1
les cols du centre de l’Europe ; mission pratique
et
symbolique. Au cours des derniers mois, il semble bien que nous l’ayi
2
e le Gothard ne jouera plus jamais le rôle unique
et
décisif qu’il jouait au temps du Saint-Empire. Mais alors l’aspect sy
3
ct symbolique de la mission confédérale se dégage
et
doit être dégagé avec une évidence, une force, une conviction profond
4
clamer la signification spirituelle de cette même
et
unique mission : c’est la défense du cœur spirituel de l’Europe, la g
5
it l’homme d’Occident : la réalité de la personne
et
des institutions fondées sur elle. ⁂ La personne, ce n’est pas l’indi
6
qui n’a plus en lui-même de principe d’existence,
et
qui n’est rien qu’un rouage de l’État. Enfin la personne n’est plus u
7
plus une simple idée. C’est la réalité paradoxale
et
dynamique de l’homme qui a fait la civilisation et la grandeur réelle
8
t dynamique de l’homme qui a fait la civilisation
et
la grandeur réelle de l’Occident : l’homme libre, existant par soi-mê
9
l’Occident : l’homme libre, existant par soi-même
et
par la force de sa vocation unique, mais cependant relié à la communa
10
é par l’exercice de cette vocation. L’homme libre
et
relié, c’est le chrétien des communautés primitives : c’est le cheval
11
légendes médiévales ; c’est l’artisan des guildes
et
des corporations au temps de l’ascension bourgeoise ; c’est le citoye
12
ces démocraties méritent encore de porter ce nom,
et
ne sont pas de simples oligarchies de financiers et de démagogues. To
13
ne sont pas de simples oligarchies de financiers
et
de démagogues. Tout ce qui s’est fait de réel et de valable en Occide
14
et de démagogues. Tout ce qui s’est fait de réel
et
de valable en Occident fut l’œuvre de ces hommes doublement responsab
15
es hommes doublement responsables devant leur foi
et
devant leurs prochains. Cette attitude « personnaliste » est la vraie
16
veulent le croire, un moyen terme entre anarchie
et
tyrannie, c’est au contraire l’équilibre central et créateur dont l’i
17
tyrannie, c’est au contraire l’équilibre central
et
créateur dont l’individualisme et le collectivisme ne représentent qu
18
uilibre central et créateur dont l’individualisme
et
le collectivisme ne représentent que les déviations et les maladies p
19
collectivisme ne représentent que les déviations
et
les maladies périodiques. Or il se trouve que la devise antique de no
20
e de l’homme libre mais relié, le paradoxe vivant
et
vivifiant de l’un pour tous, tous pour un ! Ainsi, dès l’origine, la
21
ardienne du secret de l’Europe, de sa vraie force
et
des valeurs qui l’ont créée. Gardienne des cols pour les nations, gar
22
is elle est davantage que cela : elle est le lieu
et
la formule du génie propre de l’Europe. Et voilà pourquoi nous somme
23
lieu et la formule du génie propre de l’Europe.
Et
voilà pourquoi nous sommes neutres. ⁂ En aucune heure de notre histoi
24
e théorique d’ailleurs — de la race, de la langue
et
de la force militaire. Par là même, elle s’attaque à la tradition cré
25
attaque à la tradition créatrice de l’Occident, —
et
elle menace en premier lieu sa garde neutre. L’esprit totalitaire est
26
seul principe qui tienne rassemblés nos cantons,
et
de l’idéal commun qui nous a fédérés. Jamais, depuis le xiiie siècle
27
rticle, bien minimes il est vrai, mais assez nets
et
assez neufs. Il y en a d’autres, très typiques, dans l’attitude de no
28
lisme tel que nous sommes chargés de le défendre,
et
qui s’oppose autant au particularisme étroit qu’à cette forme antisui
29
i. Car il y va de l’existence même de notre État,
et
au-delà : de l’espoir d’une Europe recréée selon son génie. De cette
30
C’est dans la mesure où nous voulons rester cela,
et
le devenir de mieux en mieux, que nous serons grands devant l’Europe,
31
églé. Car : 1° nous perdrons notre raison d’être,
et
il n’est pas d’exemple dans l’Histoire qu’un État qui a perdu sa rais
32
enir qu’une des plus petites nations de l’Europe,
et
une nation divisée contre elle-même en trois races et trois langues,
33
ne nation divisée contre elle-même en trois races
et
trois langues, si ce n’est quatre. Dès lors, quelle force opposerons-
34
e seule force est dans notre idéal personnaliste,
et
donc fédéraliste. Notre seule force sérieuse est d’ordre spirituel. L
35
s « réalistes » qui voudraient le nier trahissent
et
ruinent notre grandeur et notre espoir. La Suisse n’a pas de pires en
36
ient le nier trahissent et ruinent notre grandeur
et
notre espoir. La Suisse n’a pas de pires ennemis. Ce n’est pas une ar
37
ort pour nous élever au niveau de cette destinée.
Et
c’est l’affirmation tenace et convaincue de l’avenir que nous incarno
38
de cette destinée. Et c’est l’affirmation tenace
et
convaincue de l’avenir que nous incarnons aux yeux des peuples d’Occi
39
otre seul espoir, à nous Suisses, c’est de rester
et
de devenir de mieux en mieux le seul espoir de l’Europe déchirée. a
40
ie, — le plus profondément magyar de sensibilité,
et
en même temps le plus européen par la culture. Des amis me proposèren
41
les étés. J’eus ce bonheur de découvrir une terre
et
une race par ses poètes. La plaine hongroise était une grande liberté
42
nde liberté lumineuse ; tout m’accueillait, êtres
et
paysages, dans une vaste hospitalité qui était celle de l’été même do
43
st resté merveilleusement vivant dans ma mémoire,
et
je ne puis plus séparer sa vision de ce que m’évoque le nom de Michel
44
ilique élève une coupole d’ocre éclatant, immense
et
froide, dominant cette plaine onduleuse dont les vagues se perdent da
45
ns jaunes, basses, ville sans ombre, sans arbres,
et
nous montons vers la maison du poète, sur un coteau de vignes. Trois
46
s rides, la petite ville juste au-dessous de soi,
et
la Basilique sur son rocher. Fraîches, sentant bon, avec des livres s
47
s, l’ombre bourdonnante, — trois petites chambres
et
un pan de toit par-dessus, cela fait une arche à peine visible dans l
48
près-midi est immense. Nous buvons des vins dorés
et
doux que nous verse Ilonka Babits (elle est poète aussi, et très bell
49
e nous verse Ilonka Babits (elle est poète aussi,
et
très belle). Nous inscrivons nos noms au charbon sur le mur chaulé, G
50
hotos, Gyergyai fouille la plaine à la longue-vue
et
rêve qu’il y est, je grimpe au cerisier sauvage, derrière la maison,
51
e que pose l’homme est celui-ci : remettre l’État
et
l’argent à leur place d’instruments techniques. Schéma : un État souv
52
atistiques économiques ; fournissant aux communes
et
aux entreprises privées certains crédits et la main-d’œuvre indiffére
53
munes et aux entreprises privées certains crédits
et
la main-d’œuvre indifférenciée (service civil) ; privé de toute autor
54
t proprement dit, émanation des communes fédérées
et
des patries locales, et seule expression unitaire de la Nation ; joui
55
ion des communes fédérées et des patries locales,
et
seule expression unitaire de la Nation ; jouissant d’un pouvoir dicta
56
pouvoirs strictement définis par le gouvernement,
et
de nature technique ; répartissant ses bénéfices sous forme de minimu
57
sion des puissances financières avec le Parlement
et
l’exécutif, collusion responsable de la mauvaise marche des administr
58
la mauvaise marche des administrations publiques,
et
de cette erreur économique — entre autres — qu’est la guerre totale,
59
». Il n’y a de liberté possible pour les communes
et
les personnes que sur la base d’une organisation rationnelle des serv
60
euse entre ce qui relève de l’exécution technique
et
ce qui relève de l’opinion et de la création, toujours personnelle. C
61
exécution technique et ce qui relève de l’opinion
et
de la création, toujours personnelle. C’est la confusion des pouvoirs
62
nnelle. C’est la confusion des pouvoirs matériels
et
de l’autorité, dee l’organisé et de l’organisateur, de l’État et de l
63
uvoirs matériels et de l’autorité, dee l’organisé
et
de l’organisateur, de l’État et de la Nation, qui conduit au désordre
64
é, dee l’organisé et de l’organisateur, de l’État
et
de la Nation, qui conduit au désordre flagrant des démocraties, et à
65
qui conduit au désordre flagrant des démocraties,
et
à cette fixation brutale du même désordre qu’on nomme l’ordre totalit
66
elèvent d’une action spirituelle au premier chef,
et
vous savez que je n’entends pas le spirituel au sens évanescent des l
67
que que secrète, qui mobilise le tout de l’homme,
et
qui seule est transformatrice. Mais ce n’est pas sur ces voies que vo
68
yrannie de l’Argent ? », Combat : revue des idées
et
des faits, Paris, 10 juin 1938, p. 505. d. Précédé de la note suivan
69
— entre un gouvernement issu des groupes humains
et
une économie étatiste extra-gouvernementale. Pour atteindre ce but, M
70
e “une action spirituelle” plus forte, plus riche
et
plus noble que l’action politique au sens présent du terme. » e. Ce
71
r sur la question hitlérienne, autrement brûlante
et
immédiate. Le livre de M. Rivaud nous y aidera. Il faut le lire avant
72
in Kampf ou les traductions plus ou moins fidèles
et
tronquées qu’on nous en offre. Car M. Rivaud a le grand mérite d’avoi
73
ermaniste, qui a précédé Hitler, qui le soutient,
et
qui peut-être lui survivra. La première partie de ce gros ouvrage est
74
e ce gros ouvrage est à mon sens la plus sérieuse
et
la plus riche d’enseignements. C’est un historique de l’Allemagne d’a
75
de la révolution, puis de la République de Weimar
et
de l’ascension hitlérienne. À la lumière des événements de septembre,
76
4. Mêmes manœuvres simultanées de bluffe guerrier
et
d’assurances pacifiques, même duplicité dans le détail des négociatio
77
té différent, certes. En 1914, la guerre a éclaté
et
l’Allemagne, au terme du conflit, n’a rien obtenu. En 1938, la guerre
78
a rien obtenu. En 1938, la guerre n’a pas éclaté,
et
l’Allemagne a tout obtenu. Les partisans de la résistance à tout prix
79
plus tard, l’Allemagne est plus forte que jamais,
et
atteint ses objectifs sans coup férir. Dans la seconde partie, l’aute
80
uteur entreprend de décrire le régime nazi : État
et
armée, doctrine et formation des esprits, système économique et finan
81
décrire le régime nazi : État et armée, doctrine
et
formation des esprits, système économique et financier. Nous aurions
82
rine et formation des esprits, système économique
et
financier. Nous aurions beaucoup de réserves à formuler sur le détail
83
éserves à formuler sur le détail de ces chapitres
et
sur l’intention qui préside à la « description » qu’ils nous offrent.
84
faudrait citer ses sources avec plus de minutie,
et
quand on donne un chiffre, donner aussi les moyens de l’interpréter.
85
t doublé » depuis 1933. Dans quelles industries ?
Et
quels étaient les salaires de base ? Les polémiques au sujet des sala
86
rimer une grande partie des producteurs libres »,
et
on précise que le nombre des sociétés anonymes a été réduit de 9634 e
87
ymes a été réduit de 9634 en 1932 à 7204 en 1936,
et
que le nombre des « petites sociétés » est tombé de 6632 à 3863. Comm
88
fournis sur l’économie paysanne sont plus précis,
et
paraissent autoriser mieux le terme de « socialisme agraire ». Il fau
89
flou : on ne sait trop ce qui est dit par Hitler
et
ce qui est du cru de l’auteur. Enfin, le chapitre sur les Églises et
90
u de l’auteur. Enfin, le chapitre sur les Églises
et
la religion est superficiel et souvent inexact : défaut d’autant plus
91
re sur les Églises et la religion est superficiel
et
souvent inexact : défaut d’autant plus curieux que c’est essentiellem
92
des méthodes nazies d’usage interne, en politique
et
en économie. M. Rivaud ne cache pas l’admiration que lui inspirent le
93
l’antithèse exacte de ce qui se passe en France.
Et
l’on en vient à se demander si ce n’est pas surtout le souci de faire
94
de faciliter une lecture à tant d’égards urgente
et
révélatrice. f. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Albert Rivaud
95
es superstitions. Il ne me reste qu’à persévérer,
et
c’est ce que je vais faire en vous contant les circonstances dans les
96
dans l’élaboration d’un ouvrage intitulé L’Amour
et
l’Occident . Je partais d’une réflexion passionnée sur le mythe de la
97
sur le mythe de la passion, la légende de Tristan
et
Iseut. Nul n’ignore que ce mythe, demeuré si puissant dans nos vies,
98
signification secrète, qui est le combat du Jour
et
de la Nuit. J’espérais terminer mon livre aux alentours du 21 juin, d
99
prenez garde ! Voici que la nuit cède au jour ! »
Et
en effet, le 20 au soir — à peine plus tôt que je ne l’avais prévu —
100
mon livre, vous décidiez de me donner votre prix.
Et
la lettre qui me l’annonçait portait la date fatidique du 21. Comment
101
ans le savoir deux livres à la fois, le Journal
et
l’ Amour . Et peut-être ainsi mon travail, tout au moins par sa quant
102
deux livres à la fois, le Journal et l’ Amour .
Et
peut-être ainsi mon travail, tout au moins par sa quantité, sera-t-il
103
lesquels il vit ; enfin des relations de l’auteur
et
de son public. Or vous n’ignorez pas que mon souci tout helvétique de
104
comprendre. D’où sont nés quantité de malentendus
et
d’illusions, largement exploités par les démagogies d’ailleurs les pl
105
es. Tout mon effort se portait donc à distinguer,
et
dans la mesure de mes moyens et dans mon champ, à dissiper ces malent
106
onc à distinguer, et dans la mesure de mes moyens
et
dans mon champ, à dissiper ces malentendus et leurs causes. Le reste
107
ens et dans mon champ, à dissiper ces malentendus
et
leurs causes. Le reste de votre jury m’inciterait à croire que j’y ai
108
’un livre comme le Journal , celui qu’il cherche
et
qu’il espère rejoindre avant tout autre. Et c’est pourquoi j’ose voir
109
erche et qu’il espère rejoindre avant tout autre.
Et
c’est pourquoi j’ose voir dans votre décision le signe d’une entente
110
votre décision le signe d’une entente réalisée —
et
attestée avec munificence ! — entre un auteur et son public. Cet aspe
111
et attestée avec munificence ! — entre un auteur
et
son public. Cet aspect de mon « problème des gens », vous l’avez réso
112
ne me préparait à l’espérer ? Vous êtes Vaudois,
et
pourtant vous couronnez un Neuchâtelois. Vous êtes zofingiens, et vou
113
couronnez un Neuchâtelois. Vous êtes zofingiens,
et
vous couronnez un ancien bellettrien, — ce qui est encore plus digne
114
louange. Enfin, vous êtes des Suisses de Suisse,
et
vous couronnez un Suisse de Paris, ein Pariser Neuburger comme disent
115
e de cette calomnie, avec tout l’éclat désirable.
Et
ce n’est pas le moindre titre que vous ayez à ma reconnaissance. Une
116
u contraire, au sens patriotique de nos ancêtres.
Et
il se peut que de nos jours, où la Suisse apparaît de plus en plus co
117
eurs européennes. Mais peut-être faut-il ensuite,
et
à côté, des hommes qui essaient de représenter l’idée de la Suisse au
118
exprime ici ma plus profonde reconnaissance. 1.
Et
non plus mercenaire, faut-il le préciser ? h. Rougemont Denis de, «
119
Réponse à l’enquête « Littérature
et
christianisme » (20 novembre 1938)j k Tous les problèmes se posen
120
problèmes se posent différemment pour un croyant
et
pour un incroyant. Non pas que leurs données soient différentes. Mais
121
e m’explique. Il n’y a pas une manière chrétienne
et
une manière athée de réussir une paire de souliers. Les souliers sont
122
ait un chrétien, il le dédie à la gloire de Dieu,
et
c’est là toute la différence. Dira-t-on qu’elle n’est guère visible ?
123
s ce qui agira sur le lecteur, en fin de compte —
et
supposé que l’œuvre soit réussie du point de vue de l’art, donc trans
124
possible entre la situation du romancier chrétien
et
celle du romancier communiste. Car le chrétien comme tel ne sert pas
125
chrétien comme tel ne sert pas une cause visible,
et
son service n’est pas mesurable à ses « résultats » (scandale ou conv
126
versions produites). Le chrétien sert son Dieu, —
et
ensuite Dieu se sert de lui et de son œuvre comme il Lui plait. Mais
127
n sert son Dieu, — et ensuite Dieu se sert de lui
et
de son œuvre comme il Lui plait. Mais je m’aperçois que ce point de v
128
lité totale, telle que la foi seule la révèle : —
et
à partir de là ne se posent plus que des problèmes d’ordre technique.
129
sus des déserts du monde. « Il faut qu’il croisse
et
que je diminue. » Et nous dirions de notre public ce que disait de so
130
nde. « Il faut qu’il croisse et que je diminue. »
Et
nous dirions de notre public ce que disait de son malade le calvinist
131
re, je le répète : une expression vraiment totale
et
sans réserve de l’homme tel que le voient les yeux de la foi : dans l
132
yeux de la foi : dans le péché où Dieu le cherche
et
où la grâce vient le trouver, — presque toujours par d’autres voies q
133
imaginer… j. Rougemont Denis de, « Littérature
et
christianisme », La Cité chrétienne, Bruxelles, 20 novembre 1938, p.
134
938, p. 57. k. Précédé de la notice suivante : «
Et
voici la réponse d’un protestant. Par sa pensée ferme et drue, Denis
135
i la réponse d’un protestant. Par sa pensée ferme
et
drue, Denis de Rougemont exerce une influence décisive sur les différ
136
ains , le Journal d’un intellectuel en chômage ,
et
les autres écrits de Rougemont en sont parmi les plus importants témo
137
oit souvent. Pour ma part, je ne l’ai jamais cru,
et
aujourd’hui moins que jamais. Ce n’est pas à l’Université que j’appri
138
xpérience. Or l’Université ne saurait les donner.
Et
il serait bien sot, il serait même barbare de le lui reprocher un seu
139
ns le vouloir : une atmosphère, un milieu de vie,
et
bien au-delà d’une instruction : des possibilités de culture, au sens
140
loisirs, de réflexions aventureuses, de rêveries
et
de conversations interminables, — ces stations au café de la Rotonde,
141
des promenades qui ne mènent à rien, sinon à voir
et
à sentir comme jamais plus nous ne le ferons plus tard, la couleur de
142
s tard, la couleur de nos pierres après la pluie,
et
l’odeur du lac immobile… Tout cela peut se résumer d’un mot. C’est le
143
lées qui ont suivi ont été aussi folles que nous,
et
s’il serait décent de le souhaiter. Mais c’est avec plus de tendresse
144
heures de paresse, voire même de gueule de bois —
et
d’accès d’enthousiasme pathétiques ! Nous passions des soirées et des
145
housiasme pathétiques ! Nous passions des soirées
et
des nuits que nous imaginions orgiaques, et qui étaient simplement ly
146
irées et des nuits que nous imaginions orgiaques,
et
qui étaient simplement lyriques. Durant des mois d’hiver, notre vie t
147
ien de plus évocateur d’un état de fête collectif
et
prolongé… Pendant des mois, ai-je dit, car il fallait d’abord choisir
148
e en un théâtre. Dans cette ville dont les places
et
les rues sont si pareilles à des décors, la nuit, nous avions l’impre
149
autour du cou, avec des mines fatales d’insomnies
et
des restes de fard aux joues. Nous dansions autour d’une flamme invis
150
ur d’une flamme invisible à tout autre qu’à nous,
et
dont nous n’étions même pas toujours sûrs qu’elle fût réelle — mais q
151
mportait ? Quelques-uns, pourtant, s’y brûlèrent.
