1 1938, Articles divers (1938-1940). Le seul espoir (juin 1938)
1 seul espoir (juin 1938)a La mission historique de notre Confédération, c’est de garder libres pour tous, les cols du ce
2 mission historique de notre Confédération, c’est de garder libres pour tous, les cols du centre de l’Europe ; mission pra
3 st de garder libres pour tous, les cols du centre de l’Europe ; mission pratique et symbolique. Au cours des derniers mois
4 e dans une récente publication (un numéro spécial de la revue Esprit dont le retentissement a été grand). Enfin M. Motta
5 mbres fédérales. Il se peut que l’aspect pratique de cette mission ait perdu de son importance par suite des très profonde
6 que l’aspect pratique de cette mission ait perdu de son importance par suite des très profondes transformations intervenu
7 s du Saint-Empire. Mais alors l’aspect symbolique de la mission confédérale se dégage et doit être dégagé avec une évidenc
8 ction profondément renouvelées. Le signe physique de notre mission, c’était la défense des cols, cœur physique de l’Europe
9 ssion, c’était la défense des cols, cœur physique de l’Europe médiévale. Désormais, il nous appartient de proclamer la sig
10 l’Europe médiévale. Désormais, il nous appartient de proclamer la signification spirituelle de cette même et unique missio
11 artient de proclamer la signification spirituelle de cette même et unique mission : c’est la défense du cœur spirituel de
12 ique mission : c’est la défense du cœur spirituel de l’Europe, la garde montée autour de cette réalité qui définit l’homme
13 ontée autour de cette réalité qui définit l’homme d’ Occident : la réalité de la personne et des institutions fondées sur e
14 alité qui définit l’homme d’Occident : la réalité de la personne et des institutions fondées sur elle. ⁂ La personne, ce n
15 le « soldat politique » qui n’a plus en lui-même de principe d’existence, et qui n’est rien qu’un rouage de l’État. Enfin
16 politique » qui n’a plus en lui-même de principe d’ existence, et qui n’est rien qu’un rouage de l’État. Enfin la personne
17 ncipe d’existence, et qui n’est rien qu’un rouage de l’État. Enfin la personne n’est plus une simple idée. C’est la réalit
18 le idée. C’est la réalité paradoxale et dynamique de l’homme qui a fait la civilisation et la grandeur réelle de l’Occiden
19 qui a fait la civilisation et la grandeur réelle de l’Occident : l’homme libre, existant par soi-même et par la force de
20 omme libre, existant par soi-même et par la force de sa vocation unique, mais cependant relié à la communauté par l’exerci
21 is cependant relié à la communauté par l’exercice de cette vocation. L’homme libre et relié, c’est le chrétien des communa
22 cension bourgeoise ; c’est le citoyen responsable de nos démocraties modernes dans la mesure où ces démocraties méritent e
23 dans la mesure où ces démocraties méritent encore de porter ce nom, et ne sont pas de simples oligarchies de financiers et
24 méritent encore de porter ce nom, et ne sont pas de simples oligarchies de financiers et de démagogues. Tout ce qui s’est
25 ter ce nom, et ne sont pas de simples oligarchies de financiers et de démagogues. Tout ce qui s’est fait de réel et de val
26 sont pas de simples oligarchies de financiers et de démagogues. Tout ce qui s’est fait de réel et de valable en Occident
27 nanciers et de démagogues. Tout ce qui s’est fait de réel et de valable en Occident fut l’œuvre de ces hommes doublement r
28 de démagogues. Tout ce qui s’est fait de réel et de valable en Occident fut l’œuvre de ces hommes doublement responsables
29 ait de réel et de valable en Occident fut l’œuvre de ces hommes doublement responsables devant leur foi et devant leurs pr
30 attitude « personnaliste » est la vraie tradition de l’Europe, la voie royale de sa culture, le foyer de son rayonnement.
31 st la vraie tradition de l’Europe, la voie royale de sa culture, le foyer de son rayonnement. Ce n’est pas, comme certains
32 l’Europe, la voie royale de sa culture, le foyer de son rayonnement. Ce n’est pas, comme certains veulent le croire, un m
33 ériodiques. Or il se trouve que la devise antique de notre Confédération est précisément la devise du personnalisme vérita
34 ersonnalisme véritable, l’affirmation indivisible de l’homme libre mais relié, le paradoxe vivant et vivifiant de l’un pou
35 libre mais relié, le paradoxe vivant et vivifiant de l’un pour tous, tous pour un ! Ainsi, dès l’origine, la Suisse s’affi
36 sse s’affirme-t-elle comme la gardienne du secret de l’Europe, de sa vraie force et des valeurs qui l’ont créée. Gardienne
37 -t-elle comme la gardienne du secret de l’Europe, de sa vraie force et des valeurs qui l’ont créée. Gardienne des cols pou
38 e. Gardienne des cols pour les nations, gardienne de la doctrine commune à tous les peuples, elle n’a pas d’autre rôle ni
39 doctrine commune à tous les peuples, elle n’a pas d’ autre rôle ni d’autre vocation. Elle n’est pas elle-même une nation, m
40 à tous les peuples, elle n’a pas d’autre rôle ni d’ autre vocation. Elle n’est pas elle-même une nation, mais elle est dav
41  : elle est le lieu et la formule du génie propre de l’Europe. Et voilà pourquoi nous sommes neutres. ⁂ En aucune heure d
42 à pourquoi nous sommes neutres. ⁂ En aucune heure de notre histoire, nous n’avons éprouvé une telle nécessité de prendre o
43 istoire, nous n’avons éprouvé une telle nécessité de prendre ou de reprendre pleine conscience de cette mission qui est no
44 n’avons éprouvé une telle nécessité de prendre ou de reprendre pleine conscience de cette mission qui est notre raison d’ê
45 sité de prendre ou de reprendre pleine conscience de cette mission qui est notre raison d’être. À la période de déviation
46 conscience de cette mission qui est notre raison d’ être. À la période de déviation dans le sens individualiste que représ
47 mission qui est notre raison d’être. À la période de déviation dans le sens individualiste que représentent les deux derni
48 guerre — qui fut une guerre des masses — une ère de déviation dans le sens collectiviste. Cette maladie du sentiment occi
49 nier notre mission. Elle tend à nier l’existence de tout ce qui ne serait pas une grande nation monolithique, fondée sur
50 fondée sur l’unité — toute théorique d’ailleurs — de la race, de la langue et de la force militaire. Par là même, elle s’a
51 ’unité — toute théorique d’ailleurs — de la race, de la langue et de la force militaire. Par là même, elle s’attaque à la
52 héorique d’ailleurs — de la race, de la langue et de la force militaire. Par là même, elle s’attaque à la tradition créatr
53 là même, elle s’attaque à la tradition créatrice de l’Occident, — et elle menace en premier lieu sa garde neutre. L’espri
54 ul principe qui tienne rassemblés nos cantons, et de l’idéal commun qui nous a fédérés. Jamais, depuis le xiiie siècle, n
55 éril. Jamais la conscience impérieuse des raisons d’ être de la Suisse n’a été, comme elle l’est aujourd’hui, une condition
56 amais la conscience impérieuse des raisons d’être de la Suisse n’a été, comme elle l’est aujourd’hui, une condition vitale
57 omme elle l’est aujourd’hui, une condition vitale de notre existence même. ⁂ Je vois un peu partout des signes de réveil.
58 istence même. ⁂ Je vois un peu partout des signes de réveil. J’en ai relevé trois au début de cet article, bien minimes il
59 s signes de réveil. J’en ai relevé trois au début de cet article, bien minimes il est vrai, mais assez nets et assez neufs
60 l y en a d’autres, très typiques, dans l’attitude de nos syndicats, qui tendent de plus en plus à développer la conscience
61 elopper la conscience démocratique au sens suisse de leurs adhérents : on revient au fédéralisme tel que nous sommes charg
62 evient au fédéralisme tel que nous sommes chargés de le défendre, et qui s’oppose autant au particularisme étroit qu’à cet
63 particularisme étroit qu’à cette forme antisuisse de centralisation qui s’appelle le nationalisme. Mais le plus gros effor
64 gros effort s’esquisse à peine. Ce sera la tâche de la nouvelle génération que de le mener à chef dans le plus court déla
65 e. Ce sera la tâche de la nouvelle génération que de le mener à chef dans le plus court délai. Car il y va de l’existence
66 ener à chef dans le plus court délai. Car il y va de l’existence même de notre État, et au-delà : de l’espoir d’une Europe
67 plus court délai. Car il y va de l’existence même de notre État, et au-delà : de l’espoir d’une Europe recréée selon son g
68 a de l’existence même de notre État, et au-delà : de l’espoir d’une Europe recréée selon son génie. De cette action urgent
69 ence même de notre État, et au-delà : de l’espoir d’ une Europe recréée selon son génie. De cette action urgente, je ne pui
70 de l’espoir d’une Europe recréée selon son génie. De cette action urgente, je ne puis ici qu’indiquer la ligne générale. N
71 ux petites nations. Nous sommes une Confédération de communautés régionales. C’est dans la mesure où nous voulons rester c
72 mesure où nous voulons rester cela, et le devenir de mieux en mieux, que nous serons grands devant l’Europe, parce que nou
73 s devant l’Europe, parce que nous serons l’avenir de l’Europe. Si, pour faire face à la menace totalitaire, nous essayons
74 litaire, nous essayons plus ou moins sérieusement de devenir nous aussi une nation, notre compte sera vite réglé. Car : 1°
75 a vite réglé. Car : 1° nous perdrons notre raison d’ être, et il n’est pas d’exemple dans l’Histoire qu’un État qui a perdu
76 ous perdrons notre raison d’être, et il n’est pas d’ exemple dans l’Histoire qu’un État qui a perdu sa raison d’être y surv
77 dans l’Histoire qu’un État qui a perdu sa raison d’ être y survive plus de quelques années. L’exemple de l’Autriche est éc
78 État qui a perdu sa raison d’être y survive plus de quelques années. L’exemple de l’Autriche est éclatant ; il l’est même
79 être y survive plus de quelques années. L’exemple de l’Autriche est éclatant ; il l’est même trop pour que j’insiste… 2° n
80 e pouvons devenir qu’une des plus petites nations de l’Europe, et une nation divisée contre elle-même en trois races et tr
81 s un « idéal fumeux » que j’oppose à la tentation d’ un nationalisme helvétique. Je lui oppose la condition même de notre d
82 lisme helvétique. Je lui oppose la condition même de notre droit à l’existence. Notre seule force est dans notre idéal pe
83 donc fédéraliste. Notre seule force sérieuse est d’ ordre spirituel. Les « réalistes » qui voudraient le nier trahissent e
84 notre grandeur et notre espoir. La Suisse n’a pas de pires ennemis. Ce n’est pas une armée motorisée qui nous sauvera de l
85 Ce n’est pas une armée motorisée qui nous sauvera de l’attaque de nos voisins, même si nous ruinons le pays pour la perfec
86 une armée motorisée qui nous sauvera de l’attaque de nos voisins, même si nous ruinons le pays pour la perfectionner au ma
87 um. Ce qui sauvera la Suisse, c’est la conscience de son destin européen. C’est notre effort pour nous élever au niveau de
88 inée. Et c’est l’affirmation tenace et convaincue de l’avenir que nous incarnons aux yeux des peuples d’Occident. Notre se
89 l’avenir que nous incarnons aux yeux des peuples d’ Occident. Notre seul espoir, à nous Suisses, c’est de rester et de dev
90 ccident. Notre seul espoir, à nous Suisses, c’est de rester et de devenir de mieux en mieux le seul espoir de l’Europe déc
91 e seul espoir, à nous Suisses, c’est de rester et de devenir de mieux en mieux le seul espoir de l’Europe déchirée. a.
92 ir, à nous Suisses, c’est de rester et de devenir de mieux en mieux le seul espoir de l’Europe déchirée. a. Rougemont D
93 er et de devenir de mieux en mieux le seul espoir de l’Europe déchirée. a. Rougemont Denis de, « Le seul espoir », Feui
94 spoir de l’Europe déchirée. a. Rougemont Denis de , « Le seul espoir », Feuille centrale de Zofingue, Zurich, juin 1938,
95 nt Denis de, « Le seul espoir », Feuille centrale de Zofingue, Zurich, juin 1938, p. 469-472.
2 1938, Articles divers (1938-1940). Souvenir d’Esztergom (juin 1938)
96 Souvenir d’ Esztergom (juin 1938)b J’avais lu quelques-uns de ses poèmes en tra
97 Esztergom (juin 1938)b J’avais lu quelques-uns de ses poèmes en traduction. Je savais qu’il était le chef de file du gr
98 èmes en traduction. Je savais qu’il était le chef de file du groupe le plus vivant des écrivains de Hongrie, — le plus pro
99 ef de file du groupe le plus vivant des écrivains de Hongrie, — le plus profondément magyar de sensibilité, et en même tem
100 rivains de Hongrie, — le plus profondément magyar de sensibilité, et en même temps le plus européen par la culture. Des am
101 européen par la culture. Des amis me proposèrent de l’aller voir à Esztergom, où il passe les étés. J’eus ce bonheur de d
102 Esztergom, où il passe les étés. J’eus ce bonheur de découvrir une terre et une race par ses poètes. La plaine hongroise é
103 sages, dans une vaste hospitalité qui était celle de l’été même dont Babits me faisait les honneurs… Qu’on me permette de
104 Babits me faisait les honneurs… Qu’on me permette de recopier ici des notes prises au retour de ce petit voyage ; il est r
105 rmette de recopier ici des notes prises au retour de ce petit voyage ; il est resté merveilleusement vivant dans ma mémoir
106 ma mémoire, et je ne puis plus séparer sa vision de ce que m’évoque le nom de Michel Babits. ⁂ Esztergom est la plus viei
107 plus séparer sa vision de ce que m’évoque le nom de Michel Babits. ⁂ Esztergom est la plus vieille capitale de la Hongrie
108 Babits. ⁂ Esztergom est la plus vieille capitale de la Hongrie. Attila, me dit-on, y régna. Aujourd’hui c’est la résidenc
109 a résidence du Prince Primat. Au-dessus du palais de l’archevêché, sur une colline que le Danube contourne, la Basilique é
110 Danube contourne, la Basilique élève une coupole d’ ocre éclatant, immense et froide, dominant cette plaine onduleuse dont
111 ue nous devons rencontrer le poète. Cheveux noirs d’ aigle collés sur son large front, belle carrure ruisselante, il nous s
112 u’à mi-corps, mythologique. Nous sortons ensemble de la petite ville aux rues de terre brûlante, aux maisons jaunes, basse
113 Nous sortons ensemble de la petite ville aux rues de terre brûlante, aux maisons jaunes, basses, ville sans ombre, sans ar
114 us montons vers la maison du poète, sur un coteau de vignes. Trois chambres boisées entourées d’une large galerie d’où l’o
115 oteau de vignes. Trois chambres boisées entourées d’ une large galerie d’où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans
116 is chambres boisées entourées d’une large galerie d’ où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans rides, la petite vil
117 bourdonnante, — trois petites chambres et un pan de toit par-dessus, cela fait une arche à peine visible dans les vignes,
118 isible dans les vignes, à peine détachée du flanc de la colline (pour que les vents ne l’emportent pas), un beau nid de po
119 ur que les vents ne l’emportent pas), un beau nid de poète : car demeurer ici, c’est demeurer vraiment « en pleine nature 
120 r vraiment « en pleine nature », un peu au-dessus de la plaine, pas tout à fait dans le ciel, là où doivent vivre ceux qui
121 orizon est aussi lointain qu’on l’imagine, tout a de belles couleurs, le poète sourit en lui-même, il y a une enfance dans
122 dans l’air… ⁂ N’est-ce pas cela, la vraie gloire d’ un poète : que son souvenir se confonde — inoubliable, inséparable — a
123 confonde — inoubliable, inséparable — avec celui d’ une belle journée de son pays ? b. Rougemont Denis de, « Souvenir d
124 ble, inséparable — avec celui d’une belle journée de son pays ? b. Rougemont Denis de, « Souvenir d’Esztergom », Nouvel
125 belle journée de son pays ? b. Rougemont Denis de , « Souvenir d’Esztergom », Nouvelle Revue de Hongrie, Budapest, juin
126 e son pays ? b. Rougemont Denis de, « Souvenir d’ Esztergom », Nouvelle Revue de Hongrie, Budapest, juin 1938, p. 505-50
127 enis de, « Souvenir d’Esztergom », Nouvelle Revue de Hongrie, Budapest, juin 1938, p. 505-506.
3 1938, Articles divers (1938-1940). « Comment libérer l’État de la tyrannie de l’Argent ? » (10 juin 1938)
128 « Comment libérer l’État de la tyrannie de l’Argent ? » (10 juin 1938)c d Nous sommes en train
129 « Comment libérer l’État de la tyrannie de l’Argent ? » (10 juin 1938)c d Nous sommes en train de passer du r
130 38)c d Nous sommes en train de passer du règne de la finance totalitaire (libéralisme) au règne de l’État totalitaire,
131 de la finance totalitaire (libéralisme) au règne de l’État totalitaire, par une logique dont la rigueur montre assez que
132 r montre assez que les facteurs humains ont cessé d’ y jouer. Comme on ne peut supprimer ni l’État ni l’argent, le problème
133 lui-ci : remettre l’État et l’argent à leur place d’ instruments techniques. Schéma : un État souverain dans l’aire délimit
134 Schéma : un État souverain dans l’aire délimitée de sa capacité ; administrant les entreprises qui échappent par leurs di
135 in-d’œuvre indifférenciée (service civil) ; privé de toute autorité politique, celle-ci appartenant au gouvernement propre
136 des patries locales, et seule expression unitaire de la Nation ; jouissant d’un pouvoir dictatorial dans l’application de
137 eule expression unitaire de la Nation ; jouissant d’ un pouvoir dictatorial dans l’application de ses pouvoirs strictement
138 ssant d’un pouvoir dictatorial dans l’application de ses pouvoirs strictement définis par le gouvernement, et de nature te
139 voirs strictement définis par le gouvernement, et de nature technique ; répartissant ses bénéfices sous forme de minimum v
140 le Parlement et l’exécutif, collusion responsable de la mauvaise marche des administrations publiques, et de cette erreur
141 mauvaise marche des administrations publiques, et de cette erreur économique — entre autres — qu’est la guerre totale, can
142 — entre autres — qu’est la guerre totale, cancer de notre « paix ». Il n’y a de liberté possible pour les communes et les
143 guerre totale, cancer de notre « paix ». Il n’y a de liberté possible pour les communes et les personnes que sur la base d
144 our les communes et les personnes que sur la base d’ une organisation rationnelle des servitudes publiques, c’est-à-dire d’
145 ationnelle des servitudes publiques, c’est-à-dire d’ une dichotomie rigoureuse entre ce qui relève de l’exécution technique
146 e d’une dichotomie rigoureuse entre ce qui relève de l’exécution technique et ce qui relève de l’opinion et de la création
147 relève de l’exécution technique et ce qui relève de l’opinion et de la création, toujours personnelle. C’est la confusion
148 cution technique et ce qui relève de l’opinion et de la création, toujours personnelle. C’est la confusion des pouvoirs ma
149 lle. C’est la confusion des pouvoirs matériels et de l’autorité, dee l’organisé et de l’organisateur, de l’État et de la N
150 irs matériels et de l’autorité, dee l’organisé et de l’organisateur, de l’État et de la Nation, qui conduit au désordre fl
151 l’autorité, dee l’organisé et de l’organisateur, de l’État et de la Nation, qui conduit au désordre flagrant des démocrat
152 dee l’organisé et de l’organisateur, de l’État et de la Nation, qui conduit au désordre flagrant des démocraties, et à cet
153 ue proposée par l’Ordre nouveau. Quant aux moyens d’ y parvenir, de l’imposer, ils relèvent d’une action spirituelle au pre
154 r l’Ordre nouveau. Quant aux moyens d’y parvenir, de l’imposer, ils relèvent d’une action spirituelle au premier chef, et
155 x moyens d’y parvenir, de l’imposer, ils relèvent d’ une action spirituelle au premier chef, et vous savez que je n’entends
156 , tant publique que secrète, qui mobilise le tout de l’homme, et qui seule est transformatrice. Mais ce n’est pas sur ces
157 ous m’interrogez, je crois. c. Rougemont Denis de , « Comment libérer l’État de la tyrannie de l’Argent ? », Combat : re
158 c. Rougemont Denis de, « Comment libérer l’État de la tyrannie de l’Argent ? », Combat : revue des idées et des faits, P
159 Denis de, « Comment libérer l’État de la tyrannie de l’Argent ? », Combat : revue des idées et des faits, Paris, 10 juin 1
160 s faits, Paris, 10 juin 1938, p. 505. d. Précédé de la note suivante : « L’auteur de Penser avec les mains reprend ici
161 505. d. Précédé de la note suivante : « L’auteur de Penser avec les mains reprend ici les positions de l’Ordre nouveau.
162 Penser avec les mains reprend ici les positions de l’Ordre nouveau. On sait qu’il s’agit d’une dichotomie, rationnelle,
163 ositions de l’Ordre nouveau. On sait qu’il s’agit d’ une dichotomie, rationnelle, mais dont nous discuterons la possibilité
4 1938, Articles divers (1938-1940). Le Relèvement de l’Allemagne (1918-1938) par Albert Rivaud (28 octobre 1938)
164 Le Relèvement de l’Allemagne (1918-1938) par Albert Rivaud (28 octobre 1938)f Après
165 rienne, autrement brûlante et immédiate. Le livre de M. Rivaud nous y aidera. Il faut le lire avant de lire Mein Kampf ou
166 on nous en offre. Car M. Rivaud a le grand mérite d’ avoir situé le développement du national-socialisme à l’intérieur du d
167 et qui peut-être lui survivra. La première partie de ce gros ouvrage est à mon sens la plus sérieuse et la plus riche d’en
168 est à mon sens la plus sérieuse et la plus riche d’ enseignements. C’est un historique de l’Allemagne d’avant-guerre, des
169 a plus riche d’enseignements. C’est un historique de l’Allemagne d’avant-guerre, des origines du conflit de 1914, de la gu
170 enseignements. C’est un historique de l’Allemagne d’ avant-guerre, des origines du conflit de 1914, de la guerre, de la rév
171 Allemagne d’avant-guerre, des origines du conflit de 1914, de la guerre, de la révolution, puis de la République de Weimar
172 d’avant-guerre, des origines du conflit de 1914, de la guerre, de la révolution, puis de la République de Weimar et de l’
173 e, des origines du conflit de 1914, de la guerre, de la révolution, puis de la République de Weimar et de l’ascension hitl
174 lit de 1914, de la guerre, de la révolution, puis de la République de Weimar et de l’ascension hitlérienne. À la lumière d
175 la révolution, puis de la République de Weimar et de l’ascension hitlérienne. À la lumière des événements de septembre, ce
176 scension hitlérienne. À la lumière des événements de septembre, cette lecture prend une actualité vraiment bouleversante.
177 une actualité vraiment bouleversante. Nous venons d’ assister à la répétition du coup de juillet 1914. Mêmes manœuvres simu
178 e. Nous venons d’assister à la répétition du coup de juillet 1914. Mêmes manœuvres simultanées de bluffe guerrier et d’ass
179 coup de juillet 1914. Mêmes manœuvres simultanées de bluffe guerrier et d’assurances pacifiques, même duplicité dans le dé
180 Mêmes manœuvres simultanées de bluffe guerrier et d’ assurances pacifiques, même duplicité dans le détail des négociations,
181 laté, et l’Allemagne a tout obtenu. Les partisans de la résistance à tout prix en déduiront que l’on a eu tort d’aller à M
182 tance à tout prix en déduiront que l’on a eu tort d’ aller à Munich. Mais on peut leur faire observer que la guerre de 1914
183 h. Mais on peut leur faire observer que la guerre de 1914 n’a servi exactement à rien, puisque vingt ans plus tard, l’Alle
184 érir. Dans la seconde partie, l’auteur entreprend de décrire le régime nazi : État et armée, doctrine et formation des esp
185 ons beaucoup de réserves à formuler sur le détail de ces chapitres et sur l’intention qui préside à la « description » qu’
186 ion » qu’ils nous offrent. Certes, il est malaisé de se renseigner exactement sur le fonctionnement d’un régime autarcique
187 de se renseigner exactement sur le fonctionnement d’ un régime autarcique, où nul organe de libre critique ne peut corriger
188 ctionnement d’un régime autarcique, où nul organe de libre critique ne peut corriger les chiffres officiels. Mais alors, i
189 is alors, il faudrait citer ses sources avec plus de minutie, et quand on donne un chiffre, donner aussi les moyens de l’i
190 uand on donne un chiffre, donner aussi les moyens de l’interpréter. M. Rivaud affirme par exemple, que « dans beaucoup d’i
191 . Rivaud affirme par exemple, que « dans beaucoup d’ industries, les salaires globaux ont doublé » depuis 1933. Dans quelle
192 uelles industries ? Et quels étaient les salaires de base ? Les polémiques au sujet des salaires russes nous ont rendus mé
193 ue « l’organisation nationale-socialiste a permis de supprimer une grande partie des producteurs libres », et on précise q
194 que le nombre des sociétés anonymes a été réduit de 9634 en 1932 à 7204 en 1936, et que le nombre des « petites sociétés 
195 que le nombre des « petites sociétés » est tombé de 6632 à 3863. Comment interpréter ces chiffres ? L’auteur y voit la pr
196 préter ces chiffres ? L’auteur y voit la preuve «  d’ une sorte de socialisation indirecte de la production ». Mais par aill
197 hiffres ? L’auteur y voit la preuve « d’une sorte de socialisation indirecte de la production ». Mais par ailleurs, il sem
198 a preuve « d’une sorte de socialisation indirecte de la production ». Mais par ailleurs, il semble qu’au contraire, ce son
199 ui ont absorbé les petites sociétés. Méfions-nous d’ un certain abus du terme de « socialisme », trop fréquent chez les aut
200 sociétés. Méfions-nous d’un certain abus du terme de « socialisme », trop fréquent chez les auteurs de droite auxquels M.
201 de « socialisme », trop fréquent chez les auteurs de droite auxquels M. Rivaud ne se cache pas d’appartenir. Les renseigne
202 eurs de droite auxquels M. Rivaud ne se cache pas d’ appartenir. Les renseignements fournis sur l’économie paysanne sont pl
203 us précis, et paraissent autoriser mieux le terme de « socialisme agraire ». Il faut recommander spécialement la lecture d
204 cture du chapitre sur le Reichsnährstandg (office d’ alimentation). Quand il parle des doctrines nazies, on doit reprocher
205 s doctrines nazies, on doit reprocher à M. Rivaud de mêler trop souvent ses commentaires à l’exposé objectif des thèses hi
206 posé objectif des thèses hitlériennes. Son résumé de Mein Kampf reste flou : on ne sait trop ce qui est dit par Hitler et
207 op ce qui est dit par Hitler et ce qui est du cru de l’auteur. Enfin, le chapitre sur les Églises et la religion est super
208 igion est superficiel et souvent inexact : défaut d’ autant plus curieux que c’est essentiellement au nom de sa foi catholi
209 urs, en effet, quand il parle des méthodes nazies d’ usage interne, en politique et en économie. M. Rivaud ne cache pas l’a
210 t qu’il voit dans ces méthodes l’antithèse exacte de ce qui se passe en France. Et l’on en vient à se demander si ce n’est
211 nt à se demander si ce n’est pas surtout le souci de faire la leçon aux Français « de gauche » qui a poussé M. Rivaud à ét
212 surtout le souci de faire la leçon aux Français «  de gauche » qui a poussé M. Rivaud à étudier l’exemple allemand. Ce trav
213 la politique extérieure. Le résumé des événements de l’après-guerre tel que le donne l’auteur, paraît extrait des seules c
214 ne l’auteur, paraît extrait des seules chroniques de M. Bailby. À tel point qu’on omet d’y faire figurer le retrait de l’A
215 s chroniques de M. Bailby. À tel point qu’on omet d’ y faire figurer le retrait de l’Allemagne de la SDN, ainsi que la Conf
216 tel point qu’on omet d’y faire figurer le retrait de l’Allemagne de la SDN, ainsi que la Conférence du désarmement, dont l
217 pourtant le prétexte principal à la restauration de la Reichswehr ! Que ces critiques n’empêchent personne de lire ce liv
218 ichswehr ! Que ces critiques n’empêchent personne de lire ce livre ! Elles n’ont pour but que de faciliter une lecture à t
219 sonne de lire ce livre ! Elles n’ont pour but que de faciliter une lecture à tant d’égards urgente et révélatrice. f. R
220 ’ont pour but que de faciliter une lecture à tant d’ égards urgente et révélatrice. f. Rougemont Denis de, « [Compte ren
221 rds urgente et révélatrice. f. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Albert Rivaud, Le Relèvement de l’Allemagne (1918-1
222 de, « [Compte rendu] Albert Rivaud, Le Relèvement de l’Allemagne (1918-1938)  », La Flèche, Paris, 28 octobre 1938, p. 4.
5 1938, Articles divers (1938-1940). Réponse de Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 (novembre 1938)
223 Réponse de Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 (novembre 1938)h i
224 1938 (novembre 1938)h i Messieurs, Après tant d’ éloges, une prudence élémentaire me commanderait de me taire : quoi qu
225 ’éloges, une prudence élémentaire me commanderait de me taire : quoi que je dise, je ne pourrai que brouiller le cliché tr
226 famam, dit le latin. Mais il n’est plus question de reculer. En publiant mon Journal , je suis entré dans la voie des av
227 s la voie des aveux. J’ai même confessé certaines de mes superstitions. Il ne me reste qu’à persévérer, et c’est ce que je
228 je m’étais entièrement retiré dans l’élaboration d’ un ouvrage intitulé L’Amour et l’Occident . Je partais d’une réflexio
229 rage intitulé L’Amour et l’Occident . Je partais d’ une réflexion passionnée sur le mythe de la passion, la légende de Tri
230 e partais d’une réflexion passionnée sur le mythe de la passion, la légende de Tristan et Iseut. Nul n’ignore que ce mythe
231 passionnée sur le mythe de la passion, la légende de Tristan et Iseut. Nul n’ignore que ce mythe, demeuré si puissant dans
232 gnification secrète, qui est le combat du Jour et de la Nuit. J’espérais terminer mon livre aux alentours du 21 juin, date
233 livre aux alentours du 21 juin, date du solstice d’ été, triomphe solaire sur les ténèbres, à cette heure où Brangaine du
234 les ténèbres, à cette heure où Brangaine du haut de la tour jette le cri des « aubes » mystiques : « Prenez garde ! prene
235 manuscrit considérable. Le lendemain, 21, l’Opéra de Paris représentait pour la seule fois de l’année l’admirable Tristan
236 l’Opéra de Paris représentait pour la seule fois de l’année l’admirable Tristan de Wagner. J’obtins, comme par hasard, le
237 ure même où je terminais mon livre, vous décidiez de me donner votre prix. Et la lettre qui me l’annonçait portait la date
238 es relations des hommes entre eux ; des relations de l’écrivain avec les hommes parmi lesquels il vit ; enfin des relation
239 ommes parmi lesquels il vit ; enfin des relations de l’auteur et de son public. Or vous n’ignorez pas que mon souci tout h
240 quels il vit ; enfin des relations de l’auteur et de son public. Or vous n’ignorez pas que mon souci tout helvétique de di
241 vous n’ignorez pas que mon souci tout helvétique de dire le vrai, fût-il désobligeant, m’amenait à reconnaître que ces re
242 reconnaître que ces relations ne sont pas bonnes, de nos jours. J’allais même jusqu’à dire, dans mon livre, qu’elles sont
243 squ’à dire, dans mon livre, qu’elles sont en état de crise aiguë. Il me semblait que les hommes de la cité actuelle ont bi
244 tat de crise aiguë. Il me semblait que les hommes de la cité actuelle ont bien du mal à communier dans une même vérité véc
245 dans une même vérité vécue ; qu’ils sont souvent d’ autant plus seuls qu’ils se voient contraints par le sort de vivre tou
246 lus seuls qu’ils se voient contraints par le sort de vivre tous ensemble dans les villes. Il me semblait aussi que le lang
247 crivains était devenu, ou était resté, le langage d’ un très petit nombre, ou d’une caste, alors que dans le même temps l’i
248 tait resté, le langage d’un très petit nombre, ou d’ une caste, alors que dans le même temps l’instruction publique mettait
249 l’instruction publique mettait tout homme en état de lire des livres, sinon de les comprendre. D’où sont nés quantité de m
250 tait tout homme en état de lire des livres, sinon de les comprendre. D’où sont nés quantité de malentendus et d’illusions,
251 état de lire des livres, sinon de les comprendre. D’ où sont nés quantité de malentendus et d’illusions, largement exploité
252 , sinon de les comprendre. D’où sont nés quantité de malentendus et d’illusions, largement exploités par les démagogies d’
253 prendre. D’où sont nés quantité de malentendus et d’ illusions, largement exploités par les démagogies d’ailleurs les plus
254 t se portait donc à distinguer, et dans la mesure de mes moyens et dans mon champ, à dissiper ces malentendus et leurs cau
255 issiper ces malentendus et leurs causes. Le reste de votre jury m’inciterait à croire que j’y ai partiellement réussi : ca
256 ts ou mes contemporains, vous êtes le vrai public d’ un livre comme le Journal , celui qu’il cherche et qu’il espère rejoi
257 pourquoi j’ose voir dans votre décision le signe d’ une entente réalisée — et attestée avec munificence ! — entre un auteu
258 nce ! — entre un auteur et son public. Cet aspect de mon « problème des gens », vous l’avez résolu d’une manière que, pour
259 de mon « problème des gens », vous l’avez résolu d’ une manière que, pour ma part, je ne saurais qualifier que d’idéale !
260 re que, pour ma part, je ne saurais qualifier que d’ idéale ! Dois-je vous avouer que rien ne me préparait à l’espérer ? Vo
261 ncien bellettrien, — ce qui est encore plus digne de louange. Enfin, vous êtes des Suisses de Suisse, et vous couronnez un
262 rompu » avec mes origines. Vous avez fait justice de cette calomnie, avec tout l’éclat désirable. Et ce n’est pas le moind
263 es esprits turbulents allassent mettre au service de l’étranger une humeur belliqueuse qui, Dieu merci, ne trouvait pas à
264 nos cantons paisibles. Pourquoi n’y aurait-il pas de nos jours, sous une forme plus pacifique1, des écrivains qui renouera
265 ui renoueraient cette tradition ? Quelques années de service étranger, cela n’a jamais fait tort, bien au contraire, au se
266 fait tort, bien au contraire, au sens patriotique de nos ancêtres. Et il se peut que de nos jours, où la Suisse apparaît d
267 ns patriotique de nos ancêtres. Et il se peut que de nos jours, où la Suisse apparaît de plus en plus comme le symbole d’u
268 Suisse apparaît de plus en plus comme le symbole d’ une Europe à venir, fédérant ses précieuses différences, — il se peut
269 e service européen soit précisément dans la ligne d’ une vocation d’écrivain suisse. Il faut de tout pour faire une Suisse,
270 éen soit précisément dans la ligne d’une vocation d’ écrivain suisse. Il faut de tout pour faire une Suisse, surtout dans l
271 a ligne d’une vocation d’écrivain suisse. Il faut de tout pour faire une Suisse, surtout dans le plan de la culture. Il fa
272 tout pour faire une Suisse, surtout dans le plan de la culture. Il faut d’abord des hommes comme Ramuz, qui représentent
273 soi, j’entends la Suisse dans la réalité vivante d’ un de ses cantons ; des hommes qui, à force d’être Vaudois avec génie,
274 j’entends la Suisse dans la réalité vivante d’un de ses cantons ; des hommes qui, à force d’être Vaudois avec génie, soie
275 nte d’un de ses cantons ; des hommes qui, à force d’ être Vaudois avec génie, soient des valeurs européennes. Mais peut-êtr
276 ut-il ensuite, et à côté, des hommes qui essaient de représenter l’idée de la Suisse au regard de l’Europe ; des hommes qu
277 té, des hommes qui essaient de représenter l’idée de la Suisse au regard de l’Europe ; des hommes qui soient des Suisses p
278 soient des Suisses par cela même qu’ils essaient d’ être des Européens. C’est dans cette tradition — celle d’un Constant —
279 des Européens. C’est dans cette tradition — celle d’ un Constant — que je me suis trouvé rangé, un peu par la force des cho
280 y espérer quelque succès qu’à la seule condition de garder avec la Suisse réelle les liens les plus étroits. Que votre gé
281 naire, faut-il le préciser ? h. Rougemont Denis de , « Réponse de Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 », Feu
282 le préciser ? h. Rougemont Denis de, « Réponse de Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 », Feuille centrale
283 lauréat du prix Rambert 1938 », Feuille centrale de Zofingue, Neuchâtel, novembre 1938, p. 36-39. i. Pris remis pour réc
284 Pris remis pour récompenser l’auteur du Journal d’ un intellectuel en chômage .
6 1938, Articles divers (1938-1940). Réponse à l’enquête « Littérature et christianisme » (20 novembre 1938)
285 a pas une manière chrétienne et une manière athée de réussir une paire de souliers. Les souliers sont bons ou mauvais. Un
286 étienne et une manière athée de réussir une paire de souliers. Les souliers sont bons ou mauvais. Un roman, de même. Mais
287 ce que fait un chrétien, il le dédie à la gloire de Dieu, et c’est là toute la différence. Dira-t-on qu’elle n’est guère
288 e visible ? En effet, elle ne l’est pas. Il n’y a de visible, dans un roman, que sa technique, son métier, sa réussite ou
289 supposé que l’œuvre soit réussie du point de vue de l’art, donc transparente — c’est l’esprit qui animait l’auteur. Un ro
290  servir » que si l’auteur l’a fait dans un esprit de service. Or tout service qui n’est pas le service du Dieu vivant se t
291 niste doit se préoccuper des résultats politiques de son œuvre : servitude pour l’artiste. Mais un romancier chrétien n’a
292 qui convertit les hommes. L’unique préoccupation de l’artiste chrétien doit être de se maintenir en état de service penda
293 que préoccupation de l’artiste chrétien doit être de se maintenir en état de service pendant qu’il crée. Je suis d’accord
294 rtiste chrétien doit être de se maintenir en état de service pendant qu’il crée. Je suis d’accord avec Mauriac : le seul p
295 suis d’accord avec Mauriac : le seul problème est de « purifier la source ». Tout le reste est apologétique, c’est-à-dire
296 ique, c’est-à-dire mauvaise littérature. Aux yeux d’ un croyant, il n’est pas de comparaison possible entre la situation du
297 littérature. Aux yeux d’un croyant, il n’est pas de comparaison possible entre la situation du romancier chrétien et cell
298 chrétien sert son Dieu, — et ensuite Dieu se sert de lui et de son œuvre comme il Lui plait. Mais je m’aperçois que ce poi
299 ert son Dieu, — et ensuite Dieu se sert de lui et de son œuvre comme il Lui plait. Mais je m’aperçois que ce point de vue
300 certaine mesure, pourquoi « il n’est pas question d’ une littérature protestante ». En effet : le protestant ne considère p
301 service en tant qu’artiste puisse être différent de son service en tant qu’homme chrétien, ou cordonnier, ou magistrat. L
302 ou magistrat. Les « œuvres » — dans tous les sens de ce terme — ne sauraient être pour lui que l’expression de sa foi au s
303 rme — ne sauraient être pour lui que l’expression de sa foi au sein du monde réel. Elles ne valent rien en elles-mêmes, ho
304 es sont un service ; elles ne sont pas au service d’ une cause ou d’un parti, fût-il baptisé « chrétien ». (Je parle idéale
305 ice ; elles ne sont pas au service d’une cause ou d’ un parti, fût-il baptisé « chrétien ». (Je parle idéalement : nous avo
306 ous aussi une pénible « littérature protestante » d’ édification.) Elles sont encore une action de grâce, comme le Magnific
307 te » d’édification.) Elles sont encore une action de grâce, comme le Magnificat de Bach. Pour préciser : un artiste protes
308 t encore une action de grâce, comme le Magnificat de Bach. Pour préciser : un artiste protestant (Rembrandt, Du Bartas, Se
309 rlöf, Ramuz) ne cherche pas à persuader le public de la beauté de sa religion, mais cherche à exprimer l’humain dans sa ré
310 ne cherche pas à persuader le public de la beauté de sa religion, mais cherche à exprimer l’humain dans sa réalité totale,
311 partir de là ne se posent plus que des problèmes d’ ordre technique. Nous autres écrivains de la Réforme, nous aimerions n
312 roblèmes d’ordre technique. Nous autres écrivains de la Réforme, nous aimerions nous comparer au Jean-Baptiste du fameux r
313 nous comparer au Jean-Baptiste du fameux retable de Grünewald à Colmar : nos œuvres ne seront jamais que cette main qui d
314 u’il croisse et que je diminue. » Et nous dirions de notre public ce que disait de son malade le calviniste Ambroise Paré 
315 . » Et nous dirions de notre public ce que disait de son malade le calviniste Ambroise Paré : « Je le pansay. Dieu le guar
316 rsonne. On ne nous demande qu’un diagnostic exact de l’humain, c’est-à-dire, je le répète : une expression vraiment totale
317  : une expression vraiment totale et sans réserve de l’homme tel que le voient les yeux de la foi : dans le péché où Dieu
318 ans réserve de l’homme tel que le voient les yeux de la foi : dans le péché où Dieu le cherche et où la grâce vient le tro
319 par d’autres voies que celles qu’il nous plaisait d’ imaginer… j. Rougemont Denis de, « Littérature et christianisme »,
320 l nous plaisait d’imaginer… j. Rougemont Denis de , « Littérature et christianisme », La Cité chrétienne, Bruxelles, 20
321 , Bruxelles, 20 novembre 1938, p. 57. k. Précédé de la notice suivante : « Et voici la réponse d’un protestant. Par sa pe
322 édé de la notice suivante : « Et voici la réponse d’ un protestant. Par sa pensée ferme et drue, Denis de Rougemont exerce
323 es”. On trouve là un des plus authentiques essais de construction de notre temps. Politique de la personne , Penser avec
324 à un des plus authentiques essais de construction de notre temps. Politique de la personne , Penser avec les mains , le
325 essais de construction de notre temps. Politique de la personne , Penser avec les mains , le Journal d’un intellectuel
326 a personne , Penser avec les mains , le Journal d’ un intellectuel en chômage , et les autres écrits de Rougemont en sont
7 1939, Articles divers (1938-1940). Quel est le rôle de l’Université dans le pays ? (1939)
327 Quel est le rôle de l’Université dans le pays ? (1939)m … Quel est le rôle de l’Univer
328 sité dans le pays ? (1939)m … Quel est le rôle de l’Université dans le pays ? Serait-ce de distribuer de l’instruction,
329 le rôle de l’Université dans le pays ? Serait-ce de distribuer de l’instruction, de vendre au poids des connaissances tec
330 Université dans le pays ? Serait-ce de distribuer de l’instruction, de vendre au poids des connaissances techniques, grâce
331 pays ? Serait-ce de distribuer de l’instruction, de vendre au poids des connaissances techniques, grâce auxquelles l’étud
332 grâce auxquelles l’étudiant se verrait en mesure de gagner maigrement sa vie dans une profession libérale ? On le croit s
333 qui fait que l’on gagne sa vie, ou qu’on supporte de ne la point gagner, vous le savez bien : ce sont des trucs de métier,
334 nt gagner, vous le savez bien : ce sont des trucs de métier, si j’ose dire, des trucs que l’on n’apprend qu’à l’expérience
335 er. Et il serait bien sot, il serait même barbare de le lui reprocher un seul instant. Nous attendons de l’Université tout
336 le lui reprocher un seul instant. Nous attendons de l’Université tout autre chose. Je puis le dire à sa louange : ce que
337 . Je puis le dire à sa louange : ce que j’ai reçu d’ elle, de plus précieux, c’est ce qu’elle m’a donné sans le vouloir : u
338 donné sans le vouloir : une atmosphère, un milieu de vie, et bien au-delà d’une instruction : des possibilités de culture,
339 une atmosphère, un milieu de vie, et bien au-delà d’ une instruction : des possibilités de culture, au sens le plus large p
340 bien au-delà d’une instruction : des possibilités de culture, au sens le plus large possible. Cela englobe, évidemment, un
341 ble. Cela englobe, évidemment, une certaine somme de connaissances indispensables pour le jour de l’examen. Mais cela engl
342 omme de connaissances indispensables pour le jour de l’examen. Mais cela englobe aussi tant d’autres choses ! Une certaine
343 aussi tant d’autres choses ! Une certaine qualité de loisirs, de réflexions aventureuses, de rêveries et de conversations
344 ’autres choses ! Une certaine qualité de loisirs, de réflexions aventureuses, de rêveries et de conversations interminable
345 e qualité de loisirs, de réflexions aventureuses, de rêveries et de conversations interminables, — ces stations au café de
346 isirs, de réflexions aventureuses, de rêveries et de conversations interminables, — ces stations au café de la Rotonde, ce
347 nversations interminables, — ces stations au café de la Rotonde, ce n’est pas le moment de les oublier ! — la vie nocturne
348 ons au café de la Rotonde, ce n’est pas le moment de les oublier ! — la vie nocturne de l’étudiant, des lectures qui ne se
349 pas le moment de les oublier ! — la vie nocturne de l’étudiant, des lectures qui ne servent à rien, des promenades qui ne
350 mais plus nous ne le ferons plus tard, la couleur de nos pierres après la pluie, et l’odeur du lac immobile… Tout cela peu
351 ’odeur du lac immobile… Tout cela peut se résumer d’ un mot. C’est le romantisme éternel. C’est tout ce que l’on aura plus
352 e l’on aura plus tard toutes les raisons du monde de condamner, mais sans quoi notre vie demeurerait privée de sa plus émo
353 mner, mais sans quoi notre vie demeurerait privée de sa plus émouvante saveur. Je sais : toutes les générations ont cru qu
354 été aussi folles que nous, et s’il serait décent de le souhaiter. Mais c’est avec plus de tendresse que de remords que je
355 rait décent de le souhaiter. Mais c’est avec plus de tendresse que de remords que je me rappelle, ce soir, ces folies-là.
