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seul espoir (juin 1938)a La mission historique
de
notre Confédération, c’est de garder libres pour tous, les cols du ce
2
mission historique de notre Confédération, c’est
de
garder libres pour tous, les cols du centre de l’Europe ; mission pra
3
st de garder libres pour tous, les cols du centre
de
l’Europe ; mission pratique et symbolique. Au cours des derniers mois
4
e dans une récente publication (un numéro spécial
de
la revue Esprit dont le retentissement a été grand). Enfin M. Motta
5
mbres fédérales. Il se peut que l’aspect pratique
de
cette mission ait perdu de son importance par suite des très profonde
6
que l’aspect pratique de cette mission ait perdu
de
son importance par suite des très profondes transformations intervenu
7
s du Saint-Empire. Mais alors l’aspect symbolique
de
la mission confédérale se dégage et doit être dégagé avec une évidenc
8
ction profondément renouvelées. Le signe physique
de
notre mission, c’était la défense des cols, cœur physique de l’Europe
9
ssion, c’était la défense des cols, cœur physique
de
l’Europe médiévale. Désormais, il nous appartient de proclamer la sig
10
l’Europe médiévale. Désormais, il nous appartient
de
proclamer la signification spirituelle de cette même et unique missio
11
artient de proclamer la signification spirituelle
de
cette même et unique mission : c’est la défense du cœur spirituel de
12
ique mission : c’est la défense du cœur spirituel
de
l’Europe, la garde montée autour de cette réalité qui définit l’homme
13
ontée autour de cette réalité qui définit l’homme
d’
Occident : la réalité de la personne et des institutions fondées sur e
14
alité qui définit l’homme d’Occident : la réalité
de
la personne et des institutions fondées sur elle. ⁂ La personne, ce n
15
le « soldat politique » qui n’a plus en lui-même
de
principe d’existence, et qui n’est rien qu’un rouage de l’État. Enfin
16
politique » qui n’a plus en lui-même de principe
d’
existence, et qui n’est rien qu’un rouage de l’État. Enfin la personne
17
ncipe d’existence, et qui n’est rien qu’un rouage
de
l’État. Enfin la personne n’est plus une simple idée. C’est la réalit
18
le idée. C’est la réalité paradoxale et dynamique
de
l’homme qui a fait la civilisation et la grandeur réelle de l’Occiden
19
qui a fait la civilisation et la grandeur réelle
de
l’Occident : l’homme libre, existant par soi-même et par la force de
20
omme libre, existant par soi-même et par la force
de
sa vocation unique, mais cependant relié à la communauté par l’exerci
21
is cependant relié à la communauté par l’exercice
de
cette vocation. L’homme libre et relié, c’est le chrétien des communa
22
cension bourgeoise ; c’est le citoyen responsable
de
nos démocraties modernes dans la mesure où ces démocraties méritent e
23
dans la mesure où ces démocraties méritent encore
de
porter ce nom, et ne sont pas de simples oligarchies de financiers et
24
méritent encore de porter ce nom, et ne sont pas
de
simples oligarchies de financiers et de démagogues. Tout ce qui s’est
25
ter ce nom, et ne sont pas de simples oligarchies
de
financiers et de démagogues. Tout ce qui s’est fait de réel et de val
26
sont pas de simples oligarchies de financiers et
de
démagogues. Tout ce qui s’est fait de réel et de valable en Occident
27
nanciers et de démagogues. Tout ce qui s’est fait
de
réel et de valable en Occident fut l’œuvre de ces hommes doublement r
28
de démagogues. Tout ce qui s’est fait de réel et
de
valable en Occident fut l’œuvre de ces hommes doublement responsables
29
ait de réel et de valable en Occident fut l’œuvre
de
ces hommes doublement responsables devant leur foi et devant leurs pr
30
attitude « personnaliste » est la vraie tradition
de
l’Europe, la voie royale de sa culture, le foyer de son rayonnement.
31
st la vraie tradition de l’Europe, la voie royale
de
sa culture, le foyer de son rayonnement. Ce n’est pas, comme certains
32
l’Europe, la voie royale de sa culture, le foyer
de
son rayonnement. Ce n’est pas, comme certains veulent le croire, un m
33
ériodiques. Or il se trouve que la devise antique
de
notre Confédération est précisément la devise du personnalisme vérita
34
ersonnalisme véritable, l’affirmation indivisible
de
l’homme libre mais relié, le paradoxe vivant et vivifiant de l’un pou
35
libre mais relié, le paradoxe vivant et vivifiant
de
l’un pour tous, tous pour un ! Ainsi, dès l’origine, la Suisse s’affi
36
sse s’affirme-t-elle comme la gardienne du secret
de
l’Europe, de sa vraie force et des valeurs qui l’ont créée. Gardienne
37
-t-elle comme la gardienne du secret de l’Europe,
de
sa vraie force et des valeurs qui l’ont créée. Gardienne des cols pou
38
e. Gardienne des cols pour les nations, gardienne
de
la doctrine commune à tous les peuples, elle n’a pas d’autre rôle ni
39
doctrine commune à tous les peuples, elle n’a pas
d’
autre rôle ni d’autre vocation. Elle n’est pas elle-même une nation, m
40
à tous les peuples, elle n’a pas d’autre rôle ni
d’
autre vocation. Elle n’est pas elle-même une nation, mais elle est dav
41
: elle est le lieu et la formule du génie propre
de
l’Europe. Et voilà pourquoi nous sommes neutres. ⁂ En aucune heure d
42
à pourquoi nous sommes neutres. ⁂ En aucune heure
de
notre histoire, nous n’avons éprouvé une telle nécessité de prendre o
43
istoire, nous n’avons éprouvé une telle nécessité
de
prendre ou de reprendre pleine conscience de cette mission qui est no
44
n’avons éprouvé une telle nécessité de prendre ou
de
reprendre pleine conscience de cette mission qui est notre raison d’ê
45
sité de prendre ou de reprendre pleine conscience
de
cette mission qui est notre raison d’être. À la période de déviation
46
conscience de cette mission qui est notre raison
d’
être. À la période de déviation dans le sens individualiste que représ
47
mission qui est notre raison d’être. À la période
de
déviation dans le sens individualiste que représentent les deux derni
48
guerre — qui fut une guerre des masses — une ère
de
déviation dans le sens collectiviste. Cette maladie du sentiment occi
49
nier notre mission. Elle tend à nier l’existence
de
tout ce qui ne serait pas une grande nation monolithique, fondée sur
50
fondée sur l’unité — toute théorique d’ailleurs —
de
la race, de la langue et de la force militaire. Par là même, elle s’a
51
’unité — toute théorique d’ailleurs — de la race,
de
la langue et de la force militaire. Par là même, elle s’attaque à la
52
héorique d’ailleurs — de la race, de la langue et
de
la force militaire. Par là même, elle s’attaque à la tradition créatr
53
là même, elle s’attaque à la tradition créatrice
de
l’Occident, — et elle menace en premier lieu sa garde neutre. L’espri
54
ul principe qui tienne rassemblés nos cantons, et
de
l’idéal commun qui nous a fédérés. Jamais, depuis le xiiie siècle, n
55
éril. Jamais la conscience impérieuse des raisons
d’
être de la Suisse n’a été, comme elle l’est aujourd’hui, une condition
56
amais la conscience impérieuse des raisons d’être
de
la Suisse n’a été, comme elle l’est aujourd’hui, une condition vitale
57
omme elle l’est aujourd’hui, une condition vitale
de
notre existence même. ⁂ Je vois un peu partout des signes de réveil.
58
istence même. ⁂ Je vois un peu partout des signes
de
réveil. J’en ai relevé trois au début de cet article, bien minimes il
59
s signes de réveil. J’en ai relevé trois au début
de
cet article, bien minimes il est vrai, mais assez nets et assez neufs
60
l y en a d’autres, très typiques, dans l’attitude
de
nos syndicats, qui tendent de plus en plus à développer la conscience
61
elopper la conscience démocratique au sens suisse
de
leurs adhérents : on revient au fédéralisme tel que nous sommes charg
62
evient au fédéralisme tel que nous sommes chargés
de
le défendre, et qui s’oppose autant au particularisme étroit qu’à cet
63
particularisme étroit qu’à cette forme antisuisse
de
centralisation qui s’appelle le nationalisme. Mais le plus gros effor
64
gros effort s’esquisse à peine. Ce sera la tâche
de
la nouvelle génération que de le mener à chef dans le plus court déla
65
e. Ce sera la tâche de la nouvelle génération que
de
le mener à chef dans le plus court délai. Car il y va de l’existence
66
ener à chef dans le plus court délai. Car il y va
de
l’existence même de notre État, et au-delà : de l’espoir d’une Europe
67
plus court délai. Car il y va de l’existence même
de
notre État, et au-delà : de l’espoir d’une Europe recréée selon son g
68
a de l’existence même de notre État, et au-delà :
de
l’espoir d’une Europe recréée selon son génie. De cette action urgent
69
ence même de notre État, et au-delà : de l’espoir
d’
une Europe recréée selon son génie. De cette action urgente, je ne pui
70
de l’espoir d’une Europe recréée selon son génie.
De
cette action urgente, je ne puis ici qu’indiquer la ligne générale. N
71
ux petites nations. Nous sommes une Confédération
de
communautés régionales. C’est dans la mesure où nous voulons rester c
72
mesure où nous voulons rester cela, et le devenir
de
mieux en mieux, que nous serons grands devant l’Europe, parce que nou
73
s devant l’Europe, parce que nous serons l’avenir
de
l’Europe. Si, pour faire face à la menace totalitaire, nous essayons
74
litaire, nous essayons plus ou moins sérieusement
de
devenir nous aussi une nation, notre compte sera vite réglé. Car : 1°
75
a vite réglé. Car : 1° nous perdrons notre raison
d’
être, et il n’est pas d’exemple dans l’Histoire qu’un État qui a perdu
76
ous perdrons notre raison d’être, et il n’est pas
d’
exemple dans l’Histoire qu’un État qui a perdu sa raison d’être y surv
77
dans l’Histoire qu’un État qui a perdu sa raison
d’
être y survive plus de quelques années. L’exemple de l’Autriche est éc
78
État qui a perdu sa raison d’être y survive plus
de
quelques années. L’exemple de l’Autriche est éclatant ; il l’est même
79
être y survive plus de quelques années. L’exemple
de
l’Autriche est éclatant ; il l’est même trop pour que j’insiste… 2° n
80
e pouvons devenir qu’une des plus petites nations
de
l’Europe, et une nation divisée contre elle-même en trois races et tr
81
s un « idéal fumeux » que j’oppose à la tentation
d’
un nationalisme helvétique. Je lui oppose la condition même de notre d
82
lisme helvétique. Je lui oppose la condition même
de
notre droit à l’existence. Notre seule force est dans notre idéal pe
83
donc fédéraliste. Notre seule force sérieuse est
d’
ordre spirituel. Les « réalistes » qui voudraient le nier trahissent e
84
notre grandeur et notre espoir. La Suisse n’a pas
de
pires ennemis. Ce n’est pas une armée motorisée qui nous sauvera de l
85
Ce n’est pas une armée motorisée qui nous sauvera
de
l’attaque de nos voisins, même si nous ruinons le pays pour la perfec
86
une armée motorisée qui nous sauvera de l’attaque
de
nos voisins, même si nous ruinons le pays pour la perfectionner au ma
87
um. Ce qui sauvera la Suisse, c’est la conscience
de
son destin européen. C’est notre effort pour nous élever au niveau de
88
inée. Et c’est l’affirmation tenace et convaincue
de
l’avenir que nous incarnons aux yeux des peuples d’Occident. Notre se
89
l’avenir que nous incarnons aux yeux des peuples
d’
Occident. Notre seul espoir, à nous Suisses, c’est de rester et de dev
90
ccident. Notre seul espoir, à nous Suisses, c’est
de
rester et de devenir de mieux en mieux le seul espoir de l’Europe déc
91
e seul espoir, à nous Suisses, c’est de rester et
de
devenir de mieux en mieux le seul espoir de l’Europe déchirée. a.
92
ir, à nous Suisses, c’est de rester et de devenir
de
mieux en mieux le seul espoir de l’Europe déchirée. a. Rougemont D
93
er et de devenir de mieux en mieux le seul espoir
de
l’Europe déchirée. a. Rougemont Denis de, « Le seul espoir », Feui
94
spoir de l’Europe déchirée. a. Rougemont Denis
de
, « Le seul espoir », Feuille centrale de Zofingue, Zurich, juin 1938,
95
nt Denis de, « Le seul espoir », Feuille centrale
de
Zofingue, Zurich, juin 1938, p. 469-472.
96
Souvenir
d’
Esztergom (juin 1938)b J’avais lu quelques-uns de ses poèmes en tra
97
Esztergom (juin 1938)b J’avais lu quelques-uns
de
ses poèmes en traduction. Je savais qu’il était le chef de file du gr
98
èmes en traduction. Je savais qu’il était le chef
de
file du groupe le plus vivant des écrivains de Hongrie, — le plus pro
99
ef de file du groupe le plus vivant des écrivains
de
Hongrie, — le plus profondément magyar de sensibilité, et en même tem
100
rivains de Hongrie, — le plus profondément magyar
de
sensibilité, et en même temps le plus européen par la culture. Des am
101
européen par la culture. Des amis me proposèrent
de
l’aller voir à Esztergom, où il passe les étés. J’eus ce bonheur de d
102
Esztergom, où il passe les étés. J’eus ce bonheur
de
découvrir une terre et une race par ses poètes. La plaine hongroise é
103
sages, dans une vaste hospitalité qui était celle
de
l’été même dont Babits me faisait les honneurs… Qu’on me permette de
104
Babits me faisait les honneurs… Qu’on me permette
de
recopier ici des notes prises au retour de ce petit voyage ; il est r
105
rmette de recopier ici des notes prises au retour
de
ce petit voyage ; il est resté merveilleusement vivant dans ma mémoir
106
ma mémoire, et je ne puis plus séparer sa vision
de
ce que m’évoque le nom de Michel Babits. ⁂ Esztergom est la plus viei
107
plus séparer sa vision de ce que m’évoque le nom
de
Michel Babits. ⁂ Esztergom est la plus vieille capitale de la Hongrie
108
Babits. ⁂ Esztergom est la plus vieille capitale
de
la Hongrie. Attila, me dit-on, y régna. Aujourd’hui c’est la résidenc
109
a résidence du Prince Primat. Au-dessus du palais
de
l’archevêché, sur une colline que le Danube contourne, la Basilique é
110
Danube contourne, la Basilique élève une coupole
d’
ocre éclatant, immense et froide, dominant cette plaine onduleuse dont
111
ue nous devons rencontrer le poète. Cheveux noirs
d’
aigle collés sur son large front, belle carrure ruisselante, il nous s
112
u’à mi-corps, mythologique. Nous sortons ensemble
de
la petite ville aux rues de terre brûlante, aux maisons jaunes, basse
113
Nous sortons ensemble de la petite ville aux rues
de
terre brûlante, aux maisons jaunes, basses, ville sans ombre, sans ar
114
us montons vers la maison du poète, sur un coteau
de
vignes. Trois chambres boisées entourées d’une large galerie d’où l’o
115
oteau de vignes. Trois chambres boisées entourées
d’
une large galerie d’où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans
116
is chambres boisées entourées d’une large galerie
d’
où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans rides, la petite vil
117
bourdonnante, — trois petites chambres et un pan
de
toit par-dessus, cela fait une arche à peine visible dans les vignes,
118
isible dans les vignes, à peine détachée du flanc
de
la colline (pour que les vents ne l’emportent pas), un beau nid de po
119
ur que les vents ne l’emportent pas), un beau nid
de
poète : car demeurer ici, c’est demeurer vraiment « en pleine nature
120
r vraiment « en pleine nature », un peu au-dessus
de
la plaine, pas tout à fait dans le ciel, là où doivent vivre ceux qui
121
orizon est aussi lointain qu’on l’imagine, tout a
de
belles couleurs, le poète sourit en lui-même, il y a une enfance dans
122
dans l’air… ⁂ N’est-ce pas cela, la vraie gloire
d’
un poète : que son souvenir se confonde — inoubliable, inséparable — a
123
confonde — inoubliable, inséparable — avec celui
d’
une belle journée de son pays ? b. Rougemont Denis de, « Souvenir d
124
ble, inséparable — avec celui d’une belle journée
de
son pays ? b. Rougemont Denis de, « Souvenir d’Esztergom », Nouvel
125
belle journée de son pays ? b. Rougemont Denis
de
, « Souvenir d’Esztergom », Nouvelle Revue de Hongrie, Budapest, juin
126
e son pays ? b. Rougemont Denis de, « Souvenir
d’
Esztergom », Nouvelle Revue de Hongrie, Budapest, juin 1938, p. 505-50
127
enis de, « Souvenir d’Esztergom », Nouvelle Revue
de
Hongrie, Budapest, juin 1938, p. 505-506.
128
« Comment libérer l’État
de
la tyrannie de l’Argent ? » (10 juin 1938)c d Nous sommes en train
129
« Comment libérer l’État de la tyrannie
de
l’Argent ? » (10 juin 1938)c d Nous sommes en train de passer du r
130
38)c d Nous sommes en train de passer du règne
de
la finance totalitaire (libéralisme) au règne de l’État totalitaire,
131
de la finance totalitaire (libéralisme) au règne
de
l’État totalitaire, par une logique dont la rigueur montre assez que
132
r montre assez que les facteurs humains ont cessé
d’
y jouer. Comme on ne peut supprimer ni l’État ni l’argent, le problème
133
lui-ci : remettre l’État et l’argent à leur place
d’
instruments techniques. Schéma : un État souverain dans l’aire délimit
134
Schéma : un État souverain dans l’aire délimitée
de
sa capacité ; administrant les entreprises qui échappent par leurs di
135
in-d’œuvre indifférenciée (service civil) ; privé
de
toute autorité politique, celle-ci appartenant au gouvernement propre
136
des patries locales, et seule expression unitaire
de
la Nation ; jouissant d’un pouvoir dictatorial dans l’application de
137
eule expression unitaire de la Nation ; jouissant
d’
un pouvoir dictatorial dans l’application de ses pouvoirs strictement
138
ssant d’un pouvoir dictatorial dans l’application
de
ses pouvoirs strictement définis par le gouvernement, et de nature te
139
voirs strictement définis par le gouvernement, et
de
nature technique ; répartissant ses bénéfices sous forme de minimum v
140
le Parlement et l’exécutif, collusion responsable
de
la mauvaise marche des administrations publiques, et de cette erreur
141
mauvaise marche des administrations publiques, et
de
cette erreur économique — entre autres — qu’est la guerre totale, can
142
— entre autres — qu’est la guerre totale, cancer
de
notre « paix ». Il n’y a de liberté possible pour les communes et les
143
guerre totale, cancer de notre « paix ». Il n’y a
de
liberté possible pour les communes et les personnes que sur la base d
144
our les communes et les personnes que sur la base
d’
une organisation rationnelle des servitudes publiques, c’est-à-dire d’
145
ationnelle des servitudes publiques, c’est-à-dire
d’
une dichotomie rigoureuse entre ce qui relève de l’exécution technique
146
e d’une dichotomie rigoureuse entre ce qui relève
de
l’exécution technique et ce qui relève de l’opinion et de la création
147
relève de l’exécution technique et ce qui relève
de
l’opinion et de la création, toujours personnelle. C’est la confusion
148
cution technique et ce qui relève de l’opinion et
de
la création, toujours personnelle. C’est la confusion des pouvoirs ma
149
lle. C’est la confusion des pouvoirs matériels et
de
l’autorité, dee l’organisé et de l’organisateur, de l’État et de la N
150
irs matériels et de l’autorité, dee l’organisé et
de
l’organisateur, de l’État et de la Nation, qui conduit au désordre fl
151
l’autorité, dee l’organisé et de l’organisateur,
de
l’État et de la Nation, qui conduit au désordre flagrant des démocrat
152
dee l’organisé et de l’organisateur, de l’État et
de
la Nation, qui conduit au désordre flagrant des démocraties, et à cet
153
ue proposée par l’Ordre nouveau. Quant aux moyens
d’
y parvenir, de l’imposer, ils relèvent d’une action spirituelle au pre
154
r l’Ordre nouveau. Quant aux moyens d’y parvenir,
de
l’imposer, ils relèvent d’une action spirituelle au premier chef, et
155
x moyens d’y parvenir, de l’imposer, ils relèvent
d’
une action spirituelle au premier chef, et vous savez que je n’entends
156
, tant publique que secrète, qui mobilise le tout
de
l’homme, et qui seule est transformatrice. Mais ce n’est pas sur ces
157
ous m’interrogez, je crois. c. Rougemont Denis
de
, « Comment libérer l’État de la tyrannie de l’Argent ? », Combat : re
158
c. Rougemont Denis de, « Comment libérer l’État
de
la tyrannie de l’Argent ? », Combat : revue des idées et des faits, P
159
Denis de, « Comment libérer l’État de la tyrannie
de
l’Argent ? », Combat : revue des idées et des faits, Paris, 10 juin 1
160
s faits, Paris, 10 juin 1938, p. 505. d. Précédé
de
la note suivante : « L’auteur de Penser avec les mains reprend ici
161
505. d. Précédé de la note suivante : « L’auteur
de
Penser avec les mains reprend ici les positions de l’Ordre nouveau.
162
Penser avec les mains reprend ici les positions
de
l’Ordre nouveau. On sait qu’il s’agit d’une dichotomie, rationnelle,
163
ositions de l’Ordre nouveau. On sait qu’il s’agit
d’
une dichotomie, rationnelle, mais dont nous discuterons la possibilité
164
Le Relèvement
de
l’Allemagne (1918-1938) par Albert Rivaud (28 octobre 1938)f Après
165
rienne, autrement brûlante et immédiate. Le livre
de
M. Rivaud nous y aidera. Il faut le lire avant de lire Mein Kampf ou
166
on nous en offre. Car M. Rivaud a le grand mérite
d’
avoir situé le développement du national-socialisme à l’intérieur du d
167
et qui peut-être lui survivra. La première partie
de
ce gros ouvrage est à mon sens la plus sérieuse et la plus riche d’en
168
est à mon sens la plus sérieuse et la plus riche
d’
enseignements. C’est un historique de l’Allemagne d’avant-guerre, des
169
a plus riche d’enseignements. C’est un historique
de
l’Allemagne d’avant-guerre, des origines du conflit de 1914, de la gu
170
enseignements. C’est un historique de l’Allemagne
d’
avant-guerre, des origines du conflit de 1914, de la guerre, de la rév
171
Allemagne d’avant-guerre, des origines du conflit
de
1914, de la guerre, de la révolution, puis de la République de Weimar
172
d’avant-guerre, des origines du conflit de 1914,
de
la guerre, de la révolution, puis de la République de Weimar et de l’
173
e, des origines du conflit de 1914, de la guerre,
de
la révolution, puis de la République de Weimar et de l’ascension hitl
174
lit de 1914, de la guerre, de la révolution, puis
de
la République de Weimar et de l’ascension hitlérienne. À la lumière d
175
la révolution, puis de la République de Weimar et
de
l’ascension hitlérienne. À la lumière des événements de septembre, ce
176
scension hitlérienne. À la lumière des événements
de
septembre, cette lecture prend une actualité vraiment bouleversante.
177
une actualité vraiment bouleversante. Nous venons
d’
assister à la répétition du coup de juillet 1914. Mêmes manœuvres simu
178
e. Nous venons d’assister à la répétition du coup
de
juillet 1914. Mêmes manœuvres simultanées de bluffe guerrier et d’ass
179
coup de juillet 1914. Mêmes manœuvres simultanées
de
bluffe guerrier et d’assurances pacifiques, même duplicité dans le dé
180
Mêmes manœuvres simultanées de bluffe guerrier et
d’
assurances pacifiques, même duplicité dans le détail des négociations,
181
laté, et l’Allemagne a tout obtenu. Les partisans
de
la résistance à tout prix en déduiront que l’on a eu tort d’aller à M
182
tance à tout prix en déduiront que l’on a eu tort
d’
aller à Munich. Mais on peut leur faire observer que la guerre de 1914
183
h. Mais on peut leur faire observer que la guerre
de
1914 n’a servi exactement à rien, puisque vingt ans plus tard, l’Alle
184
érir. Dans la seconde partie, l’auteur entreprend
de
décrire le régime nazi : État et armée, doctrine et formation des esp
185
ons beaucoup de réserves à formuler sur le détail
de
ces chapitres et sur l’intention qui préside à la « description » qu’
186
ion » qu’ils nous offrent. Certes, il est malaisé
de
se renseigner exactement sur le fonctionnement d’un régime autarcique
187
de se renseigner exactement sur le fonctionnement
d’
un régime autarcique, où nul organe de libre critique ne peut corriger
188
ctionnement d’un régime autarcique, où nul organe
de
libre critique ne peut corriger les chiffres officiels. Mais alors, i
189
is alors, il faudrait citer ses sources avec plus
de
minutie, et quand on donne un chiffre, donner aussi les moyens de l’i
190
uand on donne un chiffre, donner aussi les moyens
de
l’interpréter. M. Rivaud affirme par exemple, que « dans beaucoup d’i
191
. Rivaud affirme par exemple, que « dans beaucoup
d’
industries, les salaires globaux ont doublé » depuis 1933. Dans quelle
192
uelles industries ? Et quels étaient les salaires
de
base ? Les polémiques au sujet des salaires russes nous ont rendus mé
193
ue « l’organisation nationale-socialiste a permis
de
supprimer une grande partie des producteurs libres », et on précise q
194
que le nombre des sociétés anonymes a été réduit
de
9634 en 1932 à 7204 en 1936, et que le nombre des « petites sociétés
195
que le nombre des « petites sociétés » est tombé
de
6632 à 3863. Comment interpréter ces chiffres ? L’auteur y voit la pr
196
préter ces chiffres ? L’auteur y voit la preuve «
d’
une sorte de socialisation indirecte de la production ». Mais par aill
197
hiffres ? L’auteur y voit la preuve « d’une sorte
de
socialisation indirecte de la production ». Mais par ailleurs, il sem
198
a preuve « d’une sorte de socialisation indirecte
de
la production ». Mais par ailleurs, il semble qu’au contraire, ce son
199
ui ont absorbé les petites sociétés. Méfions-nous
d’
un certain abus du terme de « socialisme », trop fréquent chez les aut
200
sociétés. Méfions-nous d’un certain abus du terme
de
« socialisme », trop fréquent chez les auteurs de droite auxquels M.
201
de « socialisme », trop fréquent chez les auteurs
de
droite auxquels M. Rivaud ne se cache pas d’appartenir. Les renseigne
202
eurs de droite auxquels M. Rivaud ne se cache pas
d’
appartenir. Les renseignements fournis sur l’économie paysanne sont pl
203
us précis, et paraissent autoriser mieux le terme
de
« socialisme agraire ». Il faut recommander spécialement la lecture d
204
cture du chapitre sur le Reichsnährstandg (office
d’
alimentation). Quand il parle des doctrines nazies, on doit reprocher
205
s doctrines nazies, on doit reprocher à M. Rivaud
de
mêler trop souvent ses commentaires à l’exposé objectif des thèses hi
206
posé objectif des thèses hitlériennes. Son résumé
de
Mein Kampf reste flou : on ne sait trop ce qui est dit par Hitler et
207
op ce qui est dit par Hitler et ce qui est du cru
de
l’auteur. Enfin, le chapitre sur les Églises et la religion est super
208
igion est superficiel et souvent inexact : défaut
d’
autant plus curieux que c’est essentiellement au nom de sa foi catholi
209
urs, en effet, quand il parle des méthodes nazies
d’
usage interne, en politique et en économie. M. Rivaud ne cache pas l’a
210
t qu’il voit dans ces méthodes l’antithèse exacte
de
ce qui se passe en France. Et l’on en vient à se demander si ce n’est
211
nt à se demander si ce n’est pas surtout le souci
de
faire la leçon aux Français « de gauche » qui a poussé M. Rivaud à ét
212
surtout le souci de faire la leçon aux Français «
de
gauche » qui a poussé M. Rivaud à étudier l’exemple allemand. Ce trav
213
la politique extérieure. Le résumé des événements
de
l’après-guerre tel que le donne l’auteur, paraît extrait des seules c
214
ne l’auteur, paraît extrait des seules chroniques
de
M. Bailby. À tel point qu’on omet d’y faire figurer le retrait de l’A
215
s chroniques de M. Bailby. À tel point qu’on omet
d’
y faire figurer le retrait de l’Allemagne de la SDN, ainsi que la Conf
216
tel point qu’on omet d’y faire figurer le retrait
de
l’Allemagne de la SDN, ainsi que la Conférence du désarmement, dont l
217
pourtant le prétexte principal à la restauration
de
la Reichswehr ! Que ces critiques n’empêchent personne de lire ce liv
218
ichswehr ! Que ces critiques n’empêchent personne
de
lire ce livre ! Elles n’ont pour but que de faciliter une lecture à t
219
sonne de lire ce livre ! Elles n’ont pour but que
de
faciliter une lecture à tant d’égards urgente et révélatrice. f. R
220
’ont pour but que de faciliter une lecture à tant
d’
égards urgente et révélatrice. f. Rougemont Denis de, « [Compte ren
221
rds urgente et révélatrice. f. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Albert Rivaud, Le Relèvement de l’Allemagne (1918-1
222
de, « [Compte rendu] Albert Rivaud, Le Relèvement
de
l’Allemagne (1918-1938) », La Flèche, Paris, 28 octobre 1938, p. 4.
