de me contenter d’un changement tout spirituel,
365 . Quand un marxiste me reproche de me contenter d’ un changement tout spirituel, et qui n’affecte en rien le cours des chos
366 tout spirituel, et qui n’affecte en rien le cours des choses, je suis fondé à lui répondre : « Ton reproche s’adresse à mon
367 as du tout à la foi. Car la foi, dit Luther, est ‟ une chose inquiète”, on ne l’a pas impunément, et si on l’a, cela se voit
368 e l’a pas impunément, et si on l’a, cela se voit, des choses changent. Ce que tu me reproches, c’est, en fait, de n’être pa
369 isme devient prédication ! Drôle d’aventure, pour un dialecticien ! Si tu dis que le chrétien est celui qui ne fait rien,
370 e qui est essentiel chez Marx. Je ne critique pas une erreur contingente. Je ne dis pas : vous n’êtes pas assez marxistes !
371 insèquement, et dans la mesure exacte où l’on est un marxiste convaincu, non point dans la mesure où l’on trahit le marxis
372 ans la mesure où l’on trahit le marxisme, on fait une erreur fatale, irrévocable, aujourd’hui manifeste. Erreur sur l’homme
373 arxisme, alors que la critique marxiste porte sur un christianisme dénaturé. Et l’essentiel du marxisme, je le répète, c’e
374 non pas l’homme d’abord, et le monde par lui. Or une telle volonté ne peut conduire qu’à l’excès du matérialisme, non poin
375 point par la malice de Staline, mais par l’effet des conditions physiques et spirituelles de l’homme en ce qu’elles ont d’
376 e passé, le présent ou l’avenir53. Le problème des fins dernières : Royaume de Dieu ou paradis terrestre ? Nous arriv
377 mmuniste militant, ont tenté la synthèse pratique des deux croyances, qu’ils estimaient complémentaires. D’autres, plus nom
378 vec urgence, aux environs de 1933, de réunir dans un même enthousiasme, « les deux Karl », c’est-à-dire Barth et Marx !54
379 rl », c’est-à-dire Barth et Marx !54 C’est ici qu’ une critique proprement théologique se révèle seule capable de marquer le
380 ue du communisme n’est justiciable, en soi, que d’ une critique politique, économique, historique, etc.55 Et je ne vois pas
381 5 Et je ne vois pas que le chrétien comme tel ait des lumières particulières sur ces sujets, qui exigent un savoir techniqu
382 umières particulières sur ces sujets, qui exigent un savoir technique. Mais ce qui tombe directement sous le coup de la se
383 ulats qu’il suppose. Qu’on me permette ici d’être un peu schématique pour plus de clarté. Il me paraît que l’opposition fi
384 à expliquer tout le reste. Le communisme prépare un paradis terrestre, le paradis temporel de l’homme ; le christianisme
385 is temporel de l’homme ; le christianisme prépare un Royaume éternel, qui sera celui de Dieu, non de la Terre. Tous deux s
386 ce sens qu’ils rapportent leur accomplissement à un état dernier et invariable, à un terme futur et total, accessible au
387 ccomplissement à un état dernier et invariable, à un terme futur et total, accessible au travers d’une longue tribulation,
388 un terme futur et total, accessible au travers d’ une longue tribulation, d’une longue passion temporelle. Et c’est la « fo
389 accessible au travers d’une longue tribulation, d’ une longue passion temporelle. Et c’est la « foi », substance des choses
390 assion temporelle. Et c’est la « foi », substance des choses espérées, qui permet seule de supporter les maux que l’on endu
391 rétien chante sur son bûcher, le komsomol accepte un salaire de famine s’il faut cela pour sauver l’URSS.) Mais l’eschaton
392 que l’eschaton marxiste, temporel, s’enfuit dans un futur indéfini, — cent ans, mille ans ou deux-mille ans ? — et ne peu
393 phénomène de la « conversion » le fait bien voir. Un homme qui se convertit au christianisme, c’est un homme qui reçoit et
394 Un homme qui se convertit au christianisme, c’est un homme qui reçoit et qui saisit la Révélation en Personne. Et du coup
395 n’est plus le maître de sa vie. Il est l’agent d’ une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui seul et ici-bas, et qui anim
396 lle porte témoignage en faveur du fait accompli d’ une révolution humaine. Le chrétien converti commence donc par la fin que
397 la personne. Et alors, il attaque le monde ! Mais un homme qui se convertit au communisme ne se rattache pas à une Présenc
398 i se convertit au communisme ne se rattache pas à une Présence actuelle. Il fait un pari dont l’objet n’est pas accessible
399 se rattache pas à une Présence actuelle. Il fait un pari dont l’objet n’est pas accessible aujourd’hui. Il mise son actio
400 ble aujourd’hui. Il mise son action immédiate sur un fait qui n’est pas accompli, l’histoire n’ayant jamais connu de réali
401 jamais connu de réalisation de communisme. Ainsi, des deux, c’est le marxiste qui est l’utopiste ; et c’est le chrétien qui
402 ritable…) Le marxiste dit : « Je ne table pas sur une foi dans l’invisible, mais sur des faits concrets qu’il faut changer.
403 table pas sur une foi dans l’invisible, mais sur des faits concrets qu’il faut changer. Chaque réforme obtenue, chaque rev
404 st la libération de l’homme. Et moi je lui montre un homme libéré, tandis qu’il ne peut me montrer que quelques conditions
405 e montrer que quelques conditions préliminaires d’ une libération toujours future. Je marquerai encore une autre différence,
406 e libération toujours future. Je marquerai encore une autre différence, non moins radicale et urgente. Le chrétien converti
407 in. S’il est chrétien, il sait qu’il est membre d’ un corps qui porte toutes les marques du péché. Il est alors en face du
408 onde, et au nom même de sa foi, dans la posture d’ un révolutionnaire permanent. Non seulement il se voit contraint de veni
409 eçu en Christ. Il possède en lui-même la mesure d’ une perpétuelle transformation, nécessaire dans tous les domaines où son
410 dans son effort par les gains peu à peu obtenus. Une balance s’établit entre les intérêts sociaux présents et le désir d’a
411 et accomplissement, ou plénitude, n’est jamais qu’ un futur théorique, — si passionnée que soit l’espérance du marxiste — e
412 née que soit l’espérance du marxiste — et non pas une présence exigeante et totalement animatrice. C’est ici la raison prof
413 talement animatrice. C’est ici la raison profonde des déviations dites « réformistes » ou « étatistes » de la révolution ma
414 tatistes » de la révolution matérialiste. Pour qu’ une telle pesanteur ne gagne pas sans cesse sur les élans révolutionnaire
415 Préparer le royaume de l’homme, ou témoigner par des actes visibles en faveur du retour d’un Royaume déjà réalisé en Chris
416 gner par des actes visibles en faveur du retour d’ un Royaume déjà réalisé en Christ, cela suppose identiquement une volont
417 éjà réalisé en Christ, cela suppose identiquement une volonté de changer tout ce qui peut l’être ; mais aussi, cela suppose
418 mour et de justice, même s’il était commis au nom des intérêts de l’Église chrétienne, détruirait en fait cette Église en t
419 e vit dans chacun de ses membres, et non pas dans un ciel abstrait. Car le gage de l’action chrétienne n’est pas futur, ma
420 re en arguant que c’est le seul moyen d’accéder à un stade économique plus favorable au développement du socialisme. Je vo
421 traduise la vraie volonté du marxisme, plutôt qu’ un reste d’humanisme libéral. Le fait est que la grosse majorité des com
422 nisme libéral. Le fait est que la grosse majorité des communistes suit Staline. D’où il résulte à l’évidence que pour la gr
423 résulte à l’évidence que pour la grosse majorité des communistes, le mensonge, la haine, l’oppression, l’hypocrisie suprêm
424 d’État », et jusqu’à la guerre s’il le faut, sont des moyens parfaitement acceptables en tant qu’ils servent le progrès pro
425 ’ils servent le progrès prolétarien, et préparent un avenir conforme à la doctrine59. Que leur importe une « faute » perso
426 avenir conforme à la doctrine59. Que leur importe une « faute » personnelle et actuelle, puisqu’il n’y a pas de salut prése
427 Parti, c’est-à-dire à l’avenir du Parti, proférer des aveux mensongers qu’il croyait tactiquement utiles. Imaginez maintena
428 oyait tactiquement utiles. Imaginez maintenant qu’ un vrai chrétien juge bon de s’inscrire au parti communiste ou de milite
429 de n’agir qu’en chrétien ; mais alors il devient un opposant, un « trotzkyste » ou un « saboteur », et à tout le moins un
430 ’en chrétien ; mais alors il devient un opposant, un « trotzkyste » ou un « saboteur », et à tout le moins un militant sus
431 lors il devient un opposant, un « trotzkyste » ou un « saboteur », et à tout le moins un militant suspect. Tout cela repos
432 otzkyste » ou un « saboteur », et à tout le moins un militant suspect. Tout cela repose sur un fait unique, que nous pouvo
433 e moins un militant suspect. Tout cela repose sur un fait unique, que nous pouvons formuler simplement : la fin dernière d
434 pas ; tandis que la fin dernière du marxiste est un avenir absolument hétérogène aux actions qu’il peut faire aujourd’hui
435 ne aux actions qu’il peut faire aujourd’hui, dans un ordre non socialiste. Par où l’on voit qu’en dépit du langage, la tra
436 iste renvoie sans cesse le fait humain total dans un avenir indéfini, et n’engage que certaines dispositions de l’être, ce
437 e chrétien sait que le bien naît du parfait. D’ une conséquence politique de la foi Je m’adresserai maintenant aux chr
438 ne sont pas seulement « spirituels », entraînent des risques financiers, et même parfois l’abandon de tous biens et d’inté
439 je demande à ces chrétiens « changés » s’ils ont un souci suffisant des suites sociales et politiques qu’implique en fait
440 hrétiens « changés » s’ils ont un souci suffisant des suites sociales et politiques qu’implique en fait leur attitude ? Et
441 je pense en particulier aux membres du Mouvement des Groupes, qui représentent à l’heure actuelle le christianisme le plus
442 de s’occuper de politique ? Comment se fait-il qu’ un grand nombre d’entre eux s’en désintéressent pratiquement ? Ils me di
443 e aussi me tenait ce raisonnement, pour justifier une action tout inverse. Je pense qu’il faut aller plus loin60. La déviat
444 du marxisme ne doit pas seulement nous inciter à des condamnations toutes théoriques : elle doit nous avertir de corriger
445 otre vie chrétienne, et qui est la cause certaine des succès du marxisme. Tant que les chrétiens ne comprendront pas que le
446 trouvera justifié pour autant. Je ne crois pas à une politique chrétienne, déduite une fois pour toutes de la théologie. M
447 asses incroyantes. Il se pose là, me semble-t-il, une question de solidarité, qui est une forme de la charité. Parfois auss
448 semble-t-il, une question de solidarité, qui est une forme de la charité. Parfois aussi le devoir chrétien peut apparaître
449 iquement défini et localisé : je n’en donnerai qu’ un seul exemple, que je crois actuel entre tous. Tout le monde sait, ou
450 e que nous l’évoquions plus haut. Toutefois, l’un des facteurs au moins s’est modifié notablement : les chrétiens ne formen
451 difié notablement : les chrétiens ne forment plus des groupuscules obscurs, ils ont constitué des églises visibles (et même
452 plus des groupuscules obscurs, ils ont constitué des églises visibles (et même parfois trop visibles), organisées (parfois
453 ’État nouveau veut qu’on l’adore, sinon déjà dans des formes religieuses, du moins dans des formes qui s’opposent aux comma
454 n déjà dans des formes religieuses, du moins dans des formes qui s’opposent aux commandements du Décalogue, et au devoir d’
455 le martyre ? Ou qu’à revêtir vis-à-vis de l’État une attitude d’objecteurs de conscience ? N’avons-nous rien que nous-même
456 à sauver, alors que nos erreurs passées sont pour une part, peut-être capitale, dans le malheur universel qui vient ? Or to
457 rageuse qu’elle soit, devient dans le cas présent une complicité. L’État totalitaire ne saurait s’instaurer contre l’opinio
458 ’il ne veut pas rester l’objecteur que j’ai dit ? Un protestant, et je précise : un calviniste, doit être ici en mesure de
459 eur que j’ai dit ? Un protestant, et je précise : un calviniste, doit être ici en mesure de répondre. De toutes les église
460 s précèdent : on sait assez que ce fut la lutte d’ une royauté déjà « totalitaire » contre des groupes, loyalistes il est vr
461 a lutte d’une royauté déjà « totalitaire » contre des groupes, loyalistes il est vrai, mais réfractaires à certaine mise au
462 e au pas. Il serait peut-être abusif de déduire d’ une situation déterminée par la persécution brutale, que les églises calv
463 ises calvinistes défendaient alors, par principe, un régime fédéraliste. Mais si nous remontons plus haut, jusqu’au règne
464 qu’au règne de François Ier, c’est-à-dire jusqu’à une époque où la passion totalitaire des gouvernants n’avait pas encore p
465 dire jusqu’à une époque où la passion totalitaire des gouvernants n’avait pas encore pu s’affirmer comme elle le fit sous L
466 line que se donnent les églises calvinistes revêt une forme consciemment fédérative61. Or il ne s’agit plus ici de continge
467 on personnelle suffit à expliquer ce processus. À une éthique charismatique62 correspond nécessairement une organisation fé
468 éthique charismatique62 correspond nécessairement une organisation fédéraliste de l’Église, et même de l’État. Calvin n’a p
469 ’a pas fondé, comme le répètent tous les manuels, une société théocratique, mais bien une société de type fédératif, respec
470 les manuels, une société théocratique, mais bien une société de type fédératif, respectant les diversités, voulues par Die
471 les pays calvinistes, où la notion de l’autonomie des groupes reste vivace (Angleterre, Écosse, Suisse, Hollande). En Allem
472 Écosse, Suisse, Hollande). En Allemagne, la lutte des églises contre l’emprise morale de l’État fut menée, on le sait, par
473 ée, on le sait, par Karl Barth : c’est-à-dire par un calviniste… Je ne voudrais pas restreindre la portée de ce fait en l’
474 e, que nous voyons gagner toutes les églises, est une promesse à laquelle nous devons croire de toute la force de notre foi
475 tre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu’ une conclusion que je crois valable pour tout chrétien, à quelque église
476 e qu’il appartienne. Nous avons tous reçu de Dieu un appel strictement personnel, un « charisme » dont nous sommes respons
477 tous reçu de Dieu un appel strictement personnel, un « charisme » dont nous sommes responsables. Nous ne pouvons donc pas
478 responsables. Nous ne pouvons donc pas approuver une forme d’État qui, par définition, contredit toute diversité, toute au
479 raison — et j’en ai mentionné plusieurs autres —, un chrétien ne peut pas approuver, comme chrétien, la forme politique du
480 que du communisme63. Il lui faut donc en préparer une autre, et prendre enfin parti, positivement, dans l’immense lutte qui
481 itaire et le fédéralisme libre. Responsabilité des chrétiens vis-à-vis des marxistes On connaît la « croisade antimar
482 libre. Responsabilité des chrétiens vis-à-vis des marxistes On connaît la « croisade antimarxiste » qu’organise dans
483 ste » qu’organise dans le monde entier la panique des capitalismes. Cette croisade a pour vraie devise : dividendes d’abord
484 lle entraîne beaucoup de braves gens au service d’ une cause présentée comme une valeur de pères de famille. C’est en vérité
485 raves gens au service d’une cause présentée comme une valeur de pères de famille. C’est en vérité la croisade du matérialis
486 le matérialisme généreux. C’est aussi la croisade des fascismes contre leur frère, le stalinisme : une guerre de religions
487 des fascismes contre leur frère, le stalinisme : une guerre de religions qui ne sont pas les nôtres. Je prends ici parti c
488 e sont pas les nôtres. Je prends ici parti contre une telle entreprise, pour les mêmes raisons, mais aggravées, qui me fais
489 s qui traduit encore, obscurément, l’aspiration d’ un Occident jadis chrétien, vers une économie sauvée : le Royaume où Die
490 , l’aspiration d’un Occident jadis chrétien, vers une économie sauvée : le Royaume où Dieu est « tout en tous ». Si les égl
491 s chrétiennes ont à souffrir demain par le fait d’ un État tyrannique, il faut qu’elles sachent qu’elles en sont responsabl
492 nos libertés civiques sont brimées, par le fait d’ une doctrine et d’un État « matérialistes », il faut savoir que nous en s
493 ues sont brimées, par le fait d’une doctrine et d’ un État « matérialistes », il faut savoir que nous en sommes les respons
494 es responsables, dans la mesure où nous cultivons un esprit détaché du réel, une liberté abstentionniste et inféconde. Tou
495 sure où nous cultivons un esprit détaché du réel, une liberté abstentionniste et inféconde. Tout le mal vient de notre espr
496 esser contre la « vérité » déviée de Marx, contre une vérité orpheline, coupée des liens vivants qui l’attachaient en Dieu
497 viée de Marx, contre une vérité orpheline, coupée des liens vivants qui l’attachaient en Dieu à ses fins et à ses origines.
498 liste. 41. « Le communisme n’est pas pour nous un état qui doive être créé, un idéal… Nous appelons communisme le mouve
499 n’est pas pour nous un état qui doive être créé, un idéal… Nous appelons communisme le mouvement effectif qui supprimera
500 eologie). 42. « Nous sommes tous membres les uns des autres » (Rom., 12, 5). D’autre part, Marx n’a pas cessé de critiquer
501 critique ne peut évidemment remplacer la critique des armes » (Marx, Critique de le philosophie hégélienne). Il faut en use
502 er, dans les Thèses sur Feuerbach. On peut y lire une phrase qui prouve que Marx ne prétendait nullement négliger les facte
503 ialectique ». « La coïncidence de la modification des circonstances et de la modification de l’activité humaine, ou transfo
504 , ne peut être rationnellement comprise que comme une activité révolutionnaire. » Phrase importante à l’extrême ! Mais comb
505 n Karl Barth, par exemple, la dogmatique n’est qu’ une question perpétuelle, une autocritique si l’on veut, que l’Église s’a
506 la dogmatique n’est qu’une question perpétuelle, une autocritique si l’on veut, que l’Église s’adresse à elle-même, et qui
507 é par la prédication et par les sacrements. C’est un acte d’obéissance, et c’est aussi un acte d’humilité ; car toute paro
508 ments. C’est un acte d’obéissance, et c’est aussi un acte d’humilité ; car toute parole humaine sur Dieu est nécessairemen
509 essairement inadéquate en soi, et ne peut être qu’ un renvoi à la Révélation seule parfaite, à Jésus-Christ. La « doctrine 
510 e, à Jésus-Christ. La « doctrine » n’est ainsi qu’ une mesure critique que l’Église prend de son message sous le rapport de
511 sse comparer, fût-ce le plus superficiellement, à un programme théorique qu’il s’agirait maintenant d’appliquer. En bref,
512 ref, la doctrine chrétienne, si l’on veut établir un parallèle — sans doute dangereux — ce serait la Personne vivante de J
513 elle s’est réalisée plus tard sous Constantin par des moyens légaux, il est vrai, mais avec les mêmes inconvénients. Certes
514 mais avec les mêmes inconvénients. Certes il y a des lois de l’histoire en ce sens qu’on retrouve les mêmes mécanismes par
515 enno (Union pour la Vérité, 22 mars 1930). À quoi un socialiste allemand, le professeur Hans Mühlestein, rétorquait : « To
516 bsence du christianisme. » Je note ici, à l’appui des dires de de Man, que le mouvement syndicaliste au Japon a été fondé p
517 e mouvement syndicaliste au Japon a été fondé par un chrétien, Kagawa. 53. Je ne dis pas « les conditions physiques et sp
518  », car alors, le marxiste me ferait observer que des facteurs très essentiels de l’être même peuvent varier selon les mili
519 ême peuvent varier selon les milieux et la nature des institutions. (Ainsi le besoin prétendu « primordial » de propriété,
520 été, peut très bien être anéanti chez l’homme par un régime communiste.) Que reste-t-il dans l’être humain d’absolument ir
521 dis que toute doctrine qui ne tient pas compte d’ une de ces conditions conduit nécessairement soit à l’idéalisme, soit à s
522 e stalinisme totalitaire résulte nécessairement d’ une conception de l’homme purement social, qui néglige la fonction spirit
523 nécessairement de l’Évangile ! 54. Déclaration d’ un étudiant chinois au congrès mondial de la Fédération des étudiants ch
524 diant chinois au congrès mondial de la Fédération des étudiants chrétiens. (Cf. Student World, automne 1933.) 55. Telle qu
525 ne 1933.) 55. Telle que l’ont opérée par exemple un Werner Sombart, un de Man, et en France, le groupe de l’Ordre nouveau
526 e que l’ont opérée par exemple un Werner Sombart, un de Man, et en France, le groupe de l’Ordre nouveau. (Cf. en particuli
527 arle ici, l’on m’entend bien, de ce que doit être un chrétien conséquent. Il est trop clair que nous restons, tous tant qu
528 os affaires, nos intérêts dits matériels, et ceux des autres ! Exemple typique : l’auteur d’un des cantiques les plus pieux
529 et ceux des autres ! Exemple typique : l’auteur d’ un des cantiques les plus pieux du recueil anglais, sir John Browning, e
530 ceux des autres ! Exemple typique : l’auteur d’un des cantiques les plus pieux du recueil anglais, sir John Browning, est l
531 me homme qui contraignit la Chine, sous la menace des canons, à s’ouvrir au commerce de l’opium. Un tel fait donne raison e
532 ce des canons, à s’ouvrir au commerce de l’opium. Un tel fait donne raison en apparence à la critique marxiste. En vérité,
533 ens justes qui la préparent. Et non pas justifier des moyens qui seraient en soi contraires à la justice, — ou à l’essence
534 e. 59. Je ne cède pas ici à l’imagerie polémique des bourgeois, aux yeux desquels tout bolcheviste est un criminel en puis
535 bourgeois, aux yeux desquels tout bolcheviste est un criminel en puissance. Les communistes représentent chez nous, en gén
536 e (entrée dans la SDN), l’oppression (déportation des paysans, des écrivains), la haine de classe (prêchée par Marx) et la
537 s la SDN), l’oppression (déportation des paysans, des écrivains), la haine de classe (prêchée par Marx) et la guerre (pour
538 éfendre l’URSS). 60. Je n’entends pas porter ici un jugement quelconque sur les groupes dits d’Oxford. Je ne les cite qu’
539 fait pas de doute. « C’est, dit F. de Schickler, une constitution très serrée en toutes ses parties, constitution démocrat
5 1937, Articles divers (1936-1938). Vocation et destin d’Israël (1937)
540 l (1937)v Sens de « l’histoire » d’Israël Un prophète, a écrit Karl Barth, est un homme sans biographie. « Er steh
541 d’Israël Un prophète, a écrit Karl Barth, est un homme sans biographie. « Er steht und fallt mit seiner Mission », c’e
542 allemand et qui sans doute a perdu sa vertu pour une oreille habituée : « Il se lève et il tombe avec sa mission. » Nous n
543 ue c’est le message de Dieu. Jérémie n’eût été qu’ un berger bègue si l’Éternel n’avait parlé par lui. Voici qui est digne
544 ment notable ne le prédestinait à jouer le rôle d’ un grand prophète, — les psychologues s’y épuiseront — mais encore il y
545 ît le plus décisif, à vues humaines, s’agissant d’ un homme appelé au ministère de la Parole. Ce qui est vrai du prophète l
546 s prophétique. Ce qui est vrai de la biographie d’ un homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai de l’histoire profan
547 hoisit n’est pas moins vrai de l’histoire profane des Juifs, porteurs eux aussi d’une mission que rien en eux ne semblait p
548 ’histoire profane des Juifs, porteurs eux aussi d’ une mission que rien en eux ne semblait préparer. On peut le dire sans pa
549 our tâche de reconstituer l’évolution immanente d’ un peuple, telle qu’on peut vraisemblablement la styliser et la chiffrer
550 r, c’est-à-dire, telle qu’elle fut déterminée par des facteurs en partie mesurables (géographiques, économiques, etc.), ou
551 ou moins naïvement positiviste. Que nous apprend une science de cet ordre sur le destin auquel étaient promises les infime
552 ui constituaient, aux origines, la nation juive ? Une similitude facile nous permet de l’imaginer : l’histoire n’a pas la p
553 sraël, s’il n’avait pas été « élu », eût évolué d’ une autre sorte que tant de tribus d’Arabie qui nous offrent encore aujou
554 ’Arabie qui nous offrent encore aujourd’hui, avec une persistance bien remarquable tous les traits caractéristiques de la c
555 s traits caractéristiques de la coutume pastorale des temps d’Abraham. Nous ne possédons pas un renseignement d’ordre profa
556 torale des temps d’Abraham. Nous ne possédons pas un renseignement d’ordre profane, qui nous explique pourquoi cette tribu
557 nquérir… Ainsi les annales d’Israël sont celles d’ une puissance imprévue et humainement imprévisible, qui ne fut jamais imm
558 ne fut jamais immanente aux conditions médiocres des Hébreux. Ce que nous connaissons de leur « histoire » — mais le mot p
559 sons de leur « histoire » — mais le mot prend ici un sens nouveau — c’est la suite des gestes de Dieu dont ils ne furent q
560 le mot prend ici un sens nouveau — c’est la suite des gestes de Dieu dont ils ne furent que les instruments. Mais les instr
561 re que décrit l’Ancien Testament nous ramène avec une insistance innombrable et vraiment grandiose à cette opposition fonda
562 iment grandiose à cette opposition fondamentale d’ une vocation et d’un destin, hors de laquelle on ne peut rien comprendre
563 cette opposition fondamentale d’une vocation et d’ un destin, hors de laquelle on ne peut rien comprendre de ce qui touche
564 peut rien comprendre de ce qui touche à la nation des Juifs. Destin nomade, vocation messianique. Destin visible, insignifi
565 peuple et qui seule l’élève, l’assemble et donne un sens à la vie de chacun. Ce peuple errait sans « fin » dans le désert
566 conflit de la foi et de la vue n’est en somme qu’ un autre aspect du conflit de la vocation et du destin. Il fait comprend
567 olte qui tourmenta sans fin les douze tribus. Car un but invisible aux mortels est une menace et une angoisse, au moins au
568 ouze tribus. Car un but invisible aux mortels est une menace et une angoisse, au moins autant qu’une promesse. Une menace p
569 ar un but invisible aux mortels est une menace et une angoisse, au moins autant qu’une promesse. Une menace pour les « inté
570 st une menace et une angoisse, au moins autant qu’ une promesse. Une menace pour les « intérêts immédiats » qui se voient pa
571 et une angoisse, au moins autant qu’une promesse. Une menace pour les « intérêts immédiats » qui se voient par trop négligé