Et
voilà qui me donne à penser qu’il n’y avait pas en jeu, dans tout cel
152
ns la montre… Mais ceci c’est une autre histoire,
et
qui m’entraînerait assez loin. … Ne serait-ce pas notre rôle actuel,
153
uisse, de maintenir cette tradition du romantisme
et
des féconds loisirs qui a fait la gloire d’une Heidelberg, d’une Tubi
154
fait la gloire d’une Heidelberg, d’une Tubingue,
et
de tant d’autres petites cités où résonnent aujourd’hui des chants… d
155
tre espèce ? Ne serait-ce pas à nous de maintenir
et
d’illustrer aux yeux du monde moderne une de ces vérités qu’il méconn
156
ré que dans les lieux où le loisir est cultivé, —
et
non pas méprisé ou condamné comme un péché envers l’État. Il m’a semb
157
as déplacée ce soir, dans cette halte du souvenir
et
de l’amitié. Vraiment, quel danger y aurait-il à faire l’éloge d’une
158
é dont la valeur varie si curieusement entre zéro
et
l’infini, et dont tant d’auteurs non protestants ou incroyants nous f
159
eur varie si curieusement entre zéro et l’infini,
et
dont tant d’auteurs non protestants ou incroyants nous font une gloir
160
les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’Église,
et
sur la civilisation dite chrétienne, incitent beaucoup de contemporai
161
e pied sur les vieilles bases spirituelles, rudes
et
monumentales, posées par les Pères de l’Église, des Apôtres jusqu’à L
162
mpter leurs forces, à recenser tous leurs appuis.
Et
c’est sans doute à ce désir de certitude renouvelée, à ce désir de re
163
mporte quelle réponse flatteuse ou approximative.
Et
ce besoin de certitude, il s’agit de la combler en vérité. La menace
164
menace est sérieuse, les événements de septembre
et
toute la suite l’ont fait voir aux plus optimistes. En Russie, en All
165
éclenchée. Elle nous atteint déjà par contrecoup,
et
il est sage de s’attendre à bien pire. C’est donc le moment ou jamais
166
ès rigoureux dans le choix des moyens de défense.
Et
, par exemple, si beaucoup sont prêts à louer la Réforme d’être une éc
167
instituée sur les notions de personne, d’individu
et
de personnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui a pris pour
168
iste qui a pris pour tâche de démêler ces notions
et
de fonder sur elles un ordre social renouvelé. Des philosophes tels q
169
ellence des hommes d’État démocratiques. Ce fait,
et
toutes les équivoques que risquent d’entraîner de telles notions, me
170
ues que l’on a proposées entre individu, personne
et
personnalité. Je préfère illustrer ces notions par des exemples histo
171
t apparues dans l’Histoire les notions d’individu
et
de personne, et les systèmes qui s’y opposent, nous verrons mieux com
172
l’Histoire les notions d’individu et de personne,
et
les systèmes qui s’y opposent, nous verrons mieux comment se situe la
173
se situe la Réforme dans l’évolution de l’Europe,
et
quel principe central elle doit y incarner, de nos jours sans doute p
174
du n’est pas une invention du siècle des Lumières
et
de la Déclaration des droits de l’homme. C’est une invention grecque,
175
s droits de l’homme. C’est une invention grecque,
et
sa naissance signale la naissance même de l’hellénisme. L’individu, c
176
out d’un coup se met à réfléchir pour son compte,
et
qui, de ce fait même, se distingue du groupe naturel, et s’isole. Le
177
de ce fait même, se distingue du groupe naturel,
et
s’isole. Le groupe primitif, la tribu, est lié par le lien du sang, d
178
, est lié par le lien du sang, des morts communs,
et
par celui de la terreur sacrée. C’est autour d’un tabou et autour des
179
lui de la terreur sacrée. C’est autour d’un tabou
et
autour des tombeaux, objets d’effroi, que se rassemble la société pri
180
t sacré.) De plus, elle est radicalement grégaire
et
xénophobe. Mais supposez maintenant qu’un des membres de la tribu se
181
nner à part soi. Raisonner, c’est d’abord douter,
et
c’est bientôt se révolter. L’homme qui raisonne, c’est l’homme qui ch
182
a terreur originelle, aux liens sacrés du groupe,
et
par là même à son principe de tyrannie. Ce mouvement d’arrachement au
183
famille — la cité est fondée sur l’intérêt commun
et
les contrats. Alors que la morale de la tribu dicte des devoirs sacré
184
manière minutieusement prescrite par les usages,
et
toute contravention entraînait l’exécration ou la mort. Dans la cité,
185
ns à faire autrement que lui. On se veut autonome
et
conscient. La définition la plus noble de l’individu nous est fournie
186
dividuelle, libère-toi des déterminations sacrées
et
obscures. Peut-être peut-on rapprocher cette tendance morale de celle
187
ler le principe d’individuation, les législateurs
et
les artistes à concentrer leur attention sur l’homme et son destin pa
188
artistes à concentrer leur attention sur l’homme
et
son destin particulier. D’où le héros, d’où la statue, d’où le tragiq
189
sacrées de l’État) ; — d’où les notions de gloire
et
de record. Et Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu’on parle
190
tat) ; — d’où les notions de gloire et de record.
Et
Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu’on parle de lui, qu’on
191
nfond d’abord, soulignons-le, avec l’intelligence
et
la raison, ne tarde pas à affaiblir les liens sociaux. Il s’oriente v
192
ffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle
et
plus solide, où l’individu isolé retrouve des contraintes qui le rass
193
isolé retrouve des contraintes qui le rassurent,
et
l’État sa puissance matérielle. C’est Rome alors, c’est l’Empire roma
194
sur l’individualisme social. L’État romain, rural
et
militaire, avec son appareil rigide, devait fatalement triompher d’un
195
lisme est toujours un appel à l’État dictatorial.
Et
cet État aux cadres géométriques, avec son armée, sa bureaucratie, sa
196
e appréciable. Vous voyez qu’entre individualisme
et
dictature, l’opposition n’est qu’apparente : en réalité, il y a de l’
197
rilise peu à peu toutes les initiatives vivantes,
et
qu’il finit par s’effondrer sous le poids de son appareil dévorateur.
198
fondrer sous le poids de son appareil dévorateur.
Et
cela ne manque pas de se produire lorsque la majorité des citoyens se
199
ng. Mais plus tard elle a sombré dans l’anarchie.
Et
à son tour, la Rome étatique s’écroule sous son propre poids. De nouv
200
e angoisse, un appel à une communauté. L’anarchie
et
la tyrannie, successivement, ont fait faillite. Quelle sera la nouvel
201
à recréer la communauté primitive, à base de sang
et
de liens sacrés : c’est une régression vers la barbarie, mais qui fla
202
n vers la barbarie, mais qui flatte les instincts
et
les passions, et satisfait le rêve nostalgique du retour à la nature,
203
e, mais qui flatte les instincts et les passions,
et
satisfait le rêve nostalgique du retour à la nature, d’une fraternité
204
assé, ni sur des lois, mais sur l’attente commune
et
enthousiaste d’un au-delà libérateur. Ce n’est plus le rêve du retour
205
lique romaine, quand le César est devenu un dieu.
Et
c’est l’échec de cette religion d’État, confondu avec l’échec plus gé
206
énéral d’une société bureaucratisée, qui a permis
et
préparé le triomphe du christianisme. Mais je demeure persuadé que la
207
ût pas suffi à éveiller la volonté de la réaliser
et
de la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’u
208
sformer cette possibilité en une vision immédiate
et
dynamique. Et ce fait, c’est l’événement central de toute l’Histoire,
209
possibilité en une vision immédiate et dynamique.
Et
ce fait, c’est l’événement central de toute l’Histoire, la seule nouv
210
ons, ni du rang social : on y trouve des esclaves
et
des citoyens riches. Leur lien n’est pas terrestre : il est dans l’au
211
ar ce qu’elles attendent, c’est la fin des temps.
Et
cependant, ces communautés étranges constituent bel et bien les germe
212
pendant, ces communautés étranges constituent bel
et
bien les germes d’une société véritable. Elles ont leur organisation
213
servir leurs frères. Ils se voient donc libérés,
et
du même coup engagés dans un corps social nouveau. Prenons le cas soc
214
ue l’État romain lui déniait toute activité libre
et
spontanée, l’Église lui rend sa dignité humaine d’individu et son rôl
215
, l’Église lui rend sa dignité humaine d’individu
et
son rôle actif de persona. Spirituellement, il se produit un phénomèn
216
nvertit se voit d’une part racheté de son péché ;
et
d’autre part, il reçoit une mission nouvelle, une vocation. Il devien
217
r du Maître qui le libère. Ainsi, spirituellement
et
socialement, l’Église est une communauté d’hommes qui sont à la fois
218
une communauté d’hommes qui sont à la fois libres
et
engagés. Libérés par Celui qui les engage à son service, et engagés a
219
. Libérés par Celui qui les engage à son service,
et
engagés au service du prochain dans la mesure précisément où ils se s
220
ux apparaissent donc comme des paradoxes vivants,
et
cependant nous savons bien que leur libération et leur service ne son
221
et cependant nous savons bien que leur libération
et
leur service ne sont nullement contradictoires, puisqu’ils traduisent
222
aduisent deux aspects complémentaires d’une seule
et
même réalité : la conversion. Tel est l’homme neuf, créé par l’Église
223
soucie davantage de servir que de se distinguer.
Et
ce n’est pas non plus la persona du droit romain, puisque l’homme qui
224
elations constituant la Trinité, le Père, le Fils
et
le Saint-Esprit, les docteurs de l’Église grecque avaient adopté le t
225
mme, lui aussi, se trouve être à la fois autonome
et
en relation. Ainsi le mot avec son sens nouveau, et la réalité social
226
en relation. Ainsi le mot avec son sens nouveau,
et
la réalité sociale de la personne, sont bel et bien des créations chr
227
u, et la réalité sociale de la personne, sont bel
et
bien des créations chrétiennes ou, pour mieux dire, des créations de
228
rétienne. Voici donc définis par leurs origines,
et
dans leur genèse historique, les maîtres mots de notre conception occ
229
re conception occidentale de l’homme : l’individu
et
la personne. Et vous voyez que la distinction entre ces deux vocables
230
cidentale de l’homme : l’individu et la personne.
Et
vous voyez que la distinction entre ces deux vocables si courants, lo
231
débuts, que la distinction entre l’homme naturel
et
l’homme chrétien. Ces bases étant posées, faisons dans nos pensées un
232
er tout à la fois dans l’époque de la Réformation
et
dans le sujet précis qui nous occupe. L’Église des premiers siècles a
233
cette collusion peut-être inévitable de l’Église
et
de l’Empire temporel, recréa, tout au long du Moyen Âge, une sorte de
234
orte de paradoxe : elle unissait l’individu libre
et
la persona ou fonction sociale, dans un composé original dominé par l
235
ration, famille ou sous tout autre forme générale
et
collective. » C’est-à-dire que la collusion de l’Église et du pouvoir
236
tive. » C’est-à-dire que la collusion de l’Église
et
du pouvoir politique tendait à opprimer la liberté de la personne, en
237
is que l’élément sacré reparaît dans une société,
et
tend à s’imposer par la force, comme ce fut le cas dès le xiie siècl
238
d en Italie, un siècle au moins avant la Réforme.
Et
l’on peut la caractériser par quelques traits qui rappelleront ma des
239
xamen de toutes choses. Il est assoiffé de gloire
et
de richesse, de sa propre gloire et de sa propre richesse, fussent-el
240
ffé de gloire et de richesse, de sa propre gloire
et
de sa propre richesse, fussent-elles acquises aux dépens de sa famill
241
, fussent-elles acquises aux dépens de sa famille
et
de sa cité, aux dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre de cr
242
siècle à seule fin de s’acquérir de la renommée.
Et
les pirates siciliens, fondateurs du capitalisme commercial, sont sou
243
ison mystérieuse entre la naissance de l’individu
et
le crime social. Enfin l’individu de la Renaissance se livre à une ac
244
scientifique libre. Tout cela relève d’une seule
et
même volonté : celle de profaner le sacré collectif et ses tabous, af
245
me volonté : celle de profaner le sacré collectif
et
ses tabous, afin de s’affirmer libre et sans responsabilité par rappo
246
collectif et ses tabous, afin de s’affirmer libre
et
sans responsabilité par rapport à la société. Qu’il s’agisse de libre
247
sse de libre examen, de crimes, de soif de gloire
et
de richesses ou d’expériences telles que la dissection du corps humai
248
s deux déviations, contre l’oppression collective
et
contre la révolte de l’individu, ce qui va se dresser pour proclamer
249
u, ce qui va se dresser pour proclamer les droits
et
les devoirs de la personne chrétienne — c’est la Réforme. Nous toucho
250
vais essayer de vous montrer ce que pourrait être
et
devrait être un personnalisme inspiré de la Réforme. Calvin ni Luther
251
pas non plus de l’individu ou de la collectivité,
et
cependant toutes les réalités que désignent ces termes sont présentes
252
réalités que désignent ces termes sont présentes,
et
sont en conflit à l’époque de la Réforme. Essayons de les dégager som
253
ns personnelles à la place de l’exposition simple
et
fidèle de la pure Parole de Dieu. » Du point de vue qui nous intéress
254
e du Moyen Âge, confondant l’autorité spirituelle
et
le pouvoir temporel. L’anarchisme, c’était la révolte de la Renaissan
255
anarchisme, c’était la révolte de la Renaissance,
et
les sectes d’illuminés, c’est-à-dire l’individualisme social et relig
256
d’illuminés, c’est-à-dire l’individualisme social
et
religieux. Calvin combat les deux tendances non point pour des raison
257
de personnes, d’hommes nouveaux, à la fois libres
et
engagés, constituant une multitude de communautés locales. Telles ser
258
, point de capitale, point d’unification formelle
et
forcée. Dès le début, la Réforme considère comme normales les diversi
259
es où il avait une autorité immédiate, Strasbourg
et
Genève. Le problème ne se pose même pas. Les Églises locales s’organi
260
dérations, délégueront des députés à des synodes,
et
il n’y aura pas de pape pour unifier temporellement toutes ces cellul
261
rellement toutes ces cellules vivantes, autonomes
et
solidaires. Elles ont leur véritable unité en Christ, et dans la comm
262
daires. Elles ont leur véritable unité en Christ,
et
dans la communion des saints. Ici-bas, l’Église nous apparaît, selon
263
termes de Calvin, dans la diversité « des Églises
et
des personnes particulières ». Car non seulement il y a plusieurs Égl
264
radoxe essentiel de la personne : à la fois libre
et
engagée, distincte et reliée à nouveau. Car le rôle que Dieu attribue
265
personne : à la fois libre et engagée, distincte
et
reliée à nouveau. Car le rôle que Dieu attribue à un homme distingue
266
l peut incarner une volonté particulière de Dieu.
Et
dès lors, cet homme n’a pas seulement le droit d’être respecté par l’
267
rticulier dans le serment des pasteurs de Genève,
et
dont l’actualité vous frappera certainement. « Je promets, dit le pas
268
promets, dit le pasteur, de servir la Seigneurie
et
le peuple de telle manière que par cela je ne sois nullement empêché
269
lésiastique, c’est vrai. Mais il était inévitable
et
normal que ce type de relations influençât peu à peu toutes les autre
270
t peu à peu toutes les autres relations humaines,
et
en particulier les relations politiques. Toute l’histoire de l’Europe
271
e à partir de cette constatation : que les formes
et
structures des Églises ont toujours précédé et ont en quelque sorte c
272
es et structures des Églises ont toujours précédé
et
ont en quelque sorte contaminé les formes et structures politiques. N
273
cédé et ont en quelque sorte contaminé les formes
et
structures politiques. Nous en verrons quelques exemples. Quelle fut
274
politique de la doctrine calvinienne de l’Église
et
des vocations personnelles ? Je n’hésite pas à le dire : c’est le féd
275
furent les régimes qui persécutèrent la Réforme ?
Et
quelle fut l’action historique des hommes d’État réformés ? Partout,
276
historique des hommes d’État réformés ? Partout,
et
dès le début, l’obstacle principal à la Réforme, ce fut l’absolutisme
277
éforme, ce fut l’absolutisme, la passion unitaire
et
centralisatrice, tant chez les papes que chez les princes. Et partout
278
atrice, tant chez les papes que chez les princes.
Et
partout, les chefs protestants quand ils le purent, proposèrent au co
279
rent, proposèrent au contraire des plans d’allure
et
d’intention nettement fédéralistes. L’absolutisme, la confusion des p
280
absolutisme, la confusion des pouvoirs politiques
et
spirituels, nous les trouvons chez un Charles-Quint, chez un Philippe
281
un Charles-Quint, chez un Philippe II d’Espagne,
et
en France dans le parti des Guise, dans la Ligue. Plus tard, c’est ce
282
mot d’ordre unitaire : une foi, une loi, un roi.
Et
l’on célébrera « la France toute catholique sous le règne de Louis le
283
chronisée, centralisée, déjà presque totalitaire,
et
vidée de ses meilleures forces créatrices. Mais dès que le parti prot
284
agisse de la Transylvanie convertie au calvinisme
et
qui devient l’âme de la résistance au centralisme des Habsbourg, qu’i
285
une manière plus vague, des États-Unis d’Amérique
et
de l’Empire anglais avec ses libres dominions, — partout l’on voit le
286
, — partout l’on voit les protestants revendiquer
et
appliquer un système politique souple et vivant, respectueux des dive
287
endiquer et appliquer un système politique souple
et
vivant, respectueux des diversités, c’est-à-dire fédéraliste. Les syn
288
ume, avec large autonomie des communes à la base,
et
au sommet, contrôle du pouvoir royal par un organe plus ou moins insp
289
plus ou moins inspiré du stathoudérat hollandais.
Et
n’est-ce pas le huguenot Sully qui, le premier, sous Henry IV, conçut
290
rouvaient le besoin de se fédérer contre l’Empire
et
contre Rome, et cela se vérifie souvent au xvie siècle. Mais je main
291
oin de se fédérer contre l’Empire et contre Rome,
et
cela se vérifie souvent au xvie siècle. Mais je maintiens que la cau
292
à la fois le respect des diversités en politique,
et
le respect des personnes dans la vie privée. L’un entraîne l’autre, l
293
des personnes, dit préoccupation de les éduquer.
Et
vous savez que les problèmes d’éducation furent dès le début le grand
294
e prédispose les peuples protestants à comprendre
et
à soutenir les régimes fédéralistes. L’homme ne vaut rien par lui-mêm
295
à cause de sa vocation qu’il est à la fois libre
et
engagé, autonome et pourtant responsable au sein de la communauté. Ai
296
ion qu’il est à la fois libre et engagé, autonome
et
pourtant responsable au sein de la communauté. Ainsi le citoyen calvi
297
Ainsi le citoyen calviniste, qui vit profondément
et
quotidiennement cette doctrine peut-il comprendre mieux que tout autr
298
aines notions fondamentales telles que l’individu
et
la personne, abordons notre siècle et l’histoire présente. Car en déf
299
l’individu et la personne, abordons notre siècle
et
l’histoire présente. Car en définitive, c’est de cela qu’il s’agit. L
300
’aujourd’hui les positions civiques de la Réforme
et
sa morale personnaliste ? Calvin, vous le savez, ne s’est jamais préo
301
reprises sur le fait que monarchies, oligarchies
et
républiques sont également voulues de Dieu et doivent être obéies com
302
ies et républiques sont également voulues de Dieu
et
doivent être obéies comme telles. Une fois cependant il marque une pr
303
est celui-là où il y a une liberté bien tempérée
et
pour durer longuement. » Il me semble que le spectacle de l’Europe co
304
Europe contemporaine donne raison au réformateur.