223
Réponse
de
Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 (novembre 1938)h i
224
1938 (novembre 1938)h i Messieurs, Après tant
d’
éloges, une prudence élémentaire me commanderait de me taire : quoi qu
225
’éloges, une prudence élémentaire me commanderait
de
me taire : quoi que je dise, je ne pourrai que brouiller le cliché tr
226
famam, dit le latin. Mais il n’est plus question
de
reculer. En publiant mon Journal , je suis entré dans la voie des av
227
s la voie des aveux. J’ai même confessé certaines
de
mes superstitions. Il ne me reste qu’à persévérer, et c’est ce que je
228
je m’étais entièrement retiré dans l’élaboration
d’
un ouvrage intitulé L’Amour et l’Occident . Je partais d’une réflexio
229
rage intitulé L’Amour et l’Occident . Je partais
d’
une réflexion passionnée sur le mythe de la passion, la légende de Tri
230
e partais d’une réflexion passionnée sur le mythe
de
la passion, la légende de Tristan et Iseut. Nul n’ignore que ce mythe
231
passionnée sur le mythe de la passion, la légende
de
Tristan et Iseut. Nul n’ignore que ce mythe, demeuré si puissant dans
232
ignore que ce mythe, demeuré si puissant dans nos
vies
, détient une signification secrète, qui est le combat du Jour et de l
233
gnification secrète, qui est le combat du Jour et
de
la Nuit. J’espérais terminer mon livre aux alentours du 21 juin, date
234
livre aux alentours du 21 juin, date du solstice
d’
été, triomphe solaire sur les ténèbres, à cette heure où Brangaine du
235
les ténèbres, à cette heure où Brangaine du haut
de
la tour jette le cri des « aubes » mystiques : « Prenez garde ! prene
236
manuscrit considérable. Le lendemain, 21, l’Opéra
de
Paris représentait pour la seule fois de l’année l’admirable Tristan
237
l’Opéra de Paris représentait pour la seule fois
de
l’année l’admirable Tristan de Wagner. J’obtins, comme par hasard, le
238
ure même où je terminais mon livre, vous décidiez
de
me donner votre prix. Et la lettre qui me l’annonçait portait la date
239
es relations des hommes entre eux ; des relations
de
l’écrivain avec les hommes parmi lesquels il vit ; enfin des relation
240
ommes parmi lesquels il vit ; enfin des relations
de
l’auteur et de son public. Or vous n’ignorez pas que mon souci tout h
241
quels il vit ; enfin des relations de l’auteur et
de
son public. Or vous n’ignorez pas que mon souci tout helvétique de di
242
vous n’ignorez pas que mon souci tout helvétique
de
dire le vrai, fût-il désobligeant, m’amenait à reconnaître que ces re
243
reconnaître que ces relations ne sont pas bonnes,
de
nos jours. J’allais même jusqu’à dire, dans mon livre, qu’elles sont
244
squ’à dire, dans mon livre, qu’elles sont en état
de
crise aiguë. Il me semblait que les hommes de la cité actuelle ont bi
245
tat de crise aiguë. Il me semblait que les hommes
de
la cité actuelle ont bien du mal à communier dans une même vérité véc
246
dans une même vérité vécue ; qu’ils sont souvent
d’
autant plus seuls qu’ils se voient contraints par le sort de vivre tou
247
lus seuls qu’ils se voient contraints par le sort
de
vivre tous ensemble dans les villes. Il me semblait aussi que le lang
248
crivains était devenu, ou était resté, le langage
d’
un très petit nombre, ou d’une caste, alors que dans le même temps l’i
249
tait resté, le langage d’un très petit nombre, ou
d’
une caste, alors que dans le même temps l’instruction publique mettait
250
l’instruction publique mettait tout homme en état
de
lire des livres, sinon de les comprendre. D’où sont nés quantité de m
251
tait tout homme en état de lire des livres, sinon
de
les comprendre. D’où sont nés quantité de malentendus et d’illusions,
252
état de lire des livres, sinon de les comprendre.
D’
où sont nés quantité de malentendus et d’illusions, largement exploité
253
, sinon de les comprendre. D’où sont nés quantité
de
malentendus et d’illusions, largement exploités par les démagogies d’
254
prendre. D’où sont nés quantité de malentendus et
d’
illusions, largement exploités par les démagogies d’ailleurs les plus
255
t se portait donc à distinguer, et dans la mesure
de
mes moyens et dans mon champ, à dissiper ces malentendus et leurs cau
256
issiper ces malentendus et leurs causes. Le reste
de
votre jury m’inciterait à croire que j’y ai partiellement réussi : ca
257
ts ou mes contemporains, vous êtes le vrai public
d’
un livre comme le Journal , celui qu’il cherche et qu’il espère rejoi
258
pourquoi j’ose voir dans votre décision le signe
d’
une entente réalisée — et attestée avec munificence ! — entre un auteu
259
nce ! — entre un auteur et son public. Cet aspect
de
mon « problème des gens », vous l’avez résolu d’une manière que, pour
260
de mon « problème des gens », vous l’avez résolu
d’
une manière que, pour ma part, je ne saurais qualifier que d’idéale !
261
re que, pour ma part, je ne saurais qualifier que
d’
idéale ! Dois-je vous avouer que rien ne me préparait à l’espérer ? Vo
262
ncien bellettrien, — ce qui est encore plus digne
de
louange. Enfin, vous êtes des Suisses de Suisse, et vous couronnez un
263
rompu » avec mes origines. Vous avez fait justice
de
cette calomnie, avec tout l’éclat désirable. Et ce n’est pas le moind
264
es esprits turbulents allassent mettre au service
de
l’étranger une humeur belliqueuse qui, Dieu merci, ne trouvait pas à
265
nos cantons paisibles. Pourquoi n’y aurait-il pas
de
nos jours, sous une forme plus pacifique1, des écrivains qui renouera
266
ui renoueraient cette tradition ? Quelques années
de
service étranger, cela n’a jamais fait tort, bien au contraire, au se
267
fait tort, bien au contraire, au sens patriotique
de
nos ancêtres. Et il se peut que de nos jours, où la Suisse apparaît d
268
ns patriotique de nos ancêtres. Et il se peut que
de
nos jours, où la Suisse apparaît de plus en plus comme le symbole d’u
269
Suisse apparaît de plus en plus comme le symbole
d’
une Europe à venir, fédérant ses précieuses différences, — il se peut
270
e service européen soit précisément dans la ligne
d’
une vocation d’écrivain suisse. Il faut de tout pour faire une Suisse,
271
éen soit précisément dans la ligne d’une vocation
d’
écrivain suisse. Il faut de tout pour faire une Suisse, surtout dans l
272
a ligne d’une vocation d’écrivain suisse. Il faut
de
tout pour faire une Suisse, surtout dans le plan de la culture. Il fa
273
tout pour faire une Suisse, surtout dans le plan
de
la culture. Il faut d’abord des hommes comme Ramuz, qui représentent
274
soi, j’entends la Suisse dans la réalité vivante
d’
un de ses cantons ; des hommes qui, à force d’être Vaudois avec génie,
275
j’entends la Suisse dans la réalité vivante d’un
de
ses cantons ; des hommes qui, à force d’être Vaudois avec génie, soie
276
nte d’un de ses cantons ; des hommes qui, à force
d’
être Vaudois avec génie, soient des valeurs européennes. Mais peut-êtr
277
ut-il ensuite, et à côté, des hommes qui essaient
de
représenter l’idée de la Suisse au regard de l’Europe ; des hommes qu
278
té, des hommes qui essaient de représenter l’idée
de
la Suisse au regard de l’Europe ; des hommes qui soient des Suisses p
279
soient des Suisses par cela même qu’ils essaient
d’
être des Européens. C’est dans cette tradition — celle d’un Constant —
280
des Européens. C’est dans cette tradition — celle
d’
un Constant — que je me suis trouvé rangé, un peu par la force des cho
281
y espérer quelque succès qu’à la seule condition
de
garder avec la Suisse réelle les liens les plus étroits. Que votre gé
282
naire, faut-il le préciser ? h. Rougemont Denis
de
, « Réponse de Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 », Feu
283
le préciser ? h. Rougemont Denis de, « Réponse
de
Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 », Feuille centrale
284
lauréat du prix Rambert 1938 », Feuille centrale
de
Zofingue, Neuchâtel, novembre 1938, p. 36-39. i. Pris remis pour réc
285
Pris remis pour récompenser l’auteur du Journal
d’
un intellectuel en chômage .
286
a pas une manière chrétienne et une manière athée
de
réussir une paire de souliers. Les souliers sont bons ou mauvais. Un
287
étienne et une manière athée de réussir une paire
de
souliers. Les souliers sont bons ou mauvais. Un roman, de même. Mais
288
ce que fait un chrétien, il le dédie à la gloire
de
Dieu, et c’est là toute la différence. Dira-t-on qu’elle n’est guère
289
e visible ? En effet, elle ne l’est pas. Il n’y a
de
visible, dans un roman, que sa technique, son métier, sa réussite ou
290
supposé que l’œuvre soit réussie du point de vue
de
l’art, donc transparente — c’est l’esprit qui animait l’auteur. Un ro
291
servir » que si l’auteur l’a fait dans un esprit
de
service. Or tout service qui n’est pas le service du Dieu vivant se t
292
niste doit se préoccuper des résultats politiques
de
son œuvre : servitude pour l’artiste. Mais un romancier chrétien n’a
293
qui convertit les hommes. L’unique préoccupation
de
l’artiste chrétien doit être de se maintenir en état de service penda
294
que préoccupation de l’artiste chrétien doit être
de
se maintenir en état de service pendant qu’il crée. Je suis d’accord
295
rtiste chrétien doit être de se maintenir en état
de
service pendant qu’il crée. Je suis d’accord avec Mauriac : le seul p
296
suis d’accord avec Mauriac : le seul problème est
de
« purifier la source ». Tout le reste est apologétique, c’est-à-dire
297
ique, c’est-à-dire mauvaise littérature. Aux yeux
d’
un croyant, il n’est pas de comparaison possible entre la situation du
298
littérature. Aux yeux d’un croyant, il n’est pas
de
comparaison possible entre la situation du romancier chrétien et cell
299
chrétien sert son Dieu, — et ensuite Dieu se sert
de
lui et de son œuvre comme il Lui plait. Mais je m’aperçois que ce poi
300
ert son Dieu, — et ensuite Dieu se sert de lui et
de
son œuvre comme il Lui plait. Mais je m’aperçois que ce point de vue
301
certaine mesure, pourquoi « il n’est pas question
d’
une littérature protestante ». En effet : le protestant ne considère p
302
service en tant qu’artiste puisse être différent
de
son service en tant qu’homme chrétien, ou cordonnier, ou magistrat. L
303
ou magistrat. Les « œuvres » — dans tous les sens
de
ce terme — ne sauraient être pour lui que l’expression de sa foi au s
304
rme — ne sauraient être pour lui que l’expression
de
sa foi au sein du monde réel. Elles ne valent rien en elles-mêmes, ho
305
es sont un service ; elles ne sont pas au service
d’
une cause ou d’un parti, fût-il baptisé « chrétien ». (Je parle idéale
306
ice ; elles ne sont pas au service d’une cause ou
d’
un parti, fût-il baptisé « chrétien ». (Je parle idéalement : nous avo
307
ous aussi une pénible « littérature protestante »
d’
édification.) Elles sont encore une action de grâce, comme le Magnific
308
te » d’édification.) Elles sont encore une action
de
grâce, comme le Magnificat de Bach. Pour préciser : un artiste protes
309
t encore une action de grâce, comme le Magnificat
de
Bach. Pour préciser : un artiste protestant (Rembrandt, Du Bartas, Se
310
rlöf, Ramuz) ne cherche pas à persuader le public
de
la beauté de sa religion, mais cherche à exprimer l’humain dans sa ré
311
ne cherche pas à persuader le public de la beauté
de
sa religion, mais cherche à exprimer l’humain dans sa réalité totale,
312
partir de là ne se posent plus que des problèmes
d’
ordre technique. Nous autres écrivains de la Réforme, nous aimerions n
313
roblèmes d’ordre technique. Nous autres écrivains
de
la Réforme, nous aimerions nous comparer au Jean-Baptiste du fameux r
314
nous comparer au Jean-Baptiste du fameux retable
de
Grünewald à Colmar : nos œuvres ne seront jamais que cette main qui d
315
u’il croisse et que je diminue. » Et nous dirions
de
notre public ce que disait de son malade le calviniste Ambroise Paré
316
. » Et nous dirions de notre public ce que disait
de
son malade le calviniste Ambroise Paré : « Je le pansay. Dieu le guar
317
rsonne. On ne nous demande qu’un diagnostic exact
de
l’humain, c’est-à-dire, je le répète : une expression vraiment totale
318
: une expression vraiment totale et sans réserve
de
l’homme tel que le voient les yeux de la foi : dans le péché où Dieu
319
ans réserve de l’homme tel que le voient les yeux
de
la foi : dans le péché où Dieu le cherche et où la grâce vient le tro
320
par d’autres voies que celles qu’il nous plaisait
d’
imaginer… j. Rougemont Denis de, « Littérature et christianisme »,
321
l nous plaisait d’imaginer… j. Rougemont Denis
de
, « Littérature et christianisme », La Cité chrétienne, Bruxelles, 20
322
, Bruxelles, 20 novembre 1938, p. 57. k. Précédé
de
la notice suivante : « Et voici la réponse d’un protestant. Par sa pe
323
édé de la notice suivante : « Et voici la réponse
d’
un protestant. Par sa pensée ferme et drue, Denis de Rougemont exerce
324
es”. On trouve là un des plus authentiques essais
de
construction de notre temps. Politique de la personne , Penser avec
325
à un des plus authentiques essais de construction
de
notre temps. Politique de la personne , Penser avec les mains , le
326
essais de construction de notre temps. Politique
de
la personne , Penser avec les mains , le Journal d’un intellectuel
327
a personne , Penser avec les mains , le Journal
d’
un intellectuel en chômage , et les autres écrits de Rougemont en sont
328
Quel est le rôle
de
l’Université dans le pays ? (1939)m … Quel est le rôle de l’Univer
329
sité dans le pays ? (1939)m … Quel est le rôle
de
l’Université dans le pays ? Serait-ce de distribuer de l’instruction,
330
le rôle de l’Université dans le pays ? Serait-ce
de
distribuer de l’instruction, de vendre au poids des connaissances tec
331
Université dans le pays ? Serait-ce de distribuer
de
l’instruction, de vendre au poids des connaissances techniques, grâce
332
pays ? Serait-ce de distribuer de l’instruction,
de
vendre au poids des connaissances techniques, grâce auxquelles l’étud
333
grâce auxquelles l’étudiant se verrait en mesure
de
gagner maigrement sa vie dans une profession libérale ? On le croit s
334
iant se verrait en mesure de gagner maigrement sa
vie
dans une profession libérale ? On le croit souvent. Pour ma part, je
335
é que j’appris ce qu’il faut savoir pour vivre la
vie
dite sérieuse. Ce qui fait que l’on gagne sa vie, ou qu’on supporte d
336
vie dite sérieuse. Ce qui fait que l’on gagne sa
vie
, ou qu’on supporte de ne la point gagner, vous le savez bien : ce son
337
qui fait que l’on gagne sa vie, ou qu’on supporte
de
ne la point gagner, vous le savez bien : ce sont des trucs de métier,
338
nt gagner, vous le savez bien : ce sont des trucs
de
métier, si j’ose dire, des trucs que l’on n’apprend qu’à l’expérience
339
er. Et il serait bien sot, il serait même barbare
de
le lui reprocher un seul instant. Nous attendons de l’Université tout
340
le lui reprocher un seul instant. Nous attendons
de
l’Université tout autre chose. Je puis le dire à sa louange : ce que
341
. Je puis le dire à sa louange : ce que j’ai reçu
d’
elle, de plus précieux, c’est ce qu’elle m’a donné sans le vouloir : u
342
donné sans le vouloir : une atmosphère, un milieu
de
vie, et bien au-delà d’une instruction : des possibilités de culture,
343
né sans le vouloir : une atmosphère, un milieu de
vie
, et bien au-delà d’une instruction : des possibilités de culture, au
344
une atmosphère, un milieu de vie, et bien au-delà
d’
une instruction : des possibilités de culture, au sens le plus large p
345
bien au-delà d’une instruction : des possibilités
de
culture, au sens le plus large possible. Cela englobe, évidemment, un
346
ble. Cela englobe, évidemment, une certaine somme
de
connaissances indispensables pour le jour de l’examen. Mais cela engl
347
omme de connaissances indispensables pour le jour
de
l’examen. Mais cela englobe aussi tant d’autres choses ! Une certaine
348
aussi tant d’autres choses ! Une certaine qualité
de
loisirs, de réflexions aventureuses, de rêveries et de conversations
349
’autres choses ! Une certaine qualité de loisirs,
de
réflexions aventureuses, de rêveries et de conversations interminable
350
e qualité de loisirs, de réflexions aventureuses,
de
rêveries et de conversations interminables, — ces stations au café de
351
isirs, de réflexions aventureuses, de rêveries et
de
conversations interminables, — ces stations au café de la Rotonde, ce
352
nversations interminables, — ces stations au café
de
la Rotonde, ce n’est pas le moment de les oublier ! — la vie nocturne
353
ons au café de la Rotonde, ce n’est pas le moment
de
les oublier ! — la vie nocturne de l’étudiant, des lectures qui ne se
354
nde, ce n’est pas le moment de les oublier ! — la
vie
nocturne de l’étudiant, des lectures qui ne servent à rien, des prome
355
pas le moment de les oublier ! — la vie nocturne
de
l’étudiant, des lectures qui ne servent à rien, des promenades qui ne
356
mais plus nous ne le ferons plus tard, la couleur
de
nos pierres après la pluie, et l’odeur du lac immobile… Tout cela peu
357
’odeur du lac immobile… Tout cela peut se résumer
d’
un mot. C’est le romantisme éternel. C’est tout ce que l’on aura plus
358
e l’on aura plus tard toutes les raisons du monde
de
condamner, mais sans quoi notre vie demeurerait privée de sa plus émo
359
isons du monde de condamner, mais sans quoi notre
vie
demeurerait privée de sa plus émouvante saveur. Je sais : toutes les
360
mner, mais sans quoi notre vie demeurerait privée
de
sa plus émouvante saveur. Je sais : toutes les générations ont cru qu
361
été aussi folles que nous, et s’il serait décent
de
le souhaiter. Mais c’est avec plus de tendresse que de remords que je
362
rait décent de le souhaiter. Mais c’est avec plus
de
tendresse que de remords que je me rappelle, ce soir, ces folies-là.
363
souhaiter. Mais c’est avec plus de tendresse que
de
remords que je me rappelle, ce soir, ces folies-là. Nous vivions dans
364
soir, ces folies-là. Nous vivions dans une sorte
d’
euphorie constante, coupée de somnolences, d’heures de paresse, voire
365
vions dans une sorte d’euphorie constante, coupée
de
somnolences, d’heures de paresse, voire même de gueule de bois — et d
366
orte d’euphorie constante, coupée de somnolences,
d’
heures de paresse, voire même de gueule de bois — et d’accès d’enthous
367
phorie constante, coupée de somnolences, d’heures
de
paresse, voire même de gueule de bois — et d’accès d’enthousiasme pat
368
e de somnolences, d’heures de paresse, voire même
de
gueule de bois — et d’accès d’enthousiasme pathétiques ! Nous passion
369
lences, d’heures de paresse, voire même de gueule
de
bois — et d’accès d’enthousiasme pathétiques ! Nous passions des soir
370
res de paresse, voire même de gueule de bois — et
d’
accès d’enthousiasme pathétiques ! Nous passions des soirées et des nu
371
aresse, voire même de gueule de bois — et d’accès
d’
enthousiasme pathétiques ! Nous passions des soirées et des nuits que
372
qui étaient simplement lyriques. Durant des mois
d’
hiver, notre vie tournoyait dans l’atmosphère des « Théâtrales » — cur
373
mplement lyriques. Durant des mois d’hiver, notre
vie
tournoyait dans l’atmosphère des « Théâtrales » — curieux terme, comp
374
turnales — les théâtrales, rien de plus évocateur
d’
un état de fête collectif et prolongé… Pendant des mois, ai-je dit, ca
375
les théâtrales, rien de plus évocateur d’un état
de
fête collectif et prolongé… Pendant des mois, ai-je dit, car il falla
376
r, la promener pour la rejouer je ne sais combien
de
fois, un peu plus chaque année. Mais le plus beau, c’était que nous f
377
s à des décors, la nuit, nous avions l’impression
de
circuler sur une scène perpétuelle. Les bons bourgeois n’étaient plus
378
rgeois n’étaient plus, à nos yeux, que des sortes
de
figurants, ignorant tout du sens réel de notre drame. Ils nous voyaie
379
s sortes de figurants, ignorant tout du sens réel
de
notre drame. Ils nous voyaient passer, cheveux au vent, des foulards
380
mment noués autour du cou, avec des mines fatales
d’
insomnies et des restes de fard aux joues. Nous dansions autour d’une
381
avec des mines fatales d’insomnies et des restes
de
fard aux joues. Nous dansions autour d’une flamme invisible à tout au
382
es restes de fard aux joues. Nous dansions autour
d’
une flamme invisible à tout autre qu’à nous, et dont nous n’étions mêm
383
sie. Il y avait peut-être autre chose. Une espèce
de
recherche inconsciente de réalités plus vivantes, de drames plus vrai
384
autre chose. Une espèce de recherche inconsciente
de
réalités plus vivantes, de drames plus vrais que ceux dont nous faisi
385
recherche inconsciente de réalités plus vivantes,
de
drames plus vrais que ceux dont nous faisions la montre… Mais ceci c’
386
… Ne serait-ce pas notre rôle actuel, en Suisse,
de
maintenir cette tradition du romantisme et des féconds loisirs qui a
387
tisme et des féconds loisirs qui a fait la gloire
d’
une Heidelberg, d’une Tubingue, et de tant d’autres petites cités où r
388
ds loisirs qui a fait la gloire d’une Heidelberg,
d’
une Tubingue, et de tant d’autres petites cités où résonnent aujourd’h
389
it la gloire d’une Heidelberg, d’une Tubingue, et
de
tant d’autres petites cités où résonnent aujourd’hui des chants… d’un
390
etites cités où résonnent aujourd’hui des chants…
d’
une autre espèce ? Ne serait-ce pas à nous de maintenir et d’illustrer
391
nts… d’une autre espèce ? Ne serait-ce pas à nous
de
maintenir et d’illustrer aux yeux du monde moderne une de ces vérités
392
espèce ? Ne serait-ce pas à nous de maintenir et
d’
illustrer aux yeux du monde moderne une de ces vérités qu’il méconnaît
393
enir et d’illustrer aux yeux du monde moderne une
de
ces vérités qu’il méconnaît, mais qui lui survivra sans doute : c’est
394
déplacée ce soir, dans cette halte du souvenir et
de
l’amitié. Vraiment, quel danger y aurait-il à faire l’éloge d’une cer
395
Vraiment, quel danger y aurait-il à faire l’éloge
d’
une certaine paresse dans une occasion de ce genre ? Ce ne sera jamais
396
l’éloge d’une certaine paresse dans une occasion
de
ce genre ? Ce ne sera jamais, hélas, qu’une fois tous les cent ans !
397
ne fois tous les cent ans ! m. Rougemont Denis
de
, « Quel est le rôle de l’université dans le pays ? », Bulletin de l’A
398
ns ! m. Rougemont Denis de, « Quel est le rôle
de
l’université dans le pays ? », Bulletin de l’Association des anciens
399
e rôle de l’université dans le pays ? », Bulletin
de
l’Association des anciens étudiants de l’Université de Neuchâtel, Neu
400
, Bulletin de l’Association des anciens étudiants
de
l’Université de Neuchâtel, Neuchâtel, 1939, p. 150-151.
401
Association des anciens étudiants de l’Université
de
Neuchâtel, Neuchâtel, 1939, p. 150-151.
402
Le protestantisme créateur
de
personnes (1939)l Je souhaite que beaucoup d’entre vous2, aperceva
403
e que beaucoup d’entre vous2, apercevant le titre
de
cette conférence, aient ressenti quelque méfiance. Je souhaite que be
404
urieuse, ou peut-être grave, ou en tout cas digne
de
réflexion, car c’est à elle précisément que je me propose de répondre
405
n, car c’est à elle précisément que je me propose
de
répondre ici. Comment passer du zéro de l’homme devant Dieu à la vale
406
e propose de répondre ici. Comment passer du zéro
de
l’homme devant Dieu à la valeur infinie de la personnalité ? Comment
407
u zéro de l’homme devant Dieu à la valeur infinie
de
la personnalité ? Comment passer de notre théologie à notre histoire
408
aleur infinie de la personnalité ? Comment passer
de
notre théologie à notre histoire ? Qu’est-ce que cette personnalité d
409
curieusement entre zéro et l’infini, et dont tant
d’
auteurs non protestants ou incroyants nous font une gloire peut-être i
410
ut-être intempestive ? Le problème est, je crois,
d’
autant plus actuel que les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’Église
411
tourner vers le passé pour y trouver le réconfort
d’
anciennes victoires, d’exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur d
412
our y trouver le réconfort d’anciennes victoires,
d’
exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur de l’attaque qui se prép
413
, d’exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur
de
l’attaque qui se prépare contre le monde chrétien, beaucoup, jusque p
414
p, jusque parmi les incroyants, sentent le besoin
de
reprendre pied sur les vieilles bases spirituelles, rudes et monument
415
tous leurs appuis. Et c’est sans doute à ce désir
de
certitude renouvelée, à ce désir de retrouver confiance en soi, que j
416
te à ce désir de certitude renouvelée, à ce désir
de
retrouver confiance en soi, que je devrais répondre en exaltant ici l
417
pondre en exaltant ici le protestantisme créateur
de
personnalités, ou défenseur d’une certaine dignité humaine. Eh bien,
418
stantisme créateur de personnalités, ou défenseur
d’
une certaine dignité humaine. Eh bien, je ne vois aucune raison de déc
419
ignité humaine. Eh bien, je ne vois aucune raison
de
décevoir une telle attente. Mais attention ! Cette interrogation pres
420
! Cette interrogation pressante, il ne s’agit pas
de
lui offrir n’importe quelle réponse flatteuse ou approximative. Et ce
421
réponse flatteuse ou approximative. Et ce besoin
de
certitude, il s’agit de la combler en vérité. La menace est sérieuse,
422
proximative. Et ce besoin de certitude, il s’agit
de
la combler en vérité. La menace est sérieuse, les événements de septe
423
en vérité. La menace est sérieuse, les événements
de
septembre et toute la suite l’ont fait voir aux plus optimistes. En R
424
nous atteint déjà par contrecoup, et il est sage
de
s’attendre à bien pire. C’est donc le moment ou jamais de se montrer
425
endre à bien pire. C’est donc le moment ou jamais
de
se montrer très rigoureux dans le choix des moyens de défense. Et, pa
426
e montrer très rigoureux dans le choix des moyens
de
défense. Et, par exemple, si beaucoup sont prêts à louer la Réforme d
427
xemple, si beaucoup sont prêts à louer la Réforme
d’
être une école de personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c
428
up sont prêts à louer la Réforme d’être une école
de
personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c’est le moment po
429
art contre la barbarie, c’est le moment pour nous
de
préciser comment, pourquoi, dans quel esprit surtout le protestantism
430
est effectivement cela. I Depuis une dizaine
d’
années, une discussion générale s’est instituée sur les notions de per
431
scussion générale s’est instituée sur les notions
de
personne, d’individu et de personnalité. Il existe un mouvement perso
432
rale s’est instituée sur les notions de personne,
d’
individu et de personnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui
433
tituée sur les notions de personne, d’individu et
de
personnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui a pris pour tâ
434
un mouvement personnaliste qui a pris pour tâche
de
démêler ces notions et de fonder sur elles un ordre social renouvelé.
435
e qui a pris pour tâche de démêler ces notions et
de
fonder sur elles un ordre social renouvelé. Des philosophes tels que
436
ue, Berdiaev du côté orthodoxe, un certain nombre
de
jeunes protestants, beaucoup d’agnostiques aussi, se sont efforcés de
437
un certain nombre de jeunes protestants, beaucoup
d’
agnostiques aussi, se sont efforcés de démontrer l’importance concrète
438
s, beaucoup d’agnostiques aussi, se sont efforcés
de
démontrer l’importance concrète d’une définition de la personne pour
439
sont efforcés de démontrer l’importance concrète
d’
une définition de la personne pour toute action dans la cité. Ces disc
440
démontrer l’importance concrète d’une définition
de
la personne pour toute action dans la cité. Ces discussions, souvent
441
dans la cité. Ces discussions, souvent encombrées
de
jargon philosophique, peuvent apparaître byzantines au grand public.
442
n’en reste pas moins que le mot d’ordre « Défense
de
la personne humaine » est devenu le slogan par excellence des hommes
443
s. Ce fait, et toutes les équivoques que risquent
d’
entraîner de telles notions, me paraissent revêtir une importance part
444
et toutes les équivoques que risquent d’entraîner
de
telles notions, me paraissent revêtir une importance particulière pou
445
nous protestants, tantôt pour les fermes soutiens
de
la personnalité, tantôt pour de dangereux individualistes. C’est donc
446
s fermes soutiens de la personnalité, tantôt pour
de
dangereux individualistes. C’est donc vraiment de nos affaires qu’il
447
de dangereux individualistes. C’est donc vraiment
de
nos affaires qu’il s’agit dans cette discussion. Nous y avons notre m
448
notions par des exemples historiques susceptibles
de
faire image. Si nous remontons aux origines, si nous cherchons commen
449
comment sont apparues dans l’Histoire les notions
d’
individu et de personne, et les systèmes qui s’y opposent, nous verron
450
pparues dans l’Histoire les notions d’individu et
de
personne, et les systèmes qui s’y opposent, nous verrons mieux commen
451
ieux comment se situe la Réforme dans l’évolution
de
l’Europe, et quel principe central elle doit y incarner, de nos jours
452
e, et quel principe central elle doit y incarner,
de
nos jours sans doute plus que jamais. Prenons d’abord l’individu. Con
453
n’est pas une invention du siècle des Lumières et
de
la Déclaration des droits de l’homme. C’est une invention grecque, et
454
recque, et sa naissance signale la naissance même
de
l’hellénisme. L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout d’un cou
455
e même de l’hellénisme. L’individu, c’est l’homme
de
la tribu qui tout d’un coup se met à réfléchir pour son compte, et qu
456
e. L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout
d’
un coup se met à réfléchir pour son compte, et qui, de ce fait même, s
457
coup se met à réfléchir pour son compte, et qui,
de
ce fait même, se distingue du groupe naturel, et s’isole. Le groupe p
458
le lien du sang, des morts communs, et par celui
de
la terreur sacrée. C’est autour d’un tabou et autour des tombeaux, ob
459
, et par celui de la terreur sacrée. C’est autour
d’
un tabou et autour des tombeaux, objets d’effroi, que se rassemble la
460
autour d’un tabou et autour des tombeaux, objets
d’
effroi, que se rassemble la société primitive. Ce qu’elle adore, c’est
461
phobe. Mais supposez maintenant qu’un des membres
de
la tribu se mette à raisonner à part soi. Raisonner, c’est d’abord do
462
s sacrés du groupe, et par là même à son principe
de
tyrannie. Ce mouvement d’arrachement au sacré sombre, à l’empire des
463
là même à son principe de tyrannie. Ce mouvement
d’
arrachement au sacré sombre, à l’empire des morts, ce mouvement de dis
464
sacré sombre, à l’empire des morts, ce mouvement
de
dissolution de la communauté primitive, c’est la naissance même de la
465
à l’empire des morts, ce mouvement de dissolution
de
la communauté primitive, c’est la naissance même de la Grèce. Sur le
466
la communauté primitive, c’est la naissance même
de
la Grèce. Sur le fond indistinct des peuplades indo-germaniques, les
467
st important : à l’origine, individu est synonyme
de
criminel. Mais peu à peu, ces individus se groupent pour constituer d
468
à peu, ces individus se groupent pour constituer
de
nouvelles communautés (les thiases) comparables à la cité au sens mod
469
erne. Alors que la tribu était liée par des liens
d’
origine — le sang, la famille — la cité est fondée sur l’intérêt commu
470
térêt commun et les contrats. Alors que la morale
de
la tribu dicte des devoirs sacrés, dans la cité on parle de droits. T
471
u dicte des devoirs sacrés, dans la cité on parle
de
droits. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière
472
dans la cité on parle de droits. Tous les membres
de
la tribu devaient agir de la même manière minutieusement prescrite pa
473
roits. Tous les membres de la tribu devaient agir
de
la même manière minutieusement prescrite par les usages, et toute con
474
chacun cherche à se distinguer. On met son point
d’
honneur à faire mieux que le voisin, ou tout au moins à faire autremen
475
utonome et conscient. La définition la plus noble
de
l’individu nous est fournie à ce moment par Socrate, lorsqu’il nous d
476
is-toi toi-même, c’est-à-dire : prends conscience
de
ton existence individuelle, libère-toi des déterminations sacrées et
477
eut-être peut-on rapprocher cette tendance morale
de
celle qui poussa les physiciens de la Grèce à créer la notion d’atome
478
endance morale de celle qui poussa les physiciens
de
la Grèce à créer la notion d’atome, les philosophes à formuler le pri
479
ussa les physiciens de la Grèce à créer la notion
d’
atome, les philosophes à formuler le principe d’individuation, les lég
480
n d’atome, les philosophes à formuler le principe
d’
individuation, les législateurs et les artistes à concentrer leur atte
481
attention sur l’homme et son destin particulier.
