1 1938, Articles divers (1938-1940). Le seul espoir (juin 1938)
1 atique et symbolique. Au cours des derniers mois, il semble bien que nous l’ayions redécouverte. Liehburg l’a décrite dans
2 s sa dernière déclaration aux chambres fédérales. Il se peut que l’aspect pratique de cette mission ait perdu de son impor
3 e dans le système des communications européennes. Il est probable que le Gothard ne jouera plus jamais le rôle unique et d
4 e jouera plus jamais le rôle unique et décisif qu’ il jouait au temps du Saint-Empire. Mais alors l’aspect symbolique de la
5 symbolique de la mission confédérale se dégage et doit être dégagé avec une évidence, une force, une conviction profondément
6 , cœur physique de l’Europe médiévale. Désormais, il nous appartient de proclamer la signification spirituelle de cette mê
7 té de la personne et des institutions fondées sur elle . ⁂ La personne, ce n’est pas l’individu enfermé dans ses droits égoïs
8 ue les déviations et les maladies périodiques. Or il se trouve que la devise antique de notre Confédération est précisémen
9 un ! Ainsi, dès l’origine, la Suisse s’affirme-t- elle comme la gardienne du secret de l’Europe, de sa vraie force et des va
10 dienne de la doctrine commune à tous les peuples, elle n’a pas d’autre rôle ni d’autre vocation. Elle n’est pas elle-même un
11 s, elle n’a pas d’autre rôle ni d’autre vocation. Elle n’est pas elle-même une nation, mais elle est davantage que cela : el
12 cation. Elle n’est pas elle-même une nation, mais elle est davantage que cela : elle est le lieu et la formule du génie prop
13 me une nation, mais elle est davantage que cela : elle est le lieu et la formule du génie propre de l’Europe. Et voilà pour
14 ngereuse pour notre État que l’anarchie ancienne. Elle tend à nier notre mission. Elle tend à nier l’existence de tout ce qu
15 narchie ancienne. Elle tend à nier notre mission. Elle tend à nier l’existence de tout ce qui ne serait pas une grande natio
16 la langue et de la force militaire. Par là même, elle s’attaque à la tradition créatrice de l’Occident, — et elle menace en
17 aque à la tradition créatrice de l’Occident, — et elle menace en premier lieu sa garde neutre. L’esprit totalitaire est une
18 se des raisons d’être de la Suisse n’a été, comme elle l’est aujourd’hui, une condition vitale de notre existence même. ⁂ Je
19 elevé trois au début de cet article, bien minimes il est vrai, mais assez nets et assez neufs. Il y en a d’autres, très ty
20 imes il est vrai, mais assez nets et assez neufs. Il y en a d’autres, très typiques, dans l’attitude de nos syndicats, qui
21 de le mener à chef dans le plus court délai. Car il y va de l’existence même de notre État, et au-delà : de l’espoir d’un
22 é. Car : 1° nous perdrons notre raison d’être, et il n’est pas d’exemple dans l’Histoire qu’un État qui a perdu sa raison
23 es années. L’exemple de l’Autriche est éclatant ; il l’est même trop pour que j’insiste… 2° nous ne pouvons devenir qu’une
2 1938, Articles divers (1938-1940). Souvenir d’Esztergom (juin 1938)
24 ues-uns de ses poèmes en traduction. Je savais qu’ il était le chef de file du groupe le plus vivant des écrivains de Hongr
25 is me proposèrent de l’aller voir à Esztergom, où il passe les étés. J’eus ce bonheur de découvrir une terre et une race p
26 i des notes prises au retour de ce petit voyage ; il est resté merveilleusement vivant dans ma mémoire, et je ne puis plus
27 ons aux bains, car c’est dans la piscine que nous devons rencontrer le poète. Cheveux noirs d’aigle collés sur son large front
28 s sur son large front, belle carrure ruisselante, il nous sourit, dans l’eau jusqu’à mi-corps, mythologique. Nous sortons
29 de la plaine, pas tout à fait dans le ciel, là où doivent vivre ceux qui « chantent ». L’après-midi est immense. Nous buvons de
30 vins dorés et doux que nous verse Ilonka Babits ( elle est poète aussi, et très belle). Nous inscrivons nos noms au charbon
31 gyai fouille la plaine à la longue-vue et rêve qu’ il y est, je grimpe au cerisier sauvage, derrière la maison, un peintre
32 ntre tout en blanc arrive par les vignes, ah ! qu’ il fait beau temps, l’horizon est aussi lointain qu’on l’imagine, tout a
3 1938, Articles divers (1938-1940). « Comment libérer l’État de la tyrannie de l’Argent ? » (10 juin 1938)
33 u’est la guerre totale, cancer de notre « paix ». Il n’y a de liberté possible pour les communes et les personnes que sur
34 eau. Quant aux moyens d’y parvenir, de l’imposer, ils relèvent d’une action spirituelle au premier chef, et vous savez que
35 ici les positions de l’Ordre nouveau. On sait qu’ il s’agit d’une dichotomie, rationnelle, mais dont nous discuterons la p
4 1938, Articles divers (1938-1940). Le Relèvement de l’Allemagne (1918-1938) par Albert Rivaud (28 octobre 1938)
36 e livres sur la Russie soviétique ou stalinienne, il est temps que le public français commence à se renseigner sur la ques
37 t immédiate. Le livre de M. Rivaud nous y aidera. Il faut le lire avant de lire Mein Kampf ou les traductions plus ou moin
38 r l’intention qui préside à la « description » qu’ ils nous offrent. Certes, il est malaisé de se renseigner exactement sur
39 à la « description » qu’ils nous offrent. Certes, il est malaisé de se renseigner exactement sur le fonctionnement d’un ré
40 peut corriger les chiffres officiels. Mais alors, il faudrait citer ses sources avec plus de minutie, et quand on donne un
41 indirecte de la production ». Mais par ailleurs, il semble qu’au contraire, ce sont les trusts qui ont absorbé les petite
42 toriser mieux le terme de « socialisme agraire ». Il faut recommander spécialement la lecture du chapitre sur le Reichsnäh
43 e Reichsnährstandg (office d’alimentation). Quand il parle des doctrines nazies, on doit reprocher à M. Rivaud de mêler tr
44 ntation). Quand il parle des doctrines nazies, on doit reprocher à M. Rivaud de mêler trop souvent ses commentaires à l’expo
45 damne l’hitlérisme. Par ailleurs, en effet, quand il parle des méthodes nazies d’usage interne, en politique et en économi
46 ration que lui inspirent les Allemands : c’est qu’ il voit dans ces méthodes l’antithèse exacte de ce qui se passe en Franc
47 critiques n’empêchent personne de lire ce livre ! Elles n’ont pour but que de faciliter une lecture à tant d’égards urgente e
5 1938, Articles divers (1938-1940). Réponse de Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 (novembre 1938)
48 rale. Minuit praesentia famam, dit le latin. Mais il n’est plus question de reculer. En publiant mon Journal , je suis en
49 ’ai même confessé certaines de mes superstitions. Il ne me reste qu’à persévérer, et c’est ce que je vais faire en vous co
50 on travail, tout au moins par sa quantité, sera-t- il un peu moins indigne du grand honneur que vous lui faites… ⁂ L’un des
51 ions de l’écrivain avec les hommes parmi lesquels il vit ; enfin des relations de l’auteur et de son public. Or vous n’ign
52 ue mon souci tout helvétique de dire le vrai, fût- il désobligeant, m’amenait à reconnaître que ces relations ne sont pas b
53 s. J’allais même jusqu’à dire, dans mon livre, qu’ elles sont en état de crise aiguë. Il me semblait que les hommes de la cité
54 mon livre, qu’elles sont en état de crise aiguë. Il me semblait que les hommes de la cité actuelle ont bien du mal à comm
55 u mal à communier dans une même vérité vécue ; qu’ ils sont souvent d’autant plus seuls qu’ils se voient contraints par le s
56 écue ; qu’ils sont souvent d’autant plus seuls qu’ ils se voient contraints par le sort de vivre tous ensemble dans les vill
57 r le sort de vivre tous ensemble dans les villes. Il me semblait aussi que le langage des écrivains était devenu, ou était
58 ai public d’un livre comme le Journal , celui qu’ il cherche et qu’il espère rejoindre avant tout autre. Et c’est pourquoi
59 vre comme le Journal , celui qu’il cherche et qu’ il espère rejoindre avant tout autre. Et c’est pourquoi j’ose voir dans
60 r ma part, je ne saurais qualifier que d’idéale ! Dois -je vous avouer que rien ne me préparait à l’espérer ? Vous êtes Vaudo
61 ds ! Certain « curieux » hebdomadaire romand crut devoir déclarer récemment que du seul fait que je vivais en France, j’avais
62 r dans nos cantons paisibles. Pourquoi n’y aurait- il pas de nos jours, sous une forme plus pacifique1, des écrivains qui r
63 ontraire, au sens patriotique de nos ancêtres. Et il se peut que de nos jours, où la Suisse apparaît de plus en plus comme
64 e à venir, fédérant ses précieuses différences, —  il se peut que ce service européen soit précisément dans la ligne d’une
65 t dans la ligne d’une vocation d’écrivain suisse. Il faut de tout pour faire une Suisse, surtout dans le plan de la cultur
66 e une Suisse, surtout dans le plan de la culture. Il faut d’abord des hommes comme Ramuz, qui représentent la Suisse en so
67 ient des valeurs européennes. Mais peut-être faut- il ensuite, et à côté, des hommes qui essaient de représenter l’idée de
68 es hommes qui soient des Suisses par cela même qu’ ils essaient d’être des Européens. C’est dans cette tradition — celle d’u
69 reconnaissance. 1. Et non plus mercenaire, faut- il le préciser ? h. Rougemont Denis de, « Réponse de Denis de Rougemon
6 1938, Articles divers (1938-1940). Réponse à l’enquête « Littérature et christianisme » (20 novembre 1938)
70 on pas que leurs données soient différentes. Mais elles n’ont pas le même sens. Je m’explique. Il n’y a pas une manière chrét
71 Mais elles n’ont pas le même sens. Je m’explique. Il n’y a pas une manière chrétienne et une manière athée de réussir une
72 oman, de même. Mais tout ce que fait un chrétien, il le dédie à la gloire de Dieu, et c’est là toute la différence. Dira-t
73 eu, et c’est là toute la différence. Dira-t-on qu’ elle n’est guère visible ? En effet, elle ne l’est pas. Il n’y a de visibl
74 Dira-t-on qu’elle n’est guère visible ? En effet, elle ne l’est pas. Il n’y a de visible, dans un roman, que sa technique, s
75 ’est guère visible ? En effet, elle ne l’est pas. Il n’y a de visible, dans un roman, que sa technique, son métier, sa réu
76 ve devenir une servitude. Un romancier communiste doit se préoccuper des résultats politiques de son œuvre : servitude pour
77 r chrétien n’a pas à se préoccuper des résultats. Il ne saurait les prévoir, puisque c’est Dieu seul qui convertit les hom
78 mes. L’unique préoccupation de l’artiste chrétien doit être de se maintenir en état de service pendant qu’il crée. Je suis d
79 tre de se maintenir en état de service pendant qu’ il crée. Je suis d’accord avec Mauriac : le seul problème est de « purif
80 dire mauvaise littérature. Aux yeux d’un croyant, il n’est pas de comparaison possible entre la situation du romancier chr
81 ensuite Dieu se sert de lui et de son œuvre comme il Lui plait. Mais je m’aperçois que ce point de vue est sans doute typi
82 t peut-être, dans une certaine mesure, pourquoi «  il n’est pas question d’une littérature protestante ». En effet : le pro
83 que l’expression de sa foi au sein du monde réel. Elles ne valent rien en elles-mêmes, hors de leur qualité technique. Elles
84 n en elles-mêmes, hors de leur qualité technique. Elles sont un service ; elles ne sont pas au service d’une cause ou d’un pa
85 e leur qualité technique. Elles sont un service ; elles ne sont pas au service d’une cause ou d’un parti, fût-il baptisé « ch
86 ont pas au service d’une cause ou d’un parti, fût- il baptisé « chrétien ». (Je parle idéalement : nous avons nous aussi un
87 nible « littérature protestante » d’édification.) Elles sont encore une action de grâce, comme le Magnificat de Bach. Pour pr
88 igne le Christ, au-dessus des déserts du monde. «  Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Et nous dirions de notre publ
89 ist, au-dessus des déserts du monde. « Il faut qu’ il croisse et que je diminue. » Et nous dirions de notre public ce que d
90 presque toujours par d’autres voies que celles qu’ il nous plaisait d’imaginer… j. Rougemont Denis de, « Littérature et
7 1939, Articles divers (1938-1940). Quel est le rôle de l’Université dans le pays ? (1939)
91 s. Ce n’est pas à l’Université que j’appris ce qu’ il faut savoir pour vivre la vie dite sérieuse. Ce qui fait que l’on gag
92 rience. Or l’Université ne saurait les donner. Et il serait bien sot, il serait même barbare de le lui reprocher un seul i
93 ité ne saurait les donner. Et il serait bien sot, il serait même barbare de le lui reprocher un seul instant. Nous attendo
94 Je puis le dire à sa louange : ce que j’ai reçu d’ elle , de plus précieux, c’est ce qu’elle m’a donné sans le vouloir : une a
95 e j’ai reçu d’elle, de plus précieux, c’est ce qu’ elle m’a donné sans le vouloir : une atmosphère, un milieu de vie, et bien
96 veur. Je sais : toutes les générations ont cru qu’ elles étaient la dernière à cultiver le romantisme. La nôtre se crut la pre
97 omantisme. La nôtre se crut la première, parce qu’ elle était horriblement surréaliste ! J’ignore si les volées qui ont suivi
98 qui ont suivi ont été aussi folles que nous, et s’ il serait décent de le souhaiter. Mais c’est avec plus de tendresse que
99 tif et prolongé… Pendant des mois, ai-je dit, car il fallait d’abord choisir la pièce, puis la préparer, la jouer, la prom
100 rants, ignorant tout du sens réel de notre drame. Ils nous voyaient passer, cheveux au vent, des foulards rouges négligemme
101 , et dont nous n’étions même pas toujours sûrs qu’ elle fût réelle — mais qu’importait ? Quelques-uns, pourtant, s’y brûlèren
102 s’y brûlèrent. Et voilà qui me donne à penser qu’ il n’y avait pas en jeu, dans tout cela, rien qu’une innocente fantaisie
103 r aux yeux du monde moderne une de ces vérités qu’ il méconnaît, mais qui lui survivra sans doute : c’est que la culture n’
104 méprisé ou condamné comme un péché envers l’État. Il m’a semblé que cette petite morale du loisir ne serait pas déplacée c
105 ir et de l’amitié. Vraiment, quel danger y aurait- il à faire l’éloge d’une certaine paresse dans une occasion de ce genre 
8 1939, Articles divers (1938-1940). Le protestantisme créateur de personnes (1939)
106 e, ou en tout cas digne de réflexion, car c’est à elle précisément que je me propose de répondre ici. Comment passer du zéro
