1 1938, Articles divers (1938-1940). Le seul espoir (juin 1938)
1 , une condition vitale de notre existence même. ⁂ Je vois un peu partout des signes de réveil. J’en ai relevé trois au déb
2 e. ⁂ Je vois un peu partout des signes de réveil. J’ en ai relevé trois au début de cet article, bien minimes il est vrai,
3 recréée selon son génie. De cette action urgente, je ne puis ici qu’indiquer la ligne générale. Notre force, à nous Suisse
4 triche est éclatant ; il l’est même trop pour que j’ insiste… 2° nous ne pouvons devenir qu’une des plus petites nations de
5 chluss. Ce n’est donc pas un « idéal fumeux » que j’ oppose à la tentation d’un nationalisme helvétique. Je lui oppose la c
6 pose à la tentation d’un nationalisme helvétique. Je lui oppose la condition même de notre droit à l’existence. Notre seu
2 1938, Articles divers (1938-1940). Souvenir d’Esztergom (juin 1938)
7 Souvenir d’Esztergom (juin 1938)b J’ avais lu quelques-uns de ses poèmes en traduction. Je savais qu’il éta
8 vais lu quelques-uns de ses poèmes en traduction. Je savais qu’il était le chef de file du groupe le plus vivant des écriv
9 e temps le plus européen par la culture. Des amis me proposèrent de l’aller voir à Esztergom, où il passe les étés. J’eus
10 e l’aller voir à Esztergom, où il passe les étés. J’ eus ce bonheur de découvrir une terre et une race par ses poètes. La p
11 ngroise était une grande liberté lumineuse ; tout m’ accueillait, êtres et paysages, dans une vaste hospitalité qui était c
12 italité qui était celle de l’été même dont Babits me faisait les honneurs… Qu’on me permette de recopier ici des notes pri
13 é même dont Babits me faisait les honneurs… Qu’on me permette de recopier ici des notes prises au retour de ce petit voyag
14 oyage ; il est resté merveilleusement vivant dans ma mémoire, et je ne puis plus séparer sa vision de ce que m’évoque le n
15 resté merveilleusement vivant dans ma mémoire, et je ne puis plus séparer sa vision de ce que m’évoque le nom de Michel Ba
16 e, et je ne puis plus séparer sa vision de ce que m’ évoque le nom de Michel Babits. ⁂ Esztergom est la plus vieille capita
17 t la plus vieille capitale de la Hongrie. Attila, me dit-on, y régna. Aujourd’hui c’est la résidence du Prince Primat. Au-
18 le la plaine à la longue-vue et rêve qu’il y est, je grimpe au cerisier sauvage, derrière la maison, un peintre tout en bl
3 1938, Articles divers (1938-1940). « Comment libérer l’État de la tyrannie de l’Argent ? » (10 juin 1938)
19 sordre qu’on nomme l’ordre totalitaire. Telle est mon « utopie » : c’est la solution pratique proposée par l’Ordre nouveau.
20 on spirituelle au premier chef, et vous savez que je n’entends pas le spirituel au sens évanescent des libéraux, mais bien
21 matrice. Mais ce n’est pas sur ces voies que vous m’ interrogez, je crois. c. Rougemont Denis de, « Comment libérer l’Ét
22 ce n’est pas sur ces voies que vous m’interrogez, je crois. c. Rougemont Denis de, « Comment libérer l’État de la tyran
4 1938, Articles divers (1938-1940). Le Relèvement de l’Allemagne (1918-1938) par Albert Rivaud (28 octobre 1938)
23 ivra. La première partie de ce gros ouvrage est à mon sens la plus sérieuse et la plus riche d’enseignements. C’est un hist
5 1938, Articles divers (1938-1940). Réponse de Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 (novembre 1938)
24 rs, Après tant d’éloges, une prudence élémentaire me commanderait de me taire : quoi que je dise, je ne pourrai que brouil
25 oges, une prudence élémentaire me commanderait de me taire : quoi que je dise, je ne pourrai que brouiller le cliché trop
26 lémentaire me commanderait de me taire : quoi que je dise, je ne pourrai que brouiller le cliché trop flatteur que Rivier
27 e me commanderait de me taire : quoi que je dise, je ne pourrai que brouiller le cliché trop flatteur que Rivier vient de
28 is il n’est plus question de reculer. En publiant mon Journal , je suis entré dans la voie des aveux. J’ai même confessé c
29 s question de reculer. En publiant mon Journal , je suis entré dans la voie des aveux. J’ai même confessé certaines de me
30 Journal , je suis entré dans la voie des aveux. J’ ai même confessé certaines de mes superstitions. Il ne me reste qu’à p
31 a voie des aveux. J’ai même confessé certaines de mes superstitions. Il ne me reste qu’à persévérer, et c’est ce que je vai
32 me confessé certaines de mes superstitions. Il ne me reste qu’à persévérer, et c’est ce que je vais faire en vous contant
33 . Il ne me reste qu’à persévérer, et c’est ce que je vais faire en vous contant les circonstances dans lesquelles je reçus
34 en vous contant les circonstances dans lesquelles je reçus l’annonce du prix Rambert. Depuis quelques mois, je m’étais ent
35 l’annonce du prix Rambert. Depuis quelques mois, je m’étais entièrement retiré dans l’élaboration d’un ouvrage intitulé
36 annonce du prix Rambert. Depuis quelques mois, je m’ étais entièrement retiré dans l’élaboration d’un ouvrage intitulé L’A
37 on d’un ouvrage intitulé L’Amour et l’Occident . Je partais d’une réflexion passionnée sur le mythe de la passion, la lég
38 secrète, qui est le combat du Jour et de la Nuit. J’ espérais terminer mon livre aux alentours du 21 juin, date du solstice
39 combat du Jour et de la Nuit. J’espérais terminer mon livre aux alentours du 21 juin, date du solstice d’été, triomphe sola
40 Et en effet, le 20 au soir — à peine plus tôt que je ne l’avais prévu — j’inscrivais ce terrible mot : FIN au bas d’un man
41 soir — à peine plus tôt que je ne l’avais prévu — j’ inscrivais ce terrible mot : FIN au bas d’un manuscrit considérable. L
42 le fois de l’année l’admirable Tristan de Wagner. J’ obtins, comme par hasard, les deux dernières places libres. Or voici q
43 ères places libres. Or voici qu’à l’heure même où je terminais mon livre, vous décidiez de me donner votre prix. Et la let
44 ibres. Or voici qu’à l’heure même où je terminais mon livre, vous décidiez de me donner votre prix. Et la lettre qui me l’a
45 même où je terminais mon livre, vous décidiez de me donner votre prix. Et la lettre qui me l’annonçait portait la date fa
46 écidiez de me donner votre prix. Et la lettre qui me l’annonçait portait la date fatidique du 21. Comment ne pas voir dans
47 is, le Journal et l’ Amour . Et peut-être ainsi mon travail, tout au moins par sa quantité, sera-t-il un peu moins indign
48 que insistance dans le Journal , c’est celui que je nommais le « problème des gens ». Problème des relations des hommes e
49 uteur et de son public. Or vous n’ignorez pas que mon souci tout helvétique de dire le vrai, fût-il désobligeant, m’amenait
50 helvétique de dire le vrai, fût-il désobligeant, m’ amenait à reconnaître que ces relations ne sont pas bonnes, de nos jou
51 e ces relations ne sont pas bonnes, de nos jours. J’ allais même jusqu’à dire, dans mon livre, qu’elles sont en état de cri
52 s, de nos jours. J’allais même jusqu’à dire, dans mon livre, qu’elles sont en état de crise aiguë. Il me semblait que les h
53 n livre, qu’elles sont en état de crise aiguë. Il me semblait que les hommes de la cité actuelle ont bien du mal à communi
54 e sort de vivre tous ensemble dans les villes. Il me semblait aussi que le langage des écrivains était devenu, ou était re
55 eurs les plus contradictoires en apparences. Tout mon effort se portait donc à distinguer, et dans la mesure de mes moyens
56 e portait donc à distinguer, et dans la mesure de mes moyens et dans mon champ, à dissiper ces malentendus et leurs causes.
