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seul espoir (juin 1938)a La mission historique
de
notre Confédération, c’est de garder libres pour tous, les cols du ce
2
mission historique de notre Confédération, c’est
de
garder libres pour tous, les cols du centre de l’Europe ; mission pra
3
st de garder libres pour tous, les cols du centre
de
l’Europe ; mission pratique et symbolique. Au cours des derniers mois
4
e dans une récente publication (un numéro spécial
de
la revue Esprit dont le retentissement a été grand). Enfin M. Motta
5
mbres fédérales. Il se peut que l’aspect pratique
de
cette mission ait perdu de son importance par suite des très profonde
6
que l’aspect pratique de cette mission ait perdu
de
son importance par suite des très profondes transformations intervenu
7
s du Saint-Empire. Mais alors l’aspect symbolique
de
la mission confédérale se dégage et doit être dégagé avec une évidenc
8
ction profondément renouvelées. Le signe physique
de
notre mission, c’était la défense des cols, cœur physique de l’Europe
9
ssion, c’était la défense des cols, cœur physique
de
l’Europe médiévale. Désormais, il nous appartient de proclamer la sig
10
l’Europe médiévale. Désormais, il nous appartient
de
proclamer la signification spirituelle de cette même et unique missio
11
artient de proclamer la signification spirituelle
de
cette même et unique mission : c’est la défense du cœur spirituel de
12
ique mission : c’est la défense du cœur spirituel
de
l’Europe, la garde montée autour de cette réalité qui définit l’homme
13
ontée autour de cette réalité qui définit l’homme
d’
Occident : la réalité de la personne et des institutions fondées sur e
14
alité qui définit l’homme d’Occident : la réalité
de
la personne et des institutions fondées sur elle. ⁂ La personne, ce n
15
le « soldat politique » qui n’a plus en lui-même
de
principe d’existence, et qui n’est rien qu’un rouage de l’État. Enfin
16
politique » qui n’a plus en lui-même de principe
d’
existence, et qui n’est rien qu’un rouage de l’État. Enfin la personne
17
ncipe d’existence, et qui n’est rien qu’un rouage
de
l’État. Enfin la personne n’est plus une simple idée. C’est la réalit
18
le idée. C’est la réalité paradoxale et dynamique
de
l’homme qui a fait la civilisation et la grandeur réelle de l’Occiden
19
qui a fait la civilisation et la grandeur réelle
de
l’Occident : l’homme libre, existant par soi-même et par la force de
20
omme libre, existant par soi-même et par la force
de
sa vocation unique, mais cependant relié à la communauté par l’exerci
21
is cependant relié à la communauté par l’exercice
de
cette vocation. L’homme libre et relié, c’est le chrétien des communa
22
cension bourgeoise ; c’est le citoyen responsable
de
nos démocraties modernes dans la mesure où ces démocraties méritent e
23
dans la mesure où ces démocraties méritent encore
de
porter ce nom, et ne sont pas de simples oligarchies de financiers et
24
méritent encore de porter ce nom, et ne sont pas
de
simples oligarchies de financiers et de démagogues. Tout ce qui s’est
25
ter ce nom, et ne sont pas de simples oligarchies
de
financiers et de démagogues. Tout ce qui s’est fait de réel et de val
26
sont pas de simples oligarchies de financiers et
de
démagogues. Tout ce qui s’est fait de réel et de valable en Occident
27
nanciers et de démagogues. Tout ce qui s’est fait
de
réel et de valable en Occident fut l’œuvre de ces hommes doublement r
28
de démagogues. Tout ce qui s’est fait de réel et
de
valable en Occident fut l’œuvre de ces hommes doublement responsables
29
ait de réel et de valable en Occident fut l’œuvre
de
ces hommes doublement responsables devant leur foi et devant leurs pr
30
attitude « personnaliste » est la vraie tradition
de
l’Europe, la voie royale de sa culture, le foyer de son rayonnement.
31
st la vraie tradition de l’Europe, la voie royale
de
sa culture, le foyer de son rayonnement. Ce n’est pas, comme certains
32
l’Europe, la voie royale de sa culture, le foyer
de
son rayonnement. Ce n’est pas, comme certains veulent le croire, un m
33
ériodiques. Or il se trouve que la devise antique
de
notre Confédération est précisément la devise du personnalisme vérita
34
ersonnalisme véritable, l’affirmation indivisible
de
l’homme libre mais relié, le paradoxe vivant et vivifiant de l’un pou
35
libre mais relié, le paradoxe vivant et vivifiant
de
l’un pour tous, tous pour un ! Ainsi, dès l’origine, la Suisse s’affi
36
sse s’affirme-t-elle comme la gardienne du secret
de
l’Europe, de sa vraie force et des valeurs qui l’ont créée. Gardienne
37
-t-elle comme la gardienne du secret de l’Europe,
de
sa vraie force et des valeurs qui l’ont créée. Gardienne des cols pou
38
e. Gardienne des cols pour les nations, gardienne
de
la doctrine commune à tous les peuples, elle n’a pas d’autre rôle ni
39
doctrine commune à tous les peuples, elle n’a pas
d’
autre rôle ni d’autre vocation. Elle n’est pas elle-même une nation, m
40
à tous les peuples, elle n’a pas d’autre rôle ni
d’
autre vocation. Elle n’est pas elle-même une nation, mais elle est dav
41
: elle est le lieu et la formule du génie propre
de
l’Europe. Et voilà pourquoi nous sommes neutres. ⁂ En aucune heure d
42
à pourquoi nous sommes neutres. ⁂ En aucune heure
de
notre histoire, nous n’avons éprouvé une telle nécessité de prendre o
43
istoire, nous n’avons éprouvé une telle nécessité
de
prendre ou de reprendre pleine conscience de cette mission qui est no
44
n’avons éprouvé une telle nécessité de prendre ou
de
reprendre pleine conscience de cette mission qui est notre raison d’ê
45
sité de prendre ou de reprendre pleine conscience
de
cette mission qui est notre raison d’être. À la période de déviation
46
conscience de cette mission qui est notre raison
d’
être. À la période de déviation dans le sens individualiste que représ
47
mission qui est notre raison d’être. À la période
de
déviation dans le sens individualiste que représentent les deux derni
48
guerre — qui fut une guerre des masses — une ère
de
déviation dans le sens collectiviste. Cette maladie du sentiment occi
49
nier notre mission. Elle tend à nier l’existence
de
tout ce qui ne serait pas une grande nation monolithique, fondée sur
50
fondée sur l’unité — toute théorique d’ailleurs —
de
la race, de la langue et de la force militaire. Par là même, elle s’a
51
’unité — toute théorique d’ailleurs — de la race,
de
la langue et de la force militaire. Par là même, elle s’attaque à la
52
héorique d’ailleurs — de la race, de la langue et
de
la force militaire. Par là même, elle s’attaque à la tradition créatr
53
là même, elle s’attaque à la tradition créatrice
de
l’Occident, — et elle menace en premier lieu sa garde neutre. L’espri
54
ul principe qui tienne rassemblés nos cantons, et
de
l’idéal commun qui nous a fédérés. Jamais, depuis le xiiie siècle, n
55
éril. Jamais la conscience impérieuse des raisons
d’
être de la Suisse n’a été, comme elle l’est aujourd’hui, une condition
56
amais la conscience impérieuse des raisons d’être
de
la Suisse n’a été, comme elle l’est aujourd’hui, une condition vitale
57
omme elle l’est aujourd’hui, une condition vitale
de
notre existence même. ⁂ Je vois un peu partout des signes de réveil.
58
istence même. ⁂ Je vois un peu partout des signes
de
réveil. J’en ai relevé trois au début de cet article, bien minimes il
59
s signes de réveil. J’en ai relevé trois au début
de
cet article, bien minimes il est vrai, mais assez nets et assez neufs
60
l y en a d’autres, très typiques, dans l’attitude
de
nos syndicats, qui tendent de plus en plus à développer la conscience
61
elopper la conscience démocratique au sens suisse
de
leurs adhérents : on revient au fédéralisme tel que nous sommes charg
62
evient au fédéralisme tel que nous sommes chargés
de
le défendre, et qui s’oppose autant au particularisme étroit qu’à cet
63
particularisme étroit qu’à cette forme antisuisse
de
centralisation qui s’appelle le nationalisme. Mais le plus gros effor
64
gros effort s’esquisse à peine. Ce sera la tâche
de
la nouvelle génération que de le mener à chef dans le plus court déla
65
e. Ce sera la tâche de la nouvelle génération que
de
le mener à chef dans le plus court délai. Car il y va de l’existence
66
ener à chef dans le plus court délai. Car il y va
de
l’existence même de notre État, et au-delà : de l’espoir d’une Europe
67
plus court délai. Car il y va de l’existence même
de
notre État, et au-delà : de l’espoir d’une Europe recréée selon son g
68
a de l’existence même de notre État, et au-delà :
de
l’espoir d’une Europe recréée selon son génie. De cette action urgent
69
ence même de notre État, et au-delà : de l’espoir
d’
une Europe recréée selon son génie. De cette action urgente, je ne pui
70
de l’espoir d’une Europe recréée selon son génie.
De
cette action urgente, je ne puis ici qu’indiquer la ligne générale. N
71
ux petites nations. Nous sommes une Confédération
de
communautés régionales. C’est dans la mesure où nous voulons rester c
72
mesure où nous voulons rester cela, et le devenir
de
mieux en mieux, que nous serons grands devant l’Europe, parce que nou
73
s devant l’Europe, parce que nous serons l’avenir
de
l’Europe. Si, pour faire face à la menace totalitaire, nous essayons
74
litaire, nous essayons plus ou moins sérieusement
de
devenir nous aussi une nation, notre compte sera vite réglé. Car : 1°
75
a vite réglé. Car : 1° nous perdrons notre raison
d’
être, et il n’est pas d’exemple dans l’Histoire qu’un État qui a perdu
76
ous perdrons notre raison d’être, et il n’est pas
d’
exemple dans l’Histoire qu’un État qui a perdu sa raison d’être y surv
77
dans l’Histoire qu’un État qui a perdu sa raison
d’
être y survive plus de quelques années. L’exemple de l’Autriche est éc
78
État qui a perdu sa raison d’être y survive plus
de
quelques années. L’exemple de l’Autriche est éclatant ; il l’est même
79
être y survive plus de quelques années. L’exemple
de
l’Autriche est éclatant ; il l’est même trop pour que j’insiste… 2° n
80
e pouvons devenir qu’une des plus petites nations
de
l’Europe, et une nation divisée contre elle-même en trois races et tr
81
s un « idéal fumeux » que j’oppose à la tentation
d’
un nationalisme helvétique. Je lui oppose la condition même de notre d
82
lisme helvétique. Je lui oppose la condition même
de
notre droit à l’existence. Notre seule force est dans notre idéal pe
83
donc fédéraliste. Notre seule force sérieuse est
d’
ordre spirituel. Les « réalistes » qui voudraient le nier trahissent e
84
notre grandeur et notre espoir. La Suisse n’a pas
de
pires ennemis. Ce n’est pas une armée motorisée qui nous sauvera de l
85
Ce n’est pas une armée motorisée qui nous sauvera
de
l’attaque de nos voisins, même si nous ruinons le pays pour la perfec
86
une armée motorisée qui nous sauvera de l’attaque
de
nos voisins, même si nous ruinons le pays pour la perfectionner au ma
87
um. Ce qui sauvera la Suisse, c’est la conscience
de
son destin européen. C’est notre effort pour nous élever au niveau de
88
inée. Et c’est l’affirmation tenace et convaincue
de
l’avenir que nous incarnons aux yeux des peuples d’Occident. Notre se
89
l’avenir que nous incarnons aux yeux des peuples
d’
Occident. Notre seul espoir, à nous Suisses, c’est de rester et de dev
90
ccident. Notre seul espoir, à nous Suisses, c’est
de
rester et de devenir de mieux en mieux le seul espoir de l’Europe déc
91
e seul espoir, à nous Suisses, c’est de rester et
de
devenir de mieux en mieux le seul espoir de l’Europe déchirée. a.
92
ir, à nous Suisses, c’est de rester et de devenir
de
mieux en mieux le seul espoir de l’Europe déchirée. a. Rougemont D
93
er et de devenir de mieux en mieux le seul espoir
de
l’Europe déchirée. a. Rougemont Denis de, « Le seul espoir », Feui
94
spoir de l’Europe déchirée. a. Rougemont Denis
de
, « Le seul espoir », Feuille centrale de Zofingue, Zurich, juin 1938,
95
nt Denis de, « Le seul espoir », Feuille centrale
de
Zofingue, Zurich, juin 1938, p. 469-472.
96
Souvenir
d’
Esztergom (juin 1938)b J’avais lu quelques-uns de ses poèmes en tra
97
Esztergom (juin 1938)b J’avais lu quelques-uns
de
ses poèmes en traduction. Je savais qu’il était le chef de file du gr
98
èmes en traduction. Je savais qu’il était le chef
de
file du groupe le plus vivant des écrivains de Hongrie, — le plus pro
99
ef de file du groupe le plus vivant des écrivains
de
Hongrie, — le plus profondément magyar de sensibilité, et en même tem
100
rivains de Hongrie, — le plus profondément magyar
de
sensibilité, et en même temps le plus européen par la culture. Des am
101
européen par la culture. Des amis me proposèrent
de
l’aller voir à Esztergom, où il passe les étés. J’eus ce bonheur de d
102
Esztergom, où il passe les étés. J’eus ce bonheur
de
découvrir une terre et une race par ses poètes. La plaine hongroise é
103
sages, dans une vaste hospitalité qui était celle
de
l’été même dont Babits me faisait les honneurs… Qu’on me permette de
104
Babits me faisait les honneurs… Qu’on me permette
de
recopier ici des notes prises au retour de ce petit voyage ; il est r
105
rmette de recopier ici des notes prises au retour
de
ce petit voyage ; il est resté merveilleusement vivant dans ma mémoir
106
ma mémoire, et je ne puis plus séparer sa vision
de
ce que m’évoque le nom de Michel Babits. ⁂ Esztergom est la plus viei
107
plus séparer sa vision de ce que m’évoque le nom
de
Michel Babits. ⁂ Esztergom est la plus vieille capitale de la Hongrie
108
Babits. ⁂ Esztergom est la plus vieille capitale
de
la Hongrie. Attila, me dit-on, y régna. Aujourd’hui c’est la résidenc
109
a résidence du Prince Primat. Au-dessus du palais
de
l’archevêché, sur une colline que le Danube contourne, la Basilique é
110
Danube contourne, la Basilique élève une coupole
d’
ocre éclatant, immense et froide, dominant cette plaine onduleuse dont
111
ue nous devons rencontrer le poète. Cheveux noirs
d’
aigle collés sur son large front, belle carrure ruisselante, il nous s
112
u’à mi-corps, mythologique. Nous sortons ensemble
de
la petite ville aux rues de terre brûlante, aux maisons jaunes, basse
113
Nous sortons ensemble de la petite ville aux rues
de
terre brûlante, aux maisons jaunes, basses, ville sans ombre, sans ar
114
us montons vers la maison du poète, sur un coteau
de
vignes. Trois chambres boisées entourées d’une large galerie d’où l’o
115
oteau de vignes. Trois chambres boisées entourées
d’
une large galerie d’où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans
116
is chambres boisées entourées d’une large galerie
d’
où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans rides, la petite vil
117
bourdonnante, — trois petites chambres et un pan
de
toit par-dessus, cela fait une arche à peine visible dans les vignes,
118
isible dans les vignes, à peine détachée du flanc
de
la colline (pour que les vents ne l’emportent pas), un beau nid de po
119
ur que les vents ne l’emportent pas), un beau nid
de
poète : car demeurer ici, c’est demeurer vraiment « en pleine nature
120
r vraiment « en pleine nature », un peu au-dessus
de
la plaine, pas tout à fait dans le ciel, là où doivent vivre ceux qui
121
orizon est aussi lointain qu’on l’imagine, tout a
de
belles couleurs, le poète sourit en lui-même, il y a une enfance dans
122
dans l’air… ⁂ N’est-ce pas cela, la vraie gloire
d’
un poète : que son souvenir se confonde — inoubliable, inséparable — a
123
confonde — inoubliable, inséparable — avec celui
d’
une belle journée de son pays ? b. Rougemont Denis de, « Souvenir d
124
ble, inséparable — avec celui d’une belle journée
de
son pays ? b. Rougemont Denis de, « Souvenir d’Esztergom », Nouvel
125
belle journée de son pays ? b. Rougemont Denis
de
, « Souvenir d’Esztergom », Nouvelle Revue de Hongrie, Budapest, juin
126
e son pays ? b. Rougemont Denis de, « Souvenir
d’
Esztergom », Nouvelle Revue de Hongrie, Budapest, juin 1938, p. 505-50
127
enis de, « Souvenir d’Esztergom », Nouvelle Revue
de
Hongrie, Budapest, juin 1938, p. 505-506.
128
« Comment libérer l’État
de
la tyrannie de l’Argent ? » (10 juin 1938)c d Nous sommes en train
129
« Comment libérer l’État de la tyrannie
de
l’Argent ? » (10 juin 1938)c d Nous sommes en train de passer du r
130
38)c d Nous sommes en train de passer du règne
de
la finance totalitaire (libéralisme) au règne de l’État totalitaire,
131
de la finance totalitaire (libéralisme) au règne
de
l’État totalitaire, par une logique dont la rigueur montre assez que
132
r montre assez que les facteurs humains ont cessé
d’
y jouer. Comme on ne peut supprimer ni l’État ni l’argent, le problème
133
lui-ci : remettre l’État et l’argent à leur place
d’
instruments techniques. Schéma : un État souverain dans l’aire délimit
134
Schéma : un État souverain dans l’aire délimitée
de
sa capacité ; administrant les entreprises qui échappent par leurs di
135
in-d’œuvre indifférenciée (service civil) ; privé
de
toute autorité politique, celle-ci appartenant au gouvernement propre
136
des patries locales, et seule expression unitaire
de
la Nation ; jouissant d’un pouvoir dictatorial dans l’application de
137
eule expression unitaire de la Nation ; jouissant
d’
un pouvoir dictatorial dans l’application de ses pouvoirs strictement
138
ssant d’un pouvoir dictatorial dans l’application
de
ses pouvoirs strictement définis par le gouvernement, et de nature te
139
voirs strictement définis par le gouvernement, et
de
nature technique ; répartissant ses bénéfices sous forme de minimum v
140
le Parlement et l’exécutif, collusion responsable
de
la mauvaise marche des administrations publiques, et de cette erreur
141
mauvaise marche des administrations publiques, et
de
cette erreur économique — entre autres — qu’est la guerre totale, can
142
— entre autres — qu’est la guerre totale, cancer
de
notre « paix ». Il n’y a de liberté possible pour les communes et les
143
guerre totale, cancer de notre « paix ». Il n’y a
de
liberté possible pour les communes et les personnes que sur la base d
144
our les communes et les personnes que sur la base
d’
une organisation rationnelle des servitudes publiques, c’est-à-dire d’
145
ationnelle des servitudes publiques, c’est-à-dire
d’
une dichotomie rigoureuse entre ce qui relève de l’exécution technique
146
e d’une dichotomie rigoureuse entre ce qui relève
de
l’exécution technique et ce qui relève de l’opinion et de la création
147
relève de l’exécution technique et ce qui relève
de
l’opinion et de la création, toujours personnelle. C’est la confusion
148
cution technique et ce qui relève de l’opinion et
de
la création, toujours personnelle. C’est la confusion des pouvoirs ma
149
lle. C’est la confusion des pouvoirs matériels et
de
l’autorité, dee l’organisé et de l’organisateur, de l’État et de la N
150
irs matériels et de l’autorité, dee l’organisé et
de
l’organisateur, de l’État et de la Nation, qui conduit au désordre fl
151
l’autorité, dee l’organisé et de l’organisateur,
de
l’État et de la Nation, qui conduit au désordre flagrant des démocrat
152
dee l’organisé et de l’organisateur, de l’État et
de
la Nation, qui conduit au désordre flagrant des démocraties, et à cet
153
ue proposée par l’Ordre nouveau. Quant aux moyens
d’
y parvenir, de l’imposer, ils relèvent d’une action spirituelle au pre
154
r l’Ordre nouveau. Quant aux moyens d’y parvenir,
de
l’imposer, ils relèvent d’une action spirituelle au premier chef, et
155
x moyens d’y parvenir, de l’imposer, ils relèvent
d’
une action spirituelle au premier chef, et vous savez que je n’entends
156
, tant publique que secrète, qui mobilise le tout
de
l’homme, et qui seule est transformatrice. Mais ce n’est pas sur ces
157
ous m’interrogez, je crois. c. Rougemont Denis
de
, « Comment libérer l’État de la tyrannie de l’Argent ? », Combat : re
158
c. Rougemont Denis de, « Comment libérer l’État
de
la tyrannie de l’Argent ? », Combat : revue des idées et des faits, P
159
Denis de, « Comment libérer l’État de la tyrannie
de
l’Argent ? », Combat : revue des idées et des faits, Paris, 10 juin 1
160
s faits, Paris, 10 juin 1938, p. 505. d. Précédé
de
la note suivante : « L’auteur de Penser avec les mains reprend ici
161
505. d. Précédé de la note suivante : « L’auteur
de
Penser avec les mains reprend ici les positions de l’Ordre nouveau.
162
Penser avec les mains reprend ici les positions
de
l’Ordre nouveau. On sait qu’il s’agit d’une dichotomie, rationnelle,
163
ositions de l’Ordre nouveau. On sait qu’il s’agit
d’
une dichotomie, rationnelle, mais dont nous discuterons la possibilité
164
Le Relèvement
de
l’Allemagne (1918-1938) par Albert Rivaud (28 octobre 1938)f Après
165
rienne, autrement brûlante et immédiate. Le livre
de
M. Rivaud nous y aidera. Il faut le lire avant de lire Mein Kampf ou
166
on nous en offre. Car M. Rivaud a le grand mérite
d’
avoir situé le développement du national-socialisme à l’intérieur du d
167
et qui peut-être lui survivra. La première partie
de
ce gros ouvrage est à mon sens la plus sérieuse et la plus riche d’en
168
est à mon sens la plus sérieuse et la plus riche
d’
enseignements. C’est un historique de l’Allemagne d’avant-guerre, des
169
a plus riche d’enseignements. C’est un historique
de
l’Allemagne d’avant-guerre, des origines du conflit de 1914, de la gu
170
enseignements. C’est un historique de l’Allemagne
d’
avant-guerre, des origines du conflit de 1914, de la guerre, de la rév
171
Allemagne d’avant-guerre, des origines du conflit
de
1914, de la guerre, de la révolution, puis de la République de Weimar
172
d’avant-guerre, des origines du conflit de 1914,
de
la guerre, de la révolution, puis de la République de Weimar et de l’
173
e, des origines du conflit de 1914, de la guerre,
de
la révolution, puis de la République de Weimar et de l’ascension hitl
174
lit de 1914, de la guerre, de la révolution, puis
de
la République de Weimar et de l’ascension hitlérienne. À la lumière d
175
la révolution, puis de la République de Weimar et
de
l’ascension hitlérienne. À la lumière des événements de septembre, ce
176
scension hitlérienne. À la lumière des événements
de
septembre, cette lecture prend une actualité vraiment bouleversante.
177
une actualité vraiment bouleversante. Nous venons
d’
assister à la répétition du coup de juillet 1914. Mêmes manœuvres simu
178
e. Nous venons d’assister à la répétition du coup
de
juillet 1914. Mêmes manœuvres simultanées de bluffe guerrier et d’ass
179
coup de juillet 1914. Mêmes manœuvres simultanées
de
bluffe guerrier et d’assurances pacifiques, même duplicité dans le dé
180
Mêmes manœuvres simultanées de bluffe guerrier et
d’
assurances pacifiques, même duplicité dans le détail des négociations,
181
laté, et l’Allemagne a tout obtenu. Les partisans
de
la résistance à tout prix en déduiront que l’on a eu tort d’aller à M
182
tance à tout prix en déduiront que l’on a eu tort
d’
aller à Munich. Mais on peut leur faire observer que la guerre de 1914
183
h. Mais on peut leur faire observer que la guerre
de
1914 n’a servi exactement à rien, puisque vingt ans plus tard, l’Alle
184
érir. Dans la seconde partie, l’auteur entreprend
de
décrire le régime nazi : État et armée, doctrine et formation des esp
185
ons beaucoup de réserves à formuler sur le détail
de
ces chapitres et sur l’intention qui préside à la « description » qu’
186
ion » qu’ils nous offrent. Certes, il est malaisé
de
se renseigner exactement sur le fonctionnement d’un régime autarcique
187
de se renseigner exactement sur le fonctionnement
d’
un régime autarcique, où nul organe de libre critique ne peut corriger
188
ctionnement d’un régime autarcique, où nul organe
de
libre critique ne peut corriger les chiffres officiels. Mais alors, i
189
is alors, il faudrait citer ses sources avec plus
de
minutie, et quand on donne un chiffre, donner aussi les moyens de l’i
190
uand on donne un chiffre, donner aussi les moyens
de
l’interpréter. M. Rivaud affirme par exemple, que « dans beaucoup d’i
191
. Rivaud affirme par exemple, que « dans beaucoup
d’
industries, les salaires globaux ont doublé » depuis 1933. Dans quelle
192
uelles industries ? Et quels étaient les salaires
de
base ? Les polémiques au sujet des salaires russes nous ont rendus mé
193
ue « l’organisation nationale-socialiste a permis
de
supprimer une grande partie des producteurs libres », et on précise q
194
que le nombre des sociétés anonymes a été réduit
de
9634 en 1932 à 7204 en 1936, et que le nombre des « petites sociétés
195
que le nombre des « petites sociétés » est tombé
de
6632 à 3863. Comment interpréter ces chiffres ? L’auteur y voit la pr
196
préter ces chiffres ? L’auteur y voit la preuve «
d’
une sorte de socialisation indirecte de la production ». Mais par aill
197
hiffres ? L’auteur y voit la preuve « d’une sorte
de
socialisation indirecte de la production ». Mais par ailleurs, il sem
198
a preuve « d’une sorte de socialisation indirecte
de
la production ». Mais par ailleurs, il semble qu’au contraire, ce son
199
ui ont absorbé les petites sociétés. Méfions-nous
d’
un certain abus du terme de « socialisme », trop fréquent chez les aut
200
sociétés. Méfions-nous d’un certain abus du terme
de
« socialisme », trop fréquent chez les auteurs de droite auxquels M.
201
de « socialisme », trop fréquent chez les auteurs
de
droite auxquels M. Rivaud ne se cache pas d’appartenir. Les renseigne
202
eurs de droite auxquels M. Rivaud ne se cache pas
d’
appartenir. Les renseignements fournis sur l’économie paysanne sont pl
203
us précis, et paraissent autoriser mieux le terme
de
« socialisme agraire ». Il faut recommander spécialement la lecture d
204
cture du chapitre sur le Reichsnährstandg (office
d’
alimentation). Quand il parle des doctrines nazies, on doit reprocher
205
s doctrines nazies, on doit reprocher à M. Rivaud
de
mêler trop souvent ses commentaires à l’exposé objectif des thèses hi
206
posé objectif des thèses hitlériennes. Son résumé
de
Mein Kampf reste flou : on ne sait trop ce qui est dit par Hitler et
207
op ce qui est dit par Hitler et ce qui est du cru
de
l’auteur. Enfin, le chapitre sur les Églises et la religion est super
208
igion est superficiel et souvent inexact : défaut
d’
autant plus curieux que c’est essentiellement au nom de sa foi catholi
209
urs, en effet, quand il parle des méthodes nazies
d’
usage interne, en politique et en économie. M. Rivaud ne cache pas l’a
210
t qu’il voit dans ces méthodes l’antithèse exacte
de
ce qui se passe en France. Et l’on en vient à se demander si ce n’est
211
nt à se demander si ce n’est pas surtout le souci
de
faire la leçon aux Français « de gauche » qui a poussé M. Rivaud à ét
212
surtout le souci de faire la leçon aux Français «
de
gauche » qui a poussé M. Rivaud à étudier l’exemple allemand. Ce trav
213
la politique extérieure. Le résumé des événements
de
l’après-guerre tel que le donne l’auteur, paraît extrait des seules c
214
ne l’auteur, paraît extrait des seules chroniques
de
M. Bailby. À tel point qu’on omet d’y faire figurer le retrait de l’A
215
s chroniques de M. Bailby. À tel point qu’on omet
d’
y faire figurer le retrait de l’Allemagne de la SDN, ainsi que la Conf
216
tel point qu’on omet d’y faire figurer le retrait
de
l’Allemagne de la SDN, ainsi que la Conférence du désarmement, dont l
217
pourtant le prétexte principal à la restauration
de
la Reichswehr ! Que ces critiques n’empêchent personne de lire ce liv
218
ichswehr ! Que ces critiques n’empêchent personne
de
lire ce livre ! Elles n’ont pour but que de faciliter une lecture à t
219
sonne de lire ce livre ! Elles n’ont pour but que
de
faciliter une lecture à tant d’égards urgente et révélatrice. f. R
220
’ont pour but que de faciliter une lecture à tant
d’
égards urgente et révélatrice. f. Rougemont Denis de, « [Compte ren
221
rds urgente et révélatrice. f. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Albert Rivaud, Le Relèvement de l’Allemagne (1918-1
222
de, « [Compte rendu] Albert Rivaud, Le Relèvement
de
l’Allemagne (1918-1938) », La Flèche, Paris, 28 octobre 1938, p. 4.
223
Réponse
de
Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 (novembre 1938)h i
224
1938 (novembre 1938)h i Messieurs, Après tant
d’
éloges, une prudence élémentaire me commanderait de me taire : quoi qu
225
’éloges, une prudence élémentaire me commanderait
de
me taire : quoi que je dise, je ne pourrai que brouiller le cliché tr
226
famam, dit le latin. Mais il n’est plus question
de
reculer. En publiant mon Journal , je suis entré dans la voie des av
227
s la voie des aveux. J’ai même confessé certaines
de
mes superstitions. Il ne me reste qu’à persévérer, et c’est ce que je
228
je m’étais entièrement retiré dans l’élaboration
d’
un ouvrage intitulé L’Amour et l’Occident . Je partais d’une réflexio
229
rage intitulé L’Amour et l’Occident . Je partais
d’
une réflexion passionnée sur le mythe de la passion, la légende de Tri
230
e partais d’une réflexion passionnée sur le mythe
de
la passion, la légende de Tristan et Iseut. Nul n’ignore que ce mythe
231
passionnée sur le mythe de la passion, la légende
de
Tristan et Iseut. Nul n’ignore que ce mythe, demeuré si puissant dans
232
gnification secrète, qui est le combat du Jour et
de
la Nuit. J’espérais terminer mon livre aux alentours du 21 juin, date
233
livre aux alentours du 21 juin, date du solstice
d’
été, triomphe solaire sur les ténèbres, à cette heure où Brangaine du
234
les ténèbres, à cette heure où Brangaine du haut
de
la tour jette le cri des « aubes » mystiques : « Prenez garde ! prene
235
manuscrit considérable. Le lendemain, 21, l’Opéra
de
Paris représentait pour la seule fois de l’année l’admirable Tristan
236
l’Opéra de Paris représentait pour la seule fois
de
l’année l’admirable Tristan de Wagner. J’obtins, comme par hasard, le
237
ure même où je terminais mon livre, vous décidiez
de
me donner votre prix. Et la lettre qui me l’annonçait portait la date
238
es relations des hommes entre eux ; des relations
de
l’écrivain avec les hommes parmi lesquels il vit ; enfin des relation
239
ommes parmi lesquels il vit ; enfin des relations
de
l’auteur et de son public. Or vous n’ignorez pas que mon souci tout h
240
quels il vit ; enfin des relations de l’auteur et
de
son public. Or vous n’ignorez pas que mon souci tout helvétique de di
241
vous n’ignorez pas que mon souci tout helvétique
de
dire le vrai, fût-il désobligeant, m’amenait à reconnaître que ces re
242
reconnaître que ces relations ne sont pas bonnes,
de
nos jours. J’allais même jusqu’à dire, dans mon livre, qu’elles sont
243
squ’à dire, dans mon livre, qu’elles sont en état
de
crise aiguë. Il me semblait que les hommes de la cité actuelle ont bi
244
tat de crise aiguë. Il me semblait que les hommes
de
la cité actuelle ont bien du mal à communier dans une même vérité véc
245
dans une même vérité vécue ; qu’ils sont souvent
d’
autant plus seuls qu’ils se voient contraints par le sort de vivre tou
246
lus seuls qu’ils se voient contraints par le sort
de
vivre tous ensemble dans les villes. Il me semblait aussi que le lang
247
crivains était devenu, ou était resté, le langage
d’
un très petit nombre, ou d’une caste, alors que dans le même temps l’i
248
tait resté, le langage d’un très petit nombre, ou
d’
une caste, alors que dans le même temps l’instruction publique mettait
249
l’instruction publique mettait tout homme en état
de
lire des livres, sinon de les comprendre. D’où sont nés quantité de m
250
tait tout homme en état de lire des livres, sinon
de
les comprendre. D’où sont nés quantité de malentendus et d’illusions,
251
état de lire des livres, sinon de les comprendre.
D’
où sont nés quantité de malentendus et d’illusions, largement exploité
252
, sinon de les comprendre. D’où sont nés quantité
de
malentendus et d’illusions, largement exploités par les démagogies d’
253
prendre. D’où sont nés quantité de malentendus et
d’
illusions, largement exploités par les démagogies d’ailleurs les plus
254
t se portait donc à distinguer, et dans la mesure
de
mes moyens et dans mon champ, à dissiper ces malentendus et leurs cau
255
issiper ces malentendus et leurs causes. Le reste
de
votre jury m’inciterait à croire que j’y ai partiellement réussi : ca
256
ts ou mes contemporains, vous êtes le vrai public
d’
un livre comme le Journal , celui qu’il cherche et qu’il espère rejoi
257
pourquoi j’ose voir dans votre décision le signe
d’
une entente réalisée — et attestée avec munificence ! — entre un auteu
258
nce ! — entre un auteur et son public. Cet aspect
de
mon « problème des gens », vous l’avez résolu d’une manière que, pour
259
de mon « problème des gens », vous l’avez résolu
d’
une manière que, pour ma part, je ne saurais qualifier que d’idéale !
260
re que, pour ma part, je ne saurais qualifier que
d’
idéale ! Dois-je vous avouer que rien ne me préparait à l’espérer ? Vo
261
ncien bellettrien, — ce qui est encore plus digne
de
louange. Enfin, vous êtes des Suisses de Suisse, et vous couronnez un
262
rompu » avec mes origines. Vous avez fait justice
de
cette calomnie, avec tout l’éclat désirable. Et ce n’est pas le moind
263
es esprits turbulents allassent mettre au service
de
l’étranger une humeur belliqueuse qui, Dieu merci, ne trouvait pas à
264
nos cantons paisibles. Pourquoi n’y aurait-il pas
de
nos jours, sous une forme plus pacifique1, des écrivains qui renouera
265
ui renoueraient cette tradition ? Quelques années
de
service étranger, cela n’a jamais fait tort, bien au contraire, au se
266
fait tort, bien au contraire, au sens patriotique
de
nos ancêtres. Et il se peut que de nos jours, où la Suisse apparaît d
267
ns patriotique de nos ancêtres. Et il se peut que
de
nos jours, où la Suisse apparaît de plus en plus comme le symbole d’u
268
Suisse apparaît de plus en plus comme le symbole
d’
une Europe à venir, fédérant ses précieuses différences, — il se peut
269
e service européen soit précisément dans la ligne
d’
une vocation d’écrivain suisse. Il faut de tout pour faire une Suisse,
270
éen soit précisément dans la ligne d’une vocation
d’
écrivain suisse. Il faut de tout pour faire une Suisse, surtout dans l
271
a ligne d’une vocation d’écrivain suisse. Il faut
de
tout pour faire une Suisse, surtout dans le plan de la culture. Il fa
272
tout pour faire une Suisse, surtout dans le plan
de
la culture. Il faut d’abord des hommes comme Ramuz, qui représentent
273
soi, j’entends la Suisse dans la réalité vivante
d’
un de ses cantons ; des hommes qui, à force d’être Vaudois avec génie,
274
j’entends la Suisse dans la réalité vivante d’un
de
ses cantons ; des hommes qui, à force d’être Vaudois avec génie, soie
275
nte d’un de ses cantons ; des hommes qui, à force
d’
être Vaudois avec génie, soient des valeurs européennes. Mais peut-êtr
276
ut-il ensuite, et à côté, des hommes qui essaient
de
représenter l’idée de la Suisse au regard de l’Europe ; des hommes qu
277
té, des hommes qui essaient de représenter l’idée
de
la Suisse au regard de l’Europe ; des hommes qui soient des Suisses p
278
soient des Suisses par cela même qu’ils essaient
d’
être des Européens. C’est dans cette tradition — celle d’un Constant —
279
des Européens. C’est dans cette tradition — celle
d’
un Constant — que je me suis trouvé rangé, un peu par la force des cho
280
y espérer quelque succès qu’à la seule condition
de
garder avec la Suisse réelle les liens les plus étroits. Que votre gé
281
naire, faut-il le préciser ? h. Rougemont Denis
de
, « Réponse de Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 », Feu
282
le préciser ? h. Rougemont Denis de, « Réponse
de
Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 », Feuille centrale
283
lauréat du prix Rambert 1938 », Feuille centrale
de
Zofingue, Neuchâtel, novembre 1938, p. 36-39. i. Pris remis pour réc
284
Pris remis pour récompenser l’auteur du Journal
d’
un intellectuel en chômage .
285
a pas une manière chrétienne et une manière athée
de
réussir une paire de souliers. Les souliers sont bons ou mauvais. Un
286
étienne et une manière athée de réussir une paire
de
souliers. Les souliers sont bons ou mauvais. Un roman, de même. Mais
287
ce que fait un chrétien, il le dédie à la gloire
de
Dieu, et c’est là toute la différence. Dira-t-on qu’elle n’est guère
288
e visible ? En effet, elle ne l’est pas. Il n’y a
de
visible, dans un roman, que sa technique, son métier, sa réussite ou
289
supposé que l’œuvre soit réussie du point de vue
de
l’art, donc transparente — c’est l’esprit qui animait l’auteur. Un ro
290
servir » que si l’auteur l’a fait dans un esprit
de
service. Or tout service qui n’est pas le service du Dieu vivant se t
291
niste doit se préoccuper des résultats politiques
de
son œuvre : servitude pour l’artiste. Mais un romancier chrétien n’a
292
qui convertit les hommes. L’unique préoccupation
de
l’artiste chrétien doit être de se maintenir en état de service penda
293
que préoccupation de l’artiste chrétien doit être
de
se maintenir en état de service pendant qu’il crée. Je suis d’accord
294
rtiste chrétien doit être de se maintenir en état
de
service pendant qu’il crée. Je suis d’accord avec Mauriac : le seul p
295
suis d’accord avec Mauriac : le seul problème est
de
« purifier la source ». Tout le reste est apologétique, c’est-à-dire
296
ique, c’est-à-dire mauvaise littérature. Aux yeux
d’
un croyant, il n’est pas de comparaison possible entre la situation du
297
littérature. Aux yeux d’un croyant, il n’est pas
de
comparaison possible entre la situation du romancier chrétien et cell
298
chrétien sert son Dieu, — et ensuite Dieu se sert
de
lui et de son œuvre comme il Lui plait. Mais je m’aperçois que ce poi
299
ert son Dieu, — et ensuite Dieu se sert de lui et
de
son œuvre comme il Lui plait. Mais je m’aperçois que ce point de vue
300
certaine mesure, pourquoi « il n’est pas question
d’
une littérature protestante ». En effet : le protestant ne considère p
301
service en tant qu’artiste puisse être différent
de
son service en tant qu’homme chrétien, ou cordonnier, ou magistrat. L
302
ou magistrat. Les « œuvres » — dans tous les sens
de
ce terme — ne sauraient être pour lui que l’expression de sa foi au s
303
rme — ne sauraient être pour lui que l’expression
de
sa foi au sein du monde réel. Elles ne valent rien en elles-mêmes, ho
304
es sont un service ; elles ne sont pas au service
d’
une cause ou d’un parti, fût-il baptisé « chrétien ». (Je parle idéale
305
ice ; elles ne sont pas au service d’une cause ou
d’
un parti, fût-il baptisé « chrétien ». (Je parle idéalement : nous avo
306
ous aussi une pénible « littérature protestante »
d’
édification.) Elles sont encore une action de grâce, comme le Magnific
307
te » d’édification.) Elles sont encore une action
de
grâce, comme le Magnificat de Bach. Pour préciser : un artiste protes
308
t encore une action de grâce, comme le Magnificat
de
Bach. Pour préciser : un artiste protestant (Rembrandt, Du Bartas, Se
309
rlöf, Ramuz) ne cherche pas à persuader le public
de
la beauté de sa religion, mais cherche à exprimer l’humain dans sa ré
310
ne cherche pas à persuader le public de la beauté
de
sa religion, mais cherche à exprimer l’humain dans sa réalité totale,
311
partir de là ne se posent plus que des problèmes
d’
ordre technique. Nous autres écrivains de la Réforme, nous aimerions n
312
roblèmes d’ordre technique. Nous autres écrivains
de
la Réforme, nous aimerions nous comparer au Jean-Baptiste du fameux r
313
nous comparer au Jean-Baptiste du fameux retable
de
Grünewald à Colmar : nos œuvres ne seront jamais que cette main qui d
314
u’il croisse et que je diminue. » Et nous dirions
de
notre public ce que disait de son malade le calviniste Ambroise Paré
315
. » Et nous dirions de notre public ce que disait
de
son malade le calviniste Ambroise Paré : « Je le pansay. Dieu le guar
316
rsonne. On ne nous demande qu’un diagnostic exact
de
l’humain, c’est-à-dire, je le répète : une expression vraiment totale
317
: une expression vraiment totale et sans réserve
de
l’homme tel que le voient les yeux de la foi : dans le péché où Dieu
318
ans réserve de l’homme tel que le voient les yeux
de
la foi : dans le péché où Dieu le cherche et où la grâce vient le tro
319
par d’autres voies que celles qu’il nous plaisait
d’
imaginer… j. Rougemont Denis de, « Littérature et christianisme »,
320
l nous plaisait d’imaginer… j. Rougemont Denis
de
, « Littérature et christianisme », La Cité chrétienne, Bruxelles, 20
321
, Bruxelles, 20 novembre 1938, p. 57. k. Précédé
de
la notice suivante : « Et voici la réponse d’un protestant. Par sa pe
322
édé de la notice suivante : « Et voici la réponse
d’
un protestant. Par sa pensée ferme et drue, Denis de Rougemont exerce
323
es”. On trouve là un des plus authentiques essais
de
construction de notre temps. Politique de la personne , Penser avec
324
à un des plus authentiques essais de construction
de
notre temps. Politique de la personne , Penser avec les mains , le
325
essais de construction de notre temps. Politique
de
la personne , Penser avec les mains , le Journal d’un intellectuel
326
a personne , Penser avec les mains , le Journal
d’
un intellectuel en chômage , et les autres écrits de Rougemont en sont
327
Quel est le rôle
de
l’Université dans le pays ? (1939)m … Quel est le rôle de l’Univer
328
sité dans le pays ? (1939)m … Quel est le rôle
de
l’Université dans le pays ? Serait-ce de distribuer de l’instruction,
329
le rôle de l’Université dans le pays ? Serait-ce
de
distribuer de l’instruction, de vendre au poids des connaissances tec
330
Université dans le pays ? Serait-ce de distribuer
de
l’instruction, de vendre au poids des connaissances techniques, grâce
331
pays ? Serait-ce de distribuer de l’instruction,
de
vendre au poids des connaissances techniques, grâce auxquelles l’étud
332
grâce auxquelles l’étudiant se verrait en mesure
de
gagner maigrement sa vie dans une profession libérale ? On le croit s
333
qui fait que l’on gagne sa vie, ou qu’on supporte
de
ne la point gagner, vous le savez bien : ce sont des trucs de métier,
334
nt gagner, vous le savez bien : ce sont des trucs
de
métier, si j’ose dire, des trucs que l’on n’apprend qu’à l’expérience
335
er. Et il serait bien sot, il serait même barbare
de
le lui reprocher un seul instant. Nous attendons de l’Université tout
336
le lui reprocher un seul instant. Nous attendons
de
l’Université tout autre chose. Je puis le dire à sa louange : ce que
337
. Je puis le dire à sa louange : ce que j’ai reçu
d’
elle, de plus précieux, c’est ce qu’elle m’a donné sans le vouloir : u
338
donné sans le vouloir : une atmosphère, un milieu
de
vie, et bien au-delà d’une instruction : des possibilités de culture,
339
une atmosphère, un milieu de vie, et bien au-delà
d’
une instruction : des possibilités de culture, au sens le plus large p
340
bien au-delà d’une instruction : des possibilités
de
culture, au sens le plus large possible. Cela englobe, évidemment, un
341
ble. Cela englobe, évidemment, une certaine somme
de
connaissances indispensables pour le jour de l’examen. Mais cela engl
342
omme de connaissances indispensables pour le jour
de
l’examen. Mais cela englobe aussi tant d’autres choses ! Une certaine
343
aussi tant d’autres choses ! Une certaine qualité
de
loisirs, de réflexions aventureuses, de rêveries et de conversations
344
’autres choses ! Une certaine qualité de loisirs,
de
réflexions aventureuses, de rêveries et de conversations interminable
345
e qualité de loisirs, de réflexions aventureuses,
de
rêveries et de conversations interminables, — ces stations au café de
346
isirs, de réflexions aventureuses, de rêveries et
de
conversations interminables, — ces stations au café de la Rotonde, ce
347
nversations interminables, — ces stations au café
de
la Rotonde, ce n’est pas le moment de les oublier ! — la vie nocturne
348
ons au café de la Rotonde, ce n’est pas le moment
de
les oublier ! — la vie nocturne de l’étudiant, des lectures qui ne se
349
pas le moment de les oublier ! — la vie nocturne
de
l’étudiant, des lectures qui ne servent à rien, des promenades qui ne
350
mais plus nous ne le ferons plus tard, la couleur
de
nos pierres après la pluie, et l’odeur du lac immobile… Tout cela peu
351
’odeur du lac immobile… Tout cela peut se résumer
d’
un mot. C’est le romantisme éternel. C’est tout ce que l’on aura plus
352
e l’on aura plus tard toutes les raisons du monde
de
condamner, mais sans quoi notre vie demeurerait privée de sa plus émo
353
mner, mais sans quoi notre vie demeurerait privée
de
sa plus émouvante saveur. Je sais : toutes les générations ont cru qu
354
été aussi folles que nous, et s’il serait décent
de
le souhaiter. Mais c’est avec plus de tendresse que de remords que je
355
rait décent de le souhaiter. Mais c’est avec plus
de
tendresse que de remords que je me rappelle, ce soir, ces folies-là.