107 se, des Apôtres jusqu’à Luther. Devant le danger, ils serrent les rangs. Ils se mettent à compter leurs forces, à recenser
108 Luther. Devant le danger, ils serrent les rangs. Ils se mettent à compter leurs forces, à recenser tous leurs appuis. Et c
109 à ce désir de retrouver confiance en soi, que je devrais répondre en exaltant ici le protestantisme créateur de personnalités,
110 . Mais attention ! Cette interrogation pressante, il ne s’agit pas de lui offrir n’importe quelle réponse flatteuse ou app
111 euse ou approximative. Et ce besoin de certitude, il s’agit de la combler en vérité. La menace est sérieuse, les événement
112 emagne, en Italie, l’attaque est déjà déclenchée. Elle nous atteint déjà par contrecoup, et il est sage de s’attendre à bien
113 enchée. Elle nous atteint déjà par contrecoup, et il est sage de s’attendre à bien pire. C’est donc le moment ou jamais de
114 tions de personne, d’individu et de personnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui a pris pour tâche de démêler ce
115 our tâche de démêler ces notions et de fonder sur elles un ordre social renouvelé. Des philosophes tels que Maritain du côté
116 e, peuvent apparaître byzantines au grand public. Il n’en reste pas moins que le mot d’ordre « Défense de la personne huma
117 ance particulière pour notre pensée réformée. Car il se trouve que nous passons, nous protestants, tantôt pour les fermes
118 dualistes. C’est donc vraiment de nos affaires qu’ il s’agit dans cette discussion. Nous y avons notre mot à dire, peut-êtr
119 l’évolution de l’Europe, et quel principe central elle doit y incarner, de nos jours sans doute plus que jamais. Prenons d’a
120 lution de l’Europe, et quel principe central elle doit y incarner, de nos jours sans doute plus que jamais. Prenons d’abord
121 roi, que se rassemble la société primitive. Ce qu’ elle adore, c’est ce qu’elle craint, c’est ce qui la terrorise. Une sociét
122 société primitive. Ce qu’elle adore, c’est ce qu’ elle craint, c’est ce qui la terrorise. Une société ainsi formée a pour ca
123 e. (On ne discute pas ce qui est sacré.) De plus, elle est radicalement grégaire et xénophobe. Mais supposez maintenant qu’u
124 isent : on les considère comme des criminels, car ils ont profané l’élément sacré du groupe. On les expulse : voilà les pre
125 ntrats. Alors que la morale de la tribu dicte des devoirs sacrés, dans la cité on parle de droits. Tous les membres de la tribu
126 on parle de droits. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière minutieusement prescrite par les usages, et t
127 nous est fournie à ce moment par Socrate, lorsqu’ il nous dit : Connais-toi toi-même, c’est-à-dire : prends conscience de
128 trifuge, par rapport à la communauté d’origine, s’ il se confond d’abord, soulignons-le, avec l’intelligence et la raison,
129 ison, ne tarde pas à affaiblir les liens sociaux. Il s’oriente vers l’anarchie. À ce moment, se produit fatalement ce que
130 in, rural et militaire, avec son appareil rigide, devait fatalement triompher d’une Grèce que nous dirions « atomisée ». Le vi
131 nctionnera d’ailleurs d’autant plus facilement qu’ il n’aura plus affaire qu’à une poussière d’individus déracinés, n’offra
132 e d’une armée. Le vice d’un tel système, c’est qu’ il stérilise peu à peu toutes les initiatives vivantes, et qu’il finit p
133 peu à peu toutes les initiatives vivantes, et qu’ il finit par s’effondrer sous le poids de son appareil dévorateur. Et ce
134 Dans l’Empire, tout homme n’est pas une persona, il s’en faut. Les esclaves, par exemple, qui forment les deux tiers de l
135 la population, ne sont pas des personnes, puisqu’ ils ne jouent pas de rôle dans les rouages de l’État. Il est important de
136 ne jouent pas de rôle dans les rouages de l’État. Il est important de rappeler ce sens romain du mot personne. Je le tradu
137 de la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a sombré dans l’anarchie. Et à son tour, la Rome étatique s’écroule s
138 êve d’un avenir éternel, d’une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’une communauté progressive. La réalisation
139 de la réaliser et de la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’un acte vînt transformer cette possi
140 dées sur le passé ni sur des origines communes. «  Il n’y a plus ni Juif ni Grec », écrit saint Paul. Elles ne tiennent com
141 l n’y a plus ni Juif ni Grec », écrit saint Paul. Elles ne tiennent compte ni de la race, ni des traditions, ni du rang socia
142 citoyens riches. Leur lien n’est pas terrestre : il est dans l’au-delà. Leur chef n’est pas terrestre : il s’est assis au
143 t dans l’au-delà. Leur chef n’est pas terrestre : il s’est assis au Ciel à la droite de Dieu. Leurs ambitions non plus ne
144 itions non plus ne sont pas terrestres, car ce qu’ elles attendent, c’est la fin des temps. Et cependant, ces communautés étra
145 t bel et bien les germes d’une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chefs locaux, leurs hiérarchies,
146 mbres y reçoivent une assistance matérielle, mais ils y trouvent aussi des possibilités de servir leurs frères. Ils se voie
147 nt aussi des possibilités de servir leurs frères. Ils se voient donc libérés, et du même coup engagés dans un corps social
148 du et son rôle actif de persona. Spirituellement, il se produit un phénomène parallèle : le païen qui se convertit se voit
149 ’une part racheté de son péché ; et d’autre part, il reçoit une mission nouvelle, une vocation. Il devient le serviteur du
150 rt, il reçoit une mission nouvelle, une vocation. Il devient le serviteur du Maître qui le libère. Ainsi, spirituellement
151 service du prochain dans la mesure précisément où ils se sentent libérés par leur foi dans le Christ, leur Maître. Ces homm
152 service ne sont nullement contradictoires, puisqu’ ils traduisent deux aspects complémentaires d’une seule et même réalité :
153 chrétienne. Ce n’est pas l’individu grec, puisqu’ il se soucie davantage de servir que de se distinguer. Et ce n’est pas n
154 endante de son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou plutôt non : c’est à un mot déjà connu que l’
155 a repris peu à peu l’héritage de l’Empire romain. Elle s’est peu à peu substituée aux cadres sclérosés du vieux régime. La c
156 acrée, de société sacrale d’allure collectiviste. Il fallait le prévoir. En effet, la personne chrétienne était une sorte
157 personne chrétienne était une sorte de paradoxe : elle unissait l’individu libre et la persona ou fonction sociale, dans un
158 manifester. Cette révolte, c’est la Renaissance. Elle apparaît d’abord en Italie, un siècle au moins avant la Réforme. Et l
159 ins propres aux dogmes sacrés de la collectivité. Il revendique le droit de discuter, c’est-à-dire le libre examen de tout
160 r, c’est-à-dire le libre examen de toutes choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse, de sa propre gloire et de sa p
161 a propre gloire et de sa propre richesse, fussent- elles acquises aux dépens de sa famille et de sa cité, aux dépens même de l
162 sans responsabilité par rapport à la société. Qu’ il s’agisse de libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesse
163 fanation que l’on opère. Du moins ces gestes sont- ils ressentis comme tels à cette époque. Or il est évident que cet indivi
164 sont-ils ressentis comme tels à cette époque. Or il est évident que cet individualisme est un retour du paganisme grec. M
165 ividualisme est un retour du paganisme grec. Mais il est non moins évident qu’il représente une réaction inévitable à la d
166 paganisme grec. Mais il est non moins évident qu’ il représente une réaction inévitable à la déviation romaine de la commu
167 ui va se dresser pour proclamer les droits et les devoirs de la personne chrétienne — c’est la Réforme. Nous touchons au cœur m
168 s essayer de vous montrer ce que pourrait être et devrait être un personnalisme inspiré de la Réforme. Calvin ni Luther n’ont p
169 lvin ni Luther n’ont parlé de la personne en soi. Ils n’ont pas fait une théorie personnaliste, ils ne paraissent même pas
170 oi. Ils n’ont pas fait une théorie personnaliste, ils ne paraissent même pas avoir entrevu la possibilité ou l’intérêt d’un
171 possibilité ou l’intérêt d’un tel problème. Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou de la collectivité, et cepen
172 fidélité de l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis d’être présentés comme des novateurs. « Nous nous sommes
173 t à restaurer la doctrine de l’Église, de même qu’ elle a consisté accidentellement, sur le plan politique, à combattre sur d
174 , mais pour sauver l’Église véritable, car, écrit- il , « si personne n’allait au-devant pour rembarrer ces deux vices, tout
175 r les constitutions ecclésiastiques des villes où il avait une autorité immédiate, Strasbourg et Genève. Le problème ne se
176 ations, délégueront des députés à des synodes, et il n’y aura pas de pape pour unifier temporellement toutes ces cellules
177 s ces cellules vivantes, autonomes et solidaires. Elles ont leur véritable unité en Christ, et dans la communion des saints.
178 de l’homme chrétien, du membre de l’Église, mais il apporte une précision capitale à la définition de la personne. À tel
179 que individu est garantie non pas du seul fait qu’ il existe physiquement, mais du fait qu’il peut incarner une volonté par
180 l fait qu’il existe physiquement, mais du fait qu’ il peut incarner une volonté particulière de Dieu. Et dès lors, cet homm
181 as seulement le droit d’être respecté par l’État, il a surtout le devoir d’agir, en tant qu’il est chargé d’une responsabi
182 droit d’être respecté par l’État, il a surtout le devoir d’agir, en tant qu’il est chargé d’une responsabilité unique dans la
183 l’État, il a surtout le devoir d’agir, en tant qu’ il est chargé d’une responsabilité unique dans la société, à sa juste pl
184 iété, à sa juste place. Notons que si la personne doit être respectée par l’État, ce n’est pas en vertu d’un droit naturel à
185 désobéissance. Calvin précise que l’État, quel qu’ il soit, doit être obéi par chacun. Mais il ajoute une restriction mémor
186 ance. Calvin précise que l’État, quel qu’il soit, doit être obéi par chacun. Mais il ajoute une restriction mémorable, qui f
187 quel qu’il soit, doit être obéi par chacun. Mais il ajoute une restriction mémorable, qui figure en particulier dans le s
188 nt empêché de rendre à Dieu le service que je lui dois par ma vocation. » C’est à ma connaissance le seul texte constitution
189 plan strictement ecclésiastique, c’est vrai. Mais il était inévitable et normal que ce type de relations influençât peu à
190 peu forcée à certains historiens méticuleux. Mais elle devient presque évidente dès que l’on réfléchit aux deux questions su
191 princes. Et partout, les chefs protestants quand ils le purent, proposèrent au contraire des plans d’allure et d’intention
192 le voyons adopter une politique toute différente. Il ne tombe jamais dans le piège d’opposer à l’absolutisme romain un abs
193 e romain un absolutisme réformé. Au contraire. Qu’ il s’agisse de la Transylvanie convertie au calvinisme et qui devient l’
194 de la résistance au centralisme des Habsbourg, qu’ il s’agisse des Provinces-Unies des Pays-Bas ; qu’il s’agisse des fédéra
195 il s’agisse des Provinces-Unies des Pays-Bas ; qu’ il s’agisse des fédérations de défense constituées par les huguenots ; o
196 buent à ces faits des causes politiques précises. Ils disent que la Réforme a triomphé surtout dans les petits États qui ép
197 homme ne vaut rien par lui-même, dit Calvin, mais il vaut plus que tout, plus que l’État lui-même, dans certains cas, par
198 t de sa vocation. C’est à cause de sa vocation qu’ il est à la fois libre et engagé, autonome et pourtant responsable au se
199 ofondément et quotidiennement cette doctrine peut- il comprendre mieux que tout autre le paradoxe politique du fédéralisme 
200 ire présente. Car en définitive, c’est de cela qu’ il s’agit. L’histoire n’est jamais qu’un tremplin pour mieux sauter en p
201 t jamais préoccupé de la forme des gouvernements. Il insiste à maintes reprises sur le fait que monarchies, oligarchies et
202 et républiques sont également voulues de Dieu et doivent être obéies comme telles. Une fois cependant il marque une préférence
203 vent être obéies comme telles. Une fois cependant il marque une préférence, mais de l’ordre le plus général. C’est lorsqu’
204 ce, mais de l’ordre le plus général. C’est lorsqu’ il écrit : « Le meilleur état de gouvernement est celui-là où il y a une
205 liberté bien tempérée et pour durer longuement. » Il me semble que le spectacle de l’Europe contemporaine donne raison au
206 e d’un État qui compte, mais bien la condition qu’ il ménage à l’Église, et l’idée de l’homme qu’il suppose. C’est en nous
207 qu’il ménage à l’Église, et l’idée de l’homme qu’ il suppose. C’est en nous plaçant à ce double point de vue : condition d
208 i ne le voit, s’atténuent d’année en année. Ce qu’ il nous importe de souligner ce soir, ce sont deux traits évidemment com
209 leur opposition brutale au christianisme, dès qu’ ils sont assez forts pour lever le masque, et leur mépris de la personne.
210 bon endroit, ou mal faite, ou pas faite du tout. Il en résultait, dans le peuple, le sentiment que l’État et l’Église for
211 oujours inconsciemment la structure du pouvoir qu’ elle vient de renverser. Ainsi les jacobins se firent centralistes comme l
212 ler se firent césaropapistes comme les régimes qu’ ils venaient d’abattre, mais beaucoup plus rigoureusement, car la religio
213 eaucoup plus rigoureusement, car la religion dont ils étaient les chefs était une religion de guerre, possédant toute la vi
214 « Fort différentes sur beaucoup de points, écrit- il , elles offrent ceci de commun qu’elles souffrent toutes les deux d’un
215 ort différentes sur beaucoup de points, écrit-il, elles offrent ceci de commun qu’elles souffrent toutes les deux d’un manque
216 points, écrit-il, elles offrent ceci de commun qu’ elles souffrent toutes les deux d’un manque évident et permanent d’individu
217 endre que le destin de ces pays, du fait de ce qu’ il nomme « l’absence des meilleurs », ne saurait être que l’absolutisme.