Et
je ne crois pas être infidèle à sa pensée en y ajoutant cette précisi
305
, mais bien la condition qu’il ménage à l’Église,
et
l’idée de l’homme qu’il suppose. C’est en nous plaçant à ce double po
306
à ce double point de vue : condition de l’Église
et
condition de l’homme, que nous pourrons le mieux départager les deux
307
upe est celui des nations qui respectent l’Église
et
la personne. Nous y trouvons des formes de gouvernement aussi dispara
308
ux républiques démocratiques seulement, la Suisse
et
la France ; et enfin trois semi-dictatures : Pologne, Hongrie et Port
309
démocratiques seulement, la Suisse et la France ;
et
enfin trois semi-dictatures : Pologne, Hongrie et Portugal. (On ose à
310
et enfin trois semi-dictatures : Pologne, Hongrie
et
Portugal. (On ose à peine parler des Tchèques, déjà plus qu’à moitié
311
dès qu’ils sont assez forts pour lever le masque,
et
leur mépris de la personne. Voici, à mon avis, les causes de ces deux
312
deux phénomènes. En Russie, en Allemagne, à Rome
et
en Espagne, la distinction entre l’Église et l’État n’avait jamais ét
313
Rome et en Espagne, la distinction entre l’Église
et
l’État n’avait jamais été établie d’une manière satisfaisante. Le tsa
314
tsar par exemple, était à la fois chef de l’État
et
chef de l’Église : c’est ce qu’on nomme le césaropapisme. D’autre par
315
mmer souffraient, eux aussi, à des degrés divers,
et
pour mille raisons très complexes, de l’un ou l’autre de ces maux. La
316
’autre de ces maux. La coupure entre le spirituel
et
le temporel n’y était pas faite au bon endroit, ou mal faite, ou pas
317
ésultait, dans le peuple, le sentiment que l’État
et
l’Église formaient un tout et constituaient à eux deux le Pouvoir. Re
318
entiment que l’État et l’Église formaient un tout
et
constituaient à eux deux le Pouvoir. Renverser l’un, c’était donc fat
319
un, c’était donc fatalement s’attaquer à l’autre.
Et
le chef de la révolution triomphante dans chacun de ces pays, se trou
320
on compte à la fois l’autorité d’un chef d’Église
et
le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’une Révolution copie touj
321
centralistes comme les Rois. Ainsi encore Staline
et
Hitler se firent césaropapistes comme les régimes qu’ils venaient d’a
322
ces régimes tyranniques fut largement facilitée,
et
même appelée, par l’absence dans tous ces pays d’élites civiques cons
323
es de leur mission. Dans un essai publié en 1928,
et
intitulé L’Espagne invertébrée, le grand écrivain espagnol Ortega y G
324
n’hésite pas à comparer sous ce rapport l’Espagne
et
la Russie. « Fort différentes sur beaucoup de points, écrit-il, elles
325
les souffrent toutes les deux d’un manque évident
et
permanent d’individualités marquantes, … de personnalités autonomes.
326
lités marquantes, … de personnalités autonomes. »
Et
de la sorte, Ortega laisse entendre que le destin de ces pays, du fai
327
intenu avec rigueur la distinction entre l’Église
et
l’État, et que d’autre part il a toujours favorisé le développement d
328
rigueur la distinction entre l’Église et l’État,
et
que d’autre part il a toujours favorisé le développement de la person
329
toujours favorisé le développement de la personne
et
donc la formation d’élites civiques actives et responsables, on compr
330
ne et donc la formation d’élites civiques actives
et
responsables, on comprendra sans peine le fait suivant qui, à ma conn
331
ne autre correspondant à l’Allemagne luthérienne,
et
deux autres correspondant à l’Italie et à l’Espagne catholiques, alor
332
hérienne, et deux autres correspondant à l’Italie
et
à l’Espagne catholiques, alors qu’il n’en existe point qui se soit dé
333
du, que le calvinisme ne puisse dévier lui aussi,
et
soit sans défauts. Mais cela signifie que ses défauts et déviations n
334
sans défauts. Mais cela signifie que ses défauts
et
déviations n’entraînent pas cette conséquence-là. Lorsque la religion
335
eure. Car en effet, une opposition aussi radicale
et
aussi exacte entre la mentalité totalitaire et la mentalité calvinist
336
le et aussi exacte entre la mentalité totalitaire
et
la mentalité calviniste, va nous permettre une confrontation utile de
337
tion utile des deux doctrines. Je dis bien utile,
et
non pas simplement intéressante. Je ne fais pas ici, vous le sentez b
338
ous le sentez bien, une description désintéressée
et
académique de divers régimes également soutenables dans l’abstrait. J
339
comme une menace terrible pour notre civilisation
et
plus encore pour nos Églises. Je considère que nous n’avons plus le d
340
e gauche ou de droite, alors qu’il est du diable,
et
que c’est en chrétiens que nous avons maintenant à nous défendre, dan
341
est de connaître l’adversaire afin de reconnaître
et
de tuer les plus secrètes complicités qu’il a su ménager dans nos cœu
342
en premier lieu vaincre l’adversaire en soi-même,
et
pour cela, savoir le dépister. Connaître la religion totalitaire, c’e
343
e de l’attitude qu’il prend vis-à-vis de l’Église
et
du fait religieux en général. Un régime est totalitaire lorsqu’il pré
344
traliser radicalement tous les pouvoirs temporels
et
toute l’autorité spirituelle. Il se transforme alors en une religion
345
, ou encore en une politique d’allure religieuse.
Et
d’autant plus que la religion qu’il adopte est, comme dans le cas des
346
qu’il adopte est, comme dans le cas des fascismes
et
du communisme, une religion de l’ici-bas, une religion sans transcend
347
divergent plus du tout des buts de la politique,
et
même se confondent avec eux. Alors il n’y a plus de recours, plus de
348
que c’est lui qui l’a créée pour ses seules fins,
et
qu’il n’existe rien au-delà. Pour définir une telle communauté, repre
349
à pourquoi elle est intolérante au suprême degré,
et
plus qu’intolérante : on ne peut même pas s’y convertir ! Si l’on n’a
350
es morts ? Religion du sang, religion de la terre
et
des morts, religion sanglante et mortelle, religion des choses vieill
351
gion de la terre et des morts, religion sanglante
et
mortelle, religion des choses vieilles, mortes et enterrées depuis de
352
et mortelle, religion des choses vieilles, mortes
et
enterrées depuis des millénaires, jamais passées, et qui réclament en
353
enterrées depuis des millénaires, jamais passées,
et
qui réclament encore du sang, des morts, des cortèges funèbres, des c
354
À nous maintenant de rester vigilants, exigeants
et
vigilants, même et surtout sur des points qui paraissent actuellement
355
de rester vigilants, exigeants et vigilants, même
et
surtout sur des points qui paraissent actuellement de peu d’importanc
356
te ici, chez nous, la vertu régénératrice du sang
et
le culte des morts sacrés, même s’il s’agit, comme c’est le cas, de m
357
ions du monde, d’une défense spirituelle du pays.
Et
je suis le premier à l’approuver. Mais lorsque l’on fonde cette défen
358
pieds joints dans la fatale confusion du temporel
et
du spirituel. Parler d’une Suisse chrétienne quand beaucoup de Suisse
359
re lancé, ce ne peut être que par l’Église seule,
et
non par un parti, et non par l’État fédéral. Une « Suisse chrétienne
360
être que par l’Église seule, et non par un parti,
et
non par l’État fédéral. Une « Suisse chrétienne », ce serait une Suis
361
aient chrétiens. En attendant, sachons maintenir,
et
étendons plus que jamais la distinction strictement calviniste entre
362
rictement calviniste entre les droits de l’Église
et
ceux de l’État. Beaucoup de choses en dépendent, pour l’avenir immédi
363
de choses en dépendent, pour l’avenir immédiat !
Et
enfin, sur le plan politique, essayons de comprendre une bonne fois l
364
termes. Ceux qui disent : « Centralisons tout »,
et
ceux qui disent : « chacun pour soi », prouvent ainsi les uns et les
365
ent : « chacun pour soi », prouvent ainsi les uns
et
les autres, qu’ils n’ont pas encore bien compris le paradoxe vivant q
366
personne : celui de la liberté ou de l’autonomie,
et
l’on a tout réduit à l’autre pôle : celui de l’engagement social. L’h
367
nt social. L’homme étant totalement engagé, corps
et
esprit, dans les rouages de l’État, et cet État ne reconnaissant plus
368
agé, corps et esprit, dans les rouages de l’État,
et
cet État ne reconnaissant plus aucune autorité qui transcende et limi
369
reconnaissant plus aucune autorité qui transcende
et
limite son pouvoir, il n’y a plus aucun recours de l’individu à l’abs
370
des milliers de petits Führer — mais c’est l’État
et
sa mystique qui les créent. On ne leur laisse d’initiative que dans l
371
n extérieure, c’est-à-dire un individu embrigadé,
et
non pas une vocation. Milliers de masques durs, volontairement durcis
372
reste pure ! Car de même que le culte de la terre
et
des morts, pour peu qu’il vienne à s’accentuer, risque de nous condui
373
me créateur de personnalités. Notre danger intime
et
permanent, c’est le moralisme, le culte de nos vertus utilisées pour
374
é, comme on dit, « une pépinière d’individualités
et
de caractères bien trempés », nous courons le risque d’oublier que la
375
sur un individu qui ne croit plus à sa vocation,
et
qui a simplement été formé par une éducation et une ambiance protesta
376
, et qui a simplement été formé par une éducation
et
une ambiance protestante. Il y a trop de ces gloires dites protestant
377
és. Cela constitue dans la cité des tissus sains,
et
c’est une sauvegarde appréciable contre la contamination totalitaire.
378
ité, si grande soit-elle, devant Dieu c’est zéro.
Et
si l’on se borne au social, il faut prévoir que ces personnalités, ce
379
s laissons tarir les sources vives de la Réforme.
Et
puis, une personnalité en soi, sans vocation, ce n’est rien de plus,
380
la Réforme pour ne garder que ses vertus humaines
et
activistes. Et c’est pourquoi l’on a pu dire que le calvinisme était
381
ne garder que ses vertus humaines et activistes.
Et
c’est pourquoi l’on a pu dire que le calvinisme était à l’origine du
382
ance pratique de cette distinction entre personne
et
personnalité. Hitler peut former, lui aussi, des personnalités énergi
383
nt ses véritables adversaires, les seuls sérieux,
et
il le sait ! Si Niemöller est dans un camp de concentration, prisonni
384
r, dans le concret, la distinction entre personne
et
personnalité. Je ne vois aucune raison de lui laisser le bénéfice exc
385
e sa doctrine représente, en sa pureté, le centre
et
l’axe même de la notion chrétienne de la personne, à la fois libre et
386
notion chrétienne de la personne, à la fois libre
et
engagée. Il en résulte alors que la Réforme, et spécialement sa tenda
387
e et engagée. Il en résulte alors que la Réforme,
et
spécialement sa tendance calviniste, est appelée à figurer, dans notr
388
e charge ? Simplement, mais aussi rigoureusement,
et
dans toute la virulence du terme, redevenir de véritables protestants
389
rendre au sérieux la doctrine réformée de l’homme
et
de l’État. Ceci ne signifie pas que l’Église ait à proposer un progra
390
e doit marquer en toute clarté certaines limites,
et
, d’autre part, qu’elle ne doit pas hésiter à appuyer certaines revend
391
s du hic et nunc chrétien. Or il se trouve qu’ici
et
maintenant, notre situation ressemble fort à celle qu’eut à résoudre
392
combat contre l’esprit collectiviste, mais aussi
et
d’abord contre les déviations humanistes de la personne : transformon
393
dualistes en démocraties vraiment personnalistes.
Et
surtout, n’oublions jamais que l’ennemi qui se dresse devant nous, c’
394
mi qu’il porte en lui-même. Car un ennemi visible
et
extérieur, ce n’est jamais que l’incarnation d’une possibilité secrèt
395
souffre dans son cœur. Alors seulement, purifiés
et
lucides, quand nous aurons repris conscience de notre force véritable
396
mois de janvier 1939 à Bâle, Neuchâtel, Lausanne
et
Genève. l. Rougemont Denis de, « Le protestantisme créateur de pers
397
x de nos mœurs, notre fameuse méfiance du décorum
et
des attitudes concertées, nécessite et provoque une réaction qui trou
398
du décorum et des attitudes concertées, nécessite
et
provoque une réaction qui trouverait sur la scène son lieu privilégié
399
théâtre satisfait au premier chef ? Je ne sais ;
et
m’en tiendrai donc au seul problème du théâtre actuel. Nous voyons na
400
re des masses sur les ruines de l’individualisme,
et
cela dans tous les domaines, dans la culture non moins que dans la po
401
individuels font place aux mythes collectivistes,
et
la pièce à trois personnages au jeu sacral et militaire. Tout récemme
402
es, et la pièce à trois personnages au jeu sacral
et
militaire. Tout récemment, le chef d’un des États voisins posait la p
403
stes visibles, sur cette scène, seront les masses
et
leurs insignes. Le théâtre individualiste analysait les conflits inté
404
nations. Or, nous n’avons pas de grandes villes,
et
nous ne sommes pas une grande nation. La seule voie qui nous reste ou
405
la structure communautaire de notre Confédération
et
de chacun de nos cantons. J’essaierai de concrétiser ce point de vue
406
de 1939 — par les dimensions de la scène prévue,
et
les ressources disponibles dans le canton qui devait prendre la charg
407
canton qui devait prendre la charge du spectacle.
Et
voici, quelque peu schématisée, la solution où je suis parvenu. Parmi
408
nécessité de recourir à des chœurs, qui peuplent
et
animent de grands espaces, tout en concentrant l’attention sur un ou
409
de beaucoup le plus facile à recruter en Suisse,
et
particulièrement dans le canton de Neuchâtel, qui m’a demandé d’écrir
410
hœurs mixtes de premier ordre à La Chaux-de-Fonds
et
au Locle ; un chœur d’enfants dans la région de Neuchâtel ; enfin un
411
ame, une masse chorale qui représentera le Monde,
et
qui agira sur le degré inférieur de la scène à trois plans dont j’ai
412
t avec le chœur d’enfants : ce seront les Suisses
et
les enfants de Nicolas. Enfin un petit chœur caché derrière le degré
413
représentera les voix célestes, appelant Nicolas
et
le réconfortant. La structure même de la scène commandera le mouvemen
414
cte, le monde vient à lui : les chœurs gravissent
et
redescendent les escaliers qui conduisent du plan 1 au plan 3. Au tro
415
isse comme résultant de la conjonction du cortège
et
de la cantate (voir l’intéressant article d’Édouard Combe sur le Fest
416
on texte à des éléments spectaculaires trop lents
et
trop vastes, qui accaparent toute l’attention. Je suis donc parti du
417
supporter l’amplification par les haut-parleurs.
Et
la musique intervient soit pour souligner le sentiment qui se dégage
418
s qu’en génie créateur. Le travail de préparation
et
de répétition de ce spectacle est d’ailleurs venu justifier le calcul
419
es cousant des costumes ; choristes des montagnes
et
du vignoble — le fédéralisme ne perdit jamais ses droits, même à l’in
420
e ce drame. Mais indépendamment de cette valeur —
et
c’est bien cela qui me permet d’invoquer un exemple aussi personnel !
421
rs qu’en Suisse, il n’eût été possible d’imaginer
et
de réaliser un spectacle de cette envergure, et de le rendre populair
422
r et de réaliser un spectacle de cette envergure,
et
de le rendre populaire. Ce sont les conditions proprement suisses, et
423
laire. Ce sont les conditions proprement suisses,
et
plus précisément fédéralistes, de ce théâtre communautaire qu’il m’a
424
our moi-même mes impressions sur ce que je voyais
et
sur ce que j’entendais, pendant un séjour de huit mois dans une grand
425
N’importe. Il ne faut pas craindre de le répéter,
et
surtout de le faire bien comprendre. Les nazis, eux, ont compris que
426
taire à moitié. Il lui faut la fameuse confiance,
et
une confiance disciplinée, à toute épreuve. Seule, la mystique nation
427
t apparaître un petit homme au sourire extatique.
Et
tandis que cet homme s’avance lentement, en saluant d’un geste épisco
428
n geste épiscopal, quarante mille bras se lèvent,
et
le tonnerre rythmé des heil commence. Et cela dure plusieurs minutes,
429
lèvent, et le tonnerre rythmé des heil commence.
Et
cela dure plusieurs minutes, ce qui est très long, jusqu’à ce que com
430
est qu’on ne tire pas sur un homme qui n’est rien
et
qui est tout. On ne tire pas sur un petit-bourgeois qui est le rêve d
431
lois économiques, les forces relatives des partis
et
des classes avant 1933, les circonstances politiques de l’Europe, le
432
ion d’une communauté autour d’un sentiment sacré.
Et
ce n’est pas la soif d’une tyrannie, au sens politique et légal, qui
433
est pas la soif d’une tyrannie, au sens politique
et
légal, qui a jeté l’Autriche dans les bras du Führer. Mais c’est l’at
434
ord que le régime hitlérien est né de la pauvreté
et
du malheur de son pays — ce qui est très juste. Mais il ajoute : « La
435
ui est très juste. Mais il ajoute : « La pauvreté
et
le malheur ne peuvent expliquer que des phénomènes extérieurs. La rai
436
d. Nous voulions croire à l’immortalité du peuple
et
peut-être réussirons-nous à y croire. » Voilà qui dit bien où est la
437
ra que la foi. Mais la vraie lutte commence là. »
Et
je crois toujours que le problème est là : c’est celui d’une renaissa
438
tarien belliqueux qui ressemble à Charlie Chaplin
et
qui est doué d’une voix de stentor fanatique, particulièrement désagr
439
nt au contraire que le Führer est un homme simple
et
bon, quoique énergique, sorti du peuple, assoiffé de justice, restaur
440
justice, restaurateur de la puissance allemande,
et
redresseur de tous les torts : le pur des purs. En présence des bruta
441
u Roi avant la révolution de 1789. Au panégyrique
et
à la caricature, j’opposerai ici un témoignage limité, mais authentiq
442
uthentique. J’ai entendu Hitler pendant une heure
et
demie, à peu de distance de sa tribune, et je l’ai vu à la sortie de
443
heure et demie, à peu de distance de sa tribune,
et
je l’ai vu à la sortie de cette « manifestation monstre », — de ce cu
444
pressentir l’inconsciente angoisse de son peuple,
et
incarner à ses yeux un symbole d’espérance, de vengeance et de force
445
r à ses yeux un symbole d’espérance, de vengeance
et
de force collective. Un tel génie ne compte plus en tant qu’individu.
446
alités propres, de vices ou de vertus, comme vous
et
moi ; il n’a que les vertus symboliques de l’Allemand moyen. Il ne po
447
en. Il ne possède rien en propre, matériellement,
et
ne détient aucun pouvoir précis, aucun portefeuille dans le gouvernem
448
st d’inspiration, d’arbitrage entre les factions,
et
de prestige.) Il ne veut être appelé ni dictateur, ni maréchal, ni ro
449
ni dictateur, ni maréchal, ni roi, ni président,
et
il insiste sur ce point. Il n’avait même pas d’état civil allemand lo
450
inir ». Celui, comme je le disais, qui n’est rien
et
qui est tout. Un lieu de passage des forces de l’Histoire, le catalys
451
rces, qui sont là dressées devant vous, suscitées
et
coalisées par sa parole brutale et envoûtante. Et maintenant, vous po
452
ous, suscitées et coalisées par sa parole brutale
et
envoûtante. Et maintenant, vous pourriez le supprimer sans rien détru
453
et coalisées par sa parole brutale et envoûtante.