57 stinguer, et dans la mesure de mes moyens et dans mon champ, à dissiper ces malentendus et leurs causes. Le reste de votre
58 lentendus et leurs causes. Le reste de votre jury m’ inciterait à croire que j’y ai partiellement réussi : car enfin, vous
59 Le reste de votre jury m’inciterait à croire que j’ y ai partiellement réussi : car enfin, vous les jeunes, mes cadets ou
60 artiellement réussi : car enfin, vous les jeunes, mes cadets ou mes contemporains, vous êtes le vrai public d’un livre comm
61 éussi : car enfin, vous les jeunes, mes cadets ou mes contemporains, vous êtes le vrai public d’un livre comme le Journal
62 ère rejoindre avant tout autre. Et c’est pourquoi j’ ose voir dans votre décision le signe d’une entente réalisée — et atte
63  ! — entre un auteur et son public. Cet aspect de mon « problème des gens », vous l’avez résolu d’une manière que, pour ma
64 us l’avez résolu d’une manière que, pour ma part, je ne saurais qualifier que d’idéale ! Dois-je vous avouer que rien ne m
65 part, je ne saurais qualifier que d’idéale ! Dois- je vous avouer que rien ne me préparait à l’espérer ? Vous êtes Vaudois,
66 er que d’idéale ! Dois-je vous avouer que rien ne me préparait à l’espérer ? Vous êtes Vaudois, et pourtant vous couronnez
67 ut devoir déclarer récemment que du seul fait que je vivais en France, j’avais « rompu » avec mes origines. Vous avez fait
68 cemment que du seul fait que je vivais en France, j’ avais « rompu » avec mes origines. Vous avez fait justice de cette cal
69 t que je vivais en France, j’avais « rompu » avec mes origines. Vous avez fait justice de cette calomnie, avec tout l’éclat
70 Et ce n’est pas le moindre titre que vous ayez à ma reconnaissance. Une vieille tradition helvétique voulait que les espr
71 s comme Ramuz, qui représentent la Suisse en soi, j’ entends la Suisse dans la réalité vivante d’un de ses cantons ; des ho
72 dans cette tradition — celle d’un Constant — que je me suis trouvé rangé, un peu par la force des choses, par atavisme au
73 ns cette tradition — celle d’un Constant — que je me suis trouvé rangé, un peu par la force des choses, par atavisme autan
74 es choses, par atavisme autant que par goût. Mais je tiens à le souligner : je ne puis y espérer quelque succès qu’à la se
75 tant que par goût. Mais je tiens à le souligner : je ne puis y espérer quelque succès qu’à la seule condition de garder av
76 énérosité ait contribué à resserrer ces liens, en me procurant une soirée comme celle-ci, c’est assez — sans compter tout
77 est assez — sans compter tout le reste — pour que je vous en exprime ici ma plus profonde reconnaissance. 1. Et non plus
78 r tout le reste — pour que je vous en exprime ici ma plus profonde reconnaissance. 1. Et non plus mercenaire, faut-il le
6 1938, Articles divers (1938-1940). Réponse à l’enquête « Littérature et christianisme » (20 novembre 1938)
79 t différentes. Mais elles n’ont pas le même sens. Je m’explique. Il n’y a pas une manière chrétienne et une manière athée
80 ifférentes. Mais elles n’ont pas le même sens. Je m’ explique. Il n’y a pas une manière chrétienne et une manière athée de
81 maintenir en état de service pendant qu’il crée. Je suis d’accord avec Mauriac : le seul problème est de « purifier la so
82 t de lui et de son œuvre comme il Lui plait. Mais je m’aperçois que ce point de vue est sans doute typiquement protestant
83 e lui et de son œuvre comme il Lui plait. Mais je m’ aperçois que ce point de vue est sans doute typiquement protestant (bi
84 ause ou d’un parti, fût-il baptisé « chrétien ». ( Je parle idéalement : nous avons nous aussi une pénible « littérature pr
85 déserts du monde. « Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Et nous dirions de notre public ce que disait de son malad
86 ait de son malade le calviniste Ambroise Paré : «  Je le pansay. Dieu le guarit. » Nous ne saurions « guérir » personne. On
87 qu’un diagnostic exact de l’humain, c’est-à-dire, je le répète : une expression vraiment totale et sans réserve de l’homme
7 1939, Articles divers (1938-1940). Quel est le rôle de l’Université dans le pays ? (1939)
88 ion libérale ? On le croit souvent. Pour ma part, je ne l’ai jamais cru, et aujourd’hui moins que jamais. Ce n’est pas à l
89 moins que jamais. Ce n’est pas à l’Université que j’ appris ce qu’il faut savoir pour vivre la vie dite sérieuse. Ce qui fa
90 s le savez bien : ce sont des trucs de métier, si j’ ose dire, des trucs que l’on n’apprend qu’à l’expérience. Or l’Univers
91 Nous attendons de l’Université tout autre chose. Je puis le dire à sa louange : ce que j’ai reçu d’elle, de plus précieux
92 utre chose. Je puis le dire à sa louange : ce que j’ ai reçu d’elle, de plus précieux, c’est ce qu’elle m’a donné sans le v
93 i reçu d’elle, de plus précieux, c’est ce qu’elle m’ a donné sans le vouloir : une atmosphère, un milieu de vie, et bien au
94 e demeurerait privée de sa plus émouvante saveur. Je sais : toutes les générations ont cru qu’elles étaient la dernière à
95 e, parce qu’elle était horriblement surréaliste ! J’ ignore si les volées qui ont suivi ont été aussi folles que nous, et s
96 s c’est avec plus de tendresse que de remords que je me rappelle, ce soir, ces folies-là. Nous vivions dans une sorte d’eu
97 ’est avec plus de tendresse que de remords que je me rappelle, ce soir, ces folies-là. Nous vivions dans une sorte d’eupho
98 fête collectif et prolongé… Pendant des mois, ai- je dit, car il fallait d’abord choisir la pièce, puis la préparer, la jo
99 a préparer, la jouer, la promener pour la rejouer je ne sais combien de fois, un peu plus chaque année. Mais le plus beau,
100 elques-uns, pourtant, s’y brûlèrent. Et voilà qui me donne à penser qu’il n’y avait pas en jeu, dans tout cela, rien qu’un
101 ontre… Mais ceci c’est une autre histoire, et qui m’ entraînerait assez loin. … Ne serait-ce pas notre rôle actuel, en Suis
102 risé ou condamné comme un péché envers l’État. Il m’ a semblé que cette petite morale du loisir ne serait pas déplacée ce s
8 1939, Articles divers (1938-1940). Le protestantisme créateur de personnes (1939)
103 e protestantisme créateur de personnes (1939)l Je souhaite que beaucoup d’entre vous2, apercevant le titre de cette con
104 ette conférence, aient ressenti quelque méfiance. Je souhaite que beaucoup aient tenu le petit raisonnement que voici : Po
105 bien signifier cette contradiction affligeante ? Je serais heureux que la question vous ait paru curieuse, ou peut-être g
106 ne de réflexion, car c’est à elle précisément que je me propose de répondre ici. Comment passer du zéro de l’homme devant
107 de réflexion, car c’est à elle précisément que je me propose de répondre ici. Comment passer du zéro de l’homme devant Die
108 gloire peut-être intempestive ? Le problème est, je crois, d’autant plus actuel que les menaces qui pèsent aujourd’hui su
109 ée, à ce désir de retrouver confiance en soi, que je devrais répondre en exaltant ici le protestantisme créateur de person
110 éfenseur d’une certaine dignité humaine. Eh bien, je ne vois aucune raison de décevoir une telle attente. Mais attention !
111 oques que risquent d’entraîner de telles notions, me paraissent revêtir une importance particulière pour notre pensée réfo
112 onque, si l’on veut éviter les pires malentendus. Je ne reprendrai pas ici les distinctions théoriques que l’on a proposée
113 oposées entre individu, personne et personnalité. Je préfère illustrer ces notions par des exemples historiques susceptibl
114 archie. À ce moment, se produit fatalement ce que j’ appellerais un sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoisse di
115 rtant de rappeler ce sens romain du mot personne. Je le traduirais volontiers en langage moderne par le terme de milicien
116 ques, races, contraintes sacrées. C’est là ce que j’ appellerai une communauté régressive. L’autre possibilité de communaut
117 mis et préparé le triomphe du christianisme. Mais je demeure persuadé que la seule possibilité d’une communauté progressiv
118 Église primitive, du point de vue sociologique où je me place ici ? C’est une communauté spirituelle formée d’un grand nom
119 ise primitive, du point de vue sociologique où je me place ici ? C’est une communauté spirituelle formée d’un grand nombre
120 caractériser par quelques traits qui rappelleront ma description de la Grèce individualiste. L’individu de la Renaissance
121 forme. Nous touchons au cœur même du sujet. Qu’on m’ entende bien : je ne prétends pas annexer ici la Réforme à la cause pe
122 ons au cœur même du sujet. Qu’on m’entende bien : je ne prétends pas annexer ici la Réforme à la cause personnaliste. Bien
123 rme à la cause personnaliste. Bien au contraire : je vais essayer de vous montrer ce que pourrait être et devrait être un
124 e Dieu. » Du point de vue qui nous intéresse ici, je dirai que l’œuvre de Calvin a consisté essentiellement à restaurer la
125 e à la définition de la personne. À tel point que je dirais volontiers que la définition protestante de la personne, c’est
126 et dont l’actualité vous frappera certainement. «  Je promets, dit le pasteur, de servir la Seigneurie et le peuple de tell
127 neurie et le peuple de telle manière que par cela je ne sois nullement empêché de rendre à Dieu le service que je lui dois
128 nullement empêché de rendre à Dieu le service que je lui dois par ma vocation. » C’est à ma connaissance le seul texte con
129 é de rendre à Dieu le service que je lui dois par ma vocation. » C’est à ma connaissance le seul texte constitutionnel exi
130 ervice que je lui dois par ma vocation. » C’est à ma connaissance le seul texte constitutionnel existant, qui puisse être
131 être qualifié de personnaliste, au sens précis où je l’entends. Diversité des Églises, fédération de ces diversités, mult
132 ienne de l’Église et des vocations personnelles ? Je n’hésite pas à le dire : c’est le fédéralisme. Cette thèse pourra par
133 se au pas » par l’homme qui dit : « l’État, c’est moi  », la France synchronisée, centralisée, déjà presque totalitaire, et
134 et cela se vérifie souvent au xvie siècle. Mais je maintiens que la cause profonde de la tendance fédéraliste protestant
135 veloppement des vocations chez leurs élèves… Mais je m’en voudrais d’insister sur cet exemple qui me ferait la part trop b
136 oppement des vocations chez leurs élèves… Mais je m’ en voudrais d’insister sur cet exemple qui me ferait la part trop bell
137 s je m’en voudrais d’insister sur cet exemple qui me ferait la part trop belle. Contentons-nous de le poser comme un repèr
138 ntentons-nous de le poser comme un repère. Ce que je voulais dégager, c’est que la doctrine réformée prédispose les peuple
139 erté bien tempérée et pour durer longuement. » Il me semble que le spectacle de l’Europe contemporaine donne raison au réf
140 ope contemporaine donne raison au réformateur. Et je ne crois pas être infidèle à sa pensée en y ajoutant cette précision 
141 e masque, et leur mépris de la personne. Voici, à mon avis, les causes de ces deux phénomènes. En Russie, en Allemagne, à R
142 on nomme la théocratie. Les trois autres pays que je viens de nommer souffraient, eux aussi, à des degrés divers, et pour
143 , on comprendra sans peine le fait suivant qui, à ma connaissance, n’a jamais été signalé : c’est qu’il existe une forme d
144 ettre une confrontation utile des deux doctrines. Je dis bien utile, et non pas simplement intéressante. Je ne fais pas ic
145 s bien utile, et non pas simplement intéressante. Je ne fais pas ici, vous le sentez bien, une description désintéressée e
146 rs régimes également soutenables dans l’abstrait. Je considère l’esprit totalitaire comme une menace terrible pour notre c
147 tre civilisation et plus encore pour nos Églises. Je considère que nous n’avons plus le droit de l’étudier en curieux, en
148 nacent en permanence notre morale de la personne. Je vais le montrer par deux exemples dont j’essaierai de tirer des concl
149 rsonne. Je vais le montrer par deux exemples dont j’ essaierai de tirer des conclusions pratiques. Quelle est la condition
150 s du monde, d’une défense spirituelle du pays. Et je suis le premier à l’approuver. Mais lorsque l’on fonde cette défense
151 ividualiste. Un dernier exemple vous fera sentir, je crois, toute l’importance pratique de cette distinction entre personn
152 t, la distinction entre personne et personnalité. Je ne vois aucune raison de lui laisser le bénéfice exclusif d’une telle
153 , la conclusion de cette série de mises au point. J’ ai tenté de situer la Réforme dans l’évolution de l’Europe, puis dans
154 tion de l’Europe, puis dans les conflits actuels. J’ ai essayé de vous montrer que sa doctrine représente, en sa pureté, le
155 fière devise des vieux huguenots : « Tant plus à me frapper l’on s’amuse, tant plus de marteaux l’on y use. » 2. Texte
9 1939, Articles divers (1938-1940). Le théâtre communautaire en Suisse (1939)
156 groupe que le théâtre satisfait au premier chef ? Je ne sais ; et m’en tiendrai donc au seul problème du théâtre actuel. N
157 éâtre satisfait au premier chef ? Je ne sais ; et m’ en tiendrai donc au seul problème du théâtre actuel. Nous voyons naîtr
158 notre Confédération et de chacun de nos cantons. J’ essaierai de concrétiser ce point de vue par l’exemple d’un drame que
159 iser ce point de vue par l’exemple d’un drame que j’ ai conçu plus ou moins consciemment selon ces directives. J’ai cherché
160 plus ou moins consciemment selon ces directives. J’ ai cherché tout d’abord un sujet qui fît intervenir des forces individ
161 duelles mais engagées dans une communauté réelle. J’ ai cherché, en second lieu, à tenir compte des conditions de fait qui
162 d lieu, à tenir compte des conditions de fait qui m’ étaient imposées par l’occasion de la représentation — il s’agissait d
163 Et voici, quelque peu schématisée, la solution où je suis parvenu. Parmi les forces individuelles les plus marquantes de n
164 ire de cette donnée propose un nouveau paradoxe : je dispose d’une scène de 30 mètres de largeur, qui ne peut être occupée
165 particulièrement dans le canton de Neuchâtel, qui m’ a demandé d’écrire ce drame. Il existe en effet chez nous des chœurs m
166 nte : le chœur « Sine Nomine », à Neuchâtel même. J’ utiliserai donc, pour mon drame, une masse chorale qui représentera le
167 mine », à Neuchâtel même. J’utiliserai donc, pour mon drame, une masse chorale qui représentera le Monde, et qui agira sur
168 le degré inférieur de la scène à trois plans dont j’ ai vu le projet. Une masse plus réduite agira sur le degré médian, de
169 , dans La Suisse qui chante, 1932). Cette formule me paraît plus collectiviste que communautaire. Elle présente par ailleu
170 et trop vastes, qui accaparent toute l’attention. Je suis donc parti du texte lui-même, du mouvement intérieur du dialogue
171 ’est plus décorative, mais proprement dramatique. Je ne saurais trop me féliciter de la manière dont Arthur Honegger l’a c
172 e, mais proprement dramatique. Je ne saurais trop me féliciter de la manière dont Arthur Honegger l’a compris : en artisan
173 tacle est d’ailleurs venu justifier le calcul que je viens d’esquisser. Cinq-cents personnes, dans les diverses régions de
174 ndamment de cette valeur — et c’est bien cela qui me permet d’invoquer un exemple aussi personnel ! — une leçon se dégage
175 t fédéralistes, de ce théâtre communautaire qu’il m’ a paru intéressant d’énumérer. Je suis persuadé que sa formule est cel
176 munautaire qu’il m’a paru intéressant d’énumérer. Je suis persuadé que sa formule est celle de l’avenir de notre scène.