356
souhaiter. Mais c’est avec plus de tendresse que
de
remords que je me rappelle, ce soir, ces folies-là. Nous vivions dans
357
soir, ces folies-là. Nous vivions dans une sorte
d’
euphorie constante, coupée de somnolences, d’heures de paresse, voire
358
vions dans une sorte d’euphorie constante, coupée
de
somnolences, d’heures de paresse, voire même de gueule de bois — et d
359
orte d’euphorie constante, coupée de somnolences,
d’
heures de paresse, voire même de gueule de bois — et d’accès d’enthous
360
phorie constante, coupée de somnolences, d’heures
de
paresse, voire même de gueule de bois — et d’accès d’enthousiasme pat
361
e de somnolences, d’heures de paresse, voire même
de
gueule de bois — et d’accès d’enthousiasme pathétiques ! Nous passion
362
lences, d’heures de paresse, voire même de gueule
de
bois — et d’accès d’enthousiasme pathétiques ! Nous passions des soir
363
res de paresse, voire même de gueule de bois — et
d’
accès d’enthousiasme pathétiques ! Nous passions des soirées et des nu
364
aresse, voire même de gueule de bois — et d’accès
d’
enthousiasme pathétiques ! Nous passions des soirées et des nuits que
365
qui étaient simplement lyriques. Durant des mois
d’
hiver, notre vie tournoyait dans l’atmosphère des « Théâtrales » — cur
366
turnales — les théâtrales, rien de plus évocateur
d’
un état de fête collectif et prolongé… Pendant des mois, ai-je dit, ca
367
les théâtrales, rien de plus évocateur d’un état
de
fête collectif et prolongé… Pendant des mois, ai-je dit, car il falla
368
r, la promener pour la rejouer je ne sais combien
de
fois, un peu plus chaque année. Mais le plus beau, c’était que nous f
369
s à des décors, la nuit, nous avions l’impression
de
circuler sur une scène perpétuelle. Les bons bourgeois n’étaient plus
370
rgeois n’étaient plus, à nos yeux, que des sortes
de
figurants, ignorant tout du sens réel de notre drame. Ils nous voyaie
371
s sortes de figurants, ignorant tout du sens réel
de
notre drame. Ils nous voyaient passer, cheveux au vent, des foulards
372
mment noués autour du cou, avec des mines fatales
d’
insomnies et des restes de fard aux joues. Nous dansions autour d’une
373
avec des mines fatales d’insomnies et des restes
de
fard aux joues. Nous dansions autour d’une flamme invisible à tout au
374
es restes de fard aux joues. Nous dansions autour
d’
une flamme invisible à tout autre qu’à nous, et dont nous n’étions mêm
375
sie. Il y avait peut-être autre chose. Une espèce
de
recherche inconsciente de réalités plus vivantes, de drames plus vrai
376
autre chose. Une espèce de recherche inconsciente
de
réalités plus vivantes, de drames plus vrais que ceux dont nous faisi
377
recherche inconsciente de réalités plus vivantes,
de
drames plus vrais que ceux dont nous faisions la montre… Mais ceci c’
378
… Ne serait-ce pas notre rôle actuel, en Suisse,
de
maintenir cette tradition du romantisme et des féconds loisirs qui a
379
tisme et des féconds loisirs qui a fait la gloire
d’
une Heidelberg, d’une Tubingue, et de tant d’autres petites cités où r
380
ds loisirs qui a fait la gloire d’une Heidelberg,
d’
une Tubingue, et de tant d’autres petites cités où résonnent aujourd’h
381
it la gloire d’une Heidelberg, d’une Tubingue, et
de
tant d’autres petites cités où résonnent aujourd’hui des chants… d’un
382
etites cités où résonnent aujourd’hui des chants…
d’
une autre espèce ? Ne serait-ce pas à nous de maintenir et d’illustrer
383
nts… d’une autre espèce ? Ne serait-ce pas à nous
de
maintenir et d’illustrer aux yeux du monde moderne une de ces vérités
384
espèce ? Ne serait-ce pas à nous de maintenir et
d’
illustrer aux yeux du monde moderne une de ces vérités qu’il méconnaît
385
enir et d’illustrer aux yeux du monde moderne une
de
ces vérités qu’il méconnaît, mais qui lui survivra sans doute : c’est
386
déplacée ce soir, dans cette halte du souvenir et
de
l’amitié. Vraiment, quel danger y aurait-il à faire l’éloge d’une cer
387
Vraiment, quel danger y aurait-il à faire l’éloge
d’
une certaine paresse dans une occasion de ce genre ? Ce ne sera jamais
388
l’éloge d’une certaine paresse dans une occasion
de
ce genre ? Ce ne sera jamais, hélas, qu’une fois tous les cent ans !
389
ne fois tous les cent ans ! m. Rougemont Denis
de
, « Quel est le rôle de l’université dans le pays ? », Bulletin de l’A
390
ns ! m. Rougemont Denis de, « Quel est le rôle
de
l’université dans le pays ? », Bulletin de l’Association des anciens
391
e rôle de l’université dans le pays ? », Bulletin
de
l’Association des anciens étudiants de l’Université de Neuchâtel, Neu
392
, Bulletin de l’Association des anciens étudiants
de
l’Université de Neuchâtel, Neuchâtel, 1939, p. 150-151.
393
Association des anciens étudiants de l’Université
de
Neuchâtel, Neuchâtel, 1939, p. 150-151.
394
Le protestantisme créateur
de
personnes (1939)l Je souhaite que beaucoup d’entre vous2, aperceva
395
e que beaucoup d’entre vous2, apercevant le titre
de
cette conférence, aient ressenti quelque méfiance. Je souhaite que be
396
urieuse, ou peut-être grave, ou en tout cas digne
de
réflexion, car c’est à elle précisément que je me propose de répondre
397
n, car c’est à elle précisément que je me propose
de
répondre ici. Comment passer du zéro de l’homme devant Dieu à la vale
398
e propose de répondre ici. Comment passer du zéro
de
l’homme devant Dieu à la valeur infinie de la personnalité ? Comment
399
u zéro de l’homme devant Dieu à la valeur infinie
de
la personnalité ? Comment passer de notre théologie à notre histoire
400
aleur infinie de la personnalité ? Comment passer
de
notre théologie à notre histoire ? Qu’est-ce que cette personnalité d
401
curieusement entre zéro et l’infini, et dont tant
d’
auteurs non protestants ou incroyants nous font une gloire peut-être i
402
ut-être intempestive ? Le problème est, je crois,
d’
autant plus actuel que les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’Église
403
tourner vers le passé pour y trouver le réconfort
d’
anciennes victoires, d’exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur d
404
our y trouver le réconfort d’anciennes victoires,
d’
exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur de l’attaque qui se prép
405
, d’exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur
de
l’attaque qui se prépare contre le monde chrétien, beaucoup, jusque p
406
p, jusque parmi les incroyants, sentent le besoin
de
reprendre pied sur les vieilles bases spirituelles, rudes et monument
407
tous leurs appuis. Et c’est sans doute à ce désir
de
certitude renouvelée, à ce désir de retrouver confiance en soi, que j
408
te à ce désir de certitude renouvelée, à ce désir
de
retrouver confiance en soi, que je devrais répondre en exaltant ici l
409
pondre en exaltant ici le protestantisme créateur
de
personnalités, ou défenseur d’une certaine dignité humaine. Eh bien,
410
stantisme créateur de personnalités, ou défenseur
d’
une certaine dignité humaine. Eh bien, je ne vois aucune raison de déc
411
ignité humaine. Eh bien, je ne vois aucune raison
de
décevoir une telle attente. Mais attention ! Cette interrogation pres
412
! Cette interrogation pressante, il ne s’agit pas
de
lui offrir n’importe quelle réponse flatteuse ou approximative. Et ce
413
réponse flatteuse ou approximative. Et ce besoin
de
certitude, il s’agit de la combler en vérité. La menace est sérieuse,
414
proximative. Et ce besoin de certitude, il s’agit
de
la combler en vérité. La menace est sérieuse, les événements de septe
415
en vérité. La menace est sérieuse, les événements
de
septembre et toute la suite l’ont fait voir aux plus optimistes. En R
416
nous atteint déjà par contrecoup, et il est sage
de
s’attendre à bien pire. C’est donc le moment ou jamais de se montrer
417
endre à bien pire. C’est donc le moment ou jamais
de
se montrer très rigoureux dans le choix des moyens de défense. Et, pa
418
e montrer très rigoureux dans le choix des moyens
de
défense. Et, par exemple, si beaucoup sont prêts à louer la Réforme d
419
xemple, si beaucoup sont prêts à louer la Réforme
d’
être une école de personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c
420
up sont prêts à louer la Réforme d’être une école
de
personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c’est le moment po
421
art contre la barbarie, c’est le moment pour nous
de
préciser comment, pourquoi, dans quel esprit surtout le protestantism
422
est effectivement cela. I Depuis une dizaine
d’
années, une discussion générale s’est instituée sur les notions de per
423
scussion générale s’est instituée sur les notions
de
personne, d’individu et de personnalité. Il existe un mouvement perso
424
rale s’est instituée sur les notions de personne,
d’
individu et de personnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui
425
tituée sur les notions de personne, d’individu et
de
personnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui a pris pour tâ
426
un mouvement personnaliste qui a pris pour tâche
de
démêler ces notions et de fonder sur elles un ordre social renouvelé.
427
e qui a pris pour tâche de démêler ces notions et
de
fonder sur elles un ordre social renouvelé. Des philosophes tels que
428
ue, Berdiaev du côté orthodoxe, un certain nombre
de
jeunes protestants, beaucoup d’agnostiques aussi, se sont efforcés de
429
un certain nombre de jeunes protestants, beaucoup
d’
agnostiques aussi, se sont efforcés de démontrer l’importance concrète
430
s, beaucoup d’agnostiques aussi, se sont efforcés
de
démontrer l’importance concrète d’une définition de la personne pour
431
sont efforcés de démontrer l’importance concrète
d’
une définition de la personne pour toute action dans la cité. Ces disc
432
démontrer l’importance concrète d’une définition
de
la personne pour toute action dans la cité. Ces discussions, souvent
433
dans la cité. Ces discussions, souvent encombrées
de
jargon philosophique, peuvent apparaître byzantines au grand public.
434
n’en reste pas moins que le mot d’ordre « Défense
de
la personne humaine » est devenu le slogan par excellence des hommes
435
s. Ce fait, et toutes les équivoques que risquent
d’
entraîner de telles notions, me paraissent revêtir une importance part
436
et toutes les équivoques que risquent d’entraîner
de
telles notions, me paraissent revêtir une importance particulière pou
437
nous protestants, tantôt pour les fermes soutiens
de
la personnalité, tantôt pour de dangereux individualistes. C’est donc
438
s fermes soutiens de la personnalité, tantôt pour
de
dangereux individualistes. C’est donc vraiment de nos affaires qu’il
439
de dangereux individualistes. C’est donc vraiment
de
nos affaires qu’il s’agit dans cette discussion. Nous y avons notre m
440
notions par des exemples historiques susceptibles
de
faire image. Si nous remontons aux origines, si nous cherchons commen
441
comment sont apparues dans l’Histoire les notions
d’
individu et de personne, et les systèmes qui s’y opposent, nous verron
442
pparues dans l’Histoire les notions d’individu et
de
personne, et les systèmes qui s’y opposent, nous verrons mieux commen
443
ieux comment se situe la Réforme dans l’évolution
de
l’Europe, et quel principe central elle doit y incarner, de nos jours
444
e, et quel principe central elle doit y incarner,
de
nos jours sans doute plus que jamais. Prenons d’abord l’individu. Con
445
n’est pas une invention du siècle des Lumières et
de
la Déclaration des droits de l’homme. C’est une invention grecque, et
446
recque, et sa naissance signale la naissance même
de
l’hellénisme. L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout d’un cou
447
e même de l’hellénisme. L’individu, c’est l’homme
de
la tribu qui tout d’un coup se met à réfléchir pour son compte, et qu
448
e. L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout
d’
un coup se met à réfléchir pour son compte, et qui, de ce fait même, s
449
coup se met à réfléchir pour son compte, et qui,
de
ce fait même, se distingue du groupe naturel, et s’isole. Le groupe p
450
le lien du sang, des morts communs, et par celui
de
la terreur sacrée. C’est autour d’un tabou et autour des tombeaux, ob
451
, et par celui de la terreur sacrée. C’est autour
d’
un tabou et autour des tombeaux, objets d’effroi, que se rassemble la
452
autour d’un tabou et autour des tombeaux, objets
d’
effroi, que se rassemble la société primitive. Ce qu’elle adore, c’est
453
phobe. Mais supposez maintenant qu’un des membres
de
la tribu se mette à raisonner à part soi. Raisonner, c’est d’abord do
454
s sacrés du groupe, et par là même à son principe
de
tyrannie. Ce mouvement d’arrachement au sacré sombre, à l’empire des
455
là même à son principe de tyrannie. Ce mouvement
d’
arrachement au sacré sombre, à l’empire des morts, ce mouvement de dis
456
sacré sombre, à l’empire des morts, ce mouvement
de
dissolution de la communauté primitive, c’est la naissance même de la
457
à l’empire des morts, ce mouvement de dissolution
de
la communauté primitive, c’est la naissance même de la Grèce. Sur le
458
la communauté primitive, c’est la naissance même
de
la Grèce. Sur le fond indistinct des peuplades indo-germaniques, les
459
st important : à l’origine, individu est synonyme
de
criminel. Mais peu à peu, ces individus se groupent pour constituer d
460
à peu, ces individus se groupent pour constituer
de
nouvelles communautés (les thiases) comparables à la cité au sens mod
461
erne. Alors que la tribu était liée par des liens
d’
origine — le sang, la famille — la cité est fondée sur l’intérêt commu
462
térêt commun et les contrats. Alors que la morale
de
la tribu dicte des devoirs sacrés, dans la cité on parle de droits. T
463
u dicte des devoirs sacrés, dans la cité on parle
de
droits. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière
464
dans la cité on parle de droits. Tous les membres
de
la tribu devaient agir de la même manière minutieusement prescrite pa
465
roits. Tous les membres de la tribu devaient agir
de
la même manière minutieusement prescrite par les usages, et toute con
466
chacun cherche à se distinguer. On met son point
d’
honneur à faire mieux que le voisin, ou tout au moins à faire autremen
467
utonome et conscient. La définition la plus noble
de
l’individu nous est fournie à ce moment par Socrate, lorsqu’il nous d
468
is-toi toi-même, c’est-à-dire : prends conscience
de
ton existence individuelle, libère-toi des déterminations sacrées et
469
eut-être peut-on rapprocher cette tendance morale
de
celle qui poussa les physiciens de la Grèce à créer la notion d’atome
470
endance morale de celle qui poussa les physiciens
de
la Grèce à créer la notion d’atome, les philosophes à formuler le pri
471
ussa les physiciens de la Grèce à créer la notion
d’
atome, les philosophes à formuler le principe d’individuation, les lég
472
n d’atome, les philosophes à formuler le principe
d’
individuation, les législateurs et les artistes à concentrer leur atte
473
attention sur l’homme et son destin particulier.
D’
où le héros, d’où la statue, d’où le tragique (Antigone s’opposant aux
474
l’homme et son destin particulier. D’où le héros,
d’
où la statue, d’où le tragique (Antigone s’opposant aux décisions sacr
475
estin particulier. D’où le héros, d’où la statue,
d’
où le tragique (Antigone s’opposant aux décisions sacrées de l’État) ;
476
agique (Antigone s’opposant aux décisions sacrées
de
l’État) ; — d’où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade cou
477
e s’opposant aux décisions sacrées de l’État) ; —
d’
où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de
478
décisions sacrées de l’État) ; — d’où les notions
de
gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu
479
rées de l’État) ; — d’où les notions de gloire et
de
record. Et Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu’on parle de
480
gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue
de
son chien pour qu’on parle de lui, qu’on le distingue… C’est là encor
481
iade coupe la queue de son chien pour qu’on parle
de
lui, qu’on le distingue… C’est là encore une assez bonne définition d
482
ingue… C’est là encore une assez bonne définition
de
l’individu. Toutefois, ce mouvement centrifuge, par rapport à la comm
483
mouvement centrifuge, par rapport à la communauté
d’
origine, s’il se confond d’abord, soulignons-le, avec l’intelligence e
484
duit fatalement ce que j’appellerais un sentiment
de
vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à u
485
rais un sentiment de vide social. C’est une sorte
d’
angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus s
486
e vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse
d’
où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus solide, où l’individ
487
Empire romain qui nous donnera le symbole éternel
de
cette réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce, symboliq
488
éternel de cette réaction collective. La victoire
de
Rome sur la Grèce, symboliquement interprétée, c’est la victoire de l
489
ce, symboliquement interprétée, c’est la victoire
de
l’étatisme sur l’individualisme social. L’État romain, rural et milit
490
son appareil rigide, devait fatalement triompher
d’
une Grèce que nous dirions « atomisée ». Le vide social créé par l’ind
491
bureaucratie, sa police, fonctionnera d’ailleurs
d’
autant plus facilement qu’il n’aura plus affaire qu’à une poussière d’
492
ment qu’il n’aura plus affaire qu’à une poussière
d’
individus déracinés, n’offrant plus de résistance appréciable. Vous vo
493
e poussière d’individus déracinés, n’offrant plus
de
résistance appréciable. Vous voyez qu’entre individualisme et dictatu
494
pposition n’est qu’apparente : en réalité, il y a
de
l’un à l’autre un lien de cause à effet ou plus exactement, de succes
495
te : en réalité, il y a de l’un à l’autre un lien
de
cause à effet ou plus exactement, de succession fatale. L’individu ne
496
utre un lien de cause à effet ou plus exactement,
de
succession fatale. L’individu ne s’oppose à l’État qu’à la manière do
497
gards, l’étatisme ne fait qu’achever le processus
de
dissolution sociale commencé par l’individualisme. L’individu s’était
498
structure organique ne s’oppose plus à son action
d’
unification, de « mise au pas ». C’est avec la poussière des individus
499
ique ne s’oppose plus à son action d’unification,
de
« mise au pas ». C’est avec la poussière des individus que l’État fer
500
éraciner pour mieux discipliner, cela seul permet
de
constituer un bloc puissant vis-à-vis de l’extérieur ; un bloc qui pr
501
à-vis de l’extérieur ; un bloc qui prend l’allure
d’
une armée. Le vice d’un tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu t
502
; un bloc qui prend l’allure d’une armée. Le vice
d’
un tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu toutes les initiatives
503
tes, et qu’il finit par s’effondrer sous le poids
de
son appareil dévorateur. Et cela ne manque pas de se produire lorsque
504
de son appareil dévorateur. Et cela ne manque pas
de
se produire lorsque la majorité des citoyens se trouve réduite à l’ét
505
majorité des citoyens se trouve réduite à l’état
de
fonctionnaires ou de soldats. C’est l’histoire de la décadence de Rom
506
s se trouve réduite à l’état de fonctionnaires ou
de
soldats. C’est l’histoire de la décadence de Rome. Le type d’homme qu
507
de fonctionnaires ou de soldats. C’est l’histoire
de
la décadence de Rome. Le type d’homme que suppose l’État romain, c’es
508
s ou de soldats. C’est l’histoire de la décadence
de
Rome. Le type d’homme que suppose l’État romain, c’est donc l’individ
509
C’est l’histoire de la décadence de Rome. Le type
d’
homme que suppose l’État romain, c’est donc l’individu embrigadé, le f
510
rsona. Ce mot qui désignait à l’origine le masque
de
l’acteur, signifiera bientôt le « rôle » que joue le citoyen. Dans l’
511
esclaves, par exemple, qui forment les deux tiers
de
la population, ne sont pas des personnes, puisqu’ils ne jouent pas de
512
sont pas des personnes, puisqu’ils ne jouent pas
de
rôle dans les rouages de l’État. Il est important de rappeler ce sens
513
puisqu’ils ne jouent pas de rôle dans les rouages
de
l’État. Il est important de rappeler ce sens romain du mot personne.
514
rôle dans les rouages de l’État. Il est important
de
rappeler ce sens romain du mot personne. Je le traduirais volontiers
515
uirais volontiers en langage moderne par le terme
de
milicien ou de soldat politique. Nous allons le voir se transformer s
516
rs en langage moderne par le terme de milicien ou
de
soldat politique. Nous allons le voir se transformer substantiellemen
517
ocabulaire chrétien. Car voici le moment décisif
de
notre histoire. La Grèce individualiste a triomphé de la communauté b
518
otre histoire. La Grèce individualiste a triomphé
de
la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a sombré dans l’an
519
te. Quelle sera la nouvelle société ? En ce point
de
l’évolution, dans cette angoisse, deux solutions paraissent possibles
520
ecréer la communauté primitive, à base de sang et
de
liens sacrés : c’est une régression vers la barbarie, mais qui flatte
521
isfait le rêve nostalgique du retour à la nature,
d’
une fraternité plus charnelle, d’une communion avec la masse dans le m
522
our à la nature, d’une fraternité plus charnelle,
d’
une communion avec la masse dans le mystère des origines : souvenirs,
523
ai une communauté régressive. L’autre possibilité
de
communauté, c’est celle qu’imagine l’être spirituel. C’est l’espoir d
524
celle qu’imagine l’être spirituel. C’est l’espoir
d’
une société d’un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur l
525
ne l’être spirituel. C’est l’espoir d’une société
d’
un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur les contraintes
526
lois, mais sur l’attente commune et enthousiaste
d’
un au-delà libérateur. Ce n’est plus le rêve du retour aux origines, c
527
lus le rêve du retour aux origines, c’est le rêve
d’
un avenir éternel, d’une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attent
528
aux origines, c’est le rêve d’un avenir éternel,
d’
une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’une communauté pr
529
éternel, d’une révélation inouïe. Il s’agit donc
de
l’attente d’une communauté progressive. La réalisation historique de
530
ne révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente
d’
une communauté progressive. La réalisation historique de la première p
531
communauté progressive. La réalisation historique
de
la première possibilité s’est amorcée dès la fin de la République rom
532
la première possibilité s’est amorcée dès la fin
de
la République romaine, quand le César est devenu un dieu. Et c’est l’
533
and le César est devenu un dieu. Et c’est l’échec
de
cette religion d’État, confondu avec l’échec plus général d’une socié
534
evenu un dieu. Et c’est l’échec de cette religion
d’
État, confondu avec l’échec plus général d’une société bureaucratisée,
535
ligion d’État, confondu avec l’échec plus général
d’
une société bureaucratisée, qui a permis et préparé le triomphe du chr
536
Mais je demeure persuadé que la seule possibilité
d’
une communauté progressive n’eût pas suffi à éveiller la volonté de la
537
progressive n’eût pas suffi à éveiller la volonté
de
la réaliser et de la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait h
538
pas suffi à éveiller la volonté de la réaliser et
de
la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’un a
539
r la volonté de la réaliser et de la faire sortir
de
l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’un acte vînt transforme
540
dynamique. Et ce fait, c’est l’événement central
de
toute l’Histoire, la seule nouveauté absolue de tous les temps : l’in
541
l de toute l’Histoire, la seule nouveauté absolue
de
tous les temps : l’incarnation de Dieu dans l’homme fondant une socié
542
uveauté absolue de tous les temps : l’incarnation
de
Dieu dans l’homme fondant une société absolument nouvelle : l’Église.
543
ace ici ? C’est une communauté spirituelle formée
d’
un grand nombre de petites communautés locales, que l’on pourrait appe
544
e communauté spirituelle formée d’un grand nombre
de
petites communautés locales, que l’on pourrait appeler d’un terme mod
545
es communautés locales, que l’on pourrait appeler
d’
un terme moderne : des cellules. Ces communautés ne sont pas fondées s
546
», écrit saint Paul. Elles ne tiennent compte ni
de
la race, ni des traditions, ni du rang social : on y trouve des escla
547
as terrestre : il s’est assis au Ciel à la droite
de
Dieu. Leurs ambitions non plus ne sont pas terrestres, car ce qu’elle
548
autés étranges constituent bel et bien les germes
d’
une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chef
549
ielle, mais ils y trouvent aussi des possibilités
de
servir leurs frères. Ils se voient donc libérés, et du même coup enga
550
ns un corps social nouveau. Prenons le cas social
de
l’esclave qui devient chrétien. Alors que l’État romain lui déniait t
551
t spontanée, l’Église lui rend sa dignité humaine
d’
individu et son rôle actif de persona. Spirituellement, il se produit
552
d sa dignité humaine d’individu et son rôle actif
de
persona. Spirituellement, il se produit un phénomène parallèle : le p
553
païen qui se convertit se voit d’une part racheté
de
son péché ; et d’autre part, il reçoit une mission nouvelle, une voca
554
ement et socialement, l’Église est une communauté
d’
hommes qui sont à la fois libres et engagés. Libérés par Celui qui les
555
uisqu’ils traduisent deux aspects complémentaires
d’
une seule et même réalité : la conversion. Tel est l’homme neuf, créé
556
as l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage
de
servir que de se distinguer. Et ce n’est pas non plus la persona du d
557
grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que
de
se distinguer. Et ce n’est pas non plus la persona du droit romain, p
558
i a une vocation possède une dignité indépendante
de
son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou plu
559
le Père, le Fils et le Saint-Esprit, les docteurs
de
l’Église grecque avaient adopté le terme romain de persona. C’est ce
560
e l’Église grecque avaient adopté le terme romain
de
persona. C’est ce même terme qui va servir aux premiers philosophes c
561
miers philosophes chrétiens à désigner la réalité
de
l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme, lui aussi, se trou
562
mot avec son sens nouveau, et la réalité sociale
de
la personne, sont bel et bien des créations chrétiennes ou, pour mieu
563
ns chrétiennes ou, pour mieux dire, des créations
de
l’Église chrétienne. Voici donc définis par leurs origines, et dans
564
et dans leur genèse historique, les maîtres mots
de
notre conception occidentale de l’homme : l’individu et la personne.
565
les maîtres mots de notre conception occidentale
de
l’homme : l’individu et la personne. Et vous voyez que la distinction
566
inction entre ces deux vocables si courants, loin
d’
être une querelle byzantine, ne traduit rien de moins, dans les débuts
567
in d’être une querelle byzantine, ne traduit rien
de
moins, dans les débuts, que la distinction entre l’homme naturel et l
568
nt posées, faisons dans nos pensées un petit saut
de
quelques siècles, pour retomber tout à la fois dans l’époque de la Ré
569
ècles, pour retomber tout à la fois dans l’époque
de
la Réformation et dans le sujet précis qui nous occupe. L’Église des
570
es premiers siècles a repris peu à peu l’héritage
de
l’Empire romain. Elle s’est peu à peu substituée aux cadres sclérosés
571
aux cadres sclérosés du vieux régime. La capitale
de
l’Empire d’Occident, ses hiérarchies, sa centralisation, sa structure
572
clérosés du vieux régime. La capitale de l’Empire
d’
Occident, ses hiérarchies, sa centralisation, sa structure unitaire, c
573
mes liturgiques, tout cela fait partie intégrante
de
la chrétienté médiévale. Or, cette collusion peut-être inévitable de
574
diévale. Or, cette collusion peut-être inévitable
de
l’Église et de l’Empire temporel, recréa, tout au long du Moyen Âge,
575
tte collusion peut-être inévitable de l’Église et
de
l’Empire temporel, recréa, tout au long du Moyen Âge, une sorte de co
576
rel, recréa, tout au long du Moyen Âge, une sorte
de
communauté sacrée, de société sacrale d’allure collectiviste. Il fall
577
ong du Moyen Âge, une sorte de communauté sacrée,
de
société sacrale d’allure collectiviste. Il fallait le prévoir. En eff
578
ne sorte de communauté sacrée, de société sacrale
d’
allure collectiviste. Il fallait le prévoir. En effet, la personne chr
579
En effet, la personne chrétienne était une sorte
de
paradoxe : elle unissait l’individu libre et la persona ou fonction s
580
mmunauté fondée sur la personne courait le danger
d’
une double déviation : d’une part vers l’individualisme, d’autre part
581
le et collective. » C’est-à-dire que la collusion
de
l’Église et du pouvoir politique tendait à opprimer la liberté de la
582
u pouvoir politique tendait à opprimer la liberté
de
la personne, en absorbant celle-ci de plus en plus dans des engagemen
583
situation quelque peu analogue à celle des débuts
de
la Grèce, en ce sens qu’une révolte de l’individu ne tarde pas à se m
584
des débuts de la Grèce, en ce sens qu’une révolte
de
l’individu ne tarde pas à se manifester. Cette révolte, c’est la Rena
585
r quelques traits qui rappelleront ma description
de
la Grèce individualiste. L’individu de la Renaissance est d’abord un
586
escription de la Grèce individualiste. L’individu
de
la Renaissance est d’abord un révolté qui oppose ses besoins propres
587
qui oppose ses besoins propres aux dogmes sacrés
de
la collectivité. Il revendique le droit de discuter, c’est-à-dire le
588
sacrés de la collectivité. Il revendique le droit
de
discuter, c’est-à-dire le libre examen de toutes choses. Il est assoi
589
e droit de discuter, c’est-à-dire le libre examen
de
toutes choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse, de sa propre
590
le libre examen de toutes choses. Il est assoiffé
de
gloire et de richesse, de sa propre gloire et de sa propre richesse,
591
en de toutes choses. Il est assoiffé de gloire et
de
richesse, de sa propre gloire et de sa propre richesse, fussent-elles
592
choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse,
de
sa propre gloire et de sa propre richesse, fussent-elles acquises aux
593
de gloire et de richesse, de sa propre gloire et
de
sa propre richesse, fussent-elles acquises aux dépens de sa famille e
594
ussent-elles acquises aux dépens de sa famille et
de
sa cité, aux dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre de crime
595
pens de sa famille et de sa cité, aux dépens même
de
la vie d’autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Itali
596
famille et de sa cité, aux dépens même de la vie
d’
autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Italie du xve
597
x dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre
de
crimes furent commis dans l’Italie du xve siècle à seule fin de s’ac
598
t commis dans l’Italie du xve siècle à seule fin
de
s’acquérir de la renommée. Et les pirates siciliens, fondateurs du ca
599
l’Italie du xve siècle à seule fin de s’acquérir
de
la renommée. Et les pirates siciliens, fondateurs du capitalisme comm
600
cial, sont souvent cités comme les premiers types
d’
individus au sens moderne. Nous retrouvons ici cette liaison mystérieu
601
ici cette liaison mystérieuse entre la naissance
de
l’individu et le crime social. Enfin l’individu de la Renaissance se
602
e l’individu et le crime social. Enfin l’individu
de
la Renaissance se livre à une activité toute nouvelle : l’expérimenta
603
érimentation scientifique libre. Tout cela relève
d’
une seule et même volonté : celle de profaner le sacré collectif et se
604
t cela relève d’une seule et même volonté : celle
de
profaner le sacré collectif et ses tabous, afin de s’affirmer libre e
605
sabilité par rapport à la société. Qu’il s’agisse
de
libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesses ou d’expér
606
ort à la société. Qu’il s’agisse de libre examen,
de
crimes, de soif de gloire et de richesses ou d’expériences telles que
607
ciété. Qu’il s’agisse de libre examen, de crimes,
de
soif de gloire et de richesses ou d’expériences telles que la dissect
608
u’il s’agisse de libre examen, de crimes, de soif
de
gloire et de richesses ou d’expériences telles que la dissection du c
609
de libre examen, de crimes, de soif de gloire et
de
richesses ou d’expériences telles que la dissection du corps humain,
610
, de crimes, de soif de gloire et de richesses ou
d’
expériences telles que la dissection du corps humain, c’est toujours u
611
te une réaction inévitable à la déviation romaine
de
la communauté catholique. Entre ces deux déviations, contre l’oppress
612
ntre l’oppression collective et contre la révolte
de
l’individu, ce qui va se dresser pour proclamer les droits et les dev
613
dresser pour proclamer les droits et les devoirs
de
la personne chrétienne — c’est la Réforme. Nous touchons au cœur même
614
ersonnaliste. Bien au contraire : je vais essayer
de
vous montrer ce que pourrait être et devrait être un personnalisme in
615
ait être et devrait être un personnalisme inspiré
de
la Réforme. Calvin ni Luther n’ont parlé de la personne en soi. Ils n
616
spiré de la Réforme. Calvin ni Luther n’ont parlé
de
la personne en soi. Ils n’ont pas fait une théorie personnaliste, ils
617
ême pas avoir entrevu la possibilité ou l’intérêt
d’
un tel problème. Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou de
618
un tel problème. Mais ils ne parlent pas non plus
de
l’individu ou de la collectivité, et cependant toutes les réalités qu
619
Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou
de
la collectivité, et cependant toutes les réalités que désignent ces t
620
mes sont présentes, et sont en conflit à l’époque
de
la Réforme. Essayons de les dégager sommairement. Le but unique des r
621
ont en conflit à l’époque de la Réforme. Essayons
de
les dégager sommairement. Le but unique des réformateurs était de res
622
ommairement. Le but unique des réformateurs était
de
restaurer la fidélité de l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’o
623
e des réformateurs était de restaurer la fidélité
de
l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis d’être présentés
624
de restaurer la fidélité de l’Église à la Parole
de
Dieu. Jamais ils n’ont admis d’être présentés comme des novateurs. «
625
glise à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis
d’
être présentés comme des novateurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit
626
teurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit Calvin,
de
ne pas mettre nos opinions personnelles à la place de l’exposition si
627
elles à la place de l’exposition simple et fidèle
de
la pure Parole de Dieu. » Du point de vue qui nous intéresse ici, je
628
e l’exposition simple et fidèle de la pure Parole
de
Dieu. » Du point de vue qui nous intéresse ici, je dirai que l’œuvre
629
vue qui nous intéresse ici, je dirai que l’œuvre
de
Calvin a consisté essentiellement à restaurer la doctrine de l’Église
630
consisté essentiellement à restaurer la doctrine
de
l’Église, de même qu’elle a consisté accidentellement, sur le plan po
631
ouvoir temporel. L’anarchisme, c’était la révolte
de
la Renaissance, et les sectes d’illuminés, c’est-à-dire l’individuali
632
était la révolte de la Renaissance, et les sectes
d’
illuminés, c’est-à-dire l’individualisme social et religieux. Calvin c
633
nt pour rembarrer ces deux vices, toute la pureté
de
la foi serait confuse. » L’Église primitive était une communauté spir
634
Église primitive était une communauté spirituelle
de
personnes, d’hommes nouveaux, à la fois libres et engagés, constituan
635
ve était une communauté spirituelle de personnes,
d’
hommes nouveaux, à la fois libres et engagés, constituant une multitud
636
fois libres et engagés, constituant une multitude
de
communautés locales. Telles seront à nouveau les Églises réformées. P
637
les seront à nouveau les Églises réformées. Point
de
centralisation, point de capitale, point d’unification formelle et fo
638
Églises réformées. Point de centralisation, point
de
capitale, point d’unification formelle et forcée. Dès le début, la Ré
639
Point de centralisation, point de capitale, point
d’
unification formelle et forcée. Dès le début, la Réforme considère com
640
ont des députés à des synodes, et il n’y aura pas
de
pape pour unifier temporellement toutes ces cellules vivantes, autono
641
l’Église nous apparaît, selon les propres termes
de
Calvin, dans la diversité « des Églises et des personnes particulière
642
à-dire des vocations particulières. Avec ce terme
de
vocation, Calvin n’ajoute rien à la réalité de l’homme chrétien, du m
643
me de vocation, Calvin n’ajoute rien à la réalité
de
l’homme chrétien, du membre de l’Église, mais il apporte une précisio
644
rien à la réalité de l’homme chrétien, du membre
de
l’Église, mais il apporte une précision capitale à la définition de l
645
il apporte une précision capitale à la définition
de
la personne. À tel point que je dirais volontiers que la définition p
646
e dirais volontiers que la définition protestante
de
la personne, c’est la vocation. La persona romaine, c’était le rôle j
647
c’était le rôle joué par un individu dans le plan
de
l’État. La personne chrétienne, ce sera le rôle que Dieu attribue à c
648
ien que nous retrouvons ici le paradoxe essentiel
de
la personne : à la fois libre et engagée, distincte et reliée à nouve
649
communication avec son prochain. Ainsi la dignité
de
chaque individu est garantie non pas du seul fait qu’il existe physiq
650
fait qu’il peut incarner une volonté particulière
de
Dieu. Et dès lors, cet homme n’a pas seulement le droit d’être respec
651
Et dès lors, cet homme n’a pas seulement le droit
d’
être respecté par l’État, il a surtout le devoir d’agir, en tant qu’il
652
’être respecté par l’État, il a surtout le devoir
d’
agir, en tant qu’il est chargé d’une responsabilité unique dans la soc
653
urtout le devoir d’agir, en tant qu’il est chargé
d’
une responsabilité unique dans la société, à sa juste place. Notons qu
654
igure en particulier dans le serment des pasteurs
de
Genève, et dont l’actualité vous frappera certainement. « Je promets,
655
ppera certainement. « Je promets, dit le pasteur,
de
servir la Seigneurie et le peuple de telle manière que par cela je ne
656
le pasteur, de servir la Seigneurie et le peuple
de
telle manière que par cela je ne sois nullement empêché de rendre à D
657
manière que par cela je ne sois nullement empêché
de
rendre à Dieu le service que je lui dois par ma vocation. » C’est à m
658
onstitutionnel existant, qui puisse être qualifié
de
personnaliste, au sens précis où je l’entends. Diversité des Églises
659
je l’entends. Diversité des Églises, fédération
de
ces diversités, multiplicité des vocations personnelles : tout cela,
660
i. Mais il était inévitable et normal que ce type
de
relations influençât peu à peu toutes les autres relations humaines,
661
culier les relations politiques. Toute l’histoire
de
l’Europe serait à refaire à partir de cette constatation : que les fo
662
exemples. Quelle fut donc la traduction politique
de
la doctrine calvinienne de l’Église et des vocations personnelles ? J
663
a traduction politique de la doctrine calvinienne
de
l’Église et des vocations personnelles ? Je n’hésite pas à le dire :
664
ils le purent, proposèrent au contraire des plans
d’
allure et d’intention nettement fédéralistes. L’absolutisme, la confus
665
t, proposèrent au contraire des plans d’allure et
d’
intention nettement fédéralistes. L’absolutisme, la confusion des pouv
666
ébrera « la France toute catholique sous le règne
de
Louis le Grand », c’est-à-dire la France « mise au pas » par l’homme
667
, centralisée, déjà presque totalitaire, et vidée
de
ses meilleures forces créatrices. Mais dès que le parti protestant re
668
oute différente. Il ne tombe jamais dans le piège
d’
opposer à l’absolutisme romain un absolutisme réformé. Au contraire. Q
669
absolutisme réformé. Au contraire. Qu’il s’agisse
de
la Transylvanie convertie au calvinisme et qui devient l’âme de la ré
670
anie convertie au calvinisme et qui devient l’âme
de
la résistance au centralisme des Habsbourg, qu’il s’agisse des Provin
671
ies des Pays-Bas ; qu’il s’agisse des fédérations
de
défense constituées par les huguenots ; ou de nos jours, bien que d’u
672
ons de défense constituées par les huguenots ; ou
de
nos jours, bien que d’une manière plus vague, des États-Unis d’Amériq
673
ées par les huguenots ; ou de nos jours, bien que
d’
une manière plus vague, des États-Unis d’Amérique et de l’Empire angla
674
manière plus vague, des États-Unis d’Amérique et
de
l’Empire anglais avec ses libres dominions, — partout l’on voit les p
675
s, c’est-à-dire fédéraliste. Les synodes réformés
de
France, vers la fin du xvie siècle, préconisèrent à plusieurs repris
676
e, préconisèrent à plusieurs reprises des projets
d’
organisation fédérative du Royaume, avec large autonomie des communes
677
emier, sous Henry IV, conçut le « Grand Dessein »
d’
une fédération européenne ? Certes, les historiens attribuent à ces fa
678
t dans les petits États qui éprouvaient le besoin
de
se fédérer contre l’Empire et contre Rome, et cela se vérifie souvent
679
siècle. Mais je maintiens que la cause profonde
de
la tendance fédéraliste protestante jusqu’à nos jours, est d’ordre pr
680
ce fédéraliste protestante jusqu’à nos jours, est
d’
ordre proprement spirituel. C’est bien le même état d’esprit qui expli
681
ne va pas sans l’autre. Nous pouvons le vérifier
d’
une autre manière encore. Qui dit respect des personnes, dit préoccupa
682
Qui dit respect des personnes, dit préoccupation
de
les éduquer. Et vous savez que les problèmes d’éducation furent dès l
683
n de les éduquer. Et vous savez que les problèmes
d’
éducation furent dès le début le grand souci des réformés. Calvin fond
684
grand souci des réformés. Calvin fonde le Collège
de
Genève en pleine période de guerre, dans une ville assiégée. Par cont
685
lvin fonde le Collège de Genève en pleine période
de
guerre, dans une ville assiégée. Par contre, on sait que les jésuites
686
ocations chez leurs élèves… Mais je m’en voudrais
d’
insister sur cet exemple qui me ferait la part trop belle. Contentons-
687
qui me ferait la part trop belle. Contentons-nous
de
le poser comme un repère. Ce que je voulais dégager, c’est que la doc
688
e l’État lui-même, dans certains cas, par le fait
de
sa vocation. C’est à cause de sa vocation qu’il est à la fois libre e
689
le paradoxe politique du fédéralisme : la liberté
de
chacun dans une action commune, l’équilibre vivant des tons complémen
690
intenant que voici définies, ou plutôt illustrées
d’
exemples historiques, certaines notions fondamentales telles que l’ind
691
et l’histoire présente. Car en définitive, c’est
de
cela qu’il s’agit. L’histoire n’est jamais qu’un tremplin pour mieux
692
is qu’un tremplin pour mieux sauter en plein cœur
de
l’actuel. Comment situer dans l’Europe d’aujourd’hui les positions ci
693
in cœur de l’actuel. Comment situer dans l’Europe
d’
aujourd’hui les positions civiques de la Réforme et sa morale personna
694
ans l’Europe d’aujourd’hui les positions civiques
de
la Réforme et sa morale personnaliste ? Calvin, vous le savez, ne s’e
695
Calvin, vous le savez, ne s’est jamais préoccupé
de
la forme des gouvernements. Il insiste à maintes reprises sur le fait
696
oligarchies et républiques sont également voulues
de
Dieu et doivent être obéies comme telles. Une fois cependant il marqu
697
Une fois cependant il marque une préférence, mais
de
l’ordre le plus général. C’est lorsqu’il écrit : « Le meilleur état d
698
néral. C’est lorsqu’il écrit : « Le meilleur état
de
gouvernement est celui-là où il y a une liberté bien tempérée et pour
699
durer longuement. » Il me semble que le spectacle
de
l’Europe contemporaine donne raison au réformateur. Et je ne crois pa
700
ajoutant cette précision : ce n’est pas la forme
d’
un État qui compte, mais bien la condition qu’il ménage à l’Église, et
701
n la condition qu’il ménage à l’Église, et l’idée
de
l’homme qu’il suppose. C’est en nous plaçant à ce double point de vue
702
nous plaçant à ce double point de vue : condition
de
l’Église et condition de l’homme, que nous pourrons le mieux départag
703
point de vue : condition de l’Église et condition
de
l’homme, que nous pourrons le mieux départager les deux groupes de ré
704
ous pourrons le mieux départager les deux groupes
de
régimes qui s’affrontent aujourd’hui. Le premier groupe est celui des
705
Église et la personne. Nous y trouvons des formes
de
gouvernement aussi disparates que possible : d’abord les cinq monarch
706
e bloc des trois États totalitaires, — que menace
de
rejoindre l’Espagne. Laissons de côté les différences politiques que
707
es, — que menace de rejoindre l’Espagne. Laissons
de
côté les différences politiques que l’on pourrait marquer entre ces t
708
que ces différences, qui ne le voit, s’atténuent
d’
année en année. Ce qu’il nous importe de souligner ce soir, ce sont de
709
atténuent d’année en année. Ce qu’il nous importe
de
souligner ce soir, ce sont deux traits évidemment communs à ces régim
710
assez forts pour lever le masque, et leur mépris
de
la personne. Voici, à mon avis, les causes de ces deux phénomènes. En
711
ris de la personne. Voici, à mon avis, les causes
de
ces deux phénomènes. En Russie, en Allemagne, à Rome et en Espagne, l
712
tre l’Église et l’État n’avait jamais été établie
d’
une manière satisfaisante. Le tsar par exemple, était à la fois chef d
713
r exemple, était à la fois chef de l’État et chef
de
l’Église : c’est ce qu’on nomme le césaropapisme. D’autre part, ses d
714
rés divers, et pour mille raisons très complexes,
de
l’un ou l’autre de ces maux. La coupure entre le spirituel et le temp
715
mille raisons très complexes, de l’un ou l’autre
de
ces maux. La coupure entre le spirituel et le temporel n’y était pas
716
donc fatalement s’attaquer à l’autre. Et le chef
de
la révolution triomphante dans chacun de ces pays, se trouvait comme
717
le chef de la révolution triomphante dans chacun
de
ces pays, se trouvait comme contraint par le sentiment général de rep
718
trouvait comme contraint par le sentiment général
de
reprendre à son compte à la fois l’autorité d’un chef d’Église et le
719
al de reprendre à son compte à la fois l’autorité
d’
un chef d’Église et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’une Ré
720
endre à son compte à la fois l’autorité d’un chef
d’
Église et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’une Révolution c
721
fois l’autorité d’un chef d’Église et le pouvoir
d’
un chef d’État. Chacun sait qu’une Révolution copie toujours inconscie
722
césaropapistes comme les régimes qu’ils venaient
d’
abattre, mais beaucoup plus rigoureusement, car la religion dont ils é
723
ion dont ils étaient les chefs était une religion
de
guerre, possédant toute la virulence des corps chimiques à l’état nai
724
s à l’état naissant. D’autre part, l’instauration
de
ces régimes tyranniques fut largement facilitée, et même appelée, par
725
et même appelée, par l’absence dans tous ces pays
d’
élites civiques conscientes de leur mission. Dans un essai publié en 1
726
dans tous ces pays d’élites civiques conscientes
de
leur mission. Dans un essai publié en 1928, et intitulé L’Espagne inv
727
beaucoup de points, écrit-il, elles offrent ceci
de
commun qu’elles souffrent toutes les deux d’un manque évident et perm
728
ceci de commun qu’elles souffrent toutes les deux
d’
un manque évident et permanent d’individualités marquantes, … de perso
729
toutes les deux d’un manque évident et permanent
d’
individualités marquantes, … de personnalités autonomes. » Et de la so
730
ident et permanent d’individualités marquantes, …
de
personnalités autonomes. » Et de la sorte, Ortega laisse entendre que
731
és marquantes, … de personnalités autonomes. » Et
de
la sorte, Ortega laisse entendre que le destin de ces pays, du fait d
732
de la sorte, Ortega laisse entendre que le destin
de
ces pays, du fait de ce qu’il nomme « l’absence des meilleurs », ne s
733
aisse entendre que le destin de ces pays, du fait
de
ce qu’il nomme « l’absence des meilleurs », ne saurait être que l’abs
734
utre part il a toujours favorisé le développement
de
la personne et donc la formation d’élites civiques actives et respons
735
développement de la personne et donc la formation
d’
élites civiques actives et responsables, on comprendra sans peine le f
736
jamais été signalé : c’est qu’il existe une forme
de
fascisme correspondant à la Russie orthodoxe, une autre correspondant
737
ts calvinistes, même laïcisés, comme c’est le cas
de
la France sous la Troisième République. Cela ne signifie pas, bien en
738
l reste dans le pays une empreinte césaropapiste,
d’
où l’État totalitaire. Mais lorsque le calvinisme cesse d’être une foi
739
tat totalitaire. Mais lorsque le calvinisme cesse
d’
être une foi vivante, il laisse derrière lui une empreinte tout à fait
740
une empreinte tout à fait différente : une espèce
d’
individualisme. Nous aurons l’occasion d’y revenir tout à l’heure. Car
741
e espèce d’individualisme. Nous aurons l’occasion
d’
y revenir tout à l’heure. Car en effet, une opposition aussi radicale
742
bien, une description désintéressée et académique
de
divers régimes également soutenables dans l’abstrait. Je considère l’
743
ises. Je considère que nous n’avons plus le droit
de
l’étudier en curieux, en théoriciens ou en opportunistes, comme certa
744
ns qui se demandent encore, par exemple, s’il est
de
gauche ou de droite, alors qu’il est du diable, et que c’est en chrét
745
andent encore, par exemple, s’il est de gauche ou
de
droite, alors qu’il est du diable, et que c’est en chrétiens que nous
746
nous est déclarée. Or le meilleur, le seul moyen
de
se défendre — surtout quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est
747
se défendre — surtout quand il s’agit des choses
de
l’esprit — c’est de connaître l’adversaire afin de reconnaître et de
748
ut quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est
de
connaître l’adversaire afin de reconnaître et de tuer les plus secrèt
749
de connaître l’adversaire afin de reconnaître et
de
tuer les plus secrètes complicités qu’il a su ménager dans nos cœurs.