Et
maintenant, vous pourriez le supprimer sans rien détruire de ce qui s
454
très bien qu’elle n’appartient pas à l’individu,
et
même qu’elle ne saurait se manifester qu’autant que l’individu ne com
455
ée de ces masses, de leur âme humiliée, misérable
et
déçue, et qui cherchait partout des raisons de croire et d’espérer, d
456
masses, de leur âme humiliée, misérable et déçue,
et
qui cherchait partout des raisons de croire et d’espérer, des raisons
457
e, et qui cherchait partout des raisons de croire
et
d’espérer, des raisons de se dévouer corps et âme à un absolu. Il s’e
458
ire et d’espérer, des raisons de se dévouer corps
et
âme à un absolu. Il s’est donné pour l’Absolu, la Providence, le Dest
459
, le Destin des Allemands. Il a fait des miracles
et
dit des prophéties — et elles se sont réalisées — non pas au nom du C
460
s. Il a fait des miracles et dit des prophéties —
et
elles se sont réalisées — non pas au nom du Christ, mais au nom des i
461
nom de la race aryenne, de l’orgueil germanique,
et
de la foi nationaliste. Or, nous savons par l’Ancien Testament que le
462
qui annonce aux hommes le règne de l’Homme fort,
et
non la gloire du Dieu vivant. C’est pourquoi notre vraie défense cont
463
hef de l’Église confessante (Union des luthériens
et
calvinistes allemands), le pasteur Martin Niemöller, est actuellement
464
hrer pour dix ans. Cas unique, à ma connaissance,
et
qui revêt une signification extraordinaire dans sa simplicité. Mieux
465
truchement de vulgarisateurs qui les trahissent),
et
les éditeurs (qui s’efforcent plutôt de refléter que de guider les go
466
je ne retiens que ceux qui répondent sérieusement
et
par principe aux lettres de lecteurs : un Gide, un Claudel… Ils sont
467
t les médecins de famille : ce n’est pas nouveau.
Et
les psychanalystes : c’est pratiquement limité au très petit nombre d
468
conséquence nécessaire de notre anarchie morale.
Et
cette anarchie résulte elle-même de la multiplicité et de l’impuissan
469
tte anarchie résulte elle-même de la multiplicité
et
de l’impuissance des ersatz de prêtres et de pasteurs que vous énumér
470
plicité et de l’impuissance des ersatz de prêtres
et
de pasteurs que vous énumérez. II. Mon principal directeur de c
471
nt tout se préoccuper de le prendre là où il est,
et
commencer là. Voilà le secret de tout secours… Pour aider réellement
472
s est défini par deux points : le point de départ
et
le point d’arrivée. Ou, selon les termes de Kierkegaard : le directeu
473
n, doit d’abord « prendre l’homme là où il est »,
et
ensuite, il doit « en savoir davantage que lui », c’est-à-dire qu’il
474
éel. La direction de conscience perd toute valeur
et
tout sens, donc cesse d’exister comme direction, dès que l’on perd de
475
Point de direction de conscience sans orthodoxie.
Et
à l’inverse ; dès qu’une orthodoxie se remet à sévir, la fonction de
476
situation complexe où il se trouve, au but final
et
simple assigné à sa vie. Or nous voyons au xxe siècle plusieurs « or
477
, ou de la Race, ou de l’Empire, ou de la Nation,
et
elles entendent expressément subordonner toutes les activités de l’ho
478
; elles leur imposent des déformations violentes
et
littéralement monstrueuses. Sur quoi vous proposez, bien entendu, « l
479
ie « universaliste », seule capable de « dépasser
et
dominer » ces pseudo-solutions partielles à prétentions totalitaires.
480
-solutions partielles à prétentions totalitaires.
Et
en effet, une doctrine réellement universaliste, c’est-à-dire embrass
481
plénitude. Un universalisme est donc souhaitable.
Et
tout le monde est d’accord pour le souhaiter. Mais qui peut « invente
482
iter. Mais qui peut « inventer » une orthodoxie ?
Et
surtout « universaliste » ? Il y faudrait un homme universel, nouvel
483
faudrait un homme universel, nouvel Adam indemne
et
pur, libre de toute partialité, donc sachant tout sans expérience, et
484
te partialité, donc sachant tout sans expérience,
et
qui, vainqueur du temps, verrait d’un seul regard nos origines et nos
485
r du temps, verrait d’un seul regard nos origines
et
nos fins dernières, d’où nous venons, où nous allons… À son défaut, t
486
rsalisme concevable, descriptible, à notre portée
et
à notre disposition, c’est-à-dire ayant son fondement dans le plan te
487
devenir le point de convergence de tous nos actes
et
de tous nos espoirs. Mais alors, c’est un objet de foi, car il échapp
488
la foi chrétienne est universaliste dans son élan
et
dans son espérance au-delà des diversités confessionnelles et dogmati
489
espérance au-delà des diversités confessionnelles
et
dogmatiques3. Elle est réellement totalitaire, parce qu’elle attend d
490
totalitaire, parce qu’elle attend dans la prière
et
l’obéissance la Rédemption de toute vie créée, la plénitude universel
491
je n’entends pas parler d’un retour à une église,
et
encore moins d’un retour au christianisme. Ce serait émettre un non-s
492
t qui dit : « Viens ! » au terme de l’Apocalypse.
Et
c’est ce mouvement-là qui crée l’Église quand il entraîne « deux ou t
493
t au-delà du monde, dans l’Éternel qu’elle espère
et
qu’elle prie, et vers lequel elle s’ouvre à l’infini. « Et l’Esprit e
494
e, dans l’Éternel qu’elle espère et qu’elle prie,
et
vers lequel elle s’ouvre à l’infini. « Et l’Esprit et l’Épouse disent
495
e prie, et vers lequel elle s’ouvre à l’infini. «
Et
l’Esprit et l’Épouse disent : Viens ! Et que celui qui entend dise :
496
ers lequel elle s’ouvre à l’infini. « Et l’Esprit
et
l’Épouse disent : Viens ! Et que celui qui entend dise : Viens. Que c
497
nfini. « Et l’Esprit et l’Épouse disent : Viens !
Et
que celui qui entend dise : Viens. Que celui qui a soif vienne, que c
498
ens confessants peuvent connaître la vraie nature
et
la signification, et cela dans la seule mesure où ils s’efforcent de
499
nt connaître la vraie nature et la signification,
et
cela dans la seule mesure où ils s’efforcent de le surmonter. q. Ro
500
t au monde une œuvre nouvelle. Un seul coup d’œil
et
on les reconnaît : puissant, massif, les cheveux noirs en bataille, l
501
if, les cheveux noirs en bataille, le geste large
et
le sourire généreux, voici Honegger, le musicien. À ses côtés, plus r
502
, plus replié sur lui-même, le regard intelligent
et
un visage buriné par de longues méditations, voici Denis de Rougemont
503
es placards. Une rangée de pipes — toutes espèces
et
toutes tailles — en disent long sur la méditation qui a conduit à mat
504
t. Elle sera représentée à l’Exposition de Zurich
et
offerte au public suisse par le canton de Neuchâtel. Il y a quelque c
505
lèbres de son temps — suisse, ne l’oublions pas —
et
par un des écrivains les plus intelligents de sa génération. Neuchâte
506
nts de sa génération. Neuchâtelois de naissance —
et
d’origine. Bel exemple de fédéralisme. Notre Nicolas de Flue compre
507
répond Denis de Rougemont à une de mes questions.
Et
ces différences sont ? Il a fallu se plier aux conditions données par
508
fondeur. Tout ce qui est inutile devient ennuyeux
et
lourd, car il ne faut pas songer au talent des acteurs pour sauver un
509
t des acteurs pour sauver un texte si besoin est…
Et
pourquoi donc ? La scène de Zurich est immense et se trouve dans une
510
Et pourquoi donc ? La scène de Zurich est immense
et
se trouve dans une salle ouverte. En outre, la scène comprend trois é
511
tat d’une action individualiste, mais collective.
Et
comment avez-vous traduit, dans la pratique, ces nécessités ? M. Deni
512
ue. Il évolue du plan inférieur au plan supérieur
et
entraîne avec lui un des composants du spectacle, soit la foule, soit
513
eut dire ainsi. Ses paroles sont très concentrées
et
expriment une vérité massive qui doit frapper le public… D’ailleurs c
514
éral si net qu’elles prennent, de par leur esprit
et
leur forme, une actualité vivante. Mais comment faites-vous pour isol
515
as de Flue. On le met en vedette par des lumières
et
les autres composants restent dans la pénombre… Je précise encore que
516
mbre… Je précise encore que la salle est ouverte,
et
que la légende sera plus collective qu’individuelle. Maintenant, je m
517
a suivi, la pipe à la bouche, notre conversation.
Et
la musique ? D’abord, je vous dirai qu’il y a 30 parties musicales et
518
ord, je vous dirai qu’il y a 30 parties musicales
et
que le choral du premier acte par exemple forme le centre même de l’a
519
eront l’acteur numéro 1 du spectacle. Exactement.
Et
j’ai composé ma musique en tenant compte de cette particularité. Les
520
s chœurs s’expriment comme les chants d’oratorios
et
la musique les soutiendra. Seul un mot, parfois une phrase, émergera
521
nore. Ce sera comme un cri répété plusieurs fois.
Et
la conversation continue longuement sur les thèmes toujours riches de
522
st la joie qu’ils ont eue à créer une œuvre saine
et
forte. C’est aussi l’inquiétude d’en connaître les résultats. Qu’ils
523
ils se rassurent ! Quand on a œuvré avec son cœur
et
sa probité artistique, le public apprécie et s’incline. Cette résurre
524
cœur et sa probité artistique, le public apprécie
et
s’incline. Cette résurrection de Nicolas de Flue le prouvera en même
525
mps qu’elle donnera une grande leçon de tolérance
et
d’humanité. s. Rougemont Denis de, « [Entretien] Nicolas de Flue v
526
Du mythe de Tristan
et
Iseut à l’hitlérisme (14 juillet 1939)u v Il était juste que Denis
527
llectuel en chômage », qui traîna ses méditations
et
sa machine à écrire de la Vendée en Languedoc, et de la province à Pa
528
et sa machine à écrire de la Vendée en Languedoc,
et
de la province à Paris, installé dans ses meubles, avec une suspensio
529
s, installé dans ses meubles, avec une suspension
et
des draperies qui lui appartinssent en propre ?… Le voici à Paris pou
530
sent en propre ?… Le voici à Paris pour ma chance
et
fort Parisien, à ce qu’il me semble. Entre deux averses de cet été in
531
du petit jardin de la NRF. C’est un lieu ordonné
et
aménagé avec goût comme tout ce qui touche à la maison de la rue Séba
532
ure de géraniums rouges offre à l’œil un opportun
et
gracieux point d’appui. Tout invite à un entretien parfait. Tout, jus
533
ient de paraître dans la collection de la Pléiade
et
qui, posé sur la table, imprime à notre rencontre la note de la maiso
534
se faire dans la littérature une place bien à lui
et
qui n’est pas des moindres. Ce fils de la libre Suisse, qui a hérité
535
de la libre Suisse, qui a hérité de la conscience
et
du sérieux de ceux de sa race, qui s’attelle aux problèmes avec convi
536
lon, possède en même temps une ironie affectueuse
et
amusée qui allège ce que ses sujets et sa manière risqueraient d’avoi
537
ffectueuse et amusée qui allège ce que ses sujets
et
sa manière risqueraient d’avoir de légèrement pédant. Denis de Rougem
538
is de Rougemont anime les plus arides méditations
et
donne des ailes à la plus austère exégèse. Peut-être est-ce parce qu’
539
venue lui parler de l’amour, ou plutôt de L’Amour
et
l’Occident, son dernier livre. Si ma question ne vous paraît pas trop
540
Je songe au Journal d’un intellectuel en chômage,
et
surtout au Journal d’Allemagne qui fut accueilli avec une telle faveu
541
es les plus brûlants de la société d’aujourd’hui,
et
c’est surtout à cet aspect de la question que j’ai songé en me mettan
542
faire un livre court traitant du mythe de Tristan
et
de la décadence de la conception du mariage. Les idées me sont venues
543
stan avec la tradition courtoise, les troubadours
et
le catharisme. C’est ainsi que les livres II à V de L’Amour et l’Occ
544
me. C’est ainsi que les livres II à V de L’Amour
et
l’Occident , consacrés aux origines religieuses du mythe, à passion e
545
crés aux origines religieuses du mythe, à passion
et
mysticisme, au mythe dans la littérature, à l’amour et la guerre, ont
546
sticisme, au mythe dans la littérature, à l’amour
et
la guerre, ont été trouvés en cours de route. Mais les hypothèses his
547
e nous des silences qui me font dire qu’il a fini
et
que je dois poser une question. Mais non, le voici qui reprend. Au dé
548
ne songeais qu’au problème individuel de l’amour
et
du mariage. C’est en creusant les conceptions sociologiques, peut-êtr
549
t-être sous l’influence du Collège de sociologie,
et
en partant non plus des relations économiques, mais de ce qui est sac
550
st une légende reprise dans cinq textes officiels
et
certainement dans de plus nombreuses versions non connues. D’où vient
551
ur ? J’ai cherché ce qui lui ressemblait le plus,
et
j’ai trouvé que c’était la poésie des troubadours. Quant à savoir d’o
552
guedoc, en Provence, dans une partie de l’Espagne
et
de l’Italie, le mouvement cathare. D’après ce que nous en savons, il
553
ers d’entre eux. C’est sur des faits de cet ordre
et
sur toute une série d’analogies dans l’expression, que j’ai fondé mon
554
La passion a des racines naturelles. L’antiquité
et
l’Orient connaissaient les mêmes germes, seulement la passion y était
555
siècle, sous l’influence de la mystique cathare
et
de la poésie des troubadours, la passion reçoit droit de cité. Elle p
556
avec plus ou moins de succès, le roman de Tristan
et
Iseut. Vous soutenez cette opinion paradoxale que Tristan et Iseut, c
557
ous soutenez cette opinion paradoxale que Tristan
et
Iseut, couple de parfaits amants, ne s’aimèrent pas. À la manière don
558
ous, il n’est pas de synthèse possible entre Éros
et
Agapè ? J’ai tenté une esquisse de synthèse à la fin de mon livre, en
559
vant de passer à la synthèse. En écrivant L’Amour
et
l’Occident, vous avez réhabilité les problèmes de la passion qui n’ét
560
e l’amour sans ironie comme sans sentimentalisme.
Et
j’ai surtout rencontré la faveur du public féminin content de voir ex
561
venu à envisager le parallélisme entre la guerre
et
l’amour ? Je ne peux me retenir plus longtemps de poser cette questio
562
is il n’existait pas de distinction entre l’amour
et
la guerre. Le lansquenet de l’ancien temps avait le goût de la guerre
563
ne espèce de jeu avec des règles, un commencement
et
une fin, ce qui est la définition même du jeu. Certes, on ne peut pas
564
ur. Les peuples les plus guerriers sont l’Espagne
et
la France ; l’Allemagne ne vient que loin derrière, — l’Allemagne d’a
565
? Il y a certainement une source commune à Hitler
et
aux romantiques allemands ; il y a certainement une analogie profonde
566
nde entre les réactions collectives des Allemands
et
les rêves d’un Allemand. Quand les formes se disloquent, le mythe n’e
567
en par le marxisme que par l’économie bourgeoise.
Et
cette négligence se venge maintenant en suscitant des mouvements pass
568
emont Denis de, « [Entretien] Du mythe de Tristan
et
Iseut à l’hitlérisme », Tribune de France. Hebdomadaire de la reconst
569
ar hasard un livre sur la vie de Nicolas de Flue.
Et
je tombai sur le récit de la Diète de Stans, c’est-à-dire sur le réci
570
ouffle, le peuple attend les cloches fatidiques :
et
d’un coup le même « Alléluia ! » parce qu’un homme a osé, quand tout
571
quand tout était perdu, croire encore au miracle
et
l’accomplir ! Le message de l’ermite du Ranft prenait en ce soir-là d
572
rouvé — Honegger, le puissant auteur du Roi David
et
d’Antigone — et dès le mois de mai de cette année, sous l’égide de l’
573
, le puissant auteur du Roi David et d’Antigone —
et
dès le mois de mai de cette année, sous l’égide de l’Institut neuchât
574
t neuchâtelois, 500 personnes, acteurs, choristes
et
figurants se mirent joyeusement à l’ouvrage pour réaliser le spectacl
575
réaliser le spectacle. Ce magnifique effort d’art
et
de patriotisme devait trouver son couronnement lors des deux journées
576
t su écarter. C’était l’échec tragique de Nicolas
et
du message fraternel que le drame allait nous redire. Et cependant no
577
essage fraternel que le drame allait nous redire.
Et
cependant nous n’avons pas perdu courage. La foi de Nicolas domine le
578
st encore le grand symbole de notre Confédération
et
de sa mission en Europe. Plus que jamais, dans ces heures sérieuses,
579
tées à votre intention par les acteurs, choristes
et
musiciens qui s’étaient préparés pour Zurich. (Compagnie de la Saint-
580
Compagnie de la Saint-Grégoire, Chorales du Locle
et
de La Chaux-de-Fonds, dirigées par M. Charles Taller, Fanfare des Arm
581
gros flocons humides sur un vallon du haut Jura.
Et
la neige fond dans la boue. Je débouche entre deux sapins pleureurs,
582
pé dans une toile de tente raidie par l’humidité.
Et
je constate que mes hommes ont cessé de creuser leur trou de mitraill
583
nfumer autour d’un feu de branches mortes, mornes
et
ronchonneurs, à la lisière d’un bois. J’essaie de les réconforter. Si
584
Silence, réprobation muette. Je prends une pioche
et
tape deux coups : la terre gicle sur mes joues glacées et sur mon cas
585
deux coups : la terre gicle sur mes joues glacées
et
sur mon casque. Les hommes me regardent, et ils ne rient même pas. L’
586
acées et sur mon casque. Les hommes me regardent,
et
ils ne rient même pas. L’un d’eux entre ses dents : « On se demande c
587
eurs, vous avez bien raison de vous le demander !
Et
je me le demande encore, devant ce papier blanc : pourquoi sommes-nou
588
tres d’ici commencent les tranchées de la guerre,
et
des hommes meurent. Pourquoi cette guerre, pourquoi ces morts ? Parce
589
allemandes, tchèques, slovaques ou ukrainiennes.
Et
pourquoi ne l’ont-ils pas su ? Parce que tous ils s’imaginaient — ou
590
ou croyaient devoir s’imaginer ! — que le bonheur
et
la force d’un peuple dépendent de sa grandeur physique, de sa mise au
591
ce que les peuples autour de nous font la guerre,
et
s’ils la font, c’est parce qu’ils n’ont pas su, comme nous les Suisse
592
illite retentissante des systèmes centralisateurs
et
gigantesques. C’est la guerre la plus antisuisse de toute l’histoire.
593
ite, attestée par le sang, que la solution suisse
et
fédérale est seule capable de fonder la paix, puisque l’autre aboutit
594
gent à le reconnaître avec une tragique évidence.
Et
c’est cela que nous avons à défendre : le seul avenir possible de l’E
595
ges, des conseils d’administration, notre confort
et
nos hôtels. D’autres — on sait qui — feraient marcher tout cela aussi
596
st pas non plus pour protéger nos « lacs d’azur »
et
nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la propagande se char
597
-même, de garder son trésor, d’affirmer sa santé,
et
de sauver son avenir. Si nous trahissons cette mission, si nous n’en
598
n Nocturne dans le théâtre goldonien de la Fenice
et
je me disais une fois de plus : j’écrirai quelque chose pour cet homm
599
uoi la guerre fit un pas lourd dans notre Europe,
et
cette approche assourdissante fascina tout entendement. C’est à ce mo
600
ettre mon casque ; enfin je n’avais pas de sujet,
et
je défiais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui fût de taille à
601
ista, je demandai trois jours « pour réfléchir »,
et
n’en fis rien. J’étais certain qu’avant le terme, la catastrophe régl
602
out. Sur quoi, le coup de téléphone que j’ai dit,
et
toute la vie qui se reprend à vivre, les délais à courir, le sujet à
603
n grand drame religieux au seuil de la Réforme, —
et
déjà des dialogues esquissés, ces relations faites par des pèlerins m
604
: la cellule silencieuse de l’ermite, au centre,
et
tout autour le jeu bruyant du monde, et ces deux files de pèlerins, l
605
u centre, et tout autour le jeu bruyant du monde,
et
ces deux files de pèlerins, l’une qui descend à droite, l’autre qui v
606
résistiblement, impitoyablement. Dans l’obscurité
et
la fièvre, je perçois mille correspondances. Cette Diète de Stans où
607
écrite, bien entendu, mais tout entière organisée
et
déployée dans mon esprit. Elle ne s’est guère modifiée depuis lors. D
608
e suite au style lyrique monumental des prophètes
et
des psalmistes. Nul autre ne possède, dans notre tradition, cette vio
609
r à la fois à la déclamation d’un chœur en marche
et
au dialogue, forcément sans nuances, de personnages quasi mythiques.
