1
Le seul espoir (juin 1938)
a
La mission historique de notre Confédération, c’est de garder libr
2
e bien que nous l’ayions redécouverte. Liehburg l’
a
décrite dans ses drames. Les personnalistes romands l’ont exaltée dan
3
ite dans ses drames. Les personnalistes romands l’
ont
exaltée dans une récente publication (un numéro spécial de la revue
4
écial de la revue Esprit dont le retentissement
a
été grand). Enfin M. Motta lui-même l’a définie en quelques phrases l
5
tissement a été grand). Enfin M. Motta lui-même l’
a
définie en quelques phrases lapidaires dans sa dernière déclaration a
6
Il se peut que l’aspect pratique de cette mission
ait
perdu de son importance par suite des très profondes transformations
7
n’est pas non plus le « soldat politique » qui n’
a
plus en lui-même de principe d’existence, et qui n’est rien qu’un rou
8
la réalité paradoxale et dynamique de l’homme qui
a
fait la civilisation et la grandeur réelle de l’Occident : l’homme li
9
l’Europe, de sa vraie force et des valeurs qui l’
ont
créée. Gardienne des cols pour les nations, gardienne de la doctrine
10
de la doctrine commune à tous les peuples, elle n’
a
pas d’autre rôle ni d’autre vocation. Elle n’est pas elle-même une na
11
tres. ⁂ En aucune heure de notre histoire, nous n’
avons
éprouvé une telle nécessité de prendre ou de reprendre pleine conscie
12
emblés nos cantons, et de l’idéal commun qui nous
a
fédérés. Jamais, depuis le xiiie siècle, nous n’avons encouru un tel
13
fédérés. Jamais, depuis le xiiie siècle, nous n’
avons
encouru un tel péril. Jamais la conscience impérieuse des raisons d’ê
14
ence impérieuse des raisons d’être de la Suisse n’
a
été, comme elle l’est aujourd’hui, une condition vitale de notre exis
15
Je vois un peu partout des signes de réveil. J’en
ai
relevé trois au début de cet article, bien minimes il est vrai, mais
16
est vrai, mais assez nets et assez neufs. Il y en
a
d’autres, très typiques, dans l’attitude de nos syndicats, qui tenden
17
’est pas d’exemple dans l’Histoire qu’un État qui
a
perdu sa raison d’être y survive plus de quelques années. L’exemple d
18
inent notre grandeur et notre espoir. La Suisse n’
a
pas de pires ennemis. Ce n’est pas une armée motorisée qui nous sauve
19
x en mieux le seul espoir de l’Europe déchirée.
a
. Rougemont Denis de, « Le seul espoir », Feuille centrale de Zofingu
20
Souvenir d’Esztergom (juin 1938)b J’
avais
lu quelques-uns de ses poèmes en traduction. Je savais qu’il était le
21
l’aller voir à Esztergom, où il passe les étés. J’
eus
ce bonheur de découvrir une terre et une race par ses poètes. La plai
22
’horizon est aussi lointain qu’on l’imagine, tout
a
de belles couleurs, le poète sourit en lui-même, il y a une enfance d
23
la rigueur montre assez que les facteurs humains
ont
cessé d’y jouer. Comme on ne peut supprimer ni l’État ni l’argent, le
24
a guerre totale, cancer de notre « paix ». Il n’y
a
de liberté possible pour les communes et les personnes que sur la bas
25
politique au sens présent du terme. » e. Ce mot
a
été ajouté à la main dans l’exemplaire personnel de Rougemont.
26
s et tronquées qu’on nous en offre. Car M. Rivaud
a
le grand mérite d’avoir situé le développement du national-socialisme
27
nous en offre. Car M. Rivaud a le grand mérite d’
avoir
situé le développement du national-socialisme à l’intérieur du dévelo
28
à l’intérieur du développement pangermaniste, qui
a
précédé Hitler, qui le soutient, et qui peut-être lui survivra. La pr
29
a Serbie, ici à la Tchécoslovaquie. Le dénouement
a
été différent, certes. En 1914, la guerre a éclaté et l’Allemagne, au
30
ement a été différent, certes. En 1914, la guerre
a
éclaté et l’Allemagne, au terme du conflit, n’a rien obtenu. En 1938,
31
e a éclaté et l’Allemagne, au terme du conflit, n’
a
rien obtenu. En 1938, la guerre n’a pas éclaté, et l’Allemagne a tout
32
du conflit, n’a rien obtenu. En 1938, la guerre n’
a
pas éclaté, et l’Allemagne a tout obtenu. Les partisans de la résista
33
En 1938, la guerre n’a pas éclaté, et l’Allemagne
a
tout obtenu. Les partisans de la résistance à tout prix en déduiront
34
e la résistance à tout prix en déduiront que l’on
a
eu tort d’aller à Munich. Mais on peut leur faire observer que la gue
35
la résistance à tout prix en déduiront que l’on a
eu
tort d’aller à Munich. Mais on peut leur faire observer que la guerre
36
peut leur faire observer que la guerre de 1914 n’
a
servi exactement à rien, puisque vingt ans plus tard, l’Allemagne est
37
es esprits, système économique et financier. Nous
aurions
beaucoup de réserves à formuler sur le détail de ces chapitres et sur
38
dans beaucoup d’industries, les salaires globaux
ont
doublé » depuis 1933. Dans quelles industries ? Et quels étaient les
39
Les polémiques au sujet des salaires russes nous
ont
rendus méfiants, à juste titre. De même, page 364, on nous dit d’abor
40
d’abord que « l’organisation nationale-socialiste
a
permis de supprimer une grande partie des producteurs libres », et on
41
et on précise que le nombre des sociétés anonymes
a
été réduit de 9634 en 1932 à 7204 en 1936, et que le nombre des « pet
42
il semble qu’au contraire, ce sont les trusts qui
ont
absorbé les petites sociétés. Méfions-nous d’un certain abus du terme
43
de faire la leçon aux Français « de gauche » qui
a
poussé M. Rivaud à étudier l’exemple allemand. Ce travers est particu
44
s n’empêchent personne de lire ce livre ! Elles n’
ont
pour but que de faciliter une lecture à tant d’égards urgente et révé
45
, La Flèche, Paris, 28 octobre 1938, p. 4. g. On
a
corrigé l’original fautif : « Reichnaethrstand ».
46
Journal , je suis entré dans la voie des aveux. J’
ai
même confessé certaines de mes superstitions. Il ne me reste qu’à per
47
fet, le 20 au soir — à peine plus tôt que je ne l’
avais
prévu — j’inscrivais ce terrible mot : FIN au bas d’un manuscrit cons
48
Il me semblait que les hommes de la cité actuelle
ont
bien du mal à communier dans une même vérité vécue ; qu’ils sont souv
49
reste de votre jury m’inciterait à croire que j’y
ai
partiellement réussi : car enfin, vous les jeunes, mes cadets ou mes
50
. Cet aspect de mon « problème des gens », vous l’
avez
résolu d’une manière que, pour ma part, je ne saurais qualifier que d
51
mment que du seul fait que je vivais en France, j’
avais
« rompu » avec mes origines. Vous avez fait justice de cette calomnie
52
France, j’avais « rompu » avec mes origines. Vous
avez
fait justice de cette calomnie, avec tout l’éclat désirable. Et ce n’
53
irable. Et ce n’est pas le moindre titre que vous
ayez
à ma reconnaissance. Une vieille tradition helvétique voulait que les
54
’exercer dans nos cantons paisibles. Pourquoi n’y
aurait
-il pas de nos jours, sous une forme plus pacifique1, des écrivains qu
55
ion ? Quelques années de service étranger, cela n’
a
jamais fait tort, bien au contraire, au sens patriotique de nos ancêt
56
les liens les plus étroits. Que votre générosité
ait
contribué à resserrer ces liens, en me procurant une soirée comme cel
57
ue leurs données soient différentes. Mais elles n’
ont
pas le même sens. Je m’explique. Il n’y a pas une manière chrétienne
58
les n’ont pas le même sens. Je m’explique. Il n’y
a
pas une manière chrétienne et une manière athée de réussir une paire
59
ère visible ? En effet, elle ne l’est pas. Il n’y
a
de visible, dans un roman, que sa technique, son métier, sa réussite
60
ur. Un roman ne peut « servir » que si l’auteur l’
a
fait dans un esprit de service. Or tout service qui n’est pas le serv
61
tude pour l’artiste. Mais un romancier chrétien n’
a
pas à se préoccuper des résultats. Il ne saurait les prévoir, puisque
62