218 ion entre l’Église et l’État, et que d’autre part il a toujours favorisé le développement de la personne et donc la format
219 a connaissance, n’a jamais été signalé : c’est qu’ il existe une forme de fascisme correspondant à la Russie orthodoxe, une
220 t à l’Italie et à l’Espagne catholiques, alors qu’ il n’en existe point qui se soit développé en pays « calvinistes » ou si
221 par exemple, disparaît en tant qu’Église vivante, il reste dans le pays une empreinte césaropapiste, d’où l’État totalitai
222 rsque le calvinisme cesse d’être une foi vivante, il laisse derrière lui une empreinte tout à fait différente : une espèce
223 certains qui se demandent encore, par exemple, s’ il est de gauche ou de droite, alors qu’il est du diable, et que c’est e
224 xemple, s’il est de gauche ou de droite, alors qu’ il est du diable, et que c’est en chrétiens que nous avons maintenant à
225 eur, le seul moyen de se défendre — surtout quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est de connaître l’adversaire afin
226 aître et de tuer les plus secrètes complicités qu’ il a su ménager dans nos cœurs. Pour rester fort, il faut en premier lie
227 il a su ménager dans nos cœurs. Pour rester fort, il faut en premier lieu vaincre l’adversaire en soi-même, et pour cela,
228 mière condition pour éviter chez nous, pendant qu’ il en est temps, des déviations qui feraient le jeu de l’ennemi. Connaît
229 toujours étroitement dépendante de l’attitude qu’ il prend vis-à-vis de l’Église et du fait religieux en général. Un régim
230 ieux en général. Un régime est totalitaire lorsqu’ il prétend centraliser radicalement tous les pouvoirs temporels et toute
231 uvoirs temporels et toute l’autorité spirituelle. Il se transforme alors en une religion politique, ou encore en une polit
232 e religieuse. Et d’autant plus que la religion qu’ il adopte est, comme dans le cas des fascismes et du communisme, une rel
233 politique, et même se confondent avec eux. Alors il n’y a plus de recours, plus de pardon à espérer : la communauté spiri
234 est lui qui l’a créée pour ses seules fins, et qu’ il n’existe rien au-delà. Pour définir une telle communauté, reprenons u
235 la race, la tradition, les morts. Voilà pourquoi elle est intolérante au suprême degré, et plus qu’intolérante : on ne peut
236 illes sont passées » selon la parole de l’Apôtre. Elle n’admet pas la conversion spirituelle, à partir de laquelle il n’y a
237 s la conversion spirituelle, à partir de laquelle il n’y a plus ni Juifs ni Grecs. Elle ne demande pas : que crois-tu ? qu
238 rtir de laquelle il n’y a plus ni Juifs ni Grecs. Elle ne demande pas : que crois-tu ? qu’espères-tu ? mais elle demande : q
239 demande pas : que crois-tu ? qu’espères-tu ? mais elle demande : quels sont tes morts ? Religion du sang, religion de la ter
240 rice du sang et le culte des morts sacrés, même s’ il s’agit, comme c’est le cas, de métaphores anodines, d’éloquence de ti
241 nnaître les premières racines de quelque chose qu’ il ne faut pas laisser grandir. On nous parle, avec les meilleures inten
242 opapisme. Si le mot d’ordre « Suisse chrétienne » doit être lancé, ce ne peut être que par l’Église seule, et non par un par
243 r soi », prouvent ainsi les uns et les autres, qu’ ils n’ont pas encore bien compris le paradoxe vivant que représente, en c
244 cun de nous, la personne : l’homme qui sait ce qu’ il doit engager tout en gardant sa liberté, l’homme autonome, mais aussi
245 de nous, la personne : l’homme qui sait ce qu’il doit engager tout en gardant sa liberté, l’homme autonome, mais aussi soli
246 ne autorité qui transcende et limite son pouvoir, il n’y a plus aucun recours de l’individu à l’absolu divin, donc il n’y
247 ucun recours de l’individu à l’absolu divin, donc il n’y a plus aucune liberté. Tous les abus de pouvoir deviennent possib
248 ative que dans les cadres qu’on leur a prescrits. Elles ne valent rien hors de là, par elles-mêmes. Cette manière de créer de
249 lement, la force préventive, inattaquable tant qu’ elle reste pure, des personnes librement solidaires, telles qu’en forme l’
250 les qu’en forme l’éthique protestante. Seulement, il faut que cette force reste pure ! Car de même que le culte de la terr
251 ue le culte de la terre et des morts, pour peu qu’ il vienne à s’accentuer, risque de nous conduire un jour par une voie di
252 is-ci, d’une manière indirecte, du simple fait qu’ ils affaiblissent nos résistances spirituelles. C’est ici de nos vertus m
253 es spirituelles. C’est ici de nos vertus mêmes qu’ il importe de nous méfier. Méfions-nous d’une certaine manière trop huma
254 vons nous réjouir que la foi réformée, même quand elle cesse d’être vivante, laisse en se retirant beaucoup de personnalités
255 itaire. Mais du point de vue proprement chrétien, il faut alors rappeler que la personnalité, si grande soit-elle, devant
256 lors rappeler que la personnalité, si grande soit- elle , devant Dieu c’est zéro. Et si l’on se borne au social, il faut prévo
257 t Dieu c’est zéro. Et si l’on se borne au social, il faut prévoir que ces personnalités, ces caractères bien trempés, se f
258 i aussi, des personnalités énergiques, mais ce qu’ il ne peut ni ne veut former, ce sont justement des personnes, des vocat
259 ses véritables adversaires, les seuls sérieux, et il le sait ! Si Niemöller est dans un camp de concentration, prisonnier
260 r le bénéfice exclusif d’une telle clairvoyance. Il est temps de tirer, en deux mots, la conclusion de cette série de mis
261 ienne de la personne, à la fois libre et engagée. Il en résulte alors que la Réforme, et spécialement sa tendance calvinis
262 harge d’une responsabilité devant l’Histoire. Que devons -nous faire pour nous montrer à peu près dignes d’une telle charge ? S
263 nous ont repris au sérieux la théologie réformée. Il nous reste à prendre au sérieux la doctrine réformée de l’homme et de
264 er un programme comme tant d’autres, mais bien qu’ elle doit marquer en toute clarté certaines limites, et, d’autre part, qu’
265 programme comme tant d’autres, mais bien qu’elle doit marquer en toute clarté certaines limites, et, d’autre part, qu’elle
266 te clarté certaines limites, et, d’autre part, qu’ elle ne doit pas hésiter à appuyer certaines revendications conformes au D
267 é certaines limites, et, d’autre part, qu’elle ne doit pas hésiter à appuyer certaines revendications conformes au Décalogue
268 revendications conformes au Décalogue. Tout cela doit rester « occasionnel », mais dans le sens du hic et nunc chrétien. Or
269  », mais dans le sens du hic et nunc chrétien. Or il se trouve qu’ici et maintenant, notre situation ressemble fort à cell
270 devant nous, c’est en nous tout d’abord que nous devons le vaincre, en nous, chez nous, par une espèce de croisade intérieure
271 n’a pas d’autre ennemi à craindre que l’ennemi qu’ il porte en lui-même. Car un ennemi visible et extérieur, ce n’est jamai
9 1939, Articles divers (1938-1940). Le théâtre communautaire en Suisse (1939)
272 ivilégié ? Serait-ce enfin dans le fédéralisme qu’ il faudrait rechercher l’origine de ce besoin d’activité en groupe que l
273 ierre d’une arène destinée à 400 000 spectateurs. Il est clair que de telles proportions anéantissent matériellement toute
274 nt imposées par l’occasion de la représentation — il s’agissait de l’Exposition nationale de 1939 — par les dimensions de
275 et les ressources disponibles dans le canton qui devait prendre la charge du spectacle. Et voici, quelque peu schématisée, la
276 ce solitaire a été grand, c’est parce qu’un jour il a tout sacrifié au salut de la communauté. Le paradoxe central d’une
277 e que par une foule, mais en même temps, l’action doit graviter autour d’un héros solitaire. D’où la nécessité de recourir à
278 ogue qui se posait lors des Jeux olympiques.) Or, il se trouve, par chance, que l’élément choral est de beaucoup le plus f
279 de Neuchâtel, qui m’a demandé d’écrire ce drame. Il existe en effet chez nous des chœurs mixtes de premier ordre à La Cha
280 drame : au premier acte, Nicolas quitte le monde, il s’élève donc du plan 2 au plan 3. Au deuxième acte, le monde vient à
281 sacrifie sa solitude pour le salut des Suisses : il descend du plan 3 au plan 2. Deux mots à propos de la musique. On a d
282 e me paraît plus collectiviste que communautaire. Elle présente par ailleurs un gros défaut technique : il est très difficil
283 présente par ailleurs un gros défaut technique : il est très difficile de marier un bon texte à des éléments spectaculair
284 éer une atmosphère qui appelle l’action du héros. Elle n’est plus décorative, mais proprement dramatique. Je ne saurais trop
285 spendu à la veille des représentations de Zurich. Il est donc encore impossible d’estimer la valeur intrinsèque de ce dram
286 notre effort : nulle part, ailleurs qu’en Suisse, il n’eût été possible d’imaginer et de réaliser un spectacle de cette en
287 ment fédéralistes, de ce théâtre communautaire qu’ il m’a paru intéressant d’énumérer. Je suis persuadé que sa formule est
10 1939, Articles divers (1938-1940). Un quart d’heure avec M. Denis de Rougemont : Hitler, grand-prêtre de l’Allemagne (11 janvier 1939)
288 llemagne hitlérienne. Il y a pourtant deux ans qu’ il a été écrit. Son auteur, M. Denis de Rougemont, me dit pourquoi il a
289 on auteur, M. Denis de Rougemont, me dit pourquoi il a attendu ce temps pour le publier. C’est un journal où j’ai noté pou
290 ons ? Quand je suis revenu, je n’étais pas sûr qu’ elles n’eussent pas décrit des aspects passagers du régime. Les choses vont
291 ais observé, sur l’Allemagne, une vérité durable, il fallait attendre. J’ai attendu. La vérité durable avait chance, alors
292 ux. Oui. Cela a été déjà beaucoup dit. N’importe. Il ne faut pas craindre de le répéter, et surtout de le faire bien compr
293 octrine : l’État ne sera maître de l’argent que s’ il est maître des esprits. Un État totalitaire ne peut pas être totalita
294 otalitaire ne peut pas être totalitaire à moitié. Il lui faut la fameuse confiance, et une confiance disciplinée, à toute
295 ité sur l’âme de l’Allemagne hitlérienne vous est- elle apparue dès que vous êtes arrivé en Allemagne ? Je crois l’avoir disc
296 discernée peu à peu, mais assez vite. Cependant, elle ne s’est imposée à moi que le jour où j’ai assisté à un discours du F
297 lle chez les individus charriés par une foule ? » Il m’a répondu : « Allez écouter le Führer, nous en reparlerons ensuite 
298 uels liens unissent Hitler à une foule à laquelle il parle. Essayez de vous représenter une salle immense qui est soudain
299 atastrophes. J’achève votre raisonnement : puisqu’ il n’y a pas d’attentats contre Hitler, c’est qu’Hitler n’est ni un tyra
300 , l’économie, jouent leur rôle aussi. Évidemment, il sera toujours possible d’expliquer l’avènement, puis la montée d’Hitl
301 ais tout cela retrace le comment cela s’est fait. Il reste à trouver le pourquoi. Là-dessus, les réponses varient, mais ch
302 . Là-dessus, les réponses varient, mais chacune d’ elles est toujours la même. Les marxistes vont répétant : « défense du capi
303 née qu’exerce une religion naissante, si basse qu’ elle soit, sur les masses décomposées par des siècles d’individualisme. J’
304 e que ce que je viens de vous exposer brièvement. Elle est d’un jeune national-socialiste, qui m’explique d’abord que le rég
305 malheur de son pays — ce qui est très juste. Mais il ajoute : « La pauvreté et le malheur ne peuvent expliquer que des phé
306 ées, vos chants traînants, tout cela sera balayé. Il ne vous restera que la foi. Mais la vraie lutte commence là. » Et je
11 1939, Articles divers (1938-1940). Qui est Hitler ? (24 février 1939)
307 brutalités commises par les sous-ordres du parti, il arrive bien souvent qu’un Allemand dise : « Si le Führer savait cela,
308 pouvez réfléchir là-dessus… On demande souvent s’ il est intelligent. Il me semble que cela n’a pas grande importance, que
309 -dessus… On demande souvent s’il est intelligent. Il me semble que cela n’a pas grande importance, que cela ne compte guèr
310 n pareil cas. Tout au plus pourrait-on dire que s’ il était très intelligent, il n’aurait sans doute pas réussi à fanatiser
311 pourrait-on dire que s’il était très intelligent, il n’aurait sans doute pas réussi à fanatiser tout un peuple. Une certai
312 emblées par des passions élémentaires. Mais ce qu’ il faut souligner, c’est qu’un « génie » n’a pas toujours besoin d’intel
313  » n’a pas toujours besoin d’intelligence. Or, on doit tenir le Führer pour un génie, dans un certain sens, bien précis : c’
314 Un tel génie ne compte plus en tant qu’individu. Il ne s’appartient plus, il appartient au rêve de tous. Il n’a plus de q
315 lus en tant qu’individu. Il ne s’appartient plus, il appartient au rêve de tous. Il n’a plus de qualités propres, de vices
316 s’appartient plus, il appartient au rêve de tous. Il n’a plus de qualités propres, de vices ou de vertus, comme vous et mo
317 opres, de vices ou de vertus, comme vous et moi ; il n’a que les vertus symboliques de l’Allemand moyen. Il ne possède rie
318 a que les vertus symboliques de l’Allemand moyen. Il ne possède rien en propre, matériellement, et ne détient aucun pouvoi
319 d’arbitrage entre les factions, et de prestige.) Il ne veut être appelé ni dictateur, ni maréchal, ni roi, ni président,
320 dictateur, ni maréchal, ni roi, ni président, et il insiste sur ce point. Il n’avait même pas d’état civil allemand lorsq
321 ni roi, ni président, et il insiste sur ce point. Il n’avait même pas d’état civil allemand lorsqu’on lui offrit le pouvoi
322 allemand lorsqu’on lui offrit le pouvoir. Qu’est- il donc ? Selon l’un des théoriciens du iiie Reich, il est « celui qu’o
323 donc ? Selon l’un des théoriciens du iiie Reich, il est « celui qu’on ne peut pas définir ». Celui, comme je le disais, q
324 de en psychologue, c’est la surhumaine énergie qu’ il développe pendant un discours. Une énergie de cette nature, on sent t
325 Une énergie de cette nature, on sent très bien qu’ elle n’appartient pas à l’individu, et même qu’elle ne saurait se manifest
326 qu’elle n’appartient pas à l’individu, et même qu’ elle ne saurait se manifester qu’autant que l’individu ne compte plus, com
327 éconcerter nos hommes d’État démocratiques lorsqu’ ils se trouvent, comme à Munich, en tête-à-tête avec cet homme-symbole !