D’
où le héros, d’où la statue, d’où le tragique (Antigone s’opposant aux
482
l’homme et son destin particulier. D’où le héros,
d’
où la statue, d’où le tragique (Antigone s’opposant aux décisions sacr
483
estin particulier. D’où le héros, d’où la statue,
d’
où le tragique (Antigone s’opposant aux décisions sacrées de l’État) ;
484
agique (Antigone s’opposant aux décisions sacrées
de
l’État) ; — d’où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade cou
485
e s’opposant aux décisions sacrées de l’État) ; —
d’
où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de
486
décisions sacrées de l’État) ; — d’où les notions
de
gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu
487
rées de l’État) ; — d’où les notions de gloire et
de
record. Et Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu’on parle de
488
gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue
de
son chien pour qu’on parle de lui, qu’on le distingue… C’est là encor
489
iade coupe la queue de son chien pour qu’on parle
de
lui, qu’on le distingue… C’est là encore une assez bonne définition d
490
ingue… C’est là encore une assez bonne définition
de
l’individu. Toutefois, ce mouvement centrifuge, par rapport à la comm
491
mouvement centrifuge, par rapport à la communauté
d’
origine, s’il se confond d’abord, soulignons-le, avec l’intelligence e
492
duit fatalement ce que j’appellerais un sentiment
de
vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à u
493
rais un sentiment de vide social. C’est une sorte
d’
angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus s
494
e vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse
d’
où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus solide, où l’individ
495
Empire romain qui nous donnera le symbole éternel
de
cette réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce, symboliq
496
éternel de cette réaction collective. La victoire
de
Rome sur la Grèce, symboliquement interprétée, c’est la victoire de l
497
ce, symboliquement interprétée, c’est la victoire
de
l’étatisme sur l’individualisme social. L’État romain, rural et milit
498
son appareil rigide, devait fatalement triompher
d’
une Grèce que nous dirions « atomisée ». Le vide social créé par l’ind
499
bureaucratie, sa police, fonctionnera d’ailleurs
d’
autant plus facilement qu’il n’aura plus affaire qu’à une poussière d’
500
ment qu’il n’aura plus affaire qu’à une poussière
d’
individus déracinés, n’offrant plus de résistance appréciable. Vous vo
501
e poussière d’individus déracinés, n’offrant plus
de
résistance appréciable. Vous voyez qu’entre individualisme et dictatu
502
pposition n’est qu’apparente : en réalité, il y a
de
l’un à l’autre un lien de cause à effet ou plus exactement, de succes
503
te : en réalité, il y a de l’un à l’autre un lien
de
cause à effet ou plus exactement, de succession fatale. L’individu ne
504
utre un lien de cause à effet ou plus exactement,
de
succession fatale. L’individu ne s’oppose à l’État qu’à la manière do
505
gards, l’étatisme ne fait qu’achever le processus
de
dissolution sociale commencé par l’individualisme. L’individu s’était
506
structure organique ne s’oppose plus à son action
d’
unification, de « mise au pas ». C’est avec la poussière des individus
507
ique ne s’oppose plus à son action d’unification,
de
« mise au pas ». C’est avec la poussière des individus que l’État fer
508
éraciner pour mieux discipliner, cela seul permet
de
constituer un bloc puissant vis-à-vis de l’extérieur ; un bloc qui pr
509
à-vis de l’extérieur ; un bloc qui prend l’allure
d’
une armée. Le vice d’un tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu t
510
; un bloc qui prend l’allure d’une armée. Le vice
d’
un tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu toutes les initiatives
511
tes, et qu’il finit par s’effondrer sous le poids
de
son appareil dévorateur. Et cela ne manque pas de se produire lorsque
512
de son appareil dévorateur. Et cela ne manque pas
de
se produire lorsque la majorité des citoyens se trouve réduite à l’ét
513
majorité des citoyens se trouve réduite à l’état
de
fonctionnaires ou de soldats. C’est l’histoire de la décadence de Rom
514
s se trouve réduite à l’état de fonctionnaires ou
de
soldats. C’est l’histoire de la décadence de Rome. Le type d’homme qu
515
de fonctionnaires ou de soldats. C’est l’histoire
de
la décadence de Rome. Le type d’homme que suppose l’État romain, c’es
516
s ou de soldats. C’est l’histoire de la décadence
de
Rome. Le type d’homme que suppose l’État romain, c’est donc l’individ
517
C’est l’histoire de la décadence de Rome. Le type
d’
homme que suppose l’État romain, c’est donc l’individu embrigadé, le f
518
rsona. Ce mot qui désignait à l’origine le masque
de
l’acteur, signifiera bientôt le « rôle » que joue le citoyen. Dans l’
519
esclaves, par exemple, qui forment les deux tiers
de
la population, ne sont pas des personnes, puisqu’ils ne jouent pas de
520
sont pas des personnes, puisqu’ils ne jouent pas
de
rôle dans les rouages de l’État. Il est important de rappeler ce sens
521
puisqu’ils ne jouent pas de rôle dans les rouages
de
l’État. Il est important de rappeler ce sens romain du mot personne.
522
rôle dans les rouages de l’État. Il est important
de
rappeler ce sens romain du mot personne. Je le traduirais volontiers
523
uirais volontiers en langage moderne par le terme
de
milicien ou de soldat politique. Nous allons le voir se transformer s
524
rs en langage moderne par le terme de milicien ou
de
soldat politique. Nous allons le voir se transformer substantiellemen
525
ocabulaire chrétien. Car voici le moment décisif
de
notre histoire. La Grèce individualiste a triomphé de la communauté b
526
otre histoire. La Grèce individualiste a triomphé
de
la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a sombré dans l’an
527
te. Quelle sera la nouvelle société ? En ce point
de
l’évolution, dans cette angoisse, deux solutions paraissent possibles
528
ecréer la communauté primitive, à base de sang et
de
liens sacrés : c’est une régression vers la barbarie, mais qui flatte
529
isfait le rêve nostalgique du retour à la nature,
d’
une fraternité plus charnelle, d’une communion avec la masse dans le m
530
our à la nature, d’une fraternité plus charnelle,
d’
une communion avec la masse dans le mystère des origines : souvenirs,
531
ai une communauté régressive. L’autre possibilité
de
communauté, c’est celle qu’imagine l’être spirituel. C’est l’espoir d
532
celle qu’imagine l’être spirituel. C’est l’espoir
d’
une société d’un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur l
533
ne l’être spirituel. C’est l’espoir d’une société
d’
un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur les contraintes
534
lois, mais sur l’attente commune et enthousiaste
d’
un au-delà libérateur. Ce n’est plus le rêve du retour aux origines, c
535
lus le rêve du retour aux origines, c’est le rêve
d’
un avenir éternel, d’une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attent
536
aux origines, c’est le rêve d’un avenir éternel,
d’
une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’une communauté pr
537
éternel, d’une révélation inouïe. Il s’agit donc
de
l’attente d’une communauté progressive. La réalisation historique de
538
ne révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente
d’
une communauté progressive. La réalisation historique de la première p
539
communauté progressive. La réalisation historique
de
la première possibilité s’est amorcée dès la fin de la République rom
540
la première possibilité s’est amorcée dès la fin
de
la République romaine, quand le César est devenu un dieu. Et c’est l’
541
and le César est devenu un dieu. Et c’est l’échec
de
cette religion d’État, confondu avec l’échec plus général d’une socié
542
evenu un dieu. Et c’est l’échec de cette religion
d’
État, confondu avec l’échec plus général d’une société bureaucratisée,
543
ligion d’État, confondu avec l’échec plus général
d’
une société bureaucratisée, qui a permis et préparé le triomphe du chr
544
Mais je demeure persuadé que la seule possibilité
d’
une communauté progressive n’eût pas suffi à éveiller la volonté de la
545
progressive n’eût pas suffi à éveiller la volonté
de
la réaliser et de la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait h
546
pas suffi à éveiller la volonté de la réaliser et
de
la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’un a
547
r la volonté de la réaliser et de la faire sortir
de
l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’un acte vînt transforme
548
dynamique. Et ce fait, c’est l’événement central
de
toute l’Histoire, la seule nouveauté absolue de tous les temps : l’in
549
l de toute l’Histoire, la seule nouveauté absolue
de
tous les temps : l’incarnation de Dieu dans l’homme fondant une socié
550
uveauté absolue de tous les temps : l’incarnation
de
Dieu dans l’homme fondant une société absolument nouvelle : l’Église.
551
ace ici ? C’est une communauté spirituelle formée
d’
un grand nombre de petites communautés locales, que l’on pourrait appe
552
e communauté spirituelle formée d’un grand nombre
de
petites communautés locales, que l’on pourrait appeler d’un terme mod
553
es communautés locales, que l’on pourrait appeler
d’
un terme moderne : des cellules. Ces communautés ne sont pas fondées s
554
», écrit saint Paul. Elles ne tiennent compte ni
de
la race, ni des traditions, ni du rang social : on y trouve des escla
555
as terrestre : il s’est assis au Ciel à la droite
de
Dieu. Leurs ambitions non plus ne sont pas terrestres, car ce qu’elle
556
autés étranges constituent bel et bien les germes
d’
une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chef
557
ielle, mais ils y trouvent aussi des possibilités
de
servir leurs frères. Ils se voient donc libérés, et du même coup enga
558
ns un corps social nouveau. Prenons le cas social
de
l’esclave qui devient chrétien. Alors que l’État romain lui déniait t
559
t spontanée, l’Église lui rend sa dignité humaine
d’
individu et son rôle actif de persona. Spirituellement, il se produit
560
d sa dignité humaine d’individu et son rôle actif
de
persona. Spirituellement, il se produit un phénomène parallèle : le p
561
païen qui se convertit se voit d’une part racheté
de
son péché ; et d’autre part, il reçoit une mission nouvelle, une voca
562
ement et socialement, l’Église est une communauté
d’
hommes qui sont à la fois libres et engagés. Libérés par Celui qui les
563
uisqu’ils traduisent deux aspects complémentaires
d’
une seule et même réalité : la conversion. Tel est l’homme neuf, créé
564
as l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage
de
servir que de se distinguer. Et ce n’est pas non plus la persona du d
565
grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que
de
se distinguer. Et ce n’est pas non plus la persona du droit romain, p
566
i a une vocation possède une dignité indépendante
de
son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou plu
567
le Père, le Fils et le Saint-Esprit, les docteurs
de
l’Église grecque avaient adopté le terme romain de persona. C’est ce
568
e l’Église grecque avaient adopté le terme romain
de
persona. C’est ce même terme qui va servir aux premiers philosophes c
569
miers philosophes chrétiens à désigner la réalité
de
l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme, lui aussi, se trou
570
mot avec son sens nouveau, et la réalité sociale
de
la personne, sont bel et bien des créations chrétiennes ou, pour mieu
571
ns chrétiennes ou, pour mieux dire, des créations
de
l’Église chrétienne. Voici donc définis par leurs origines, et dans
572
et dans leur genèse historique, les maîtres mots
de
notre conception occidentale de l’homme : l’individu et la personne.
573
les maîtres mots de notre conception occidentale
de
l’homme : l’individu et la personne. Et vous voyez que la distinction
574
inction entre ces deux vocables si courants, loin
d’
être une querelle byzantine, ne traduit rien de moins, dans les débuts
575
in d’être une querelle byzantine, ne traduit rien
de
moins, dans les débuts, que la distinction entre l’homme naturel et l
576
nt posées, faisons dans nos pensées un petit saut
de
quelques siècles, pour retomber tout à la fois dans l’époque de la Ré
577
ècles, pour retomber tout à la fois dans l’époque
de
la Réformation et dans le sujet précis qui nous occupe. L’Église des
578
es premiers siècles a repris peu à peu l’héritage
de
l’Empire romain. Elle s’est peu à peu substituée aux cadres sclérosés
579
aux cadres sclérosés du vieux régime. La capitale
de
l’Empire d’Occident, ses hiérarchies, sa centralisation, sa structure
580
clérosés du vieux régime. La capitale de l’Empire
d’
Occident, ses hiérarchies, sa centralisation, sa structure unitaire, c
581
mes liturgiques, tout cela fait partie intégrante
de
la chrétienté médiévale. Or, cette collusion peut-être inévitable de
582
diévale. Or, cette collusion peut-être inévitable
de
l’Église et de l’Empire temporel, recréa, tout au long du Moyen Âge,
583
tte collusion peut-être inévitable de l’Église et
de
l’Empire temporel, recréa, tout au long du Moyen Âge, une sorte de co
584
rel, recréa, tout au long du Moyen Âge, une sorte
de
communauté sacrée, de société sacrale d’allure collectiviste. Il fall
585
ong du Moyen Âge, une sorte de communauté sacrée,
de
société sacrale d’allure collectiviste. Il fallait le prévoir. En eff
586
ne sorte de communauté sacrée, de société sacrale
d’
allure collectiviste. Il fallait le prévoir. En effet, la personne chr
587
En effet, la personne chrétienne était une sorte
de
paradoxe : elle unissait l’individu libre et la persona ou fonction s
588
mmunauté fondée sur la personne courait le danger
d’
une double déviation : d’une part vers l’individualisme, d’autre part
589
le et collective. » C’est-à-dire que la collusion
de
l’Église et du pouvoir politique tendait à opprimer la liberté de la
590
u pouvoir politique tendait à opprimer la liberté
de
la personne, en absorbant celle-ci de plus en plus dans des engagemen
591
situation quelque peu analogue à celle des débuts
de
la Grèce, en ce sens qu’une révolte de l’individu ne tarde pas à se m
592
des débuts de la Grèce, en ce sens qu’une révolte
de
l’individu ne tarde pas à se manifester. Cette révolte, c’est la Rena
593
r quelques traits qui rappelleront ma description
de
la Grèce individualiste. L’individu de la Renaissance est d’abord un
594
escription de la Grèce individualiste. L’individu
de
la Renaissance est d’abord un révolté qui oppose ses besoins propres
595
qui oppose ses besoins propres aux dogmes sacrés
de
la collectivité. Il revendique le droit de discuter, c’est-à-dire le
596
sacrés de la collectivité. Il revendique le droit
de
discuter, c’est-à-dire le libre examen de toutes choses. Il est assoi
597
e droit de discuter, c’est-à-dire le libre examen
de
toutes choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse, de sa propre
598
le libre examen de toutes choses. Il est assoiffé
de
gloire et de richesse, de sa propre gloire et de sa propre richesse,
599
en de toutes choses. Il est assoiffé de gloire et
de
richesse, de sa propre gloire et de sa propre richesse, fussent-elles
600
choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse,
de
sa propre gloire et de sa propre richesse, fussent-elles acquises aux
601
de gloire et de richesse, de sa propre gloire et
de
sa propre richesse, fussent-elles acquises aux dépens de sa famille e
602
ussent-elles acquises aux dépens de sa famille et
de
sa cité, aux dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre de crime
603
pens de sa famille et de sa cité, aux dépens même
de
la vie d’autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Itali
604
e sa famille et de sa cité, aux dépens même de la
vie
d’autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Italie du xv
605
famille et de sa cité, aux dépens même de la vie
d’
autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Italie du xve
606
x dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre
de
crimes furent commis dans l’Italie du xve siècle à seule fin de s’ac
607
t commis dans l’Italie du xve siècle à seule fin
de
s’acquérir de la renommée. Et les pirates siciliens, fondateurs du ca
608
l’Italie du xve siècle à seule fin de s’acquérir
de
la renommée. Et les pirates siciliens, fondateurs du capitalisme comm
609
cial, sont souvent cités comme les premiers types
d’
individus au sens moderne. Nous retrouvons ici cette liaison mystérieu
610
ici cette liaison mystérieuse entre la naissance
de
l’individu et le crime social. Enfin l’individu de la Renaissance se
611
e l’individu et le crime social. Enfin l’individu
de
la Renaissance se livre à une activité toute nouvelle : l’expérimenta
612
érimentation scientifique libre. Tout cela relève
d’
une seule et même volonté : celle de profaner le sacré collectif et se
613
t cela relève d’une seule et même volonté : celle
de
profaner le sacré collectif et ses tabous, afin de s’affirmer libre e
614
sabilité par rapport à la société. Qu’il s’agisse
de
libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesses ou d’expér
615
ort à la société. Qu’il s’agisse de libre examen,
de
crimes, de soif de gloire et de richesses ou d’expériences telles que
616
ciété. Qu’il s’agisse de libre examen, de crimes,
de
soif de gloire et de richesses ou d’expériences telles que la dissect
617
u’il s’agisse de libre examen, de crimes, de soif
de
gloire et de richesses ou d’expériences telles que la dissection du c
618
de libre examen, de crimes, de soif de gloire et
de
richesses ou d’expériences telles que la dissection du corps humain,
619
, de crimes, de soif de gloire et de richesses ou
d’
expériences telles que la dissection du corps humain, c’est toujours u
620
te une réaction inévitable à la déviation romaine
de
la communauté catholique. Entre ces deux déviations, contre l’oppress
621
ntre l’oppression collective et contre la révolte
de
l’individu, ce qui va se dresser pour proclamer les droits et les dev
622
dresser pour proclamer les droits et les devoirs
de
la personne chrétienne — c’est la Réforme. Nous touchons au cœur même
623
ersonnaliste. Bien au contraire : je vais essayer
de
vous montrer ce que pourrait être et devrait être un personnalisme in
624
ait être et devrait être un personnalisme inspiré
de
la Réforme. Calvin ni Luther n’ont parlé de la personne en soi. Ils n
625
spiré de la Réforme. Calvin ni Luther n’ont parlé
de
la personne en soi. Ils n’ont pas fait une théorie personnaliste, ils
626
ême pas avoir entrevu la possibilité ou l’intérêt
d’
un tel problème. Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou de
627
un tel problème. Mais ils ne parlent pas non plus
de
l’individu ou de la collectivité, et cependant toutes les réalités qu
628
Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou
de
la collectivité, et cependant toutes les réalités que désignent ces t
629
mes sont présentes, et sont en conflit à l’époque
de
la Réforme. Essayons de les dégager sommairement. Le but unique des r
630
ont en conflit à l’époque de la Réforme. Essayons
de
les dégager sommairement. Le but unique des réformateurs était de res
631
ommairement. Le but unique des réformateurs était
de
restaurer la fidélité de l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’o
632
e des réformateurs était de restaurer la fidélité
de
l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis d’être présentés
633
de restaurer la fidélité de l’Église à la Parole
de
Dieu. Jamais ils n’ont admis d’être présentés comme des novateurs. «
634
glise à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis
d’
être présentés comme des novateurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit
635
teurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit Calvin,
de
ne pas mettre nos opinions personnelles à la place de l’exposition si
636
elles à la place de l’exposition simple et fidèle
de
la pure Parole de Dieu. » Du point de vue qui nous intéresse ici, je
637
e l’exposition simple et fidèle de la pure Parole
de
Dieu. » Du point de vue qui nous intéresse ici, je dirai que l’œuvre
638
vue qui nous intéresse ici, je dirai que l’œuvre
de
Calvin a consisté essentiellement à restaurer la doctrine de l’Église
639
consisté essentiellement à restaurer la doctrine
de
l’Église, de même qu’elle a consisté accidentellement, sur le plan po
640
ouvoir temporel. L’anarchisme, c’était la révolte
de
la Renaissance, et les sectes d’illuminés, c’est-à-dire l’individuali
641
était la révolte de la Renaissance, et les sectes
d’
illuminés, c’est-à-dire l’individualisme social et religieux. Calvin c
642
nt pour rembarrer ces deux vices, toute la pureté
de
la foi serait confuse. » L’Église primitive était une communauté spir
643
Église primitive était une communauté spirituelle
de
personnes, d’hommes nouveaux, à la fois libres et engagés, constituan
644
ve était une communauté spirituelle de personnes,
d’
hommes nouveaux, à la fois libres et engagés, constituant une multitud
645
fois libres et engagés, constituant une multitude
de
communautés locales. Telles seront à nouveau les Églises réformées. P
646
les seront à nouveau les Églises réformées. Point
de
centralisation, point de capitale, point d’unification formelle et fo
647
Églises réformées. Point de centralisation, point
de
capitale, point d’unification formelle et forcée. Dès le début, la Ré
648
Point de centralisation, point de capitale, point
d’
unification formelle et forcée. Dès le début, la Réforme considère com
649
ont des députés à des synodes, et il n’y aura pas
de
pape pour unifier temporellement toutes ces cellules vivantes, autono
650
l’Église nous apparaît, selon les propres termes
de
Calvin, dans la diversité « des Églises et des personnes particulière
651
à-dire des vocations particulières. Avec ce terme
de
vocation, Calvin n’ajoute rien à la réalité de l’homme chrétien, du m
652
me de vocation, Calvin n’ajoute rien à la réalité
de
l’homme chrétien, du membre de l’Église, mais il apporte une précisio
653
rien à la réalité de l’homme chrétien, du membre
de
l’Église, mais il apporte une précision capitale à la définition de l
654
il apporte une précision capitale à la définition
de
la personne. À tel point que je dirais volontiers que la définition p
655
e dirais volontiers que la définition protestante
de
la personne, c’est la vocation. La persona romaine, c’était le rôle j
656
c’était le rôle joué par un individu dans le plan
de
l’État. La personne chrétienne, ce sera le rôle que Dieu attribue à c
657
ien que nous retrouvons ici le paradoxe essentiel
de
la personne : à la fois libre et engagée, distincte et reliée à nouve
658
communication avec son prochain. Ainsi la dignité
de
chaque individu est garantie non pas du seul fait qu’il existe physiq
659
fait qu’il peut incarner une volonté particulière
de
Dieu. Et dès lors, cet homme n’a pas seulement le droit d’être respec
660
Et dès lors, cet homme n’a pas seulement le droit
d’
être respecté par l’État, il a surtout le devoir d’agir, en tant qu’il
661
’être respecté par l’État, il a surtout le devoir
d’
agir, en tant qu’il est chargé d’une responsabilité unique dans la soc
662
urtout le devoir d’agir, en tant qu’il est chargé
d’
une responsabilité unique dans la société, à sa juste place. Notons qu
663
igure en particulier dans le serment des pasteurs
de
Genève, et dont l’actualité vous frappera certainement. « Je promets,
664
ppera certainement. « Je promets, dit le pasteur,
de
servir la Seigneurie et le peuple de telle manière que par cela je ne
665
le pasteur, de servir la Seigneurie et le peuple
de
telle manière que par cela je ne sois nullement empêché de rendre à D
666
manière que par cela je ne sois nullement empêché
de
rendre à Dieu le service que je lui dois par ma vocation. » C’est à m
667
onstitutionnel existant, qui puisse être qualifié
de
personnaliste, au sens précis où je l’entends. Diversité des Églises
668
je l’entends. Diversité des Églises, fédération
de
ces diversités, multiplicité des vocations personnelles : tout cela,
669
i. Mais il était inévitable et normal que ce type
de
relations influençât peu à peu toutes les autres relations humaines,
670
culier les relations politiques. Toute l’histoire
de
l’Europe serait à refaire à partir de cette constatation : que les fo
671
exemples. Quelle fut donc la traduction politique
de
la doctrine calvinienne de l’Église et des vocations personnelles ? J
672
a traduction politique de la doctrine calvinienne
de
l’Église et des vocations personnelles ? Je n’hésite pas à le dire :
673
ils le purent, proposèrent au contraire des plans
d’
allure et d’intention nettement fédéralistes. L’absolutisme, la confus
674
t, proposèrent au contraire des plans d’allure et
d’
intention nettement fédéralistes. L’absolutisme, la confusion des pouv
675
ébrera « la France toute catholique sous le règne
de
Louis le Grand », c’est-à-dire la France « mise au pas » par l’homme
676
, centralisée, déjà presque totalitaire, et vidée
de
ses meilleures forces créatrices. Mais dès que le parti protestant re
677
oute différente. Il ne tombe jamais dans le piège
d’
opposer à l’absolutisme romain un absolutisme réformé. Au contraire. Q
678
absolutisme réformé. Au contraire. Qu’il s’agisse
de
la Transylvanie convertie au calvinisme et qui devient l’âme de la ré
679
anie convertie au calvinisme et qui devient l’âme
de
la résistance au centralisme des Habsbourg, qu’il s’agisse des Provin
680
ies des Pays-Bas ; qu’il s’agisse des fédérations
de
défense constituées par les huguenots ; ou de nos jours, bien que d’u
681
ons de défense constituées par les huguenots ; ou
de
nos jours, bien que d’une manière plus vague, des États-Unis d’Amériq
682
ées par les huguenots ; ou de nos jours, bien que
d’
une manière plus vague, des États-Unis d’Amérique et de l’Empire angla
683
manière plus vague, des États-Unis d’Amérique et
de
l’Empire anglais avec ses libres dominions, — partout l’on voit les p
684
s, c’est-à-dire fédéraliste. Les synodes réformés
de
France, vers la fin du xvie siècle, préconisèrent à plusieurs repris
685
e, préconisèrent à plusieurs reprises des projets
d’
organisation fédérative du Royaume, avec large autonomie des communes
686
emier, sous Henry IV, conçut le « Grand Dessein »
d’
une fédération européenne ? Certes, les historiens attribuent à ces fa
687
t dans les petits États qui éprouvaient le besoin
de
se fédérer contre l’Empire et contre Rome, et cela se vérifie souvent
688
siècle. Mais je maintiens que la cause profonde
de
la tendance fédéraliste protestante jusqu’à nos jours, est d’ordre pr
689
ce fédéraliste protestante jusqu’à nos jours, est
d’
ordre proprement spirituel. C’est bien le même état d’esprit qui expli
690
ne va pas sans l’autre. Nous pouvons le vérifier
d’
une autre manière encore. Qui dit respect des personnes, dit préoccupa
691
Qui dit respect des personnes, dit préoccupation
de
les éduquer. Et vous savez que les problèmes d’éducation furent dès l
692
n de les éduquer. Et vous savez que les problèmes
d’
éducation furent dès le début le grand souci des réformés. Calvin fond
693
grand souci des réformés. Calvin fonde le Collège
de
Genève en pleine période de guerre, dans une ville assiégée. Par cont
694
lvin fonde le Collège de Genève en pleine période
de
guerre, dans une ville assiégée. Par contre, on sait que les jésuites
695
ocations chez leurs élèves… Mais je m’en voudrais
d’
insister sur cet exemple qui me ferait la part trop belle. Contentons-
696
qui me ferait la part trop belle. Contentons-nous
de
le poser comme un repère. Ce que je voulais dégager, c’est que la doc
697
e l’État lui-même, dans certains cas, par le fait
de
sa vocation. C’est à cause de sa vocation qu’il est à la fois libre e
698
le paradoxe politique du fédéralisme : la liberté
de
chacun dans une action commune, l’équilibre vivant des tons complémen
699
intenant que voici définies, ou plutôt illustrées
d’
exemples historiques, certaines notions fondamentales telles que l’ind
700
et l’histoire présente. Car en définitive, c’est
de
cela qu’il s’agit. L’histoire n’est jamais qu’un tremplin pour mieux
701
is qu’un tremplin pour mieux sauter en plein cœur
de
l’actuel. Comment situer dans l’Europe d’aujourd’hui les positions ci
702
in cœur de l’actuel. Comment situer dans l’Europe
d’
aujourd’hui les positions civiques de la Réforme et sa morale personna
703
ans l’Europe d’aujourd’hui les positions civiques
de
la Réforme et sa morale personnaliste ? Calvin, vous le savez, ne s’e
704
Calvin, vous le savez, ne s’est jamais préoccupé
de
la forme des gouvernements. Il insiste à maintes reprises sur le fait
705
oligarchies et républiques sont également voulues
de
Dieu et doivent être obéies comme telles. Une fois cependant il marqu
706
Une fois cependant il marque une préférence, mais
de
l’ordre le plus général. C’est lorsqu’il écrit : « Le meilleur état d
707
néral. C’est lorsqu’il écrit : « Le meilleur état
de
gouvernement est celui-là où il y a une liberté bien tempérée et pour
708
durer longuement. » Il me semble que le spectacle
de
l’Europe contemporaine donne raison au réformateur. Et je ne crois pa
709
ajoutant cette précision : ce n’est pas la forme
d’
un État qui compte, mais bien la condition qu’il ménage à l’Église, et
710
n la condition qu’il ménage à l’Église, et l’idée
de
l’homme qu’il suppose. C’est en nous plaçant à ce double point de vue
711
nous plaçant à ce double point de vue : condition
de
l’Église et condition de l’homme, que nous pourrons le mieux départag
712
point de vue : condition de l’Église et condition
de
l’homme, que nous pourrons le mieux départager les deux groupes de ré
713
ous pourrons le mieux départager les deux groupes
de
régimes qui s’affrontent aujourd’hui. Le premier groupe est celui des
714
Église et la personne. Nous y trouvons des formes
de
gouvernement aussi disparates que possible : d’abord les cinq monarch
715
e bloc des trois États totalitaires, — que menace
de
rejoindre l’Espagne. Laissons de côté les différences politiques que
716
es, — que menace de rejoindre l’Espagne. Laissons
de
côté les différences politiques que l’on pourrait marquer entre ces t
717
que ces différences, qui ne le voit, s’atténuent
d’
année en année. Ce qu’il nous importe de souligner ce soir, ce sont de
718
atténuent d’année en année. Ce qu’il nous importe
de
souligner ce soir, ce sont deux traits évidemment communs à ces régim
719
assez forts pour lever le masque, et leur mépris
de
la personne. Voici, à mon avis, les causes de ces deux phénomènes. En
720
ris de la personne. Voici, à mon avis, les causes
de
ces deux phénomènes. En Russie, en Allemagne, à Rome et en Espagne, l
721
tre l’Église et l’État n’avait jamais été établie
d’
une manière satisfaisante. Le tsar par exemple, était à la fois chef d
722
r exemple, était à la fois chef de l’État et chef
de
l’Église : c’est ce qu’on nomme le césaropapisme. D’autre part, ses d
723
rés divers, et pour mille raisons très complexes,
de
l’un ou l’autre de ces maux. La coupure entre le spirituel et le temp
724
mille raisons très complexes, de l’un ou l’autre
de
ces maux. La coupure entre le spirituel et le temporel n’y était pas
725
donc fatalement s’attaquer à l’autre. Et le chef
de
la révolution triomphante dans chacun de ces pays, se trouvait comme
726
le chef de la révolution triomphante dans chacun
de
ces pays, se trouvait comme contraint par le sentiment général de rep
727
trouvait comme contraint par le sentiment général
de
reprendre à son compte à la fois l’autorité d’un chef d’Église et le
728
al de reprendre à son compte à la fois l’autorité
d’
un chef d’Église et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’une Ré
729
endre à son compte à la fois l’autorité d’un chef
d’
Église et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’une Révolution c
730
fois l’autorité d’un chef d’Église et le pouvoir
d’
un chef d’État. Chacun sait qu’une Révolution copie toujours inconscie
731
césaropapistes comme les régimes qu’ils venaient
d’
abattre, mais beaucoup plus rigoureusement, car la religion dont ils é
732
ion dont ils étaient les chefs était une religion
de
guerre, possédant toute la virulence des corps chimiques à l’état nai
733
s à l’état naissant. D’autre part, l’instauration
de
ces régimes tyranniques fut largement facilitée, et même appelée, par
734
et même appelée, par l’absence dans tous ces pays
d’
élites civiques conscientes de leur mission. Dans un essai publié en 1
735
dans tous ces pays d’élites civiques conscientes
de
leur mission. Dans un essai publié en 1928, et intitulé L’Espagne inv
736
beaucoup de points, écrit-il, elles offrent ceci
de
commun qu’elles souffrent toutes les deux d’un manque évident et perm
737
ceci de commun qu’elles souffrent toutes les deux
d’
un manque évident et permanent d’individualités marquantes, … de perso
738
toutes les deux d’un manque évident et permanent
d’
individualités marquantes, … de personnalités autonomes. » Et de la so
739
ident et permanent d’individualités marquantes, …
de
personnalités autonomes. » Et de la sorte, Ortega laisse entendre que
740
és marquantes, … de personnalités autonomes. » Et
de
la sorte, Ortega laisse entendre que le destin de ces pays, du fait d
741
de la sorte, Ortega laisse entendre que le destin
de
ces pays, du fait de ce qu’il nomme « l’absence des meilleurs », ne s
742
aisse entendre que le destin de ces pays, du fait
de
ce qu’il nomme « l’absence des meilleurs », ne saurait être que l’abs
743
utre part il a toujours favorisé le développement
de
la personne et donc la formation d’élites civiques actives et respons
744
développement de la personne et donc la formation
d’
élites civiques actives et responsables, on comprendra sans peine le f
745
jamais été signalé : c’est qu’il existe une forme
de
fascisme correspondant à la Russie orthodoxe, une autre correspondant
746
ts calvinistes, même laïcisés, comme c’est le cas
de
la France sous la Troisième République. Cela ne signifie pas, bien en
747
l reste dans le pays une empreinte césaropapiste,
d’
où l’État totalitaire. Mais lorsque le calvinisme cesse d’être une foi
748
tat totalitaire. Mais lorsque le calvinisme cesse
d’
être une foi vivante, il laisse derrière lui une empreinte tout à fait
749
une empreinte tout à fait différente : une espèce
d’
individualisme. Nous aurons l’occasion d’y revenir tout à l’heure. Car
750
e espèce d’individualisme. Nous aurons l’occasion
d’
y revenir tout à l’heure. Car en effet, une opposition aussi radicale
751
bien, une description désintéressée et académique
de
divers régimes également soutenables dans l’abstrait. Je considère l’
752
ises. Je considère que nous n’avons plus le droit
de
l’étudier en curieux, en théoriciens ou en opportunistes, comme certa
753
ns qui se demandent encore, par exemple, s’il est
de
gauche ou de droite, alors qu’il est du diable, et que c’est en chrét
754
andent encore, par exemple, s’il est de gauche ou
de
droite, alors qu’il est du diable, et que c’est en chrétiens que nous
755
nous est déclarée. Or le meilleur, le seul moyen
de
se défendre — surtout quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est
756
se défendre — surtout quand il s’agit des choses
de
l’esprit — c’est de connaître l’adversaire afin de reconnaître et de
757
ut quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est
de
connaître l’adversaire afin de reconnaître et de tuer les plus secrèt
758
de connaître l’adversaire afin de reconnaître et
de
tuer les plus secrètes complicités qu’il a su ménager dans nos cœurs.