10 1939, Articles divers (1938-1940). Un quart d’heure avec M. Denis de Rougemont : Hitler, grand-prêtre de l’Allemagne (11 janvier 1939)
177 ier 1939)n o Voici le livre le plus actuel que j’ aie lu sur l’Allemagne hitlérienne. Il y a pourtant deux ans qu’il a é
178 l a été écrit. Son auteur, M. Denis de Rougemont, me dit pourquoi il a attendu ce temps pour le publier. C’est un journal
179 ndu ce temps pour le publier. C’est un journal où j’ ai noté pour moi-même mes impressions sur ce que je voyais et sur ce q
180 lier. C’est un journal où j’ai noté pour moi-même mes impressions sur ce que je voyais et sur ce que j’entendais, pendant u
181 ’ai noté pour moi-même mes impressions sur ce que je voyais et sur ce que j’entendais, pendant un séjour de huit mois dans
182 es impressions sur ce que je voyais et sur ce que j’ entendais, pendant un séjour de huit mois dans une grande ville d’Alle
183 n 1935-1936. Que valaient ces impressions ? Quand je suis revenu, je n’étais pas sûr qu’elles n’eussent pas décrit des asp
184 valaient ces impressions ? Quand je suis revenu, je n’étais pas sûr qu’elles n’eussent pas décrit des aspects passagers d
185 ers du régime. Les choses vont peut-être changer, me disais-je. Pour savoir si j’avais observé, sur l’Allemagne, une vérit
186 ime. Les choses vont peut-être changer, me disais- je . Pour savoir si j’avais observé, sur l’Allemagne, une vérité durable,
187 t peut-être changer, me disais-je. Pour savoir si j’ avais observé, sur l’Allemagne, une vérité durable, il fallait attendr
188 lemagne, une vérité durable, il fallait attendre. J’ ai attendu. La vérité durable avait chance, alors, d’apparaître comme
189 e apparue dès que vous êtes arrivé en Allemagne ? Je crois l’avoir discernée peu à peu, mais assez vite. Cependant, elle n
190 is assez vite. Cependant, elle ne s’est imposée à moi que le jour où j’ai assisté à un discours du Führer, en présence de 4
191 ndant, elle ne s’est imposée à moi que le jour où j’ ai assisté à un discours du Führer, en présence de 40 000 personnes. M
192 e 40 000 personnes. Mais, ce jour-là, ce fut pour moi foudroyant. Je me souviens qu’avant de me rendre à cette réunion, j’a
193 es. Mais, ce jour-là, ce fut pour moi foudroyant. Je me souviens qu’avant de me rendre à cette réunion, j’avais dit à quel
194 Mais, ce jour-là, ce fut pour moi foudroyant. Je me souviens qu’avant de me rendre à cette réunion, j’avais dit à quelqu’
195 t pour moi foudroyant. Je me souviens qu’avant de me rendre à cette réunion, j’avais dit à quelqu’un : « Vous y croyez, vo
196 e souviens qu’avant de me rendre à cette réunion, j’ avais dit à quelqu’un : « Vous y croyez, vous, à l’âme collective ? Es
197 chez les individus charriés par une foule ? » Il m’ a répondu : « Allez écouter le Führer, nous en reparlerons ensuite ».
198 e révélation, ce qui, du moins, en a été une pour moi , c’est de voir quels liens unissent Hitler à une foule à laquelle il
199 t Wessel Lied, comme un cantique. C’est alors que j’ ai compris. Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifestat
200 comme un cantique. C’est alors que j’ai compris. Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifestation politique.
201 mme un cantique. C’est alors que j’ai compris. Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifestation politique. Ma
202 t la grande cérémonie sacrale d’une religion dont je me sentais écrasé. L’âme des masses, oui, j’ai compris alors ce que c
203 a grande cérémonie sacrale d’une religion dont je me sentais écrasé. L’âme des masses, oui, j’ai compris alors ce que c’ét
204 dont je me sentais écrasé. L’âme des masses, oui, j’ ai compris alors ce que c’était : j’ai entendu son râle d’amour, le râ
205 masses, oui, j’ai compris alors ce que c’était : j’ ai entendu son râle d’amour, le râle d’une nation possédée par l’homme
206 sié. Mais cet homme lui-même, qu’en pensez-vous ? Je ne l’ai vu que le jour dont je vous parle. Je l’ai vu de près, à la s
207 u’en pensez-vous ? Je ne l’ai vu que le jour dont je vous parle. Je l’ai vu de près, à la sortie de la réunion, debout dan
208 s ? Je ne l’ai vu que le jour dont je vous parle. Je l’ai vu de près, à la sortie de la réunion, debout dans sa voiture qu
209 . Une seule chaîne de SS le séparait de la foule. J’ étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireur l’eût desce
210 occasions analogues. Voilà le principal de ce que je sais sur Hitler. Vous pouvez réfléchir là-dessus. Quelles sont vos pr
211 e religion sont réservés à d’autres catastrophes. J’ achève votre raisonnement : puisqu’il n’y a pas d’attentats contre Hit
212 ses décomposées par des siècles d’individualisme. J’ ai reçu récemment d’Allemagne une lettre qui ne dit rien d’autre que c
213 gne une lettre qui ne dit rien d’autre que ce que je viens de vous exposer brièvement. Elle est d’un jeune national-social
214 ent. Elle est d’un jeune national-socialiste, qui m’ explique d’abord que le régime hitlérien est né de la pauvreté et du m
215 ratique, si ce n’est un grand effort moral. Quand j’ ai envoyé à des amis de France le récit de la journée où j’ai vu Hitle
216 yé à des amis de France le récit de la journée où j’ ai vu Hitler en communion avec son peuple, je n’ai ajouté que ceci en
217 e où j’ai vu Hitler en communion avec son peuple, je n’ai ajouté que ceci en conclusion : « Chrétiens, retournez aux catac
218 que la foi. Mais la vraie lutte commence là. » Et je crois toujours que le problème est là : c’est celui d’une renaissance
11 1939, Articles divers (1938-1940). Qui est Hitler ? (24 février 1939)
219 ution de 1789. Au panégyrique et à la caricature, j’ opposerai ici un témoignage limité, mais authentique. J’ai entendu Hit
220 serai ici un témoignage limité, mais authentique. J’ ai entendu Hitler pendant une heure et demie, à peu de distance de sa
221 ure et demie, à peu de distance de sa tribune, et je l’ai vu à la sortie de cette « manifestation monstre », — de ce culte
222 eule chaîne de miliciens le séparait de la foule. J’ étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireur l’eût desce
223 occasions analogues. Voilà le principal de ce que je sais sur Hitler. Vous pouvez réfléchir là-dessus… On demande souvent
224 ssus… On demande souvent s’il est intelligent. Il me semble que cela n’a pas grande importance, que cela ne compte guère e
225 tés propres, de vices ou de vertus, comme vous et moi  ; il n’a que les vertus symboliques de l’Allemand moyen. Il ne possèd
226 « celui qu’on ne peut pas définir ». Celui, comme je le disais, qui n’est rien et qui est tout. Un lieu de passage des for
227 e de ce qui s’est fait par lui. Le seul trait qui me frappe encore en lui, si je le regarde en psychologue, c’est la surhu
228 ui. Le seul trait qui me frappe encore en lui, si je le regarde en psychologue, c’est la surhumaine énergie qu’il développ
229 ence), que les prophètes de Jéhovah. Hitler est à mes yeux le type du faux prophète, celui qui annonce aux hommes le règne
230 que notre foi. La contre-épreuve de ce jugement, je la vois dans deux faits frappants : le premier, c’est que la seule ré
231 personnel » du Führer pour dix ans. Cas unique, à ma connaissance, et qui revêt une signification extraordinaire dans sa s
12 1939, Articles divers (1938-1940). Il y a toujours des directeurs de conscience en Occident (juin 1939)
232 os réponses. D’accord avec votre jugement global, je ne le suis guère avec votre description. La direction de conscience e
233 contacts personnels, non d’influence collective. J’ écarte donc de votre liste les journalistes, les meneurs, les savants
234 s goûts supposés du public). Parmi les écrivains, je ne retiens que ceux qui répondent sérieusement et par principe aux le
235 yer. Seules les directrices de magazines féminins me paraissent exercer une activité précise de direction morale, par cons
236 êtres et de pasteurs que vous énumérez. II. Mon principal directeur de conscience, qui mourut en 1855, écrivait : « S
237 ours… Pour aider réellement un homme, il faut que j’ en sache davantage que lui, mais il faut avant tout que je sache ce qu
238 he davantage que lui, mais il faut avant tout que je sache ce qu’il sait. Sinon mon savoir supérieur ne lui servira de rie
239 faut avant tout que je sache ce qu’il sait. Sinon mon savoir supérieur ne lui servira de rien. Si je persiste cependant à f
240 n mon savoir supérieur ne lui servira de rien. Si je persiste cependant à faire valoir ma science, ce n’est plus alors que
241 de rien. Si je persiste cependant à faire valoir ma science, ce n’est plus alors que par vanité ou par orgueil, de sorte
242 il, de sorte qu’au fond, au lieu d’aider l’homme, je cherche à me faire admirer de lui ». (Kierkegaard) Qu’est-ce en effet
243 qu’au fond, au lieu d’aider l’homme, je cherche à me faire admirer de lui ». (Kierkegaard) Qu’est-ce en effet que diriger 
244 de nos idéaux : car eux aussi sont dans le puits. Je ne connais pas de doctrine universelle, d’universalisme concevable, d
245 soleil, c’est toujours tirer sur des hommes. Mais je n’entends pas parler d’un retour à une église, et encore moins d’un r
246 prenne de l’eau de la vie, gratuitement. » 3. Je ne puis ici que déclarer, sans démonstration, que le fait de la plura
13 1939, Articles divers (1938-1940). Nicolas de Flue vu par Denis de Rougemont (8 juillet 1939)
247 . Notre Nicolas de Flue comprend trois parties, j’ hésite à dire trois actes tant notre travail diffère du genre purement
248 ment théâtral, répond Denis de Rougemont à une de mes questions. Et ces différences sont ? Il a fallu se plier aux conditio
249 t les autres composants restent dans la pénombre… Je précise encore que la salle est ouverte, et que la légende sera plus
250 sera plus collective qu’individuelle. Maintenant, je me tourne du côté d’Arthur Honegger qui a suivi, la pipe à la bouche,