572 op négligés au profit d’on ne sait quel futur. Et une angoisse contre laquelle il est fatal que l’on cherche à se protéger
573 es Hébreux se rebellent, ils fuient dans le culte des faux dieux, rassurants parce que « faits de main d’homme »… Mais sans
574 que « faits de main d’homme »… Mais sans relâche, des prophètes reviennent pour railler durement ces idoles et les traîtres
575 voir, sont symbolisés au concret par les statues des idoles étrangères — car c’est le voisin qu’on imite lorsqu’on doute d
576 ême cette vocation et la foi qu’elle implique ont un symbole, unique et univoque : l’Arche de l’Alliance présente au sein
577 s l’origine et la fin du peuple en tant qu’il est un « nouveau » peuple, élu par Dieu et « mis à part »64. C’est à elle qu
578 le à peu près idéal de ce que l’on peut nommer (d’ un terme d’ailleurs emprunté à l’antiquité hellénique) la mesure d’une c
579 rs emprunté à l’antiquité hellénique) la mesure d’ une civilisation, le canon d’une culture et d’un ordre social, le princip
580 lénique) la mesure d’une civilisation, le canon d’ une culture et d’un ordre social, le principe initial et final régulateur
581 e d’une civilisation, le canon d’une culture et d’ un ordre social, le principe initial et final régulateur et en même temp
582 et en même temps animateur de toutes les œuvres d’ une nation, tant matérielles que politiques et spirituelles65. L’histoire
583 lles que politiques et spirituelles65. L’histoire des civilisations nous offre certes d’autres exemples assez grandioses de
584 oureuses. (Inde ancienne, Grèce de Périclès, Rome des Césars, papauté médiévale, empires égyptien et aztèque, Chine des gra
585 uté médiévale, empires égyptien et aztèque, Chine des grandes dynasties.) Mais la mesure des tribus hébraïques se distingue
586 que, Chine des grandes dynasties.) Mais la mesure des tribus hébraïques se distingue de toutes les autres en ce qu’elle est
587 distingue de toutes les autres en ce qu’elle est une vocation adressée par un Dieu personnel, unique, éternel, transcendan
588 utres en ce qu’elle est une vocation adressée par un Dieu personnel, unique, éternel, transcendant. Elle n’est pas le prod
589 transcendant. Elle n’est pas le produit normal d’ une évolution historique fécondée et cristallisée par l’intervention d’un
590 que fécondée et cristallisée par l’intervention d’ un grand chef. Elle est donc plus « totalitaire » que toute mesure humai
591 parfaitement commune. On porte l’Arche au-devant des armées, dans la guerre, comme le symbole de l’unité du peuple, mais s
592 nu, s’ils oublient que le Dieu qu’ils servent est un Dieu qui se nomme « jaloux », les Prophètes se lèvent contre eux et d
593 n d’idolâtrie déborde ici singulièrement le culte des images d’où elle tire son nom. Elle embrasse tout ce qui n’est pas fo
594 t ce qui est refus d’obéissance, et imagination d’ un autre bien. Idole tout ce qui détourne de la seule vocation. Idole to
595 es prophètes annoncent sans relâche. Mais la pire des idolâtries, c’est celle qui prend pour objet de son culte la mesure m
596 on culte la mesure même, la Loi en soi, abstraite des fins pour lesquelles elle existe. C’est l’idolâtrie qui consiste à so
597 ui consiste à soumettre l’homme à la « lettre » d’ une législation divine, mais dont l’homme s’est emparé, et dont il fait s
598 ple honorait à peu près comme on le fit plus tard des Pères de l’Église, des évêques et des cardinaux : les pharisiens. Con
599 comme on le fit plus tard des Pères de l’Église, des évêques et des cardinaux : les pharisiens. Condamnant au nom de la Lo
600 t plus tard des Pères de l’Église, des évêques et des cardinaux : les pharisiens. Condamnant au nom de la Loi celui-là même
601 tion de la Loi, comme mesure du peuple hébreu, qu’ un texte que je trouve dans le plus grand des historiens profanes des Ju
602 reu, qu’un texte que je trouve dans le plus grand des historiens profanes des Juifs : Josèphe. « Notre législateur (Moïse),
603 trouve dans le plus grand des historiens profanes des Juifs : Josèphe. « Notre législateur (Moïse), écrit-il dans sa Répons
604 été conformes. » Car il n’a pas seulement formulé des lois justes, complètes et très détaillées, mais il a veillé à ce qu’e
605 s de tous. Cette connaissance produit parmi nous une admirable conformité, parce que rien n’est si capable de la faire naî
606 nts de la grandeur de Dieu, et d’être élevés dans une même manière de vivre, et dans les mêmes coutumes ; car on n’entend p
607 ns doivent avoir pour objet de plaire à Dieu. Une culture pauvre, mais fidèle Un homme du xxe siècle ne peut, me se
608 re à Dieu. Une culture pauvre, mais fidèle Un homme du xxe siècle ne peut, me semble-t-il, qu’éprouver une sorte d
609 xxe siècle ne peut, me semble-t-il, qu’éprouver une sorte d’effroi au spectacle d’un ordre social, spirituel et matériel,
610 il, qu’éprouver une sorte d’effroi au spectacle d’ un ordre social, spirituel et matériel, aussi fanatiquement lié et suspe
611 spendu à l’invisible. Le moderne en ressent comme une offense à cette liberté créatrice dans laquelle il met son orgueil. Q
612 iversité, et toute mesure ne serait à nos yeux qu’ une occasion de dépassement… Oui, la Richesse est notre dernier dieu, et
613 hacun se refermant sur sa spécialité, se forgeant une langue singulière au mépris de tout « sens » commun, et convoquant en
614 mme qui se trouve posé à toute civilisation, et d’ une manière très urgente à la nôtre, est assez clairement défini par la c
615 que l’on perd et ce que l’on gagne à sacrifier à une « mesure », voilà ce dont l’exemple juif nous permettra mieux que tou
616 e de juger. Que devient en effet la culture, dans un monde où n’est tolérée que « la seule chose nécessaire ? » L’homme q
617 ue « la seule chose nécessaire ? » L’homme qui a une vocation n’est pas bon à autre chose. Israël portait dans son sein l’
618 était tenté de s’oublier dans les voies vulgaires des autres peuples, une sorte de génie sombre lui montrait l’envers de to
619 lier dans les voies vulgaires des autres peuples, une sorte de génie sombre lui montrait l’envers de toute chose, et avec d
620 bre lui montrait l’envers de toute chose, et avec des accents d’amère ironie, proclamait que la justice à l’ancienne manièr
621 tentative de culture profane se voit assimilée à une révolte d’orgueil contre Dieu. La culture d’Israël sera pauvre à rais
622 la fidélité de la culture du peuple hébreu. C’est une ascèse : il s’agit de détruire en germe tout ce qui comblerait trop t
623 que le culte qu’il faut rendre au Dieu vivant est une obéissance directe « en esprit et en vérité ». Or abstraire, c’est d’
624 res qui enrobent les notions les plus hautes dans un vêtement quotidien ; on dirait : un vêtement de travail. Cette « pauv
625 s hautes dans un vêtement quotidien ; on dirait : un vêtement de travail. Cette « pauvreté » philosophique — mais quand un
626 il. Cette « pauvreté » philosophique — mais quand un peuple a des prophètes, a-t-il besoin de philosophes ? — est ainsi l’
627 pauvreté » philosophique — mais quand un peuple a des prophètes, a-t-il besoin de philosophes ? — est ainsi l’aspect négati
628 n de philosophes ? — est ainsi l’aspect négatif d’ une splendeur poétique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien sera g
629 ou grecque, sublime dans la mesure où la synthèse des deux traditions sera dominée par l’élément biblique.) Seuls les grand
630 e feras pas d’image taillée, ni de représentation des choses qui sont en haut dans les cieux, en bas sur la terre, et dans
631 ement technique : la sagesse de Salomon n’est pas une connaissance des « causes » mais bien des « signatures » naturelles.
632 la sagesse de Salomon n’est pas une connaissance des « causes » mais bien des « signatures » naturelles. Elle ne veut pas
633 est pas une connaissance des « causes » mais bien des « signatures » naturelles. Elle ne veut pas utiliser les choses, mais
634 à la seule chose nécessaire : l’accomplissement d’ une vocation spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement sont les m
635 de l’homme responsable, et dont l’esprit connaît un but auquel il dédie toutes ses œuvres, l’on voit que la culture la pl
636 osèphe : Quant à ce que l’on nous reproche comme un grand défaut, de ne nous point étudier à inventer des choses nouvelle
637 grand défaut, de ne nous point étudier à inventer des choses nouvelles, soit dans les arts, ou dans le langage, au lieu que
638 dence, de demeurer constamment dans l’observation des lois et des coutumes de nos ancêtres, parce que c’est une preuve qu’e
639 meurer constamment dans l’observation des lois et des coutumes de nos ancêtres, parce que c’est une preuve qu’elles ont été
640 et des coutumes de nos ancêtres, parce que c’est une preuve qu’elles ont été parfaitement bien établies, puisqu’il n’y a q
641 toutes choses ne sont pas mieux réglées le jour d’ une fête solennelle, qu’elles le sont toujours parmi nous ? Chute d’I
642 éconnue prenant prétexte de la Loi, cette « ombre des biens à venir. » (Héb. 10, 1), pour repousser le Christ, qui était « 
643 mme le dit Jésus-Christ lui-même, et elle l’est d’ une double manière : parce qu’elle a abouti — le Messie est venu — et par
644 ondamnant celui qu’elle annonçait. Christ apporte une nouvelle mesure, fondant ainsi un nouvel Israël. Bien plus, il est lu
645 Christ apporte une nouvelle mesure, fondant ainsi un nouvel Israël. Bien plus, il est lui-même cette mesure, cette Allianc
646 ns limites et sans foyer. Sans espérance, il crée des utopies. Sans obéissance, il imagine des lois fatales. Sans Messie, i
647 il crée des utopies. Sans obéissance, il imagine des lois fatales. Sans Messie, il se fait précurseur des messies qui ne v
648 lois fatales. Sans Messie, il se fait précurseur des messies qui ne viendront pas… Héritage d’Israël Le christianis
649 le nationalisme exclusif du judaïsme et assumait une mission de portée universelle. Il revendiquait toutefois en même temp
650 Israël, et l’attraction qu’il exerçait venait non des principes généraux de la pensée hellénistique, mais de la pure tradit
651 de Dieu. Aussi conserva-t-elle à l’égard du monde des gentils cette attitude voulue de séparatisme spirituel, cet esprit d’
652 idarité sociale qui distingua l’église chrétienne des religions à mystères et des autres cultes orientaux de cette époque,
653 a l’église chrétienne des religions à mystères et des autres cultes orientaux de cette époque, et qui fit d’elle dès son ap
654 uble héritage que l’Église et l’Europe ont repris des mains d’Israël : héritage divin de l’« élection collective », d’une p
655 ion de retracer ici dans son ensemble l’évolution des éléments culturels et civilisateurs qui survécurent à la chute d’Isra
656 aussi fondamentaux pour l’Occident que la raison des Grecs et l’ordre des Romains. Il m’appartient seulement de préciser e
657 our l’Occident que la raison des Grecs et l’ordre des Romains. Il m’appartient seulement de préciser en quelques traits le
658 mparablement plus familiers que les métamorphoses des dieux païens. Si bien qu’on a pu dire75 que l’Ancien Testament était
659 5 que l’Ancien Testament était la vraie Antiquité des peuples de l’Europe protestante. Mais il y a bien davantage que cet a
660 que cet arrière-plan poétique, et ces exemples d’ une morale parfois scandaleusement antibourgeoise ! Le thème de la vocati
661 lus profondément la « sensibilité spirituelle » d’ un réformé. Le « peuple élu » Le simple fait que le calvinisme ait
662 imple fait que le calvinisme ait été dès le début une église minoritaire, en butte à la persécution, ne suffit pas à expliq
663 ressemblances si souvent signalées entre le sort des tribus dispersées et celui du « petit troupeau » longtemps chassé de
664 rmaux » : ils expriment le destin spirituel, dans un monde incrédule et rebelle, de ceux que Dieu s’est « choisis » pour t
665 on » dont ils ont l’assurance d’être l’objet, par une grâce périlleuse, et dans la foi, les calvinistes, dès la fin du xvie
666 n du xvie siècle, se considèrent comme chargés d’ une mission au sein d’un monde pécheur que Dieu n’abandonne pas. De même
667 considèrent comme chargés d’une mission au sein d’ un monde pécheur que Dieu n’abandonne pas. De même que la loi de Moïse m
668 maintenait le peuple juif, malgré le péché, dans une économie provisoirement vivable et propre à entretenir l’attente acti
669 tive du Messie, de même l’éthique charismatique77 des calvinistes les amène à la conception d’une intendance des biens terr
670 que77 des calvinistes les amène à la conception d’ une intendance des biens terrestres, dont ils auraient à assumer l’office
671 nistes les amène à la conception d’une intendance des biens terrestres, dont ils auraient à assumer l’office : usant de ces
672 dans le courant du xviie siècle. Max Weber, dans une thèse célèbre, a soutenu que c’était là l’origine du capitalisme mode
673 eu de prendre parti entre ces deux explications d’ un phénomène économique que par ailleurs personne — non pas même Marx, q
674 ne et l’autre hypothèse rattache le capitalisme à des attitudes religieuses, d’où serait partie l’impulsion, attitudes anal
675 « réussissaient ». Le spiritualisme transcendant des Juifs d’Orient au contact des coutumes occidentales, se mue peu à peu
676 alisme transcendant des Juifs d’Orient au contact des coutumes occidentales, se mue peu à peu en son contraire exact : c’es
677 de provocante fut souvent prise à l’étranger pour un trait de caractère germanique. Mais c’est aussi l’intellectualisme st
678 logiques fortement développées dans leur race par des siècles d’attente de l’invisible. De même, l’ascétisme vigoureux, le
679 même, l’ascétisme vigoureux, le pessimisme actif des puritains anglais, cédant aux tentations du succès immédiat et contrô
680 en volonté de puissance abstraite (les fondateurs des trusts au siècle dernier), d’autre part en utilitarisme platement mor
681 t ; l’une et l’autre de ces déviations traduisant une totale perte de conscience des fins religieuses de l’éthique puritain
682 iations traduisant une totale perte de conscience des fins religieuses de l’éthique puritaine, et transformant en tyrannie
683 mant en tyrannie absurde ce qui était à l’origine une attitude d’obéissance à la foi, et de renoncement à soi-même. Corrupt
684 mènent au problème central que pose à la pensée d’ un protestant, et particulièrement d’un calviniste, l’exemple d’Israël e
685 la pensée d’un protestant, et particulièrement d’ un calviniste, l’exemple d’Israël et de sa chute. Toute la théologie éth
686 apparaît incarnée ? Est-il rejeté à tout jamais ? Une vocation est-elle donc « amissible » ? Le refus de l’homme serait-il
687 fus de l’homme serait-il donc capable de modifier un arrêt éternel, alors que Dieu prédestine tout homme dès avant sa nais
688 is » (v. 7). Ainsi, « c’est par suite de la faute des enfants d’Israël que le salut est parvenu aux païens, afin d’exciter
689 que saint Paul indique le mystérieux renversement des rôles au dernier jour : « Or, si leur faute a fait la richesse du mon
690 sse du monde, et leur amoindrissement la richesse des païens, que ne fera pas leur complet relèvement ! » (v. 12). « En eff
691 ous ne présumiez trop de votre sagesse : c’est qu’ une partie d’Israël est tombée dans l’endurcissement jusqu’à ce que la to
692 dans l’endurcissement jusqu’à ce que la totalité des païens soit entrée (dans l’Église) ; et ainsi tout Israël sera sauvé 
693 les » (v. 29). Hoc est verbum praeclarum ! Voilà une parole admirable, s’écrie Luther, à propos de ce dernier verset, dans
694 Romains. Et Calvin dit du même verset que c’est «  une fort belle sentence ». Ainsi la vocation, du moins cette vocation79 —
695 de son salut final, dépend ainsi de la conversion des Juifs. Et ceci nous révèle la plus profonde raison des sentiments « a
696 uifs. Et ceci nous révèle la plus profonde raison des sentiments « ambivalents », comme dirait Freud, qu’ont eus de tout te
697 voir dans cette passion contradictoire le secret des soudaines explosions de rancune qui apparurent périodiquement au Moye
698 explication vaudrait encore pour l’antisémitisme des hitlériens, qui n’en serait en tout cas que le plus impur exemple. Il
699 ulement ne pourra jamais se désintéresser du sort des Juifs, éternellement lié au sien en vertu d’un décret de Dieu, mais e
700 t des Juifs, éternellement lié au sien en vertu d’ un décret de Dieu, mais encore qu’elle se doit de juger Israël autrement
701 rs que nous avons à prendre position, mais au nom des promesses de la foi, et dans une perspective missionnaire qui réduit
702 ion, mais au nom des promesses de la foi, et dans une perspective missionnaire qui réduit à leurs justes proportions les th
703 qui réduit à leurs justes proportions les thèses des politiques nationalistes. Le drame est bien plus vaste que ne peuvent
704 que l’on prend les « signes » de la vocation pour des réalités valables en elles-mêmes. Mais sans doute ce glissement fatal
705 début, à mesure que l’on codifiait les relations des « élus » et des « gentils ». On sait à quel point cette codification
706 que l’on codifiait les relations des « élus » et des « gentils ». On sait à quel point cette codification fut poussée. L’h
707 Josèphe écrit dans sa Réponse à Appion (I, 2) qu’ un registre des « femmes sacerdotales » (c’est-à-dire appartenant aux fa
708 it dans sa Réponse à Appion (I, 2) qu’un registre des « femmes sacerdotales » (c’est-à-dire appartenant aux familles des pr
709 rdotales » (c’est-à-dire appartenant aux familles des prêtres) était tenu par les sacrificateurs. « Et ils n’en épousaient
710 de peur qu’elles n’aient eu quelque commerce avec des étrangers. Peut-il y avoir rien de plus exact pour exempter des races
711 Peut-il y avoir rien de plus exact pour exempter des races tout mélange avec d’autres, puisque nos sacrificateurs peuvent,
712 d’autres, puisque nos sacrificateurs peuvent, par des pièces si authentiques, prouver leur descente de père en fils depuis
713 , sans qu’il lui soit plus permis de faire aucune des fonctions sacerdotales. » — Il est curieux de noter que les lois raci
714 a pureté de leurs origines : c’est que l’exercice des droits civiques est bien une sorte de « sacerdoce » national. On voit
715 c’est que l’exercice des droits civiques est bien une sorte de « sacerdoce » national. On voit ainsi que l’eugénisme n’est
716 sation, j’ai donné de plus amples précisions dans un volume intitulé Penser avec les mains , où l’on trouvera un raccourc
717 ntitulé Penser avec les mains , où l’on trouvera un raccourci de la présente étude. Du point de vue de l’histoire du peup
718 euple juif, ce raccourci souffre, entre autres, d’ une très grave lacune en ce qu’il paraît conclure sur l’abandon final d’I
719 hrist. Je suis heureux de pouvoir donner ci-après un développement qui n’avait pas sa place dans mon livre. 66. La rédact
720 it pas sa place dans mon livre. 66. La rédaction des livres mosaïques est attribuée par Wellhausen et son école à des disc
721 ïques est attribuée par Wellhausen et son école à des disciples des grands prophètes. Ce serait donc le prophétisme, c’est-
722 ibuée par Wellhausen et son école à des disciples des grands prophètes. Ce serait donc le prophétisme, c’est-à-dire l’éléme
723 ui démodée. On revient à la conception ancienne : un chef hébreu — celui que la Bible appelle Moïse — aurait bel et bien d
724 peuple au culte du vrai Dieu — contre les prêtres des dieux étrangers — mais aussi ceux qui dénoncent les excès du légalism
725 ite… » (Renan, op. cit., I, p. 49). Où Renan voit un obscurcissement, je vois le gage d’une vive actualité, ou efficacité,
726 Renan voit un obscurcissement, je vois le gage d’ une vive actualité, ou efficacité, du langage des clercs, identique à cel
727 e d’une vive actualité, ou efficacité, du langage des clercs, identique à celui des bergers. 70. Voir sur ce point : Collo
728 icacité, du langage des clercs, identique à celui des bergers. 70. Voir sur ce point : Colloque avec Salomon, par Albert-M
729 hmidt, dans la revue Hic et Nunc , n° 9-10. 71. Des études plus récentes semblent infirmer en partie ce dernier jugement
730 rtement sur cette unicité de la Révélation. C’est un grand lieu commun de la théologie réformée que de voir dans l’Ancien
731 du Christ avant qu’il vienne, dans les Prophètes, des Apôtres avant le Christ, dans les Apôtres, des Prophètes après le Chr
732 s, des Apôtres avant le Christ, dans les Apôtres, des Prophètes après le Christ. Ainsi la Bible n’a pas d’autre sens que de
733 Par exemple : cohésion spirituelle et matérielle des divers membres de ces nations éparses ou persécutées, esprit à la foi
734 ène capitaliste à l’« accumulation » de richesses des couvents anglais au Moyen Âge, et aux banques de l’Italie du Nord. Le
6 1937, Articles divers (1936-1938). Luther, Traité du serf arbitre (1937)
735 opos de table, présentés au public français comme un ouvrage capital : ils s’étonnent d’y trouver si peu de substance théo
736 igeants, n’hésitent pas à soutenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race alleman
737 itent pas à soutenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la c
738 Luther, je crois que la phrase suivante en donne une juste idée : « En somme, qu’est-ce que Luther ? Un moine qui a voulu
739 e juste idée : « En somme, qu’est-ce que Luther ? Un moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette déclaration du livre d
740 marier. » J’extrais cette déclaration du livre d’ un critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’il
741 dit, il est juste d’insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes français qui, au niveau de la haute
742 e rien dire — mais cela va de soi — de l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans
743 r, jointes aux diverses calomnies recueillies par des biographes amateurs, et à l’action de la polémique catholique (Denifl
744 méconnaître Luther, c’est ignorer ou méconnaître un des deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’
745 connaître Luther, c’est ignorer ou méconnaître un des deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occi
746 x : dans la totalité de l’être, revient à celle d’ un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’
747 la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’ un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain » parce qu’
748 effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume matériel soit bien écrasant pour le g
749 nnifiée), n’est en fait que le support apparent d’ une réflexion de plus vaste envergure, d’un témoignage qui transcende tou
750 parent d’une réflexion de plus vaste envergure, d’ un témoignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue habit
751 opposition de cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon
752 ition codifiée ; sens de la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus
753 fiée ; sens de la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moins
754 traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un système, au sens philosophique du mot, mais qu’ils s’impliquent très
755 outes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les reflets, diversement réfractés par n
756 de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’ un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement tou
757 de sophismes. Non seulement tous les humanistes — des marxistes aux vieux libéraux — y applaudissent ouvertement, mais enco
758 ue, de les faire siens, puisqu’il croit au mérite des œuvres ; et tous les protestants qui jugent encore que Calvin et Luth
759 n — tous ceux qui tiennent la prédestination pour un dogme immoral ou périmé ; ceux qui traduisent « Paix sur la terre aux
760 s. Que trouveront-ils, dès lors, dans ce Traité ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque 
761 pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’ une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et têt
762 le d’une certitude pesante, vraiment « grave », d’ une dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisage h
763 conférer à son choix la force et la simplicité d’ une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces qua
764 e et la simplicité d’une constatation évidente. D’ un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et c
765 z rares, et chez Luther assez flagrantes, pour qu’ un lecteur qui refuse l’essentiel soit tout de même attiré et subjugué p
766 te maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef d’ un grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est fait
767 nt, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul et des Apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas proprement lu
768 de toute espèce de considération psychologique. ( Un tel homme est bien trop vivant pour faire de la psychologie ; trop en
769 nisme laïque, autonome, est simplement nié, comme une absurdité, une contradiction dans les termes. C’est à Érasme, en tant
770 utonome, est simplement nié, comme une absurdité, une contradiction dans les termes. C’est à Érasme, en tant que théologien
771 et doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’ un moderne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais inév
772 ir, pour qu’on puisse écarter cette objection par un simple rappel de l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai
773 ai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’ une « conscience moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un partisa
774 nce moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un partisan du « serf arbitre » luthérien. (On peut admettre qu’un tel d
775 « serf arbitre » luthérien. (On peut admettre qu’ un tel dialogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’un homme qu
776 ogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’ un homme qui veut croire…) Dialogue Car Dieu peut tout à tout inst
777 tant. C’est là la santé de la foi. Kierkegaard Une conscience moderne. — Selon Luther, nous n’avons aucune liberté, car
778 ouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un luthérien. — Ma
779 rbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies règles du jeu ? Qui
780 les du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie était une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou encore entre l
781 i reconnues ; à m’affirmer dans mon autonomie par un acte qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’il le faut ! L.