328 à Munich, en tête-à-tête avec cet homme-symbole ! Il est clair que le phénomène Hitler est d’ordre religieux, non politiqu
329 ion du rêve des masses, c’est uniquement parce qu’ il a su répondre à l’attente angoissée de ces masses, de leur âme humili
330 s raisons de se dévouer corps et âme à un absolu. Il s’est donné pour l’Absolu, la Providence, le Destin des Allemands. Il
331 l’Absolu, la Providence, le Destin des Allemands. Il a fait des miracles et dit des prophéties — et elles se sont réalisée
332 Il a fait des miracles et dit des prophéties — et elles se sont réalisées — non pas au nom du Christ, mais au nom des idoles,
12 1939, Articles divers (1938-1940). Il y a toujours des directeurs de conscience en Occident (juin 1939)
333 pe aux lettres de lecteurs : un Gide, un Claudel… Ils sont rares. Restent les médecins de famille : ce n’est pas nouveau. E
334 eut réellement conduire un homme à un but défini, il faut avant tout se préoccuper de le prendre là où il est, et commence
335 faut avant tout se préoccuper de le prendre là où il est, et commencer là. Voilà le secret de tout secours… Pour aider rée
336 de tout secours… Pour aider réellement un homme, il faut que j’en sache davantage que lui, mais il faut avant tout que je
337 e, il faut que j’en sache davantage que lui, mais il faut avant tout que je sache ce qu’il sait. Sinon mon savoir supérieu
338 e lui, mais il faut avant tout que je sache ce qu’ il sait. Sinon mon savoir supérieur ne lui servira de rien. Si je persis
339 onscience, celui qui veut « aider » son prochain, doit d’abord « prendre l’homme là où il est », et ensuite, il doit « en sa
340 on prochain, doit d’abord « prendre l’homme là où il est », et ensuite, il doit « en savoir davantage que lui », c’est-à-d
341 ord « prendre l’homme là où il est », et ensuite, il doit « en savoir davantage que lui », c’est-à-dire qu’il doit connaît
342 « prendre l’homme là où il est », et ensuite, il doit « en savoir davantage que lui », c’est-à-dire qu’il doit connaître un
343 « en savoir davantage que lui », c’est-à-dire qu’ il doit connaître un but de vie meilleur. S’il est vrai que d’abord, il
344 en savoir davantage que lui », c’est-à-dire qu’il doit connaître un but de vie meilleur. S’il est vrai que d’abord, il s’agi
345 re qu’il doit connaître un but de vie meilleur. S’ il est vrai que d’abord, il s’agit de partir de l’homme réel (ce que ne
346 n but de vie meilleur. S’il est vrai que d’abord, il s’agit de partir de l’homme réel (ce que ne peuvent faire les meneurs
347 (ce que ne peuvent faire les meneurs de masses), il n’est pas moins vrai qu’en fin de compte, l’activité de directeur de
348 uve subordonnée à la connaissance d’un but auquel il faut conduire cet homme réel. La direction de conscience perd toute v
349 e direction, dès que l’on perd de vue les fins qu’ elle doit servir. Tout se ramène donc à cette question : pour quelles fins
350 ection, dès que l’on perd de vue les fins qu’elle doit servir. Tout se ramène donc à cette question : pour quelles fins vivo
351 irecteur de conscience reparaît automatiquement ; elle consiste à relier l’homme réel, dans telle ou telle situation complex
352 e réel, dans telle ou telle situation complexe où il se trouve, au but final et simple assigné à sa vie. Or nous voyons au
353 destinées à surmonter l’anarchie individualiste. Elles se fondent sur une doctrine du Prolétariat, ou de la Race, ou de l’Em
354 u de la Race, ou de l’Empire, ou de la Nation, et elles entendent expressément subordonner toutes les activités de l’homme à
355 es activités de l’homme à ces fins-là. Mais comme il s’agit de fins partielles, n’embrassant qu’une partie de la conscienc
356 présentent autant d’usurpations, dès l’instant qu’ elles prétendent régir le tout de l’homme. Elles ne peuvent plus compter qu
357 ant qu’elles prétendent régir le tout de l’homme. Elles ne peuvent plus compter que sur la force brutale pour se faire avouer
358 aire avouer comme « vérités » par leurs victimes. Elles agissent par coup de force sur les consciences ; elles leur imposent
359 agissent par coup de force sur les consciences ; elles leur imposent des déformations violentes et littéralement monstrueuse
360 » une orthodoxie ? Et surtout « universaliste » ? Il y faudrait un homme universel, nouvel Adam indemne et pur, libre de t
361 en se tirant par les cheveux, aussi vrai nous est- il impossible de nous hausser jusqu’à l’universel avec l’aide de nos idé
362 s espoirs. Mais alors, c’est un objet de foi, car il échappe aux prises de notre esprit non moins qu’à celles de nos sens.
363 des diversités confessionnelles et dogmatiques3. Elle est réellement totalitaire, parce qu’elle attend dans la prière et l’
364 iques3. Elle est réellement totalitaire, parce qu’ elle attend dans la prière et l’obéissance la Rédemption de toute vie créé
365 mettre un non-sens. La foi est toujours en avant, elle s’élance vers les « choses espérées ». Elle nous dirige vers l’Esprit
366 vant, elle s’élance vers les « choses espérées ». Elle nous dirige vers l’Esprit qui dit : « Viens ! » au terme de l’Apocaly
367 Et c’est ce mouvement-là qui crée l’Église quand il entraîne « deux ou trois » d’entre nous ; l’Église : la seule communa
368 son fondement au-delà du monde, dans l’Éternel qu’ elle espère et qu’elle prie, et vers lequel elle s’ouvre à l’infini. « Et
369 elà du monde, dans l’Éternel qu’elle espère et qu’ elle prie, et vers lequel elle s’ouvre à l’infini. « Et l’Esprit et l’Épou
370 el qu’elle espère et qu’elle prie, et vers lequel elle s’ouvre à l’infini. « Et l’Esprit et l’Épouse disent : Viens ! Et que
371 la signification, et cela dans la seule mesure où ils s’efforcent de le surmonter. q. Rougemont Denis de, « [Réponse à un
13 1939, Articles divers (1938-1940). Nicolas de Flue vu par Denis de Rougemont (8 juillet 1939)
372 et en musique sur un texte de Denis de Rougemont. Elle sera représentée à l’Exposition de Zurich et offerte au public suisse
373 à une de mes questions. Et ces différences sont ? Il a fallu se plier aux conditions données par la scène, ce qui restrein
374 ce qui est inutile devient ennuyeux et lourd, car il ne faut pas songer au talent des acteurs pour sauver un texte si beso
375 onc un personnage central, c’est Nicolas de Flue. Il évolue du plan inférieur au plan supérieur et entraîne avec lui un de
376 sants du spectacle, soit la foule, soit le chœur. Il est l’axe autour duquel tourne cette légende dramatique. Outre ces di
377 tion ? Certainement, quand Nicolas de Flue parle, il parle en slogans, si on peut dire ainsi. Ses paroles sont très concen
378 s concentrées et expriment une vérité massive qui doit frapper le public… D’ailleurs certaines de ces formules ont un sens g
379 nes de ces formules ont un sens général si net qu’ elles prennent, de par leur esprit et leur forme, une actualité vivante. Ma
380 ceront, monteront au premier « étage » à moins qu’ ils ne descendent du ciel vers la terre, car nous avons appelé « ciel » l
381 pas plus qu’Honegger n’avouent, c’est la joie qu’ ils ont eue à créer une œuvre saine et forte. C’est aussi l’inquiétude d’
382 ssi l’inquiétude d’en connaître les résultats. Qu’ ils se rassurent ! Quand on a œuvré avec son cœur et sa probité artistiqu
383 n de Nicolas de Flue le prouvera en même temps qu’ elle donnera une grande leçon de tolérance et d’humanité. s. Rougemont
14 1939, Articles divers (1938-1940). Du mythe de Tristan et Iseut à l’hitlérisme (14 juillet 1939)
384 n et Iseut à l’hitlérisme (14 juillet 1939)u v Il était juste que Denis de Rougemont, cet homme sans domicile, ou plutô
385 à Paris pour ma chance et fort Parisien, à ce qu’ il me semble. Entre deux averses de cet été inclément, nous pouvons prof
386 a plus austère exégèse. Peut-être est-ce parce qu’ il sait « penser avec ses mains ». ⁂ Mais revenons au jardin de la NRF,
387 ce du livre qui pourrait se concevoir en dehors d’ elles . Denis de Rougemont parle lentement, en pensant ce qu’il dit. Parfois
388 is de Rougemont parle lentement, en pensant ce qu’ il dit. Parfois s’établissent entre nous des silences qui me font dire q
389 ssent entre nous des silences qui me font dire qu’ il a fini et que je dois poser une question. Mais non, le voici qui repr
390 silences qui me font dire qu’il a fini et que je dois poser une question. Mais non, le voici qui reprend. Au début, je ne s
391 mouvement cathare. D’après ce que nous en savons, il comportait des notions tout à fait comparables à celles des troubadou
392 des troubadours, la passion reçoit droit de cité. Elle peut s’exprimer dans le langage du mythe sous une forme voilée. Ce se
393 sous une forme voilée. Ce seuil une fois franchi, elle se répand à travers toute la littérature qui ne fait que refaire éter
394 nt répond : « C’est exact, en effet », on sent qu’ il ne lui déplait pas de se faire le champion d’un paradoxe. Tristan aim
395 ’un paradoxe. Tristan aime sa passion, explique-t- il . Il n’aime pas Iseut de charité, dans son être véritable. À la différ
396 paradoxe. Tristan aime sa passion, explique-t-il. Il n’aime pas Iseut de charité, dans son être véritable. À la différence
397 êtres ne peuvent s’aimer que dans l’atmosphère où ils se sont rencontrés. N’est-ce pas d’ailleurs le thème constant de tous
398 stant de tous les romanciers ? Ainsi, selon vous, il n’est pas de synthèse possible entre Éros et Agapè ? J’ai tenté une e
399 as jusqu’à présent objet de littérature sérieuse. Il est rare, en effet, qu’on en ait parlé en France comme de problèmes s
400 de problèmes sérieux, acquiesce l’écrivain. Mais il en va différemment dans d’autres pays. Les traductions de mon livre m
401 ur rejette tout de suite une objection possible : Il va sans dire qu’il convient dès l’abord d’écarter de ce parallélisme
402 suite une objection possible : Il va sans dire qu’ il convient dès l’abord d’écarter de ce parallélisme la guerre moderne t
403 depuis 1915. Mais à l’époque de l’amour courtois il n’existait pas de distinction entre l’amour et la guerre. Le lansquen
404 ; peu lui importaient les raisons pour lesquelles il se battait. La guerre constituait une espèce de jeu avec des règles,
405 ecommande pour terminer d’insister sur le fait qu’ il n’a pas voulu faire œuvre d’historien. Même si les historiens trouven
406 que j’ai tort sur un point particulier, précise-t- il , cela m’est indifférent. Les faits que je rapporte servent davantage
407 er. ⁂ Mais sans doute cette précaution lui paraît- elle insuffisante, puisqu’il me demande de revoir son interview avant la p
408 e précaution lui paraît-elle insuffisante, puisqu’ il me demande de revoir son interview avant la publication. Saurait-on l
409 lui en veux d’autant moins que c’est chez lui qu’ il me reçoit, un chez-lui tout provisoire, puisqu’il loge présentement d
410 il me reçoit, un chez-lui tout provisoire, puisqu’ il loge présentement dans un clair studio qui lui a été prêté par un de
15 1939, Articles divers (1938-1940). Comment j’ai écrit Nicolas de Flue (3 novembre 1939)
411 issait aux proportions de l’Europe d’aujourd’hui. Il n’y avait plus à hésiter. Je tenais enfin le grand sujet. La pièce fu
412 cle. Ce magnifique effort d’art et de patriotisme devait trouver son couronnement lors des deux journées neuchâteloises de l’E
413 erdu courage. La foi de Nicolas domine les temps. Elle vit encore au cœur des Suisses. Elle est encore le grand symbole de n
414 e les temps. Elle vit encore au cœur des Suisses. Elle est encore le grand symbole de notre Confédération et de sa mission e
415 amais, dans ces heures sérieuses, plus que jamais elle doit se faire entendre. Grâce aux organisateurs de l’émission nationa
416 , dans ces heures sérieuses, plus que jamais elle doit se faire entendre. Grâce aux organisateurs de l’émission nationale du
417 ée de leur avoir accordé les congés nécessaires : ils auront tous conscience, lors de l’exécution, de servir encore le pays
16 1939, Articles divers (1938-1940). Pourquoi nous sommes là (décembre 1939)
418 Pourquoi nous sommes là (décembre 1939)x Il neige de gros flocons humides sur un vallon du haut Jura. Et la neige
419 ont cessé de creuser leur trou de mitrailleuse : ils préfèrent s’enfumer autour d’un feu de branches mortes, mornes et ron
420 es et sur mon casque. Les hommes me regardent, et ils ne rient même pas. L’un d’eux entre ses dents : « On se demande ce qu
421 e part, — loin de tout ce qui faisait notre vie ? Il faudrait essayer de répondre. L’homme n’est pas né pour faire n’impor
422 , slovaques ou ukrainiennes. Et pourquoi ne l’ont- ils pas su ? Parce que tous ils s’imaginaient — ou croyaient devoir s’ima
423 Et pourquoi ne l’ont-ils pas su ? Parce que tous ils s’imaginaient — ou croyaient devoir s’imaginer ! — que le bonheur et
424 ? Parce que tous ils s’imaginaient — ou croyaient devoir s’imaginer ! — que le bonheur et la force d’un peuple dépendent de sa
425 e les peuples autour de nous font la guerre, et s’ ils la font, c’est parce qu’ils n’ont pas su, comme nous les Suisses, se
426 font la guerre, et s’ils la font, c’est parce qu’ ils n’ont pas su, comme nous les Suisses, se fédérer progressivement au l
427 alement. Oui, cette guerre n’a pas d’autre sens : elle marque la faillite retentissante des systèmes centralisateurs et giga
428 u où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de
429 it pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est pas pour défen
17 1939, Articles divers (1938-1940). Nicolas de Flue : naissance d’un drame (Noël 1939)
430 scend à droite, l’autre qui vient de la gauche, —  il faudrait une scène à étages… C’est justement celle de Zurich ! Nuit b
431 ut entière organisée et déployée dans mon esprit. Elle ne s’est guère modifiée depuis lors. Dès les premiers instants, le pa
432 technique de ce drame m’était clairement apparu : il s’agissait de peupler une scène immense autour d’un seul personnage i
433 t évidemment la solution formelle. Encore fallait- il l’adapter à l’esprit chrétien du sujet. Un catholique eût sans doute
434 s faits privés et d’une série de faits européens, devait subir, à partir de ce jour, le sort même de la paix qu’elle chantait.