baptisé « chrétien ». (Je parle idéalement : nous
avons
nous aussi une pénible « littérature protestante » d’édification.) El
63
rale ? On le croit souvent. Pour ma part, je ne l’
ai
jamais cru, et aujourd’hui moins que jamais. Ce n’est pas à l’Univers
64
re chose. Je puis le dire à sa louange : ce que j’
ai
reçu d’elle, de plus précieux, c’est ce qu’elle m’a donné sans le vou
65
reçu d’elle, de plus précieux, c’est ce qu’elle m’
a
donné sans le vouloir : une atmosphère, un milieu de vie, et bien au-
66
est le romantisme éternel. C’est tout ce que l’on
aura
plus tard toutes les raisons du monde de condamner, mais sans quoi no
67
mouvante saveur. Je sais : toutes les générations
ont
cru qu’elles étaient la dernière à cultiver le romantisme. La nôtre s
68
iblement surréaliste ! J’ignore si les volées qui
ont
suivi ont été aussi folles que nous, et s’il serait décent de le souh
69
urréaliste ! J’ignore si les volées qui ont suivi
ont
été aussi folles que nous, et s’il serait décent de le souhaiter. Mai
70
de fête collectif et prolongé… Pendant des mois,
ai
-je dit, car il fallait d’abord choisir la pièce, puis la préparer, la
71
ues sont si pareilles à des décors, la nuit, nous
avions
l’impression de circuler sur une scène perpétuelle. Les bons bourgeoi
72
ûlèrent. Et voilà qui me donne à penser qu’il n’y
avait
pas en jeu, dans tout cela, rien qu’une innocente fantaisie. Il y ava
73
radition du romantisme et des féconds loisirs qui
a
fait la gloire d’une Heidelberg, d’une Tubingue, et de tant d’autres
74
lui survivra sans doute : c’est que la culture n’
a
jamais prospéré que dans les lieux où le loisir est cultivé, — et non
75
sé ou condamné comme un péché envers l’État. Il m’
a
semblé que cette petite morale du loisir ne serait pas déplacée ce so
76
souvenir et de l’amitié. Vraiment, quel danger y
aurait
-il à faire l’éloge d’une certaine paresse dans une occasion de ce gen
77
e vous2, apercevant le titre de cette conférence,
aient
ressenti quelque méfiance. Je souhaite que beaucoup aient tenu le pet
78
ssenti quelque méfiance. Je souhaite que beaucoup
aient
tenu le petit raisonnement que voici : Pour les réformateurs, l’homme
79
ligeante ? Je serais heureux que la question vous
ait
paru curieuse, ou peut-être grave, ou en tout cas digne de réflexion,
80
, les événements de septembre et toute la suite l’
ont
fait voir aux plus optimistes. En Russie, en Allemagne, en Italie, l’
81
nnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui
a
pris pour tâche de démêler ces notions et de fonder sur elles un ordr
82
faires qu’il s’agit dans cette discussion. Nous y
avons
notre mot à dire, peut-être même avant quiconque, si l’on veut éviter
83
drai pas ici les distinctions théoriques que l’on
a
proposées entre individu, personne et personnalité. Je préfère illust
84
est ce qui la terrorise. Une société ainsi formée
a
pour caractère distinctif l’intolérance radicale. (On ne discute pas
85
t : on les considère comme des criminels, car ils
ont
profané l’élément sacré du groupe. On les expulse : voilà les premier
86
nnera d’ailleurs d’autant plus facilement qu’il n’
aura
plus affaire qu’à une poussière d’individus déracinés, n’offrant plus
87
écisif de notre histoire. La Grèce individualiste
a
triomphé de la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a somb
88
a communauté barbare du sang. Mais plus tard elle
a
sombré dans l’anarchie. Et à son tour, la Rome étatique s’écroule sou
89
nauté. L’anarchie et la tyrannie, successivement,
ont
fait faillite. Quelle sera la nouvelle société ? En ce point de l’évo
90
ec plus général d’une société bureaucratisée, qui
a
permis et préparé le triomphe du christianisme. Mais je demeure persu
91
seule possibilité d’une communauté progressive n’
eût
pas suffi à éveiller la volonté de la réaliser et de la faire sortir
92
r le passé ni sur des origines communes. « Il n’y
a
plus ni Juif ni Grec », écrit saint Paul. Elles ne tiennent compte ni
93
et bien les germes d’une société véritable. Elles
ont
leur organisation sociale, leurs chefs locaux, leurs hiérarchies, leu
94
s la persona du droit romain, puisque l’homme qui
a
une vocation possède une dignité indépendante de son rôle social. Com
95
u plutôt non : c’est à un mot déjà connu que l’on
aura
recours, mais on va lui donner un nouveau sens. Pour désigner les rel
96
le Saint-Esprit, les docteurs de l’Église grecque
avaient
adopté le terme romain de persona. C’est ce même terme qui va servir
97
is qui nous occupe. L’Église des premiers siècles
a
repris peu à peu l’héritage de l’Empire romain. Elle s’est peu à peu
98
nalisme inspiré de la Réforme. Calvin ni Luther n’
ont
parlé de la personne en soi. Ils n’ont pas fait une théorie personnal
99
i Luther n’ont parlé de la personne en soi. Ils n’
ont
pas fait une théorie personnaliste, ils ne paraissent même pas avoir
100
théorie personnaliste, ils ne paraissent même pas
avoir
entrevu la possibilité ou l’intérêt d’un tel problème. Mais ils ne pa
101
ité de l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’
ont
admis d’être présentés comme des novateurs. « Nous nous sommes efforc
102
ous intéresse ici, je dirai que l’œuvre de Calvin
a
consisté essentiellement à restaurer la doctrine de l’Église, de même
103
estaurer la doctrine de l’Église, de même qu’elle
a
consisté accidentellement, sur le plan politique, à combattre sur deu
104
les diversités organiques. Par exemple, Calvin n’
a
jamais prétendu unifier les constitutions ecclésiastiques des villes
105
es constitutions ecclésiastiques des villes où il
avait
une autorité immédiate, Strasbourg et Genève. Le problème ne se pose
106
délégueront des députés à des synodes, et il n’y
aura
pas de pape pour unifier temporellement toutes ces cellules vivantes,
107
cellules vivantes, autonomes et solidaires. Elles
ont
leur véritable unité en Christ, et dans la communion des saints. Ici-
108
té particulière de Dieu. Et dès lors, cet homme n’
a
pas seulement le droit d’être respecté par l’État, il a surtout le de
109
seulement le droit d’être respecté par l’État, il
a
surtout le devoir d’agir, en tant qu’il est chargé d’une responsabili
110
des vocations personnelles : tout cela, Calvin l’
a
voulu dans un plan strictement ecclésiastique, c’est vrai. Mais il ét
111
tation : que les formes et structures des Églises
ont
toujours précédé et ont en quelque sorte contaminé les formes et stru
112
et structures des Églises ont toujours précédé et
ont
en quelque sorte contaminé les formes et structures politiques. Nous
113
es politiques précises. Ils disent que la Réforme
a
triomphé surtout dans les petits États qui éprouvaient le besoin de s
114
dans les pays absolutistes, ne passent point pour
avoir
favorisé très sérieusement le libre développement des vocations chez
115
spagne, la distinction entre l’Église et l’État n’
avait
jamais été établie d’une manière satisfaisante. Le tsar par exemple,
116
sme. Or, si nous nous rappelons que le calvinisme
a
toujours maintenu avec rigueur la distinction entre l’Église et l’Éta
117
entre l’Église et l’État, et que d’autre part il
a
toujours favorisé le développement de la personne et donc la formatio
118
s peine le fait suivant qui, à ma connaissance, n’
a
jamais été signalé : c’est qu’il existe une forme de fascisme corresp
119
it différente : une espèce d’individualisme. Nous
aurons
l’occasion d’y revenir tout à l’heure. Car en effet, une opposition a
120
encore pour nos Églises. Je considère que nous n’
avons
plus le droit de l’étudier en curieux, en théoriciens ou en opportuni
121
est du diable, et que c’est en chrétiens que nous
avons
maintenant à nous défendre, dans cette guerre qui nous est déclarée.