782 on autonomie par un acte qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel po
783 volte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit
784 e suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la
785 ns me dire qu’elles sont prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi indignement ! Il faudra donc c
786 ent, n’existe plus pour toi ? Fermer les yeux sur une réalité, ce n’est pas la supprimer en fait. Mais c’est peut-être se p
787 river de son secours, ou encore la transformer en une menace obscure… Il y a une double prédestination : l’une au salut, l’
788 core la transformer en une menace obscure… Il y a une double prédestination : l’une au salut, l’autre à la damnation. Être
789 dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’ une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’i
790 aire la source de tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité permanente, la seule c
791 te création, une invention totale et perpétuelle, une actualité permanente, la seule chose qui change quelque chose au déro
792 temps, quand elle le touche dans l’instant (dans un « atome » de temps, comme l’écrit Paul) ?33 Qui t’assure que notre ra
793 capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’ une éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre vie
794 ce scandale d’une éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’un faible é
795 plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’ un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent
796 on n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul moment de la prière. «
797 nellement, adresse à Dieu, au nom de sa promesse, une prière précise et instante, ne vit-il pas ce paradoxe et ce mystère :
798 é — qui a tout prévu — peut aussi tout changer en un instant aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce qu’a déc
799 t pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais au contraire, nos divers temps et successions procèd
800 ur. Quelle étrange illusion nous ferait croire qu’ une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est el
801 us ferait croire qu’une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui définit notre pré
802 e reposent pas, le plus souvent, sur cette erreur des plus grossières ?… C. M. — On peut aussi nier l’éternité, et affirme
803 entiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’ une décision pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil de cette dé
804 , suffit à établir, pour le chrétien, la vérité d’ un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’É
805 , on peut soutenir que l’homme possède au moins «  un faible libre arbitre »34 dans les choses du salut. Mais que le Christ
806 ait se complaire Érasme. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or il est seul en cause pour le théologie
807 comme le répète Luther — ce que nous nommons ici un paradoxe demeure une pure et simple absurdité. Mais alors, on peut se
808 her — ce que nous nommons ici un paradoxe demeure une pure et simple absurdité. Mais alors, on peut se demander si ceux qui
809 au contraire, ils ne la retrouvent pas, mais dans un plan où elle reste insoluble. Érasme était encore catholique ; son hu
810 oir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand des adversaires du christianisme dans les temps modernes, Nietzsche, abou
811 sme dans les temps modernes, Nietzsche, aboutit à un dilemme qui me paraît correspondre, terme à terme, à celui que Luther
812 elque influence inconsciente, encore bien moins à une coïncidence. En vérité, c’est bien du même problème qu’il s’agit. Le
813 il s’agit. Le seul problème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est pro
814 à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux »
815 érence, c’est que Nietzsche nous propose d’adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la Parole vi
816 d’adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la Parole vivante s’est incarnée : « Emmanuel ! » — D
817 donnent en général : « Nous serons transformés en un instant, en un clin d’œil… » 34. Modiculum et minimum, écrit Érasme
818 ral : « Nous serons transformés en un instant, en un clin d’œil… » 34. Modiculum et minimum, écrit Érasme ! 35. Voir Ka
819 h : Nietzsches Philosophie der ewigen Wiederkunft des Gleichen, Berlin, 1935, p. 61, 83, 85 et suiv. en particulier. o. R
7 1937, Articles divers (1936-1938). L’Acte comme point de départ (1936-1937)
820 tume d’opposer très nettement les uns aux autres, un commun dénominateur d’erreur, que nous ne pourrions définir qu’en sor
821 ans le rationalisme et dans le pragmatisme, etc., un ensemble de suppositions communes qui nous paraissent renfermer la vé
822 semblent organiquement liées, créant pratiquement une impasse absolue, nous contraint à une conception proprement révolutio
823 ratiquement une impasse absolue, nous contraint à une conception proprement révolutionnaire (ou « changement de plan »), qu
824 Nos analyses ne nous donnent en elles-mêmes et d’ une façon précise rien de suffisant pour justifier ce mouvement de refus
825 al. Mais nous sentons qu’elles entraînent en nous un état de division intérieure. Elles opèrent dans un monde dépourvu de
826 n état de division intérieure. Elles opèrent dans un monde dépourvu de correspondances avec notre situation concrète. Ce n
827 i aussi, son autarchie, et qu’il puisse se donner des lois qui ne tiennent plus compte de la crise du monde, et de celle de
828 de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’est dégagé des coordonnées du moment, c’est dire que son exercice n’engage plus à ri
829 ore et dire que la pensée dont nous souffrons est une pensée débrayée. Un moteur débrayé n’en ronfle que mieux, d’ailleurs,
830 nsée dont nous souffrons est une pensée débrayée. Un moteur débrayé n’en ronfle que mieux, d’ailleurs, et fait plus de bru
831 clats les engrenages. La merveilleuse subtilité d’ une certaine pensée critique, aujourd’hui, ne donne-t-elle pas exactement
832 Ne pourrions-nous la caractériser maintenant par un seul mot, qui exprime à la fois son manque de coordonnées, d’une part
833 sée et l’acte. ⁂ Que la pensée moderne repose sur un postulat d’inactualité, il suffit, pour s’en convaincre, de se demand
834 , il suffit, pour s’en convaincre, de se demander un instant ce qui arriverait dans le cas contraire. Si notre monde tient
835 ovienne, précisément, d’actualisations partielles des philosophies que nous repoussons ? Nous serions mal venus à le nier.
836 entre le microbe et la maladie ne peut mener qu’à une consomption lente, ou à des accidents violents, catastrophiques. Un t
837 ie ne peut mener qu’à une consomption lente, ou à des accidents violents, catastrophiques. Un tel diagnostic indique par lu
838 te, ou à des accidents violents, catastrophiques. Un tel diagnostic indique par lui-même la thérapeutique que nous voudrio
839 utique que nous voudrions proposer, et qui serait un traitement préventif par l’actualisation, c’est-à-dire par l’effort e
840 ue nous disions tout à l’heure éprouver en face d’ une conception purement critique, ou idéaliste, ou relativiste, de l’acti
841  ? Nous allons être obligés ici d’avoir recours à une méthode rigoureusement indirecte, et en quelque sorte négative. Car,
842 l n’y a pas de problème de la personne, mais bien des « choses », de l’impersonnel.) L’acte, étant immédiat au sujet, ne pe
843 en face de l’acteur. On ne peut pas photographier un acte, et donner ensuite la description de la photo comme la descripti
844 la description de la photo comme la description d’ un acte. On pourrait dire tout au plus (métaphoriquement) que l’acte rév
845 ’éclair de magnésium dont la photo constitue l’un des effets. Quant à la scène représentée par la photo, elle n’est plus qu
846 cène représentée par la photo, elle n’est plus qu’ un objectif, inactuel en soi, et problématique. Qu’on nous permette de r
847 oblématique. Qu’on nous permette de reprendre ici une distinction importante introduite par M. Gabriel Marcel à la fin de s
848 les données susceptibles de fournir la matière d’ un problème, données qui sont par là même objectives, et celles sur lesq
849 squelles il faut que l’esprit s’appuie pour poser un problème quelconque ». L’acte, tel que nous l’entendons, est évidemme
850 L’acte, tel que nous l’entendons, est évidemment une donnée de ce deuxième type, la donnée par excellence. En réalité, tou
851 llence. En réalité, toute définition s’appuie sur une donnée de ce type, sur un de ces « a priori de fait », comme dirait H
852 éfinition s’appuie sur une donnée de ce type, sur un de ces « a priori de fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative
853 tive de définition de l’acte lui-même supposerait un arrêt, un retour sur l’acte, c’est-à-dire un retour contre l’acte, qu
854 finition de l’acte lui-même supposerait un arrêt, un retour sur l’acte, c’est-à-dire un retour contre l’acte, qui en neutr
855 rait un arrêt, un retour sur l’acte, c’est-à-dire un retour contre l’acte, qui en neutraliserait aussitôt le dynamisme. La
856 venir qu’a posteriori, elle n’est, en réalité, qu’ une réflexion sur les effets de l’acte. Si, au moment de sauter, l’athlèt
857 ut, il ne sautera pas. Tous ceux qui ont pratiqué un minimum de culture physique connaissent ce genre d’échec. C’est la co
858 t pas tout de suite, on ne partira jamais. Le jeu des mots traduit ici le jeu des faits. Impossible de parler de l’acte dan
859 artira jamais. Le jeu des mots traduit ici le jeu des faits. Impossible de parler de l’acte dans un langage arrêté ou déten
860 eu des faits. Impossible de parler de l’acte dans un langage arrêté ou détendu. Tout discours sur l’acte contiendra nécess
861 out discours sur l’acte contiendra nécessairement des mots tels que « départ », « partir » et « tout de suite ». Tout disco
862 réalité créante. Force nous est de reconnaître qu’ un tel discours, dans l’état de notre philosophie, paraîtra peu philosop
863 ssion et l’existence. Bornons-nous à citer de lui une phrase bien typique par sa forme même, et qui, par ailleurs, peut écl
864 er notre débat : « L’éthique ne commence pas dans une ignorance qu’il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exig
865 gnorance qu’il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exige sa réalisation. » Nous dirions en d’autres termes :
866 ous dirions en d’autres termes : l’acte n’est pas un problème, mais une donnée initiale, le seul donné qui se donne à soi-
867 utres termes : l’acte n’est pas un problème, mais une donnée initiale, le seul donné qui se donne à soi-même. Or, cette don
868 créateur en ceci qu’il introduit dans les choses un rapport nouveau instituant une situation irréversible ; et il est tra
869 uit dans les choses un rapport nouveau instituant une situation irréversible ; et il est transcendant parce que dans ce rap
870 veau on ne trouvera rien d’autre que la matière d’ une problématique nouvelle, un donné, ou plutôt un « abandonné » livré à
871 utre que la matière d’une problématique nouvelle, un donné, ou plutôt un « abandonné » livré à ses déterminations objectiv
872 d’une problématique nouvelle, un donné, ou plutôt un « abandonné » livré à ses déterminations objectives, et s’offrant à s
873 et s’offrant à son tour à l’éclair bouleversant d’ un nouvel acte. Il n’y a eu d’acte que dans le présent, dans l’instant c
874 me. Cela n’entraîne pas qu’on ne puisse rien dire des réactions psychologiques à l’acte « as it’s known as », réactions qui
875 n as », réactions qui, elles, se manifestent dans une certaine durée de vibration. Le sentiment qui accompagne l’acte, c’es
876 e celui qui éprouve simultanément la résistance d’ un objet et la victoire sur cette résistance. Moment mystérieux entre to
877 Nous appellerions volontiers cet instant le saint des saints de la réalité humaine, le lieu de la pureté, si la « pureté du
878 r unique, unifiant l’être vivant et le confondant un instant avec l’objet de son désir. On comprendra peut-être mieux main
879 divers, mais dont l’exercice se trouve être lié à une division préalable de notre être, par exemple à une objectivation du
880 e division préalable de notre être, par exemple à une objectivation du corps — de mon corps — ou à une objectivation du dev
881 une objectivation du corps — de mon corps — ou à une objectivation du devenir historique, ou encore à une autonomie de la
882 objectivation du devenir historique, ou encore à une autonomie de la raison critique. Division qui a pour effet, généralem
883 ons dégager ici, à titre d’exemple, quelques-unes des conséquences (méthodologiques) de notre position. ⁂ Nous ne pouvons f
884 ne pouvons faire comprendre la véritable valeur d’ une philosophie de l’acte qu’en montrant comment ses caractères principau
885 on que par l’acte, mais l’acte est le contraire d’ une transition. Avant de passer à l’examen de ses effets, rappelons encor
886 é de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas d’évolution cr
887 sera donc agonique. D’autre part, l’acte implique un élan vers, pour reprendre l’expression du Dr Minkowski. L’acte est l’
888 ession du Dr Minkowski. L’acte est l’éclatement d’ une tension orientée ; il est donc aussi intention. Il n’est pas seulemen
889 eulement agonique, mais encore ordonnateur. C’est un conflit et une rupture, mais aussi une nouvelle mise en ordre. C’est
890 que, mais encore ordonnateur. C’est un conflit et une rupture, mais aussi une nouvelle mise en ordre. C’est ici que nous re
891 teur. C’est un conflit et une rupture, mais aussi une nouvelle mise en ordre. C’est ici que nous retrouvons, sous un aspect
892 ise en ordre. C’est ici que nous retrouvons, sous un aspect dynamique, la distinction esprit-matière que nous avions écart
893 e tout d’abord. L’acte créateur sépare la lumière des ténèbres. Son caractère dichotomique n’est pas isolé de son caractère
894 st-à-dire qu’il ne serait pas acte. L’acte n’a qu’ un point d’application, le chaos, la discorde, le non-être, ou ce qui te
895 . C’est pourquoi les époques de conciliation sont des époques de décadence. Le salut n’est jamais dans le repli, dans le re
896 rmet celle du « robot » d’affaires. L’autisme est un fléchissement de la personnalité. D’une manière générale, l’acte pers
897 utisme est un fléchissement de la personnalité. D’ une manière générale, l’acte personnel revêtira donc deux aspects, symbol
898 i constitue le ressort de l’activité elle-même. D’ un côté, il y aura une joie créatrice, une conscience de libération qui
899 ort de l’activité elle-même. D’un côté, il y aura une joie créatrice, une conscience de libération qui est la jouissance sp
900 le-même. D’un côté, il y aura une joie créatrice, une conscience de libération qui est la jouissance spécifiquement humaine
901 cifiquement humaine. De l’autre côté, on trouvera une économie de force ou de pensée susceptible de se traduire en formules
902 aduire en formules et en mécanismes tout faits. D’ un côté, un champ plus libre conquis pour l’esprit, de l’autre une press
903 formules et en mécanismes tout faits. D’un côté, un champ plus libre conquis pour l’esprit, de l’autre une pression accru
904 hamp plus libre conquis pour l’esprit, de l’autre une pression accrue sur l’inerte. Risque par conséquent accru aussi, puis
905 l est plus difficile de maintenir sur le qui-vive un empire qu’une cité étroite. En effet, à l’intérieur même de l’empire,
906 fficile de maintenir sur le qui-vive un empire qu’ une cité étroite. En effet, à l’intérieur même de l’empire, s’établit un
907 effet, à l’intérieur même de l’empire, s’établit un danger qu’ignorent les pays de marche. Le sentiment de la sécurité, d
908 ment de la sécurité, de l’ennui, du vide, traduit un fléchissement de la tension. L’adoration de l’abstrait, c’est-à-dire
909 ntation, autrement dit de l’acte impossible, sont des exemples de ce fléchissement. La tentation de l’acte gratuit n’est qu
910 issement. La tentation de l’acte gratuit n’est qu’ une forme moderne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la per
911 forme moderne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la personnalité consécutif au relâchement de la tension et
912 e véritable. À côté de la réalité de la personne, une autre réalité immédiate à l’acte, c’est évidemment la connaissance. N
913 récisément que, la pensée étant la plus immédiate des mises en ordre, la raison est tentée de confondre cet ordre même, qui
914 tentée de confondre cet ordre même, qui n’est qu’ un effet, avec le dynamisme qui en est cause. Ce dynamisme propre de la
915 faculté dichotomique. La science nous en donnera un bon exemple. En tant qu’activité, elle peut se définir par l’inventio
916 mogénéité mathématique. Elle apparaît ainsi comme un va-et-vient du « donné » à l’abstrait. (Conflit de l’identité et de l
917 monument ou système de règles, ne saurait être qu’ un aspect provisoirement favorable du chaos. La vérité scientifique est
918 pour les autres hommes, la science se traduit par une économie d’énergie et de pensée, d’où cette zone où l’homme marche su
919 à-dire la zone du travail manuel où l’œuvre garde un caractère plus ou moins net de totalité. En d’autres termes, la machi
920 travail non qualifié, où l’homme ne joue plus qu’ un rôle d’exécuteur. Remarquons que la machine n’est que le prolongement
921 rquons que la machine n’est que le prolongement d’ un schéma mathématique, et qu’elle est elle-même prolongée par la ration
922 e prolongée par la rationalisation. Nous avons là un exemple saisissant de la progression par dichotomie. Progression réel
923 ession par dichotomie. Progression réelle, créant un double risque non moins réel, ou si l’on veut, une double tentation.
924 un double risque non moins réel, ou si l’on veut, une double tentation. Car, d’une part, renoncer à la machine ce serait en
925 i par l’homme considéré du point de vue social. D’ un côté, nous trouvons l’attachement de l’homme à la terre, à la famille
926 de solidarité humaine, de valeur humaine, c’est à une société de personnes que l’on pense. L’homme n’atteint l’universel qu
927 homme vivant, l’homme en acte est l’affirmation d’ une tension permanente entre ces deux pôles de l’amour : l’attachement à
928 ersel par la charité personnaliste. ⁂ Pour éviter un malentendu essentiel, nous tenons à souligner encore en terminant le
929 ons humaines, nous ne saurions écarter la réalité des résistances à cette activité. Ce n’est que dans certains domaines trè
930 pour conférer à la création issue de l’acte comme une forme d’éternité. Partout ailleurs, les résistances sont étroitement
931 s que sous forme de résistance. Il y a assurément des résistances plus ou moins favorables au ressort de l’activité, comme
932 personnalisme social, mais ce ne sont jamais que des résistances. Entre les deux pôles de la tension, il n’y a ni identité
933 saurait donc considérer toute médiation que comme une résistance à son effort immédiat, ou, pour reprendre l’expression vig
934 e l’expression vigoureuse de Kierkegaard, comme «  un attentat métaphysique contre l’éthique ». Il faut, certes, que l’homm
935 l’éthique ». Il faut, certes, que l’homme trouve des points d’appui et garde une participation avec ce qui n’est pas perso
936 s, que l’homme trouve des points d’appui et garde une participation avec ce qui n’est pas personnel. Mais cette nécessité n
937 reprennent ici en tant que résistance à l’effort une sorte de réalité indépendante, ne donnent que rarement l’occasion d’u
938 ndépendante, ne donnent que rarement l’occasion d’ une victoire évidente ; mais dans tous les domaines de l’activité humaine
939 ? Le point est d’importance car il nous éclairera un peu sur la nature intime de l’acte créateur, dans la mesure où elle e
940 ur en tourner l’irrationalité foncière à l’aide d’ une loi statistique, de même la méthode sociologique qui a conduit à la d
941 a part de l’orientation humaine qui s’exprime par une affirmation croissante de la discontinuité explosive sous forme d’ind
8 1937, Articles divers (1936-1938). Formons des Clubs de presse (30 janvier 1937)
942 Formons des Clubs de presse (30 janvier 1937)f g Les raisons Chacun sait
943 Chacun sait et éprouve chaque jour, que l’état des dépendances financières ou des partisanneries politiques qui est celu
944 e jour, que l’état des dépendances financières ou des partisanneries politiques qui est celui de la presse française, rend
945 la presse française, rend à peu près impossibles une documentation objective et une information sincère. Le procès de la p
946 u près impossibles une documentation objective et une information sincère. Le procès de la presse n’est plus à faire. Sa ré
947 s et entraîne de telles incidences (les dangers d’ une information d’État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’un mo
948 État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’ un monopole privé) qu’il est à craindre qu’elle ne puisse s’accomplir is
949 lément. Seul le redressement radical et général d’ un régime économique où règne aujourd’hui l’argent, libérera l’informati
950 ’information. Ce n’est qu’en attaquant l’ensemble des trusts qu’on atteindra celui des journaux. Le but L’objet des «
951 quant l’ensemble des trusts qu’on atteindra celui des journaux. Le but L’objet des « Clubs de presse », en même temps
952 tteindra celui des journaux. Le but L’objet des « Clubs de presse », en même temps que de préparer et d’accélérer cet
953 uvent le pressant besoin, les premiers éléments d’ une information honnête, et cela en échappant résolument aux conditions e
954 l’information officielle, chercher à obtenir, par des contacts personnels, des renseignements aux sources mêmes, des nouvel
955 chercher à obtenir, par des contacts personnels, des renseignements aux sources mêmes, des nouvelles exemptes de déformati
956 personnels, des renseignements aux sources mêmes, des nouvelles exemptes de déformations ou de tendances. Il s’agit, en con
957 rée spontanément, d’établir dans toute la France, un vaste réseau entre les hommes de bonne volonté. Les organismes
958 , dans le plus grand nombre possible de localités un « Club de presse ». Les adhérents se réunissent une fois par semaine,
959 rme d’informations. Le travail est centralisé par un « Comité central des informations », siégeant à Paris, qui envoie cha
960 Le travail est centralisé par un « Comité central des informations », siégeant à Paris, qui envoie chaque semaine un bullet
961 ns », siégeant à Paris, qui envoie chaque semaine un bulletin dactylographié condensant les résultats acquis. Il s’établit
962 ats acquis. Il s’établit ainsi, en quelque sorte, un double courant entre la base et le sommet, qui, après recoupements et
963 recoupements et vérifications, permet d’élaborer une matière définitive. Il convient de préciser que le bulletin n’est pas
964 -ci ne sont pas de simples lecteurs passifs, mais des membres actifs, qui participent à une œuvre commune, dans le cadre du
965 ssifs, mais des membres actifs, qui participent à une œuvre commune, dans le cadre du Club privé dont ils acceptent les sta
966 amme Le bulletin se divise en trois parties 1°  une partie politique positive : documentation objective, condensée, sans
967 e, sans commentaire, ni appréciations, sur chacun des faits importants de la semaine. Cette première partie doit donner aux
968 ne. Cette première partie doit donner aux membres des clubs, une suite de « matières premières » offrant toute garantie ; 2
969 remière partie doit donner aux membres des clubs, une suite de « matières premières » offrant toute garantie ; 2° une parti
970  matières premières » offrant toute garantie ; 2°  une partie critique. C’est une sorte de revue de presse commentée. On y r
971 nt toute garantie ; 2° une partie critique. C’est une sorte de revue de presse commentée. On y relèvera les contradictions
972 Cette partie a pour but de donner aux adhérents, des moyens de comprendre et de redresser la documentation que continuera
973 uera à leur fournir la presse. Elle pourrait être une sorte d’école permanente des lecteurs de journaux ; 3° une partie doc
974 . Elle pourrait être une sorte d’école permanente des lecteurs de journaux ; 3° une partie documentaire sur la presse. Tout
975 d’école permanente des lecteurs de journaux ; 3°  une partie documentaire sur la presse. Tout en cherchant à remédier à l’a
976 nal. Dans cette partie, on réunira petit à petit, une documentation précise sur la structure et le mécanisme de la presse.