750
en est temps, des déviations qui feraient le jeu
de
l’ennemi. Connaître la doctrine de l’homme fasciste, c’est définir du
751
eraient le jeu de l’ennemi. Connaître la doctrine
de
l’homme fasciste, c’est définir du même coup certains dangers qui men
752
s dangers qui menacent en permanence notre morale
de
la personne. Je vais le montrer par deux exemples dont j’essaierai de
753
ais le montrer par deux exemples dont j’essaierai
de
tirer des conclusions pratiques. Quelle est la condition faite à l’É
754
première question est capitale. Car la politique
d’
un régime est toujours étroitement dépendante de l’attitude qu’il pren
755
e d’un régime est toujours étroitement dépendante
de
l’attitude qu’il prend vis-à-vis de l’Église et du fait religieux en
756
ne religion politique, ou encore en une politique
d’
allure religieuse. Et d’autant plus que la religion qu’il adopte est,
757
u encore en une politique d’allure religieuse. Et
d’
autant plus que la religion qu’il adopte est, comme dans le cas des fa
758
cas des fascismes et du communisme, une religion
de
l’ici-bas, une religion sans transcendance, une religion dont les but
759
ent terrestres ne divergent plus du tout des buts
de
la politique, et même se confondent avec eux. Alors il n’y a plus de
760
même se confondent avec eux. Alors il n’y a plus
de
recours, plus de pardon à espérer : la communauté spirituelle ne peut
761
nt avec eux. Alors il n’y a plus de recours, plus
de
pardon à espérer : la communauté spirituelle ne peut pas en appeler à
762
tique religieuse du fascisme, a créé le type même
d’
une communauté régressive, c’est-à-dire d’une communauté fondée sur le
763
pe même d’une communauté régressive, c’est-à-dire
d’
une communauté fondée sur le passé : le sang, la race, la tradition, l
764
on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’est pas
de
sang aryen, par exemple — car cette religion n’admet pas que « les ch
765
es choses vieilles sont passées » selon la parole
de
l’Apôtre. Elle n’admet pas la conversion spirituelle, à partir de laq
766
quels sont tes morts ? Religion du sang, religion
de
la terre et des morts, religion sanglante et mortelle, religion des c
767
des morts, des cortèges funèbres, des cérémonies
d’
imprécations, des sacrifices propitiatoires, le tam-tam des tambours l
768
propitiatoires, le tam-tam des tambours lugubres,
d’
hallucinants sabbats de nègres blancs ! Qui oserait encore nous souten
769
tam des tambours lugubres, d’hallucinants sabbats
de
nègres blancs ! Qui oserait encore nous soutenir que ce délire représ
770
s le pardon, le futur éternel, le rachat du péché
d’
origine ? À nous maintenant de rester vigilants, exigeants et vigilant
771
le rachat du péché d’origine ? À nous maintenant
de
rester vigilants, exigeants et vigilants, même et surtout sur des poi
772
urtout sur des points qui paraissent actuellement
de
peu d’importance. Par exemple : partout où l’on exalte ici, chez nous
773
sur des points qui paraissent actuellement de peu
d’
importance. Par exemple : partout où l’on exalte ici, chez nous, la ve
774
rts sacrés, même s’il s’agit, comme c’est le cas,
de
métaphores anodines, d’éloquence de tir fédéral, de développements ly
775
agit, comme c’est le cas, de métaphores anodines,
d’
éloquence de tir fédéral, de développements lyriques sur les ossements
776
c’est le cas, de métaphores anodines, d’éloquence
de
tir fédéral, de développements lyriques sur les ossements sacrés des
777
métaphores anodines, d’éloquence de tir fédéral,
de
développements lyriques sur les ossements sacrés des héros suisses, s
778
uisses, sachons reconnaître les premières racines
de
quelque chose qu’il ne faut pas laisser grandir. On nous parle, avec
779
s parle, avec les meilleures intentions du monde,
d’
une défense spirituelle du pays. Et je suis le premier à l’approuver.
780
’on fonde cette défense spirituelle sur la notion
de
« Suisse chrétienne », défions-nous d’un certain enthousiasme qui nou
781
la notion de « Suisse chrétienne », défions-nous
d’
un certain enthousiasme qui nous ferait tomber à pieds joints dans la
782
ale confusion du temporel et du spirituel. Parler
d’
une Suisse chrétienne quand beaucoup de Suisses sont incroyants, cela
783
out simplement, dans la pratique, à l’utilisation
de
l’Église pour des fins politiques, c’est-à-dire au césaropapisme. Si
784
stinction strictement calviniste entre les droits
de
l’Église et ceux de l’État. Beaucoup de choses en dépendent, pour l’a
785
t calviniste entre les droits de l’Église et ceux
de
l’État. Beaucoup de choses en dépendent, pour l’avenir immédiat ! Et
786
édiat ! Et enfin, sur le plan politique, essayons
de
comprendre une bonne fois le sens profond de notre fédéralisme, seule
787
yons de comprendre une bonne fois le sens profond
de
notre fédéralisme, seule doctrine politique existante qui soit radica
788
pris le paradoxe vivant que représente, en chacun
de
nous, la personne : l’homme qui sait ce qu’il doit engager tout en ga
789
est très simple. On a détruit l’un des deux pôles
de
la personne : celui de la liberté ou de l’autonomie, et l’on a tout r
790
étruit l’un des deux pôles de la personne : celui
de
la liberté ou de l’autonomie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle :
791
eux pôles de la personne : celui de la liberté ou
de
l’autonomie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle : celui de l’engage
792
mie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle : celui
de
l’engagement social. L’homme étant totalement engagé, corps et esprit
793
alement engagé, corps et esprit, dans les rouages
de
l’État, et cet État ne reconnaissant plus aucune autorité qui transce
794
t limite son pouvoir, il n’y a plus aucun recours
de
l’individu à l’absolu divin, donc il n’y a plus aucune liberté. Tous
795
donc il n’y a plus aucune liberté. Tous les abus
de
pouvoir deviennent possibles. Certes, l’on crée des ersatz de personn
796
eviennent possibles. Certes, l’on crée des ersatz
de
personnes, de personnalités — des milliers de petits Führer — mais c’
797
ibles. Certes, l’on crée des ersatz de personnes,
de
personnalités — des milliers de petits Führer — mais c’est l’État et
798
atz de personnes, de personnalités — des milliers
de
petits Führer — mais c’est l’État et sa mystique qui les créent. On n
799
et sa mystique qui les créent. On ne leur laisse
d’
initiative que dans les cadres qu’on leur a prescrits. Elles ne valent
800
t rien hors de là, par elles-mêmes. Cette manière
de
créer des personnalités s’appelle au vrai : caporalisation. La person
801
vidu embrigadé, et non pas une vocation. Milliers
de
masques durs, volontairement durcis, de ces jeunes soldats politiques
802
Milliers de masques durs, volontairement durcis,
de
ces jeunes soldats politiques dressés à l’héroïsme en masse, à l’héro
803
llectif — le plus facile ! —, mais qui n’ont plus
d’
héroïsme civique. Militarisation d’un peuple ! C’est le contraire, le
804
qui n’ont plus d’héroïsme civique. Militarisation
d’
un peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique, d’une véritable civi
805
un peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique,
d’
une véritable civilisation. Qu’allons-nous opposer à cela ? Tout simpl
806
cette force reste pure ! Car de même que le culte
de
la terre et des morts, pour peu qu’il vienne à s’accentuer, risque de
807
orts, pour peu qu’il vienne à s’accentuer, risque
de
nous conduire un jour par une voie directe au fascisme, une certaine
808
voie directe au fascisme, une certaine déviation
de
notre morale, un certain culte de la personnalité en soi, un certain
809
taine déviation de notre morale, un certain culte
de
la personnalité en soi, un certain individualisme, risquent aussi de
810
en soi, un certain individualisme, risquent aussi
de
nous y conduire, cette fois-ci, d’une manière indirecte, du simple fa
811
risquent aussi de nous y conduire, cette fois-ci,
d’
une manière indirecte, du simple fait qu’ils affaiblissent nos résista
812
iblissent nos résistances spirituelles. C’est ici
de
nos vertus mêmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous d’une cer
813
lles. C’est ici de nos vertus mêmes qu’il importe
de
nous méfier. Méfions-nous d’une certaine manière trop humaine de prôn
814
mêmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous
d’
une certaine manière trop humaine de prôner ou de laisser prôner le pr
815
Méfions-nous d’une certaine manière trop humaine
de
prôner ou de laisser prôner le protestantisme créateur de personnalit
816
d’une certaine manière trop humaine de prôner ou
de
laisser prôner le protestantisme créateur de personnalités. Notre dan
817
r ou de laisser prôner le protestantisme créateur
de
personnalités. Notre danger intime et permanent, c’est le moralisme,
818
intime et permanent, c’est le moralisme, le culte
de
nos vertus utilisées pour des fins purement humaines. À force de loue
819
ns purement humaines. À force de louer la Réforme
d’
avoir été, comme on dit, « une pépinière d’individualités et de caract
820
éforme d’avoir été, comme on dit, « une pépinière
d’
individualités et de caractères bien trempés », nous courons le risque
821
comme on dit, « une pépinière d’individualités et
de
caractères bien trempés », nous courons le risque d’oublier que la Ré
822
caractères bien trempés », nous courons le risque
d’
oublier que la Réforme n’est pas faite pour l’homme d’abord. À force d
823
force de louer ses effets humains, nous risquons
de
trahir sa cause divine. N’oublions pas que la personnalité n’est bien
824
ité n’est bien souvent que le résidu, l’empreinte
d’
une personne sur un individu qui ne croit plus à sa vocation, et qui a
825
ducation et une ambiance protestante. Il y a trop
de
ces gloires dites protestantes qu’on annexe, qu’on recense par une so
826
stantes qu’on annexe, qu’on recense par une sorte
de
nationalisme huguenot, de ces hommes qui sont simplement « sortis » d
827
n recense par une sorte de nationalisme huguenot,
de
ces hommes qui sont simplement « sortis » du protestantisme… Certes,
828
éjouir que la foi réformée, même quand elle cesse
d’
être vivante, laisse en se retirant beaucoup de personnalités. Cela co
829
us rares si nous laissons tarir les sources vives
de
la Réforme. Et puis, une personnalité en soi, sans vocation, ce n’est
830
isme à l’individualisme, dès que l’on perd la foi
de
la Réforme pour ne garder que ses vertus humaines et activistes. Et c
831
oderne, avec sa concurrence sans frein, phénomène
de
piraterie sociale, de mépris du bien commun, phénomène typiquement in
832
rence sans frein, phénomène de piraterie sociale,
de
mépris du bien commun, phénomène typiquement individualiste. Un derni
833
era sentir, je crois, toute l’importance pratique
de
cette distinction entre personne et personnalité. Hitler peut former,
834
ocations irréductibles aux ambitions spirituelles
de
l’État. Ces personnes-là, ce sont ses véritables adversaires, les seu
835
ux, et il le sait ! Si Niemöller est dans un camp
de
concentration, prisonnier personnel du Führer, ce n’est point parce q
836
i reproche son énergie ou ses talents, ses traits
de
caractère, bref, sa personnalité, car bien d’autres en ont autant qui
837
ne, c’est-à-dire sa vocation particulière qui est
de
prêcher l’Évangile. — Vous voyez que le Führer sait parfaitement opér
838
ersonne et personnalité. Je ne vois aucune raison
de
lui laisser le bénéfice exclusif d’une telle clairvoyance. Il est te
839
aucune raison de lui laisser le bénéfice exclusif
d’
une telle clairvoyance. Il est temps de tirer, en deux mots, la concl
840
exclusif d’une telle clairvoyance. Il est temps
de
tirer, en deux mots, la conclusion de cette série de mises au point.
841
l est temps de tirer, en deux mots, la conclusion
de
cette série de mises au point. J’ai tenté de situer la Réforme dans l
842
tirer, en deux mots, la conclusion de cette série
de
mises au point. J’ai tenté de situer la Réforme dans l’évolution de l
843
sion de cette série de mises au point. J’ai tenté
de
situer la Réforme dans l’évolution de l’Europe, puis dans les conflit
844
J’ai tenté de situer la Réforme dans l’évolution
de
l’Europe, puis dans les conflits actuels. J’ai essayé de vous montrer
845
rope, puis dans les conflits actuels. J’ai essayé
de
vous montrer que sa doctrine représente, en sa pureté, le centre et l
846
représente, en sa pureté, le centre et l’axe même
de
la notion chrétienne de la personne, à la fois libre et engagée. Il e
847
, le centre et l’axe même de la notion chrétienne
de
la personne, à la fois libre et engagée. Il en résulte alors que la R
848
ppelée à figurer, dans notre siècle, le type même
de
la sûre doctrine de résistance au paganisme politique. Ceci nous char
849
ns notre siècle, le type même de la sûre doctrine
de
résistance au paganisme politique. Ceci nous charge d’une responsabil
850
sistance au paganisme politique. Ceci nous charge
d’
une responsabilité devant l’Histoire. Que devons-nous faire pour nous
851
ns-nous faire pour nous montrer à peu près dignes
d’
une telle charge ? Simplement, mais aussi rigoureusement, et dans tout
852
t, et dans toute la virulence du terme, redevenir
de
véritables protestants. Un véritable protestant, les faits le prouven
853
vent, sera toujours l’adversaire le plus efficace
de
l’esprit totalitaire. Déjà, beaucoup d’entre nous ont repris au série
854
s reste à prendre au sérieux la doctrine réformée
de
l’homme et de l’État. Ceci ne signifie pas que l’Église ait à propose
855
dre au sérieux la doctrine réformée de l’homme et
de
l’État. Ceci ne signifie pas que l’Église ait à proposer un programme
856
aussi et d’abord contre les déviations humanistes
de
la personne : transformons nos démocraties individualistes en démocra
857
ns le vaincre, en nous, chez nous, par une espèce
de
croisade intérieure. Le chrétien est celui qui n’a pas d’autre ennemi
858
ade intérieure. Le chrétien est celui qui n’a pas
d’
autre ennemi à craindre que l’ennemi qu’il porte en lui-même. Car un e
859
e et extérieur, ce n’est jamais que l’incarnation
d’
une possibilité secrète, d’une tentation que chacun souffre dans son c
860
mais que l’incarnation d’une possibilité secrète,
d’
une tentation que chacun souffre dans son cœur. Alors seulement, purif
861
s et lucides, quand nous aurons repris conscience
de
notre force véritable, celle qui ne vient pas de nous, de nos « perso
862
force véritable, celle qui ne vient pas de nous,
de
nos « personnalités », mais de nos vocations — de nos personnes —, no
863
vient pas de nous, de nos « personnalités », mais
de
nos vocations — de nos personnes —, nous pourrons répéter la fière de
864
de nos « personnalités », mais de nos vocations —
de
nos personnes —, nous pourrons répéter la fière devise des vieux hugu
865
« Tant plus à me frapper l’on s’amuse, tant plus
de
marteaux l’on y use. » 2. Texte intégral d’une conférence prononcé
866
us de marteaux l’on y use. » 2. Texte intégral
d’
une conférence prononcée au mois de janvier 1939 à Bâle, Neuchâtel, La
867
Texte intégral d’une conférence prononcée au mois
de
janvier 1939 à Bâle, Neuchâtel, Lausanne et Genève. l. Rougemont De
868
uchâtel, Lausanne et Genève. l. Rougemont Denis
de
, « Le protestantisme créateur de personnes », In Extremis, Fribourg,
869
Rougemont Denis de, « Le protestantisme créateur
de
personnes », In Extremis, Fribourg, 1939, p. 2-22.
870
uisse est sans doute le pays où l’on joue le plus
de
théâtre. Serait-ce que le paysage lui-même invite au jeu, avec ses dé
871
e au jeu, avec ses décors partout suspendus, pans
de
forêts, portants de rochers, grandiose toile de fond des Alpes ? Sera
872
écors partout suspendus, pans de forêts, portants
de
rochers, grandiose toile de fond des Alpes ? Serait-ce plutôt que le
873
s de forêts, portants de rochers, grandiose toile
de
fond des Alpes ? Serait-ce plutôt que le sérieux de nos mœurs, notre
874
fond des Alpes ? Serait-ce plutôt que le sérieux
de
nos mœurs, notre fameuse méfiance du décorum et des attitudes concert
875
e fédéralisme qu’il faudrait rechercher l’origine
de
ce besoin d’activité en groupe que le théâtre satisfait au premier ch
876
qu’il faudrait rechercher l’origine de ce besoin
d’
activité en groupe que le théâtre satisfait au premier chef ? Je ne sa
877
ous voyons naître l’ère des masses sur les ruines
de
l’individualisme, et cela dans tous les domaines, dans la culture non
878
jeu sacral et militaire. Tout récemment, le chef
d’
un des États voisins posait la première pierre d’une arène destinée à
879
d’un des États voisins posait la première pierre
d’
une arène destinée à 400 000 spectateurs. Il est clair que de telles p
880
destinée à 400 000 spectateurs. Il est clair que
de
telles proportions anéantissent matériellement toute possibilité de d
881
ons anéantissent matériellement toute possibilité
de
drame ou de comédie psychologique. Les seuls protagonistes visibles,
882
sent matériellement toute possibilité de drame ou
de
comédie psychologique. Les seuls protagonistes visibles, sur cette sc
883
individualiste analysait les conflits intérieurs
de
la bourgeoisie des grandes villes ; le théâtre collectiviste symbolis
884
foules des grandes nations. Or, nous n’avons pas
de
grandes villes, et nous ne sommes pas une grande nation. La seule voi
885
n. La seule voie qui nous reste ouverte est celle
d’
un théâtre de groupes — non d’individus, ni de masses — correspondant
886
oie qui nous reste ouverte est celle d’un théâtre
de
groupes — non d’individus, ni de masses — correspondant à la structur
887
e ouverte est celle d’un théâtre de groupes — non
d’
individus, ni de masses — correspondant à la structure communautaire d
888
lle d’un théâtre de groupes — non d’individus, ni
de
masses — correspondant à la structure communautaire de notre Confédér
889
sses — correspondant à la structure communautaire
de
notre Confédération et de chacun de nos cantons. J’essaierai de concr
890
structure communautaire de notre Confédération et
de
chacun de nos cantons. J’essaierai de concrétiser ce point de vue par
891
communautaire de notre Confédération et de chacun
de
nos cantons. J’essaierai de concrétiser ce point de vue par l’exemple
892
dération et de chacun de nos cantons. J’essaierai
de
concrétiser ce point de vue par l’exemple d’un drame que j’ai conçu p
893
erai de concrétiser ce point de vue par l’exemple
d’
un drame que j’ai conçu plus ou moins consciemment selon ces directive
894
hé, en second lieu, à tenir compte des conditions
de
fait qui m’étaient imposées par l’occasion de la représentation — il
895
ons de fait qui m’étaient imposées par l’occasion
de
la représentation — il s’agissait de l’Exposition nationale de 1939 —
896
r l’occasion de la représentation — il s’agissait
de
l’Exposition nationale de 1939 — par les dimensions de la scène prévu
897
ntation — il s’agissait de l’Exposition nationale
de
1939 — par les dimensions de la scène prévue, et les ressources dispo
898
Exposition nationale de 1939 — par les dimensions
de
la scène prévue, et les ressources disponibles dans le canton qui dev
899
armi les forces individuelles les plus marquantes
de
notre histoire, l’on trouve au premier rang la figure populaire de Ni
900
, l’on trouve au premier rang la figure populaire
de
Nicolas de Flue. Sujet digne d’intéresser n’importe quel Confédéré vi
901
figure populaire de Nicolas de Flue. Sujet digne
d’
intéresser n’importe quel Confédéré visiteur de l’Exposition. Or, si c
902
ne d’intéresser n’importe quel Confédéré visiteur
de
l’Exposition. Or, si ce solitaire a été grand, c’est parce qu’un jour
903
’est parce qu’un jour il a tout sacrifié au salut
de
la communauté. Le paradoxe central d’une pièce sur Nicolas, sa tensio
904
ié au salut de la communauté. Le paradoxe central
d’
une pièce sur Nicolas, sa tension créatrice, réside donc dans ce fait,
905
ut être utile à tous. La traduction spectaculaire
de
cette donnée propose un nouveau paradoxe : je dispose d’une scène de
906
e donnée propose un nouveau paradoxe : je dispose
d’
une scène de 30 mètres de largeur, qui ne peut être occupée que par un
907
pose un nouveau paradoxe : je dispose d’une scène
de
30 mètres de largeur, qui ne peut être occupée que par une foule, mai
908
au paradoxe : je dispose d’une scène de 30 mètres
de
largeur, qui ne peut être occupée que par une foule, mais en même tem
909
mais en même temps, l’action doit graviter autour
d’
un héros solitaire. D’où la nécessité de recourir à des chœurs, qui pe
910
action doit graviter autour d’un héros solitaire.
D’
où la nécessité de recourir à des chœurs, qui peuplent et animent de g
911
er autour d’un héros solitaire. D’où la nécessité
de
recourir à des chœurs, qui peuplent et animent de grands espaces, tou
912
de recourir à des chœurs, qui peuplent et animent
de
grands espaces, tout en concentrant l’attention sur un ou deux person
913
l se trouve, par chance, que l’élément choral est
de
beaucoup le plus facile à recruter en Suisse, et particulièrement dan
914
ter en Suisse, et particulièrement dans le canton
de
Neuchâtel, qui m’a demandé d’écrire ce drame. Il existe en effet chez
915
ment dans le canton de Neuchâtel, qui m’a demandé
d’
écrire ce drame. Il existe en effet chez nous des chœurs mixtes de pre
916
e. Il existe en effet chez nous des chœurs mixtes
de
premier ordre à La Chaux-de-Fonds et au Locle ; un chœur d’enfants da
917
ordre à La Chaux-de-Fonds et au Locle ; un chœur
d’
enfants dans la région de Neuchâtel ; enfin un petit ensemble d’excell
918
s et au Locle ; un chœur d’enfants dans la région
de
Neuchâtel ; enfin un petit ensemble d’excellents amateurs de musique
919
la région de Neuchâtel ; enfin un petit ensemble
d’
excellents amateurs de musique plus savante : le chœur « Sine Nomine »
920
l ; enfin un petit ensemble d’excellents amateurs
de
musique plus savante : le chœur « Sine Nomine », à Neuchâtel même. J’
921
era le Monde, et qui agira sur le degré inférieur
de
la scène à trois plans dont j’ai vu le projet. Une masse plus réduite
922
Une masse plus réduite agira sur le degré médian,
de
concert avec le chœur d’enfants : ce seront les Suisses et les enfant
923
ira sur le degré médian, de concert avec le chœur
d’
enfants : ce seront les Suisses et les enfants de Nicolas. Enfin un pe
924
d’enfants : ce seront les Suisses et les enfants
de
Nicolas. Enfin un petit chœur caché derrière le degré supérieur — le
925
chœur caché derrière le degré supérieur — le plan
de
la Solitude — représentera les voix célestes, appelant Nicolas et le
926
ant Nicolas et le réconfortant. La structure même
de
la scène commandera le mouvement général du drame : au premier acte,
927
. On a défini le Festspiel suisse comme résultant
de
la conjonction du cortège et de la cantate (voir l’intéressant articl
928
e comme résultant de la conjonction du cortège et
de
la cantate (voir l’intéressant article d’Édouard Combe sur le Festspi
929
tège et de la cantate (voir l’intéressant article
d’
Édouard Combe sur le Festspiel en Suisse, dans La Suisse qui chante, 1
930
un gros défaut technique : il est très difficile
de
marier un bon texte à des éléments spectaculaires trop lents et trop
931
ogue, pour aboutir organiquement à l’intervention
de
la musique ou du cortège, dans les moments où l’intérêt se déplaçait
932
térêt se déplaçait du héros central aux réactions
de
la foule, c’est-à-dire du drame de la personne à ses répercussions da
933
aux réactions de la foule, c’est-à-dire du drame
de
la personne à ses répercussions dans la communauté. Le dialogue est s
934
nt soit pour souligner le sentiment qui se dégage
d’
un dialogue, soit pour créer une atmosphère qui appelle l’action du hé
935
ement dramatique. Je ne saurais trop me féliciter
de
la manière dont Arthur Honegger l’a compris : en artisan non moins qu
936
rtisan non moins qu’en génie créateur. Le travail
de
préparation et de répétition de ce spectacle est d’ailleurs venu just
937
u’en génie créateur. Le travail de préparation et
de
répétition de ce spectacle est d’ailleurs venu justifier le calcul qu
938
ateur. Le travail de préparation et de répétition
de
ce spectacle est d’ailleurs venu justifier le calcul que je viens d’e
939
d’ailleurs venu justifier le calcul que je viens
d’
esquisser. Cinq-cents personnes, dans les diverses régions de notre ca
940
. Cinq-cents personnes, dans les diverses régions
de
notre canton, se mirent de grand cœur à la tâche : acteurs amateurs r
941
s les diverses régions de notre canton, se mirent
de
grand cœur à la tâche : acteurs amateurs recrutés dans toutes les cla
942
eurs recrutés dans toutes les classes, du pêcheur
d’
Auvernier au docteur en droit ; fanfaristes de La Chaux-de-Fonds ; dam
943
eur d’Auvernier au docteur en droit ; fanfaristes
de
La Chaux-de-Fonds ; dames cousant des costumes ; choristes des montag
944
t trouvé suspendu à la veille des représentations
de
Zurich. Il est donc encore impossible d’estimer la valeur intrinsèque
945
ntations de Zurich. Il est donc encore impossible
d’
estimer la valeur intrinsèque de ce drame. Mais indépendamment de cett
946
encore impossible d’estimer la valeur intrinsèque
de
ce drame. Mais indépendamment de cette valeur — et c’est bien cela qu
947
leur intrinsèque de ce drame. Mais indépendamment
de
cette valeur — et c’est bien cela qui me permet d’invoquer un exemple
948
e cette valeur — et c’est bien cela qui me permet
d’
invoquer un exemple aussi personnel ! — une leçon se dégage de notre e
949
n exemple aussi personnel ! — une leçon se dégage
de
notre effort : nulle part, ailleurs qu’en Suisse, il n’eût été possib
950
art, ailleurs qu’en Suisse, il n’eût été possible
d’
imaginer et de réaliser un spectacle de cette envergure, et de le rend
951
qu’en Suisse, il n’eût été possible d’imaginer et
de
réaliser un spectacle de cette envergure, et de le rendre populaire.
952
é possible d’imaginer et de réaliser un spectacle
de
cette envergure, et de le rendre populaire. Ce sont les conditions pr
953
t de réaliser un spectacle de cette envergure, et
de
le rendre populaire. Ce sont les conditions proprement suisses, et pl
954
rement suisses, et plus précisément fédéralistes,
de
ce théâtre communautaire qu’il m’a paru intéressant d’énumérer. Je su
955
théâtre communautaire qu’il m’a paru intéressant
d’
énumérer. Je suis persuadé que sa formule est celle de l’avenir de not
956
umérer. Je suis persuadé que sa formule est celle
de
l’avenir de notre scène. y. Rougemont Denis de, « Le théâtre commu
957
uis persuadé que sa formule est celle de l’avenir
de
notre scène. y. Rougemont Denis de, « Le théâtre communautaire en
958
de l’avenir de notre scène. y. Rougemont Denis
de
, « Le théâtre communautaire en Suisse », La Suisse vue à travers l’Ex
959
avec M. Denis de Rougemont : Hitler, grand-prêtre
de
l’Allemagne (11 janvier 1939)n o Voici le livre le plus actuel que
960
yais et sur ce que j’entendais, pendant un séjour
de
huit mois dans une grande ville d’Allemagne en 1935-1936. Que valaien
961
dant un séjour de huit mois dans une grande ville
d’
Allemagne en 1935-1936. Que valaient ces impressions ? Quand je suis r
962
i attendu. La vérité durable avait chance, alors,
d’
apparaître comme une vérité essentielle. C’est celle que votre livre m
963
beaucoup dit. N’importe. Il ne faut pas craindre
de
le répéter, et surtout de le faire bien comprendre. Les nazis, eux, o
964
Il ne faut pas craindre de le répéter, et surtout
de
le faire bien comprendre. Les nazis, eux, ont compris que le socialis
965
que le socialisme économique n’est que la moitié
d’
une doctrine : l’État ne sera maître de l’argent que s’il est maître d
966
la moitié d’une doctrine : l’État ne sera maître
de
l’argent que s’il est maître des esprits. Un État totalitaire ne peut
967
aliste peut la lui donner. Cette vérité sur l’âme
de
l’Allemagne hitlérienne vous est-elle apparue dès que vous êtes arriv
968
ne formule grandiloquente pour désigner l’absence
d’
âme personnelle chez les individus charriés par une foule ? » Il m’a r
969
rlerons ensuite ». Est-ce donc une révélation que
de
voir Hitler ? Ce qui est une révélation, ce qui, du moins, en a été u
970
n, ce qui, du moins, en a été une pour moi, c’est
de
voir quels liens unissent Hitler à une foule à laquelle il parle. Ess
971
t Hitler à une foule à laquelle il parle. Essayez
de
vous représenter une salle immense qui est soudain plongée dans la pé
972
udain plongée dans la pénombre, tandis qu’un coup
de
projecteur fait apparaître un petit homme au sourire extatique. Et ta
973
ndis que cet homme s’avance lentement, en saluant
d’
un geste épiscopal, quarante mille bras se lèvent, et le tonnerre ryth
974
lors que j’ai compris. Je me croyais à un meeting
de
masses, à quelque manifestation politique. Mais c’est leur culte que
975
se déroulait, c’était la grande cérémonie sacrale
d’
une religion dont je me sentais écrasé. L’âme des masses, oui, j’ai co
976
pris alors ce que c’était : j’ai entendu son râle
d’
amour, le râle d’une nation possédée par l’homme au sourire extasié. M
977
c’était : j’ai entendu son râle d’amour, le râle
d’
une nation possédée par l’homme au sourire extasié. Mais cet homme lui
978
’ai vu que le jour dont je vous parle. Je l’ai vu
de
près, à la sortie de la réunion, debout dans sa voiture qui longeait
979
très lentement une rue étroite. Une seule chaîne
de
SS le séparait de la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres de
980
e rue étroite. Une seule chaîne de SS le séparait
de
la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireu
981
la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres
de
lui. Un bon tireur l’eût descendu très facilement. Mais ce bon tireur
982
dans cent occasions analogues. Voilà le principal
de
ce que je sais sur Hitler. Vous pouvez réfléchir là-dessus. Quelles s
983
e tire pas sur un petit-bourgeois qui est le rêve
de
60 millions d’hommes. On tire sur un tyran, ou sur un roi, mais les f
984
un petit-bourgeois qui est le rêve de 60 millions
d’
hommes. On tire sur un tyran, ou sur un roi, mais les fondateurs de re
985
sur un tyran, ou sur un roi, mais les fondateurs
de
religion sont réservés à d’autres catastrophes. J’achève votre raison
986
J’achève votre raisonnement : puisqu’il n’y a pas
d’
attentats contre Hitler, c’est qu’Hitler n’est ni un tyran ni un roi,
987
er n’est ni un tyran ni un roi, mais un fondateur
de
religion. Cependant, tout ne s’explique pas par le sentiment religieu
988
rôle aussi. Évidemment, il sera toujours possible
d’
expliquer l’avènement, puis la montée d’Hitler, par les lois économiqu
989
possible d’expliquer l’avènement, puis la montée
d’
Hitler, par les lois économiques, les forces relatives des partis et d
990
classes avant 1933, les circonstances politiques
de
l’Europe, le traité de Versailles, etc. Mais tout cela retrace le com
991
s circonstances politiques de l’Europe, le traité
de
Versailles, etc. Mais tout cela retrace le comment cela s’est fait. I
992
oi. Là-dessus, les réponses varient, mais chacune
d’
elles est toujours la même. Les marxistes vont répétant : « défense du
993
pas pour défendre le capitalisme que les mineurs
de
la Sarre ont voté leur rattachement au IIIe Reich. Ce n’est pas en pa
994
ttachement au IIIe Reich. Ce n’est pas en parlant
d’
hystérie qu’on peut comprendre le phénomène fondamental de la reconstr
995
ie qu’on peut comprendre le phénomène fondamental
de
la reconstruction d’une communauté autour d’un sentiment sacré. Et ce
996
dre le phénomène fondamental de la reconstruction
d’
une communauté autour d’un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif d’
997
ntal de la reconstruction d’une communauté autour
d’
un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif d’une tyrannie, au sens po
998
our d’un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif
d’
une tyrannie, au sens politique et légal, qui a jeté l’Autriche dans l
999
soit, sur les masses décomposées par des siècles
d’
individualisme. J’ai reçu récemment d’Allemagne une lettre qui ne dit
1000
des siècles d’individualisme. J’ai reçu récemment
d’
Allemagne une lettre qui ne dit rien d’autre que ce que je viens de vo
1001
récemment d’Allemagne une lettre qui ne dit rien
d’
autre que ce que je viens de vous exposer brièvement. Elle est d’un je
1002
que je viens de vous exposer brièvement. Elle est
d’
un jeune national-socialiste, qui m’explique d’abord que le régime hit
1003
m’explique d’abord que le régime hitlérien est né
de
la pauvreté et du malheur de son pays — ce qui est très juste. Mais i
1004
ime hitlérien est né de la pauvreté et du malheur
de
son pays — ce qui est très juste. Mais il ajoute : « La pauvreté et l
1005
que des phénomènes extérieurs. La raison profonde
d’
un mouvement comme le nôtre est irrationnelle. Nous voulions croire à
1006
ants à celui qui nous apportait cette possibilité
de
croire. Le christianisme, probablement par la faute de ses ministres,
1007
satisfaisait plus depuis bien longtemps au besoin
de
croire de la majorité du peuple. Nous voulions croire à la mission du
1008
it plus depuis bien longtemps au besoin de croire
de
la majorité du peuple. Nous voulions croire à la mission du peuple al
1009
à y croire. » Voilà qui dit bien où est la force
de
l’Allemagne nouvelle. Quelle force croyez-vous donc qu’on puisse oppo
1010
donc qu’on puisse opposer à cette force-là ? Rien
d’
efficace, si ce n’est pas une force spirituelle. Rien de pratique, si
1011
cace, si ce n’est pas une force spirituelle. Rien
de
pratique, si ce n’est un grand effort moral. Quand j’ai envoyé à des
1012
grand effort moral. Quand j’ai envoyé à des amis
de
France le récit de la journée où j’ai vu Hitler en communion avec son
1013
. Quand j’ai envoyé à des amis de France le récit
de
la journée où j’ai vu Hitler en communion avec son peuple, je n’ai aj
1014
ois toujours que le problème est là : c’est celui
d’
une renaissance spirituelle qui ne peut se faire sans une foi. n. R
1015
peut se faire sans une foi. n. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Hitler, grand-prêtre de l’Allemagne », Candide, Paris,
1016
mont Denis de, « [Entretien] Hitler, grand-prêtre
de
l’Allemagne », Candide, Paris, 11 janvier 1939, p. 6. o. Propos recu
1017
x qui ressemble à Charlie Chaplin et qui est doué
d’
une voix de stentor fanatique, particulièrement désagréable aux oreill
1018
mble à Charlie Chaplin et qui est doué d’une voix
de
stentor fanatique, particulièrement désagréable aux oreilles latines.