251 a plus collective qu’individuelle. Maintenant, je me tourne du côté d’Arthur Honegger qui a suivi, la pipe à la bouche, no
252 che, notre conversation. Et la musique ? D’abord, je vous dirai qu’il y a 30 parties musicales et que le choral du premier
253 xemple forme le centre même de l’action. Ensuite, je puis vous préciser que l’orchestre n’aura que les cuivres. Si je comp
254 éciser que l’orchestre n’aura que les cuivres. Si je comprends bien, les chœurs seront l’acteur numéro 1 du spectacle. Exa
255 nt l’acteur numéro 1 du spectacle. Exactement. Et j’ ai composé ma musique en tenant compte de cette particularité. Les chœ
256 uméro 1 du spectacle. Exactement. Et j’ai composé ma musique en tenant compte de cette particularité. Les chœurs avanceron
14 1939, Articles divers (1938-1940). Du mythe de Tristan et Iseut à l’hitlérisme (14 juillet 1939)
257 s domicile, ou plutôt aux innombrables domiciles, me reçut à la NRF. Pourrait-on s’imaginer, en effet, l’ex-« intellectuel
258 appartinssent en propre ?… Le voici à Paris pour ma chance et fort Parisien, à ce qu’il me semble. Entre deux averses de
259 Paris pour ma chance et fort Parisien, à ce qu’il me semble. Entre deux averses de cet été inclément, nous pouvons profite
260 mains ». ⁂ Mais revenons au jardin de la NRF, où je suis venue lui parler de l’amour, ou plutôt de L’Amour et l’Occident,
261 t de L’Amour et l’Occident, son dernier livre. Si ma question ne vous paraît pas trop indiscrète, je voudrais savoir ce qu
262 i ma question ne vous paraît pas trop indiscrète, je voudrais savoir ce qui vous a poussé à écrire ce livre, si différent
263 de vos derniers livres, tous liés à l’actualité. Je songe au Journal d’un intellectuel en chômage, et surtout au Journal
264 avec ce demi-sourire en coin qui fait son charme. Mon dernier livre me paraît au contraire comme plus actuel que beaucoup d
265 re en coin qui fait son charme. Mon dernier livre me paraît au contraire comme plus actuel que beaucoup d’autres. La crise
266 et c’est surtout à cet aspect de la question que j’ ai songé en me mettant à l’œuvre. J’ai voulu d’abord faire un livre co
267 out à cet aspect de la question que j’ai songé en me mettant à l’œuvre. J’ai voulu d’abord faire un livre court traitant d
268 question que j’ai songé en me mettant à l’œuvre. J’ ai voulu d’abord faire un livre court traitant du mythe de Tristan et
269 décadence de la conception du mariage. Les idées me sont venues en travaillant. Les livres que j’ai lus m’ont mis sur la
270 ées me sont venues en travaillant. Les livres que j’ ai lus m’ont mis sur la piste d’une liaison du mythe de Tristan avec l
271 nt venues en travaillant. Les livres que j’ai lus m’ ont mis sur la piste d’une liaison du mythe de Tristan avec la traditi
272 urs de route. Mais les hypothèses historiques que j’ y développe ne sont pas indispensables à l’essence du livre qui pourra
273 Parfois s’établissent entre nous des silences qui me font dire qu’il a fini et que je dois poser une question. Mais non, l
274 des silences qui me font dire qu’il a fini et que je dois poser une question. Mais non, le voici qui reprend. Au début, je
275 estion. Mais non, le voici qui reprend. Au début, je ne songeais qu’au problème individuel de l’amour et du mariage. C’est
276 mais de ce qui est sacré dans la sociologie, que j’ en suis arrivé à envisager les problèmes collectifs. Tristan symbolise
277 vient, selon vous, cette conception de l’amour ? J’ ai cherché ce qui lui ressemblait le plus, et j’ai trouvé que c’était
278 ? J’ai cherché ce qui lui ressemblait le plus, et j’ ai trouvé que c’était la poésie des troubadours. Quant à savoir d’où v
279 ux tout à fait récents, publiés en même temps que mon livre, l’ont établi avec certitude pour un bon tiers d’entre eux. C’e
280 oute une série d’analogies dans l’expression, que j’ ai fondé mon raisonnement. Qui pourrait laisser penser qu’avant le xii
281 rie d’analogies dans l’expression, que j’ai fondé mon raisonnement. Qui pourrait laisser penser qu’avant le xiie siècle on
282 savait pas ce que c’était que la passion, ne puis- je m’empêcher de compléter. Je ne le crois pas, réplique Denis de Rougem
283 ait pas ce que c’était que la passion, ne puis-je m’ empêcher de compléter. Je ne le crois pas, réplique Denis de Rougemont
284 e la passion, ne puis-je m’empêcher de compléter. Je ne le crois pas, réplique Denis de Rougemont. La passion a des racine
285 st pas de synthèse possible entre Éros et Agapè ? J’ ai tenté une esquisse de synthèse à la fin de mon livre, en partant de
286 ? J’ai tenté une esquisse de synthèse à la fin de mon livre, en partant des mystiques. Je traiterai ce problème plus à fond
287 à la fin de mon livre, en partant des mystiques. Je traiterai ce problème plus à fond dans un second volume, que je prépa
288 e problème plus à fond dans un second volume, que je prépare actuellement. Pour commencer, j’ai voulu marquer les deux cas
289 ume, que je prépare actuellement. Pour commencer, j’ ai voulu marquer les deux cas extrêmes de l’amour, afin d’y voir clair
290 fféremment dans d’autres pays. Les traductions de mon livre montrent que l’étranger s’intéresse à une étude où l’on parle d
291 ’amour sans ironie comme sans sentimentalisme. Et j’ ai surtout rencontré la faveur du public féminin content de voir exami
292 ager le parallélisme entre la guerre et l’amour ? Je ne peux me retenir plus longtemps de poser cette question qui me brûl
293 allélisme entre la guerre et l’amour ? Je ne peux me retenir plus longtemps de poser cette question qui me brûlait la lang
294 etenir plus longtemps de poser cette question qui me brûlait la langue depuis le début de notre entretien, lequel prend de
295 ure de conversation amicale à bâtons rompus, tant je me sens de plain-pied avec cet auteur si peu imbu de sa personne. Mon
296 de conversation amicale à bâtons rompus, tant je me sens de plain-pied avec cet auteur si peu imbu de sa personne. Mon in
297 -pied avec cet auteur si peu imbu de sa personne. Mon interlocuteur rejette tout de suite une objection possible : Il va sa
298 t en Allemagne ou en Russie. C’est en ce sens que mon livre est actuel. Je n’ai pas choisi ce qu’on appelle communément un
299 ussie. C’est en ce sens que mon livre est actuel. Je n’ai pas choisi ce qu’on appelle communément un sujet d’actualité, pa
300 pelle communément un sujet d’actualité, parce que je crois que la véritable signification des questions qui se posent au n
301 ’hitlérisme. En homme prudent. Denis de Rougemont me recommande pour terminer d’insister sur le fait qu’il n’a pas voulu f
302 d’historien. Même si les historiens trouvent que j’ ai tort sur un point particulier, précise-t-il, cela m’est indifférent
303 tort sur un point particulier, précise-t-il, cela m’ est indifférent. Les faits que je rapporte servent davantage à illustr
304 écise-t-il, cela m’est indifférent. Les faits que je rapporte servent davantage à illustrer ma thèse qu’à la prouver. ⁂ Ma
305 its que je rapporte servent davantage à illustrer ma thèse qu’à la prouver. ⁂ Mais sans doute cette précaution lui paraît-
306 récaution lui paraît-elle insuffisante, puisqu’il me demande de revoir son interview avant la publication. Saurait-on lui
307 fiance à l’égard des journalistes ? Pour ma part, je lui en veux d’autant moins que c’est chez lui qu’il me reçoit, un che
308 i en veux d’autant moins que c’est chez lui qu’il me reçoit, un chez-lui tout provisoire, puisqu’il loge présentement dans
15 1939, Articles divers (1938-1940). Comment j’ai écrit Nicolas de Flue (3 novembre 1939)
309 Comment j’ ai écrit Nicolas de Flue (3 novembre 1939)w Je cherchais un sujet d
310 j’ai écrit Nicolas de Flue (3 novembre 1939)w Je cherchais un sujet dramatique digne des vastes dimensions de la Halle
311 trevue décisive de Munich. Or, au soir de ce jour me parvint par hasard un livre sur la vie de Nicolas de Flue. Et je tomb
312 hasard un livre sur la vie de Nicolas de Flue. Et je tombai sur le récit de la Diète de Stans, c’est-à-dire sur le récit m
313 urope d’aujourd’hui. Il n’y avait plus à hésiter. Je tenais enfin le grand sujet. La pièce fut écrite, le musicien trouvé
314 e M. Jean Kiehl.) Beaucoup d’entre eux sont comme moi , mobilisés. Remercions l’armée de leur avoir accordé les congés néces
315 core le pays. w. Rougemont Denis de, « Comment j’ ai écrit Nicolas de Flue  », Le Radio, Lausanne, 3 novembre 1939, p. 1
16 1939, Articles divers (1938-1940). Pourquoi nous sommes là (décembre 1939)
316 llon du haut Jura. Et la neige fond dans la boue. Je débouche entre deux sapins pleureurs, enveloppé dans une toile de ten
317 dans une toile de tente raidie par l’humidité. Et je constate que mes hommes ont cessé de creuser leur trou de mitrailleus
318 e tente raidie par l’humidité. Et je constate que mes hommes ont cessé de creuser leur trou de mitrailleuse : ils préfèrent
319 , mornes et ronchonneurs, à la lisière d’un bois. J’ essaie de les réconforter. Silence, réprobation muette. Je prends une
320 de les réconforter. Silence, réprobation muette. Je prends une pioche et tape deux coups : la terre gicle sur mes joues g
321 ne pioche et tape deux coups : la terre gicle sur mes joues glacées et sur mon casque. Les hommes me regardent, et ils ne r
322 ups : la terre gicle sur mes joues glacées et sur mon casque. Les hommes me regardent, et ils ne rient même pas. L’un d’eux
323 r mes joues glacées et sur mon casque. Les hommes me regardent, et ils ne rient même pas. L’un d’eux entre ses dents : « O
324 s, vous avez bien raison de vous le demander ! Et je me le demande encore, devant ce papier blanc : pourquoi sommes-nous l
325 vous avez bien raison de vous le demander ! Et je me le demande encore, devant ce papier blanc : pourquoi sommes-nous là,
326 tte mission, si nous n’en prenons pas conscience, je ne donne pas lourd de notre indépendance. Lt D. de Rougemont III/20.