122
re et de tuer les plus secrètes complicités qu’il
a
su ménager dans nos cœurs. Pour rester fort, il faut en premier lieu
123
que, et même se confondent avec eux. Alors il n’y
a
plus de recours, plus de pardon à espérer : la communauté spirituelle
124
ance supérieure à l’État, puisque c’est lui qui l’
a
créée pour ses seules fins, et qu’il n’existe rien au-delà. Pour défi
125
olitique, ou la politique religieuse du fascisme,
a
créé le type même d’une communauté régressive, c’est-à-dire d’une com
126
e : on ne peut même pas s’y convertir ! Si l’on n’
a
pas les mêmes origines, on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’est
127
nversion spirituelle, à partir de laquelle il n’y
a
plus ni Juifs ni Grecs. Elle ne demande pas : que crois-tu ? qu’espèr
128
», prouvent ainsi les uns et les autres, qu’ils n’
ont
pas encore bien compris le paradoxe vivant que représente, en chacun
129
ans les pays totalitaires ? C’est très simple. On
a
détruit l’un des deux pôles de la personne : celui de la liberté ou d
130
: celui de la liberté ou de l’autonomie, et l’on
a
tout réduit à l’autre pôle : celui de l’engagement social. L’homme ét
131
rité qui transcende et limite son pouvoir, il n’y
a
plus aucun recours de l’individu à l’absolu divin, donc il n’y a plus
132
cours de l’individu à l’absolu divin, donc il n’y
a
plus aucune liberté. Tous les abus de pouvoir deviennent possibles. C
133
aisse d’initiative que dans les cadres qu’on leur
a
prescrits. Elles ne valent rien hors de là, par elles-mêmes. Cette ma
134
roïsme collectif — le plus facile ! —, mais qui n’
ont
plus d’héroïsme civique. Militarisation d’un peuple ! C’est le contra
135
purement humaines. À force de louer la Réforme d’
avoir
été, comme on dit, « une pépinière d’individualités et de caractères
136
individu qui ne croit plus à sa vocation, et qui
a
simplement été formé par une éducation et une ambiance protestante. I
137
us humaines et activistes. Et c’est pourquoi l’on
a
pu dire que le calvinisme était à l’origine du capitalisme moderne, a
138
tère, bref, sa personnalité, car bien d’autres en
ont
autant qui ne sont pas pour cela en prison. Ce qu’on lui reproche, ce
139
la conclusion de cette série de mises au point. J’
ai
tenté de situer la Réforme dans l’évolution de l’Europe, puis dans le
140
on de l’Europe, puis dans les conflits actuels. J’
ai
essayé de vous montrer que sa doctrine représente, en sa pureté, le c
141
l’esprit totalitaire. Déjà, beaucoup d’entre nous
ont
repris au sérieux la théologie réformée. Il nous reste à prendre au s
142
e et de l’État. Ceci ne signifie pas que l’Église
ait
à proposer un programme comme tant d’autres, mais bien qu’elle doit m
143
tenant, notre situation ressemble fort à celle qu’
eut
à résoudre la Réforme. Calvin combattait sur deux fronts, au nom d’un
144
croisade intérieure. Le chrétien est celui qui n’
a
pas d’autre ennemi à craindre que l’ennemi qu’il porte en lui-même. C
145
Alors seulement, purifiés et lucides, quand nous
aurons
repris conscience de notre force véritable, celle qui ne vient pas de
146
u sein des foules des grandes nations. Or, nous n’
avons
pas de grandes villes, et nous ne sommes pas une grande nation. La se
147
er ce point de vue par l’exemple d’un drame que j’
ai
conçu plus ou moins consciemment selon ces directives. J’ai cherché t
148
lus ou moins consciemment selon ces directives. J’
ai
cherché tout d’abord un sujet qui fît intervenir des forces individue
149
elles mais engagées dans une communauté réelle. J’
ai
cherché, en second lieu, à tenir compte des conditions de fait qui m’
150
éré visiteur de l’Exposition. Or, si ce solitaire
a
été grand, c’est parce qu’un jour il a tout sacrifié au salut de la c
151
solitaire a été grand, c’est parce qu’un jour il
a
tout sacrifié au salut de la communauté. Le paradoxe central d’une pi
152
rticulièrement dans le canton de Neuchâtel, qui m’
a
demandé d’écrire ce drame. Il existe en effet chez nous des chœurs mi
153
degré inférieur de la scène à trois plans dont j’
ai
vu le projet. Une masse plus réduite agira sur le degré médian, de co
154
3 au plan 2. Deux mots à propos de la musique. On
a
défini le Festspiel suisse comme résultant de la conjonction du cortè
155
me féliciter de la manière dont Arthur Honegger l’
a
compris : en artisan non moins qu’en génie créateur. Le travail de pr
156
effort : nulle part, ailleurs qu’en Suisse, il n’
eût
été possible d’imaginer et de réaliser un spectacle de cette envergur
157
fédéralistes, de ce théâtre communautaire qu’il m’
a
paru intéressant d’énumérer. Je suis persuadé que sa formule est cell
158
r 1939)n o Voici le livre le plus actuel que j’
aie
lu sur l’Allemagne hitlérienne. Il y a pourtant deux ans qu’il a été
159
magne hitlérienne. Il y a pourtant deux ans qu’il
a
été écrit. Son auteur, M. Denis de Rougemont, me dit pourquoi il a at
160
auteur, M. Denis de Rougemont, me dit pourquoi il
a
attendu ce temps pour le publier. C’est un journal où j’ai noté pour
161
u ce temps pour le publier. C’est un journal où j’
ai
noté pour moi-même mes impressions sur ce que je voyais et sur ce que
162
and je suis revenu, je n’étais pas sûr qu’elles n’
eussent
pas décrit des aspects passagers du régime. Les choses vont peut-être
163
peut-être changer, me disais-je. Pour savoir si j’
avais
observé, sur l’Allemagne, une vérité durable, il fallait attendre. J’
164
magne, une vérité durable, il fallait attendre. J’
ai
attendu. La vérité durable avait chance, alors, d’apparaître comme un
165
fallait attendre. J’ai attendu. La vérité durable
avait
chance, alors, d’apparaître comme une vérité essentielle. C’est celle
166
e fait hitlérien est un fait religieux. Oui. Cela
a
été déjà beaucoup dit. N’importe. Il ne faut pas craindre de le répét
167
tout de le faire bien comprendre. Les nazis, eux,
ont
compris que le socialisme économique n’est que la moitié d’une doctri
168
ès que vous êtes arrivé en Allemagne ? Je crois l’
avoir
discernée peu à peu, mais assez vite. Cependant, elle ne s’est imposé
169
ant, elle ne s’est imposée à moi que le jour où j’
ai
assisté à un discours du Führer, en présence de 40 000 personnes. Mai
170
souviens qu’avant de me rendre à cette réunion, j’
avais
dit à quelqu’un : « Vous y croyez, vous, à l’âme collective ? Est-ce
171
hez les individus charriés par une foule ? » Il m’
a
répondu : « Allez écouter le Führer, nous en reparlerons ensuite ». E
172
? Ce qui est une révélation, ce qui, du moins, en
a
été une pour moi, c’est de voir quels liens unissent Hitler à une fou
173
Wessel Lied, comme un cantique. C’est alors que j’
ai
compris. Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifestatio
174
nt je me sentais écrasé. L’âme des masses, oui, j’
ai
compris alors ce que c’était : j’ai entendu son râle d’amour, le râle
175
asses, oui, j’ai compris alors ce que c’était : j’
ai
entendu son râle d’amour, le râle d’une nation possédée par l’homme a
176
s cet homme lui-même, qu’en pensez-vous ? Je ne l’
ai
vu que le jour dont je vous parle. Je l’ai vu de près, à la sortie de
177
e ne l’ai vu que le jour dont je vous parle. Je l’
ai
vu de près, à la sortie de la réunion, debout dans sa voiture qui lon
178
emier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireur l’
eût
descendu très facilement. Mais ce bon tireur ne s’est jamais trouvé d
179
phes. J’achève votre raisonnement : puisqu’il n’y
a
pas d’attentats contre Hitler, c’est qu’Hitler n’est ni un tyran ni u
180
fendre le capitalisme que les mineurs de la Sarre
ont
voté leur rattachement au IIIe Reich. Ce n’est pas en parlant d’hysté
181
f d’une tyrannie, au sens politique et légal, qui
a
jeté l’Autriche dans les bras du Führer. Mais c’est l’attraction pass
182
s décomposées par des siècles d’individualisme. J’
ai
reçu récemment d’Allemagne une lettre qui ne dit rien d’autre que ce
183
ose, nous voulions vivre pour quelque chose. Nous
avons
été reconnaissants à celui qui nous apportait cette possibilité de cr
184
tique, si ce n’est un grand effort moral. Quand j’
ai
envoyé à des amis de France le récit de la journée où j’ai vu Hitler
185
à des amis de France le récit de la journée où j’
ai
vu Hitler en communion avec son peuple, je n’ai ajouté que ceci en co
186
j’ai vu Hitler en communion avec son peuple, je n’
ai
ajouté que ceci en conclusion : « Chrétiens, retournez aux catacombes
187
rai ici un témoignage limité, mais authentique. J’