1019
bon, quoique énergique, sorti du peuple, assoiffé
de
justice, restaurateur de la puissance allemande, et redresseur de tou
1020
orti du peuple, assoiffé de justice, restaurateur
de
la puissance allemande, et redresseur de tous les torts : le pur des
1021
aurateur de la puissance allemande, et redresseur
de
tous les torts : le pur des purs. En présence des brutalités commises
1022
que le peuple parlait du Roi avant la révolution
de
1789. Au panégyrique et à la caricature, j’opposerai ici un témoignag
1023
ler pendant une heure et demie, à peu de distance
de
sa tribune, et je l’ai vu à la sortie de cette « manifestation monstr
1024
à la sortie de cette « manifestation monstre », —
de
ce culte — debout dans sa voiture qui longeait très lentement une rue
1025
t une rue étroite, mal éclairée. Une seule chaîne
de
miliciens le séparait de la foule. J’étais au premier rang, à deux mè
1026
lairée. Une seule chaîne de miliciens le séparait
de
la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireu
1027
la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres
de
lui. Un bon tireur l’eût descendu très facilement. Mais ce bon tireur
1028
dans cent occasions analogues. Voilà le principal
de
ce que je sais sur Hitler. Vous pouvez réfléchir là-dessus… On demand
1029
si à fanatiser tout un peuple. Une certaine forme
de
bêtise convaincue est seule capable de s’imposer à de grandes masses
1030
aine forme de bêtise convaincue est seule capable
de
s’imposer à de grandes masses rassemblées par des passions élémentair
1031
êtise convaincue est seule capable de s’imposer à
de
grandes masses rassemblées par des passions élémentaires. Mais ce qu’
1032
er, c’est qu’un « génie » n’a pas toujours besoin
d’
intelligence. Or, on doit tenir le Führer pour un génie, dans un certa
1033
homme qui a su pressentir l’inconsciente angoisse
de
son peuple, et incarner à ses yeux un symbole d’espérance, de vengean
1034
de son peuple, et incarner à ses yeux un symbole
d’
espérance, de vengeance et de force collective. Un tel génie ne compte
1035
e, et incarner à ses yeux un symbole d’espérance,
de
vengeance et de force collective. Un tel génie ne compte plus en tant
1036
ses yeux un symbole d’espérance, de vengeance et
de
force collective. Un tel génie ne compte plus en tant qu’individu. Il
1037
u. Il ne s’appartient plus, il appartient au rêve
de
tous. Il n’a plus de qualités propres, de vices ou de vertus, comme v
1038
plus, il appartient au rêve de tous. Il n’a plus
de
qualités propres, de vices ou de vertus, comme vous et moi ; il n’a q
1039
au rêve de tous. Il n’a plus de qualités propres,
de
vices ou de vertus, comme vous et moi ; il n’a que les vertus symboli
1040
ous. Il n’a plus de qualités propres, de vices ou
de
vertus, comme vous et moi ; il n’a que les vertus symboliques de l’Al
1041
e vous et moi ; il n’a que les vertus symboliques
de
l’Allemand moyen. Il ne possède rien en propre, matériellement, et ne
1042
ortefeuille dans le gouvernement. (Son rôle y est
d’
inspiration, d’arbitrage entre les factions, et de prestige.) Il ne ve
1043
s le gouvernement. (Son rôle y est d’inspiration,
d’
arbitrage entre les factions, et de prestige.) Il ne veut être appelé
1044
d’inspiration, d’arbitrage entre les factions, et
de
prestige.) Il ne veut être appelé ni dictateur, ni maréchal, ni roi,
1045
, et il insiste sur ce point. Il n’avait même pas
d’
état civil allemand lorsqu’on lui offrit le pouvoir. Qu’est-il donc ?
1046
e disais, qui n’est rien et qui est tout. Un lieu
de
passage des forces de l’Histoire, le catalyseur de ces forces, qui so
1047
en et qui est tout. Un lieu de passage des forces
de
l’Histoire, le catalyseur de ces forces, qui sont là dressées devant
1048
e passage des forces de l’Histoire, le catalyseur
de
ces forces, qui sont là dressées devant vous, suscitées et coalisées
1049
nt, vous pourriez le supprimer sans rien détruire
de
ce qui s’est fait par lui. Le seul trait qui me frappe encore en lui,
1050
qu’il développe pendant un discours. Une énergie
de
cette nature, on sent très bien qu’elle n’appartient pas à l’individu
1051
lus, comme tel, n’est que le support ou le médium
d’
une puissance qui échappe à nos psychologies. Voilà de quoi déconcerte
1052
e puissance qui échappe à nos psychologies. Voilà
de
quoi déconcerter nos hommes d’État démocratiques lorsqu’ils se trouve
1053
ymbole ! Il est clair que le phénomène Hitler est
d’
ordre religieux, non politique d’abord. Si ce petit individu sans qual
1054
t parce qu’il a su répondre à l’attente angoissée
de
ces masses, de leur âme humiliée, misérable et déçue, et qui cherchai
1055
su répondre à l’attente angoissée de ces masses,
de
leur âme humiliée, misérable et déçue, et qui cherchait partout des r
1056
le et déçue, et qui cherchait partout des raisons
de
croire et d’espérer, des raisons de se dévouer corps et âme à un abso
1057
et qui cherchait partout des raisons de croire et
d’
espérer, des raisons de se dévouer corps et âme à un absolu. Il s’est
1058
t des raisons de croire et d’espérer, des raisons
de
se dévouer corps et âme à un absolu. Il s’est donné pour l’Absolu, la
1059
ais au nom des idoles, au nom de la race aryenne,
de
l’orgueil germanique, et de la foi nationaliste. Or, nous savons par
1060
m de la race aryenne, de l’orgueil germanique, et
de
la foi nationaliste. Or, nous savons par l’Ancien Testament que les p
1061
s savons par l’Ancien Testament que les prophètes
de
Baal faisaient les mêmes miracles (en apparence), que les prophètes d
1062
mêmes miracles (en apparence), que les prophètes
de
Jéhovah. Hitler est à mes yeux le type du faux prophète, celui qui an
1063
x prophète, celui qui annonce aux hommes le règne
de
l’Homme fort, et non la gloire du Dieu vivant. C’est pourquoi notre v
1064
lui ne peut être que notre foi. La contre-épreuve
de
ce jugement, je la vois dans deux faits frappants : le premier, c’est
1065
Églises chrétiennes. Le second, c’est que le chef
de
l’Église confessante (Union des luthériens et calvinistes allemands),
1066
e symbole juge le Troisième Reich. C’est un signe
de
Dieu dans notre histoire confuse. p. Rougemont Denis de, « Qui est
1067
ans notre histoire confuse. p. Rougemont Denis
de
, « Qui est Hitler ? », L’Hebdomadaire du temps présent, Paris, 24 fév
1068
Il y a toujours des directeurs
de
conscience en Occident (juin 1939)q r I. La première partie d
1069
dent (juin 1939)q r I. La première partie
de
votre questionnaire comporte visiblement vos réponses. D’accord avec
1070
e suis guère avec votre description. La direction
de
conscience est affaire de contacts personnels, non d’influence collec
1071
scription. La direction de conscience est affaire
de
contacts personnels, non d’influence collective. J’écarte donc de vot
1072
onscience est affaire de contacts personnels, non
d’
influence collective. J’écarte donc de votre liste les journalistes, l
1073
onnels, non d’influence collective. J’écarte donc
de
votre liste les journalistes, les meneurs, les savants (ces derniers
1074
niers n’agissant d’ailleurs que par le truchement
de
vulgarisateurs qui les trahissent), et les éditeurs (qui s’efforcent
1075
hissent), et les éditeurs (qui s’efforcent plutôt
de
refléter que de guider les goûts supposés du public). Parmi les écriv
1076
éditeurs (qui s’efforcent plutôt de refléter que
de
guider les goûts supposés du public). Parmi les écrivains, je ne reti
1077
épondent sérieusement et par principe aux lettres
de
lecteurs : un Gide, un Claudel… Ils sont rares. Restent les médecins
1078
un Claudel… Ils sont rares. Restent les médecins
de
famille : ce n’est pas nouveau. Et les psychanalystes : c’est pratiqu
1079
: c’est pratiquement limité au très petit nombre
de
personnes qui sont en mesure de les payer. Seules les directrices de
1080
très petit nombre de personnes qui sont en mesure
de
les payer. Seules les directrices de magazines féminins me paraissent
1081
nt en mesure de les payer. Seules les directrices
de
magazines féminins me paraissent exercer une activité précise de dire
1082
minins me paraissent exercer une activité précise
de
direction morale, par consultations personnelles. Quant aux meneurs,
1083
nt aux meneurs, ce sont évidemment des directeurs
d’
inconscience collective. Leur méthode consiste à anesthésier les consc
1084
roblème, est d’ailleurs la conséquence nécessaire
de
notre anarchie morale. Et cette anarchie résulte elle-même de la mult
1085
rchie morale. Et cette anarchie résulte elle-même
de
la multiplicité et de l’impuissance des ersatz de prêtres et de paste
1086
anarchie résulte elle-même de la multiplicité et
de
l’impuissance des ersatz de prêtres et de pasteurs que vous énumérez.
1087
de la multiplicité et de l’impuissance des ersatz
de
prêtres et de pasteurs que vous énumérez. II. Mon principal dir
1088
cité et de l’impuissance des ersatz de prêtres et
de
pasteurs que vous énumérez. II. Mon principal directeur de cons
1089
vous énumérez. II. Mon principal directeur
de
conscience, qui mourut en 1855, écrivait : « Si l’on veut réellement
1090
à un but défini, il faut avant tout se préoccuper
de
le prendre là où il est, et commencer là. Voilà le secret de tout sec
1091
re là où il est, et commencer là. Voilà le secret
de
tout secours… Pour aider réellement un homme, il faut que j’en sache
1092
l sait. Sinon mon savoir supérieur ne lui servira
de
rien. Si je persiste cependant à faire valoir ma science, ce n’est pl
1093
eu d’aider l’homme, je cherche à me faire admirer
de
lui ». (Kierkegaard) Qu’est-ce en effet que diriger ? C’est donner un
1094
r tout sens est défini par deux points : le point
de
départ et le point d’arrivée. Ou, selon les termes de Kierkegaard : l
1095
par deux points : le point de départ et le point
d’
arrivée. Ou, selon les termes de Kierkegaard : le directeur de conscie
1096
épart et le point d’arrivée. Ou, selon les termes
de
Kierkegaard : le directeur de conscience, celui qui veut « aider » so
1097
u, selon les termes de Kierkegaard : le directeur
de
conscience, celui qui veut « aider » son prochain, doit d’abord « pre
1098
e lui », c’est-à-dire qu’il doit connaître un but
de
vie meilleur. S’il est vrai que d’abord, il s’agit de partir de l’hom
1099
ie meilleur. S’il est vrai que d’abord, il s’agit
de
partir de l’homme réel (ce que ne peuvent faire les meneurs de masses
1100
r. S’il est vrai que d’abord, il s’agit de partir
de
l’homme réel (ce que ne peuvent faire les meneurs de masses), il n’es
1101
l’homme réel (ce que ne peuvent faire les meneurs
de
masses), il n’est pas moins vrai qu’en fin de compte, l’activité de d
1102
st pas moins vrai qu’en fin de compte, l’activité
de
directeur de conscience se trouve subordonnée à la connaissance d’un
1103
vrai qu’en fin de compte, l’activité de directeur
de
conscience se trouve subordonnée à la connaissance d’un but auquel il
1104
onscience se trouve subordonnée à la connaissance
d’
un but auquel il faut conduire cet homme réel. La direction de conscie
1105
uel il faut conduire cet homme réel. La direction
de
conscience perd toute valeur et tout sens, donc cesse d’exister comme
1106
cience perd toute valeur et tout sens, donc cesse
d’
exister comme direction, dès que l’on perd de vue les fins qu’elle doi
1107
esse d’exister comme direction, dès que l’on perd
de
vue les fins qu’elle doit servir. Tout se ramène donc à cette questio
1108
eut définir la voie à suivre, l’orthodoxie. Point
de
direction de conscience sans orthodoxie. Et à l’inverse ; dès qu’une
1109
a voie à suivre, l’orthodoxie. Point de direction
de
conscience sans orthodoxie. Et à l’inverse ; dès qu’une orthodoxie se
1110
s qu’une orthodoxie se remet à sévir, la fonction
de
directeur de conscience reparaît automatiquement ; elle consiste à re
1111
odoxie se remet à sévir, la fonction de directeur
de
conscience reparaît automatiquement ; elle consiste à relier l’homme
1112
es se fondent sur une doctrine du Prolétariat, ou
de
la Race, ou de l’Empire, ou de la Nation, et elles entendent expressé
1113
ur une doctrine du Prolétariat, ou de la Race, ou
de
l’Empire, ou de la Nation, et elles entendent expressément subordonne
1114
du Prolétariat, ou de la Race, ou de l’Empire, ou
de
la Nation, et elles entendent expressément subordonner toutes les act
1115
ent expressément subordonner toutes les activités
de
l’homme à ces fins-là. Mais comme il s’agit de fins partielles, n’emb
1116
és de l’homme à ces fins-là. Mais comme il s’agit
de
fins partielles, n’embrassant qu’une partie de la conscience humaine
1117
it de fins partielles, n’embrassant qu’une partie
de
la conscience humaine ou de ses déterminations, ces orthodoxies repré
1118
rassant qu’une partie de la conscience humaine ou
de
ses déterminations, ces orthodoxies représentent autant d’usurpations
1119
terminations, ces orthodoxies représentent autant
d’
usurpations, dès l’instant qu’elles prétendent régir le tout de l’homm
1120
, dès l’instant qu’elles prétendent régir le tout
de
l’homme. Elles ne peuvent plus compter que sur la force brutale pour
1121
tés » par leurs victimes. Elles agissent par coup
de
force sur les consciences ; elles leur imposent des déformations viol
1122
quoi vous proposez, bien entendu, « l’invention »
d’
une orthodoxie « universaliste », seule capable de « dépasser et domin
1123
d’une orthodoxie « universaliste », seule capable
de
« dépasser et dominer » ces pseudo-solutions partielles à prétentions
1124
nt universaliste, c’est-à-dire embrassant le tout
de
l’homme, ne déformerait plus les consciences, mais au contraire contr
1125
omme universel, nouvel Adam indemne et pur, libre
de
toute partialité, donc sachant tout sans expérience, et qui, vainqueu
1126
s expérience, et qui, vainqueur du temps, verrait
d’
un seul regard nos origines et nos fins dernières, d’où nous venons, o
1127
n seul regard nos origines et nos fins dernières,
d’
où nous venons, où nous allons… À son défaut, tout universalisme imagi
1128
ire aussi grand que le tout. Que ce soit le parti
de
la Raison, ou de la Liberté, ou de l’Humanité, etc. Aussi vrai que le
1129
ue le tout. Que ce soit le parti de la Raison, ou
de
la Liberté, ou de l’Humanité, etc. Aussi vrai que le baron de Crac ne
1130
soit le parti de la Raison, ou de la Liberté, ou
de
l’Humanité, etc. Aussi vrai que le baron de Crac ne pouvait pas sorti
1131
ar les cheveux, aussi vrai nous est-il impossible
de
nous hausser jusqu’à l’universel avec l’aide de nos idéaux : car eux
1132
e de nous hausser jusqu’à l’universel avec l’aide
de
nos idéaux : car eux aussi sont dans le puits. Je ne connais pas de d
1133
r eux aussi sont dans le puits. Je ne connais pas
de
doctrine universelle, d’universalisme concevable, descriptible, à not
1134
puits. Je ne connais pas de doctrine universelle,
d’
universalisme concevable, descriptible, à notre portée et à notre disp
1135
e, dans l’homme. Seul un point qui serait au-delà
de
notre monde pourrait devenir le point de convergence de tous nos acte
1136
au-delà de notre monde pourrait devenir le point
de
convergence de tous nos actes et de tous nos espoirs. Mais alors, c’e
1137
re monde pourrait devenir le point de convergence
de
tous nos actes et de tous nos espoirs. Mais alors, c’est un objet de
1138
enir le point de convergence de tous nos actes et
de
tous nos espoirs. Mais alors, c’est un objet de foi, car il échappe a
1139
t de tous nos espoirs. Mais alors, c’est un objet
de
foi, car il échappe aux prises de notre esprit non moins qu’à celles
1140
c’est un objet de foi, car il échappe aux prises
de
notre esprit non moins qu’à celles de nos sens. Ainsi la foi chrétien
1141
aux prises de notre esprit non moins qu’à celles
de
nos sens. Ainsi la foi chrétienne est universaliste dans son élan et
1142
tend dans la prière et l’obéissance la Rédemption
de
toute vie créée, la plénitude universelle : Dieu tout en tous. Au reg
1143
nitude universelle : Dieu tout en tous. Au regard
d’
une telle foi, toute autre « fin » paraît trop courte. Viser ailleurs
1144
irer sur des hommes. Mais je n’entends pas parler
d’
un retour à une église, et encore moins d’un retour au christianisme.
1145
parler d’un retour à une église, et encore moins
d’
un retour au christianisme. Ce serait émettre un non-sens. La foi est
1146
rige vers l’Esprit qui dit : « Viens ! » au terme
de
l’Apocalypse. Et c’est ce mouvement-là qui crée l’Église quand il ent
1147
elui qui a soif vienne, que celui qui veut prenne
de
l’eau de la vie, gratuitement. » 3. Je ne puis ici que déclarer, s
1148
a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau
de
la vie, gratuitement. » 3. Je ne puis ici que déclarer, sans démon
1149
ici que déclarer, sans démonstration, que le fait
de
la pluralité des orthodoxies chrétiennes est un scandale, mais un sca
1150
, et cela dans la seule mesure où ils s’efforcent
de
le surmonter. q. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Il y
1151
s’efforcent de le surmonter. q. Rougemont Denis
de
, « [Réponse à une enquête] Il y a toujours des directeurs de conscien
1152
nse à une enquête] Il y a toujours des directeurs
de
conscience en Occident », Volontés, Paris, juin 1939, p. 49-52. r. R
1153
res regardent un des boulevards les plus bruyants
de
Montmartre, deux hommes penchés sur une liasse de papier mettent au m
1154
de Montmartre, deux hommes penchés sur une liasse
de
papier mettent au monde une œuvre nouvelle. Un seul coup d’œil et on
1155
me, le regard intelligent et un visage buriné par
de
longues méditations, voici Denis de Rougemont qui abandonne pour quel
1156
la toge du poète. Deux immenses pianos, encombrés
de
manuscrits tiennent conseil au centre de la pièce. Des livres envahis
1157
ncombrés de manuscrits tiennent conseil au centre
de
la pièce. Des livres envahissent des placards. Une rangée de pipes —
1158
. Des livres envahissent des placards. Une rangée
de
pipes — toutes espèces et toutes tailles — en disent long sur la médi
1159
d, Pacific 231. Sur une table s’étale une feuille
de
papier aux trois quarts achevée : c’est la partition de Nicolas de F
1160
ier aux trois quarts achevée : c’est la partition
de
Nicolas de Flue , la nouvelle œuvre qu’Honegger met en musique sur u
1161
lle œuvre qu’Honegger met en musique sur un texte
de
Denis de Rougemont. Elle sera représentée à l’Exposition de Zurich et
1162
e Rougemont. Elle sera représentée à l’Exposition
de
Zurich et offerte au public suisse par le canton de Neuchâtel. Il y a
1163
Zurich et offerte au public suisse par le canton
de
Neuchâtel. Il y a quelque chose de profondément émouvant dans ce don
1164
par le canton de Neuchâtel. Il y a quelque chose
de
profondément émouvant dans ce don : un canton offre à son pays une œu
1165
sse, faite par un des musiciens les plus célèbres
de
son temps — suisse, ne l’oublions pas — et par un des écrivains les p
1166
s — et par un des écrivains les plus intelligents
de
sa génération. Neuchâtelois de naissance — et d’origine. Bel exemple
1167
plus intelligents de sa génération. Neuchâtelois
de
naissance — et d’origine. Bel exemple de fédéralisme. Notre Nicolas
1168
de sa génération. Neuchâtelois de naissance — et
d’
origine. Bel exemple de fédéralisme. Notre Nicolas de Flue comprend
1169
hâtelois de naissance — et d’origine. Bel exemple
de
fédéralisme. Notre Nicolas de Flue comprend trois parties, j’hésite
1170
urement théâtral, répond Denis de Rougemont à une
de
mes questions. Et ces différences sont ? Il a fallu se plier aux cond
1171
a scène, ce qui restreint sensiblement la liberté
d’
un auteur. Mais par contre cette limitation oblige à creuser en profon
1172
texte si besoin est… Et pourquoi donc ? La scène
de
Zurich est immense et se trouve dans une salle ouverte. En outre, la
1173
ue les effets à obtenir ne seront pas le résultat
d’
une action individualiste, mais collective. Et comment avez-vous tradu
1174
qui doit frapper le public… D’ailleurs certaines
de
ces formules ont un sens général si net qu’elles prennent, de par leu
1175
tes-vous pour isoler le personnage qui parle, car
de
la place du public on ne voit pas très bien qui a la parole ? C’est f
1176
qu’individuelle. Maintenant, je me tourne du côté
d’
Arthur Honegger qui a suivi, la pipe à la bouche, notre conversation.
1177
du premier acte par exemple forme le centre même
de
l’action. Ensuite, je puis vous préciser que l’orchestre n’aura que l
1178
ment. Et j’ai composé ma musique en tenant compte
de
cette particularité. Les chœurs avanceront, monteront au premier « ét
1179
r nous avons appelé « ciel » la partie supérieure
de
la scène, là où se trouve le chœur céleste. En outre, souvent les chœ
1180
, souvent les chœurs s’expriment comme les chants
d’
oratorios et la musique les soutiendra. Seul un mot, parfois une phras
1181
iendra. Seul un mot, parfois une phrase, émergera
de
la masse sonore. Ce sera comme un cri répété plusieurs fois. Et la co
1182
ontinue longuement sur les thèmes toujours riches
de
la mise en scène, du jeu d’acteurs, des réactions de la foule. Ce que
1183
hèmes toujours riches de la mise en scène, du jeu
d’
acteurs, des réactions de la foule. Ce que Denis de Rougemont pas plus
1184
la mise en scène, du jeu d’acteurs, des réactions
de
la foule. Ce que Denis de Rougemont pas plus qu’Honegger n’avouent, c
1185
ne œuvre saine et forte. C’est aussi l’inquiétude
d’
en connaître les résultats. Qu’ils se rassurent ! Quand on a œuvré ave
1186
public apprécie et s’incline. Cette résurrection
de
Nicolas de Flue le prouvera en même temps qu’elle donnera une grande
1187
ra en même temps qu’elle donnera une grande leçon
de
tolérance et d’humanité. s. Rougemont Denis de, « [Entretien] Nico
1188
qu’elle donnera une grande leçon de tolérance et
d’
humanité. s. Rougemont Denis de, « [Entretien] Nicolas de Flue vu p
1189
de tolérance et d’humanité. s. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Nicolas de Flue vu par Denis de Rougemont », La Patrie
1190
Du mythe
de
Tristan et Iseut à l’hitlérisme (14 juillet 1939)u v Il était just
1191
qui traîna ses méditations et sa machine à écrire
de
la Vendée en Languedoc, et de la province à Paris, installé dans ses
1192
sa machine à écrire de la Vendée en Languedoc, et
de
la province à Paris, installé dans ses meubles, avec une suspension e
1193
arisien, à ce qu’il me semble. Entre deux averses
de
cet été inclément, nous pouvons profiter du petit jardin de la NRF. C
1194
inclément, nous pouvons profiter du petit jardin
de
la NRF. C’est un lieu ordonné et aménagé avec goût comme tout ce qui
1195
gé avec goût comme tout ce qui touche à la maison
de
la rue Sébastien-Bottin. Une tonnelle verte invite aux conversations
1196
ires. Un fin gravier protège les pieds des hommes
de
lettres contre un contact salissant avec la glèbe impure. Une bordure
1197
ntact salissant avec la glèbe impure. Une bordure
de
géraniums rouges offre à l’œil un opportun et gracieux point d’appui.
1198
ouges offre à l’œil un opportun et gracieux point
d’
appui. Tout invite à un entretien parfait. Tout, jusqu’au Journal d’An
1199
te à un entretien parfait. Tout, jusqu’au Journal
d’
André Gide, un fort volume de treize cents pages qui vient de paraître
1200
ut, jusqu’au Journal d’André Gide, un fort volume
de
treize cents pages qui vient de paraître dans la collection de la Plé
1201
ts pages qui vient de paraître dans la collection
de
la Pléiade et qui, posé sur la table, imprime à notre rencontre la no
1202
é sur la table, imprime à notre rencontre la note
de
la maison. ⁂ Que dire de Denis de Rougemont ? À peine connu il y a tr
1203
notre rencontre la note de la maison. ⁂ Que dire
de
Denis de Rougemont ? À peine connu il y a trois ou quatre ans, en deh
1204
que peu répandues, ce jeune écrivain est en passe
de
se faire dans la littérature une place bien à lui et qui n’est pas de
1205
bien à lui et qui n’est pas des moindres. Ce fils
de
la libre Suisse, qui a hérité de la conscience et du sérieux de ceux
1206
oindres. Ce fils de la libre Suisse, qui a hérité
de
la conscience et du sérieux de ceux de sa race, qui s’attelle aux pro
1207
isse, qui a hérité de la conscience et du sérieux
de
ceux de sa race, qui s’attelle aux problèmes avec conviction, pour ne
1208
i a hérité de la conscience et du sérieux de ceux
de
sa race, qui s’attelle aux problèmes avec conviction, pour ne les lâc
1209
lège ce que ses sujets et sa manière risqueraient
d’
avoir de légèrement pédant. Denis de Rougemont anime les plus arides m
1210
que ses sujets et sa manière risqueraient d’avoir
de
légèrement pédant. Denis de Rougemont anime les plus arides méditatio
1211
enser avec ses mains ». ⁂ Mais revenons au jardin
de
la NRF, où je suis venue lui parler de l’amour, ou plutôt de L’Amour
1212
au jardin de la NRF, où je suis venue lui parler
de
l’amour, ou plutôt de L’Amour et l’Occident, son dernier livre. Si ma
1213
où je suis venue lui parler de l’amour, ou plutôt
de
L’Amour et l’Occident, son dernier livre. Si ma question ne vous para
1214
livre, si différent par son caractère intemporel
de
vos derniers livres, tous liés à l’actualité. Je songe au Journal d’u
1215
res, tous liés à l’actualité. Je songe au Journal
d’
un intellectuel en chômage, et surtout au Journal d’Allemagne qui fut
1216
un intellectuel en chômage, et surtout au Journal
d’
Allemagne qui fut accueilli avec une telle faveur par tous ceux qui pe
1217
du mariage est un des problèmes les plus brûlants
de
la société d’aujourd’hui, et c’est surtout à cet aspect de la questio
1218
un des problèmes les plus brûlants de la société
d’
aujourd’hui, et c’est surtout à cet aspect de la question que j’ai son
1219
iété d’aujourd’hui, et c’est surtout à cet aspect
de
la question que j’ai songé en me mettant à l’œuvre. J’ai voulu d’abor
1220
lu d’abord faire un livre court traitant du mythe
de
Tristan et de la décadence de la conception du mariage. Les idées me
1221
re un livre court traitant du mythe de Tristan et
de
la décadence de la conception du mariage. Les idées me sont venues en
1222
t traitant du mythe de Tristan et de la décadence
de
la conception du mariage. Les idées me sont venues en travaillant. Le
1223
t. Les livres que j’ai lus m’ont mis sur la piste
d’
une liaison du mythe de Tristan avec la tradition courtoise, les troub
1224
lus m’ont mis sur la piste d’une liaison du mythe
de
Tristan avec la tradition courtoise, les troubadours et le catharisme
1225
le catharisme. C’est ainsi que les livres II à V
de
L’Amour et l’Occident , consacrés aux origines religieuses du mythe,
1226
à l’amour et la guerre, ont été trouvés en cours
de
route. Mais les hypothèses historiques que j’y développe ne sont pas
1227
u début, je ne songeais qu’au problème individuel
de
l’amour et du mariage. C’est en creusant les conceptions sociologique
1228
iologiques, peut-être sous l’influence du Collège
de
sociologie, et en partant non plus des relations économiques, mais de
1229
partant non plus des relations économiques, mais
de
ce qui est sacré dans la sociologie, que j’en suis arrivé à envisager
1230
ent dans de plus nombreuses versions non connues.
D’
où vient, selon vous, cette conception de l’amour ? J’ai cherché ce qu
1231
connues. D’où vient, selon vous, cette conception
de
l’amour ? J’ai cherché ce qui lui ressemblait le plus, et j’ai trouvé
1232
c’était la poésie des troubadours. Quant à savoir
d’
où vient cette dernière, c’est un problème sur lequel les érudits eux-
1233
les érudits eux-mêmes sont en désaccord, au point
de
renoncer à toute explication. Mais vous avez sans doute une hypothèse
1234
t dans le Languedoc, en Provence, dans une partie
de
l’Espagne et de l’Italie, le mouvement cathare. D’après ce que nous e
1235
doc, en Provence, dans une partie de l’Espagne et
de
l’Italie, le mouvement cathare. D’après ce que nous en savons, il com
1236
fait comparables à celles des troubadours : refus
de
la consommation de l’amour, exaltation de l’amour chaste, par exemple
1237
celles des troubadours : refus de la consommation
de
l’amour, exaltation de l’amour chaste, par exemple. Par ailleurs, on
1238
: refus de la consommation de l’amour, exaltation
de
l’amour chaste, par exemple. Par ailleurs, on sait que certains troub
1239
our un bon tiers d’entre eux. C’est sur des faits
de
cet ordre et sur toute une série d’analogies dans l’expression, que j
1240
sur des faits de cet ordre et sur toute une série
d’
analogies dans l’expression, que j’ai fondé mon raisonnement. Qui pour
1241
que c’était que la passion, ne puis-je m’empêcher
de
compléter. Je ne le crois pas, réplique Denis de Rougemont. La passio
1242
folie. À partir du xiie siècle, sous l’influence
de
la mystique cathare et de la poésie des troubadours, la passion reçoi
1243
iècle, sous l’influence de la mystique cathare et
de
la poésie des troubadours, la passion reçoit droit de cité. Elle peut
1244
a poésie des troubadours, la passion reçoit droit
de
cité. Elle peut s’exprimer dans le langage du mythe sous une forme vo
1245
ait que refaire éternellement, avec plus ou moins
de
succès, le roman de Tristan et Iseut. Vous soutenez cette opinion par
1246
nellement, avec plus ou moins de succès, le roman
de
Tristan et Iseut. Vous soutenez cette opinion paradoxale que Tristan
1247
e opinion paradoxale que Tristan et Iseut, couple
de
parfaits amants, ne s’aimèrent pas. À la manière dont Denis de Rougem
1248
act, en effet », on sent qu’il ne lui déplait pas
de
se faire le champion d’un paradoxe. Tristan aime sa passion, explique
1249
qu’il ne lui déplait pas de se faire le champion
d’
un paradoxe. Tristan aime sa passion, explique-t-il. Il n’aime pas Ise
1250
me sa passion, explique-t-il. Il n’aime pas Iseut
de
charité, dans son être véritable. À la différence d’Agapè, l’amour ch
1251
charité, dans son être véritable. À la différence
d’
Agapè, l’amour chrétien de la personne, Éros, le désir sans fin n’est
1252
itable. À la différence d’Agapè, l’amour chrétien
de
la personne, Éros, le désir sans fin n’est que la projection de l’idé
1253
, Éros, le désir sans fin n’est que la projection
de
l’idéal de l’amant sur un autre être. On ne peut pas épouser une femm
1254
désir sans fin n’est que la projection de l’idéal
de
l’amant sur un autre être. On ne peut pas épouser une femme comme Ise
1255
s on verrait la femme réelle. Iseut épousée cesse
d’
être Iseut pour devenir madame Tristan, ce qu’on ne saurait imaginer.
1256
ontrés. N’est-ce pas d’ailleurs le thème constant
de
tous les romanciers ? Ainsi, selon vous, il n’est pas de synthèse pos
1257
les romanciers ? Ainsi, selon vous, il n’est pas
de
synthèse possible entre Éros et Agapè ? J’ai tenté une esquisse de sy
1258
ble entre Éros et Agapè ? J’ai tenté une esquisse
de
synthèse à la fin de mon livre, en partant des mystiques. Je traitera
1259
pè ? J’ai tenté une esquisse de synthèse à la fin
de
mon livre, en partant des mystiques. Je traiterai ce problème plus à
1260
mmencer, j’ai voulu marquer les deux cas extrêmes
de
l’amour, afin d’y voir clair avant de passer à la synthèse. En écriva
1261
et l’Occident, vous avez réhabilité les problèmes
de
la passion qui n’étaient pas jusqu’à présent objet de littérature sér
1262
a passion qui n’étaient pas jusqu’à présent objet
de
littérature sérieuse. Il est rare, en effet, qu’on en ait parlé en Fr
1263
are, en effet, qu’on en ait parlé en France comme
de
problèmes sérieux, acquiesce l’écrivain. Mais il en va différemment d
1264
différemment dans d’autres pays. Les traductions
de
mon livre montrent que l’étranger s’intéresse à une étude où l’on par
1265
l’étranger s’intéresse à une étude où l’on parle
de
l’amour sans ironie comme sans sentimentalisme. Et j’ai surtout renco
1266
out rencontré la faveur du public féminin content
de
voir examiner impartialement « son » problème. Comment en êtes-vous v
1267
et l’amour ? Je ne peux me retenir plus longtemps
de
poser cette question qui me brûlait la langue depuis le début de notr
1268
question qui me brûlait la langue depuis le début
de
notre entretien, lequel prend de plus en plus figure de conversation
1269
re entretien, lequel prend de plus en plus figure
de
conversation amicale à bâtons rompus, tant je me sens de plain-pied a
1270
ersation amicale à bâtons rompus, tant je me sens
de
plain-pied avec cet auteur si peu imbu de sa personne. Mon interlocut
1271
me sens de plain-pied avec cet auteur si peu imbu
de
sa personne. Mon interlocuteur rejette tout de suite une objection po
1272
ible : Il va sans dire qu’il convient dès l’abord
d’
écarter de ce parallélisme la guerre moderne telle qu’on la fait depui
1273
va sans dire qu’il convient dès l’abord d’écarter
de
ce parallélisme la guerre moderne telle qu’on la fait depuis 1915. Ma
1274
telle qu’on la fait depuis 1915. Mais à l’époque
de
l’amour courtois il n’existait pas de distinction entre l’amour et la
1275
à l’époque de l’amour courtois il n’existait pas
de
distinction entre l’amour et la guerre. Le lansquenet de l’ancien tem
1276
inction entre l’amour et la guerre. Le lansquenet
de
l’ancien temps avait le goût de la guerre pour elle-même ; peu lui im
1277
re. Le lansquenet de l’ancien temps avait le goût
de
la guerre pour elle-même ; peu lui importaient les raisons pour lesqu
1278
s il se battait. La guerre constituait une espèce
de
jeu avec des règles, un commencement et une fin, ce qui est la défini
1279
ations individuelles des amants au fait collectif
de
la guerre. Mais on peut — en usant ici du concept nouvellement consac
1280
t — en usant ici du concept nouvellement consacré
d’
« inconscient collectif » — dire que tout se passe comme si les sociét
1281
si les sociétés réagissaient comme l’inconscient
d’
un individu. De nombreux faits viennent à l’appui de cette thèse. Les
1282
s réagissaient comme l’inconscient d’un individu.
De
nombreux faits viennent à l’appui de cette thèse. Les peuples connus
1283
lemagne ne vient que loin derrière, — l’Allemagne
d’
avant le romantisme s’entend. Car avec le romantisme, l’Allemagne chan
1284
ntend. Car avec le romantisme, l’Allemagne change
de
nature. Les trois générations de romantiques allemands, individualist
1285
Allemagne change de nature. Les trois générations
de
romantiques allemands, individualistes en dehors de toute sociologie,
1286
ui se fait sentir aujourd’hui. Vous voulez parler
de
l’hitlérisme ? Il y a certainement une source commune à Hitler et aux
1287
réactions collectives des Allemands et les rêves
d’
un Allemand. Quand les formes se disloquent, le mythe n’est plus un my
1288
pas choisi ce qu’on appelle communément un sujet
d’
actualité, parce que je crois que la véritable signification des quest
1289
t. Denis de Rougemont me recommande pour terminer
d’
insister sur le fait qu’il n’a pas voulu faire œuvre d’historien. Même
1290
ister sur le fait qu’il n’a pas voulu faire œuvre
d’
historien. Même si les historiens trouvent que j’ai tort sur un point
1291
ui paraît-elle insuffisante, puisqu’il me demande
de
revoir son interview avant la publication. Saurait-on lui en vouloir
1292
w avant la publication. Saurait-on lui en vouloir
de
marquer une si grande méfiance à l’égard des journalistes ? Pour ma p
1293
d des journalistes ? Pour ma part, je lui en veux
d’
autant moins que c’est chez lui qu’il me reçoit, un chez-lui tout prov
1294
t dans un clair studio qui lui a été prêté par un
de
ses confrères en matière de « journal ». La NRF continue d’étendre sa
1295
frères en matière de « journal ». La NRF continue
d’
étendre sa présence autour de Denis de Rougemont. u. Rougemont Deni
1296
tour de Denis de Rougemont. u. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Du mythe de Tristan et Iseut à l’hitlérisme », Tribune
1297
u. Rougemont Denis de, « [Entretien] Du mythe
de
Tristan et Iseut à l’hitlérisme », Tribune de France. Hebdomadaire de
1298
the de Tristan et Iseut à l’hitlérisme », Tribune
de
France. Hebdomadaire de la reconstruction française, Paris, 14 juille
1299
à l’hitlérisme », Tribune de France. Hebdomadaire
de
la reconstruction française, Paris, 14 juillet 1939, p. 4. v. Propos
1300
s un sujet dramatique digne des vastes dimensions
de
la Halle des Fêtes à Zurich. C’était en septembre 1938. L’Europe enti
1301
rope entière allait mobiliser. Vous vous souvenez
de
cet après-midi du mercredi 28 septembre où les peuples prêtaient l’or
1302
es peuples prêtaient l’oreille guettant le tocsin
de
la guerre. C’est alors qu’éclata la nouvelle de l’entrevue décisive d
1303
n de la guerre. C’est alors qu’éclata la nouvelle
de
l’entrevue décisive de Munich. Or, au soir de ce jour me parvint par
1304
lors qu’éclata la nouvelle de l’entrevue décisive
de
Munich. Or, au soir de ce jour me parvint par hasard un livre sur la
1305
lle de l’entrevue décisive de Munich. Or, au soir
de
ce jour me parvint par hasard un livre sur la vie de Nicolas de Flue.
1306
ce jour me parvint par hasard un livre sur la vie
de
Nicolas de Flue. Et je tombai sur le récit de la Diète de Stans, c’es
1307
vie de Nicolas de Flue. Et je tombai sur le récit
de
la Diète de Stans, c’est-à-dire sur le récit même de la journée que n
1308
as de Flue. Et je tombai sur le récit de la Diète
de
Stans, c’est-à-dire sur le récit même de la journée que nous venions
1309
la Diète de Stans, c’est-à-dire sur le récit même
de
la journée que nous venions de vivre ! C’était la même menace, la mêm
1310
fle, le peuple attend les cloches fatidiques : et
d’
un coup le même « Alléluia ! » parce qu’un homme a osé, quand tout éta
1311
ire encore au miracle et l’accomplir ! Le message
de
l’ermite du Ranft prenait en ce soir-là des résonances monumentales.