17 1939, Articles divers (1938-1940). Nicolas de Flue : naissance d’un drame (Noël 1939)
327 embre de l’an dernier, au milieu de l’après-midi, je fus appelé au téléphone par un ami. Était-ce la guerre qu’on attendai
328 it Munich, c’était la paix, cela n’arrangeait pas mes affaires. Car voici ce qui m’était arrivé. Deux semaines auparavant,
329 a n’arrangeait pas mes affaires. Car voici ce qui m’ était arrivé. Deux semaines auparavant, à Venise, j’écoutais Honegger
330 était arrivé. Deux semaines auparavant, à Venise, j’ écoutais Honegger dirigeant son Nocturne dans le théâtre goldonien de
331 octurne dans le théâtre goldonien de la Fenice et je me disais une fois de plus : j’écrirai quelque chose pour cet homme-l
332 urne dans le théâtre goldonien de la Fenice et je me disais une fois de plus : j’écrirai quelque chose pour cet homme-là.
333 n de la Fenice et je me disais une fois de plus : j’ écrirai quelque chose pour cet homme-là. Sur quoi la guerre fit un pas
334 cina tout entendement. C’est à ce moment que l’on m’ offrit d’écrire une pièce pour l’Exposition de Zurich. Je ris un peu d
335 t d’écrire une pièce pour l’Exposition de Zurich. Je ris un peu de tant de flegme… L’Exposition, d’abord, n’aurait pas lie
336 Exposition, d’abord, n’aurait pas lieu ; ensuite, j’ allais mettre mon casque ; enfin je n’avais pas de sujet, et je défiai
337 ord, n’aurait pas lieu ; ensuite, j’allais mettre mon casque ; enfin je n’avais pas de sujet, et je défiais quiconque d’en
338 ieu ; ensuite, j’allais mettre mon casque ; enfin je n’avais pas de sujet, et je défiais quiconque d’en trouver un, en Sui
339 re mon casque ; enfin je n’avais pas de sujet, et je défiais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui fût de taille à occ
340 , qui fût de taille à occuper l’énorme scène dont j’ avais vu les plans. On insista, je demandai trois jours « pour réfléch
341 orme scène dont j’avais vu les plans. On insista, je demandai trois jours « pour réfléchir », et n’en fis rien. J’étais ce
342 trois jours « pour réfléchir », et n’en fis rien. J’ étais certain qu’avant le terme, la catastrophe réglerait tout. Sur qu
343 églerait tout. Sur quoi, le coup de téléphone que j’ ai dit, et toute la vie qui se reprend à vivre, les délais à courir, l
344 reprend à vivre, les délais à courir, le sujet à me fuir… Le soir même, rentrant de voyage, ma femme m’apporte un livre q
345 ujet à me fuir… Le soir même, rentrant de voyage, ma femme m’apporte un livre qu’on lui a prêté : une biographie de Nicola
346 fuir… Le soir même, rentrant de voyage, ma femme m’ apporte un livre qu’on lui a prêté : une biographie de Nicolas de Flue
347 arie de Gourlet4. Genre édifiant, hagiographique. Je parcours distraitement quelques pages. Ce Nicolas ne m’avait jamais p
348 cours distraitement quelques pages. Ce Nicolas ne m’ avait jamais paru très excitant : souvenir d’école primaire, c’est tou
349 e primaire, c’est tout dire. Mais tout d’un coup, me voilà pris ! Je découvre une vie d’homme réel, un siècle décisif de n
350 t tout dire. Mais tout d’un coup, me voilà pris ! Je découvre une vie d’homme réel, un siècle décisif de notre histoire, u
351 , impitoyablement. Dans l’obscurité et la fièvre, je perçois mille correspondances. Cette Diète de Stans où le message de
352 ndu, mais tout entière organisée et déployée dans mon esprit. Elle ne s’est guère modifiée depuis lors. Dès les premiers in
353 miers instants, le paradoxe technique de ce drame m’ était clairement apparu : il s’agissait de peupler une scène immense a
354 e recouru à l’inspiration liturgique. Protestant, je songeai tout de suite au style lyrique monumental des prophètes et de
355 ’appel au musicien… Sans un instant d’hésitation, je m’adressai à Honegger. En trois mois, tout fut terminé. Mois heureux,
356 pel au musicien… Sans un instant d’hésitation, je m’ adressai à Honegger. En trois mois, tout fut terminé. Mois heureux, où
357 t de l’auteur était si parfaitement préétabli que je ne fus pas étonné de retrouver, dans la partition d’Honegger, certain
358 tition d’Honegger, certains traits mélodiques que j’ avais inventés en composant mes chœurs et mes récitatifs, — et que je
359 aits mélodiques que j’avais inventés en composant mes chœurs et mes récitatifs, — et que je m’étais bien gardé de lui chant
360 s que j’avais inventés en composant mes chœurs et mes récitatifs, — et que je m’étais bien gardé de lui chanter ! On sait l
361 composant mes chœurs et mes récitatifs, — et que je m’étais bien gardé de lui chanter ! On sait la suite : tout était prê
362 mposant mes chœurs et mes récitatifs, — et que je m’ étais bien gardé de lui chanter ! On sait la suite : tout était prêt,
363 vint détruire ce qu’avait engendré Munich. Ainsi ma pièce, née d’un croisement fortuit d’une série de petits faits privés
364 e jour, le sort même de la paix qu’elle chantait. Je vous ai raconté cette histoire pour apporter un témoignage assez préc
365 el sera le destin de ce drame ? Celui de la paix, je le répète. Joignons alors notre prière à celle du peuple suisse, invo
366 ctoire ! Alléluia ! Alléluia ! Alléluia ! 4. Je saisis l’occasion de signaler une autre biographie de Nicolas, Bruder
18 1940, Articles divers (1938-1940). L’homme au poignard enguirlandé (1940)
367 L’homme au poignard enguirlandé (1940)au Oui, je veux opposer la Suisse de Manuel à l’Helvétie des manuels ! Et qu’imp
368 en terre comme un cochon dans son fumier !… Ô toi mon doux petit faiseur de rimes, je te tire une crotte sur le nez, trois
369 fumier !… Ô toi mon doux petit faiseur de rimes, je te tire une crotte sur le nez, trois dans ta barbe !15 » Mais nous vo
370 e même rythme de vie — vient mêler sa guirlande à mes images, comme la devise du tableau, tandis que je songe à la vie de N
371 es images, comme la devise du tableau, tandis que je songe à la vie de Nicolas Manuel Deutsch. C’est un autre guerrier qui
372 nt menacé, ce n’est point la jeunesse et l’amour, je ne sais quel printemps platonicien, c’est la vie savoureuse et forte
373 re dans la plus libre fantaisie, mais énergique : je ne cesse d’admirer chez Manuel la plupart des vertus qui nous manquen
374 e nul regard vivant n’a jamais rien perçu. ⁂ Mais je m’attarde à ces tableaux, et Manuel n’est pas un « artiste » au sens
375 ul regard vivant n’a jamais rien perçu. ⁂ Mais je m’ attarde à ces tableaux, et Manuel n’est pas un « artiste » au sens mod
376 éologien ; puis, après la victoire, homme d’État. Je vois ainsi l’unité de sa vie dans la recherche d’une forme et d’un se
377 ève de peindre le sérieux de ce fantastique. Mais je m’aperçois un peu tard que j’oubliais de citer sa devise, inscrite au
378 de peindre le sérieux de ce fantastique. Mais je m’ aperçois un peu tard que j’oubliais de citer sa devise, inscrite au co
379 e fantastique. Mais je m’aperçois un peu tard que j’ oubliais de citer sa devise, inscrite au coin de quelques-uns de ses d
380 C’est la passion de la Renaissance, si l’on veut. Je crois plutôt que c’est encore l’angoisse avide d’une unité de sens sp
19 1940, Articles divers (1938-1940). D’un certain cafard helvétique (janvier 1940)
381 i, à l’arrière, essaient de s’amuser. Par contre, je ne connais rien de plus démoralisant que le sentiment d’être entravé
382 vent exposés aujourd’hui les petits pays neutres. Mes nouvelles fonctions militaires me mettent journellement en rapport av
383 pays neutres. Mes nouvelles fonctions militaires me mettent journellement en rapport avec des hommes civils ou mobilisés,
384 s d’une de nos plus précieuses qualités civiques, j’ entends du sentiment de solidarité, d’équipe, et de virile entraide, q
385 stinct démocratique tout à fait sain à l’origine, je le répète. Mais quand cet instinct dégénère en mauvaise volonté incon
386 moyens ; bien modeste, mais il faut commencer. Et j’ en profite pour dire, ici, à tous ceux qui veulent faire quelque chose
20 1940, Articles divers (1938-1940). Les Suisses sont-ils « à la hauteur » de la Suisse ? (20 janvier 1940)
387 e de manuels, — et en même temps un peu d’argent, je crois. Tant pis pour les manuels et tant mieux pour l’argent. Mais il
388 supposent de pareils avantages ? Chaque fois que je vous entends vanter notre nature « incomparable », je ne puis m’empêc
389 ous entends vanter notre nature « incomparable », je ne puis m’empêcher de songer, avec une horrible malice, à certain pas
390 vanter notre nature « incomparable », je ne puis m’ empêcher de songer, avec une horrible malice, à certain passage de Hug
391 du haut du Pilate le panorama de nos Alpes. Qu’on me permette de le citer ici comme une sorte de parabole : C’était un en
392 s et magnifiques, pleines de la grandeur de Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être supérieur et choisi la nat
393 t magnifiques, pleines de la grandeur de Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être supérieur et choisi la nature
394 ines de la grandeur de Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être supérieur et choisi la nature servait ce mervei
395 te l’esplanade était sauvage, abrupte et déserte. Je n’oublierai cela de ma vie. Dans une anfractuosité du rocher, assis l
396 uvage, abrupte et déserte. Je n’oublierai cela de ma vie. Dans une anfractuosité du rocher, assis les jambes pendantes sur
397 ient le spectacle, le spectateur était un crétin. Je me suis perdu dans cette effrayante antithèse : l’homme opposé à la n
398 t le spectacle, le spectateur était un crétin. Je me suis perdu dans cette effrayante antithèse : l’homme opposé à la natu
399 omme dans sa posture la plus misérable… Eh bien, je ne dis pas que le peuple suisse représente dans son ensemble « la pos
400 e « la posture la plus misérable de l’homme ». Et je suis loin de penser que nous sommes des crétins ! Je dis seulement qu
401 suis loin de penser que nous sommes des crétins ! Je dis seulement qu’en face de cette nature dans son attitude superbe, i
21 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. I : Les voix que rien n’arrête (24 février 1940)
402 en cet instant, devant un poste de radio, et que j’ arrête tout exprès le petit trait lumineux du cadran sur l’un de ces e
403 la voix de l’Europe moderne. Que nous dit-elle ? J’ essaierai de l’interpréter. Depuis une dizaine d’années, et plus préci
404 d’une légitimité indiscutable. La propagande dont je parle dit autre chose : elle dit que certains États modernes n’ont pa
405 ses toutes faites et de clichés patriotiques. Que mes lecteurs ne s’étonnent donc pas trop si je consacre mes premiers arti
406 . Que mes lecteurs ne s’étonnent donc pas trop si je consacre mes premiers articles à la « critique », pour ne pas dire au
407 cteurs ne s’étonnent donc pas trop si je consacre mes premiers articles à la « critique », pour ne pas dire au dégonflage d
408 e stérile plaisir de démolir. Bien au contraire ! Mon entreprise serait inutile, si nous ne cherchions pas ensemble, et sur
409 valent la peine d’être affirmées sans rhétorique. Je vous ai parlé déjà de notre « nature »5. Je vous parlerai la semaine
410 ique. Je vous ai parlé déjà de notre « nature »5. Je vous parlerai la semaine prochaine de nos fameuses « libertés », puis