977 ns la commandite, la direction, la tendance, etc. des journaux existants ; soit par des études plus générales sur les probl
978 tendance, etc. des journaux existants ; soit par des études plus générales sur les problèmes financiers, professionnels, l
979 ulletin : savoir lire avec le minimum de duperie, une presse truquée. L’esprit Il est évident que la portée d’une tel
980 ée. L’esprit Il est évident que la portée d’ une telle entreprise dépend de la valeur professionnelle et morale et de
981 tante. L’expérience seule permettra aux adhérents des clubs de vérifier le sérieux et l’indépendance du bulletin. Toutefois
982 l’initiative de la création et du fonctionnement des clubs de presse. Les « Clubs de presse » sont fondés et dirigés par D
983 ent nullement impliquer la ligne politique propre des mouvements auxquels ils appartiennent, dans une entreprise qui ne veu
984 e des mouvements auxquels ils appartiennent, dans une entreprise qui ne veut être qu’une œuvre stricte d’information, à l’e
985 tiennent, dans une entreprise qui ne veut être qu’ une œuvre stricte d’information, à l’exclusivité de tout commentaire et d
986 e Rougemont. f. Rougemont Denis de, « Formons des clubs de presse », La Flèche, Paris, 30 janvier 1937, p. 2. g. Précé
987 s camarades et lecteurs de La Flèche le manifeste des clubs de presse en formation. À l’heure où la grande presse française
988 et ses trahisons. Il faut passer à l’action. Sur un terrain parfaitement précis et limité, celui de l’information, nous a
989 nous avons pensé que nous devions collaborer avec des camarades venant d’autres organisations. Ce sera certainement par ail
990 s. Ce sera certainement par ailleurs l’occasion d’ un échange de vues qui ne peut être que fructueux pour tous. Nous faison
991 e peut être que fructueux pour tous. Nous faisons un appel pressant auprès de tous nos amis, frontistes ou non frontistes,
992 l’intérêt exceptionnel que présente la formation des clubs, pour qu’ils y collaborent activement, pour que dans leur local
993 t ils seront les instigateurs devienne rapidement un organisme craint et respecté. À l’heure où l’Argent-roi investit comp
994 s été si grande, nous sommes obligés de revenir à une forme antique de transmission : l’information orale. C’est la seule p
9 1937, Articles divers (1936-1938). À qui la liberté ? (5 mars 1937)
995 argée de réglementer à sa manière la prostitution des mots-clés, des lieux communs fondamentaux sur lesquelles s’édifiait l
996 enter à sa manière la prostitution des mots-clés, des lieux communs fondamentaux sur lesquelles s’édifiait la culture. M. d
997 le « la primauté de l’esprit ». Il fait placarder des affiches « Pour la défense de la liberté ». M. Vaillant-Couturier pub
998 nse de la liberté ». M. Vaillant-Couturier publie un manifeste intitulé Au service de l’esprit, où il est question à chaqu
999 té, c’est-à-dire qu’ils défendent l’un et l’autre un régime d’étatisme oppressif et de dictature de l’économique. Le résul
1000 , ce serait trop facile, ce serait enfin la trêve des démagogues. En réalité, les mots prennent tous les sens qu’on veut da
1001 prennent tous les sens qu’on veut dans la bouche des politiciens. Ils prennent de préférence un sens contraire à celui de
1002 ouche des politiciens. Ils prennent de préférence un sens contraire à celui de l’usage courant. (Staline dit : « Je ne sui
1003 l’usage courant. (Staline dit : « Je ne suis pas un dictateur » ; Mussolini fait la conquête de l’Éthiopie au nom de ce q
1004 ’autre. La politique actuelle s’occupe bien moins des faits que des mystiques dont on se sert pour masquer, à gauche et à d
1005 itique actuelle s’occupe bien moins des faits que des mystiques dont on se sert pour masquer, à gauche et à droite, une imp
1006 nt on se sert pour masquer, à gauche et à droite, une impuissance profonde à rien changer aux faits. Or, ces mystiques repo
1007 changer aux faits. Or, ces mystiques reposent sur des mots. Ces mots suffirent longtemps à départager les opinions réelles 
1008 ère politicienne en est venue à ce point que, par une double démagogie, on dit aujourd’hui liberté et autorité à droite ; p
1009 résulte que la culture qui joue tant sur le sens des mots et sur leur acception commune, se trouve ruinée par la politique
1010 par hasard on est de bonne foi et si de plus on a des choses précises à exprimer. Je réponds : écrivons pour poser ce probl
1011 t pas de problème politique plus urgent que celui des mots ; et qu’il n’est pas de problème culturel qui ne dépende de la p
10 1937, Articles divers (1936-1938). Romanciers publicitaires ou la contagion romanesque (13 mars 1937)
1012 és après Werther ; ou qui entreprennent de gagner un million au sortir d’une lecture de Balzac ; aux boursiers dont Stendh
1013 ui entreprennent de gagner un million au sortir d’ une lecture de Balzac ; aux boursiers dont Stendhal enfièvre l’ambition ;
1014 ouvoir contagieux est, bien sûr, tout à l’honneur des écrivains qui savent le communiquer à leur œuvre, et des lecteurs ass
1015 ivains qui savent le communiquer à leur œuvre, et des lecteurs assez ardents pour le subir autrement qu’en imagination. Et
1016 agit véritablement d’art, tant qu’il s’agit, pour un auteur, d’influencer le public par des moyens choisis, et de lui tran
1017 ’agit, pour un auteur, d’influencer le public par des moyens choisis, et de lui transmettre une certaine vision du monde pl
1018 lic par des moyens choisis, et de lui transmettre une certaine vision du monde plus profonde, plus riche et plus vraie, que
1019 . Ils se défendent de toutes leurs forces d’avoir une métaphysique, une idéologie déterminée, des intentions morales, socia
1020 de toutes leurs forces d’avoir une métaphysique, une idéologie déterminée, des intentions morales, sociales ou politiques.
1021 avoir une métaphysique, une idéologie déterminée, des intentions morales, sociales ou politiques. (J’excepte deux ou trois
1022 ermes, ils influencent au hasard, gratuitement, d’ une manière anarchique — tout en prétendant ne pas vouloir influencer, il
1023 nce de ce qu’il faudrait imposer, se contentent d’ un opportunisme à la petite semaine, et ménagent les opinions plutôt que
1024 « romancier à succès », de nos jours, est devenu un simple reflet de la conscience bourgeoise moyenne. Il ne fait que tra
1025 attre, à les transformer, à les dissiper au nom d’ un idéal personnel, et moins encore au nom d’un idéal révolutionnaire co
1026 om d’un idéal personnel, et moins encore au nom d’ un idéal révolutionnaire cohérent. Il n’a qu’une crainte : celle de pass
1027 om d’un idéal révolutionnaire cohérent. Il n’a qu’ une crainte : celle de passer pour autre chose qu’un « pur artiste », cel
1028 une crainte : celle de passer pour autre chose qu’ un « pur artiste », celle de passer pour un auteur à thèse, pour un prop
1029 chose qu’un « pur artiste », celle de passer pour un auteur à thèse, pour un propagandiste. Cette crainte — qui ne fut jam
1030 e », celle de passer pour un auteur à thèse, pour un propagandiste. Cette crainte — qui ne fut jamais celle des grands art
1031 gandiste. Cette crainte — qui ne fut jamais celle des grands artistes — fait de notre romancier, tout simplement, le propag
1032 otre romancier, tout simplement, le propagandiste des goûts de sa classe. Rien n’est plus dangereusement tendancieux qu’un
1033 se. Rien n’est plus dangereusement tendancieux qu’ un écrivain qui n’ose pas affirmer sa tendance. La contagion du roman ré
1034 sychologique actuel s’exerce uniquement au profit des classes possédantes et de leurs coutumes. Il n’est que de voir l’impo
1035 rée que nos romanciers attachent à la description des vêtements, des ameublements, des marques d’autos, et même de cigarett
1036 anciers attachent à la description des vêtements, des ameublements, des marques d’autos, et même de cigarettes (Paul Reboux
1037 à la description des vêtements, des ameublements, des marques d’autos, et même de cigarettes (Paul Reboux) de leurs personn
1038 e l’agent de publicité — plus ou moins bénévole — des fournisseurs d’une certaine classe. Ce romancier, et la culture qu’il
1039 ité — plus ou moins bénévole — des fournisseurs d’ une certaine classe. Ce romancier, et la culture qu’il représente, on com
1040 ord la crise du roman, et du roman fait à l’usage des bourgeois, de leurs loisirs improductifs. Une telle crise ne peut êtr
1041 age des bourgeois, de leurs loisirs improductifs. Une telle crise ne peut être résolue par des mesures de propagande, ni pa
1042 ductifs. Une telle crise ne peut être résolue par des mesures de propagande, ni par des lois plus ou moins astucieuses. C’e
1043 tre résolue par des mesures de propagande, ni par des lois plus ou moins astucieuses. C’est toutes les bases de la culture
1044 a culture actuelle qui sont en crise. Faites-nous des œuvres qui affirment, qui combattent, qui militent en faveur d’un ord
1045 firment, qui combattent, qui militent en faveur d’ un ordre vrai, donnez-nous des romans qui riment à quelque chose, il n’y
1046 i militent en faveur d’un ordre vrai, donnez-nous des romans qui riment à quelque chose, il n’y aura plus de crise du livre
11 1937, Articles divers (1936-1938). Vers une littérature personnaliste (20 mars 1937)
1047 Vers une littérature personnaliste (20 mars 1937)j On a très vivement criti
1048 . Au lendemain de la guerre, la production écrite des hommes qui revenaient du front — 20 à 35 ans — connut un véritable bo
1049 es qui revenaient du front — 20 à 35 ans — connut un véritable boom commercial. « À nous la liberté ! » s’écriait cette gé
1050 on : elle ignorait apparemment que la liberté est une conquête, et non pas une facilité. Tout concourait d’ailleurs à faire
1051 mment que la liberté est une conquête, et non pas une facilité. Tout concourait d’ailleurs à faire passer cette erreur pour
1052 urait d’ailleurs à faire passer cette erreur pour une évidence. Il y avait des places vides, toute une génération tuée à re
1053 passer cette erreur pour une évidence. Il y avait des places vides, toute une génération tuée à remplacer. Il y avait l’inf
1054 une évidence. Il y avait des places vides, toute une génération tuée à remplacer. Il y avait l’inflation, et la prospérité
1055 mplacer. Il y avait l’inflation, et la prospérité des nouveaux riches, une avidité de sensations, une libération érotique,
1056 ’inflation, et la prospérité des nouveaux riches, une avidité de sensations, une libération érotique, des mécènes américain
1057 é des nouveaux riches, une avidité de sensations, une libération érotique, des mécènes américains… Ce fut la grande Permiss
1058 e avidité de sensations, une libération érotique, des mécènes américains… Ce fut la grande Permission, la Permission perpét
1059 elle — jusqu’à la crise de 1930. Il nous en reste une génération de gloires rapides et sans ampleur, des « noms » qu’un seu
1060 ne génération de gloires rapides et sans ampleur, des « noms » qu’un seul livre imposa, et l’on acceptait les suivants parc
1061 gloires rapides et sans ampleur, des « noms » qu’ un seul livre imposa, et l’on acceptait les suivants parce que c’était c
1062 emiers surréalistes composeront très probablement une anthologie de « mineurs » qui prendra le charme d’un style, et très v
1063 anthologie de « mineurs » qui prendra le charme d’ un style, et très vite, une patine rassurante. Quant au roman contempora
1064 » qui prendra le charme d’un style, et très vite, une patine rassurante. Quant au roman contemporain, il est curieux que Th
1065 r, ils trouvent plus commode de donner en surface une impression de masse construite. Au lieu d’approfondir un personnage j
1066 ession de masse construite. Au lieu d’approfondir un personnage jusqu’au type, ils multiplient les personnages. Au lieu de
1067 multiplient les personnages. Au lieu de marquer d’ une empreinte durable un moment donné de l’histoire sociale, ils s’étalen
1068 nages. Au lieu de marquer d’une empreinte durable un moment donné de l’histoire sociale, ils s’étalent dans la durée et va
1069 ité croissante de vivre sur ses réserves, enfin à une crise et à une carence de la création. Malgré ces difficultés, concl
1070 de vivre sur ses réserves, enfin à une crise et à une carence de la création. Malgré ces difficultés, conclut-il, on ne sa
1071 , Chardonne, Romains, Béhaine), le Tour de France des romanciers cyclistes, ne reste un trait capital de l’histoire du roma
1072 Tour de France des romanciers cyclistes, ne reste un trait capital de l’histoire du roman, du paysage, du roman, pour cett
1073 ristique que le livre de Thibaudet se termine sur une note pessimiste, et sur l’expression de « dégradation de la littératu
1074 a société. Tous ces romans-cycles sont, en effet, des procès-verbaux de dissolution du monde bourgeois : de Proust à Lacret
1075 riétés sont vendues aux enchères ou rachetées par une coucherie, les fils renient leurs pères, les hommes leur sexe, les pe
1076 s leur identité. Comment imaginer la naissance, d’ une grande œuvre romanesque dans un pareil état social ? Tous les chefs-d
1077 la naissance, d’une grande œuvre romanesque dans un pareil état social ? Tous les chefs-d’œuvre du genre, au xixe siècle
1078 ’œuvre du genre, au xixe siècle, étaient issus d’ une société solidement établie, où les types étaient fixes et stables, et
1079 roule — et cela ne peut pas donner les éléments d’ un art, si l’art est une construction. Il semble bien que la littérature
1080 ut pas donner les éléments d’un art, si l’art est une construction. Il semble bien que la littérature la plus récente s’ori
1081 ent les Céline, Aragon ou Plisnier sont bien plus des pamphlets que des romans, des essais illustrés d’exemples : du coup,
1082 agon ou Plisnier sont bien plus des pamphlets que des romans, des essais illustrés d’exemples : du coup, ils retrouvent un
1083 nier sont bien plus des pamphlets que des romans, des essais illustrés d’exemples : du coup, ils retrouvent un public. Il s
1084 is illustrés d’exemples : du coup, ils retrouvent un public. Il semble, d’autre part, que les documentaires entremêlés de
1085 ’Henri Petit et de Marius Richard soient promis à des succès moins tapageurs, mais plus profonds. Nous avons à refaire un i
1086 pageurs, mais plus profonds. Nous avons à refaire un inventaire de l’homme, préparation modeste et nécessaire à une littér
1087 e de l’homme, préparation modeste et nécessaire à une littérature vraiment personnaliste. j. Rougemont Denis de, « Vers
1088 t personnaliste. j. Rougemont Denis de, « Vers une littérature personnaliste », À nous la liberté, Paris, 20 mars 1937,
12 1937, Articles divers (1936-1938). C’est jeune (10 avril 1937)
1089 avril 1937)l L’ironie est parfois la meilleure des prudences. C’est la conclusion que je tire d’un article de M. Vandére
1090 des prudences. C’est la conclusion que je tire d’ un article de M. Vandérem (dans Candide) où la critique des critiques ac
1091 icle de M. Vandérem (dans Candide) où la critique des critiques actuels que j’avais esquissée, ici même, se trouve citée et
1092 ouve que j’en prends à mon aise et que je néglige un peu cavalièrement les contingences. Si j’étais plus avancé dans la v
1093 s les aléas que représenteraient pour la critique un chambardement de ce genre. Ce serait toute une série de notions à acq
1094 que un chambardement de ce genre. Ce serait toute une série de notions à acquérir, d’opinions à se former, de classements à
1095 nions à se former, de classements à établir, bref une réinstallation complète demandant des mois. On ne saurait mieux dire
1096 ablir, bref une réinstallation complète demandant des mois. On ne saurait mieux dire que le mal est aussi grave que je l’i
1097 é dans la vie, pour s’ébahir, comme je le fais, d’ une … « constatation » de cet ordre ! Comprenez-vous ce qu’elle suppose, c
1098 ion ai-je vécu ? Ce n’est rien d’écrire, de faire une œuvre, de croire qu’on a quelque chose à dire ; le but de l’écrivain,
1099 Aucune idée. L’angoisse m’étreint. Je suis comme un enfant devant le mystère de « la vie… ». Profitant de mon innocence,
1100 e » dont nous parlions ne demandera pas seulement des mois, ni même des années ou des siècles, mais quelque chose de beauco
1101 ions ne demandera pas seulement des mois, ni même des années ou des siècles, mais quelque chose de beaucoup plus dangereux
1102 era pas seulement des mois, ni même des années ou des siècles, mais quelque chose de beaucoup plus dangereux et difficile q
1103 chose que nous autres appelons, dans ce journal, une révolution. Quand les clercs en sont arrivés — et l’élite — à subordo
13 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)
1104 Journal d’ un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)m J’étais chôme
1105 J’étais chômeur depuis trois mois. On m’offrait un abri quelque part, une maison vide, une occasion de solitude désirée
1106 is trois mois. On m’offrait un abri quelque part, une maison vide, une occasion de solitude désirée en secret dès longtemps
1107 m’offrait un abri quelque part, une maison vide, une occasion de solitude désirée en secret dès longtemps. Je voudrais bie
1108 moins pour la jeunesse sans argent, est la ville des gérants ignobles et des concierges, des lieux-sombres-et-populeux où
1109 sans argent, est la ville des gérants ignobles et des concierges, des lieux-sombres-et-populeux où il faut pénétrer l’âme b
1110 la ville des gérants ignobles et des concierges, des lieux-sombres-et-populeux où il faut pénétrer l’âme basse et la petit
1111 t il suffit de bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez
1112 vides. Dites autour de vous que vous en cherchez une , et vous en trouverez pour rien, ou pas grand-chose. Encore faut-il s
1113 mon récit n’a-t-il pas d’autre but que de décrire un précédent, d’affirmer que cela peut se faire, que cela s’est fait, qu
1114 peut se faire, que cela s’est fait, qu’il y a là un bonheur… 22 septembre 1934. À… (Gard) Arrivés hier matin, par Nîmes.
1115 viers, et quelques touches de vert humide au fond des vallons, de vert sombre sur les premières pentes des Cévennes, où com
1116 vallons, de vert sombre sur les premières pentes des Cévennes, où commencent les châtaigneraies. Au sud, on voit un coin d
1117 où commencent les châtaigneraies. Au sud, on voit un coin de plaine entre des collines longues, aux olivettes étagées, que
1118 gneraies. Au sud, on voit un coin de plaine entre des collines longues, aux olivettes étagées, quelques cyprès en silhouett
1119 quelques cyprès en silhouette sur les crêtes, et des toits de ce rose émouvant des tuiles romaines sous un ciel doux. Au n
1120 sur les crêtes, et des toits de ce rose émouvant des tuiles romaines sous un ciel doux. Au nord, derrière notre maison, c’
1121 oits de ce rose émouvant des tuiles romaines sous un ciel doux. Au nord, derrière notre maison, c’est le rocher, la montag
1122 c’est le rocher, la montagne brûlée. La maison : une ancienne magnanerie, très haute, aux murs de gros moellons rougeâtres
1123 tre de plain-pied par-derrière. Au-dessous, c’est une grande remise. Au second quatre petites chambres. Le tout encombré de
1124 fenêtres donnent au midi dans le branchage bleu d’ un tilleul. Au bord de la terrasse, une fontaine abondante coule dans un
1125 nchage bleu d’un tilleul. Au bord de la terrasse, une fontaine abondante coule dans un fort grand bassin rectangulaire aux
1126 de la terrasse, une fontaine abondante coule dans un fort grand bassin rectangulaire aux eaux sombres. La maison du jardin
1127 u jardinier ferme la cour sur la droite, derrière des palmiers et des lauriers. Très haute aussi, blanchie, presque sans fe
1128 e la cour sur la droite, derrière des palmiers et des lauriers. Très haute aussi, blanchie, presque sans fenêtres. Un voile
1129 rès haute aussi, blanchie, presque sans fenêtres. Un voile vert clôt la porte d’entrée, où l’on accède par quelques marche
1130 d’entrée, où l’on accède par quelques marches et un balcon de pierre. L’on descend par d’étroits escaliers aux quatre aut
1131 errasses du jardin, étagées sur le versant nord d’ un vallon qui vient mourir à notre hauteur sur la droite, tandis que le
1132 ferme l’horizon immédiat. Au sud-est, nous avons une échappée sur la fin de la vallée, la rivière et la plaine. La petite
1133 . La petite ville reste invisible, massée au pied des rochers, en retrait sur notre gauche. À peine s’il nous en vient quel
1134 eine s’il nous en vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte
1135 elques rumeurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour, et remplit l’o
1136 re bleue sous le tilleul immense et les lauriers. Un grand vase jaune brille au bord du bassin. Le reflet de l’eau tremble
1137 utieux et le plan d’arrangement actuel de chacune des pièces du premier, avant de les vider et de transporter leur contenu
1138 3 septembre 1934 Maintenant les murs sont nus : d’ un joli vert bleu très clair. Le carreau rouge a été débarrassé du tapis
1139 été débarrassé du tapis. J’ai dressé ma table sur des tréteaux. Il ne reste qu’un grand canapé de velours ponceau et des ch
1140 dressé ma table sur des tréteaux. Il ne reste qu’ un grand canapé de velours ponceau et des chaises de paille trouvées dan
1141 ne reste qu’un grand canapé de velours ponceau et des chaises de paille trouvées dans un coin de la remise, où les chaises
1142 rs ponceau et des chaises de paille trouvées dans un coin de la remise, où les chaises brodées, les guéridons et le dessus
1143 t recensées — ont été les remplacer. Seul vestige des splendeurs bourgeoises de ce salon : un lustre formé d’une écaille de
1144 vestige des splendeurs bourgeoises de ce salon : un lustre formé d’une écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougie
1145 deurs bourgeoises de ce salon : un lustre formé d’ une écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de pe
1146 uvoir respirer. 25 septembre 1934 La traduction d’ un considérable ouvrage allemand nous permettra de passer trois mois ou
1147 ite l’une après l’autre. Il y a 400 chômeurs pour une population de 2300 habitants. Ceux qui travaillent encore gagnent à p
1148 sur leur table, quand on va les voir à midi, que des châtaignes, des olives, des radis et quelques légumes de leurs cultur
1149 quand on va les voir à midi, que des châtaignes, des olives, des radis et quelques légumes de leurs cultures, qu’ils n’ont
1150 les voir à midi, que des châtaignes, des olives, des radis et quelques légumes de leurs cultures, qu’ils n’ont pas pu vend
1151 re au marché. Cependant, ils se considèrent comme des privilégiés, cela se sent à la manière dont ils nous parlent de quelq
1152 anière dont ils nous parlent de quelques familles des environs qui n’ont pas la ressource d’un jardin, ou qui ne « savent p
1153 amilles des environs qui n’ont pas la ressource d’ un jardin, ou qui ne « savent pas y faire ». (Légère nuance de supériori
1154 ard). Nos hôtes nous avaient signalé la famille d’ un mineur retraité, dont la femme fait des journées. Considérant que ric
1155 famille d’un mineur retraité, dont la femme fait des journées. Considérant que richesse oblige — car je gagne à peu près 1
1156 s — nous avons engagé la mère Calixte pour donner un coup de main le matin et faire les lessives. C’est une toute petite v
1157 oup de main le matin et faire les lessives. C’est une toute petite vieille noueuse, à la sagesse sentencieuse et imagée. Ét
1158 cordialité demeure digne, trait notable à partir des Cévennes. Mais bavarde ! De gré ou de force, c’est certain, nous saur
1159 le… 5 octobre 1934 Petite cité tassée à la base d’ une paroi de rocher et le long d’une rivière rapide qui débouche d’une go
1160 ssée à la base d’une paroi de rocher et le long d’ une rivière rapide qui débouche d’une gorge étroite, cité couleur de roch
1161 er et le long d’une rivière rapide qui débouche d’ une gorge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles tuil
1162 a vie par ses odeurs et la saleté de ses ruelles. Un ruisseau coule au milieu du pavé, charriant des ordures, des papiers,
1163 s. Un ruisseau coule au milieu du pavé, charriant des ordures, des papiers, du sang près de la boucherie, du lait verdi. C’
1164 u coule au milieu du pavé, charriant des ordures, des papiers, du sang près de la boucherie, du lait verdi. C’est à peine s
1165 ed sec dans les passages étroits. Sur les seuils, des groupes de femmes en noir jacassent pendant des heures. Des enfants e
1166 , des groupes de femmes en noir jacassent pendant des heures. Des enfants en sarraus noirs jouent au football dans le ruiss
1167 s de femmes en noir jacassent pendant des heures. Des enfants en sarraus noirs jouent au football dans le ruisseau avec un
1168 us noirs jouent au football dans le ruisseau avec un torchon de papier d’emballage. Pas un de ces petits visages qui ne so
1169 isseau avec un torchon de papier d’emballage. Pas un de ces petits visages qui ne soit beau et fin mais incroyablement cra
1170 ncroyablement crasseux. Vers la gare, il y a bien un parc municipal, le jardin d’un couvent désaffecté, mais je n’y vois j
1171 gare, il y a bien un parc municipal, le jardin d’ un couvent désaffecté, mais je n’y vois jamais que des vieillards en pan
1172 n couvent désaffecté, mais je n’y vois jamais que des vieillards en pantoufles. Devant le parc, un mail couvert d’une épais
1173 que des vieillards en pantoufles. Devant le parc, un mail couvert d’une épaisse couche de poussière : là, de nouveau, des
1174 en pantoufles. Devant le parc, un mail couvert d’ une épaisse couche de poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs d
1175 une épaisse couche de poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs de balle, dans un nuage… Cela tend à confirmer un s
1176 de nouveau, des bandes de joueurs de balle, dans un nuage… Cela tend à confirmer un soupçon qui m’est venu en maintes aut
1177 rs de balle, dans un nuage… Cela tend à confirmer un soupçon qui m’est venu en maintes autres régions de la France : les p
1178 s’arrangent pour vivre plus mal que la population des faubourgs des grandes villes. Le goût de « la vie saine » et du grand
1179 ur vivre plus mal que la population des faubourgs des grandes villes. Le goût de « la vie saine » et du grand air, vous ne
1180 sur 200, ont l’eau courante. Les femmes vont avec des cruches à la fontaine qui coule son filet sur la grande place, juste
1181 lace, juste à côté de la pissotière et de l’arrêt des autocars. Pittoresque, on peut le dire… 8 octobre 1934 Du rôle prati
1182 population balayée périodiquement par la faillite des entreprises où elle travaille, ou par quelque décret d’État. Je vois
1183 dans ces foyers que tout menace. Faisons la part des « accidents », des « imprudences ». Il reste encore une marge assez n
1184 e tout menace. Faisons la part des « accidents », des « imprudences ». Il reste encore une marge assez notable d’imprévoyan
1185 accidents », des « imprudences ». Il reste encore une marge assez notable d’imprévoyance naïve, d’acceptation des risques,
1186 assez notable d’imprévoyance naïve, d’acceptation des risques, de confiance obscurément accordée à l’instinct ou à « la Vie
1187 e et nourrir la bouteille aux pièces de dix sous. Une chose est claire : faire des enfants, dans les conditions actuelles,
1188 pièces de dix sous. Une chose est claire : faire des enfants, dans les conditions actuelles, c’est défier le bon sens et l
1189 sures qu’elle propose, ce n’est guère que le rêve des vieux célibataires assez fortunés, ou ascètes. Ceux qui n’ont plus be
1190 re 1934 On a terminé les vendanges, et la récolte des figues d’été. (Les figues d’hiver apparaissent déjà, plus petites et
1191 tes ; on ne les mange pas). Simard nous a indiqué une ferme, de l’autre côté de la colline du sud, où nous pourrons acheter
1192 té de la colline du sud, où nous pourrons acheter une provision d’« œillades ». C’est leur gros raisin bleu. Nous y sommes
1193 os raisin bleu. Nous y sommes allés hier au soir. Des hauteurs, on voyait la plaine rose et violacée entre des monticules p
1194 teurs, on voyait la plaine rose et violacée entre des monticules pointus tout frisés d’oliviers, un paysage de primitifs it
1195 re des monticules pointus tout frisés d’oliviers, un paysage de primitifs italiens. Le mas au flanc de la colline, déjà da
1196 Nous nous sommes assis sur la terrasse, au pied d’ un grand micocoulier. Bientôt un chien furieux surgit de la maison, suiv
1197 terrasse, au pied d’un grand micocoulier. Bientôt un chien furieux surgit de la maison, suivi d’une grande femme en noir.