356 souhaiter. Mais c’est avec plus de tendresse que de remords que je me rappelle, ce soir, ces folies-là. Nous vivions dans
357 soir, ces folies-là. Nous vivions dans une sorte d’ euphorie constante, coupée de somnolences, d’heures de paresse, voire
358 vions dans une sorte d’euphorie constante, coupée de somnolences, d’heures de paresse, voire même de gueule de bois — et d
359 orte d’euphorie constante, coupée de somnolences, d’ heures de paresse, voire même de gueule de bois — et d’accès d’enthous
360 phorie constante, coupée de somnolences, d’heures de paresse, voire même de gueule de bois — et d’accès d’enthousiasme pat
361 e de somnolences, d’heures de paresse, voire même de gueule de bois — et d’accès d’enthousiasme pathétiques ! Nous passion
362 lences, d’heures de paresse, voire même de gueule de bois — et d’accès d’enthousiasme pathétiques ! Nous passions des soir
363 res de paresse, voire même de gueule de bois — et d’ accès d’enthousiasme pathétiques ! Nous passions des soirées et des nu
364 aresse, voire même de gueule de bois — et d’accès d’ enthousiasme pathétiques ! Nous passions des soirées et des nuits que
365 qui étaient simplement lyriques. Durant des mois d’ hiver, notre vie tournoyait dans l’atmosphère des « Théâtrales » — cur
366 turnales — les théâtrales, rien de plus évocateur d’ un état de fête collectif et prolongé… Pendant des mois, ai-je dit, ca
367 les théâtrales, rien de plus évocateur d’un état de fête collectif et prolongé… Pendant des mois, ai-je dit, car il falla
368 r, la promener pour la rejouer je ne sais combien de fois, un peu plus chaque année. Mais le plus beau, c’était que nous f
369 s à des décors, la nuit, nous avions l’impression de circuler sur une scène perpétuelle. Les bons bourgeois n’étaient plus
370 rgeois n’étaient plus, à nos yeux, que des sortes de figurants, ignorant tout du sens réel de notre drame. Ils nous voyaie
371 s sortes de figurants, ignorant tout du sens réel de notre drame. Ils nous voyaient passer, cheveux au vent, des foulards
372 mment noués autour du cou, avec des mines fatales d’ insomnies et des restes de fard aux joues. Nous dansions autour d’une
373 avec des mines fatales d’insomnies et des restes de fard aux joues. Nous dansions autour d’une flamme invisible à tout au
374 es restes de fard aux joues. Nous dansions autour d’ une flamme invisible à tout autre qu’à nous, et dont nous n’étions mêm
375 sie. Il y avait peut-être autre chose. Une espèce de recherche inconsciente de réalités plus vivantes, de drames plus vrai
376 autre chose. Une espèce de recherche inconsciente de réalités plus vivantes, de drames plus vrais que ceux dont nous faisi
377 recherche inconsciente de réalités plus vivantes, de drames plus vrais que ceux dont nous faisions la montre… Mais ceci c’
378 … Ne serait-ce pas notre rôle actuel, en Suisse, de maintenir cette tradition du romantisme et des féconds loisirs qui a
379 tisme et des féconds loisirs qui a fait la gloire d’ une Heidelberg, d’une Tubingue, et de tant d’autres petites cités où r
380 ds loisirs qui a fait la gloire d’une Heidelberg, d’ une Tubingue, et de tant d’autres petites cités où résonnent aujourd’h
381 it la gloire d’une Heidelberg, d’une Tubingue, et de tant d’autres petites cités où résonnent aujourd’hui des chants… d’un
382 etites cités où résonnent aujourd’hui des chants… d’ une autre espèce ? Ne serait-ce pas à nous de maintenir et d’illustrer
383 nts… d’une autre espèce ? Ne serait-ce pas à nous de maintenir et d’illustrer aux yeux du monde moderne une de ces vérités
384 espèce ? Ne serait-ce pas à nous de maintenir et d’ illustrer aux yeux du monde moderne une de ces vérités qu’il méconnaît
385 enir et d’illustrer aux yeux du monde moderne une de ces vérités qu’il méconnaît, mais qui lui survivra sans doute : c’est
386 déplacée ce soir, dans cette halte du souvenir et de l’amitié. Vraiment, quel danger y aurait-il à faire l’éloge d’une cer
387 Vraiment, quel danger y aurait-il à faire l’éloge d’ une certaine paresse dans une occasion de ce genre ? Ce ne sera jamais
388 l’éloge d’une certaine paresse dans une occasion de ce genre ? Ce ne sera jamais, hélas, qu’une fois tous les cent ans !
389 ne fois tous les cent ans ! m. Rougemont Denis de , « Quel est le rôle de l’université dans le pays ? », Bulletin de l’A
390 ns ! m. Rougemont Denis de, « Quel est le rôle de l’université dans le pays ? », Bulletin de l’Association des anciens
391 e rôle de l’université dans le pays ? », Bulletin de l’Association des anciens étudiants de l’Université de Neuchâtel, Neu
392 , Bulletin de l’Association des anciens étudiants de l’Université de Neuchâtel, Neuchâtel, 1939, p. 150-151.
393 Association des anciens étudiants de l’Université de Neuchâtel, Neuchâtel, 1939, p. 150-151.
8 1939, Articles divers (1938-1940). Le protestantisme créateur de personnes (1939)
394 Le protestantisme créateur de personnes (1939)l Je souhaite que beaucoup d’entre vous2, aperceva
395 e que beaucoup d’entre vous2, apercevant le titre de cette conférence, aient ressenti quelque méfiance. Je souhaite que be
396 urieuse, ou peut-être grave, ou en tout cas digne de réflexion, car c’est à elle précisément que je me propose de répondre
397 n, car c’est à elle précisément que je me propose de répondre ici. Comment passer du zéro de l’homme devant Dieu à la vale
398 e propose de répondre ici. Comment passer du zéro de l’homme devant Dieu à la valeur infinie de la personnalité ? Comment
399 u zéro de l’homme devant Dieu à la valeur infinie de la personnalité ? Comment passer de notre théologie à notre histoire 
400 aleur infinie de la personnalité ? Comment passer de notre théologie à notre histoire ? Qu’est-ce que cette personnalité d
401 curieusement entre zéro et l’infini, et dont tant d’ auteurs non protestants ou incroyants nous font une gloire peut-être i
402 ut-être intempestive ? Le problème est, je crois, d’ autant plus actuel que les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’Église
403 tourner vers le passé pour y trouver le réconfort d’ anciennes victoires, d’exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur d
404 our y trouver le réconfort d’anciennes victoires, d’ exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur de l’attaque qui se prép
405 , d’exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur de l’attaque qui se prépare contre le monde chrétien, beaucoup, jusque p
406 p, jusque parmi les incroyants, sentent le besoin de reprendre pied sur les vieilles bases spirituelles, rudes et monument
407 tous leurs appuis. Et c’est sans doute à ce désir de certitude renouvelée, à ce désir de retrouver confiance en soi, que j
408 te à ce désir de certitude renouvelée, à ce désir de retrouver confiance en soi, que je devrais répondre en exaltant ici l
409 pondre en exaltant ici le protestantisme créateur de personnalités, ou défenseur d’une certaine dignité humaine. Eh bien,
410 stantisme créateur de personnalités, ou défenseur d’ une certaine dignité humaine. Eh bien, je ne vois aucune raison de déc
411 ignité humaine. Eh bien, je ne vois aucune raison de décevoir une telle attente. Mais attention ! Cette interrogation pres
412 ! Cette interrogation pressante, il ne s’agit pas de lui offrir n’importe quelle réponse flatteuse ou approximative. Et ce
413 réponse flatteuse ou approximative. Et ce besoin de certitude, il s’agit de la combler en vérité. La menace est sérieuse,
414 proximative. Et ce besoin de certitude, il s’agit de la combler en vérité. La menace est sérieuse, les événements de septe
415 en vérité. La menace est sérieuse, les événements de septembre et toute la suite l’ont fait voir aux plus optimistes. En R
416 nous atteint déjà par contrecoup, et il est sage de s’attendre à bien pire. C’est donc le moment ou jamais de se montrer
417 endre à bien pire. C’est donc le moment ou jamais de se montrer très rigoureux dans le choix des moyens de défense. Et, pa
418 e montrer très rigoureux dans le choix des moyens de défense. Et, par exemple, si beaucoup sont prêts à louer la Réforme d
419 xemple, si beaucoup sont prêts à louer la Réforme d’ être une école de personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c
420 up sont prêts à louer la Réforme d’être une école de personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c’est le moment po
421 art contre la barbarie, c’est le moment pour nous de préciser comment, pourquoi, dans quel esprit surtout le protestantism
422 est effectivement cela. I Depuis une dizaine d’ années, une discussion générale s’est instituée sur les notions de per
423 scussion générale s’est instituée sur les notions de personne, d’individu et de personnalité. Il existe un mouvement perso
424 rale s’est instituée sur les notions de personne, d’ individu et de personnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui
425 tituée sur les notions de personne, d’individu et de personnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui a pris pour tâ
426 un mouvement personnaliste qui a pris pour tâche de démêler ces notions et de fonder sur elles un ordre social renouvelé.
427 e qui a pris pour tâche de démêler ces notions et de fonder sur elles un ordre social renouvelé. Des philosophes tels que
428 ue, Berdiaev du côté orthodoxe, un certain nombre de jeunes protestants, beaucoup d’agnostiques aussi, se sont efforcés de
429 un certain nombre de jeunes protestants, beaucoup d’ agnostiques aussi, se sont efforcés de démontrer l’importance concrète
430 s, beaucoup d’agnostiques aussi, se sont efforcés de démontrer l’importance concrète d’une définition de la personne pour
431 sont efforcés de démontrer l’importance concrète d’ une définition de la personne pour toute action dans la cité. Ces disc
432 démontrer l’importance concrète d’une définition de la personne pour toute action dans la cité. Ces discussions, souvent
433 dans la cité. Ces discussions, souvent encombrées de jargon philosophique, peuvent apparaître byzantines au grand public.
434 n’en reste pas moins que le mot d’ordre « Défense de la personne humaine » est devenu le slogan par excellence des hommes
435 s. Ce fait, et toutes les équivoques que risquent d’ entraîner de telles notions, me paraissent revêtir une importance part
436 et toutes les équivoques que risquent d’entraîner de telles notions, me paraissent revêtir une importance particulière pou
437 nous protestants, tantôt pour les fermes soutiens de la personnalité, tantôt pour de dangereux individualistes. C’est donc
438 s fermes soutiens de la personnalité, tantôt pour de dangereux individualistes. C’est donc vraiment de nos affaires qu’il
439 de dangereux individualistes. C’est donc vraiment de nos affaires qu’il s’agit dans cette discussion. Nous y avons notre m
440 notions par des exemples historiques susceptibles de faire image. Si nous remontons aux origines, si nous cherchons commen
441 comment sont apparues dans l’Histoire les notions d’ individu et de personne, et les systèmes qui s’y opposent, nous verron
442 pparues dans l’Histoire les notions d’individu et de personne, et les systèmes qui s’y opposent, nous verrons mieux commen
443 ieux comment se situe la Réforme dans l’évolution de l’Europe, et quel principe central elle doit y incarner, de nos jours
444 e, et quel principe central elle doit y incarner, de nos jours sans doute plus que jamais. Prenons d’abord l’individu. Con
445 n’est pas une invention du siècle des Lumières et de la Déclaration des droits de l’homme. C’est une invention grecque, et
446 recque, et sa naissance signale la naissance même de l’hellénisme. L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout d’un cou
447 e même de l’hellénisme. L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout d’un coup se met à réfléchir pour son compte, et qu
448 e. L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout d’ un coup se met à réfléchir pour son compte, et qui, de ce fait même, s
449 coup se met à réfléchir pour son compte, et qui, de ce fait même, se distingue du groupe naturel, et s’isole. Le groupe p
450 le lien du sang, des morts communs, et par celui de la terreur sacrée. C’est autour d’un tabou et autour des tombeaux, ob
451 , et par celui de la terreur sacrée. C’est autour d’ un tabou et autour des tombeaux, objets d’effroi, que se rassemble la
452 autour d’un tabou et autour des tombeaux, objets d’ effroi, que se rassemble la société primitive. Ce qu’elle adore, c’est
453 phobe. Mais supposez maintenant qu’un des membres de la tribu se mette à raisonner à part soi. Raisonner, c’est d’abord do
454 s sacrés du groupe, et par là même à son principe de tyrannie. Ce mouvement d’arrachement au sacré sombre, à l’empire des
455 là même à son principe de tyrannie. Ce mouvement d’ arrachement au sacré sombre, à l’empire des morts, ce mouvement de dis
456 sacré sombre, à l’empire des morts, ce mouvement de dissolution de la communauté primitive, c’est la naissance même de la
457 à l’empire des morts, ce mouvement de dissolution de la communauté primitive, c’est la naissance même de la Grèce. Sur le
458 la communauté primitive, c’est la naissance même de la Grèce. Sur le fond indistinct des peuplades indo-germaniques, les
459 st important : à l’origine, individu est synonyme de criminel. Mais peu à peu, ces individus se groupent pour constituer d
460 à peu, ces individus se groupent pour constituer de nouvelles communautés (les thiases) comparables à la cité au sens mod
461 erne. Alors que la tribu était liée par des liens d’ origine — le sang, la famille — la cité est fondée sur l’intérêt commu
462 térêt commun et les contrats. Alors que la morale de la tribu dicte des devoirs sacrés, dans la cité on parle de droits. T
463 u dicte des devoirs sacrés, dans la cité on parle de droits. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière
464 dans la cité on parle de droits. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière minutieusement prescrite pa
465 roits. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière minutieusement prescrite par les usages, et toute con
466 chacun cherche à se distinguer. On met son point d’ honneur à faire mieux que le voisin, ou tout au moins à faire autremen
467 utonome et conscient. La définition la plus noble de l’individu nous est fournie à ce moment par Socrate, lorsqu’il nous d
468 is-toi toi-même, c’est-à-dire : prends conscience de ton existence individuelle, libère-toi des déterminations sacrées et
469 eut-être peut-on rapprocher cette tendance morale de celle qui poussa les physiciens de la Grèce à créer la notion d’atome
470 endance morale de celle qui poussa les physiciens de la Grèce à créer la notion d’atome, les philosophes à formuler le pri
471 ussa les physiciens de la Grèce à créer la notion d’ atome, les philosophes à formuler le principe d’individuation, les lég
472 n d’atome, les philosophes à formuler le principe d’ individuation, les législateurs et les artistes à concentrer leur atte
473 attention sur l’homme et son destin particulier. D’ où le héros, d’où la statue, d’où le tragique (Antigone s’opposant aux
474 l’homme et son destin particulier. D’où le héros, d’ où la statue, d’où le tragique (Antigone s’opposant aux décisions sacr
475 estin particulier. D’où le héros, d’où la statue, d’ où le tragique (Antigone s’opposant aux décisions sacrées de l’État) ;
476 agique (Antigone s’opposant aux décisions sacrées de l’État) ; — d’où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade cou
477 e s’opposant aux décisions sacrées de l’État) ; —  d’ où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de
478 décisions sacrées de l’État) ; — d’où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu
479 rées de l’État) ; — d’où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu’on parle de
480 gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu’on parle de lui, qu’on le distingue… C’est là encor
481 iade coupe la queue de son chien pour qu’on parle de lui, qu’on le distingue… C’est là encore une assez bonne définition d
482 ingue… C’est là encore une assez bonne définition de l’individu. Toutefois, ce mouvement centrifuge, par rapport à la comm
483 mouvement centrifuge, par rapport à la communauté d’ origine, s’il se confond d’abord, soulignons-le, avec l’intelligence e
484 duit fatalement ce que j’appellerais un sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à u
485 rais un sentiment de vide social. C’est une sorte d’ angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus s
486 e vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’ où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus solide, où l’individ
487 Empire romain qui nous donnera le symbole éternel de cette réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce, symboliq
488 éternel de cette réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce, symboliquement interprétée, c’est la victoire de l
489 ce, symboliquement interprétée, c’est la victoire de l’étatisme sur l’individualisme social. L’État romain, rural et milit
490 son appareil rigide, devait fatalement triompher d’ une Grèce que nous dirions « atomisée ». Le vide social créé par l’ind
491 bureaucratie, sa police, fonctionnera d’ailleurs d’ autant plus facilement qu’il n’aura plus affaire qu’à une poussière d’
492 ment qu’il n’aura plus affaire qu’à une poussière d’ individus déracinés, n’offrant plus de résistance appréciable. Vous vo
493 e poussière d’individus déracinés, n’offrant plus de résistance appréciable. Vous voyez qu’entre individualisme et dictatu
494 pposition n’est qu’apparente : en réalité, il y a de l’un à l’autre un lien de cause à effet ou plus exactement, de succes
495 te : en réalité, il y a de l’un à l’autre un lien de cause à effet ou plus exactement, de succession fatale. L’individu ne
496 utre un lien de cause à effet ou plus exactement, de succession fatale. L’individu ne s’oppose à l’État qu’à la manière do
497 gards, l’étatisme ne fait qu’achever le processus de dissolution sociale commencé par l’individualisme. L’individu s’était
498 structure organique ne s’oppose plus à son action d’ unification, de « mise au pas ». C’est avec la poussière des individus
499 ique ne s’oppose plus à son action d’unification, de « mise au pas ». C’est avec la poussière des individus que l’État fer
500 éraciner pour mieux discipliner, cela seul permet de constituer un bloc puissant vis-à-vis de l’extérieur ; un bloc qui pr
501 à-vis de l’extérieur ; un bloc qui prend l’allure d’ une armée. Le vice d’un tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu t
502 ; un bloc qui prend l’allure d’une armée. Le vice d’ un tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu toutes les initiatives
503 tes, et qu’il finit par s’effondrer sous le poids de son appareil dévorateur. Et cela ne manque pas de se produire lorsque
504 de son appareil dévorateur. Et cela ne manque pas de se produire lorsque la majorité des citoyens se trouve réduite à l’ét
505 majorité des citoyens se trouve réduite à l’état de fonctionnaires ou de soldats. C’est l’histoire de la décadence de Rom
506 s se trouve réduite à l’état de fonctionnaires ou de soldats. C’est l’histoire de la décadence de Rome. Le type d’homme qu
507 de fonctionnaires ou de soldats. C’est l’histoire de la décadence de Rome. Le type d’homme que suppose l’État romain, c’es
508 s ou de soldats. C’est l’histoire de la décadence de Rome. Le type d’homme que suppose l’État romain, c’est donc l’individ
509 C’est l’histoire de la décadence de Rome. Le type d’ homme que suppose l’État romain, c’est donc l’individu embrigadé, le f
510 rsona. Ce mot qui désignait à l’origine le masque de l’acteur, signifiera bientôt le « rôle » que joue le citoyen. Dans l’
511 esclaves, par exemple, qui forment les deux tiers de la population, ne sont pas des personnes, puisqu’ils ne jouent pas de
512 sont pas des personnes, puisqu’ils ne jouent pas de rôle dans les rouages de l’État. Il est important de rappeler ce sens
513 puisqu’ils ne jouent pas de rôle dans les rouages de l’État. Il est important de rappeler ce sens romain du mot personne.
514 rôle dans les rouages de l’État. Il est important de rappeler ce sens romain du mot personne. Je le traduirais volontiers
515 uirais volontiers en langage moderne par le terme de milicien ou de soldat politique. Nous allons le voir se transformer s
516 rs en langage moderne par le terme de milicien ou de soldat politique. Nous allons le voir se transformer substantiellemen
517 ocabulaire chrétien. Car voici le moment décisif de notre histoire. La Grèce individualiste a triomphé de la communauté b
518 otre histoire. La Grèce individualiste a triomphé de la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a sombré dans l’an
519 te. Quelle sera la nouvelle société ? En ce point de l’évolution, dans cette angoisse, deux solutions paraissent possibles
520 ecréer la communauté primitive, à base de sang et de liens sacrés : c’est une régression vers la barbarie, mais qui flatte
521 isfait le rêve nostalgique du retour à la nature, d’ une fraternité plus charnelle, d’une communion avec la masse dans le m
522 our à la nature, d’une fraternité plus charnelle, d’ une communion avec la masse dans le mystère des origines : souvenirs,
523 ai une communauté régressive. L’autre possibilité de communauté, c’est celle qu’imagine l’être spirituel. C’est l’espoir d
524 celle qu’imagine l’être spirituel. C’est l’espoir d’ une société d’un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur l
525 ne l’être spirituel. C’est l’espoir d’une société d’ un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur les contraintes
526 lois, mais sur l’attente commune et enthousiaste d’ un au-delà libérateur. Ce n’est plus le rêve du retour aux origines, c
527 lus le rêve du retour aux origines, c’est le rêve d’ un avenir éternel, d’une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attent
528 aux origines, c’est le rêve d’un avenir éternel, d’ une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’une communauté pr
529 éternel, d’une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’une communauté progressive. La réalisation historique de
530 ne révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’ une communauté progressive. La réalisation historique de la première p
531 communauté progressive. La réalisation historique de la première possibilité s’est amorcée dès la fin de la République rom
532 la première possibilité s’est amorcée dès la fin de la République romaine, quand le César est devenu un dieu. Et c’est l’
533 and le César est devenu un dieu. Et c’est l’échec de cette religion d’État, confondu avec l’échec plus général d’une socié
534 evenu un dieu. Et c’est l’échec de cette religion d’ État, confondu avec l’échec plus général d’une société bureaucratisée,
535 ligion d’État, confondu avec l’échec plus général d’ une société bureaucratisée, qui a permis et préparé le triomphe du chr
536 Mais je demeure persuadé que la seule possibilité d’ une communauté progressive n’eût pas suffi à éveiller la volonté de la
537 progressive n’eût pas suffi à éveiller la volonté de la réaliser et de la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait h
538 pas suffi à éveiller la volonté de la réaliser et de la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’un a
539 r la volonté de la réaliser et de la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’un acte vînt transforme
540 dynamique. Et ce fait, c’est l’événement central de toute l’Histoire, la seule nouveauté absolue de tous les temps : l’in
541 l de toute l’Histoire, la seule nouveauté absolue de tous les temps : l’incarnation de Dieu dans l’homme fondant une socié
542 uveauté absolue de tous les temps : l’incarnation de Dieu dans l’homme fondant une société absolument nouvelle : l’Église.
543 ace ici ? C’est une communauté spirituelle formée d’ un grand nombre de petites communautés locales, que l’on pourrait appe
544 e communauté spirituelle formée d’un grand nombre de petites communautés locales, que l’on pourrait appeler d’un terme mod
545 es communautés locales, que l’on pourrait appeler d’ un terme moderne : des cellules. Ces communautés ne sont pas fondées s
546  », écrit saint Paul. Elles ne tiennent compte ni de la race, ni des traditions, ni du rang social : on y trouve des escla
547 as terrestre : il s’est assis au Ciel à la droite de Dieu. Leurs ambitions non plus ne sont pas terrestres, car ce qu’elle
548 autés étranges constituent bel et bien les germes d’ une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chef
549 ielle, mais ils y trouvent aussi des possibilités de servir leurs frères. Ils se voient donc libérés, et du même coup enga
550 ns un corps social nouveau. Prenons le cas social de l’esclave qui devient chrétien. Alors que l’État romain lui déniait t
551 t spontanée, l’Église lui rend sa dignité humaine d’ individu et son rôle actif de persona. Spirituellement, il se produit
552 d sa dignité humaine d’individu et son rôle actif de persona. Spirituellement, il se produit un phénomène parallèle : le p
553 païen qui se convertit se voit d’une part racheté de son péché ; et d’autre part, il reçoit une mission nouvelle, une voca
554 ement et socialement, l’Église est une communauté d’ hommes qui sont à la fois libres et engagés. Libérés par Celui qui les
555 uisqu’ils traduisent deux aspects complémentaires d’ une seule et même réalité : la conversion. Tel est l’homme neuf, créé
556 as l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de se distinguer. Et ce n’est pas non plus la persona du d
557 grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de se distinguer. Et ce n’est pas non plus la persona du droit romain, p
558 i a une vocation possède une dignité indépendante de son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou plu
559 le Père, le Fils et le Saint-Esprit, les docteurs de l’Église grecque avaient adopté le terme romain de persona. C’est ce
560 e l’Église grecque avaient adopté le terme romain de persona. C’est ce même terme qui va servir aux premiers philosophes c
561 miers philosophes chrétiens à désigner la réalité de l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme, lui aussi, se trou
562 mot avec son sens nouveau, et la réalité sociale de la personne, sont bel et bien des créations chrétiennes ou, pour mieu
563 ns chrétiennes ou, pour mieux dire, des créations de l’Église chrétienne. Voici donc définis par leurs origines, et dans
564 et dans leur genèse historique, les maîtres mots de notre conception occidentale de l’homme : l’individu et la personne.
565 les maîtres mots de notre conception occidentale de l’homme : l’individu et la personne. Et vous voyez que la distinction
566 inction entre ces deux vocables si courants, loin d’ être une querelle byzantine, ne traduit rien de moins, dans les débuts
567 in d’être une querelle byzantine, ne traduit rien de moins, dans les débuts, que la distinction entre l’homme naturel et l
568 nt posées, faisons dans nos pensées un petit saut de quelques siècles, pour retomber tout à la fois dans l’époque de la Ré
569 ècles, pour retomber tout à la fois dans l’époque de la Réformation et dans le sujet précis qui nous occupe. L’Église des
570 es premiers siècles a repris peu à peu l’héritage de l’Empire romain. Elle s’est peu à peu substituée aux cadres sclérosés
571 aux cadres sclérosés du vieux régime. La capitale de l’Empire d’Occident, ses hiérarchies, sa centralisation, sa structure
572 clérosés du vieux régime. La capitale de l’Empire d’ Occident, ses hiérarchies, sa centralisation, sa structure unitaire, c
573 mes liturgiques, tout cela fait partie intégrante de la chrétienté médiévale. Or, cette collusion peut-être inévitable de
574 diévale. Or, cette collusion peut-être inévitable de l’Église et de l’Empire temporel, recréa, tout au long du Moyen Âge,
575 tte collusion peut-être inévitable de l’Église et de l’Empire temporel, recréa, tout au long du Moyen Âge, une sorte de co
576 rel, recréa, tout au long du Moyen Âge, une sorte de communauté sacrée, de société sacrale d’allure collectiviste. Il fall
577 ong du Moyen Âge, une sorte de communauté sacrée, de société sacrale d’allure collectiviste. Il fallait le prévoir. En eff
578 ne sorte de communauté sacrée, de société sacrale d’ allure collectiviste. Il fallait le prévoir. En effet, la personne chr
579 En effet, la personne chrétienne était une sorte de paradoxe : elle unissait l’individu libre et la persona ou fonction s
580 mmunauté fondée sur la personne courait le danger d’ une double déviation : d’une part vers l’individualisme, d’autre part
581 le et collective. » C’est-à-dire que la collusion de l’Église et du pouvoir politique tendait à opprimer la liberté de la
582 u pouvoir politique tendait à opprimer la liberté de la personne, en absorbant celle-ci de plus en plus dans des engagemen
583 situation quelque peu analogue à celle des débuts de la Grèce, en ce sens qu’une révolte de l’individu ne tarde pas à se m
584 des débuts de la Grèce, en ce sens qu’une révolte de l’individu ne tarde pas à se manifester. Cette révolte, c’est la Rena
585 r quelques traits qui rappelleront ma description de la Grèce individualiste. L’individu de la Renaissance est d’abord un
586 escription de la Grèce individualiste. L’individu de la Renaissance est d’abord un révolté qui oppose ses besoins propres
587 qui oppose ses besoins propres aux dogmes sacrés de la collectivité. Il revendique le droit de discuter, c’est-à-dire le
588 sacrés de la collectivité. Il revendique le droit de discuter, c’est-à-dire le libre examen de toutes choses. Il est assoi
589 e droit de discuter, c’est-à-dire le libre examen de toutes choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse, de sa propre
590 le libre examen de toutes choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse, de sa propre gloire et de sa propre richesse,
591 en de toutes choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse, de sa propre gloire et de sa propre richesse, fussent-elles
592 choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse, de sa propre gloire et de sa propre richesse, fussent-elles acquises aux
593 de gloire et de richesse, de sa propre gloire et de sa propre richesse, fussent-elles acquises aux dépens de sa famille e
594 ussent-elles acquises aux dépens de sa famille et de sa cité, aux dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre de crime
595 pens de sa famille et de sa cité, aux dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Itali
596 famille et de sa cité, aux dépens même de la vie d’ autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Italie du xve
597 x dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Italie du xve siècle à seule fin de s’ac
598 t commis dans l’Italie du xve siècle à seule fin de s’acquérir de la renommée. Et les pirates siciliens, fondateurs du ca
599 l’Italie du xve siècle à seule fin de s’acquérir de la renommée. Et les pirates siciliens, fondateurs du capitalisme comm
600 cial, sont souvent cités comme les premiers types d’ individus au sens moderne. Nous retrouvons ici cette liaison mystérieu
601 ici cette liaison mystérieuse entre la naissance de l’individu et le crime social. Enfin l’individu de la Renaissance se
602 e l’individu et le crime social. Enfin l’individu de la Renaissance se livre à une activité toute nouvelle : l’expérimenta
603 érimentation scientifique libre. Tout cela relève d’ une seule et même volonté : celle de profaner le sacré collectif et se
604 t cela relève d’une seule et même volonté : celle de profaner le sacré collectif et ses tabous, afin de s’affirmer libre e
605 sabilité par rapport à la société. Qu’il s’agisse de libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesses ou d’expér
606 ort à la société. Qu’il s’agisse de libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesses ou d’expériences telles que
607 ciété. Qu’il s’agisse de libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesses ou d’expériences telles que la dissect
608 u’il s’agisse de libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesses ou d’expériences telles que la dissection du c
609 de libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesses ou d’expériences telles que la dissection du corps humain,
610 , de crimes, de soif de gloire et de richesses ou d’ expériences telles que la dissection du corps humain, c’est toujours u
611 te une réaction inévitable à la déviation romaine de la communauté catholique. Entre ces deux déviations, contre l’oppress
612 ntre l’oppression collective et contre la révolte de l’individu, ce qui va se dresser pour proclamer les droits et les dev
613 dresser pour proclamer les droits et les devoirs de la personne chrétienne — c’est la Réforme. Nous touchons au cœur même
614 ersonnaliste. Bien au contraire : je vais essayer de vous montrer ce que pourrait être et devrait être un personnalisme in
615 ait être et devrait être un personnalisme inspiré de la Réforme. Calvin ni Luther n’ont parlé de la personne en soi. Ils n
616 spiré de la Réforme. Calvin ni Luther n’ont parlé de la personne en soi. Ils n’ont pas fait une théorie personnaliste, ils
617 ême pas avoir entrevu la possibilité ou l’intérêt d’ un tel problème. Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou de
618 un tel problème. Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou de la collectivité, et cependant toutes les réalités qu
619 Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou de la collectivité, et cependant toutes les réalités que désignent ces t
620 mes sont présentes, et sont en conflit à l’époque de la Réforme. Essayons de les dégager sommairement. Le but unique des r
621 ont en conflit à l’époque de la Réforme. Essayons de les dégager sommairement. Le but unique des réformateurs était de res
622 ommairement. Le but unique des réformateurs était de restaurer la fidélité de l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’o
623 e des réformateurs était de restaurer la fidélité de l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis d’être présentés
624 de restaurer la fidélité de l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis d’être présentés comme des novateurs. « 
625 glise à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis d’ être présentés comme des novateurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit
626 teurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit Calvin, de ne pas mettre nos opinions personnelles à la place de l’exposition si
627 elles à la place de l’exposition simple et fidèle de la pure Parole de Dieu. » Du point de vue qui nous intéresse ici, je
628 e l’exposition simple et fidèle de la pure Parole de Dieu. » Du point de vue qui nous intéresse ici, je dirai que l’œuvre
629 vue qui nous intéresse ici, je dirai que l’œuvre de Calvin a consisté essentiellement à restaurer la doctrine de l’Église
630 consisté essentiellement à restaurer la doctrine de l’Église, de même qu’elle a consisté accidentellement, sur le plan po
631 ouvoir temporel. L’anarchisme, c’était la révolte de la Renaissance, et les sectes d’illuminés, c’est-à-dire l’individuali
632 était la révolte de la Renaissance, et les sectes d’ illuminés, c’est-à-dire l’individualisme social et religieux. Calvin c
633 nt pour rembarrer ces deux vices, toute la pureté de la foi serait confuse. » L’Église primitive était une communauté spir
634 Église primitive était une communauté spirituelle de personnes, d’hommes nouveaux, à la fois libres et engagés, constituan
635 ve était une communauté spirituelle de personnes, d’ hommes nouveaux, à la fois libres et engagés, constituant une multitud
636 fois libres et engagés, constituant une multitude de communautés locales. Telles seront à nouveau les Églises réformées. P
637 les seront à nouveau les Églises réformées. Point de centralisation, point de capitale, point d’unification formelle et fo
638 Églises réformées. Point de centralisation, point de capitale, point d’unification formelle et forcée. Dès le début, la Ré
639 Point de centralisation, point de capitale, point d’ unification formelle et forcée. Dès le début, la Réforme considère com
640 ont des députés à des synodes, et il n’y aura pas de pape pour unifier temporellement toutes ces cellules vivantes, autono
641 l’Église nous apparaît, selon les propres termes de Calvin, dans la diversité « des Églises et des personnes particulière
642 à-dire des vocations particulières. Avec ce terme de vocation, Calvin n’ajoute rien à la réalité de l’homme chrétien, du m
643 me de vocation, Calvin n’ajoute rien à la réalité de l’homme chrétien, du membre de l’Église, mais il apporte une précisio
644 rien à la réalité de l’homme chrétien, du membre de l’Église, mais il apporte une précision capitale à la définition de l
645 il apporte une précision capitale à la définition de la personne. À tel point que je dirais volontiers que la définition p
646 e dirais volontiers que la définition protestante de la personne, c’est la vocation. La persona romaine, c’était le rôle j
647 c’était le rôle joué par un individu dans le plan de l’État. La personne chrétienne, ce sera le rôle que Dieu attribue à c
648 ien que nous retrouvons ici le paradoxe essentiel de la personne : à la fois libre et engagée, distincte et reliée à nouve
649 communication avec son prochain. Ainsi la dignité de chaque individu est garantie non pas du seul fait qu’il existe physiq
650 fait qu’il peut incarner une volonté particulière de Dieu. Et dès lors, cet homme n’a pas seulement le droit d’être respec
651 Et dès lors, cet homme n’a pas seulement le droit d’ être respecté par l’État, il a surtout le devoir d’agir, en tant qu’il
652 ’être respecté par l’État, il a surtout le devoir d’ agir, en tant qu’il est chargé d’une responsabilité unique dans la soc
653 urtout le devoir d’agir, en tant qu’il est chargé d’ une responsabilité unique dans la société, à sa juste place. Notons qu
654 igure en particulier dans le serment des pasteurs de Genève, et dont l’actualité vous frappera certainement. « Je promets,
655 ppera certainement. « Je promets, dit le pasteur, de servir la Seigneurie et le peuple de telle manière que par cela je ne
656 le pasteur, de servir la Seigneurie et le peuple de telle manière que par cela je ne sois nullement empêché de rendre à D
657 manière que par cela je ne sois nullement empêché de rendre à Dieu le service que je lui dois par ma vocation. » C’est à m
658 onstitutionnel existant, qui puisse être qualifié de personnaliste, au sens précis où je l’entends. Diversité des Églises
659 je l’entends. Diversité des Églises, fédération de ces diversités, multiplicité des vocations personnelles : tout cela,
660 i. Mais il était inévitable et normal que ce type de relations influençât peu à peu toutes les autres relations humaines,
661 culier les relations politiques. Toute l’histoire de l’Europe serait à refaire à partir de cette constatation : que les fo
662 exemples. Quelle fut donc la traduction politique de la doctrine calvinienne de l’Église et des vocations personnelles ? J
663 a traduction politique de la doctrine calvinienne de l’Église et des vocations personnelles ? Je n’hésite pas à le dire :
664 ils le purent, proposèrent au contraire des plans d’ allure et d’intention nettement fédéralistes. L’absolutisme, la confus
665 t, proposèrent au contraire des plans d’allure et d’ intention nettement fédéralistes. L’absolutisme, la confusion des pouv
666 ébrera « la France toute catholique sous le règne de Louis le Grand », c’est-à-dire la France « mise au pas » par l’homme
667 , centralisée, déjà presque totalitaire, et vidée de ses meilleures forces créatrices. Mais dès que le parti protestant re
668 oute différente. Il ne tombe jamais dans le piège d’ opposer à l’absolutisme romain un absolutisme réformé. Au contraire. Q
669 absolutisme réformé. Au contraire. Qu’il s’agisse de la Transylvanie convertie au calvinisme et qui devient l’âme de la ré
670 anie convertie au calvinisme et qui devient l’âme de la résistance au centralisme des Habsbourg, qu’il s’agisse des Provin
671 ies des Pays-Bas ; qu’il s’agisse des fédérations de défense constituées par les huguenots ; ou de nos jours, bien que d’u
672 ons de défense constituées par les huguenots ; ou de nos jours, bien que d’une manière plus vague, des États-Unis d’Amériq
673 ées par les huguenots ; ou de nos jours, bien que d’ une manière plus vague, des États-Unis d’Amérique et de l’Empire angla
674 manière plus vague, des États-Unis d’Amérique et de l’Empire anglais avec ses libres dominions, — partout l’on voit les p
675 s, c’est-à-dire fédéraliste. Les synodes réformés de France, vers la fin du xvie siècle, préconisèrent à plusieurs repris
676 e, préconisèrent à plusieurs reprises des projets d’ organisation fédérative du Royaume, avec large autonomie des communes
677 emier, sous Henry IV, conçut le « Grand Dessein » d’ une fédération européenne ? Certes, les historiens attribuent à ces fa
678 t dans les petits États qui éprouvaient le besoin de se fédérer contre l’Empire et contre Rome, et cela se vérifie souvent
679 siècle. Mais je maintiens que la cause profonde de la tendance fédéraliste protestante jusqu’à nos jours, est d’ordre pr
680 ce fédéraliste protestante jusqu’à nos jours, est d’ ordre proprement spirituel. C’est bien le même état d’esprit qui expli
681 ne va pas sans l’autre. Nous pouvons le vérifier d’ une autre manière encore. Qui dit respect des personnes, dit préoccupa
682 Qui dit respect des personnes, dit préoccupation de les éduquer. Et vous savez que les problèmes d’éducation furent dès l
683 n de les éduquer. Et vous savez que les problèmes d’ éducation furent dès le début le grand souci des réformés. Calvin fond
684 grand souci des réformés. Calvin fonde le Collège de Genève en pleine période de guerre, dans une ville assiégée. Par cont
685 lvin fonde le Collège de Genève en pleine période de guerre, dans une ville assiégée. Par contre, on sait que les jésuites
686 ocations chez leurs élèves… Mais je m’en voudrais d’ insister sur cet exemple qui me ferait la part trop belle. Contentons-
687 qui me ferait la part trop belle. Contentons-nous de le poser comme un repère. Ce que je voulais dégager, c’est que la doc
688 e l’État lui-même, dans certains cas, par le fait de sa vocation. C’est à cause de sa vocation qu’il est à la fois libre e
689 le paradoxe politique du fédéralisme : la liberté de chacun dans une action commune, l’équilibre vivant des tons complémen
690 intenant que voici définies, ou plutôt illustrées d’ exemples historiques, certaines notions fondamentales telles que l’ind
691 et l’histoire présente. Car en définitive, c’est de cela qu’il s’agit. L’histoire n’est jamais qu’un tremplin pour mieux
692 is qu’un tremplin pour mieux sauter en plein cœur de l’actuel. Comment situer dans l’Europe d’aujourd’hui les positions ci
693 in cœur de l’actuel. Comment situer dans l’Europe d’ aujourd’hui les positions civiques de la Réforme et sa morale personna
694 ans l’Europe d’aujourd’hui les positions civiques de la Réforme et sa morale personnaliste ? Calvin, vous le savez, ne s’e
695 Calvin, vous le savez, ne s’est jamais préoccupé de la forme des gouvernements. Il insiste à maintes reprises sur le fait
696 oligarchies et républiques sont également voulues de Dieu et doivent être obéies comme telles. Une fois cependant il marqu
697 Une fois cependant il marque une préférence, mais de l’ordre le plus général. C’est lorsqu’il écrit : « Le meilleur état d
698 néral. C’est lorsqu’il écrit : « Le meilleur état de gouvernement est celui-là où il y a une liberté bien tempérée et pour
699 durer longuement. » Il me semble que le spectacle de l’Europe contemporaine donne raison au réformateur. Et je ne crois pa
700 ajoutant cette précision : ce n’est pas la forme d’ un État qui compte, mais bien la condition qu’il ménage à l’Église, et
701 n la condition qu’il ménage à l’Église, et l’idée de l’homme qu’il suppose. C’est en nous plaçant à ce double point de vue
702 nous plaçant à ce double point de vue : condition de l’Église et condition de l’homme, que nous pourrons le mieux départag
703 point de vue : condition de l’Église et condition de l’homme, que nous pourrons le mieux départager les deux groupes de ré
704 ous pourrons le mieux départager les deux groupes de régimes qui s’affrontent aujourd’hui. Le premier groupe est celui des
705 Église et la personne. Nous y trouvons des formes de gouvernement aussi disparates que possible : d’abord les cinq monarch
706 e bloc des trois États totalitaires, — que menace de rejoindre l’Espagne. Laissons de côté les différences politiques que
707 es, — que menace de rejoindre l’Espagne. Laissons de côté les différences politiques que l’on pourrait marquer entre ces t
708 que ces différences, qui ne le voit, s’atténuent d’ année en année. Ce qu’il nous importe de souligner ce soir, ce sont de
709 atténuent d’année en année. Ce qu’il nous importe de souligner ce soir, ce sont deux traits évidemment communs à ces régim
710 assez forts pour lever le masque, et leur mépris de la personne. Voici, à mon avis, les causes de ces deux phénomènes. En
711 ris de la personne. Voici, à mon avis, les causes de ces deux phénomènes. En Russie, en Allemagne, à Rome et en Espagne, l
712 tre l’Église et l’État n’avait jamais été établie d’ une manière satisfaisante. Le tsar par exemple, était à la fois chef d
713 r exemple, était à la fois chef de l’État et chef de l’Église : c’est ce qu’on nomme le césaropapisme. D’autre part, ses d
714 rés divers, et pour mille raisons très complexes, de l’un ou l’autre de ces maux. La coupure entre le spirituel et le temp
715 mille raisons très complexes, de l’un ou l’autre de ces maux. La coupure entre le spirituel et le temporel n’y était pas
716 donc fatalement s’attaquer à l’autre. Et le chef de la révolution triomphante dans chacun de ces pays, se trouvait comme
717 le chef de la révolution triomphante dans chacun de ces pays, se trouvait comme contraint par le sentiment général de rep
718 trouvait comme contraint par le sentiment général de reprendre à son compte à la fois l’autorité d’un chef d’Église et le
719 al de reprendre à son compte à la fois l’autorité d’ un chef d’Église et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’une Ré
720 endre à son compte à la fois l’autorité d’un chef d’ Église et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’une Révolution c
721 fois l’autorité d’un chef d’Église et le pouvoir d’ un chef d’État. Chacun sait qu’une Révolution copie toujours inconscie
722 césaropapistes comme les régimes qu’ils venaient d’ abattre, mais beaucoup plus rigoureusement, car la religion dont ils é
723 ion dont ils étaient les chefs était une religion de guerre, possédant toute la virulence des corps chimiques à l’état nai
724 s à l’état naissant. D’autre part, l’instauration de ces régimes tyranniques fut largement facilitée, et même appelée, par
725 et même appelée, par l’absence dans tous ces pays d’ élites civiques conscientes de leur mission. Dans un essai publié en 1
726 dans tous ces pays d’élites civiques conscientes de leur mission. Dans un essai publié en 1928, et intitulé L’Espagne inv
727 beaucoup de points, écrit-il, elles offrent ceci de commun qu’elles souffrent toutes les deux d’un manque évident et perm
728 ceci de commun qu’elles souffrent toutes les deux d’ un manque évident et permanent d’individualités marquantes, … de perso
729 toutes les deux d’un manque évident et permanent d’ individualités marquantes, … de personnalités autonomes. » Et de la so
730 ident et permanent d’individualités marquantes, … de personnalités autonomes. » Et de la sorte, Ortega laisse entendre que
731 és marquantes, … de personnalités autonomes. » Et de la sorte, Ortega laisse entendre que le destin de ces pays, du fait d
732 de la sorte, Ortega laisse entendre que le destin de ces pays, du fait de ce qu’il nomme « l’absence des meilleurs », ne s
733 aisse entendre que le destin de ces pays, du fait de ce qu’il nomme « l’absence des meilleurs », ne saurait être que l’abs
734 utre part il a toujours favorisé le développement de la personne et donc la formation d’élites civiques actives et respons
735 développement de la personne et donc la formation d’ élites civiques actives et responsables, on comprendra sans peine le f
736 jamais été signalé : c’est qu’il existe une forme de fascisme correspondant à la Russie orthodoxe, une autre correspondant
737 ts calvinistes, même laïcisés, comme c’est le cas de la France sous la Troisième République. Cela ne signifie pas, bien en
738 l reste dans le pays une empreinte césaropapiste, d’ où l’État totalitaire. Mais lorsque le calvinisme cesse d’être une foi
739 tat totalitaire. Mais lorsque le calvinisme cesse d’ être une foi vivante, il laisse derrière lui une empreinte tout à fait
740 une empreinte tout à fait différente : une espèce d’ individualisme. Nous aurons l’occasion d’y revenir tout à l’heure. Car
741 e espèce d’individualisme. Nous aurons l’occasion d’ y revenir tout à l’heure. Car en effet, une opposition aussi radicale
742 bien, une description désintéressée et académique de divers régimes également soutenables dans l’abstrait. Je considère l’
743 ises. Je considère que nous n’avons plus le droit de l’étudier en curieux, en théoriciens ou en opportunistes, comme certa
744 ns qui se demandent encore, par exemple, s’il est de gauche ou de droite, alors qu’il est du diable, et que c’est en chrét
745 andent encore, par exemple, s’il est de gauche ou de droite, alors qu’il est du diable, et que c’est en chrétiens que nous
746 nous est déclarée. Or le meilleur, le seul moyen de se défendre — surtout quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est
747 se défendre — surtout quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est de connaître l’adversaire afin de reconnaître et de
748 ut quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est de connaître l’adversaire afin de reconnaître et de tuer les plus secrèt
749 de connaître l’adversaire afin de reconnaître et de tuer les plus secrètes complicités qu’il a su ménager dans nos cœurs.