22 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. II : Sommes-nous libres ? (2 mars 1940)
411 leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois. Je n’oublie pas que Goethe écrivait cela au xviiie siècle. Les petits t
412 ées. Sur le plan de la morale, c’est pire encore. Je ne vais pas refaire ici, après tant d’autres, le procès de notre mora
413 s, le procès de notre moralisme intolérant. Qu’il me suffise de remarquer que si nous étions plus chrétiens, nous serions
414 e notre voisin et le mystère de son existence. On me dira peut-être que ces considérations n’ont pas grande importance, ac
415 s 1940, sont avant tout nos libertés poli­tiques. Je répondrai que nos libertés politiques ne sauraient subsister et garde
416 nger, pour les armées de la Révolution française. Je voudrais insister sur ce point : si nous perdons le sens et le goût d
417 ls sont les ennemis intérieurs de notre liberté ? Je n’en désignerai ici que deux, qui vous paraîtront peut-être assez ina
418 paresse d’esprit et l’égalitarisme. Voici ce que j’ entends par la paresse d’esprit : les Suisses jouissent d’une instruct
419 mme dans la politique. Un mot encore, pendant que j’ en suis à ronchonner. (La prochaine fois, nous parlerons d’une manière
23 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. III : Pourquoi nous devons rester neutres (9 mars 1940)
420 pas au sérieux, c’est que nous restons mobilisés. Je ne discuterai même pas ici l’argument de l’impartialité morale, qui p
421 à justifier notre refus de « payer notre part ». Je ne dis pas que ces arguments ne valent plus rien. Je dis seulement qu
422 ne dis pas que ces arguments ne valent plus rien. Je dis seulement qu’ils ne représentent plus une raison suffisante de s’
423 in réellement vital. Si maintenant et malgré tout j’ affirme que la Suisse a le devoir de rester neutre, ce ne peut donc êt
424 ntérêts de la politique de l’Europe entière. » Et j’ en arrive, ici, au centre même de tout ce que je voulais dire dans cet
425 t j’en arrive, ici, au centre même de tout ce que je voulais dire dans cette série d’articles : le seul moyen réel et réal
426 sponsables vis-à-vis de la communauté européenne. Je voudrais marquer d’une devise ce point central. Au Moyen Âge la noble
427 oblige, neutralité oblige ! À quoi ? C’est ce que je préciserai dans un dernier article, sur la vocation de la Suisse et s
24 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. IV : Notre « mission spéciale » (16 mars 1940)
428 n spéciale » (16 mars 1940)ag Il est temps que je définisse ce que j’appelle la mission de la Suisse, ou mieux encore,
429 s 1940)ag Il est temps que je définisse ce que j’ appelle la mission de la Suisse, ou mieux encore, sa vocation. C’est t
430 u fédéralisme. Ces deux aspects de notre vocation me paraissent inséparables. Il faut répandre l’idée fédéraliste, si nous
431 . De par notre situation de fait, nous sommes, si je puis dire, pratiquement condamnés à l’idéalisme. Mais beaucoup de bon
432 nous et en dehors de nos frontières. Si quelqu’un me dit que pour sa part, il ne voit pas par quels moyens il pourrait y c
433 it pas par quels moyens il pourrait y contribuer, je lui demanderai d’aider au moins ceux qui se trouveraient mieux placés
434 n’est pas encore une mobilisation spirituelle que je réclame, c’est plutôt une mise de piquet. Soyons prêts à répondre à t
435 plus précise que notre vocation européenne : mais je le répète, l’une suppose l’autre, et la soutient. Je laisserai de côt
436 le répète, l’une suppose l’autre, et la soutient. Je laisserai de côté ici l’aspect politique — au sens étroit — du problè
437 ’aspect politique — au sens étroit — du problème. J’ estime que le fédéralisme est tout d’abord une réalité morale, et même
438 s reste surtout à développer en profondeur ce que j’ appellerai le sens fédéraliste intime, qui suppose toute une morale, t
439 rité ; c’est toute l’éthique fédéraliste. Faut-il me résumer ? Ce sera vite fait. Je n’ai développé dans mes articles qu’u
440 éraliste. Faut-il me résumer ? Ce sera vite fait. Je n’ai développé dans mes articles qu’une seule idée : c’est que la Sui
441 sumer ? Ce sera vite fait. Je n’ai développé dans mes articles qu’une seule idée : c’est que la Suisse que nous devons défe
442 nsable. Une seule idée… Mais si nous l’acceptons, je suis certain que la plupart des critiques auxquelles j’ai dû me livre
443 s certain que la plupart des critiques auxquelles j’ ai dû me livrer en débutant perdront leur légitimité. Si nous refusons
444 n que la plupart des critiques auxquelles j’ai dû me livrer en débutant perdront leur légitimité. Si nous refusons de cons
25 1940, Articles divers (1938-1940). Le petit nuage (avril 1940)
445 ée dernière, le jour du pacte germano-soviétique, j’ ai fait deux choses. Primo, j’ai bouclé mes dossiers, lettres et papie
446 germano-soviétique, j’ai fait deux choses. Primo, j’ ai bouclé mes dossiers, lettres et papiers personnels, je les ai mis e
447 étique, j’ai fait deux choses. Primo, j’ai bouclé mes dossiers, lettres et papiers personnels, je les ai mis en lieu sûr et
448 uclé mes dossiers, lettres et papiers personnels, je les ai mis en lieu sûr et j’ai sorti mes uniformes pour les aérer. Se
449 papiers personnels, je les ai mis en lieu sûr et j’ ai sorti mes uniformes pour les aérer. Secundo, j’ai envoyé à un certa
450 rsonnels, je les ai mis en lieu sûr et j’ai sorti mes uniformes pour les aérer. Secundo, j’ai envoyé à un certain nombre de
451 j’ai sorti mes uniformes pour les aérer. Secundo, j’ ai envoyé à un certain nombre de mes amis la phrase suivante : « Au pl
452 érer. Secundo, j’ai envoyé à un certain nombre de mes amis la phrase suivante : « Au plus fort de la persécution entreprise
453 un petit nuage, il passera. » La semaine passée, je reçois une lettre de « quelque part dans le Proche-Orient », et une a
454 rient », et une autre des États-Unis. La première me dit : « Le petit nuage n’est pas passé. Il passera, et nous serons en
455 a vie reprendra. Cela paraît irréel. » La seconde me dit : « Le petit nuage passera, oui… et nous avec ! » Selon l’humeur
456 ra, oui… et nous avec ! » Selon l’humeur du jour, je donne raison à l’une ou à l’autre de ces lettres6. Pas d’importance.
457 nes. « C’est un petit nuage, il passera. » Ce mot me fut comme parole d’Évangile quand je le lus l’année dernière. Et je n
458 ra. » Ce mot me fut comme parole d’Évangile quand je le lus l’année dernière. Et je ne me trompais guère, vous allez le vo
459 e d’Évangile quand je le lus l’année dernière. Et je ne me trompais guère, vous allez le voir. Voici ce que je viens de tr
460 angile quand je le lus l’année dernière. Et je ne me trompais guère, vous allez le voir. Voici ce que je viens de trouver
461 trompais guère, vous allez le voir. Voici ce que je viens de trouver dans un livre interdit (mais je ne pense pas que ce
462 je viens de trouver dans un livre interdit (mais je ne pense pas que ce soit à cause de ce passage). L’auteur est l’un de
463 nsupportable le sombre avenir de son pays. « Dans mon désespoir, j’eus recours à l’Évangile qu’on trouve sur toutes les tab
464 sombre avenir de son pays. « Dans mon désespoir, j’ eus recours à l’Évangile qu’on trouve sur toutes les tables de nuit de
465 ve sur toutes les tables de nuit de ces hospices. Je le feuilletai et mon premier regard tomba sur cette parole consolante
466 bles de nuit de ces hospices. Je le feuilletai et mon premier regard tomba sur cette parole consolante : Ils ne continueron
467 tous. » Plt D. de Rougemont 6. Bien entendu, si je suis vivant après cette guerre, j’espère que j’aurai mieux à faire qu
468 en entendu, si je suis vivant après cette guerre, j’ espère que j’aurai mieux à faire qu’à me rasseoir à la terrasse des De
469 i je suis vivant après cette guerre, j’espère que j’ aurai mieux à faire qu’à me rasseoir à la terrasse des Deux Magots. a
470 e guerre, j’espère que j’aurai mieux à faire qu’à me rasseoir à la terrasse des Deux Magots. ah. Rougemont Denis de, « L
26 1940, Articles divers (1938-1940). D’un journal d’attente (pages démodées) (avril 1940)
471 ’eux-mêmes quelques instantanés révélateurs. Pour moi , j’ai renoncé à me chercher, à me vérifier curieusement. Mon vrai dés
472 mêmes quelques instantanés révélateurs. Pour moi, j’ ai renoncé à me chercher, à me vérifier curieusement. Mon vrai désir s
473 instantanés révélateurs. Pour moi, j’ai renoncé à me chercher, à me vérifier curieusement. Mon vrai désir serait de me don
474 élateurs. Pour moi, j’ai renoncé à me chercher, à me vérifier curieusement. Mon vrai désir serait de me donner, à peu près
475 enoncé à me chercher, à me vérifier curieusement. Mon vrai désir serait de me donner, à peu près dans le sens où l’on dirai
476 e vérifier curieusement. Mon vrai désir serait de me donner, à peu près dans le sens où l’on dirait : quoi que je sois, l’
477 à peu près dans le sens où l’on dirait : quoi que je sois, l’on verra bien ce que cela peut « donner » à l’usage. C’est fa
478 e d’une action vraiment totale et engageante, que je commence ici, pour la première fois, une espèce de journal d’attente,
479 ie de l’auteur qu’elle choisit. Mais aujourd’hui, je ne puis que subir le temps brutal des événements. Ils mènent le jeu,
480 al des événements. Ils mènent le jeu, jusque dans mes pensées. Désorganisent la méditation. Et me contraignent à n’écrire q
481 dans mes pensées. Désorganisent la méditation. Et me contraignent à n’écrire que des fragments. Le « journaliste » est l’h
482 … C’est le coup de force d’Albanie. — Voyez-vous, me dit-il, pour nous autres, qu’est-ce que cela fait, ceux qui gouvernen
483 us laisse travailler. Qu’est-ce que cela change ? J’ ai semé et taillé comme chaque année. Ils n’ont qu’à faire la guerre p
484 n’ont qu’à faire la guerre pour leurs histoires ! Moi je sais ce que c’est, je l’ai faite la guerre. Mais cette fois-ci, j’
485 t qu’à faire la guerre pour leurs histoires ! Moi je sais ce que c’est, je l’ai faite la guerre. Mais cette fois-ci, j’ai
486 pour leurs histoires ! Moi je sais ce que c’est, je l’ai faite la guerre. Mais cette fois-ci, j’ai tout semé comme d’habi
487 est, je l’ai faite la guerre. Mais cette fois-ci, j’ ai tout semé comme d’habitude, et on verra ! — Croyez-vous donc qu’ils
488 i c’est eux qui gouvernent ? — Ils ne peuvent pas m’ empêcher de travailler ! J’ai tout semé comme les autres années… Monsi
489 ? — Ils ne peuvent pas m’empêcher de travailler ! J’ ai tout semé comme les autres années… Monsieur Turc promène un regard
490 t d’un coup, son regard s’assombrit : — Ha ! mais je vais vous dire : si les Italiens débarquent ici, moi, j’ammpoisonne t
491 vais vous dire : si les Italiens débarquent ici, moi , j’ammpoisonne tout le pays ! Je ne sais comment il s’y prendra, mais
492 vous dire : si les Italiens débarquent ici, moi, j’ ammpoisonne tout le pays ! Je ne sais comment il s’y prendra, mais voi
493 débarquent ici, moi, j’ammpoisonne tout le pays ! Je ne sais comment il s’y prendra, mais voilà qui s’appelle un beau redr
494 tional ! 11 avril 1939 Monsieur Turc a semé, mais moi , je n’arrive même pas à défricher le champ d’un gros ouvrage projeté.