1198 tôt un chien furieux surgit de la maison, suivi d’ une grande femme en noir. C’est la propriétaire, Madame Turc. Elle nous f
1199 raisin, il faut attendre sa fille qui va rentrer des champs, où elle travaille jusqu’à la nuit tombée. Nous sommes dans un
1200 ravaille jusqu’à la nuit tombée. Nous sommes dans une cuisine de ferme mais la fermière nous reçoit comme une « dame », ou
1201 isine de ferme mais la fermière nous reçoit comme une « dame », ou plutôt un peu mieux, avec une politesse pleine de réserv
1202 ermière nous reçoit comme une « dame », ou plutôt un peu mieux, avec une politesse pleine de réserve et d’attentions. On p
1203 comme une « dame », ou plutôt un peu mieux, avec une politesse pleine de réserve et d’attentions. On parle du domaine. Les
1204 amais je n’ai engagé de chômeurs, Monsieur, c’est un principe. Nous ne voulons que des ouvriers honnêtes. Pensez donc, deu
1205 Monsieur, c’est un principe. Nous ne voulons que des ouvriers honnêtes. Pensez donc, deux femmes seules ! — C’est que je s
1206 te entendu parler de nous. Rien à faire : je suis un « monsieur ». La fille rentre : une forte femme, environ 35 ans, un p
1207 aire : je suis un « monsieur ». La fille rentre : une forte femme, environ 35 ans, un peu masculine. Elle nous conduit à la
1208 a fille rentre : une forte femme, environ 35 ans, un peu masculine. Elle nous conduit à la chambre de conserve des raisins
1209 uline. Elle nous conduit à la chambre de conserve des raisins. Pendant qu’elle fait la pesée : « C’est pour qui, Monsieur,
1210 ion ? » Je dis mon nom. — Est-ce que vous écrivez des articles ? J’en ai lu signés de ce nom-là. Et elle me cite une revue
1211 ? J’en ai lu signés de ce nom-là. Et elle me cite une revue protestante et une revue littéraire auxquelles je collabore, en
1212 nom-là. Et elle me cite une revue protestante et une revue littéraire auxquelles je collabore, en effet. — Vous avez le te
1213 France, cela étonne.) 16 octobre 1934 Complexité des « Classes ». À quelle classe appartiennent ces deux femmes ? Je résum
1214 mps. Vie laborieuse, peu ou point de gains depuis des années. Pas de relations. Leur niveau de culture, fort au-dessus de l
1215 guère, s’agissant de protestantes. Ce ne sont pas des bourgeoises, certes, et pourtant elles en sont encore à estimer que c
1216 synonyme de vagabond dangereux. Elles font partie des « travailleurs » et pourtant elles sont propriétaires. Je vois en ell
1217 urtant elles sont propriétaires. Je vois en elles un type très classique de Françaises : leur politesse mesurée, leur rais
1218 les ne paraissent pas du tout se considérer comme un type social d’exception. Combien y a-t-il de classes entre la bourgeo
1219 Combien y a-t-il de classes entre la bourgeoisie des villes et le prolétariat ? L’opposition que veulent voir les marxiste
1220 ausse dans tous les cas concrets, dès que je sors des très grandes villes et de leur caricature de société. — Simard, le ja
1221  Simard, le jardinier, est à demi métayer. Est-ce un prolétaire ? Il serait vexé qu’on le lui dise. Il s’estime fort au-de
1222 é qu’on le lui dise. Il s’estime fort au-dessus d’ un mineur retraité, par exemple. Les instituteurs d’A… ? Ils sont du peu
1223 . Et les Calixte ? Prolétaires sans doute, mais d’ une tout autre espèce, on dirait même d’une autre race que les métayers c
1224 e, mais d’une tout autre espèce, on dirait même d’ une autre race que les métayers catholiques de la montagne qu’on voit ven
1225 t venir à A… pour le marché. Et très conscients d’ une supériorité qu’ils ne peuvent attribuer au rang social ni au salaire,
1226 ui compte dans ce pays, c’est la religion — celle des ancêtres, tout au moins ! — l’éducation et le métier. C’est cela qui
1227 ! — l’éducation et le métier. C’est cela qui crée des groupes, des couches, des différences et des affinités, au moins auta
1228 on et le métier. C’est cela qui crée des groupes, des couches, des différences et des affinités, au moins autant que les co
1229 er. C’est cela qui crée des groupes, des couches, des différences et des affinités, au moins autant que les conditions écon
1230 crée des groupes, des couches, des différences et des affinités, au moins autant que les conditions économiques. On ne comp
1231 xisme, justement, se doit de ne pas tenir compte. Un communiste traitera les dames Turc de « koulaks » et tout sera dit. L
1232 iquement et moralement, c’est ce qui règle le jeu des relations humaines et les opinions politiques). Le marxisme traite to
1233 que. Et il prétend fonder là-dessus non seulement des mesures techniques, ce qui serait parfaitement légitime, mais une mor
1234 niques, ce qui serait parfaitement légitime, mais une morale, un art et une métaphysique ! Problème de la politique actuell
1235 ui serait parfaitement légitime, mais une morale, un art et une métaphysique ! Problème de la politique actuelle : sera-t-
1236 parfaitement légitime, mais une morale, un art et une métaphysique ! Problème de la politique actuelle : sera-t-elle l’affa
1237 ns la chambre dont je vois la porte entrebâillée. Une dernière bûche fume, il fait presque froid. Dans ce silence vide de l
1238 , les yeux bien ouverts, l’esprit clair. Clarté d’ un minuit solitaire, veillée trop lucide peut-être, puisque le monde n’y
1239 it où l’on ne dort pas n’est pas toujours l’heure des mauvaises nostalgies. ? Qui pourrait nous écrire une histoire des inv
1240 mauvaises nostalgies. ? Qui pourrait nous écrire une histoire des inventions de l’insomnie ? Ne serait-ce pas tout simplem
1241 stalgies. ? Qui pourrait nous écrire une histoire des inventions de l’insomnie ? Ne serait-ce pas tout simplement l’histoir
1242 is ? « La nuit est faite pour dormir », me disait un gardien de l’ordre qui m’avait surpris sur les quais de la Seine, au
1243 pris sur les quais de la Seine, au plus profond d’ une contemplation des eaux nocturnes. Ma police personnelle m’envoie auss
1244 de la Seine, au plus profond d’une contemplation des eaux nocturnes. Ma police personnelle m’envoie aussi me coucher. Elle
1245 lle m’envoie aussi me coucher. Elle m’y contraint un peu… Quelle résistance absurde opposerais-je, quelle arrière-pensée r
1246 uvaise habitude de penser « librement » ? Le goût des chimères précises ? 10 novembre 1934 Observations nouvelles sur les g
1247 e a la grippe. Je trouve à la cuisine la fille et une voisine. Elles se plaignent du froid. Le fourneau est rouge, mais la
1248 ouest, d’où vient le vent le plus glacial, depuis des siècles, et en tout cas depuis longtemps avant la construction de cet
1249 … On n’y avait pas pensé ? Je passe au fond, dans une chambre obscure mais qui me paraît propre et sobre. La mère Calixte e
1250 raît propre et sobre. La mère Calixte est au lit, un gros édredon ramassé sur le ventre, les pieds découverts, un foulard
1251 edon ramassé sur le ventre, les pieds découverts, un foulard noir sur les épaules, et je crois bien sa blouse noire aussi.
1252 pensez ! Il ne faut pas croire que la viande soit un si bon remède comme on le dit. Je lui ai fait du poulet, elle n’y ava
1253 e pour les malades. » Elle accepte de venir faire une lessive à la maison pour remplacer sa mère. Nous manquons de corde po
1254 le linge ; elle imagine de le mettre à sécher sur des buissons de ronce. Tous les mouchoirs sont plus ou moins déchirés qua
1255 a les récolter. « Voyez-vous ! c’est qu’il a fait un vent cette nuit ! » 11 novembre 1934 D’une manière générale, ils ne s
1256 a fait un vent cette nuit ! » 11 novembre 1934 D’ une manière générale, ils ne sont pas conscients de porter la responsabil
1257 e sont pas conscients de porter la responsabilité des accidents qui leur arrivent. Cela peut agacer dans le détail. C’est a
1258 ans se tourmenter. Ils ne se mettront jamais dans des états parce qu’ils ont cassé deux assiettes. La mère Calixte, qui cas
1259 es, prennent la parole au Cercle d’hommes, citent des livres sur la politique. 12 novembre 1934 J’ai relevé quelques chiffr
1260 novembre 1934 J’ai relevé quelques chiffres dans un ouvrage sur A…, dû à la plume d’un de ses pasteurs à la retraite. En
1261 chiffres dans un ouvrage sur A…, dû à la plume d’ un de ses pasteurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine,
1262 ures, deux fabriques de chapeaux, 5000 habitants, un commerce important de produits soyeux manufacturés. Lors de la dédica
1263 estants accourent de toute la contrée pour suivre des cérémonies dont leurs descendants parlent encore. En 1900 : vingt fil
1264 son apparition dans la vallée du Rhône. Fondation des grandes usines de la région lyonnaise. Apparition du grand capital. É
1265 ournit encore du travail cinq jours par semaine à une centaine d’ouvrières, dont le salaire moyen est de 7 francs par jour.
1266 ernière bonnetterie, ces derniers jours. Le tiers des maisons est en ruines, — tout le centre. On croirait une ville bombar
1267 sons est en ruines, — tout le centre. On croirait une ville bombardée, 2300 habitants. Cent personnes au culte. Dans la cam
1268 ersonnes au culte. Dans la campagne environnante, une maison sur dix habitée. Dès 1934, la soie japonaise a fait son appari
1269 ion sur le marché lyonnais. Faillite de plusieurs des grosses entreprises de soie artificielle. Le cycle normal du progrès
1270 . Question : Que reste-t-il pour entreprendre ici une révolution constructive ? 21 novembre 1934 Leur langage. La mère Cal
1271 s e muets). Simart, à propos de la récente baisse des salaires à la filature : « Je vous dis, c’est miraculeux ce qu’on leu
1272 par jour ! » (Il voulait dire : scandaleux. Mais un miracle est un scandale, après tout. Tradition laïque.) L’autre jour,
1273 Il voulait dire : scandaleux. Mais un miracle est un scandale, après tout. Tradition laïque.) L’autre jour, dans l’autocar
1274 Tradition laïque.) L’autre jour, dans l’autocar, une femme dont j’ai cru comprendre qu’elle tient un petit hôtel à Saint-J
1275 une femme dont j’ai cru comprendre qu’elle tient un petit hôtel à Saint-Jean-du-Gard, expliquait à sa voisine qui paraiss
1276 sine qui paraissait malade : « Tu demanderas bien un espécialiste, rappelle-toi ! Si tu oublies, tu n’auras qu’à te rappel
1277 ment ? Ce petit fait, si l’on y réfléchit, résume un drame. Ce drame est celui du langage dans notre société présente. Et
1278 Je ne tire de ce fait, à vrai dire minuscule, qu’ une évidence. Les mots que nous disons ou que nous écrivons, nous autres
1279 intellectuels, éveillent dans l’esprit populaire des harmoniques que nous ne savons plus prévoir. Littéralement, les mots
1280 er. Le petit exemple que je viens de citer, c’est une espèce de calembour qui ne joue que sur des sons. Mais il est clair q
1281 c’est une espèce de calembour qui ne joue que sur des sons. Mais il est clair que le sens des termes dont nous usons doit s
1282 e que sur des sons. Mais il est clair que le sens des termes dont nous usons doit subir des métamorphoses non moins effaran
1283 que le sens des termes dont nous usons doit subir des métamorphoses non moins effarantes. Travail, liberté ou union, riches
1284 de ce que l’on pourrait déduire, dans le fait, d’ une discussion raisonnable, c’est-à-dire truquée, avec tel ou tel ouvrier
1285 de tout temps la traduction du langage surveillé des écrivains dans le langage parlé du peuple fut affectée de malentendus
1286 trait d’union, l’Église gardienne du sens concret des lieux communs. Aujourd’hui ces données sont bouleversées. L’instructi
1287 Le public s’étend au hasard. Il ne constitue plus un corps limité, éduqué, instruit au sein des conventions communes. Un c
1288 ue plus un corps limité, éduqué, instruit au sein des conventions communes. Un chacun peut en être, et juger comme il veut.
1289 duqué, instruit au sein des conventions communes. Un chacun peut en être, et juger comme il veut. Le droit de se tromper,
1290 e se tromper, et de tromper grâce au langage, est un des droits imprescriptibles que se trouve avoir décrété la Convention
1291 e tromper, et de tromper grâce au langage, est un des droits imprescriptibles que se trouve avoir décrété la Convention. Br
1292 (il vaudrait mieux que ce soit le vide, dans bien des cas), quels que soient nos efforts vers la rigueur et vers l’adaptati
1293 ». Cette vie spirituelle et ce public nous posent des exigences dont il faut admirer qu’elles soient aussi exactement contr
1294 ux entretiens qu’il organise le samedi soir, dans une salle attenante au temple, pour les hommes de sa paroisse. « C’est le
1295 il. Comme vous l’aurez remarqué, il n’en vient qu’ une dizaine au culte. C’est trop compromettant. Mais pour une causerie su
1296 ine au culte. C’est trop compromettant. Mais pour une causerie sur un sujet neutre, nous en avons toujours dans les 40 à 50
1297 st trop compromettant. Mais pour une causerie sur un sujet neutre, nous en avons toujours dans les 40 à 50. Et une fois qu
1298 ée au « Cercle d’hommes ». — Ils étaient en effet une quarantaine hier soir. Je suis entré comme ils achevaient de boire le
1299 oire leur tasse de café au fond de la salle, dans un coin arrangé en cabinet de lecture. Journaux et illustrés, quelques l
1300 ques livres sur la table. Puis on s’est assis sur des chaises alignées, pour entendre le « conférencier »27. J’ai reconnu d
1301 onnu deux facteurs, le libraire, le quincaillier, un adjoint de la mairie, quelques retraités qui « travaillent le mazet »
1302 és qui « travaillent le mazet » dans nos parages, un ou deux cultivateurs, les trois instituteurs. Le pasteur a lu quelque
1303 ure. Après quoi le sujet a été introduit par l’un des instituteurs. Il s’agissait de « l’histoire de notre département ». L
1304 parler d’autre chose que du sujet, c’est-à-dire d’ un peu tout : de l’enseignement, des journaux, des traditions et anecdot
1305 , c’est-à-dire d’un peu tout : de l’enseignement, des journaux, des traditions et anecdotes locales. Discussion n’est d’ail
1306 d’un peu tout : de l’enseignement, des journaux, des traditions et anecdotes locales. Discussion n’est d’ailleurs pas le m
1307 n n’est d’ailleurs pas le mot : c’étaient surtout des questions, des affirmations de partis pris ou des récits entremêlés d
1308 urs pas le mot : c’étaient surtout des questions, des affirmations de partis pris ou des récits entremêlés d’allusions à de
1309 des questions, des affirmations de partis pris ou des récits entremêlés d’allusions à des célébrités locales, provoquant ch
1310 artis pris ou des récits entremêlés d’allusions à des célébrités locales, provoquant chaque fois de gros rires. L’homme du
1311 r » ce qui est dit. (C’est seulement de la langue des écrivains français qu’il est exact de dire, avec tous les manuels, qu
1312 exact de dire, avec tous les manuels, qu’elle est une langue de discussion, parce que toujours elle vise à la formule décis
1313 et ne s’accorde le droit de dire chaque chose qu’ une seule fois, de la façon la plus économique et la plus claire28. Or, c
1314 ents — leurs bons rires quand l’un ou l’autre dit une bêtise ou bafouille — et comme on a envie de leur expliquer des chose
1315 bafouille — et comme on a envie de leur expliquer des choses, amicalement ; de partager avec eux ce que l’on sait ! Je pens
1316 (Le « conférencier » en tournée se présente comme un séducteur, c’est la loi du genre, et cela rend les échanges bien pauv
1317 és pour sortir, le facteur ronflait, le front sur un dossier de chaise. Il s’est relevé, s’est frotté les yeux, est sorti
1318 — Il y a de tout. Le quincaillier est royaliste, un des instituteurs est objecteur de conscience, la plupart sont radicau
1319 Il y a de tout. Le quincaillier est royaliste, un des instituteurs est objecteur de conscience, la plupart sont radicaux ou
1320 part sont radicaux ou socialistes. Il vient aussi des communistes, de temps à autre. Il paraît que ça chauffe certains soir
1321 À N… la mairie est tout entière communiste. Ceux des habitants qui ne le sont pas ne savent pas trop ce qu’ils sont, à par
1322 ront-ils s’opposer au dictateur qui se présentera un jour comme l’homme de gauche à poigne ? J’ai questionné à ce sujet qu
1323 plus actif : car l’homme dont je parle n’est pas un enquêteur, simple curieux ou spectateur. C’est bien plutôt un conseil
1324 , simple curieux ou spectateur. C’est bien plutôt un conseiller, un donneur d’aide morale et parfois matérielle, quelqu’un
1325 x ou spectateur. C’est bien plutôt un conseiller, un donneur d’aide morale et parfois matérielle, quelqu’un qui est respon
1326 a pour mission de leur enseigner le sens dernier des circonstances de leur vie. C’est le pasteur. Sa paroisse comprend les
1327 s villages de N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle, une pierraille couronnant des hauteurs ventées. Le
1328 V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle, une pierraille couronnant des hauteurs ventées. Les rues sont étroites et
1329 t un vieux nid d’aigle, une pierraille couronnant des hauteurs ventées. Les rues sont étroites et caillouteuses, pleines d’
1330 balayer. Nous sommes installés au presbytère sur une galerie d’où l’on domine un ample paysage horizontal. La plaine est à
1331 és au presbytère sur une galerie d’où l’on domine un ample paysage horizontal. La plaine est à nos pieds, des Cévennes gri
1332 le paysage horizontal. La plaine est à nos pieds, des Cévennes grises au nord jusqu’à l’horizon des collines vers Uzès, où
1333 ds, des Cévennes grises au nord jusqu’à l’horizon des collines vers Uzès, où quelques ruines de castels et quelques cheminé
1334 et quelques cheminées d’usines grattent le bas d’ un grand ciel jaune. On distingue à peine le village de N. parmi les ran
1335 . parmi les rangées de peupliers : il faut suivre des yeux la route noire pour découvrir enfin l’amas brunâtre des maisons
1336 route noire pour découvrir enfin l’amas brunâtre des maisons au-dessous d’une tache blanche dans un pré, qui est le châtea
1337 ir enfin l’amas brunâtre des maisons au-dessous d’ une tache blanche dans un pré, qui est le château. Joie de voir un pays d
1338 e des maisons au-dessous d’une tache blanche dans un pré, qui est le château. Joie de voir un pays dans son ensemble, dans
1339 che dans un pré, qui est le château. Joie de voir un pays dans son ensemble, dans son unité naturelle et ancienne. Une mêm
1340 n ensemble, dans son unité naturelle et ancienne. Une même patine de crépuscule réunit les champs, les arbres, les maisons.
1341 rbres, les maisons. Dans ces maisons, il y a donc des communistes. Je demande au pasteur ce que c’est que ces communistes.
1342 faut défiler devant les terrasses, c’est gênant. Un homme me disait l’autre jour : Ah, monsieur le pasteur, si on pouvait
1343 c’est difficile. — Et les salutistes ? — Ils ont un uniforme. C’est classé. On les connaît… — Alors, quand les voyez-vous
1344 rs, quand les voyez-vous ? — Surtout à l’occasion des conférences que j’organise. Vous avez déjà parlé dans des cercles d’h
1345 érences que j’organise. Vous avez déjà parlé dans des cercles d’hommes. Vous voyez le genre. — Et les communistes y viennen
1346 nt, et même très bien. Je me rappelle par exemple une discussion sur l’incroyance. L’orateur avait dit que la différence en
1347 u’ils attendent tous les ordres de lui. À la fin, un des communistes se lève et résume le débat : « En somme, dit-il, si n
1348 ls attendent tous les ordres de lui. À la fin, un des communistes se lève et résume le débat : « En somme, dit-il, si nous
1349 village. Ce sont eux, et eux seuls, qui proposent des réformes pratiques, qui demandent qu’on installe l’eau et l’électrici
1350 on ne croirait. J’en connais plusieurs qui lisent des brochures de vulgarisation de la doctrine. Ils me posent quelquefois
1351 isation de la doctrine. Ils me posent quelquefois des questions. Mais ce n’est pas par la lecture qu’ils viennent au parti.