ai
entendu Hitler pendant une heure et demie, à peu de distance de sa tr
188
t demie, à peu de distance de sa tribune, et je l’
ai
vu à la sortie de cette « manifestation monstre », — de ce culte — de
189
emier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireur l’
eût
descendu très facilement. Mais ce bon tireur ne s’est jamais trouvé,
190
ent s’il est intelligent. Il me semble que cela n’
a
pas grande importance, que cela ne compte guère en pareil cas. Tout a
191
ait-on dire que s’il était très intelligent, il n’
aurait
sans doute pas réussi à fanatiser tout un peuple. Une certaine forme
192
ce qu’il faut souligner, c’est qu’un « génie » n’
a
pas toujours besoin d’intelligence. Or, on doit tenir le Führer pour
193
un certain sens, bien précis : c’est un homme qui
a
su pressentir l’inconsciente angoisse de son peuple, et incarner à se
194
artient plus, il appartient au rêve de tous. Il n’
a
plus de qualités propres, de vices ou de vertus, comme vous et moi ;
195
, de vices ou de vertus, comme vous et moi ; il n’
a
que les vertus symboliques de l’Allemand moyen. Il ne possède rien en
196
i, ni président, et il insiste sur ce point. Il n’
avait
même pas d’état civil allemand lorsqu’on lui offrit le pouvoir. Qu’es
197
it individu sans qualités ni défauts bien marqués
a
pu devenir l’incarnation du rêve des masses, c’est uniquement parce q
198
du rêve des masses, c’est uniquement parce qu’il
a
su répondre à l’attente angoissée de ces masses, de leur âme humiliée
199
bsolu, la Providence, le Destin des Allemands. Il
a
fait des miracles et dit des prophéties — et elles se sont réalisées
200
remier, c’est que la seule résistance sérieuse qu’
ait
rencontrée l’hitlérisme en Allemagne n’est autre que la résistance de
201
notre portée et à notre disposition, c’est-à-dire
ayant
son fondement dans le plan terrestre, dans l’homme. Seul un point qui
202
d’entre nous ; l’Église : la seule communauté qui
ait
son fondement au-delà du monde, dans l’Éternel qu’elle espère et qu’e
203
que celui qui entend dise : Viens. Que celui qui
a
soif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la vie, gratuiteme
204
es tailles — en disent long sur la méditation qui
a
conduit à maturité des chefs-d’œuvre comme : Les Cris du Monde, David
205
ne de mes questions. Et ces différences sont ? Il
a
fallu se plier aux conditions données par la scène, ce qui restreint
206
ction individualiste, mais collective. Et comment
avez
-vous traduit, dans la pratique, ces nécessités ? M. Denis de Rougemon
207
tique. Outre ces dispositions techniques, vous en
avez
certainement pris pour faire du texte une suite s’adaptant à l’action
208
r le public… D’ailleurs certaines de ces formules
ont
un sens général si net qu’elles prennent, de par leur esprit et leur
209
e la place du public on ne voit pas très bien qui
a
la parole ? C’est fort simple, un seul parle souvent, c’est Nicolas d
210
enant, je me tourne du côté d’Arthur Honegger qui
a
suivi, la pipe à la bouche, notre conversation. Et la musique ? D’abo
211
Ensuite, je puis vous préciser que l’orchestre n’
aura
que les cuivres. Si je comprends bien, les chœurs seront l’acteur num
212
l’acteur numéro 1 du spectacle. Exactement. Et j’
ai
composé ma musique en tenant compte de cette particularité. Les chœur
213
ils ne descendent du ciel vers la terre, car nous
avons
appelé « ciel » la partie supérieure de la scène, là où se trouve le
214
plus qu’Honegger n’avouent, c’est la joie qu’ils
ont
eue à créer une œuvre saine et forte. C’est aussi l’inquiétude d’en c
215
s qu’Honegger n’avouent, c’est la joie qu’ils ont
eue
à créer une œuvre saine et forte. C’est aussi l’inquiétude d’en conna
216
tre les résultats. Qu’ils se rassurent ! Quand on
a
œuvré avec son cœur et sa probité artistique, le public apprécie et s
217
pas des moindres. Ce fils de la libre Suisse, qui
a
hérité de la conscience et du sérieux de ceux de sa race, qui s’attel
218
ge ce que ses sujets et sa manière risqueraient d’
avoir
de légèrement pédant. Denis de Rougemont anime les plus arides médita
219
s trop indiscrète, je voudrais savoir ce qui vous
a
poussé à écrire ce livre, si différent par son caractère intemporel d
220
t c’est surtout à cet aspect de la question que j’
ai
songé en me mettant à l’œuvre. J’ai voulu d’abord faire un livre cour
221
uestion que j’ai songé en me mettant à l’œuvre. J’
ai
voulu d’abord faire un livre court traitant du mythe de Tristan et de
222
s me sont venues en travaillant. Les livres que j’
ai
lus m’ont mis sur la piste d’une liaison du mythe de Tristan avec la
223
venues en travaillant. Les livres que j’ai lus m’
ont
mis sur la piste d’une liaison du mythe de Tristan avec la tradition
224
ythe dans la littérature, à l’amour et la guerre,
ont
été trouvés en cours de route. Mais les hypothèses historiques que j’
225
nt entre nous des silences qui me font dire qu’il
a
fini et que je dois poser une question. Mais non, le voici qui repren
226
ient, selon vous, cette conception de l’amour ? J’
ai
cherché ce qui lui ressemblait le plus, et j’ai trouvé que c’était la
227
J’ai cherché ce qui lui ressemblait le plus, et j’
ai
trouvé que c’était la poésie des troubadours. Quant à savoir d’où vie
228
point de renoncer à toute explication. Mais vous
avez
sans doute une hypothèse personnelle ? La voici. À la même époque que
229
t récents, publiés en même temps que mon livre, l’
ont
établi avec certitude pour un bon tiers d’entre eux. C’est sur des fa
230
te une série d’analogies dans l’expression, que j’
ai
fondé mon raisonnement. Qui pourrait laisser penser qu’avant le xiie
231
rois pas, réplique Denis de Rougemont. La passion
a
des racines naturelles. L’antiquité et l’Orient connaissaient les mêm
232
pas de synthèse possible entre Éros et Agapè ? J’
ai
tenté une esquisse de synthèse à la fin de mon livre, en partant des
233
e, que je prépare actuellement. Pour commencer, j’
ai
voulu marquer les deux cas extrêmes de l’amour, afin d’y voir clair a
234
synthèse. En écrivant L’Amour et l’Occident, vous
avez
réhabilité les problèmes de la passion qui n’étaient pas jusqu’à prés
235
érature sérieuse. Il est rare, en effet, qu’on en
ait
parlé en France comme de problèmes sérieux, acquiesce l’écrivain. Mai
236
mour sans ironie comme sans sentimentalisme. Et j’
ai
surtout rencontré la faveur du public féminin content de voir examine
237
our et la guerre. Le lansquenet de l’ancien temps
avait
le goût de la guerre pour elle-même ; peu lui importaient les raisons
238
idualistes en dehors de toute sociologie, bien qu’
ayant
vécu un drame personnel, n’en ont pas moins exercé sur la nation enti
239
ogie, bien qu’ayant vécu un drame personnel, n’en
ont
pas moins exercé sur la nation entière une influence qui se fait sent
240
. C’est en ce sens que mon livre est actuel. Je n’
ai
pas choisi ce qu’on appelle communément un sujet d’actualité, parce q
241
questions qui se posent au niveau le plus profond
a
été négligée aussi bien par le marxisme que par l’économie bourgeoise
242
ande pour terminer d’insister sur le fait qu’il n’
a
pas voulu faire œuvre d’historien. Même si les historiens trouvent qu
243
’historien. Même si les historiens trouvent que j’
ai
tort sur un point particulier, précise-t-il, cela m’est indifférent.
244
il loge présentement dans un clair studio qui lui
a
été prêté par un de ses confrères en matière de « journal ». La NRF c
245
Comment j’
ai
écrit Nicolas de Flue (3 novembre 1939)w Je cherchais un sujet dra
246
’un coup le même « Alléluia ! » parce qu’un homme
a
osé, quand tout était perdu, croire encore au miracle et l’accomplir
247
numentales. Cette petite scène de Stans, que nous
avions
coutume de voir dans le lointain de notre histoire, par le gros bout
248
aux proportions de l’Europe d’aujourd’hui. Il n’y
avait
plus à hésiter. Je tenais enfin le grand sujet. La pièce fut écrite,
249
39 nous apporta la catastrophe que septembre 1938
avait
su écarter. C’était l’échec tragique de Nicolas et du message fratern
250
le drame allait nous redire. Et cependant nous n’
avons
pas perdu courage. La foi de Nicolas domine les temps. Elle vit encor
251
comme moi, mobilisés. Remercions l’armée de leur
avoir
accordé les congés nécessaires : ils auront tous conscience, lors de
252
e leur avoir accordé les congés nécessaires : ils
auront
tous conscience, lors de l’exécution, de servir encore le pays. w.