759
en est temps, des déviations qui feraient le jeu
de
l’ennemi. Connaître la doctrine de l’homme fasciste, c’est définir du
760
eraient le jeu de l’ennemi. Connaître la doctrine
de
l’homme fasciste, c’est définir du même coup certains dangers qui men
761
s dangers qui menacent en permanence notre morale
de
la personne. Je vais le montrer par deux exemples dont j’essaierai de
762
ais le montrer par deux exemples dont j’essaierai
de
tirer des conclusions pratiques. Quelle est la condition faite à l’É
763
première question est capitale. Car la politique
d’
un régime est toujours étroitement dépendante de l’attitude qu’il pren
764
e d’un régime est toujours étroitement dépendante
de
l’attitude qu’il prend vis-à-vis de l’Église et du fait religieux en
765
ne religion politique, ou encore en une politique
d’
allure religieuse. Et d’autant plus que la religion qu’il adopte est,
766
u encore en une politique d’allure religieuse. Et
d’
autant plus que la religion qu’il adopte est, comme dans le cas des fa
767
cas des fascismes et du communisme, une religion
de
l’ici-bas, une religion sans transcendance, une religion dont les but
768
ent terrestres ne divergent plus du tout des buts
de
la politique, et même se confondent avec eux. Alors il n’y a plus de
769
même se confondent avec eux. Alors il n’y a plus
de
recours, plus de pardon à espérer : la communauté spirituelle ne peut
770
nt avec eux. Alors il n’y a plus de recours, plus
de
pardon à espérer : la communauté spirituelle ne peut pas en appeler à
771
tique religieuse du fascisme, a créé le type même
d’
une communauté régressive, c’est-à-dire d’une communauté fondée sur le
772
pe même d’une communauté régressive, c’est-à-dire
d’
une communauté fondée sur le passé : le sang, la race, la tradition, l
773
on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’est pas
de
sang aryen, par exemple — car cette religion n’admet pas que « les ch
774
es choses vieilles sont passées » selon la parole
de
l’Apôtre. Elle n’admet pas la conversion spirituelle, à partir de laq
775
quels sont tes morts ? Religion du sang, religion
de
la terre et des morts, religion sanglante et mortelle, religion des c
776
des morts, des cortèges funèbres, des cérémonies
d’
imprécations, des sacrifices propitiatoires, le tam-tam des tambours l
777
propitiatoires, le tam-tam des tambours lugubres,
d’
hallucinants sabbats de nègres blancs ! Qui oserait encore nous souten
778
tam des tambours lugubres, d’hallucinants sabbats
de
nègres blancs ! Qui oserait encore nous soutenir que ce délire représ
779
s le pardon, le futur éternel, le rachat du péché
d’
origine ? À nous maintenant de rester vigilants, exigeants et vigilant
780
le rachat du péché d’origine ? À nous maintenant
de
rester vigilants, exigeants et vigilants, même et surtout sur des poi
781
urtout sur des points qui paraissent actuellement
de
peu d’importance. Par exemple : partout où l’on exalte ici, chez nous
782
sur des points qui paraissent actuellement de peu
d’
importance. Par exemple : partout où l’on exalte ici, chez nous, la ve
783
rts sacrés, même s’il s’agit, comme c’est le cas,
de
métaphores anodines, d’éloquence de tir fédéral, de développements ly
784
agit, comme c’est le cas, de métaphores anodines,
d’
éloquence de tir fédéral, de développements lyriques sur les ossements
785
c’est le cas, de métaphores anodines, d’éloquence
de
tir fédéral, de développements lyriques sur les ossements sacrés des
786
métaphores anodines, d’éloquence de tir fédéral,
de
développements lyriques sur les ossements sacrés des héros suisses, s
787
uisses, sachons reconnaître les premières racines
de
quelque chose qu’il ne faut pas laisser grandir. On nous parle, avec
788
s parle, avec les meilleures intentions du monde,
d’
une défense spirituelle du pays. Et je suis le premier à l’approuver.
789
’on fonde cette défense spirituelle sur la notion
de
« Suisse chrétienne », défions-nous d’un certain enthousiasme qui nou
790
la notion de « Suisse chrétienne », défions-nous
d’
un certain enthousiasme qui nous ferait tomber à pieds joints dans la
791
ale confusion du temporel et du spirituel. Parler
d’
une Suisse chrétienne quand beaucoup de Suisses sont incroyants, cela
792
out simplement, dans la pratique, à l’utilisation
de
l’Église pour des fins politiques, c’est-à-dire au césaropapisme. Si
793
stinction strictement calviniste entre les droits
de
l’Église et ceux de l’État. Beaucoup de choses en dépendent, pour l’a
794
t calviniste entre les droits de l’Église et ceux
de
l’État. Beaucoup de choses en dépendent, pour l’avenir immédiat ! Et
795
édiat ! Et enfin, sur le plan politique, essayons
de
comprendre une bonne fois le sens profond de notre fédéralisme, seule
796
yons de comprendre une bonne fois le sens profond
de
notre fédéralisme, seule doctrine politique existante qui soit radica
797
pris le paradoxe vivant que représente, en chacun
de
nous, la personne : l’homme qui sait ce qu’il doit engager tout en ga
798
est très simple. On a détruit l’un des deux pôles
de
la personne : celui de la liberté ou de l’autonomie, et l’on a tout r
799
étruit l’un des deux pôles de la personne : celui
de
la liberté ou de l’autonomie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle :
800
eux pôles de la personne : celui de la liberté ou
de
l’autonomie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle : celui de l’engage
801
mie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle : celui
de
l’engagement social. L’homme étant totalement engagé, corps et esprit
802
alement engagé, corps et esprit, dans les rouages
de
l’État, et cet État ne reconnaissant plus aucune autorité qui transce
803
t limite son pouvoir, il n’y a plus aucun recours
de
l’individu à l’absolu divin, donc il n’y a plus aucune liberté. Tous
804
donc il n’y a plus aucune liberté. Tous les abus
de
pouvoir deviennent possibles. Certes, l’on crée des ersatz de personn
805
eviennent possibles. Certes, l’on crée des ersatz
de
personnes, de personnalités — des milliers de petits Führer — mais c’
806
ibles. Certes, l’on crée des ersatz de personnes,
de
personnalités — des milliers de petits Führer — mais c’est l’État et
807
atz de personnes, de personnalités — des milliers
de
petits Führer — mais c’est l’État et sa mystique qui les créent. On n
808
et sa mystique qui les créent. On ne leur laisse
d’
initiative que dans les cadres qu’on leur a prescrits. Elles ne valent
809
t rien hors de là, par elles-mêmes. Cette manière
de
créer des personnalités s’appelle au vrai : caporalisation. La person
810
vidu embrigadé, et non pas une vocation. Milliers
de
masques durs, volontairement durcis, de ces jeunes soldats politiques
811
Milliers de masques durs, volontairement durcis,
de
ces jeunes soldats politiques dressés à l’héroïsme en masse, à l’héro
812
llectif — le plus facile ! —, mais qui n’ont plus
d’
héroïsme civique. Militarisation d’un peuple ! C’est le contraire, le
813
qui n’ont plus d’héroïsme civique. Militarisation
d’
un peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique, d’une véritable civi
814
un peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique,
d’
une véritable civilisation. Qu’allons-nous opposer à cela ? Tout simpl
815
cette force reste pure ! Car de même que le culte
de
la terre et des morts, pour peu qu’il vienne à s’accentuer, risque de
816
orts, pour peu qu’il vienne à s’accentuer, risque
de
nous conduire un jour par une voie directe au fascisme, une certaine
817
voie directe au fascisme, une certaine déviation
de
notre morale, un certain culte de la personnalité en soi, un certain
818
taine déviation de notre morale, un certain culte
de
la personnalité en soi, un certain individualisme, risquent aussi de
819
en soi, un certain individualisme, risquent aussi
de
nous y conduire, cette fois-ci, d’une manière indirecte, du simple fa
820
risquent aussi de nous y conduire, cette fois-ci,
d’
une manière indirecte, du simple fait qu’ils affaiblissent nos résista
821
iblissent nos résistances spirituelles. C’est ici
de
nos vertus mêmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous d’une cer
822
lles. C’est ici de nos vertus mêmes qu’il importe
de
nous méfier. Méfions-nous d’une certaine manière trop humaine de prôn
823
mêmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous
d’
une certaine manière trop humaine de prôner ou de laisser prôner le pr
824
Méfions-nous d’une certaine manière trop humaine
de
prôner ou de laisser prôner le protestantisme créateur de personnalit
825
d’une certaine manière trop humaine de prôner ou
de
laisser prôner le protestantisme créateur de personnalités. Notre dan
826
r ou de laisser prôner le protestantisme créateur
de
personnalités. Notre danger intime et permanent, c’est le moralisme,
827
intime et permanent, c’est le moralisme, le culte
de
nos vertus utilisées pour des fins purement humaines. À force de loue
828
ns purement humaines. À force de louer la Réforme
d’
avoir été, comme on dit, « une pépinière d’individualités et de caract
829
éforme d’avoir été, comme on dit, « une pépinière
d’
individualités et de caractères bien trempés », nous courons le risque
830
comme on dit, « une pépinière d’individualités et
de
caractères bien trempés », nous courons le risque d’oublier que la Ré
831
caractères bien trempés », nous courons le risque
d’
oublier que la Réforme n’est pas faite pour l’homme d’abord. À force d
832
force de louer ses effets humains, nous risquons
de
trahir sa cause divine. N’oublions pas que la personnalité n’est bien
833
ité n’est bien souvent que le résidu, l’empreinte
d’
une personne sur un individu qui ne croit plus à sa vocation, et qui a
834
ducation et une ambiance protestante. Il y a trop
de
ces gloires dites protestantes qu’on annexe, qu’on recense par une so
835
stantes qu’on annexe, qu’on recense par une sorte
de
nationalisme huguenot, de ces hommes qui sont simplement « sortis » d
836
n recense par une sorte de nationalisme huguenot,
de
ces hommes qui sont simplement « sortis » du protestantisme… Certes,
837
éjouir que la foi réformée, même quand elle cesse
d’
être vivante, laisse en se retirant beaucoup de personnalités. Cela co
838
us rares si nous laissons tarir les sources vives
de
la Réforme. Et puis, une personnalité en soi, sans vocation, ce n’est
839
isme à l’individualisme, dès que l’on perd la foi
de
la Réforme pour ne garder que ses vertus humaines et activistes. Et c
840
oderne, avec sa concurrence sans frein, phénomène
de
piraterie sociale, de mépris du bien commun, phénomène typiquement in
841
rence sans frein, phénomène de piraterie sociale,
de
mépris du bien commun, phénomène typiquement individualiste. Un derni
842
era sentir, je crois, toute l’importance pratique
de
cette distinction entre personne et personnalité. Hitler peut former,
843
ocations irréductibles aux ambitions spirituelles
de
l’État. Ces personnes-là, ce sont ses véritables adversaires, les seu
844
ux, et il le sait ! Si Niemöller est dans un camp
de
concentration, prisonnier personnel du Führer, ce n’est point parce q
845
i reproche son énergie ou ses talents, ses traits
de
caractère, bref, sa personnalité, car bien d’autres en ont autant qui
846
ne, c’est-à-dire sa vocation particulière qui est
de
prêcher l’Évangile. — Vous voyez que le Führer sait parfaitement opér
847
ersonne et personnalité. Je ne vois aucune raison
de
lui laisser le bénéfice exclusif d’une telle clairvoyance. Il est te
848
aucune raison de lui laisser le bénéfice exclusif
d’
une telle clairvoyance. Il est temps de tirer, en deux mots, la concl
849
exclusif d’une telle clairvoyance. Il est temps
de
tirer, en deux mots, la conclusion de cette série de mises au point.
850
l est temps de tirer, en deux mots, la conclusion
de
cette série de mises au point. J’ai tenté de situer la Réforme dans l
851
tirer, en deux mots, la conclusion de cette série
de
mises au point. J’ai tenté de situer la Réforme dans l’évolution de l
852
sion de cette série de mises au point. J’ai tenté
de
situer la Réforme dans l’évolution de l’Europe, puis dans les conflit
853
J’ai tenté de situer la Réforme dans l’évolution
de
l’Europe, puis dans les conflits actuels. J’ai essayé de vous montrer
854
rope, puis dans les conflits actuels. J’ai essayé
de
vous montrer que sa doctrine représente, en sa pureté, le centre et l
855
représente, en sa pureté, le centre et l’axe même
de
la notion chrétienne de la personne, à la fois libre et engagée. Il e
856
, le centre et l’axe même de la notion chrétienne
de
la personne, à la fois libre et engagée. Il en résulte alors que la R
857
ppelée à figurer, dans notre siècle, le type même
de
la sûre doctrine de résistance au paganisme politique. Ceci nous char
858
ns notre siècle, le type même de la sûre doctrine
de
résistance au paganisme politique. Ceci nous charge d’une responsabil
859
sistance au paganisme politique. Ceci nous charge
d’
une responsabilité devant l’Histoire. Que devons-nous faire pour nous
860
ns-nous faire pour nous montrer à peu près dignes
d’
une telle charge ? Simplement, mais aussi rigoureusement, et dans tout
861
t, et dans toute la virulence du terme, redevenir
de
véritables protestants. Un véritable protestant, les faits le prouven
862
vent, sera toujours l’adversaire le plus efficace
de
l’esprit totalitaire. Déjà, beaucoup d’entre nous ont repris au série
863
s reste à prendre au sérieux la doctrine réformée
de
l’homme et de l’État. Ceci ne signifie pas que l’Église ait à propose
864
dre au sérieux la doctrine réformée de l’homme et
de
l’État. Ceci ne signifie pas que l’Église ait à proposer un programme
865
aussi et d’abord contre les déviations humanistes
de
la personne : transformons nos démocraties individualistes en démocra
866
ns le vaincre, en nous, chez nous, par une espèce
de
croisade intérieure. Le chrétien est celui qui n’a pas d’autre ennemi
867
ade intérieure. Le chrétien est celui qui n’a pas
d’
autre ennemi à craindre que l’ennemi qu’il porte en lui-même. Car un e
868
e et extérieur, ce n’est jamais que l’incarnation
d’
une possibilité secrète, d’une tentation que chacun souffre dans son c
869
mais que l’incarnation d’une possibilité secrète,
d’
une tentation que chacun souffre dans son cœur. Alors seulement, purif
870
s et lucides, quand nous aurons repris conscience
de
notre force véritable, celle qui ne vient pas de nous, de nos « perso
871
force véritable, celle qui ne vient pas de nous,
de
nos « personnalités », mais de nos vocations — de nos personnes —, no
872
vient pas de nous, de nos « personnalités », mais
de
nos vocations — de nos personnes —, nous pourrons répéter la fière de
873
de nos « personnalités », mais de nos vocations —
de
nos personnes —, nous pourrons répéter la fière devise des vieux hugu
874
« Tant plus à me frapper l’on s’amuse, tant plus
de
marteaux l’on y use. » 2. Texte intégral d’une conférence prononcé
875
us de marteaux l’on y use. » 2. Texte intégral
d’
une conférence prononcée au mois de janvier 1939 à Bâle, Neuchâtel, La
876
Texte intégral d’une conférence prononcée au mois
de
janvier 1939 à Bâle, Neuchâtel, Lausanne et Genève. l. Rougemont De
877
uchâtel, Lausanne et Genève. l. Rougemont Denis
de
, « Le protestantisme créateur de personnes », In Extremis, Fribourg,
878
Rougemont Denis de, « Le protestantisme créateur
de
personnes », In Extremis, Fribourg, 1939, p. 2-22.
879
uisse est sans doute le pays où l’on joue le plus
de
théâtre. Serait-ce que le paysage lui-même invite au jeu, avec ses dé
880
e au jeu, avec ses décors partout suspendus, pans
de
forêts, portants de rochers, grandiose toile de fond des Alpes ? Sera
881
écors partout suspendus, pans de forêts, portants
de
rochers, grandiose toile de fond des Alpes ? Serait-ce plutôt que le
882
s de forêts, portants de rochers, grandiose toile
de
fond des Alpes ? Serait-ce plutôt que le sérieux de nos mœurs, notre
883
fond des Alpes ? Serait-ce plutôt que le sérieux
de
nos mœurs, notre fameuse méfiance du décorum et des attitudes concert
884
e fédéralisme qu’il faudrait rechercher l’origine
de
ce besoin d’activité en groupe que le théâtre satisfait au premier ch
885
qu’il faudrait rechercher l’origine de ce besoin
d’
activité en groupe que le théâtre satisfait au premier chef ? Je ne sa
886
ous voyons naître l’ère des masses sur les ruines
de
l’individualisme, et cela dans tous les domaines, dans la culture non
887
jeu sacral et militaire. Tout récemment, le chef
d’
un des États voisins posait la première pierre d’une arène destinée à
888
d’un des États voisins posait la première pierre
d’
une arène destinée à 400 000 spectateurs. Il est clair que de telles p
889
destinée à 400 000 spectateurs. Il est clair que
de
telles proportions anéantissent matériellement toute possibilité de d
890
ons anéantissent matériellement toute possibilité
de
drame ou de comédie psychologique. Les seuls protagonistes visibles,
891
sent matériellement toute possibilité de drame ou
de
comédie psychologique. Les seuls protagonistes visibles, sur cette sc
892
individualiste analysait les conflits intérieurs
de
la bourgeoisie des grandes villes ; le théâtre collectiviste symbolis
893
foules des grandes nations. Or, nous n’avons pas
de
grandes villes, et nous ne sommes pas une grande nation. La seule voi
894
n. La seule voie qui nous reste ouverte est celle
d’
un théâtre de groupes — non d’individus, ni de masses — correspondant
895
oie qui nous reste ouverte est celle d’un théâtre
de
groupes — non d’individus, ni de masses — correspondant à la structur
896
e ouverte est celle d’un théâtre de groupes — non
d’
individus, ni de masses — correspondant à la structure communautaire d
897
lle d’un théâtre de groupes — non d’individus, ni
de
masses — correspondant à la structure communautaire de notre Confédér
898
sses — correspondant à la structure communautaire
de
notre Confédération et de chacun de nos cantons. J’essaierai de concr
899
structure communautaire de notre Confédération et
de
chacun de nos cantons. J’essaierai de concrétiser ce point de vue par
900
communautaire de notre Confédération et de chacun
de
nos cantons. J’essaierai de concrétiser ce point de vue par l’exemple
901
dération et de chacun de nos cantons. J’essaierai
de
concrétiser ce point de vue par l’exemple d’un drame que j’ai conçu p
902
erai de concrétiser ce point de vue par l’exemple
d’
un drame que j’ai conçu plus ou moins consciemment selon ces directive
903
hé, en second lieu, à tenir compte des conditions
de
fait qui m’étaient imposées par l’occasion de la représentation — il
904
ons de fait qui m’étaient imposées par l’occasion
de
la représentation — il s’agissait de l’Exposition nationale de 1939 —
905
r l’occasion de la représentation — il s’agissait
de
l’Exposition nationale de 1939 — par les dimensions de la scène prévu
906
ntation — il s’agissait de l’Exposition nationale
de
1939 — par les dimensions de la scène prévue, et les ressources dispo
907
Exposition nationale de 1939 — par les dimensions
de
la scène prévue, et les ressources disponibles dans le canton qui dev
908
armi les forces individuelles les plus marquantes
de
notre histoire, l’on trouve au premier rang la figure populaire de Ni
909
, l’on trouve au premier rang la figure populaire
de
Nicolas de Flue. Sujet digne d’intéresser n’importe quel Confédéré vi
910
figure populaire de Nicolas de Flue. Sujet digne
d’
intéresser n’importe quel Confédéré visiteur de l’Exposition. Or, si c
911
ne d’intéresser n’importe quel Confédéré visiteur
de
l’Exposition. Or, si ce solitaire a été grand, c’est parce qu’un jour
912
’est parce qu’un jour il a tout sacrifié au salut
de
la communauté. Le paradoxe central d’une pièce sur Nicolas, sa tensio
913
ié au salut de la communauté. Le paradoxe central
d’
une pièce sur Nicolas, sa tension créatrice, réside donc dans ce fait,
914
ut être utile à tous. La traduction spectaculaire
de
cette donnée propose un nouveau paradoxe : je dispose d’une scène de
915
e donnée propose un nouveau paradoxe : je dispose
d’
une scène de 30 mètres de largeur, qui ne peut être occupée que par un
916
pose un nouveau paradoxe : je dispose d’une scène
de
30 mètres de largeur, qui ne peut être occupée que par une foule, mai
917
au paradoxe : je dispose d’une scène de 30 mètres
de
largeur, qui ne peut être occupée que par une foule, mais en même tem
918
mais en même temps, l’action doit graviter autour
d’
un héros solitaire. D’où la nécessité de recourir à des chœurs, qui pe
919
action doit graviter autour d’un héros solitaire.
D’
où la nécessité de recourir à des chœurs, qui peuplent et animent de g
920
er autour d’un héros solitaire. D’où la nécessité
de
recourir à des chœurs, qui peuplent et animent de grands espaces, tou
921
de recourir à des chœurs, qui peuplent et animent
de
grands espaces, tout en concentrant l’attention sur un ou deux person
922
l se trouve, par chance, que l’élément choral est
de
beaucoup le plus facile à recruter en Suisse, et particulièrement dan
923
ter en Suisse, et particulièrement dans le canton
de
Neuchâtel, qui m’a demandé d’écrire ce drame. Il existe en effet chez
924
ment dans le canton de Neuchâtel, qui m’a demandé
d’
écrire ce drame. Il existe en effet chez nous des chœurs mixtes de pre
925
e. Il existe en effet chez nous des chœurs mixtes
de
premier ordre à La Chaux-de-Fonds et au Locle ; un chœur d’enfants da
926
ordre à La Chaux-de-Fonds et au Locle ; un chœur
d’
enfants dans la région de Neuchâtel ; enfin un petit ensemble d’excell
927
s et au Locle ; un chœur d’enfants dans la région
de
Neuchâtel ; enfin un petit ensemble d’excellents amateurs de musique
928
la région de Neuchâtel ; enfin un petit ensemble
d’
excellents amateurs de musique plus savante : le chœur « Sine Nomine »
929
l ; enfin un petit ensemble d’excellents amateurs
de
musique plus savante : le chœur « Sine Nomine », à Neuchâtel même. J’
930
era le Monde, et qui agira sur le degré inférieur
de
la scène à trois plans dont j’ai vu le projet. Une masse plus réduite
931
Une masse plus réduite agira sur le degré médian,
de
concert avec le chœur d’enfants : ce seront les Suisses et les enfant
932
ira sur le degré médian, de concert avec le chœur
d’
enfants : ce seront les Suisses et les enfants de Nicolas. Enfin un pe
933
d’enfants : ce seront les Suisses et les enfants
de
Nicolas. Enfin un petit chœur caché derrière le degré supérieur — le
934
chœur caché derrière le degré supérieur — le plan
de
la Solitude — représentera les voix célestes, appelant Nicolas et le
935
ant Nicolas et le réconfortant. La structure même
de
la scène commandera le mouvement général du drame : au premier acte,
936
. On a défini le Festspiel suisse comme résultant
de
la conjonction du cortège et de la cantate (voir l’intéressant articl
937
e comme résultant de la conjonction du cortège et
de
la cantate (voir l’intéressant article d’Édouard Combe sur le Festspi
938
tège et de la cantate (voir l’intéressant article
d’
Édouard Combe sur le Festspiel en Suisse, dans La Suisse qui chante, 1
939
un gros défaut technique : il est très difficile
de
marier un bon texte à des éléments spectaculaires trop lents et trop
940
ogue, pour aboutir organiquement à l’intervention
de
la musique ou du cortège, dans les moments où l’intérêt se déplaçait
941
térêt se déplaçait du héros central aux réactions
de
la foule, c’est-à-dire du drame de la personne à ses répercussions da
942
aux réactions de la foule, c’est-à-dire du drame
de
la personne à ses répercussions dans la communauté. Le dialogue est s
943
nt soit pour souligner le sentiment qui se dégage
d’
un dialogue, soit pour créer une atmosphère qui appelle l’action du hé
944
ement dramatique. Je ne saurais trop me féliciter
de
la manière dont Arthur Honegger l’a compris : en artisan non moins qu
945
rtisan non moins qu’en génie créateur. Le travail
de
préparation et de répétition de ce spectacle est d’ailleurs venu just
946
u’en génie créateur. Le travail de préparation et
de
répétition de ce spectacle est d’ailleurs venu justifier le calcul qu
947
ateur. Le travail de préparation et de répétition
de
ce spectacle est d’ailleurs venu justifier le calcul que je viens d’e
948
d’ailleurs venu justifier le calcul que je viens
d’
esquisser. Cinq-cents personnes, dans les diverses régions de notre ca
949
. Cinq-cents personnes, dans les diverses régions
de
notre canton, se mirent de grand cœur à la tâche : acteurs amateurs r
950
s les diverses régions de notre canton, se mirent
de
grand cœur à la tâche : acteurs amateurs recrutés dans toutes les cla
951
eurs recrutés dans toutes les classes, du pêcheur
d’
Auvernier au docteur en droit ; fanfaristes de La Chaux-de-Fonds ; dam
952
eur d’Auvernier au docteur en droit ; fanfaristes
de
La Chaux-de-Fonds ; dames cousant des costumes ; choristes des montag
953
t trouvé suspendu à la veille des représentations
de
Zurich. Il est donc encore impossible d’estimer la valeur intrinsèque
954
ntations de Zurich. Il est donc encore impossible
d’
estimer la valeur intrinsèque de ce drame. Mais indépendamment de cett
955
encore impossible d’estimer la valeur intrinsèque
de
ce drame. Mais indépendamment de cette valeur — et c’est bien cela qu
956
leur intrinsèque de ce drame. Mais indépendamment
de
cette valeur — et c’est bien cela qui me permet d’invoquer un exemple
957
e cette valeur — et c’est bien cela qui me permet
d’
invoquer un exemple aussi personnel ! — une leçon se dégage de notre e
958
n exemple aussi personnel ! — une leçon se dégage
de
notre effort : nulle part, ailleurs qu’en Suisse, il n’eût été possib
959
art, ailleurs qu’en Suisse, il n’eût été possible
d’
imaginer et de réaliser un spectacle de cette envergure, et de le rend
960
qu’en Suisse, il n’eût été possible d’imaginer et
de
réaliser un spectacle de cette envergure, et de le rendre populaire.