1352 taires qui tiennent la région, et de leur imposer des mesures de progrès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’où
1353 esures de progrès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’où viennent-ils ? — Pour la plupart — tous les chefs en to
1354 en tous cas —, ce sont de petits propriétaires ou des ouvriers travaillant à leur compte. — En somme, vous vous entendez bi
1355 mauvaises têtes ». 17 décembre 1934 Le grand tort des chrétiens, c’est qu’ils prennent au sérieux l’incroyance de leurs con
1356 ur. Or ils devraient n’avoir peur que de Dieu, et des vocations bouleversantes qu’il arrive que Dieu nous adresse. C’est un
1357 rsantes qu’il arrive que Dieu nous adresse. C’est un comique profond, lugubre et déprimant que celui du chrétien honteux,
1358 éprimant que celui du chrétien honteux, honteux d’ une foi qu’il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aurait plus de honte à la
1359 ne craint pas Dieu, mais qu’il croit au jugement des incroyants, tout en s’imaginant qu’il n’est pas un des leurs… Je voud
1360 s incroyants, tout en s’imaginant qu’il n’est pas un des leurs… Je voudrais définir le croyant véritable : celui qui sait
1361 ncroyants, tout en s’imaginant qu’il n’est pas un des leurs… Je voudrais définir le croyant véritable : celui qui sait qu’i
1362 d’actions extraordinaires, surhumaines : se rire des dieux du monde est assez héroïque, dans notre monde, pour qu’il soit
1363 Ces cochons-là ! — Simard le jardinier s’est fait une forte entaille au doigt en travaillant. Ce gros homme, violacé d’ordi
1364 iscuter le coup avec lui pour le ravigoter. C’est un de ces Méridionaux qui ne connaît pas de meilleur remède que la parlo
1365 que la parlotte. Tout de suite, c’est la question des assurances qu’il aborde avec autorité, tout en tenant son doigt bless
1366 t en tenant son doigt blessé droit en l’air, dans une attitude doctorale. La question des assurances est une question compl
1367 n l’air, dans une attitude doctorale. La question des assurances est une question complexe, comme toutes les questions capi
1368 ttitude doctorale. La question des assurances est une question complexe, comme toutes les questions capitales. Les gens d’i
1369 exemple, si je l’en crois, n’a guère vendu depuis un mois que pour 50 francs de légumes. Or la vente des produits de son j
1370 n mois que pour 50 francs de légumes. Or la vente des produits de son jardin est son seul moyen de gagner). Carré sur son t
1371  », vieillesse, accidents du travail, incendie et une histoire très compliquée de capitalisation-loterie, qui l’excite part
1372 au ministre — au ministre du Travail — pour avoir une pension de 5000 francs pour son beau-frère. « Ce cochon-là » n’a pas
1373 a lettre était recommandée. Alors il a été voir «  une personne encore plus compétente » que lui Simard, et cette personne l
1374 imard, et cette personne lui a conseillé d’écrire une nouvelle lettre recommandée « à la charge du destinataire ». Eh bien,
1375 ’argent dans leur poche. — Tous les mas et mazets des environs sont habités par des retraités, des pensionnés, des assurés
1376 s les mas et mazets des environs sont habités par des retraités, des pensionnés, des assurés qui vivent dans la rouspétance
1377 zets des environs sont habités par des retraités, des pensionnés, des assurés qui vivent dans la rouspétance contre ces « c
1378 s sont habités par des retraités, des pensionnés, des assurés qui vivent dans la rouspétance contre ces « cochons-là » et d
1379 croissante, on vit sur le dos de l’État, on suit des enterrements, on se brouille avec ses enfants pour des questions d’ar
1380 nterrements, on se brouille avec ses enfants pour des questions d’argent, on ne croit plus ni à Dieu ni à diable et à peine
1381 que, l’hiver est « pourri », la « pulmonie » fait des ravages, et ces cochons-là vous diminuent. Simard m’explique encore q
1382 appelle ici les illettrés. Ça veut dire que c’est des gens arriérés, quoi. Ils n’ont pas l’instruction comme nous autres. »
1383 gnorance — oui, au sens de l’école primaire — est un mal qu’il faudrait guérir. Mais je ne puis m’empêcher de penser que c
1384 la bouteille de champagne brisée contre la coque des bateaux neufs, etc. Un geste résume toute la situation : c’est celui
1385 ne brisée contre la coque des bateaux neufs, etc. Un geste résume toute la situation : c’est celui du coiffeur fameux, pre
1386 inconnu. Juste hommage au collègue, au gagnant d’ une autre loterie ! Toute la grande presse en a parlé. Personne ne rit. L
1387  L’intellectuel l’est toujours. C’est qu’il est d’ une classe particulière, dispersée comme les Juifs le sont chez les genti
1388 er ce fait que l’intellectuel en tant que tel est un hors-classe, un être à part, auquel on ne croit pas. (D’où sans doute
1389 ’intellectuel en tant que tel est un hors-classe, un être à part, auquel on ne croit pas. (D’où sans doute l’angoisse qui
1390 rôle politique : pour faire figure, pour acquérir une situation bien définie dans le corps social). Nous sommes méprisés da
1391 sure où nous réussissons à nous faire passer pour des bourgeois ou des défenseurs du prolétariat. 17 février 1935 Cercle d
1392 sissons à nous faire passer pour des bourgeois ou des défenseurs du prolétariat. 17 février 1935 Cercle d’hommes. — Hier s
1393 té. La discussion dévia bientôt vers le fascisme. Un beau chaos de partis pris, d’erreurs de faits et de formules électora
1394 mplement que je pus, que le problème fasciste est un problème avant tout national ; qu’il s’est posé en Italie dans des te
1395 t tout national ; qu’il s’est posé en Italie dans des termes particuliers à ce pays, et qu’en tout cas il ne peut pas se po
1396 onclus que la seule manière de prévenir utilement un fascisme, ce n’était pas de condamner les Italiens et leurs admirateu
1397 ante années de démocratie parlementaire, et toute une tradition de libertés. Bref, un petit sermon élémentaire sur le thème
1398 ntaire, et toute une tradition de libertés. Bref, un petit sermon élémentaire sur le thème « liberté oblige ». Au sortir d
1399 sortir de la réunion, je surprends cette phrase d’ un homme, dans la cour, tandis qu’il donne du feu à son copain : Pour mo
1400 qu’il donne du feu à son copain : Pour moi, c’est un fasciste ! Toutes nos confusions politiques résumées dans cette petit
1401 mon projet de publier sous le titre de Journal d’ un intellectuel en chômage , ces pages que je suis en train de rédiger à
1402 eptique sur le résultat de cette entreprise. Pour des raisons que je devine plus sentimentales que les arguments qu’il m’op
1403 e que le lecteur demande, c’est qu’on lui raconte une histoire, me dit R. — Mais si je raconte mon histoire ? — Le lecteur
1404 is si je raconte mon histoire ? — Le lecteur veut des histoires inventées. — Mais si je lui dis que j’invente mon histoire 
1405 — Parce que c’est gênant. Cela oblige à conclure, une histoire vraie. Cela vous met en question, cela vous invite à compare
1406 ra sans doute, indiscret, de ma part, ce journal. Un tel jugement ne serait pas très franc, d’ailleurs. L’indiscrétion, en
1407 tôt la vérité telle quelle, surtout la vérité sur une situation matérielle. Il est entendu qu’on ne doit pas parler de « qu
1408 doit pas parler de « questions matérielles » dans une société distinguée. Vous me direz qu’on ne parle guère que de cela. O
1409 rez qu’on ne parle guère que de cela. Oui, mais d’ une façon générale, non pas personnelle. Seulement, il se trouve que mon
1410 e mes amours, en donnant toutes les précisions qu’ un collégien puisse désirer.) R. me disait aussi : En somme, vous n’êtes
1411 .) R. me disait aussi : En somme, vous n’êtes pas un vrai chômeur, puisque vous avez la possibilité de travailler. — Je me
1412 is fait moi-même cette objection. Il est clair qu’ un intellectuel aura toujours la possibilité de travailler, pour autant
1413 terme, s’il n’a plus la possibilité de s’assurer un gagne-pain régulier par son travail, s’il n’a plus d’emploi, et ne sa
1414 t de votre situation. Ce n’est fichtre pas le cas des vrais chômeurs ! — Ah, c’est vrai, je suis bien content, malgré tout.
1415 ntent, malgré tout. — Alors, vous n’êtes donc pas un vrai chômeur. — Mais je ne tiens pas du tout à être un « vrai chômeur
1416 ai chômeur. — Mais je ne tiens pas du tout à être un « vrai chômeur », je vous l’assure ! D’ailleurs j’ai déjà dit que cel
1417 nt impossible, sauf gâtisme précoce. Ce n’est pas un mal, je pense, si je suis heureux, bien que sans ressources. Mais d’a
1418 talon. Ce n’est pas avec ça que je pourrais faire une carrière dans le monde, à supposer que l’envie m’en prenne. Tout ce q
1419 mon journal, c’est qu’on peut être très content d’ un sort matériel très médiocre. Ce n’est pas nouveau. Et il faut bien re
1420 ⁂ Cette conversation avec R. m’a rendu attentif à un fait qui m’apparaît soudain fondamental ; c’est l’affectivité quasi i
1421 à l’apparition de délires subits de la pensée ou des sentiments. Aigreur et nervosité qui révèlent surtout un refoulement
1422 iments. Aigreur et nervosité qui révèlent surtout un refoulement séculaire de ces questions. Plusieurs générations de bour
1423 , et la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’ un des plus beaux complexes que le diable ait jamais pu concevoir pour d
1424 t la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’un des plus beaux complexes que le diable ait jamais pu concevoir pour dress
1425 onction du vrai but de notre vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de
1426 en… 31 mars 1935 Place aux vieux ! — Je lis dans un journal socialiste du Midi, sous la rubrique « La vie régionale », qu
1427 eurs. Demain dimanche, à 10 heures, sera donnée une conférence au profit des vieux, hommes et femmes, âgés de 60 ans au m
1428 à 10 heures, sera donnée une conférence au profit des vieux, hommes et femmes, âgés de 60 ans au mois de juillet 1930 29 .
1429 0 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas de la loi des assurances sociales ont intérêt à assister à la conférence. L’organis
1430 ence. L’organisation lutte afin de faire accorder une retraite aux vieux. Unissez-vous, activez la propagande afin que sati
1431 sfaction soit donnée aux légitimes revendications des vieux ! « L’organisation lutte… Unissez-vous ! Activez la propagande 
1432 ô gloire de la phraséologie marxiste ! Ô triomphe des mots d’ordre sur l’inertie des masses, l’égoïsme des petits bourgeois
1433 xiste ! Ô triomphe des mots d’ordre sur l’inertie des masses, l’égoïsme des petits bourgeois, l’obscurantisme clérical — la
1434 mots d’ordre sur l’inertie des masses, l’égoïsme des petits bourgeois, l’obscurantisme clérical — la conférence est à 10 h
1435 res ! Ô liberté, égalité, fraternité, Déclaration des droits de l’homme ! Il est venu, il est venu le jour que la Volonté p
1436 is-je, ce symbolique mot d’ordre sera donné comme un soufflet à la Réaction insolente : « Place aux Vieux ! » — On se dema
1437 e aux Vieux ! » — On se demande s’il est au monde un seul pays, hormis la France, où cette phrase soit possible. Où les pa
1438 comme objectif de « lutte ». Où la publication d’ un communiqué de ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de rigo
1439 communiqué de ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de rigolade irrépressible dans toutes les couches de la popul
1440 re par cette simple déclaration : « La France est un pays comblé qui a résolu tous les problèmes économiques urgents. La p
1441 uve en est fournie par ces phrases cueillies dans un journal révolutionnaire : ‟L’organisation lutte afin de faire accorde
1442 re : ‟L’organisation lutte afin de faire accorder une retraite aux vieux. Unissez-vous, activez la propagande, afin que sat
1443 sfaction soit donnée aux légitimes revendications des vieux !” Quand on en est à cela, dans les partis d’extrême gauche, c’
1444 cas, tout péril fasciste est écarté d’emblée pour une nation qui dévoue tous ses enthousiasmes aux soins que réclame la vie
1445 s journaux, est actuellement dominée par le souci des élections académiques et des retraites aux sexagénaires. N’est-ce pas
1446 dominée par le souci des élections académiques et des retraites aux sexagénaires. N’est-ce pas beau, rassurant, émouvant, d
1447 res. N’est-ce pas beau, rassurant, émouvant, dans une Europe que l’on croyait en proie aux brutales jeunesses bottées ? » 2
1448 la plupart des journaux parisiens et méridionaux. Un vieux bonhomme au nez violacé traîne ses pantoufles par la boutique e
1449 rossièrement la patronne qui ne répond pas. C’est un habitué, il est comme ça. Il faut le laisser frapper le sol de sa can
1450 ur ponctuer ses raisonnements d’alcoolique. Entre un homme maigre, casquette et veste de toile bleue proprette, visage ner
1451 foire). — Allons, tant mieux, fait l’homme. Et si des fois on vous en demande de trop, vous n’avez qu’à donner la mienne, v
1452 tre à la mairie ? » L’homme au visage maigre fait un geste réticent. Le vieux le tient par la manche et lui martèle de sa
1453 par la manche et lui martèle de sa canne le bout des souliers : « Tu m’entends ? Nous ôtres, nous allons vous passer à tab
1454 it ? Peuchère, c’est notre devoir ! (Il glousse d’ un air malin). — On sait bien, dit le communiste, que vous avez toujours
1455 vez, le pouvoir ! » L’autre se dégage et s’en va, un peu triste, ou peut-être gêné. Entre ces deux hommes, je n’hésite pas
1456 n’hésite pas : je vote pour le communiste. C’est un Méridional du type sérieux, un de ces hommes qui pourraient sauver sa
1457 communiste. C’est un Méridional du type sérieux, un de ces hommes qui pourraient sauver sa région de la totale décrépitud
1458 ct local et personnel de la question, sur le plan des prochaines élections municipales. Mais il y a bien d’autres aspects.
1459 le voudrait. Mais ce n’est pas sûr. Je sais bien une douzaine de ses camarades qui comptent parmi les mieux rentés de ce p
1460 c penser que les partis expriment tout simplement des attitudes morales différentes ? Ce serait nouveau… Il y a au fond tou
1461 uelques mensonges grossiers, le truquage habituel des titres, une sauce aigre où nagent de grandes vérités brutales, toujou
1462 onges grossiers, le truquage habituel des titres, une sauce aigre où nagent de grandes vérités brutales, toujours bonnes à
1463 ratique de faire valoir les droits élémentaires d’ une partie de la population. Mais quelle trahison des « petits » représen
1464 une partie de la population. Mais quelle trahison des « petits » représente alors ce journal ! Leur seule force contre les
1465 s, on les étourdit de mensonges, on les abreuve d’ une prose abstraite, brutale — eux qui le sont si peu ! — et si possible,
1466 i peu ! — et si possible, plus médiocre que celle des grands journaux d’information. On leur impose une mystique confection
1467 des grands journaux d’information. On leur impose une mystique confectionnée à l’usage des moujiks… Quel est l’homme sain q
1468 leur impose une mystique confectionnée à l’usage des moujiks… Quel est l’homme sain qui oserait affirmer que ce quotidien
1469 t qui est fait aux ouvriers — ce n’est pas le cas des intellectuels qui « adhèrent » aux disciplines staliniennes en haine
1470 dhèrent » aux disciplines staliniennes en haine d’ une société qu’ils sont les seuls à croire encore « chrétienne » — il fau
1471 » — il faut bien dire que le parti communiste est une sinistre trahison des pauvres hommes. Beaucoup, je le sais, résistent
1472 que le parti communiste est une sinistre trahison des pauvres hommes. Beaucoup, je le sais, résistent à l’intoxication, mai
1473 a seule dignité est d’avoir foi dans le pouvoir d’ une pensée droite, — on se demande par quelle rancune vaguement démoniaqu
1474 s, vingt fois, prenez-les sur le fait au détour d’ une phrase maladroite, rendez-les attentifs au sens de leurs clichés. Mie
1475 éel, — et qui renversera les conclusions cyniques des partisans de la dictature. Ils vous diront d’abord que le fond de leu
1476 s depuis la guerre dans les campagnes : nomadisme des employés et ouvriers, impossibilité de « suivre » un effort bien loca
1477 employés et ouvriers, impossibilité de « suivre » un effort bien localisé, de s’attacher à ce qu’on fait ; nécessité où l’
1478 s savent que les résultats sont à la merci soit d’ un trust, soit d’un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal vi
1479 résultats sont à la merci soit d’un trust, soit d’ un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal vient de l’État — e
1480 dire : de ceux qui font les lois sans rien savoir des situations locales. Parfois ils proposeront quelque réforme pratique 
1481 ns les chemins de fer et l’administration ; faire des lois régionales pour la viticulture ; mettre en commun les terres d’u
1482 ur la viticulture ; mettre en commun les terres d’ un petit village ; vendre le vin du pays dans les épiceries du pays, les
1483 les épiceries du pays, lesquelles ne vendent que des succédanés fabriqués dans des « caves centrales » avec des vins d’Afr
1484 lles ne vendent que des succédanés fabriqués dans des « caves centrales » avec des vins d’Afrique et des produits chimiques
1485 danés fabriqués dans des « caves centrales » avec des vins d’Afrique et des produits chimiques (« que vous avez la gorge br
1486 es « caves centrales » avec des vins d’Afrique et des produits chimiques (« que vous avez la gorge brûlante après un verre 
1487 himiques (« que vous avez la gorge brûlante après un verre »). Enfin ils se plaindront de ce que, dans leur pays, il n’y a
1488 a ville. (« C’est mort, ici ! » — phrase entendue un peu partout dans la province). Et puis « leur » politique, parlez-moi
1489 s combines » — il n’y a rien à y comprendre. Dans une assemblée populaire, on ne dira pas un mot de tout cela, on s’en tien
1490 dre. Dans une assemblée populaire, on ne dira pas un mot de tout cela, on s’en tiendra aux clichés du journal. On n’aura p
1491 e, ni même l’idée de pousser plus loin, d’aborder des réalités. Donc, par amour du peuple, n’écoutons plus ses assemblées,
1492 pas lui. Écoutons les observations que formulent des individus pris à part, dans leur vie concrète. Je constate qu’elles v
1493 e, communalisme, syndicats locaux, rajeunissement des cadres, développement des techniques libératrices, des sports, des mo
1494 locaux, rajeunissement des cadres, développement des techniques libératrices, des sports, des moyens de circuler et de s’i
1495 adres, développement des techniques libératrices, des sports, des moyens de circuler et de s’instruire, résistance à l’état
1496 oppement des techniques libératrices, des sports, des moyens de circuler et de s’instruire, résistance à l’état tentaculair
1497 et qu’il ne semble.) Conclusion : il appartient à des équipes d’hommes nouveaux, jeunes et sortis de toutes les classes, d’
1498 rs et les affiches — et qui est la volonté réelle des travailleurs, trahis par le langage politicien. La dictature est la s
1499 siècle. La dictature est très facile. Elle n’a qu’ un argument très puissant contre nous : sur qui et sur quoi tablez-vous 
1500 sur quels intérêts ? — Nous comptons sur l’effort des hommes les plus humains. C’est peu, dites-vous. Mais rien d’autre n’e
1501 monies dans le Gard. — La maison de Simard recèle un effrayant secret qu’on m’avait laissé ignorer : une belle-mère. Nous
1502 n effrayant secret qu’on m’avait laissé ignorer : une belle-mère. Nous apprenons son existence en même temps que l’imminenc
1503 nce de sa mort — et voici qui éveillera peut-être des réflexions fécondes dans l’esprit du lecteur philosophe. Déjà huit mo
1504 froyables discussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un beau-frère est arrivé, et on partage. C’est toujours assez
1505 scussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un beau-frère est arrivé, et on partage. C’est toujours assez compliqué.
1506 age. C’est toujours assez compliqué. La nuit, par un dernier respect pour la moribonde qu’ils veillent à tour de rôle, ils
1507 us ont plusieurs fois réveillés. 18 mai 1935 … Et un beau jour, plus moyen d’échapper à cette humiliante évidence : sans a
1508 ns argent, sans amis proches, la solitude devient un isolement. Il y a « les gens », bien sûr. C’est instructif. Mais le d
1509 C’est instructif. Mais le désir de s’instruire a des limites. Déjà les relations se stabilisent, les « courtes habitudes »
1510 s tard, peut-être, quand toutes ces maisons vides des environs seront habitées par des colonies de jeunes gens — si jamais
1511 es maisons vides des environs seront habitées par des colonies de jeunes gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre d
1512 gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre des villes, où ils s’incrustent — la province deviendra vivable. La révol
1513 cle paraît. m. Rougemont Denis de, «  Journal d’ un intellectuel en chômage (fragments) », Mesures, Châtenay-Malabry / Pa
14 1937, Articles divers (1936-1938). Lénine, Staline et la littérature (17 avril 1937)
1514 ur est qu’ils n’envisagent pour cette défense que des moyens fascistes. « Toute la littérature sociale-démocrate — écrit Lé
1515 rate — écrit Lénine en 1905 déjà ! — doit devenir une littérature de Parti. » Et Staline fait écho, trente ans plus tard, à
1516 plus tard, à cette déclaration totalitaire ; dans un discours aux cadets de l’Académie de l’Armée rouge, il s’écrie : « Ch
1517 tout ! » Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’ un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art.
1518 rature et l’art. Disons tout de suite que le Père des peuples n’a fourni pour sa part qu’une dizaine de pages (sur 150) rel
1519 ue le Père des peuples n’a fourni pour sa part qu’ une dizaine de pages (sur 150) relatives surtout au développement d’une c
1520 es (sur 150) relatives surtout au développement d’ une culture nationale-socialiste en Russie. Mais cela permet toutefois de
1521 à celle de Lénine. Lénine affiche en littérature des goûts tantôt traditionnels et presque scolaires (Lermontov, Pouchkine
1522 Mais notre cœur — vous ne l’aurez jamais ! Dans un article de 1922, il loue cependant un poème de Maïakovski contre les
1523 ais ! Dans un article de 1922, il loue cependant un poème de Maïakovski contre les bureaucrates. Je n’appartiens pas, di
1524 omaine. Mais depuis longtemps, je n’avais éprouvé un pareil plaisir, du point de vue politique et administratif. Dans son
1525 l raille impitoyablement les réunions et se moque des communistes qui ne font que siéger et siéger encore. Je ne sais ce qu
1526 l’homme plutôt sympathique. Mais, en 1935, le ton des « dirigeants » a bien changé. Voici ce qu’écrit, à cette date, le Pèr
1527 changé. Voici ce qu’écrit, à cette date, le Père des peuples, sur le même Maïakovski : Il a été et il demeure le poète le
1528 . L’indifférence à sa mémoire et à ses œuvres est un crime. Vous reconnaissez le ton du policier, et du fonctionnaire arr
1529 onnaire arrivé. « L’indifférence à ses œuvres est un crime. » Heureusement pour lui que Lénine est déjà mort et momifié !
1530 et momifié ! Je ne sais quelle était l’intention des éditeurs communistes de ce choix. Il en ressort à l’évidence que les
1531 a littérature étaient en général saines, banales, un peu courtes, et que Staline s’est chargé d’en extraire ce qu’elles av
1532 s de relever la vraie défense de la culture, et d’ une culture créatrice, novatrice, contre ses fossoyeurs totalitaires, et
1533 ur de prix à l’Académie de l’Armée rouge, l’homme des « cadres qui décident de tout ». n. Rougemont Denis de, « Lénine,
15 1937, Articles divers (1936-1938). Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue (mai-juin 1937)
1534 rdue (mai-juin 1937)p L’énigme Vers 1813, un personnage assez hagard aborde l’imagination de Chamisso ; il déclare
1535 Le second romantisme bat son plein. On a vu bien des fous Chez Tieck et chez Fouqué. Celui-ci pourtant manifeste une anxié
1536 Tieck et chez Fouqué. Celui-ci pourtant manifeste une anxiété plus sérieusement troublante. « L’homme sans ombre » rôdait d
1537 hamisso est français de naissance et d’éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un poète allemand. Les autres ont
1538 éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un poète allemand. Les autres ont toujours cru à cette fable, mais dirai
1539 nçais, c’est passer au soleil : c’est donc avouer un terrible secret ! Il arrive souvent qu’un étranger s’initiant aux cro
1540 avouer un terrible secret ! Il arrive souvent qu’ un étranger s’initiant aux croyances d’un peuple soit le premier saisi p
1541 souvent qu’un étranger s’initiant aux croyances d’ un peuple soit le premier saisi par ce frisson d’absurdité que l’on bapt
1542 ont repris cette histoire. Le dernier même y mêle une assez opaque science, sans détriment pour le mystère, qui reste entie
1543 à voir tant d’auteurs s’exercer l’imagination sur un sujet qui défie l’expérience, l’on s’étonne qu’aucun d’entre eux n’ai
1544 s sans jamais se poser de questions sur le sens d’ un tel accident — dont à vrai dire les suites sont assez pittoresques po
1545 i dire les suites sont assez pittoresques pour qu’ un « poète » — au sens banal du terme — préfère en ignorer la cause ? L’
1546 ffmann… ⁂ L’énigme commença de m’inquiéter lors d’ un séjour allemand au cours duquel je pus observer mainte fois l’extraor
1547 mal l’intrigue de la Femme sans ombre. Je voyais une actrice parcourir la scène en hurlant : elle tirait après soi un gran
1548 ourir la scène en hurlant : elle tirait après soi un grand morceau d’étoffe qui figurait son ombre et l’embarrassait fort.
1549 lus le livre qui me parut splendide… Qu’est-ce qu’ une ombre ? me demandais-je. Quelque chose d’assez méprisable. Les Latins
1550 ux, du moins qui, plaçant la Raison dans le monde des dieux, voudraient bien être pris pour des gens raisonnables. Voilà po
1551 e monde des dieux, voudraient bien être pris pour des gens raisonnables. Voilà pourquoi, pensais-je, ils méprisent l’ombre,
1552 estiment gravement. Mais encore ? Ils en ont tous une , et s’entendent à tirer parti du plaisir que dispense un corps. Ils p
1553 s’entendent à tirer parti du plaisir que dispense un corps. Ils prisent fort la « transparence », mais tolèrent très bien
1554  »36. Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien qu’ une évidence assez pauvre : l’ombre est le fait, en nous, de notre chair.