1312
à des résonances monumentales. Cette petite scène
de
Stans, que nous avions coutume de voir dans le lointain de notre hist
1313
te petite scène de Stans, que nous avions coutume
de
voir dans le lointain de notre histoire, par le gros bout de la lunet
1314
que nous avions coutume de voir dans le lointain
de
notre histoire, par le gros bout de la lunette du temps, la voilà qui
1315
s le lointain de notre histoire, par le gros bout
de
la lunette du temps, la voilà qui s’agrandissait aux proportions de l
1316
emps, la voilà qui s’agrandissait aux proportions
de
l’Europe d’aujourd’hui. Il n’y avait plus à hésiter. Je tenais enfin
1317
là qui s’agrandissait aux proportions de l’Europe
d’
aujourd’hui. Il n’y avait plus à hésiter. Je tenais enfin le grand suj
1318
vé — Honegger, le puissant auteur du Roi David et
d’
Antigone — et dès le mois de mai de cette année, sous l’égide de l’Ins
1319
uteur du Roi David et d’Antigone — et dès le mois
de
mai de cette année, sous l’égide de l’Institut neuchâtelois, 500 pers
1320
u Roi David et d’Antigone — et dès le mois de mai
de
cette année, sous l’égide de l’Institut neuchâtelois, 500 personnes,
1321
t dès le mois de mai de cette année, sous l’égide
de
l’Institut neuchâtelois, 500 personnes, acteurs, choristes et figuran
1322
pour réaliser le spectacle. Ce magnifique effort
d’
art et de patriotisme devait trouver son couronnement lors des deux jo
1323
liser le spectacle. Ce magnifique effort d’art et
de
patriotisme devait trouver son couronnement lors des deux journées ne
1324
ouronnement lors des deux journées neuchâteloises
de
l’Exposition de Zurich. Mais le mois de septembre 1939 nous apporta l
1325
des deux journées neuchâteloises de l’Exposition
de
Zurich. Mais le mois de septembre 1939 nous apporta la catastrophe qu
1326
âteloises de l’Exposition de Zurich. Mais le mois
de
septembre 1939 nous apporta la catastrophe que septembre 1938 avait s
1327
e 1938 avait su écarter. C’était l’échec tragique
de
Nicolas et du message fraternel que le drame allait nous redire. Et c
1328
cependant nous n’avons pas perdu courage. La foi
de
Nicolas domine les temps. Elle vit encore au cœur des Suisses. Elle e
1329
œur des Suisses. Elle est encore le grand symbole
de
notre Confédération et de sa mission en Europe. Plus que jamais, dans
1330
encore le grand symbole de notre Confédération et
de
sa mission en Europe. Plus que jamais, dans ces heures sérieuses, plu
1331
e doit se faire entendre. Grâce aux organisateurs
de
l’émission nationale du 6 novembre, quelques scènes typiques de la pi
1332
nationale du 6 novembre, quelques scènes typiques
de
la pièce seront exécutées à votre intention par les acteurs, choriste
1333
ns qui s’étaient préparés pour Zurich. (Compagnie
de
la Saint-Grégoire, Chorales du Locle et de La Chaux-de-Fonds, dirigée
1334
pagnie de la Saint-Grégoire, Chorales du Locle et
de
La Chaux-de-Fonds, dirigées par M. Charles Taller, Fanfare des Armes
1335
e des Armes réunies, dirigée par M. Piéron, régie
de
M. Jean Kiehl.) Beaucoup d’entre eux sont comme moi, mobilisés. Remer
1336
eux sont comme moi, mobilisés. Remercions l’armée
de
leur avoir accordé les congés nécessaires : ils auront tous conscienc
1337
ils auront tous conscience, lors de l’exécution,
de
servir encore le pays. w. Rougemont Denis de, « Comment j’ai écrit
1338
, de servir encore le pays. w. Rougemont Denis
de
, « Comment j’ai écrit Nicolas de Flue », Le Radio, Lausanne, 3 novem
1339
rquoi nous sommes là (décembre 1939)x Il neige
de
gros flocons humides sur un vallon du haut Jura. Et la neige fond dan
1340
e deux sapins pleureurs, enveloppé dans une toile
de
tente raidie par l’humidité. Et je constate que mes hommes ont cessé
1341
humidité. Et je constate que mes hommes ont cessé
de
creuser leur trou de mitrailleuse : ils préfèrent s’enfumer autour d’
1342
ate que mes hommes ont cessé de creuser leur trou
de
mitrailleuse : ils préfèrent s’enfumer autour d’un feu de branches mo
1343
de mitrailleuse : ils préfèrent s’enfumer autour
d’
un feu de branches mortes, mornes et ronchonneurs, à la lisière d’un b
1344
illeuse : ils préfèrent s’enfumer autour d’un feu
de
branches mortes, mornes et ronchonneurs, à la lisière d’un bois. J’es
1345
ches mortes, mornes et ronchonneurs, à la lisière
d’
un bois. J’essaie de les réconforter. Silence, réprobation muette. Je
1346
et ronchonneurs, à la lisière d’un bois. J’essaie
de
les réconforter. Silence, réprobation muette. Je prends une pioche et
1347
mmes me regardent, et ils ne rient même pas. L’un
d’
eux entre ses dents : « On se demande ce qu’on fout par-là… » Eh bien
1348
emande ce qu’on fout par-là… » Eh bien oui, bande
de
rouspéteurs, vous avez bien raison de vous le demander ! Et je me le
1349
oui, bande de rouspéteurs, vous avez bien raison
de
vous le demander ! Et je me le demande encore, devant ce papier blanc
1350
ut ce qui faisait notre vie ? Il faudrait essayer
de
répondre. L’homme n’est pas né pour faire n’importe quoi, sans rien c
1351
uelques kilomètres d’ici commencent les tranchées
de
la guerre, et des hommes meurent. Pourquoi cette guerre, pourquoi ces
1352
pourquoi ces morts ? Parce que les gouvernements
de
l’Europe n’ont pas su résoudre autrement le problème des minorités, a
1353
devoir s’imaginer ! — que le bonheur et la force
d’
un peuple dépendent de sa grandeur physique, de sa mise au pas militai
1354
que le bonheur et la force d’un peuple dépendent
de
sa grandeur physique, de sa mise au pas militaire, de son arrogance é
1355
ce d’un peuple dépendent de sa grandeur physique,
de
sa mise au pas militaire, de son arrogance étatique. Nous sommes ici
1356
a grandeur physique, de sa mise au pas militaire,
de
son arrogance étatique. Nous sommes ici à patauger parce que les peup
1357
s’unifier brutalement. Oui, cette guerre n’a pas
d’
autre sens : elle marque la faillite retentissante des systèmes centra
1358
gigantesques. C’est la guerre la plus antisuisse
de
toute l’histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même t
1359
la solution suisse et fédérale est seule capable
de
fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’est pas not
1360
e nous avons à défendre : le seul avenir possible
de
l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent
1361
oit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas
de
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait,
1362
éjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots,
de
lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes
1363
t. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou
d’
idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est p
1364
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit
de
voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est pas pour défendre des fr
1365
’est pas pour défendre des fromages, des conseils
d’
administration, notre confort et nos hôtels. D’autres — on sait qui —
1366
! Ce n’est pas non plus pour protéger nos « lacs
d’
azur » et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la propagand
1367
» et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre
de
la propagande se chargerait très volontiers de ce travail de Heimatsc
1368
re de la propagande se chargerait très volontiers
de
ce travail de Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter l
1369
gande se chargerait très volontiers de ce travail
de
Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter la mission dont
1370
iècles, devant l’Europe. D’autres se sont chargés
d’
arrêter les brigands qui voulaient profiter de sa faiblesse. Nous somm
1371
gés d’arrêter les brigands qui voulaient profiter
de
sa faiblesse. Nous sommes chargés de la défendre contre elle-même, de
1372
ent profiter de sa faiblesse. Nous sommes chargés
de
la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa san
1373
s sommes chargés de la défendre contre elle-même,
de
garder son trésor, d’affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si n
1374
défendre contre elle-même, de garder son trésor,
d’
affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si nous trahissons cette m
1375
me, de garder son trésor, d’affirmer sa santé, et
de
sauver son avenir. Si nous trahissons cette mission, si nous n’en pre
1376
’en prenons pas conscience, je ne donne pas lourd
de
notre indépendance. Lt D. de Rougemont III/20. x. Rougemont Denis
1377
Lt D. de Rougemont III/20. x. Rougemont Denis
de
, « Pourquoi nous sommes là », La DAC, Berne, décembre 1939, p. 1.
1378
Nicolas de Flue : naissance
d’
un drame (Noël 1939)z Le mercredi 28 septembre de l’an dernier, au
1379
un drame (Noël 1939)z Le mercredi 28 septembre
de
l’an dernier, au milieu de l’après-midi, je fus appelé au téléphone p
1380
ne par un ami. Était-ce la guerre qu’on attendait
d’
une heure à l’autre ? C’était Munich, c’était la paix, cela n’arrangea
1381
dirigeant son Nocturne dans le théâtre goldonien
de
la Fenice et je me disais une fois de plus : j’écrirai quelque chose
1382
entendement. C’est à ce moment que l’on m’offrit
d’
écrire une pièce pour l’Exposition de Zurich. Je ris un peu de tant de
1383
’on m’offrit d’écrire une pièce pour l’Exposition
de
Zurich. Je ris un peu de tant de flegme… L’Exposition, d’abord, n’aur
1384
j’allais mettre mon casque ; enfin je n’avais pas
de
sujet, et je défiais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui fût de
1385
je n’avais pas de sujet, et je défiais quiconque
d’
en trouver un, en Suisse, qui fût de taille à occuper l’énorme scène d
1386
ais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui fût
de
taille à occuper l’énorme scène dont j’avais vu les plans. On insista
1387
la catastrophe réglerait tout. Sur quoi, le coup
de
téléphone que j’ai dit, et toute la vie qui se reprend à vivre, les d
1388
ourir, le sujet à me fuir… Le soir même, rentrant
de
voyage, ma femme m’apporte un livre qu’on lui a prêté : une biographi
1389
porte un livre qu’on lui a prêté : une biographie
de
Nicolas de Flue, signée Anne-Marie de Gourlet4. Genre édifiant, hagio
1390
s ne m’avait jamais paru très excitant : souvenir
d’
école primaire, c’est tout dire. Mais tout d’un coup, me voilà pris !
1391
enir d’école primaire, c’est tout dire. Mais tout
d’
un coup, me voilà pris ! Je découvre une vie d’homme réel, un siècle d
1392
ut d’un coup, me voilà pris ! Je découvre une vie
d’
homme réel, un siècle décisif de notre histoire, un grand drame religi
1393
découvre une vie d’homme réel, un siècle décisif
de
notre histoire, un grand drame religieux au seuil de la Réforme, — et
1394
notre histoire, un grand drame religieux au seuil
de
la Réforme, — et déjà des dialogues esquissés, ces relations faites p
1395
se dessine dans l’espace : la cellule silencieuse
de
l’ermite, au centre, et tout autour le jeu bruyant du monde, et ces d
1396
autour le jeu bruyant du monde, et ces deux files
de
pèlerins, l’une qui descend à droite, l’autre qui vient de la gauche,
1397
audrait une scène à étages… C’est justement celle
de
Zurich ! Nuit blanche. Trois actes se composent, irrésistiblement, im
1398
re, je perçois mille correspondances. Cette Diète
de
Stans où le message de Nicolas sauve la paix à la onzième heure, ce n
1399
rrespondances. Cette Diète de Stans où le message
de
Nicolas sauve la paix à la onzième heure, ce n’est plus un souvenir d
1400
aix à la onzième heure, ce n’est plus un souvenir
de
manuel, c’est le Munich des Suisses, c’est l’éternel miracle du don d
1401
unich des Suisses, c’est l’éternel miracle du don
de
la paix, toujours immérité… Au matin, la pièce était faite. Non pas é
1402
Dès les premiers instants, le paradoxe technique
de
ce drame m’était clairement apparu : il s’agissait de peupler une scè
1403
e drame m’était clairement apparu : il s’agissait
de
peupler une scène immense autour d’un seul personnage important. Reve
1404
il s’agissait de peupler une scène immense autour
d’
un seul personnage important. Revenir au théâtre grec, avec son chœur
1405
té qui peut s’accorder à la fois à la déclamation
d’
un chœur en marche et au dialogue, forcément sans nuances, de personna
1406
en marche et au dialogue, forcément sans nuances,
de
personnages quasi mythiques. Tout cela créait l’appel au musicien… Sa
1407
cela créait l’appel au musicien… Sans un instant
d’
hésitation, je m’adressai à Honegger. En trois mois, tout fut terminé.
1408
is heureux, où le temps s’écoulait au rythme même
de
l’œuvre en marche. L’accord du musicien et de l’auteur était si parfa
1409
ême de l’œuvre en marche. L’accord du musicien et
de
l’auteur était si parfaitement préétabli que je ne fus pas étonné de
1410
i parfaitement préétabli que je ne fus pas étonné
de
retrouver, dans la partition d’Honegger, certains traits mélodiques q
1411
ne fus pas étonné de retrouver, dans la partition
d’
Honegger, certains traits mélodiques que j’avais inventés en composant
1412
et mes récitatifs, — et que je m’étais bien gardé
de
lui chanter ! On sait la suite : tout était prêt, quand septembre 193
1413
ce qu’avait engendré Munich. Ainsi ma pièce, née
d’
un croisement fortuit d’une série de petits faits privés et d’une séri
1414
nich. Ainsi ma pièce, née d’un croisement fortuit
d’
une série de petits faits privés et d’une série de faits européens, de
1415
ma pièce, née d’un croisement fortuit d’une série
de
petits faits privés et d’une série de faits européens, devait subir,
1416
ent fortuit d’une série de petits faits privés et
d’
une série de faits européens, devait subir, à partir de ce jour, le so
1417
d’une série de petits faits privés et d’une série
de
faits européens, devait subir, à partir de ce jour, le sort même de l
1418
, devait subir, à partir de ce jour, le sort même
de
la paix qu’elle chantait. Je vous ai raconté cette histoire pour appo
1419
pporter un témoignage assez précis au vieux débat
de
l’inspiration. On voit la part déterminante que l’occasion et les don
1420
a part déterminante que l’occasion et les données
de
fait ont joué dans cette création (scène de Zurich, chœurs et fanfare
1421
nnées de fait ont joué dans cette création (scène
de
Zurich, chœurs et fanfares disponibles en pays neuchâtelois). On devi
1422
lui du hasard apparent qui présida au recoupement
de
deux séries de faits sans aucun lien… Quel sera le destin de ce drame
1423
pparent qui présida au recoupement de deux séries
de
faits sans aucun lien… Quel sera le destin de ce drame ? Celui de la
1424
ies de faits sans aucun lien… Quel sera le destin
de
ce drame ? Celui de la paix, je le répète. Joignons alors notre prièr
1425
cun lien… Quel sera le destin de ce drame ? Celui
de
la paix, je le répète. Joignons alors notre prière à celle du peuple
1426
sse, invoquant du fond des vallées l’intervention
de
Nicolas : Parmi nous, peuple, parmi nous — parmi la foule en lourd t
1427
le en lourd tumulte avant le jour — aveugle proie
de
l’horreur désirée — prêtant l’oreille au martelant galop du cheval ro
1428
êtant l’oreille au martelant galop du cheval roux
de
notre Apocalypse — parmi nous, foule, parmi nous. Descends ! clément
1429
areille à la rosée ! — Viens te poser sur le cœur
de
violence — apaise-nous, colombe en ce tumulte — miraculeuse ! Jusqu’a
1430
s les chœurs du drame : Éclatez, éclatez en cris
de
joie ! Oui, tous en chœur, levez-vous et chantez ! Dans la paix q
1431
Alléluia ! Alléluia ! 4. Je saisis l’occasion
de
signaler une autre biographie de Nicolas, Bruder Klaus, par Mlle de S
1432
aisis l’occasion de signaler une autre biographie
de
Nicolas, Bruder Klaus, par Mlle de Segesser, avec l’espoir qu’elle so
1433
soit bientôt traduite. C’est un excellent travail
d’
histoire revécue. z. Rougemont Denis de, « Nicolas de Flue : naissa
1434
travail d’histoire revécue. z. Rougemont Denis
de
, « Nicolas de Flue : naissance d’un drame », Formes et couleurs, Lau
1435
ougemont Denis de, « Nicolas de Flue : naissance
d’
un drame », Formes et couleurs, Lausanne, Noël 1939, p. 1-2.
1436
Ah ! Nicolas Manuel Deutsch, on ne s’embêtait pas
de
ton temps ! On allait faire la guerre en Italie pour le plaisir d’un
1437
allait faire la guerre en Italie pour le plaisir
d’
un sang violent, et quand les lansquenets trichaient au jeu mortel, qu
1438
t l’on exhalait sa colère dans un chant débordant
d’
injures : « Tu mens plus largement que ta gueule n’est fendue !… Tu t’
1439
n dans son fumier !… Ô toi mon doux petit faiseur
de
rimes, je te tire une crotte sur le nez, trois dans ta barbe !15 » Ma
1440
tter du même pas la planète… ⁂ Un vers du temps —
d’
un peu plus tard, sans doute, mais c’est encore le même rythme de vie
1441
ard, sans doute, mais c’est encore le même rythme
de
vie — vient mêler sa guirlande à mes images, comme la devise du table
1442
a devise du tableau, tandis que je songe à la vie
de
Nicolas Manuel Deutsch. C’est un autre guerrier qui parle en ses Trag
1443
’est un autre guerrier qui parle en ses Tragiques
d’
une nuit Où l’Amour et la Mort troquèrent leurs flambeaux. Par le pinc
1444
pinceau, par l’épée et la plume, Manuel n’a cessé
de
provoquer la mort. Dans toute son œuvre, au cœur de son lyrisme, elle
1445
provoquer la mort. Dans toute son œuvre, au cœur
de
son lyrisme, elle tient le lieu de la passion d’amour, et c’est elle
1446
œuvre, au cœur de son lyrisme, elle tient le lieu
de
la passion d’amour, et c’est elle qu’il invite à la danse avec une fo
1447
de son lyrisme, elle tient le lieu de la passion
d’
amour, et c’est elle qu’il invite à la danse avec une fougue adolescen
1448
tyrs et mort bourgeoise, mort soldatesque et mort
de
carnaval, vierge, paysanne, ou fille à lansquenets, c’est toujours el
1449
ejoint ou qu’il poursuit ; dans les métamorphoses
de
sa vie : toujours vêtue aux couleurs de sa fièvre et de sa nouvelle a
1450
morphoses de sa vie : toujours vêtue aux couleurs
de
sa fièvre et de sa nouvelle aventure. Pourquoi les hommes les plus vi
1451
vie : toujours vêtue aux couleurs de sa fièvre et
de
sa nouvelle aventure. Pourquoi les hommes les plus vivants de cette é
1452
le aventure. Pourquoi les hommes les plus vivants
de
cette époque où la vie s’exaspère ont-ils fait à la mort, dans leurs
1453
itude : face au danger. Leur Suisse est au sommet
de
son élan vers la conquête et la richesse ; au comble de sa gloire, et
1454
élan vers la conquête et la richesse ; au comble
de
sa gloire, et de son risque. Elle n’a jamais été moins neutre, moins
1455
quête et la richesse ; au comble de sa gloire, et
de
son risque. Elle n’a jamais été moins neutre, moins confinée dans ses
1456
moyennes, ni moins en garde contre les tentations
de
la grandeur. Elle est sérieuse parce qu’elle est menacée et menaçante
1457
t menaçante ; parce qu’elle est tout le contraire
d’
un pays d’« assurés ». Sérieuse et impétueuse, comme ceux qui savent q
1458
e ; parce qu’elle est tout le contraire d’un pays
d’
« assurés ». Sérieuse et impétueuse, comme ceux qui savent que la vie
1459
comme ceux qui savent que la vie n’est pas le but
de
la vie, qu’elle ne mérite pas de majuscule, et qu’elle est quelque ch
1460
n’est pas le but de la vie, qu’elle ne mérite pas
de
majuscule, et qu’elle est quelque chose qui doit brûler, flamber, et
1461
contemporains savent et disent à leur manière que
de
demain rien n’est certain. Mais ce qu’ils sentent menacé, ce n’est po
1462
et forte qui figure à leurs yeux le train normal
de
l’homme. Leur œuvre illustre la vision de l’Ecclésiaste, ce grand maî
1463
normal de l’homme. Leur œuvre illustre la vision
de
l’Ecclésiaste, ce grand maître du vrai réalisme. « Jette ton pain sur
1464
el malheur peut arriver sur la terre. » Le secret
de
la vie généreuse est la conscience de sa brève vanité. Dix-huit siècl
1465
» Le secret de la vie généreuse est la conscience
de
sa brève vanité. Dix-huit siècles de chrétienté ont prêché sur le thè
1466
a conscience de sa brève vanité. Dix-huit siècles
de
chrétienté ont prêché sur le thème du memento mori, mais nous préféro
1467
nto mori, mais nous préférons aujourd’hui l’éloge
de
la vie au grand air. Et tout se passe comme si le souci de l’hygiène,
1468
au grand air. Et tout se passe comme si le souci
de
l’hygiène, et celui de l’épargne dans tous les domaines, tuaient en n
1469
se passe comme si le souci de l’hygiène, et celui
de
l’épargne dans tous les domaines, tuaient en nous le sens métaphysiqu
1470
lus libre fantaisie, mais énergique : je ne cesse
d’
admirer chez Manuel la plupart des vertus qui nous manquent. Böcklin m
1471
part des vertus qui nous manquent. Böcklin manque
de
sobriété, Hodler aussi. D’où l’espèce de niaiserie qui affecte essent
1472
nquent. Böcklin manque de sobriété, Hodler aussi.
D’
où l’espèce de niaiserie qui affecte essentiellement les solennelles d
1473
n manque de sobriété, Hodler aussi. D’où l’espèce
de
niaiserie qui affecte essentiellement les solennelles démonstrations
1474
te essentiellement les solennelles démonstrations
d’
Art du premier, le gigantisme méthodique du second. Et quant à l’éléga
1475
figures sans mystère. Manuel est un nerveux, mais
de
ferme écriture : un imaginatif, mais sans excitation ; un homme qui p
1476
près ce que nous avons perdu par une longue suite
de
« libérations » qui ne laissent enfin subsister que la plus discutabl
1477
sent enfin subsister que la plus discutable envie
de
peindre… ⁂ Son réalisme ne fait pas d’histoires, parce qu’il n’est pa
1478
able envie de peindre… ⁂ Son réalisme ne fait pas
d’
histoires, parce qu’il n’est pas une polémique mais une acceptation de
1479
à toutes fins utiles ou spirituelles, à la volée
d’
une imagination qui se soucie d’abord de composer. Entre une épaule et
1480
la volée d’une imagination qui se soucie d’abord
de
composer. Entre une épaule et une arcade, vous découvrez un lac entou
1481
aule et une arcade, vous découvrez un lac entouré
de
cultures, de beaux champs gras, des laboureurs et des bateaux, toute
1482
rcade, vous découvrez un lac entouré de cultures,
de
beaux champs gras, des laboureurs et des bateaux, toute une nature à
1483
eurs et des bateaux, toute une nature à la mesure
de
l’homme, portant les marques de l’usage, et dominée par quelques Alpe
1484
ature à la mesure de l’homme, portant les marques
de
l’usage, et dominée par quelques Alpes qui sont des vagues à peine fi
1485
’opéra romantique, bien moins encore ces planches
de
minéralogie que nous bariolent les peintres d’Alpe. Ce qu’il peint, l
1486
es de minéralogie que nous bariolent les peintres
d’
Alpe. Ce qu’il peint, lui, c’est la terre des hommes, vue par les yeux
1487
lui, c’est la terre des hommes, vue par les yeux
de
qui l’habite et l’utilise, et non point des « paysages » ou des « vue
1488
e et bien suspect du terme. Un beau jour, fatigué
de
signer d’un poignard ses tumultueuses compositions, il se joint aux g
1489
suspect du terme. Un beau jour, fatigué de signer
d’
un poignard ses tumultueuses compositions, il se joint aux guerriers d
1490
positions, il se joint aux guerriers du chevalier
de
Stein, va combattre à Novare et pille la cité, assiste à la défaite d
1491
e à Novare et pille la cité, assiste à la défaite
de
la Bicoque, crie son indignation dans un furieux poème, et s’en revie
1492
ur y faire la Réforme. Il écrira d’abord des jeux
de
carnaval qui sont en vérité bien plus que des satires « contre le pap
1493
il joignait à son monogramme, enguirlandé au coin
de
ses tableaux ; ce sera l’arme réelle du guerrier suisse, signe des vi
1494
est le sceau des poèmes qu’il dédie « à la gloire
de
Dieu ». ⁂ Quand on dit chez nous de quelqu’un « qu’il a fait un peu t
1495
« à la gloire de Dieu ». ⁂ Quand on dit chez nous
de
quelqu’un « qu’il a fait un peu tous les métiers », ce n’est pas un é
1496
un éloge, il s’en faut, c’est plutôt une manière
de
lui refuser cette considération bourgeoise qui s’attache aux carrière
1497
attache aux carrières monotones. Mais la grandeur
d’
un Manuel, et de plusieurs à son époque, est d’avoir su conduire leur
1498
ières monotones. Mais la grandeur d’un Manuel, et
de
plusieurs à son époque, est d’avoir su conduire leur vie vers un but
1499
ur d’un Manuel, et de plusieurs à son époque, est
d’
avoir su conduire leur vie vers un but qui transcende toutes nos activ
1500
e ordonna-t-il sa vie ? Peut-être à la recréation
d’
une unité de rythme et de vision au sein d’un monde qui perdait ses me
1501
il sa vie ? Peut-être à la recréation d’une unité
de
rythme et de vision au sein d’un monde qui perdait ses mesures. Et qu
1502
eut-être à la recréation d’une unité de rythme et
de
vision au sein d’un monde qui perdait ses mesures. Et quand le lieu d
1503
la victoire, homme d’État. Je vois ainsi l’unité
de
sa vie dans la recherche d’une forme et d’un sens. Si l’art n’y suffi
1504
Je vois ainsi l’unité de sa vie dans la recherche
d’
une forme et d’un sens. Si l’art n’y suffit pas, c’est que le mal est
1505
’unité de sa vie dans la recherche d’une forme et
d’
un sens. Si l’art n’y suffit pas, c’est que le mal est profond : d’où
1506
rt n’y suffit pas, c’est que le mal est profond :
d’
où la nécessité d’agir sur la cité. Si la cité n’a plus de vraies mesu
1507
c’est que le mal est profond : d’où la nécessité
d’
agir sur la cité. Si la cité n’a plus de vraies mesures, c’est l’Églis
1508
nécessité d’agir sur la cité. Si la cité n’a plus
de
vraies mesures, c’est l’Église qui doit les refaire. Qu’elle s’y refu
1509
ebâtir un État… ⁂ La sagesse des manuels a le don
de
stériliser d’un seul mot l’exemple d’une vie trop ardente : « romanti
1510
… ⁂ La sagesse des manuels a le don de stériliser
d’
un seul mot l’exemple d’une vie trop ardente : « romantique » ou « ave
1511
ls a le don de stériliser d’un seul mot l’exemple
d’
une vie trop ardente : « romantique » ou « aventurier » ou mieux encor
1512
tique » ou « aventurier » ou mieux encore « homme
de
la Renaissance ». Rappelons alors que ce guerrier fut bon époux, et b
1513
alors que ce guerrier fut bon époux, et bon père
de
six enfants ; que cet artiste, l’un des plus grands de son pays, fut
1514
x enfants ; que cet artiste, l’un des plus grands
de
son pays, fut aussi le plus raisonnable parmi les chefs de la Réforma
1515
ys, fut aussi le plus raisonnable parmi les chefs
de
la Réformation. L’année même où pour divertir Zwingli et ses savants
1516
ses savants collègues il leur envoie le manuscrit
d’
une satire contre la messe, on vante à Berne la modération de ses disc
1517
e contre la messe, on vante à Berne la modération
de
ses discours lors des débats de religion. Ce dernier trait achève de
1518
rne la modération de ses discours lors des débats
de
religion. Ce dernier trait achève de peindre le sérieux de ce fantast
1519
s des débats de religion. Ce dernier trait achève
de
peindre le sérieux de ce fantastique. Mais je m’aperçois un peu tard
1520
on. Ce dernier trait achève de peindre le sérieux
de
ce fantastique. Mais je m’aperçois un peu tard que j’oubliais de cite
1521
ue. Mais je m’aperçois un peu tard que j’oubliais
de
citer sa devise, inscrite au coin de quelques-uns de ses dessins : N.
1522
e j’oubliais de citer sa devise, inscrite au coin
de
quelques-uns de ses dessins : N.K.A.W., ce qui veut dire : « Personne
1523
citer sa devise, inscrite au coin de quelques-uns
de
ses dessins : N.K.A.W., ce qui veut dire : « Personne ne peut tout sa
1524
it tout savoir, et que pourtant… C’est la passion
de
la Renaissance, si l’on veut. Je crois plutôt que c’est encore l’ango
1525
Je crois plutôt que c’est encore l’angoisse avide
d’
une unité de sens spirituel, inaccessible à tout « savoir », aussi vas
1526
tôt que c’est encore l’angoisse avide d’une unité
de
sens spirituel, inaccessible à tout « savoir », aussi vaste qu’on l’i
1527
30, Manuel parut pour la dernière fois à la Diète
de
Baden. Du 1er au 12 avril, il assiste chaque jour aux séances du Cons
1528
il, il assiste chaque jour aux séances du Conseil
de
Berne. Le 16, il est signalé comme absent. Le 18 on le confirme dans
1529
comme absent. Le 18 on le confirme dans sa charge
de
banneret. Le 20 avril, il n’est plus. « Pareil au cierge qui se consu
1530
il n’est plus. « Pareil au cierge qui se consume
d’
autant plus vite qu’il a mieux éclairé — écrit un chroniqueur du temps
1531
sa 46e année. » Le seul autoportrait qui subsiste
de
lui nous montre, à la fin de sa vie, un regard doux et perspicace, un
1532
ortrait qui subsiste de lui nous montre, à la fin
de
sa vie, un regard doux et perspicace, un visage aigu de malade, peint
1533
vie, un regard doux et perspicace, un visage aigu
de
malade, peint avec la véracité d’un homme qui sait exactement ce que
1534
un visage aigu de malade, peint avec la véracité
d’
un homme qui sait exactement ce que vaut une vie d’homme devant Dieu.
1535
’un homme qui sait exactement ce que vaut une vie
d’
homme devant Dieu. 15. Vers du Biccocalied. À la bataille de la Bico
1536
nt Dieu. 15. Vers du Biccocalied. À la bataille
de
la Bicoque, les lansquenets s’étaient dissimulés dans des tranchées,
1537
rie décimait les Suisses à bout portant. Le poème
de
Manuel répond à une chanson glorifiant la victoire des Allemands. 16
1538
e lob ! – La plupart des autres drames et satires
de
Manuel se terminent par la mention du « Schwyzerdegen », qui demeure
1539
demeure sa vraie signature. au. Rougemont Denis
de
, « L’homme au poignard enguirlandé », Vingt-Huit écrivains de la Suis
1540
e au poignard enguirlandé », Vingt-Huit écrivains
de
la Suisse romande, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1940, p. 233
1541
rivains de la Suisse romande, Neuchâtel, Éditions
de
la Baconnière, 1940, p. 233-240.
1542
uelques kilomètres d’ici commencent les tranchées
de
la guerre, et des hommes meurent. Pourquoi cette guerre, pourquoi ces
1543
es bases chrétiennes et pratiques, dans un esprit
de
solidarité que symbolise exactement notre maxime confédérale : un pou
1544
re dans son principe la guerre la plus antisuisse
de
l’histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même temps l
1545
la solution suisse et fédérale est seule capable
de
fonder la paix, puisque les autres aboutissent à la guerre. Ce n’est
1546
défendant notre patrie : le seul avenir possible
de
l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent
1547
oit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas
de
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait,
1548
éjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots,
de
lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes
1549
t. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou
d’
idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est p
1550
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit
de
voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est pas pour défendre d’abor
1551
. Ce n’est pas seulement pour protéger nos « lacs
d’
azur » et nos « glaciers sublimes ». Si nous sommes là, c’est pour exé
1552
ission vis-à-vis de l’Europe. Nous sommes chargés
de
la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa san
1553
s sommes chargés de la défendre contre elle-même,
de
garder son trésor, d’affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Tel
1554
défendre contre elle-même, de garder son trésor,
d’
affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Tel est le sens de notre i
1555
me, de garder son trésor, d’affirmer sa santé, et
de
sauver son avenir. Tel est le sens de notre indépendance, et telle es
1556
a santé, et de sauver son avenir. Tel est le sens
de
notre indépendance, et telle est la mission spéciale qui justifie not
1557
justifie notre neutralité. av. Rougemont Denis
de
, « Mission spéciale », Nos libertés : bréviaire du citoyen, Lausanne,
1558
D’
un certain cafard helvétique (janvier 1940)aa Chacun sait que le me
1559
vier 1940)aa Chacun sait que le meilleur moyen
de
soutenir le moral, c’est l’action. Et non pas les distractions. Les h
1560
illeure forme que ceux qui, à l’arrière, essaient
de
s’amuser. Par contre, je ne connais rien de plus démoralisant que le
1561
onnais rien de plus démoralisant que le sentiment
d’
être entravé dans son action. C’est bien pire qu’une totale et irréméd
1562
empêtré dans ses draps. Or c’est à cette sorte-là
de
démoralisation et de cafard que se trouvent exposés aujourd’hui les p
1563
s. Or c’est à cette sorte-là de démoralisation et
de
cafard que se trouvent exposés aujourd’hui les petits pays neutres. M
1564
des hommes civils ou mobilisés, aux quatre coins
de
la Suisse, qui voudraient travailler pour leur pays, qui sont pleins
1565
raient travailler pour leur pays, qui sont pleins
de
projets et d’espoirs, qui ont cru en septembre 1939 que notre mobilis
1566
ler pour leur pays, qui sont pleins de projets et
d’
espoirs, qui ont cru en septembre 1939 que notre mobilisation allait o
1567
notre mobilisation allait ouvrir des possibilités
d’
action morale et nationale sans précédent, — et qui, après trois ou qu
1568
trois ou quatre mois, sont en train comme on dit
de
se dégonfler. Pourquoi ? Parce que nous sommes un petit pays qui se m
1569
e siècle, règne une passion égalitaire (inconnue
de
l’ancienne Suisse) qui a pour effet de déprimer l’initiative original
1570
(inconnue de l’ancienne Suisse) qui a pour effet
de
déprimer l’initiative originale, les vocations trop nettement affirmé
1571
ce à tout faire « rentrer dans le rang ». Essayez
de
lancer un projet et d’y consacrer toutes vos forces, on vous traitera
1572
er dans le rang ». Essayez de lancer un projet et
d’
y consacrer toutes vos forces, on vous traitera vite « d’utopiste », d
1573
sacrer toutes vos forces, on vous traitera vite «
d’
utopiste », de prétentieux ou d’excité. Certain sentiment suisse répug
1574
vos forces, on vous traitera vite « d’utopiste »,
de
prétentieux ou d’excité. Certain sentiment suisse répugne à tout ce q
1575
s traitera vite « d’utopiste », de prétentieux ou
d’
excité. Certain sentiment suisse répugne à tout ce qui lui paraît voul
1576
vouloir se distinguer, dans n’importe quel ordre
d’
action. C’est le revers d’une de nos plus précieuses qualités civiques
1577
ns n’importe quel ordre d’action. C’est le revers
d’
une de nos plus précieuses qualités civiques, j’entends du sentiment d
1578
mporte quel ordre d’action. C’est le revers d’une
de
nos plus précieuses qualités civiques, j’entends du sentiment de soli
1579
cieuses qualités civiques, j’entends du sentiment
de
solidarité, d’équipe, et de virile entraide, qui a forgé notre fédéra
1580
s civiques, j’entends du sentiment de solidarité,
d’
équipe, et de virile entraide, qui a forgé notre fédération, et l’a pr
1581
’entends du sentiment de solidarité, d’équipe, et
de
virile entraide, qui a forgé notre fédération, et l’a préservée jusqu
1582
orgé notre fédération, et l’a préservée jusqu’ici
de
la tentation dictatoriale. Nous nous méfions beaucoup plus que nos vo
1583
dépasse une très moyenne ardeur, c’est le moment
de
réagir vertement. C’est le moment de proclamer que notre Confédératio
1584
st le moment de réagir vertement. C’est le moment
de
proclamer que notre Confédération ne pourra vivre que si les citoyens
1585
rra vivre que si les citoyens les plus conscients
de
sa mission historique et actuelle trouvent les moyens d’exprimer cett
1586
ission historique et actuelle trouvent les moyens
d’
exprimer cette mission, et surtout de la réaliser. La DAC est un de c
1587
t les moyens d’exprimer cette mission, et surtout
de
la réaliser. La DAC est un de ces moyens ; bien modeste, mais il fau
1588
ission, et surtout de la réaliser. La DAC est un
de
ces moyens ; bien modeste, mais il faut commencer. Et j’en profite po
1589
érieux que les petites tâches immédiates, perdant
de
vue l’intérêt général, donc le sens même de ces tâches immédiates. C’
1590
rdant de vue l’intérêt général, donc le sens même
de
ces tâches immédiates. C’est justement parce qu’il y a ces obstacles
1591
premier enthousiasme est tombé, l’heure est venue
d’
une reprise en main, d’un regroupement pour un nouveau départ. Secouer
1592
t tombé, l’heure est venue d’une reprise en main,
d’
un regroupement pour un nouveau départ. Secouer notre train-train, not
1593
iotique. Plt D. de Rougemont. Adjudance générale
de
l’Armée Section Armée et Foyer aa. Rougemont Denis de, « D’un ce
1594
e Section Armée et Foyer aa. Rougemont Denis
de
, « D’un certain cafard helvétique », La DAC, Berne, janvier 1940, p.
1595
ion Armée et Foyer aa. Rougemont Denis de, «
D’
un certain cafard helvétique », La DAC, Berne, janvier 1940, p. 1.
1596
Les Suisses sont-ils « à la hauteur »
de
la Suisse ? (20 janvier 1940)ab La Suisse est neutre. La Suisse es
1597
elle. On a fait avec cela beaucoup de littérature
de
manuels, — et en même temps un peu d’argent, je crois. Tant pis pour
1598
littérature de manuels, — et en même temps un peu
d’
argent, je crois. Tant pis pour les manuels et tant mieux pour l’argen
1599
rgent. Mais il y a sans doute autre chose à tirer
de
nos « privilèges », si nous voulons les préserver. Neutralité et beau
1600
aturelles ont été trop longtemps considérées soit
d’
un point de vue purement sentimental — comme privilèges de droit divin
1601
nt de vue purement sentimental — comme privilèges
de
droit divin du peuple suisse — soit d’un point de vue purement utilit
1602
privilèges de droit divin du peuple suisse — soit
d’
un point de vue purement utilitaire ou touristique. C’est-à-dire trop
1603
-à-dire trop haut et trop bas. Il est grand temps
d’
abandonner cette attitude que beaucoup d’étrangers, hélas, ont pu conf
1604
nd temps d’abandonner cette attitude que beaucoup
d’
étrangers, hélas, ont pu confondre avec l’esprit même de la Suisse, «
1605
ngers, hélas, ont pu confondre avec l’esprit même
de
la Suisse, « peuple d’instituteurs et d’hôteliers », comme chacun sai
1606
nfondre avec l’esprit même de la Suisse, « peuple
d’
instituteurs et d’hôteliers », comme chacun sait… Qu’on y prenne garde
1607
rit même de la Suisse, « peuple d’instituteurs et
d’
hôteliers », comme chacun sait… Qu’on y prenne garde : si nous sommes
1608
les et nos glaciers « sublimes », il n’y a pas là
de
quoi nous vanter. D’abord, ce n’est pas notre faute. Car vraiment, no
1609
et notre géographie. Ensuite, si nous bénéficions
de
privilèges considérables, il s’agirait de nous en rendre dignes, avan
1610
ficions de privilèges considérables, il s’agirait
de
nous en rendre dignes, avant même que de les défendre. Le seul moyen
1611
’agirait de nous en rendre dignes, avant même que
de
les défendre. Le seul moyen de conserver un privilège, après tout, c’
1612
es, avant même que de les défendre. Le seul moyen
de
conserver un privilège, après tout, c’est de le mériter. Et de prouve
1613
oyen de conserver un privilège, après tout, c’est
de
le mériter. Et de prouver en fait que l’on est seul à pouvoir l’exerc
1614
un privilège, après tout, c’est de le mériter. Et
de
prouver en fait que l’on est seul à pouvoir l’exercer dignement. Or,
1615
r l’exercer dignement. Or, nous chantons nos lacs
d’
azur, nous chantons nos glaciers qui touchent aux deux, et nous en ret
1616
aciers qui touchent aux deux, et nous en retirons
d’
importants bénéfices, mais nous oublions trop souvent que tout cela pr
1617
nt que tout cela précisément peut tenter certains
de
nos voisins… Ne seraient-ils pas aussi capables que nous de chanter e
1618
sins… Ne seraient-ils pas aussi capables que nous
de
chanter et de gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur c
1619
ent-ils pas aussi capables que nous de chanter et
de
gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur céder la place
1620
s aussi capables que nous de chanter et de gagner
de
l’argent, si nous étions contraints de leur céder la place ? Sommes-n
1621
de gagner de l’argent, si nous étions contraints
de
leur céder la place ? Sommes-nous vraiment plus dignes et plus consci
1622
cients que d’autres des « charges » que supposent
de
pareils avantages ? Chaque fois que je vous entends vanter notre natu
1623
re nature « incomparable », je ne puis m’empêcher
de
songer, avec une horrible malice, à certain passage de Hugo contempla
1624
nger, avec une horrible malice, à certain passage
de
Hugo contemplant du haut du Pilate le panorama de nos Alpes. Qu’on me
1625
de Hugo contemplant du haut du Pilate le panorama
de
nos Alpes. Qu’on me permette de le citer ici comme une sorte de parab
1626
ilate le panorama de nos Alpes. Qu’on me permette
de
le citer ici comme une sorte de parabole : C’était un ensemble prodi
1627
Qu’on me permette de le citer ici comme une sorte
de
parabole : C’était un ensemble prodigieux de choses harmonieuses et
1628
rte de parabole : C’était un ensemble prodigieux
de
choses harmonieuses et magnifiques, pleines de la grandeur de Dieu. J
1629
ux de choses harmonieuses et magnifiques, pleines
de
la grandeur de Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être su
1630
rmonieuses et magnifiques, pleines de la grandeur
de
Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être supérieur et choi
1631
et choisi la nature servait ce merveilleux festin
de
montagnes, de nuages et de soleil, et cherchant un témoin sublime à c
1632
ature servait ce merveilleux festin de montagnes,
de
nuages et de soleil, et cherchant un témoin sublime à ce sublime pays
1633
ce merveilleux festin de montagnes, de nuages et
de
soleil, et cherchant un témoin sublime à ce sublime paysage. Il y ava
1634
sauvage, abrupte et déserte. Je n’oublierai cela
de
ma vie. Dans une anfractuosité du rocher, assis les jambes pendantes
1635
n goitreux, à corps grêle et à face énorme, riait
d’
un air stupide, le visage en plein soleil, et regardait au hasard deva
1636
dans son ensemble « la posture la plus misérable
de
l’homme ». Et je suis loin de penser que nous sommes des crétins ! Je
1637
cette nature dans son attitude superbe, il s’agit
d’
être moralement « à la hauteur ». Non, ce n’est pas si facile que cela
1638
a hauteur ». Non, ce n’est pas si facile que cela
d’
habiter et de posséder un pays dont l’altière beauté menace sans cesse
1639
Non, ce n’est pas si facile que cela d’habiter et
de
posséder un pays dont l’altière beauté menace sans cesse d’écraser l’
1640
r un pays dont l’altière beauté menace sans cesse
d’
écraser l’homme qui voudrait simplement s’y complaire, et qui oublie q
1641
’hui l’endurance, la longue audace et la maîtrise
de
soi de l’« alpiniste » justement, et non pas seulement la sympathie d
1642
endurance, la longue audace et la maîtrise de soi
de
l’« alpiniste » justement, et non pas seulement la sympathie distante
1643
nte du spectateur, touriste ou hôtelier, qui suit
d’
en bas, à la lunette, la caravane en plein effort sur les glaciers. En
1644
isse qui nous fut donnée ! ab. Rougemont Denis
de
, « Les Suisses sont-ils “à la hauteur” de la Suisse ? », La Coopérati
1645
t Denis de, « Les Suisses sont-ils “à la hauteur”
de
la Suisse ? », La Coopération, Bâle, 20 janvier 1940, p. 1.
1646
e et suffiront pour arrêter les hommes, les chars
d’
assaut et les armées d’envahissement. Mais les plus épaisses murailles
1647
êter les hommes, les chars d’assaut et les armées
d’
envahissement. Mais les plus épaisses murailles ne peuvent arrêter cer
1648
trices, voix comparables à ces sifflements pleins
de
mystère qui circulent au-dessus de l’Europe et que, parfois, quand vo
1649
lements pleins de mystère qui circulent au-dessus
de
l’Europe et que, parfois, quand vous cherchez un poste à la radio, vo
1650
uoi ne tenterions-nous pas, une fois pour toutes,
de
déchiffrer ces messages secrets que rien ne saurait empêcher de passe
1651
ces messages secrets que rien ne saurait empêcher
de
passer, et qui peut-être vont nous apporter des nouvelles beaucoup mo
1652
us que vous êtes, en cet instant, devant un poste
de
radio, et que j’arrête tout exprès le petit trait lumineux du cadran
1653
exprès le petit trait lumineux du cadran sur l’un
de
ces endroits indéfinis d’où nous vient l’inquiétante voix. Le son s’a
1654
neux du cadran sur l’un de ces endroits indéfinis
d’
où nous vient l’inquiétante voix. Le son s’amplifie, se précise. C’est
1655
oix. Le son s’amplifie, se précise. C’est la voix
de
l’Europe moderne. Que nous dit-elle ? J’essaierai de l’interpréter. D
1656
l’Europe moderne. Que nous dit-elle ? J’essaierai
de
l’interpréter. Depuis une dizaine d’années, et plus précisément depui
1657
J’essaierai de l’interpréter. Depuis une dizaine
d’
années, et plus précisément depuis 1933, la face de l’Europe a changé.