750 en est temps, des déviations qui feraient le jeu de l’ennemi. Connaître la doctrine de l’homme fasciste, c’est définir du
751 eraient le jeu de l’ennemi. Connaître la doctrine de l’homme fasciste, c’est définir du même coup certains dangers qui men
752 s dangers qui menacent en permanence notre morale de la personne. Je vais le montrer par deux exemples dont j’essaierai de
753 ais le montrer par deux exemples dont j’essaierai de tirer des conclusions pratiques. Quelle est la condition faite à l’É
754 première question est capitale. Car la politique d’ un régime est toujours étroitement dépendante de l’attitude qu’il pren
755 e d’un régime est toujours étroitement dépendante de l’attitude qu’il prend vis-à-vis de l’Église et du fait religieux en
756 ne religion politique, ou encore en une politique d’ allure religieuse. Et d’autant plus que la religion qu’il adopte est,
757 u encore en une politique d’allure religieuse. Et d’ autant plus que la religion qu’il adopte est, comme dans le cas des fa
758 cas des fascismes et du communisme, une religion de l’ici-bas, une religion sans transcendance, une religion dont les but
759 ent terrestres ne divergent plus du tout des buts de la politique, et même se confondent avec eux. Alors il n’y a plus de
760 même se confondent avec eux. Alors il n’y a plus de recours, plus de pardon à espérer : la communauté spirituelle ne peut
761 nt avec eux. Alors il n’y a plus de recours, plus de pardon à espérer : la communauté spirituelle ne peut pas en appeler à
762 tique religieuse du fascisme, a créé le type même d’ une communauté régressive, c’est-à-dire d’une communauté fondée sur le
763 pe même d’une communauté régressive, c’est-à-dire d’ une communauté fondée sur le passé : le sang, la race, la tradition, l
764 on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’est pas de sang aryen, par exemple — car cette religion n’admet pas que « les ch
765 es choses vieilles sont passées » selon la parole de l’Apôtre. Elle n’admet pas la conversion spirituelle, à partir de laq
766 quels sont tes morts ? Religion du sang, religion de la terre et des morts, religion sanglante et mortelle, religion des c
767 des morts, des cortèges funèbres, des cérémonies d’ imprécations, des sacrifices propitiatoires, le tam-tam des tambours l
768 propitiatoires, le tam-tam des tambours lugubres, d’ hallucinants sabbats de nègres blancs ! Qui oserait encore nous souten
769 tam des tambours lugubres, d’hallucinants sabbats de nègres blancs ! Qui oserait encore nous soutenir que ce délire représ
770 s le pardon, le futur éternel, le rachat du péché d’ origine ? À nous maintenant de rester vigilants, exigeants et vigilant
771 le rachat du péché d’origine ? À nous maintenant de rester vigilants, exigeants et vigilants, même et surtout sur des poi
772 urtout sur des points qui paraissent actuellement de peu d’importance. Par exemple : partout où l’on exalte ici, chez nous
773 sur des points qui paraissent actuellement de peu d’ importance. Par exemple : partout où l’on exalte ici, chez nous, la ve
774 rts sacrés, même s’il s’agit, comme c’est le cas, de métaphores anodines, d’éloquence de tir fédéral, de développements ly
775 agit, comme c’est le cas, de métaphores anodines, d’ éloquence de tir fédéral, de développements lyriques sur les ossements
776 c’est le cas, de métaphores anodines, d’éloquence de tir fédéral, de développements lyriques sur les ossements sacrés des
777 métaphores anodines, d’éloquence de tir fédéral, de développements lyriques sur les ossements sacrés des héros suisses, s
778 uisses, sachons reconnaître les premières racines de quelque chose qu’il ne faut pas laisser grandir. On nous parle, avec
779 s parle, avec les meilleures intentions du monde, d’ une défense spirituelle du pays. Et je suis le premier à l’approuver.
780 ’on fonde cette défense spirituelle sur la notion de « Suisse chrétienne », défions-nous d’un certain enthousiasme qui nou
781 la notion de « Suisse chrétienne », défions-nous d’ un certain enthousiasme qui nous ferait tomber à pieds joints dans la
782 ale confusion du temporel et du spirituel. Parler d’ une Suisse chrétienne quand beaucoup de Suisses sont incroyants, cela
783 out simplement, dans la pratique, à l’utilisation de l’Église pour des fins politiques, c’est-à-dire au césaropapisme. Si
784 stinction strictement calviniste entre les droits de l’Église et ceux de l’État. Beaucoup de choses en dépendent, pour l’a
785 t calviniste entre les droits de l’Église et ceux de l’État. Beaucoup de choses en dépendent, pour l’avenir immédiat ! Et
786 édiat ! Et enfin, sur le plan politique, essayons de comprendre une bonne fois le sens profond de notre fédéralisme, seule
787 yons de comprendre une bonne fois le sens profond de notre fédéralisme, seule doctrine politique existante qui soit radica
788 pris le paradoxe vivant que représente, en chacun de nous, la personne : l’homme qui sait ce qu’il doit engager tout en ga
789 est très simple. On a détruit l’un des deux pôles de la personne : celui de la liberté ou de l’autonomie, et l’on a tout r
790 étruit l’un des deux pôles de la personne : celui de la liberté ou de l’autonomie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle :
791 eux pôles de la personne : celui de la liberté ou de l’autonomie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle : celui de l’engage
792 mie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle : celui de l’engagement social. L’homme étant totalement engagé, corps et esprit
793 alement engagé, corps et esprit, dans les rouages de l’État, et cet État ne reconnaissant plus aucune autorité qui transce
794 t limite son pouvoir, il n’y a plus aucun recours de l’individu à l’absolu divin, donc il n’y a plus aucune liberté. Tous
795 donc il n’y a plus aucune liberté. Tous les abus de pouvoir deviennent possibles. Certes, l’on crée des ersatz de personn
796 eviennent possibles. Certes, l’on crée des ersatz de personnes, de personnalités — des milliers de petits Führer — mais c’
797 ibles. Certes, l’on crée des ersatz de personnes, de personnalités — des milliers de petits Führer — mais c’est l’État et
798 atz de personnes, de personnalités — des milliers de petits Führer — mais c’est l’État et sa mystique qui les créent. On n
799 et sa mystique qui les créent. On ne leur laisse d’ initiative que dans les cadres qu’on leur a prescrits. Elles ne valent
800 t rien hors de là, par elles-mêmes. Cette manière de créer des personnalités s’appelle au vrai : caporalisation. La person
801 vidu embrigadé, et non pas une vocation. Milliers de masques durs, volontairement durcis, de ces jeunes soldats politiques
802 Milliers de masques durs, volontairement durcis, de ces jeunes soldats politiques dressés à l’héroïsme en masse, à l’héro
803 llectif — le plus facile ! —, mais qui n’ont plus d’ héroïsme civique. Militarisation d’un peuple ! C’est le contraire, le
804 qui n’ont plus d’héroïsme civique. Militarisation d’ un peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique, d’une véritable civi
805 un peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique, d’ une véritable civilisation. Qu’allons-nous opposer à cela ? Tout simpl
806 cette force reste pure ! Car de même que le culte de la terre et des morts, pour peu qu’il vienne à s’accentuer, risque de
807 orts, pour peu qu’il vienne à s’accentuer, risque de nous conduire un jour par une voie directe au fascisme, une certaine
808 voie directe au fascisme, une certaine déviation de notre morale, un certain culte de la personnalité en soi, un certain
809 taine déviation de notre morale, un certain culte de la personnalité en soi, un certain individualisme, risquent aussi de
810 en soi, un certain individualisme, risquent aussi de nous y conduire, cette fois-ci, d’une manière indirecte, du simple fa
811 risquent aussi de nous y conduire, cette fois-ci, d’ une manière indirecte, du simple fait qu’ils affaiblissent nos résista
812 iblissent nos résistances spirituelles. C’est ici de nos vertus mêmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous d’une cer
813 lles. C’est ici de nos vertus mêmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous d’une certaine manière trop humaine de prôn
814 mêmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous d’ une certaine manière trop humaine de prôner ou de laisser prôner le pr
815 Méfions-nous d’une certaine manière trop humaine de prôner ou de laisser prôner le protestantisme créateur de personnalit
816 d’une certaine manière trop humaine de prôner ou de laisser prôner le protestantisme créateur de personnalités. Notre dan
817 r ou de laisser prôner le protestantisme créateur de personnalités. Notre danger intime et permanent, c’est le moralisme,
818 intime et permanent, c’est le moralisme, le culte de nos vertus utilisées pour des fins purement humaines. À force de loue
819 ns purement humaines. À force de louer la Réforme d’ avoir été, comme on dit, « une pépinière d’individualités et de caract
820 éforme d’avoir été, comme on dit, « une pépinière d’ individualités et de caractères bien trempés », nous courons le risque
821 comme on dit, « une pépinière d’individualités et de caractères bien trempés », nous courons le risque d’oublier que la Ré
822 caractères bien trempés », nous courons le risque d’ oublier que la Réforme n’est pas faite pour l’homme d’abord. À force d
823 force de louer ses effets humains, nous risquons de trahir sa cause divine. N’oublions pas que la personnalité n’est bien
824 ité n’est bien souvent que le résidu, l’empreinte d’ une personne sur un individu qui ne croit plus à sa vocation, et qui a
825 ducation et une ambiance protestante. Il y a trop de ces gloires dites protestantes qu’on annexe, qu’on recense par une so
826 stantes qu’on annexe, qu’on recense par une sorte de nationalisme huguenot, de ces hommes qui sont simplement « sortis » d
827 n recense par une sorte de nationalisme huguenot, de ces hommes qui sont simplement « sortis » du protestantisme… Certes,
828 éjouir que la foi réformée, même quand elle cesse d’ être vivante, laisse en se retirant beaucoup de personnalités. Cela co
829 us rares si nous laissons tarir les sources vives de la Réforme. Et puis, une personnalité en soi, sans vocation, ce n’est
830 isme à l’individualisme, dès que l’on perd la foi de la Réforme pour ne garder que ses vertus humaines et activistes. Et c
831 oderne, avec sa concurrence sans frein, phénomène de piraterie sociale, de mépris du bien commun, phénomène typiquement in
832 rence sans frein, phénomène de piraterie sociale, de mépris du bien commun, phénomène typiquement individualiste. Un derni
833 era sentir, je crois, toute l’importance pratique de cette distinction entre personne et personnalité. Hitler peut former,
834 ocations irréductibles aux ambitions spirituelles de l’État. Ces personnes-là, ce sont ses véritables adversaires, les seu
835 ux, et il le sait ! Si Niemöller est dans un camp de concentration, prisonnier personnel du Führer, ce n’est point parce q
836 i reproche son énergie ou ses talents, ses traits de caractère, bref, sa personnalité, car bien d’autres en ont autant qui
837 ne, c’est-à-dire sa vocation particulière qui est de prêcher l’Évangile. — Vous voyez que le Führer sait parfaitement opér
838 ersonne et personnalité. Je ne vois aucune raison de lui laisser le bénéfice exclusif d’une telle clairvoyance. Il est te
839 aucune raison de lui laisser le bénéfice exclusif d’ une telle clairvoyance. Il est temps de tirer, en deux mots, la concl
840 exclusif d’une telle clairvoyance. Il est temps de tirer, en deux mots, la conclusion de cette série de mises au point.
841 l est temps de tirer, en deux mots, la conclusion de cette série de mises au point. J’ai tenté de situer la Réforme dans l
842 tirer, en deux mots, la conclusion de cette série de mises au point. J’ai tenté de situer la Réforme dans l’évolution de l
843 sion de cette série de mises au point. J’ai tenté de situer la Réforme dans l’évolution de l’Europe, puis dans les conflit
844 J’ai tenté de situer la Réforme dans l’évolution de l’Europe, puis dans les conflits actuels. J’ai essayé de vous montrer
845 rope, puis dans les conflits actuels. J’ai essayé de vous montrer que sa doctrine représente, en sa pureté, le centre et l
846 représente, en sa pureté, le centre et l’axe même de la notion chrétienne de la personne, à la fois libre et engagée. Il e
847 , le centre et l’axe même de la notion chrétienne de la personne, à la fois libre et engagée. Il en résulte alors que la R
848 ppelée à figurer, dans notre siècle, le type même de la sûre doctrine de résistance au paganisme politique. Ceci nous char
849 ns notre siècle, le type même de la sûre doctrine de résistance au paganisme politique. Ceci nous charge d’une responsabil
850 sistance au paganisme politique. Ceci nous charge d’ une responsabilité devant l’Histoire. Que devons-nous faire pour nous
851 ns-nous faire pour nous montrer à peu près dignes d’ une telle charge ? Simplement, mais aussi rigoureusement, et dans tout
852 t, et dans toute la virulence du terme, redevenir de véritables protestants. Un véritable protestant, les faits le prouven
853 vent, sera toujours l’adversaire le plus efficace de l’esprit totalitaire. Déjà, beaucoup d’entre nous ont repris au série
854 s reste à prendre au sérieux la doctrine réformée de l’homme et de l’État. Ceci ne signifie pas que l’Église ait à propose
855 dre au sérieux la doctrine réformée de l’homme et de l’État. Ceci ne signifie pas que l’Église ait à proposer un programme
856 aussi et d’abord contre les déviations humanistes de la personne : transformons nos démocraties individualistes en démocra
857 ns le vaincre, en nous, chez nous, par une espèce de croisade intérieure. Le chrétien est celui qui n’a pas d’autre ennemi
858 ade intérieure. Le chrétien est celui qui n’a pas d’ autre ennemi à craindre que l’ennemi qu’il porte en lui-même. Car un e
859 e et extérieur, ce n’est jamais que l’incarnation d’ une possibilité secrète, d’une tentation que chacun souffre dans son c
860 mais que l’incarnation d’une possibilité secrète, d’ une tentation que chacun souffre dans son cœur. Alors seulement, purif
861 s et lucides, quand nous aurons repris conscience de notre force véritable, celle qui ne vient pas de nous, de nos « perso
862 force véritable, celle qui ne vient pas de nous, de nos « personnalités », mais de nos vocations — de nos personnes —, no
863 vient pas de nous, de nos « personnalités », mais de nos vocations — de nos personnes —, nous pourrons répéter la fière de
864 de nos « personnalités », mais de nos vocations — de nos personnes —, nous pourrons répéter la fière devise des vieux hugu
865 « Tant plus à me frapper l’on s’amuse, tant plus de marteaux l’on y use. » 2. Texte intégral d’une conférence prononcé
866 us de marteaux l’on y use. » 2. Texte intégral d’ une conférence prononcée au mois de janvier 1939 à Bâle, Neuchâtel, La
867 Texte intégral d’une conférence prononcée au mois de janvier 1939 à Bâle, Neuchâtel, Lausanne et Genève. l. Rougemont De
868 uchâtel, Lausanne et Genève. l. Rougemont Denis de , « Le protestantisme créateur de personnes », In Extremis, Fribourg,
869 Rougemont Denis de, « Le protestantisme créateur de personnes », In Extremis, Fribourg, 1939, p. 2-22.
9 1939, Articles divers (1938-1940). Le théâtre communautaire en Suisse (1939)
870 uisse est sans doute le pays où l’on joue le plus de théâtre. Serait-ce que le paysage lui-même invite au jeu, avec ses dé
871 e au jeu, avec ses décors partout suspendus, pans de forêts, portants de rochers, grandiose toile de fond des Alpes ? Sera
872 écors partout suspendus, pans de forêts, portants de rochers, grandiose toile de fond des Alpes ? Serait-ce plutôt que le
873 s de forêts, portants de rochers, grandiose toile de fond des Alpes ? Serait-ce plutôt que le sérieux de nos mœurs, notre
874 fond des Alpes ? Serait-ce plutôt que le sérieux de nos mœurs, notre fameuse méfiance du décorum et des attitudes concert
875 e fédéralisme qu’il faudrait rechercher l’origine de ce besoin d’activité en groupe que le théâtre satisfait au premier ch
876 qu’il faudrait rechercher l’origine de ce besoin d’ activité en groupe que le théâtre satisfait au premier chef ? Je ne sa
877 ous voyons naître l’ère des masses sur les ruines de l’individualisme, et cela dans tous les domaines, dans la culture non
878 jeu sacral et militaire. Tout récemment, le chef d’ un des États voisins posait la première pierre d’une arène destinée à
879 d’un des États voisins posait la première pierre d’ une arène destinée à 400 000 spectateurs. Il est clair que de telles p
880 destinée à 400 000 spectateurs. Il est clair que de telles proportions anéantissent matériellement toute possibilité de d
881 ons anéantissent matériellement toute possibilité de drame ou de comédie psychologique. Les seuls protagonistes visibles,
882 sent matériellement toute possibilité de drame ou de comédie psychologique. Les seuls protagonistes visibles, sur cette sc
883 individualiste analysait les conflits intérieurs de la bourgeoisie des grandes villes ; le théâtre collectiviste symbolis
884 foules des grandes nations. Or, nous n’avons pas de grandes villes, et nous ne sommes pas une grande nation. La seule voi
885 n. La seule voie qui nous reste ouverte est celle d’ un théâtre de groupes — non d’individus, ni de masses — correspondant
886 oie qui nous reste ouverte est celle d’un théâtre de groupes — non d’individus, ni de masses — correspondant à la structur
887 e ouverte est celle d’un théâtre de groupes — non d’ individus, ni de masses — correspondant à la structure communautaire d
888 lle d’un théâtre de groupes — non d’individus, ni de masses — correspondant à la structure communautaire de notre Confédér
889 sses — correspondant à la structure communautaire de notre Confédération et de chacun de nos cantons. J’essaierai de concr
890 structure communautaire de notre Confédération et de chacun de nos cantons. J’essaierai de concrétiser ce point de vue par
891 communautaire de notre Confédération et de chacun de nos cantons. J’essaierai de concrétiser ce point de vue par l’exemple
892 dération et de chacun de nos cantons. J’essaierai de concrétiser ce point de vue par l’exemple d’un drame que j’ai conçu p
893 erai de concrétiser ce point de vue par l’exemple d’ un drame que j’ai conçu plus ou moins consciemment selon ces directive
894 hé, en second lieu, à tenir compte des conditions de fait qui m’étaient imposées par l’occasion de la représentation — il
895 ons de fait qui m’étaient imposées par l’occasion de la représentation — il s’agissait de l’Exposition nationale de 1939 —
896 r l’occasion de la représentation — il s’agissait de l’Exposition nationale de 1939 — par les dimensions de la scène prévu
897 ntation — il s’agissait de l’Exposition nationale de 1939 — par les dimensions de la scène prévue, et les ressources dispo
898 Exposition nationale de 1939 — par les dimensions de la scène prévue, et les ressources disponibles dans le canton qui dev
899 armi les forces individuelles les plus marquantes de notre histoire, l’on trouve au premier rang la figure populaire de Ni
900 , l’on trouve au premier rang la figure populaire de Nicolas de Flue. Sujet digne d’intéresser n’importe quel Confédéré vi
901 figure populaire de Nicolas de Flue. Sujet digne d’ intéresser n’importe quel Confédéré visiteur de l’Exposition. Or, si c
902 ne d’intéresser n’importe quel Confédéré visiteur de l’Exposition. Or, si ce solitaire a été grand, c’est parce qu’un jour
903 ’est parce qu’un jour il a tout sacrifié au salut de la communauté. Le paradoxe central d’une pièce sur Nicolas, sa tensio
904 ié au salut de la communauté. Le paradoxe central d’ une pièce sur Nicolas, sa tension créatrice, réside donc dans ce fait,
905 ut être utile à tous. La traduction spectaculaire de cette donnée propose un nouveau paradoxe : je dispose d’une scène de
906 e donnée propose un nouveau paradoxe : je dispose d’ une scène de 30 mètres de largeur, qui ne peut être occupée que par un
907 pose un nouveau paradoxe : je dispose d’une scène de 30 mètres de largeur, qui ne peut être occupée que par une foule, mai
908 au paradoxe : je dispose d’une scène de 30 mètres de largeur, qui ne peut être occupée que par une foule, mais en même tem
909 mais en même temps, l’action doit graviter autour d’ un héros solitaire. D’où la nécessité de recourir à des chœurs, qui pe
910 action doit graviter autour d’un héros solitaire. D’ où la nécessité de recourir à des chœurs, qui peuplent et animent de g
911 er autour d’un héros solitaire. D’où la nécessité de recourir à des chœurs, qui peuplent et animent de grands espaces, tou
912 de recourir à des chœurs, qui peuplent et animent de grands espaces, tout en concentrant l’attention sur un ou deux person
913 l se trouve, par chance, que l’élément choral est de beaucoup le plus facile à recruter en Suisse, et particulièrement dan
914 ter en Suisse, et particulièrement dans le canton de Neuchâtel, qui m’a demandé d’écrire ce drame. Il existe en effet chez
915 ment dans le canton de Neuchâtel, qui m’a demandé d’ écrire ce drame. Il existe en effet chez nous des chœurs mixtes de pre
916 e. Il existe en effet chez nous des chœurs mixtes de premier ordre à La Chaux-de-Fonds et au Locle ; un chœur d’enfants da
917 ordre à La Chaux-de-Fonds et au Locle ; un chœur d’ enfants dans la région de Neuchâtel ; enfin un petit ensemble d’excell
918 s et au Locle ; un chœur d’enfants dans la région de Neuchâtel ; enfin un petit ensemble d’excellents amateurs de musique
919 la région de Neuchâtel ; enfin un petit ensemble d’ excellents amateurs de musique plus savante : le chœur « Sine Nomine »
920 l ; enfin un petit ensemble d’excellents amateurs de musique plus savante : le chœur « Sine Nomine », à Neuchâtel même. J’
921 era le Monde, et qui agira sur le degré inférieur de la scène à trois plans dont j’ai vu le projet. Une masse plus réduite
922 Une masse plus réduite agira sur le degré médian, de concert avec le chœur d’enfants : ce seront les Suisses et les enfant
923 ira sur le degré médian, de concert avec le chœur d’ enfants : ce seront les Suisses et les enfants de Nicolas. Enfin un pe
924 d’enfants : ce seront les Suisses et les enfants de Nicolas. Enfin un petit chœur caché derrière le degré supérieur — le
925 chœur caché derrière le degré supérieur — le plan de la Solitude — représentera les voix célestes, appelant Nicolas et le
926 ant Nicolas et le réconfortant. La structure même de la scène commandera le mouvement général du drame : au premier acte,
927 . On a défini le Festspiel suisse comme résultant de la conjonction du cortège et de la cantate (voir l’intéressant articl
928 e comme résultant de la conjonction du cortège et de la cantate (voir l’intéressant article d’Édouard Combe sur le Festspi
929 tège et de la cantate (voir l’intéressant article d’ Édouard Combe sur le Festspiel en Suisse, dans La Suisse qui chante, 1
930 un gros défaut technique : il est très difficile de marier un bon texte à des éléments spectaculaires trop lents et trop
931 ogue, pour aboutir organiquement à l’intervention de la musique ou du cortège, dans les moments où l’intérêt se déplaçait
932 térêt se déplaçait du héros central aux réactions de la foule, c’est-à-dire du drame de la personne à ses répercussions da
933 aux réactions de la foule, c’est-à-dire du drame de la personne à ses répercussions dans la communauté. Le dialogue est s
934 nt soit pour souligner le sentiment qui se dégage d’ un dialogue, soit pour créer une atmosphère qui appelle l’action du hé
935 ement dramatique. Je ne saurais trop me féliciter de la manière dont Arthur Honegger l’a compris : en artisan non moins qu
936 rtisan non moins qu’en génie créateur. Le travail de préparation et de répétition de ce spectacle est d’ailleurs venu just
937 u’en génie créateur. Le travail de préparation et de répétition de ce spectacle est d’ailleurs venu justifier le calcul qu
938 ateur. Le travail de préparation et de répétition de ce spectacle est d’ailleurs venu justifier le calcul que je viens d’e
939 d’ailleurs venu justifier le calcul que je viens d’ esquisser. Cinq-cents personnes, dans les diverses régions de notre ca
940 . Cinq-cents personnes, dans les diverses régions de notre canton, se mirent de grand cœur à la tâche : acteurs amateurs r
941 s les diverses régions de notre canton, se mirent de grand cœur à la tâche : acteurs amateurs recrutés dans toutes les cla
942 eurs recrutés dans toutes les classes, du pêcheur d’ Auvernier au docteur en droit ; fanfaristes de La Chaux-de-Fonds ; dam
943 eur d’Auvernier au docteur en droit ; fanfaristes de La Chaux-de-Fonds ; dames cousant des costumes ; choristes des montag
944 t trouvé suspendu à la veille des représentations de Zurich. Il est donc encore impossible d’estimer la valeur intrinsèque
945 ntations de Zurich. Il est donc encore impossible d’ estimer la valeur intrinsèque de ce drame. Mais indépendamment de cett
946 encore impossible d’estimer la valeur intrinsèque de ce drame. Mais indépendamment de cette valeur — et c’est bien cela qu
947 leur intrinsèque de ce drame. Mais indépendamment de cette valeur — et c’est bien cela qui me permet d’invoquer un exemple
948 e cette valeur — et c’est bien cela qui me permet d’ invoquer un exemple aussi personnel ! — une leçon se dégage de notre e
949 n exemple aussi personnel ! — une leçon se dégage de notre effort : nulle part, ailleurs qu’en Suisse, il n’eût été possib
950 art, ailleurs qu’en Suisse, il n’eût été possible d’ imaginer et de réaliser un spectacle de cette envergure, et de le rend
951 qu’en Suisse, il n’eût été possible d’imaginer et de réaliser un spectacle de cette envergure, et de le rendre populaire.
952 é possible d’imaginer et de réaliser un spectacle de cette envergure, et de le rendre populaire. Ce sont les conditions pr
953 t de réaliser un spectacle de cette envergure, et de le rendre populaire. Ce sont les conditions proprement suisses, et pl
954 rement suisses, et plus précisément fédéralistes, de ce théâtre communautaire qu’il m’a paru intéressant d’énumérer. Je su
955 théâtre communautaire qu’il m’a paru intéressant d’ énumérer. Je suis persuadé que sa formule est celle de l’avenir de not
956 umérer. Je suis persuadé que sa formule est celle de l’avenir de notre scène. y. Rougemont Denis de, « Le théâtre commu
957 uis persuadé que sa formule est celle de l’avenir de notre scène. y. Rougemont Denis de, « Le théâtre communautaire en
958 de l’avenir de notre scène. y. Rougemont Denis de , « Le théâtre communautaire en Suisse », La Suisse vue à travers l’Ex
10 1939, Articles divers (1938-1940). Un quart d’heure avec M. Denis de Rougemont : Hitler, grand-prêtre de l’Allemagne (11 janvier 1939)
959 avec M. Denis de Rougemont : Hitler, grand-prêtre de l’Allemagne (11 janvier 1939)n o Voici le livre le plus actuel que
960 yais et sur ce que j’entendais, pendant un séjour de huit mois dans une grande ville d’Allemagne en 1935-1936. Que valaien
961 dant un séjour de huit mois dans une grande ville d’ Allemagne en 1935-1936. Que valaient ces impressions ? Quand je suis r
962 i attendu. La vérité durable avait chance, alors, d’ apparaître comme une vérité essentielle. C’est celle que votre livre m
963 beaucoup dit. N’importe. Il ne faut pas craindre de le répéter, et surtout de le faire bien comprendre. Les nazis, eux, o
964 Il ne faut pas craindre de le répéter, et surtout de le faire bien comprendre. Les nazis, eux, ont compris que le socialis
965 que le socialisme économique n’est que la moitié d’ une doctrine : l’État ne sera maître de l’argent que s’il est maître d
966 la moitié d’une doctrine : l’État ne sera maître de l’argent que s’il est maître des esprits. Un État totalitaire ne peut
967 aliste peut la lui donner. Cette vérité sur l’âme de l’Allemagne hitlérienne vous est-elle apparue dès que vous êtes arriv
968 ne formule grandiloquente pour désigner l’absence d’ âme personnelle chez les individus charriés par une foule ? » Il m’a r
969 er l’absence d’âme personnelle chez les individus charriés par une foule ? » Il m’a répondu : « Allez écouter le Führer, nous en
970 rlerons ensuite ». Est-ce donc une révélation que de voir Hitler ? Ce qui est une révélation, ce qui, du moins, en a été u
971 n, ce qui, du moins, en a été une pour moi, c’est de voir quels liens unissent Hitler à une foule à laquelle il parle. Ess
972 t Hitler à une foule à laquelle il parle. Essayez de vous représenter une salle immense qui est soudain plongée dans la pé
973 udain plongée dans la pénombre, tandis qu’un coup de projecteur fait apparaître un petit homme au sourire extatique. Et ta
974 ndis que cet homme s’avance lentement, en saluant d’ un geste épiscopal, quarante mille bras se lèvent, et le tonnerre ryth
975 lors que j’ai compris. Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifestation politique. Mais c’est leur culte que
976 se déroulait, c’était la grande cérémonie sacrale d’ une religion dont je me sentais écrasé. L’âme des masses, oui, j’ai co
977 pris alors ce que c’était : j’ai entendu son râle d’ amour, le râle d’une nation possédée par l’homme au sourire extasié. M
978 c’était : j’ai entendu son râle d’amour, le râle d’ une nation possédée par l’homme au sourire extasié. Mais cet homme lui
979 ’ai vu que le jour dont je vous parle. Je l’ai vu de près, à la sortie de la réunion, debout dans sa voiture qui longeait
980 très lentement une rue étroite. Une seule chaîne de SS le séparait de la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres de
981 e rue étroite. Une seule chaîne de SS le séparait de la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireu
982 la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireur l’eût descendu très facilement. Mais ce bon tireur
983 dans cent occasions analogues. Voilà le principal de ce que je sais sur Hitler. Vous pouvez réfléchir là-dessus. Quelles s
984 e tire pas sur un petit-bourgeois qui est le rêve de 60 millions d’hommes. On tire sur un tyran, ou sur un roi, mais les f
985 un petit-bourgeois qui est le rêve de 60 millions d’ hommes. On tire sur un tyran, ou sur un roi, mais les fondateurs de re
986 sur un tyran, ou sur un roi, mais les fondateurs de religion sont réservés à d’autres catastrophes. J’achève votre raison
987 J’achève votre raisonnement : puisqu’il n’y a pas d’ attentats contre Hitler, c’est qu’Hitler n’est ni un tyran ni un roi,
988 er n’est ni un tyran ni un roi, mais un fondateur de religion. Cependant, tout ne s’explique pas par le sentiment religieu
989 rôle aussi. Évidemment, il sera toujours possible d’ expliquer l’avènement, puis la montée d’Hitler, par les lois économiqu
990 possible d’expliquer l’avènement, puis la montée d’ Hitler, par les lois économiques, les forces relatives des partis et d
991 classes avant 1933, les circonstances politiques de l’Europe, le traité de Versailles, etc. Mais tout cela retrace le com
992 s circonstances politiques de l’Europe, le traité de Versailles, etc. Mais tout cela retrace le comment cela s’est fait. I
993 oi. Là-dessus, les réponses varient, mais chacune d’ elles est toujours la même. Les marxistes vont répétant : « défense du
994 pas pour défendre le capitalisme que les mineurs de la Sarre ont voté leur rattachement au IIIe Reich. Ce n’est pas en pa
995 ttachement au IIIe Reich. Ce n’est pas en parlant d’ hystérie qu’on peut comprendre le phénomène fondamental de la reconstr
996 ie qu’on peut comprendre le phénomène fondamental de la reconstruction d’une communauté autour d’un sentiment sacré. Et ce
997 dre le phénomène fondamental de la reconstruction d’ une communauté autour d’un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif d’
998 ntal de la reconstruction d’une communauté autour d’ un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif d’une tyrannie, au sens po
999 our d’un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif d’ une tyrannie, au sens politique et légal, qui a jeté l’Autriche dans l
1000 soit, sur les masses décomposées par des siècles d’ individualisme. J’ai reçu récemment d’Allemagne une lettre qui ne dit
1001 des siècles d’individualisme. J’ai reçu récemment d’ Allemagne une lettre qui ne dit rien d’autre que ce que je viens de vo
1002 récemment d’Allemagne une lettre qui ne dit rien d’ autre que ce que je viens de vous exposer brièvement. Elle est d’un je
1003 que je viens de vous exposer brièvement. Elle est d’ un jeune national-socialiste, qui m’explique d’abord que le régime hit
1004 m’explique d’abord que le régime hitlérien est né de la pauvreté et du malheur de son pays — ce qui est très juste. Mais i
1005 ime hitlérien est né de la pauvreté et du malheur de son pays — ce qui est très juste. Mais il ajoute : « La pauvreté et l
1006 que des phénomènes extérieurs. La raison profonde d’ un mouvement comme le nôtre est irrationnelle. Nous voulions croire à
1007 ants à celui qui nous apportait cette possibilité de croire. Le christianisme, probablement par la faute de ses ministres,
1008 satisfaisait plus depuis bien longtemps au besoin de croire de la majorité du peuple. Nous voulions croire à la mission du
1009 it plus depuis bien longtemps au besoin de croire de la majorité du peuple. Nous voulions croire à la mission du peuple al
1010 à y croire. » Voilà qui dit bien où est la force de l’Allemagne nouvelle. Quelle force croyez-vous donc qu’on puisse oppo
1011 donc qu’on puisse opposer à cette force-là ? Rien d’ efficace, si ce n’est pas une force spirituelle. Rien de pratique, si
1012 cace, si ce n’est pas une force spirituelle. Rien de pratique, si ce n’est un grand effort moral. Quand j’ai envoyé à des
1013 grand effort moral. Quand j’ai envoyé à des amis de France le récit de la journée où j’ai vu Hitler en communion avec son
1014 . Quand j’ai envoyé à des amis de France le récit de la journée où j’ai vu Hitler en communion avec son peuple, je n’ai aj
1015 ois toujours que le problème est là : c’est celui d’ une renaissance spirituelle qui ne peut se faire sans une foi. n. R
1016 peut se faire sans une foi. n. Rougemont Denis de , « [Entretien] Hitler, grand-prêtre de l’Allemagne », Candide, Paris,
1017 mont Denis de, « [Entretien] Hitler, grand-prêtre de l’Allemagne », Candide, Paris, 11 janvier 1939, p. 6. o. Propos recu
11 1939, Articles divers (1938-1940). Qui est Hitler ? (24 février 1939)
1018 x qui ressemble à Charlie Chaplin et qui est doué d’ une voix de stentor fanatique, particulièrement désagréable aux oreill
1019 mble à Charlie Chaplin et qui est doué d’une voix de stentor fanatique, particulièrement désagréable aux oreilles latines.