610
e même de l’œuvre en marche. L’accord du musicien
et
de l’auteur était si parfaitement préétabli que je ne fus pas étonné
611
ques que j’avais inventés en composant mes chœurs
et
mes récitatifs, — et que je m’étais bien gardé de lui chanter ! On sa
612
ntés en composant mes chœurs et mes récitatifs, —
et
que je m’étais bien gardé de lui chanter ! On sait la suite : tout ét
613
sement fortuit d’une série de petits faits privés
et
d’une série de faits européens, devait subir, à partir de ce jour, le
614
tion. On voit la part déterminante que l’occasion
et
les données de fait ont joué dans cette création (scène de Zurich, ch
615
joué dans cette création (scène de Zurich, chœurs
et
fanfares disponibles en pays neuchâtelois). On devine aussi à quelles
616
rmi nous, foule, parmi nous. Descends ! clémente
et
pacificatrice — ô voix pareille à la rosée ! — Viens te poser sur le
617
n cris de joie ! Oui, tous en chœur, levez-vous
et
chantez ! Dans la paix que notre Dieu nous envoie Oui, tous, enco
618
otre Dieu nous envoie Oui, tous, encor, jubilez
et
riez ! Battez des mains, peuple, pour Nicolas, Unissez-vous à l’é
619
vous à l’éclat des fanfares Vous tous, au loin,
et
quiconque entendra : Louez la paix, mémorable victoire ! Alléluia
620
Nicolas de Flue : naissance d’un drame », Formes
et
couleurs, Lausanne, Noël 1939, p. 1-2.
621
er la Suisse de Manuel à l’Helvétie des manuels !
Et
qu’importe le calembour, s’il fait hésiter les corrects dans un pays
622
erre en Italie pour le plaisir d’un sang violent,
et
quand les lansquenets trichaient au jeu mortel, quand les canons détr
623
t l’art des armes, on rentrait écœuré mais libre,
et
l’on exhalait sa colère dans un chant débordant d’injures : « Tu mens
624
qui parle en ses Tragiques d’une nuit Où l’Amour
et
la Mort troquèrent leurs flambeaux. Par le pinceau, par l’épée et la
625
èrent leurs flambeaux. Par le pinceau, par l’épée
et
la plume, Manuel n’a cessé de provoquer la mort. Dans toute son œuvre
626
yrisme, elle tient le lieu de la passion d’amour,
et
c’est elle qu’il invite à la danse avec une fougue adolescente, une p
627
peur naïve, un courage chrétien. Mort des martyrs
et
mort bourgeoise, mort soldatesque et mort de carnaval, vierge, paysan
628
des martyrs et mort bourgeoise, mort soldatesque
et
mort de carnaval, vierge, paysanne, ou fille à lansquenets, c’est tou
629
sa vie : toujours vêtue aux couleurs de sa fièvre
et
de sa nouvelle aventure. Pourquoi les hommes les plus vivants de cett
630
mour ? Urs Graf, Holbein, Hans Kluber, Grünewald,
et
tant d’autres, connus ou anonymes, dira-t-on que ce fut leur romantis
631
antisme ? Mais non, le romantisme est littéraire,
et
ces hommes ont le regard net, accoutumé à taxer le réel avec une dure
632
Suisse est au sommet de son élan vers la conquête
et
la richesse ; au comble de sa gloire, et de son risque. Elle n’a jama
633
conquête et la richesse ; au comble de sa gloire,
et
de son risque. Elle n’a jamais été moins neutre, moins confinée dans
634
deur. Elle est sérieuse parce qu’elle est menacée
et
menaçante ; parce qu’elle est tout le contraire d’un pays d’« assurés
635
ut le contraire d’un pays d’« assurés ». Sérieuse
et
impétueuse, comme ceux qui savent que la vie n’est pas le but de la v
636
ut de la vie, qu’elle ne mérite pas de majuscule,
et
qu’elle est quelque chose qui doit brûler, flamber, et non pas rappor
637
’elle est quelque chose qui doit brûler, flamber,
et
non pas rapporter du trois pour cent. Sérieuse comme ce qui compte av
638
ce qui compte avec l’esprit, — avec la profondeur
et
la hauteur sans quoi toute vie demeure plate et basse. ⁂ Quanta bell
639
r et la hauteur sans quoi toute vie demeure plate
et
basse. ⁂ Quanta bella giovinezza Che si fugge tuttavia ! Chi vuo
640
za. Ainsi chantait Laurent le Magnifique. Manuel
et
ses contemporains savent et disent à leur manière que de demain rien
641
le Magnifique. Manuel et ses contemporains savent
et
disent à leur manière que de demain rien n’est certain. Mais ce qu’il
642
qu’ils sentent menacé, ce n’est point la jeunesse
et
l’amour, je ne sais quel printemps platonicien, c’est la vie savoureu
643
el printemps platonicien, c’est la vie savoureuse
et
forte qui figure à leurs yeux le train normal de l’homme. Leur œuvre
644
mps tu le retrouveras ; donnes-en une part à sept
et
même à huit, car tu ne sais pas quel malheur peut arriver sur la terr
645
érons aujourd’hui l’éloge de la vie au grand air.
Et
tout se passe comme si le souci de l’hygiène, et celui de l’épargne d
646
Et tout se passe comme si le souci de l’hygiène,
et
celui de l’épargne dans tous les domaines, tuaient en nous le sens mé
647
t du premier, le gigantisme méthodique du second.
Et
quant à l’élégance dans le style énergique, ou au contraire à l’énerg
648
samment significative. Le sens des fins dernières
et
une facture, ce qu’il faut pour faire du grand art, pour composer des
649
pour faire du grand art, pour composer des hommes
et
des paysages dans une architecture théologique, c’est à peu près ce q
650
i se soucie d’abord de composer. Entre une épaule
et
une arcade, vous découvrez un lac entouré de cultures, de beaux champ
651
de cultures, de beaux champs gras, des laboureurs
et
des bateaux, toute une nature à la mesure de l’homme, portant les mar
652
esure de l’homme, portant les marques de l’usage,
et
dominée par quelques Alpes qui sont des vagues à peine figées dans le
653
à peine figées dans leur élan. Une Suisse réelle,
et
non pas un décor ; non pas un état d’âme vaporeux, comme les idylles
654
erre des hommes, vue par les yeux de qui l’habite
et
l’utilise, et non point des « paysages » ou des « vues » que l’« Art
655
s, vue par les yeux de qui l’habite et l’utilise,
et
non point des « paysages » ou des « vues » que l’« Art » dissout en i
656
es « vues » que l’« Art » dissout en impressions,
et
que la photo durcit et fixe comme nul regard vivant n’a jamais rien p
657
» dissout en impressions, et que la photo durcit
et
fixe comme nul regard vivant n’a jamais rien perçu. ⁂ Mais je m’attar
658
s rien perçu. ⁂ Mais je m’attarde à ces tableaux,
et
Manuel n’est pas un « artiste » au sens moderne et bien suspect du te
659
t Manuel n’est pas un « artiste » au sens moderne
et
bien suspect du terme. Un beau jour, fatigué de signer d’un poignard
660
iers du chevalier de Stein, va combattre à Novare
et
pille la cité, assiste à la défaite de la Bicoque, crie son indignati
661
oque, crie son indignation dans un furieux poème,
et
s’en revient à Berne pour y faire la Réforme. Il écrira d’abord des j
662
vérité bien plus que des satires « contre le pape
et
sa séquelle » : des catéchismes illustrés, tout comme sa Danse des mo
663
vers : Amen. Scellé avec le poignard suisse16.
Et
voilà qui résume toute sa vie. Car ce poignard, c’était déjà celui qu
664
du guerrier suisse, signe des vieilles libertés ;
et
maintenant c’est le sceau des poèmes qu’il dédie « à la gloire de Die
665
arrières monotones. Mais la grandeur d’un Manuel,
et
de plusieurs à son époque, est d’avoir su conduire leur vie vers un b
666
but qui transcende toutes nos activités. Fougueux
et
appliqué dans sa peinture, Manuel n’hésite pas un instant à planter l
667
uel n’hésite pas un instant à planter là pinceaux
et
chevalet lorsqu’ayant dominé son art, il entrevoit une action plus ur
668
? Peut-être à la recréation d’une unité de rythme
et
de vision au sein d’un monde qui perdait ses mesures. Et quand le lie
669
ision au sein d’un monde qui perdait ses mesures.
Et
quand le lieu du grand débat devient enfin l’Église et sa réforme, co
670
and le lieu du grand débat devient enfin l’Église
et
sa réforme, courant toujours au plus pressé, au plus vivant, Manuel s
671
i l’unité de sa vie dans la recherche d’une forme
et
d’un sens. Si l’art n’y suffit pas, c’est que le mal est profond : d’
672
». Rappelons alors que ce guerrier fut bon époux,
et
bon père de six enfants ; que cet artiste, l’un des plus grands de so
673
éformation. L’année même où pour divertir Zwingli
et
ses savants collègues il leur envoie le manuscrit d’une satire contre
674
e s’il croyait au fond qu’on devrait tout savoir,
et
que pourtant… C’est la passion de la Renaissance, si l’on veut. Je cr
675
nuel apparut parmi nous comme un flambeau brûlant
et
éclatant. Survint alors la maladie qui nous l’arrache dans sa 46e ann
676
i nous montre, à la fin de sa vie, un regard doux
et
perspicace, un visage aigu de malade, peint avec la véracité d’un hom
677
nd. Gott sye lob ! – La plupart des autres drames
et
satires de Manuel se terminent par la mention du « Schwyzerdegen », q
678
tres d’ici commencent les tranchées de la guerre,
et
des hommes meurent. Pourquoi cette guerre, pourquoi ces morts ? Parce
679
tre fédéralisme séculaire l’a résolu par le droit
et
le fait, sur des bases chrétiennes et pratiques, dans un esprit de so
680
ar le droit et le fait, sur des bases chrétiennes
et
pratiques, dans un esprit de solidarité que symbolise exactement notr
681
ue les peuples autour de nous se font la guerre ;
et
s’ils la font, c’est parce qu’ils n’ont pas su se fédérer progressive
682
ite, attestée par le sang, que la solution suisse
et
fédérale est seule capable de fonder la paix, puisque les autres abou
683
gent à le reconnaître avec une tragique évidence.
Et
c’est cela que nous avons à défendre en défendant notre patrie : le s
684
t pas seulement pour protéger nos « lacs d’azur »
et
nos « glaciers sublimes ». Si nous sommes là, c’est pour exécuter la
685
-même, de garder son trésor, d’affirmer sa santé,
et
de sauver son avenir. Tel est le sens de notre indépendance, et telle
686
on avenir. Tel est le sens de notre indépendance,
et
telle est la mission spéciale qui justifie notre neutralité. av. R
687
lleur moyen de soutenir le moral, c’est l’action.
Et
non pas les distractions. Les hommes qui se battent, par exemple, son
688
vé dans son action. C’est bien pire qu’une totale
et
irrémédiable inaction. Cela ressemble aux cauchemars ; quand on ne pe
689
raps. Or c’est à cette sorte-là de démoralisation
et
de cafard que se trouvent exposés aujourd’hui les petits pays neutres
690
ailler pour leur pays, qui sont pleins de projets
et
d’espoirs, qui ont cru en septembre 1939 que notre mobilisation allai
691
on allait ouvrir des possibilités d’action morale
et
nationale sans précédent, — et qui, après trois ou quatre mois, sont
692
és d’action morale et nationale sans précédent, —
et
qui, après trois ou quatre mois, sont en train comme on dit de se dég
693
ntrer dans le rang ». Essayez de lancer un projet
et
d’y consacrer toutes vos forces, on vous traitera vite « d’utopiste »
694
, j’entends du sentiment de solidarité, d’équipe,
et
de virile entraide, qui a forgé notre fédération, et l’a préservée ju
695
de virile entraide, qui a forgé notre fédération,
et
l’a préservée jusqu’ici de la tentation dictatoriale. Nous nous méfio
696
yens les plus conscients de sa mission historique
et
actuelle trouvent les moyens d’exprimer cette mission, et surtout de
697
lle trouvent les moyens d’exprimer cette mission,
et
surtout de la réaliser. La DAC est un de ces moyens ; bien modeste,
698
es moyens ; bien modeste, mais il faut commencer.
Et
j’en profite pour dire, ici, à tous ceux qui veulent faire quelque ch
699
ci, à tous ceux qui veulent faire quelque chose —
et
ils sont plus nombreux que jamais — ; ne vous laissez pas engluer par
700
; ne vous laissez pas engluer par les sceptiques
et
les faux réalistes, par tous ceux qui ne savent prendre au sérieux qu
701
arce qu’il y a ces obstacles que nous devons agir
et
réagir. Quand le premier enthousiasme est tombé, l’heure est venue d’
702
mont. Adjudance générale de l’Armée Section Armée
et
Foyer aa. Rougemont Denis de, « D’un certain cafard helvétique »
703
t avec cela beaucoup de littérature de manuels, —
et
en même temps un peu d’argent, je crois. Tant pis pour les manuels et
704
peu d’argent, je crois. Tant pis pour les manuels
et
tant mieux pour l’argent. Mais il y a sans doute autre chose à tirer
705
èges », si nous voulons les préserver. Neutralité
et
beautés naturelles ont été trop longtemps considérées soit d’un point
706
utilitaire ou touristique. C’est-à-dire trop haut
et
trop bas. Il est grand temps d’abandonner cette attitude que beaucoup
707
esprit même de la Suisse, « peuple d’instituteurs
et
d’hôteliers », comme chacun sait… Qu’on y prenne garde : si nous somm
708
si nous sommes neutres, si nos Alpes sont belles
et
nos glaciers « sublimes », il n’y a pas là de quoi nous vanter. D’abo
709
utres Suisses du xxe siècle, dans notre histoire
et
notre géographie. Ensuite, si nous bénéficions de privilèges considér
710
er un privilège, après tout, c’est de le mériter.
Et
de prouver en fait que l’on est seul à pouvoir l’exercer dignement. O
711
nous chantons nos glaciers qui touchent aux deux,
et
nous en retirons d’importants bénéfices, mais nous oublions trop souv
712
raient-ils pas aussi capables que nous de chanter
et
de gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur céder la pla
713
céder la place ? Sommes-nous vraiment plus dignes
et
plus conscients que d’autres des « charges » que supposent de pareils
714
ait un ensemble prodigieux de choses harmonieuses
et
magnifiques, pleines de la grandeur de Dieu. Je me suis retourné, me
715
suis retourné, me demandant à quel être supérieur
et
choisi la nature servait ce merveilleux festin de montagnes, de nuage
716
ait ce merveilleux festin de montagnes, de nuages
et
de soleil, et cherchant un témoin sublime à ce sublime paysage. Il y
717
leux festin de montagnes, de nuages et de soleil,
et
cherchant un témoin sublime à ce sublime paysage. Il y avait un témoi
718
, car du reste l’esplanade était sauvage, abrupte
et
déserte. Je n’oublierai cela de ma vie. Dans une anfractuosité du roc
719
osse pierre, un idiot, un goitreux, à corps grêle
et
à face énorme, riait d’un air stupide, le visage en plein soleil, et
720
iait d’un air stupide, le visage en plein soleil,
et
regardait au hasard devant lui. Ô abîme ! les Alpes étaient le specta
721
mble « la posture la plus misérable de l’homme ».
Et
je suis loin de penser que nous sommes des crétins ! Je dis seulement
722
». Non, ce n’est pas si facile que cela d’habiter
et
de posséder un pays dont l’altière beauté menace sans cesse d’écraser
723
er l’homme qui voudrait simplement s’y complaire,
et
qui oublie qu’on peut aussi l’y comparer. Être Suisse, ce n’est pas u
724
y faut aujourd’hui l’endurance, la longue audace
et
la maîtrise de soi de l’« alpiniste » justement, et non pas seulement
725
la maîtrise de soi de l’« alpiniste » justement,
et
non pas seulement la sympathie distante du spectateur, touriste ou hô
726
s avons hermétiquement fermé toutes les fissures,
et
plus rien ne passe. Murailles naturelles, Alpes, fleuves, Jura ; larg
727
es barbelées, ceinture fortifiée, pièces chargées
et
, derrière tout cela, l’armée qui guette et qui travaille encore dans
728
argées et, derrière tout cela, l’armée qui guette
et
qui travaille encore dans les forêts, dans les ravins et dans les cha
729
travaille encore dans les forêts, dans les ravins
et
dans les champs neigeux ; et derrière l’armée, un peuple entier qui g
730
êts, dans les ravins et dans les champs neigeux ;
et
derrière l’armée, un peuple entier qui guette, et qui travaille lui a
731
et derrière l’armée, un peuple entier qui guette,
et
qui travaille lui aussi jour et nuit, dans les bureaux et les usines
732
ntier qui guette, et qui travaille lui aussi jour
et
nuit, dans les bureaux et les usines — pour que rien ne passe. Fronti
733
ravaille lui aussi jour et nuit, dans les bureaux
et
les usines — pour que rien ne passe. Frontières closes, pays forclos,
734
closes, pays forclos, reclus dans ses sécurités.
Et
rien ne passe. Sommes-nous bien sûrs que réellement plus rien ne pass
735
se ? Certes, toutes ces barrières doivent suffire
et
suffiront pour arrêter les hommes, les chars d’assaut et les armées d
736
iront pour arrêter les hommes, les chars d’assaut
et
les armées d’envahissement. Mais les plus épaisses murailles ne peuve
737
ns de mystère qui circulent au-dessus de l’Europe
et
que, parfois, quand vous cherchez un poste à la radio, vous captez sa
738
s secrets que rien ne saurait empêcher de passer,
et
qui peut-être vont nous apporter des nouvelles beaucoup moins rassura
739
p moins rassurantes que les discours patriotiques
et
officiels ? Figurez-vous que vous êtes, en cet instant, devant un pos
740
s êtes, en cet instant, devant un poste de radio,
et
que j’arrête tout exprès le petit trait lumineux du cadran sur l’un d
741
ai de l’interpréter. Depuis une dizaine d’années,
et
plus précisément depuis 1933, la face de l’Europe a changé. Il est te
742
Il est temps de nous en rendre compte. Autrefois,
et
naguère encore, il suffisait à une nation de déclarer son sol sacré,
743
stion. Il n’y avait pas d’autre raison à chercher
et
à proclamer que cette raison tout instinctive. À cette époque, on ne
744
effet conquérir un pays qu’au moyen d’une armée,
et
les armées n’ont jamais occupé autre chose que du terrain. C’était do
745
tionale. Souvenez-vous des tragédies autrichienne
et
tchécoslovaque. L’armée ne vient qu’en dernier lieu, quand le princip
746
nd le principal a été fait par les agents secrets
et
les propagandistes. Et que disent ces propagandistes ? Ils proclament
747
ait par les agents secrets et les propagandistes.
Et
que disent ces propagandistes ? Ils proclament une doctrine politique
748
t volontiers que chaque État était voulu de Dieu,
et
qu’il jouissait par conséquent d’une légitimité indiscutable. La prop
749
créés par Dieu, mais par le traité de Versailles.
Et
c’est bien vrai. Elle dit aussi que d’autres États, et en particulier
750
est bien vrai. Elle dit aussi que d’autres États,
et
en particulier les petits États, ont été créés, eux aussi, par d’autr
751
istoire. Elle proclame que les nations « jeunes »
et
« dynamiques » ont droit à un espace vital, lequel espace englobe, co
752
dirigeants, la victoire lui est acquise d’avance.