1658
’années, et plus précisément depuis 1933, la face
de
l’Europe a changé. Il est temps de nous en rendre compte. Autrefois,
1659
1933, la face de l’Europe a changé. Il est temps
de
nous en rendre compte. Autrefois, et naguère encore, il suffisait à u
1660
ois, et naguère encore, il suffisait à une nation
de
déclarer son sol sacré, pour avoir le droit de le défendre jusqu’à la
1661
on de déclarer son sol sacré, pour avoir le droit
de
le défendre jusqu’à la dernière goutte du sang des citoyens. Assurer
1662
s. Assurer les armes à la main l’intégrité du sol
de
la patrie, voilà qui ne faisait pas de question. Il n’y avait pas d’a
1663
ité du sol de la patrie, voilà qui ne faisait pas
de
question. Il n’y avait pas d’autre raison à chercher et à proclamer q
1664
qui ne faisait pas de question. Il n’y avait pas
d’
autre raison à chercher et à proclamer que cette raison tout instincti
1665
ne pouvait en effet conquérir un pays qu’au moyen
d’
une armée, et les armées n’ont jamais occupé autre chose que du terrai
1666
le territoire, symbole unique, symbole « sacré »
de
la nation. Or voici que depuis quelques années, ce ne sont plus les a
1667
on croyait volontiers que chaque État était voulu
de
Dieu, et qu’il jouissait par conséquent d’une légitimité indiscutable
1668
voulu de Dieu, et qu’il jouissait par conséquent
d’
une légitimité indiscutable. La propagande dont je parle dit autre cho
1669
n’ont pas été créés par Dieu, mais par le traité
de
Versailles. Et c’est bien vrai. Elle dit aussi que d’autres États, et
1670
rouvent en contradiction avec l’évolution récente
de
l’Histoire. Elle proclame que les nations « jeunes » et « dynamiques
1671
tits pour se défendre seuls. Au nom de ce concept
d’
espace vital, elle déclare donc que ces États n’ont plus de « raison d
1672
vital, elle déclare donc que ces États n’ont plus
de
« raison d’être historique ». Pour peu qu’elle arrive à le faire croi
1673
déclare donc que ces États n’ont plus de « raison
d’
être historique ». Pour peu qu’elle arrive à le faire croire, soit aux
1674
certains dirigeants, la victoire lui est acquise
d’
avance. Et les ceintures de fortifications les mieux conçues ne servir
1675
ctoire lui est acquise d’avance. Et les ceintures
de
fortifications les mieux conçues ne serviront de rien, au jour choisi
1676
de fortifications les mieux conçues ne serviront
de
rien, au jour choisi par l’attaquant, parce que des centres vitaux du
1677
ays, les ordres seront déjà donnés dans la langue
de
l’envahisseur. Voici alors ce que nous disent ces voix européennes qu
1678
nous les Suisses, si nous avons encore une raison
d’
être, si nous osons encore le proclamer, et si nous en gardons une con
1679
ience claire et forte. Elles nous mettent au défi
de
produire le « pourquoi » de notre défense et de notre volonté d’auton
1680
nous mettent au défi de produire le « pourquoi »
de
notre défense et de notre volonté d’autonomie. Elles nous forcent, no
1681
i de produire le « pourquoi » de notre défense et
de
notre volonté d’autonomie. Elles nous forcent, non sans brutalité, à
1682
« pourquoi » de notre défense et de notre volonté
d’
autonomie. Elles nous forcent, non sans brutalité, à « dire » enfin ce
1683
us adresse l’Europe moderne. Il s’agit maintenant
d’
y répondre. Nous ne pouvons plus nous contenter de déclarer que notre
1684
d’y répondre. Nous ne pouvons plus nous contenter
de
déclarer que notre Confédération fut « autrefois » voulue par Dieu, i
1685
encore. Nous avons fait serment, le 2 septembre,
de
défendre la Suisse jusqu’à la mort. Eh bien, il serait fou de mourir
1686
la Suisse jusqu’à la mort. Eh bien, il serait fou
de
mourir pour une Suisse dont nous ne serions pas sûrs qu’elle a le dro
1687
serions pas sûrs qu’elle a le droit et le devoir
d’
exister, devant Dieu. On n’a pas le droit de mourir pour quelque chose
1688
evoir d’exister, devant Dieu. On n’a pas le droit
de
mourir pour quelque chose qui ne fournit pas des raisons de vivre. No
1689
pour quelque chose qui ne fournit pas des raisons
de
vivre. Notre serment nous engage donc aussi à prendre une conscience
1690
ssi à prendre une conscience sérieuse des raisons
de
vivre de la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses.
1691
ndre une conscience sérieuse des raisons de vivre
de
la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses. Il nous f
1692
ce sérieuse des raisons de vivre de la Suisse, et
de
nos raisons de vivre en tant que Suisses. Il nous faut tout d’abord
1693
raisons de vivre de la Suisse, et de nos raisons
de
vivre en tant que Suisses. Il nous faut tout d’abord écarter un cert
1694
nous faut tout d’abord écarter un certain nombre
de
fausses raisons et d’illusions, de phrases toutes faites et de cliché
1695
d écarter un certain nombre de fausses raisons et
d’
illusions, de phrases toutes faites et de clichés patriotiques. Que me
1696
certain nombre de fausses raisons et d’illusions,
de
phrases toutes faites et de clichés patriotiques. Que mes lecteurs ne
1697
isons et d’illusions, de phrases toutes faites et
de
clichés patriotiques. Que mes lecteurs ne s’étonnent donc pas trop si
1698
à la « critique », pour ne pas dire au dégonflage
de
ces clichés. Ce n’est pas pour le stérile plaisir de démolir. Bien au
1699
ces clichés. Ce n’est pas pour le stérile plaisir
de
démolir. Bien au contraire ! Mon entreprise serait inutile, si nous n
1700
s, certaines réalités solides qui valent la peine
d’
être affirmées sans rhétorique. Je vous ai parlé déjà de notre « natur
1701
affirmées sans rhétorique. Je vous ai parlé déjà
de
notre « nature »5. Je vous parlerai la semaine prochaine de nos fameu
1702
nature »5. Je vous parlerai la semaine prochaine
de
nos fameuses « libertés », puis de notre « neutralité ». Et ce sera p
1703
aine prochaine de nos fameuses « libertés », puis
de
notre « neutralité ». Et ce sera pour découvrir le sens positif de ce
1704
lité ». Et ce sera pour découvrir le sens positif
de
ces termes, pour les sauver de la banalité scolaire, officielle ou jo
1705
ir le sens positif de ces termes, pour les sauver
de
la banalité scolaire, officielle ou journalistique, et pour en dégage
1706
ue, et pour en dégager enfin la vocation concrète
de
la Suisse. 5. Voir La Coopération du 20 janvier. ac. Rougemont D
1707
Coopération du 20 janvier. ac. Rougemont Denis
de
, « La Suisse que nous devons défendre I : Les voix que rien n’arrête
1708
. 1-2. ad. Présenté par cette note : « L’article
de
Denis de Rougemont publié dans La Coopération du 20 janvier a suscité
1709
s La Coopération du 20 janvier a suscité beaucoup
d’
intérêt. On nous a suggéré de différents côtés qu’il impliquait une su
1710
r a suscité beaucoup d’intérêt. On nous a suggéré
de
différents côtés qu’il impliquait une suite, une partie “positive”. C
1711
iques qu’on nous envie ? Avons-nous bien le droit
de
nous en vanter encore, et suffit-il de s’en vanter pour qu’elles subs
1712
n le droit de nous en vanter encore, et suffit-il
de
s’en vanter pour qu’elles subsistent ? La liberté n’est pas seulement
1713
en jouit ne sait pas les mériter par ses manières
d’
être et de penser. Un jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent
1714
e sait pas les mériter par ses manières d’être et
de
penser. Un jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent d’un tyran
1715
Un jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent
d’
un tyran. Ils purent se croire libres un moment : mais le soleil fécon
1716
ent : mais le soleil fécond fit éclore du cadavre
de
l’oppresseur un essaim de petits tyrans. À présent, ils continuent à
1717
d fit éclore du cadavre de l’oppresseur un essaim
de
petits tyrans. À présent, ils continuent à répéter le vieux conte. On
1718
re leurs murailles, ils ne sont plus esclaves que
de
leurs lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préj
1719
s, ils ne sont plus esclaves que de leurs lois et
de
leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois.
1720
esclaves que de leurs lois et de leurs coutumes,
de
leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois. Je n’oublie pas que
1721
lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et
de
leurs préjugés bourgeois. Je n’oublie pas que Goethe écrivait cela a
1722
es-nous bien certains que pour autant le jugement
de
Goethe n’est plus du tout valable de nos jours ? Sommes-nous bien cer
1723
le jugement de Goethe n’est plus du tout valable
de
nos jours ? Sommes-nous bien certains que la tyrannie de l’opinion pu
1724
jours ? Sommes-nous bien certains que la tyrannie
de
l’opinion publique vaut mieux que celle des aristocrates ? Sommes-nou
1725
s bien certains, enfin, qu’il a suffi à nos pères
de
s’affranchir un jour pour que nous ayons le droit de répéter à tout j
1726
s’affranchir un jour pour que nous ayons le droit
de
répéter à tout jamais : nous sommes libres ! Ayons le courage de le r
1727
ut jamais : nous sommes libres ! Ayons le courage
de
le reconnaître en toute franchise : la Suisse actuelle est un pays où
1728
st un pays où l’on a peu de « véritable » liberté
d’
esprit. C’est un pays où l’on tolère fort mal les opinions non conform
1729
méchant. Ceci pour le plan des idées. Sur le plan
de
la morale, c’est pire encore. Je ne vais pas refaire ici, après tant
1730
s pas refaire ici, après tant d’autres, le procès
de
notre moralisme intolérant. Qu’il me suffise de remarquer que si nous
1731
s de notre moralisme intolérant. Qu’il me suffise
de
remarquer que si nous étions plus chrétiens, nous serions beaucoup pl
1732
rants dans ce domaine, nous aurions beaucoup plus
de
liberté dans nos jugements, nous respecterions beaucoup mieux les faç
1733
nts, nous respecterions beaucoup mieux les façons
de
vivre de notre voisin et le mystère de son existence. On me dira peut
1734
respecterions beaucoup mieux les façons de vivre
de
notre voisin et le mystère de son existence. On me dira peut-être que
1735
les façons de vivre de notre voisin et le mystère
de
son existence. On me dira peut-être que ces considérations n’ont pas
1736
e, actuellement, et que les libertés qu’il s’agit
de
défendre, en ce mois de mars 1940, sont avant tout nos libertés poli
1737
les libertés qu’il s’agit de défendre, en ce mois
de
mars 1940, sont avant tout nos libertés politiques. Je répondrai que
1738
toute notre histoire en témoigne. « Une politique
de
liberté ne peut être faite que par des esprits libres. » Les deux lib
1739
parce que les premiers Suisses avaient la passion
de
leurs libertés sociales, civiles et quotidiennes qu’ils ont voulu se
1740
les Suisses du xviiie siècle ne jouissaient plus
d’
une véritable liberté intérieure qu’ils ont été une proie facile pour
1741
une proie facile pour l’étranger, pour les armées
de
la Révolution française. Je voudrais insister sur ce point : si nous
1742
sur ce point : si nous perdons le sens et le goût
de
la liberté quotidienne, celle qui se manifeste dans la diversité infi
1743
manifeste dans la diversité infinie des manières
de
penser et de vivre, nos libertés politiques ne pourront subsister lon
1744
ns la diversité infinie des manières de penser et
de
vivre, nos libertés politiques ne pourront subsister longtemps, et al
1745
ront subsister longtemps, et alors c’en sera fait
de
noire liberté vis-à-vis de l’étranger, c’est-à-dire de notre indépend
1746
ire liberté vis-à-vis de l’étranger, c’est-à-dire
de
notre indépendance nationale. Il ne suffit donc pas de protéger notre
1747
tre indépendance nationale. Il ne suffit donc pas
de
protéger notre indépendance par des fortifications. C’est l’intérieur
1748
ous voulons que notre armée défende quelque chose
de
valable. Or, quels sont les ennemis intérieurs de notre liberté ? Je
1749
de valable. Or, quels sont les ennemis intérieurs
de
notre liberté ? Je n’en désignerai ici que deux, qui vous paraîtront
1750
nt peut-être assez inattendus. Ce sont la paresse
d’
esprit et l’égalitarisme. Voici ce que j’entends par la paresse d’espr
1751
alitarisme. Voici ce que j’entends par la paresse
d’
esprit : les Suisses jouissent d’une instruction publique remarquable,
1752
s par la paresse d’esprit : les Suisses jouissent
d’
une instruction publique remarquable, mais ils ont la plus grande méfi
1753
’endroit de la véritable culture. Ils ont horreur
de
tout ce qui leur paraît « compliqué ». Ils jugent suspect tout ce qui
1754
telles que bon ou méchant, droite ou gauche, ami
de
l’ordre ou esprit subversif. Ils exigent toujours des choses simples.
1755
lchévisme ». Pourquoi ? Parce qu’on se contentait
de
dire : elle est pour l’ordre, les bolchévistes sont pour le désordre.
1756
our le désordre. Sans se demander un seul instant
de
quelle espèce d’ordre il s’agissait. Or, prenons-y bien garde ! Cette
1757
Sans se demander un seul instant de quelle espèce
d’
ordre il s’agissait. Or, prenons-y bien garde ! Cette passion maladive
1758
» tend à supprimer pratiquement toute possibilité
de
jugement libre, toute véritable liberté d’esprit. Notre « égalitarism
1759
bilité de jugement libre, toute véritable liberté
d’
esprit. Notre « égalitarisme » est, lui aussi, une forme de paresse d’
1760
Notre « égalitarisme » est, lui aussi, une forme
de
paresse d’esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie, comme on
1761
alitarisme » est, lui aussi, une forme de paresse
d’
esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie, comme on l’a peut-êt
1762
e paresse d’esprit, bien plus encore qu’une forme
de
l’envie, comme on l’a peut-être trop dit. Autrefois, les Suisses se m
1763
aventures dictatoriales. Il y avait quelque chose
de
sain et de profondément démocratique dans l’effacement volontaire des
1764
ictatoriales. Il y avait quelque chose de sain et
de
profondément démocratique dans l’effacement volontaire des plus grand
1765
s l’effacement volontaire des plus grands Suisses
de
ce temps-là. Mais aujourd’hui, l’égalitarisme hérité du xixe siècle
1766
du xixe siècle n’est plus qu’une dégénérescence
de
cet instinct démocratique. Il veut tout unifier, réglementer, central
1767
rentrer dans le rang. Il persécute à petits coups
d’
épingles tout ce qui « paraît » vouloir se distinguer. Pourquoi ? Parc
1768
Parce que c’est bien plus simple, et plus facile
de
tout ramener à des mesures médiocres et uniformes. C’est bien plus si
1769
formes. C’est bien plus simple et plus facile que
de
tenir compte des vivantes complexités, des vocations infiniment diver
1770
à ronchonner. (La prochaine fois, nous parlerons
d’
une manière « positive », c’est promis !) « Si quelque chose aujourd’h
1771
qui parlait ainsi, il y a longtemps, tout au haut
de
la pente… ae. Rougemont Denis de, « La Suisse que nous devons défe
1772
tout au haut de la pente… ae. Rougemont Denis
de
, « La Suisse que nous devons défendre II : Sommes-nous libres ? », La
1773
t à nos propres yeux, notre situation privilégiée
de
neutres ? Il semble que depuis quelques années, nous avons renoncé, e
1774
mme une chose qui irait de soi, qui aurait existé
de
tout temps, sans commencement ni fin imaginables, qui nous serait due
1775
ie, et qui représenterait, en somme, un privilège
de
droit divin. Nous savons que la neutralité est une conception menacée
1776
uelque sorte contre nature, car l’instinct normal
de
tout homme le pousse toujours à prendre parti ; et qu’enfin nous devo
1777
situation géographique centrale nous exposerait à
de
trop grands dangers en cas de guerre, enfin, parce que notre diversit
1778
e nous exposerait à de trop grands dangers en cas
de
guerre, enfin, parce que notre diversité raciale et religieuse risque
1779
notre diversité raciale et religieuse risquerait
d’
entraîner la dislocation de notre fédération, si nous venions à prendr
1780
religieuse risquerait d’entraîner la dislocation
de
notre fédération, si nous venions à prendre parti. Notons que cet arg
1781
venions à prendre parti. Notons que cet argument
de
la nécessité n’est guère valable que pour nous, Suisses. Nos voisins
1782
ur nous, Suisses. Nos voisins n’ont aucune raison
d’
en tenir compte, bien au contraire. Dire : nous sommes neutres uniquem
1783
erre, c’est induire nos voisins dans la tentation
de
profiter de cette faiblesse. Vient ensuite l’argument juridique. Nous
1784
induire nos voisins dans la tentation de profiter
de
cette faiblesse. Vient ensuite l’argument juridique. Nous devons rest
1785
e les traités nous y forcent. Et certes, aux yeux
d’
un chrétien et d’un Suisse, les traités ne seront jamais de simples ch
1786
s y forcent. Et certes, aux yeux d’un chrétien et
d’
un Suisse, les traités ne seront jamais de simples chiffons de papier
1787
tien et d’un Suisse, les traités ne seront jamais
de
simples chiffons de papier ! La Confédération reste fondée sur la fid
1788
les traités ne seront jamais de simples chiffons
de
papier ! La Confédération reste fondée sur la fidélité à la parole ju
1789
tout en allemand : Eid-Genossenschaft, communauté
de
ceux qui ont fait serment. Mais ici encore, il nous faut bien voir qu
1790
fication militaire à notre neutralité : il serait
de
l’intérêt des puissances belligérantes de ne point utiliser le passag
1791
serait de l’intérêt des puissances belligérantes
de
ne point utiliser le passage par la Suisse, qui les découvrirait sur
1792
couvrirait sur leur flanc. Mais cette raison dite
d’
équilibre stratégique peut tomber d’un jour à l’autre. Et la preuve qu
1793
e raison dite d’équilibre stratégique peut tomber
d’
un jour à l’autre. Et la preuve que nous ne la prenons pas au sérieux,
1794
bilisés. Je ne discuterai même pas ici l’argument
de
l’impartialité morale, qui put jouer un rôle en 1914-1918 lorsque le
1795
-il donc à répondre à ceux qui nous demanderaient
d’
entrer en guerre ? Ni l’argument des réalistes, ni celui des juristes,
1796
stratèges, ne suffiraient à justifier notre refus
de
« payer notre part ». Je ne dis pas que ces arguments ne valent plus
1797
qu’ils ne représentent plus une raison suffisante
de
s’abstenir, et d’autre part, qu’ils n’ont plus guère de force convain
1798
bstenir, et d’autre part, qu’ils n’ont plus guère
de
force convaincante pour nos voisins, et par suite, ne sont plus pour
1799
t malgré tout j’affirme que la Suisse a le devoir
de
rester neutre, ce ne peut donc être qu’au nom d’une réalité qui ne se
1800
pirituelle au premier chef ; au nom de la mission
de
la Suisse dans la communauté européenne. Non, la neutralité de la Sui
1801
dans la communauté européenne. Non, la neutralité
de
la Suisse ne saurait être un privilège, c’est une charge ! Et ce sera
1802
ne charge ! Et ce serait bien mal la défendre que
de
la défendre au nom de nos seuls intérêts, car elle ne peut et ne doit
1803
peut et ne doit subsister qu’au nom de l’intérêt
de
l’Europe entière. Seule, la mission positive de la Suisse rend un sen
1804
t de l’Europe entière. Seule, la mission positive
de
la Suisse rend un sens et un poids aux arguments que nous jugions tou
1805
antage dès qu’on la considère dans la perspective
de
notre mission médiatrice. De même, la garantie légale de notre neutra
1806
e mission médiatrice. De même, la garantie légale
de
notre neutralité n’est qu’un chiffon de papier, si l’on veut y voir s
1807
ie légale de notre neutralité n’est qu’un chiffon
de
papier, si l’on veut y voir simplement une garantie de nos privilèges
1808
pier, si l’on veut y voir simplement une garantie
de
nos privilèges. Mais elle devient notre meilleure sûreté dès qu’on la
1809
re sûreté dès qu’on la considère comme une mesure
d’
intérêt général en Europe. Rester neutres au nom d’un traité signé à V
1810
res au nom d’un traité signé à Vienne il y a plus
de
cent ans, soit ! Mais il ne faudrait pas retenir de ce traité uniquem
1811
cent ans, soit ! Mais il ne faudrait pas retenir
de
ce traité uniquement ce qui nous semblerait y garantir notre sécurité
1812
dit beaucoup plus : « Les Puissances signataires
de
la déclaration du 20 mars 1815 reconnaissent authentiquement par le p
1813
présent Acte que la neutralité et l’inviolabilité
de
la Suisse, et son indépendance de toute influence étrangère, sont dan
1814
l’inviolabilité de la Suisse, et son indépendance
de
toute influence étrangère, sont dans les vrais intérêts de la politiq
1815
influence étrangère, sont dans les vrais intérêts
de
la politique de l’Europe entière. » Et j’en arrive, ici, au centre mê
1816
ère, sont dans les vrais intérêts de la politique
de
l’Europe entière. » Et j’en arrive, ici, au centre même de tout ce qu
1817
pe entière. » Et j’en arrive, ici, au centre même
de
tout ce que je voulais dire dans cette série d’articles : le seul moy
1818
e de tout ce que je voulais dire dans cette série
d’
articles : le seul moyen réel et réaliste de conserver nos privilèges,
1819
série d’articles : le seul moyen réel et réaliste
de
conserver nos privilèges, c’est de les considérer dorénavant comme de
1820
el et réaliste de conserver nos privilèges, c’est
de
les considérer dorénavant comme des charges, dont nous sommes respons
1821
de la communauté européenne. Je voudrais marquer
d’
une devise ce point central. Au Moyen Âge la noblesse représentait une
1822
ivilège était subordonné à la charge ; il n’avait
d’
autre but que d’en faciliter l’exercice. C’est pourquoi l’on disait :
1823
bordonné à la charge ; il n’avait d’autre but que
d’
en faciliter l’exercice. C’est pourquoi l’on disait : Noblesse oblige.
1824
ent que tous nos privilèges, même naturels, n’ont
d’
autre sens et d’autre raison d’être que de nous permettre d’accomplir
1825
privilèges, même naturels, n’ont d’autre sens et
d’
autre raison d’être que de nous permettre d’accomplir notre mission sp
1826
me naturels, n’ont d’autre sens et d’autre raison
d’
être que de nous permettre d’accomplir notre mission spéciale de Suiss
1827
, n’ont d’autre sens et d’autre raison d’être que
de
nous permettre d’accomplir notre mission spéciale de Suisses. Disons-
1828
ns et d’autre raison d’être que de nous permettre
d’
accomplir notre mission spéciale de Suisses. Disons-nous donc : Beauté
1829
nous permettre d’accomplir notre mission spéciale
de
Suisses. Disons-nous donc : Beauté du sol oblige, liberté oblige, neu
1830
éciserai dans un dernier article, sur la vocation
de
la Suisse et ses conséquences pour nous tous. af. Rougemont Denis
1831
nséquences pour nous tous. af. Rougemont Denis
de
, « La Suisse que nous devons défendre III : Pourquoi nous devons rest
1832
emps que je définisse ce que j’appelle la mission
de
la Suisse, ou mieux encore, sa vocation. C’est très facile à dire en
1833
quelques mots. La vocation actuelle et historique
de
la Suisse, c’est de défendre et d’illustrer aux yeux de l’Europe le p
1834
cation actuelle et historique de la Suisse, c’est
de
défendre et d’illustrer aux yeux de l’Europe le principe du fédéralis
1835
et historique de la Suisse, c’est de défendre et
d’
illustrer aux yeux de l’Europe le principe du fédéralisme ; principe,
1836
ème totalitaire, et seule base possible et solide
de
la paix que nous espérons. C’est très facile à dire, et ce n’est pas
1837
études, par nos initiatives, par certaines prises
de
position peut-être, les bases de la fédération européenne. L’illustre
1838
certaines prises de position peut-être, les bases
de
la fédération européenne. L’illustrer, c’est le réaliser, ici et main
1839
’est faire que notre Suisse ait vraiment le droit
de
s’offrir en exemple à l’Europe, sur le plan du fédéralisme. Ces deux
1840
ope, sur le plan du fédéralisme. Ces deux aspects
de
notre vocation me paraissent inséparables. Il faut répandre l’idée fé
1841
saurait attaquer avec succès que si l’on est sûr
de
ses armes, et solidement appuyé par l’arrière. Quand on parle d’une v
1842
t solidement appuyé par l’arrière. Quand on parle
d’
une vocation de la Suisse vis-à-vis de l’Europe, nombreux sont ceux qu
1843
puyé par l’arrière. Quand on parle d’une vocation
de
la Suisse vis-à-vis de l’Europe, nombreux sont ceux qui crient à l’ut
1844
réalités spirituelles, qu’ils traitent volontiers
d’
idéologies fumeuses. Ces gens-là se trompent lourdement, et aujourd’hu
1845
l est clair que la guerre actuelle est une guerre
de
doctrines et même de religions. Des raisons spirituelles la dominent,
1846
erre actuelle est une guerre de doctrines et même
de
religions. Des raisons spirituelles la dominent, et il s’agit de les
1847
es raisons spirituelles la dominent, et il s’agit
de
les prendre au sérieux si l’on veut rester réaliste. Épargnés jusqu’i
1848
tant que neutres, justement ! Affirmer la mission
de
notre neutralité, voilà notre rôle stratégique dans cette bataille de
1849
tifications par l’intérêt. De par notre situation
de
fait, nous sommes, si je puis dire, pratiquement condamnés à l’idéali
1850
e. Mais beaucoup de bons Suisses ne le voient pas
de
leurs yeux, et par suite, ne veulent pas y croire. Ils prétendent ten
1851
y croire. Ils prétendent tenir compte uniquement
de
ce qui est inscrit dans nos nécessités, dans notre situation géograph
1852
nt être vues et touchées, nos Alpes, la petitesse
de
notre territoire, et nos difficultés économiques, ils n’aperçoivent n
1853
omiques, ils n’aperçoivent nullement l’indication
d’
une vocation européenne de la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont
1854
nullement l’indication d’une vocation européenne
de
la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont pas tort. Une vocation n’e
1855
y déchiffrer, et cela ne se peut qu’avec les yeux
de
l’esprit. Tenir compte des faits ne suffit pas : il faut savoir leur
1856
donner un sens, leur ajouter un sens par un acte
de
l’esprit. L’individu ou le pays qui se reconnaît une vocation doit sa
1857
sa foi. Maintenant donc, il s’agit pour nous tous
de
reconnaître la vocation suisse, d’en revêtir la charge, d’en être les
1858
pour nous tous de reconnaître la vocation suisse,
d’
en revêtir la charge, d’en être les porteurs. Travaillons tout d’abord
1859
aître la vocation suisse, d’en revêtir la charge,
d’
en être les porteurs. Travaillons tout d’abord à la défendre, c’est-à-
1860
oyens il pourrait y contribuer, je lui demanderai
d’
aider au moins ceux qui se trouveraient mieux placés dans ce combat, e
1861
i se trouveraient mieux placés dans ce combat, et
d’
être prêt à leur porter main-forte cas échéant. Car tout revient, dans
1862
Car tout revient, dans ce domaine, à une question
d’
état d’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit de créer, avan
1863
ans ce domaine, à une question d’état d’esprit et
de
préparation morale. Ce qu’il s’agit de créer, avant tout, c’est une d
1864
’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit
de
créer, avant tout, c’est une disposition du sentiment public favorabl
1865
s entreprises éventuelles, qu’il serait imprudent
de
préciser trop vite, mais qui naîtront sans aucun doute, ici ou là, da
1866
t pour mobiliser l’opinion en faveur d’une action
de
la Suisse auprès de ses voisins en guerre. Ce n’est pas encore une mo
1867
spirituelle que je réclame, c’est plutôt une mise
de
piquet. Soyons prêts à répondre à tout appel, même balbutiant, qui se
1868
urons à dire à nos voisins, forts que nous sommes
d’
une expérience fédéraliste de six siècles. Et surtout, ne dénigrons pa
1869
orts que nous sommes d’une expérience fédéraliste
de
six siècles. Et surtout, ne dénigrons pas les tentatives qui se ferai
1870
ns, comme nous avons trop souvent dénigré l’essai
de
la Société des Nations. Essayons au contraire de les améliorer, si no
1871
re fédéralisme, c’est-à-dire à le mieux réaliser,
d’
une manière qui le rende exemplaire, au sens littéral de ce mot. Profi
1872
manière qui le rende exemplaire, au sens littéral
de
ce mot. Profitons de notre paix matérielle pour le parfaire et pour l
1873
exemplaire, au sens littéral de ce mot. Profitons
de
notre paix matérielle pour le parfaire et pour l’approfondir, jusque
1874
aire et pour l’approfondir, jusque dans le détail
de
nos vies, en sorte que cette réduction d’Europe fédérée qu’est la Sui
1875
détail de nos vies, en sorte que cette réduction
d’
Europe fédérée qu’est la Suisse soit au moins de l’ouvrage bien fait,
1876
n d’Europe fédérée qu’est la Suisse soit au moins
de
l’ouvrage bien fait, digne d’être exposé et en bonne place, comme un
1877
uisse soit au moins de l’ouvrage bien fait, digne
d’
être exposé et en bonne place, comme un modèle valable pour l’Europe d
1878
onne place, comme un modèle valable pour l’Europe
de
demain. Voilà un travail immédiat. Nul besoin cette fois-ci, d’attend
1879
là un travail immédiat. Nul besoin cette fois-ci,
d’
attendre que la paix s’approche pour s’y mettre. Notre vocation intéri
1880
une suppose l’autre, et la soutient. Je laisserai
de
côté ici l’aspect politique — au sens étroit — du problème. J’estime
1881
, qui suppose toute une morale, toute une manière
de
vivre et de penser. Connaître le voisin de langue ou confession diffé
1882
e toute une morale, toute une manière de vivre et
de
penser. Connaître le voisin de langue ou confession différente, lui r
1883
anière de vivre et de penser. Connaître le voisin
de
langue ou confession différente, lui reconnaître le droit de différer
1884
u confession différente, lui reconnaître le droit
de
différer de nous ; le comprendre jusqu’à la limite du possible comme
1885
différente, lui reconnaître le droit de différer
de
nous ; le comprendre jusqu’à la limite du possible comme il se compre
1886
et des discours, n’est pas la Suisse qui se vante
de
ses beautés, de ses libertés et de sa neutralité, mais bien la Suisse
1887
n’est pas la Suisse qui se vante de ses beautés,
de
ses libertés et de sa neutralité, mais bien la Suisse qui sait reconn
1888
e qui se vante de ses beautés, de ses libertés et
de
sa neutralité, mais bien la Suisse qui sait reconnaître dans ces priv
1889
i sait reconnaître dans ces privilèges les signes
d’
une mission dont elle est responsable. Une seule idée… Mais si nous l’
1890
butant perdront leur légitimité. Si nous refusons
de
considérer le fait d’être Suisses comme une espèce de filon, si nous
1891
égitimité. Si nous refusons de considérer le fait
d’
être Suisses comme une espèce de filon, si nous le considérons tout au
1892
onsidérer le fait d’être Suisses comme une espèce
de
filon, si nous le considérons tout au contraire comme une mission spé
1893
, et par suite à penser plus librement, avec plus
de
générosité. Alors nous serons en état de mesurer la vraie grandeur de
1894
vec plus de générosité. Alors nous serons en état
de
mesurer la vraie grandeur des événements actuels, la vraie grandeur d
1895
ttendre. Et parce que nous serons plus conscients
de
ce que nous avons à donner, nous serons mieux armés pour défendre la
1896
u nous veut à son service. ag. Rougemont Denis
de
, « La Suisse que nous devons défendre IV : Notre ‟mission spéciale” »
1897
Le petit nuage (avril 1940)ah Au mois
d’
août de l’année dernière, le jour du pacte germano-soviétique, j’ai fa
1898
Le petit nuage (avril 1940)ah Au mois d’août
de
l’année dernière, le jour du pacte germano-soviétique, j’ai fait deux
1899
s aérer. Secundo, j’ai envoyé à un certain nombre
de
mes amis la phrase suivante : « Au plus fort de la persécution entrep
1900
e de mes amis la phrase suivante : « Au plus fort
de
la persécution entreprise par Julien l’Apostat contre les chrétiens,
1901
assera. » La semaine passée, je reçois une lettre
de
« quelque part dans le Proche-Orient », et une autre des États-Unis.
1902
raison à l’une ou à l’autre de ces lettres6. Pas
d’
importance. Ce qui est important, c’est la certitude « qu’il passera »
1903
tude « qu’il passera ». Que sont nos petits accès
de
découragement, ces brumes qu’un léger vent d’avant-printemps suffit à
1904
cès de découragement, ces brumes qu’un léger vent
d’
avant-printemps suffit à dissiper en cinq minutes ? Qu’est-ce que cela
1905
au regard de la menace énorme qui domine l’Europe
d’
aujourd’hui ? Eh bien, cette menace énorme, à son tour, n’est qu’un to
1906
niversels que sera notre jugement au dernier jour
de
tous les temps. Karl Barth nous le disait l’autre jour à Tavannes : c
1907
chrétiens, nous n’avons à redouter que le Prince
de
tous les démons, et non pas tel ou tel démon qu’il nous délègue de te
1908
s, et non pas tel ou tel démon qu’il nous délègue
de
temps à autre. Le combat que nous devrons peut-être engager militaire
1909
vrons peut-être engager militairement contre l’un
de
ces petits personnages, ce combat, si « total » qu’il soit, ne saurai
1910
là les dimensions réelles que le chrétien se doit
d’
envisager. Elles ne sont pas démesurées. Elles doivent au contraire no
1911
doivent au contraire nous donner la vraie mesure
de
nos soucis, de nos misérables cafards, de nos craintes dérisoires et
1912
traire nous donner la vraie mesure de nos soucis,
de
nos misérables cafards, de nos craintes dérisoires et mesquines. « C’
1913
mesure de nos soucis, de nos misérables cafards,
de
nos craintes dérisoires et mesquines. « C’est un petit nuage, il pass
1914
t nuage, il passera. » Ce mot me fut comme parole
d’
Évangile quand je le lus l’année dernière. Et je ne me trompais guère,
1915
cause de ce passage). L’auteur est l’un des chefs
d’
un parti que l’on devine ; écœuré, il vient de démissionner (la scène
1916
se en 1935) et il s’attend à être abattu par l’un
de
ces anciens amis. Réfugié dans un hôtel chrétien, un Christliches Hos
1917
en, un Christliches Hospiz, il sent peser sur lui
d’
une manière insupportable le sombre avenir de son pays. « Dans mon dés
1918
lui d’une manière insupportable le sombre avenir
de
son pays. « Dans mon désespoir, j’eus recours à l’Évangile qu’on trou
1919
s à l’Évangile qu’on trouve sur toutes les tables
de
nuit de ces hospices. Je le feuilletai et mon premier regard tomba su
1920
angile qu’on trouve sur toutes les tables de nuit
de
ces hospices. Je le feuilletai et mon premier regard tomba sur cette
1921
a terrasse des Deux Magots. ah. Rougemont Denis
de
, « Le petit nuage », La DAC, Berne, avril 1940, p. 2.
1922
D’
un journal d’attente (pages démodées) (avril 1940)ai Ceux qui tienn
1923
D’un journal
d’
attente (pages démodées) (avril 1940)ai Ceux qui tiennent un journa
1924
40)ai Ceux qui tiennent un journal intime sont
d’
ordinaire des êtres qui se cherchent, ou qui, pour mieux se posséder,
1925
cherchent, ou qui, pour mieux se posséder, fixent
d’
eux-mêmes quelques instantanés révélateurs. Pour moi, j’ai renoncé à m
1926
à me vérifier curieusement. Mon vrai désir serait
de
me donner, à peu près dans le sens où l’on dirait : quoi que je sois,
1927
e que cela peut « donner » à l’usage. C’est faute
d’
usage et d’occasion, faute d’une action vraiment totale et engageante,
1928
peut « donner » à l’usage. C’est faute d’usage et
d’
occasion, faute d’une action vraiment totale et engageante, que je com
1929
l’usage. C’est faute d’usage et d’occasion, faute
d’
une action vraiment totale et engageante, que je commence ici, pour la
1930
e commence ici, pour la première fois, une espèce
de
journal d’attente, — comme on parle d’une salle d’attente. Entre deux
1931
ici, pour la première fois, une espèce de journal
d’
attente, — comme on parle d’une salle d’attente. Entre deux trains, en
1932
une espèce de journal d’attente, — comme on parle
d’
une salle d’attente. Entre deux trains, entre deux œuvres, mais surtou
1933
e journal d’attente, — comme on parle d’une salle
d’
attente. Entre deux trains, entre deux œuvres, mais surtout : — entre
1934
ntre deux œuvres, mais surtout : — entre l’espèce
de
paix que nous laissa l’hiver, et la guerre qui revient nous avertir,
1935
, et la guerre qui revient nous avertir, au seuil
de
ce printemps quelle dénature. Envies d’écrire, sans contenus ; envies
1936
au seuil de ce printemps quelle dénature. Envies
d’
écrire, sans contenus ; envies de noter des idées détachées, des petit
1937
dénature. Envies d’écrire, sans contenus ; envies
de
noter des idées détachées, des petits faits sans signification, ou pl
1938
e œuvre veut et crée son temps à soi, dans la vie
de
l’auteur qu’elle choisit. Mais aujourd’hui, je ne puis que subir le t
1939
emain. 5 avril 1939 Ce chef d’État offre, dit-on,
d’
évacuer une île dont il s’est emparé, à condition qu’on lui donne en é
1940
Débarquement… fusillade… cuirassés… C’est le coup
de
force d’Albanie. — Voyez-vous, me dit-il, pour nous autres, qu’est-ce
1941
ent… fusillade… cuirassés… C’est le coup de force
d’
Albanie. — Voyez-vous, me dit-il, pour nous autres, qu’est-ce que cela
1942
guerre. Mais cette fois-ci, j’ai tout semé comme
d’
habitude, et on verra ! — Croyez-vous donc qu’ils vous laisseront tran
1943
qui gouvernent ? — Ils ne peuvent pas m’empêcher
de
travailler ! J’ai tout semé comme les autres années… Monsieur Turc pr
1944
ultures. Médite et redresse sa casquette. Et tout
d’
un coup, son regard s’assombrit : — Ha ! mais je vais vous dire : si l
1945
is moi, je n’arrive même pas à défricher le champ
d’
un gros ouvrage projeté. Toute œuvre humaine, tout acte humain, et mêm
1946
née prochaine (s’il y en a une) que cette période
de
menaces de guerre aura vu concevoir moins de livres, mais aussi moins
1947
ne (s’il y en a une) que cette période de menaces
de
guerre aura vu concevoir moins de livres, mais aussi moins d’enfants
1948
iode de menaces de guerre aura vu concevoir moins
de
livres, mais aussi moins d’enfants et moins d’amours profondes. La gu
1949
ra vu concevoir moins de livres, mais aussi moins
d’
enfants et moins d’amours profondes. La guerre ne tue pas seulement pe
1950
ns de livres, mais aussi moins d’enfants et moins
d’
amours profondes. La guerre ne tue pas seulement pendant qu’elle sévit
1951
l 1939 Pour peu que les circonstances m’empêchent
de
m’absorber dans l’œuvre en cours, c’est un esprit d’autocritique qui
1952
m’absorber dans l’œuvre en cours, c’est un esprit
d’
autocritique qui prend la place, en moi, de l’effort créateur. J’imagi
1953
esprit d’autocritique qui prend la place, en moi,
de
l’effort créateur. J’imagine un recueil de Contredits où je réfuterai
1954
n moi, de l’effort créateur. J’imagine un recueil
de
Contredits où je réfuterais mes précédents ouvrages… Penser avec le
1955
ins , par exemple : j’accusais la culture moderne
de
s’être « distinguée » abusivement du peuple, d’avoir ainsi perdu sa s
1956
e de s’être « distinguée » abusivement du peuple,
d’
avoir ainsi perdu sa sève active et livré les masses affamées au délir
1957
aujourd’hui qu’au contraire, la vraie conscience
de
la vie ne s’est maintenue que chez les écrivains savants qui, à force
1958
tenue que chez les écrivains savants qui, à force
d’
ascèse intellectuelle et de raffinements affectifs, ont su capter le s
1959
s savants qui, à force d’ascèse intellectuelle et
de
raffinements affectifs, ont su capter le secret de notre existence ;
1960
e raffinements affectifs, ont su capter le secret
de
notre existence ; cependant que les masses, créées par des puissances
1961
qui ont trahi, mais plutôt les chrétiens indignes
de
leur nom : ils ont laissé trop de terrains en friche, que leur foi se
1962
étiens indignes de leur nom : ils ont laissé trop
de
terrains en friche, que leur foi seule pouvait ensemencer. Alors les
1963
er. Alors les dictateurs y lancent leurs machines
de
culture en série… De même, sous l’influence des événements récents (é
1964
siège proclamé par toute l’Europe), je suis tenté
de
prendre le contre-pied de mon Journal d’un intellectuel en chômage ,
1965
’Europe), je suis tenté de prendre le contre-pied
de
mon Journal d’un intellectuel en chômage , et d’insister désormais d
1966
s tenté de prendre le contre-pied de mon Journal
d’
un intellectuel en chômage , et d’insister désormais davantage sur les
1967
de mon Journal d’un intellectuel en chômage , et
d’
insister désormais davantage sur les valeurs d’opposition que sur cell
1968
et d’insister désormais davantage sur les valeurs
d’
opposition que sur celles de communauté. Car s’il n’est de communion v
1969
ntage sur les valeurs d’opposition que sur celles
de
communauté. Car s’il n’est de communion vraie que dans la Vérité elle
1970
tion que sur celles de communauté. Car s’il n’est
de
communion vraie que dans la Vérité elle-même, cette Vérité devient és
1971
térique aux yeux des masses. Déjà, dans la moitié
de
l’Europe, elle est des Catacombes, et non pas du Forum. On m’a loué d
1972
des Catacombes, et non pas du Forum. On m’a loué
de
« penser près de la vie ». Hélas ! je n’en suis que trop près, — et s
1973
Hélas ! je n’en suis que trop près, — et surtout
de
la vie des autres ! On voudrait parfois être riche, à seule fin de ma
1974
res ! On voudrait parfois être riche, à seule fin
de
maintenir certaines distances, — celles-là mêmes que, dans mon Journ
1975
à mêmes que, dans mon Journal , je me félicitais
d’
avoir vu s’abolir… 16 avril 1939 Question. Dans quelle mesure un écri
1976
mesure un écrivain a-t-il le droit, ou le devoir,
de
se montrer publiquement objectif vis-à-vis de ses propres ouvrages ?