435 , à partir de ce jour, le sort même de la paix qu’ elle chantait. Je vous ai raconté cette histoire pour apporter un témoigna
436 der Klaus, par Mlle de Segesser, avec l’espoir qu’ elle soit bientôt traduite. C’est un excellent travail d’histoire revécue.
18 1940, Articles divers (1938-1940). L’homme au poignard enguirlandé (1940)
437 vétie des manuels ! Et qu’importe le calembour, s’ il fait hésiter les corrects dans un pays trop ajusté. Ah ! Nicolas Manu
438 s Alpes, jusqu’à Berne. Quant à quitter la guerre il n’y faut plus songer, ce serait quitter du même pas la planète… ⁂ Un
439 rt. Dans toute son œuvre, au cœur de son lyrisme, elle tient le lieu de la passion d’amour, et c’est elle qu’il invite à la
440 lle tient le lieu de la passion d’amour, et c’est elle qu’il invite à la danse avec une fougue adolescente, une peur naïve,
441 t le lieu de la passion d’amour, et c’est elle qu’ il invite à la danse avec une fougue adolescente, une peur naïve, un cou
442 paysanne, ou fille à lansquenets, c’est toujours elle qui le rejoint ou qu’il poursuit ; dans les métamorphoses de sa vie :
443 quenets, c’est toujours elle qui le rejoint ou qu’ il poursuit ; dans les métamorphoses de sa vie : toujours vêtue aux coul
444 vivants de cette époque où la vie s’exaspère ont- ils fait à la mort, dans leurs rêves, la part que nous fîmes à l’amour ?
445 hesse ; au comble de sa gloire, et de son risque. Elle n’a jamais été moins neutre, moins confinée dans ses moyennes, ni moi
446 ns en garde contre les tentations de la grandeur. Elle est sérieuse parce qu’elle est menacée et menaçante ; parce qu’elle e
447 ations de la grandeur. Elle est sérieuse parce qu’ elle est menacée et menaçante ; parce qu’elle est tout le contraire d’un p
448 parce qu’elle est menacée et menaçante ; parce qu’ elle est tout le contraire d’un pays d’« assurés ». Sérieuse et impétueuse
449 savent que la vie n’est pas le but de la vie, qu’ elle ne mérite pas de majuscule, et qu’elle est quelque chose qui doit brû
450 la vie, qu’elle ne mérite pas de majuscule, et qu’ elle est quelque chose qui doit brûler, flamber, et non pas rapporter du t
451 as de majuscule, et qu’elle est quelque chose qui doit brûler, flamber, et non pas rapporter du trois pour cent. Sérieuse co
452 ière que de demain rien n’est certain. Mais ce qu’ ils sentent menacé, ce n’est point la jeunesse et l’amour, je ne sais que
453 rnes paraissent ignorer même l’existence, soit qu’ ils rêvassent dans la couleur ou cernent brutalement des figures sans mys
454 itation ; un homme qui prend les choses telles qu’ elles sont, ni vulgaires ni belles en soi, mais les compose avec une libert
455 Le sens des fins dernières et une facture, ce qu’ il faut pour faire du grand art, pour composer des hommes et des paysage
456 ⁂ Son réalisme ne fait pas d’histoires, parce qu’ il n’est pas une polémique mais une acceptation des choses, à toutes fin
457 gie que nous bariolent les peintres d’Alpe. Ce qu’ il peint, lui, c’est la terre des hommes, vue par les yeux de qui l’habi
458 gner d’un poignard ses tumultueuses compositions, il se joint aux guerriers du chevalier de Stein, va combattre à Novare e
459 et s’en revient à Berne pour y faire la Réforme. Il écrira d’abord des jeux de carnaval qui sont en vérité bien plus que
460 te sa vie. Car ce poignard, c’était déjà celui qu’ il joignait à son monogramme, enguirlandé au coin de ses tableaux ; ce s
461 rtés ; et maintenant c’est le sceau des poèmes qu’ il dédie « à la gloire de Dieu ». ⁂ Quand on dit chez nous de quelqu’un
462 ieu ». ⁂ Quand on dit chez nous de quelqu’un « qu’ il a fait un peu tous les métiers », ce n’est pas un éloge, il s’en faut
463 un peu tous les métiers », ce n’est pas un éloge, il s’en faut, c’est plutôt une manière de lui refuser cette considératio
464 pinceaux et chevalet lorsqu’ayant dominé son art, il entrevoit une action plus urgente. Poète satirique ou guerrier, archi
465 négociateur, à quelle passion maîtresse ordonna-t- il sa vie ? Peut-être à la recréation d’une unité de rythme et de vision
466 té n’a plus de vraies mesures, c’est l’Église qui doit les refaire. Qu’elle s’y refuse, il faut la réformer. Après quoi l’on
467 mesures, c’est l’Église qui doit les refaire. Qu’ elle s’y refuse, il faut la réformer. Après quoi l’on pourra rebâtir un Ét
468 ’Église qui doit les refaire. Qu’elle s’y refuse, il faut la réformer. Après quoi l’on pourra rebâtir un État… ⁂ La sagess
469 où pour divertir Zwingli et ses savants collègues il leur envoie le manuscrit d’une satire contre la messe, on vante à Ber
470 n kan alls wüssen). Comme pour s’excuser, comme s’ il croyait au fond qu’on devrait tout savoir, et que pourtant… C’est la
471 pour s’excuser, comme s’il croyait au fond qu’on devrait tout savoir, et que pourtant… C’est la passion de la Renaissance, si
472 ère fois à la Diète de Baden. Du 1er au 12 avril, il assiste chaque jour aux séances du Conseil de Berne. Le 16, il est si
473 aque jour aux séances du Conseil de Berne. Le 16, il est signalé comme absent. Le 18 on le confirme dans sa charge de bann
474 confirme dans sa charge de banneret. Le 20 avril, il n’est plus. « Pareil au cierge qui se consume d’autant plus vite qu’i
475 il au cierge qui se consume d’autant plus vite qu’ il a mieux éclairé — écrit un chroniqueur du temps —, notre banneret Man
19 1940, Articles divers (1938-1940). Mission spéciale (1940)
476 s peuples autour de nous se font la guerre ; et s’ ils la font, c’est parce qu’ils n’ont pas su se fédérer progressivement.
477 font la guerre ; et s’ils la font, c’est parce qu’ ils n’ont pas su se fédérer progressivement. La guerre actuelle, quels qu
478 u où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de
479 it pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est pas pour défen
20 1940, Articles divers (1938-1940). D’un certain cafard helvétique (janvier 1940)
480 La DAC est un de ces moyens ; bien modeste, mais il faut commencer. Et j’en profite pour dire, ici, à tous ceux qui veule
481 à tous ceux qui veulent faire quelque chose — et ils sont plus nombreux que jamais — ; ne vous laissez pas engluer par les
482 justement parce qu’il y a ces obstacles que nous devons agir et réagir. Quand le premier enthousiasme est tombé, l’heure est
21 1940, Articles divers (1938-1940). Les Suisses sont-ils « à la hauteur » de la Suisse ? (20 janvier 1940)
483 Les Suisses sont- ils « à la hauteur » de la Suisse ? (20 janvier 1940)ab La Suisse est
484 touristique. C’est-à-dire trop haut et trop bas. Il est grand temps d’abandonner cette attitude que beaucoup d’étrangers,
485 s Alpes sont belles et nos glaciers « sublimes », il n’y a pas là de quoi nous vanter. D’abord, ce n’est pas notre faute.
486 si nous bénéficions de privilèges considérables, il s’agirait de nous en rendre dignes, avant même que de les défendre. L
487 peut tenter certains de nos voisins… Ne seraient- ils pas aussi capables que nous de chanter et de gagner de l’argent, si n
488 n face de cette nature dans son attitude superbe, il s’agit d’être moralement « à la hauteur ». Non, ce n’est pas si facil
489 « filon ». C’est plutôt une « mission spéciale ». Il y faut aujourd’hui l’endurance, la longue audace et la maîtrise de so
490 e ! ab. Rougemont Denis de, « Les Suisses sont- ils “à la hauteur” de la Suisse ? », La Coopération, Bâle, 20 janvier 194
22 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. I : Les voix que rien n’arrête (24 février 1940)
491 La Suisse que nous devons défendre. I : Les voix que rien n’arrête (24 février 1940)ac ad No
492 plus rien ne passe ? Certes, toutes ces barrières doivent suffire et suffiront pour arrêter les hommes, les chars d’assaut et l
493 . C’est la voix de l’Europe moderne. Que nous dit- elle  ? J’essaierai de l’interpréter. Depuis une dizaine d’années, et plus
494 sément depuis 1933, la face de l’Europe a changé. Il est temps de nous en rendre compte. Autrefois, et naguère encore, il
495 s en rendre compte. Autrefois, et naguère encore, il suffisait à une nation de déclarer son sol sacré, pour avoir le droit
496 la patrie, voilà qui ne faisait pas de question. Il n’y avait pas d’autre raison à chercher et à proclamer que cette rais
497 ropagandistes. Et que disent ces propagandistes ? Ils proclament une doctrine politique tout à fait nouvelle en Europe. Ils
498 octrine politique tout à fait nouvelle en Europe. Ils prétendent que les nations « n’ont pas toutes les mêmes droits à l’ex
499 ntiers que chaque État était voulu de Dieu, et qu’ il jouissait par conséquent d’une légitimité indiscutable. La propagande
500 le. La propagande dont je parle dit autre chose : elle dit que certains États modernes n’ont pas été créés par Dieu, mais pa
501 par le traité de Versailles. Et c’est bien vrai. Elle dit aussi que d’autres États, et en particulier les petits États, ont
502 radiction avec l’évolution récente de l’Histoire. Elle proclame que les nations « jeunes » et « dynamiques » ont droit à un
503 endre seuls. Au nom de ce concept d’espace vital, elle déclare donc que ces États n’ont plus de « raison d’être historique »
504 plus de « raison d’être historique ». Pour peu qu’ elle arrive à le faire croire, soit aux masses, soit plutôt à certains dir
505 s disent ces voix européennes que rien n’arrête : elles nous demandent à nous les Suisses, si nous avons encore une raison d’
506 i nous en gardons une conscience claire et forte. Elles nous mettent au défi de produire le « pourquoi » de notre défense et
507 de notre défense et de notre volonté d’autonomie. Elles nous forcent, non sans brutalité, à « dire » enfin ce qui naguère all
508 ol n’appartienne qu’à nous seuls, à nous Suisses. Elles nous demandent quelle est la Suisse que nous sommes décidés à défendr
509 Voilà le défi que nous adresse l’Europe moderne. Il s’agit maintenant d’y répondre. Nous ne pouvons plus nous contenter d
510 Confédération fut « autrefois » voulue par Dieu, il nous faut nous demander, maintenant, si vraiment Dieu la veut encore.
511 , de défendre la Suisse jusqu’à la mort. Eh bien, il serait fou de mourir pour une Suisse dont nous ne serions pas sûrs qu
512 pour une Suisse dont nous ne serions pas sûrs qu’ elle a le droit et le devoir d’exister, devant Dieu. On n’a pas le droit d
513 nous ne serions pas sûrs qu’elle a le droit et le devoir d’exister, devant Dieu. On n’a pas le droit de mourir pour quelque ch
514 et de nos raisons de vivre en tant que Suisses. Il nous faut tout d’abord écarter un certain nombre de fausses raisons e
515 r. ac. Rougemont Denis de, « La Suisse que nous devons défendre I : Les voix que rien n’arrête », La Coopération, Bâle, 24 f
516 intérêt. On nous a suggéré de différents côtés qu’ il impliquait une suite, une partie “positive”. C’est à cette demande qu
23 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. II : Sommes-nous libres ? (2 mars 1940)
517 La Suisse que nous devons défendre. II : Sommes-nous libres ? (2 mars 1940)ae « Nous défendr
518 bien le droit de nous en vanter encore, et suffit- il de s’en vanter pour qu’elles subsistent ? La liberté n’est pas seulem
519 anter encore, et suffit-il de s’en vanter pour qu’ elles subsistent ? La liberté n’est pas seulement un privilège que l’on « h
520 l’on « hérite ». C’est une conquête perpétuelle. Elle est sans doute un héritage « politique ». Mais rien ne se déprécie pl
521 it Goethe, les Suisses se délivrèrent d’un tyran. Ils purent se croire libres un moment : mais le soleil fécond fit éclore
522 oppresseur un essaim de petits tyrans. À présent, ils continuent à répéter le vieux conte. On les entend dire, jusqu’à sati
523 ux conte. On les entend dire, jusqu’à satiété, qu’ ils se sont affranchis un jour et qu’ils sont demeurés libres. En vérité,
524 satiété, qu’ils se sont affranchis un jour et qu’ ils sont demeurés libres. En vérité, derrière leurs murailles, ils ne son
525 urés libres. En vérité, derrière leurs murailles, ils ne sont plus esclaves que de leurs lois et de leurs coutumes, de leur
526 it cela au xviiie siècle. Les petits tyrans dont il parle étaient peut-être alors les petites oligarchies que la Révoluti
527 e alors les petites oligarchies que la Révolution devait renverser un peu plus tard. Mais sommes-nous bien certains que pour a
528 bourgeois ? Sommes-nous bien certains, enfin, qu’ il a suffi à nos pères de s’affranchir un jour pour que nous ayons le dr
529 souvent ne se saluent plus ! On dirait presque qu’ ils croient que l’autre, celui qui pense différemment, doit être un type
530 roient que l’autre, celui qui pense différemment, doit être un type dangereux ou très méchant. Ceci pour le plan des idées.