Et
les ceintures de fortifications les mieux conçues ne serviront de rie
753
raison d’être, si nous osons encore le proclamer,
et
si nous en gardons une conscience claire et forte. Elles nous mettent
754
amer, et si nous en gardons une conscience claire
et
forte. Elles nous mettent au défi de produire le « pourquoi » de notr
755
défi de produire le « pourquoi » de notre défense
et
de notre volonté d’autonomie. Elles nous forcent, non sans brutalité,
756
dont nous ne serions pas sûrs qu’elle a le droit
et
le devoir d’exister, devant Dieu. On n’a pas le droit de mourir pour
757
ience sérieuse des raisons de vivre de la Suisse,
et
de nos raisons de vivre en tant que Suisses. Il nous faut tout d’abo
758
bord écarter un certain nombre de fausses raisons
et
d’illusions, de phrases toutes faites et de clichés patriotiques. Que
759
raisons et d’illusions, de phrases toutes faites
et
de clichés patriotiques. Que mes lecteurs ne s’étonnent donc pas trop
760
rait inutile, si nous ne cherchions pas ensemble,
et
surtout si nous ne trouvions pas, par-dessous les grandes phrases hab
761
euses « libertés », puis de notre « neutralité ».
Et
ce sera pour découvrir le sens positif de ces termes, pour les sauver
762
banalité scolaire, officielle ou journalistique,
et
pour en dégager enfin la vocation concrète de la Suisse. 5. Voir L
763
ous ont acquises au prix de leur héroïsme civique
et
militaire, et qui sont un modèle pour l’Europe. » Oui, certes. Mais,
764
es au prix de leur héroïsme civique et militaire,
et
qui sont un modèle pour l’Europe. » Oui, certes. Mais, en fait, que s
765
en fait, que sont devenues ces libertés illustres
et
antiques, ces privilèges démocratiques qu’on nous envie ? Avons-nous
766
vons-nous bien le droit de nous en vanter encore,
et
suffit-il de s’en vanter pour qu’elles subsistent ? La liberté n’est
767
t ne sait pas les mériter par ses manières d’être
et
de penser. Un jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent d’un ty
768
usqu’à satiété, qu’ils se sont affranchis un jour
et
qu’ils sont demeurés libres. En vérité, derrière leurs murailles, ils
769
lles, ils ne sont plus esclaves que de leurs lois
et
de leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois
770
rs lois et de leurs coutumes, de leurs commérages
et
de leurs préjugés bourgeois. Je n’oublie pas que Goethe écrivait cel
771
z nous, ne se fréquentent pas, ne se parlent pas,
et
souvent ne se saluent plus ! On dirait presque qu’ils croient que l’a
772
eaucoup mieux les façons de vivre de notre voisin
et
le mystère de son existence. On me dira peut-être que ces considérati
773
ations n’ont pas grande importance, actuellement,
et
que les libertés qu’il s’agit de défendre, en ce mois de mars 1940, s
774
ue nos libertés politiques ne sauraient subsister
et
garder leur valeur concrète que si nous conquérons une plus grande li
775
si nous conquérons une plus grande liberté morale
et
intellectuelle. Car les unes ne vont pas sans les autres, et toute no
776
tuelle. Car les unes ne vont pas sans les autres,
et
toute notre histoire en témoigne. « Une politique de liberté ne peut
777
esprits libres. » Les deux libertés, l’extérieure
et
l’intérieure, ont toujours été liées dans notre histoire. C’est parce
778
nt la passion de leurs libertés sociales, civiles
et
quotidiennes qu’ils ont voulu se libérer du joug autrichien. Et c’est
779
s qu’ils ont voulu se libérer du joug autrichien.
Et
c’est parce que les Suisses du xviiie siècle ne jouissaient plus d’u
780
s insister sur ce point : si nous perdons le sens
et
le goût de la liberté quotidienne, celle qui se manifeste dans la div
781
dans la diversité infinie des manières de penser
et
de vivre, nos libertés politiques ne pourront subsister longtemps, et
782
ertés politiques ne pourront subsister longtemps,
et
alors c’en sera fait de noire liberté vis-à-vis de l’étranger, c’est-
783
tre assez inattendus. Ce sont la paresse d’esprit
et
l’égalitarisme. Voici ce que j’entends par la paresse d’esprit : les
784
e pas à première vue dans des catégories moyennes
et
bien connues, telles que bon ou méchant, droite ou gauche, ami de l’o
785
s dictatoriales. Il y avait quelque chose de sain
et
de profondément démocratique dans l’effacement volontaire des plus gr
786
uer. Pourquoi ? Parce que c’est bien plus simple,
et
plus facile de tout ramener à des mesures médiocres et uniformes. C’e
787
us facile de tout ramener à des mesures médiocres
et
uniformes. C’est bien plus simple et plus facile que de tenir compte
788
es médiocres et uniformes. C’est bien plus simple
et
plus facile que de tenir compte des vivantes complexités, des vocatio
789
-nous, dans cette guerre-ci, aux yeux de l’Europe
et
à nos propres yeux, notre situation privilégiée de neutres ? Il sembl
790
e que depuis quelques années, nous avons renoncé,
et
c’est heureux, à regarder notre neutralité comme une chose qui irait
791
imaginables, qui nous serait due sans discussion
et
même sans contrepartie, et qui représenterait, en somme, un privilège
792
it due sans discussion et même sans contrepartie,
et
qui représenterait, en somme, un privilège de droit divin. Nous savon
793
e tout homme le pousse toujours à prendre parti ;
et
qu’enfin nous devons la justifier, sous peine de passer pour des lâch
794
guerre, enfin, parce que notre diversité raciale
et
religieuse risquerait d’entraîner la dislocation de notre fédération,
795
ous dit-on, parce que les traités nous y forcent.
Et
certes, aux yeux d’un chrétien et d’un Suisse, les traités ne seront
796
nous y forcent. Et certes, aux yeux d’un chrétien
et
d’un Suisse, les traités ne seront jamais de simples chiffons de papi
797
la fidélité à la parole jurée, le nom l’indique,
et
surtout en allemand : Eid-Genossenschaft, communauté de ceux qui ont
798
ibre stratégique peut tomber d’un jour à l’autre.
Et
la preuve que nous ne la prenons pas au sérieux, c’est que nous resto
799
1918 lorsque le fameux « fossé » séparait Welches
et
Suisses allemands. Aujourd’hui, nous sommes unanimes… Que reste-t-il
800
sentent plus une raison suffisante de s’abstenir,
et
d’autre part, qu’ils n’ont plus guère de force convaincante pour nos
801
lus guère de force convaincante pour nos voisins,
et
par suite, ne sont plus pour nous cette garantie morale dont nous avo
802
s avons un besoin réellement vital. Si maintenant
et
malgré tout j’affirme que la Suisse a le devoir de rester neutre, ce
803
ne saurait être un privilège, c’est une charge !
Et
ce serait bien mal la défendre que de la défendre au nom de nos seuls
804
re au nom de nos seuls intérêts, car elle ne peut
et
ne doit subsister qu’au nom de l’intérêt de l’Europe entière. Seule,
805
le, la mission positive de la Suisse rend un sens
et
un poids aux arguments que nous jugions tout à l’heure insuffisants.
806
entiquement par le présent Acte que la neutralité
et
l’inviolabilité de la Suisse, et son indépendance de toute influence
807
ue la neutralité et l’inviolabilité de la Suisse,
et
son indépendance de toute influence étrangère, sont dans les vrais in
808
s intérêts de la politique de l’Europe entière. »
Et
j’en arrive, ici, au centre même de tout ce que je voulais dire dans
809
dans cette série d’articles : le seul moyen réel
et
réaliste de conserver nos privilèges, c’est de les considérer dorénav
810
e représentait une charge autant qu’un privilège,
et
même le privilège était subordonné à la charge ; il n’avait d’autre b
811
nos privilèges, même naturels, n’ont d’autre sens
et
d’autre raison d’être que de nous permettre d’accomplir notre mission
812
un dernier article, sur la vocation de la Suisse
et
ses conséquences pour nous tous. af. Rougemont Denis de, « La Suis
813
ile à dire en quelques mots. La vocation actuelle
et
historique de la Suisse, c’est de défendre et d’illustrer aux yeux de
814
lle et historique de la Suisse, c’est de défendre
et
d’illustrer aux yeux de l’Europe le principe du fédéralisme ; princip
815
adicalement contraire a tout système totalitaire,
et
seule base possible et solide de la paix que nous espérons. C’est trè
816
tout système totalitaire, et seule base possible
et
solide de la paix que nous espérons. C’est très facile à dire, et ce
817
paix que nous espérons. C’est très facile à dire,
et
ce n’est pas très neuf, en apparence. Mais dès qu’on veut prendre au
818
pas si simple. Que signifient ces mots : défendre
et
illustrer le principe du fédéralisme ? Le défendre, c’est d’abord nou
819
s c’est aussi le répandre au-dehors, le propager,
et
préparer par nos études, par nos initiatives, par certaines prises de
820
n européenne. L’illustrer, c’est le réaliser, ici
et
maintenant et dans nos vies, à l’intérieur de nos frontières. C’est f
821
L’illustrer, c’est le réaliser, ici et maintenant
et
dans nos vies, à l’intérieur de nos frontières. C’est faire que notre
822
uer avec succès que si l’on est sûr de ses armes,
et
solidement appuyé par l’arrière. Quand on parle d’une vocation de la
823
de gens s’imaginent que les réalités matérielles
et
pratiques sont plus sérieuses que les réalités spirituelles, qu’ils t
824
ies fumeuses. Ces gens-là se trompent lourdement,
et
aujourd’hui plus qu’à toute autre époque. Car il est clair que la gue
825
ue la guerre actuelle est une guerre de doctrines
et
même de religions. Des raisons spirituelles la dominent, et il s’agit
826
religions. Des raisons spirituelles la dominent,
et
il s’agit de les prendre au sérieux si l’on veut rester réaliste. Épa
827
p de bons Suisses ne le voient pas de leurs yeux,
et
par suite, ne veulent pas y croire. Ils prétendent tenir compte uniqu
828
nos nécessités, dans notre situation géographique
et
matérielle. Et ils affirment que dans toutes ces choses qui peuvent ê
829
dans notre situation géographique et matérielle.
Et
ils affirment que dans toutes ces choses qui peuvent être vues et tou
830
que dans toutes ces choses qui peuvent être vues
et
touchées, nos Alpes, la petitesse de notre territoire, et nos difficu
831
ées, nos Alpes, la petitesse de notre territoire,
et
nos difficultés économiques, ils n’aperçoivent nullement l’indication
832
s faits matériels. Il faut savoir l’y déchiffrer,
et
cela ne se peut qu’avec les yeux de l’esprit. Tenir compte des faits
833
mais il doit en partir justement, aller au-delà,
et
dans un sens qui ne peut être révélé que par sa foi. Maintenant donc,
834
c’est-à-dire à la faire connaître autour de nous
et
en dehors de nos frontières. Si quelqu’un me dit que pour sa part, il
835
qui se trouveraient mieux placés dans ce combat,
et
d’être prêt à leur porter main-forte cas échéant. Car tout revient, d
836
, dans ce domaine, à une question d’état d’esprit
et
de préparation morale. Ce qu’il s’agit de créer, avant tout, c’est un
837
nous les appellerons, où nous les croirons justes
et
nécessaires. Peut-être est-il encore trop tôt pour mobiliser l’opinio
838
mmes d’une expérience fédéraliste de six siècles.
Et
surtout, ne dénigrons pas les tentatives qui se feraient jour dans ce
839
ofitons de notre paix matérielle pour le parfaire
et
pour l’approfondir, jusque dans le détail de nos vies, en sorte que c
840
moins de l’ouvrage bien fait, digne d’être exposé
et
en bonne place, comme un modèle valable pour l’Europe de demain. Voil
841
éenne : mais je le répète, l’une suppose l’autre,
et
la soutient. Je laisserai de côté ici l’aspect politique — au sens ét
842
fédéralisme est tout d’abord une réalité morale,
et
même spirituelle. Et c’est sur ce plan décisif qu’il nous reste le pl
843
d’abord une réalité morale, et même spirituelle.
Et
c’est sur ce plan décisif qu’il nous reste le plus à faire. Il nous r
844
os histoires diverses, si curieusement défigurées
et
affadies par les manuels. Il nous reste à connaître beaucoup mieux no
845
pose toute une morale, toute une manière de vivre
et
de penser. Connaître le voisin de langue ou confession différente, lu
846
st pas la Suisse des manuels, des cartes postales
et
des discours, n’est pas la Suisse qui se vante de ses beautés, de ses
847
isse qui se vante de ses beautés, de ses libertés
et
de sa neutralité, mais bien la Suisse qui sait reconnaître dans ces p
848
ant l’Europe, nous apprendrons à voir plus grand,
et
par suite à penser plus librement, avec plus de générosité. Alors nou
849
vraie grandeur du rôle qui peut nous y attendre.
Et
parce que nous serons plus conscients de ce que nous avons à donner,
850
choses. Primo, j’ai bouclé mes dossiers, lettres
et
papiers personnels, je les ai mis en lieu sûr et j’ai sorti mes unifo
851
et papiers personnels, je les ai mis en lieu sûr
et
j’ai sorti mes uniformes pour les aérer. Secundo, j’ai envoyé à un ce
852
lettre de « quelque part dans le Proche-Orient »,
et
une autre des États-Unis. La première me dit : « Le petit nuage n’est
853
t : « Le petit nuage n’est pas passé. Il passera,
et
nous serons encore une fois assis au café des Deux Magots. La vie rep
854
a seconde me dit : « Le petit nuage passera, oui…
et
nous avec ! » Selon l’humeur du jour, je donne raison à l’une ou à l’
855
vons à redouter que le Prince de tous les démons,
et
non pas tel ou tel démon qu’il nous délègue de temps à autre. Le comb
856
os misérables cafards, de nos craintes dérisoires
et
mesquines. « C’est un petit nuage, il passera. » Ce mot me fut comme
857
role d’Évangile quand je le lus l’année dernière.
Et
je ne me trompais guère, vous allez le voir. Voici ce que je viens de
858
vient de démissionner (la scène se passe en 1935)
et
il s’attend à être abattu par l’un de ces anciens amis. Réfugié dans
859
tables de nuit de ces hospices. Je le feuilletai
et
mon premier regard tomba sur cette parole consolante : Ils ne continu
860
la peut « donner » à l’usage. C’est faute d’usage
et
d’occasion, faute d’une action vraiment totale et engageante, que je
861
et d’occasion, faute d’une action vraiment totale
et
engageante, que je commence ici, pour la première fois, une espèce de
862
— entre l’espèce de paix que nous laissa l’hiver,
et
la guerre qui revient nous avertir, au seuil de ce printemps quelle d
863
demande une vacance, un espace qui ne soit mesuré
et
un temps qui ne soit rythmé que par les lois intimes du sujet fascina
864
ois intimes du sujet fascinant. Chaque œuvre veut
et
crée son temps à soi, dans la vie de l’auteur qu’elle choisit. Mais a
865
ue dans mes pensées. Désorganisent la méditation.
Et
me contraignent à n’écrire que des fragments. Le « journaliste » est
866
travailler. Qu’est-ce que cela change ? J’ai semé
et
taillé comme chaque année. Ils n’ont qu’à faire la guerre pour leurs
867
s cette fois-ci, j’ai tout semé comme d’habitude,
et
on verra ! — Croyez-vous donc qu’ils vous laisseront tranquilles, les
868
es années… Monsieur Turc promène un regard précis
et
compétent sur le vallon et les cultures. Médite et redresse sa casque
869
omène un regard précis et compétent sur le vallon
et
les cultures. Médite et redresse sa casquette. Et tout d’un coup, son
870
t compétent sur le vallon et les cultures. Médite
et
redresse sa casquette. Et tout d’un coup, son regard s’assombrit : —
871
et les cultures. Médite et redresse sa casquette.
Et
tout d’un coup, son regard s’assombrit : — Ha ! mais je vais vous dir
872
e projeté. Toute œuvre humaine, tout acte humain,
et
même parfois les plus élémentaires, exigent et supposent un avenir. N
873
n, et même parfois les plus élémentaires, exigent
et
supposent un avenir. Nous l’oublions souvent, dans notre vie individu
874
evoir moins de livres, mais aussi moins d’enfants
et
moins d’amours profondes. La guerre ne tue pas seulement pendant qu’e
875
uerre ne tue pas seulement pendant qu’elle sévit,
et
après ; mais aussi avant. 15 avril 1939 Pour peu que les circonstance
876
ent du peuple, d’avoir ainsi perdu sa sève active
et
livré les masses affamées au délire totalitaire. Il me semble aujourd
877
ains savants qui, à force d’ascèse intellectuelle
et
de raffinements affectifs, ont su capter le secret de notre existence
878
les masses, créées par des puissances inhumaines (
et
auxquelles nulle culture n’aurait pu s’opposer) ont déchu au-dessous
879
encore agissante. S’il y a divorce entre culture
et
masses, ce serait moins la faute de la culture que celle des hasards
880
l la plus « active » des cultures perd ses prises
et
son efficace. En vérité, ce ne sont pas les clercs qui ont trahi, mai
881
ed de mon Journal d’un intellectuel en chômage ,
et
d’insister désormais davantage sur les valeurs d’opposition que sur c
882
s la moitié de l’Europe, elle est des Catacombes,
et
non pas du Forum. On m’a loué de « penser près de la vie ». Hélas ! j
883
e la vie ». Hélas ! je n’en suis que trop près, —
et
surtout de la vie des autres ! On voudrait parfois être riche, à seul
884
’installe, peu à peu, le régime de l’union sacrée
et
de la « discipline de l’opinion ». Dans quelle mesure un citoyen a-t-
885
s un train bondé. Une journée de reprise à Paris.
Et
ce soir, me voici [venu] assister à un débat, dans un cercle privé, s
886
es de langage. Il est sans cesse question d’achat
et
de vente, et je remarque que l’acheteur et le vendeur sont nécessaire
887
. Il est sans cesse question d’achat et de vente,
et
je remarque que l’acheteur et le vendeur sont nécessairement deux per
888
’achat et de vente, et je remarque que l’acheteur
et
le vendeur sont nécessairement deux personnes différentes, mais non p
889
deux personnes différentes, mais non pas l’acheté
et
le vendu. L’homme qui agit (achète ou vend) est défini par son action
890
er de la « personnalité » d’un produit commercial
et
de son « prestige ». Curieuse dramatisation ! À mesure que les hommes
891
ystérie, fatigue excessive, ambitions délirantes,
et
le tréponème, et j’en passe… Qui est fou, qui ne l’est pas ? » Il me
892
excessive, ambitions délirantes, et le tréponème,
et
j’en passe… Qui est fou, qui ne l’est pas ? » Il me dit hésiter souve
893
pas ? » Il me dit hésiter souvent sur ce point, —
et
me donne un éclair d’hésitation… 27 avril 1939 L’un me dit : — « Pour
894
ffirait-il, pour que les points de vue changent —
et
même s’échangent — que le premier se mette à lire la presse du soir,
895
que le premier se mette à lire la presse du soir,
et
le second celle du matin ? 29 avril 1939 Comme il est des stratèges d
896
l est des « résistants » qui n’ont rien à sauver,
et
qui ne s’en montrent que plus « durs ». Cet excité croit-il vraiment
897
ré.) Mais lui, l’émigré, l’excité, le belliciste,
et
pire : l’homme dépourvu de tact, que disait-il : — La France aime tan
898
l’espoir qu’au seuil des catastrophes générales.