1977
ra-t-il une efficacité plus pénétrante ? Problème
d’
une portée générale, dans un monde où s’installe, peu à peu, le régime
1978
dans un monde où s’installe, peu à peu, le régime
de
l’union sacrée et de la « discipline de l’opinion ». Dans quelle mesu
1979
stalle, peu à peu, le régime de l’union sacrée et
de
la « discipline de l’opinion ». Dans quelle mesure un citoyen a-t-il
1980
le régime de l’union sacrée et de la « discipline
de
l’opinion ». Dans quelle mesure un citoyen a-t-il le droit, ou le dev
1981
mesure un citoyen a-t-il le droit, ou le devoir,
de
se montrer publiquement objectif vis-à-vis de sa propre nation ? Le s
1982
objectif vis-à-vis de sa propre nation ? Le sort
de
la démocratie dépend de la solution qui sera donnée en fait à ce prob
1983
a propre nation ? Le sort de la démocratie dépend
de
la solution qui sera donnée en fait à ce problème, au cours des mois
1984
Une nuit blanche dans un train bondé. Une journée
de
reprise à Paris. Et ce soir, me voici [venu] assister à un débat, dan
1985
ans un cercle privé, sur la politique commerciale
de
la France. Tandis que des experts échangent leurs vues, je constate u
1986
: tout se transpose dans mon esprit en problèmes
de
langage. Il est sans cesse question d’achat et de vente, et je remarq
1987
problèmes de langage. Il est sans cesse question
d’
achat et de vente, et je remarque que l’acheteur et le vendeur sont né
1988
de langage. Il est sans cesse question d’achat et
de
vente, et je remarque que l’acheteur et le vendeur sont nécessairemen
1989
i-je noté ceci, qu’un des experts se met à parler
de
la « personnalité » d’un produit commercial et de son « prestige ». C
1990
es experts se met à parler de la « personnalité »
d’
un produit commercial et de son « prestige ». Curieuse dramatisation !
1991
de la « personnalité » d’un produit commercial et
de
son « prestige ». Curieuse dramatisation ! À mesure que les hommes pe
1992
n pleine cure morale, me dit-il, après quatre ans
de
fièvre. Mais je découvre qu’aujourd’hui, dans la vie politique ou int
1993
e ou intellectuelle, plus personne n’est vraiment
d’
aplomb. Nervosité, hystérie, fatigue excessive, ambitions délirantes,
1994
ter souvent sur ce point, — et me donne un éclair
d’
hésitation… 27 avril 1939 L’un me dit : — « Pourquoi vous inquiéter ?
1995
nquiéter ? Quand la guerre sera là, il sera temps
d’
y penser. » C’est qu’il ne croit pas à la guerre. Un second : « Commen
1996
rte pas, bien au contraire. Le premier devoir est
de
ne point se laisser surprendre. » C’est qu’il ne croit plus à la paix
1997
qu’il ne croit plus à la paix. Tous les deux ont
de
bonnes raisons. Car il est vrai que la guerre n’est pas fatale ; vrai
1998
matin ? 29 avril 1939 Comme il est des stratèges
de
Café du Commerce — généraux qui n’ont rien à commander —, il est des
1999
excité, le belliciste, et pire : l’homme dépourvu
de
tact, que disait-il : — La France aime tant la Paix qu’elle n’a pas h
2000
t dans le Paris du printemps 1939. M’absoudras-tu
de
n’avoir su prendre parti entre ces deux ardeurs montées jusqu’à la ha
2001
t avouer que cette menace leur rend enfin le goût
de
vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent de désir pour leurs biens qu’à la
2002
in le goût de vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent
de
désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Déshérités aussi
2003
prouvent de désir pour leurs biens qu’à la veille
de
les perdre. Déshérités aussi, qui ne retrouvent l’espoir qu’au seuil
2004
n connais qui ne parviennent à leur régime normal
de
vie (comme un moteur prend son régime à tant à l’heure) que dans le d
2005
nt des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin
d’
être provoqué pour montrer de quoi l’on est capable est si profond, pe
2006
s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montrer
de
quoi l’on est capable est si profond, peut-être si normal, que j’en v
2007
rivain. Il est admis que ces gens-là ont le droit
de
dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de l
2008
soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme
de
la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus cour
2009
t général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue
de
cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courageux ? Ma
2010
qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou
de
lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courageux ? Mais non. Ils so
2011
ont pas ceux qui la feront qui peuvent avoir peur
de
la guerre. Car avoir peur d’un accident, c’est entrevoir, imaginer se
2012
i peuvent avoir peur de la guerre. Car avoir peur
d’
un accident, c’est entrevoir, imaginer ses conséquences, et la guerre
2013
ses conséquences, et la guerre est la suppression
de
toute espèce de conséquences, la privation, d’ores et déjà, de tout a
2014
, et la guerre est la suppression de toute espèce
de
conséquences, la privation, d’ores et déjà, de tout avenir imaginable
2015
ce de conséquences, la privation, d’ores et déjà,
de
tout avenir imaginable, — pour ceux qui la feront à coup sûr… La guer
2016
in cynisme. Peut-être aussi une certaine modestie
de
l’individu, qui se voit concrètement réduit à sa juste et minime impo
2017
portance. Paris, 12 mai 1939 Quatrième changement
de
domicile depuis le début de cette année. « Étranger et voyageur sur l
2018
Quatrième changement de domicile depuis le début
de
cette année. « Étranger et voyageur sur la terre », ainsi pensais-je
2019
ainsi pensais-je d’autres fois, dans ces périodes
de
nomadisme involontaire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état d
2020
aire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état
de
mobilisation permanente, préventive… Militarisation de nos pensées, d
2021
bilisation permanente, préventive… Militarisation
de
nos pensées, de nos images ! Hier, dans l’autobus, une petite bourgeo
2022
nente, préventive… Militarisation de nos pensées,
de
nos images ! Hier, dans l’autobus, une petite bourgeoise assise devan
2023
se devant moi s’écrie, voyant s’abattre une pluie
d’
orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’ét
2024
ai 1939 La grande ville traversée dans la fatigue
d’
un soir pluvieux, Paris, souffrance des visages et des corps, exercice
2025
ance des visages et des corps, exercice perpétuel
de
charité dans une atmosphère exténuante, hâte, érotisme, énervement. P
2026
t la vérité n’apparaît que dans cet environnement
de
lueurs fuyantes, d’activités apparemment désordonnées, de phrases ent
2027
ît que dans cet environnement de lueurs fuyantes,
d’
activités apparemment désordonnées, de phrases entendues au passage, d
2028
s fuyantes, d’activités apparemment désordonnées,
de
phrases entendues au passage, d’infinis croisements d’existences étra
2029
nt désordonnées, de phrases entendues au passage,
d’
infinis croisements d’existences étrangères. Paris propose une liberté
2030
rases entendues au passage, d’infinis croisements
d’
existences étrangères. Paris propose une liberté et un danger, une rév
2031
e une liberté et un danger, une révélation totale
de
l’humain dans tous ses risques matériels et spirituels, impossibles a
2032
ues matériels et spirituels, impossibles ailleurs
de
nos jours, et, peut-être, à toute autre époque. Imaginer là-dessus un
2033
ait avoué, horreur et charme, à travers la vision
d’
un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les mé
2034
s rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant
de
cette église ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien de ce t
2035
ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien
de
ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans un sil
2036
r, où la Sainte-Cène est partagée dans un silence
de
catacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la foule et trave
2037
eillent sur son passage, il n’y a plus nulle part
d’
indifférence possible ! Ici, le Christ reste le Scandale, l’Autre, l’A
2038
l’être touchant, bizarre et pitoyable que chacun
de
nous dissimule. Alors on verrait le réel, alors on cesserait de haïr,
2039
ule. Alors on verrait le réel, alors on cesserait
de
haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui g
2040
n verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou
d’
être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au t
2041
cesserait de haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou
de
s’inquiéter des rumeurs qui glissent au travers de propos superficiel
2042
rficiellement passionnés… Et l’on cesserait aussi
de
redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là où chacun
2043
était fait montrer les fameuses photos en couleur
d’
écrivains français et étrangers — et José Ortega y Gasset. Il y a troi
2044
étions ensemble à Orléans, pour la représentation
de
la Jeanne d’Arc de Claudel et Honegger. Entre-temps, V. O. a tenu le
2045
l hôte du Jardin des Plantes, et du dernier livre
de
Huizinga, qui nous parvint hier de Hollande. Nous échangeons des nouv
2046
dernier livre de Huizinga, qui nous parvint hier
de
Hollande. Nous échangeons des nouvelles de nos amis communs d’Argenti
2047
t hier de Hollande. Nous échangeons des nouvelles
de
nos amis communs d’Argentine, d’Angleterre, d’Autriche, de Roumanie :
2048
Nous échangeons des nouvelles de nos amis communs
d’
Argentine, d’Angleterre, d’Autriche, de Roumanie : la plupart vont ven
2049
ns des nouvelles de nos amis communs d’Argentine,
d’
Angleterre, d’Autriche, de Roumanie : la plupart vont venir à Paris ou
2050
es de nos amis communs d’Argentine, d’Angleterre,
d’
Autriche, de Roumanie : la plupart vont venir à Paris ou s’y trouvent
2051
is communs d’Argentine, d’Angleterre, d’Autriche,
de
Roumanie : la plupart vont venir à Paris ou s’y trouvent déjà. Impres
2052
’y trouvent déjà. Impression soudaine, émouvante,
d’
une société secrète que rassemble l’appréhension des catastrophes proc
2053
réhension des catastrophes prochaines et le désir
d’
un ultime colloque avant que ne se ferment les frontières, avant la so
2054
les frontières, avant la solitude, avant la nuit
de
l’esprit. 24 mai 1939 Avant-hier, nous trouvâmes en rentrant une prod
2055
nous trouvâmes en rentrant une prodigieuse gerbe
de
roses rouges que V. O. envoyait à ma femme. Plantée au milieu du stud
2056
me. Plantée au milieu du studio, dans un gros pot
de
grès, elle règne comme la Beauté même, comme la Passion despotique et
2057
intemps dans notre souvenir, le dernier printemps
de
la paix… 5 juin 1939 L’origine de toutes nos haines, l’origine de tou
2058
rnier printemps de la paix… 5 juin 1939 L’origine
de
toutes nos haines, l’origine de toute amertume, c’est un bien que nou
2059
in 1939 L’origine de toutes nos haines, l’origine
de
toute amertume, c’est un bien que nous n’avons plus, c’est un amour p
2060
éder. Nos haines… Pourquoi la haine, par exemple,
de
tel régime qui nous menace depuis des mois ? Serait-ce à cause de la
2061
l n’y avait que du mal en lui, nous n’aurions pas
de
haine ni d’amertume : on ne hait pas les catastrophes, les incendies
2062
que du mal en lui, nous n’aurions pas de haine ni
d’
amertume : on ne hait pas les catastrophes, les incendies et les tremb
2063
s catastrophes, les incendies et les tremblements
de
terre. Notre amertume et notre indignation devant le phénomène totali
2064
ignation devant le phénomène totalitaire naissent
d’
un désir secret, d’une tentation, d’une espèce de dépit amoureux de la
2065
phénomène totalitaire naissent d’un désir secret,
d’
une tentation, d’une espèce de dépit amoureux de la révolution manquée
2066
aire naissent d’un désir secret, d’une tentation,
d’
une espèce de dépit amoureux de la révolution manquée par nous, mais s
2067
d’un désir secret, d’une tentation, d’une espèce
de
dépit amoureux de la révolution manquée par nous, mais séduite et vio
2068
, d’une tentation, d’une espèce de dépit amoureux
de
la révolution manquée par nous, mais séduite et violée par le voisin
2069
par nous, mais séduite et violée par le voisin ;
d’
une nostalgie de cette communauté qu’ils disent avoir réinventée, dont
2070
séduite et violée par le voisin ; d’une nostalgie
de
cette communauté qu’ils disent avoir réinventée, dont nous ne sommes
2071
entons bien qu’ils nous excluent dans l’intention
d’
en abuser. Ainsi l’Europe, en d’autres temps, avait haï les sans-culot
2072
désordonnée, incapable — du moins le croyait-on —
d’
affronter les armées régulières. 7 juin 1939 Ce restaurant où j’achève
2073
régulières. 7 juin 1939 Ce restaurant où j’achève
de
déjeuner — rive droite — est le type même du restaurant « moderne » c
2074
rant « moderne » conçu par le délire matérialiste
de
l’après-guerre. Tout y est laid, désaccordé, géométrique, douloureux
2075
bleuâtre qui sera, n’en doutons pas, l’éclairage
de
l’enfer… Les clients : demi-luxe et demi-monde. Des femmes qui ont vo
2076
ui ont voulu ressembler aux trois ou quatre types
de
stars en vogue. Nanties de chiens qui sentent eux-mêmes le patchouli
2077
trois ou quatre types de stars en vogue. Nanties
de
chiens qui sentent eux-mêmes le patchouli et qu’elles disposent sur l
2078
patchouli et qu’elles disposent sur la banquette
de
velours grenat à côté du représentant calamistré d’une marque d’auto.
2079
velours grenat à côté du représentant calamistré
d’
une marque d’auto. Et ces rires, ces éclats de voix ! Mais il y a depu
2080
at à côté du représentant calamistré d’une marque
d’
auto. Et ces rires, ces éclats de voix ! Mais il y a depuis un moment
2081
tré d’une marque d’auto. Et ces rires, ces éclats
de
voix ! Mais il y a depuis un moment une musique de radio on ne sait d
2082
e voix ! Mais il y a depuis un moment une musique
de
radio on ne sait d’où venue, dominant tout. Des trompettes solennelle
2083
depuis un moment une musique de radio on ne sait
d’
où venue, dominant tout. Des trompettes solennelles au début, et maint
2084
début, et maintenant, planante et pure, une voix
de
femme se détache… Tout d’un coup, cette ivresse ailée, tout d’un coup
2085
nante et pure, une voix de femme se détache… Tout
d’
un coup, cette ivresse ailée, tout d’un coup cette confiance envahissa
2086
étache… Tout d’un coup, cette ivresse ailée, tout
d’
un coup cette confiance envahissante dans le salut du monde malgré tou
2087
onde malgré tout, cette beauté sensible au-dessus
de
toutes choses, à l’intérieur bientôt de toutes choses, oui, seules le
2088
au-dessus de toutes choses, à l’intérieur bientôt
de
toutes choses, oui, seules les apparences étaient vulgaires ! Au-dess
2089
ules les apparences étaient vulgaires ! Au-dessus
d’
elles, à l’intérieur aussi, se fait entendre maintenant le chant profo
2090
u, la respiration bienheureuse des anges gardiens
de
ce temps, dans l’enthousiasme, déchirant les voiles, du salut qui nou
2091
s ! 9 juin 1939 « Notre Führer fait une politique
d’
artiste ! », a proclamé M. Goebbels. Voilà qui définit l’idée de l’Art
2092
a proclamé M. Goebbels. Voilà qui définit l’idée
de
l’Art que peut concevoir un petit-bourgeois allemand. L’hitlérisme, c
2093
é. La lumière mûrit là-haut, sur le clocher roman
de
cette église mystérieusement demeurée, malgré la ville environnante,
2094
du temps, pour vingt-quatre heures, une plénitude
de
l’attente. D’ici là, plus rien ne comptera que par rapport à ce plais
2095
petits retards où s’alimente le désir. Les délais
de
ce genre nous sont-ils mesurés par la qualité de notre espoir ? Mais
2096
de ce genre nous sont-ils mesurés par la qualité
de
notre espoir ? Mais quel espoir, alors, pourrait rythmer toute la dur
2097
el espoir, alors, pourrait rythmer toute la durée
de
notre vie, jusqu’à la mort, — sinon l’espoir d’un rendez-vous au-delà
2098
e de notre vie, jusqu’à la mort, — sinon l’espoir
d’
un rendez-vous au-delà du monde, et l’entretien de son attente ardente
2099
d’un rendez-vous au-delà du monde, et l’entretien
de
son attente ardente ? Si j’y croyais vraiment, sans cesse, je serais
2100
ux sans cesse et en tout lieu ! Si tout dépendait
d’
un avenir assez lointain et assez glorieux pour disqualifier nos souci
2101
ous apporte — c’est probable — un nouveau serpent
de
mer des dictateurs, je mets ici un point final à ce journal de petite
2102
ctateurs, je mets ici un point final à ce journal
de
petite attente. Il faut juger notre vie par sa Fin, pour mesurer l’im
2103
gros yeux. Joie du temps retrouvé, dans l’instant
d’
un espoir qui fut pour moi la parabole salutaire ! Substance présente
2104
ement qui nous délivrera ? Eh quoi ! suffisait-il
d’
y penser ? Non, mais il suffira d’y croire. Il est dit : si tu crois,
2105
! suffisait-il d’y penser ? Non, mais il suffira
d’
y croire. Il est dit : si tu crois, tu vivras. ai. Rougemont Denis
2106
: si tu crois, tu vivras. ai. Rougemont Denis
de
, « D’un journal d’attente (pages démodées) », Formes et Couleurs, Lau
2107
tu crois, tu vivras. ai. Rougemont Denis de, «
D’
un journal d’attente (pages démodées) », Formes et Couleurs, Lausanne,
2108
vivras. ai. Rougemont Denis de, « D’un journal
d’
attente (pages démodées) », Formes et Couleurs, Lausanne, avril 1940,
2109
es faits dans le monde, mais seulement sur l’état
de
leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’il nous faut à l’heure que nous vivo
2110
vivons, ce sont des pessimistes réfléchis maîtres
d’
eux-mêmes, et objectifs. Je dirai plus : ce qu’il nous faut, ce sont d
2111
ent à la maxime du Taciturne : « Pas n’est besoin
d’
espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Or cette e
2112
Pas n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni
de
réussir pour persévérer. » Or cette espèce est rare en Suisse, comme
2113
ù l’ère bourgeoise, ère du « confort moderne » et
de
l’absence d’imagination, prolonge encore une existence brutalement co
2114
eoise, ère du « confort moderne » et de l’absence
d’
imagination, prolonge encore une existence brutalement condamnée par c
2115
ns lequel nous étions installés nous mettait hors
d’
état d’imaginer à la fois le sublime et le pire. « Trop beau pour être
2116
el nous étions installés nous mettait hors d’état
d’
imaginer à la fois le sublime et le pire. « Trop beau pour être vrai »
2117
le pire. « Trop beau pour être vrai », c’était un
de
nos proverbes. Et lorsqu’on nous avertissait de certains dangers form
2118
n de nos proverbes. Et lorsqu’on nous avertissait
de
certains dangers formidables qui menaçaient l’existence même de l’hér
2119
ngers formidables qui menaçaient l’existence même
de
l’héritage européen, nous répondions : « C’est trop affreux pour être
2120
vrai. » À certain document que je ne puis nommer,
d’
une atterrante précision, nous opposions le scepticisme de qui ne s’en
2121
terrante précision, nous opposions le scepticisme
de
qui ne s’en laisse pas conter, et connaît toutes les ruses de toutes
2122
en laisse pas conter, et connaît toutes les ruses
de
toutes les propagandes. Nous nous prétendions « réalistes ». Nous éti
2123
« réalistes ». Nous étions simplement incapables
d’
imaginer quelque chose d’excessif par rapport à nos sécurités. Cette i
2124
ns simplement incapables d’imaginer quelque chose
d’
excessif par rapport à nos sécurités. Cette inconscience, j’en dirai l
2125
rachute pour jouer l’ange protecteur. À l’origine
de
notre aveuglement, il y a notre incrédulité. Si Dieu existait, pleuro
2126
Si nous avions su croire en lui pendant le temps
de
sa patience, nous aurions eu « des yeux pour voir », et pour connaîtr
2127
et pour connaître les démons. Voici venu le temps
de
la colère, le temps des plaies d’Égypte, où les cœurs s’endurcissent.
2128
i venu le temps de la colère, le temps des plaies
d’
Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Voici venue l’heure sévère. Ouvro
2129
re. Ouvrons les yeux et apprenons ce qu’il en est
de
notre châtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix d’un siècle
2130
âtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix
d’
un siècle d’abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle
2131
’Europe est en train de payer le prix d’un siècle
d’
abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fit la sourd
2132
t irritante, n’est-ce pas, aux yeux de qui refuse
d’
envisager la vie comme une totalité orientée par l’esprit. L’esprit pr
2133
’aviation n’a nullement transformé les conditions
de
notre bonheur, mais bien celles de notre malheur. Mais l’optimisme du
2134
les conditions de notre bonheur, mais bien celles
de
notre malheur. Mais l’optimisme du matérialiste modéré ne veut prévoi
2135
matérialiste modéré ne veut prévoir que le profit
d’
argent et l’augmentation du confort. Il refuse de se demander à quoi s
2136
d’argent et l’augmentation du confort. Il refuse
de
se demander à quoi servira cet argent ou si le confort matériel favor
2137
atériel favorise un bien spirituel. À la première
de
ces questions, il n’oserait pas répondre en toute franchise ; et à la
2138
pressent bien qu’on ne pourrait que répondre non.
D’
où sa myopie et son imprévision systématique des maux prochains. J’écr
2139
maux prochains. J’écris ceci pendant la bataille
de
France. Est-il trop tard pour répéter ces vérités élémentaires, que l
2140
aires, que le sérieux des gouvernants, des hommes
d’
affaires, des penseurs officiels et des bourgeois moyens, a refusé pen
2141
t des bourgeois moyens, a refusé pendant cent ans
d’
envisager ? Pourtant, les plus grands hommes du dernier siècle furent
2142
aintenant nous surprend. Nous avons eu bien assez
de
prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que les avertissements
2143
ien assez de prophètes. Nous n’avons pas le droit
de
gémir que les avertissements nous ont manqué. Le dossier de ces avert
2144
ue les avertissements nous ont manqué. Le dossier
de
ces avertissements est écrasant pour la conscience européenne : vous
2145
uropéenne : vous y trouverez les plus grands noms
de
la pensée, qui furent aussi les plus cyniquement méconnus. Vous y tro
2146
pposés, unanimes dans la critique du « réalisme »
de
leur temps, et dans la prédiction des maux à venir — ceux qui fondent
2147
nir — ceux qui fondent sur nous aujourd’hui. Quoi
de
commun entre un Burckhardt, un Kierkegaard, un Vinet ou un Nietzsche
2148
persiste à ne prendre au sérieux que les valeurs
de
bourse et la « prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne de la m
2149
« prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne
de
la masse comme celui des lâchetés individuelles additionnées, créant
2150
monde moderne est en train d’adopter « une morale
de
commerçants », et qu’il sera vaincu par des ascètes féroces. Vinet pr
2151
pirituel ne les oriente, aboutiront au despotisme
de
l’État. Et contre tout l’« économisme » de son temps, il ose écrire :
2152
otisme de l’État. Et contre tout l’« économisme »
de
son temps, il ose écrire : « Si quelque chose aujourd’hui menace la l
2153
du côté de la tyrannie. » Et qu’il suffise enfin
d’
une allusion aux prophéties célèbres de Burckhardt sur les « terribles
2154
fise enfin d’une allusion aux prophéties célèbres
de
Burckhardt sur les « terribles simplificateurs », qui viendront impos
2155
mplificateurs », qui viendront imposer à l’Europe
d’
impitoyables dictatures militaires au nom de la liberté et du bonheur
2156
liberté et du bonheur des masses. Cette unanimité
d’
esprits partout ailleurs irréductiblement divers, je répète qu’elle es
2157
xcuses. Nous avons été avertis. Nous avons refusé
d’
écouter. Et maintenant il faut payer. Non point parce que l’injustice
2158
n châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole
de
la prospérité, et l’idole du confort, et l’idole du progrès — ce prog
2159
« sauver » nos vies mêmes, nous voilà condamnés,
de
la manière la plus tragi-comique, à sacrifier notre prospérité, notre
2160
confort et nos progrès aux nécessités impérieuses
de
la défense nationale. Pour avoir refusé les sacrifices qu’eût entraîn
2161
ce soit notre confort, notre profit, nos égoïsmes
de
nations, nous voici contraints brutalement à des sacrifices mille foi
2162
lent parfaitement « possibles ». Dès qu’il s’agit
de
sauver notre peau, dès qu’il s’agit de défense nationale, nous accept
2163
’il s’agit de sauver notre peau, dès qu’il s’agit
de
défense nationale, nous acceptons des mesures qui, hier encore, passa
2164
ables et impraticables aux yeux des « réalistes »
de
l’économie : prélèvement sur le capital ou caisse de compensation, —
2165
l’économie : prélèvement sur le capital ou caisse
de
compensation, — et je ne prends là que de petits exemples7… Nous avon
2166
caisse de compensation, — et je ne prends là que
de
petits exemples7… Nous avons critiqué sans merci comme des « utopies
2167
pas seulement en Suisse, mais dans tous les pays
de
l’Europe ; non seulement sur le plan social, mais sur le plan des rel
2168
ur le plan social, mais sur le plan des relations
de
peuple à peuple. Tout ce que nous jugions impossible quand il s’agiss
2169
bien si la peur et la guerre sont seules capables
d’
obtenir de nous un dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’
2170
peur et la guerre sont seules capables d’obtenir
de
nous un dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’amour, pou
2171
seules capables d’obtenir de nous un dépassement
de
nos égoïsmes que nous refusions à l’amour, pourquoi donc voulez-vous
2172
portunes, à l’heure où nous cherchons des raisons
d’
espérer. Mais nul espoir n’est plus possible, sachons-le, si nous refu
2173
e, sachons-le, si nous refusons maintenant encore
d’
envisager les causes du désastre. Envisager, c’est regarder en plein v
2174
et le dernier possible — quelle que soit l’issue
de
la guerre — dépend de notre capacité d’accepter des vérités dures. Ca
2175
e — quelle que soit l’issue de la guerre — dépend
de
notre capacité d’accepter des vérités dures. Car tout le mal est venu
2176
t l’issue de la guerre — dépend de notre capacité
d’
accepter des vérités dures. Car tout le mal est venu de les avoir refu
2177
aginer le mal parce qu’ils croyaient au bien fait
de
main d’homme. Mea culpa des militaristes, qui n’ont pas su imaginer u
2178
e mal parce qu’ils croyaient au bien fait de main
d’
homme. Mea culpa des militaristes, qui n’ont pas su imaginer un autre
2179
ner un autre bien que la défense toute matérielle
d’
un ordre de choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui
2180
e bien que la défense toute matérielle d’un ordre
de
choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui tue ce qu’e
2181
qui tue ce qu’elle conquiert. Mea culpa des gens
de
droite, qui croyaient pouvoir conserver des privilèges hérités, tout
2182
détrousser au bout du compte. Mea culpa des gens
de
gauche, dont le programme de bonheur obligatoire était le même — avec
2183
. Mea culpa des gens de gauche, dont le programme
de
bonheur obligatoire était le même — avec moins de franchise — que cel
2184
de bonheur obligatoire était le même — avec moins
de
franchise — que celui de l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaie
2185
ait le même — avec moins de franchise — que celui
de
l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaient les masses. Mea culpa
2186
des Suisses, qui voulaient profiter des avantages
de
la folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui de devoir payer leu
2187
la folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui
de
devoir payer leur part minime dans la banqueroute européenne. Mea cul
2188
, mais qui se tinrent apparemment pour satisfaits
de
leur succès de librairie : mea culpa. Mais quelles fautes avaient don
2189
inrent apparemment pour satisfaits de leur succès
de
librairie : mea culpa. Mais quelles fautes avaient donc commises ces
2190
quelles fautes avaient donc commises ces millions
de
femmes et d’enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avons
2191
s avaient donc commises ces millions de femmes et
d’
enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avons plus qu’un se
2192
ns de femmes et d’enfants en fuite sur les routes
de
France ? Nous n’avons plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issu
2193
plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issue
de
la guerre : obtenir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce de
2194
ir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce
de
concordat qui nous laisserait la possibilité de rebâtir. Mais on n’ac
2195
e de concordat qui nous laisserait la possibilité
de
rebâtir. Mais on n’accorde un concordat qu’à celui qui se déclare en
2196
Suisses ont quelque chose à faire, quelque chose
de
précis, que je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart de la gue
2197
e je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart
de
la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai
2198
tre y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai
de
grâce dont je parlais aux Hollandais, en novembre de l’an dernier — e
2199
grâce dont je parlais aux Hollandais, en novembre
de
l’an dernier — et c’est fini — dont je parlais aux Suisses en janvier
2200
est fini — dont je parlais aux Suisses en janvier
de
cette année — et cela fait déjà cinq mois passés8. Ce délai nous perm
2201
fait déjà cinq mois passés8. Ce délai nous permet
de
comprendre, d’avouer nos fautes et celles de notre monde, de dire la
2202
mois passés8. Ce délai nous permet de comprendre,
d’
avouer nos fautes et celles de notre monde, de dire la vérité que les
2203
rmet de comprendre, d’avouer nos fautes et celles
de
notre monde, de dire la vérité que les peuples en guerre n’ont plus l
2204
re, d’avouer nos fautes et celles de notre monde,
de
dire la vérité que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir de rec
2205
é que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir
de
reconnaître, dans le fracas des chars, sous les bombardements, quand
2206
l’homme sort toujours retrempé. Avouer les fautes
de
ceux qu’on aime et dont on attend la victoire comme la permission de
2207
et dont on attend la victoire comme la permission
de
revivre, c’est une épreuve encore, on ose à peine le dire, une épreuv
2208
si nous en triomphons, elle nous donnera la force
de
préparer l’avenir. Il est dur de reconnaître ces fautes, parce que no
2209
donnera la force de préparer l’avenir. Il est dur
de
reconnaître ces fautes, parce que nous en sommes les complices, et qu
2210
lices, et que nous aimons les fautifs. Il est dur
de
les avouer, parce que les fautes contraires des autres, en face, nous
2211
tout de même, ou à cause de cela même. Il est dur
de
reconnaître que ce châtiment, qui nous atteint aussi, est mérité ; et
2212
s qui auront su répudier les illusions flatteuses
de
l’ère bourgeoise. Car ceux-là seuls sauront alors ce qui mérite d’êtr
2213
se. Car ceux-là seuls sauront alors ce qui mérite
d’
être sauvé ou recréé. Non pas le droit et la justice dont se réclamaie
2214
ocraties ont la victoire. Non pas le bonheur fait
de
laisser-aller et d’insouciance du prochain, car nous le payons mainte
2215
oire. Non pas le bonheur fait de laisser-aller et
d’
insouciance du prochain, car nous le payons maintenant, une fois pour
2216
lités, est pulvérisé par les bombes. Au plus fort
de
la persécution entreprise par Julien l’Apostat contre la chrétienté n
2217
est un petit nuage, il passera. Ce n’était pas là
de
l’optimisme. Athanase prévoyait qu’avec le « petit nuage » passeraien
2218
passeraient aussi, probablement, sa vie et celle
de
tant de frères. Mais au-delà de l’optimisme humain toujours bafoué, a
2219
, sa vie et celle de tant de frères. Mais au-delà
de
l’optimisme humain toujours bafoué, au-delà du pessimisme lâche, il y
2220
la foi dans l’éternel, y a l’amour et l’espérance
de
l’éternel. À quoi se raccrocher, que faire encore ? Quelle était l’as
2221
cher, que faire encore ? Quelle était l’assurance
d’
éternité qui permettait à Athanase de dire : c’est un petit nuage, il
2222
l’assurance d’éternité qui permettait à Athanase
de
dire : c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur de cette heure
2223
: c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur
de
cette heure sévère, c’est que par la force des choses, par la brutali
2224
ainte ». Quoi qu’il arrive. 7. Le budget annuel
de
la « défense spirituelle » de la Suisse représente à peu près le prix
2225
7. Le budget annuel de la « défense spirituelle »
de
la Suisse représente à peu près le prix de deux chars d’assaut. On tr
2226
elle » de la Suisse représente à peu près le prix
de
deux chars d’assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, mais si j
2227
uisse représente à peu près le prix de deux chars
d’
assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, mais si je demande qu’o
2228
près le prix de deux chars d’assaut. On trouvera
de
l’argent pour 40 chars, mais si je demande qu’on double un budget cul
2229
le pays. 8. Voir mon livre Mission ou démission
de
la Suisse (« La bataille de la culture. ») 9. Comme le fait Paul Re
2230
Mission ou démission de la Suisse (« La bataille
de
la culture. ») 9. Comme le fait Paul Reynaud devant le Sénat à l’ins
2231
l’instant où j’écris ceci. aj. Rougemont Denis
de
, « L’heure sévère », Neue Schweizer Rundschau, Zurich, juin 1940, p.
2232
Au peuple suisse ! (22 juillet 1940)ak Au cœur
de
la révolution européenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a
2233
, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a pas
d’
autre garantie humaine que son armée, pas d’autre allié que son terrai
2234
a pas d’autre garantie humaine que son armée, pas
d’
autre allié que son terrain, pas d’autre espoir que son travail. Cette
2235
son armée, pas d’autre allié que son terrain, pas
d’
autre espoir que son travail. Cette situation n’est pas nouvelle dans
2236
pas nouvelle dans notre histoire. Elle fut celle
de
nos grandes victoires et de nos grands renouvellements. Nous savons à
2237
toire. Elle fut celle de nos grandes victoires et
de
nos grands renouvellements. Nous savons à quelles conditions nos ancê
2238
cêtres ont pu surmonter les crises qui menaçaient
d’
emporter leur État : d’une part en déclarant leur volonté de se défend
2239
leur État : d’une part en déclarant leur volonté
de
se défendre par les armes, d’autre part en se montrant capables de cr
2240
r les armes, d’autre part en se montrant capables
de
créer, eux aussi, un ordre neuf, à leur manière et selon leur foi chr
2241
saisir notre chance ! Les événements se chargent
de
nous ouvrir les yeux. Depuis quelques semaines, bien des préjugés tom
2242
tombent. Nous avons découvert l’urgente nécessité
de
nous unir au-delà des partis, au-delà d’une gauche et d’une droite pé
2243
écessité de nous unir au-delà des partis, au-delà
d’
une gauche et d’une droite périmées, au-delà du vieux conflit du capit
2244
unir au-delà des partis, au-delà d’une gauche et
d’
une droite périmées, au-delà du vieux conflit du capital et du travail
2245
promesses faciles. Ils veulent une méthode neuve
d’
action et de pensée, une solidarité pratique. Et ils attendent des hom
2246
aciles. Ils veulent une méthode neuve d’action et
de
pensée, une solidarité pratique. Et ils attendent des hommes nouveaux
2247
s nous sommes donc groupés pour travailler. Venus
de
tous les points de l’horizon politique, fidèles à nos amitiés, mais d
2248
groupés pour travailler. Venus de tous les points
de
l’horizon politique, fidèles à nos amitiés, mais décidés à faire conv
2249
fondons la Ligue du Gothard Bastion naturel
de
la Suisse, cœur de l’Europe et limite des races, le Gothard est le gr
2250
du Gothard Bastion naturel de la Suisse, cœur
de
l’Europe et limite des races, le Gothard est le grand symbole autour
2251
querelles partisanes, que tous ceux qui viennent
d’
être démobilisés et qui sont prêts à faire du neuf, que tous les aînés
2252
un grand effort commun. Mais il nous rendra fiers
d’
être hommes, et d’être Suisses. Ligue du Gothard Schauplatzgasse 2
2253
mmun. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et
d’
être Suisses. Ligue du Gothard Schauplatzgasse 23, Berne. Dans q
2254
ques jours, nous publierons nos principes et buts
d’
action, les noms des membres du comité, ainsi qu’un grand nombre de si
2255
s des membres du comité, ainsi qu’un grand nombre
de
signatures de personnalités appartenant aux milieux les plus divers,
2256
du comité, ainsi qu’un grand nombre de signatures
de
personnalités appartenant aux milieux les plus divers, et qui nous on
2257
ous ont promis leur appui. ak. Rougemont Denis
de
, « Au peuple suisse ! », Tribune de Lausanne, Lausanne, 22 juillet 19
2258
ugemont Denis de, « Au peuple suisse ! », Tribune
de
Lausanne, Lausanne, 22 juillet 1940, p. 5.
2259
Autocritique
de
la Suisse (août 1940)am an Nul pays, à ma connaissance, n’a été pl
2260
ire, et suppose donc la connaissance très vivante
d’
une autre espèce d’union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masse
2261
c la connaissance très vivante d’une autre espèce
d’
union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses et l’à peu près i
2262
ntellectuel s’opposent sans cesse à cette reprise
de
conscience. D’où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on n
2263
pposent sans cesse à cette reprise de conscience.
D’
où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déch
2264
à cette reprise de conscience. D’où la nécessité
d’
une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déchoir ou se laisser
2265
e qui suppose l’équilibre vivant entre les droits
de
chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde de nom
2266
et ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde
de
nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’autre programme que la défe
2267
bsurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a
d’
autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centre. C
2268
es cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité
de
l’union centrale auraient peut-être plus de droits à revendiquer le n
2269
ssité de l’union centrale auraient peut-être plus
de
droits à revendiquer le nom de fédéralistes, dans son sens étymologiq
2270
ent peut-être plus de droits à revendiquer le nom
de
fédéralistes, dans son sens étymologique. (fœdus = traité, serment, u
2271
régionalistes, nomment « fédéral » ce qui procède
de
Berne. Il en résulte que leur fédéralisme se résume à combattre tout
2272
qui pourra ! Cette confusion verbale, symbolique
de
tant d’autres, est à la base de la plupart de nos conflits politiques
2273
rbale, symbolique de tant d’autres, est à la base
de
la plupart de nos conflits politiques, économiques, parlementaires. 2
2274
e le fédéralisme véritable ne commence qu’au-delà
de
leur opposition. Ils se font un programme de ce qui ne saurait être q
2275
delà de leur opposition. Ils se font un programme
de
ce qui ne saurait être que la maladie individualiste ou la maladie co
2276
aladie individualiste ou la maladie collectiviste
de
notre État. À quand le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni
2277
die collectiviste de notre État. À quand le parti
de
la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni de droite. Car sous
2278
le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni
de
gauche ni de droite. Car sous l’opposition, indéfendable en théorie,
2279
la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni
de
droite. Car sous l’opposition, indéfendable en théorie, des centralis
2280
totalitaires timorés, c’est-à-dire quelque chose
d’
absolument inviable s’ils en restent là, ou de radicalement antisuisse
2281
ose d’absolument inviable s’ils en restent là, ou
de
radicalement antisuisse s’ils progressent. Les « libéraux » et les co
2282
tant que je ne les aurai pas vu refuser l’argent
de
l’État, je ne pourrai pas prendre au sérieux leurs convictions « fédé
2283
l’opposition gauche-droite est étrangère au génie
de
la Suisse. Son origine parlementaire le prouve : rien de moins suisse
2284
uisse. Son origine parlementaire le prouve : rien
de
moins suisse que notre Parlement, importé d’Amérique à une époque réc
2285
rien de moins suisse que notre Parlement, importé
d’
Amérique à une époque récente, et plus ou moins contaminé par les mœur
2286
par les mœurs politiques françaises. L’idée même
de
parti, d’ailleurs, est antisuisse, dans ce sens qu’elle est antifédér
2287
restreint, représentant une région, ou un groupe
d’
activités apparentées, ou une tendance religieuse, ou des intérêts cor
2288
igieuse, ou des intérêts corporatifs. Sur la base
de
programmes restreints, bien définis, l’on peut discuter entre experts
2289
ler, tout juger et tout absorber. Il serait temps
de
se remettre à la Diète ! 3. Suite du précédent. — Comment peut-on se
2290
du précédent. — Comment peut-on se dire encore «
de
droite » ou « de gauche » au lendemain de la guerre d’Espagne et du P
2291
Comment peut-on se dire encore « de droite » ou «
de
gauche » au lendemain de la guerre d’Espagne et du Pacte germano-russ
2292
ncore « de droite » ou « de gauche » au lendemain
de
la guerre d’Espagne et du Pacte germano-russe ? Les Espagnols se sont
2293
oite » ou « de gauche » au lendemain de la guerre
d’
Espagne et du Pacte germano-russe ? Les Espagnols se sont entretués pe
2294
érité et en tout héroïsme, au nom d’une droite et
d’
une gauche extrémistes qui, dès « l’affaire » liquidée, ont démasqué l
2295
partis continuent, nos arguments ne changent pas
d’
un demi-ton, nos philofascistes continuent à reprocher à nos socialist
2296
ialistes un étatisme qui, en réalité, fait partie
de
tout programme fasciste ; nos marxistes continuent à se croire libert
2297
libertaires, etc. Seuls nos staliniens ont cessé
de
dénoncer les hitlériens, mais c’est pour dénoncer les antihitlériens,
2298
alistes internationaux ».) Nos descendants diront
de
notre siècle qu’il fut celui des gogos enragés. 4. Paresse d’esprit.