531 tres, le procès de notre moralisme intolérant. Qu’ il me suffise de remarquer que si nous étions plus chrétiens, nous serio
532 importance, actuellement, et que les libertés qu’ il s’agit de défendre, en ce mois de mars 1940, sont avant tout nos libe
533 urs libertés sociales, civiles et quotidiennes qu’ ils ont voulu se libérer du joug autrichien. Et c’est parce que les Suiss
534 saient plus d’une véritable liberté intérieure qu’ ils ont été une proie facile pour l’étranger, pour les armées de la Révol
535 er, c’est-à-dire de notre indépendance nationale. Il ne suffit donc pas de protéger notre indépendance par des fortificati
536 des fortifications. C’est l’intérieur du pays qu’ il nous faut maintenant fortifier, moralement, si nous voulons que notre
537 sent d’une instruction publique remarquable, mais ils ont la plus grande méfiance à l’endroit de la véritable culture. Ils
538 nde méfiance à l’endroit de la véritable culture. Ils ont horreur de tout ce qui leur paraît « compliqué ». Ils jugent susp
539 horreur de tout ce qui leur paraît « compliqué ». Ils jugent suspect tout ce qui ne rentre pas à première vue dans des caté
540 te ou gauche, ami de l’ordre ou esprit subversif. Ils exigent toujours des choses simples. Au besoin, ils les simplifient t
541 s exigent toujours des choses simples. Au besoin, ils les simplifient terriblement. C’est ainsi que certaine doctrine total
542 ». Pourquoi ? Parce qu’on se contentait de dire : elle est pour l’ordre, les bolchévistes sont pour le désordre. Sans se dem
543 demander un seul instant de quelle espèce d’ordre il s’agissait. Or, prenons-y bien garde ! Cette passion maladive pour le
544 iaient des personnalités trop affichées, parce qu’ ils craignaient qu’elles n’entraînassent le pays dans des aventures dicta
545 lités trop affichées, parce qu’ils craignaient qu’ elles n’entraînassent le pays dans des aventures dictatoriales. Il y avait
546 ’une dégénérescence de cet instinct démocratique. Il veut tout unifier, réglementer, centraliser. Il veut tout faire rentr
547 . Il veut tout unifier, réglementer, centraliser. Il veut tout faire rentrer dans le rang. Il persécute à petits coups d’é
548 raliser. Il veut tout faire rentrer dans le rang. Il persécute à petits coups d’épingles tout ce qui « paraît » vouloir se
549 … ae. Rougemont Denis de, « La Suisse que nous devons défendre II : Sommes-nous libres ? », La Coopération, Bâle, 2 mars 19
24 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. III : Pourquoi nous devons rester neutres (9 mars 1940)
550 La Suisse que nous devons défendre. III : Pourquoi nous devons rester neutres (9 mars 1940)af
551 sse que nous devons défendre. III : Pourquoi nous devons rester neutres (9 mars 1940)af Comment justifions-nous, dans cette
552 es yeux, notre situation privilégiée de neutres ? Il semble que depuis quelques années, nous avons renoncé, et c’est heure
553 commencement ni fin imaginables, qui nous serait due sans discussion et même sans contrepartie, et qui représenterait, en
554 que la neutralité est une conception menacée ; qu’ elle est en quelque sorte contre nature, car l’instinct normal de tout hom
555 ousse toujours à prendre parti ; et qu’enfin nous devons la justifier, sous peine de passer pour des lâches, ou des tièdes, ou
556 iblesse. Vient ensuite l’argument juridique. Nous devons rester neutres, nous dit-on, parce que les traités nous y forcent. Et
557 té de ceux qui ont fait serment. Mais ici encore, il nous faut bien voir que cette raison a peu de poids en dehors de nos
558 une justification militaire à notre neutralité : il serait de l’intérêt des puissances belligérantes de ne point utiliser
559 s. Aujourd’hui, nous sommes unanimes… Que reste-t- il donc à répondre à ceux qui nous demanderaient d’entrer en guerre ? Ni
560 rguments ne valent plus rien. Je dis seulement qu’ ils ne représentent plus une raison suffisante de s’abstenir, et d’autre
561 son suffisante de s’abstenir, et d’autre part, qu’ ils n’ont plus guère de force convaincante pour nos voisins, et par suite
562 enant et malgré tout j’affirme que la Suisse a le devoir de rester neutre, ce ne peut donc être qu’au nom d’une réalité qui ne
563 de la défendre au nom de nos seuls intérêts, car elle ne peut et ne doit subsister qu’au nom de l’intérêt de l’Europe entiè
564 nom de nos seuls intérêts, car elle ne peut et ne doit subsister qu’au nom de l’intérêt de l’Europe entière. Seule, la missi
565 s’attache qu’à l’aspect matériel des choses. Mais elle devient un avantage dès qu’on la considère dans la perspective de not
566 r simplement une garantie de nos privilèges. Mais elle devient notre meilleure sûreté dès qu’on la considère comme une mesur
567 gné à Vienne il y a plus de cent ans, soit ! Mais il ne faudrait pas retenir de ce traité uniquement ce qui nous semblerai
568 même le privilège était subordonné à la charge ; il n’avait d’autre but que d’en faciliter l’exercice. C’est pourquoi l’o
569 . af. Rougemont Denis de, « La Suisse que nous devons défendre III : Pourquoi nous devons rester neutres », La Coopération,
570 isse que nous devons défendre III : Pourquoi nous devons rester neutres », La Coopération, Bâle, 9 mars 1940, p. 1-2.
25 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. IV : Notre « mission spéciale » (16 mars 1940)
571 La Suisse que nous devons défendre. IV : Notre « mission spéciale » (16 mars 1940)ag Il est
572  : Notre « mission spéciale » (16 mars 1940)ag Il est temps que je définisse ce que j’appelle la mission de la Suisse,
573 cts de notre vocation me paraissent inséparables. Il faut répandre l’idée fédéraliste, si nous voulons la sauvegarder, car
574 plus sérieuses que les réalités spirituelles, qu’ ils traitent volontiers d’idéologies fumeuses. Ces gens-là se trompent lo
575 et aujourd’hui plus qu’à toute autre époque. Car il est clair que la guerre actuelle est une guerre de doctrines et même
576 ligions. Des raisons spirituelles la dominent, et il s’agit de les prendre au sérieux si l’on veut rester réaliste. Épargn
577 eurs yeux, et par suite, ne veulent pas y croire. Ils prétendent tenir compte uniquement de ce qui est inscrit dans nos néc
578 ns notre situation géographique et matérielle. Et ils affirment que dans toutes ces choses qui peuvent être vues et touchée
579 notre territoire, et nos difficultés économiques, ils n’aperçoivent nullement l’indication d’une vocation européenne de la
580 on européenne de la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont pas tort. Une vocation n’est jamais inscrite en clair dans les
581 amais inscrite en clair dans les faits matériels. Il faut savoir l’y déchiffrer, et cela ne se peut qu’avec les yeux de l’
582 l’esprit. Tenir compte des faits ne suffit pas : il faut savoir leur donner un sens, leur ajouter un sens par un acte de
583 individu ou le pays qui se reconnaît une vocation doit sans nul doute partir des faits — sous peine de divaguer dans l’utopi
584 its — sous peine de divaguer dans l’utopie — mais il doit en partir justement, aller au-delà, et dans un sens qui ne peut
585 — sous peine de divaguer dans l’utopie — mais il doit en partir justement, aller au-delà, et dans un sens qui ne peut être
586 peut être révélé que par sa foi. Maintenant donc, il s’agit pour nous tous de reconnaître la vocation suisse, d’en revêtir
587 frontières. Si quelqu’un me dit que pour sa part, il ne voit pas par quels moyens il pourrait y contribuer, je lui demande
588 que pour sa part, il ne voit pas par quels moyens il pourrait y contribuer, je lui demanderai d’aider au moins ceux qui se
589 n d’état d’esprit et de préparation morale. Ce qu’ il s’agit de créer, avant tout, c’est une disposition du sentiment publi
590 ublic favorable à des entreprises éventuelles, qu’ il serait imprudent de préciser trop vite, mais qui naîtront sans aucun
591 les croirons justes et nécessaires. Peut-être est- il encore trop tôt pour mobiliser l’opinion en faveur d’une action de la
592 même spirituelle. Et c’est sur ce plan décisif qu’ il nous reste le plus à faire. Il nous reste, par exemple, à découvrir t
593 ce plan décisif qu’il nous reste le plus à faire. Il nous reste, par exemple, à découvrir toute notre histoire, ou nos his
594 ieusement défigurées et affadies par les manuels. Il nous reste à connaître beaucoup mieux nos confédérés suisses allemand
595 ent tellement mieux que nous ce qu’est la Suisse. Il nous reste surtout à développer en profondeur ce que j’appellerai le
596 le comprendre jusqu’à la limite du possible comme il se comprend lui-même ; ne point rechercher l’union dans le compromis,
597 charité ; c’est toute l’éthique fédéraliste. Faut- il me résumer ? Ce sera vite fait. Je n’ai développé dans mes articles q
598 qu’une seule idée : c’est que la Suisse que nous devons défendre n’est pas la Suisse des manuels, des cartes postales et des
599 dans ces privilèges les signes d’une mission dont elle est responsable. Une seule idée… Mais si nous l’acceptons, je suis ce
600 tain que la plupart des critiques auxquelles j’ai me livrer en débutant perdront leur légitimité. Si nous refusons de c
601 . ag. Rougemont Denis de, « La Suisse que nous devons défendre IV : Notre ‟mission spéciale” », La Coopération, Bâle, 16 ma
26 1940, Articles divers (1938-1940). Le petit nuage (avril 1940)
602  : nubicula est, transibit, c’est un petit nuage, il passera. » La semaine passée, je reçois une lettre de « quelque part
603 emière me dit : « Le petit nuage n’est pas passé. Il passera, et nous serons encore une fois assis au café des Deux Magots
604 ce. Ce qui est important, c’est la certitude « qu’ il passera ». Que sont nos petits accès de découragement, ces brumes qu’
605 e tous les démons, et non pas tel ou tel démon qu’ il nous délègue de temps à autre. Le combat que nous devrons peut-être e
606 nous délègue de temps à autre. Le combat que nous devrons peut-être engager militairement contre l’un de ces petits personnages
607 es petits personnages, ce combat, si « total » qu’ il soit, ne saurait figurer pour nous qu’un exercice, une première escar
608 . Voilà les dimensions réelles que le chrétien se doit d’envisager. Elles ne sont pas démesurées. Elles doivent au contraire
609 ions réelles que le chrétien se doit d’envisager. Elles ne sont pas démesurées. Elles doivent au contraire nous donner la vra
610 e doit d’envisager. Elles ne sont pas démesurées. Elles doivent au contraire nous donner la vraie mesure de nos soucis, de no
611 d’envisager. Elles ne sont pas démesurées. Elles doivent au contraire nous donner la vraie mesure de nos soucis, de nos miséra
612 dérisoires et mesquines. « C’est un petit nuage, il passera. » Ce mot me fut comme parole d’Évangile quand je le lus l’an
613 un des chefs d’un parti que l’on devine ; écœuré, il vient de démissionner (la scène se passe en 1935) et il s’attend à êt
614 nt de démissionner (la scène se passe en 1935) et il s’attend à être abattu par l’un de ces anciens amis. Réfugié dans un
615 é dans un hôtel chrétien, un Christliches Hospiz, il sent peser sur lui d’une manière insupportable le sombre avenir de so
616 remier regard tomba sur cette parole consolante : Ils ne continueront pas toujours, car leur folie devient évidente aux yeu
27 1940, Articles divers (1938-1940). D’un journal d’attente (pages démodées) (avril 1940)
617 crée son temps à soi, dans la vie de l’auteur qu’ elle choisit. Mais aujourd’hui, je ne puis que subir le temps brutal des é
618 ne puis que subir le temps brutal des événements. Ils mènent le jeu, jusque dans mes pensées. Désorganisent la méditation.
619 chef d’État offre, dit-on, d’évacuer une île dont il s’est emparé, à condition qu’on lui donne en échange quelque autre te
620 c a été marin, puis contrebandier, puis douanier. Il cultive aujourd’hui un merveilleux jardin, dans un vallon bien abrité
621 urs — « N’allez pas couper les petites feuilles ! Il faut les cuire avec, c’est succulent ! » — nous entendons la TSF mono
622 le coup de force d’Albanie. — Voyez-vous, me dit- il , pour nous autres, qu’est-ce que cela fait, ceux qui gouvernent ? Ça
623 change ? J’ai semé et taillé comme chaque année. Ils n’ont qu’à faire la guerre pour leurs histoires ! Moi je sais ce que
624 e d’habitude, et on verra ! — Croyez-vous donc qu’ ils vous laisseront tranquilles, les fascistes, si c’est eux qui gouverne
625 s, les fascistes, si c’est eux qui gouvernent ? — Ils ne peuvent pas m’empêcher de travailler ! J’ai tout semé comme les au
626 , j’ammpoisonne tout le pays ! Je ne sais comment il s’y prendra, mais voilà qui s’appelle un beau redressement national !
627 rappelleront. On constatera l’année prochaine (s’ il y en a une) que cette période de menaces de guerre aura vu concevoir
628 fondes. La guerre ne tue pas seulement pendant qu’ elle sévit, et après ; mais aussi avant. 15 avril 1939 Pour peu que les ci
629 livré les masses affamées au délire totalitaire. Il me semble aujourd’hui qu’au contraire, la vraie conscience de la vie
630 mais plutôt les chrétiens indignes de leur nom : ils ont laissé trop de terrains en friche, que leur foi seule pouvait ens
631 d’opposition que sur celles de communauté. Car s’ il n’est de communion vraie que dans la Vérité elle-même, cette Vérité d
632 eux des masses. Déjà, dans la moitié de l’Europe, elle est des Catacombes, et non pas du Forum. On m’a loué de « penser près
633 939 Question. Dans quelle mesure un écrivain a-t- il le droit, ou le devoir, de se montrer publiquement objectif vis-à-vis
634 quelle mesure un écrivain a-t-il le droit, ou le devoir , de se montrer publiquement objectif vis-à-vis de ses propres ouvrage
635 is-à-vis de ses propres ouvrages ? Neutralisera-t- il son action en montrant lui-même ses points faibles, ou, au contraire,
636 s points faibles, ou, au contraire, lui donnera-t- il une efficacité plus pénétrante ? Problème d’une portée générale, dans
637 de l’opinion ». Dans quelle mesure un citoyen a-t- il le droit, ou le devoir, de se montrer publiquement objectif vis-à-vis
638 s quelle mesure un citoyen a-t-il le droit, ou le devoir , de se montrer publiquement objectif vis-à-vis de sa propre nation ?