253
re le pays. w. Rougemont Denis de, « Comment j’
ai
écrit Nicolas de Flue », Le Radio, Lausanne, 3 novembre 1939, p. 185
254
die par l’humidité. Et je constate que mes hommes
ont
cessé de creuser leur trou de mitrailleuse : ils préfèrent s’enfumer
255
par-là… » Eh bien oui, bande de rouspéteurs, vous
avez
bien raison de vous le demander ! Et je me le demande encore, devant
256
morts ? Parce que les gouvernements de l’Europe n’
ont
pas su résoudre autrement le problème des minorités, allemandes, tchè
257
ques, slovaques ou ukrainiennes. Et pourquoi ne l’
ont
-ils pas su ? Parce que tous ils s’imaginaient — ou croyaient devoir s
258
la guerre, et s’ils la font, c’est parce qu’ils n’
ont
pas su, comme nous les Suisses, se fédérer progressivement au lieu de
259
ieu de s’unifier brutalement. Oui, cette guerre n’
a
pas d’autre sens : elle marque la faillite retentissante des systèmes
260
vec une tragique évidence. Et c’est cela que nous
avons
à défendre : le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu où cet
261
ensuite, j’allais mettre mon casque ; enfin je n’
avais
pas de sujet, et je défiais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui
262
qui fût de taille à occuper l’énorme scène dont j’
avais
vu les plans. On insista, je demandai trois jours « pour réfléchir »,
263
lerait tout. Sur quoi, le coup de téléphone que j’
ai
dit, et toute la vie qui se reprend à vivre, les délais à courir, le
264
de voyage, ma femme m’apporte un livre qu’on lui
a
prêté : une biographie de Nicolas de Flue, signée Anne-Marie de Gourl
265
urs distraitement quelques pages. Ce Nicolas ne m’
avait
jamais paru très excitant : souvenir d’école primaire, c’est tout dir
266
apter à l’esprit chrétien du sujet. Un catholique
eût
sans doute recouru à l’inspiration liturgique. Protestant, je songeai
267
tion d’Honegger, certains traits mélodiques que j’
avais
inventés en composant mes chœurs et mes récitatifs, — et que je m’éta
268
it prêt, quand septembre 1939 vint détruire ce qu’
avait
engendré Munich. Ainsi ma pièce, née d’un croisement fortuit d’une sé
269
le sort même de la paix qu’elle chantait. Je vous
ai
raconté cette histoire pour apporter un témoignage assez précis au vi
270
éterminante que l’occasion et les données de fait
ont
joué dans cette création (scène de Zurich, chœurs et fanfares disponi
271
Par le pinceau, par l’épée et la plume, Manuel n’
a
cessé de provoquer la mort. Dans toute son œuvre, au cœur de son lyri
272
plus vivants de cette époque où la vie s’exaspère
ont
-ils fait à la mort, dans leurs rêves, la part que nous fîmes à l’amou
273
non, le romantisme est littéraire, et ces hommes
ont
le regard net, accoutumé à taxer le réel avec une dure exactitude : f
274
au comble de sa gloire, et de son risque. Elle n’
a
jamais été moins neutre, moins confinée dans ses moyennes, ni moins e
275
e sa brève vanité. Dix-huit siècles de chrétienté
ont
prêché sur le thème du memento mori, mais nous préférons aujourd’hui
276
tecture théologique, c’est à peu près ce que nous
avons
perdu par une longue suite de « libérations » qui ne laissent enfin s
277
la photo durcit et fixe comme nul regard vivant n’
a
jamais rien perçu. ⁂ Mais je m’attarde à ces tableaux, et Manuel n’es
278
». ⁂ Quand on dit chez nous de quelqu’un « qu’il
a
fait un peu tous les métiers », ce n’est pas un éloge, il s’en faut,
279
d’un Manuel, et de plusieurs à son époque, est d’
avoir
su conduire leur vie vers un but qui transcende toutes nos activités.
280
instant à planter là pinceaux et chevalet lorsqu’
ayant
dominé son art, il entrevoit une action plus urgente. Poète satirique
281
’où la nécessité d’agir sur la cité. Si la cité n’
a
plus de vraies mesures, c’est l’Église qui doit les refaire. Qu’elle
282
pourra rebâtir un État… ⁂ La sagesse des manuels
a
le don de stériliser d’un seul mot l’exemple d’une vie trop ardente :
283
au cierge qui se consume d’autant plus vite qu’il
a
mieux éclairé — écrit un chroniqueur du temps —, notre banneret Manue
284
uoi ces morts ? Parce que les États de l’Europe n’
ont
pas pu résoudre autrement le problème des minorités. Or ce problème n
285
te plus chez nous ; notre fédéralisme séculaire l’
a
résolu par le droit et le fait, sur des bases chrétiennes et pratique
286
a guerre ; et s’ils la font, c’est parce qu’ils n’
ont
pas su se fédérer progressivement. La guerre actuelle, quels qu’en so
287
vec une tragique évidence. Et c’est cela que nous
avons
à défendre en défendant notre patrie : le seul avenir possible de l’E
288
ays, qui sont pleins de projets et d’espoirs, qui
ont
cru en septembre 1939 que notre mobilisation allait ouvrir des possib
289
on égalitaire (inconnue de l’ancienne Suisse) qui
a
pour effet de déprimer l’initiative originale, les vocations trop net
290
solidarité, d’équipe, et de virile entraide, qui
a
forgé notre fédération, et l’a préservée jusqu’ici de la tentation di
291
rile entraide, qui a forgé notre fédération, et l’
a
préservée jusqu’ici de la tentation dictatoriale. Nous nous méfions b
292
La Suisse est neutre. La Suisse est belle. On
a
fait avec cela beaucoup de littérature de manuels, — et en même temps
293
s les préserver. Neutralité et beautés naturelles
ont
été trop longtemps considérées soit d’un point de vue purement sentim
294
r cette attitude que beaucoup d’étrangers, hélas,
ont
pu confondre avec l’esprit même de la Suisse, « peuple d’instituteurs
295
sont belles et nos glaciers « sublimes », il n’y
a
pas là de quoi nous vanter. D’abord, ce n’est pas notre faute. Car vr
296
)ac ad Nous sommes là, nous sommes prêts. Nous
avons
élevé autour de ce pays une barrière. Nous avons creusé un fossé. Nou
297
avons élevé autour de ce pays une barrière. Nous
avons
creusé un fossé. Nous avons hermétiquement fermé toutes les fissures,
298
ys une barrière. Nous avons creusé un fossé. Nous
avons
hermétiquement fermé toutes les fissures, et plus rien ne passe. Mura
299
plus précisément depuis 1933, la face de l’Europe
a
changé. Il est temps de nous en rendre compte. Autrefois, et naguère
300
sait à une nation de déclarer son sol sacré, pour
avoir
le droit de le défendre jusqu’à la dernière goutte du sang des citoye
301
rie, voilà qui ne faisait pas de question. Il n’y
avait
pas d’autre raison à chercher et à proclamer que cette raison tout in
302
un pays qu’au moyen d’une armée, et les armées n’
ont
jamais occupé autre chose que du terrain. C’était donc le terrain qu’
303
ose que du terrain. C’était donc le terrain qu’on
avait
à défendre, le territoire, symbole unique, symbole « sacré » de la na
304
e ne vient qu’en dernier lieu, quand le principal
a
été fait par les agents secrets et les propagandistes. Et que disent
305
lle en Europe. Ils prétendent que les nations « n’
ont
pas toutes les mêmes droits à l’existence ». Autrefois, l’on croyait
306
re chose : elle dit que certains États modernes n’
ont
pas été créés par Dieu, mais par le traité de Versailles. Et c’est bi
307
autres États, et en particulier les petits États,
ont
été créés, eux aussi, par d’autres traités plus anciens, qui se trouv
308
lame que les nations « jeunes » et « dynamiques »
ont
droit à un espace vital, lequel espace englobe, comme par hasard, tou
309
d’espace vital, elle déclare donc que ces États n’
ont
plus de « raison d’être historique ». Pour peu qu’elle arrive à le fa
310
elles nous demandent à nous les Suisses, si nous
avons
encore une raison d’être, si nous osons encore le proclamer, et si no
311
maintenant, si vraiment Dieu la veut encore. Nous
avons
fait serment, le 2 septembre, de défendre la Suisse jusqu’à la mort.
312
une Suisse dont nous ne serions pas sûrs qu’elle
a
le droit et le devoir d’exister, devant Dieu. On n’a pas le droit de
313
e droit et le devoir d’exister, devant Dieu. On n’
a
pas le droit de mourir pour quelque chose qui ne fournit pas des rais
314
a peine d’être affirmées sans rhétorique. Je vous
ai
parlé déjà de notre « nature »5. Je vous parlerai la semaine prochain
315
ougemont publié dans La Coopération du 20 janvier
a
suscité beaucoup d’intérêt. On nous a suggéré de différents côtés qu’
316
20 janvier a suscité beaucoup d’intérêt. On nous
a
suggéré de différents côtés qu’il impliquait une suite, une partie “p
317
s patriotiques, — ces libertés que nos pères nous
ont
acquises au prix de leur héroïsme civique et militaire, et qui sont u
318
, ces privilèges démocratiques qu’on nous envie ?
Avons
-nous bien le droit de nous en vanter encore, et suffit-il de s’en van
319
urgeois ? Sommes-nous bien certains, enfin, qu’il
a
suffi à nos pères de s’affranchir un jour pour que nous ayons le droi
320
à nos pères de s’affranchir un jour pour que nous
ayons
le droit de répéter à tout jamais : nous sommes libres ! Ayons le cou
321
t de répéter à tout jamais : nous sommes libres !