961
é possible d’imaginer et de réaliser un spectacle
de
cette envergure, et de le rendre populaire. Ce sont les conditions pr
962
t de réaliser un spectacle de cette envergure, et
de
le rendre populaire. Ce sont les conditions proprement suisses, et pl
963
rement suisses, et plus précisément fédéralistes,
de
ce théâtre communautaire qu’il m’a paru intéressant d’énumérer. Je su
964
théâtre communautaire qu’il m’a paru intéressant
d’
énumérer. Je suis persuadé que sa formule est celle de l’avenir de not
965
umérer. Je suis persuadé que sa formule est celle
de
l’avenir de notre scène. y. Rougemont Denis de, « Le théâtre commu
966
uis persuadé que sa formule est celle de l’avenir
de
notre scène. y. Rougemont Denis de, « Le théâtre communautaire en
967
de l’avenir de notre scène. y. Rougemont Denis
de
, « Le théâtre communautaire en Suisse », La Suisse vue à travers l’Ex
968
avec M. Denis de Rougemont : Hitler, grand-prêtre
de
l’Allemagne (11 janvier 1939)n o Voici le livre le plus actuel que
969
yais et sur ce que j’entendais, pendant un séjour
de
huit mois dans une grande ville d’Allemagne en 1935-1936. Que valaien
970
dant un séjour de huit mois dans une grande ville
d’
Allemagne en 1935-1936. Que valaient ces impressions ? Quand je suis r
971
i attendu. La vérité durable avait chance, alors,
d’
apparaître comme une vérité essentielle. C’est celle que votre livre m
972
beaucoup dit. N’importe. Il ne faut pas craindre
de
le répéter, et surtout de le faire bien comprendre. Les nazis, eux, o
973
Il ne faut pas craindre de le répéter, et surtout
de
le faire bien comprendre. Les nazis, eux, ont compris que le socialis
974
que le socialisme économique n’est que la moitié
d’
une doctrine : l’État ne sera maître de l’argent que s’il est maître d
975
la moitié d’une doctrine : l’État ne sera maître
de
l’argent que s’il est maître des esprits. Un État totalitaire ne peut
976
aliste peut la lui donner. Cette vérité sur l’âme
de
l’Allemagne hitlérienne vous est-elle apparue dès que vous êtes arriv
977
ne formule grandiloquente pour désigner l’absence
d’
âme personnelle chez les individus charriés par une foule ? » Il m’a r
978
rlerons ensuite ». Est-ce donc une révélation que
de
voir Hitler ? Ce qui est une révélation, ce qui, du moins, en a été u
979
n, ce qui, du moins, en a été une pour moi, c’est
de
voir quels liens unissent Hitler à une foule à laquelle il parle. Ess
980
t Hitler à une foule à laquelle il parle. Essayez
de
vous représenter une salle immense qui est soudain plongée dans la pé
981
udain plongée dans la pénombre, tandis qu’un coup
de
projecteur fait apparaître un petit homme au sourire extatique. Et ta
982
ndis que cet homme s’avance lentement, en saluant
d’
un geste épiscopal, quarante mille bras se lèvent, et le tonnerre ryth
983
lors que j’ai compris. Je me croyais à un meeting
de
masses, à quelque manifestation politique. Mais c’est leur culte que
984
se déroulait, c’était la grande cérémonie sacrale
d’
une religion dont je me sentais écrasé. L’âme des masses, oui, j’ai co
985
pris alors ce que c’était : j’ai entendu son râle
d’
amour, le râle d’une nation possédée par l’homme au sourire extasié. M
986
c’était : j’ai entendu son râle d’amour, le râle
d’
une nation possédée par l’homme au sourire extasié. Mais cet homme lui
987
’ai vu que le jour dont je vous parle. Je l’ai vu
de
près, à la sortie de la réunion, debout dans sa voiture qui longeait
988
très lentement une rue étroite. Une seule chaîne
de
SS le séparait de la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres de
989
e rue étroite. Une seule chaîne de SS le séparait
de
la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireu
990
la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres
de
lui. Un bon tireur l’eût descendu très facilement. Mais ce bon tireur
991
dans cent occasions analogues. Voilà le principal
de
ce que je sais sur Hitler. Vous pouvez réfléchir là-dessus. Quelles s
992
e tire pas sur un petit-bourgeois qui est le rêve
de
60 millions d’hommes. On tire sur un tyran, ou sur un roi, mais les f
993
un petit-bourgeois qui est le rêve de 60 millions
d’
hommes. On tire sur un tyran, ou sur un roi, mais les fondateurs de re
994
sur un tyran, ou sur un roi, mais les fondateurs
de
religion sont réservés à d’autres catastrophes. J’achève votre raison
995
J’achève votre raisonnement : puisqu’il n’y a pas
d’
attentats contre Hitler, c’est qu’Hitler n’est ni un tyran ni un roi,
996
er n’est ni un tyran ni un roi, mais un fondateur
de
religion. Cependant, tout ne s’explique pas par le sentiment religieu
997
rôle aussi. Évidemment, il sera toujours possible
d’
expliquer l’avènement, puis la montée d’Hitler, par les lois économiqu
998
possible d’expliquer l’avènement, puis la montée
d’
Hitler, par les lois économiques, les forces relatives des partis et d
999
classes avant 1933, les circonstances politiques
de
l’Europe, le traité de Versailles, etc. Mais tout cela retrace le com
1000
s circonstances politiques de l’Europe, le traité
de
Versailles, etc. Mais tout cela retrace le comment cela s’est fait. I
1001
oi. Là-dessus, les réponses varient, mais chacune
d’
elles est toujours la même. Les marxistes vont répétant : « défense du
1002
pas pour défendre le capitalisme que les mineurs
de
la Sarre ont voté leur rattachement au IIIe Reich. Ce n’est pas en pa
1003
ttachement au IIIe Reich. Ce n’est pas en parlant
d’
hystérie qu’on peut comprendre le phénomène fondamental de la reconstr
1004
ie qu’on peut comprendre le phénomène fondamental
de
la reconstruction d’une communauté autour d’un sentiment sacré. Et ce
1005
dre le phénomène fondamental de la reconstruction
d’
une communauté autour d’un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif d’
1006
ntal de la reconstruction d’une communauté autour
d’
un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif d’une tyrannie, au sens po
1007
our d’un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif
d’
une tyrannie, au sens politique et légal, qui a jeté l’Autriche dans l
1008
soit, sur les masses décomposées par des siècles
d’
individualisme. J’ai reçu récemment d’Allemagne une lettre qui ne dit
1009
des siècles d’individualisme. J’ai reçu récemment
d’
Allemagne une lettre qui ne dit rien d’autre que ce que je viens de vo
1010
récemment d’Allemagne une lettre qui ne dit rien
d’
autre que ce que je viens de vous exposer brièvement. Elle est d’un je
1011
que je viens de vous exposer brièvement. Elle est
d’
un jeune national-socialiste, qui m’explique d’abord que le régime hit
1012
m’explique d’abord que le régime hitlérien est né
de
la pauvreté et du malheur de son pays — ce qui est très juste. Mais i
1013
ime hitlérien est né de la pauvreté et du malheur
de
son pays — ce qui est très juste. Mais il ajoute : « La pauvreté et l
1014
que des phénomènes extérieurs. La raison profonde
d’
un mouvement comme le nôtre est irrationnelle. Nous voulions croire à
1015
ants à celui qui nous apportait cette possibilité
de
croire. Le christianisme, probablement par la faute de ses ministres,
1016
satisfaisait plus depuis bien longtemps au besoin
de
croire de la majorité du peuple. Nous voulions croire à la mission du
1017
it plus depuis bien longtemps au besoin de croire
de
la majorité du peuple. Nous voulions croire à la mission du peuple al
1018
à y croire. » Voilà qui dit bien où est la force
de
l’Allemagne nouvelle. Quelle force croyez-vous donc qu’on puisse oppo
1019
donc qu’on puisse opposer à cette force-là ? Rien
d’
efficace, si ce n’est pas une force spirituelle. Rien de pratique, si
1020
cace, si ce n’est pas une force spirituelle. Rien
de
pratique, si ce n’est un grand effort moral. Quand j’ai envoyé à des
1021
grand effort moral. Quand j’ai envoyé à des amis
de
France le récit de la journée où j’ai vu Hitler en communion avec son
1022
. Quand j’ai envoyé à des amis de France le récit
de
la journée où j’ai vu Hitler en communion avec son peuple, je n’ai aj
1023
ois toujours que le problème est là : c’est celui
d’
une renaissance spirituelle qui ne peut se faire sans une foi. n. R
1024
peut se faire sans une foi. n. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Hitler, grand-prêtre de l’Allemagne », Candide, Paris,
1025
mont Denis de, « [Entretien] Hitler, grand-prêtre
de
l’Allemagne », Candide, Paris, 11 janvier 1939, p. 6. o. Propos recu
1026
x qui ressemble à Charlie Chaplin et qui est doué
d’
une voix de stentor fanatique, particulièrement désagréable aux oreill
1027
mble à Charlie Chaplin et qui est doué d’une voix
de
stentor fanatique, particulièrement désagréable aux oreilles latines.
1028
bon, quoique énergique, sorti du peuple, assoiffé
de
justice, restaurateur de la puissance allemande, et redresseur de tou
1029
orti du peuple, assoiffé de justice, restaurateur
de
la puissance allemande, et redresseur de tous les torts : le pur des
1030
aurateur de la puissance allemande, et redresseur
de
tous les torts : le pur des purs. En présence des brutalités commises
1031
que le peuple parlait du Roi avant la révolution
de
1789. Au panégyrique et à la caricature, j’opposerai ici un témoignag
1032
ler pendant une heure et demie, à peu de distance
de
sa tribune, et je l’ai vu à la sortie de cette « manifestation monstr
1033
à la sortie de cette « manifestation monstre », —
de
ce culte — debout dans sa voiture qui longeait très lentement une rue
1034
t une rue étroite, mal éclairée. Une seule chaîne
de
miliciens le séparait de la foule. J’étais au premier rang, à deux mè
1035
lairée. Une seule chaîne de miliciens le séparait
de
la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireu
1036
la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres
de
lui. Un bon tireur l’eût descendu très facilement. Mais ce bon tireur
1037
dans cent occasions analogues. Voilà le principal
de
ce que je sais sur Hitler. Vous pouvez réfléchir là-dessus… On demand
1038
si à fanatiser tout un peuple. Une certaine forme
de
bêtise convaincue est seule capable de s’imposer à de grandes masses
1039
aine forme de bêtise convaincue est seule capable
de
s’imposer à de grandes masses rassemblées par des passions élémentair
1040
êtise convaincue est seule capable de s’imposer à
de
grandes masses rassemblées par des passions élémentaires. Mais ce qu’
1041
er, c’est qu’un « génie » n’a pas toujours besoin
d’
intelligence. Or, on doit tenir le Führer pour un génie, dans un certa
1042
homme qui a su pressentir l’inconsciente angoisse
de
son peuple, et incarner à ses yeux un symbole d’espérance, de vengean
1043
de son peuple, et incarner à ses yeux un symbole
d’
espérance, de vengeance et de force collective. Un tel génie ne compte
1044
e, et incarner à ses yeux un symbole d’espérance,
de
vengeance et de force collective. Un tel génie ne compte plus en tant
1045
ses yeux un symbole d’espérance, de vengeance et
de
force collective. Un tel génie ne compte plus en tant qu’individu. Il
1046
u. Il ne s’appartient plus, il appartient au rêve
de
tous. Il n’a plus de qualités propres, de vices ou de vertus, comme v
1047
plus, il appartient au rêve de tous. Il n’a plus
de
qualités propres, de vices ou de vertus, comme vous et moi ; il n’a q
1048
au rêve de tous. Il n’a plus de qualités propres,
de
vices ou de vertus, comme vous et moi ; il n’a que les vertus symboli
1049
ous. Il n’a plus de qualités propres, de vices ou
de
vertus, comme vous et moi ; il n’a que les vertus symboliques de l’Al
1050
e vous et moi ; il n’a que les vertus symboliques
de
l’Allemand moyen. Il ne possède rien en propre, matériellement, et ne
1051
ortefeuille dans le gouvernement. (Son rôle y est
d’
inspiration, d’arbitrage entre les factions, et de prestige.) Il ne ve
1052
s le gouvernement. (Son rôle y est d’inspiration,
d’
arbitrage entre les factions, et de prestige.) Il ne veut être appelé
1053
d’inspiration, d’arbitrage entre les factions, et
de
prestige.) Il ne veut être appelé ni dictateur, ni maréchal, ni roi,
1054
, et il insiste sur ce point. Il n’avait même pas
d’
état civil allemand lorsqu’on lui offrit le pouvoir. Qu’est-il donc ?
1055
e disais, qui n’est rien et qui est tout. Un lieu
de
passage des forces de l’Histoire, le catalyseur de ces forces, qui so
1056
en et qui est tout. Un lieu de passage des forces
de
l’Histoire, le catalyseur de ces forces, qui sont là dressées devant
1057
e passage des forces de l’Histoire, le catalyseur
de
ces forces, qui sont là dressées devant vous, suscitées et coalisées
1058
nt, vous pourriez le supprimer sans rien détruire
de
ce qui s’est fait par lui. Le seul trait qui me frappe encore en lui,
1059
qu’il développe pendant un discours. Une énergie
de
cette nature, on sent très bien qu’elle n’appartient pas à l’individu
1060
lus, comme tel, n’est que le support ou le médium
d’
une puissance qui échappe à nos psychologies. Voilà de quoi déconcerte
1061
e puissance qui échappe à nos psychologies. Voilà
de
quoi déconcerter nos hommes d’État démocratiques lorsqu’ils se trouve
1062
ymbole ! Il est clair que le phénomène Hitler est
d’
ordre religieux, non politique d’abord. Si ce petit individu sans qual
1063
t parce qu’il a su répondre à l’attente angoissée
de
ces masses, de leur âme humiliée, misérable et déçue, et qui cherchai
1064
su répondre à l’attente angoissée de ces masses,
de
leur âme humiliée, misérable et déçue, et qui cherchait partout des r
1065
le et déçue, et qui cherchait partout des raisons
de
croire et d’espérer, des raisons de se dévouer corps et âme à un abso
1066
et qui cherchait partout des raisons de croire et
d’
espérer, des raisons de se dévouer corps et âme à un absolu. Il s’est
1067
t des raisons de croire et d’espérer, des raisons
de
se dévouer corps et âme à un absolu. Il s’est donné pour l’Absolu, la
1068
ais au nom des idoles, au nom de la race aryenne,
de
l’orgueil germanique, et de la foi nationaliste. Or, nous savons par
1069
m de la race aryenne, de l’orgueil germanique, et
de
la foi nationaliste. Or, nous savons par l’Ancien Testament que les p
1070
s savons par l’Ancien Testament que les prophètes
de
Baal faisaient les mêmes miracles (en apparence), que les prophètes d
1071
mêmes miracles (en apparence), que les prophètes
de
Jéhovah. Hitler est à mes yeux le type du faux prophète, celui qui an
1072
x prophète, celui qui annonce aux hommes le règne
de
l’Homme fort, et non la gloire du Dieu vivant. C’est pourquoi notre v
1073
lui ne peut être que notre foi. La contre-épreuve
de
ce jugement, je la vois dans deux faits frappants : le premier, c’est
1074
Églises chrétiennes. Le second, c’est que le chef
de
l’Église confessante (Union des luthériens et calvinistes allemands),
1075
e symbole juge le Troisième Reich. C’est un signe
de
Dieu dans notre histoire confuse. p. Rougemont Denis de, « Qui est
1076
ans notre histoire confuse. p. Rougemont Denis
de
, « Qui est Hitler ? », L’Hebdomadaire du temps présent, Paris, 24 fév
1077
Il y a toujours des directeurs
de
conscience en Occident (juin 1939)q r I. La première partie d
1078
dent (juin 1939)q r I. La première partie
de
votre questionnaire comporte visiblement vos réponses. D’accord avec
1079
e suis guère avec votre description. La direction
de
conscience est affaire de contacts personnels, non d’influence collec
1080
scription. La direction de conscience est affaire
de
contacts personnels, non d’influence collective. J’écarte donc de vot
1081
onscience est affaire de contacts personnels, non
d’
influence collective. J’écarte donc de votre liste les journalistes, l
1082
onnels, non d’influence collective. J’écarte donc
de
votre liste les journalistes, les meneurs, les savants (ces derniers
1083
niers n’agissant d’ailleurs que par le truchement
de
vulgarisateurs qui les trahissent), et les éditeurs (qui s’efforcent
1084
hissent), et les éditeurs (qui s’efforcent plutôt
de
refléter que de guider les goûts supposés du public). Parmi les écriv
1085
éditeurs (qui s’efforcent plutôt de refléter que
de
guider les goûts supposés du public). Parmi les écrivains, je ne reti
1086
épondent sérieusement et par principe aux lettres
de
lecteurs : un Gide, un Claudel… Ils sont rares. Restent les médecins
1087
un Claudel… Ils sont rares. Restent les médecins
de
famille : ce n’est pas nouveau. Et les psychanalystes : c’est pratiqu
1088
: c’est pratiquement limité au très petit nombre
de
personnes qui sont en mesure de les payer. Seules les directrices de
1089
très petit nombre de personnes qui sont en mesure
de
les payer. Seules les directrices de magazines féminins me paraissent
1090
nt en mesure de les payer. Seules les directrices
de
magazines féminins me paraissent exercer une activité précise de dire
1091
minins me paraissent exercer une activité précise
de
direction morale, par consultations personnelles. Quant aux meneurs,
1092
nt aux meneurs, ce sont évidemment des directeurs
d’
inconscience collective. Leur méthode consiste à anesthésier les consc
1093
roblème, est d’ailleurs la conséquence nécessaire
de
notre anarchie morale. Et cette anarchie résulte elle-même de la mult
1094
rchie morale. Et cette anarchie résulte elle-même
de
la multiplicité et de l’impuissance des ersatz de prêtres et de paste
1095
anarchie résulte elle-même de la multiplicité et
de
l’impuissance des ersatz de prêtres et de pasteurs que vous énumérez.
1096
de la multiplicité et de l’impuissance des ersatz
de
prêtres et de pasteurs que vous énumérez. II. Mon principal dir
1097
cité et de l’impuissance des ersatz de prêtres et
de
pasteurs que vous énumérez. II. Mon principal directeur de cons
1098
vous énumérez. II. Mon principal directeur
de
conscience, qui mourut en 1855, écrivait : « Si l’on veut réellement
1099
à un but défini, il faut avant tout se préoccuper
de
le prendre là où il est, et commencer là. Voilà le secret de tout sec
1100
re là où il est, et commencer là. Voilà le secret
de
tout secours… Pour aider réellement un homme, il faut que j’en sache
1101
l sait. Sinon mon savoir supérieur ne lui servira
de
rien. Si je persiste cependant à faire valoir ma science, ce n’est pl
1102
eu d’aider l’homme, je cherche à me faire admirer
de
lui ». (Kierkegaard) Qu’est-ce en effet que diriger ? C’est donner un
1103
r tout sens est défini par deux points : le point
de
départ et le point d’arrivée. Ou, selon les termes de Kierkegaard : l
1104
par deux points : le point de départ et le point
d’
arrivée. Ou, selon les termes de Kierkegaard : le directeur de conscie
1105
épart et le point d’arrivée. Ou, selon les termes
de
Kierkegaard : le directeur de conscience, celui qui veut « aider » so
1106
u, selon les termes de Kierkegaard : le directeur
de
conscience, celui qui veut « aider » son prochain, doit d’abord « pre
1107
e lui », c’est-à-dire qu’il doit connaître un but
de
vie meilleur. S’il est vrai que d’abord, il s’agit de partir de l’hom
1108
ui », c’est-à-dire qu’il doit connaître un but de
vie
meilleur. S’il est vrai que d’abord, il s’agit de partir de l’homme r
1109
ie meilleur. S’il est vrai que d’abord, il s’agit
de
partir de l’homme réel (ce que ne peuvent faire les meneurs de masses
1110
r. S’il est vrai que d’abord, il s’agit de partir
de
l’homme réel (ce que ne peuvent faire les meneurs de masses), il n’es
1111
l’homme réel (ce que ne peuvent faire les meneurs
de
masses), il n’est pas moins vrai qu’en fin de compte, l’activité de d
1112
st pas moins vrai qu’en fin de compte, l’activité
de
directeur de conscience se trouve subordonnée à la connaissance d’un
1113
vrai qu’en fin de compte, l’activité de directeur
de
conscience se trouve subordonnée à la connaissance d’un but auquel il
1114
onscience se trouve subordonnée à la connaissance
d’
un but auquel il faut conduire cet homme réel. La direction de conscie
1115
uel il faut conduire cet homme réel. La direction
de
conscience perd toute valeur et tout sens, donc cesse d’exister comme
1116
cience perd toute valeur et tout sens, donc cesse
d’
exister comme direction, dès que l’on perd de vue les fins qu’elle doi
1117
esse d’exister comme direction, dès que l’on perd
de
vue les fins qu’elle doit servir. Tout se ramène donc à cette questio
1118
eut définir la voie à suivre, l’orthodoxie. Point
de
direction de conscience sans orthodoxie. Et à l’inverse ; dès qu’une
1119
a voie à suivre, l’orthodoxie. Point de direction
de
conscience sans orthodoxie. Et à l’inverse ; dès qu’une orthodoxie se
1120
s qu’une orthodoxie se remet à sévir, la fonction
de
directeur de conscience reparaît automatiquement ; elle consiste à re
1121
odoxie se remet à sévir, la fonction de directeur
de
conscience reparaît automatiquement ; elle consiste à relier l’homme
1122
il se trouve, au but final et simple assigné à sa
vie
. Or nous voyons au xxe siècle plusieurs « orthodoxies » se constitue
1123
es se fondent sur une doctrine du Prolétariat, ou
de
la Race, ou de l’Empire, ou de la Nation, et elles entendent expressé
1124
ur une doctrine du Prolétariat, ou de la Race, ou
de
l’Empire, ou de la Nation, et elles entendent expressément subordonne
1125
du Prolétariat, ou de la Race, ou de l’Empire, ou
de
la Nation, et elles entendent expressément subordonner toutes les act
1126
ent expressément subordonner toutes les activités
de
l’homme à ces fins-là. Mais comme il s’agit de fins partielles, n’emb
1127
és de l’homme à ces fins-là. Mais comme il s’agit
de
fins partielles, n’embrassant qu’une partie de la conscience humaine
1128
it de fins partielles, n’embrassant qu’une partie
de
la conscience humaine ou de ses déterminations, ces orthodoxies repré
1129
rassant qu’une partie de la conscience humaine ou
de
ses déterminations, ces orthodoxies représentent autant d’usurpations
1130
terminations, ces orthodoxies représentent autant
d’
usurpations, dès l’instant qu’elles prétendent régir le tout de l’homm
1131
, dès l’instant qu’elles prétendent régir le tout
de
l’homme. Elles ne peuvent plus compter que sur la force brutale pour
1132
tés » par leurs victimes. Elles agissent par coup
de
force sur les consciences ; elles leur imposent des déformations viol
1133
quoi vous proposez, bien entendu, « l’invention »
d’
une orthodoxie « universaliste », seule capable de « dépasser et domin
1134
d’une orthodoxie « universaliste », seule capable
de
« dépasser et dominer » ces pseudo-solutions partielles à prétentions
1135
nt universaliste, c’est-à-dire embrassant le tout
de
l’homme, ne déformerait plus les consciences, mais au contraire contr
1136
omme universel, nouvel Adam indemne et pur, libre
de
toute partialité, donc sachant tout sans expérience, et qui, vainqueu
1137
s expérience, et qui, vainqueur du temps, verrait
d’
un seul regard nos origines et nos fins dernières, d’où nous venons, o
1138
n seul regard nos origines et nos fins dernières,
d’
où nous venons, où nous allons… À son défaut, tout universalisme imagi
1139
ire aussi grand que le tout. Que ce soit le parti
de
la Raison, ou de la Liberté, ou de l’Humanité, etc. Aussi vrai que le
1140
ue le tout. Que ce soit le parti de la Raison, ou
de
la Liberté, ou de l’Humanité, etc. Aussi vrai que le baron de Crac ne
1141
soit le parti de la Raison, ou de la Liberté, ou
de
l’Humanité, etc. Aussi vrai que le baron de Crac ne pouvait pas sorti
1142
ar les cheveux, aussi vrai nous est-il impossible
de
nous hausser jusqu’à l’universel avec l’aide de nos idéaux : car eux
1143
e de nous hausser jusqu’à l’universel avec l’aide
de
nos idéaux : car eux aussi sont dans le puits. Je ne connais pas de d
1144
r eux aussi sont dans le puits. Je ne connais pas
de
doctrine universelle, d’universalisme concevable, descriptible, à not
1145
puits. Je ne connais pas de doctrine universelle,
d’
universalisme concevable, descriptible, à notre portée et à notre disp
1146
e, dans l’homme. Seul un point qui serait au-delà
de
notre monde pourrait devenir le point de convergence de tous nos acte
1147
au-delà de notre monde pourrait devenir le point
de
convergence de tous nos actes et de tous nos espoirs. Mais alors, c’e
1148
re monde pourrait devenir le point de convergence
de
tous nos actes et de tous nos espoirs. Mais alors, c’est un objet de
1149
enir le point de convergence de tous nos actes et
de
tous nos espoirs. Mais alors, c’est un objet de foi, car il échappe a
1150
t de tous nos espoirs. Mais alors, c’est un objet
de
foi, car il échappe aux prises de notre esprit non moins qu’à celles
1151
c’est un objet de foi, car il échappe aux prises
de
notre esprit non moins qu’à celles de nos sens. Ainsi la foi chrétien
1152
aux prises de notre esprit non moins qu’à celles
de
nos sens. Ainsi la foi chrétienne est universaliste dans son élan et
1153
tend dans la prière et l’obéissance la Rédemption
de
toute vie créée, la plénitude universelle : Dieu tout en tous. Au reg
1154
la prière et l’obéissance la Rédemption de toute
vie
créée, la plénitude universelle : Dieu tout en tous. Au regard d’une
1155
nitude universelle : Dieu tout en tous. Au regard
d’
une telle foi, toute autre « fin » paraît trop courte. Viser ailleurs
1156
irer sur des hommes. Mais je n’entends pas parler
d’
un retour à une église, et encore moins d’un retour au christianisme.
1157
parler d’un retour à une église, et encore moins
d’
un retour au christianisme. Ce serait émettre un non-sens. La foi est
1158
rige vers l’Esprit qui dit : « Viens ! » au terme
de
l’Apocalypse. Et c’est ce mouvement-là qui crée l’Église quand il ent
1159
elui qui a soif vienne, que celui qui veut prenne
de
l’eau de la vie, gratuitement. » 3. Je ne puis ici que déclarer, s
1160
a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau
de
la vie, gratuitement. » 3. Je ne puis ici que déclarer, sans démon
1161
vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la
vie
, gratuitement. » 3. Je ne puis ici que déclarer, sans démonstratio
1162
ici que déclarer, sans démonstration, que le fait
de
la pluralité des orthodoxies chrétiennes est un scandale, mais un sca
1163
, et cela dans la seule mesure où ils s’efforcent
de
le surmonter. q. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Il y
1164
s’efforcent de le surmonter. q. Rougemont Denis
de
, « [Réponse à une enquête] Il y a toujours des directeurs de conscien
1165
nse à une enquête] Il y a toujours des directeurs
de
conscience en Occident », Volontés, Paris, juin 1939, p. 49-52. r. R
1166
res regardent un des boulevards les plus bruyants
de
Montmartre, deux hommes penchés sur une liasse de papier mettent au m
1167
de Montmartre, deux hommes penchés sur une liasse
de
papier mettent au monde une œuvre nouvelle. Un seul coup d’œil et on
1168
me, le regard intelligent et un visage buriné par
de
longues méditations, voici Denis de Rougemont qui abandonne pour quel
1169
la toge du poète. Deux immenses pianos, encombrés
de
manuscrits tiennent conseil au centre de la pièce. Des livres envahis
1170
ncombrés de manuscrits tiennent conseil au centre
de
la pièce. Des livres envahissent des placards. Une rangée de pipes —
1171
. Des livres envahissent des placards. Une rangée
de
pipes — toutes espèces et toutes tailles — en disent long sur la médi
1172
d, Pacific 231. Sur une table s’étale une feuille
de
papier aux trois quarts achevée : c’est la partition de Nicolas de F
1173
ier aux trois quarts achevée : c’est la partition
de
Nicolas de Flue , la nouvelle œuvre qu’Honegger met en musique sur u
1174
lle œuvre qu’Honegger met en musique sur un texte
de
Denis de Rougemont. Elle sera représentée à l’Exposition de Zurich et
1175
e Rougemont. Elle sera représentée à l’Exposition
de
Zurich et offerte au public suisse par le canton de Neuchâtel. Il y a
1176
Zurich et offerte au public suisse par le canton
de
Neuchâtel. Il y a quelque chose de profondément émouvant dans ce don
1177
par le canton de Neuchâtel. Il y a quelque chose
de
profondément émouvant dans ce don : un canton offre à son pays une œu
1178
sse, faite par un des musiciens les plus célèbres
de
son temps — suisse, ne l’oublions pas — et par un des écrivains les p
1179
s — et par un des écrivains les plus intelligents
de
sa génération. Neuchâtelois de naissance — et d’origine. Bel exemple
1180
plus intelligents de sa génération. Neuchâtelois
de
naissance — et d’origine. Bel exemple de fédéralisme. Notre Nicolas
1181
de sa génération. Neuchâtelois de naissance — et
d’
origine. Bel exemple de fédéralisme. Notre Nicolas de Flue comprend
1182
hâtelois de naissance — et d’origine. Bel exemple
de
fédéralisme. Notre Nicolas de Flue comprend trois parties, j’hésite
1183
urement théâtral, répond Denis de Rougemont à une
de
mes questions. Et ces différences sont ? Il a fallu se plier aux cond
1184
a scène, ce qui restreint sensiblement la liberté
d’
un auteur. Mais par contre cette limitation oblige à creuser en profon
1185
texte si besoin est… Et pourquoi donc ? La scène
de
Zurich est immense et se trouve dans une salle ouverte. En outre, la
1186
ue les effets à obtenir ne seront pas le résultat
d’
une action individualiste, mais collective. Et comment avez-vous tradu
1187
qui doit frapper le public… D’ailleurs certaines
de
ces formules ont un sens général si net qu’elles prennent, de par leu
1188
tes-vous pour isoler le personnage qui parle, car
de
la place du public on ne voit pas très bien qui a la parole ? C’est f
1189
qu’individuelle. Maintenant, je me tourne du côté
d’
Arthur Honegger qui a suivi, la pipe à la bouche, notre conversation.