1555 ’en venir à cette extrémité, on pouvait essayer d’ un pédantisme moins barbare. Je rédigeai la note qui suit, en m’appliqua
1556 r. Signalement de Peter Schlemihl Peter est un naïf : il croit à la fortune. Il croit surtout qu’elle seule assure à
1557 . Il croit surtout qu’elle seule assure à l’homme une dignité. C’est un bourgeois de la plus dangereuse espèce, le bourgeoi
1558 qu’elle seule assure à l’homme une dignité. C’est un bourgeois de la plus dangereuse espèce, le bourgeois pauvre qui envie
1559 qu’il le tient. Peter lui donne son ombre contre une bourse magique, d’où il pourra tirer un or inépuisable. Désormais ric
1560 e contre une bourse magique, d’où il pourra tirer un or inépuisable. Désormais riche, mais privé d’ombre, il se croit le m
1561 Peter, et le moleste en mille manières. Les jeux des enfants dans la rue, les valets qui le servent, les femmes qu’il renc
1562 de la lune. Il recherche la solitude pour y mener des réflexions désespérées. Souvent il éclate en sanglots à l’idée du plu
1563 le secret, jalousement, méchamment, contre lui ! Un secret, ce l’est bien pour eux, comme toutes les choses trop naturell
1564 ongtemps, il n’a pas d’ombre ! » Que reste-t-il à un tel homme ? Le suicide ? Rien n’est plus loin de sa pensée. Sa vision
1565 sée. Sa vision du monde serait exactement celle d’ un philistin sympathique, d’un philistin sans exigences, et qui veut cro
1566 it exactement celle d’un philistin sympathique, d’ un philistin sans exigences, et qui veut croire à la vertu, — s’il n’y a
1567 philistin méconnu se voit chassé de la communauté des siens. Et par sa faute ! c’est là son amertume. Ici intervient l’évas
1568 intervient l’évasion. Il achète — par économie — une paire de bottes usagées. Mais voilà bien sa chance, ce sont les botte
1569 agabondages qu’il imagine. Il peut même retrouver une espèce d’activité, purement descriptive il est vrai, solitaire, presq
1570 st vrai, solitaire, presque mécanique : il dresse un vaste catalogue de toutes les plantes de la terre. C’est à cela qu’il
1571 tout ? Ceci dit, la psychanalyse peut nous donner des descriptions utiles, et quelques « trucs » d’observation. Je retiens
1572 c de Freud cette constatation : « Celui qui, dans un domaine quelconque, est considéré comme anormal au point de vue socia
1573 siste dans la compagnie de ses semblables que par un subterfuge toujours menacé. D’une incompatibilité sociale aussi absol
1574 mblables que par un subterfuge toujours menacé. D’ une incompatibilité sociale aussi absolue, nous devrions déduire, semble-
1575 ussi absolue, nous devrions déduire, semble-t-il, une aberration maximum. Pour confirmer notre soupçon sur la nature de cet
1576 ’allons pas conclure trop vite. Les états d’âme d’ un malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’un
1577 clure trop vite. Les états d’âme d’un malade ou d’ un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’un homme sain ? N
1578 malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixat
1579 u diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’ un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’états qui,
1580 Peter Schlemihl n’est-il pas comparable à celui d’ un esprit et d’un corps sains après « l’amour » ? Durant quelques moment
1581 n’est-il pas comparable à celui d’un esprit et d’ un corps sains après « l’amour » ? Durant quelques moments, l’homme épro
1582 mour » ? Durant quelques moments, l’homme éprouve une sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’
1583 té et en même temps de lourdeur, comme s’il était un peu en arrière des choses, lent à démêler le monde où il revient, et
1584 s de lourdeur, comme s’il était un peu en arrière des choses, lent à démêler le monde où il revient, et qui l’accable de pr
1585 e une première influence de ce qu’on nommera chez un malade, folie de la persécution). Il arrive aussi que cet homme se se
1586 ication. Elle paraîtra sans doute plus probante à des adolescents qu’à des adultes, à des mélancoliques qu’à des sanguins,
1587 a sans doute plus probante à des adolescents qu’à des adultes, à des mélancoliques qu’à des sanguins, et même à des Nordiqu
1588 us probante à des adolescents qu’à des adultes, à des mélancoliques qu’à des sanguins, et même à des Nordiques qu’à des Mér
1589 scents qu’à des adultes, à des mélancoliques qu’à des sanguins, et même à des Nordiques qu’à des Méridionaux, pourrions-nou
1590 à des mélancoliques qu’à des sanguins, et même à des Nordiques qu’à des Méridionaux, pourrions-nous ajouter avec toutes le
1591 s qu’à des sanguins, et même à des Nordiques qu’à des Méridionaux, pourrions-nous ajouter avec toutes les réserves qu’on vo
1592 ue du mythe38. Dès le début, j’avais pressenti qu’ une fable à ce point célèbre dans un peuple ne pouvait exprimer qu’un fai
1593 is pressenti qu’une fable à ce point célèbre dans un peuple ne pouvait exprimer qu’un fait humain élémentaire. J’étais déç
1594 int célèbre dans un peuple ne pouvait exprimer qu’ un fait humain élémentaire. J’étais déçu de le voir se réduire à quelque
1595 ugés, français surtout, concourent à ridiculiser. Un fragment de Paracelse, lu par hasard à cette époque, vint heureusemen
1596 ette époque, vint heureusement me donner la clé d’ une interprétation autrement riche et inquiétante. Je traduis ce fragment
1597 r la Liquor vitae dans l’homme à autre chose qu’à une ombre sur la paroi, laquelle (ombre) vient de l’homme et se forme d’a
1598 aussi la Liquor, qui est « l’ombre intérieure. » Une lecture plus poussée de Paracelse devait bientôt m’apprendre, avec bi
1599 importance démesurée que du seul fait qu’elle est une image physique du pouvoir créateur spirituel. Comme on peut le voir p
1600 ntiments. On parle « d’étalage impudique » lorsqu’ un auteur exhibe une excessive sincérité dans ses écrits. (Il peut être
1601 e « d’étalage impudique » lorsqu’un auteur exhibe une excessive sincérité dans ses écrits. (Il peut être d’ailleurs, au sen
1602 urs, au sens courant du mot, le plus « pudibond » des bourgeois : un Amiel). Cependant ces remarques n’expliquent pas encor
1603 rant du mot, le plus « pudibond » des bourgeois : un Amiel). Cependant ces remarques n’expliquent pas encore l’essentiel.
1604 Alors le corps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs de son corps — comme d’un embrassement sans amour, ou d’un amo
1605 ée, et celle-ci des désirs de son corps — comme d’ un embrassement sans amour, ou d’un amour qui se refuse à l’étreinte. Et
1606 corps — comme d’un embrassement sans amour, ou d’ un amour qui se refuse à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t-elle
1607 llement, ou de quelque autre sorte, il n’est plus un homme créateur. À l’inverse, la chasteté (spirituelle ou corporelle)
1608 le monde. Elle le porte au-devant de tout, comme un peu en avant de lui-même, là où il peut dominer sa vie et la construi
1609 la construire avec tout son instinct à l’image d’ une vision de l’esprit. (L’esprit seul voit) Le corps et l’âme chantent a
1610 fable Peter Schlemihl nous apparaît maintenant une émouvante et très précise description de l’individu romantique, dans
1611 mannsthal — contre-épreuve — décrit le tourment d’ une femme stérile, l’impératrice qui a perdu son ombre et qui emprunte ce
1612 ice qui a perdu son ombre et qui emprunte celle d’ une fille du peuple. Mais Andersen, comme on pouvait s’y attendre, fait d
1613 orté au-delà de lui-même par l’attrait puissant d’ un désir — reviendra s’asservir le poète… ⁂ C’est une des gloires du rom
1614 un désir — reviendra s’asservir le poète… ⁂ C’est une des gloires du romantisme allemand que d’avoir su élever les faibless
1615 ésir — reviendra s’asservir le poète… ⁂ C’est une des gloires du romantisme allemand que d’avoir su élever les faiblesses d
1616 génial, l’audace comme malgré soi re-créatrice d’ un Chamisso. Les amateurs d’absurdités lyriques, j’en suis parfois, devr
1617 j’en suis parfois, devraient se garder d’affadir une telle œuvre, n’y admirant à leur coutume qu’une « fantaisie gratuite 
1618 r une telle œuvre, n’y admirant à leur coutume qu’ une « fantaisie gratuite » de l’art. Nul doute que l’art de Chamisso ne s
1619 nifie. Il y suffit d’ailleurs qu’il soit vraiment un art — tout effort digne de ce nom établit d’abord une action concerté
1620 art — tout effort digne de ce nom établit d’abord une action concertée, une mise en ordre, un sens donné… C’est par là que
1621 e de ce nom établit d’abord une action concertée, une mise en ordre, un sens donné… C’est par là que Chamisso s’est sauvé d
1622 d’abord une action concertée, une mise en ordre, un sens donné… C’est par là que Chamisso s’est sauvé de lui-même : s’il
1623 e toutefois par ceci qu’il l’a fait, témoignant d’ un pouvoir d’invention dont la nouveauté reste entière. Et j’y songe : c
1624 ore notre vie, n’est-ce pas l’ombre de Chamisso ? Une ombre qui a perdu son homme, cette fois, mais non pas ses charmes pro
1625 Je n’ai pas voulu alourdir cette esquisse de tout un appareil de références bibliographiques. On les trouve d’ailleurs réu
1626 . Cet érudit psychanalyste ne recense pas moins d’ une cinquantaine d’auteurs célèbres qui ont traité le mythe de l’ombre pe
1627 . Barrès, dans ses Cahiers, recueille la lettre d’ un descendant français de Chamisso, selon lequel l’idée de Peter Schlemi
1628 eter Schlemihl aurait été donnée à son auteur par un de ses parents, au cours d’un séjour à Paris. L’origine du conte célè
1629 ée à son auteur par un de ses parents, au cours d’ un séjour à Paris. L’origine du conte célèbre serait donc bien française
1630 laires, antérieures de plusieurs siècles, voire d’ un ou deux millénaires, à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque objet
1631 « vérité d’expérience » si l’on voulait en faire une règle, comme nous en menacent les conformismes totalitaires ? On ne p
1632 s conformismes totalitaires ? On ne peut accepter une « vérité » de ce genre qu’en insistant sur le contraire : l’anormal p
1633 sur le contraire : l’anormal peut être créateur d’ un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’une nouvelle normali
1634 nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’ une nouvelle normalité. 38. Dans le conte intitulé « l’Ombre », Andersen
1635 te intitulé « l’Ombre », Andersen raconte comment un philosophe « Venant des froides régions du Nord » et voyageant aux pa
1636 , Andersen raconte comment un philosophe « Venant des froides régions du Nord » et voyageant aux pays chauds, perd son ombr
1637 ux pays chauds, perd son ombre à force de rêver d’ une jeune femme qu’il perçoit de sa fenêtre. « Mais dans les climats chau
1638 auds, les choses croissent très vite, et après qu’ une semaine eut passé, il vit à sa grande joie qu’une nouvelle ombre part
1639 une semaine eut passé, il vit à sa grande joie qu’ une nouvelle ombre partant de ses pieds commençait à croître lorsqu’il se
1640 se distingue de la Liquor vitae « comme l’écume d’ une soupe ». La créativité se purifie donc en le localisant. Il paraît al
1641 ors que le freudisme ne s’occupe que de l’écume d’ une soupe ! (ou bien l’appelle-t-il libido ?). 40. Ces traits ne sauraie
1642 ibido ?). 40. Ces traits ne sauraient définir qu’ un aspect, à vrai dire fréquent, du romantisme allemand qui en a montré
16 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)
1643 Journal d’ un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)q r Début de novembre 193
1644 illeuls, la margelle du puits à gauche, où repose une vieille chatte, le chai à droite. Au-delà de la cour, les planches in
1645 es planches incultes du potager, de chaque côté d’ une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux b
1646 d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais.
1647 porte de bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardi
1648 e la maison. On ne voit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d’oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide.
1649 el lavé, tissé d’oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide. En me retournant à droite, je vois par une autre fenêtr
1650 ge rapide. En me retournant à droite, je vois par une autre fenêtre un coin de lande, et de petites dunes broussailleuses q
1651 etournant à droite, je vois par une autre fenêtre un coin de lande, et de petites dunes broussailleuses qui ferment l’hori
1652 , et partout cette humide lumière blanche qui met des ombres si légères, vertes et bleues, sur les murailles rosées. La mai
1653 es au rez-de-chaussée, séparées de la cuisine par un couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par un petit escalier qui
1654 un couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par un petit escalier qui prend au fond de la cuisine, deux autres chambres
1655 rt de plafond. Très peu de meubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou teintés de bleu clair, des planchers rudes. Décor ca
1656 aime. Des murs blanchis ou teintés de bleu clair, des planchers rudes. Décor candide et gai, oui vraiment plus gai qu’ascét
1657 t plus gai qu’ascétique. Dans le chai, à la porte un peu trop basse, règne une pénétrante odeur de laurier. On distingue d
1658 Dans le chai, à la porte un peu trop basse, règne une pénétrante odeur de laurier. On distingue dans l’ombre des amas de br
1659 rante odeur de laurier. On distingue dans l’ombre des amas de branchages, des outils et des treilles pour la pêche aux crev
1660 On distingue dans l’ombre des amas de branchages, des outils et des treilles pour la pêche aux crevettes. Je me suis procur
1661 ans l’ombre des amas de branchages, des outils et des treilles pour la pêche aux crevettes. Je me suis procuré un petit ton
1662 s pour la pêche aux crevettes. Je me suis procuré un petit tonneau de vin blanc de l’île. C’est un clairet assez acide, qu
1663 uré un petit tonneau de vin blanc de l’île. C’est un clairet assez acide, qui laisse peut-être un léger goût iodé, au moin
1664 ’est un clairet assez acide, qui laisse peut-être un léger goût iodé, au moins l’on est tenté de l’imaginer : la vigne cro
1665 tenté de l’imaginer : la vigne croît ici au ras d’ un sol sablonneux que l’on fume avec du varech. De l’île, du village, de
1666 i lu que les Règles de Descartes, comme on ferait un mot croisé, pour tuer le temps avant un rendez-vous. 19 novembre 1933
1667 on ferait un mot croisé, pour tuer le temps avant un rendez-vous. 19 novembre 1933 Premiers contacts avec les gens. — Le
1668 u bout de notre jardin. Passé la porte, on enfile une petite rue toute blanche qui contourne la panse de l’église, et about
1669 ace principale. Au milieu de cette place, qui est un vaste rectangle de terre jaune, les habitants plantèrent à la Révolut
1670 e jaune, les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la Liberté. Cet orme est devenu gigantesque, majestueux exem
1671 us ses détails et toute son opulence, frisé comme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vid
1672 airs et simples, blanc, jaune ou vert. La couleur des volets s’harmonise avec chaque façade d’une manière subtile et précis
1673 uleur des volets s’harmonise avec chaque façade d’ une manière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple dis
1674 t l’impression que je veux retenir pour le moment des gens d’ici. Elle corrige la mauvaise humeur que m’a donnée notre épic
1675 a vivre. Celle-ci est énorme et goutteuse. Elle a des douleurs dans les jambes, et m’en parle d’abord, pour me mettre en co
1676 aire causer avant de fixer le prix du chou-fleur, des enveloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtem
1677 ne la renseignent pas clairement. Et que penser d’ un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ? —
1678 pas pour mes vacances ! J’ai du travail chez moi, des tas de choses à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage. Et mo
1679 n’achetant guère autre chose que de la mercerie, des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la pla
1680 e autre chose que de la mercerie, des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie.
1681 ar elles ne baisseront pas leurs prix pour garder un client, elles les augmenteront bien plutôt pour le punir d’avoir été
1682 pas être accueilli par la réprobation sournoise d’ une épicière. 21 novembre 1933 Le bureau de poste. — Trois mètres sur tro
1683 s fois la semaine au moins, il me voit venir avec une grande enveloppe contenant un manuscrit. Est-ce une lettre ? — Non. —
1684 me voit venir avec une grande enveloppe contenant un manuscrit. Est-ce une lettre ? — Non. — Est-ce un imprimé ? — Non. C’
1685 e grande enveloppe contenant un manuscrit. Est-ce une lettre ? — Non. — Est-ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine.
1686 un manuscrit. Est-ce une lettre ? — Non. — Est-ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a rien d
1687 qu’il n’y a rien d’écrit à la main ? — Si, il y a des corrections écrites à la main. Pédenaud relit pour la nième fois son
1688 pour la nième fois son tarif, fait son calcul sur un bout de papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs, pour un envoi,
1689 pier, et conclut que j’ai à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuillets. Il en paraît lui-même
1690 i à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour-là, d’ une centaine de feuillets. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme ave
1691 du jardin. C’est la femme de Pédenaud qui brandit un papier. J’accours : elle me tend une formule de télégramme, mais ce n
1692 d qui brandit un papier. J’accours : elle me tend une formule de télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une not
1693 tend une formule de télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une notification officielle d’avoir à verser sans d
1694 élégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une notification officielle d’avoir à verser sans délai la somme de Fr. 6
1695 édenaud, qui a voulu en avoir le cœur net, a pris des instructions par téléphone au chef-lieu. Son supérieur lui a confirmé
1696 one au chef-lieu. Son supérieur lui a confirmé qu’ un manuscrit s’affranchit comme une lettre. Il faut donc que je m’exécut
1697 lui a confirmé qu’un manuscrit s’affranchit comme une lettre. Il faut donc que je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé
1698 ge le sac postal, discuter passionnément, trouver une formule d’apaisement qui ménage toutes les susceptibilités, et finale
1699 rien payer de plus. Je note ceci parce que c’est un petit signe assez typique du malentendu qui apparaît entre les gens d
1700 gravité, bien sûr. Mais quel drame dans la vie d’ un buraliste de recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit et transpire
1701 t et transpire rien qu’à me voir entrer. Je cause un peu, pour me faire pardonner. Pédenaud est mutilé de guerre. Il boite
1702 ancs par mois « en comptant tout ». Sa femme fait des lessives. En été ils pêchent des palourdes et les vendent aux baigneu
1703 ». Sa femme fait des lessives. En été ils pêchent des palourdes et les vendent aux baigneurs. Bien entendu, je n’arrive pas
1704 mbien ce petit commerce lui rapporte, « ça dépend des années ». Pédenaud me considère comme riche (sinon dépenserais-je tan
1705 semaines, il estimerait que j’exagère, même pour un riche. Je me sens rejeté dans la catégorie bourgeoise. Ma bonne consc
1706 vrages traitant de mon île, j’ai déniché ce matin une édition populaire de La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas
1707 Il est exactement de l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dans cette espèce, mais ce n’est point pour cela que j
1708 st point pour cela que j’en parle ici. C’est pour une raison très précise et qui n’a rien à voir avec la critique littérair
1709 lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces d’ un hérisson mort. » Cette phrase a fait dans mon esprit ce qu’on appelle
1710 te phrase a fait dans mon esprit ce qu’on appelle un trait de lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous sommes rév
1711 l’espace de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sautaient sur le couvre-pied. D’autres sur
1712 use du phénomène. Il est vrai qu’on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrait pas suffire à rendre vrais
1713 ela ne devrait pas suffire à rendre vraisemblable une hypothèse à ce point injurieuse. Pourtant nous n’en trouvions pas d’a
1714 uvions pas d’autres. Or, peu de jours auparavant, un petit hérisson était venu se mettre en boule dans la plate-bande qui
1715 je l’avais oublié là, sans sépulture, caché sous des feuillages brunis. Si j’ajoute que la porte d’entrée joint mal le seu
1716 Je rapporte cette anecdote parce qu’elle comporte une conclusion qui la dépasse d’ailleurs notablement et qui me paraît ass
1717 e sais combien d’années, je viens de trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’une question précise. Grâce à Colett
1718 trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’ une question précise. Grâce à Colette, je sais maintenant pourquoi notre
1719 es. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un symbole. Les livres devraient être utiles. 23 décembre 1933 J’écris c
1720 nt être utiles. 23 décembre 1933 J’écris ceci sur une table de café. À travers la vitrine, je vois le vieux port de cette v
1721 s pour Taillefer. Nous sommes attablés ici depuis un bon moment déjà, tout contents de revoir le va-et-vient d’un lieu pub
1722 nt déjà, tout contents de revoir le va-et-vient d’ un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarettes
1723 public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarettes américaines au goût de miel, introuvables dans l’île. Pend
1724 introuvables dans l’île. Pendant que ma femme lit des hebdomadaires, je vais renouer le fil de ce journal. Tout d’abord, j’
1725 availlé beaucoup, mais je ne serai pas payé avant un mois. Or, un mois, ou même une semaine, cela compte quand on n’a plus
1726 oup, mais je ne serai pas payé avant un mois. Or, un mois, ou même une semaine, cela compte quand on n’a plus rien. Pour c
1727 erai pas payé avant un mois. Or, un mois, ou même une semaine, cela compte quand on n’a plus rien. Pour celui qui vit au jo
1728 rie » dans les affaires, devient ici, évidemment, un obstacle absolu.) Assuré au moins de quelque argent à venir, j’ai acc
1729 elque argent à venir, j’ai accepté l’invitation d’ un ami qui nous offre de passer trois semaines chez lui. Il habite à une
1730 re de passer trois semaines chez lui. Il habite à une petite journée de voyage de notre île. La leçon pratique de cette pre
1731 a conquérir avec méthode, et organiser à l’avance un plan d’attaque, prévoyant à un jour près la date d’arrivée des renfor
1732 ganiser à l’avance un plan d’attaque, prévoyant à un jour près la date d’arrivée des renforts. Je ne suis pas trop fier de
1733 taque, prévoyant à un jour près la date d’arrivée des renforts. Je ne suis pas trop fier de ma retraite stratégique, mais t
1734 même bien décidé à renouveler ma tentative, dans un mois. q. Rougemont Denis de, «  Journal d’un intellectuel en chôma
1735 s un mois. q. Rougemont Denis de, «  Journal d’ un intellectuel en chômage  », La Revue du dimanche, supplément hebdomad
1736 du Livre, à Lausanne, paraîtra très prochainement un ouvrage de notre compatriote, l’excellent écrivain neuchâtelois Denis
1737 vain neuchâtelois Denis de Rougement : Journal d’ un intellectuel en chômage . Grâce à la complaisance du directeur de la
1738 eur peint notamment le milieu où il s’est retiré, une petite île vendéenne. »
17 1937, Articles divers (1936-1938). Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)
1739 Extraits de… Journal d’ un intellectuel en chômage (15 août 1937)s t Il faut parler des « aut
1740 el en chômage (15 août 1937)s t Il faut parler des « autocars ». Je ne sais si l’on se doute à Paris de l’importance des
1741 ne sais si l’on se doute à Paris de l’importance des autocars et des transformations qu’ils sont en train de causer dans l
1742 se doute à Paris de l’importance des autocars et des transformations qu’ils sont en train de causer dans la vie provincial
1743 t plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou même trois compagnies de transports locaux. Depuis que j’a
1744 . Depuis que j’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé une vingtaine de ces lignes. Je commence à connaître leurs coutumes : rie
1745 t convergeait vers Paris, non seulement du fait d’ une organisation ferroviaire centralisée, mais encore sentimentalement. L
1746 mais encore sentimentalement. Le confort relatif des grandes lignes indiquait qu’on allait à Paris ou qu’on en venait. Tou
1747  vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère que des gares, ce qu’il y a de plus attristant dans chaque village. Aujourd’h
1748 ce principale. C’est de là qu’on part au milieu d’ une grande affluence de badauds, c’est là qu’on arrive à grands sons de t
1749 oit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’insulte à la vie locale ; elle la traversait abstraitement, s
1750 de ses circonstances. Sur ses bords ne vivait qu’ une population nomade, qui portait l’uniforme de l’État, partout la même.