1020 bon, quoique énergique, sorti du peuple, assoiffé de justice, restaurateur de la puissance allemande, et redresseur de tou
1021 orti du peuple, assoiffé de justice, restaurateur de la puissance allemande, et redresseur de tous les torts : le pur des
1022 aurateur de la puissance allemande, et redresseur de tous les torts : le pur des purs. En présence des brutalités commises
1023 que le peuple parlait du Roi avant la révolution de 1789. Au panégyrique et à la caricature, j’opposerai ici un témoignag
1024 ler pendant une heure et demie, à peu de distance de sa tribune, et je l’ai vu à la sortie de cette « manifestation monstr
1025 à la sortie de cette « manifestation monstre », —  de ce culte — debout dans sa voiture qui longeait très lentement une rue
1026 t une rue étroite, mal éclairée. Une seule chaîne de miliciens le séparait de la foule. J’étais au premier rang, à deux mè
1027 lairée. Une seule chaîne de miliciens le séparait de la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireu
1028 la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireur l’eût descendu très facilement. Mais ce bon tireur
1029 dans cent occasions analogues. Voilà le principal de ce que je sais sur Hitler. Vous pouvez réfléchir là-dessus… On demand
1030 si à fanatiser tout un peuple. Une certaine forme de bêtise convaincue est seule capable de s’imposer à de grandes masses
1031 aine forme de bêtise convaincue est seule capable de s’imposer à de grandes masses rassemblées par des passions élémentair
1032 êtise convaincue est seule capable de s’imposer à de grandes masses rassemblées par des passions élémentaires. Mais ce qu’
1033 er, c’est qu’un « génie » n’a pas toujours besoin d’ intelligence. Or, on doit tenir le Führer pour un génie, dans un certa
1034 homme qui a su pressentir l’inconsciente angoisse de son peuple, et incarner à ses yeux un symbole d’espérance, de vengean
1035 de son peuple, et incarner à ses yeux un symbole d’ espérance, de vengeance et de force collective. Un tel génie ne compte
1036 e, et incarner à ses yeux un symbole d’espérance, de vengeance et de force collective. Un tel génie ne compte plus en tant
1037 ses yeux un symbole d’espérance, de vengeance et de force collective. Un tel génie ne compte plus en tant qu’individu. Il
1038 u. Il ne s’appartient plus, il appartient au rêve de tous. Il n’a plus de qualités propres, de vices ou de vertus, comme v
1039 plus, il appartient au rêve de tous. Il n’a plus de qualités propres, de vices ou de vertus, comme vous et moi ; il n’a q
1040 au rêve de tous. Il n’a plus de qualités propres, de vices ou de vertus, comme vous et moi ; il n’a que les vertus symboli
1041 ous. Il n’a plus de qualités propres, de vices ou de vertus, comme vous et moi ; il n’a que les vertus symboliques de l’Al
1042 e vous et moi ; il n’a que les vertus symboliques de l’Allemand moyen. Il ne possède rien en propre, matériellement, et ne
1043 ortefeuille dans le gouvernement. (Son rôle y est d’ inspiration, d’arbitrage entre les factions, et de prestige.) Il ne ve
1044 s le gouvernement. (Son rôle y est d’inspiration, d’ arbitrage entre les factions, et de prestige.) Il ne veut être appelé
1045 d’inspiration, d’arbitrage entre les factions, et de prestige.) Il ne veut être appelé ni dictateur, ni maréchal, ni roi,
1046 , et il insiste sur ce point. Il n’avait même pas d’ état civil allemand lorsqu’on lui offrit le pouvoir. Qu’est-il donc ?
1047 e disais, qui n’est rien et qui est tout. Un lieu de passage des forces de l’Histoire, le catalyseur de ces forces, qui so
1048 en et qui est tout. Un lieu de passage des forces de l’Histoire, le catalyseur de ces forces, qui sont là dressées devant
1049 e passage des forces de l’Histoire, le catalyseur de ces forces, qui sont là dressées devant vous, suscitées et coalisées
1050 nt, vous pourriez le supprimer sans rien détruire de ce qui s’est fait par lui. Le seul trait qui me frappe encore en lui,
1051 qu’il développe pendant un discours. Une énergie de cette nature, on sent très bien qu’elle n’appartient pas à l’individu
1052 lus, comme tel, n’est que le support ou le médium d’ une puissance qui échappe à nos psychologies. Voilà de quoi déconcerte
1053 e puissance qui échappe à nos psychologies. Voilà de quoi déconcerter nos hommes d’État démocratiques lorsqu’ils se trouve
1054 ymbole ! Il est clair que le phénomène Hitler est d’ ordre religieux, non politique d’abord. Si ce petit individu sans qual
1055 t parce qu’il a su répondre à l’attente angoissée de ces masses, de leur âme humiliée, misérable et déçue, et qui cherchai
1056 su répondre à l’attente angoissée de ces masses, de leur âme humiliée, misérable et déçue, et qui cherchait partout des r
1057 le et déçue, et qui cherchait partout des raisons de croire et d’espérer, des raisons de se dévouer corps et âme à un abso
1058 et qui cherchait partout des raisons de croire et d’ espérer, des raisons de se dévouer corps et âme à un absolu. Il s’est
1059 t des raisons de croire et d’espérer, des raisons de se dévouer corps et âme à un absolu. Il s’est donné pour l’Absolu, la
1060 ais au nom des idoles, au nom de la race aryenne, de l’orgueil germanique, et de la foi nationaliste. Or, nous savons par
1061 m de la race aryenne, de l’orgueil germanique, et de la foi nationaliste. Or, nous savons par l’Ancien Testament que les p
1062 s savons par l’Ancien Testament que les prophètes de Baal faisaient les mêmes miracles (en apparence), que les prophètes d
1063 mêmes miracles (en apparence), que les prophètes de Jéhovah. Hitler est à mes yeux le type du faux prophète, celui qui an
1064 x prophète, celui qui annonce aux hommes le règne de l’Homme fort, et non la gloire du Dieu vivant. C’est pourquoi notre v
1065 lui ne peut être que notre foi. La contre-épreuve de ce jugement, je la vois dans deux faits frappants : le premier, c’est
1066 Églises chrétiennes. Le second, c’est que le chef de l’Église confessante (Union des luthériens et calvinistes allemands),
1067 e symbole juge le Troisième Reich. C’est un signe de Dieu dans notre histoire confuse. p. Rougemont Denis de, « Qui est
1068 ans notre histoire confuse. p. Rougemont Denis de , « Qui est Hitler ? », L’Hebdomadaire du temps présent, Paris, 24 fév
12 1939, Articles divers (1938-1940). Il y a toujours des directeurs de conscience en Occident (juin 1939)
1069 Il y a toujours des directeurs de conscience en Occident (juin 1939)q r I. La première partie d
1070 dent (juin 1939)q r I. La première partie de votre questionnaire comporte visiblement vos réponses. D’accord avec
1071 e suis guère avec votre description. La direction de conscience est affaire de contacts personnels, non d’influence collec
1072 scription. La direction de conscience est affaire de contacts personnels, non d’influence collective. J’écarte donc de vot
1073 onscience est affaire de contacts personnels, non d’ influence collective. J’écarte donc de votre liste les journalistes, l
1074 onnels, non d’influence collective. J’écarte donc de votre liste les journalistes, les meneurs, les savants (ces derniers
1075 niers n’agissant d’ailleurs que par le truchement de vulgarisateurs qui les trahissent), et les éditeurs (qui s’efforcent
1076 hissent), et les éditeurs (qui s’efforcent plutôt de refléter que de guider les goûts supposés du public). Parmi les écriv
1077 éditeurs (qui s’efforcent plutôt de refléter que de guider les goûts supposés du public). Parmi les écrivains, je ne reti
1078 épondent sérieusement et par principe aux lettres de lecteurs : un Gide, un Claudel… Ils sont rares. Restent les médecins
1079 un Claudel… Ils sont rares. Restent les médecins de famille : ce n’est pas nouveau. Et les psychanalystes : c’est pratiqu
1080  : c’est pratiquement limité au très petit nombre de personnes qui sont en mesure de les payer. Seules les directrices de
1081 très petit nombre de personnes qui sont en mesure de les payer. Seules les directrices de magazines féminins me paraissent
1082 nt en mesure de les payer. Seules les directrices de magazines féminins me paraissent exercer une activité précise de dire
1083 minins me paraissent exercer une activité précise de direction morale, par consultations personnelles. Quant aux meneurs,
1084 nt aux meneurs, ce sont évidemment des directeurs d’ inconscience collective. Leur méthode consiste à anesthésier les consc
1085 roblème, est d’ailleurs la conséquence nécessaire de notre anarchie morale. Et cette anarchie résulte elle-même de la mult
1086 rchie morale. Et cette anarchie résulte elle-même de la multiplicité et de l’impuissance des ersatz de prêtres et de paste
1087 anarchie résulte elle-même de la multiplicité et de l’impuissance des ersatz de prêtres et de pasteurs que vous énumérez.
1088 de la multiplicité et de l’impuissance des ersatz de prêtres et de pasteurs que vous énumérez. II. Mon principal dir
1089 cité et de l’impuissance des ersatz de prêtres et de pasteurs que vous énumérez. II. Mon principal directeur de cons
1090 vous énumérez. II. Mon principal directeur de conscience, qui mourut en 1855, écrivait : « Si l’on veut réellement
1091 à un but défini, il faut avant tout se préoccuper de le prendre là où il est, et commencer là. Voilà le secret de tout sec
1092 re là où il est, et commencer là. Voilà le secret de tout secours… Pour aider réellement un homme, il faut que j’en sache
1093 l sait. Sinon mon savoir supérieur ne lui servira de rien. Si je persiste cependant à faire valoir ma science, ce n’est pl
1094 eu d’aider l’homme, je cherche à me faire admirer de lui ». (Kierkegaard) Qu’est-ce en effet que diriger ? C’est donner un
1095 r tout sens est défini par deux points : le point de départ et le point d’arrivée. Ou, selon les termes de Kierkegaard : l
1096 par deux points : le point de départ et le point d’ arrivée. Ou, selon les termes de Kierkegaard : le directeur de conscie
1097 épart et le point d’arrivée. Ou, selon les termes de Kierkegaard : le directeur de conscience, celui qui veut « aider » so
1098 u, selon les termes de Kierkegaard : le directeur de conscience, celui qui veut « aider » son prochain, doit d’abord « pre
1099 e lui », c’est-à-dire qu’il doit connaître un but de vie meilleur. S’il est vrai que d’abord, il s’agit de partir de l’hom
1100 ie meilleur. S’il est vrai que d’abord, il s’agit de partir de l’homme réel (ce que ne peuvent faire les meneurs de masses
1101 r. S’il est vrai que d’abord, il s’agit de partir de l’homme réel (ce que ne peuvent faire les meneurs de masses), il n’es
1102 l’homme réel (ce que ne peuvent faire les meneurs de masses), il n’est pas moins vrai qu’en fin de compte, l’activité de d
1103 st pas moins vrai qu’en fin de compte, l’activité de directeur de conscience se trouve subordonnée à la connaissance d’un
1104 vrai qu’en fin de compte, l’activité de directeur de conscience se trouve subordonnée à la connaissance d’un but auquel il
1105 onscience se trouve subordonnée à la connaissance d’ un but auquel il faut conduire cet homme réel. La direction de conscie
1106 uel il faut conduire cet homme réel. La direction de conscience perd toute valeur et tout sens, donc cesse d’exister comme
1107 cience perd toute valeur et tout sens, donc cesse d’ exister comme direction, dès que l’on perd de vue les fins qu’elle doi
1108 esse d’exister comme direction, dès que l’on perd de vue les fins qu’elle doit servir. Tout se ramène donc à cette questio
1109 eut définir la voie à suivre, l’orthodoxie. Point de direction de conscience sans orthodoxie. Et à l’inverse ; dès qu’une
1110 a voie à suivre, l’orthodoxie. Point de direction de conscience sans orthodoxie. Et à l’inverse ; dès qu’une orthodoxie se
1111 s qu’une orthodoxie se remet à sévir, la fonction de directeur de conscience reparaît automatiquement ; elle consiste à re
1112 odoxie se remet à sévir, la fonction de directeur de conscience reparaît automatiquement ; elle consiste à relier l’homme
1113 es se fondent sur une doctrine du Prolétariat, ou de la Race, ou de l’Empire, ou de la Nation, et elles entendent expressé
1114 ur une doctrine du Prolétariat, ou de la Race, ou de l’Empire, ou de la Nation, et elles entendent expressément subordonne
1115 du Prolétariat, ou de la Race, ou de l’Empire, ou de la Nation, et elles entendent expressément subordonner toutes les act
1116 ent expressément subordonner toutes les activités de l’homme à ces fins-là. Mais comme il s’agit de fins partielles, n’emb
1117 és de l’homme à ces fins-là. Mais comme il s’agit de fins partielles, n’embrassant qu’une partie de la conscience humaine
1118 it de fins partielles, n’embrassant qu’une partie de la conscience humaine ou de ses déterminations, ces orthodoxies repré
1119 rassant qu’une partie de la conscience humaine ou de ses déterminations, ces orthodoxies représentent autant d’usurpations
1120 terminations, ces orthodoxies représentent autant d’ usurpations, dès l’instant qu’elles prétendent régir le tout de l’homm
1121 , dès l’instant qu’elles prétendent régir le tout de l’homme. Elles ne peuvent plus compter que sur la force brutale pour
1122 tés » par leurs victimes. Elles agissent par coup de force sur les consciences ; elles leur imposent des déformations viol
1123 quoi vous proposez, bien entendu, « l’invention » d’ une orthodoxie « universaliste », seule capable de « dépasser et domin
1124 d’une orthodoxie « universaliste », seule capable de « dépasser et dominer » ces pseudo-solutions partielles à prétentions
1125 nt universaliste, c’est-à-dire embrassant le tout de l’homme, ne déformerait plus les consciences, mais au contraire contr
1126 omme universel, nouvel Adam indemne et pur, libre de toute partialité, donc sachant tout sans expérience, et qui, vainqueu
1127 s expérience, et qui, vainqueur du temps, verrait d’ un seul regard nos origines et nos fins dernières, d’où nous venons, o
1128 n seul regard nos origines et nos fins dernières, d’ où nous venons, où nous allons… À son défaut, tout universalisme imagi
1129 ire aussi grand que le tout. Que ce soit le parti de la Raison, ou de la Liberté, ou de l’Humanité, etc. Aussi vrai que le
1130 ue le tout. Que ce soit le parti de la Raison, ou de la Liberté, ou de l’Humanité, etc. Aussi vrai que le baron de Crac ne
1131 soit le parti de la Raison, ou de la Liberté, ou de l’Humanité, etc. Aussi vrai que le baron de Crac ne pouvait pas sorti
1132 ar les cheveux, aussi vrai nous est-il impossible de nous hausser jusqu’à l’universel avec l’aide de nos idéaux : car eux
1133 e de nous hausser jusqu’à l’universel avec l’aide de nos idéaux : car eux aussi sont dans le puits. Je ne connais pas de d
1134 r eux aussi sont dans le puits. Je ne connais pas de doctrine universelle, d’universalisme concevable, descriptible, à not
1135 puits. Je ne connais pas de doctrine universelle, d’ universalisme concevable, descriptible, à notre portée et à notre disp
1136 e, dans l’homme. Seul un point qui serait au-delà de notre monde pourrait devenir le point de convergence de tous nos acte
1137 au-delà de notre monde pourrait devenir le point de convergence de tous nos actes et de tous nos espoirs. Mais alors, c’e
1138 re monde pourrait devenir le point de convergence de tous nos actes et de tous nos espoirs. Mais alors, c’est un objet de
1139 enir le point de convergence de tous nos actes et de tous nos espoirs. Mais alors, c’est un objet de foi, car il échappe a
1140 t de tous nos espoirs. Mais alors, c’est un objet de foi, car il échappe aux prises de notre esprit non moins qu’à celles
1141 c’est un objet de foi, car il échappe aux prises de notre esprit non moins qu’à celles de nos sens. Ainsi la foi chrétien
1142 aux prises de notre esprit non moins qu’à celles de nos sens. Ainsi la foi chrétienne est universaliste dans son élan et
1143 tend dans la prière et l’obéissance la Rédemption de toute vie créée, la plénitude universelle : Dieu tout en tous. Au reg
1144 nitude universelle : Dieu tout en tous. Au regard d’ une telle foi, toute autre « fin » paraît trop courte. Viser ailleurs
1145 irer sur des hommes. Mais je n’entends pas parler d’ un retour à une église, et encore moins d’un retour au christianisme.
1146 parler d’un retour à une église, et encore moins d’ un retour au christianisme. Ce serait émettre un non-sens. La foi est
1147 rige vers l’Esprit qui dit : « Viens ! » au terme de l’Apocalypse. Et c’est ce mouvement-là qui crée l’Église quand il ent
1148 elui qui a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la vie, gratuitement. » 3. Je ne puis ici que déclarer, s
1149 a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la vie, gratuitement. » 3. Je ne puis ici que déclarer, sans démon
1150 ici que déclarer, sans démonstration, que le fait de la pluralité des orthodoxies chrétiennes est un scandale, mais un sca
1151 , et cela dans la seule mesure où ils s’efforcent de le surmonter. q. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Il y
1152 s’efforcent de le surmonter. q. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Il y a toujours des directeurs de conscien
1153 nse à une enquête] Il y a toujours des directeurs de conscience en Occident », Volontés, Paris, juin 1939, p. 49-52. r. R
13 1939, Articles divers (1938-1940). Nicolas de Flue vu par Denis de Rougemont (8 juillet 1939)
1154 res regardent un des boulevards les plus bruyants de Montmartre, deux hommes penchés sur une liasse de papier mettent au m
1155 de Montmartre, deux hommes penchés sur une liasse de papier mettent au monde une œuvre nouvelle. Un seul coup d’œil et on
1156 me, le regard intelligent et un visage buriné par de longues méditations, voici Denis de Rougemont qui abandonne pour quel
1157 la toge du poète. Deux immenses pianos, encombrés de manuscrits tiennent conseil au centre de la pièce. Des livres envahis
1158 ncombrés de manuscrits tiennent conseil au centre de la pièce. Des livres envahissent des placards. Une rangée de pipes —
1159 . Des livres envahissent des placards. Une rangée de pipes — toutes espèces et toutes tailles — en disent long sur la médi
1160 d, Pacific 231. Sur une table s’étale une feuille de papier aux trois quarts achevée : c’est la partition de Nicolas de F
1161 ier aux trois quarts achevée : c’est la partition de Nicolas de Flue , la nouvelle œuvre qu’Honegger met en musique sur u
1162 lle œuvre qu’Honegger met en musique sur un texte de Denis de Rougemont. Elle sera représentée à l’Exposition de Zurich et
1163 e Rougemont. Elle sera représentée à l’Exposition de Zurich et offerte au public suisse par le canton de Neuchâtel. Il y a
1164 Zurich et offerte au public suisse par le canton de Neuchâtel. Il y a quelque chose de profondément émouvant dans ce don 
1165 par le canton de Neuchâtel. Il y a quelque chose de profondément émouvant dans ce don : un canton offre à son pays une œu
1166 sse, faite par un des musiciens les plus célèbres de son temps — suisse, ne l’oublions pas — et par un des écrivains les p
1167 s — et par un des écrivains les plus intelligents de sa génération. Neuchâtelois de naissance — et d’origine. Bel exemple
1168 plus intelligents de sa génération. Neuchâtelois de naissance — et d’origine. Bel exemple de fédéralisme. Notre Nicolas
1169 de sa génération. Neuchâtelois de naissance — et d’ origine. Bel exemple de fédéralisme. Notre Nicolas de Flue comprend
1170 hâtelois de naissance — et d’origine. Bel exemple de fédéralisme. Notre Nicolas de Flue comprend trois parties, j’hésite
1171 urement théâtral, répond Denis de Rougemont à une de mes questions. Et ces différences sont ? Il a fallu se plier aux cond
1172 a scène, ce qui restreint sensiblement la liberté d’ un auteur. Mais par contre cette limitation oblige à creuser en profon
1173 texte si besoin est… Et pourquoi donc ? La scène de Zurich est immense et se trouve dans une salle ouverte. En outre, la
1174 ue les effets à obtenir ne seront pas le résultat d’ une action individualiste, mais collective. Et comment avez-vous tradu
1175 qui doit frapper le public… D’ailleurs certaines de ces formules ont un sens général si net qu’elles prennent, de par leu
1176 tes-vous pour isoler le personnage qui parle, car de la place du public on ne voit pas très bien qui a la parole ? C’est f
1177 qu’individuelle. Maintenant, je me tourne du côté d’ Arthur Honegger qui a suivi, la pipe à la bouche, notre conversation.
1178 du premier acte par exemple forme le centre même de l’action. Ensuite, je puis vous préciser que l’orchestre n’aura que l
1179 ment. Et j’ai composé ma musique en tenant compte de cette particularité. Les chœurs avanceront, monteront au premier « ét
1180 r nous avons appelé « ciel » la partie supérieure de la scène, là où se trouve le chœur céleste. En outre, souvent les chœ
1181 , souvent les chœurs s’expriment comme les chants d’ oratorios et la musique les soutiendra. Seul un mot, parfois une phras
1182 iendra. Seul un mot, parfois une phrase, émergera de la masse sonore. Ce sera comme un cri répété plusieurs fois. Et la co
1183 ontinue longuement sur les thèmes toujours riches de la mise en scène, du jeu d’acteurs, des réactions de la foule. Ce que
1184 hèmes toujours riches de la mise en scène, du jeu d’ acteurs, des réactions de la foule. Ce que Denis de Rougemont pas plus
1185 la mise en scène, du jeu d’acteurs, des réactions de la foule. Ce que Denis de Rougemont pas plus qu’Honegger n’avouent, c
1186 ne œuvre saine et forte. C’est aussi l’inquiétude d’ en connaître les résultats. Qu’ils se rassurent ! Quand on a œuvré ave
1187 public apprécie et s’incline. Cette résurrection de Nicolas de Flue le prouvera en même temps qu’elle donnera une grande
1188 ra en même temps qu’elle donnera une grande leçon de tolérance et d’humanité. s. Rougemont Denis de, « [Entretien] Nico
1189 qu’elle donnera une grande leçon de tolérance et d’ humanité. s. Rougemont Denis de, « [Entretien] Nicolas de Flue vu p
1190 de tolérance et d’humanité. s. Rougemont Denis de , « [Entretien] Nicolas de Flue vu par Denis de Rougemont », La Patrie
14 1939, Articles divers (1938-1940). Du mythe de Tristan et Iseut à l’hitlérisme (14 juillet 1939)
1191 Du mythe de Tristan et Iseut à l’hitlérisme (14 juillet 1939)u v Il était just
1192 qui traîna ses méditations et sa machine à écrire de la Vendée en Languedoc, et de la province à Paris, installé dans ses
1193 sa machine à écrire de la Vendée en Languedoc, et de la province à Paris, installé dans ses meubles, avec une suspension e
1194 arisien, à ce qu’il me semble. Entre deux averses de cet été inclément, nous pouvons profiter du petit jardin de la NRF. C
1195 inclément, nous pouvons profiter du petit jardin de la NRF. C’est un lieu ordonné et aménagé avec goût comme tout ce qui
1196 gé avec goût comme tout ce qui touche à la maison de la rue Sébastien-Bottin. Une tonnelle verte invite aux conversations
1197 ires. Un fin gravier protège les pieds des hommes de lettres contre un contact salissant avec la glèbe impure. Une bordure
1198 ntact salissant avec la glèbe impure. Une bordure de géraniums rouges offre à l’œil un opportun et gracieux point d’appui.
1199 ouges offre à l’œil un opportun et gracieux point d’ appui. Tout invite à un entretien parfait. Tout, jusqu’au Journal d’An
1200 te à un entretien parfait. Tout, jusqu’au Journal d’ André Gide, un fort volume de treize cents pages qui vient de paraître
1201 ut, jusqu’au Journal d’André Gide, un fort volume de treize cents pages qui vient de paraître dans la collection de la Plé
1202 ts pages qui vient de paraître dans la collection de la Pléiade et qui, posé sur la table, imprime à notre rencontre la no
1203 é sur la table, imprime à notre rencontre la note de la maison. ⁂ Que dire de Denis de Rougemont ? À peine connu il y a tr
1204 notre rencontre la note de la maison. ⁂ Que dire de Denis de Rougemont ? À peine connu il y a trois ou quatre ans, en deh
1205 que peu répandues, ce jeune écrivain est en passe de se faire dans la littérature une place bien à lui et qui n’est pas de
1206 bien à lui et qui n’est pas des moindres. Ce fils de la libre Suisse, qui a hérité de la conscience et du sérieux de ceux
1207 oindres. Ce fils de la libre Suisse, qui a hérité de la conscience et du sérieux de ceux de sa race, qui s’attelle aux pro
1208 isse, qui a hérité de la conscience et du sérieux de ceux de sa race, qui s’attelle aux problèmes avec conviction, pour ne
1209 i a hérité de la conscience et du sérieux de ceux de sa race, qui s’attelle aux problèmes avec conviction, pour ne les lâc
1210 lège ce que ses sujets et sa manière risqueraient d’ avoir de légèrement pédant. Denis de Rougemont anime les plus arides m
1211 que ses sujets et sa manière risqueraient d’avoir de légèrement pédant. Denis de Rougemont anime les plus arides méditatio
1212 enser avec ses mains ». ⁂ Mais revenons au jardin de la NRF, où je suis venue lui parler de l’amour, ou plutôt de L’Amour
1213 au jardin de la NRF, où je suis venue lui parler de l’amour, ou plutôt de L’Amour et l’Occident, son dernier livre. Si ma
1214 où je suis venue lui parler de l’amour, ou plutôt de L’Amour et l’Occident, son dernier livre. Si ma question ne vous para
1215 livre, si différent par son caractère intemporel de vos derniers livres, tous liés à l’actualité. Je songe au Journal d’u
1216 res, tous liés à l’actualité. Je songe au Journal d’ un intellectuel en chômage, et surtout au Journal d’Allemagne qui fut
1217 un intellectuel en chômage, et surtout au Journal d’ Allemagne qui fut accueilli avec une telle faveur par tous ceux qui pe
1218 du mariage est un des problèmes les plus brûlants de la société d’aujourd’hui, et c’est surtout à cet aspect de la questio
1219 un des problèmes les plus brûlants de la société d’ aujourd’hui, et c’est surtout à cet aspect de la question que j’ai son
1220 iété d’aujourd’hui, et c’est surtout à cet aspect de la question que j’ai songé en me mettant à l’œuvre. J’ai voulu d’abor
1221 lu d’abord faire un livre court traitant du mythe de Tristan et de la décadence de la conception du mariage. Les idées me
1222 re un livre court traitant du mythe de Tristan et de la décadence de la conception du mariage. Les idées me sont venues en
1223 t traitant du mythe de Tristan et de la décadence de la conception du mariage. Les idées me sont venues en travaillant. Le
1224 t. Les livres que j’ai lus m’ont mis sur la piste d’ une liaison du mythe de Tristan avec la tradition courtoise, les troub
1225 lus m’ont mis sur la piste d’une liaison du mythe de Tristan avec la tradition courtoise, les troubadours et le catharisme
1226 le catharisme. C’est ainsi que les livres II à V de L’Amour et l’Occident , consacrés aux origines religieuses du mythe,
1227 à l’amour et la guerre, ont été trouvés en cours de route. Mais les hypothèses historiques que j’y développe ne sont pas
1228 u début, je ne songeais qu’au problème individuel de l’amour et du mariage. C’est en creusant les conceptions sociologique
1229 iologiques, peut-être sous l’influence du Collège de sociologie, et en partant non plus des relations économiques, mais de
1230 partant non plus des relations économiques, mais de ce qui est sacré dans la sociologie, que j’en suis arrivé à envisager
1231 ent dans de plus nombreuses versions non connues. D’ où vient, selon vous, cette conception de l’amour ? J’ai cherché ce qu
1232 connues. D’où vient, selon vous, cette conception de l’amour ? J’ai cherché ce qui lui ressemblait le plus, et j’ai trouvé
1233 c’était la poésie des troubadours. Quant à savoir d’ où vient cette dernière, c’est un problème sur lequel les érudits eux-
1234 les érudits eux-mêmes sont en désaccord, au point de renoncer à toute explication. Mais vous avez sans doute une hypothèse
1235 t dans le Languedoc, en Provence, dans une partie de l’Espagne et de l’Italie, le mouvement cathare. D’après ce que nous e
1236 doc, en Provence, dans une partie de l’Espagne et de l’Italie, le mouvement cathare. D’après ce que nous en savons, il com
1237 fait comparables à celles des troubadours : refus de la consommation de l’amour, exaltation de l’amour chaste, par exemple
1238 celles des troubadours : refus de la consommation de l’amour, exaltation de l’amour chaste, par exemple. Par ailleurs, on
1239 : refus de la consommation de l’amour, exaltation de l’amour chaste, par exemple. Par ailleurs, on sait que certains troub
1240 our un bon tiers d’entre eux. C’est sur des faits de cet ordre et sur toute une série d’analogies dans l’expression, que j
1241 sur des faits de cet ordre et sur toute une série d’ analogies dans l’expression, que j’ai fondé mon raisonnement. Qui pour
1242 que c’était que la passion, ne puis-je m’empêcher de compléter. Je ne le crois pas, réplique Denis de Rougemont. La passio
1243 folie. À partir du xiie siècle, sous l’influence de la mystique cathare et de la poésie des troubadours, la passion reçoi
1244 iècle, sous l’influence de la mystique cathare et de la poésie des troubadours, la passion reçoit droit de cité. Elle peut
1245 a poésie des troubadours, la passion reçoit droit de cité. Elle peut s’exprimer dans le langage du mythe sous une forme vo
1246 ait que refaire éternellement, avec plus ou moins de succès, le roman de Tristan et Iseut. Vous soutenez cette opinion par
1247 nellement, avec plus ou moins de succès, le roman de Tristan et Iseut. Vous soutenez cette opinion paradoxale que Tristan
1248 e opinion paradoxale que Tristan et Iseut, couple de parfaits amants, ne s’aimèrent pas. À la manière dont Denis de Rougem
1249 act, en effet », on sent qu’il ne lui déplait pas de se faire le champion d’un paradoxe. Tristan aime sa passion, explique
1250 qu’il ne lui déplait pas de se faire le champion d’ un paradoxe. Tristan aime sa passion, explique-t-il. Il n’aime pas Ise
1251 me sa passion, explique-t-il. Il n’aime pas Iseut de charité, dans son être véritable. À la différence d’Agapè, l’amour ch
1252 charité, dans son être véritable. À la différence d’ Agapè, l’amour chrétien de la personne, Éros, le désir sans fin n’est
1253 itable. À la différence d’Agapè, l’amour chrétien de la personne, Éros, le désir sans fin n’est que la projection de l’idé
1254 , Éros, le désir sans fin n’est que la projection de l’idéal de l’amant sur un autre être. On ne peut pas épouser une femm
1255 désir sans fin n’est que la projection de l’idéal de l’amant sur un autre être. On ne peut pas épouser une femme comme Ise
1256 s on verrait la femme réelle. Iseut épousée cesse d’ être Iseut pour devenir madame Tristan, ce qu’on ne saurait imaginer.
1257 ontrés. N’est-ce pas d’ailleurs le thème constant de tous les romanciers ? Ainsi, selon vous, il n’est pas de synthèse pos
1258 les romanciers ? Ainsi, selon vous, il n’est pas de synthèse possible entre Éros et Agapè ? J’ai tenté une esquisse de sy
1259 ble entre Éros et Agapè ? J’ai tenté une esquisse de synthèse à la fin de mon livre, en partant des mystiques. Je traitera
1260 pè ? J’ai tenté une esquisse de synthèse à la fin de mon livre, en partant des mystiques. Je traiterai ce problème plus à
1261 mmencer, j’ai voulu marquer les deux cas extrêmes de l’amour, afin d’y voir clair avant de passer à la synthèse. En écriva
1262 et l’Occident, vous avez réhabilité les problèmes de la passion qui n’étaient pas jusqu’à présent objet de littérature sér
1263 a passion qui n’étaient pas jusqu’à présent objet de littérature sérieuse. Il est rare, en effet, qu’on en ait parlé en Fr
1264 are, en effet, qu’on en ait parlé en France comme de problèmes sérieux, acquiesce l’écrivain. Mais il en va différemment d
1265 différemment dans d’autres pays. Les traductions de mon livre montrent que l’étranger s’intéresse à une étude où l’on par
1266 l’étranger s’intéresse à une étude où l’on parle de l’amour sans ironie comme sans sentimentalisme. Et j’ai surtout renco
1267 out rencontré la faveur du public féminin content de voir examiner impartialement « son » problème. Comment en êtes-vous v
1268 et l’amour ? Je ne peux me retenir plus longtemps de poser cette question qui me brûlait la langue depuis le début de notr
1269 question qui me brûlait la langue depuis le début de notre entretien, lequel prend de plus en plus figure de conversation
1270 re entretien, lequel prend de plus en plus figure de conversation amicale à bâtons rompus, tant je me sens de plain-pied a
1271 ersation amicale à bâtons rompus, tant je me sens de plain-pied avec cet auteur si peu imbu de sa personne. Mon interlocut
1272 me sens de plain-pied avec cet auteur si peu imbu de sa personne. Mon interlocuteur rejette tout de suite une objection po
1273 ible : Il va sans dire qu’il convient dès l’abord d’ écarter de ce parallélisme la guerre moderne telle qu’on la fait depui
1274 va sans dire qu’il convient dès l’abord d’écarter de ce parallélisme la guerre moderne telle qu’on la fait depuis 1915. Ma
1275 telle qu’on la fait depuis 1915. Mais à l’époque de l’amour courtois il n’existait pas de distinction entre l’amour et la
1276 à l’époque de l’amour courtois il n’existait pas de distinction entre l’amour et la guerre. Le lansquenet de l’ancien tem
1277 inction entre l’amour et la guerre. Le lansquenet de l’ancien temps avait le goût de la guerre pour elle-même ; peu lui im
1278 re. Le lansquenet de l’ancien temps avait le goût de la guerre pour elle-même ; peu lui importaient les raisons pour lesqu
1279 s il se battait. La guerre constituait une espèce de jeu avec des règles, un commencement et une fin, ce qui est la défini
1280 ations individuelles des amants au fait collectif de la guerre. Mais on peut — en usant ici du concept nouvellement consac
1281 t — en usant ici du concept nouvellement consacré d’ « inconscient collectif » — dire que tout se passe comme si les sociét
1282 si les sociétés réagissaient comme l’inconscient d’ un individu. De nombreux faits viennent à l’appui de cette thèse. Les
1283 s réagissaient comme l’inconscient d’un individu. De nombreux faits viennent à l’appui de cette thèse. Les peuples connus
1284 lemagne ne vient que loin derrière, — l’Allemagne d’ avant le romantisme s’entend. Car avec le romantisme, l’Allemagne chan
1285 ntend. Car avec le romantisme, l’Allemagne change de nature. Les trois générations de romantiques allemands, individualist
1286 Allemagne change de nature. Les trois générations de romantiques allemands, individualistes en dehors de toute sociologie,
1287 ui se fait sentir aujourd’hui. Vous voulez parler de l’hitlérisme ? Il y a certainement une source commune à Hitler et aux
1288 réactions collectives des Allemands et les rêves d’ un Allemand. Quand les formes se disloquent, le mythe n’est plus un my
1289 pas choisi ce qu’on appelle communément un sujet d’ actualité, parce que je crois que la véritable signification des quest
1290 t. Denis de Rougemont me recommande pour terminer d’ insister sur le fait qu’il n’a pas voulu faire œuvre d’historien. Même
1291 ister sur le fait qu’il n’a pas voulu faire œuvre d’ historien. Même si les historiens trouvent que j’ai tort sur un point
1292 ui paraît-elle insuffisante, puisqu’il me demande de revoir son interview avant la publication. Saurait-on lui en vouloir
1293 w avant la publication. Saurait-on lui en vouloir de marquer une si grande méfiance à l’égard des journalistes ? Pour ma p
1294 d des journalistes ? Pour ma part, je lui en veux d’ autant moins que c’est chez lui qu’il me reçoit, un chez-lui tout prov
1295 t dans un clair studio qui lui a été prêté par un de ses confrères en matière de « journal ». La NRF continue d’étendre sa
1296 frères en matière de « journal ». La NRF continue d’ étendre sa présence autour de Denis de Rougemont. u. Rougemont Deni
1297 tour de Denis de Rougemont. u. Rougemont Denis de , « [Entretien] Du mythe de Tristan et Iseut à l’hitlérisme », Tribune
1298 u. Rougemont Denis de, « [Entretien] Du mythe de Tristan et Iseut à l’hitlérisme », Tribune de France. Hebdomadaire de
1299 the de Tristan et Iseut à l’hitlérisme », Tribune de France. Hebdomadaire de la reconstruction française, Paris, 14 juille
1300 à l’hitlérisme », Tribune de France. Hebdomadaire de la reconstruction française, Paris, 14 juillet 1939, p. 4. v. Propos
15 1939, Articles divers (1938-1940). Comment j’ai écrit Nicolas de Flue (3 novembre 1939)
1301 s un sujet dramatique digne des vastes dimensions de la Halle des Fêtes à Zurich. C’était en septembre 1938. L’Europe enti
1302 rope entière allait mobiliser. Vous vous souvenez de cet après-midi du mercredi 28 septembre où les peuples prêtaient l’or
1303 es peuples prêtaient l’oreille guettant le tocsin de la guerre. C’est alors qu’éclata la nouvelle de l’entrevue décisive d
1304 n de la guerre. C’est alors qu’éclata la nouvelle de l’entrevue décisive de Munich. Or, au soir de ce jour me parvint par
1305 lors qu’éclata la nouvelle de l’entrevue décisive de Munich. Or, au soir de ce jour me parvint par hasard un livre sur la
1306 lle de l’entrevue décisive de Munich. Or, au soir de ce jour me parvint par hasard un livre sur la vie de Nicolas de Flue.
1307 ce jour me parvint par hasard un livre sur la vie de Nicolas de Flue. Et je tombai sur le récit de la Diète de Stans, c’es
1308 vie de Nicolas de Flue. Et je tombai sur le récit de la Diète de Stans, c’est-à-dire sur le récit même de la journée que n
1309 as de Flue. Et je tombai sur le récit de la Diète de Stans, c’est-à-dire sur le récit même de la journée que nous venions
1310 la Diète de Stans, c’est-à-dire sur le récit même de la journée que nous venions de vivre ! C’était la même menace, la mêm
1311 fle, le peuple attend les cloches fatidiques : et d’ un coup le même « Alléluia ! » parce qu’un homme a osé, quand tout éta
1312 ire encore au miracle et l’accomplir ! Le message de l’ermite du Ranft prenait en ce soir-là des résonances monumentales.