Et
j’en connais qui ne parviennent à leur régime normal de vie (comme un
899
nd son régime à tant à l’heure) que dans le drame
et
le bouleversement des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin d’êt
900
dent, c’est entrevoir, imaginer ses conséquences,
et
la guerre est la suppression de toute espèce de conséquences, la priv
901
ividu, qui se voit concrètement réduit à sa juste
et
minime importance. Paris, 12 mai 1939 Quatrième changement de domicil
902
micile depuis le début de cette année. « Étranger
et
voyageur sur la terre », ainsi pensais-je d’autres fois, dans ces pér
903
t s’abattre une pluie d’orage sur la Concorde : «
Et
moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’était pourtant l’heure H ! » 1
904
d’un soir pluvieux, Paris, souffrance des visages
et
des corps, exercice perpétuel de charité dans une atmosphère exténuan
905
plus extraordinaire du siècle ! Il est des êtres
et
des drames dont la vérité n’apparaît que dans cet environnement de lu
906
’existences étrangères. Paris propose une liberté
et
un danger, une révélation totale de l’humain dans tous ses risques ma
907
otale de l’humain dans tous ses risques matériels
et
spirituels, impossibles ailleurs de nos jours, et, peut-être, à toute
908
et spirituels, impossibles ailleurs de nos jours,
et
, peut-être, à toute autre époque. Imaginer là-dessus un livre vrai, u
909
ivre vrai, un livre où tout serait avoué, horreur
et
charme, à travers la vision d’un saint qui vivrait sa vie consacrée d
910
Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la foule
et
traversant les lieux publics, avec cette grande Question qu’il porte
911
cette grande Question qu’il porte dans son être,
et
qui est aussi la grande Réponse ; et les démons s’éveillent sur son p
912
ns son être, et qui est aussi la grande Réponse ;
et
les démons s’éveillent sur son passage, il n’y a plus nulle part d’in
913
candale, l’Autre, l’Amour qui bouleverse le monde
et
fait surgir des quotidiennes apparences l’être touchant, bizarre et p
914
quotidiennes apparences l’être touchant, bizarre
et
pitoyable que chacun de nous dissimule. Alors on verrait le réel, alo
915
u travers de propos superficiellement passionnés…
Et
l’on cesserait aussi de redouter la guerre, parce qu’on la verrait da
916
s fameuses photos en couleur d’écrivains français
et
étrangers — et José Ortega y Gasset. Il y a trois semaines, nous étio
917
os en couleur d’écrivains français et étrangers —
et
José Ortega y Gasset. Il y a trois semaines, nous étions ensemble à O
918
r la représentation de la Jeanne d’Arc de Claudel
et
Honegger. Entre-temps, V. O. a tenu le rôle du récitant dans la Persé
919
phone de Stravinsky, à Florence. Ortega spirituel
et
sérieux, parlant sur le même ton du grand panda, le nouvel hôte du Ja
920
rand panda, le nouvel hôte du Jardin des Plantes,
et
du dernier livre de Huizinga, qui nous parvint hier de Hollande. Nous
921
semble l’appréhension des catastrophes prochaines
et
le désir d’un ultime colloque avant que ne se ferment les frontières,
922
comme la Beauté même, comme la Passion despotique
et
fervente. Nous sentons bien qu’elle marquera tout ce printemps dans n
923
en, dans ce régime, un bien que nous avons perdu,
et
qu’il séquestre, s’il n’y avait que du mal en lui, nous n’aurions pas
924
: on ne hait pas les catastrophes, les incendies
et
les tremblements de terre. Notre amertume et notre indignation devant
925
dies et les tremblements de terre. Notre amertume
et
notre indignation devant le phénomène totalitaire naissent d’un désir
926
x de la révolution manquée par nous, mais séduite
et
violée par le voisin ; d’une nostalgie de cette communauté qu’ils dis
927
disent avoir réinventée, dont nous ne sommes pas,
et
dont nous sentons bien qu’ils nous excluent dans l’intention d’en abu
928
, désaccordé, géométrique, douloureux pour la vue
et
pour l’ouïe, faussement riche et trop éclairé par ce néon rouge ou bl
929
reux pour la vue et pour l’ouïe, faussement riche
et
trop éclairé par ce néon rouge ou bleuâtre qui sera, n’en doutons pas
930
, l’éclairage de l’enfer… Les clients : demi-luxe
et
demi-monde. Des femmes qui ont voulu ressembler aux trois ou quatre t
931
ties de chiens qui sentent eux-mêmes le patchouli
et
qu’elles disposent sur la banquette de velours grenat à côté du repré
932
é du représentant calamistré d’une marque d’auto.
Et
ces rires, ces éclats de voix ! Mais il y a depuis un moment une musi
933
minant tout. Des trompettes solennelles au début,
et
maintenant, planante et pure, une voix de femme se détache… Tout d’un
934
tes solennelles au début, et maintenant, planante
et
pure, une voix de femme se détache… Tout d’un coup, cette ivresse ail
935
ssi, se fait entendre maintenant le chant profond
et
continu, la respiration bienheureuse des anges gardiens de ce temps,
936
a ville environnante, à la campagne… Je suis seul
et
je pense à un bonheur promis, ce revoir qui est pour demain. Et voici
937
un bonheur promis, ce revoir qui est pour demain.
Et
voici que soudain, un « à venir » m’est rendu, un rythme heureux du t
938
comptera que par rapport à ce plaisir qui vient.
Et
les ennuis, et l’ennui même, ne seront plus que les petits retards où
939
ar rapport à ce plaisir qui vient. Et les ennuis,
et
l’ennui même, ne seront plus que les petits retards où s’alimente le
940
sinon l’espoir d’un rendez-vous au-delà du monde,
et
l’entretien de son attente ardente ? Si j’y croyais vraiment, sans ce
941
raiment, sans cesse, je serais heureux sans cesse
et
en tout lieu ! Si tout dépendait d’un avenir assez lointain et assez
942
eu ! Si tout dépendait d’un avenir assez lointain
et
assez glorieux pour disqualifier nos soucis, tout serait à chaque ins
943
er nos soucis, tout serait à chaque instant libre
et
allègre, ouvert sur la seule grande Attente… À l’œuvre donc, advienne
944
te des choses espérées ! Qu’est-ce que la guerre,
et
qu’est-ce que cette crise, quand le seul terme redoutable est le Juge
945
D’un journal d’attente (pages démodées) », Formes
et
Couleurs, Lausanne, avril 1940, p. 29-32.
946
nt des pessimistes réfléchis maîtres d’eux-mêmes,
et
objectifs. Je dirai plus : ce qu’il nous faut, ce sont des pessimiste
947
nt des pessimistes actifs. Des hommes qui pensent
et
qui agissent conformément à la maxime du Taciturne : « Pas n’est beso
948
s où l’ère bourgeoise, ère du « confort moderne »
et
de l’absence d’imagination, prolonge encore une existence brutalement
949
. La croyance au Progrès nous a mis des œillères.
Et
quand soudain la route normale se trouve barrée ou coupée par un préc
950
ttait hors d’état d’imaginer à la fois le sublime
et
le pire. « Trop beau pour être vrai », c’était un de nos proverbes. E
951
au pour être vrai », c’était un de nos proverbes.
Et
lorsqu’on nous avertissait de certains dangers formidables qui menaça
952
le scepticisme de qui ne s’en laisse pas conter,
et
connaît toutes les ruses de toutes les propagandes. Nous nous prétend
953
as en Dieu ne sait pas non plus croire au diable,
et
ne sait pas le reconnaître, fût-il aussi mal déguisé qu’un grenadier
954
a ! Nous oublions que « cela », c’est nous aussi,
et
que Dieu malgré tout nous aime. Si nous avions su croire en lui penda
955
patience, nous aurions eu « des yeux pour voir »,
et
pour connaître les démons. Voici venu le temps de la colère, le temps
956
ent. Voici venue l’heure sévère. Ouvrons les yeux
et
apprenons ce qu’il en est de notre châtiment. ⁂ L’Europe est en train
957
quoi tend le progrès matériel ? Question stupide
et
irritante, n’est-ce pas, aux yeux de qui refuse d’envisager la vie co
958
té orientée par l’esprit. L’esprit prévoit le mal
et
tient compte du péché. Il sait que les inventions humaines peuvent êt
959
ste modéré ne veut prévoir que le profit d’argent
et
l’augmentation du confort. Il refuse de se demander à quoi servira ce
960
s, il n’oserait pas répondre en toute franchise ;
et
à la seconde, il pressent bien qu’on ne pourrait que répondre non. D’
961
u’on ne pourrait que répondre non. D’où sa myopie
et
son imprévision systématique des maux prochains. J’écris ceci pendant
962
ts, des hommes d’affaires, des penseurs officiels
et
des bourgeois moyens, a refusé pendant cent ans d’envisager ? Pourtan
963
s dans la critique du « réalisme » de leur temps,
et
dans la prédiction des maux à venir — ceux qui fondent sur nous aujou
964
n, sinon leur mépris pour les idoles bourgeoises,
et
leur vision précise du châtiment qui s’abattra nécessairement sur l’O
965
à ne prendre au sérieux que les valeurs de bourse
et
la « prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne de la masse comme
966
en train d’adopter « une morale de commerçants »,
et
qu’il sera vaincu par des ascètes féroces. Vinet prévoit que les libe
967
les oriente, aboutiront au despotisme de l’État.
Et
contre tout l’« économisme » de son temps, il ose écrire : « Si quelq
968
, n’en doutons pas, est du côté de la tyrannie. »
Et
qu’il suffise enfin d’une allusion aux prophéties célèbres de Burckha
969
yables dictatures militaires au nom de la liberté
et
du bonheur des masses. Cette unanimité d’esprits partout ailleurs irr
970
s avons été avertis. Nous avons refusé d’écouter.
Et
maintenant il faut payer. Non point parce que l’injustice triomphe, n
971
ste pas, mais au contraire parce que Dieu existe,
et
qu’il est juste dans son châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’id
972
ut payer. Nous adorions l’idole de la prospérité,
et
l’idole du confort, et l’idole du progrès — ce progrès qui ne sait ri
973
l’idole de la prospérité, et l’idole du confort,
et
l’idole du progrès — ce progrès qui ne sait rien que répéter comme un
974
ique, à sacrifier notre prospérité, notre confort
et
nos progrès aux nécessités impérieuses de la défense nationale. Pour
975
és un règlement plus juste des relations sociales
et
internationales, pour avoir refusé obstinément tout ce qui lésait si
976
nt à des sacrifices mille fois pires, inévitables
et
stériles. Le plus étrange est que ces sacrifices se révèlent parfaite
977
passaient pour folles, démagogiques, impensables
et
impraticables aux yeux des « réalistes » de l’économie : prélèvement
978
ement sur le capital ou caisse de compensation, —
et
je ne prends là que de petits exemples7… Nous avons critiqué sans mer
979
temps, à supprimer toutes les questions sociales.
Et
cela non pas seulement en Suisse, mais dans tous les pays de l’Europe
980
mieux mourir ou du mieux tuer. Eh bien si la peur
et
la guerre sont seules capables d’obtenir de nous un dépassement de no
981
pourquoi donc voulez-vous que nous ayons l’amour,
et
la paix et la sécurité ? Nous avons la peur et la guerre. Nous avons
982
nc voulez-vous que nous ayons l’amour, et la paix
et
la sécurité ? Nous avons la peur et la guerre. Nous avons ce que nous
983
r, et la paix et la sécurité ? Nous avons la peur
et
la guerre. Nous avons ce que nous méritons. Nous sommes payés et nous
984
ous avons ce que nous méritons. Nous sommes payés
et
nous payons selon notre justice à nous. C’est aujourd’hui qu’on en me
985
sont pas originales. Elles sont même grossières,
et
gênantes. Certains diront encore qu’elles sont inopportunes, à l’heur
986
st regarder en plein visage. Notre salut, le seul
et
le dernier possible — quelle que soit l’issue de la guerre — dépend d
987
onserver des privilèges hérités, tout en admirant
et
soutenant des chefs brutaux qui les bernaient pour mieux les détrouss
988
aient profiter des avantages de la folie moderne,
et
qui se plaignent aujourd’hui de devoir payer leur part minime dans la
989
utes avaient donc commises ces millions de femmes
et
d’enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avons plus qu’un
990
précis que notre sens des chiffres, des quantités
et
des vitesses. Avis à la génération sportive, aux réalistes qui l’enge
991
à temps. Ils sont encore à l’écart de la guerre,
et
peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai de grâce dont
992
ais aux Hollandais, en novembre de l’an dernier —
et
c’est fini — dont je parlais aux Suisses en janvier de cette année —
993
e parlais aux Suisses en janvier de cette année —
et
cela fait déjà cinq mois passés8. Ce délai nous permet de comprendre,
994
ai nous permet de comprendre, d’avouer nos fautes
et
celles de notre monde, de dire la vérité que les peuples en guerre n’
995
rs retrempé. Avouer les fautes de ceux qu’on aime
et
dont on attend la victoire comme la permission de revivre, c’est une
996
s fautes, parce que nous en sommes les complices,
et
que nous aimons les fautifs. Il est dur de les avouer, parce que les
997
, en face, nous paraissent bien plus effrayantes,
et
qu’ils triomphent tout de même, ou à cause de cela même. Il est dur d
998
e châtiment, qui nous atteint aussi, est mérité ;
et
qu’il était logique, inévitable, et qu’il n’y a plus qu’à en tirer le
999
est mérité ; et qu’il était logique, inévitable,
et
qu’il n’y a plus qu’à en tirer les conclusions9. Mais nous ne sommes
1000
n spéciale, notre responsabilité devant l’Europe.
Et
cela suppose un dur effort contre nos goûts, nos sympathies et nos pa
1001
se un dur effort contre nos goûts, nos sympathies
et
nos passions. Je ne sais pas ce que l’avenir vaudra, mais je sais que
1002
i mérite d’être sauvé ou recréé. Non pas le droit
et
la justice dont se réclamaient nos égoïsmes et celui des gouvernement
1003
it et la justice dont se réclamaient nos égoïsmes
et
celui des gouvernements : tout cela ne sera que ruines et détritus à
1004
des gouvernements : tout cela ne sera que ruines
et
détritus à déblayer, même si les grandes démocraties ont la victoire.
1005
ictoire. Non pas le bonheur fait de laisser-aller
et
d’insouciance du prochain, car nous le payons maintenant, une fois po
1006
riture nous l’apprend lorsqu’elle dit : « Le ciel
et
la terre passeront, mais ma Parole ne passera point. » Voilà la base
1007
mais ma Parole ne passera point. » Voilà la base
et
le point fixe que nulle puissance humaine ne saurait ébranler, quand
1008
ne ne saurait ébranler, quand tout le reste, ciel
et
terre, idéaux et réalités, est pulvérisé par les bombes. Au plus fort
1009
anler, quand tout le reste, ciel et terre, idéaux
et
réalités, est pulvérisé par les bombes. Au plus fort de la persécutio
1010
t nuage » passeraient aussi, probablement, sa vie
et
celle de tant de frères. Mais au-delà de l’optimisme humain toujours
1011
lâche, il y a la foi dans l’éternel, y a l’amour
et
l’espérance de l’éternel. À quoi se raccrocher, que faire encore ? Qu
1012
histoire. Elle fut celle de nos grandes victoires
et
de nos grands renouvellements. Nous savons à quelles conditions nos a
1013
e créer, eux aussi, un ordre neuf, à leur manière
et
selon leur foi chrétienne. Aujourd’hui, comme aux heures héroïques, s
1014
urd’hui, comme aux heures héroïques, sachons voir
et
saisir notre chance ! Les événements se chargent de nous ouvrir les y
1015
ous unir au-delà des partis, au-delà d’une gauche
et
d’une droite périmées, au-delà du vieux conflit du capital et du trav
1016
ite périmées, au-delà du vieux conflit du capital
et
du travail. Partout, chaque jour, des citoyens qui hier encore se cro
1017
ts à travailler ensemble, pour défendre la Suisse
et
pour la rénover. Ils ne croient plus aux plans, aux promesses faciles
1018
s faciles. Ils veulent une méthode neuve d’action
et
de pensée, une solidarité pratique. Et ils attendent des hommes nouve
1019
e d’action et de pensée, une solidarité pratique.
Et
ils attendent des hommes nouveaux. Des hommes et non pas des programm
1020
Et ils attendent des hommes nouveaux. Des hommes
et
non pas des programmes. Car les événements marchent vite. Des hommes
1021
le. Il est temps que ces aspirations se réalisent
et
s’organisent. Il est temps que les bonnes volontés deviennent une vol
1022
Bastion naturel de la Suisse, cœur de l’Europe
et
limite des races, le Gothard est le grand symbole autour duquel tous
1023
es, que tous ceux qui viennent d’être démobilisés
et
qui sont prêts à faire du neuf, que tous les aînés qui voient clair,
1024
n seul but : maintenir la Suisse, dans le présent
et
pour l’avenir. Nous ne vous promettons qu’un grand effort commun. Mai
1025
commun. Mais il nous rendra fiers d’être hommes,
et
d’être Suisses. Ligue du Gothard Schauplatzgasse 23, Berne. Dan
1026
ans quelques jours, nous publierons nos principes
et
buts d’action, les noms des membres du comité, ainsi qu’un grand nomb
1027
nnalités appartenant aux milieux les plus divers,
et
qui nous ont promis leur appui. ak. Rougemont Denis de, « Au peupl
1028
issance, n’a été plus souvent expliqué à lui-même
et
au monde que la Suisse. C’est qu’il en a besoin plus que nul autre. S
1029
Elle exclut en principe toute doctrine unitaire,
et
suppose donc la connaissance très vivante d’une autre espèce d’union,
1030
on, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses
et
l’à peu près intellectuel s’opposent sans cesse à cette reprise de co
1031
choir ou se laisser dissoudre, si l’on veut durer
et
surtout, si l’on prétend se donner en exemple. 1. Clarifions notre la
1032
quilibre vivant entre les droits de chaque région
et
ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde de nommer « fédéraliste
1033
es. 2. Ni gauche ni droite. — Les centralisateurs
et
les régionalistes ont également tort, c’est évident, puisque le fédér
1034
sition, indéfendable en théorie, des centralistes
et
des régionalistes, ce qui se cache en réalité, c’est l’opposition gau
1035
nt antisuisse s’ils progressent. Les « libéraux »
et
les conservateurs « fédéralistes » ne sont que des réactionnaires inc
1036
déralistes » (ce mot étant pris dans leur sens). (
Et
ce ne sont pas seulement les particuliers, propriétaires ou industrie
1037
qui mendient la « manne fédérale », les subsides
et
les allocations ; mais les cantons les plus conservateurs sont souven
1038
rlement, importé d’Amérique à une époque récente,
et
plus ou moins contaminé par les mœurs politiques françaises. L’idée m
1039
itique est en puissance un petit État totalitaire
et
unifié, qui voudrait bien tout régler à sa guise, et qui se condamne,
1040
unifié, qui voudrait bien tout régler à sa guise,
et
qui se condamne, ridiculement, à avoir des idées sur tout. Les seuls
1041
informes. Chacun veut tout assimiler, tout juger
et
tout absorber. Il serait temps de se remettre à la Diète ! 3. Suite d
1042
« de gauche » au lendemain de la guerre d’Espagne
et
du Pacte germano-russe ? Les Espagnols se sont entretués pendant troi
1043
t entretués pendant trois ans, en toute sincérité
et
en tout héroïsme, au nom d’une droite et d’une gauche extrémistes qui
1044
incérité et en tout héroïsme, au nom d’une droite
et
d’une gauche extrémistes qui, dès « l’affaire » liquidée, ont démasqu
1045
vent d’ailleurs être les mêmes. (« Réactionnaires
et
capitalistes internationaux ».) Nos descendants diront de notre siècl
1046
l’empêche de respecter nos précieuses diversités,
et
de se mettre à leur service, comme il se doit. Prévoir des exceptions
1047
lus difficile ; c’est beaucoup plus intéressant ;
et
c’est utile. Si, pratiquement, la plupart des bureaux font tout le co
1048
r la faute des fonctionnaires qui s’y incrustent,
et
dont l’intelligence politique s’atténue dans le confort et la prudenc
1049
’intelligence politique s’atténue dans le confort
et
la prudence. Ne dites donc plus : « Nous sommes opposés par principe
1050
s dites : « Nous voulons des fonctionnaires frais
et
dispos, capables d’imagination, détestant les complications administr
1051
és concrètes, choisis pour leur sens fédéraliste,
et
révocables aussitôt qu’ils le perdent. » Si vous les obtenez, la révo
1052
x tiers des ressources passent à l’administration
et
aux salaires fixes, tandis que moins d’un tiers est consacré au but d
1053
nsacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art
et
de littérature consacrer des milliers de francs à sa « présentation »
1054
liers de francs à sa « présentation » matérielle,
et
zéro franc à payer ses collaborateurs. Si l’un d’entre eux s’étonne,
1055
bain, l’une coûtant 300 fr. de plus que l’autre,
et
qui se désabonnent « vu la crise » de la seule revue qu’ils recevaien
1056
vois enfin que toute notre politique est alourdie
et
comme paralysée par des soucis budgétaires de cet ordre, traduisant c
1057
e cet ordre, traduisant cette échelle de valeurs.