639 ranspose dans mon esprit en problèmes de langage. Il est sans cesse question d’achat et de vente, et je remarque que l’ach
640 ersona ; tandis que l’homme qui subit un acte (qu’ il soit acheté ou vendu) se voit assimilé par le langage lui-même à un o
641 ements. — « Je suis en pleine cure morale, me dit- il , après quatre ans de fièvre. Mais je découvre qu’aujourd’hui, dans la
642 et j’en passe… Qui est fou, qui ne l’est pas ? » Il me dit hésiter souvent sur ce point, — et me donne un éclair d’hésita
643 ourquoi vous inquiéter ? Quand la guerre sera là, il sera temps d’y penser. » C’est qu’il ne croit pas à la guerre. Un sec
644 rre sera là, il sera temps d’y penser. » C’est qu’ il ne croit pas à la guerre. Un second : « Comment penser à autre chose
645 he ne l’écarte pas, bien au contraire. Le premier devoir est de ne point se laisser surprendre. » C’est qu’il ne croit plus à
646 est de ne point se laisser surprendre. » C’est qu’ il ne croit plus à la paix. Tous les deux ont de bonnes raisons. Car il
647 la paix. Tous les deux ont de bonnes raisons. Car il est vrai que la guerre n’est pas fatale ; vrai tout autant qu’elle es
648 la guerre n’est pas fatale ; vrai tout autant qu’ elle est probable. Suis-je aux prises avec deux tempéraments irréductibles
649 ux tempéraments irréductibles ? Ou bien suffirait- il , pour que les points de vue changent — et même s’échangent — que le p
650 et le second celle du matin ? 29 avril 1939 Comme il est des stratèges de Café du Commerce — généraux qui n’ont rien à com
651 Commerce — généraux qui n’ont rien à commander —, il est des « résistants » qui n’ont rien à sauver, et qui ne s’en montre
652 s’en montrent que plus « durs ». Cet excité croit- il vraiment à ses idées ? — Je pense bien, me dit-on. Il n’hésiterait pa
653 raiment à ses idées ? — Je pense bien, me dit-on. Il n’hésiterait pas à faire tuer pour elles ses meilleurs amis. (On ente
654 me dit-on. Il n’hésiterait pas à faire tuer pour elles ses meilleurs amis. (On entend : les Français qui l’ont accueilli com
655 e, et pire : l’homme dépourvu de tact, que disait- il  : — La France aime tant la Paix qu’elle n’a pas hésité à sacrifier su
656 que disait-il : — La France aime tant la Paix qu’ elle n’a pas hésité à sacrifier sur son autel un peuple ami. (Il entendait
657 hésité à sacrifier sur son autel un peuple ami. ( Il entendait : son peuple tchèque.) Historien futur ! — s’il en reste —
658 dait : son peuple tchèque.) Historien futur ! — s’ il en reste — tels étaient les propos amers qui se tenaient dans le Pari
659 . Je puis l’avouer parce que je suis un écrivain. Il est admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour le soulagement
660 l’homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut- il penser qu’ils sont plus courageux ? Mais non. Ils sont tout seuls dev
661 a rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ ils sont plus courageux ? Mais non. Ils sont tout seuls devant leur papie
662 -il penser qu’ils sont plus courageux ? Mais non. Ils sont tout seuls devant leur papier blanc. Les réactions à leur parole
663 éactions à leur parole seront lointaines, ou même ils ne les connaîtront jamais… 6 mai 1939 Ce ne sont pas ceux qui la fero
664 on spirituelle la plus extraordinaire du siècle ! Il est des êtres et des drames dont la vérité n’apparaît que dans cet en
665 dans un silence de catacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la foule et traversant les lieux publics, avec cet
666 les lieux publics, avec cette grande Question qu’ il porte dans son être, et qui est aussi la grande Réponse ; et les démo
667 onse ; et les démons s’éveillent sur son passage, il n’y a plus nulle part d’indifférence possible ! Ici, le Christ reste
668 . que j’ai été prendre chez Adrienne Monnier — où elle s’était fait montrer les fameuses photos en couleur d’écrivains franç
669 ée au milieu du studio, dans un gros pot de grès, elle règne comme la Beauté même, comme la Passion despotique et fervente.
670 sion despotique et fervente. Nous sentons bien qu’ elle marquera tout ce printemps dans notre souvenir, le dernier printemps
671 lus, c’est un amour perdu, allé ailleurs. Mais qu’ il existe encore ailleurs, précisément, qu’il ne soit pas perdu pour tou
672 ais qu’il existe encore ailleurs, précisément, qu’ il ne soit pas perdu pour tous, c’est ce qui rend sa perte insupportable
673 t-ce à cause de la menace ? Je ne le crois pas. S’ il n’y avait pas un bien, dans ce régime, un bien que nous avons perdu,
674 ns ce régime, un bien que nous avons perdu, et qu’ il séquestre, s’il n’y avait que du mal en lui, nous n’aurions pas de ha
675 bien que nous avons perdu, et qu’il séquestre, s’ il n’y avait que du mal en lui, nous n’aurions pas de haine ni d’amertum
676 e voisin ; d’une nostalgie de cette communauté qu’ ils disent avoir réinventée, dont nous ne sommes pas, et dont nous senton
677 nous ne sommes pas, et dont nous sentons bien qu’ ils nous excluent dans l’intention d’en abuser. Ainsi l’Europe, en d’autr
678 , avait haï les sans-culottes avec passion, quand ils n’étaient encore qu’une troupe désordonnée, incapable — du moins le c
679 e chiens qui sentent eux-mêmes le patchouli et qu’ elles disposent sur la banquette de velours grenat à côté du représentant c
680 es les apparences étaient vulgaires ! Au-dessus d’ elles , à l’intérieur aussi, se fait entendre maintenant le chant profond et
681 imente le désir. Les délais de ce genre nous sont- ils mesurés par la qualité de notre espoir ? Mais quel espoir, alors, pou
682 ci un point final à ce journal de petite attente. Il faut juger notre vie par sa Fin, pour mesurer l’importance relative d
683 Jugement qui nous délivrera ? Eh quoi ! suffisait- il d’y penser ? Non, mais il suffira d’y croire. Il est dit : si tu croi
684 a ? Eh quoi ! suffisait-il d’y penser ? Non, mais il suffira d’y croire. Il est dit : si tu crois, tu vivras. ai. Rouge
685 -il d’y penser ? Non, mais il suffira d’y croire. Il est dit : si tu crois, tu vivras. ai. Rougemont Denis de, « D’un j
28 1940, Articles divers (1938-1940). L’heure sévère (juin 1940)
686 L’heure sévère (juin 1940)aj Il est des pessimistes par tempérament. Leurs propos ne renseignent pas
687 nt sur l’état de leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’ il nous faut à l’heure que nous vivons, ce sont des pessimistes réfléchi
688 d’eux-mêmes, et objectifs. Je dirai plus : ce qu’ il nous faut, ce sont des pessimistes actifs. Des hommes qui pensent et
689 ant le précipice était prévu. Mais encore fallait- il y croire. Or le matérialisme modéré dans lequel nous étions installés
690 ire au diable, et ne sait pas le reconnaître, fût- il aussi mal déguisé qu’un grenadier tombé du ciel en parachute pour jou
691 tre incrédulité. Si Dieu existait, pleurons-nous, il ne permettrait pas cela ! Nous oublions que « cela », c’est nous auss
692 heure sévère. Ouvrons les yeux et apprenons ce qu’ il en est de notre châtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix d
693 ndon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fit la sourde oreille, avec un petit air entendu, quand certains lui
694 L’esprit prévoit le mal et tient compte du péché. Il sait que les inventions humaines peuvent être employées contre l’homm
695 le profit d’argent et l’augmentation du confort. Il refuse de se demander à quoi servira cet argent ou si le confort maté
696 n bien spirituel. À la première de ces questions, il n’oserait pas répondre en toute franchise ; et à la seconde, il press
697 as répondre en toute franchise ; et à la seconde, il pressent bien qu’on ne pourrait que répondre non. D’où sa myopie et s
698 . J’écris ceci pendant la bataille de France. Est- il trop tard pour répéter ces vérités élémentaires, que le sérieux des g
699 in d’adopter « une morale de commerçants », et qu’ il sera vaincu par des ascètes féroces. Vinet prévoit que les libertés s
700 at. Et contre tout l’« économisme » de son temps, il ose écrire : « Si quelque chose aujourd’hui menace la liberté, ce n’e
701 doutons pas, est du côté de la tyrannie. » Et qu’ il suffise enfin d’une allusion aux prophéties célèbres de Burckhardt su
702 ut ailleurs irréductiblement divers, je répète qu’ elle est écrasante. Elle supprime nos dernières excuses. Nous avons été av
703 iblement divers, je répète qu’elle est écrasante. Elle supprime nos dernières excuses. Nous avons été avertis. Nous avons re
704 ertis. Nous avons refusé d’écouter. Et maintenant il faut payer. Non point parce que l’injustice triomphe, non point parce
705 s, mais au contraire parce que Dieu existe, et qu’ il est juste dans son châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole de
706 eu existe, et qu’il est juste dans son châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole de la prospérité, et l’idole du con
707 es se révèlent parfaitement « possibles ». Dès qu’ il s’agit de sauver notre peau, dès qu’il s’agit de défense nationale, n
708  ». Dès qu’il s’agit de sauver notre peau, dès qu’ il s’agit de défense nationale, nous acceptons des mesures qui, hier enc
709 peuple. Tout ce que nous jugions impossible quand il s’agissait du mieux vivre, nous le trouvons parfaitement possible qua
710 vre, nous le trouvons parfaitement possible quand il s’agit du mieux mourir ou du mieux tuer. Eh bien si la peur et la gue
711 sure l’aune. Ces vérités élémentaires sont dures. Elles ne sont pas originales. Elles sont même grossières, et gênantes. Cert
712 ntaires sont dures. Elles ne sont pas originales. Elles sont même grossières, et gênantes. Certains diront encore qu’elles so
713 rossières, et gênantes. Certains diront encore qu’ elles sont inopportunes, à l’heure où nous cherchons des raisons d’espérer.
714 t le mal est venu de les avoir refusées, avant qu’ elles montrent leurs effets aux yeux de tous. Mea culpa des pacifistes, qu
715 fistes, qui n’ont pas su imaginer le mal parce qu’ ils croyaient au bien fait de main d’homme. Mea culpa des militaristes, q
716 son principe ; ou la conquête, mais qui tue ce qu’ elle conquiert. Mea culpa des gens de droite, qui croyaient pouvoir conser
717 se — que celui de l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaient les masses. Mea culpa des Suisses, qui voulaient profiter
718 folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui de devoir payer leur part minime dans la banqueroute européenne. Mea culpa des
719 uelque chose de précis, que je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart de la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils
720 à l’écart de la guerre, et peut-être y resteront- ils . Ils ont encore ce bref délai de grâce dont je parlais aux Hollandais
721 écart de la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai de grâce dont je parlais aux Hollandais, en
722 des spectateurs… Pourtant, si nous en triomphons, elle nous donnera la force de préparer l’avenir. Il est dur de reconnaître
723 elle nous donnera la force de préparer l’avenir. Il est dur de reconnaître ces fautes, parce que nous en sommes les compl
724 es les complices, et que nous aimons les fautifs. Il est dur de les avouer, parce que les fautes contraires des autres, en
725 ace, nous paraissent bien plus effrayantes, et qu’ ils triomphent tout de même, ou à cause de cela même. Il est dur de recon
726 triomphent tout de même, ou à cause de cela même. Il est dur de reconnaître que ce châtiment, qui nous atteint aussi, est
727 iment, qui nous atteint aussi, est mérité ; et qu’ il était logique, inévitable, et qu’il n’y a plus qu’à en tirer les conc
728 érité ; et qu’il était logique, inévitable, et qu’ il n’y a plus qu’à en tirer les conclusions9. Mais nous ne sommes pas ne
729 is pas ce que l’avenir vaudra, mais je sais que s’ il vaut quelque chose, ce sera grâce à l’action personnelle des hommes q
730 vaudra toujours, l’Écriture nous l’apprend lorsqu’ elle dit : « Le ciel et la terre passeront, mais ma Parole ne passera poin
731 : Nubicula est, transibit — c’est un petit nuage, il passera. Ce n’était pas là de l’optimisme. Athanase prévoyait qu’avec
732 ettait à Athanase de dire : c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur de cette heure sévère, c’est que par la force d
733  : « L’amour parfait bannit la crainte ». Quoi qu’ il arrive. 7. Le budget annuel de la « défense spirituelle » de la Sui
29 1940, Articles divers (1938-1940). Au peuple suisse ! (22 juillet 1940)
734 on européenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a pas d’autre garantie humaine que son armée, pas d’autre allié que
735 situation n’est pas nouvelle dans notre histoire. Elle fut celle de nos grandes victoires et de nos grands renouvellements.
736 er encore se croyaient adversaires, découvrent qu’ ils sont prêts à travailler ensemble, pour défendre la Suisse et pour la
737 mble, pour défendre la Suisse et pour la rénover. Ils ne croient plus aux plans, aux promesses faciles. Ils veulent une mét
738 ne croient plus aux plans, aux promesses faciles. Ils veulent une méthode neuve d’action et de pensée, une solidarité prati
739 ’action et de pensée, une solidarité pratique. Et ils attendent des hommes nouveaux. Des hommes et non pas des programmes.