495 l ! 11 avril 1939 Monsieur Turc a semé, mais moi, je n’arrive même pas à défricher le champ d’un gros ouvrage projeté. Tou
496 ant. 15 avril 1939 Pour peu que les circonstances m’ empêchent de m’absorber dans l’œuvre en cours, c’est un esprit d’autoc
497 939 Pour peu que les circonstances m’empêchent de m’ absorber dans l’œuvre en cours, c’est un esprit d’autocritique qui pre
498 t un esprit d’autocritique qui prend la place, en moi , de l’effort créateur. J’imagine un recueil de Contredits où je réfut
499 qui prend la place, en moi, de l’effort créateur. J’ imagine un recueil de Contredits où je réfuterais mes précédents ouvra
500 t créateur. J’imagine un recueil de Contredits où je réfuterais mes précédents ouvrages… Penser avec les mains , par exe
501 imagine un recueil de Contredits où je réfuterais mes précédents ouvrages… Penser avec les mains , par exemple : j’accusa
502 ouvrages… Penser avec les mains , par exemple : j’ accusais la culture moderne de s’être « distinguée » abusivement du pe
503 vré les masses affamées au délire totalitaire. Il me semble aujourd’hui qu’au contraire, la vraie conscience de la vie ne
504 ents (état de siège proclamé par toute l’Europe), je suis tenté de prendre le contre-pied de mon Journal d’un intellectue
505 rope), je suis tenté de prendre le contre-pied de mon Journal d’un intellectuel en chômage , et d’insister désormais davan
506 elle est des Catacombes, et non pas du Forum. On m’ a loué de « penser près de la vie ». Hélas ! je n’en suis que trop prè
507 On m’a loué de « penser près de la vie ». Hélas ! je n’en suis que trop près, — et surtout de la vie des autres ! On voudr
508 certaines distances, — celles-là mêmes que, dans mon Journal , je me félicitais d’avoir vu s’abolir… 16 avril 1939 Quest
509 ances, — celles-là mêmes que, dans mon Journal , je me félicitais d’avoir vu s’abolir… 16 avril 1939 Question. Dans quel
510 es, — celles-là mêmes que, dans mon Journal , je me félicitais d’avoir vu s’abolir… 16 avril 1939 Question. Dans quelle
511 ondé. Une journée de reprise à Paris. Et ce soir, me voici [venu] assister à un débat, dans un cercle privé, sur la politi
512 nce. Tandis que des experts échangent leurs vues, je constate un curieux phénomène : tout se transpose dans mon esprit en
513 ate un curieux phénomène : tout se transpose dans mon esprit en problèmes de langage. Il est sans cesse question d’achat et
514 l est sans cesse question d’achat et de vente, et je remarque que l’acheteur et le vendeur sont nécessairement deux person
515 ême à un objet matériel indifférencié. À peine ai- je noté ceci, qu’un des experts se met à parler de la « personnalité » d
516 us réalistes, selon l’urgence des événements. — «  Je suis en pleine cure morale, me dit-il, après quatre ans de fièvre. Ma
517 es événements. — « Je suis en pleine cure morale, me dit-il, après quatre ans de fièvre. Mais je découvre qu’aujourd’hui,
518 rale, me dit-il, après quatre ans de fièvre. Mais je découvre qu’aujourd’hui, dans la vie politique ou intellectuelle, plu
519 essive, ambitions délirantes, et le tréponème, et j’ en passe… Qui est fou, qui ne l’est pas ? » Il me dit hésiter souvent
520 j’en passe… Qui est fou, qui ne l’est pas ? » Il me dit hésiter souvent sur ce point, — et me donne un éclair d’hésitatio
521  ? » Il me dit hésiter souvent sur ce point, — et me donne un éclair d’hésitation… 27 avril 1939 L’un me dit : — « Pourquo
522 donne un éclair d’hésitation… 27 avril 1939 L’un me dit : — « Pourquoi vous inquiéter ? Quand la guerre sera là, il sera
523 ale ; vrai tout autant qu’elle est probable. Suis- je aux prises avec deux tempéraments irréductibles ? Ou bien suffirait-i
524 s ». Cet excité croit-il vraiment à ses idées ? —  Je pense bien, me dit-on. Il n’hésiterait pas à faire tuer pour elles se
525 croit-il vraiment à ses idées ? — Je pense bien, me dit-on. Il n’hésiterait pas à faire tuer pour elles ses meilleurs ami
526 qui se tenaient dans le Paris du printemps 1939. M’ absoudras-tu de n’avoir su prendre parti entre ces deux ardeurs montée
527 espoir qu’au seuil des catastrophes générales. Et j’ en connais qui ne parviennent à leur régime normal de vie (comme un mo
528 capable est si profond, peut-être si normal, que j’ en viens à me demander si toutes nos crises ne seraient pas machinées
529 si profond, peut-être si normal, que j’en viens à me demander si toutes nos crises ne seraient pas machinées par nous-même
530 par nous-mêmes, dans notre inconscient collectif. Je puis l’avouer parce que je suis un écrivain. Il est admis que ces gen
531 inconscient collectif. Je puis l’avouer parce que je suis un écrivain. Il est admis que ces gens-là ont le droit de dire —
532 tranger et voyageur sur la terre », ainsi pensais- je d’autres fois, dans ces périodes de nomadisme involontaire. Aujourd’h
533 périodes de nomadisme involontaire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état de mobilisation permanente, préventive… M
534 ns l’autobus, une petite bourgeoise assise devant moi s’écrie, voyant s’abattre une pluie d’orage sur la Concorde : « Et mo
535 ’abattre une pluie d’orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’était pourtant l’heure H ! » 14 ma
536 d’orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’était pourtant l’heure H ! » 14 mai 1939 La grande v
537 e consacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de cette église ouverte, où passe le bruit des autobu
538 bat. 21 mai 1939 Promenade au Bois avec V. O. que j’ ai été prendre chez Adrienne Monnier — où elle s’était fait montrer le
539 gieuse gerbe de roses rouges que V. O. envoyait à ma femme. Plantée au milieu du studio, dans un gros pot de grès, elle rè
540 epuis des mois ? Serait-ce à cause de la menace ? Je ne le crois pas. S’il n’y avait pas un bien, dans ce régime, un bien
541 s armées régulières. 7 juin 1939 Ce restaurant où j’ achève de déjeuner — rive droite — est le type même du restaurant « mo
542 rée, malgré la ville environnante, à la campagne… Je suis seul et je pense à un bonheur promis, ce revoir qui est pour dem
543 ille environnante, à la campagne… Je suis seul et je pense à un bonheur promis, ce revoir qui est pour demain. Et voici qu
544 pour demain. Et voici que soudain, un « à venir » m’ est rendu, un rythme heureux du temps, pour vingt-quatre heures, une p
545 monde, et l’entretien de son attente ardente ? Si j’ y croyais vraiment, sans cesse, je serais heureux sans cesse et en tou
546 te ardente ? Si j’y croyais vraiment, sans cesse, je serais heureux sans cesse et en tout lieu ! Si tout dépendait d’un av
547 bable — un nouveau serpent de mer des dictateurs, je mets ici un point final à ce journal de petite attente. Il faut juger
548 retrouvé, dans l’instant d’un espoir qui fut pour moi la parabole salutaire ! Substance présente des choses espérées ! Qu’e
27 1940, Articles divers (1938-1940). L’heure sévère (juin 1940)
549 stes réfléchis maîtres d’eux-mêmes, et objectifs. Je dirai plus : ce qu’il nous faut, ce sont des pessimistes actifs. Des
550 affreux pour être vrai. » À certain document que je ne puis nommer, d’une atterrante précision, nous opposions le sceptic
551 par rapport à nos sécurités. Cette inconscience, j’ en dirai la cause : celui qui ne croit pas en Dieu ne sait pas non plu
552 son imprévision systématique des maux prochains. J’ écris ceci pendant la bataille de France. Est-il trop tard pour répéte
553 esprits partout ailleurs irréductiblement divers, je répète qu’elle est écrasante. Elle supprime nos dernières excuses. No
554 nt sur le capital ou caisse de compensation, — et je ne prends là que de petits exemples7… Nous avons critiqué sans merci
555 elque chose à faire, quelque chose de précis, que je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart de la guerre, et peut-êt
556 t-ils. Ils ont encore ce bref délai de grâce dont je parlais aux Hollandais, en novembre de l’an dernier — et c’est fini —
557 n novembre de l’an dernier — et c’est fini — dont je parlais aux Suisses en janvier de cette année — et cela fait déjà cin
558 contre nos goûts, nos sympathies et nos passions. Je ne sais pas ce que l’avenir vaudra, mais je sais que s’il vaut quelqu
559 ions. Je ne sais pas ce que l’avenir vaudra, mais je sais que s’il vaut quelque chose, ce sera grâce à l’action personnell
560 ’elle dit : « Le ciel et la terre passeront, mais ma Parole ne passera point. » Voilà la base et le point fixe que nulle p
561 t. On trouvera de l’argent pour 40 chars, mais si je demande qu’on double un budget culturel, on me répondra que je veux r
562 si je demande qu’on double un budget culturel, on me répondra que je veux ruiner le pays. 8. Voir mon livre Mission ou d
563 ’on double un budget culturel, on me répondra que je veux ruiner le pays. 8. Voir mon livre Mission ou démission de la S
564 me répondra que je veux ruiner le pays. 8. Voir mon livre Mission ou démission de la Suisse (« La bataille de la cultur
565 fait Paul Reynaud devant le Sénat à l’instant où j’ écris ceci. aj. Rougemont Denis de, « L’heure sévère », Neue Schweiz
28 1940, Articles divers (1938-1940). Autocritique de la Suisse (août 1940)
566 ique de la Suisse (août 1940)am an Nul pays, à ma connaissance, n’a été plus souvent expliqué à lui-même et au monde qu
567 nt, chez nous, « fédéralistes », ne sont souvent, je le crains, que des nationalistes cantonaux. Ceux qui insistent sur la
568 t que des réactionnaires inconséquents : tant que je ne les aurai pas vu refuser l’argent de l’État, je ne pourrai pas pre
569 e ne les aurai pas vu refuser l’argent de l’État, je ne pourrai pas prendre au sérieux leurs convictions « fédéralistes »