Et
je conclus : « Si quelque chose aujourd’hui menace la liberté, ce n’e
1058
net n’ont pas eu peur du germanisme, l’ont étudié
et
l’ont aimé. Ce sont nos meilleurs écrivains. 7. Tolérance. — Le fédér
1059
ainsi que l’équilibre s’établit entre les grands
et
les petits, entre le nombre et les groupements restreints. Les petits
1060
t entre les grands et les petits, entre le nombre
et
les groupements restreints. Les petits cantons, chez nous, ont voix é
1061
e vie, même « privée », c’est nier le fédéralisme
et
ruiner les bases de la Suisse. Que nos moralistes s’en souviennent, e
1062
e la Suisse. Que nos moralistes s’en souviennent,
et
que nos conformistes ne l’oublient pas ! 8. Intolérance. — À mon avis
1063
ressemblance entre ce qu’ils détestent en Suisse
et
ce qu’ils admirent au-dehors…) 9. Notre naïveté. — Elle éclate dans c
1064
rises à l’égard de la presse — par qui de droit —
et
qui consistent à ménager non seulement la chèvre et le chou, ce qui e
1065
qui consistent à ménager non seulement la chèvre
et
le chou, ce qui est humain, mais encore l’agneau… et le loup, ce qui
1066
le chou, ce qui est humain, mais encore l’agneau…
et
le loup, ce qui est moins impartial qu’il ne semble. Ne commettons pl
1067
agande qui nous tape sur le crâne, littéralement,
et
cela depuis plusieurs années. De ce point de vue, nous ne sommes plus
1068
e parce que victimes d’une agression systématique
et
quotidienne contre les principes mêmes qui fondent notre État. (Je me
1069
e stalinienne.) Si l’on nous interdit de le dire,
et
de nous défendre en ripostant, pourquoi donc, demanderai-je, fortifie
1070
s quand celle-ci est déjà compromise ? 10. Poésie
et
prose. — Revenons à la géographie ! dit ce poète. Et de nous décrire
1071
prose. — Revenons à la géographie ! dit ce poète.
Et
de nous décrire une Suisse héroïque protégée par les Alpes, ce rempar
1072
r les Alpes, ce rempart, le Jura, cette barrière,
et
le Rhin, ce fossé… Oui, mais les géographes, plus sobres, définissent
1073
as parler de neutralité en général, dans l’absolu
et
dans l’abstrait. Car tout dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou de q
1074
son sens spirituel, c’est toujours un blasphème,
et
c’est souvent une grosse sottise. 12. Neutralité « éternelle ». — On
1075
us parle aujourd’hui de « neutralité éternelle »,
et
l’on va même jusqu’à nous affirmer que cette « éternité » est la base
1076
erpétuelle. Se figure-t-on que l’homme a le droit
et
le pouvoir de décréter « l’éternité » d’une décision humaine ? Appren
1077
’est éternel ; que la Suisse est un État humain ;
et
que par conséquent l’épithète « éternelle » ne saurait désigner l’att
1078
lement que nous refusons d’envisager son abandon,
et
que nous le refuserons aussi longtemps que possible. Par exemple : ta
1079
digne de ce nom consiste à prévoir même le pire,
et
même la réalisation prochaine de nos plus lointaines ambitions. Or pr
1080
r prévoir, c’est aussi se préparer, peser le pour
et
le contre, discuter… On connaît la devise humoristique du Méridional
1081
» Pourquoi est-ce comique ? Parce que l’histoire
et
la politique ne cessent pas de modifier ces positions toutes relative
1082
ces positions toutes relatives que sont la gauche
et
la droite. Affirmer dans l’absolu une position relative, si légitime
1083
oit, c’est se condamner à être sans cesse dépassé
et
ridiculisé par les faits. 14. Neutralité « morale ». — Les traités no
1084
aités nous reconnaissent une neutralité politique
et
militaire. Ils nous obligent aussi à la défendre intégralement. Mais
1085
ce. C’est renoncer à nous défendre intégralement.
Et
c’est enfin céder sur un point décisif pour notre indépendance future
1086
ent. Le Conseil fédéral a repoussé officiellement
et
publiquement la prétention de ceux qui voulaient « neutraliser » de c
1087
mes étrangers qui attaquent ouvertement le nôtre.
Et
qu’on ne vienne pas me dire qu’une pareille attitude peut compromettr
1088
r par la force l’intégrité de notre indépendance,
et
non pas seulement sa matérialité (le territoire). Le vrai patriote su
1089
Les petits pays ne sont pas dispensés d’imaginer
et
de voir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de compenser l
1090
tés techniques », superstition des experts d’hier
et
d’avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait, que la Technique
1091
es experts d’hier et d’avant-hier. Ils ont pensé,
et
prouvé par le fait, que la Technique ne saurait inspirer une politiqu
1092
au contraire servir à tout lorsqu’on l’y force —
et
en particulier à dominer les masses13. Il est temps que la Suisse com
1093
ouvernement de « gouverner14 », de piloter l’État
et
d’orienter sa marche ; le reste, le fonctionnement technique de la ma
1094
affaire des fonctionnaires — leur nom l’indique —
et
des conseillers commerciaux. On demande des diplomates qui fassent un
1095
demande des diplomates qui fassent une politique,
et
qui aient plus d’idées générales que de compétences économiques. Je c
1096
, tel écrivain, tel philanthrope, tel connaisseur
et
praticien des choses de la SDN et de la chose européenne, qui nous re
1097
tel connaisseur et praticien des choses de la SDN
et
de la chose européenne, qui nous représenteraient à l’étranger — offi
1098
urs spécialistes formés par les bureaux de Berne,
et
rompus à toutes les prudences « fédérales ». Sur le plan diplomatique
1099
le plan diplomatique européen, la Suisse pourrait
et
devrait jouer dans notre siècle une partie magnifique. Mais il faudra
1100
prenne ceci : La prudence est le vice des timides
et
la vertu des audacieux. 10. Peut-être me croira-t-on si je déclare,
1101
angage ! Un « drôle », c’est à la fois un comique
et
un malandrin. 12. Ceci ne veut pas dire que nous devons préférer la
1102
publie, réunis en un volume, une série d’articles
et
de conférences dont il indique, dans son avertissement, le propos, en
1103
“Ils sont tous nés d’un même souci de la personne
et
de son rôle dans la communauté ; et tous ils s’adressent à des Suisse
1104
e la personne et de son rôle dans la communauté ;
et
tous ils s’adressent à des Suisses. Par une série de cercles concentr
1105
ppel viril à la réflexion, un avertissement grave
et
clairvoyant quant à l’avenir. Nous sommes donc particulièrement heure
1106
l’été, nous traversions des vergers, des jardins
et
des fermes, dans la grande liberté militaire, pénétrant dans l’intimi
1107
ire, pénétrant dans l’intimité d’une vie bonhomme
et
opulente, dormant dans des auberges inconnues des touristes, nous dan
1108
des cuisines accueillantes, où le confort moderne
et
le confort paysan se mariaient à l’ombre des installant pour quelques
1109
nstallant pour quelques heures le confort moderne
et
le confort auvents immenses, et des balcons de bois ornés de pieuses
1110
e confort moderne et le confort auvents immenses,
et
des balcons de bois ornés de pieuses devises et de géraniums éclatant
1111
, et des balcons de bois ornés de pieuses devises
et
de géraniums éclatants. Tout paraissait, dans ce pays, un peu plus la
1112
eu plus large que chez nous, plus largement assis
et
attablé, dans une nature moins douce, mais plus drue. Je m’étais bien
1113
plus drue. Je m’étais bien promis d’y retourner,
et
c’est encore la mobilisation qui m’y ramène. Si je vous confie que me
1114
ce roman soit si peu lu chez nous, si mal connu,
et
qu’il n’en existe à cette heure qu’une seule et unique édition. Car c
1115
, et qu’il n’en existe à cette heure qu’une seule
et
unique édition. Car ce n’est pas seulement l’un des chefs-d’œuvre de
1116
verselle, l’un de ces livres à la fois populaires
et
pleins de secrets émouvants, où chacun peut trouver sa pâture, mais c
1117
chacun peut trouver sa pâture, mais c’est encore,
et
c’est surtout, pour moi, la meilleure expression de l’esprit suisse a
1118
un libraire ou à la bibliothèque la plus proche,
et
demandez la traduction de ce gros livre. Vous commettrez une bonne ac
1119
iotisme suisse est d’abord une question d’amitié,
et
l’amitié suppose une connaissance mutuelle, et je ne sais rien qui pu
1120
é, et l’amitié suppose une connaissance mutuelle,
et
je ne sais rien qui puisse nous donner, comme ce roman de Gottfried K
1121
rouverez dans ce récit d’une jeunesse aventureuse
et
d’un retour vers le pays natal, un mélange étonnant de romantisme, de
1122
nge étonnant de romantisme, de bon sens bourgeois
et
d’humour. Et c’est peut-être là le secret des Suisses allemands. Le s
1123
de romantisme, de bon sens bourgeois et d’humour.
Et
c’est peut-être là le secret des Suisses allemands. Le secret d’un ce
1124
lyrisme qui les distingue de nous autres Romands.
Et
quand je parle de lyrisme, je n’entends pas ce sentimentalisme vague
1125
yrisme, je n’entends pas ce sentimentalisme vague
et
un peu lourd qui met tant de points d’orgue dans les couplets d’un Mä
1126
e de saveur primitive, une manière plus confiante
et
plus joyeuse d’accepter la vie instinctive, un peu plus de musique, u
1127
un peu moins de scrupules, un peu plus d’énergie
et
moins d’esprit critique. Ce sont ces nuances-là qui donnent le ton de
1128
nent le ton de la bonne chanson suisse allemande,
et
de la fantaisie d’Henri le Vert. On me dira que je vais chercher bien
1129
Vert. On me dira que je vais chercher bien haut,
et
dans une œuvre exceptionnelle, mon modèle du Suisse allemand… Oh, bie
1130
es Allemands ne sont pas des Goethe — loin de là…
Et
cependant, celui qui a compris Pascal, ou Goethe, ou Gottfried Keller
1131
e qu’autrement nous n’eussions jamais soupçonnée,
et
que dorénavant nous saurons reconnaître ici ou là, d’une manière furt
1132
ice un peu brusque, un élan, une saveur populaire
et
lyrique, tout ce qui fait le meilleur fonds du Suisse allemand dès qu
1133
mand dès qu’il est délivré de son sérieux massif.
Et
alors, dans mon enthousiasme, j’évoque Berne, avec sa force calme et
1134
enthousiasme, j’évoque Berne, avec sa force calme
et
ses maisons aux puissantes assises, ses ours qui furent conquis sur l
1135
, ses ours qui furent conquis sur le duc de Milan
et
ramenés par-dessus les Alpes, — j’évoque le dynamisme américain des Z
1136
stion sacré, dans le souvenir de Nicolas de Flue.
Et
je me dis que la Providence nous veut vraiment du bien, à nous les Su
1137
puisqu’elle nous a permis de réunir des qualités
et
des défauts qui se complètent si heureusement : la rouspétance du Sui
1138
si heureusement : la rouspétance du Suisse romand
et
la patience de l’Alémanique, — la nervosité latine et la ténacité ger
1139
a patience de l’Alémanique, — la nervosité latine
et
la ténacité germanique ; notre ironie critique et leur humour. Et tou
1140
et la ténacité germanique ; notre ironie critique
et
leur humour. Et tout ce qu’il y a dans la culture romande d’un peu pr
1141
ermanique ; notre ironie critique et leur humour.
Et
tout ce qu’il y a dans la culture romande d’un peu précautionneux ou
1142
ar exemple les grands romans de Jérémie Gotthelf.
Et
puisque j’ai parlé de fédéralisme, permettez-moi de terminer par une
1143
he de Noé pleine d’animaux de toute espèce, mâles
et
femelles, ne saurait être plus content que ces hommes avec leur chère
1144
tent que ces hommes avec leur chère petite patrie
et
les milliers de bonnes choses qu’elle contient, depuis le vieux broch
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et étroit espace, tous différents par leurs mœurs
et
coutumes, par leurs costumes et leurs accents !… Et tout est bon et b
1146
s par leurs mœurs et coutumes, par leurs costumes
et
leurs accents !… Et tout est bon et beau et cher au cœur, — car c’est
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coutumes, par leurs costumes et leurs accents !…
Et
tout est bon et beau et cher au cœur, — car c’est la patrie. Qu’il es
1148
eurs costumes et leurs accents !… Et tout est bon
et
beau et cher au cœur, — car c’est la patrie. Qu’il est donc réjouissa
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tumes et leurs accents !… Et tout est bon et beau
et
cher au cœur, — car c’est la patrie. Qu’il est donc réjouissant que t
1150
s sortis du même moule, qu’il y ait des Zurichois
et
des Bernois, des gens d’Unterwald et de Neuchâtel, des Grisons et des
1151
es Zurichois et des Bernois, des gens d’Unterwald
et
de Neuchâtel, des Grisons et des Bâlois, et même deux espèces de Bâlo
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des gens d’Unterwald et de Neuchâtel, des Grisons
et
des Bâlois, et même deux espèces de Bâlois ! Qu’il y ait une histoire
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rwald et de Neuchâtel, des Grisons et des Bâlois,
et
même deux espèces de Bâlois ! Qu’il y ait une histoire de l’Appenzell
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Bâlois ! Qu’il y ait une histoire de l’Appenzell
et
une histoire de Genève ! Cette variété dans l’unité — Dieu veuille no
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onserver — voilà la véritable école de l’amitié !
Et
quand une même appartenance politique vient à s’épanouir dans l’amiti
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enacée dans son autonomie par la force des choses
et
par la contagion des idéologies nouvelles. Nous courons le risque d’ê
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er nos raisons d’être, notre mission confédérale,
et
notre volonté de nous en rendre dignes. Mais voici le message du 1er
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devenir notre chance. Il nous sort de nous-mêmes
et
de nos préjugés, il nous oblige à mesurer nos forces vraies, il nous
1159
met de nous unir mieux que jamais pour la défense
et
la rénovation de l’héritage que Dieu nous a confié. Nos raisons d’êtr
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ose que des mots flatteurs : des raisons de vivre
et
de mourir. Notre histoire est celle de la liberté, certes, mais de la
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s plus grands sacrifices, toujours sauvée, envers
et
contre tout, grâce à un sens communautaire qui doit rester en exemple
1162
tance locale organisée, la préparation minutieuse
et
la discipline civique qui ont gagné la bataille de Morgarten contre u
1163
e liberté, défaut de solidarité entre les classes
et
entre les cantons. Mais là encore, la résistance « aveugle » de quelq
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l’Europe à l’impressionner par leur résistance ;
et
après une tentative manquée pour imposer à la Suisse un statut contra
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menacée par des puissances dix fois supérieures,
et
qu’elle ne s’est maintenue qu’en acceptant la lutte même sans espoir.
1166
la lutte même sans espoir. Un siècle de sécurité
et
de confort nous a fait oublier ces vérités. Aujourd’hui, elles nous p
1167
e nouveau. Les menaces actuelles nous réveillent,
et
nous ramènent à notre loi normale ; la loi du risque et de l’effort t
1168
s ramènent à notre loi normale ; la loi du risque
et
de l’effort tenace. Ces menaces ne sauraient surprendre et démoralise
1169
ffort tenace. Ces menaces ne sauraient surprendre
et
démoraliser que ceux qui ont oublié comment la Suisse s’est faite, et
1170
eux qui ont oublié comment la Suisse s’est faite,
et
à quel prix elle s’est toujours maintenue. Mais on ne se défend bien
1171
d’une Europe nouvelle, réconciliée avec elle-même
et
tolérante ! Sachons nous élever à la hauteur de l’idéal forgé par not
1172
re histoire. Rendons la Suisse digne d’elle-même,
et
rendons-nous plus dignes d’elle ! Comment ? Je voudrais vous le montr
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à ce but ses intérêts particuliers, ses préjugés,
et
son confort. C’est tout. Le but commun ne fut jamais plus clair. C’es
1174
ommun ne fut jamais plus clair. C’est le maintien
et
la rénovation de la Suisse : l’un ne va pas sans l’autre, l’une rend
1175
btenir de nous, il faut que la paix le maintienne
et
le développe au maximum. Prenons un cas concret : Si nous parvenons à
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il y va de la liberté future de leur entreprise.
Et
je conjure les ouvriers de consentir des réductions de salaire, si ce
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que ceux de l’autre bord fassent les premiers pas
et
disent le premier mea culpa. Commençons une bonne fois, risquons-nous
1178
bonne fois, risquons-nous, allons chez le voisin
et
disons-lui : vous étiez de gauche, et moi de droite, mais aujourd’hui
1179
z le voisin et disons-lui : vous étiez de gauche,
et
moi de droite, mais aujourd’hui nous sommes de Suisse, l’un comme l’a
1180
e rénovation pratique. Ceux qui l’auront compris,
et
qui le prouveront, travailleront au salut du pays. Mais ceux qui s’ob
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à notre perte à tous. Ces remarques sont simples
et
utilisables. Elles ne sont pas originales. Il me suffit qu’elles soie
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oient chrétiennes. Si mes lecteurs les approuvent
et
les mettent en pratique aussitôt, ils auront célébré, mieux que par l
1183
ution de la « Ligue du Gothard » qui est mon idée
et
celle de mon ami Spoerri, de Zurich, et à laquelle je tiens. Elle sui
1184
mon idée et celle de mon ami Spoerri, de Zurich,
et
à laquelle je tiens. Elle suit d’ailleurs son chemin malgré les torre
1185
é les torrents d’injures dont elle a été abreuvée
et
vous pouvez être assuré qu’elle n’a enregistré jusqu’à ce jour aucune
1186
er deux brochures qui vont paraître prochainement
et
qui expliquent les desseins de notre groupement : réunir — non point
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logiquement représenter la Suisse d’aujourd’hui.
Et
travailler au bien de la Suisse. Le comité directeur de la Ligue est
1188
t formé de dix hommes dont le plus jeune a 26 ans
et
le plus âgé 44. C’est vous dire que nous voulons mettre la jeunesse a
1189
nous sommes rendu compte que les hommes de 35 ans
et
moins ne sont pas dans les partis, parce que la politique leur a paru
1190
août 1940, p. 1. aq. Propos recueillis par F. G.
et
précédés de la notice suivante : « M. Denis de Rougemont s’en va. Tel
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on parlait sous le couvert depuis quelques jours
et
qui vient d’être rendue officielle. N’y voyons pas, comme certains se
1192
euchâteloises de l’Exposition nationale de Zurich
et
qui ne put être représentée, la guerre ayant éclaté quelques jours av
1193
k. Ce voyage, on le voit, est sérieusement motivé
et
ne signifie nullement que M. de Rougemont fuit les responsabilités… o
1194
ses lettres de citoyens qui s’intéressent à elles
et
à ses desseins. Nous le croyons volontiers et l’attendons à l’œuvre t
1195
les et à ses desseins. Nous le croyons volontiers
et
l’attendons à l’œuvre tout d’abord sur le terrain cantonal, en bonne
1196
igue. Il faut faire confiance à des hommes jeunes
et
qui forment une équipe. Passons sur le passé. Nous sommes anticapital
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assons sur le passé. Nous sommes anticapitalistes
et
antimarxistes, ni de gauche ni de droite, alliés aux syndicats par le
1198
ux syndicats par leurs éléments les plus vivants,
et
nous travaillons à la réconciliation des syndicats et des corporation
1199
ous travaillons à la réconciliation des syndicats
et
des corporations, pour préparer par canton une organisation professio
1200
mme si personne n’était capable d’entendre raison
et
de modifier ses positions. Duttweiler ne nous a pas donné un sou, quo
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peu que nous avons, ce sont des dons personnels.
Et
nous cherchons, sûrs de trouver dans la mesure où nous sommes sûrs de
1202
es que nous versons à titre de documents au débat
et
que nous faisons suivre des remarques et conclusions qu’elles nous su
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au débat et que nous faisons suivre des remarques
et
conclusions qu’elles nous suggèrent. Voici tout d’abord l’opinion de