740 s hommes qui prouvent, par leur seule réunion, qu’ ils sont assez indépendants pour mériter une confiance nouvelle. Il est t
741 indépendants pour mériter une confiance nouvelle. Il est temps que ces aspirations se réalisent et s’organisent. Il est te
742 que ces aspirations se réalisent et s’organisent. Il est temps que les bonnes volontés deviennent une volonté commune. Nou
743 e vous promettons qu’un grand effort commun. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et d’être Suisses.   Ligue du Gotha
30 1940, Articles divers (1938-1940). Autocritique de la Suisse (août 1940)
744 ué à lui-même et au monde que la Suisse. C’est qu’ il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’a p
745 plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’ il n’a pas toujours bien compris. Elle exclut en principe toute doctrine
746 un paradoxe qu’il n’a pas toujours bien compris. Elle exclut en principe toute doctrine unitaire, et suppose donc la connai
747 e vivant entre les droits de chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde de nommer « fédéraliste » un parti
748 e chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’autre progra
749 tes, nomment « fédéral » ce qui procède de Berne. Il en résulte que leur fédéralisme se résume à combattre tout ce qui est
750 itable ne commence qu’au-delà de leur opposition. Ils se font un programme de ce qui ne saurait être que la maladie individ
751 État. À quand le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni de droite. Car sous l’opposition, indéfendabl
752 ’est-à-dire quelque chose d’absolument inviable s’ ils en restent là, ou de radicalement antisuisse s’ils progressent. Les «
753 ls en restent là, ou de radicalement antisuisse s’ ils progressent. Les « libéraux » et les conservateurs « fédéralistes » n
754 arti, d’ailleurs, est antisuisse, dans ce sens qu’ elle est antifédéraliste. Tout parti politique est en puissance un petit É
755 actuels représentent des tendances trop vagues : ils ne pourront jamais s’entendre, ou n’obtiendront que des compromis inf
756 veut tout assimiler, tout juger et tout absorber. Il serait temps de se remettre à la Diète ! 3. Suite du précédent. — Com
757 aux ».) Nos descendants diront de notre siècle qu’ il fut celui des gogos enragés. 4. Paresse d’esprit. — Je parle ici par
758 diversités, et de se mettre à leur service, comme il se doit. Prévoir des exceptions, tenir compte des faits locaux, adapt
759 ités, et de se mettre à leur service, comme il se doit . Prévoir des exceptions, tenir compte des faits locaux, adapter, dist
760 leur sens fédéraliste, et révocables aussitôt qu’ ils le perdent. » Si vous les obtenez, la révolution nationale dont certa
761 dont certains parlent sera faite. Mais autrement, elle ne servira de rien. 5. Notre matérialisme. — Le pire danger qui nous
762 Le cadre matériel de notre vie est parfait, mais il n’encadrera bientôt plus aucune vie digne de ce nom. Quelques exemple
763 désabonnent « vu la crise » de la seule revue qu’ ils recevaient : elle leur coûtait 10 fr. par an. Je vois enfin que toute
764 la crise » de la seule revue qu’ils recevaient : elle leur coûtait 10 fr. par an. Je vois enfin que toute notre politique e
765 érie. Car « l’exception » dans la vie quotidienne doit jouer le même rôle que la minorité dans une vie fédérale saine : elle
766 ôle que la minorité dans une vie fédérale saine : elle a droit à de plus grands égards, relativement, que la majorité. C’est
767 8. Intolérance. — À mon avis, un fédéralisme sain doit se montrer radicalement intolérant envers toute influence totalitaire
768 rôles de Suisses11. Je les estime intolérables, s’ ils parlent en connaissance de cause. (Le plus souvent, d’ailleurs, ils s
769 naissance de cause. (Le plus souvent, d’ailleurs, ils se contentent de ne pas remarquer la ressemblance entre ce qu’ils dét
770 t de ne pas remarquer la ressemblance entre ce qu’ ils détestent en Suisse et ce qu’ils admirent au-dehors…) 9. Notre naïvet
771 ance entre ce qu’ils détestent en Suisse et ce qu’ ils admirent au-dehors…) 9. Notre naïveté. — Elle éclate dans certaines m
772 e qu’ils admirent au-dehors…) 9. Notre naïveté. — Elle éclate dans certaines mesures « de prudence » prises à l’égard de la
773 agneau… et le loup, ce qui est moins impartial qu’ il ne semble. Ne commettons plus l’imprudence capitale du monsieur qui s
774 nos frontières ? L’intégrité du territoire serait- elle plus importante de nos jours que l’intégrité de la conscience nationa
775 de la conscience nationale ? Celle-là conserve-t- elle son sens quand celle-ci est déjà compromise ? 10. Poésie et prose. —
776 ssement sibyllin : « Température maximum : 18°. » Il s’agissait sans doute d’inciter le public à des économies de charbon.
777 t mangés. Je demande à voir ce qui vaut le mieux. Il ne faut pas parler de neutralité en général, dans l’absolu et dans l’
778 cette neutralité est suprêmement désavantageuse : elle entraîne notre expulsion violente hors du Royaume de Dieu. « Je vous
779 avantageuse dans certains cas, dans la mesure où elle nous exclut, précisément, d’un conflit que nous jugeons mauvais. (Res
780 nçais, j’en suis fâché. Ce n’est pas éternelle qu’ il convient de dire, mais perpétuelle. Se figure-t-on que l’homme a le d
781 premiers Confédérés déclarèrent que leur alliance devait , s’il plaisait à Dieu, durer « éternellement ». C’était une manière d
782 onfédérés déclarèrent que leur alliance devait, s’ il plaisait à Dieu, durer « éternellement ». C’était une manière d’affir
783 ternellement ». C’était une manière d’affirmer qu’ ils la concluaient sans arrière-pensée. (Comparez avec certaines offres d
784 ns l’absolu une position relative, si légitime qu’ elle soit, c’est se condamner à être sans cesse dépassé et ridiculisé par
785 onnaissent une neutralité politique et militaire. Ils nous obligent aussi à la défendre intégralement. Mais ils ne nous imp
786 obligent aussi à la défendre intégralement. Mais ils ne nous imposent nullement une neutralité d’opinion. Renoncer au droi
787 l’impuissance par l’adversaire, on ne dit pas qu’ elle est neutre, on dit qu’elle est neutralisée. Taire nos opinions, aujou
788 aire, on ne dit pas qu’elle est neutre, on dit qu’ elle est neutralisée. Taire nos opinions, aujourd’hui, ce n’est pas rester
789 e attitude peut compromettre notre indépendance : elle l’affirme au contraire ! Le devoir de l’armée est de garantir par la
790 e indépendance : elle l’affirme au contraire ! Le devoir de l’armée est de garantir par la force l’intégrité de notre indépend
791 on que de risquer des ennuis avec une légation. » Il dit au contraire — il disait autrefois : « Plutôt la mort que l’escla
792 ennuis avec une légation. » Il dit au contraire — il disait autrefois : « Plutôt la mort que l’esclavage. »12 15. Diploma
793 d’imaginer et de voir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de compenser leur petitesse physique par leur prestig
794 — ont récemment découvert qu’un diplomate moderne doit être un expert commercial. Conception bien typique du siècle dernier,
795 superstition des experts d’hier et d’avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait, que la Technique ne saurait inspire
796 hnique ne saurait inspirer une politique, mais qu’ elle peut au contraire servir à tout lorsqu’on l’y force — et en particuli
797 force — et en particulier à dominer les masses13. Il est temps que la Suisse comprenne que le souci de son économie ne sau
798 plan diplomatique européen, la Suisse pourrait et devrait jouer dans notre siècle une partie magnifique. Mais il faudrait que n
799 uer dans notre siècle une partie magnifique. Mais il faudrait que notre gouvernement comprenne ceci : La prudence est le v
800 un malandrin. 12. Ceci ne veut pas dire que nous devons préférer la mort à l’interdiction de proclamer des sottises. Je m’exc
801 cabaret une grande puissance européenne, comme s’ il s’agissait d’une paisible élection municipale ! Si la censure accourt
802 ! Si la censure accourt alors avec une muselière, elle accomplit un acte de décence. » 13. Cf. à ce sujet les vues très exa
803 lume, une série d’articles et de conférences dont il indique, dans son avertissement, le propos, en ces termes : “Ils sont
804 ns son avertissement, le propos, en ces termes : “ Ils sont tous nés d’un même souci de la personne et de son rôle dans la c
805 sonne et de son rôle dans la communauté ; et tous ils s’adressent à des Suisses. Par une série de cercles concentriques, il
806 Suisses. Par une série de cercles concentriques, ils s’efforcent de situer notre mission dans l’Europe d’aujourd’hui.” Ce
31 1940, Articles divers (1938-1940). Henri le Vert ou l’âme alémanique (1940)
807 Henri le Vert ou l’âme alémanique (1940)al Je dois ma première découverte de l’atmosphère suisse allemande à un cours de
808 fried Keller intitulé Henri le Vert, c’est que je dois à cette œuvre célèbre ma seconde découverte de l’âme alémanique. Il e
809 élèbre ma seconde découverte de l’âme alémanique. Il est à peine croyable que ce roman soit si peu lu chez nous, si mal co
810 man soit si peu lu chez nous, si mal connu, et qu’ il n’en existe à cette heure qu’une seule et unique édition. Car ce n’es
811 lle, mon modèle du Suisse allemand… Oh, bien sûr, ils ne sont pas tous des Gottfried Keller ou des Henri le Vert. Tous les
812 a compris Pascal, ou Goethe, ou Gottfried Keller, il a découvert du même coup quelque chose du mystère français, du mystèr
813 fait le meilleur fonds du Suisse allemand dès qu’ il est délivré de son sérieux massif. Et alors, dans mon enthousiasme, j
814 veut vraiment du bien, à nous les Suisses, puisqu’ elle nous a permis de réunir des qualités et des défauts qui se complètent
815 petite patrie et les milliers de bonnes choses qu’ elle contient, depuis le vieux brochet moussu qui nage au fond de ses lacs
816 t beau et cher au cœur, — car c’est la patrie. Qu’ il est donc réjouissant que tous les Suisses ne soient pas sortis du mêm
32 1940, Articles divers (1938-1940). L’heure de la Suisse (1er août 1940)
817 ntiments que nourrissent à son égard ses voisins, elle se voit menacée dans son autonomie par la force des choses et par la
818 fut plus gravement mise en question. Jamais donc, il ne fut plus urgent de proclamer nos raisons d’être, notre mission con
819 e péril où nous sommes peut devenir notre chance. Il nous sort de nous-mêmes et de nos préjugés, il nous oblige à mesurer
820 e. Il nous sort de nous-mêmes et de nos préjugés, il nous oblige à mesurer nos forces vraies, il nous permet de nous unir
821 ugés, il nous oblige à mesurer nos forces vraies, il nous permet de nous unir mieux que jamais pour la défense et la rénov
822 et contre tout, grâce à un sens communautaire qui doit rester en exemple à l’Europe. C’est l’esprit de liberté des communes
823 8. Les causes de cette défaite sont bien connues, elles nous avertissent clairement : discorde politique, routine, recul de l
824 à la Suisse un statut contraire à ses traditions, il déclara : « La nature a fait votre État fédératif. Vouloir la vaincre
825 renaissait, contre toute espérance. Un tel passé doit nous donner confiance pour le présent. Il nous montre que de tout tem
826 passé doit nous donner confiance pour le présent. Il nous montre que de tout temps, la Suisse a été menacée par des puissa
827 ée par des puissances dix fois supérieures, et qu’ elle ne s’est maintenue qu’en acceptant la lutte même sans espoir. Un sièc
828 ort nous a fait oublier ces vérités. Aujourd’hui, elles nous parlent de nouveau. Les menaces actuelles nous réveillent, et no
829 lié comment la Suisse s’est faite, et à quel prix elle s’est toujours maintenue. Mais on ne se défend bien qu’en attaquant.
830 isse ne survivra aux révolutions actuelles que si elle croit à son avenir, à sa mission — qui seule la rend indispensable au
831 digne d’elle-même, et rendons-nous plus dignes d’ elle  ! Comment ? Je voudrais vous le montrer sans phrases ronflantes, par
832 otre force est dans notre union. Or, pour s’unir, il faut d’abord un but commun. Il faut ensuite sacrifier à ce but ses in
833 . Or, pour s’unir, il faut d’abord un but commun. Il faut ensuite sacrifier à ce but ses intérêts particuliers, ses préjug
834 l’une rend l’autre possible. Les sacrifices, nous devons commencer par les faire chacun pour notre compte, c’est-à-dire, sans
835 ar exemple. Ce que la guerre sut obtenir de nous, il faut que la paix le maintienne et le développe au maximum. Prenons un
836 rtains cas, si cela peut éviter des débauchages : il y va de la liberté future de leur entreprise. Et je conjure les ouvri
837 onner de l’emploi à beaucoup de leurs camarades : il y va de la liberté future des travailleurs. Mais les sacrifices matér
838 rifices matériels ne suffisent pas. Comprenons qu’ il est des sacrifices intellectuels non moins indispensables. Quand il y
839 ces intellectuels non moins indispensables. Quand il y va de tout, oublions nos partis, car ils ne représenteront jamais q
840 . Quand il y va de tout, oublions nos partis, car ils ne représenteront jamais qu’une partie de la vérité. N’attendons plus
841 elles, ou le fait de payer des impôts quadruplés. Ils n’en représentent pas moins la condition première de toute rénovation
842 tous. Ces remarques sont simples et utilisables. Elles ne sont pas originales. Il me suffit qu’elles soient chrétiennes. Si
843 les et utilisables. Elles ne sont pas originales. Il me suffit qu’elles soient chrétiennes. Si mes lecteurs les approuvent
844 es. Elles ne sont pas originales. Il me suffit qu’ elles soient chrétiennes. Si mes lecteurs les approuvent et les mettent en
845 s approuvent et les mettent en pratique aussitôt, ils auront célébré, mieux que par l’éloquence la plus émue, ce premier jo
33 1940, Articles divers (1938-1940). Un fondateur de la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis : M. Denis de Rougemont nous dit… (23 août 1940)
846 n ami Spoerri, de Zurich, et à laquelle je tiens. Elle suit d’ailleurs son chemin malgré les torrents d’injures dont elle a
847 urs son chemin malgré les torrents d’injures dont elle a été abreuvée et vous pouvez être assuré qu’elle n’a enregistré jusq
848 elle a été abreuvée et vous pouvez être assuré qu’ elle n’a enregistré jusqu’à ce jour aucune défection, en dépit de ce qu’on
849 nous défendons de vouloir l’être jamais — ce qui doit logiquement représenter la Suisse d’aujourd’hui. Et travailler au bie
850 sses ne s’intéressaient pas aux affaires du pays. Il fallait se hâter de les grouper, sinon l’idéologie naziste ou l’idéol
851 . Denis de Rougemont s’en va en Amérique parce qu’ il vient d’être chargé par la fondation “Pro Helvetia” d’une série de co
852 destinées aux colonies suisses du Nouveau Monde. Il part également pour assister aux représentations de Nicolas de Flue
853 représentations de Nicolas de Flue , l’œuvre qu’ il écrivit pour les journées neuchâteloises de l’Exposition nationale de
854 u’on l’éloigne de la scène politique. Au surplus, il a bien voulu nous faire les déclarations qui suivent. » ar. La rédac
855 ombreuses lettres de citoyens qui s’intéressent à elles et à ses desseins. Nous le croyons volontiers et l’attendons à l’œuvr
856 sur le terrain cantonal, en bonne fédéraliste qu’ elle s’affirme. »
34 1940, Articles divers (1938-1940). La Ligue du Gothard : raisons d’espérer (13 septembre 1940)
857 u dans une brochure qui va paraître sur la Ligue. Il faut faire confiance à des hommes jeunes et qui forment une équipe. P
858 e nous sont « marqués », mais qui ne l’est pas, s’ il a fait quelque chose ? Comme le dit la Lutte syndicale dans son derni
859 e dit la Lutte syndicale dans son dernier numéro, il ne faut pas agir comme si personne n’était capable d’entendre raison
860 us faisons suivre des remarques et conclusions qu’ elles nous suggèrent. Voici tout d’abord l’opinion de M. Denis de Rougemont
861 nement. Par une brève lettre datée du 18 août, où il nous fait part de la nouvelle de son envoi en mission de trois mois a
862 contact avec les milieux suisses établis là-bas, il nous dit son sentiment sur la ligue du Gothard dont il est un membre
863 us dit son sentiment sur la ligue du Gothard dont il est un membre de la première heure. »