1190
du premier acte par exemple forme le centre même
de
l’action. Ensuite, je puis vous préciser que l’orchestre n’aura que l
1191
ment. Et j’ai composé ma musique en tenant compte
de
cette particularité. Les chœurs avanceront, monteront au premier « ét
1192
r nous avons appelé « ciel » la partie supérieure
de
la scène, là où se trouve le chœur céleste. En outre, souvent les chœ
1193
, souvent les chœurs s’expriment comme les chants
d’
oratorios et la musique les soutiendra. Seul un mot, parfois une phras
1194
iendra. Seul un mot, parfois une phrase, émergera
de
la masse sonore. Ce sera comme un cri répété plusieurs fois. Et la co
1195
ontinue longuement sur les thèmes toujours riches
de
la mise en scène, du jeu d’acteurs, des réactions de la foule. Ce que
1196
hèmes toujours riches de la mise en scène, du jeu
d’
acteurs, des réactions de la foule. Ce que Denis de Rougemont pas plus
1197
la mise en scène, du jeu d’acteurs, des réactions
de
la foule. Ce que Denis de Rougemont pas plus qu’Honegger n’avouent, c
1198
ne œuvre saine et forte. C’est aussi l’inquiétude
d’
en connaître les résultats. Qu’ils se rassurent ! Quand on a œuvré ave
1199
public apprécie et s’incline. Cette résurrection
de
Nicolas de Flue le prouvera en même temps qu’elle donnera une grande
1200
ra en même temps qu’elle donnera une grande leçon
de
tolérance et d’humanité. s. Rougemont Denis de, « [Entretien] Nico
1201
qu’elle donnera une grande leçon de tolérance et
d’
humanité. s. Rougemont Denis de, « [Entretien] Nicolas de Flue vu p
1202
de tolérance et d’humanité. s. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Nicolas de Flue vu par Denis de Rougemont », La Patrie
1203
Du mythe
de
Tristan et Iseut à l’hitlérisme (14 juillet 1939)u v Il était just
1204
qui traîna ses méditations et sa machine à écrire
de
la Vendée en Languedoc, et de la province à Paris, installé dans ses
1205
sa machine à écrire de la Vendée en Languedoc, et
de
la province à Paris, installé dans ses meubles, avec une suspension e
1206
arisien, à ce qu’il me semble. Entre deux averses
de
cet été inclément, nous pouvons profiter du petit jardin de la NRF. C
1207
inclément, nous pouvons profiter du petit jardin
de
la NRF. C’est un lieu ordonné et aménagé avec goût comme tout ce qui
1208
gé avec goût comme tout ce qui touche à la maison
de
la rue Sébastien-Bottin. Une tonnelle verte invite aux conversations
1209
ires. Un fin gravier protège les pieds des hommes
de
lettres contre un contact salissant avec la glèbe impure. Une bordure
1210
ntact salissant avec la glèbe impure. Une bordure
de
géraniums rouges offre à l’œil un opportun et gracieux point d’appui.
1211
ouges offre à l’œil un opportun et gracieux point
d’
appui. Tout invite à un entretien parfait. Tout, jusqu’au Journal d’An
1212
te à un entretien parfait. Tout, jusqu’au Journal
d’
André Gide, un fort volume de treize cents pages qui vient de paraître
1213
ut, jusqu’au Journal d’André Gide, un fort volume
de
treize cents pages qui vient de paraître dans la collection de la Plé
1214
ts pages qui vient de paraître dans la collection
de
la Pléiade et qui, posé sur la table, imprime à notre rencontre la no
1215
é sur la table, imprime à notre rencontre la note
de
la maison. ⁂ Que dire de Denis de Rougemont ? À peine connu il y a tr
1216
notre rencontre la note de la maison. ⁂ Que dire
de
Denis de Rougemont ? À peine connu il y a trois ou quatre ans, en deh
1217
que peu répandues, ce jeune écrivain est en passe
de
se faire dans la littérature une place bien à lui et qui n’est pas de
1218
bien à lui et qui n’est pas des moindres. Ce fils
de
la libre Suisse, qui a hérité de la conscience et du sérieux de ceux
1219
oindres. Ce fils de la libre Suisse, qui a hérité
de
la conscience et du sérieux de ceux de sa race, qui s’attelle aux pro
1220
isse, qui a hérité de la conscience et du sérieux
de
ceux de sa race, qui s’attelle aux problèmes avec conviction, pour ne
1221
i a hérité de la conscience et du sérieux de ceux
de
sa race, qui s’attelle aux problèmes avec conviction, pour ne les lâc
1222
lège ce que ses sujets et sa manière risqueraient
d’
avoir de légèrement pédant. Denis de Rougemont anime les plus arides m
1223
que ses sujets et sa manière risqueraient d’avoir
de
légèrement pédant. Denis de Rougemont anime les plus arides méditatio
1224
enser avec ses mains ». ⁂ Mais revenons au jardin
de
la NRF, où je suis venue lui parler de l’amour, ou plutôt de L’Amour
1225
au jardin de la NRF, où je suis venue lui parler
de
l’amour, ou plutôt de L’Amour et l’Occident, son dernier livre. Si ma
1226
où je suis venue lui parler de l’amour, ou plutôt
de
L’Amour et l’Occident, son dernier livre. Si ma question ne vous para
1227
livre, si différent par son caractère intemporel
de
vos derniers livres, tous liés à l’actualité. Je songe au Journal d’u
1228
res, tous liés à l’actualité. Je songe au Journal
d’
un intellectuel en chômage, et surtout au Journal d’Allemagne qui fut
1229
un intellectuel en chômage, et surtout au Journal
d’
Allemagne qui fut accueilli avec une telle faveur par tous ceux qui pe
1230
du mariage est un des problèmes les plus brûlants
de
la société d’aujourd’hui, et c’est surtout à cet aspect de la questio
1231
un des problèmes les plus brûlants de la société
d’
aujourd’hui, et c’est surtout à cet aspect de la question que j’ai son
1232
iété d’aujourd’hui, et c’est surtout à cet aspect
de
la question que j’ai songé en me mettant à l’œuvre. J’ai voulu d’abor
1233
lu d’abord faire un livre court traitant du mythe
de
Tristan et de la décadence de la conception du mariage. Les idées me
1234
re un livre court traitant du mythe de Tristan et
de
la décadence de la conception du mariage. Les idées me sont venues en
1235
t traitant du mythe de Tristan et de la décadence
de
la conception du mariage. Les idées me sont venues en travaillant. Le
1236
t. Les livres que j’ai lus m’ont mis sur la piste
d’
une liaison du mythe de Tristan avec la tradition courtoise, les troub
1237
lus m’ont mis sur la piste d’une liaison du mythe
de
Tristan avec la tradition courtoise, les troubadours et le catharisme
1238
le catharisme. C’est ainsi que les livres II à V
de
L’Amour et l’Occident , consacrés aux origines religieuses du mythe,
1239
à l’amour et la guerre, ont été trouvés en cours
de
route. Mais les hypothèses historiques que j’y développe ne sont pas
1240
u début, je ne songeais qu’au problème individuel
de
l’amour et du mariage. C’est en creusant les conceptions sociologique
1241
iologiques, peut-être sous l’influence du Collège
de
sociologie, et en partant non plus des relations économiques, mais de
1242
partant non plus des relations économiques, mais
de
ce qui est sacré dans la sociologie, que j’en suis arrivé à envisager
1243
ent dans de plus nombreuses versions non connues.
D’
où vient, selon vous, cette conception de l’amour ? J’ai cherché ce qu
1244
connues. D’où vient, selon vous, cette conception
de
l’amour ? J’ai cherché ce qui lui ressemblait le plus, et j’ai trouvé
1245
c’était la poésie des troubadours. Quant à savoir
d’
où vient cette dernière, c’est un problème sur lequel les érudits eux-
1246
les érudits eux-mêmes sont en désaccord, au point
de
renoncer à toute explication. Mais vous avez sans doute une hypothèse
1247
t dans le Languedoc, en Provence, dans une partie
de
l’Espagne et de l’Italie, le mouvement cathare. D’après ce que nous e
1248
doc, en Provence, dans une partie de l’Espagne et
de
l’Italie, le mouvement cathare. D’après ce que nous en savons, il com
1249
fait comparables à celles des troubadours : refus
de
la consommation de l’amour, exaltation de l’amour chaste, par exemple
1250
celles des troubadours : refus de la consommation
de
l’amour, exaltation de l’amour chaste, par exemple. Par ailleurs, on
1251
: refus de la consommation de l’amour, exaltation
de
l’amour chaste, par exemple. Par ailleurs, on sait que certains troub
1252
our un bon tiers d’entre eux. C’est sur des faits
de
cet ordre et sur toute une série d’analogies dans l’expression, que j
1253
sur des faits de cet ordre et sur toute une série
d’
analogies dans l’expression, que j’ai fondé mon raisonnement. Qui pour
1254
que c’était que la passion, ne puis-je m’empêcher
de
compléter. Je ne le crois pas, réplique Denis de Rougemont. La passio
1255
folie. À partir du xiie siècle, sous l’influence
de
la mystique cathare et de la poésie des troubadours, la passion reçoi
1256
iècle, sous l’influence de la mystique cathare et
de
la poésie des troubadours, la passion reçoit droit de cité. Elle peut
1257
a poésie des troubadours, la passion reçoit droit
de
cité. Elle peut s’exprimer dans le langage du mythe sous une forme vo
1258
ait que refaire éternellement, avec plus ou moins
de
succès, le roman de Tristan et Iseut. Vous soutenez cette opinion par
1259
nellement, avec plus ou moins de succès, le roman
de
Tristan et Iseut. Vous soutenez cette opinion paradoxale que Tristan
1260
e opinion paradoxale que Tristan et Iseut, couple
de
parfaits amants, ne s’aimèrent pas. À la manière dont Denis de Rougem
1261
act, en effet », on sent qu’il ne lui déplait pas
de
se faire le champion d’un paradoxe. Tristan aime sa passion, explique
1262
qu’il ne lui déplait pas de se faire le champion
d’
un paradoxe. Tristan aime sa passion, explique-t-il. Il n’aime pas Ise
1263
me sa passion, explique-t-il. Il n’aime pas Iseut
de
charité, dans son être véritable. À la différence d’Agapè, l’amour ch
1264
charité, dans son être véritable. À la différence
d’
Agapè, l’amour chrétien de la personne, Éros, le désir sans fin n’est
1265
itable. À la différence d’Agapè, l’amour chrétien
de
la personne, Éros, le désir sans fin n’est que la projection de l’idé
1266
, Éros, le désir sans fin n’est que la projection
de
l’idéal de l’amant sur un autre être. On ne peut pas épouser une femm
1267
désir sans fin n’est que la projection de l’idéal
de
l’amant sur un autre être. On ne peut pas épouser une femme comme Ise
1268
s on verrait la femme réelle. Iseut épousée cesse
d’
être Iseut pour devenir madame Tristan, ce qu’on ne saurait imaginer.
1269
ontrés. N’est-ce pas d’ailleurs le thème constant
de
tous les romanciers ? Ainsi, selon vous, il n’est pas de synthèse pos
1270
les romanciers ? Ainsi, selon vous, il n’est pas
de
synthèse possible entre Éros et Agapè ? J’ai tenté une esquisse de sy
1271
ble entre Éros et Agapè ? J’ai tenté une esquisse
de
synthèse à la fin de mon livre, en partant des mystiques. Je traitera
1272
pè ? J’ai tenté une esquisse de synthèse à la fin
de
mon livre, en partant des mystiques. Je traiterai ce problème plus à
1273
mmencer, j’ai voulu marquer les deux cas extrêmes
de
l’amour, afin d’y voir clair avant de passer à la synthèse. En écriva
1274
et l’Occident, vous avez réhabilité les problèmes
de
la passion qui n’étaient pas jusqu’à présent objet de littérature sér
1275
a passion qui n’étaient pas jusqu’à présent objet
de
littérature sérieuse. Il est rare, en effet, qu’on en ait parlé en Fr
1276
are, en effet, qu’on en ait parlé en France comme
de
problèmes sérieux, acquiesce l’écrivain. Mais il en va différemment d
1277
différemment dans d’autres pays. Les traductions
de
mon livre montrent que l’étranger s’intéresse à une étude où l’on par
1278
l’étranger s’intéresse à une étude où l’on parle
de
l’amour sans ironie comme sans sentimentalisme. Et j’ai surtout renco
1279
out rencontré la faveur du public féminin content
de
voir examiner impartialement « son » problème. Comment en êtes-vous v
1280
et l’amour ? Je ne peux me retenir plus longtemps
de
poser cette question qui me brûlait la langue depuis le début de notr
1281
question qui me brûlait la langue depuis le début
de
notre entretien, lequel prend de plus en plus figure de conversation
1282
re entretien, lequel prend de plus en plus figure
de
conversation amicale à bâtons rompus, tant je me sens de plain-pied a
1283
ersation amicale à bâtons rompus, tant je me sens
de
plain-pied avec cet auteur si peu imbu de sa personne. Mon interlocut
1284
me sens de plain-pied avec cet auteur si peu imbu
de
sa personne. Mon interlocuteur rejette tout de suite une objection po
1285
ible : Il va sans dire qu’il convient dès l’abord
d’
écarter de ce parallélisme la guerre moderne telle qu’on la fait depui
1286
va sans dire qu’il convient dès l’abord d’écarter
de
ce parallélisme la guerre moderne telle qu’on la fait depuis 1915. Ma
1287
telle qu’on la fait depuis 1915. Mais à l’époque
de
l’amour courtois il n’existait pas de distinction entre l’amour et la
1288
à l’époque de l’amour courtois il n’existait pas
de
distinction entre l’amour et la guerre. Le lansquenet de l’ancien tem
1289
inction entre l’amour et la guerre. Le lansquenet
de
l’ancien temps avait le goût de la guerre pour elle-même ; peu lui im
1290
re. Le lansquenet de l’ancien temps avait le goût
de
la guerre pour elle-même ; peu lui importaient les raisons pour lesqu
1291
s il se battait. La guerre constituait une espèce
de
jeu avec des règles, un commencement et une fin, ce qui est la défini
1292
ations individuelles des amants au fait collectif
de
la guerre. Mais on peut — en usant ici du concept nouvellement consac
1293
t — en usant ici du concept nouvellement consacré
d’
« inconscient collectif » — dire que tout se passe comme si les sociét
1294
si les sociétés réagissaient comme l’inconscient
d’
un individu. De nombreux faits viennent à l’appui de cette thèse. Les
1295
s réagissaient comme l’inconscient d’un individu.
De
nombreux faits viennent à l’appui de cette thèse. Les peuples connus
1296
lemagne ne vient que loin derrière, — l’Allemagne
d’
avant le romantisme s’entend. Car avec le romantisme, l’Allemagne chan
1297
ntend. Car avec le romantisme, l’Allemagne change
de
nature. Les trois générations de romantiques allemands, individualist
1298
Allemagne change de nature. Les trois générations
de
romantiques allemands, individualistes en dehors de toute sociologie,
1299
ui se fait sentir aujourd’hui. Vous voulez parler
de
l’hitlérisme ? Il y a certainement une source commune à Hitler et aux
1300
réactions collectives des Allemands et les rêves
d’
un Allemand. Quand les formes se disloquent, le mythe n’est plus un my
1301
alement à une mise au pas faute de laquelle toute
vie
serait impossible. C’est ce qui se produit en Allemagne ou en Russie.
1302
pas choisi ce qu’on appelle communément un sujet
d’
actualité, parce que je crois que la véritable signification des quest
1303
t. Denis de Rougemont me recommande pour terminer
d’
insister sur le fait qu’il n’a pas voulu faire œuvre d’historien. Même
1304
ister sur le fait qu’il n’a pas voulu faire œuvre
d’
historien. Même si les historiens trouvent que j’ai tort sur un point
1305
ui paraît-elle insuffisante, puisqu’il me demande
de
revoir son interview avant la publication. Saurait-on lui en vouloir
1306
w avant la publication. Saurait-on lui en vouloir
de
marquer une si grande méfiance à l’égard des journalistes ? Pour ma p
1307
d des journalistes ? Pour ma part, je lui en veux
d’
autant moins que c’est chez lui qu’il me reçoit, un chez-lui tout prov
1308
t dans un clair studio qui lui a été prêté par un
de
ses confrères en matière de « journal ». La NRF continue d’étendre sa
1309
frères en matière de « journal ». La NRF continue
d’
étendre sa présence autour de Denis de Rougemont. u. Rougemont Deni
1310
tour de Denis de Rougemont. u. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Du mythe de Tristan et Iseut à l’hitlérisme », Tribune
1311
u. Rougemont Denis de, « [Entretien] Du mythe
de
Tristan et Iseut à l’hitlérisme », Tribune de France. Hebdomadaire de
1312
the de Tristan et Iseut à l’hitlérisme », Tribune
de
France. Hebdomadaire de la reconstruction française, Paris, 14 juille
1313
à l’hitlérisme », Tribune de France. Hebdomadaire
de
la reconstruction française, Paris, 14 juillet 1939, p. 4. v. Propos
1314
s un sujet dramatique digne des vastes dimensions
de
la Halle des Fêtes à Zurich. C’était en septembre 1938. L’Europe enti
1315
rope entière allait mobiliser. Vous vous souvenez
de
cet après-midi du mercredi 28 septembre où les peuples prêtaient l’or
1316
es peuples prêtaient l’oreille guettant le tocsin
de
la guerre. C’est alors qu’éclata la nouvelle de l’entrevue décisive d
1317
n de la guerre. C’est alors qu’éclata la nouvelle
de
l’entrevue décisive de Munich. Or, au soir de ce jour me parvint par
1318
lors qu’éclata la nouvelle de l’entrevue décisive
de
Munich. Or, au soir de ce jour me parvint par hasard un livre sur la
1319
lle de l’entrevue décisive de Munich. Or, au soir
de
ce jour me parvint par hasard un livre sur la vie de Nicolas de Flue.
1320
de ce jour me parvint par hasard un livre sur la
vie
de Nicolas de Flue. Et je tombai sur le récit de la Diète de Stans, c
1321
ce jour me parvint par hasard un livre sur la vie
de
Nicolas de Flue. Et je tombai sur le récit de la Diète de Stans, c’es
1322
vie de Nicolas de Flue. Et je tombai sur le récit
de
la Diète de Stans, c’est-à-dire sur le récit même de la journée que n
1323
as de Flue. Et je tombai sur le récit de la Diète
de
Stans, c’est-à-dire sur le récit même de la journée que nous venions
1324
la Diète de Stans, c’est-à-dire sur le récit même
de
la journée que nous venions de vivre ! C’était la même menace, la mêm
1325
fle, le peuple attend les cloches fatidiques : et
d’
un coup le même « Alléluia ! » parce qu’un homme a osé, quand tout éta
1326
ire encore au miracle et l’accomplir ! Le message
de
l’ermite du Ranft prenait en ce soir-là des résonances monumentales.
1327
à des résonances monumentales. Cette petite scène
de
Stans, que nous avions coutume de voir dans le lointain de notre hist
1328
te petite scène de Stans, que nous avions coutume
de
voir dans le lointain de notre histoire, par le gros bout de la lunet
1329
que nous avions coutume de voir dans le lointain
de
notre histoire, par le gros bout de la lunette du temps, la voilà qui
1330
s le lointain de notre histoire, par le gros bout
de
la lunette du temps, la voilà qui s’agrandissait aux proportions de l
1331
emps, la voilà qui s’agrandissait aux proportions
de
l’Europe d’aujourd’hui. Il n’y avait plus à hésiter. Je tenais enfin
1332
là qui s’agrandissait aux proportions de l’Europe
d’
aujourd’hui. Il n’y avait plus à hésiter. Je tenais enfin le grand suj
1333
vé — Honegger, le puissant auteur du Roi David et
d’
Antigone — et dès le mois de mai de cette année, sous l’égide de l’Ins
1334
uteur du Roi David et d’Antigone — et dès le mois
de
mai de cette année, sous l’égide de l’Institut neuchâtelois, 500 pers
1335
u Roi David et d’Antigone — et dès le mois de mai
de
cette année, sous l’égide de l’Institut neuchâtelois, 500 personnes,
1336
t dès le mois de mai de cette année, sous l’égide
de
l’Institut neuchâtelois, 500 personnes, acteurs, choristes et figuran
1337
pour réaliser le spectacle. Ce magnifique effort
d’
art et de patriotisme devait trouver son couronnement lors des deux jo
1338
liser le spectacle. Ce magnifique effort d’art et
de
patriotisme devait trouver son couronnement lors des deux journées ne
1339
ouronnement lors des deux journées neuchâteloises
de
l’Exposition de Zurich. Mais le mois de septembre 1939 nous apporta l
1340
des deux journées neuchâteloises de l’Exposition
de
Zurich. Mais le mois de septembre 1939 nous apporta la catastrophe qu
1341
âteloises de l’Exposition de Zurich. Mais le mois
de
septembre 1939 nous apporta la catastrophe que septembre 1938 avait s
1342
e 1938 avait su écarter. C’était l’échec tragique
de
Nicolas et du message fraternel que le drame allait nous redire. Et c
1343
cependant nous n’avons pas perdu courage. La foi
de
Nicolas domine les temps. Elle vit encore au cœur des Suisses. Elle e
1344
œur des Suisses. Elle est encore le grand symbole
de
notre Confédération et de sa mission en Europe. Plus que jamais, dans
1345
encore le grand symbole de notre Confédération et
de
sa mission en Europe. Plus que jamais, dans ces heures sérieuses, plu
1346
e doit se faire entendre. Grâce aux organisateurs
de
l’émission nationale du 6 novembre, quelques scènes typiques de la pi
1347
nationale du 6 novembre, quelques scènes typiques
de
la pièce seront exécutées à votre intention par les acteurs, choriste
1348
ns qui s’étaient préparés pour Zurich. (Compagnie
de
la Saint-Grégoire, Chorales du Locle et de La Chaux-de-Fonds, dirigée
1349
pagnie de la Saint-Grégoire, Chorales du Locle et
de
La Chaux-de-Fonds, dirigées par M. Charles Taller, Fanfare des Armes
1350
e des Armes réunies, dirigée par M. Piéron, régie
de
M. Jean Kiehl.) Beaucoup d’entre eux sont comme moi, mobilisés. Remer
1351
eux sont comme moi, mobilisés. Remercions l’armée
de
leur avoir accordé les congés nécessaires : ils auront tous conscienc
1352
ils auront tous conscience, lors de l’exécution,
de
servir encore le pays. w. Rougemont Denis de, « Comment j’ai écrit
1353
, de servir encore le pays. w. Rougemont Denis
de
, « Comment j’ai écrit Nicolas de Flue », Le Radio, Lausanne, 3 novem
1354
rquoi nous sommes là (décembre 1939)x Il neige
de
gros flocons humides sur un vallon du haut Jura. Et la neige fond dan
1355
e deux sapins pleureurs, enveloppé dans une toile
de
tente raidie par l’humidité. Et je constate que mes hommes ont cessé
1356
humidité. Et je constate que mes hommes ont cessé
de
creuser leur trou de mitrailleuse : ils préfèrent s’enfumer autour d’
1357
ate que mes hommes ont cessé de creuser leur trou
de
mitrailleuse : ils préfèrent s’enfumer autour d’un feu de branches mo
1358
de mitrailleuse : ils préfèrent s’enfumer autour
d’
un feu de branches mortes, mornes et ronchonneurs, à la lisière d’un b
1359
illeuse : ils préfèrent s’enfumer autour d’un feu
de
branches mortes, mornes et ronchonneurs, à la lisière d’un bois. J’es
1360
ches mortes, mornes et ronchonneurs, à la lisière
d’
un bois. J’essaie de les réconforter. Silence, réprobation muette. Je
1361
et ronchonneurs, à la lisière d’un bois. J’essaie
de
les réconforter. Silence, réprobation muette. Je prends une pioche et
1362
mmes me regardent, et ils ne rient même pas. L’un
d’
eux entre ses dents : « On se demande ce qu’on fout par-là… » Eh bien
1363
emande ce qu’on fout par-là… » Eh bien oui, bande
de
rouspéteurs, vous avez bien raison de vous le demander ! Et je me le
1364
oui, bande de rouspéteurs, vous avez bien raison
de
vous le demander ! Et je me le demande encore, devant ce papier blanc
1365
quelque part, — loin de tout ce qui faisait notre
vie
? Il faudrait essayer de répondre. L’homme n’est pas né pour faire n’
1366
ut ce qui faisait notre vie ? Il faudrait essayer
de
répondre. L’homme n’est pas né pour faire n’importe quoi, sans rien c
1367
uelques kilomètres d’ici commencent les tranchées
de
la guerre, et des hommes meurent. Pourquoi cette guerre, pourquoi ces
1368
pourquoi ces morts ? Parce que les gouvernements
de
l’Europe n’ont pas su résoudre autrement le problème des minorités, a
1369
devoir s’imaginer ! — que le bonheur et la force
d’
un peuple dépendent de sa grandeur physique, de sa mise au pas militai
1370
que le bonheur et la force d’un peuple dépendent
de
sa grandeur physique, de sa mise au pas militaire, de son arrogance é
1371
ce d’un peuple dépendent de sa grandeur physique,
de
sa mise au pas militaire, de son arrogance étatique. Nous sommes ici
1372
a grandeur physique, de sa mise au pas militaire,
de
son arrogance étatique. Nous sommes ici à patauger parce que les peup
1373
s’unifier brutalement. Oui, cette guerre n’a pas
d’
autre sens : elle marque la faillite retentissante des systèmes centra
1374
gigantesques. C’est la guerre la plus antisuisse
de
toute l’histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même t
1375
la solution suisse et fédérale est seule capable
de
fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’est pas not
1376
e nous avons à défendre : le seul avenir possible
de
l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent
1377
oit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas
de
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait,
1378
éjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots,
de
lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes
1379
t. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou
d’
idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est p
1380
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit
de
voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est pas pour défendre des fr
1381
’est pas pour défendre des fromages, des conseils
d’
administration, notre confort et nos hôtels. D’autres — on sait qui —
1382
! Ce n’est pas non plus pour protéger nos « lacs
d’
azur » et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la propagand
1383
» et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre
de
la propagande se chargerait très volontiers de ce travail de Heimatsc
1384
re de la propagande se chargerait très volontiers
de
ce travail de Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter l
1385
gande se chargerait très volontiers de ce travail
de
Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter la mission dont
1386
iècles, devant l’Europe. D’autres se sont chargés
d’
arrêter les brigands qui voulaient profiter de sa faiblesse. Nous somm
1387
gés d’arrêter les brigands qui voulaient profiter
de
sa faiblesse. Nous sommes chargés de la défendre contre elle-même, de
1388
ent profiter de sa faiblesse. Nous sommes chargés
de
la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa san
1389
s sommes chargés de la défendre contre elle-même,
de
garder son trésor, d’affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si n
1390
défendre contre elle-même, de garder son trésor,
d’
affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si nous trahissons cette m
1391
me, de garder son trésor, d’affirmer sa santé, et
de
sauver son avenir. Si nous trahissons cette mission, si nous n’en pre
1392
’en prenons pas conscience, je ne donne pas lourd
de
notre indépendance. Lt D. de Rougemont III/20. x. Rougemont Denis
1393
Lt D. de Rougemont III/20. x. Rougemont Denis
de
, « Pourquoi nous sommes là », La DAC, Berne, décembre 1939, p. 1.
1394
Nicolas de Flue : naissance
d’
un drame (Noël 1939)z Le mercredi 28 septembre de l’an dernier, au
1395
un drame (Noël 1939)z Le mercredi 28 septembre
de
l’an dernier, au milieu de l’après-midi, je fus appelé au téléphone p
1396
ne par un ami. Était-ce la guerre qu’on attendait
d’
une heure à l’autre ? C’était Munich, c’était la paix, cela n’arrangea
1397
dirigeant son Nocturne dans le théâtre goldonien
de
la Fenice et je me disais une fois de plus : j’écrirai quelque chose
1398
entendement. C’est à ce moment que l’on m’offrit
d’
écrire une pièce pour l’Exposition de Zurich. Je ris un peu de tant de
1399
’on m’offrit d’écrire une pièce pour l’Exposition
de
Zurich. Je ris un peu de tant de flegme… L’Exposition, d’abord, n’aur
1400
j’allais mettre mon casque ; enfin je n’avais pas
de
sujet, et je défiais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui fût de
1401
je n’avais pas de sujet, et je défiais quiconque
d’
en trouver un, en Suisse, qui fût de taille à occuper l’énorme scène d
1402
ais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui fût
de
taille à occuper l’énorme scène dont j’avais vu les plans. On insista
1403
la catastrophe réglerait tout. Sur quoi, le coup
de
téléphone que j’ai dit, et toute la vie qui se reprend à vivre, les d
1404
i, le coup de téléphone que j’ai dit, et toute la
vie
qui se reprend à vivre, les délais à courir, le sujet à me fuir… Le s
1405
ourir, le sujet à me fuir… Le soir même, rentrant
de
voyage, ma femme m’apporte un livre qu’on lui a prêté : une biographi
1406
porte un livre qu’on lui a prêté : une biographie
de
Nicolas de Flue, signée Anne-Marie de Gourlet4. Genre édifiant, hagio
1407
s ne m’avait jamais paru très excitant : souvenir
d’
école primaire, c’est tout dire. Mais tout d’un coup, me voilà pris !
1408
enir d’école primaire, c’est tout dire. Mais tout
d’
un coup, me voilà pris ! Je découvre une vie d’homme réel, un siècle d
1409
s tout d’un coup, me voilà pris ! Je découvre une
vie
d’homme réel, un siècle décisif de notre histoire, un grand drame rel
1410
ut d’un coup, me voilà pris ! Je découvre une vie
d’
homme réel, un siècle décisif de notre histoire, un grand drame religi
1411
découvre une vie d’homme réel, un siècle décisif
de
notre histoire, un grand drame religieux au seuil de la Réforme, — et
1412
notre histoire, un grand drame religieux au seuil
de
la Réforme, — et déjà des dialogues esquissés, ces relations faites p
1413
se dessine dans l’espace : la cellule silencieuse
de
l’ermite, au centre, et tout autour le jeu bruyant du monde, et ces d
1414
autour le jeu bruyant du monde, et ces deux files
de
pèlerins, l’une qui descend à droite, l’autre qui vient de la gauche,
1415
audrait une scène à étages… C’est justement celle
de
Zurich ! Nuit blanche. Trois actes se composent, irrésistiblement, im
1416
re, je perçois mille correspondances. Cette Diète
de
Stans où le message de Nicolas sauve la paix à la onzième heure, ce n
1417
rrespondances. Cette Diète de Stans où le message
de
Nicolas sauve la paix à la onzième heure, ce n’est plus un souvenir d
1418
aix à la onzième heure, ce n’est plus un souvenir
de
manuel, c’est le Munich des Suisses, c’est l’éternel miracle du don d
1419
unich des Suisses, c’est l’éternel miracle du don
de
la paix, toujours immérité… Au matin, la pièce était faite. Non pas é
1420
Dès les premiers instants, le paradoxe technique
de
ce drame m’était clairement apparu : il s’agissait de peupler une scè
1421
e drame m’était clairement apparu : il s’agissait
de
peupler une scène immense autour d’un seul personnage important. Reve
1422
il s’agissait de peupler une scène immense autour
d’
un seul personnage important. Revenir au théâtre grec, avec son chœur
1423
té qui peut s’accorder à la fois à la déclamation
d’
un chœur en marche et au dialogue, forcément sans nuances, de personna
1424
en marche et au dialogue, forcément sans nuances,
de
personnages quasi mythiques. Tout cela créait l’appel au musicien… Sa
1425
cela créait l’appel au musicien… Sans un instant
d’
hésitation, je m’adressai à Honegger. En trois mois, tout fut terminé.