1751 itent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’ une province à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui change. N
1752 as tous de la même sorte, et que d’une province à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui change. N’était-ce pas l
1753 nt le paysage qui change. N’était-ce pas là l’une des raisons qui faisait, si facilement nier la subsistance des « petites
1754 ns qui faisait, si facilement nier la subsistance des « petites patries » dans la nation abstraitement unifiée ? La ligne d
1755 Elle quitte à tout propos la route nationale pour des chemins secondaires ou des ruelles à peine plus larges que la voiture
1756 a route nationale pour des chemins secondaires ou des ruelles à peine plus larges que la voiture. Mais aussi elle tient com
1757 rges que la voiture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matina
1758 ompte des rythmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foires, dans les districts ruraux, et
1759 le, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foires, dans les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la s
1760 s ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intention d’utiliser ce moyen de tran
1761 illeurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intention d’utiliser ce moyen de transport vous met
1762 faut aller dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum de précisions concernant l’heure du prochain départ et la des
1763 nant l’heure du prochain départ et la destination des diverses voitures qui stationnent, sur la place… Et que dire maintena
1764 Et que dire maintenant du voyage lui-même ? C’est une résurrection de ce que Vigny pleurait, la poésie des diligences, mais
1765 résurrection de ce que Vigny pleurait, la poésie des diligences, mais aérée. C’est fait d’une foule d’incidents entrevus,
1766 a poésie des diligences, mais aérée. C’est fait d’ une foule d’incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conversa
1767 es, avec ce personnage enfoui à côté de vous dans un luxueux fauteuil de cuir rouge ou bleu vif, et qui change de tête plu
1768 ups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’ un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours
1769 geurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou d’ un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les c
1770 pas deux mots à dire par la portière entr’ouverte un instant à la fille de l’auberge écartée qui attend le passage du car,
1771 bord de la route. Rien n’est plus sympathique qu’ un conducteur de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce sont en gé
1772 erne, c’est sportif, cela vous pose dans l’esprit des populations, on se sent maître à bord de sa puissante machine, et l’o
1773 x qui commandent et disposent, ne fût-ce que pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec lesquels je rêver
1774 s hommes avec lesquels je rêverais d’entreprendre une belle révolution, qui rajeunisse la France : ils ont la bonne humeur,
1775 ont ils disposent et qui seraient décisifs lors d’ une action rapide. Mais loin de moi ces ambitions : ceux qui les ont n’en
1776 es ont n’en parlent pas, dit-on. Et je ne suis qu’ un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais dû no
1777 n. Et je ne suis qu’un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais dû noter plus tôt. Le monsieur renc
1778 dit que je n’en avais aucun, et que je n’étais qu’ un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’écria : « Ah ! cher m
1779 : « Ah ! cher monsieur, je vous envie ! Vous avez un rôle magnifique à jouer dans la société. Vous avez le temps de réfléc
1780 aux curés ? » — Comptez, monsieur, lui dis-je, qu’ un écrivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’un homme normal, m
1781 crivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’ un homme normal, mettons qu’un fonctionnaire c’était pour le flatter, et
1782 s de peine à vivre qu’un homme normal, mettons qu’ un fonctionnaire c’était pour le flatter, et cela tient aux circonstance
1783 ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’ une faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui compliquent fo
1784 t pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’ une ambition excessive, deux choses qui compliquent fort la vie, je crois
1785 iquent fort la vie, je crois ; ou bien l’on écrit des choses intelligentes, et c’est encore l’aveu d’une inadaptation cruel
1786 es choses intelligentes, et c’est encore l’aveu d’ une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; on bien l’on
1787 rédactionnels. Je dis les antres. De toute façon, un écrivain est par nature un empêtré. Et voilà le paradoxe et l’injusti
1788 ntres. De toute façon, un écrivain est par nature un empêtré. Et voilà le paradoxe et l’injustice : c’est qu’on attend, qu
1789 est qu’on attend, qu’on exige même de ces gens-là des vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets qui suffiraient
1790 vraiment, feraient de leurs détenteurs non point des écrivains mais des Don Juan, des dictateurs, des milliardaires ou des
1791 de leurs détenteurs non point des écrivains mais des Don Juan, des dictateurs, des milliardaires ou des saints. Croyez-moi
1792 nteurs non point des écrivains mais des Don Juan, des dictateurs, des milliardaires ou des saints. Croyez-moi, ce que nous
1793 des écrivains mais des Don Juan, des dictateurs, des milliardaires ou des saints. Croyez-moi, ce que nous vous donnons, c’
1794 es Don Juan, des dictateurs, des milliardaires ou des saints. Croyez-moi, ce que nous vous donnons, c’est justement ce qui
1795 s. Rougemont Denis de, « Extraits de… Journal d’ un intellectuel en chômage  », Le Journal, 15 août 1937, p. 2. t. Précé
1796 ne », en nous donnant, sous le titre de Journal d’ un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’observations et
1797 le titre de Journal d’un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’observations et de jugements. Il y montre ce
1798 uvelles générations. Par les menues expériences d’ une vie diminuée et matériellement difficile, M. Denis de Rougemont sait
1799 ment difficile, M. Denis de Rougemont sait tracer un tableau très vivant et très nuancé de la province française, ainsi qu
18 1937, Articles divers (1936-1938). « Subjectivité et transcendance », Lettre de M. Denis de Rougemont (décembre 1937)
1800 e ? La théologie vaut bien la science. C’est même une science bien moins variable que les sciences dites exactes, dont les
1801 stoï, chez Nietzsche : dans la mesure où elle est un élément de transcendance, la nature devient divinité (et ne peut pas
1802 s votre communication nous oriente utilement vers une nouvelle analyse de la transcendance dans son rapport aux puissances
19 1938, Articles divers (1936-1938). Réponse à Pierre Beausire (15 janvier 1938)
1803 re numéro spécial81. S’il nous attaque, c’est sur des points que nous n’avons pas abordés, et sur des thèses que je souhait
1804 r des points que nous n’avons pas abordés, et sur des thèses que je souhaite qu’aucun de nous ne soutienne jamais. Précison
1805 dirais : Le personnalisme, c’est l’amour concret des hommes réels. Ce n’est pas « la bonté, la charité (vertus toutes pass
1806 eul plan « moral » où M. Beausire nous situe, par un réflexe bien romand ; (qu’il me pardonne !). Le personnalisme est bie
1807 me pardonne !). Le personnalisme est bien plus qu’ une morale, s’il en suppose une. Il est, à mon sens, la tradition central
1808 isme est bien plus qu’une morale, s’il en suppose une . Il est, à mon sens, la tradition centrale de l’Occident, l’élément c
1809 le caractère spécifique de la pensée et de la vie des hommes qui ont fait l’Europe et qui veulent la maintenir. Et l’indivi
1810 ue parce que dans l’Europe actuelle se déchaînent des puissances de mort, spirituelles et matérielles, radicalement contrai
1811 ar leurs menaces instantes et brutales, à prendre une conscience active de ce qui, depuis nos origines, n’était que le sous
1812 urtout protestants ; en Espagne, avant l’invasion des idéologies totalitaires, en termes proches de l’anarchisme, etc. Comm
1813 fférences en ce qu’elles ont de créateur. Il veut une organisation de la cité qui leur permette de s’exprimer. Telle est la
1814 evêt « la charité personnaliste », pour reprendre une formule d’Arnaud Dandieu (qui d’ailleurs était nietzschéen). Que le c
1815 nnent-ils pas le christianisme dont je parle pour une niaiserie sentimentale. À défaut de la foi, ils connaissent l’Histoir
1816 aint pas de proclamer que « si l’on veut parler à des hommes, et non à des enfants, il faut renoncer à invoquer le Christ »
1817 que « si l’on veut parler à des hommes, et non à des enfants, il faut renoncer à invoquer le Christ ». Je ne craindrai pas
1818 peuple a besoin — nous dit l’auteur — de chefs d’ une souveraine dignité, d’une intelligence froide et d’un jugement droit.
1819 t l’auteur — de chefs d’une souveraine dignité, d’ une intelligence froide et d’un jugement droit. » Où trouve-t-on cela ? D
1820 ouveraine dignité, d’une intelligence froide et d’ un jugement droit. » Où trouve-t-on cela ? Dans les livres de Nietzsche.
1821 non pas encore dans l’Histoire ? Si ce n’est pas une utopie de plus, un refuge pour les faibles et les sceptiques, pour ce
1822 l’Histoire ? Si ce n’est pas une utopie de plus, un refuge pour les faibles et les sceptiques, pour ceux qui craignent de
1823 nt, et préfèrent la littérature ; si ce n’est pas une manière de « grève perlée » que de n’accepter la lutte que dans ces t
1824 usire connaît de tels chefs, ou désire en devenir un , qu’il nous amène ce précieux renfort, et nous le saluerons d’un viva
1825 amène ce précieux renfort, et nous le saluerons d’ un vivat ! Nous saurons très bien nous entendre avec tous ceux qui veule
1826  », auquel Beausire croit que je crois, résulte d’ un malentendu. Je crois à « l’idée suisse » telle que l’exprime Liehburg
1827 l’exprime Liehburg. Idée qui exclut l’existence d’ un type suisse racial, ou « national » au sens unitaire. Je ne crois mêm
20 1938, Articles divers (1936-1938). Søren Kierkegaard (février 1938)
1828 e à garder les moutons dans la plaine du Jutland. Un jour, accablé par la misère, il était monté sur un tertre et il avait
1829 n jour, accablé par la misère, il était monté sur un tertre et il avait maudit le Dieu Tout-Puissant qui le laissait mouri
1830 père de Kierkegaard. Il devint commerçant, amassa une fortune, et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage, après une
1831 st ainsi que Kierkegaard reçut en héritage, après une sévère éducation piétiste, un secret qu’il qualifiera de terrifiant,
1832 en héritage, après une sévère éducation piétiste, un secret qu’il qualifiera de terrifiant, et une belle aisance matériell
1833 ste, un secret qu’il qualifiera de terrifiant, et une belle aisance matérielle. Du secret, il tira une partie de son œuvre 
1834 une belle aisance matérielle. Du secret, il tira une partie de son œuvre : son analyse du désespoir considéré comme une ré
1835 œuvre : son analyse du désespoir considéré comme une révolte contre Dieu. De sa fortune, il ne voulut tirer nul intérêt :
1836 restait que 200 francs. Cette fortune provenait d’ une malédiction, pensait-il. Il l’avait donc dilapidée sans compter, mais
1837 nait ses études de théologie, et se fiançait avec une jeune fille de 18 ans, Régine Olsen. Tout le monde connaît le drame d
1838 ces fiançailles douloureusement rompues au bout d’ un an. L’idée que Kierkegaard s’était formée du mariage était trop absol
1839 rmée du mariage était trop absolue pour comporter une réalisation pratique. Le « tout ou rien » qui est sa devise devait fa
1840 a devise devait fatalement le conduire au refus d’ une perspective de bonheur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai tout
1841 n existence singulière. (Que d’autres y cherchent des raisons physiologiques ; c’est probable, et de peu de portée). Au len
1842 es mois, puis il revint à Copenhague pour y mener une existence solitaire, jusqu’à sa mort, en 1835. Il travaillait une gra
1843 litaire, jusqu’à sa mort, en 1835. Il travaillait une grande partie de la nuit. Georg Brandes raconte qu’on pouvait le voir
1844 rtements. Dans chaque chambre il faisait disposer une écritoire et du papier, de façon à pouvoir noter, au cours de son int
1845 lant, riant et discutant avec les bourgeois, avec des jeunes filles, avec des balayeurs, avec le petit peuple qu’il aimait
1846 avec les bourgeois, avec des jeunes filles, avec des balayeurs, avec le petit peuple qu’il aimait par-dessus tout. Tout le
1847 grand écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense succès : c’était l’Alternative, qu’il publia en 1843. La même
1848 ayé. Et lorsqu’en 1831, il se mit à attaquer avec une extrême violence, le christianisme officiel et ses évêques, il se vit
1849 complète solitude qu’ait sans doute jamais connue un grand esprit. Un an plus tard, accablé par la lutte qu’il menait seul
1850 qu’ait sans doute jamais connue un grand esprit. Un an plus tard, accablé par la lutte qu’il menait seul contre tous, il
1851 l contre tous, il tombait d’épuisement au cours d’ une promenade en ville. On le transporta à l’hôpital où il mourut paisibl
1852 que contre le « monde chrétien » au nom du Christ des évangiles. ⁂ Toute mon activité d’auteur — nous dit-il dans son Point
1853 ’ironiste et de théologien. Il se trouvait devant un monde où tout avait été brouille : sérieux et plaisanterie, valeurs é
1854 témoin de la vérité ». Kierkegaard écrivit alors un article indigné, qui provoqua un énorme scandale. Il décrivait la vie
1855 rd écrivit alors un article indigné, qui provoqua un énorme scandale. Il décrivait la vie de Nynster. Était-ce celle d’un
1856 Il décrivait la vie de Nynster. Était-ce celle d’ un témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la v
1857 moin de la vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie est familière avec to
1858 iait Kierkegaard : Un témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie est familière avec toute espèce de souffrance, … un
1859 est familière avec toute espèce de souffrance, … un homme qui témoigne dans le dénuement, la misère et l’humiliation, méc
1860 ’humiliation, méconnu, déteste, insulté, bafoué — un homme qui est flagellé, torturé, traîné en prison, et puis enfin — ca
1861 raîné en prison, et puis enfin — car c’est bien d’ un véritable témoin de la vérité qu’on nous parle — et puis enfin crucif
1862 puis enfin crucifié, décapité, brûlé ou rôti sur un gril, jeté par le bourreau dans un endroit écarté, sans être enterré.
1863 lé ou rôti sur un gril, jeté par le bourreau dans un endroit écarté, sans être enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa v
1864 dans un endroit écarté, sans être enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa vie et son existence, sa mort et son enterrem
1865 nterrement, et l’évêque Nynster, nous dit-on, fut un des vrais témoins de la vérité ! En vérité, il y a quelque chose de p
1866 rrement, et l’évêque Nynster, nous dit-on, fut un des vrais témoins de la vérité ! En vérité, il y a quelque chose de plus
1867 e jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynster était un témoin de la vérité. Cas symbolique aux yeux de Kierkegaard. Il fall
1868 as symbolique aux yeux de Kierkegaard. Il fallait un rappel à l’ordre. Il le devint lui-même, de tout son être. Et il sava
1869 e dans sa pureté. La plupart des gens vivent dans une confusion impensable, et n’en conçoivent pas de malaise. D’autres, qu
1870 ssaient à penser en fin de semaine, comme on fait un peu d’ordre dans l’appartement, reculent bientôt devant l’énormité —
1871 a découvrent. Ils se rendorment, ou bien édifient des systèmes (qu’ils se garderont d’habiter). Ceux qui persistent cependa
1872 mort accidentelle, l’autre, la folie qui l’abat. Un seul, je crois, parvint dans l’intégrité de sa force à une mort que t
1873 je crois, parvint dans l’intégrité de sa force à une mort que toute son œuvre provoquait et qui vaincue par une telle vict
1874 que toute son œuvre provoquait et qui vaincue par une telle victime, lui révéla dans les derniers instants le vrai sens, la
1875 ort de Kierkegaard, son incommensurable grandeur. Un acharnement sans pareil à forcer l’esprit sur l’obstacle du désespoir
1876 ésespoir et de l’absurdité de l’existence ; toute une vie tendue vers l’impossible, toute une œuvre de sarcasmes précis con
1877 e ; toute une vie tendue vers l’impossible, toute une œuvre de sarcasmes précis contre les innombrables tentations d’une re
1878 asmes précis contre les innombrables tentations d’ une religion qui n’est pas Dieu ; et soudain, sur son lit de mort, cette
1879 est exactement prendre le chemin du vrai martyre. Un vrai martyr n’a jamais eu recours à la violence, il combat à l’aide d
1880 al de l’hôpital où vint mourir Kierkegaard (c’est un interne qui transcrit les déclarations du malade) : Il tient sa mala
1881 est simple. « La pureté du cœur, c’est de vouloir une seule chose », écrit-il. Mais cette seule chose nécessaire s’oppose à
1882 . On n’étudie pas Kierkegaard, on l’attrape comme une maladie. Cet homme sécrète un poison salutaire, dont nul ne trouvera
1883 on l’attrape comme une maladie. Cet homme sécrète un poison salutaire, dont nul ne trouvera l’antidote : qu’il en soit mor
1884 eur à Méphisto : expérimentateurs qui se ménagent un dernier retour, guerriers qui déposent les armes avant la décision mo
1885 solu chrétien, mais seul Kierkegaard en est mort. Une pureté presque inhumaine, voilà ce qui définit sa grandeur. Une simpl
1886 sque inhumaine, voilà ce qui définit sa grandeur. Une simplicité conquise aux dépens de tout ce qui soutient l’homme contre
1887 boles, de certaines ironies polémiques. Et tout d’ un coup on s’aperçoit qu’elles nous jettent en plein drame de l’existenc
1888 l’ironie de l’éternité. L’éternité, pour lui, est une ironie sur le temps, à laquelle le temps finira bien par succomber. M
1889 pit amoureux — Kierkegaard peut enfin parler avec un sérieux total, dont l’écrivain d’aujourd’hui n’a même plus l’idée. Un
1890 nt l’écrivain d’aujourd’hui n’a même plus l’idée. Un de nos meilleurs auteurs déclarait récemment que le palais de Versail
1891 eux lui-même en écrivant cela, ou bien faisait-il une phrase ? Ce qui est sérieux, est seul important, mais tant de gens « 
1892 à propos de choses si peu plaisantes en général), un « soupçon » d’ironie qui est infiniment pire qu’une ironie. Car peut-
1893 n « soupçon » d’ironie qui est infiniment pire qu’ une ironie. Car peut-être que l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’une fi
1894 eut-être que l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’ une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, un saut dans le
1895 te pas, n’est qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, un saut dans le vide, etc. Et alors il n’y a plus
1896 qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, un saut dans le vide, etc. Et alors il n’y a plus nulle part d
1897 ure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, un saut dans le vide, etc. Et alors il n’y a plus nulle part de « vrai »
1898 en train de sauver l’honneur et l’existence même des églises allemandes. Nul ne peut mesurer aujourd’hui le développement
1899 s, on le traduit partout, on publie sur son œuvre des centaines d’ouvrages et d’articles. Ce qui est certain, c’est qu’à la
1900 parviendra jamais à « utiliser » Kierkegaard pour des fins politiques et temporelles. Il se dresse, au seuil de l’époque co
1901 spirituels, nos passions courtes et agitées. Sur une pierre de cimetière danois, on peut lire cette inscription nue : « Le
1902 eu, durant mille-huit-cents ans de christianisme, une seule tâche comparable à la mienne. Dans la ‟chrétienté”, elle appara
21 1938, Articles divers (1936-1938). Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage (avril 1938)
1903 Nouvelles pages du Journal d’ un intellectuel en chômage (avril 1938)aa Note pour une préface. — «
1904 ellectuel en chômage (avril 1938)aa Note pour une préface. — « C’est une entreprise hardie que d’aller dire aux hommes
1905 vril 1938)aa Note pour une préface. — « C’est une entreprise hardie que d’aller dire aux hommes qu’ils sont peu de chos
1906 se, n’est pas trop humiliant pour qui se flatte d’ une image de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’est pas avou
1907 ’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’au prix d’ un désordre social — selon les préjugés du régime établi — que ces renco
1908 Chômage. — On dit souvent qu’il faut à l’homme un minimum de confort ou d’aisance matérielle pour pouvoir réfléchir, se
1909 sance matérielle pour pouvoir réfléchir, se poser des problèmes nouveaux, créer… D’où résulterait qu’un certain degré de pa
1910 es problèmes nouveaux, créer… D’où résulterait qu’ un certain degré de pauvreté ou de misère physique condamnerait même un
1911 pauvreté ou de misère physique condamnerait même un « intellectuel » au chômage absolu, c’est-à-dire à l’arrêt de la pens
1912 aît insoluble dès qu’on la pose dans le concret d’ une vie connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux pr
1913 cteurs d’idées : deux hommes qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes l’espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche.
1914 lus grandes œuvres qu’il ne lui restait plus même une chemise entière : les morceaux du bras avant servi à rapiécer les épa
1915 d’autres buts à leur existence que la recherche d’ un gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler qu
1916 . — La nuit ! Je l’avais oubliée à Paris. La nuit des villes n’est pas cette mort opaque dont il faut redouter je ne sais q
1917 s quelle invisible et brusque vie tout près. Nuit des villes, rouge et circulante, pleine de rumeurs, comparable à la fièvr
1918 ent que les jours. Ici, tout repose complètement. Un silence implacable et mat enserre l’homme qui chemine sur la route in
1919 tons, le verrou de la porte du fond, dans l’odeur des lauriers épais. Voici les rues du village, illuminées comme un décor
1920 pais. Voici les rues du village, illuminées comme un décor blanc et vert. Des chiens surgissent des coins d’ombre, aboient
1921 village, illuminées comme un décor blanc et vert. Des chiens surgissent des coins d’ombre, aboient horriblement, tournent a
1922 mme un décor blanc et vert. Des chiens surgissent des coins d’ombre, aboient horriblement, tournent autour de moi, me flair
1923 ec angoisse, et fuient soudain en gémissant. J’ai des lettres à porter à l’autobus. Il faut s’éloigner du village. De nouve
1924 eau le noir, et l’écho de mes pas contre les murs des maisons mortes. Je me glisse dans le hangar de la grosse voiture et t
1925 étriques, dominées par le clocher à toit plat, et des fragments de silhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la
1926 bouffées. Puis c’est de nouveau cet étrange écho des pas, si proche dans les rues vides, et les mêmes chiens qui reviennen
1927 vides, et les mêmes chiens qui reviennent, et pas une âme. « Vallée de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terr
1928 toutefois le plan d’aménagement et de décoration des trois chambres du premier étage, on ne sait jamais… Les vingt-deux pi
1929 de cheminée ont été replacées au millimètre, dans une symétrie impeccable. Mais tout l’effet de notre labeur risque d’être
1930 l’effet de notre labeur risque d’être détruit par une odieuse malice du sort. Nous avions descendu du deuxième un lourd som
1931 malice du sort. Nous avions descendu du deuxième un lourd sommier pour en faire un divan. L’escalier est étroit. La desce
1932 scendu du deuxième un lourd sommier pour en faire un divan. L’escalier est étroit. La descente s’était opérée sans trop de
1933 nous n’avions pas prévu la remontée ! Épuisés par une demi-heure d’efforts haletants, qui n’ont abouti qu’à coincer le somm
1934 de de Simard. « Ce cochon-là » refuse, prétextant une hernie ; sa femme aussi, prétextant sa jambe « coupée ». (Bonne occas
1935 oupée ». (Bonne occasion pourtant de la décrocher un peu pour toucher davantage à l’assurance !) Il a bien fallu se rendre
1936 r implacable restera dans l’escalier comme témoin des bouleversements que nous avons infligés à la maison. Pas question d’a
1937 de livres à la gare, etc., et le train part dans une heure. Quand la propriétaire reviendra pour l’été, elle se heurtera à
1938 ange humain. — Considération irritée et décevante des « gens » en général — quand je ne fais que les jauger d’un regard — e
1939  » en général — quand je ne fais que les jauger d’ un regard — et sympathie violente, « élan vers », dès que mon regard s’a
1940 ente, « élan vers », dès que mon regard s’attache un peu longuement à un visage, au corps et aux vêtements, aux mains, à l
1941 dès que mon regard s’attache un peu longuement à un visage, au corps et aux vêtements, aux mains, à l’attitude distraite
1942 nts, aux mains, à l’attitude distraite et vraie d’ un être isolé près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buander
1943 ertains parfums de femmes, rien que pour regarder des êtres et vivre un moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le
1944 femmes, rien que pour regarder des êtres et vivre un moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer
1945 , le temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces découvertes frémissantes t
1946 rois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces découvertes frémissantes telles que j’en
1947 ps d’imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces découvertes frémissantes telles que j’en ai sans doute vécues,
1948 femme descend sans se retourner ; l’homme déplie un journal que je n’aime pas, qu’il a peut-être acheté tout par hasard,
1949 quins vides et mal truqués. Figures grises devant des menthes fausses. « Fric », « bagnoles », « Paris-Soir », « on se défe
1950 robe à fleurs sur le quai désert du métro, enfin un être vrai. Conclusion. — S’occuper des « petits-faits-vrais » vaut
1951 ro, enfin un être vrai. Conclusion. — S’occuper des « petits-faits-vrais » vaut mieux que de les ignorer. Mais l’excellen
1952 ’on les a bien connus, dans leur réalité sordide. Un petit fait vrai vaut plus que dix grandes idées discutables. Mais n’o
1953 cutables. Mais n’oublions pas qu’il vaut moins qu’ un grand fait vrai, comme serait, par exemple, une grande idée embrassée
1954 qu’un grand fait vrai, comme serait, par exemple, une grande idée embrassée avec force au mépris de soi-même et de l’utilit
1955 ns chaque vie d’homme à peu près digne de ce nom, un fait qui commande tous les autres et qui est la mesure de tout. Quand
1956 de les choses, les gestes incongrus et mécaniques des autres : écoute bien ce qu’ils disent à travers les paroles qu’ils cr
1957 as, tu n’entendras et tu ne comprendras jamais qu’ un appel à devenir toi-même ce fait qui est plus fort que toi. Car il es
1958 ougemont Denis de, « Nouvelles pages du Journal d’ un intellectuel en chômage  », Existences, Saint-Hilaire-du-Touvet, avri