Ayons
le courage de le reconnaître en toute franchise : la Suisse actuelle
322
ranchise : la Suisse actuelle est un pays où l’on
a
peu de « véritable » liberté d’esprit. C’est un pays où l’on tolère f
323
, ou simplement les idées imprévues. Certes, nous
avons
peu de polémiques personnelles : mais c’est peut-être moins par tolér
324
ons beaucoup plus tolérants dans ce domaine, nous
aurions
beaucoup plus de liberté dans nos jugements, nous respecterions beauc
325
ce. On me dira peut-être que ces considérations n’
ont
pas grande importance, actuellement, et que les libertés qu’il s’agit
326
Les deux libertés, l’extérieure et l’intérieure,
ont
toujours été liées dans notre histoire. C’est parce que les premiers
327
re histoire. C’est parce que les premiers Suisses
avaient
la passion de leurs libertés sociales, civiles et quotidiennes qu’ils
328
libertés sociales, civiles et quotidiennes qu’ils
ont
voulu se libérer du joug autrichien. Et c’est parce que les Suisses d
329
nt plus d’une véritable liberté intérieure qu’ils
ont
été une proie facile pour l’étranger, pour les armées de la Révolutio
330
d’une instruction publique remarquable, mais ils
ont
la plus grande méfiance à l’endroit de la véritable culture. Ils ont
331
méfiance à l’endroit de la véritable culture. Ils
ont
horreur de tout ce qui leur paraît « compliqué ». Ils jugent suspect
332
nt. C’est ainsi que certaine doctrine totalitaire
a
pu passer chez nous, pendant longtemps, pour un « rempart contre le b
333
n plus encore qu’une forme de l’envie, comme on l’
a
peut-être trop dit. Autrefois, les Suisses se méfiaient des personnal
334
tres ? Il semble que depuis quelques années, nous
avons
renoncé, et c’est heureux, à regarder notre neutralité comme une chos
335
neutralité comme une chose qui irait de soi, qui
aurait
existé de tout temps, sans commencement ni fin imaginables, qui nous
336
ère valable que pour nous, Suisses. Nos voisins n’
ont
aucune raison d’en tenir compte, bien au contraire. Dire : nous somme
337
mand : Eid-Genossenschaft, communauté de ceux qui
ont
fait serment. Mais ici encore, il nous faut bien voir que cette raiso
338
i encore, il nous faut bien voir que cette raison
a
peu de poids en dehors de nos frontières. Enfin, l’on donne parfois u
339
ffisante de s’abstenir, et d’autre part, qu’ils n’
ont
plus guère de force convaincante pour nos voisins, et par suite, ne s
340
nt plus pour nous cette garantie morale dont nous
avons
un besoin réellement vital. Si maintenant et malgré tout j’affirme qu
341
maintenant et malgré tout j’affirme que la Suisse
a
le devoir de rester neutre, ce ne peut donc être qu’au nom d’une réal
342
le privilège était subordonné à la charge ; il n’
avait
d’autre but que d’en faciliter l’exercice. C’est pourquoi l’on disait
343
llement que tous nos privilèges, même naturels, n’
ont
d’autre sens et d’autre raison d’être que de nous permettre d’accompl
344
principe, notons-le bien, radicalement contraire
a
tout système totalitaire, et seule base possible et solide de la paix
345
r de nos frontières. C’est faire que notre Suisse
ait
vraiment le droit de s’offrir en exemple à l’Europe, sur le plan du f
346
tégique dans cette bataille des doctrines. Nous l’
avons
constaté, à propos de la neutralité, ce sont les faits eux-mêmes qui
347
opéenne de la Suisse. Dans un certain sens, ils n’
ont
pas tort. Une vocation n’est jamais inscrite en clair dans les faits
348
ut, dès que l’occasion s’en montrera, ce que nous
aurons
à dire à nos voisins, forts que nous sommes d’une expérience fédérali
349
ves qui se feraient jour dans ce sens, comme nous
avons
trop souvent dénigré l’essai de la Société des Nations. Essayons au c
350
ste. Faut-il me résumer ? Ce sera vite fait. Je n’
ai
développé dans mes articles qu’une seule idée : c’est que la Suisse q
351
certain que la plupart des critiques auxquelles j’
ai
dû me livrer en débutant perdront leur légitimité. Si nous refusons d
352
ce que nous serons plus conscients de ce que nous
avons
à donner, nous serons mieux armés pour défendre la Suisse où Dieu nou
353
dernière, le jour du pacte germano-soviétique, j’
ai
fait deux choses. Primo, j’ai bouclé mes dossiers, lettres et papiers
354
rmano-soviétique, j’ai fait deux choses. Primo, j’
ai
bouclé mes dossiers, lettres et papiers personnels, je les ai mis en
355
s dossiers, lettres et papiers personnels, je les
ai
mis en lieu sûr et j’ai sorti mes uniformes pour les aérer. Secundo,
356
apiers personnels, je les ai mis en lieu sûr et j’
ai
sorti mes uniformes pour les aérer. Secundo, j’ai envoyé à un certain
357
ai sorti mes uniformes pour les aérer. Secundo, j’
ai
envoyé à un certain nombre de mes amis la phrase suivante : « Au plus
358
l’autre jour à Tavannes : comme chrétiens, nous n’
avons
à redouter que le Prince de tous les démons, et non pas tel ou tel dé
359
ombre avenir de son pays. « Dans mon désespoir, j’
eus
recours à l’Évangile qu’on trouve sur toutes les tables de nuit de ce
360
je suis vivant après cette guerre, j’espère que j’
aurai
mieux à faire qu’à me rasseoir à la terrasse des Deux Magots. ah. R
361
un journal d’attente (pages démodées) (avril 1940)
ai
Ceux qui tiennent un journal intime sont d’ordinaire des êtres qui
362
mes quelques instantanés révélateurs. Pour moi, j’
ai
renoncé à me chercher, à me vérifier curieusement. Mon vrai désir ser
363
e contre récompense ». 8 avril 1939 Monsieur Turc
a
été marin, puis contrebandier, puis douanier. Il cultive aujourd’hui
364
laisse travailler. Qu’est-ce que cela change ? J’
ai
semé et taillé comme chaque année. Ils n’ont qu’à faire la guerre pou
365
e ? J’ai semé et taillé comme chaque année. Ils n’
ont
qu’à faire la guerre pour leurs histoires ! Moi je sais ce que c’est,
366
leurs histoires ! Moi je sais ce que c’est, je l’
ai
faite la guerre. Mais cette fois-ci, j’ai tout semé comme d’habitude,
367
t, je l’ai faite la guerre. Mais cette fois-ci, j’
ai
tout semé comme d’habitude, et on verra ! — Croyez-vous donc qu’ils v
368
— Ils ne peuvent pas m’empêcher de travailler ! J’
ai
tout semé comme les autres années… Monsieur Turc promène un regard pr
369
dressement national ! 11 avril 1939 Monsieur Turc
a
semé, mais moi, je n’arrive même pas à défricher le champ d’un gros o
370
eront. On constatera l’année prochaine (s’il y en
a
une) que cette période de menaces de guerre aura vu concevoir moins d
371
en a une) que cette période de menaces de guerre
aura
vu concevoir moins de livres, mais aussi moins d’enfants et moins d’a
372
de s’être « distinguée » abusivement du peuple, d’
avoir
ainsi perdu sa sève active et livré les masses affamées au délire tot
373
cèse intellectuelle et de raffinements affectifs,
ont
su capter le secret de notre existence ; cependant que les masses, cr
374
ssances inhumaines (et auxquelles nulle culture n’
aurait
pu s’opposer) ont déchu au-dessous du niveau où la pensée est encore
375
t auxquelles nulle culture n’aurait pu s’opposer)
ont
déchu au-dessous du niveau où la pensée est encore agissante. S’il y
376
fficace. En vérité, ce ne sont pas les clercs qui
ont
trahi, mais plutôt les chrétiens indignes de leur nom : ils ont laiss
377
s plutôt les chrétiens indignes de leur nom : ils
ont
laissé trop de terrains en friche, que leur foi seule pouvait ensemen
378
lle est des Catacombes, et non pas du Forum. On m’
a
loué de « penser près de la vie ». Hélas ! je n’en suis que trop près
379
mêmes que, dans mon Journal , je me félicitais d’
avoir
vu s’abolir… 16 avril 1939 Question. Dans quelle mesure un écrivain
380
il 1939 Question. Dans quelle mesure un écrivain
a-t
-il le droit, ou le devoir, de se montrer publiquement objectif vis-à-
381
ine de l’opinion ». Dans quelle mesure un citoyen
a-t
-il le droit, ou le devoir, de se montrer publiquement objectif vis-à-
382
i-même à un objet matériel indifférencié. À peine
ai
-je noté ceci, qu’un des experts se met à parler de la « personnalité
383
’est qu’il ne croit plus à la paix. Tous les deux
ont
de bonnes raisons. Car il est vrai que la guerre n’est pas fatale ; v
384
es stratèges de Café du Commerce — généraux qui n’
ont
rien à commander —, il est des « résistants » qui n’ont rien à sauver
385
en à commander —, il est des « résistants » qui n’
ont
rien à sauver, et qui ne s’en montrent que plus « durs ». Cet excité
386
s meilleurs amis. (On entend : les Français qui l’
ont
accueilli comme émigré.) Mais lui, l’émigré, l’excité, le belliciste,
387
sait-il : — La France aime tant la Paix qu’elle n’
a
pas hésité à sacrifier sur son autel un peuple ami. (Il entendait : s
388
s le Paris du printemps 1939. M’absoudras-tu de n’
avoir
su prendre parti entre ces deux ardeurs montées jusqu’à la haine ? En
389
je suis un écrivain. Il est admis que ces gens-là
ont
le droit de dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer
390
939 Ce ne sont pas ceux qui la feront qui peuvent
avoir
peur de la guerre. Car avoir peur d’un accident, c’est entrevoir, ima
391
a feront qui peuvent avoir peur de la guerre. Car
avoir
peur d’un accident, c’est entrevoir, imaginer ses conséquences, et la
392
une pluie d’orage sur la Concorde : « Et moi qui
ai
oublié mon masque à gaz ! C’était pourtant l’heure H ! » 14 mai 1939
393
et les démons s’éveillent sur son passage, il n’y
a
plus nulle part d’indifférence possible ! Ici, le Christ reste le Sca
394
t. 21 mai 1939 Promenade au Bois avec V. O. que j’
ai
été prendre chez Adrienne Monnier — où elle s’était fait montrer les
395
d’Arc de Claudel et Honegger. Entre-temps, V. O.