1313 à des résonances monumentales. Cette petite scène de Stans, que nous avions coutume de voir dans le lointain de notre hist
1314 te petite scène de Stans, que nous avions coutume de voir dans le lointain de notre histoire, par le gros bout de la lunet
1315 que nous avions coutume de voir dans le lointain de notre histoire, par le gros bout de la lunette du temps, la voilà qui
1316 s le lointain de notre histoire, par le gros bout de la lunette du temps, la voilà qui s’agrandissait aux proportions de l
1317 emps, la voilà qui s’agrandissait aux proportions de l’Europe d’aujourd’hui. Il n’y avait plus à hésiter. Je tenais enfin
1318 là qui s’agrandissait aux proportions de l’Europe d’ aujourd’hui. Il n’y avait plus à hésiter. Je tenais enfin le grand suj
1319 vé — Honegger, le puissant auteur du Roi David et d’ Antigone — et dès le mois de mai de cette année, sous l’égide de l’Ins
1320 uteur du Roi David et d’Antigone — et dès le mois de mai de cette année, sous l’égide de l’Institut neuchâtelois, 500 pers
1321 u Roi David et d’Antigone — et dès le mois de mai de cette année, sous l’égide de l’Institut neuchâtelois, 500 personnes,
1322 t dès le mois de mai de cette année, sous l’égide de l’Institut neuchâtelois, 500 personnes, acteurs, choristes et figuran
1323 pour réaliser le spectacle. Ce magnifique effort d’ art et de patriotisme devait trouver son couronnement lors des deux jo
1324 liser le spectacle. Ce magnifique effort d’art et de patriotisme devait trouver son couronnement lors des deux journées ne
1325 ouronnement lors des deux journées neuchâteloises de l’Exposition de Zurich. Mais le mois de septembre 1939 nous apporta l
1326 des deux journées neuchâteloises de l’Exposition de Zurich. Mais le mois de septembre 1939 nous apporta la catastrophe qu
1327 âteloises de l’Exposition de Zurich. Mais le mois de septembre 1939 nous apporta la catastrophe que septembre 1938 avait s
1328 e 1938 avait su écarter. C’était l’échec tragique de Nicolas et du message fraternel que le drame allait nous redire. Et c
1329 cependant nous n’avons pas perdu courage. La foi de Nicolas domine les temps. Elle vit encore au cœur des Suisses. Elle e
1330 œur des Suisses. Elle est encore le grand symbole de notre Confédération et de sa mission en Europe. Plus que jamais, dans
1331 encore le grand symbole de notre Confédération et de sa mission en Europe. Plus que jamais, dans ces heures sérieuses, plu
1332 e doit se faire entendre. Grâce aux organisateurs de l’émission nationale du 6 novembre, quelques scènes typiques de la pi
1333 nationale du 6 novembre, quelques scènes typiques de la pièce seront exécutées à votre intention par les acteurs, choriste
1334 ns qui s’étaient préparés pour Zurich. (Compagnie de la Saint-Grégoire, Chorales du Locle et de La Chaux-de-Fonds, dirigée
1335 pagnie de la Saint-Grégoire, Chorales du Locle et de La Chaux-de-Fonds, dirigées par M. Charles Taller, Fanfare des Armes
1336 e des Armes réunies, dirigée par M. Piéron, régie de M. Jean Kiehl.) Beaucoup d’entre eux sont comme moi, mobilisés. Remer
1337 eux sont comme moi, mobilisés. Remercions l’armée de leur avoir accordé les congés nécessaires : ils auront tous conscienc
1338 ils auront tous conscience, lors de l’exécution, de servir encore le pays. w. Rougemont Denis de, « Comment j’ai écrit
1339 , de servir encore le pays. w. Rougemont Denis de , « Comment j’ai écrit Nicolas de Flue  », Le Radio, Lausanne, 3 novem
16 1939, Articles divers (1938-1940). Pourquoi nous sommes là (décembre 1939)
1340 rquoi nous sommes là (décembre 1939)x Il neige de gros flocons humides sur un vallon du haut Jura. Et la neige fond dan
1341 e deux sapins pleureurs, enveloppé dans une toile de tente raidie par l’humidité. Et je constate que mes hommes ont cessé
1342 humidité. Et je constate que mes hommes ont cessé de creuser leur trou de mitrailleuse : ils préfèrent s’enfumer autour d’
1343 ate que mes hommes ont cessé de creuser leur trou de mitrailleuse : ils préfèrent s’enfumer autour d’un feu de branches mo
1344 de mitrailleuse : ils préfèrent s’enfumer autour d’ un feu de branches mortes, mornes et ronchonneurs, à la lisière d’un b
1345 illeuse : ils préfèrent s’enfumer autour d’un feu de branches mortes, mornes et ronchonneurs, à la lisière d’un bois. J’es
1346 ches mortes, mornes et ronchonneurs, à la lisière d’ un bois. J’essaie de les réconforter. Silence, réprobation muette. Je
1347 et ronchonneurs, à la lisière d’un bois. J’essaie de les réconforter. Silence, réprobation muette. Je prends une pioche et
1348 mmes me regardent, et ils ne rient même pas. L’un d’ eux entre ses dents : « On se demande ce qu’on fout par-là… » Eh bien
1349 emande ce qu’on fout par-là… » Eh bien oui, bande de rouspéteurs, vous avez bien raison de vous le demander ! Et je me le
1350 oui, bande de rouspéteurs, vous avez bien raison de vous le demander ! Et je me le demande encore, devant ce papier blanc
1351 ut ce qui faisait notre vie ? Il faudrait essayer de répondre. L’homme n’est pas né pour faire n’importe quoi, sans rien c
1352 uelques kilomètres d’ici commencent les tranchées de la guerre, et des hommes meurent. Pourquoi cette guerre, pourquoi ces
1353 pourquoi ces morts ? Parce que les gouvernements de l’Europe n’ont pas su résoudre autrement le problème des minorités, a
1354 devoir s’imaginer ! — que le bonheur et la force d’ un peuple dépendent de sa grandeur physique, de sa mise au pas militai
1355  que le bonheur et la force d’un peuple dépendent de sa grandeur physique, de sa mise au pas militaire, de son arrogance é
1356 ce d’un peuple dépendent de sa grandeur physique, de sa mise au pas militaire, de son arrogance étatique. Nous sommes ici
1357 a grandeur physique, de sa mise au pas militaire, de son arrogance étatique. Nous sommes ici à patauger parce que les peup
1358 s’unifier brutalement. Oui, cette guerre n’a pas d’ autre sens : elle marque la faillite retentissante des systèmes centra
1359 gigantesques. C’est la guerre la plus antisuisse de toute l’histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même t
1360 la solution suisse et fédérale est seule capable de fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’est pas not
1361 e nous avons à défendre : le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent
1362 oit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait,
1363 éjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes
1364 t. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’ idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est p
1365 grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est pas pour défendre des fr
1366 ’est pas pour défendre des fromages, des conseils d’ administration, notre confort et nos hôtels. D’autres — on sait qui —
1367  ! Ce n’est pas non plus pour protéger nos « lacs d’ azur » et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la propagand
1368 » et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la propagande se chargerait très volontiers de ce travail de Heimatsc
1369 re de la propagande se chargerait très volontiers de ce travail de Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter l
1370 gande se chargerait très volontiers de ce travail de Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter la mission dont
1371 iècles, devant l’Europe. D’autres se sont chargés d’ arrêter les brigands qui voulaient profiter de sa faiblesse. Nous somm
1372 gés d’arrêter les brigands qui voulaient profiter de sa faiblesse. Nous sommes chargés de la défendre contre elle-même, de
1373 ent profiter de sa faiblesse. Nous sommes chargés de la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa san
1374 s sommes chargés de la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si n
1375 défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’ affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si nous trahissons cette m
1376 me, de garder son trésor, d’affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si nous trahissons cette mission, si nous n’en pre
1377 ’en prenons pas conscience, je ne donne pas lourd de notre indépendance. Lt D. de Rougemont III/20. x. Rougemont Denis
1378 Lt D. de Rougemont III/20. x. Rougemont Denis de , « Pourquoi nous sommes là », La DAC, Berne, décembre 1939, p. 1.
17 1939, Articles divers (1938-1940). Nicolas de Flue : naissance d’un drame (Noël 1939)
1379 Nicolas de Flue : naissance d’ un drame (Noël 1939)z Le mercredi 28 septembre de l’an dernier, au
1380 un drame (Noël 1939)z Le mercredi 28 septembre de l’an dernier, au milieu de l’après-midi, je fus appelé au téléphone p
1381 ne par un ami. Était-ce la guerre qu’on attendait d’ une heure à l’autre ? C’était Munich, c’était la paix, cela n’arrangea
1382 dirigeant son Nocturne dans le théâtre goldonien de la Fenice et je me disais une fois de plus : j’écrirai quelque chose
1383 entendement. C’est à ce moment que l’on m’offrit d’ écrire une pièce pour l’Exposition de Zurich. Je ris un peu de tant de
1384 ’on m’offrit d’écrire une pièce pour l’Exposition de Zurich. Je ris un peu de tant de flegme… L’Exposition, d’abord, n’aur
1385 j’allais mettre mon casque ; enfin je n’avais pas de sujet, et je défiais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui fût de
1386 je n’avais pas de sujet, et je défiais quiconque d’ en trouver un, en Suisse, qui fût de taille à occuper l’énorme scène d
1387 ais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui fût de taille à occuper l’énorme scène dont j’avais vu les plans. On insista
1388 la catastrophe réglerait tout. Sur quoi, le coup de téléphone que j’ai dit, et toute la vie qui se reprend à vivre, les d
1389 ourir, le sujet à me fuir… Le soir même, rentrant de voyage, ma femme m’apporte un livre qu’on lui a prêté : une biographi
1390 porte un livre qu’on lui a prêté : une biographie de Nicolas de Flue, signée Anne-Marie de Gourlet4. Genre édifiant, hagio
1391 s ne m’avait jamais paru très excitant : souvenir d’ école primaire, c’est tout dire. Mais tout d’un coup, me voilà pris !
1392 enir d’école primaire, c’est tout dire. Mais tout d’ un coup, me voilà pris ! Je découvre une vie d’homme réel, un siècle d
1393 ut d’un coup, me voilà pris ! Je découvre une vie d’ homme réel, un siècle décisif de notre histoire, un grand drame religi
1394 découvre une vie d’homme réel, un siècle décisif de notre histoire, un grand drame religieux au seuil de la Réforme, — et
1395 notre histoire, un grand drame religieux au seuil de la Réforme, — et déjà des dialogues esquissés, ces relations faites p
1396 se dessine dans l’espace : la cellule silencieuse de l’ermite, au centre, et tout autour le jeu bruyant du monde, et ces d
1397 autour le jeu bruyant du monde, et ces deux files de pèlerins, l’une qui descend à droite, l’autre qui vient de la gauche,
1398 audrait une scène à étages… C’est justement celle de Zurich ! Nuit blanche. Trois actes se composent, irrésistiblement, im
1399 re, je perçois mille correspondances. Cette Diète de Stans où le message de Nicolas sauve la paix à la onzième heure, ce n
1400 rrespondances. Cette Diète de Stans où le message de Nicolas sauve la paix à la onzième heure, ce n’est plus un souvenir d
1401 aix à la onzième heure, ce n’est plus un souvenir de manuel, c’est le Munich des Suisses, c’est l’éternel miracle du don d
1402 unich des Suisses, c’est l’éternel miracle du don de la paix, toujours immérité… Au matin, la pièce était faite. Non pas é
1403 Dès les premiers instants, le paradoxe technique de ce drame m’était clairement apparu : il s’agissait de peupler une scè
1404 e drame m’était clairement apparu : il s’agissait de peupler une scène immense autour d’un seul personnage important. Reve
1405 il s’agissait de peupler une scène immense autour d’ un seul personnage important. Revenir au théâtre grec, avec son chœur
1406 té qui peut s’accorder à la fois à la déclamation d’ un chœur en marche et au dialogue, forcément sans nuances, de personna
1407 en marche et au dialogue, forcément sans nuances, de personnages quasi mythiques. Tout cela créait l’appel au musicien… Sa
1408 cela créait l’appel au musicien… Sans un instant d’ hésitation, je m’adressai à Honegger. En trois mois, tout fut terminé.
1409 is heureux, où le temps s’écoulait au rythme même de l’œuvre en marche. L’accord du musicien et de l’auteur était si parfa
1410 ême de l’œuvre en marche. L’accord du musicien et de l’auteur était si parfaitement préétabli que je ne fus pas étonné de
1411 i parfaitement préétabli que je ne fus pas étonné de retrouver, dans la partition d’Honegger, certains traits mélodiques q
1412 ne fus pas étonné de retrouver, dans la partition d’ Honegger, certains traits mélodiques que j’avais inventés en composant
1413 et mes récitatifs, — et que je m’étais bien gardé de lui chanter ! On sait la suite : tout était prêt, quand septembre 193
1414 ce qu’avait engendré Munich. Ainsi ma pièce, née d’ un croisement fortuit d’une série de petits faits privés et d’une séri
1415 nich. Ainsi ma pièce, née d’un croisement fortuit d’ une série de petits faits privés et d’une série de faits européens, de
1416 ma pièce, née d’un croisement fortuit d’une série de petits faits privés et d’une série de faits européens, devait subir,
1417 ent fortuit d’une série de petits faits privés et d’ une série de faits européens, devait subir, à partir de ce jour, le so
1418 d’une série de petits faits privés et d’une série de faits européens, devait subir, à partir de ce jour, le sort même de l
1419 , devait subir, à partir de ce jour, le sort même de la paix qu’elle chantait. Je vous ai raconté cette histoire pour appo
1420 pporter un témoignage assez précis au vieux débat de l’inspiration. On voit la part déterminante que l’occasion et les don
1421 a part déterminante que l’occasion et les données de fait ont joué dans cette création (scène de Zurich, chœurs et fanfare
1422 nnées de fait ont joué dans cette création (scène de Zurich, chœurs et fanfares disponibles en pays neuchâtelois). On devi
1423 lui du hasard apparent qui présida au recoupement de deux séries de faits sans aucun lien… Quel sera le destin de ce drame
1424 pparent qui présida au recoupement de deux séries de faits sans aucun lien… Quel sera le destin de ce drame ? Celui de la
1425 ies de faits sans aucun lien… Quel sera le destin de ce drame ? Celui de la paix, je le répète. Joignons alors notre prièr
1426 cun lien… Quel sera le destin de ce drame ? Celui de la paix, je le répète. Joignons alors notre prière à celle du peuple
1427 sse, invoquant du fond des vallées l’intervention de Nicolas : Parmi nous, peuple, parmi nous — parmi la foule en lourd t
1428 le en lourd tumulte avant le jour — aveugle proie de l’horreur désirée — prêtant l’oreille au martelant galop du cheval ro
1429 êtant l’oreille au martelant galop du cheval roux de notre Apocalypse — parmi nous, foule, parmi nous. Descends ! clément
1430 areille à la rosée ! — Viens te poser sur le cœur de violence — apaise-nous, colombe en ce tumulte — miraculeuse ! Jusqu’a
1431 s les chœurs du drame : Éclatez, éclatez en cris de joie ! Oui, tous en chœur, levez-vous et chantez ! Dans la paix q
1432 Alléluia ! Alléluia ! 4. Je saisis l’occasion de signaler une autre biographie de Nicolas, Bruder Klaus, par Mlle de S
1433 aisis l’occasion de signaler une autre biographie de Nicolas, Bruder Klaus, par Mlle de Segesser, avec l’espoir qu’elle so
1434 soit bientôt traduite. C’est un excellent travail d’ histoire revécue. z. Rougemont Denis de, «  Nicolas de Flue : naissa
1435 travail d’histoire revécue. z. Rougemont Denis de , «  Nicolas de Flue : naissance d’un drame », Formes et couleurs, Lau
1436 ougemont Denis de, «  Nicolas de Flue : naissance d’ un drame », Formes et couleurs, Lausanne, Noël 1939, p. 1-2.
18 1940, Articles divers (1938-1940). L’homme au poignard enguirlandé (1940)
1437 Ah ! Nicolas Manuel Deutsch, on ne s’embêtait pas de ton temps ! On allait faire la guerre en Italie pour le plaisir d’un
1438 allait faire la guerre en Italie pour le plaisir d’ un sang violent, et quand les lansquenets trichaient au jeu mortel, qu
1439 t l’on exhalait sa colère dans un chant débordant d’ injures : « Tu mens plus largement que ta gueule n’est fendue !… Tu t’
1440 n dans son fumier !… Ô toi mon doux petit faiseur de rimes, je te tire une crotte sur le nez, trois dans ta barbe !15 » Ma
1441 tter du même pas la planète… ⁂ Un vers du temps — d’ un peu plus tard, sans doute, mais c’est encore le même rythme de vie
1442 ard, sans doute, mais c’est encore le même rythme de vie — vient mêler sa guirlande à mes images, comme la devise du table
1443 a devise du tableau, tandis que je songe à la vie de Nicolas Manuel Deutsch. C’est un autre guerrier qui parle en ses Trag
1444 ’est un autre guerrier qui parle en ses Tragiques d’ une nuit Où l’Amour et la Mort troquèrent leurs flambeaux. Par le pinc
1445 pinceau, par l’épée et la plume, Manuel n’a cessé de provoquer la mort. Dans toute son œuvre, au cœur de son lyrisme, elle
1446 provoquer la mort. Dans toute son œuvre, au cœur de son lyrisme, elle tient le lieu de la passion d’amour, et c’est elle
1447 œuvre, au cœur de son lyrisme, elle tient le lieu de la passion d’amour, et c’est elle qu’il invite à la danse avec une fo
1448 de son lyrisme, elle tient le lieu de la passion d’ amour, et c’est elle qu’il invite à la danse avec une fougue adolescen
1449 tyrs et mort bourgeoise, mort soldatesque et mort de carnaval, vierge, paysanne, ou fille à lansquenets, c’est toujours el
1450 ejoint ou qu’il poursuit ; dans les métamorphoses de sa vie : toujours vêtue aux couleurs de sa fièvre et de sa nouvelle a
1451 morphoses de sa vie : toujours vêtue aux couleurs de sa fièvre et de sa nouvelle aventure. Pourquoi les hommes les plus vi
1452 vie : toujours vêtue aux couleurs de sa fièvre et de sa nouvelle aventure. Pourquoi les hommes les plus vivants de cette é
1453 le aventure. Pourquoi les hommes les plus vivants de cette époque où la vie s’exaspère ont-ils fait à la mort, dans leurs
1454 itude : face au danger. Leur Suisse est au sommet de son élan vers la conquête et la richesse ; au comble de sa gloire, et
1455 élan vers la conquête et la richesse ; au comble de sa gloire, et de son risque. Elle n’a jamais été moins neutre, moins
1456 quête et la richesse ; au comble de sa gloire, et de son risque. Elle n’a jamais été moins neutre, moins confinée dans ses
1457 moyennes, ni moins en garde contre les tentations de la grandeur. Elle est sérieuse parce qu’elle est menacée et menaçante
1458 t menaçante ; parce qu’elle est tout le contraire d’ un pays d’« assurés ». Sérieuse et impétueuse, comme ceux qui savent q
1459 e ; parce qu’elle est tout le contraire d’un pays d’ « assurés ». Sérieuse et impétueuse, comme ceux qui savent que la vie
1460 comme ceux qui savent que la vie n’est pas le but de la vie, qu’elle ne mérite pas de majuscule, et qu’elle est quelque ch
1461 n’est pas le but de la vie, qu’elle ne mérite pas de majuscule, et qu’elle est quelque chose qui doit brûler, flamber, et
1462 contemporains savent et disent à leur manière que de demain rien n’est certain. Mais ce qu’ils sentent menacé, ce n’est po
1463 et forte qui figure à leurs yeux le train normal de l’homme. Leur œuvre illustre la vision de l’Ecclésiaste, ce grand maî
1464 normal de l’homme. Leur œuvre illustre la vision de l’Ecclésiaste, ce grand maître du vrai réalisme. « Jette ton pain sur
1465 el malheur peut arriver sur la terre. » Le secret de la vie généreuse est la conscience de sa brève vanité. Dix-huit siècl
1466 » Le secret de la vie généreuse est la conscience de sa brève vanité. Dix-huit siècles de chrétienté ont prêché sur le thè
1467 a conscience de sa brève vanité. Dix-huit siècles de chrétienté ont prêché sur le thème du memento mori, mais nous préféro
1468 nto mori, mais nous préférons aujourd’hui l’éloge de la vie au grand air. Et tout se passe comme si le souci de l’hygiène,
1469 au grand air. Et tout se passe comme si le souci de l’hygiène, et celui de l’épargne dans tous les domaines, tuaient en n
1470 se passe comme si le souci de l’hygiène, et celui de l’épargne dans tous les domaines, tuaient en nous le sens métaphysiqu
1471 lus libre fantaisie, mais énergique : je ne cesse d’ admirer chez Manuel la plupart des vertus qui nous manquent. Böcklin m
1472 part des vertus qui nous manquent. Böcklin manque de sobriété, Hodler aussi. D’où l’espèce de niaiserie qui affecte essent
1473 nquent. Böcklin manque de sobriété, Hodler aussi. D’ où l’espèce de niaiserie qui affecte essentiellement les solennelles d
1474 n manque de sobriété, Hodler aussi. D’où l’espèce de niaiserie qui affecte essentiellement les solennelles démonstrations
1475 te essentiellement les solennelles démonstrations d’ Art du premier, le gigantisme méthodique du second. Et quant à l’éléga
1476 figures sans mystère. Manuel est un nerveux, mais de ferme écriture : un imaginatif, mais sans excitation ; un homme qui p
1477 près ce que nous avons perdu par une longue suite de « libérations » qui ne laissent enfin subsister que la plus discutabl
1478 sent enfin subsister que la plus discutable envie de peindre… ⁂ Son réalisme ne fait pas d’histoires, parce qu’il n’est pa
1479 able envie de peindre… ⁂ Son réalisme ne fait pas d’ histoires, parce qu’il n’est pas une polémique mais une acceptation de
1480 à toutes fins utiles ou spirituelles, à la volée d’ une imagination qui se soucie d’abord de composer. Entre une épaule et
1481 la volée d’une imagination qui se soucie d’abord de composer. Entre une épaule et une arcade, vous découvrez un lac entou
1482 aule et une arcade, vous découvrez un lac entouré de cultures, de beaux champs gras, des laboureurs et des bateaux, toute
1483 rcade, vous découvrez un lac entouré de cultures, de beaux champs gras, des laboureurs et des bateaux, toute une nature à
1484 eurs et des bateaux, toute une nature à la mesure de l’homme, portant les marques de l’usage, et dominée par quelques Alpe
1485 ature à la mesure de l’homme, portant les marques de l’usage, et dominée par quelques Alpes qui sont des vagues à peine fi
1486 ’opéra romantique, bien moins encore ces planches de minéralogie que nous bariolent les peintres d’Alpe. Ce qu’il peint, l
1487 es de minéralogie que nous bariolent les peintres d’ Alpe. Ce qu’il peint, lui, c’est la terre des hommes, vue par les yeux
1488 lui, c’est la terre des hommes, vue par les yeux de qui l’habite et l’utilise, et non point des « paysages » ou des « vue
1489 e et bien suspect du terme. Un beau jour, fatigué de signer d’un poignard ses tumultueuses compositions, il se joint aux g
1490 suspect du terme. Un beau jour, fatigué de signer d’ un poignard ses tumultueuses compositions, il se joint aux guerriers d
1491 positions, il se joint aux guerriers du chevalier de Stein, va combattre à Novare et pille la cité, assiste à la défaite d
1492 e à Novare et pille la cité, assiste à la défaite de la Bicoque, crie son indignation dans un furieux poème, et s’en revie
1493 ur y faire la Réforme. Il écrira d’abord des jeux de carnaval qui sont en vérité bien plus que des satires « contre le pap
1494 il joignait à son monogramme, enguirlandé au coin de ses tableaux ; ce sera l’arme réelle du guerrier suisse, signe des vi
1495 est le sceau des poèmes qu’il dédie « à la gloire de Dieu ». ⁂ Quand on dit chez nous de quelqu’un « qu’il a fait un peu t
1496 « à la gloire de Dieu ». ⁂ Quand on dit chez nous de quelqu’un « qu’il a fait un peu tous les métiers », ce n’est pas un é
1497 un éloge, il s’en faut, c’est plutôt une manière de lui refuser cette considération bourgeoise qui s’attache aux carrière
1498 attache aux carrières monotones. Mais la grandeur d’ un Manuel, et de plusieurs à son époque, est d’avoir su conduire leur
1499 ières monotones. Mais la grandeur d’un Manuel, et de plusieurs à son époque, est d’avoir su conduire leur vie vers un but
1500 ur d’un Manuel, et de plusieurs à son époque, est d’ avoir su conduire leur vie vers un but qui transcende toutes nos activ
1501 e ordonna-t-il sa vie ? Peut-être à la recréation d’ une unité de rythme et de vision au sein d’un monde qui perdait ses me
1502 il sa vie ? Peut-être à la recréation d’une unité de rythme et de vision au sein d’un monde qui perdait ses mesures. Et qu
1503 eut-être à la recréation d’une unité de rythme et de vision au sein d’un monde qui perdait ses mesures. Et quand le lieu d
1504 la victoire, homme d’État. Je vois ainsi l’unité de sa vie dans la recherche d’une forme et d’un sens. Si l’art n’y suffi
1505 Je vois ainsi l’unité de sa vie dans la recherche d’ une forme et d’un sens. Si l’art n’y suffit pas, c’est que le mal est
1506 ’unité de sa vie dans la recherche d’une forme et d’ un sens. Si l’art n’y suffit pas, c’est que le mal est profond : d’où
1507 rt n’y suffit pas, c’est que le mal est profond : d’ où la nécessité d’agir sur la cité. Si la cité n’a plus de vraies mesu
1508 c’est que le mal est profond : d’où la nécessité d’ agir sur la cité. Si la cité n’a plus de vraies mesures, c’est l’Églis
1509 nécessité d’agir sur la cité. Si la cité n’a plus de vraies mesures, c’est l’Église qui doit les refaire. Qu’elle s’y refu
1510 ebâtir un État… ⁂ La sagesse des manuels a le don de stériliser d’un seul mot l’exemple d’une vie trop ardente : « romanti
1511 … ⁂ La sagesse des manuels a le don de stériliser d’ un seul mot l’exemple d’une vie trop ardente : « romantique » ou « ave
1512 ls a le don de stériliser d’un seul mot l’exemple d’ une vie trop ardente : « romantique » ou « aventurier » ou mieux encor
1513 tique » ou « aventurier » ou mieux encore « homme de la Renaissance ». Rappelons alors que ce guerrier fut bon époux, et b
1514 alors que ce guerrier fut bon époux, et bon père de six enfants ; que cet artiste, l’un des plus grands de son pays, fut
1515 x enfants ; que cet artiste, l’un des plus grands de son pays, fut aussi le plus raisonnable parmi les chefs de la Réforma
1516 ys, fut aussi le plus raisonnable parmi les chefs de la Réformation. L’année même où pour divertir Zwingli et ses savants
1517 ses savants collègues il leur envoie le manuscrit d’ une satire contre la messe, on vante à Berne la modération de ses disc
1518 e contre la messe, on vante à Berne la modération de ses discours lors des débats de religion. Ce dernier trait achève de
1519 rne la modération de ses discours lors des débats de religion. Ce dernier trait achève de peindre le sérieux de ce fantast
1520 s des débats de religion. Ce dernier trait achève de peindre le sérieux de ce fantastique. Mais je m’aperçois un peu tard
1521 on. Ce dernier trait achève de peindre le sérieux de ce fantastique. Mais je m’aperçois un peu tard que j’oubliais de cite
1522 ue. Mais je m’aperçois un peu tard que j’oubliais de citer sa devise, inscrite au coin de quelques-uns de ses dessins : N.
1523 e j’oubliais de citer sa devise, inscrite au coin de quelques-uns de ses dessins : N.K.A.W., ce qui veut dire : « Personne
1524 citer sa devise, inscrite au coin de quelques-uns de ses dessins : N.K.A.W., ce qui veut dire : « Personne ne peut tout sa
1525 it tout savoir, et que pourtant… C’est la passion de la Renaissance, si l’on veut. Je crois plutôt que c’est encore l’ango
1526 Je crois plutôt que c’est encore l’angoisse avide d’ une unité de sens spirituel, inaccessible à tout « savoir », aussi vas
1527 tôt que c’est encore l’angoisse avide d’une unité de sens spirituel, inaccessible à tout « savoir », aussi vaste qu’on l’i
1528 30, Manuel parut pour la dernière fois à la Diète de Baden. Du 1er au 12 avril, il assiste chaque jour aux séances du Cons
1529 il, il assiste chaque jour aux séances du Conseil de Berne. Le 16, il est signalé comme absent. Le 18 on le confirme dans
1530 comme absent. Le 18 on le confirme dans sa charge de banneret. Le 20 avril, il n’est plus. « Pareil au cierge qui se consu
1531 il n’est plus. « Pareil au cierge qui se consume d’ autant plus vite qu’il a mieux éclairé — écrit un chroniqueur du temps
1532 sa 46e année. » Le seul autoportrait qui subsiste de lui nous montre, à la fin de sa vie, un regard doux et perspicace, un
1533 ortrait qui subsiste de lui nous montre, à la fin de sa vie, un regard doux et perspicace, un visage aigu de malade, peint
1534 vie, un regard doux et perspicace, un visage aigu de malade, peint avec la véracité d’un homme qui sait exactement ce que
1535 un visage aigu de malade, peint avec la véracité d’ un homme qui sait exactement ce que vaut une vie d’homme devant Dieu.
1536 ’un homme qui sait exactement ce que vaut une vie d’ homme devant Dieu. 15. Vers du Biccocalied. À la bataille de la Bico
1537 nt Dieu. 15. Vers du Biccocalied. À la bataille de la Bicoque, les lansquenets s’étaient dissimulés dans des tranchées,
1538 rie décimait les Suisses à bout portant. Le poème de Manuel répond à une chanson glorifiant la victoire des Allemands. 16
1539 e lob ! – La plupart des autres drames et satires de Manuel se terminent par la mention du « Schwyzerdegen », qui demeure
1540 demeure sa vraie signature. au. Rougemont Denis de , « L’homme au poignard enguirlandé », Vingt-Huit écrivains de la Suis
1541 e au poignard enguirlandé », Vingt-Huit écrivains de la Suisse romande, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1940, p. 233
1542 rivains de la Suisse romande, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1940, p. 233-240.
19 1940, Articles divers (1938-1940). Mission spéciale (1940)
1543 uelques kilomètres d’ici commencent les tranchées de la guerre, et des hommes meurent. Pourquoi cette guerre, pourquoi ces
1544 es bases chrétiennes et pratiques, dans un esprit de solidarité que symbolise exactement notre maxime confédérale : un pou
1545 re dans son principe la guerre la plus antisuisse de l’histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même temps l
1546 la solution suisse et fédérale est seule capable de fonder la paix, puisque les autres aboutissent à la guerre. Ce n’est
1547 défendant notre patrie : le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent
1548 oit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait,
1549 éjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes
1550 t. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’ idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est p
1551 grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est pas pour défendre d’abor
1552 . Ce n’est pas seulement pour protéger nos « lacs d’ azur » et nos « glaciers sublimes ». Si nous sommes là, c’est pour exé
1553 ission vis-à-vis de l’Europe. Nous sommes chargés de la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa san
1554 s sommes chargés de la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Tel
1555 défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’ affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Tel est le sens de notre i
1556 me, de garder son trésor, d’affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Tel est le sens de notre indépendance, et telle es
1557 a santé, et de sauver son avenir. Tel est le sens de notre indépendance, et telle est la mission spéciale qui justifie not
1558 justifie notre neutralité. av. Rougemont Denis de , « Mission spéciale », Nos libertés : bréviaire du citoyen, Lausanne,
20 1940, Articles divers (1938-1940). D’un certain cafard helvétique (janvier 1940)
1559 D’ un certain cafard helvétique (janvier 1940)aa Chacun sait que le me
1560 vier 1940)aa Chacun sait que le meilleur moyen de soutenir le moral, c’est l’action. Et non pas les distractions. Les h
1561 illeure forme que ceux qui, à l’arrière, essaient de s’amuser. Par contre, je ne connais rien de plus démoralisant que le
1562 onnais rien de plus démoralisant que le sentiment d’ être entravé dans son action. C’est bien pire qu’une totale et irréméd
1563 empêtré dans ses draps. Or c’est à cette sorte-là de démoralisation et de cafard que se trouvent exposés aujourd’hui les p
1564 s. Or c’est à cette sorte-là de démoralisation et de cafard que se trouvent exposés aujourd’hui les petits pays neutres. M
1565 des hommes civils ou mobilisés, aux quatre coins de la Suisse, qui voudraient travailler pour leur pays, qui sont pleins
1566 raient travailler pour leur pays, qui sont pleins de projets et d’espoirs, qui ont cru en septembre 1939 que notre mobilis
1567 ler pour leur pays, qui sont pleins de projets et d’ espoirs, qui ont cru en septembre 1939 que notre mobilisation allait o
1568 notre mobilisation allait ouvrir des possibilités d’ action morale et nationale sans précédent, — et qui, après trois ou qu
1569 trois ou quatre mois, sont en train comme on dit de se dégonfler. Pourquoi ? Parce que nous sommes un petit pays qui se m
1570 e siècle, règne une passion égalitaire (inconnue de l’ancienne Suisse) qui a pour effet de déprimer l’initiative original
1571 (inconnue de l’ancienne Suisse) qui a pour effet de déprimer l’initiative originale, les vocations trop nettement affirmé
1572 ce à tout faire « rentrer dans le rang ». Essayez de lancer un projet et d’y consacrer toutes vos forces, on vous traitera
1573 er dans le rang ». Essayez de lancer un projet et d’ y consacrer toutes vos forces, on vous traitera vite « d’utopiste », d
1574 sacrer toutes vos forces, on vous traitera vite «  d’ utopiste », de prétentieux ou d’excité. Certain sentiment suisse répug
1575 vos forces, on vous traitera vite « d’utopiste », de prétentieux ou d’excité. Certain sentiment suisse répugne à tout ce q
1576 s traitera vite « d’utopiste », de prétentieux ou d’ excité. Certain sentiment suisse répugne à tout ce qui lui paraît voul
1577 vouloir se distinguer, dans n’importe quel ordre d’ action. C’est le revers d’une de nos plus précieuses qualités civiques
1578 ns n’importe quel ordre d’action. C’est le revers d’ une de nos plus précieuses qualités civiques, j’entends du sentiment d
1579 mporte quel ordre d’action. C’est le revers d’une de nos plus précieuses qualités civiques, j’entends du sentiment de soli
1580 cieuses qualités civiques, j’entends du sentiment de solidarité, d’équipe, et de virile entraide, qui a forgé notre fédéra
1581 s civiques, j’entends du sentiment de solidarité, d’ équipe, et de virile entraide, qui a forgé notre fédération, et l’a pr
1582 ’entends du sentiment de solidarité, d’équipe, et de virile entraide, qui a forgé notre fédération, et l’a préservée jusqu
1583 orgé notre fédération, et l’a préservée jusqu’ici de la tentation dictatoriale. Nous nous méfions beaucoup plus que nos vo
1584 dépasse une très moyenne ardeur, c’est le moment de réagir vertement. C’est le moment de proclamer que notre Confédératio
1585 st le moment de réagir vertement. C’est le moment de proclamer que notre Confédération ne pourra vivre que si les citoyens
1586 rra vivre que si les citoyens les plus conscients de sa mission historique et actuelle trouvent les moyens d’exprimer cett
1587 ission historique et actuelle trouvent les moyens d’ exprimer cette mission, et surtout de la réaliser. La DAC est un de c
1588 t les moyens d’exprimer cette mission, et surtout de la réaliser. La DAC est un de ces moyens ; bien modeste, mais il fau
1589 ission, et surtout de la réaliser. La DAC est un de ces moyens ; bien modeste, mais il faut commencer. Et j’en profite po
1590 érieux que les petites tâches immédiates, perdant de vue l’intérêt général, donc le sens même de ces tâches immédiates. C’
1591 rdant de vue l’intérêt général, donc le sens même de ces tâches immédiates. C’est justement parce qu’il y a ces obstacles
1592 premier enthousiasme est tombé, l’heure est venue d’ une reprise en main, d’un regroupement pour un nouveau départ. Secouer
1593 t tombé, l’heure est venue d’une reprise en main, d’ un regroupement pour un nouveau départ. Secouer notre train-train, not
1594 iotique. Plt D. de Rougemont. Adjudance générale de l’Armée Section Armée et Foyer   aa. Rougemont Denis de, « D’un ce
1595 e Section Armée et Foyer   aa. Rougemont Denis de , « D’un certain cafard helvétique », La DAC, Berne, janvier 1940, p. 
1596 ion Armée et Foyer   aa. Rougemont Denis de, «  D’ un certain cafard helvétique », La DAC, Berne, janvier 1940, p. 1.
21 1940, Articles divers (1938-1940). Les Suisses sont-ils « à la hauteur » de la Suisse ? (20 janvier 1940)
1597 Les Suisses sont-ils « à la hauteur » de la Suisse ? (20 janvier 1940)ab La Suisse est neutre. La Suisse es
1598 elle. On a fait avec cela beaucoup de littérature de manuels, — et en même temps un peu d’argent, je crois. Tant pis pour
1599 littérature de manuels, — et en même temps un peu d’ argent, je crois. Tant pis pour les manuels et tant mieux pour l’argen
1600 rgent. Mais il y a sans doute autre chose à tirer de nos « privilèges », si nous voulons les préserver. Neutralité et beau
1601 aturelles ont été trop longtemps considérées soit d’ un point de vue purement sentimental — comme privilèges de droit divin
1602 nt de vue purement sentimental — comme privilèges de droit divin du peuple suisse — soit d’un point de vue purement utilit
1603 privilèges de droit divin du peuple suisse — soit d’ un point de vue purement utilitaire ou touristique. C’est-à-dire trop
1604 -à-dire trop haut et trop bas. Il est grand temps d’ abandonner cette attitude que beaucoup d’étrangers, hélas, ont pu conf
1605 nd temps d’abandonner cette attitude que beaucoup d’ étrangers, hélas, ont pu confondre avec l’esprit même de la Suisse, « 
1606 ngers, hélas, ont pu confondre avec l’esprit même de la Suisse, « peuple d’instituteurs et d’hôteliers », comme chacun sai
1607 nfondre avec l’esprit même de la Suisse, « peuple d’ instituteurs et d’hôteliers », comme chacun sait… Qu’on y prenne garde
1608 rit même de la Suisse, « peuple d’instituteurs et d’ hôteliers », comme chacun sait… Qu’on y prenne garde : si nous sommes
1609 les et nos glaciers « sublimes », il n’y a pas là de quoi nous vanter. D’abord, ce n’est pas notre faute. Car vraiment, no
1610 et notre géographie. Ensuite, si nous bénéficions de privilèges considérables, il s’agirait de nous en rendre dignes, avan
1611 ficions de privilèges considérables, il s’agirait de nous en rendre dignes, avant même que de les défendre. Le seul moyen
1612 ’agirait de nous en rendre dignes, avant même que de les défendre. Le seul moyen de conserver un privilège, après tout, c’
1613 es, avant même que de les défendre. Le seul moyen de conserver un privilège, après tout, c’est de le mériter. Et de prouve
1614 oyen de conserver un privilège, après tout, c’est de le mériter. Et de prouver en fait que l’on est seul à pouvoir l’exerc
1615 un privilège, après tout, c’est de le mériter. Et de prouver en fait que l’on est seul à pouvoir l’exercer dignement. Or,
1616 r l’exercer dignement. Or, nous chantons nos lacs d’ azur, nous chantons nos glaciers qui touchent aux deux, et nous en ret
1617 aciers qui touchent aux deux, et nous en retirons d’ importants bénéfices, mais nous oublions trop souvent que tout cela pr
1618 nt que tout cela précisément peut tenter certains de nos voisins… Ne seraient-ils pas aussi capables que nous de chanter e
1619 sins… Ne seraient-ils pas aussi capables que nous de chanter et de gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur c
1620 ent-ils pas aussi capables que nous de chanter et de gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur céder la place 
1621 s aussi capables que nous de chanter et de gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur céder la place ? Sommes-n
1622 de gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur céder la place ? Sommes-nous vraiment plus dignes et plus consci
1623 cients que d’autres des « charges » que supposent de pareils avantages ? Chaque fois que je vous entends vanter notre natu
1624 re nature « incomparable », je ne puis m’empêcher de songer, avec une horrible malice, à certain passage de Hugo contempla
1625 nger, avec une horrible malice, à certain passage de Hugo contemplant du haut du Pilate le panorama de nos Alpes. Qu’on me
1626 de Hugo contemplant du haut du Pilate le panorama de nos Alpes. Qu’on me permette de le citer ici comme une sorte de parab
1627 ilate le panorama de nos Alpes. Qu’on me permette de le citer ici comme une sorte de parabole : C’était un ensemble prodi
1628 Qu’on me permette de le citer ici comme une sorte de parabole : C’était un ensemble prodigieux de choses harmonieuses et
1629 rte de parabole : C’était un ensemble prodigieux de choses harmonieuses et magnifiques, pleines de la grandeur de Dieu. J
1630 ux de choses harmonieuses et magnifiques, pleines de la grandeur de Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être su
1631 rmonieuses et magnifiques, pleines de la grandeur de Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être supérieur et choi
1632 et choisi la nature servait ce merveilleux festin de montagnes, de nuages et de soleil, et cherchant un témoin sublime à c
1633 ature servait ce merveilleux festin de montagnes, de nuages et de soleil, et cherchant un témoin sublime à ce sublime pays
1634 ce merveilleux festin de montagnes, de nuages et de soleil, et cherchant un témoin sublime à ce sublime paysage. Il y ava
1635 sauvage, abrupte et déserte. Je n’oublierai cela de ma vie. Dans une anfractuosité du rocher, assis les jambes pendantes
1636 n goitreux, à corps grêle et à face énorme, riait d’ un air stupide, le visage en plein soleil, et regardait au hasard deva
1637 dans son ensemble « la posture la plus misérable de l’homme ». Et je suis loin de penser que nous sommes des crétins ! Je
1638 cette nature dans son attitude superbe, il s’agit d’ être moralement « à la hauteur ». Non, ce n’est pas si facile que cela
1639 a hauteur ». Non, ce n’est pas si facile que cela d’ habiter et de posséder un pays dont l’altière beauté menace sans cesse
1640 Non, ce n’est pas si facile que cela d’habiter et de posséder un pays dont l’altière beauté menace sans cesse d’écraser l’
1641 r un pays dont l’altière beauté menace sans cesse d’ écraser l’homme qui voudrait simplement s’y complaire, et qui oublie q
1642 ’hui l’endurance, la longue audace et la maîtrise de soi de l’« alpiniste » justement, et non pas seulement la sympathie d
1643 endurance, la longue audace et la maîtrise de soi de l’« alpiniste » justement, et non pas seulement la sympathie distante
1644 nte du spectateur, touriste ou hôtelier, qui suit d’ en bas, à la lunette, la caravane en plein effort sur les glaciers. En
1645 isse qui nous fut donnée ! ab. Rougemont Denis de , « Les Suisses sont-ils “à la hauteur” de la Suisse ? », La Coopérati
1646 t Denis de, « Les Suisses sont-ils “à la hauteur” de la Suisse ? », La Coopération, Bâle, 20 janvier 1940, p. 1.
22 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. I : Les voix que rien n’arrête (24 février 1940)
1647 e et suffiront pour arrêter les hommes, les chars d’ assaut et les armées d’envahissement. Mais les plus épaisses murailles
1648 êter les hommes, les chars d’assaut et les armées d’ envahissement. Mais les plus épaisses murailles ne peuvent arrêter cer
1649 trices, voix comparables à ces sifflements pleins de mystère qui circulent au-dessus de l’Europe et que, parfois, quand vo
1650 lements pleins de mystère qui circulent au-dessus de l’Europe et que, parfois, quand vous cherchez un poste à la radio, vo
1651 uoi ne tenterions-nous pas, une fois pour toutes, de déchiffrer ces messages secrets que rien ne saurait empêcher de passe
1652 ces messages secrets que rien ne saurait empêcher de passer, et qui peut-être vont nous apporter des nouvelles beaucoup mo
1653 us que vous êtes, en cet instant, devant un poste de radio, et que j’arrête tout exprès le petit trait lumineux du cadran
1654 exprès le petit trait lumineux du cadran sur l’un de ces endroits indéfinis d’où nous vient l’inquiétante voix. Le son s’a
1655 neux du cadran sur l’un de ces endroits indéfinis d’ où nous vient l’inquiétante voix. Le son s’amplifie, se précise. C’est
1656 oix. Le son s’amplifie, se précise. C’est la voix de l’Europe moderne. Que nous dit-elle ? J’essaierai de l’interpréter. D
1657 l’Europe moderne. Que nous dit-elle ? J’essaierai de l’interpréter. Depuis une dizaine d’années, et plus précisément depui
1658 J’essaierai de l’interpréter. Depuis une dizaine d’ années, et plus précisément depuis 1933, la face de l’Europe a changé.