570 ons les plus conservateurs sont souvent ceux qui, me dit-on, se gênent le moins…10) Or l’opposition gauche-droite est étra
571 t celui des gogos enragés. 4. Paresse d’esprit. — Je parle ici par expérience : rien n’oblige un bureau de Berne à faire d
572 s aucune vie digne de ce nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget d’une œuvre destinée à soutenir telle branche de
573 moins d’un tiers est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de littérature consacrer des milliers de fran
574 nne, on lui répond que les temps sont difficiles. Je vois que dans le budget moyen d’un ouvrier suisse, le cadre matériel
575 es ressources, proportion réellement exorbitante. Je vois des gens qui hésitent entre deux types de salles de bain, l’une
576 ils recevaient : elle leur coûtait 10 fr. par an. Je vois enfin que toute notre politique est alourdie et comme paralysée
577 et ordre, traduisant cette échelle de valeurs. Et je conclus : « Si quelque chose aujourd’hui menace la liberté, ce n’est
578 formistes ne l’oublient pas ! 8. Intolérance. — À mon avis, un fédéralisme sain doit se montrer radicalement intolérant env
579 des motifs d’un bandit tout prêt à l’assommer. Or je connais une certaine propagande qui nous tape sur le crâne, littérale
580 ntre les principes mêmes qui fondent notre État. ( Je me garderai bien de donner ici un autre exemple que celui de la propa
581 e les principes mêmes qui fondent notre État. (Je me garderai bien de donner ici un autre exemple que celui de la propagan
582 défendre en ripostant, pourquoi donc, demanderai- je , fortifier nos frontières ? L’intégrité du territoire serait-elle plu
583 ceux qui sont froids ou bouillants seront mangés. Je demande à voir ce qui vaut le mieux. Il ne faut pas parler de neutral
584 tre expulsion violente hors du Royaume de Dieu. «  Je vous vomirai », dit le Christ. Si c’est vis-à-vis de la guerre des a
585 e politique reposerait sur une faute de français, j’ en suis fâché. Ce n’est pas éternelle qu’il convient de dire, mais per
586 ait naguère à ses voisins un homme dont Anastasie m’ a fait oublier le nom.) De même pour la neutralité « perpétuelle » : c
587 pectueux des décisions de nos autorités suprêmes, j’ ai donc le droit de condamner ouvertement des régimes étrangers qui at
588 uent ouvertement le nôtre. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’une pareille attitude peut compromettre notre indépendance :
589 patriote suisse ne dit pas : « Plutôt renoncer à ma liberté d’opinion que de risquer des ennuis avec une légation. » Il d
590 d’idées générales que de compétences économiques. Je connais tel professeur d’Université, tel écrivain, tel philanthrope,
591 imides et la vertu des audacieux. 10. Peut-être me croira-t-on si je déclare, après la page qu’on vient de lire, que je
592 des audacieux. 10. Peut-être me croira-t-on si je déclare, après la page qu’on vient de lire, que je n’ai pas d’ambitio
593 e déclare, après la page qu’on vient de lire, que je n’ai pas d’ambitions politiques ! 11. Intéressante précision du lang
594 mort à l’interdiction de proclamer des sottises. Je m’excuse de tant de lourdeur dans la précision, mais je m’avance ici
595 rt à l’interdiction de proclamer des sottises. Je m’ excuse de tant de lourdeur dans la précision, mais je m’avance ici sur
596 xcuse de tant de lourdeur dans la précision, mais je m’avance ici sur un terrain miné. Je sais d’ailleurs ce que je risque
597 se de tant de lourdeur dans la précision, mais je m’ avance ici sur un terrain miné. Je sais d’ailleurs ce que je risque. C
598 cision, mais je m’avance ici sur un terrain miné. Je sais d’ailleurs ce que je risque. Ce qui me permet d’approuver pleine
599 ci sur un terrain miné. Je sais d’ailleurs ce que je risque. Ce qui me permet d’approuver pleinement cette déclaration de
600 miné. Je sais d’ailleurs ce que je risque. Ce qui me permet d’approuver pleinement cette déclaration de Spitteler : « N’es
29 1940, Articles divers (1938-1940). Henri le Vert ou l’âme alémanique (1940)
601 Henri le Vert ou l’âme alémanique (1940)al Je dois ma première découverte de l’atmosphère suisse allemande à un cou
602 i le Vert ou l’âme alémanique (1940)al Je dois ma première découverte de l’atmosphère suisse allemande à un cours de ré
603 blé, dans une nature moins douce, mais plus drue. Je m’étais bien promis d’y retourner, et c’est encore la mobilisation qu
604 , dans une nature moins douce, mais plus drue. Je m’ étais bien promis d’y retourner, et c’est encore la mobilisation qui m
605 ’y retourner, et c’est encore la mobilisation qui m’ y ramène. Si je vous confie que mes premiers loisirs de militaire ont
606 t c’est encore la mobilisation qui m’y ramène. Si je vous confie que mes premiers loisirs de militaire ont été consacrés à
607 obilisation qui m’y ramène. Si je vous confie que mes premiers loisirs de militaire ont été consacrés à la lecture du grand
608 ottfried Keller intitulé Henri le Vert, c’est que je dois à cette œuvre célèbre ma seconde découverte de l’âme alémanique.
609 le Vert, c’est que je dois à cette œuvre célèbre ma seconde découverte de l’âme alémanique. Il est à peine croyable que c
610 pâture, mais c’est encore, et c’est surtout, pour moi , la meilleure expression de l’esprit suisse allemand. Courez demain m
611 et l’amitié suppose une connaissance mutuelle, et je ne sais rien qui puisse nous donner, comme ce roman de Gottfried Kell
612 ui les distingue de nous autres Romands. Et quand je parle de lyrisme, je n’entends pas ce sentimentalisme vague et un peu
613 ous autres Romands. Et quand je parle de lyrisme, je n’entends pas ce sentimentalisme vague et un peu lourd qui met tant d
614 allemande, et de la fantaisie d’Henri le Vert. On me dira que je vais chercher bien haut, et dans une œuvre exceptionnelle
615 t de la fantaisie d’Henri le Vert. On me dira que je vais chercher bien haut, et dans une œuvre exceptionnelle, mon modèle
616 cher bien haut, et dans une œuvre exceptionnelle, mon modèle du Suisse allemand… Oh, bien sûr, ils ne sont pas tous des Got
617 , oui, dans sa vie apparemment banale. Depuis que j’ ai lu Henri le Vert, j’entends tout autre chose dans les chants suisse
618 remment banale. Depuis que j’ai lu Henri le Vert, j’ entends tout autre chose dans les chants suisses allemands que cette f
619 e fameuse lourdeur sentimentale un peu scolaire ; je distingue une malice un peu brusque, un élan, une saveur populaire et
620 est délivré de son sérieux massif. Et alors, dans mon enthousiasme, j’évoque Berne, avec sa force calme et ses maisons aux
621 sérieux massif. Et alors, dans mon enthousiasme, j’ évoque Berne, avec sa force calme et ses maisons aux puissantes assise
622 e duc de Milan et ramenés par-dessus les Alpes, —  j’ évoque le dynamisme américain des Zurichois, la vieille culture patiné
623 on sacré, dans le souvenir de Nicolas de Flue. Et je me dis que la Providence nous veut vraiment du bien, à nous les Suiss
624 sacré, dans le souvenir de Nicolas de Flue. Et je me dis que la Providence nous veut vraiment du bien, à nous les Suisses,
625 les grands romans de Jérémie Gotthelf. Et puisque j’ ai parlé de fédéralisme, permettez-moi de terminer par une petite cita
626 . Et puisque j’ai parlé de fédéralisme, permettez- moi de terminer par une petite citation qui prouvera aux plus ombrageux d
30 1940, Articles divers (1938-1940). L’heure de la Suisse (1er août 1940)
627 e, et rendons-nous plus dignes d’elle ! Comment ? Je voudrais vous le montrer sans phrases ronflantes, par des mots simple
628 comblera une lacune dans notre défense nationale. Je conjure donc les patrons de consentir une réduction de leur profit, m
629 y va de la liberté future de leur entreprise. Et je conjure les ouvriers de consentir des réductions de salaire, si cela
630 e voisin et disons-lui : vous étiez de gauche, et moi de droite, mais aujourd’hui nous sommes de Suisse, l’un comme l’autre
631 et utilisables. Elles ne sont pas originales. Il me suffit qu’elles soient chrétiennes. Si mes lecteurs les approuvent et
632 les. Il me suffit qu’elles soient chrétiennes. Si mes lecteurs les approuvent et les mettent en pratique aussitôt, ils auro
31 1940, Articles divers (1938-1940). Un fondateur de la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis : M. Denis de Rougemont nous dit… (23 août 1940)
633 nis de Rougemont nous dit… (23 août 1940)ap aq J’ ai tenté de retarder mon départ de quelques mois, sinon de quelques se
634 it… (23 août 1940)ap aq J’ai tenté de retarder mon départ de quelques mois, sinon de quelques semaines… ; mais c’était i
635 it impossible. Pendant les quatre mois que durera mon voyage, je suivrai de loin l’évolution de la « Ligue du Gothard » qui
636 e. Pendant les quatre mois que durera mon voyage, je suivrai de loin l’évolution de la « Ligue du Gothard » qui est mon id
637 in l’évolution de la « Ligue du Gothard » qui est mon idée et celle de mon ami Spoerri, de Zurich, et à laquelle je tiens.
638 « Ligue du Gothard » qui est mon idée et celle de mon ami Spoerri, de Zurich, et à laquelle je tiens. Elle suit d’ailleurs
639 elle de mon ami Spoerri, de Zurich, et à laquelle je tiens. Elle suit d’ailleurs son chemin malgré les torrents d’injures
640 éfection, en dépit de ce qu’on a dit. D’ailleurs, je viens de terminer deux brochures qui vont paraître prochainement et q
32 1940, Articles divers (1938-1940). La Ligue du Gothard : raisons d’espérer (13 septembre 1940)
641 d : raisons d’espérer (13 septembre 1940)as at Je comprends vos questions. J’y ai répondu dans une brochure qui va para
642 ptembre 1940)as at Je comprends vos questions. J’ y ai répondu dans une brochure qui va paraître sur la Ligue. Il faut f