a
tenu le rôle du récitant dans la Perséphone de Stravinsky, à Florence
396
igine de toute amertume, c’est un bien que nous n’
avons
plus, c’est un amour perdu, allé ailleurs. Mais qu’il existe encore a
397
cause de la menace ? Je ne le crois pas. S’il n’y
avait
pas un bien, dans ce régime, un bien que nous avons perdu, et qu’il s
398
ait pas un bien, dans ce régime, un bien que nous
avons
perdu, et qu’il séquestre, s’il n’y avait que du mal en lui, nous n’a
399
ue nous avons perdu, et qu’il séquestre, s’il n’y
avait
que du mal en lui, nous n’aurions pas de haine ni d’amertume : on ne
400
questre, s’il n’y avait que du mal en lui, nous n’
aurions
pas de haine ni d’amertume : on ne hait pas les catastrophes, les inc
401
d’une nostalgie de cette communauté qu’ils disent
avoir
réinventée, dont nous ne sommes pas, et dont nous sentons bien qu’ils
402
n d’en abuser. Ainsi l’Europe, en d’autres temps,
avait
haï les sans-culottes avec passion, quand ils n’étaient encore qu’une
403
clients : demi-luxe et demi-monde. Des femmes qui
ont
voulu ressembler aux trois ou quatre types de stars en vogue. Nanties
404
« Notre Führer fait une politique d’artiste ! »,
a
proclamé M. Goebbels. Voilà qui définit l’idée de l’Art que peut conc
405
’y croire. Il est dit : si tu crois, tu vivras.
ai
. Rougemont Denis de, « D’un journal d’attente (pages démodées) », Fo
406
ence brutalement condamnée par cette guerre. Nous
avons
trop longtemps vécu dans l’atmosphère rassurante créée par le matéria
407
haut que par en bas. La croyance au Progrès nous
a
mis des œillères. Et quand soudain la route normale se trouve barrée
408
aussi, et que Dieu malgré tout nous aime. Si nous
avions
su croire en lui pendant le temps de sa patience, nous aurions eu « d
409
oire en lui pendant le temps de sa patience, nous
aurions
eu « des yeux pour voir », et pour connaître les démons. Voici venu l
410
lui pendant le temps de sa patience, nous aurions
eu
« des yeux pour voir », et pour connaître les démons. Voici venu le t
411
être employées contre l’homme ; que l’aviation n’
a
nullement transformé les conditions de notre bonheur, mais bien celle
412
, des penseurs officiels et des bourgeois moyens,
a
refusé pendant cent ans d’envisager ? Pourtant, les plus grands homme
413
voir le destin qui maintenant nous surprend. Nous
avons
eu bien assez de prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que le
414
e destin qui maintenant nous surprend. Nous avons
eu
bien assez de prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que les a
415
nd. Nous avons eu bien assez de prophètes. Nous n’
avons
pas le droit de gémir que les avertissements nous ont manqué. Le doss
416
pas le droit de gémir que les avertissements nous
ont
manqué. Le dossier de ces avertissements est écrasant pour la conscie
417
asante. Elle supprime nos dernières excuses. Nous
avons
été avertis. Nous avons refusé d’écouter. Et maintenant il faut payer
418
s dernières excuses. Nous avons été avertis. Nous
avons
refusé d’écouter. Et maintenant il faut payer. Non point parce que l’
419
essités impérieuses de la défense nationale. Pour
avoir
refusé les sacrifices qu’eût entraînés un règlement plus juste des re
420
se nationale. Pour avoir refusé les sacrifices qu’
eût
entraînés un règlement plus juste des relations sociales et internati
421
e des relations sociales et internationales, pour
avoir
refusé obstinément tout ce qui lésait si peu que ce soit notre confor
422
et je ne prends là que de petits exemples7… Nous
avons
critiqué sans merci comme des « utopies subversives » certaines réfor
423
ies subversives » certaines réformes sociales qui
eussent
été dix fois ou vingt fois moins coûteuses que celles qu’entraîne la
424
s « efforts financiers » dont une fraction minime
aurait
suffi, en d’autres temps, à supprimer toutes les questions sociales.
425
ons à l’amour, pourquoi donc voulez-vous que nous
ayons
l’amour, et la paix et la sécurité ? Nous avons la peur et la guerre.
426
s ayons l’amour, et la paix et la sécurité ? Nous
avons
la peur et la guerre. Nous avons ce que nous méritons. Nous sommes pa
427
sécurité ? Nous avons la peur et la guerre. Nous
avons
ce que nous méritons. Nous sommes payés et nous payons selon notre ju
428
es vérités dures. Car tout le mal est venu de les
avoir
refusées, avant qu’elles montrent leurs effets aux yeux de tous. Mea
429
ux yeux de tous. Mea culpa des pacifistes, qui n’
ont
pas su imaginer le mal parce qu’ils croyaient au bien fait de main d’
430
e main d’homme. Mea culpa des militaristes, qui n’
ont
pas su imaginer un autre bien que la défense toute matérielle d’un or
431
cès de librairie : mea culpa. Mais quelles fautes
avaient
donc commises ces millions de femmes et d’enfants en fuite sur les ro
432
nfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’
avons
plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issue de la guerre : obten
433
croire leurs yeux. Avis aux Suisses. Les Suisses
ont
quelque chose à faire, quelque chose de précis, que je veux dire à te
434
t de la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils
ont
encore ce bref délai de grâce dont je parlais aux Hollandais, en nove
435
de, de dire la vérité que les peuples en guerre n’
ont
plus le pouvoir de reconnaître, dans le fracas des chars, sous les bo
436
les bombardements, quand on ne sait même plus qui
a
été tué. Un peuple en guerre sauve son moral en se dopant, en forçant
437
et qu’il était logique, inévitable, et qu’il n’y
a
plus qu’à en tirer les conclusions9. Mais nous ne sommes pas neutres
438
sera grâce à l’action personnelle des hommes qui
auront
su répudier les illusions flatteuses de l’ère bourgeoise. Car ceux-là
439
ritus à déblayer, même si les grandes démocraties
ont
la victoire. Non pas le bonheur fait de laisser-aller et d’insoucianc
440
pessimisme lâche, il y a la foi dans l’éternel, y
a
l’amour et l’espérance de l’éternel. À quoi se raccrocher, que faire
441
péenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’
a
pas d’autre garantie humaine que son armée, pas d’autre allié que son
442
ts. Nous savons à quelles conditions nos ancêtres
ont
pu surmonter les crises qui menaçaient d’emporter leur État : d’une p
443
uelques semaines, bien des préjugés tombent. Nous
avons
découvert l’urgente nécessité de nous unir au-delà des partis, au-del
444
guidés viennent avec nous pour travailler. Nous n’
avons
qu’un seul but : maintenir la Suisse, dans le présent et pour l’aveni
445
artenant aux milieux les plus divers, et qui nous
ont
promis leur appui. ak. Rougemont Denis de, « Au peuple suisse ! »,
446
août 1940)am an Nul pays, à ma connaissance, n’
a
été plus souvent expliqué à lui-même et au monde que la Suisse. C’est
447
ui-même et au monde que la Suisse. C’est qu’il en
a
besoin plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’a pas to
448
que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’
a
pas toujours bien compris. Elle exclut en principe toute doctrine uni
449
absurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’
a
d’autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centre
450
ui insistent sur la nécessité de l’union centrale
auraient
peut-être plus de droits à revendiquer le nom de fédéralistes, dans s
451
roite. — Les centralisateurs et les régionalistes
ont
également tort, c’est évident, puisque le fédéralisme véritable ne co
452
réactionnaires inconséquents : tant que je ne les
aurai
pas vu refuser l’argent de l’État, je ne pourrai pas prendre au série
453
r à sa guise, et qui se condamne, ridiculement, à
avoir
des idées sur tout. Les seuls partis qu’une fédération puisse tolérer
454
uche extrémistes qui, dès « l’affaire » liquidée,
ont
démasqué leur fructueuse entente… Mais rien n’y fait, notre presse co
455
se croire libertaires, etc. Seuls nos staliniens
ont
cessé de dénoncer les hitlériens, mais c’est pour dénoncer les antihi
456
rialisme. — Le pire danger qui nous menace : nous
avons
renversé l’échelle des valeurs. Le cadre matériel de notre vie est pa
457
6. Cultures. — C’est quand on doute de soi qu’on
a
peur du voisin. Les Romands qui se rétractent au seul mot de germanis
458
dre. Rousseau, Constant, Madame de Staël, Vinet n’
ont
pas eu peur du germanisme, l’ont étudié et l’ont aimé. Ce sont nos me
459
sseau, Constant, Madame de Staël, Vinet n’ont pas
eu
peur du germanisme, l’ont étudié et l’ont aimé. Ce sont nos meilleurs
460
e Staël, Vinet n’ont pas eu peur du germanisme, l’
ont
étudié et l’ont aimé. Ce sont nos meilleurs écrivains. 7. Tolérance.