1659 ’années, et plus précisément depuis 1933, la face de l’Europe a changé. Il est temps de nous en rendre compte. Autrefois,
1660 1933, la face de l’Europe a changé. Il est temps de nous en rendre compte. Autrefois, et naguère encore, il suffisait à u
1661 ois, et naguère encore, il suffisait à une nation de déclarer son sol sacré, pour avoir le droit de le défendre jusqu’à la
1662 on de déclarer son sol sacré, pour avoir le droit de le défendre jusqu’à la dernière goutte du sang des citoyens. Assurer
1663 s. Assurer les armes à la main l’intégrité du sol de la patrie, voilà qui ne faisait pas de question. Il n’y avait pas d’a
1664 ité du sol de la patrie, voilà qui ne faisait pas de question. Il n’y avait pas d’autre raison à chercher et à proclamer q
1665 qui ne faisait pas de question. Il n’y avait pas d’ autre raison à chercher et à proclamer que cette raison tout instincti
1666 ne pouvait en effet conquérir un pays qu’au moyen d’ une armée, et les armées n’ont jamais occupé autre chose que du terrai
1667 le territoire, symbole unique, symbole « sacré » de la nation. Or voici que depuis quelques années, ce ne sont plus les a
1668 on croyait volontiers que chaque État était voulu de Dieu, et qu’il jouissait par conséquent d’une légitimité indiscutable
1669 voulu de Dieu, et qu’il jouissait par conséquent d’ une légitimité indiscutable. La propagande dont je parle dit autre cho
1670 n’ont pas été créés par Dieu, mais par le traité de Versailles. Et c’est bien vrai. Elle dit aussi que d’autres États, et
1671 rouvent en contradiction avec l’évolution récente de l’Histoire. Elle proclame que les nations « jeunes » et « dynamiques 
1672 tits pour se défendre seuls. Au nom de ce concept d’ espace vital, elle déclare donc que ces États n’ont plus de « raison d
1673 vital, elle déclare donc que ces États n’ont plus de « raison d’être historique ». Pour peu qu’elle arrive à le faire croi
1674 déclare donc que ces États n’ont plus de « raison d’ être historique ». Pour peu qu’elle arrive à le faire croire, soit aux
1675 certains dirigeants, la victoire lui est acquise d’ avance. Et les ceintures de fortifications les mieux conçues ne servir
1676 ctoire lui est acquise d’avance. Et les ceintures de fortifications les mieux conçues ne serviront de rien, au jour choisi
1677 de fortifications les mieux conçues ne serviront de rien, au jour choisi par l’attaquant, parce que des centres vitaux du
1678 ays, les ordres seront déjà donnés dans la langue de l’envahisseur. Voici alors ce que nous disent ces voix européennes qu
1679 nous les Suisses, si nous avons encore une raison d’ être, si nous osons encore le proclamer, et si nous en gardons une con
1680 ience claire et forte. Elles nous mettent au défi de produire le « pourquoi » de notre défense et de notre volonté d’auton
1681 nous mettent au défi de produire le « pourquoi » de notre défense et de notre volonté d’autonomie. Elles nous forcent, no
1682 i de produire le « pourquoi » de notre défense et de notre volonté d’autonomie. Elles nous forcent, non sans brutalité, à
1683 « pourquoi » de notre défense et de notre volonté d’ autonomie. Elles nous forcent, non sans brutalité, à « dire » enfin ce
1684 us adresse l’Europe moderne. Il s’agit maintenant d’ y répondre. Nous ne pouvons plus nous contenter de déclarer que notre
1685 d’y répondre. Nous ne pouvons plus nous contenter de déclarer que notre Confédération fut « autrefois » voulue par Dieu, i
1686 encore. Nous avons fait serment, le 2 septembre, de défendre la Suisse jusqu’à la mort. Eh bien, il serait fou de mourir
1687 la Suisse jusqu’à la mort. Eh bien, il serait fou de mourir pour une Suisse dont nous ne serions pas sûrs qu’elle a le dro
1688 serions pas sûrs qu’elle a le droit et le devoir d’ exister, devant Dieu. On n’a pas le droit de mourir pour quelque chose
1689 evoir d’exister, devant Dieu. On n’a pas le droit de mourir pour quelque chose qui ne fournit pas des raisons de vivre. No
1690 pour quelque chose qui ne fournit pas des raisons de vivre. Notre serment nous engage donc aussi à prendre une conscience
1691 ssi à prendre une conscience sérieuse des raisons de vivre de la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses.
1692 ndre une conscience sérieuse des raisons de vivre de la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses. Il nous f
1693 ce sérieuse des raisons de vivre de la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses. Il nous faut tout d’abord
1694 raisons de vivre de la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses. Il nous faut tout d’abord écarter un cert
1695 nous faut tout d’abord écarter un certain nombre de fausses raisons et d’illusions, de phrases toutes faites et de cliché
1696 d écarter un certain nombre de fausses raisons et d’ illusions, de phrases toutes faites et de clichés patriotiques. Que me
1697 certain nombre de fausses raisons et d’illusions, de phrases toutes faites et de clichés patriotiques. Que mes lecteurs ne
1698 isons et d’illusions, de phrases toutes faites et de clichés patriotiques. Que mes lecteurs ne s’étonnent donc pas trop si
1699 à la « critique », pour ne pas dire au dégonflage de ces clichés. Ce n’est pas pour le stérile plaisir de démolir. Bien au
1700 ces clichés. Ce n’est pas pour le stérile plaisir de démolir. Bien au contraire ! Mon entreprise serait inutile, si nous n
1701 s, certaines réalités solides qui valent la peine d’ être affirmées sans rhétorique. Je vous ai parlé déjà de notre « natur
1702 affirmées sans rhétorique. Je vous ai parlé déjà de notre « nature »5. Je vous parlerai la semaine prochaine de nos fameu
1703  nature »5. Je vous parlerai la semaine prochaine de nos fameuses « libertés », puis de notre « neutralité ». Et ce sera p
1704 aine prochaine de nos fameuses « libertés », puis de notre « neutralité ». Et ce sera pour découvrir le sens positif de ce
1705 lité ». Et ce sera pour découvrir le sens positif de ces termes, pour les sauver de la banalité scolaire, officielle ou jo
1706 ir le sens positif de ces termes, pour les sauver de la banalité scolaire, officielle ou journalistique, et pour en dégage
1707 ue, et pour en dégager enfin la vocation concrète de la Suisse. 5. Voir La Coopération du 20 janvier. ac. Rougemont D
1708 Coopération du 20 janvier. ac. Rougemont Denis de , « La Suisse que nous devons défendre I : Les voix que rien n’arrête 
1709 . 1-2. ad. Présenté par cette note : « L’article de Denis de Rougemont publié dans La Coopération du 20 janvier a suscité
1710 s La Coopération du 20 janvier a suscité beaucoup d’ intérêt. On nous a suggéré de différents côtés qu’il impliquait une su
1711 r a suscité beaucoup d’intérêt. On nous a suggéré de différents côtés qu’il impliquait une suite, une partie “positive”. C
23 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. II : Sommes-nous libres ? (2 mars 1940)
1712 iques qu’on nous envie ? Avons-nous bien le droit de nous en vanter encore, et suffit-il de s’en vanter pour qu’elles subs
1713 n le droit de nous en vanter encore, et suffit-il de s’en vanter pour qu’elles subsistent ? La liberté n’est pas seulement
1714 en jouit ne sait pas les mériter par ses manières d’ être et de penser. Un jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent
1715 e sait pas les mériter par ses manières d’être et de penser. Un jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent d’un tyran
1716 Un jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent d’ un tyran. Ils purent se croire libres un moment : mais le soleil fécon
1717 ent : mais le soleil fécond fit éclore du cadavre de l’oppresseur un essaim de petits tyrans. À présent, ils continuent à
1718 d fit éclore du cadavre de l’oppresseur un essaim de petits tyrans. À présent, ils continuent à répéter le vieux conte. On
1719 re leurs murailles, ils ne sont plus esclaves que de leurs lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préj
1720 s, ils ne sont plus esclaves que de leurs lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois.
1721 esclaves que de leurs lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois. Je n’oublie pas que
1722 lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois. Je n’oublie pas que Goethe écrivait cela a
1723 es-nous bien certains que pour autant le jugement de Goethe n’est plus du tout valable de nos jours ? Sommes-nous bien cer
1724 le jugement de Goethe n’est plus du tout valable de nos jours ? Sommes-nous bien certains que la tyrannie de l’opinion pu
1725 jours ? Sommes-nous bien certains que la tyrannie de l’opinion publique vaut mieux que celle des aristocrates ? Sommes-nou
1726 s bien certains, enfin, qu’il a suffi à nos pères de s’affranchir un jour pour que nous ayons le droit de répéter à tout j
1727 s’affranchir un jour pour que nous ayons le droit de répéter à tout jamais : nous sommes libres ! Ayons le courage de le r
1728 ut jamais : nous sommes libres ! Ayons le courage de le reconnaître en toute franchise : la Suisse actuelle est un pays où
1729 st un pays où l’on a peu de « véritable » liberté d’ esprit. C’est un pays où l’on tolère fort mal les opinions non conform
1730 méchant. Ceci pour le plan des idées. Sur le plan de la morale, c’est pire encore. Je ne vais pas refaire ici, après tant
1731 s pas refaire ici, après tant d’autres, le procès de notre moralisme intolérant. Qu’il me suffise de remarquer que si nous
1732 s de notre moralisme intolérant. Qu’il me suffise de remarquer que si nous étions plus chrétiens, nous serions beaucoup pl
1733 rants dans ce domaine, nous aurions beaucoup plus de liberté dans nos jugements, nous respecterions beaucoup mieux les faç
1734 nts, nous respecterions beaucoup mieux les façons de vivre de notre voisin et le mystère de son existence. On me dira peut
1735 respecterions beaucoup mieux les façons de vivre de notre voisin et le mystère de son existence. On me dira peut-être que
1736 les façons de vivre de notre voisin et le mystère de son existence. On me dira peut-être que ces considérations n’ont pas
1737 e, actuellement, et que les libertés qu’il s’agit de défendre, en ce mois de mars 1940, sont avant tout nos libertés poli­
1738 les libertés qu’il s’agit de défendre, en ce mois de mars 1940, sont avant tout nos libertés poli­tiques. Je répondrai que
1739 toute notre histoire en témoigne. « Une politique de liberté ne peut être faite que par des esprits libres. » Les deux lib
1740 parce que les premiers Suisses avaient la passion de leurs libertés sociales, civiles et quotidiennes qu’ils ont voulu se
1741 les Suisses du xviiie siècle ne jouissaient plus d’ une véritable liberté intérieure qu’ils ont été une proie facile pour
1742 une proie facile pour l’étranger, pour les armées de la Révolution française. Je voudrais insister sur ce point : si nous
1743 sur ce point : si nous perdons le sens et le goût de la liberté quotidienne, celle qui se manifeste dans la diversité infi
1744 manifeste dans la diversité infinie des manières de penser et de vivre, nos libertés politiques ne pourront subsister lon
1745 ns la diversité infinie des manières de penser et de vivre, nos libertés politiques ne pourront subsister longtemps, et al
1746 ront subsister longtemps, et alors c’en sera fait de noire liberté vis-à-vis de l’étranger, c’est-à-dire de notre indépend
1747 ire liberté vis-à-vis de l’étranger, c’est-à-dire de notre indépendance nationale. Il ne suffit donc pas de protéger notre
1748 tre indépendance nationale. Il ne suffit donc pas de protéger notre indépendance par des fortifications. C’est l’intérieur
1749 ous voulons que notre armée défende quelque chose de valable. Or, quels sont les ennemis intérieurs de notre liberté ? Je
1750 de valable. Or, quels sont les ennemis intérieurs de notre liberté ? Je n’en désignerai ici que deux, qui vous paraîtront
1751 nt peut-être assez inattendus. Ce sont la paresse d’ esprit et l’égalitarisme. Voici ce que j’entends par la paresse d’espr
1752 alitarisme. Voici ce que j’entends par la paresse d’ esprit : les Suisses jouissent d’une instruction publique remarquable,
1753 s par la paresse d’esprit : les Suisses jouissent d’ une instruction publique remarquable, mais ils ont la plus grande méfi
1754 ’endroit de la véritable culture. Ils ont horreur de tout ce qui leur paraît « compliqué ». Ils jugent suspect tout ce qui
1755 telles que bon ou méchant, droite ou gauche, ami de l’ordre ou esprit subversif. Ils exigent toujours des choses simples.
1756 lchévisme ». Pourquoi ? Parce qu’on se contentait de dire : elle est pour l’ordre, les bolchévistes sont pour le désordre.
1757 our le désordre. Sans se demander un seul instant de quelle espèce d’ordre il s’agissait. Or, prenons-y bien garde ! Cette
1758 Sans se demander un seul instant de quelle espèce d’ ordre il s’agissait. Or, prenons-y bien garde ! Cette passion maladive
1759 » tend à supprimer pratiquement toute possibilité de jugement libre, toute véritable liberté d’esprit. Notre « égalitarism
1760 bilité de jugement libre, toute véritable liberté d’ esprit. Notre « égalitarisme » est, lui aussi, une forme de paresse d’
1761 Notre « égalitarisme » est, lui aussi, une forme de paresse d’esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie, comme on
1762 alitarisme » est, lui aussi, une forme de paresse d’ esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie, comme on l’a peut-êt
1763 e paresse d’esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie, comme on l’a peut-être trop dit. Autrefois, les Suisses se m
1764 aventures dictatoriales. Il y avait quelque chose de sain et de profondément démocratique dans l’effacement volontaire des
1765 ictatoriales. Il y avait quelque chose de sain et de profondément démocratique dans l’effacement volontaire des plus grand
1766 s l’effacement volontaire des plus grands Suisses de ce temps-là. Mais aujourd’hui, l’égalitarisme hérité du xixe siècle
1767 du xixe siècle n’est plus qu’une dégénérescence de cet instinct démocratique. Il veut tout unifier, réglementer, central
1768 rentrer dans le rang. Il persécute à petits coups d’ épingles tout ce qui « paraît » vouloir se distinguer. Pourquoi ? Parc
1769 Parce que c’est bien plus simple, et plus facile de tout ramener à des mesures médiocres et uniformes. C’est bien plus si
1770 formes. C’est bien plus simple et plus facile que de tenir compte des vivantes complexités, des vocations infiniment diver
1771 à ronchonner. (La prochaine fois, nous parlerons d’ une manière « positive », c’est promis !) « Si quelque chose aujourd’h
1772 qui parlait ainsi, il y a longtemps, tout au haut de la pente… ae. Rougemont Denis de, « La Suisse que nous devons défe
1773 tout au haut de la pente… ae. Rougemont Denis de , « La Suisse que nous devons défendre II : Sommes-nous libres ? », La
24 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. III : Pourquoi nous devons rester neutres (9 mars 1940)
1774 t à nos propres yeux, notre situation privilégiée de neutres ? Il semble que depuis quelques années, nous avons renoncé, e
1775 mme une chose qui irait de soi, qui aurait existé de tout temps, sans commencement ni fin imaginables, qui nous serait due
1776 ie, et qui représenterait, en somme, un privilège de droit divin. Nous savons que la neutralité est une conception menacée
1777 uelque sorte contre nature, car l’instinct normal de tout homme le pousse toujours à prendre parti ; et qu’enfin nous devo
1778 situation géographique centrale nous exposerait à de trop grands dangers en cas de guerre, enfin, parce que notre diversit
1779 e nous exposerait à de trop grands dangers en cas de guerre, enfin, parce que notre diversité raciale et religieuse risque
1780 notre diversité raciale et religieuse risquerait d’ entraîner la dislocation de notre fédération, si nous venions à prendr
1781 religieuse risquerait d’entraîner la dislocation de notre fédération, si nous venions à prendre parti. Notons que cet arg
1782 venions à prendre parti. Notons que cet argument de la nécessité n’est guère valable que pour nous, Suisses. Nos voisins
1783 ur nous, Suisses. Nos voisins n’ont aucune raison d’ en tenir compte, bien au contraire. Dire : nous sommes neutres uniquem
1784 erre, c’est induire nos voisins dans la tentation de profiter de cette faiblesse. Vient ensuite l’argument juridique. Nous
1785 induire nos voisins dans la tentation de profiter de cette faiblesse. Vient ensuite l’argument juridique. Nous devons rest
1786 e les traités nous y forcent. Et certes, aux yeux d’ un chrétien et d’un Suisse, les traités ne seront jamais de simples ch
1787 s y forcent. Et certes, aux yeux d’un chrétien et d’ un Suisse, les traités ne seront jamais de simples chiffons de papier 
1788 tien et d’un Suisse, les traités ne seront jamais de simples chiffons de papier ! La Confédération reste fondée sur la fid
1789 les traités ne seront jamais de simples chiffons de papier ! La Confédération reste fondée sur la fidélité à la parole ju
1790 tout en allemand : Eid-Genossenschaft, communauté de ceux qui ont fait serment. Mais ici encore, il nous faut bien voir qu
1791 fication militaire à notre neutralité : il serait de l’intérêt des puissances belligérantes de ne point utiliser le passag
1792 serait de l’intérêt des puissances belligérantes de ne point utiliser le passage par la Suisse, qui les découvrirait sur
1793 couvrirait sur leur flanc. Mais cette raison dite d’ équilibre stratégique peut tomber d’un jour à l’autre. Et la preuve qu
1794 e raison dite d’équilibre stratégique peut tomber d’ un jour à l’autre. Et la preuve que nous ne la prenons pas au sérieux,
1795 bilisés. Je ne discuterai même pas ici l’argument de l’impartialité morale, qui put jouer un rôle en 1914-1918 lorsque le
1796 -il donc à répondre à ceux qui nous demanderaient d’ entrer en guerre ? Ni l’argument des réalistes, ni celui des juristes,
1797 stratèges, ne suffiraient à justifier notre refus de « payer notre part ». Je ne dis pas que ces arguments ne valent plus
1798 qu’ils ne représentent plus une raison suffisante de s’abstenir, et d’autre part, qu’ils n’ont plus guère de force convain
1799 bstenir, et d’autre part, qu’ils n’ont plus guère de force convaincante pour nos voisins, et par suite, ne sont plus pour
1800 t malgré tout j’affirme que la Suisse a le devoir de rester neutre, ce ne peut donc être qu’au nom d’une réalité qui ne se
1801 pirituelle au premier chef ; au nom de la mission de la Suisse dans la communauté européenne. Non, la neutralité de la Sui
1802 dans la communauté européenne. Non, la neutralité de la Suisse ne saurait être un privilège, c’est une charge ! Et ce sera
1803 ne charge ! Et ce serait bien mal la défendre que de la défendre au nom de nos seuls intérêts, car elle ne peut et ne doit
1804 peut et ne doit subsister qu’au nom de l’intérêt de l’Europe entière. Seule, la mission positive de la Suisse rend un sen
1805 t de l’Europe entière. Seule, la mission positive de la Suisse rend un sens et un poids aux arguments que nous jugions tou
1806 antage dès qu’on la considère dans la perspective de notre mission médiatrice. De même, la garantie légale de notre neutra
1807 e mission médiatrice. De même, la garantie légale de notre neutralité n’est qu’un chiffon de papier, si l’on veut y voir s
1808 ie légale de notre neutralité n’est qu’un chiffon de papier, si l’on veut y voir simplement une garantie de nos privilèges
1809 pier, si l’on veut y voir simplement une garantie de nos privilèges. Mais elle devient notre meilleure sûreté dès qu’on la
1810 re sûreté dès qu’on la considère comme une mesure d’ intérêt général en Europe. Rester neutres au nom d’un traité signé à V
1811 res au nom d’un traité signé à Vienne il y a plus de cent ans, soit ! Mais il ne faudrait pas retenir de ce traité uniquem
1812 cent ans, soit ! Mais il ne faudrait pas retenir de ce traité uniquement ce qui nous semblerait y garantir notre sécurité
1813 dit beaucoup plus : « Les Puissances signataires de la déclaration du 20 mars 1815 reconnaissent authentiquement par le p
1814 présent Acte que la neutralité et l’inviolabilité de la Suisse, et son indépendance de toute influence étrangère, sont dan
1815 l’inviolabilité de la Suisse, et son indépendance de toute influence étrangère, sont dans les vrais intérêts de la politiq
1816 influence étrangère, sont dans les vrais intérêts de la politique de l’Europe entière. » Et j’en arrive, ici, au centre mê
1817 ère, sont dans les vrais intérêts de la politique de l’Europe entière. » Et j’en arrive, ici, au centre même de tout ce qu
1818 pe entière. » Et j’en arrive, ici, au centre même de tout ce que je voulais dire dans cette série d’articles : le seul moy
1819 e de tout ce que je voulais dire dans cette série d’ articles : le seul moyen réel et réaliste de conserver nos privilèges,
1820 série d’articles : le seul moyen réel et réaliste de conserver nos privilèges, c’est de les considérer dorénavant comme de
1821 el et réaliste de conserver nos privilèges, c’est de les considérer dorénavant comme des charges, dont nous sommes respons
1822 de la communauté européenne. Je voudrais marquer d’ une devise ce point central. Au Moyen Âge la noblesse représentait une
1823 ivilège était subordonné à la charge ; il n’avait d’ autre but que d’en faciliter l’exercice. C’est pourquoi l’on disait :
1824 bordonné à la charge ; il n’avait d’autre but que d’ en faciliter l’exercice. C’est pourquoi l’on disait : Noblesse oblige.
1825 ent que tous nos privilèges, même naturels, n’ont d’ autre sens et d’autre raison d’être que de nous permettre d’accomplir
1826 privilèges, même naturels, n’ont d’autre sens et d’ autre raison d’être que de nous permettre d’accomplir notre mission sp
1827 me naturels, n’ont d’autre sens et d’autre raison d’ être que de nous permettre d’accomplir notre mission spéciale de Suiss
1828 , n’ont d’autre sens et d’autre raison d’être que de nous permettre d’accomplir notre mission spéciale de Suisses. Disons-
1829 ns et d’autre raison d’être que de nous permettre d’ accomplir notre mission spéciale de Suisses. Disons-nous donc : Beauté
1830 nous permettre d’accomplir notre mission spéciale de Suisses. Disons-nous donc : Beauté du sol oblige, liberté oblige, neu
1831 éciserai dans un dernier article, sur la vocation de la Suisse et ses conséquences pour nous tous. af. Rougemont Denis
1832 nséquences pour nous tous. af. Rougemont Denis de , « La Suisse que nous devons défendre III : Pourquoi nous devons rest
25 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. IV : Notre « mission spéciale » (16 mars 1940)
1833 emps que je définisse ce que j’appelle la mission de la Suisse, ou mieux encore, sa vocation. C’est très facile à dire en
1834 quelques mots. La vocation actuelle et historique de la Suisse, c’est de défendre et d’illustrer aux yeux de l’Europe le p
1835 cation actuelle et historique de la Suisse, c’est de défendre et d’illustrer aux yeux de l’Europe le principe du fédéralis
1836 et historique de la Suisse, c’est de défendre et d’ illustrer aux yeux de l’Europe le principe du fédéralisme ; principe,
1837 ème totalitaire, et seule base possible et solide de la paix que nous espérons. C’est très facile à dire, et ce n’est pas
1838 études, par nos initiatives, par certaines prises de position peut-être, les bases de la fédération européenne. L’illustre
1839 certaines prises de position peut-être, les bases de la fédération européenne. L’illustrer, c’est le réaliser, ici et main
1840 ’est faire que notre Suisse ait vraiment le droit de s’offrir en exemple à l’Europe, sur le plan du fédéralisme. Ces deux
1841 ope, sur le plan du fédéralisme. Ces deux aspects de notre vocation me paraissent inséparables. Il faut répandre l’idée fé
1842 saurait attaquer avec succès que si l’on est sûr de ses armes, et solidement appuyé par l’arrière. Quand on parle d’une v
1843 t solidement appuyé par l’arrière. Quand on parle d’ une vocation de la Suisse vis-à-vis de l’Europe, nombreux sont ceux qu
1844 puyé par l’arrière. Quand on parle d’une vocation de la Suisse vis-à-vis de l’Europe, nombreux sont ceux qui crient à l’ut
1845 réalités spirituelles, qu’ils traitent volontiers d’ idéologies fumeuses. Ces gens-là se trompent lourdement, et aujourd’hu
1846 l est clair que la guerre actuelle est une guerre de doctrines et même de religions. Des raisons spirituelles la dominent,
1847 erre actuelle est une guerre de doctrines et même de religions. Des raisons spirituelles la dominent, et il s’agit de les
1848 es raisons spirituelles la dominent, et il s’agit de les prendre au sérieux si l’on veut rester réaliste. Épargnés jusqu’i
1849 tant que neutres, justement ! Affirmer la mission de notre neutralité, voilà notre rôle stratégique dans cette bataille de
1850 tifications par l’intérêt. De par notre situation de fait, nous sommes, si je puis dire, pratiquement condamnés à l’idéali
1851 e. Mais beaucoup de bons Suisses ne le voient pas de leurs yeux, et par suite, ne veulent pas y croire. Ils prétendent ten
1852 y croire. Ils prétendent tenir compte uniquement de ce qui est inscrit dans nos nécessités, dans notre situation géograph
1853 nt être vues et touchées, nos Alpes, la petitesse de notre territoire, et nos difficultés économiques, ils n’aperçoivent n
1854 omiques, ils n’aperçoivent nullement l’indication d’ une vocation européenne de la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont
1855 nullement l’indication d’une vocation européenne de la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont pas tort. Une vocation n’e
1856 y déchiffrer, et cela ne se peut qu’avec les yeux de l’esprit. Tenir compte des faits ne suffit pas : il faut savoir leur
1857 donner un sens, leur ajouter un sens par un acte de l’esprit. L’individu ou le pays qui se reconnaît une vocation doit sa
1858 sa foi. Maintenant donc, il s’agit pour nous tous de reconnaître la vocation suisse, d’en revêtir la charge, d’en être les
1859 pour nous tous de reconnaître la vocation suisse, d’ en revêtir la charge, d’en être les porteurs. Travaillons tout d’abord
1860 aître la vocation suisse, d’en revêtir la charge, d’ en être les porteurs. Travaillons tout d’abord à la défendre, c’est-à-
1861 oyens il pourrait y contribuer, je lui demanderai d’ aider au moins ceux qui se trouveraient mieux placés dans ce combat, e
1862 i se trouveraient mieux placés dans ce combat, et d’ être prêt à leur porter main-forte cas échéant. Car tout revient, dans
1863 Car tout revient, dans ce domaine, à une question d’ état d’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit de créer, avan
1864 ans ce domaine, à une question d’état d’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit de créer, avant tout, c’est une d
1865 ’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit de créer, avant tout, c’est une disposition du sentiment public favorabl
1866 s entreprises éventuelles, qu’il serait imprudent de préciser trop vite, mais qui naîtront sans aucun doute, ici ou là, da
1867 t pour mobiliser l’opinion en faveur d’une action de la Suisse auprès de ses voisins en guerre. Ce n’est pas encore une mo
1868 spirituelle que je réclame, c’est plutôt une mise de piquet. Soyons prêts à répondre à tout appel, même balbutiant, qui se
1869 urons à dire à nos voisins, forts que nous sommes d’ une expérience fédéraliste de six siècles. Et surtout, ne dénigrons pa
1870 orts que nous sommes d’une expérience fédéraliste de six siècles. Et surtout, ne dénigrons pas les tentatives qui se ferai
1871 ns, comme nous avons trop souvent dénigré l’essai de la Société des Nations. Essayons au contraire de les améliorer, si no
1872 re fédéralisme, c’est-à-dire à le mieux réaliser, d’ une manière qui le rende exemplaire, au sens littéral de ce mot. Profi
1873 manière qui le rende exemplaire, au sens littéral de ce mot. Profitons de notre paix matérielle pour le parfaire et pour l
1874 exemplaire, au sens littéral de ce mot. Profitons de notre paix matérielle pour le parfaire et pour l’approfondir, jusque
1875 aire et pour l’approfondir, jusque dans le détail de nos vies, en sorte que cette réduction d’Europe fédérée qu’est la Sui
1876 détail de nos vies, en sorte que cette réduction d’ Europe fédérée qu’est la Suisse soit au moins de l’ouvrage bien fait,
1877 n d’Europe fédérée qu’est la Suisse soit au moins de l’ouvrage bien fait, digne d’être exposé et en bonne place, comme un
1878 uisse soit au moins de l’ouvrage bien fait, digne d’ être exposé et en bonne place, comme un modèle valable pour l’Europe d
1879 onne place, comme un modèle valable pour l’Europe de demain. Voilà un travail immédiat. Nul besoin cette fois-ci, d’attend
1880 là un travail immédiat. Nul besoin cette fois-ci, d’ attendre que la paix s’approche pour s’y mettre. Notre vocation intéri
1881 une suppose l’autre, et la soutient. Je laisserai de côté ici l’aspect politique — au sens étroit — du problème. J’estime
1882 , qui suppose toute une morale, toute une manière de vivre et de penser. Connaître le voisin de langue ou confession diffé
1883 e toute une morale, toute une manière de vivre et de penser. Connaître le voisin de langue ou confession différente, lui r
1884 anière de vivre et de penser. Connaître le voisin de langue ou confession différente, lui reconnaître le droit de différer
1885 u confession différente, lui reconnaître le droit de différer de nous ; le comprendre jusqu’à la limite du possible comme
1886 différente, lui reconnaître le droit de différer de nous ; le comprendre jusqu’à la limite du possible comme il se compre
1887 et des discours, n’est pas la Suisse qui se vante de ses beautés, de ses libertés et de sa neutralité, mais bien la Suisse
1888 n’est pas la Suisse qui se vante de ses beautés, de ses libertés et de sa neutralité, mais bien la Suisse qui sait reconn
1889 e qui se vante de ses beautés, de ses libertés et de sa neutralité, mais bien la Suisse qui sait reconnaître dans ces priv
1890 i sait reconnaître dans ces privilèges les signes d’ une mission dont elle est responsable. Une seule idée… Mais si nous l’
1891 butant perdront leur légitimité. Si nous refusons de considérer le fait d’être Suisses comme une espèce de filon, si nous
1892 égitimité. Si nous refusons de considérer le fait d’ être Suisses comme une espèce de filon, si nous le considérons tout au
1893 onsidérer le fait d’être Suisses comme une espèce de filon, si nous le considérons tout au contraire comme une mission spé
1894 , et par suite à penser plus librement, avec plus de générosité. Alors nous serons en état de mesurer la vraie grandeur de
1895 vec plus de générosité. Alors nous serons en état de mesurer la vraie grandeur des événements actuels, la vraie grandeur d
1896 ttendre. Et parce que nous serons plus conscients de ce que nous avons à donner, nous serons mieux armés pour défendre la
1897 u nous veut à son service. ag. Rougemont Denis de , « La Suisse que nous devons défendre IV : Notre ‟mission spéciale” »
26 1940, Articles divers (1938-1940). Le petit nuage (avril 1940)
1898 Le petit nuage (avril 1940)ah Au mois d’ août de l’année dernière, le jour du pacte germano-soviétique, j’ai fa
1899 Le petit nuage (avril 1940)ah Au mois d’août de l’année dernière, le jour du pacte germano-soviétique, j’ai fait deux
1900 s aérer. Secundo, j’ai envoyé à un certain nombre de mes amis la phrase suivante : « Au plus fort de la persécution entrep
1901 e de mes amis la phrase suivante : « Au plus fort de la persécution entreprise par Julien l’Apostat contre les chrétiens,
1902 assera. » La semaine passée, je reçois une lettre de « quelque part dans le Proche-Orient », et une autre des États-Unis.
1903 raison à l’une ou à l’autre de ces lettres6. Pas d’ importance. Ce qui est important, c’est la certitude « qu’il passera »
1904 tude « qu’il passera ». Que sont nos petits accès de découragement, ces brumes qu’un léger vent d’avant-printemps suffit à
1905 cès de découragement, ces brumes qu’un léger vent d’ avant-printemps suffit à dissiper en cinq minutes ? Qu’est-ce que cela
1906 au regard de la menace énorme qui domine l’Europe d’ aujourd’hui ? Eh bien, cette menace énorme, à son tour, n’est qu’un to
1907 niversels que sera notre jugement au dernier jour de tous les temps. Karl Barth nous le disait l’autre jour à Tavannes : c
1908 chrétiens, nous n’avons à redouter que le Prince de tous les démons, et non pas tel ou tel démon qu’il nous délègue de te
1909 s, et non pas tel ou tel démon qu’il nous délègue de temps à autre. Le combat que nous devrons peut-être engager militaire
1910 vrons peut-être engager militairement contre l’un de ces petits personnages, ce combat, si « total » qu’il soit, ne saurai
1911 là les dimensions réelles que le chrétien se doit d’ envisager. Elles ne sont pas démesurées. Elles doivent au contraire no
1912 doivent au contraire nous donner la vraie mesure de nos soucis, de nos misérables cafards, de nos craintes dérisoires et
1913 traire nous donner la vraie mesure de nos soucis, de nos misérables cafards, de nos craintes dérisoires et mesquines. « C’
1914 mesure de nos soucis, de nos misérables cafards, de nos craintes dérisoires et mesquines. « C’est un petit nuage, il pass
1915 t nuage, il passera. » Ce mot me fut comme parole d’ Évangile quand je le lus l’année dernière. Et je ne me trompais guère,
1916 cause de ce passage). L’auteur est l’un des chefs d’ un parti que l’on devine ; écœuré, il vient de démissionner (la scène
1917 se en 1935) et il s’attend à être abattu par l’un de ces anciens amis. Réfugié dans un hôtel chrétien, un Christliches Hos
1918 en, un Christliches Hospiz, il sent peser sur lui d’ une manière insupportable le sombre avenir de son pays. « Dans mon dés
1919 lui d’une manière insupportable le sombre avenir de son pays. « Dans mon désespoir, j’eus recours à l’Évangile qu’on trou
1920 s à l’Évangile qu’on trouve sur toutes les tables de nuit de ces hospices. Je le feuilletai et mon premier regard tomba su
1921 angile qu’on trouve sur toutes les tables de nuit de ces hospices. Je le feuilletai et mon premier regard tomba sur cette
1922 a terrasse des Deux Magots. ah. Rougemont Denis de , « Le petit nuage », La DAC, Berne, avril 1940, p. 2.
27 1940, Articles divers (1938-1940). D’un journal d’attente (pages démodées) (avril 1940)
1923 D’ un journal d’attente (pages démodées) (avril 1940)ai Ceux qui tienn
1924 D’un journal d’ attente (pages démodées) (avril 1940)ai Ceux qui tiennent un journa
1925 40)ai Ceux qui tiennent un journal intime sont d’ ordinaire des êtres qui se cherchent, ou qui, pour mieux se posséder,
1926 cherchent, ou qui, pour mieux se posséder, fixent d’ eux-mêmes quelques instantanés révélateurs. Pour moi, j’ai renoncé à m
1927 à me vérifier curieusement. Mon vrai désir serait de me donner, à peu près dans le sens où l’on dirait : quoi que je sois,
1928 e que cela peut « donner » à l’usage. C’est faute d’ usage et d’occasion, faute d’une action vraiment totale et engageante,
1929 peut « donner » à l’usage. C’est faute d’usage et d’ occasion, faute d’une action vraiment totale et engageante, que je com
1930 l’usage. C’est faute d’usage et d’occasion, faute d’ une action vraiment totale et engageante, que je commence ici, pour la
1931 e commence ici, pour la première fois, une espèce de journal d’attente, — comme on parle d’une salle d’attente. Entre deux
1932 ici, pour la première fois, une espèce de journal d’ attente, — comme on parle d’une salle d’attente. Entre deux trains, en
1933 une espèce de journal d’attente, — comme on parle d’ une salle d’attente. Entre deux trains, entre deux œuvres, mais surtou
1934 e journal d’attente, — comme on parle d’une salle d’ attente. Entre deux trains, entre deux œuvres, mais surtout : — entre
1935 ntre deux œuvres, mais surtout : — entre l’espèce de paix que nous laissa l’hiver, et la guerre qui revient nous avertir,
1936 , et la guerre qui revient nous avertir, au seuil de ce printemps quelle dénature. Envies d’écrire, sans contenus ; envies
1937 au seuil de ce printemps quelle dénature. Envies d’ écrire, sans contenus ; envies de noter des idées détachées, des petit
1938 dénature. Envies d’écrire, sans contenus ; envies de noter des idées détachées, des petits faits sans signification, ou pl
1939 e œuvre veut et crée son temps à soi, dans la vie de l’auteur qu’elle choisit. Mais aujourd’hui, je ne puis que subir le t
1940 emain. 5 avril 1939 Ce chef d’État offre, dit-on, d’ évacuer une île dont il s’est emparé, à condition qu’on lui donne en é
1941 Débarquement… fusillade… cuirassés… C’est le coup de force d’Albanie. — Voyez-vous, me dit-il, pour nous autres, qu’est-ce
1942 ent… fusillade… cuirassés… C’est le coup de force d’ Albanie. — Voyez-vous, me dit-il, pour nous autres, qu’est-ce que cela
1943 guerre. Mais cette fois-ci, j’ai tout semé comme d’ habitude, et on verra ! — Croyez-vous donc qu’ils vous laisseront tran
1944 qui gouvernent ? — Ils ne peuvent pas m’empêcher de travailler ! J’ai tout semé comme les autres années… Monsieur Turc pr
1945 ultures. Médite et redresse sa casquette. Et tout d’ un coup, son regard s’assombrit : — Ha ! mais je vais vous dire : si l
1946 is moi, je n’arrive même pas à défricher le champ d’ un gros ouvrage projeté. Toute œuvre humaine, tout acte humain, et mêm
1947 née prochaine (s’il y en a une) que cette période de menaces de guerre aura vu concevoir moins de livres, mais aussi moins
1948 ne (s’il y en a une) que cette période de menaces de guerre aura vu concevoir moins de livres, mais aussi moins d’enfants
1949 iode de menaces de guerre aura vu concevoir moins de livres, mais aussi moins d’enfants et moins d’amours profondes. La gu
1950 ra vu concevoir moins de livres, mais aussi moins d’ enfants et moins d’amours profondes. La guerre ne tue pas seulement pe
1951 ns de livres, mais aussi moins d’enfants et moins d’ amours profondes. La guerre ne tue pas seulement pendant qu’elle sévit
1952 l 1939 Pour peu que les circonstances m’empêchent de m’absorber dans l’œuvre en cours, c’est un esprit d’autocritique qui
1953 m’absorber dans l’œuvre en cours, c’est un esprit d’ autocritique qui prend la place, en moi, de l’effort créateur. J’imagi
1954 esprit d’autocritique qui prend la place, en moi, de l’effort créateur. J’imagine un recueil de Contredits où je réfuterai
1955 n moi, de l’effort créateur. J’imagine un recueil de Contredits où je réfuterais mes précédents ouvrages… Penser avec le
1956 ins , par exemple : j’accusais la culture moderne de s’être « distinguée » abusivement du peuple, d’avoir ainsi perdu sa s
1957 e de s’être « distinguée » abusivement du peuple, d’ avoir ainsi perdu sa sève active et livré les masses affamées au délir
1958 aujourd’hui qu’au contraire, la vraie conscience de la vie ne s’est maintenue que chez les écrivains savants qui, à force
1959 tenue que chez les écrivains savants qui, à force d’ ascèse intellectuelle et de raffinements affectifs, ont su capter le s
1960 s savants qui, à force d’ascèse intellectuelle et de raffinements affectifs, ont su capter le secret de notre existence ;
1961 e raffinements affectifs, ont su capter le secret de notre existence ; cependant que les masses, créées par des puissances
1962 qui ont trahi, mais plutôt les chrétiens indignes de leur nom : ils ont laissé trop de terrains en friche, que leur foi se
1963 étiens indignes de leur nom : ils ont laissé trop de terrains en friche, que leur foi seule pouvait ensemencer. Alors les
1964 er. Alors les dictateurs y lancent leurs machines de culture en série… De même, sous l’influence des événements récents (é
1965 siège proclamé par toute l’Europe), je suis tenté de prendre le contre-pied de mon Journal d’un intellectuel en chômage ,
1966 ’Europe), je suis tenté de prendre le contre-pied de mon Journal d’un intellectuel en chômage , et d’insister désormais d
1967 s tenté de prendre le contre-pied de mon Journal d’ un intellectuel en chômage , et d’insister désormais davantage sur les
1968 de mon Journal d’un intellectuel en chômage , et d’ insister désormais davantage sur les valeurs d’opposition que sur cell
1969 et d’insister désormais davantage sur les valeurs d’ opposition que sur celles de communauté. Car s’il n’est de communion v
1970 ntage sur les valeurs d’opposition que sur celles de communauté. Car s’il n’est de communion vraie que dans la Vérité elle
1971 tion que sur celles de communauté. Car s’il n’est de communion vraie que dans la Vérité elle-même, cette Vérité devient és
1972 térique aux yeux des masses. Déjà, dans la moitié de l’Europe, elle est des Catacombes, et non pas du Forum. On m’a loué d
1973 des Catacombes, et non pas du Forum. On m’a loué de « penser près de la vie ». Hélas ! je n’en suis que trop près, — et s
1974 Hélas ! je n’en suis que trop près, — et surtout de la vie des autres ! On voudrait parfois être riche, à seule fin de ma
1975 res ! On voudrait parfois être riche, à seule fin de maintenir certaines distances, — celles-là mêmes que, dans mon Journ
1976 à mêmes que, dans mon Journal , je me félicitais d’ avoir vu s’abolir… 16 avril 1939 Question. Dans quelle mesure un écri
1977 mesure un écrivain a-t-il le droit, ou le devoir, de se montrer publiquement objectif vis-à-vis de ses propres ouvrages ?