1426
is heureux, où le temps s’écoulait au rythme même
de
l’œuvre en marche. L’accord du musicien et de l’auteur était si parfa
1427
ême de l’œuvre en marche. L’accord du musicien et
de
l’auteur était si parfaitement préétabli que je ne fus pas étonné de
1428
i parfaitement préétabli que je ne fus pas étonné
de
retrouver, dans la partition d’Honegger, certains traits mélodiques q
1429
ne fus pas étonné de retrouver, dans la partition
d’
Honegger, certains traits mélodiques que j’avais inventés en composant
1430
et mes récitatifs, — et que je m’étais bien gardé
de
lui chanter ! On sait la suite : tout était prêt, quand septembre 193
1431
ce qu’avait engendré Munich. Ainsi ma pièce, née
d’
un croisement fortuit d’une série de petits faits privés et d’une séri
1432
nich. Ainsi ma pièce, née d’un croisement fortuit
d’
une série de petits faits privés et d’une série de faits européens, de
1433
ma pièce, née d’un croisement fortuit d’une série
de
petits faits privés et d’une série de faits européens, devait subir,
1434
ent fortuit d’une série de petits faits privés et
d’
une série de faits européens, devait subir, à partir de ce jour, le so
1435
d’une série de petits faits privés et d’une série
de
faits européens, devait subir, à partir de ce jour, le sort même de l
1436
, devait subir, à partir de ce jour, le sort même
de
la paix qu’elle chantait. Je vous ai raconté cette histoire pour appo
1437
pporter un témoignage assez précis au vieux débat
de
l’inspiration. On voit la part déterminante que l’occasion et les don
1438
a part déterminante que l’occasion et les données
de
fait ont joué dans cette création (scène de Zurich, chœurs et fanfare
1439
nnées de fait ont joué dans cette création (scène
de
Zurich, chœurs et fanfares disponibles en pays neuchâtelois). On devi
1440
lui du hasard apparent qui présida au recoupement
de
deux séries de faits sans aucun lien… Quel sera le destin de ce drame
1441
pparent qui présida au recoupement de deux séries
de
faits sans aucun lien… Quel sera le destin de ce drame ? Celui de la
1442
ies de faits sans aucun lien… Quel sera le destin
de
ce drame ? Celui de la paix, je le répète. Joignons alors notre prièr
1443
cun lien… Quel sera le destin de ce drame ? Celui
de
la paix, je le répète. Joignons alors notre prière à celle du peuple
1444
sse, invoquant du fond des vallées l’intervention
de
Nicolas : Parmi nous, peuple, parmi nous — parmi la foule en lourd t
1445
le en lourd tumulte avant le jour — aveugle proie
de
l’horreur désirée — prêtant l’oreille au martelant galop du cheval ro
1446
êtant l’oreille au martelant galop du cheval roux
de
notre Apocalypse — parmi nous, foule, parmi nous. Descends ! clément
1447
areille à la rosée ! — Viens te poser sur le cœur
de
violence — apaise-nous, colombe en ce tumulte — miraculeuse ! Jusqu’a
1448
s les chœurs du drame : Éclatez, éclatez en cris
de
joie ! Oui, tous en chœur, levez-vous et chantez ! Dans la paix q
1449
Alléluia ! Alléluia ! 4. Je saisis l’occasion
de
signaler une autre biographie de Nicolas, Bruder Klaus, par Mlle de S
1450
aisis l’occasion de signaler une autre biographie
de
Nicolas, Bruder Klaus, par Mlle de Segesser, avec l’espoir qu’elle so
1451
soit bientôt traduite. C’est un excellent travail
d’
histoire revécue. z. Rougemont Denis de, « Nicolas de Flue : naissa
1452
travail d’histoire revécue. z. Rougemont Denis
de
, « Nicolas de Flue : naissance d’un drame », Formes et couleurs, Lau
1453
ougemont Denis de, « Nicolas de Flue : naissance
d’
un drame », Formes et couleurs, Lausanne, Noël 1939, p. 1-2.
1454
Ah ! Nicolas Manuel Deutsch, on ne s’embêtait pas
de
ton temps ! On allait faire la guerre en Italie pour le plaisir d’un
1455
allait faire la guerre en Italie pour le plaisir
d’
un sang violent, et quand les lansquenets trichaient au jeu mortel, qu
1456
t l’on exhalait sa colère dans un chant débordant
d’
injures : « Tu mens plus largement que ta gueule n’est fendue !… Tu t’
1457
n dans son fumier !… Ô toi mon doux petit faiseur
de
rimes, je te tire une crotte sur le nez, trois dans ta barbe !15 » Ma
1458
tter du même pas la planète… ⁂ Un vers du temps —
d’
un peu plus tard, sans doute, mais c’est encore le même rythme de vie
1459
ard, sans doute, mais c’est encore le même rythme
de
vie — vient mêler sa guirlande à mes images, comme la devise du table
1460
, sans doute, mais c’est encore le même rythme de
vie
— vient mêler sa guirlande à mes images, comme la devise du tableau,
1461
me la devise du tableau, tandis que je songe à la
vie
de Nicolas Manuel Deutsch. C’est un autre guerrier qui parle en ses T
1462
a devise du tableau, tandis que je songe à la vie
de
Nicolas Manuel Deutsch. C’est un autre guerrier qui parle en ses Trag
1463
’est un autre guerrier qui parle en ses Tragiques
d’
une nuit Où l’Amour et la Mort troquèrent leurs flambeaux. Par le pinc
1464
pinceau, par l’épée et la plume, Manuel n’a cessé
de
provoquer la mort. Dans toute son œuvre, au cœur de son lyrisme, elle
1465
provoquer la mort. Dans toute son œuvre, au cœur
de
son lyrisme, elle tient le lieu de la passion d’amour, et c’est elle
1466
œuvre, au cœur de son lyrisme, elle tient le lieu
de
la passion d’amour, et c’est elle qu’il invite à la danse avec une fo
1467
de son lyrisme, elle tient le lieu de la passion
d’
amour, et c’est elle qu’il invite à la danse avec une fougue adolescen
1468
tyrs et mort bourgeoise, mort soldatesque et mort
de
carnaval, vierge, paysanne, ou fille à lansquenets, c’est toujours el
1469
ejoint ou qu’il poursuit ; dans les métamorphoses
de
sa vie : toujours vêtue aux couleurs de sa fièvre et de sa nouvelle a
1470
ou qu’il poursuit ; dans les métamorphoses de sa
vie
: toujours vêtue aux couleurs de sa fièvre et de sa nouvelle aventure
1471
morphoses de sa vie : toujours vêtue aux couleurs
de
sa fièvre et de sa nouvelle aventure. Pourquoi les hommes les plus vi
1472
vie : toujours vêtue aux couleurs de sa fièvre et
de
sa nouvelle aventure. Pourquoi les hommes les plus vivants de cette é
1473
le aventure. Pourquoi les hommes les plus vivants
de
cette époque où la vie s’exaspère ont-ils fait à la mort, dans leurs
1474
les hommes les plus vivants de cette époque où la
vie
s’exaspère ont-ils fait à la mort, dans leurs rêves, la part que nous
1475
itude : face au danger. Leur Suisse est au sommet
de
son élan vers la conquête et la richesse ; au comble de sa gloire, et
1476
élan vers la conquête et la richesse ; au comble
de
sa gloire, et de son risque. Elle n’a jamais été moins neutre, moins
1477
quête et la richesse ; au comble de sa gloire, et
de
son risque. Elle n’a jamais été moins neutre, moins confinée dans ses
1478
moyennes, ni moins en garde contre les tentations
de
la grandeur. Elle est sérieuse parce qu’elle est menacée et menaçante
1479
t menaçante ; parce qu’elle est tout le contraire
d’
un pays d’« assurés ». Sérieuse et impétueuse, comme ceux qui savent q
1480
e ; parce qu’elle est tout le contraire d’un pays
d’
« assurés ». Sérieuse et impétueuse, comme ceux qui savent que la vie
1481
ieuse et impétueuse, comme ceux qui savent que la
vie
n’est pas le but de la vie, qu’elle ne mérite pas de majuscule, et qu
1482
comme ceux qui savent que la vie n’est pas le but
de
la vie, qu’elle ne mérite pas de majuscule, et qu’elle est quelque ch
1483
ceux qui savent que la vie n’est pas le but de la
vie
, qu’elle ne mérite pas de majuscule, et qu’elle est quelque chose qui
1484
n’est pas le but de la vie, qu’elle ne mérite pas
de
majuscule, et qu’elle est quelque chose qui doit brûler, flamber, et
1485
avec la profondeur et la hauteur sans quoi toute
vie
demeure plate et basse. ⁂ Quanta bella giovinezza Che si fugge tut
1486
contemporains savent et disent à leur manière que
de
demain rien n’est certain. Mais ce qu’ils sentent menacé, ce n’est po
1487
, je ne sais quel printemps platonicien, c’est la
vie
savoureuse et forte qui figure à leurs yeux le train normal de l’homm
1488
et forte qui figure à leurs yeux le train normal
de
l’homme. Leur œuvre illustre la vision de l’Ecclésiaste, ce grand maî
1489
normal de l’homme. Leur œuvre illustre la vision
de
l’Ecclésiaste, ce grand maître du vrai réalisme. « Jette ton pain sur
1490
el malheur peut arriver sur la terre. » Le secret
de
la vie généreuse est la conscience de sa brève vanité. Dix-huit siècl
1491
heur peut arriver sur la terre. » Le secret de la
vie
généreuse est la conscience de sa brève vanité. Dix-huit siècles de c
1492
» Le secret de la vie généreuse est la conscience
de
sa brève vanité. Dix-huit siècles de chrétienté ont prêché sur le thè
1493
a conscience de sa brève vanité. Dix-huit siècles
de
chrétienté ont prêché sur le thème du memento mori, mais nous préféro
1494
nto mori, mais nous préférons aujourd’hui l’éloge
de
la vie au grand air. Et tout se passe comme si le souci de l’hygiène,
1495
ri, mais nous préférons aujourd’hui l’éloge de la
vie
au grand air. Et tout se passe comme si le souci de l’hygiène, et cel
1496
au grand air. Et tout se passe comme si le souci
de
l’hygiène, et celui de l’épargne dans tous les domaines, tuaient en n
1497
se passe comme si le souci de l’hygiène, et celui
de
l’épargne dans tous les domaines, tuaient en nous le sens métaphysiqu
1498
lus libre fantaisie, mais énergique : je ne cesse
d’
admirer chez Manuel la plupart des vertus qui nous manquent. Böcklin m
1499
part des vertus qui nous manquent. Böcklin manque
de
sobriété, Hodler aussi. D’où l’espèce de niaiserie qui affecte essent
1500
nquent. Böcklin manque de sobriété, Hodler aussi.
D’
où l’espèce de niaiserie qui affecte essentiellement les solennelles d
1501
n manque de sobriété, Hodler aussi. D’où l’espèce
de
niaiserie qui affecte essentiellement les solennelles démonstrations
1502
te essentiellement les solennelles démonstrations
d’
Art du premier, le gigantisme méthodique du second. Et quant à l’éléga
1503
figures sans mystère. Manuel est un nerveux, mais
de
ferme écriture : un imaginatif, mais sans excitation ; un homme qui p
1504
près ce que nous avons perdu par une longue suite
de
« libérations » qui ne laissent enfin subsister que la plus discutabl
1505
sent enfin subsister que la plus discutable envie
de
peindre… ⁂ Son réalisme ne fait pas d’histoires, parce qu’il n’est pa
1506
able envie de peindre… ⁂ Son réalisme ne fait pas
d’
histoires, parce qu’il n’est pas une polémique mais une acceptation de
1507
à toutes fins utiles ou spirituelles, à la volée
d’
une imagination qui se soucie d’abord de composer. Entre une épaule et
1508
la volée d’une imagination qui se soucie d’abord
de
composer. Entre une épaule et une arcade, vous découvrez un lac entou
1509
aule et une arcade, vous découvrez un lac entouré
de
cultures, de beaux champs gras, des laboureurs et des bateaux, toute
1510
rcade, vous découvrez un lac entouré de cultures,
de
beaux champs gras, des laboureurs et des bateaux, toute une nature à
1511
eurs et des bateaux, toute une nature à la mesure
de
l’homme, portant les marques de l’usage, et dominée par quelques Alpe
1512
ature à la mesure de l’homme, portant les marques
de
l’usage, et dominée par quelques Alpes qui sont des vagues à peine fi
1513
’opéra romantique, bien moins encore ces planches
de
minéralogie que nous bariolent les peintres d’Alpe. Ce qu’il peint, l
1514
es de minéralogie que nous bariolent les peintres
d’
Alpe. Ce qu’il peint, lui, c’est la terre des hommes, vue par les yeux
1515
lui, c’est la terre des hommes, vue par les yeux
de
qui l’habite et l’utilise, et non point des « paysages » ou des « vue
1516
e et bien suspect du terme. Un beau jour, fatigué
de
signer d’un poignard ses tumultueuses compositions, il se joint aux g
1517
suspect du terme. Un beau jour, fatigué de signer
d’
un poignard ses tumultueuses compositions, il se joint aux guerriers d
1518
positions, il se joint aux guerriers du chevalier
de
Stein, va combattre à Novare et pille la cité, assiste à la défaite d
1519
e à Novare et pille la cité, assiste à la défaite
de
la Bicoque, crie son indignation dans un furieux poème, et s’en revie
1520
ur y faire la Réforme. Il écrira d’abord des jeux
de
carnaval qui sont en vérité bien plus que des satires « contre le pap
1521
poignard suisse16. Et voilà qui résume toute sa
vie
. Car ce poignard, c’était déjà celui qu’il joignait à son monogramme,
1522
il joignait à son monogramme, enguirlandé au coin
de
ses tableaux ; ce sera l’arme réelle du guerrier suisse, signe des vi
1523
est le sceau des poèmes qu’il dédie « à la gloire
de
Dieu ». ⁂ Quand on dit chez nous de quelqu’un « qu’il a fait un peu t
1524
« à la gloire de Dieu ». ⁂ Quand on dit chez nous
de
quelqu’un « qu’il a fait un peu tous les métiers », ce n’est pas un é
1525
un éloge, il s’en faut, c’est plutôt une manière
de
lui refuser cette considération bourgeoise qui s’attache aux carrière
1526
attache aux carrières monotones. Mais la grandeur
d’
un Manuel, et de plusieurs à son époque, est d’avoir su conduire leur
1527
ières monotones. Mais la grandeur d’un Manuel, et
de
plusieurs à son époque, est d’avoir su conduire leur vie vers un but
1528
ur d’un Manuel, et de plusieurs à son époque, est
d’
avoir su conduire leur vie vers un but qui transcende toutes nos activ
1529
sieurs à son époque, est d’avoir su conduire leur
vie
vers un but qui transcende toutes nos activités. Fougueux et appliqué
1530
ateur, à quelle passion maîtresse ordonna-t-il sa
vie
? Peut-être à la recréation d’une unité de rythme et de vision au sei
1531
e ordonna-t-il sa vie ? Peut-être à la recréation
d’
une unité de rythme et de vision au sein d’un monde qui perdait ses me
1532
il sa vie ? Peut-être à la recréation d’une unité
de
rythme et de vision au sein d’un monde qui perdait ses mesures. Et qu
1533
eut-être à la recréation d’une unité de rythme et
de
vision au sein d’un monde qui perdait ses mesures. Et quand le lieu d
1534
la victoire, homme d’État. Je vois ainsi l’unité
de
sa vie dans la recherche d’une forme et d’un sens. Si l’art n’y suffi
1535
ctoire, homme d’État. Je vois ainsi l’unité de sa
vie
dans la recherche d’une forme et d’un sens. Si l’art n’y suffit pas,
1536
Je vois ainsi l’unité de sa vie dans la recherche
d’
une forme et d’un sens. Si l’art n’y suffit pas, c’est que le mal est
1537
’unité de sa vie dans la recherche d’une forme et
d’
un sens. Si l’art n’y suffit pas, c’est que le mal est profond : d’où
1538
rt n’y suffit pas, c’est que le mal est profond :
d’
où la nécessité d’agir sur la cité. Si la cité n’a plus de vraies mesu
1539
c’est que le mal est profond : d’où la nécessité
d’
agir sur la cité. Si la cité n’a plus de vraies mesures, c’est l’Églis
1540
nécessité d’agir sur la cité. Si la cité n’a plus
de
vraies mesures, c’est l’Église qui doit les refaire. Qu’elle s’y refu
1541
ebâtir un État… ⁂ La sagesse des manuels a le don
de
stériliser d’un seul mot l’exemple d’une vie trop ardente : « romanti
1542
… ⁂ La sagesse des manuels a le don de stériliser
d’
un seul mot l’exemple d’une vie trop ardente : « romantique » ou « ave
1543
ls a le don de stériliser d’un seul mot l’exemple
d’
une vie trop ardente : « romantique » ou « aventurier » ou mieux encor
1544
e don de stériliser d’un seul mot l’exemple d’une
vie
trop ardente : « romantique » ou « aventurier » ou mieux encore « hom
1545
tique » ou « aventurier » ou mieux encore « homme
de
la Renaissance ». Rappelons alors que ce guerrier fut bon époux, et b
1546
alors que ce guerrier fut bon époux, et bon père
de
six enfants ; que cet artiste, l’un des plus grands de son pays, fut
1547
x enfants ; que cet artiste, l’un des plus grands
de
son pays, fut aussi le plus raisonnable parmi les chefs de la Réforma
1548
ys, fut aussi le plus raisonnable parmi les chefs
de
la Réformation. L’année même où pour divertir Zwingli et ses savants
1549
ses savants collègues il leur envoie le manuscrit
d’
une satire contre la messe, on vante à Berne la modération de ses disc
1550
e contre la messe, on vante à Berne la modération
de
ses discours lors des débats de religion. Ce dernier trait achève de
1551
rne la modération de ses discours lors des débats
de
religion. Ce dernier trait achève de peindre le sérieux de ce fantast
1552
s des débats de religion. Ce dernier trait achève
de
peindre le sérieux de ce fantastique. Mais je m’aperçois un peu tard
1553
on. Ce dernier trait achève de peindre le sérieux
de
ce fantastique. Mais je m’aperçois un peu tard que j’oubliais de cite
1554
ue. Mais je m’aperçois un peu tard que j’oubliais
de
citer sa devise, inscrite au coin de quelques-uns de ses dessins : N.
1555
e j’oubliais de citer sa devise, inscrite au coin
de
quelques-uns de ses dessins : N.K.A.W., ce qui veut dire : « Personne
1556
citer sa devise, inscrite au coin de quelques-uns
de
ses dessins : N.K.A.W., ce qui veut dire : « Personne ne peut tout sa
1557
it tout savoir, et que pourtant… C’est la passion
de
la Renaissance, si l’on veut. Je crois plutôt que c’est encore l’ango
1558
Je crois plutôt que c’est encore l’angoisse avide
d’
une unité de sens spirituel, inaccessible à tout « savoir », aussi vas
1559
tôt que c’est encore l’angoisse avide d’une unité
de
sens spirituel, inaccessible à tout « savoir », aussi vaste qu’on l’i
1560
30, Manuel parut pour la dernière fois à la Diète
de
Baden. Du 1er au 12 avril, il assiste chaque jour aux séances du Cons
1561
il, il assiste chaque jour aux séances du Conseil
de
Berne. Le 16, il est signalé comme absent. Le 18 on le confirme dans
1562
comme absent. Le 18 on le confirme dans sa charge
de
banneret. Le 20 avril, il n’est plus. « Pareil au cierge qui se consu
1563
il n’est plus. « Pareil au cierge qui se consume
d’
autant plus vite qu’il a mieux éclairé — écrit un chroniqueur du temps
1564
sa 46e année. » Le seul autoportrait qui subsiste
de
lui nous montre, à la fin de sa vie, un regard doux et perspicace, un
1565
ortrait qui subsiste de lui nous montre, à la fin
de
sa vie, un regard doux et perspicace, un visage aigu de malade, peint
1566
t qui subsiste de lui nous montre, à la fin de sa
vie
, un regard doux et perspicace, un visage aigu de malade, peint avec l
1567
vie, un regard doux et perspicace, un visage aigu
de
malade, peint avec la véracité d’un homme qui sait exactement ce que
1568
un visage aigu de malade, peint avec la véracité
d’
un homme qui sait exactement ce que vaut une vie d’homme devant Dieu.
1569
té d’un homme qui sait exactement ce que vaut une
vie
d’homme devant Dieu. 15. Vers du Biccocalied. À la bataille de la B
1570
’un homme qui sait exactement ce que vaut une vie
d’
homme devant Dieu. 15. Vers du Biccocalied. À la bataille de la Bico
1571
nt Dieu. 15. Vers du Biccocalied. À la bataille
de
la Bicoque, les lansquenets s’étaient dissimulés dans des tranchées,
1572
rie décimait les Suisses à bout portant. Le poème
de
Manuel répond à une chanson glorifiant la victoire des Allemands. 16
1573
e lob ! – La plupart des autres drames et satires
de
Manuel se terminent par la mention du « Schwyzerdegen », qui demeure
1574
demeure sa vraie signature. au. Rougemont Denis
de
, « L’homme au poignard enguirlandé », Vingt-Huit écrivains de la Suis
1575
e au poignard enguirlandé », Vingt-Huit écrivains
de
la Suisse romande, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1940, p. 233
1576
rivains de la Suisse romande, Neuchâtel, Éditions
de
la Baconnière, 1940, p. 233-240.
1577
uelques kilomètres d’ici commencent les tranchées
de
la guerre, et des hommes meurent. Pourquoi cette guerre, pourquoi ces
1578
es bases chrétiennes et pratiques, dans un esprit
de
solidarité que symbolise exactement notre maxime confédérale : un pou
1579
re dans son principe la guerre la plus antisuisse
de
l’histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même temps l
1580
la solution suisse et fédérale est seule capable
de
fonder la paix, puisque les autres aboutissent à la guerre. Ce n’est
1581
défendant notre patrie : le seul avenir possible
de
l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent
1582
oit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas
de
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait,
1583
éjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots,
de
lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes
1584
t. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou
d’
idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est p
1585
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit
de
voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est pas pour défendre d’abor
1586
. Ce n’est pas seulement pour protéger nos « lacs
d’
azur » et nos « glaciers sublimes ». Si nous sommes là, c’est pour exé
1587
ission vis-à-vis de l’Europe. Nous sommes chargés
de
la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa san
1588
s sommes chargés de la défendre contre elle-même,
de
garder son trésor, d’affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Tel
1589
défendre contre elle-même, de garder son trésor,
d’
affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Tel est le sens de notre i
1590
me, de garder son trésor, d’affirmer sa santé, et
de
sauver son avenir. Tel est le sens de notre indépendance, et telle es
1591
a santé, et de sauver son avenir. Tel est le sens
de
notre indépendance, et telle est la mission spéciale qui justifie not
1592
justifie notre neutralité. av. Rougemont Denis
de
, « Mission spéciale », Nos libertés : bréviaire du citoyen, Lausanne,
1593
D’
un certain cafard helvétique (janvier 1940)aa Chacun sait que le me
1594
vier 1940)aa Chacun sait que le meilleur moyen
de
soutenir le moral, c’est l’action. Et non pas les distractions. Les h
1595
illeure forme que ceux qui, à l’arrière, essaient
de
s’amuser. Par contre, je ne connais rien de plus démoralisant que le
1596
onnais rien de plus démoralisant que le sentiment
d’
être entravé dans son action. C’est bien pire qu’une totale et irréméd
1597
empêtré dans ses draps. Or c’est à cette sorte-là
de
démoralisation et de cafard que se trouvent exposés aujourd’hui les p
1598
s. Or c’est à cette sorte-là de démoralisation et
de
cafard que se trouvent exposés aujourd’hui les petits pays neutres. M
1599
des hommes civils ou mobilisés, aux quatre coins
de
la Suisse, qui voudraient travailler pour leur pays, qui sont pleins
1600
raient travailler pour leur pays, qui sont pleins
de
projets et d’espoirs, qui ont cru en septembre 1939 que notre mobilis
1601
ler pour leur pays, qui sont pleins de projets et
d’
espoirs, qui ont cru en septembre 1939 que notre mobilisation allait o
1602
notre mobilisation allait ouvrir des possibilités
d’
action morale et nationale sans précédent, — et qui, après trois ou qu
1603
trois ou quatre mois, sont en train comme on dit
de
se dégonfler. Pourquoi ? Parce que nous sommes un petit pays qui se m
1604
e siècle, règne une passion égalitaire (inconnue
de
l’ancienne Suisse) qui a pour effet de déprimer l’initiative original
1605
(inconnue de l’ancienne Suisse) qui a pour effet
de
déprimer l’initiative originale, les vocations trop nettement affirmé
1606
ce à tout faire « rentrer dans le rang ». Essayez
de
lancer un projet et d’y consacrer toutes vos forces, on vous traitera
1607
er dans le rang ». Essayez de lancer un projet et
d’
y consacrer toutes vos forces, on vous traitera vite « d’utopiste », d
1608
sacrer toutes vos forces, on vous traitera vite «
d’
utopiste », de prétentieux ou d’excité. Certain sentiment suisse répug
1609
vos forces, on vous traitera vite « d’utopiste »,
de
prétentieux ou d’excité. Certain sentiment suisse répugne à tout ce q
1610
s traitera vite « d’utopiste », de prétentieux ou
d’
excité. Certain sentiment suisse répugne à tout ce qui lui paraît voul
1611
vouloir se distinguer, dans n’importe quel ordre
d’
action. C’est le revers d’une de nos plus précieuses qualités civiques
1612
ns n’importe quel ordre d’action. C’est le revers
d’
une de nos plus précieuses qualités civiques, j’entends du sentiment d
1613
mporte quel ordre d’action. C’est le revers d’une
de
nos plus précieuses qualités civiques, j’entends du sentiment de soli
1614
cieuses qualités civiques, j’entends du sentiment
de
solidarité, d’équipe, et de virile entraide, qui a forgé notre fédéra
1615
s civiques, j’entends du sentiment de solidarité,
d’
équipe, et de virile entraide, qui a forgé notre fédération, et l’a pr
1616
’entends du sentiment de solidarité, d’équipe, et
de
virile entraide, qui a forgé notre fédération, et l’a préservée jusqu
1617
orgé notre fédération, et l’a préservée jusqu’ici
de
la tentation dictatoriale. Nous nous méfions beaucoup plus que nos vo
1618
dépasse une très moyenne ardeur, c’est le moment
de
réagir vertement. C’est le moment de proclamer que notre Confédératio
1619
st le moment de réagir vertement. C’est le moment
de
proclamer que notre Confédération ne pourra vivre que si les citoyens
1620
rra vivre que si les citoyens les plus conscients
de
sa mission historique et actuelle trouvent les moyens d’exprimer cett
1621
ission historique et actuelle trouvent les moyens
d’
exprimer cette mission, et surtout de la réaliser. La DAC est un de c
1622
t les moyens d’exprimer cette mission, et surtout
de
la réaliser. La DAC est un de ces moyens ; bien modeste, mais il fau
1623
ission, et surtout de la réaliser. La DAC est un
de
ces moyens ; bien modeste, mais il faut commencer. Et j’en profite po
1624
érieux que les petites tâches immédiates, perdant
de
vue l’intérêt général, donc le sens même de ces tâches immédiates. C’
1625
rdant de vue l’intérêt général, donc le sens même
de
ces tâches immédiates. C’est justement parce qu’il y a ces obstacles
1626
premier enthousiasme est tombé, l’heure est venue
d’
une reprise en main, d’un regroupement pour un nouveau départ. Secouer
1627
t tombé, l’heure est venue d’une reprise en main,
d’
un regroupement pour un nouveau départ. Secouer notre train-train, not
1628
iotique. Plt D. de Rougemont. Adjudance générale
de
l’Armée Section Armée et Foyer aa. Rougemont Denis de, « D’un ce
1629
e Section Armée et Foyer aa. Rougemont Denis
de
, « D’un certain cafard helvétique », La DAC, Berne, janvier 1940, p.
1630
ion Armée et Foyer aa. Rougemont Denis de, «
D’
un certain cafard helvétique », La DAC, Berne, janvier 1940, p. 1.
1631
Les Suisses sont-ils « à la hauteur »
de
la Suisse ? (20 janvier 1940)ab La Suisse est neutre. La Suisse es
1632
elle. On a fait avec cela beaucoup de littérature
de
manuels, — et en même temps un peu d’argent, je crois. Tant pis pour
1633
littérature de manuels, — et en même temps un peu
d’
argent, je crois. Tant pis pour les manuels et tant mieux pour l’argen
1634
rgent. Mais il y a sans doute autre chose à tirer
de
nos « privilèges », si nous voulons les préserver. Neutralité et beau
1635
aturelles ont été trop longtemps considérées soit
d’
un point de vue purement sentimental — comme privilèges de droit divin
1636
nt de vue purement sentimental — comme privilèges
de
droit divin du peuple suisse — soit d’un point de vue purement utilit
1637
privilèges de droit divin du peuple suisse — soit
d’
un point de vue purement utilitaire ou touristique. C’est-à-dire trop
1638
-à-dire trop haut et trop bas. Il est grand temps
d’
abandonner cette attitude que beaucoup d’étrangers, hélas, ont pu conf
1639
nd temps d’abandonner cette attitude que beaucoup
d’
étrangers, hélas, ont pu confondre avec l’esprit même de la Suisse, «
1640
ngers, hélas, ont pu confondre avec l’esprit même
de
la Suisse, « peuple d’instituteurs et d’hôteliers », comme chacun sai
1641
nfondre avec l’esprit même de la Suisse, « peuple
d’
instituteurs et d’hôteliers », comme chacun sait… Qu’on y prenne garde
1642
rit même de la Suisse, « peuple d’instituteurs et
d’
hôteliers », comme chacun sait… Qu’on y prenne garde : si nous sommes
1643
les et nos glaciers « sublimes », il n’y a pas là
de
quoi nous vanter. D’abord, ce n’est pas notre faute. Car vraiment, no
1644
et notre géographie. Ensuite, si nous bénéficions
de
privilèges considérables, il s’agirait de nous en rendre dignes, avan
1645
ficions de privilèges considérables, il s’agirait
de
nous en rendre dignes, avant même que de les défendre. Le seul moyen
1646
’agirait de nous en rendre dignes, avant même que
de
les défendre. Le seul moyen de conserver un privilège, après tout, c’
1647
es, avant même que de les défendre. Le seul moyen
de
conserver un privilège, après tout, c’est de le mériter. Et de prouve
1648
oyen de conserver un privilège, après tout, c’est
de
le mériter. Et de prouver en fait que l’on est seul à pouvoir l’exerc
1649
un privilège, après tout, c’est de le mériter. Et
de
prouver en fait que l’on est seul à pouvoir l’exercer dignement. Or,
1650
r l’exercer dignement. Or, nous chantons nos lacs
d’
azur, nous chantons nos glaciers qui touchent aux deux, et nous en ret
1651
aciers qui touchent aux deux, et nous en retirons
d’
importants bénéfices, mais nous oublions trop souvent que tout cela pr
1652
nt que tout cela précisément peut tenter certains
de
nos voisins… Ne seraient-ils pas aussi capables que nous de chanter e
1653
sins… Ne seraient-ils pas aussi capables que nous
de
chanter et de gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur c
1654
ent-ils pas aussi capables que nous de chanter et
de
gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur céder la place
1655
s aussi capables que nous de chanter et de gagner
de
l’argent, si nous étions contraints de leur céder la place ? Sommes-n
1656
de gagner de l’argent, si nous étions contraints
de
leur céder la place ? Sommes-nous vraiment plus dignes et plus consci
1657
cients que d’autres des « charges » que supposent
de
pareils avantages ? Chaque fois que je vous entends vanter notre natu
1658
re nature « incomparable », je ne puis m’empêcher
de
songer, avec une horrible malice, à certain passage de Hugo contempla
1659
nger, avec une horrible malice, à certain passage
de
Hugo contemplant du haut du Pilate le panorama de nos Alpes. Qu’on me
1660
de Hugo contemplant du haut du Pilate le panorama
de
nos Alpes. Qu’on me permette de le citer ici comme une sorte de parab
1661
ilate le panorama de nos Alpes. Qu’on me permette
de
le citer ici comme une sorte de parabole : C’était un ensemble prodi
1662
Qu’on me permette de le citer ici comme une sorte
de
parabole : C’était un ensemble prodigieux de choses harmonieuses et
1663
rte de parabole : C’était un ensemble prodigieux
de
choses harmonieuses et magnifiques, pleines de la grandeur de Dieu. J
1664
ux de choses harmonieuses et magnifiques, pleines
de
la grandeur de Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être su
1665
rmonieuses et magnifiques, pleines de la grandeur
de
Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être supérieur et choi
1666
et choisi la nature servait ce merveilleux festin
de
montagnes, de nuages et de soleil, et cherchant un témoin sublime à c
1667
ature servait ce merveilleux festin de montagnes,
de
nuages et de soleil, et cherchant un témoin sublime à ce sublime pays
1668
ce merveilleux festin de montagnes, de nuages et
de
soleil, et cherchant un témoin sublime à ce sublime paysage. Il y ava
1669
sauvage, abrupte et déserte. Je n’oublierai cela
de
ma vie. Dans une anfractuosité du rocher, assis les jambes pendantes
1670
ge, abrupte et déserte. Je n’oublierai cela de ma
vie
. Dans une anfractuosité du rocher, assis les jambes pendantes sur une
1671
n goitreux, à corps grêle et à face énorme, riait
d’
un air stupide, le visage en plein soleil, et regardait au hasard deva
1672
dans son ensemble « la posture la plus misérable
de
l’homme ». Et je suis loin de penser que nous sommes des crétins ! Je
1673
cette nature dans son attitude superbe, il s’agit
d’
être moralement « à la hauteur ». Non, ce n’est pas si facile que cela
1674
a hauteur ». Non, ce n’est pas si facile que cela
d’
habiter et de posséder un pays dont l’altière beauté menace sans cesse
1675
Non, ce n’est pas si facile que cela d’habiter et
de
posséder un pays dont l’altière beauté menace sans cesse d’écraser l’
1676
r un pays dont l’altière beauté menace sans cesse
d’
écraser l’homme qui voudrait simplement s’y complaire, et qui oublie q
1677
’hui l’endurance, la longue audace et la maîtrise
de
soi de l’« alpiniste » justement, et non pas seulement la sympathie d
1678
endurance, la longue audace et la maîtrise de soi
de
l’« alpiniste » justement, et non pas seulement la sympathie distante
1679
nte du spectateur, touriste ou hôtelier, qui suit
d’
en bas, à la lunette, la caravane en plein effort sur les glaciers. En
1680
isse qui nous fut donnée ! ab. Rougemont Denis
de
, « Les Suisses sont-ils “à la hauteur” de la Suisse ? », La Coopérati
1681
t Denis de, « Les Suisses sont-ils “à la hauteur”
de
la Suisse ? », La Coopération, Bâle, 20 janvier 1940, p. 1.