461
’ont pas eu peur du germanisme, l’ont étudié et l’
ont
aimé. Ce sont nos meilleurs écrivains. 7. Tolérance. — Le fédéralisme
462
ue la minorité dans une vie fédérale saine : elle
a
droit à de plus grands égards, relativement, que la majorité. C’est a
463
ements restreints. Les petits cantons, chez nous,
ont
voix égale avec les grands, les catholiques avec les protestants ; le
464
rofession d’admirer la méthode d’un dictateur qui
a
pu écrire : « L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà des drôles de féd
465
11. Neutralité. — Pendant l’hiver 1939-1940, nous
avons
pu lire dans les journaux cet avertissement sibyllin : « Température
466
verbes généraux certaines paroles du Christ qui n’
ont
de sens que par rapport à sa Personne, à son Royaume, à son Éternité.
467
ire, mais perpétuelle. Se figure-t-on que l’homme
a
le droit et le pouvoir de décréter « l’éternité » d’une décision huma
468
t naguère à ses voisins un homme dont Anastasie m’
a
fait oublier le nom.) De même pour la neutralité « perpétuelle » : ce
469
d’être neutralisés moralement. Le Conseil fédéral
a
repoussé officiellement et publiquement la prétention de ceux qui vou
470
ctueux des décisions de nos autorités suprêmes, j’
ai
donc le droit de condamner ouvertement des régimes étrangers qui atta
471
— toujours en retard d’une guerre, d’une époque —
ont
récemment découvert qu’un diplomate moderne doit être un expert comme
472
Le commerce, l’industrie, l’économie en général,
ont
cessé d’imposer leurs « lois fatales ». Ce sont les chefs qui dictent
473
erstition des experts d’hier et d’avant-hier. Ils
ont
pensé, et prouvé par le fait, que la Technique ne saurait inspirer un
474
des diplomates qui fassent une politique, et qui
aient
plus d’idées générales que de compétences économiques. Je connais tel
475
lare, après la page qu’on vient de lire, que je n’
ai
pas d’ambitions politiques ! 11. Intéressante précision du langage !
476
e faire) à la valeur capitale de cet ouvrage, qui
a
paru aux Éditions de la Baconnière-Boudry-Neuchâtel. »
477
vous confie que mes premiers loisirs de militaire
ont
été consacrés à la lecture du grand roman de Gottfried Keller intitul
478
des Goethe — loin de là… Et cependant, celui qui
a
compris Pascal, ou Goethe, ou Gottfried Keller, il a découvert du mêm
479
ompris Pascal, ou Goethe, ou Gottfried Keller, il
a
découvert du même coup quelque chose du mystère français, du mystère
480
leure part, sans doute, celle qu’autrement nous n’
eussions
jamais soupçonnée, et que dorénavant nous saurons reconnaître ici ou
481
oui, dans sa vie apparemment banale. Depuis que j’
ai
lu Henri le Vert, j’entends tout autre chose dans les chants suisses
482
ent du bien, à nous les Suisses, puisqu’elle nous
a
permis de réunir des qualités et des défauts qui se complètent si heu
483
s grands romans de Jérémie Gotthelf. Et puisque j’
ai
parlé de fédéralisme, permettez-moi de terminer par une petite citati
484
ense et la rénovation de l’héritage que Dieu nous
a
confié. Nos raisons d’être tiennent dans ses deux mots : liberté, sol
485
e coopération, de syndicat ou de corporation) qui
a
rassemblé les premiers Suisses au xiiie siècle. C’est l’esprit de ré
486
éparation minutieuse et la discipline civique qui
ont
gagné la bataille de Morgarten contre une « division cuirassée » de 8
487
esprit de sacrifice de quelques-uns pour tous qui
a
sauvé la Suisse à Saint-Jacques sur la Birse, malgré l’anéantissement
488
troupes. Une seule fois dans l’histoire la Suisse
a
succombé : en 1798. Les causes de cette défaite sont bien connues, el
489
envahisseur reconnut que les habitants du Nidwald
avaient
été les seuls de toute l’Europe à l’impressionner par leur résistance
490
traire à ses traditions, il déclara : « La nature
a
fait votre État fédératif. Vouloir la vaincre n’est pas d’un homme sa
491
sent. Il nous montre que de tout temps, la Suisse
a
été menacée par des puissances dix fois supérieures, et qu’elle ne s’
492
espoir. Un siècle de sécurité et de confort nous
a
fait oublier ces vérités. Aujourd’hui, elles nous parlent de nouveau.
493
sauraient surprendre et démoraliser que ceux qui
ont
oublié comment la Suisse s’est faite, et à quel prix elle s’est toujo
494
défense. Sacrifices matériels tout d’abord : nous
avons
consenti déjà, pour notre défense militaire, des mesures qui, en d’au
495
se militaire, des mesures qui, en d’autres temps,
eussent
passé pour révolutionnaires : la caisse de compensation par exemple.
496
, ou par la mise en train de grands travaux, nous
aurons
donné un exemple qui peut féconder l’avenir : exemple d’ordre humain
497
première de toute rénovation pratique. Ceux qui l’
auront
compris, et qui le prouveront, travailleront au salut du pays. Mais c
498
prouvent et les mettent en pratique aussitôt, ils
auront
célébré, mieux que par l’éloquence la plus émue, ce premier jour d’un
499
s de Rougemont nous dit… (23 août 1940)ap aq J’
ai
tenté de retarder mon départ de quelques mois, sinon de quelques sema
500
on chemin malgré les torrents d’injures dont elle
a
été abreuvée et vous pouvez être assuré qu’elle n’a enregistré jusqu’
501
été abreuvée et vous pouvez être assuré qu’elle n’
a
enregistré jusqu’à ce jour aucune défection, en dépit de ce qu’on a d
502
’à ce jour aucune défection, en dépit de ce qu’on
a
dit. D’ailleurs, je viens de terminer deux brochures qui vont paraîtr
503
Ligue est formé de dix hommes dont le plus jeune
a
26 ans et le plus âgé 44. C’est vous dire que nous voulons mettre la
504
us le voyez, une très grande importance au fait d’
avoir
la jeunesse avec nous. C’est que nous nous sommes rendu compte que le
505
pas dans les partis, parce que la politique leur
a
paru jusqu’à présent un jeu déplaisant… ; cela équivaut à dire que la
506
l’idéologie naziste ou l’idéologie communiste les
eût
certainement embrigadés tôt ou tard.ar ap. Rougemont Denis de, «
507
e le faire, un rapport quelconque avec la part qu’
a
prise le jeune écrivain neuchâtelois dans la fondation de la “Ligue d
508
Zurich et qui ne put être représentée, la guerre
ayant
éclaté quelques jours avant la première. Cette légende dramatique, do
509
n l’éloigne de la scène politique. Au surplus, il
a
bien voulu nous faire les déclarations qui suivent. » ar. La rédacti
510
commentaire : « On dit que la “Ligue du Gothard”
a
reçu de nombreuses lettres de citoyens qui s’intéressent à elles et à
511
du Gothard : raisons d’espérer (13 septembre 1940)
as
at Je comprends vos questions. J’y ai répondu dans une brochure qu
512
bre 1940)as at Je comprends vos questions. J’y
ai
répondu dans une brochure qui va paraître sur la Ligue. Il faut faire
513
ous sont « marqués », mais qui ne l’est pas, s’il
a
fait quelque chose ? Comme le dit la Lutte syndicale dans son dernier
514
et de modifier ses positions. Duttweiler ne nous
a
pas donné un sou, quoi qu’en dise une certaine presse qui ne se défen
515
phants », ni aucune organisation. Le peu que nous
avons
, ce sont des dons personnels. Et nous cherchons, sûrs de trouver dans
516
e peuple répond. Tant pis pour les politiciens.
as
. Rougemont Denis de, « La Ligue du Gothard : raisons d’espérer », L’
517
la Ligue du Gothard dans le précédent numéro nous
a
valu trois réponses que nous versons à titre de documents au débat et
518
ord l’opinion de M. Denis de Rougemont à qui nous
avions
exprimé notre étonnement. Par une brève lettre datée du 18 août, où i