1978 ra-t-il une efficacité plus pénétrante ? Problème d’ une portée générale, dans un monde où s’installe, peu à peu, le régime
1979 dans un monde où s’installe, peu à peu, le régime de l’union sacrée et de la « discipline de l’opinion ». Dans quelle mesu
1980 stalle, peu à peu, le régime de l’union sacrée et de la « discipline de l’opinion ». Dans quelle mesure un citoyen a-t-il
1981 le régime de l’union sacrée et de la « discipline de l’opinion ». Dans quelle mesure un citoyen a-t-il le droit, ou le dev
1982 mesure un citoyen a-t-il le droit, ou le devoir, de se montrer publiquement objectif vis-à-vis de sa propre nation ? Le s
1983 objectif vis-à-vis de sa propre nation ? Le sort de la démocratie dépend de la solution qui sera donnée en fait à ce prob
1984 a propre nation ? Le sort de la démocratie dépend de la solution qui sera donnée en fait à ce problème, au cours des mois
1985 Une nuit blanche dans un train bondé. Une journée de reprise à Paris. Et ce soir, me voici [venu] assister à un débat, dan
1986 ans un cercle privé, sur la politique commerciale de la France. Tandis que des experts échangent leurs vues, je constate u
1987  : tout se transpose dans mon esprit en problèmes de langage. Il est sans cesse question d’achat et de vente, et je remarq
1988 problèmes de langage. Il est sans cesse question d’ achat et de vente, et je remarque que l’acheteur et le vendeur sont né
1989 de langage. Il est sans cesse question d’achat et de vente, et je remarque que l’acheteur et le vendeur sont nécessairemen
1990 i-je noté ceci, qu’un des experts se met à parler de la « personnalité » d’un produit commercial et de son « prestige ». C
1991 es experts se met à parler de la « personnalité » d’ un produit commercial et de son « prestige ». Curieuse dramatisation !
1992 de la « personnalité » d’un produit commercial et de son « prestige ». Curieuse dramatisation ! À mesure que les hommes pe
1993 n pleine cure morale, me dit-il, après quatre ans de fièvre. Mais je découvre qu’aujourd’hui, dans la vie politique ou int
1994 e ou intellectuelle, plus personne n’est vraiment d’ aplomb. Nervosité, hystérie, fatigue excessive, ambitions délirantes,
1995 ter souvent sur ce point, — et me donne un éclair d’ hésitation… 27 avril 1939 L’un me dit : — « Pourquoi vous inquiéter ?
1996 nquiéter ? Quand la guerre sera là, il sera temps d’ y penser. » C’est qu’il ne croit pas à la guerre. Un second : « Commen
1997 rte pas, bien au contraire. Le premier devoir est de ne point se laisser surprendre. » C’est qu’il ne croit plus à la paix
1998 qu’il ne croit plus à la paix. Tous les deux ont de bonnes raisons. Car il est vrai que la guerre n’est pas fatale ; vrai
1999 matin ? 29 avril 1939 Comme il est des stratèges de Café du Commerce — généraux qui n’ont rien à commander —, il est des
2000 excité, le belliciste, et pire : l’homme dépourvu de tact, que disait-il : — La France aime tant la Paix qu’elle n’a pas h
2001 t dans le Paris du printemps 1939. M’absoudras-tu de n’avoir su prendre parti entre ces deux ardeurs montées jusqu’à la ha
2002 t avouer que cette menace leur rend enfin le goût de vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent de désir pour leurs biens qu’à la
2003 in le goût de vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent de désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Déshérités aussi
2004 prouvent de désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Déshérités aussi, qui ne retrouvent l’espoir qu’au seuil
2005 n connais qui ne parviennent à leur régime normal de vie (comme un moteur prend son régime à tant à l’heure) que dans le d
2006 nt des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin d’ être provoqué pour montrer de quoi l’on est capable est si profond, pe
2007 s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montrer de quoi l’on est capable est si profond, peut-être si normal, que j’en v
2008 rivain. Il est admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de l
2009 soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus cour
2010 t général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courageux ? Ma
2011 qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courageux ? Mais non. Ils so
2012 ont pas ceux qui la feront qui peuvent avoir peur de la guerre. Car avoir peur d’un accident, c’est entrevoir, imaginer se
2013 i peuvent avoir peur de la guerre. Car avoir peur d’ un accident, c’est entrevoir, imaginer ses conséquences, et la guerre
2014 ses conséquences, et la guerre est la suppression de toute espèce de conséquences, la privation, d’ores et déjà, de tout a
2015 , et la guerre est la suppression de toute espèce de conséquences, la privation, d’ores et déjà, de tout avenir imaginable
2016 ce de conséquences, la privation, d’ores et déjà, de tout avenir imaginable, — pour ceux qui la feront à coup sûr… La guer
2017 in cynisme. Peut-être aussi une certaine modestie de l’individu, qui se voit concrètement réduit à sa juste et minime impo
2018 portance. Paris, 12 mai 1939 Quatrième changement de domicile depuis le début de cette année. « Étranger et voyageur sur l
2019 Quatrième changement de domicile depuis le début de cette année. « Étranger et voyageur sur la terre », ainsi pensais-je
2020 ainsi pensais-je d’autres fois, dans ces périodes de nomadisme involontaire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état d
2021 aire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état de mobilisation permanente, préventive… Militarisation de nos pensées, d
2022 bilisation permanente, préventive… Militarisation de nos pensées, de nos images ! Hier, dans l’autobus, une petite bourgeo
2023 nente, préventive… Militarisation de nos pensées, de nos images ! Hier, dans l’autobus, une petite bourgeoise assise devan
2024 se devant moi s’écrie, voyant s’abattre une pluie d’ orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’ét
2025 ai 1939 La grande ville traversée dans la fatigue d’ un soir pluvieux, Paris, souffrance des visages et des corps, exercice
2026 ance des visages et des corps, exercice perpétuel de charité dans une atmosphère exténuante, hâte, érotisme, énervement. P
2027 t la vérité n’apparaît que dans cet environnement de lueurs fuyantes, d’activités apparemment désordonnées, de phrases ent
2028 ît que dans cet environnement de lueurs fuyantes, d’ activités apparemment désordonnées, de phrases entendues au passage, d
2029 s fuyantes, d’activités apparemment désordonnées, de phrases entendues au passage, d’infinis croisements d’existences étra
2030 nt désordonnées, de phrases entendues au passage, d’ infinis croisements d’existences étrangères. Paris propose une liberté
2031 rases entendues au passage, d’infinis croisements d’ existences étrangères. Paris propose une liberté et un danger, une rév
2032 e une liberté et un danger, une révélation totale de l’humain dans tous ses risques matériels et spirituels, impossibles a
2033 ues matériels et spirituels, impossibles ailleurs de nos jours, et, peut-être, à toute autre époque. Imaginer là-dessus un
2034 ait avoué, horreur et charme, à travers la vision d’ un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les mé
2035 s rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de cette église ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien de ce t
2036 ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien de ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans un sil
2037 r, où la Sainte-Cène est partagée dans un silence de catacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la foule et trave
2038 eillent sur son passage, il n’y a plus nulle part d’ indifférence possible ! Ici, le Christ reste le Scandale, l’Autre, l’A
2039 l’être touchant, bizarre et pitoyable que chacun de nous dissimule. Alors on verrait le réel, alors on cesserait de haïr,
2040 ule. Alors on verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui g
2041 n verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou d’ être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au t
2042 cesserait de haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au travers de propos superficiel
2043 rficiellement passionnés… Et l’on cesserait aussi de redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là où chacun
2044 était fait montrer les fameuses photos en couleur d’ écrivains français et étrangers — et José Ortega y Gasset. Il y a troi
2045 étions ensemble à Orléans, pour la représentation de la Jeanne d’Arc de Claudel et Honegger. Entre-temps, V. O. a tenu le
2046 l hôte du Jardin des Plantes, et du dernier livre de Huizinga, qui nous parvint hier de Hollande. Nous échangeons des nouv
2047 dernier livre de Huizinga, qui nous parvint hier de Hollande. Nous échangeons des nouvelles de nos amis communs d’Argenti
2048 t hier de Hollande. Nous échangeons des nouvelles de nos amis communs d’Argentine, d’Angleterre, d’Autriche, de Roumanie :
2049 Nous échangeons des nouvelles de nos amis communs d’ Argentine, d’Angleterre, d’Autriche, de Roumanie : la plupart vont ven
2050 ns des nouvelles de nos amis communs d’Argentine, d’ Angleterre, d’Autriche, de Roumanie : la plupart vont venir à Paris ou
2051 es de nos amis communs d’Argentine, d’Angleterre, d’ Autriche, de Roumanie : la plupart vont venir à Paris ou s’y trouvent
2052 is communs d’Argentine, d’Angleterre, d’Autriche, de Roumanie : la plupart vont venir à Paris ou s’y trouvent déjà. Impres
2053 ’y trouvent déjà. Impression soudaine, émouvante, d’ une société secrète que rassemble l’appréhension des catastrophes proc
2054 réhension des catastrophes prochaines et le désir d’ un ultime colloque avant que ne se ferment les frontières, avant la so
2055 les frontières, avant la solitude, avant la nuit de l’esprit. 24 mai 1939 Avant-hier, nous trouvâmes en rentrant une prod
2056 nous trouvâmes en rentrant une prodigieuse gerbe de roses rouges que V. O. envoyait à ma femme. Plantée au milieu du stud
2057 me. Plantée au milieu du studio, dans un gros pot de grès, elle règne comme la Beauté même, comme la Passion despotique et
2058 intemps dans notre souvenir, le dernier printemps de la paix… 5 juin 1939 L’origine de toutes nos haines, l’origine de tou
2059 rnier printemps de la paix… 5 juin 1939 L’origine de toutes nos haines, l’origine de toute amertume, c’est un bien que nou
2060 in 1939 L’origine de toutes nos haines, l’origine de toute amertume, c’est un bien que nous n’avons plus, c’est un amour p
2061 éder. Nos haines… Pourquoi la haine, par exemple, de tel régime qui nous menace depuis des mois ? Serait-ce à cause de la
2062 l n’y avait que du mal en lui, nous n’aurions pas de haine ni d’amertume : on ne hait pas les catastrophes, les incendies
2063 que du mal en lui, nous n’aurions pas de haine ni d’ amertume : on ne hait pas les catastrophes, les incendies et les tremb
2064 s catastrophes, les incendies et les tremblements de terre. Notre amertume et notre indignation devant le phénomène totali
2065 ignation devant le phénomène totalitaire naissent d’ un désir secret, d’une tentation, d’une espèce de dépit amoureux de la
2066 phénomène totalitaire naissent d’un désir secret, d’ une tentation, d’une espèce de dépit amoureux de la révolution manquée
2067 aire naissent d’un désir secret, d’une tentation, d’ une espèce de dépit amoureux de la révolution manquée par nous, mais s
2068 d’un désir secret, d’une tentation, d’une espèce de dépit amoureux de la révolution manquée par nous, mais séduite et vio
2069 , d’une tentation, d’une espèce de dépit amoureux de la révolution manquée par nous, mais séduite et violée par le voisin 
2070 par nous, mais séduite et violée par le voisin ; d’ une nostalgie de cette communauté qu’ils disent avoir réinventée, dont
2071 séduite et violée par le voisin ; d’une nostalgie de cette communauté qu’ils disent avoir réinventée, dont nous ne sommes
2072 entons bien qu’ils nous excluent dans l’intention d’ en abuser. Ainsi l’Europe, en d’autres temps, avait haï les sans-culot
2073 désordonnée, incapable — du moins le croyait-on — d’ affronter les armées régulières. 7 juin 1939 Ce restaurant où j’achève
2074 régulières. 7 juin 1939 Ce restaurant où j’achève de déjeuner — rive droite — est le type même du restaurant « moderne » c
2075 rant « moderne » conçu par le délire matérialiste de l’après-guerre. Tout y est laid, désaccordé, géométrique, douloureux
2076 bleuâtre qui sera, n’en doutons pas, l’éclairage de l’enfer… Les clients : demi-luxe et demi-monde. Des femmes qui ont vo
2077 ui ont voulu ressembler aux trois ou quatre types de stars en vogue. Nanties de chiens qui sentent eux-mêmes le patchouli
2078 trois ou quatre types de stars en vogue. Nanties de chiens qui sentent eux-mêmes le patchouli et qu’elles disposent sur l
2079 patchouli et qu’elles disposent sur la banquette de velours grenat à côté du représentant calamistré d’une marque d’auto.
2080 velours grenat à côté du représentant calamistré d’ une marque d’auto. Et ces rires, ces éclats de voix ! Mais il y a depu
2081 at à côté du représentant calamistré d’une marque d’ auto. Et ces rires, ces éclats de voix ! Mais il y a depuis un moment
2082 tré d’une marque d’auto. Et ces rires, ces éclats de voix ! Mais il y a depuis un moment une musique de radio on ne sait d
2083 e voix ! Mais il y a depuis un moment une musique de radio on ne sait d’où venue, dominant tout. Des trompettes solennelle
2084 depuis un moment une musique de radio on ne sait d’ où venue, dominant tout. Des trompettes solennelles au début, et maint
2085 début, et maintenant, planante et pure, une voix de femme se détache… Tout d’un coup, cette ivresse ailée, tout d’un coup
2086 nante et pure, une voix de femme se détache… Tout d’ un coup, cette ivresse ailée, tout d’un coup cette confiance envahissa
2087 étache… Tout d’un coup, cette ivresse ailée, tout d’ un coup cette confiance envahissante dans le salut du monde malgré tou
2088 onde malgré tout, cette beauté sensible au-dessus de toutes choses, à l’intérieur bientôt de toutes choses, oui, seules le
2089 au-dessus de toutes choses, à l’intérieur bientôt de toutes choses, oui, seules les apparences étaient vulgaires ! Au-dess
2090 ules les apparences étaient vulgaires ! Au-dessus d’ elles, à l’intérieur aussi, se fait entendre maintenant le chant profo
2091 u, la respiration bienheureuse des anges gardiens de ce temps, dans l’enthousiasme, déchirant les voiles, du salut qui nou
2092 s ! 9 juin 1939 « Notre Führer fait une politique d’ artiste ! », a proclamé M. Goebbels. Voilà qui définit l’idée de l’Art
2093 a proclamé M. Goebbels. Voilà qui définit l’idée de l’Art que peut concevoir un petit-bourgeois allemand. L’hitlérisme, c
2094 é. La lumière mûrit là-haut, sur le clocher roman de cette église mystérieusement demeurée, malgré la ville environnante,
2095 du temps, pour vingt-quatre heures, une plénitude de l’attente. D’ici là, plus rien ne comptera que par rapport à ce plais
2096 petits retards où s’alimente le désir. Les délais de ce genre nous sont-ils mesurés par la qualité de notre espoir ? Mais
2097 de ce genre nous sont-ils mesurés par la qualité de notre espoir ? Mais quel espoir, alors, pourrait rythmer toute la dur
2098 el espoir, alors, pourrait rythmer toute la durée de notre vie, jusqu’à la mort, — sinon l’espoir d’un rendez-vous au-delà
2099 e de notre vie, jusqu’à la mort, — sinon l’espoir d’ un rendez-vous au-delà du monde, et l’entretien de son attente ardente
2100 d’un rendez-vous au-delà du monde, et l’entretien de son attente ardente ? Si j’y croyais vraiment, sans cesse, je serais
2101 ux sans cesse et en tout lieu ! Si tout dépendait d’ un avenir assez lointain et assez glorieux pour disqualifier nos souci
2102 ous apporte — c’est probable — un nouveau serpent de mer des dictateurs, je mets ici un point final à ce journal de petite
2103 ctateurs, je mets ici un point final à ce journal de petite attente. Il faut juger notre vie par sa Fin, pour mesurer l’im
2104 gros yeux. Joie du temps retrouvé, dans l’instant d’ un espoir qui fut pour moi la parabole salutaire ! Substance présente
2105 ement qui nous délivrera ? Eh quoi ! suffisait-il d’ y penser ? Non, mais il suffira d’y croire. Il est dit : si tu crois,
2106  ! suffisait-il d’y penser ? Non, mais il suffira d’ y croire. Il est dit : si tu crois, tu vivras. ai. Rougemont Denis
2107  : si tu crois, tu vivras. ai. Rougemont Denis de , « D’un journal d’attente (pages démodées) », Formes et Couleurs, Lau
2108 tu crois, tu vivras. ai. Rougemont Denis de, «  D’ un journal d’attente (pages démodées) », Formes et Couleurs, Lausanne,
2109 vivras. ai. Rougemont Denis de, « D’un journal d’ attente (pages démodées) », Formes et Couleurs, Lausanne, avril 1940,
28 1940, Articles divers (1938-1940). L’heure sévère (juin 1940)
2110 es faits dans le monde, mais seulement sur l’état de leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’il nous faut à l’heure que nous vivo
2111 vivons, ce sont des pessimistes réfléchis maîtres d’ eux-mêmes, et objectifs. Je dirai plus : ce qu’il nous faut, ce sont d
2112 ent à la maxime du Taciturne : « Pas n’est besoin d’ espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Or cette e
2113  Pas n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Or cette espèce est rare en Suisse, comme
2114 ù l’ère bourgeoise, ère du « confort moderne » et de l’absence d’imagination, prolonge encore une existence brutalement co
2115 eoise, ère du « confort moderne » et de l’absence d’ imagination, prolonge encore une existence brutalement condamnée par c
2116 ns lequel nous étions installés nous mettait hors d’ état d’imaginer à la fois le sublime et le pire. « Trop beau pour être
2117 el nous étions installés nous mettait hors d’état d’ imaginer à la fois le sublime et le pire. « Trop beau pour être vrai »
2118 le pire. « Trop beau pour être vrai », c’était un de nos proverbes. Et lorsqu’on nous avertissait de certains dangers form
2119 n de nos proverbes. Et lorsqu’on nous avertissait de certains dangers formidables qui menaçaient l’existence même de l’hér
2120 ngers formidables qui menaçaient l’existence même de l’héritage européen, nous répondions : « C’est trop affreux pour être
2121 vrai. » À certain document que je ne puis nommer, d’ une atterrante précision, nous opposions le scepticisme de qui ne s’en
2122 terrante précision, nous opposions le scepticisme de qui ne s’en laisse pas conter, et connaît toutes les ruses de toutes
2123 en laisse pas conter, et connaît toutes les ruses de toutes les propagandes. Nous nous prétendions « réalistes ». Nous éti
2124 « réalistes ». Nous étions simplement incapables d’ imaginer quelque chose d’excessif par rapport à nos sécurités. Cette i
2125 ns simplement incapables d’imaginer quelque chose d’ excessif par rapport à nos sécurités. Cette inconscience, j’en dirai l
2126 rachute pour jouer l’ange protecteur. À l’origine de notre aveuglement, il y a notre incrédulité. Si Dieu existait, pleuro
2127 Si nous avions su croire en lui pendant le temps de sa patience, nous aurions eu « des yeux pour voir », et pour connaîtr
2128 et pour connaître les démons. Voici venu le temps de la colère, le temps des plaies d’Égypte, où les cœurs s’endurcissent.
2129 i venu le temps de la colère, le temps des plaies d’ Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Voici venue l’heure sévère. Ouvro
2130 re. Ouvrons les yeux et apprenons ce qu’il en est de notre châtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix d’un siècle
2131 âtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix d’ un siècle d’abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle
2132 ’Europe est en train de payer le prix d’un siècle d’ abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fit la sourd
2133 t irritante, n’est-ce pas, aux yeux de qui refuse d’ envisager la vie comme une totalité orientée par l’esprit. L’esprit pr
2134 ’aviation n’a nullement transformé les conditions de notre bonheur, mais bien celles de notre malheur. Mais l’optimisme du
2135 les conditions de notre bonheur, mais bien celles de notre malheur. Mais l’optimisme du matérialiste modéré ne veut prévoi
2136 matérialiste modéré ne veut prévoir que le profit d’ argent et l’augmentation du confort. Il refuse de se demander à quoi s
2137 d’argent et l’augmentation du confort. Il refuse de se demander à quoi servira cet argent ou si le confort matériel favor
2138 atériel favorise un bien spirituel. À la première de ces questions, il n’oserait pas répondre en toute franchise ; et à la
2139 pressent bien qu’on ne pourrait que répondre non. D’ où sa myopie et son imprévision systématique des maux prochains. J’écr
2140 maux prochains. J’écris ceci pendant la bataille de France. Est-il trop tard pour répéter ces vérités élémentaires, que l
2141 aires, que le sérieux des gouvernants, des hommes d’ affaires, des penseurs officiels et des bourgeois moyens, a refusé pen
2142 t des bourgeois moyens, a refusé pendant cent ans d’ envisager ? Pourtant, les plus grands hommes du dernier siècle furent
2143 aintenant nous surprend. Nous avons eu bien assez de prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que les avertissements
2144 ien assez de prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que les avertissements nous ont manqué. Le dossier de ces avert
2145 ue les avertissements nous ont manqué. Le dossier de ces avertissements est écrasant pour la conscience européenne : vous
2146 uropéenne : vous y trouverez les plus grands noms de la pensée, qui furent aussi les plus cyniquement méconnus. Vous y tro
2147 pposés, unanimes dans la critique du « réalisme » de leur temps, et dans la prédiction des maux à venir — ceux qui fondent
2148 nir — ceux qui fondent sur nous aujourd’hui. Quoi de commun entre un Burckhardt, un Kierkegaard, un Vinet ou un Nietzsche 
2149 persiste à ne prendre au sérieux que les valeurs de bourse et la « prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne de la m
2150 « prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne de la masse comme celui des lâchetés individuelles additionnées, créant
2151 monde moderne est en train d’adopter « une morale de commerçants », et qu’il sera vaincu par des ascètes féroces. Vinet pr
2152 pirituel ne les oriente, aboutiront au despotisme de l’État. Et contre tout l’« économisme » de son temps, il ose écrire :
2153 otisme de l’État. Et contre tout l’« économisme » de son temps, il ose écrire : « Si quelque chose aujourd’hui menace la l
2154 du côté de la tyrannie. » Et qu’il suffise enfin d’ une allusion aux prophéties célèbres de Burckhardt sur les « terribles
2155 fise enfin d’une allusion aux prophéties célèbres de Burckhardt sur les « terribles simplificateurs », qui viendront impos
2156 mplificateurs », qui viendront imposer à l’Europe d’ impitoyables dictatures militaires au nom de la liberté et du bonheur
2157 liberté et du bonheur des masses. Cette unanimité d’ esprits partout ailleurs irréductiblement divers, je répète qu’elle es
2158 xcuses. Nous avons été avertis. Nous avons refusé d’ écouter. Et maintenant il faut payer. Non point parce que l’injustice
2159 n châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole de la prospérité, et l’idole du confort, et l’idole du progrès — ce prog
2160 « sauver » nos vies mêmes, nous voilà condamnés, de la manière la plus tragi-comique, à sacrifier notre prospérité, notre
2161 confort et nos progrès aux nécessités impérieuses de la défense nationale. Pour avoir refusé les sacrifices qu’eût entraîn
2162 ce soit notre confort, notre profit, nos égoïsmes de nations, nous voici contraints brutalement à des sacrifices mille foi
2163 lent parfaitement « possibles ». Dès qu’il s’agit de sauver notre peau, dès qu’il s’agit de défense nationale, nous accept
2164 ’il s’agit de sauver notre peau, dès qu’il s’agit de défense nationale, nous acceptons des mesures qui, hier encore, passa
2165 ables et impraticables aux yeux des « réalistes » de l’économie : prélèvement sur le capital ou caisse de compensation, — 
2166 l’économie : prélèvement sur le capital ou caisse de compensation, — et je ne prends là que de petits exemples7… Nous avon
2167 caisse de compensation, — et je ne prends là que de petits exemples7… Nous avons critiqué sans merci comme des « utopies
2168 pas seulement en Suisse, mais dans tous les pays de l’Europe ; non seulement sur le plan social, mais sur le plan des rel
2169 ur le plan social, mais sur le plan des relations de peuple à peuple. Tout ce que nous jugions impossible quand il s’agiss
2170 bien si la peur et la guerre sont seules capables d’ obtenir de nous un dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’
2171 peur et la guerre sont seules capables d’obtenir de nous un dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’amour, pou
2172 seules capables d’obtenir de nous un dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’amour, pourquoi donc voulez-vous
2173 portunes, à l’heure où nous cherchons des raisons d’ espérer. Mais nul espoir n’est plus possible, sachons-le, si nous refu
2174 e, sachons-le, si nous refusons maintenant encore d’ envisager les causes du désastre. Envisager, c’est regarder en plein v
2175 et le dernier possible — quelle que soit l’issue de la guerre — dépend de notre capacité d’accepter des vérités dures. Ca
2176 e — quelle que soit l’issue de la guerre — dépend de notre capacité d’accepter des vérités dures. Car tout le mal est venu
2177 t l’issue de la guerre — dépend de notre capacité d’ accepter des vérités dures. Car tout le mal est venu de les avoir refu
2178 aginer le mal parce qu’ils croyaient au bien fait de main d’homme. Mea culpa des militaristes, qui n’ont pas su imaginer u
2179 e mal parce qu’ils croyaient au bien fait de main d’ homme. Mea culpa des militaristes, qui n’ont pas su imaginer un autre
2180 ner un autre bien que la défense toute matérielle d’ un ordre de choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui
2181 e bien que la défense toute matérielle d’un ordre de choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui tue ce qu’e
2182 qui tue ce qu’elle conquiert. Mea culpa des gens de droite, qui croyaient pouvoir conserver des privilèges hérités, tout
2183 détrousser au bout du compte. Mea culpa des gens de gauche, dont le programme de bonheur obligatoire était le même — avec
2184 . Mea culpa des gens de gauche, dont le programme de bonheur obligatoire était le même — avec moins de franchise — que cel
2185 de bonheur obligatoire était le même — avec moins de franchise — que celui de l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaie
2186 ait le même — avec moins de franchise — que celui de l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaient les masses. Mea culpa
2187 des Suisses, qui voulaient profiter des avantages de la folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui de devoir payer leu
2188 la folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui de devoir payer leur part minime dans la banqueroute européenne. Mea cul
2189 , mais qui se tinrent apparemment pour satisfaits de leur succès de librairie : mea culpa. Mais quelles fautes avaient don
2190 inrent apparemment pour satisfaits de leur succès de librairie : mea culpa. Mais quelles fautes avaient donc commises ces
2191 quelles fautes avaient donc commises ces millions de femmes et d’enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avons
2192 s avaient donc commises ces millions de femmes et d’ enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avons plus qu’un se
2193 ns de femmes et d’enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avons plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issu
2194 plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issue de la guerre : obtenir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce de
2195 ir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce de concordat qui nous laisserait la possibilité de rebâtir. Mais on n’ac
2196 e de concordat qui nous laisserait la possibilité de rebâtir. Mais on n’accorde un concordat qu’à celui qui se déclare en
2197 Suisses ont quelque chose à faire, quelque chose de précis, que je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart de la gue
2198 e je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart de la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai
2199 tre y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai de grâce dont je parlais aux Hollandais, en novembre de l’an dernier — e
2200 grâce dont je parlais aux Hollandais, en novembre de l’an dernier — et c’est fini — dont je parlais aux Suisses en janvier
2201 est fini — dont je parlais aux Suisses en janvier de cette année — et cela fait déjà cinq mois passés8. Ce délai nous perm
2202 fait déjà cinq mois passés8. Ce délai nous permet de comprendre, d’avouer nos fautes et celles de notre monde, de dire la
2203 mois passés8. Ce délai nous permet de comprendre, d’ avouer nos fautes et celles de notre monde, de dire la vérité que les
2204 rmet de comprendre, d’avouer nos fautes et celles de notre monde, de dire la vérité que les peuples en guerre n’ont plus l
2205 re, d’avouer nos fautes et celles de notre monde, de dire la vérité que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir de rec
2206 é que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir de reconnaître, dans le fracas des chars, sous les bombardements, quand
2207 l’homme sort toujours retrempé. Avouer les fautes de ceux qu’on aime et dont on attend la victoire comme la permission de
2208 et dont on attend la victoire comme la permission de revivre, c’est une épreuve encore, on ose à peine le dire, une épreuv
2209 si nous en triomphons, elle nous donnera la force de préparer l’avenir. Il est dur de reconnaître ces fautes, parce que no
2210 donnera la force de préparer l’avenir. Il est dur de reconnaître ces fautes, parce que nous en sommes les complices, et qu
2211 lices, et que nous aimons les fautifs. Il est dur de les avouer, parce que les fautes contraires des autres, en face, nous
2212 tout de même, ou à cause de cela même. Il est dur de reconnaître que ce châtiment, qui nous atteint aussi, est mérité ; et
2213 s qui auront su répudier les illusions flatteuses de l’ère bourgeoise. Car ceux-là seuls sauront alors ce qui mérite d’êtr
2214 se. Car ceux-là seuls sauront alors ce qui mérite d’ être sauvé ou recréé. Non pas le droit et la justice dont se réclamaie
2215 ocraties ont la victoire. Non pas le bonheur fait de laisser-aller et d’insouciance du prochain, car nous le payons mainte
2216 oire. Non pas le bonheur fait de laisser-aller et d’ insouciance du prochain, car nous le payons maintenant, une fois pour
2217 lités, est pulvérisé par les bombes. Au plus fort de la persécution entreprise par Julien l’Apostat contre la chrétienté n
2218 est un petit nuage, il passera. Ce n’était pas là de l’optimisme. Athanase prévoyait qu’avec le « petit nuage » passeraien
2219 passeraient aussi, probablement, sa vie et celle de tant de frères. Mais au-delà de l’optimisme humain toujours bafoué, a
2220 , sa vie et celle de tant de frères. Mais au-delà de l’optimisme humain toujours bafoué, au-delà du pessimisme lâche, il y
2221 la foi dans l’éternel, y a l’amour et l’espérance de l’éternel. À quoi se raccrocher, que faire encore ? Quelle était l’as
2222 cher, que faire encore ? Quelle était l’assurance d’ éternité qui permettait à Athanase de dire : c’est un petit nuage, il
2223 l’assurance d’éternité qui permettait à Athanase de dire : c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur de cette heure
2224  : c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur de cette heure sévère, c’est que par la force des choses, par la brutali
2225 ainte ». Quoi qu’il arrive. 7. Le budget annuel de la « défense spirituelle » de la Suisse représente à peu près le prix
2226 7. Le budget annuel de la « défense spirituelle » de la Suisse représente à peu près le prix de deux chars d’assaut. On tr
2227 elle » de la Suisse représente à peu près le prix de deux chars d’assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, mais si j
2228 uisse représente à peu près le prix de deux chars d’ assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, mais si je demande qu’o
2229 près le prix de deux chars d’assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, mais si je demande qu’on double un budget cul
2230 le pays. 8. Voir mon livre Mission ou démission de la Suisse (« La bataille de la culture. ») 9. Comme le fait Paul Re
2231 Mission ou démission de la Suisse (« La bataille de la culture. ») 9. Comme le fait Paul Reynaud devant le Sénat à l’ins
2232 l’instant où j’écris ceci. aj. Rougemont Denis de , « L’heure sévère », Neue Schweizer Rundschau, Zurich, juin 1940, p. 
29 1940, Articles divers (1938-1940). Au peuple suisse ! (22 juillet 1940)
2233 Au peuple suisse ! (22 juillet 1940)ak Au cœur de la révolution européenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a
2234 , la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a pas d’ autre garantie humaine que son armée, pas d’autre allié que son terrai
2235 a pas d’autre garantie humaine que son armée, pas d’ autre allié que son terrain, pas d’autre espoir que son travail. Cette
2236 son armée, pas d’autre allié que son terrain, pas d’ autre espoir que son travail. Cette situation n’est pas nouvelle dans
2237 pas nouvelle dans notre histoire. Elle fut celle de nos grandes victoires et de nos grands renouvellements. Nous savons à
2238 toire. Elle fut celle de nos grandes victoires et de nos grands renouvellements. Nous savons à quelles conditions nos ancê
2239 cêtres ont pu surmonter les crises qui menaçaient d’ emporter leur État : d’une part en déclarant leur volonté de se défend
2240 leur État : d’une part en déclarant leur volonté de se défendre par les armes, d’autre part en se montrant capables de cr
2241 r les armes, d’autre part en se montrant capables de créer, eux aussi, un ordre neuf, à leur manière et selon leur foi chr
2242 saisir notre chance ! Les événements se chargent de nous ouvrir les yeux. Depuis quelques semaines, bien des préjugés tom
2243 tombent. Nous avons découvert l’urgente nécessité de nous unir au-delà des partis, au-delà d’une gauche et d’une droite pé
2244 écessité de nous unir au-delà des partis, au-delà d’ une gauche et d’une droite périmées, au-delà du vieux conflit du capit
2245 unir au-delà des partis, au-delà d’une gauche et d’ une droite périmées, au-delà du vieux conflit du capital et du travail
2246 promesses faciles. Ils veulent une méthode neuve d’ action et de pensée, une solidarité pratique. Et ils attendent des hom
2247 aciles. Ils veulent une méthode neuve d’action et de pensée, une solidarité pratique. Et ils attendent des hommes nouveaux
2248 s nous sommes donc groupés pour travailler. Venus de tous les points de l’horizon politique, fidèles à nos amitiés, mais d
2249 groupés pour travailler. Venus de tous les points de l’horizon politique, fidèles à nos amitiés, mais décidés à faire conv
2250 fondons la   Ligue du Gothard   Bastion naturel de la Suisse, cœur de l’Europe et limite des races, le Gothard est le gr
2251 du Gothard   Bastion naturel de la Suisse, cœur de l’Europe et limite des races, le Gothard est le grand symbole autour
2252 querelles partisanes, que tous ceux qui viennent d’ être démobilisés et qui sont prêts à faire du neuf, que tous les aînés
2253 un grand effort commun. Mais il nous rendra fiers d’ être hommes, et d’être Suisses.   Ligue du Gothard Schauplatzgasse 2
2254 mmun. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et d’ être Suisses.   Ligue du Gothard Schauplatzgasse 23, Berne.   Dans q
2255 ques jours, nous publierons nos principes et buts d’ action, les noms des membres du comité, ainsi qu’un grand nombre de si
2256 s des membres du comité, ainsi qu’un grand nombre de signatures de personnalités appartenant aux milieux les plus divers,
2257 du comité, ainsi qu’un grand nombre de signatures de personnalités appartenant aux milieux les plus divers, et qui nous on
2258 ous ont promis leur appui. ak. Rougemont Denis de , « Au peuple suisse ! », Tribune de Lausanne, Lausanne, 22 juillet 19
2259 ugemont Denis de, « Au peuple suisse ! », Tribune de Lausanne, Lausanne, 22 juillet 1940, p. 5.
30 1940, Articles divers (1938-1940). Autocritique de la Suisse (août 1940)
2260 Autocritique de la Suisse (août 1940)am an Nul pays, à ma connaissance, n’a été pl
2261 ire, et suppose donc la connaissance très vivante d’ une autre espèce d’union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masse
2262 c la connaissance très vivante d’une autre espèce d’ union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses et l’à peu près i
2263 ntellectuel s’opposent sans cesse à cette reprise de conscience. D’où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on n
2264 pposent sans cesse à cette reprise de conscience. D’ où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déch
2265 à cette reprise de conscience. D’où la nécessité d’ une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déchoir ou se laisser
2266 e qui suppose l’équilibre vivant entre les droits de chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde de nom
2267 et ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’autre programme que la défe
2268 bsurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’ autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centre. C
2269 es cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité de l’union centrale auraient peut-être plus de droits à revendiquer le n
2270 ssité de l’union centrale auraient peut-être plus de droits à revendiquer le nom de fédéralistes, dans son sens étymologiq
2271 ent peut-être plus de droits à revendiquer le nom de fédéralistes, dans son sens étymologique. (fœdus = traité, serment, u
2272 régionalistes, nomment « fédéral » ce qui procède de Berne. Il en résulte que leur fédéralisme se résume à combattre tout
2273 qui pourra ! Cette confusion verbale, symbolique de tant d’autres, est à la base de la plupart de nos conflits politiques
2274 rbale, symbolique de tant d’autres, est à la base de la plupart de nos conflits politiques, économiques, parlementaires. 2
2275 e le fédéralisme véritable ne commence qu’au-delà de leur opposition. Ils se font un programme de ce qui ne saurait être q
2276 delà de leur opposition. Ils se font un programme de ce qui ne saurait être que la maladie individualiste ou la maladie co
2277 aladie individualiste ou la maladie collectiviste de notre État. À quand le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni
2278 die collectiviste de notre État. À quand le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni de droite. Car sous
2279 le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni de droite. Car sous l’opposition, indéfendable en théorie,
2280 la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni de droite. Car sous l’opposition, indéfendable en théorie, des centralis
2281 totalitaires timorés, c’est-à-dire quelque chose d’ absolument inviable s’ils en restent là, ou de radicalement antisuisse
2282 ose d’absolument inviable s’ils en restent là, ou de radicalement antisuisse s’ils progressent. Les « libéraux » et les co
2283 tant que je ne les aurai pas vu refuser l’argent de l’État, je ne pourrai pas prendre au sérieux leurs convictions « fédé
2284 l’opposition gauche-droite est étrangère au génie de la Suisse. Son origine parlementaire le prouve : rien de moins suisse
2285 uisse. Son origine parlementaire le prouve : rien de moins suisse que notre Parlement, importé d’Amérique à une époque réc
2286 rien de moins suisse que notre Parlement, importé d’ Amérique à une époque récente, et plus ou moins contaminé par les mœur
2287 par les mœurs politiques françaises. L’idée même de parti, d’ailleurs, est antisuisse, dans ce sens qu’elle est antifédér
2288 restreint, représentant une région, ou un groupe d’ activités apparentées, ou une tendance religieuse, ou des intérêts cor
2289 igieuse, ou des intérêts corporatifs. Sur la base de programmes restreints, bien définis, l’on peut discuter entre experts
2290 ler, tout juger et tout absorber. Il serait temps de se remettre à la Diète ! 3. Suite du précédent. — Comment peut-on se
2291 du précédent. — Comment peut-on se dire encore «  de droite » ou « de gauche » au lendemain de la guerre d’Espagne et du P
2292 Comment peut-on se dire encore « de droite » ou «  de gauche » au lendemain de la guerre d’Espagne et du Pacte germano-russ
2293 ncore « de droite » ou « de gauche » au lendemain de la guerre d’Espagne et du Pacte germano-russe ? Les Espagnols se sont
2294 oite » ou « de gauche » au lendemain de la guerre d’ Espagne et du Pacte germano-russe ? Les Espagnols se sont entretués pe
2295 érité et en tout héroïsme, au nom d’une droite et d’ une gauche extrémistes qui, dès « l’affaire » liquidée, ont démasqué l
2296 partis continuent, nos arguments ne changent pas d’ un demi-ton, nos philofascistes continuent à reprocher à nos socialist
2297 ialistes un étatisme qui, en réalité, fait partie de tout programme fasciste ; nos marxistes continuent à se croire libert
2298 libertaires, etc. Seuls nos staliniens ont cessé de dénoncer les hitlériens, mais c’est pour dénoncer les antihitlériens,
2299 alistes internationaux ».) Nos descendants diront de notre siècle qu’il fut celui des gogos enragés. 4. Paresse d’esprit.