2299
cle qu’il fut celui des gogos enragés. 4. Paresse
d’
esprit. — Je parle ici par expérience : rien n’oblige un bureau de Ber
2300
arle ici par expérience : rien n’oblige un bureau
de
Berne à faire du centralisme à coups de décrets rigides ; rien ne l’e
2301
un bureau de Berne à faire du centralisme à coups
de
décrets rigides ; rien ne l’empêche de respecter nos précieuses diver
2302
me à coups de décrets rigides ; rien ne l’empêche
de
respecter nos précieuses diversités, et de se mettre à leur service,
2303
mpêche de respecter nos précieuses diversités, et
de
se mettre à leur service, comme il se doit. Prévoir des exceptions, t
2304
x font tout le contraire, cela tient à la paresse
d’
esprit des messieurs qui en occupent les fauteuils. Les organismes cen
2305
lons des fonctionnaires frais et dispos, capables
d’
imagination, détestant les complications administratives mais aimant l
2306
rlent sera faite. Mais autrement, elle ne servira
de
rien. 5. Notre matérialisme. — Le pire danger qui nous menace : nous
2307
renversé l’échelle des valeurs. Le cadre matériel
de
notre vie est parfait, mais il n’encadrera bientôt plus aucune vie di
2308
mais il n’encadrera bientôt plus aucune vie digne
de
ce nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget d’une œuvre destin
2309
e nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget
d’
une œuvre destinée à soutenir telle branche de l’activité intellectuel
2310
get d’une œuvre destinée à soutenir telle branche
de
l’activité intellectuelle que les deux tiers des ressources passent à
2311
istration et aux salaires fixes, tandis que moins
d’
un tiers est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de
2312
, tandis que moins d’un tiers est consacré au but
de
l’œuvre. Je vois une revue d’art et de littérature consacrer des mill
2313
est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue
d’
art et de littérature consacrer des milliers de francs à sa « présenta
2314
cré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et
de
littérature consacrer des milliers de francs à sa « présentation » ma
2315
ue d’art et de littérature consacrer des milliers
de
francs à sa « présentation » matérielle, et zéro franc à payer ses co
2316
sont difficiles. Je vois que dans le budget moyen
d’
un ouvrier suisse, le cadre matériel de l’existence (logement, vêtemen
2317
dget moyen d’un ouvrier suisse, le cadre matériel
de
l’existence (logement, vêtement, mobilier, assurances) absorbe plus d
2318
ent, vêtement, mobilier, assurances) absorbe plus
de
la moitié des ressources, proportion réellement exorbitante. Je vois
2319
e. Je vois des gens qui hésitent entre deux types
de
salles de bain, l’une coûtant 300 fr. de plus que l’autre, et qui se
2320
des gens qui hésitent entre deux types de salles
de
bain, l’une coûtant 300 fr. de plus que l’autre, et qui se désabonnen
2321
ue l’autre, et qui se désabonnent « vu la crise »
de
la seule revue qu’ils recevaient : elle leur coûtait 10 fr. par an. J
2322
die et comme paralysée par des soucis budgétaires
de
cet ordre, traduisant cette échelle de valeurs. Et je conclus : « Si
2323
udgétaires de cet ordre, traduisant cette échelle
de
valeurs. Et je conclus : « Si quelque chose aujourd’hui menace la lib
2324
qui parlait ainsi, il y a longtemps, tout au haut
de
la pente… 6. Cultures. — C’est quand on doute de soi qu’on a peur du
2325
de la pente… 6. Cultures. — C’est quand on doute
de
soi qu’on a peur du voisin. Les Romands qui se rétractent au seul mot
2326
voisin. Les Romands qui se rétractent au seul mot
de
germanisme ne sont pas ceux qui sauront illustrer la Suisse romande,
2327
upérieures ou rares, des exceptions, des manières
de
vivre hors-série. Car « l’exception » dans la vie quotidienne doit jo
2328
pliquer sans loyauté, dans n’importe quel domaine
de
notre vie, même « privée », c’est nier le fédéralisme et ruiner les b
2329
», c’est nier le fédéralisme et ruiner les bases
de
la Suisse. Que nos moralistes s’en souviennent, et que nos conformist
2330
e. Exemple : ceux qui, chez nous, font profession
d’
admirer la méthode d’un dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’
2331
, chez nous, font profession d’admirer la méthode
d’
un dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà
2332
dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’âme
de
l’âme », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles de Suisses11. J
2333
L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà des drôles
de
fédéralistes, des drôles de Suisses11. Je les estime intolérables, s’
2334
e », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles
de
Suisses11. Je les estime intolérables, s’ils parlent en connaissance
2335
. (Le plus souvent, d’ailleurs, ils se contentent
de
ne pas remarquer la ressemblance entre ce qu’ils détestent en Suisse
2336
e naïveté. — Elle éclate dans certaines mesures «
de
prudence » prises à l’égard de la presse — par qui de droit — et qui
2337
rudence » prises à l’égard de la presse — par qui
de
droit — et qui consistent à ménager non seulement la chèvre et le cho
2338
sieur qui s’enquiert « objectivement » des motifs
d’
un bandit tout prêt à l’assommer. Or je connais une certaine propagand
2339
, littéralement, et cela depuis plusieurs années.
De
ce point de vue, nous ne sommes plus neutres en fait, nous sommes en
2340
en fait, nous sommes en guerre parce que victimes
d’
une agression systématique et quotidienne contre les principes mêmes q
2341
êmes qui fondent notre État. (Je me garderai bien
de
donner ici un autre exemple que celui de la propagande stalinienne.)
2342
rai bien de donner ici un autre exemple que celui
de
la propagande stalinienne.) Si l’on nous interdit de le dire, et de n
2343
la propagande stalinienne.) Si l’on nous interdit
de
le dire, et de nous défendre en ripostant, pourquoi donc, demanderai-
2344
talinienne.) Si l’on nous interdit de le dire, et
de
nous défendre en ripostant, pourquoi donc, demanderai-je, fortifier n
2345
tégrité du territoire serait-elle plus importante
de
nos jours que l’intégrité de la conscience nationale ? Celle-là conse
2346
elle plus importante de nos jours que l’intégrité
de
la conscience nationale ? Celle-là conserve-t-elle son sens quand cel
2347
se. — Revenons à la géographie ! dit ce poète. Et
de
nous décrire une Suisse héroïque protégée par les Alpes, ce rempart,
2348
ces termes : « Une dépression entre deux chaînes
de
montagnes. » Renvoyons la géographie, de grâce, ou faisons-la mentir
2349
chaînes de montagnes. » Renvoyons la géographie,
de
grâce, ou faisons-la mentir ! 11. Neutralité. — Pendant l’hiver 1939-
2350
érature maximum : 18°. » Il s’agissait sans doute
d’
inciter le public à des économies de charbon. On nous recommandait la
2351
it sans doute d’inciter le public à des économies
de
charbon. On nous recommandait la tiédeur… Mais voici nos voisins bell
2352
voir ce qui vaut le mieux. Il ne faut pas parler
de
neutralité en général, dans l’absolu et dans l’abstrait. Car tout dép
2353
dans l’absolu et dans l’abstrait. Car tout dépend
de
ceci : vis-à-vis de quoi, ou de qui, est-on tiède, est-on neutre ? Si
2354
. Car tout dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou
de
qui, est-on tiède, est-on neutre ? Si c’est vis-à-vis du Christ, la p
2355
entraîne notre expulsion violente hors du Royaume
de
Dieu. « Je vous vomirai », dit le Christ. Si c’est vis-à-vis de la g
2356
dans la mesure où elle nous exclut, précisément,
d’
un conflit que nous jugeons mauvais. (Reste à savoir si le conflit act
2357
uis, si notre tiédeur suffira pour que le monstre
de
la guerre nous vomisse… Mais ceci est une autre histoire.) On ferait
2358
Mais ceci est une autre histoire.) On ferait bien
de
ne pas utiliser comme des proverbes généraux certaines paroles du Chr
2359
es généraux certaines paroles du Christ qui n’ont
de
sens que par rapport à sa Personne, à son Royaume, à son Éternité. Ré
2360
les tièdes seront vomis, en détournant ce verset
de
son sens spirituel, c’est toujours un blasphème, et c’est souvent une
2361
ralité « éternelle ». — On nous parle aujourd’hui
de
« neutralité éternelle », et l’on va même jusqu’à nous affirmer que c
2362
mer que cette « éternité » est la base officielle
de
notre politique. Dans ce cas, notre politique reposerait sur une faut
2363
suis fâché. Ce n’est pas éternelle qu’il convient
de
dire, mais perpétuelle. Se figure-t-on que l’homme a le droit et le p
2364
figure-t-on que l’homme a le droit et le pouvoir
de
décréter « l’éternité » d’une décision humaine ? Apprenons donc à qui
2365
le droit et le pouvoir de décréter « l’éternité »
d’
une décision humaine ? Apprenons donc à qui de droit que nul État huma
2366
é » d’une décision humaine ? Apprenons donc à qui
de
droit que nul État humain n’est éternel ; que la Suisse est un État h
2367
plus, la Suisse n’est devenue neutre qu’à partir
d’
un certain moment de son histoire. Or ce qui est éternel ne commence p
2368
st devenue neutre qu’à partir d’un certain moment
de
son histoire. Or ce qui est éternel ne commence pas à un certain mome
2369
utre moment. On peut le nier parfois dans un élan
de
passion. Mais on ne peut pas le nier par un décret. 13. Neutralité pe
2370
ieu, durer « éternellement ». C’était une manière
d’
affirmer qu’ils la concluaient sans arrière-pensée. (Comparez avec cer
2371
s arrière-pensée. (Comparez avec certaines offres
de
paix « pour vingt-cinq ans » que faisait naguère à ses voisins un hom
2372
le » : cela signifie simplement que nous refusons
d’
envisager son abandon, et que nous le refuserons aussi longtemps que p
2373
(L’Empire fédératif ?) Mais toute politique digne
de
ce nom consiste à prévoir même le pire, et même la réalisation procha
2374
ir même le pire, et même la réalisation prochaine
de
nos plus lointaines ambitions. Or prévoir, c’est aussi se préparer, p
2375
rce que l’histoire et la politique ne cessent pas
de
modifier ces positions toutes relatives que sont la gauche et la droi
2376
ais ils ne nous imposent nullement une neutralité
d’
opinion. Renoncer au droit de nous exprimer, ce n’est donc pas nous co
2377
r, ce n’est donc pas nous conformer aux exigences
de
la neutralité. Ce peut être, dans certains cas, une mesure opportune
2378
, c’est tout simplement renoncer à une belle part
de
notre indépendance. C’est renoncer à nous défendre intégralement. Et
2379
qui sont d’abord des guerres morales, des guerres
de
propagande. Quand une troupe est réduite à l’impuissance par l’advers
2380
’hui, ce n’est pas rester neutres, c’est accepter
d’
être neutralisés moralement. Le Conseil fédéral a repoussé officiellem
2381
ussé officiellement et publiquement la prétention
de
ceux qui voulaient « neutraliser » de cette manière notre opinion. En
2382
prétention de ceux qui voulaient « neutraliser »
de
cette manière notre opinion. En tant que citoyen suisse respectueux d
2383
tant que citoyen suisse respectueux des décisions
de
nos autorités suprêmes, j’ai donc le droit de condamner ouvertement d
2384
ons de nos autorités suprêmes, j’ai donc le droit
de
condamner ouvertement des régimes étrangers qui attaquent ouvertement
2385
endance : elle l’affirme au contraire ! Le devoir
de
l’armée est de garantir par la force l’intégrité de notre indépendanc
2386
l’affirme au contraire ! Le devoir de l’armée est
de
garantir par la force l’intégrité de notre indépendance, et non pas s
2387
l’armée est de garantir par la force l’intégrité
de
notre indépendance, et non pas seulement sa matérialité (le territoir
2388
uisse ne dit pas : « Plutôt renoncer à ma liberté
d’
opinion que de risquer des ennuis avec une légation. » Il dit au contr
2389
as : « Plutôt renoncer à ma liberté d’opinion que
de
risquer des ennuis avec une légation. » Il dit au contraire — il disa
2390
politiques. Les petits pays ne sont pas dispensés
d’
imaginer et de voir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de
2391
s petits pays ne sont pas dispensés d’imaginer et
de
voir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de compenser leur
2392
ir grand. Bien au contraire : ils sont contraints
de
compenser leur petitesse physique par leur prestige moral. C’est la p
2393
leur prestige moral. C’est la première condition
de
leur indépendance, même matérielle. Nos réalistes — toujours en retar
2394
me matérielle. Nos réalistes — toujours en retard
d’
une guerre, d’une époque — ont récemment découvert qu’un diplomate mod
2395
Nos réalistes — toujours en retard d’une guerre,
d’
une époque — ont récemment découvert qu’un diplomate moderne doit être
2396
n de plus dangereusement utopique que le réalisme
d’
avant-hier. Notre époque n’est plus celle du grand commerce ; ni même
2397
oque n’est plus celle du grand commerce ; ni même
de
la grande industrie (réalisme d’hier). Notre époque est celle des rel
2398
mmerce ; ni même de la grande industrie (réalisme
d’
hier). Notre époque est celle des religions politiques, sociales, nati
2399
ce, l’industrie, l’économie en général, ont cessé
d’
imposer leurs « lois fatales ». Ce sont les chefs qui dictent les prix
2400
nécessités techniques », superstition des experts
d’
hier et d’avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait, que la Tec
2401
techniques », superstition des experts d’hier et
d’
avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait, que la Technique ne
2402
Il est temps que la Suisse comprenne que le souci
de
son économie ne saurait plus servir d’excuse à l’absence de vues poli
2403
e le souci de son économie ne saurait plus servir
d’
excuse à l’absence de vues politiques. On demande à un gouvernement de
2404
nomie ne saurait plus servir d’excuse à l’absence
de
vues politiques. On demande à un gouvernement de « gouverner14 », de
2405
de vues politiques. On demande à un gouvernement
de
« gouverner14 », de piloter l’État et d’orienter sa marche ; le reste
2406
On demande à un gouvernement de « gouverner14 »,
de
piloter l’État et d’orienter sa marche ; le reste, le fonctionnement
2407
ernement de « gouverner14 », de piloter l’État et
d’
orienter sa marche ; le reste, le fonctionnement technique de la machi
2408
sa marche ; le reste, le fonctionnement technique
de
la machine, étant l’affaire des fonctionnaires — leur nom l’indique —
2409
ates qui fassent une politique, et qui aient plus
d’
idées générales que de compétences économiques. Je connais tel profess
2410
olitique, et qui aient plus d’idées générales que
de
compétences économiques. Je connais tel professeur d’Université, tel
2411
ompétences économiques. Je connais tel professeur
d’
Université, tel écrivain, tel philanthrope, tel connaisseur et pratici
2412
anthrope, tel connaisseur et praticien des choses
de
la SDN et de la chose européenne, qui nous représenteraient à l’étran
2413
connaisseur et praticien des choses de la SDN et
de
la chose européenne, qui nous représenteraient à l’étranger — officie
2414
anger — officiellement ou non — avec combien plus
d’
efficacité que les meilleurs spécialistes formés par les bureaux de Be
2415
les meilleurs spécialistes formés par les bureaux
de
Berne, et rompus à toutes les prudences « fédérales ». Sur le plan di
2416
près la page qu’on vient de lire, que je n’ai pas
d’
ambitions politiques ! 11. Intéressante précision du langage ! Un « d
2417
que nous devons préférer la mort à l’interdiction
de
proclamer des sottises. Je m’excuse de tant de lourdeur dans la préci
2418
terdiction de proclamer des sottises. Je m’excuse
de
tant de lourdeur dans la précision, mais je m’avance ici sur un terra
2419
ais d’ailleurs ce que je risque. Ce qui me permet
d’
approuver pleinement cette déclaration de Spitteler : « N’est-ce pas u
2420
e permet d’approuver pleinement cette déclaration
de
Spitteler : « N’est-ce pas un spectacle grotesque que celui d’une feu
2421
: « N’est-ce pas un spectacle grotesque que celui
d’
une feuille de chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style
2422
as un spectacle grotesque que celui d’une feuille
de
chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style de cabaret une
2423
otesque que celui d’une feuille de chou qui, sûre
de
son inviolabilité, vitupère en style de cabaret une grande puissance
2424
qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style
de
cabaret une grande puissance européenne, comme s’il s’agissait d’une
2425
rande puissance européenne, comme s’il s’agissait
d’
une paisible élection municipale ! Si la censure accourt alors avec un
2426
alors avec une muselière, elle accomplit un acte
de
décence. » 13. Cf. à ce sujet les vues très exactes du grand théoric
2427
e sujet les vues très exactes du grand théoricien
de
l’État totalitaire, Carl Schmitt, juriste catholique devenu national-
2428
avec raison G. de Reynold. am. Rougemont Denis
de
, « Autocritique de la Suisse », Schweizerische Hochschulzeitung, Zuri
2429
Reynold. am. Rougemont Denis de, « Autocritique
de
la Suisse », Schweizerische Hochschulzeitung, Zurich, août 1940, p. 1
2430
tung, Zurich, août 1940, p. 158-167. an. Précédé
de
cette notice : « Sous le titre : Mission ou démission de la Suisse ,
2431
notice : « Sous le titre : Mission ou démission
de
la Suisse , Denis de Rougemont, l’un des lauréats du prix Gottfried K
2432
ller 1940, publie, réunis en un volume, une série
d’
articles et de conférences dont il indique, dans son avertissement, le
2433
lie, réunis en un volume, une série d’articles et
de
conférences dont il indique, dans son avertissement, le propos, en ce
2434
nt, le propos, en ces termes : “Ils sont tous nés
d’
un même souci de la personne et de son rôle dans la communauté ; et to
2435
n ces termes : “Ils sont tous nés d’un même souci
de
la personne et de son rôle dans la communauté ; et tous ils s’adresse
2436
s sont tous nés d’un même souci de la personne et
de
son rôle dans la communauté ; et tous ils s’adressent à des Suisses.
2437
tous ils s’adressent à des Suisses. Par une série
de
cercles concentriques, ils s’efforcent de situer notre mission dans l
2438
e série de cercles concentriques, ils s’efforcent
de
situer notre mission dans l’Europe d’aujourd’hui.” Ce livre, qui tend
2439
s’efforcent de situer notre mission dans l’Europe
d’
aujourd’hui.” Ce livre, qui tend avant tout à nous faire rentrer en no
2440
avenir. Nous sommes donc particulièrement heureux
d’
en présenter à nos lecteurs, à titre de spécimen, le dernier chapitre
2441
de spécimen, le dernier chapitre : “Autocritique
de
la Suisse”, désirant les rendre attentifs (car nous nous sentons pres
2442
s rendre attentifs (car nous nous sentons pressés
de
le faire) à la valeur capitale de cet ouvrage, qui a paru aux Édition
2443
sentons pressés de le faire) à la valeur capitale
de
cet ouvrage, qui a paru aux Éditions de la Baconnière-Boudry-Neuchâte
2444
capitale de cet ouvrage, qui a paru aux Éditions
de
la Baconnière-Boudry-Neuchâtel. »
2445
anique (1940)al Je dois ma première découverte
de
l’atmosphère suisse allemande à un cours de répétition. Nous faisions
2446
verte de l’atmosphère suisse allemande à un cours
de
répétition. Nous faisions des manœuvres dans la campagne bernoise. C’
2447
ande liberté militaire, pénétrant dans l’intimité
d’
une vie bonhomme et opulente, dormant dans des auberges inconnues des
2448
ne et le confort auvents immenses, et des balcons
de
bois ornés de pieuses devises et de géraniums éclatants. Tout paraiss
2449
rt auvents immenses, et des balcons de bois ornés
de
pieuses devises et de géraniums éclatants. Tout paraissait, dans ce p
2450
t des balcons de bois ornés de pieuses devises et
de
géraniums éclatants. Tout paraissait, dans ce pays, un peu plus large
2451
ins douce, mais plus drue. Je m’étais bien promis
d’
y retourner, et c’est encore la mobilisation qui m’y ramène. Si je vou
2452
amène. Si je vous confie que mes premiers loisirs
de
militaire ont été consacrés à la lecture du grand roman de Gottfried
2453
ire ont été consacrés à la lecture du grand roman
de
Gottfried Keller intitulé Henri le Vert, c’est que je dois à cette œu
2454
dois à cette œuvre célèbre ma seconde découverte
de
l’âme alémanique. Il est à peine croyable que ce roman soit si peu lu
2455
Car ce n’est pas seulement l’un des chefs-d’œuvre
de
la littérature universelle, l’un de ces livres à la fois populaires e
2456
chefs-d’œuvre de la littérature universelle, l’un
de
ces livres à la fois populaires et pleins de secrets émouvants, où ch
2457
l’un de ces livres à la fois populaires et pleins
de
secrets émouvants, où chacun peut trouver sa pâture, mais c’est encor
2458
c’est surtout, pour moi, la meilleure expression
de
l’esprit suisse allemand. Courez demain matin chez un libraire ou à l
2459
othèque la plus proche, et demandez la traduction
de
ce gros livre. Vous commettrez une bonne action patriotique. Car le p
2460
ar le patriotisme suisse est d’abord une question
d’
amitié, et l’amitié suppose une connaissance mutuelle, et je ne sais r
2461
sais rien qui puisse nous donner, comme ce roman
de
Gottfried Keller, le sentiment de la réalité alémanique. Vous trouver
2462
comme ce roman de Gottfried Keller, le sentiment
de
la réalité alémanique. Vous trouverez dans ce récit d’une jeunesse av
2463
réalité alémanique. Vous trouverez dans ce récit
d’
une jeunesse aventureuse et d’un retour vers le pays natal, un mélange
2464
verez dans ce récit d’une jeunesse aventureuse et
d’
un retour vers le pays natal, un mélange étonnant de romantisme, de bo
2465
un retour vers le pays natal, un mélange étonnant
de
romantisme, de bon sens bourgeois et d’humour. Et c’est peut-être là
2466
le pays natal, un mélange étonnant de romantisme,
de
bon sens bourgeois et d’humour. Et c’est peut-être là le secret des S
2467
étonnant de romantisme, de bon sens bourgeois et
d’
humour. Et c’est peut-être là le secret des Suisses allemands. Le secr
2468
tre là le secret des Suisses allemands. Le secret
d’
un certain lyrisme qui les distingue de nous autres Romands. Et quand
2469
Le secret d’un certain lyrisme qui les distingue
de
nous autres Romands. Et quand je parle de lyrisme, je n’entends pas c
2470
stingue de nous autres Romands. Et quand je parle
de
lyrisme, je n’entends pas ce sentimentalisme vague et un peu lourd qu
2471
isme vague et un peu lourd qui met tant de points
d’
orgue dans les couplets d’un Männerchor, mais une espèce de saveur pri
2472
qui met tant de points d’orgue dans les couplets
d’
un Männerchor, mais une espèce de saveur primitive, une manière plus c
2473
ans les couplets d’un Männerchor, mais une espèce
de
saveur primitive, une manière plus confiante et plus joyeuse d’accept
2474
itive, une manière plus confiante et plus joyeuse
d’
accepter la vie instinctive, un peu plus de musique, un peu moins de s
2475
oyeuse d’accepter la vie instinctive, un peu plus
de
musique, un peu moins de scrupules, un peu plus d’énergie et moins d’
2476
instinctive, un peu plus de musique, un peu moins
de
scrupules, un peu plus d’énergie et moins d’esprit critique. Ce sont
2477
e musique, un peu moins de scrupules, un peu plus
d’
énergie et moins d’esprit critique. Ce sont ces nuances-là qui donnent
2478
oins de scrupules, un peu plus d’énergie et moins
d’
esprit critique. Ce sont ces nuances-là qui donnent le ton de la bonne
2479
itique. Ce sont ces nuances-là qui donnent le ton
de
la bonne chanson suisse allemande, et de la fantaisie d’Henri le Vert
2480
t le ton de la bonne chanson suisse allemande, et
de
la fantaisie d’Henri le Vert. On me dira que je vais chercher bien ha
2481
onne chanson suisse allemande, et de la fantaisie
d’
Henri le Vert. On me dira que je vais chercher bien haut, et dans une
2482
ue dorénavant nous saurons reconnaître ici ou là,
d’
une manière furtive mais parfois émouvante, dans la vie quotidienne d’
2483
e mais parfois émouvante, dans la vie quotidienne
d’
un de ces peuples, oui, dans sa vie apparemment banale. Depuis que j’a
2484
s parfois émouvante, dans la vie quotidienne d’un
de
ces peuples, oui, dans sa vie apparemment banale. Depuis que j’ai lu
2485
ur fonds du Suisse allemand dès qu’il est délivré
de
son sérieux massif. Et alors, dans mon enthousiasme, j’évoque Berne,
2486
nt-Gothard, notre bastion sacré, dans le souvenir
de
Nicolas de Flue. Et je me dis que la Providence nous veut vraiment du
2487
en, à nous les Suisses, puisqu’elle nous a permis
de
réunir des qualités et des défauts qui se complètent si heureusement
2488
: la rouspétance du Suisse romand et la patience
de
l’Alémanique, — la nervosité latine et la ténacité germanique ; notre
2489
our. Et tout ce qu’il y a dans la culture romande
d’
un peu précautionneux ou de timide, se trouve à merveille compensé par
2490
ans la culture romande d’un peu précautionneux ou
de
timide, se trouve à merveille compensé par la confiance plus naïve en
2491
vie que manifestent par exemple les grands romans
de
Jérémie Gotthelf. Et puisque j’ai parlé de fédéralisme, permettez-moi
2492
romans de Jérémie Gotthelf. Et puisque j’ai parlé
de
fédéralisme, permettez-moi de terminer par une petite citation qui pr
2493
puisque j’ai parlé de fédéralisme, permettez-moi
de
terminer par une petite citation qui prouvera aux plus ombrageux des
2494
liste ou un Monsieur de Berne ! C’est un fragment
de
discours patriotique que Gottfried Keller — encore lui ! — met dans
2495
tfried Keller — encore lui ! — met dans la bouche
d’
un de ses héros, dans le récit intitulé Le Fanion des sept braves. Par
2496
d Keller — encore lui ! — met dans la bouche d’un
de
ses héros, dans le récit intitulé Le Fanion des sept braves. Par les
2497
que nous vivons, une telle page prend une allure
de
véritable manifeste. La voici : Un enfant avec son arche de Noé plei
2498
e manifeste. La voici : Un enfant avec son arche
de
Noé pleine d’animaux de toute espèce, mâles et femelles, ne saurait ê
2499
a voici : Un enfant avec son arche de Noé pleine
d’
animaux de toute espèce, mâles et femelles, ne saurait être plus conte
2500
Un enfant avec son arche de Noé pleine d’animaux
de
toute espèce, mâles et femelles, ne saurait être plus content que ces
2501
mes avec leur chère petite patrie et les milliers
de
bonnes choses qu’elle contient, depuis le vieux brochet moussu qui na
2502
, depuis le vieux brochet moussu qui nage au fond
de
ses lacs jusqu’aux aigles qui planent sur ses glaciers. Combien d’esp
2503
’aux aigles qui planent sur ses glaciers. Combien
d’
espèces de gens grouillent dans cet étroit espace, tous différents par
2504
s qui planent sur ses glaciers. Combien d’espèces
de
gens grouillent dans cet étroit espace, tous différents par leurs mœu
2505
u’il y ait des Zurichois et des Bernois, des gens
d’
Unterwald et de Neuchâtel, des Grisons et des Bâlois, et même deux esp
2506
Zurichois et des Bernois, des gens d’Unterwald et
de
Neuchâtel, des Grisons et des Bâlois, et même deux espèces de Bâlois
2507
, des Grisons et des Bâlois, et même deux espèces
de
Bâlois ! Qu’il y ait une histoire de l’Appenzell et une histoire de G
2508
deux espèces de Bâlois ! Qu’il y ait une histoire
de
l’Appenzell et une histoire de Genève ! Cette variété dans l’unité —
2509
y ait une histoire de l’Appenzell et une histoire
de
Genève ! Cette variété dans l’unité — Dieu veuille nous la conserver
2510
ille nous la conserver — voilà la véritable école
de
l’amitié ! Et quand une même appartenance politique vient à s’épanoui
2511
e qu’il y a de plus haut. al. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Henri le Vert ou l’âme alémanique », La Suisse : re
2512
u l’âme alémanique », La Suisse : revue mensuelle
de
l’Office national suisse du tourisme, Zurich, juillet–août 1940, p. 1
2513
L’heure
de
la Suisse (1er août 1940)ao Pendant des siècles, l’équilibre entre
2514
tats qui entouraient la Suisse fut notre garantie
d’
indépendance. Cet équilibre vient d’être rompu. La Suisse est réduite
2515
otre garantie d’indépendance. Cet équilibre vient
d’
être rompu. La Suisse est réduite à elle-même. Quels que soient les se
2516
des idéologies nouvelles. Nous courons le risque
d’
être absorbés économiquement, divisés racialement, manœuvrés moralemen
2517
e en question. Jamais donc, il ne fut plus urgent
de
proclamer nos raisons d’être, notre mission confédérale, et notre vol
2518
c, il ne fut plus urgent de proclamer nos raisons
d’
être, notre mission confédérale, et notre volonté de nous en rendre di
2519
être, notre mission confédérale, et notre volonté
de
nous en rendre dignes. Mais voici le message du 1er août de cette ann
2520
rendre dignes. Mais voici le message du 1er août
de
cette année : le péril où nous sommes peut devenir notre chance. Il n
2521
us sommes peut devenir notre chance. Il nous sort
de
nous-mêmes et de nos préjugés, il nous oblige à mesurer nos forces vr
2522
venir notre chance. Il nous sort de nous-mêmes et
de
nos préjugés, il nous oblige à mesurer nos forces vraies, il nous per
2523
blige à mesurer nos forces vraies, il nous permet
de
nous unir mieux que jamais pour la défense et la rénovation de l’héri
2524
mieux que jamais pour la défense et la rénovation
de
l’héritage que Dieu nous a confié. Nos raisons d’être tiennent dans s
2525
de l’héritage que Dieu nous a confié. Nos raisons
d’
être tiennent dans ses deux mots : liberté, solidarité. Deux mots qui
2526
autre chose que des mots flatteurs : des raisons
de
vivre et de mourir. Notre histoire est celle de la liberté, certes, m
2527
que des mots flatteurs : des raisons de vivre et
de
mourir. Notre histoire est celle de la liberté, certes, mais de la li
2528
s de vivre et de mourir. Notre histoire est celle
de
la liberté, certes, mais de la liberté menacée, conquise au prix des
2529
re histoire est celle de la liberté, certes, mais
de
la liberté menacée, conquise au prix des plus grands sacrifices, touj
2530
doit rester en exemple à l’Europe. C’est l’esprit
de
liberté des communes du Gothard (nous dirions aujourd’hui l’esprit de
2531
nes du Gothard (nous dirions aujourd’hui l’esprit
de
coopération, de syndicat ou de corporation) qui a rassemblé les premi
2532
nous dirions aujourd’hui l’esprit de coopération,
de
syndicat ou de corporation) qui a rassemblé les premiers Suisses au x
2533
jourd’hui l’esprit de coopération, de syndicat ou
de
corporation) qui a rassemblé les premiers Suisses au xiiie siècle. C
2534
premiers Suisses au xiiie siècle. C’est l’esprit
de
résistance locale organisée, la préparation minutieuse et la discipli
2535
t la discipline civique qui ont gagné la bataille
de
Morgarten contre une « division cuirassée » de 8000 cavaliers réputés
2536
le de Morgarten contre une « division cuirassée »
de
8000 cavaliers réputés invincibles. C’est l’esprit de sacrifice de qu
2537
000 cavaliers réputés invincibles. C’est l’esprit
de
sacrifice de quelques-uns pour tous qui a sauvé la Suisse à Saint-Jac
2538
réputés invincibles. C’est l’esprit de sacrifice
de
quelques-uns pour tous qui a sauvé la Suisse à Saint-Jacques sur la B
2539
cques sur la Birse, malgré l’anéantissement total
de
nos troupes. Une seule fois dans l’histoire la Suisse a succombé : en
2540
stoire la Suisse a succombé : en 1798. Les causes
de
cette défaite sont bien connues, elles nous avertissent clairement :
2541
t clairement : discorde politique, routine, recul
de
l’esprit de liberté, défaut de solidarité entre les classes et entre
2542
: discorde politique, routine, recul de l’esprit
de
liberté, défaut de solidarité entre les classes et entre les cantons.
2543
ue, routine, recul de l’esprit de liberté, défaut
de
solidarité entre les classes et entre les cantons. Mais là encore, la
2544
antons. Mais là encore, la résistance « aveugle »
de
quelques-uns sauva la Suisse ; l’envahisseur reconnut que les habitan
2545
ue les habitants du Nidwald avaient été les seuls
de
toute l’Europe à l’impressionner par leur résistance ; et après une t
2546
otre État fédératif. Vouloir la vaincre n’est pas
d’
un homme sage. » (Napoléon, en 1802.) L’idée suisse renaissait, contre
2547
ner confiance pour le présent. Il nous montre que
de
tout temps, la Suisse a été menacée par des puissances dix fois supér
2548
en acceptant la lutte même sans espoir. Un siècle
de
sécurité et de confort nous a fait oublier ces vérités. Aujourd’hui,
2549
lutte même sans espoir. Un siècle de sécurité et
de
confort nous a fait oublier ces vérités. Aujourd’hui, elles nous parl
2550
amènent à notre loi normale ; la loi du risque et
de
l’effort tenace. Ces menaces ne sauraient surprendre et démoraliser q
2551
ui seule la rend indispensable aux autres peuples
de
l’Europe. Le chef-d’œuvre que représente notre démocratie fédérative
2552
Europe totalitaire. Notre État fait un peu figure
de
parc national des anciennes libertés civiques, partout ailleurs appri
2553
Eh bien ! sachons transformer ce vestige en germe
d’
une Europe nouvelle, réconciliée avec elle-même et tolérante ! Sachons
2554
e et tolérante ! Sachons nous élever à la hauteur
de
l’idéal forgé par notre histoire. Rendons la Suisse digne d’elle-même
2555
forgé par notre histoire. Rendons la Suisse digne
d’
elle-même, et rendons-nous plus dignes d’elle ! Comment ? Je voudrais
2556
se digne d’elle-même, et rendons-nous plus dignes
d’
elle ! Comment ? Je voudrais vous le montrer sans phrases ronflantes,
2557
is plus clair. C’est le maintien et la rénovation
de
la Suisse : l’un ne va pas sans l’autre, l’une rend l’autre possible.
2558
r à se décider. Donnons au monde un grand exemple
de
solidarité pratique : voilà notre meilleure défense. Sacrifices matér
2559
, eussent passé pour révolutionnaires : la caisse
de
compensation par exemple. Ce que la guerre sut obtenir de nous, il fa
2560
nsation par exemple. Ce que la guerre sut obtenir
de
nous, il faut que la paix le maintienne et le développe au maximum. P
2561
é un exemple qui peut féconder l’avenir : exemple
d’
ordre humain librement édifié. Que les chefs d’entreprises comprennent
2562
le d’ordre humain librement édifié. Que les chefs
d’
entreprises comprennent ceci : chaque chômeur, dans les semaines qui v
2563
rtaines propagandes. À l’inverse, chaque occasion
de
travail créée comblera une lacune dans notre défense nationale. Je co
2564
re défense nationale. Je conjure donc les patrons
de
consentir une réduction de leur profit, même totale dans certains cas
2565
njure donc les patrons de consentir une réduction
de
leur profit, même totale dans certains cas, si cela peut éviter des d
2566
as, si cela peut éviter des débauchages : il y va
de
la liberté future de leur entreprise. Et je conjure les ouvriers de c
2567
er des débauchages : il y va de la liberté future
de
leur entreprise. Et je conjure les ouvriers de consentir des réductio
2568
re de leur entreprise. Et je conjure les ouvriers
de
consentir des réductions de salaire, si cela peut permettre de donner
2569
conjure les ouvriers de consentir des réductions
de
salaire, si cela peut permettre de donner de l’emploi à beaucoup de l
2570
des réductions de salaire, si cela peut permettre
de
donner de l’emploi à beaucoup de leurs camarades : il y va de la libe
2571
ions de salaire, si cela peut permettre de donner
de
l’emploi à beaucoup de leurs camarades : il y va de la liberté future
2572
l’emploi à beaucoup de leurs camarades : il y va
de
la liberté future des travailleurs. Mais les sacrifices matériels ne
2573
llectuels non moins indispensables. Quand il y va
de
tout, oublions nos partis, car ils ne représenteront jamais qu’une pa
2574
s, car ils ne représenteront jamais qu’une partie
de
la vérité. N’attendons plus que ceux de l’autre bord fassent les prem
2575
ne partie de la vérité. N’attendons plus que ceux
de
l’autre bord fassent les premiers pas et disent le premier mea culpa.
2576
allons chez le voisin et disons-lui : vous étiez
de
gauche, et moi de droite, mais aujourd’hui nous sommes de Suisse, l’u
2577
isin et disons-lui : vous étiez de gauche, et moi
de
droite, mais aujourd’hui nous sommes de Suisse, l’un comme l’autre. L
2578
e, et moi de droite, mais aujourd’hui nous sommes
de
Suisse, l’un comme l’autre. Les sacrifices de cette nature sont peut-
2579
mes de Suisse, l’un comme l’autre. Les sacrifices
de
cette nature sont peut-être plus durs, pour beaucoup, que les restric
2580
oup, que les restrictions matérielles, ou le fait
de
payer des impôts quadruplés. Ils n’en représentent pas moins la condi
2581
n’en représentent pas moins la condition première
de
toute rénovation pratique. Ceux qui l’auront compris, et qui le prouv
2582
ceux qui s’obstineraient à accuser « les autres »
de
tout le mal qui se fait dans le monde, travailleraient au contraire à
2583
que par l’éloquence la plus émue, ce premier jour
d’
une année décisive pour notre Confédération. ao. Rougemont Denis de
2584
pour notre Confédération. ao. Rougemont Denis
de
, « L’heure de la Suisse », Le Semeur vaudois, Lausanne, 1 août 1940,
2585
nfédération. ao. Rougemont Denis de, « L’heure
de
la Suisse », Le Semeur vaudois, Lausanne, 1 août 1940, p. 2.
2586
Un fondateur
de
la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis : M. Denis d
2587
emont nous dit… (23 août 1940)ap aq J’ai tenté
de
retarder mon départ de quelques mois, sinon de quelques semaines… ; m
2588
t 1940)ap aq J’ai tenté de retarder mon départ
de
quelques mois, sinon de quelques semaines… ; mais c’était impossible.
2589
té de retarder mon départ de quelques mois, sinon
de
quelques semaines… ; mais c’était impossible. Pendant les quatre mois
2590
les quatre mois que durera mon voyage, je suivrai
de
loin l’évolution de la « Ligue du Gothard » qui est mon idée et celle
2591
durera mon voyage, je suivrai de loin l’évolution
de
la « Ligue du Gothard » qui est mon idée et celle de mon ami Spoerri,
2592
la « Ligue du Gothard » qui est mon idée et celle
de
mon ami Spoerri, de Zurich, et à laquelle je tiens. Elle suit d’aille
2593
d » qui est mon idée et celle de mon ami Spoerri,
de
Zurich, et à laquelle je tiens. Elle suit d’ailleurs son chemin malgr
2594
le suit d’ailleurs son chemin malgré les torrents
d’
injures dont elle a été abreuvée et vous pouvez être assuré qu’elle n’
2595
ître prochainement et qui expliquent les desseins
de
notre groupement : réunir — non point dans un parti, car nous nous dé
2596
non point dans un parti, car nous nous défendons
de
vouloir l’être jamais — ce qui doit logiquement représenter la Suisse
2597
s — ce qui doit logiquement représenter la Suisse
d’
aujourd’hui. Et travailler au bien de la Suisse. Le comité directeur d
2598
er la Suisse d’aujourd’hui. Et travailler au bien
de
la Suisse. Le comité directeur de la Ligue est formé de dix hommes do
2599
vailler au bien de la Suisse. Le comité directeur
de
la Ligue est formé de dix hommes dont le plus jeune a 26 ans et le pl
2600
Suisse. Le comité directeur de la Ligue est formé
de
dix hommes dont le plus jeune a 26 ans et le plus âgé 44. C’est vous
2601
s. À côté de ce comité directeur existe une sorte
de
sénat composé de personnes d’expérience qui seront là pour nous conse
2602
omité directeur existe une sorte de sénat composé
de
personnes d’expérience qui seront là pour nous conseiller. Aujourd’hu
2603
ur existe une sorte de sénat composé de personnes
d’
expérience qui seront là pour nous conseiller. Aujourd’hui, la « Ligue
2604
leine organisation des équipes cantonales formées
de
représentants de tous les groupements qui ne sont pas des partis. Nou
2605
n des équipes cantonales formées de représentants
de
tous les groupements qui ne sont pas des partis. Nous attachons, vous
2606
vous le voyez, une très grande importance au fait
d’
avoir la jeunesse avec nous. C’est que nous nous sommes rendu compte q
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que nous nous sommes rendu compte que les hommes
de
35 ans et moins ne sont pas dans les partis, parce que la politique l
2608
ent pas aux affaires du pays. Il fallait se hâter
de
les grouper, sinon l’idéologie naziste ou l’idéologie communiste les
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embrigadés tôt ou tard.ar ap. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Un fondateur de la Ligue du Gothard part pour quatre m
2610
. Rougemont Denis de, « [Entretien] Un fondateur
de
la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis », Curieux,
2611
. 1. aq. Propos recueillis par F. G. et précédés
de
la notice suivante : « M. Denis de Rougemont s’en va. Telle est la no
2612
ous le couvert depuis quelques jours et qui vient
d’
être rendue officielle. N’y voyons pas, comme certains se hâteront de
2613
ielle. N’y voyons pas, comme certains se hâteront
de
le faire, un rapport quelconque avec la part qu’a prise le jeune écri
2614
le jeune écrivain neuchâtelois dans la fondation
de
la “Ligue du Gothard”. Non, M. Denis de Rougemont s’en va en Amérique
2615
e Rougemont s’en va en Amérique parce qu’il vient
d’
être chargé par la fondation “Pro Helvetia” d’une série de conférences
2616
ent d’être chargé par la fondation “Pro Helvetia”
d’
une série de conférences destinées aux colonies suisses du Nouveau Mon
2617
hargé par la fondation “Pro Helvetia” d’une série
de
conférences destinées aux colonies suisses du Nouveau Monde. Il part
2618
part également pour assister aux représentations
de
Nicolas de Flue , l’œuvre qu’il écrivit pour les journées neuchâtelo
2619
re qu’il écrivit pour les journées neuchâteloises
de
l’Exposition nationale de Zurich et qui ne put être représentée, la g
2620
journées neuchâteloises de l’Exposition nationale
de
Zurich et qui ne put être représentée, la guerre ayant éclaté quelque
2621
re. Cette légende dramatique, dont la musique est
d’
Arthur Honegger, sera jouée en oratorio, c’est-à-dire dans sa partitio
2622
artition réduite pour un récitant, à l’Exposition
de
New York. Ce voyage, on le voit, est sérieusement motivé et ne signif
2623
mont fuit les responsabilités… ou qu’on l’éloigne
de
la scène politique. Au surplus, il a bien voulu nous faire les déclar
2624
a rédaction conclut les déclarations de Rougemont
de
ce commentaire : « On dit que la “Ligue du Gothard” a reçu de nombreu
2625
taire : « On dit que la “Ligue du Gothard” a reçu
de
nombreuses lettres de citoyens qui s’intéressent à elles et à ses des
2626
a “Ligue du Gothard” a reçu de nombreuses lettres
de
citoyens qui s’intéressent à elles et à ses desseins. Nous le croyons
2627
La Ligue du Gothard : raisons
d’
espérer (13 septembre 1940)as at Je comprends vos questions. J’y ai
2628
Nous sommes anticapitalistes et antimarxistes, ni
de
gauche ni de droite, alliés aux syndicats par leurs éléments les plus
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nticapitalistes et antimarxistes, ni de gauche ni
de
droite, alliés aux syndicats par leurs éléments les plus vivants, et
2630
e faut pas agir comme si personne n’était capable
d’
entendre raison et de modifier ses positions. Duttweiler ne nous a pas
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si personne n’était capable d’entendre raison et
de
modifier ses positions. Duttweiler ne nous a pas donné un sou, quoi q
2632
sont des dons personnels. Et nous cherchons, sûrs
de
trouver dans la mesure où nous sommes sûrs de la nécessité de notre L
2633
ûrs de trouver dans la mesure où nous sommes sûrs
de
la nécessité de notre Ligue… Les partis ne veulent rien entendre. Mai
2634
ans la mesure où nous sommes sûrs de la nécessité
de
notre Ligue… Les partis ne veulent rien entendre. Mais le peuple répo
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pis pour les politiciens. as. Rougemont Denis
de
, « La Ligue du Gothard : raisons d’espérer », L’Essor, Genève, 13 sep
2636
ugemont Denis de, « La Ligue du Gothard : raisons
d’
espérer », L’Essor, Genève, 13 septembre 1940, p. 3. at. Précédé de l
2637
or, Genève, 13 septembre 1940, p. 3. at. Précédé
de
la notice suivante : « Notre article sur la Ligue du Gothard dans le
2638
lles nous suggèrent. Voici tout d’abord l’opinion
de
M. Denis de Rougemont à qui nous avions exprimé notre étonnement. Par
2639
ève lettre datée du 18 août, où il nous fait part
de
la nouvelle de son envoi en mission de trois mois aux États-Unis, afi
2640
e du 18 août, où il nous fait part de la nouvelle
de
son envoi en mission de trois mois aux États-Unis, afin d’y prendre c
2641
fait part de la nouvelle de son envoi en mission
de
trois mois aux États-Unis, afin d’y prendre contact avec les milieux
2642
ent sur la ligue du Gothard dont il est un membre
de
la première heure. »