2300 cle qu’il fut celui des gogos enragés. 4. Paresse d’ esprit. — Je parle ici par expérience : rien n’oblige un bureau de Ber
2301 arle ici par expérience : rien n’oblige un bureau de Berne à faire du centralisme à coups de décrets rigides ; rien ne l’e
2302 un bureau de Berne à faire du centralisme à coups de décrets rigides ; rien ne l’empêche de respecter nos précieuses diver
2303 me à coups de décrets rigides ; rien ne l’empêche de respecter nos précieuses diversités, et de se mettre à leur service,
2304 mpêche de respecter nos précieuses diversités, et de se mettre à leur service, comme il se doit. Prévoir des exceptions, t
2305 x font tout le contraire, cela tient à la paresse d’ esprit des messieurs qui en occupent les fauteuils. Les organismes cen
2306 lons des fonctionnaires frais et dispos, capables d’ imagination, détestant les complications administratives mais aimant l
2307 rlent sera faite. Mais autrement, elle ne servira de rien. 5. Notre matérialisme. — Le pire danger qui nous menace : nous
2308 renversé l’échelle des valeurs. Le cadre matériel de notre vie est parfait, mais il n’encadrera bientôt plus aucune vie di
2309 mais il n’encadrera bientôt plus aucune vie digne de ce nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget d’une œuvre destin
2310 e nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget d’ une œuvre destinée à soutenir telle branche de l’activité intellectuel
2311 get d’une œuvre destinée à soutenir telle branche de l’activité intellectuelle que les deux tiers des ressources passent à
2312 istration et aux salaires fixes, tandis que moins d’ un tiers est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de
2313 , tandis que moins d’un tiers est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de littérature consacrer des mill
2314 est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’ art et de littérature consacrer des milliers de francs à sa « présenta
2315 cré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de littérature consacrer des milliers de francs à sa « présentation » ma
2316 ue d’art et de littérature consacrer des milliers de francs à sa « présentation » matérielle, et zéro franc à payer ses co
2317 sont difficiles. Je vois que dans le budget moyen d’ un ouvrier suisse, le cadre matériel de l’existence (logement, vêtemen
2318 dget moyen d’un ouvrier suisse, le cadre matériel de l’existence (logement, vêtement, mobilier, assurances) absorbe plus d
2319 ent, vêtement, mobilier, assurances) absorbe plus de la moitié des ressources, proportion réellement exorbitante. Je vois
2320 e. Je vois des gens qui hésitent entre deux types de salles de bain, l’une coûtant 300 fr. de plus que l’autre, et qui se
2321 des gens qui hésitent entre deux types de salles de bain, l’une coûtant 300 fr. de plus que l’autre, et qui se désabonnen
2322 ue l’autre, et qui se désabonnent « vu la crise » de la seule revue qu’ils recevaient : elle leur coûtait 10 fr. par an. J
2323 die et comme paralysée par des soucis budgétaires de cet ordre, traduisant cette échelle de valeurs. Et je conclus : « Si
2324 udgétaires de cet ordre, traduisant cette échelle de valeurs. Et je conclus : « Si quelque chose aujourd’hui menace la lib
2325 qui parlait ainsi, il y a longtemps, tout au haut de la pente… 6. Cultures. — C’est quand on doute de soi qu’on a peur du
2326 de la pente… 6. Cultures. — C’est quand on doute de soi qu’on a peur du voisin. Les Romands qui se rétractent au seul mot
2327 voisin. Les Romands qui se rétractent au seul mot de germanisme ne sont pas ceux qui sauront illustrer la Suisse romande,
2328 upérieures ou rares, des exceptions, des manières de vivre hors-série. Car « l’exception » dans la vie quotidienne doit jo
2329 pliquer sans loyauté, dans n’importe quel domaine de notre vie, même « privée », c’est nier le fédéralisme et ruiner les b
2330  », c’est nier le fédéralisme et ruiner les bases de la Suisse. Que nos moralistes s’en souviennent, et que nos conformist
2331 e. Exemple : ceux qui, chez nous, font profession d’ admirer la méthode d’un dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’
2332 , chez nous, font profession d’admirer la méthode d’ un dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà
2333 dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles de Suisses11. J
2334  L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles de Suisses11. Je les estime intolérables, s’
2335 e », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles de Suisses11. Je les estime intolérables, s’ils parlent en connaissance
2336 . (Le plus souvent, d’ailleurs, ils se contentent de ne pas remarquer la ressemblance entre ce qu’ils détestent en Suisse
2337 e naïveté. — Elle éclate dans certaines mesures «  de prudence » prises à l’égard de la presse — par qui de droit — et qui
2338 rudence » prises à l’égard de la presse — par qui de droit — et qui consistent à ménager non seulement la chèvre et le cho
2339 sieur qui s’enquiert « objectivement » des motifs d’ un bandit tout prêt à l’assommer. Or je connais une certaine propagand
2340 , littéralement, et cela depuis plusieurs années. De ce point de vue, nous ne sommes plus neutres en fait, nous sommes en
2341 en fait, nous sommes en guerre parce que victimes d’ une agression systématique et quotidienne contre les principes mêmes q
2342 êmes qui fondent notre État. (Je me garderai bien de donner ici un autre exemple que celui de la propagande stalinienne.)
2343 rai bien de donner ici un autre exemple que celui de la propagande stalinienne.) Si l’on nous interdit de le dire, et de n
2344 la propagande stalinienne.) Si l’on nous interdit de le dire, et de nous défendre en ripostant, pourquoi donc, demanderai-
2345 talinienne.) Si l’on nous interdit de le dire, et de nous défendre en ripostant, pourquoi donc, demanderai-je, fortifier n
2346 tégrité du territoire serait-elle plus importante de nos jours que l’intégrité de la conscience nationale ? Celle-là conse
2347 elle plus importante de nos jours que l’intégrité de la conscience nationale ? Celle-là conserve-t-elle son sens quand cel
2348 se. — Revenons à la géographie ! dit ce poète. Et de nous décrire une Suisse héroïque protégée par les Alpes, ce rempart,
2349 ces termes : « Une dépression entre deux chaînes de montagnes. » Renvoyons la géographie, de grâce, ou faisons-la mentir 
2350 chaînes de montagnes. » Renvoyons la géographie, de grâce, ou faisons-la mentir ! 11. Neutralité. — Pendant l’hiver 1939-
2351 érature maximum : 18°. » Il s’agissait sans doute d’ inciter le public à des économies de charbon. On nous recommandait la
2352 it sans doute d’inciter le public à des économies de charbon. On nous recommandait la tiédeur… Mais voici nos voisins bell
2353 voir ce qui vaut le mieux. Il ne faut pas parler de neutralité en général, dans l’absolu et dans l’abstrait. Car tout dép
2354 dans l’absolu et dans l’abstrait. Car tout dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou de qui, est-on tiède, est-on neutre ? Si
2355 . Car tout dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou de qui, est-on tiède, est-on neutre ? Si c’est vis-à-vis du Christ, la p
2356 entraîne notre expulsion violente hors du Royaume de Dieu. « Je vous vomirai », dit le Christ. Si c’est vis-à-vis de la g
2357 dans la mesure où elle nous exclut, précisément, d’ un conflit que nous jugeons mauvais. (Reste à savoir si le conflit act
2358 uis, si notre tiédeur suffira pour que le monstre de la guerre nous vomisse… Mais ceci est une autre histoire.) On ferait
2359 Mais ceci est une autre histoire.) On ferait bien de ne pas utiliser comme des proverbes généraux certaines paroles du Chr
2360 es généraux certaines paroles du Christ qui n’ont de sens que par rapport à sa Personne, à son Royaume, à son Éternité. Ré
2361 les tièdes seront vomis, en détournant ce verset de son sens spirituel, c’est toujours un blasphème, et c’est souvent une
2362 ralité « éternelle ». — On nous parle aujourd’hui de « neutralité éternelle », et l’on va même jusqu’à nous affirmer que c
2363 mer que cette « éternité » est la base officielle de notre politique. Dans ce cas, notre politique reposerait sur une faut
2364 suis fâché. Ce n’est pas éternelle qu’il convient de dire, mais perpétuelle. Se figure-t-on que l’homme a le droit et le p
2365 figure-t-on que l’homme a le droit et le pouvoir de décréter « l’éternité » d’une décision humaine ? Apprenons donc à qui
2366 le droit et le pouvoir de décréter « l’éternité » d’ une décision humaine ? Apprenons donc à qui de droit que nul État huma
2367 é » d’une décision humaine ? Apprenons donc à qui de droit que nul État humain n’est éternel ; que la Suisse est un État h
2368 plus, la Suisse n’est devenue neutre qu’à partir d’ un certain moment de son histoire. Or ce qui est éternel ne commence p
2369 st devenue neutre qu’à partir d’un certain moment de son histoire. Or ce qui est éternel ne commence pas à un certain mome
2370 utre moment. On peut le nier parfois dans un élan de passion. Mais on ne peut pas le nier par un décret. 13. Neutralité pe
2371 ieu, durer « éternellement ». C’était une manière d’ affirmer qu’ils la concluaient sans arrière-pensée. (Comparez avec cer
2372 s arrière-pensée. (Comparez avec certaines offres de paix « pour vingt-cinq ans » que faisait naguère à ses voisins un hom
2373 le » : cela signifie simplement que nous refusons d’ envisager son abandon, et que nous le refuserons aussi longtemps que p
2374 (L’Empire fédératif ?) Mais toute politique digne de ce nom consiste à prévoir même le pire, et même la réalisation procha
2375 ir même le pire, et même la réalisation prochaine de nos plus lointaines ambitions. Or prévoir, c’est aussi se préparer, p
2376 rce que l’histoire et la politique ne cessent pas de modifier ces positions toutes relatives que sont la gauche et la droi
2377 ais ils ne nous imposent nullement une neutralité d’ opinion. Renoncer au droit de nous exprimer, ce n’est donc pas nous co
2378 r, ce n’est donc pas nous conformer aux exigences de la neutralité. Ce peut être, dans certains cas, une mesure opportune 
2379 , c’est tout simplement renoncer à une belle part de notre indépendance. C’est renoncer à nous défendre intégralement. Et
2380 qui sont d’abord des guerres morales, des guerres de propagande. Quand une troupe est réduite à l’impuissance par l’advers
2381 ’hui, ce n’est pas rester neutres, c’est accepter d’ être neutralisés moralement. Le Conseil fédéral a repoussé officiellem
2382 ussé officiellement et publiquement la prétention de ceux qui voulaient « neutraliser » de cette manière notre opinion. En
2383 prétention de ceux qui voulaient « neutraliser » de cette manière notre opinion. En tant que citoyen suisse respectueux d
2384 tant que citoyen suisse respectueux des décisions de nos autorités suprêmes, j’ai donc le droit de condamner ouvertement d
2385 ons de nos autorités suprêmes, j’ai donc le droit de condamner ouvertement des régimes étrangers qui attaquent ouvertement
2386 endance : elle l’affirme au contraire ! Le devoir de l’armée est de garantir par la force l’intégrité de notre indépendanc
2387 l’affirme au contraire ! Le devoir de l’armée est de garantir par la force l’intégrité de notre indépendance, et non pas s
2388 l’armée est de garantir par la force l’intégrité de notre indépendance, et non pas seulement sa matérialité (le territoir
2389 uisse ne dit pas : « Plutôt renoncer à ma liberté d’ opinion que de risquer des ennuis avec une légation. » Il dit au contr
2390 as : « Plutôt renoncer à ma liberté d’opinion que de risquer des ennuis avec une légation. » Il dit au contraire — il disa
2391 politiques. Les petits pays ne sont pas dispensés d’ imaginer et de voir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de
2392 s petits pays ne sont pas dispensés d’imaginer et de voir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de compenser leur
2393 ir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de compenser leur petitesse physique par leur prestige moral. C’est la p
2394 leur prestige moral. C’est la première condition de leur indépendance, même matérielle. Nos réalistes — toujours en retar
2395 me matérielle. Nos réalistes — toujours en retard d’ une guerre, d’une époque — ont récemment découvert qu’un diplomate mod
2396 Nos réalistes — toujours en retard d’une guerre, d’ une époque — ont récemment découvert qu’un diplomate moderne doit être
2397 n de plus dangereusement utopique que le réalisme d’ avant-hier. Notre époque n’est plus celle du grand commerce ; ni même
2398 oque n’est plus celle du grand commerce ; ni même de la grande industrie (réalisme d’hier). Notre époque est celle des rel
2399 mmerce ; ni même de la grande industrie (réalisme d’ hier). Notre époque est celle des religions politiques, sociales, nati
2400 ce, l’industrie, l’économie en général, ont cessé d’ imposer leurs « lois fatales ». Ce sont les chefs qui dictent les prix
2401 nécessités techniques », superstition des experts d’ hier et d’avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait, que la Tec
2402 techniques », superstition des experts d’hier et d’ avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait, que la Technique ne
2403 Il est temps que la Suisse comprenne que le souci de son économie ne saurait plus servir d’excuse à l’absence de vues poli
2404 e le souci de son économie ne saurait plus servir d’ excuse à l’absence de vues politiques. On demande à un gouvernement de
2405 nomie ne saurait plus servir d’excuse à l’absence de vues politiques. On demande à un gouvernement de « gouverner14 », de
2406 de vues politiques. On demande à un gouvernement de « gouverner14 », de piloter l’État et d’orienter sa marche ; le reste
2407 On demande à un gouvernement de « gouverner14 », de piloter l’État et d’orienter sa marche ; le reste, le fonctionnement
2408 ernement de « gouverner14 », de piloter l’État et d’ orienter sa marche ; le reste, le fonctionnement technique de la machi
2409 sa marche ; le reste, le fonctionnement technique de la machine, étant l’affaire des fonctionnaires — leur nom l’indique —
2410 ates qui fassent une politique, et qui aient plus d’ idées générales que de compétences économiques. Je connais tel profess
2411 olitique, et qui aient plus d’idées générales que de compétences économiques. Je connais tel professeur d’Université, tel
2412 ompétences économiques. Je connais tel professeur d’ Université, tel écrivain, tel philanthrope, tel connaisseur et pratici
2413 anthrope, tel connaisseur et praticien des choses de la SDN et de la chose européenne, qui nous représenteraient à l’étran
2414 connaisseur et praticien des choses de la SDN et de la chose européenne, qui nous représenteraient à l’étranger — officie
2415 anger — officiellement ou non — avec combien plus d’ efficacité que les meilleurs spécialistes formés par les bureaux de Be
2416 les meilleurs spécialistes formés par les bureaux de Berne, et rompus à toutes les prudences « fédérales ». Sur le plan di
2417 près la page qu’on vient de lire, que je n’ai pas d’ ambitions politiques ! 11. Intéressante précision du langage ! Un « d
2418 que nous devons préférer la mort à l’interdiction de proclamer des sottises. Je m’excuse de tant de lourdeur dans la préci
2419 terdiction de proclamer des sottises. Je m’excuse de tant de lourdeur dans la précision, mais je m’avance ici sur un terra
2420 ais d’ailleurs ce que je risque. Ce qui me permet d’ approuver pleinement cette déclaration de Spitteler : « N’est-ce pas u
2421 e permet d’approuver pleinement cette déclaration de Spitteler : « N’est-ce pas un spectacle grotesque que celui d’une feu
2422 : « N’est-ce pas un spectacle grotesque que celui d’ une feuille de chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style
2423 as un spectacle grotesque que celui d’une feuille de chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style de cabaret une
2424 otesque que celui d’une feuille de chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style de cabaret une grande puissance
2425 qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style de cabaret une grande puissance européenne, comme s’il s’agissait d’une
2426 rande puissance européenne, comme s’il s’agissait d’ une paisible élection municipale ! Si la censure accourt alors avec un
2427 alors avec une muselière, elle accomplit un acte de décence. » 13. Cf. à ce sujet les vues très exactes du grand théoric
2428 e sujet les vues très exactes du grand théoricien de l’État totalitaire, Carl Schmitt, juriste catholique devenu national-
2429 avec raison G. de Reynold. am. Rougemont Denis de , « Autocritique de la Suisse », Schweizerische Hochschulzeitung, Zuri
2430 Reynold. am. Rougemont Denis de, « Autocritique de la Suisse », Schweizerische Hochschulzeitung, Zurich, août 1940, p. 1
2431 tung, Zurich, août 1940, p. 158-167. an. Précédé de cette notice : « Sous le titre : Mission ou démission de la Suisse ,
2432 notice : « Sous le titre : Mission ou démission de la Suisse , Denis de Rougemont, l’un des lauréats du prix Gottfried K
2433 ller 1940, publie, réunis en un volume, une série d’ articles et de conférences dont il indique, dans son avertissement, le
2434 lie, réunis en un volume, une série d’articles et de conférences dont il indique, dans son avertissement, le propos, en ce
2435 nt, le propos, en ces termes : “Ils sont tous nés d’ un même souci de la personne et de son rôle dans la communauté ; et to
2436 n ces termes : “Ils sont tous nés d’un même souci de la personne et de son rôle dans la communauté ; et tous ils s’adresse
2437 s sont tous nés d’un même souci de la personne et de son rôle dans la communauté ; et tous ils s’adressent à des Suisses.
2438 tous ils s’adressent à des Suisses. Par une série de cercles concentriques, ils s’efforcent de situer notre mission dans l
2439 e série de cercles concentriques, ils s’efforcent de situer notre mission dans l’Europe d’aujourd’hui.” Ce livre, qui tend
2440 s’efforcent de situer notre mission dans l’Europe d’ aujourd’hui.” Ce livre, qui tend avant tout à nous faire rentrer en no
2441 avenir. Nous sommes donc particulièrement heureux d’ en présenter à nos lecteurs, à titre de spécimen, le dernier chapitre 
2442 de spécimen, le dernier chapitre : “Autocritique de la Suisse”, désirant les rendre attentifs (car nous nous sentons pres
2443 s rendre attentifs (car nous nous sentons pressés de le faire) à la valeur capitale de cet ouvrage, qui a paru aux Édition
2444 sentons pressés de le faire) à la valeur capitale de cet ouvrage, qui a paru aux Éditions de la Baconnière-Boudry-Neuchâte
2445 capitale de cet ouvrage, qui a paru aux Éditions de la Baconnière-Boudry-Neuchâtel. »
31 1940, Articles divers (1938-1940). Henri le Vert ou l’âme alémanique (1940)
2446 anique (1940)al Je dois ma première découverte de l’atmosphère suisse allemande à un cours de répétition. Nous faisions
2447 verte de l’atmosphère suisse allemande à un cours de répétition. Nous faisions des manœuvres dans la campagne bernoise. C’
2448 ande liberté militaire, pénétrant dans l’intimité d’ une vie bonhomme et opulente, dormant dans des auberges inconnues des
2449 ne et le confort auvents immenses, et des balcons de bois ornés de pieuses devises et de géraniums éclatants. Tout paraiss
2450 rt auvents immenses, et des balcons de bois ornés de pieuses devises et de géraniums éclatants. Tout paraissait, dans ce p
2451 t des balcons de bois ornés de pieuses devises et de géraniums éclatants. Tout paraissait, dans ce pays, un peu plus large
2452 ins douce, mais plus drue. Je m’étais bien promis d’ y retourner, et c’est encore la mobilisation qui m’y ramène. Si je vou
2453 amène. Si je vous confie que mes premiers loisirs de militaire ont été consacrés à la lecture du grand roman de Gottfried
2454 ire ont été consacrés à la lecture du grand roman de Gottfried Keller intitulé Henri le Vert, c’est que je dois à cette œu
2455 dois à cette œuvre célèbre ma seconde découverte de l’âme alémanique. Il est à peine croyable que ce roman soit si peu lu
2456 Car ce n’est pas seulement l’un des chefs-d’œuvre de la littérature universelle, l’un de ces livres à la fois populaires e
2457 chefs-d’œuvre de la littérature universelle, l’un de ces livres à la fois populaires et pleins de secrets émouvants, où ch
2458 l’un de ces livres à la fois populaires et pleins de secrets émouvants, où chacun peut trouver sa pâture, mais c’est encor
2459 c’est surtout, pour moi, la meilleure expression de l’esprit suisse allemand. Courez demain matin chez un libraire ou à l
2460 othèque la plus proche, et demandez la traduction de ce gros livre. Vous commettrez une bonne action patriotique. Car le p
2461 ar le patriotisme suisse est d’abord une question d’ amitié, et l’amitié suppose une connaissance mutuelle, et je ne sais r
2462 sais rien qui puisse nous donner, comme ce roman de Gottfried Keller, le sentiment de la réalité alémanique. Vous trouver
2463 comme ce roman de Gottfried Keller, le sentiment de la réalité alémanique. Vous trouverez dans ce récit d’une jeunesse av
2464 réalité alémanique. Vous trouverez dans ce récit d’ une jeunesse aventureuse et d’un retour vers le pays natal, un mélange
2465 verez dans ce récit d’une jeunesse aventureuse et d’ un retour vers le pays natal, un mélange étonnant de romantisme, de bo
2466 un retour vers le pays natal, un mélange étonnant de romantisme, de bon sens bourgeois et d’humour. Et c’est peut-être là
2467 le pays natal, un mélange étonnant de romantisme, de bon sens bourgeois et d’humour. Et c’est peut-être là le secret des S
2468 étonnant de romantisme, de bon sens bourgeois et d’ humour. Et c’est peut-être là le secret des Suisses allemands. Le secr
2469 tre là le secret des Suisses allemands. Le secret d’ un certain lyrisme qui les distingue de nous autres Romands. Et quand
2470 Le secret d’un certain lyrisme qui les distingue de nous autres Romands. Et quand je parle de lyrisme, je n’entends pas c
2471 stingue de nous autres Romands. Et quand je parle de lyrisme, je n’entends pas ce sentimentalisme vague et un peu lourd qu
2472 isme vague et un peu lourd qui met tant de points d’ orgue dans les couplets d’un Männerchor, mais une espèce de saveur pri
2473 qui met tant de points d’orgue dans les couplets d’ un Männerchor, mais une espèce de saveur primitive, une manière plus c
2474 ans les couplets d’un Männerchor, mais une espèce de saveur primitive, une manière plus confiante et plus joyeuse d’accept
2475 itive, une manière plus confiante et plus joyeuse d’ accepter la vie instinctive, un peu plus de musique, un peu moins de s
2476 oyeuse d’accepter la vie instinctive, un peu plus de musique, un peu moins de scrupules, un peu plus d’énergie et moins d’
2477 instinctive, un peu plus de musique, un peu moins de scrupules, un peu plus d’énergie et moins d’esprit critique. Ce sont
2478 e musique, un peu moins de scrupules, un peu plus d’ énergie et moins d’esprit critique. Ce sont ces nuances-là qui donnent
2479 oins de scrupules, un peu plus d’énergie et moins d’ esprit critique. Ce sont ces nuances-là qui donnent le ton de la bonne
2480 itique. Ce sont ces nuances-là qui donnent le ton de la bonne chanson suisse allemande, et de la fantaisie d’Henri le Vert
2481 t le ton de la bonne chanson suisse allemande, et de la fantaisie d’Henri le Vert. On me dira que je vais chercher bien ha
2482 onne chanson suisse allemande, et de la fantaisie d’ Henri le Vert. On me dira que je vais chercher bien haut, et dans une
2483 ue dorénavant nous saurons reconnaître ici ou là, d’ une manière furtive mais parfois émouvante, dans la vie quotidienne d’
2484 e mais parfois émouvante, dans la vie quotidienne d’ un de ces peuples, oui, dans sa vie apparemment banale. Depuis que j’a
2485 s parfois émouvante, dans la vie quotidienne d’un de ces peuples, oui, dans sa vie apparemment banale. Depuis que j’ai lu
2486 ur fonds du Suisse allemand dès qu’il est délivré de son sérieux massif. Et alors, dans mon enthousiasme, j’évoque Berne,
2487 nt-Gothard, notre bastion sacré, dans le souvenir de Nicolas de Flue. Et je me dis que la Providence nous veut vraiment du
2488 en, à nous les Suisses, puisqu’elle nous a permis de réunir des qualités et des défauts qui se complètent si heureusement 
2489  : la rouspétance du Suisse romand et la patience de l’Alémanique, — la nervosité latine et la ténacité germanique ; notre
2490 our. Et tout ce qu’il y a dans la culture romande d’ un peu précautionneux ou de timide, se trouve à merveille compensé par
2491 ans la culture romande d’un peu précautionneux ou de timide, se trouve à merveille compensé par la confiance plus naïve en
2492 vie que manifestent par exemple les grands romans de Jérémie Gotthelf. Et puisque j’ai parlé de fédéralisme, permettez-moi
2493 romans de Jérémie Gotthelf. Et puisque j’ai parlé de fédéralisme, permettez-moi de terminer par une petite citation qui pr
2494 puisque j’ai parlé de fédéralisme, permettez-moi de terminer par une petite citation qui prouvera aux plus ombrageux des
2495 liste ou un Monsieur de Berne ! C’est un fragment de discours patrio­tique que Gottfried Keller — encore lui ! — met dans
2496 tfried Keller — encore lui ! — met dans la bouche d’ un de ses héros, dans le récit intitulé Le Fanion des sept braves. Par
2497 d Keller — encore lui ! — met dans la bouche d’un de ses héros, dans le récit intitulé Le Fanion des sept braves. Par les
2498 que nous vivons, une telle page prend une allure de véritable manifeste. La voici : Un enfant avec son arche de Noé plei
2499 e manifeste. La voici : Un enfant avec son arche de Noé pleine d’animaux de toute espèce, mâles et femelles, ne saurait ê
2500 a voici : Un enfant avec son arche de Noé pleine d’ animaux de toute espèce, mâles et femelles, ne saurait être plus conte
2501 Un enfant avec son arche de Noé pleine d’animaux de toute espèce, mâles et femelles, ne saurait être plus content que ces
2502 mes avec leur chère petite patrie et les milliers de bonnes choses qu’elle contient, depuis le vieux brochet moussu qui na
2503 , depuis le vieux brochet moussu qui nage au fond de ses lacs jusqu’aux aigles qui planent sur ses glaciers. Combien d’esp
2504 ’aux aigles qui planent sur ses glaciers. Combien d’ espèces de gens grouillent dans cet étroit espace, tous différents par
2505 s qui planent sur ses glaciers. Combien d’espèces de gens grouillent dans cet étroit espace, tous différents par leurs mœu
2506 u’il y ait des Zurichois et des Bernois, des gens d’ Unterwald et de Neuchâtel, des Grisons et des Bâlois, et même deux esp
2507 Zurichois et des Bernois, des gens d’Unterwald et de Neuchâtel, des Grisons et des Bâlois, et même deux espèces de Bâlois 
2508 , des Grisons et des Bâlois, et même deux espèces de Bâlois ! Qu’il y ait une histoire de l’Appenzell et une histoire de G
2509 deux espèces de Bâlois ! Qu’il y ait une histoire de l’Appenzell et une histoire de Genève ! Cette variété dans l’unité —
2510 y ait une histoire de l’Appenzell et une histoire de Genève ! Cette variété dans l’unité — Dieu veuille nous la conserver
2511 ille nous la conserver — voilà la véritable école de l’amitié ! Et quand une même appartenance politique vient à s’épanoui
2512 e qu’il y a de plus haut. al. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Henri le Vert ou l’âme alémanique », La Suisse : re
2513 u l’âme alémanique », La Suisse : revue mensuelle de l’Office national suisse du tourisme, Zurich, juillet–août 1940, p. 1
32 1940, Articles divers (1938-1940). L’heure de la Suisse (1er août 1940)
2514 L’heure de la Suisse (1er août 1940)ao Pendant des siècles, l’équilibre entre
2515 tats qui entouraient la Suisse fut notre garantie d’ indépendance. Cet équilibre vient d’être rompu. La Suisse est réduite
2516 otre garantie d’indépendance. Cet équilibre vient d’ être rompu. La Suisse est réduite à elle-même. Quels que soient les se
2517 des idéologies nouvelles. Nous courons le risque d’ être absorbés économiquement, divisés racialement, manœuvrés moralemen
2518 e en question. Jamais donc, il ne fut plus urgent de proclamer nos raisons d’être, notre mission confédérale, et notre vol
2519 c, il ne fut plus urgent de proclamer nos raisons d’ être, notre mission confédérale, et notre volonté de nous en rendre di
2520 être, notre mission confédérale, et notre volonté de nous en rendre dignes. Mais voici le message du 1er août de cette ann
2521 rendre dignes. Mais voici le message du 1er août de cette année : le péril où nous sommes peut devenir notre chance. Il n
2522 us sommes peut devenir notre chance. Il nous sort de nous-mêmes et de nos préjugés, il nous oblige à mesurer nos forces vr
2523 venir notre chance. Il nous sort de nous-mêmes et de nos préjugés, il nous oblige à mesurer nos forces vraies, il nous per
2524 blige à mesurer nos forces vraies, il nous permet de nous unir mieux que jamais pour la défense et la rénovation de l’héri
2525 mieux que jamais pour la défense et la rénovation de l’héritage que Dieu nous a confié. Nos raisons d’être tiennent dans s
2526 de l’héritage que Dieu nous a confié. Nos raisons d’ être tiennent dans ses deux mots : liberté, solidarité. Deux mots qui
2527 autre chose que des mots flatteurs : des raisons de vivre et de mourir. Notre histoire est celle de la liberté, certes, m
2528 que des mots flatteurs : des raisons de vivre et de mourir. Notre histoire est celle de la liberté, certes, mais de la li
2529 s de vivre et de mourir. Notre histoire est celle de la liberté, certes, mais de la liberté menacée, conquise au prix des
2530 re histoire est celle de la liberté, certes, mais de la liberté menacée, conquise au prix des plus grands sacrifices, touj
2531 doit rester en exemple à l’Europe. C’est l’esprit de liberté des communes du Gothard (nous dirions aujourd’hui l’esprit de
2532 nes du Gothard (nous dirions aujourd’hui l’esprit de coopération, de syndicat ou de corporation) qui a rassemblé les premi
2533 nous dirions aujourd’hui l’esprit de coopération, de syndicat ou de corporation) qui a rassemblé les premiers Suisses au x
2534 jourd’hui l’esprit de coopération, de syndicat ou de corporation) qui a rassemblé les premiers Suisses au xiiie siècle. C
2535 premiers Suisses au xiiie siècle. C’est l’esprit de résistance locale organisée, la préparation minutieuse et la discipli
2536 t la discipline civique qui ont gagné la bataille de Morgarten contre une « division cuirassée » de 8000 cavaliers réputés
2537 le de Morgarten contre une « division cuirassée » de 8000 cavaliers réputés invincibles. C’est l’esprit de sacrifice de qu
2538 000 cavaliers réputés invincibles. C’est l’esprit de sacrifice de quelques-uns pour tous qui a sauvé la Suisse à Saint-Jac
2539 réputés invincibles. C’est l’esprit de sacrifice de quelques-uns pour tous qui a sauvé la Suisse à Saint-Jacques sur la B
2540 cques sur la Birse, malgré l’anéantissement total de nos troupes. Une seule fois dans l’histoire la Suisse a succombé : en
2541 stoire la Suisse a succombé : en 1798. Les causes de cette défaite sont bien connues, elles nous avertissent clairement :
2542 t clairement : discorde politique, routine, recul de l’esprit de liberté, défaut de solidarité entre les classes et entre
2543  : discorde politique, routine, recul de l’esprit de liberté, défaut de solidarité entre les classes et entre les cantons.
2544 ue, routine, recul de l’esprit de liberté, défaut de solidarité entre les classes et entre les cantons. Mais là encore, la
2545 antons. Mais là encore, la résistance « aveugle » de quelques-uns sauva la Suisse ; l’envahisseur reconnut que les habitan
2546 ue les habitants du Nidwald avaient été les seuls de toute l’Europe à l’impressionner par leur résistance ; et après une t
2547 otre État fédératif. Vouloir la vaincre n’est pas d’ un homme sage. » (Napoléon, en 1802.) L’idée suisse renaissait, contre
2548 ner confiance pour le présent. Il nous montre que de tout temps, la Suisse a été menacée par des puissances dix fois supér
2549 en acceptant la lutte même sans espoir. Un siècle de sécurité et de confort nous a fait oublier ces vérités. Aujourd’hui,
2550 lutte même sans espoir. Un siècle de sécurité et de confort nous a fait oublier ces vérités. Aujourd’hui, elles nous parl
2551 amènent à notre loi normale ; la loi du risque et de l’effort tenace. Ces menaces ne sauraient surprendre et démoraliser q
2552 ui seule la rend indispensable aux autres peuples de l’Europe. Le chef-d’œuvre que représente notre démocratie fédérative
2553 Europe totalitaire. Notre État fait un peu figure de parc national des anciennes libertés civiques, partout ailleurs appri
2554 Eh bien ! sachons transformer ce vestige en germe d’ une Europe nouvelle, réconciliée avec elle-même et tolérante ! Sachons
2555 e et tolérante ! Sachons nous élever à la hauteur de l’idéal forgé par notre histoire. Rendons la Suisse digne d’elle-même
2556 forgé par notre histoire. Rendons la Suisse digne d’ elle-même, et rendons-nous plus dignes d’elle ! Comment ? Je voudrais
2557 se digne d’elle-même, et rendons-nous plus dignes d’ elle ! Comment ? Je voudrais vous le montrer sans phrases ronflantes,
2558 is plus clair. C’est le maintien et la rénovation de la Suisse : l’un ne va pas sans l’autre, l’une rend l’autre possible.
2559 r à se décider. Donnons au monde un grand exemple de solidarité pratique : voilà notre meilleure défense. Sacrifices matér
2560 , eussent passé pour révolutionnaires : la caisse de compensation par exemple. Ce que la guerre sut obtenir de nous, il fa
2561 nsation par exemple. Ce que la guerre sut obtenir de nous, il faut que la paix le maintienne et le développe au maximum. P
2562 é un exemple qui peut féconder l’avenir : exemple d’ ordre humain librement édifié. Que les chefs d’entreprises comprennent
2563 le d’ordre humain librement édifié. Que les chefs d’ entreprises comprennent ceci : chaque chômeur, dans les semaines qui v
2564 rtaines propagandes. À l’inverse, chaque occasion de travail créée comblera une lacune dans notre défense nationale. Je co
2565 re défense nationale. Je conjure donc les patrons de consentir une réduction de leur profit, même totale dans certains cas
2566 njure donc les patrons de consentir une réduction de leur profit, même totale dans certains cas, si cela peut éviter des d
2567 as, si cela peut éviter des débauchages : il y va de la liberté future de leur entreprise. Et je conjure les ouvriers de c
2568 er des débauchages : il y va de la liberté future de leur entreprise. Et je conjure les ouvriers de consentir des réductio
2569 re de leur entreprise. Et je conjure les ouvriers de consentir des réductions de salaire, si cela peut permettre de donner
2570 conjure les ouvriers de consentir des réductions de salaire, si cela peut permettre de donner de l’emploi à beaucoup de l
2571 des réductions de salaire, si cela peut permettre de donner de l’emploi à beaucoup de leurs camarades : il y va de la libe
2572 ions de salaire, si cela peut permettre de donner de l’emploi à beaucoup de leurs camarades : il y va de la liberté future
2573 l’emploi à beaucoup de leurs camarades : il y va de la liberté future des travailleurs. Mais les sacrifices matériels ne
2574 llectuels non moins indispensables. Quand il y va de tout, oublions nos partis, car ils ne représenteront jamais qu’une pa
2575 s, car ils ne représenteront jamais qu’une partie de la vérité. N’attendons plus que ceux de l’autre bord fassent les prem
2576 ne partie de la vérité. N’attendons plus que ceux de l’autre bord fassent les premiers pas et disent le premier mea culpa.
2577 allons chez le voisin et disons-lui : vous étiez de gauche, et moi de droite, mais aujourd’hui nous sommes de Suisse, l’u
2578 isin et disons-lui : vous étiez de gauche, et moi de droite, mais aujourd’hui nous sommes de Suisse, l’un comme l’autre. L
2579 e, et moi de droite, mais aujourd’hui nous sommes de Suisse, l’un comme l’autre. Les sacrifices de cette nature sont peut-
2580 mes de Suisse, l’un comme l’autre. Les sacrifices de cette nature sont peut-être plus durs, pour beaucoup, que les restric
2581 oup, que les restrictions matérielles, ou le fait de payer des impôts quadruplés. Ils n’en représentent pas moins la condi
2582 n’en représentent pas moins la condition première de toute rénovation pratique. Ceux qui l’auront compris, et qui le prouv
2583 ceux qui s’obstineraient à accuser « les autres » de tout le mal qui se fait dans le monde, travailleraient au contraire à
2584 que par l’éloquence la plus émue, ce premier jour d’ une année décisive pour notre Confédération. ao. Rougemont Denis de
2585 pour notre Confédération. ao. Rougemont Denis de , « L’heure de la Suisse », Le Semeur vaudois, Lausanne, 1 août 1940,
2586 nfédération. ao. Rougemont Denis de, « L’heure de la Suisse », Le Semeur vaudois, Lausanne, 1 août 1940, p. 2.
33 1940, Articles divers (1938-1940). Un fondateur de la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis : M. Denis de Rougemont nous dit… (23 août 1940)
2587 Un fondateur de la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis : M. Denis d
2588 emont nous dit… (23 août 1940)ap aq J’ai tenté de retarder mon départ de quelques mois, sinon de quelques semaines… ; m
2589 t 1940)ap aq J’ai tenté de retarder mon départ de quelques mois, sinon de quelques semaines… ; mais c’était impossible.
2590 té de retarder mon départ de quelques mois, sinon de quelques semaines… ; mais c’était impossible. Pendant les quatre mois
2591 les quatre mois que durera mon voyage, je suivrai de loin l’évolution de la « Ligue du Gothard » qui est mon idée et celle
2592 durera mon voyage, je suivrai de loin l’évolution de la « Ligue du Gothard » qui est mon idée et celle de mon ami Spoerri,
2593 la « Ligue du Gothard » qui est mon idée et celle de mon ami Spoerri, de Zurich, et à laquelle je tiens. Elle suit d’aille
2594 d » qui est mon idée et celle de mon ami Spoerri, de Zurich, et à laquelle je tiens. Elle suit d’ailleurs son chemin malgr
2595 le suit d’ailleurs son chemin malgré les torrents d’ injures dont elle a été abreuvée et vous pouvez être assuré qu’elle n’
2596 ître prochainement et qui expliquent les desseins de notre groupement : réunir — non point dans un parti, car nous nous dé
2597 non point dans un parti, car nous nous défendons de vouloir l’être jamais — ce qui doit logiquement représenter la Suisse
2598 s — ce qui doit logiquement représenter la Suisse d’ aujourd’hui. Et travailler au bien de la Suisse. Le comité directeur d
2599 er la Suisse d’aujourd’hui. Et travailler au bien de la Suisse. Le comité directeur de la Ligue est formé de dix hommes do
2600 vailler au bien de la Suisse. Le comité directeur de la Ligue est formé de dix hommes dont le plus jeune a 26 ans et le pl
2601 Suisse. Le comité directeur de la Ligue est formé de dix hommes dont le plus jeune a 26 ans et le plus âgé 44. C’est vous
2602 s. À côté de ce comité directeur existe une sorte de sénat composé de personnes d’expérience qui seront là pour nous conse
2603 omité directeur existe une sorte de sénat composé de personnes d’expérience qui seront là pour nous conseiller. Aujourd’hu
2604 ur existe une sorte de sénat composé de personnes d’ expérience qui seront là pour nous conseiller. Aujourd’hui, la « Ligue
2605 leine organisation des équipes cantonales formées de représentants de tous les groupements qui ne sont pas des partis. Nou
2606 n des équipes cantonales formées de représentants de tous les groupements qui ne sont pas des partis. Nous attachons, vous
2607 vous le voyez, une très grande importance au fait d’ avoir la jeunesse avec nous. C’est que nous nous sommes rendu compte q
2608 que nous nous sommes rendu compte que les hommes de 35 ans et moins ne sont pas dans les partis, parce que la politique l
2609 ent pas aux affaires du pays. Il fallait se hâter de les grouper, sinon l’idéologie naziste ou l’idéologie communiste les
2610 embrigadés tôt ou tard.ar ap. Rougemont Denis de , « [Entretien] Un fondateur de la Ligue du Gothard part pour quatre m
2611 . Rougemont Denis de, « [Entretien] Un fondateur de la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis », Curieux,
2612 . 1. aq. Propos recueillis par F. G. et précédés de la notice suivante : « M. Denis de Rougemont s’en va. Telle est la no
2613 ous le couvert depuis quelques jours et qui vient d’ être rendue officielle. N’y voyons pas, comme certains se hâteront de
2614 ielle. N’y voyons pas, comme certains se hâteront de le faire, un rapport quelconque avec la part qu’a prise le jeune écri
2615 le jeune écrivain neuchâtelois dans la fondation de la “Ligue du Gothard”. Non, M. Denis de Rougemont s’en va en Amérique
2616 e Rougemont s’en va en Amérique parce qu’il vient d’ être chargé par la fondation “Pro Helvetia” d’une série de conférences
2617 ent d’être chargé par la fondation “Pro Helvetia” d’ une série de conférences destinées aux colonies suisses du Nouveau Mon
2618 hargé par la fondation “Pro Helvetia” d’une série de conférences destinées aux colonies suisses du Nouveau Monde. Il part
2619 part également pour assister aux représentations de Nicolas de Flue , l’œuvre qu’il écrivit pour les journées neuchâtelo
2620 re qu’il écrivit pour les journées neuchâteloises de l’Exposition nationale de Zurich et qui ne put être représentée, la g
2621 journées neuchâteloises de l’Exposition nationale de Zurich et qui ne put être représentée, la guerre ayant éclaté quelque
2622 re. Cette légende dramatique, dont la musique est d’ Arthur Honegger, sera jouée en oratorio, c’est-à-dire dans sa partitio
2623 artition réduite pour un récitant, à l’Exposition de New York. Ce voyage, on le voit, est sérieusement motivé et ne signif
2624 mont fuit les responsabilités… ou qu’on l’éloigne de la scène politique. Au surplus, il a bien voulu nous faire les déclar
2625 a rédaction conclut les déclarations de Rougemont de ce commentaire : « On dit que la “Ligue du Gothard” a reçu de nombreu
2626 taire : « On dit que la “Ligue du Gothard” a reçu de nombreuses lettres de citoyens qui s’intéressent à elles et à ses des
2627 a “Ligue du Gothard” a reçu de nombreuses lettres de citoyens qui s’intéressent à elles et à ses desseins. Nous le croyons
34 1940, Articles divers (1938-1940). La Ligue du Gothard : raisons d’espérer (13 septembre 1940)
2628 La Ligue du Gothard : raisons d’ espérer (13 septembre 1940)as at Je comprends vos questions. J’y ai
2629 Nous sommes anticapitalistes et antimarxistes, ni de gauche ni de droite, alliés aux syndicats par leurs éléments les plus
2630 nticapitalistes et antimarxistes, ni de gauche ni de droite, alliés aux syndicats par leurs éléments les plus vivants, et
2631 e faut pas agir comme si personne n’était capable d’ entendre raison et de modifier ses positions. Duttweiler ne nous a pas
2632 si personne n’était capable d’entendre raison et de modifier ses positions. Duttweiler ne nous a pas donné un sou, quoi q
2633 sont des dons personnels. Et nous cherchons, sûrs de trouver dans la mesure où nous sommes sûrs de la nécessité de notre L
2634 ûrs de trouver dans la mesure où nous sommes sûrs de la nécessité de notre Ligue… Les partis ne veulent rien entendre. Mai
2635 ans la mesure où nous sommes sûrs de la nécessité de notre Ligue… Les partis ne veulent rien entendre. Mais le peuple répo
2636 pis pour les politiciens. as. Rougemont Denis de , « La Ligue du Gothard : raisons d’espérer », L’Essor, Genève, 13 sep
2637 ugemont Denis de, « La Ligue du Gothard : raisons d’ espérer », L’Essor, Genève, 13 septembre 1940, p. 3. at. Précédé de l
2638 or, Genève, 13 septembre 1940, p. 3. at. Précédé de la notice suivante : « Notre article sur la Ligue du Gothard dans le
2639 lles nous suggèrent. Voici tout d’abord l’opinion de M. Denis de Rougemont à qui nous avions exprimé notre étonnement. Par
2640 ève lettre datée du 18 août, où il nous fait part de la nouvelle de son envoi en mission de trois mois aux États-Unis, afi
2641 e du 18 août, où il nous fait part de la nouvelle de son envoi en mission de trois mois aux États-Unis, afin d’y prendre c
2642 fait part de la nouvelle de son envoi en mission de trois mois aux États-Unis, afin d’y prendre contact avec les milieux
2643 ent sur la ligue du Gothard dont il est un membre de la première heure. »