1682
e et suffiront pour arrêter les hommes, les chars
d’
assaut et les armées d’envahissement. Mais les plus épaisses murailles
1683
êter les hommes, les chars d’assaut et les armées
d’
envahissement. Mais les plus épaisses murailles ne peuvent arrêter cer
1684
trices, voix comparables à ces sifflements pleins
de
mystère qui circulent au-dessus de l’Europe et que, parfois, quand vo
1685
lements pleins de mystère qui circulent au-dessus
de
l’Europe et que, parfois, quand vous cherchez un poste à la radio, vo
1686
uoi ne tenterions-nous pas, une fois pour toutes,
de
déchiffrer ces messages secrets que rien ne saurait empêcher de passe
1687
ces messages secrets que rien ne saurait empêcher
de
passer, et qui peut-être vont nous apporter des nouvelles beaucoup mo
1688
us que vous êtes, en cet instant, devant un poste
de
radio, et que j’arrête tout exprès le petit trait lumineux du cadran
1689
exprès le petit trait lumineux du cadran sur l’un
de
ces endroits indéfinis d’où nous vient l’inquiétante voix. Le son s’a
1690
neux du cadran sur l’un de ces endroits indéfinis
d’
où nous vient l’inquiétante voix. Le son s’amplifie, se précise. C’est
1691
oix. Le son s’amplifie, se précise. C’est la voix
de
l’Europe moderne. Que nous dit-elle ? J’essaierai de l’interpréter. D
1692
l’Europe moderne. Que nous dit-elle ? J’essaierai
de
l’interpréter. Depuis une dizaine d’années, et plus précisément depui
1693
J’essaierai de l’interpréter. Depuis une dizaine
d’
années, et plus précisément depuis 1933, la face de l’Europe a changé.
1694
’années, et plus précisément depuis 1933, la face
de
l’Europe a changé. Il est temps de nous en rendre compte. Autrefois,
1695
1933, la face de l’Europe a changé. Il est temps
de
nous en rendre compte. Autrefois, et naguère encore, il suffisait à u
1696
ois, et naguère encore, il suffisait à une nation
de
déclarer son sol sacré, pour avoir le droit de le défendre jusqu’à la
1697
on de déclarer son sol sacré, pour avoir le droit
de
le défendre jusqu’à la dernière goutte du sang des citoyens. Assurer
1698
s. Assurer les armes à la main l’intégrité du sol
de
la patrie, voilà qui ne faisait pas de question. Il n’y avait pas d’a
1699
ité du sol de la patrie, voilà qui ne faisait pas
de
question. Il n’y avait pas d’autre raison à chercher et à proclamer q
1700
qui ne faisait pas de question. Il n’y avait pas
d’
autre raison à chercher et à proclamer que cette raison tout instincti
1701
ne pouvait en effet conquérir un pays qu’au moyen
d’
une armée, et les armées n’ont jamais occupé autre chose que du terrai
1702
le territoire, symbole unique, symbole « sacré »
de
la nation. Or voici que depuis quelques années, ce ne sont plus les a
1703
on croyait volontiers que chaque État était voulu
de
Dieu, et qu’il jouissait par conséquent d’une légitimité indiscutable
1704
voulu de Dieu, et qu’il jouissait par conséquent
d’
une légitimité indiscutable. La propagande dont je parle dit autre cho
1705
n’ont pas été créés par Dieu, mais par le traité
de
Versailles. Et c’est bien vrai. Elle dit aussi que d’autres États, et
1706
rouvent en contradiction avec l’évolution récente
de
l’Histoire. Elle proclame que les nations « jeunes » et « dynamiques
1707
tits pour se défendre seuls. Au nom de ce concept
d’
espace vital, elle déclare donc que ces États n’ont plus de « raison d
1708
vital, elle déclare donc que ces États n’ont plus
de
« raison d’être historique ». Pour peu qu’elle arrive à le faire croi
1709
déclare donc que ces États n’ont plus de « raison
d’
être historique ». Pour peu qu’elle arrive à le faire croire, soit aux
1710
certains dirigeants, la victoire lui est acquise
d’
avance. Et les ceintures de fortifications les mieux conçues ne servir
1711
ctoire lui est acquise d’avance. Et les ceintures
de
fortifications les mieux conçues ne serviront de rien, au jour choisi
1712
de fortifications les mieux conçues ne serviront
de
rien, au jour choisi par l’attaquant, parce que des centres vitaux du
1713
ays, les ordres seront déjà donnés dans la langue
de
l’envahisseur. Voici alors ce que nous disent ces voix européennes qu
1714
nous les Suisses, si nous avons encore une raison
d’
être, si nous osons encore le proclamer, et si nous en gardons une con
1715
ience claire et forte. Elles nous mettent au défi
de
produire le « pourquoi » de notre défense et de notre volonté d’auton
1716
nous mettent au défi de produire le « pourquoi »
de
notre défense et de notre volonté d’autonomie. Elles nous forcent, no
1717
i de produire le « pourquoi » de notre défense et
de
notre volonté d’autonomie. Elles nous forcent, non sans brutalité, à
1718
« pourquoi » de notre défense et de notre volonté
d’
autonomie. Elles nous forcent, non sans brutalité, à « dire » enfin ce
1719
us adresse l’Europe moderne. Il s’agit maintenant
d’
y répondre. Nous ne pouvons plus nous contenter de déclarer que notre
1720
d’y répondre. Nous ne pouvons plus nous contenter
de
déclarer que notre Confédération fut « autrefois » voulue par Dieu, i
1721
encore. Nous avons fait serment, le 2 septembre,
de
défendre la Suisse jusqu’à la mort. Eh bien, il serait fou de mourir
1722
la Suisse jusqu’à la mort. Eh bien, il serait fou
de
mourir pour une Suisse dont nous ne serions pas sûrs qu’elle a le dro
1723
serions pas sûrs qu’elle a le droit et le devoir
d’
exister, devant Dieu. On n’a pas le droit de mourir pour quelque chose
1724
evoir d’exister, devant Dieu. On n’a pas le droit
de
mourir pour quelque chose qui ne fournit pas des raisons de vivre. No
1725
pour quelque chose qui ne fournit pas des raisons
de
vivre. Notre serment nous engage donc aussi à prendre une conscience
1726
ssi à prendre une conscience sérieuse des raisons
de
vivre de la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses.
1727
ndre une conscience sérieuse des raisons de vivre
de
la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses. Il nous f
1728
ce sérieuse des raisons de vivre de la Suisse, et
de
nos raisons de vivre en tant que Suisses. Il nous faut tout d’abord
1729
raisons de vivre de la Suisse, et de nos raisons
de
vivre en tant que Suisses. Il nous faut tout d’abord écarter un cert
1730
nous faut tout d’abord écarter un certain nombre
de
fausses raisons et d’illusions, de phrases toutes faites et de cliché
1731
d écarter un certain nombre de fausses raisons et
d’
illusions, de phrases toutes faites et de clichés patriotiques. Que me
1732
certain nombre de fausses raisons et d’illusions,
de
phrases toutes faites et de clichés patriotiques. Que mes lecteurs ne
1733
isons et d’illusions, de phrases toutes faites et
de
clichés patriotiques. Que mes lecteurs ne s’étonnent donc pas trop si
1734
à la « critique », pour ne pas dire au dégonflage
de
ces clichés. Ce n’est pas pour le stérile plaisir de démolir. Bien au
1735
ces clichés. Ce n’est pas pour le stérile plaisir
de
démolir. Bien au contraire ! Mon entreprise serait inutile, si nous n
1736
s, certaines réalités solides qui valent la peine
d’
être affirmées sans rhétorique. Je vous ai parlé déjà de notre « natur
1737
affirmées sans rhétorique. Je vous ai parlé déjà
de
notre « nature »5. Je vous parlerai la semaine prochaine de nos fameu
1738
nature »5. Je vous parlerai la semaine prochaine
de
nos fameuses « libertés », puis de notre « neutralité ». Et ce sera p
1739
aine prochaine de nos fameuses « libertés », puis
de
notre « neutralité ». Et ce sera pour découvrir le sens positif de ce
1740
lité ». Et ce sera pour découvrir le sens positif
de
ces termes, pour les sauver de la banalité scolaire, officielle ou jo
1741
ir le sens positif de ces termes, pour les sauver
de
la banalité scolaire, officielle ou journalistique, et pour en dégage
1742
ue, et pour en dégager enfin la vocation concrète
de
la Suisse. 5. Voir La Coopération du 20 janvier. ac. Rougemont D
1743
Coopération du 20 janvier. ac. Rougemont Denis
de
, « La Suisse que nous devons défendre I : Les voix que rien n’arrête
1744
. 1-2. ad. Présenté par cette note : « L’article
de
Denis de Rougemont publié dans La Coopération du 20 janvier a suscité
1745
s La Coopération du 20 janvier a suscité beaucoup
d’
intérêt. On nous a suggéré de différents côtés qu’il impliquait une su
1746
r a suscité beaucoup d’intérêt. On nous a suggéré
de
différents côtés qu’il impliquait une suite, une partie “positive”. C
1747
iques qu’on nous envie ? Avons-nous bien le droit
de
nous en vanter encore, et suffit-il de s’en vanter pour qu’elles subs
1748
n le droit de nous en vanter encore, et suffit-il
de
s’en vanter pour qu’elles subsistent ? La liberté n’est pas seulement
1749
en jouit ne sait pas les mériter par ses manières
d’
être et de penser. Un jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent
1750
e sait pas les mériter par ses manières d’être et
de
penser. Un jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent d’un tyran
1751
Un jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent
d’
un tyran. Ils purent se croire libres un moment : mais le soleil fécon
1752
ent : mais le soleil fécond fit éclore du cadavre
de
l’oppresseur un essaim de petits tyrans. À présent, ils continuent à
1753
d fit éclore du cadavre de l’oppresseur un essaim
de
petits tyrans. À présent, ils continuent à répéter le vieux conte. On
1754
re leurs murailles, ils ne sont plus esclaves que
de
leurs lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préj
1755
s, ils ne sont plus esclaves que de leurs lois et
de
leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois.
1756
esclaves que de leurs lois et de leurs coutumes,
de
leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois. Je n’oublie pas que
1757
lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et
de
leurs préjugés bourgeois. Je n’oublie pas que Goethe écrivait cela a
1758
es-nous bien certains que pour autant le jugement
de
Goethe n’est plus du tout valable de nos jours ? Sommes-nous bien cer
1759
le jugement de Goethe n’est plus du tout valable
de
nos jours ? Sommes-nous bien certains que la tyrannie de l’opinion pu
1760
jours ? Sommes-nous bien certains que la tyrannie
de
l’opinion publique vaut mieux que celle des aristocrates ? Sommes-nou
1761
s bien certains, enfin, qu’il a suffi à nos pères
de
s’affranchir un jour pour que nous ayons le droit de répéter à tout j
1762
s’affranchir un jour pour que nous ayons le droit
de
répéter à tout jamais : nous sommes libres ! Ayons le courage de le r
1763
ut jamais : nous sommes libres ! Ayons le courage
de
le reconnaître en toute franchise : la Suisse actuelle est un pays où
1764
st un pays où l’on a peu de « véritable » liberté
d’
esprit. C’est un pays où l’on tolère fort mal les opinions non conform
1765
méchant. Ceci pour le plan des idées. Sur le plan
de
la morale, c’est pire encore. Je ne vais pas refaire ici, après tant
1766
s pas refaire ici, après tant d’autres, le procès
de
notre moralisme intolérant. Qu’il me suffise de remarquer que si nous
1767
s de notre moralisme intolérant. Qu’il me suffise
de
remarquer que si nous étions plus chrétiens, nous serions beaucoup pl
1768
rants dans ce domaine, nous aurions beaucoup plus
de
liberté dans nos jugements, nous respecterions beaucoup mieux les faç
1769
nts, nous respecterions beaucoup mieux les façons
de
vivre de notre voisin et le mystère de son existence. On me dira peut
1770
respecterions beaucoup mieux les façons de vivre
de
notre voisin et le mystère de son existence. On me dira peut-être que
1771
les façons de vivre de notre voisin et le mystère
de
son existence. On me dira peut-être que ces considérations n’ont pas
1772
e, actuellement, et que les libertés qu’il s’agit
de
défendre, en ce mois de mars 1940, sont avant tout nos libertés poli
1773
les libertés qu’il s’agit de défendre, en ce mois
de
mars 1940, sont avant tout nos libertés politiques. Je répondrai que
1774
toute notre histoire en témoigne. « Une politique
de
liberté ne peut être faite que par des esprits libres. » Les deux lib
1775
parce que les premiers Suisses avaient la passion
de
leurs libertés sociales, civiles et quotidiennes qu’ils ont voulu se
1776
les Suisses du xviiie siècle ne jouissaient plus
d’
une véritable liberté intérieure qu’ils ont été une proie facile pour
1777
une proie facile pour l’étranger, pour les armées
de
la Révolution française. Je voudrais insister sur ce point : si nous
1778
sur ce point : si nous perdons le sens et le goût
de
la liberté quotidienne, celle qui se manifeste dans la diversité infi
1779
manifeste dans la diversité infinie des manières
de
penser et de vivre, nos libertés politiques ne pourront subsister lon
1780
ns la diversité infinie des manières de penser et
de
vivre, nos libertés politiques ne pourront subsister longtemps, et al
1781
ront subsister longtemps, et alors c’en sera fait
de
noire liberté vis-à-vis de l’étranger, c’est-à-dire de notre indépend
1782
ire liberté vis-à-vis de l’étranger, c’est-à-dire
de
notre indépendance nationale. Il ne suffit donc pas de protéger notre
1783
tre indépendance nationale. Il ne suffit donc pas
de
protéger notre indépendance par des fortifications. C’est l’intérieur
1784
ous voulons que notre armée défende quelque chose
de
valable. Or, quels sont les ennemis intérieurs de notre liberté ? Je
1785
de valable. Or, quels sont les ennemis intérieurs
de
notre liberté ? Je n’en désignerai ici que deux, qui vous paraîtront
1786
nt peut-être assez inattendus. Ce sont la paresse
d’
esprit et l’égalitarisme. Voici ce que j’entends par la paresse d’espr
1787
alitarisme. Voici ce que j’entends par la paresse
d’
esprit : les Suisses jouissent d’une instruction publique remarquable,
1788
s par la paresse d’esprit : les Suisses jouissent
d’
une instruction publique remarquable, mais ils ont la plus grande méfi
1789
’endroit de la véritable culture. Ils ont horreur
de
tout ce qui leur paraît « compliqué ». Ils jugent suspect tout ce qui
1790
telles que bon ou méchant, droite ou gauche, ami
de
l’ordre ou esprit subversif. Ils exigent toujours des choses simples.
1791
lchévisme ». Pourquoi ? Parce qu’on se contentait
de
dire : elle est pour l’ordre, les bolchévistes sont pour le désordre.
1792
our le désordre. Sans se demander un seul instant
de
quelle espèce d’ordre il s’agissait. Or, prenons-y bien garde ! Cette
1793
Sans se demander un seul instant de quelle espèce
d’
ordre il s’agissait. Or, prenons-y bien garde ! Cette passion maladive
1794
» tend à supprimer pratiquement toute possibilité
de
jugement libre, toute véritable liberté d’esprit. Notre « égalitarism
1795
bilité de jugement libre, toute véritable liberté
d’
esprit. Notre « égalitarisme » est, lui aussi, une forme de paresse d’
1796
Notre « égalitarisme » est, lui aussi, une forme
de
paresse d’esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie, comme on
1797
alitarisme » est, lui aussi, une forme de paresse
d’
esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie, comme on l’a peut-êt
1798
e paresse d’esprit, bien plus encore qu’une forme
de
l’envie, comme on l’a peut-être trop dit. Autrefois, les Suisses se m
1799
aventures dictatoriales. Il y avait quelque chose
de
sain et de profondément démocratique dans l’effacement volontaire des
1800
ictatoriales. Il y avait quelque chose de sain et
de
profondément démocratique dans l’effacement volontaire des plus grand
1801
s l’effacement volontaire des plus grands Suisses
de
ce temps-là. Mais aujourd’hui, l’égalitarisme hérité du xixe siècle
1802
du xixe siècle n’est plus qu’une dégénérescence
de
cet instinct démocratique. Il veut tout unifier, réglementer, central
1803
rentrer dans le rang. Il persécute à petits coups
d’
épingles tout ce qui « paraît » vouloir se distinguer. Pourquoi ? Parc
1804
Parce que c’est bien plus simple, et plus facile
de
tout ramener à des mesures médiocres et uniformes. C’est bien plus si
1805
formes. C’est bien plus simple et plus facile que
de
tenir compte des vivantes complexités, des vocations infiniment diver
1806
à ronchonner. (La prochaine fois, nous parlerons
d’
une manière « positive », c’est promis !) « Si quelque chose aujourd’h
1807
qui parlait ainsi, il y a longtemps, tout au haut
de
la pente… ae. Rougemont Denis de, « La Suisse que nous devons défe
1808
tout au haut de la pente… ae. Rougemont Denis
de
, « La Suisse que nous devons défendre II : Sommes-nous libres ? », La
1809
t à nos propres yeux, notre situation privilégiée
de
neutres ? Il semble que depuis quelques années, nous avons renoncé, e
1810
mme une chose qui irait de soi, qui aurait existé
de
tout temps, sans commencement ni fin imaginables, qui nous serait due
1811
ie, et qui représenterait, en somme, un privilège
de
droit divin. Nous savons que la neutralité est une conception menacée
1812
uelque sorte contre nature, car l’instinct normal
de
tout homme le pousse toujours à prendre parti ; et qu’enfin nous devo
1813
situation géographique centrale nous exposerait à
de
trop grands dangers en cas de guerre, enfin, parce que notre diversit
1814
e nous exposerait à de trop grands dangers en cas
de
guerre, enfin, parce que notre diversité raciale et religieuse risque
1815
notre diversité raciale et religieuse risquerait
d’
entraîner la dislocation de notre fédération, si nous venions à prendr
1816
religieuse risquerait d’entraîner la dislocation
de
notre fédération, si nous venions à prendre parti. Notons que cet arg
1817
venions à prendre parti. Notons que cet argument
de
la nécessité n’est guère valable que pour nous, Suisses. Nos voisins
1818
ur nous, Suisses. Nos voisins n’ont aucune raison
d’
en tenir compte, bien au contraire. Dire : nous sommes neutres uniquem
1819
erre, c’est induire nos voisins dans la tentation
de
profiter de cette faiblesse. Vient ensuite l’argument juridique. Nous
1820
induire nos voisins dans la tentation de profiter
de
cette faiblesse. Vient ensuite l’argument juridique. Nous devons rest
1821
e les traités nous y forcent. Et certes, aux yeux
d’
un chrétien et d’un Suisse, les traités ne seront jamais de simples ch
1822
s y forcent. Et certes, aux yeux d’un chrétien et
d’
un Suisse, les traités ne seront jamais de simples chiffons de papier
1823
tien et d’un Suisse, les traités ne seront jamais
de
simples chiffons de papier ! La Confédération reste fondée sur la fid
1824
les traités ne seront jamais de simples chiffons
de
papier ! La Confédération reste fondée sur la fidélité à la parole ju
1825
tout en allemand : Eid-Genossenschaft, communauté
de
ceux qui ont fait serment. Mais ici encore, il nous faut bien voir qu
1826
fication militaire à notre neutralité : il serait
de
l’intérêt des puissances belligérantes de ne point utiliser le passag
1827
serait de l’intérêt des puissances belligérantes
de
ne point utiliser le passage par la Suisse, qui les découvrirait sur
1828
couvrirait sur leur flanc. Mais cette raison dite
d’
équilibre stratégique peut tomber d’un jour à l’autre. Et la preuve qu
1829
e raison dite d’équilibre stratégique peut tomber
d’
un jour à l’autre. Et la preuve que nous ne la prenons pas au sérieux,
1830
bilisés. Je ne discuterai même pas ici l’argument
de
l’impartialité morale, qui put jouer un rôle en 1914-1918 lorsque le
1831
-il donc à répondre à ceux qui nous demanderaient
d’
entrer en guerre ? Ni l’argument des réalistes, ni celui des juristes,
1832
stratèges, ne suffiraient à justifier notre refus
de
« payer notre part ». Je ne dis pas que ces arguments ne valent plus
1833
qu’ils ne représentent plus une raison suffisante
de
s’abstenir, et d’autre part, qu’ils n’ont plus guère de force convain
1834
bstenir, et d’autre part, qu’ils n’ont plus guère
de
force convaincante pour nos voisins, et par suite, ne sont plus pour
1835
t malgré tout j’affirme que la Suisse a le devoir
de
rester neutre, ce ne peut donc être qu’au nom d’une réalité qui ne se
1836
pirituelle au premier chef ; au nom de la mission
de
la Suisse dans la communauté européenne. Non, la neutralité de la Sui
1837
dans la communauté européenne. Non, la neutralité
de
la Suisse ne saurait être un privilège, c’est une charge ! Et ce sera
1838
ne charge ! Et ce serait bien mal la défendre que
de
la défendre au nom de nos seuls intérêts, car elle ne peut et ne doit
1839
peut et ne doit subsister qu’au nom de l’intérêt
de
l’Europe entière. Seule, la mission positive de la Suisse rend un sen
1840
t de l’Europe entière. Seule, la mission positive
de
la Suisse rend un sens et un poids aux arguments que nous jugions tou
1841
antage dès qu’on la considère dans la perspective
de
notre mission médiatrice. De même, la garantie légale de notre neutra
1842
e mission médiatrice. De même, la garantie légale
de
notre neutralité n’est qu’un chiffon de papier, si l’on veut y voir s
1843
ie légale de notre neutralité n’est qu’un chiffon
de
papier, si l’on veut y voir simplement une garantie de nos privilèges
1844
pier, si l’on veut y voir simplement une garantie
de
nos privilèges. Mais elle devient notre meilleure sûreté dès qu’on la
1845
re sûreté dès qu’on la considère comme une mesure
d’
intérêt général en Europe. Rester neutres au nom d’un traité signé à V
1846
res au nom d’un traité signé à Vienne il y a plus
de
cent ans, soit ! Mais il ne faudrait pas retenir de ce traité uniquem
1847
cent ans, soit ! Mais il ne faudrait pas retenir
de
ce traité uniquement ce qui nous semblerait y garantir notre sécurité
1848
dit beaucoup plus : « Les Puissances signataires
de
la déclaration du 20 mars 1815 reconnaissent authentiquement par le p
1849
présent Acte que la neutralité et l’inviolabilité
de
la Suisse, et son indépendance de toute influence étrangère, sont dan
1850
l’inviolabilité de la Suisse, et son indépendance
de
toute influence étrangère, sont dans les vrais intérêts de la politiq
1851
influence étrangère, sont dans les vrais intérêts
de
la politique de l’Europe entière. » Et j’en arrive, ici, au centre mê
1852
ère, sont dans les vrais intérêts de la politique
de
l’Europe entière. » Et j’en arrive, ici, au centre même de tout ce qu
1853
pe entière. » Et j’en arrive, ici, au centre même
de
tout ce que je voulais dire dans cette série d’articles : le seul moy
1854
e de tout ce que je voulais dire dans cette série
d’
articles : le seul moyen réel et réaliste de conserver nos privilèges,
1855
série d’articles : le seul moyen réel et réaliste
de
conserver nos privilèges, c’est de les considérer dorénavant comme de
1856
el et réaliste de conserver nos privilèges, c’est
de
les considérer dorénavant comme des charges, dont nous sommes respons
1857
de la communauté européenne. Je voudrais marquer
d’
une devise ce point central. Au Moyen Âge la noblesse représentait une
1858
ivilège était subordonné à la charge ; il n’avait
d’
autre but que d’en faciliter l’exercice. C’est pourquoi l’on disait :
1859
bordonné à la charge ; il n’avait d’autre but que
d’
en faciliter l’exercice. C’est pourquoi l’on disait : Noblesse oblige.
1860
ent que tous nos privilèges, même naturels, n’ont
d’
autre sens et d’autre raison d’être que de nous permettre d’accomplir
1861
privilèges, même naturels, n’ont d’autre sens et
d’
autre raison d’être que de nous permettre d’accomplir notre mission sp
1862
me naturels, n’ont d’autre sens et d’autre raison
d’
être que de nous permettre d’accomplir notre mission spéciale de Suiss
1863
, n’ont d’autre sens et d’autre raison d’être que
de
nous permettre d’accomplir notre mission spéciale de Suisses. Disons-
1864
ns et d’autre raison d’être que de nous permettre
d’
accomplir notre mission spéciale de Suisses. Disons-nous donc : Beauté
1865
nous permettre d’accomplir notre mission spéciale
de
Suisses. Disons-nous donc : Beauté du sol oblige, liberté oblige, neu
1866
éciserai dans un dernier article, sur la vocation
de
la Suisse et ses conséquences pour nous tous. af. Rougemont Denis
1867
nséquences pour nous tous. af. Rougemont Denis
de
, « La Suisse que nous devons défendre III : Pourquoi nous devons rest
1868
emps que je définisse ce que j’appelle la mission
de
la Suisse, ou mieux encore, sa vocation. C’est très facile à dire en
1869
quelques mots. La vocation actuelle et historique
de
la Suisse, c’est de défendre et d’illustrer aux yeux de l’Europe le p
1870
cation actuelle et historique de la Suisse, c’est
de
défendre et d’illustrer aux yeux de l’Europe le principe du fédéralis
1871
et historique de la Suisse, c’est de défendre et
d’
illustrer aux yeux de l’Europe le principe du fédéralisme ; principe,
1872
ème totalitaire, et seule base possible et solide
de
la paix que nous espérons. C’est très facile à dire, et ce n’est pas
1873
études, par nos initiatives, par certaines prises
de
position peut-être, les bases de la fédération européenne. L’illustre
1874
certaines prises de position peut-être, les bases
de
la fédération européenne. L’illustrer, c’est le réaliser, ici et main
1875
c’est le réaliser, ici et maintenant et dans nos
vies
, à l’intérieur de nos frontières. C’est faire que notre Suisse ait vr
1876
’est faire que notre Suisse ait vraiment le droit
de
s’offrir en exemple à l’Europe, sur le plan du fédéralisme. Ces deux
1877
ope, sur le plan du fédéralisme. Ces deux aspects
de
notre vocation me paraissent inséparables. Il faut répandre l’idée fé
1878
saurait attaquer avec succès que si l’on est sûr
de
ses armes, et solidement appuyé par l’arrière. Quand on parle d’une v
1879
t solidement appuyé par l’arrière. Quand on parle
d’
une vocation de la Suisse vis-à-vis de l’Europe, nombreux sont ceux qu
1880
puyé par l’arrière. Quand on parle d’une vocation
de
la Suisse vis-à-vis de l’Europe, nombreux sont ceux qui crient à l’ut
1881
réalités spirituelles, qu’ils traitent volontiers
d’
idéologies fumeuses. Ces gens-là se trompent lourdement, et aujourd’hu
1882
l est clair que la guerre actuelle est une guerre
de
doctrines et même de religions. Des raisons spirituelles la dominent,
1883
erre actuelle est une guerre de doctrines et même
de
religions. Des raisons spirituelles la dominent, et il s’agit de les
1884
es raisons spirituelles la dominent, et il s’agit
de
les prendre au sérieux si l’on veut rester réaliste. Épargnés jusqu’i
1885
tant que neutres, justement ! Affirmer la mission
de
notre neutralité, voilà notre rôle stratégique dans cette bataille de
1886
tifications par l’intérêt. De par notre situation
de
fait, nous sommes, si je puis dire, pratiquement condamnés à l’idéali
1887
e. Mais beaucoup de bons Suisses ne le voient pas
de
leurs yeux, et par suite, ne veulent pas y croire. Ils prétendent ten
1888
y croire. Ils prétendent tenir compte uniquement
de
ce qui est inscrit dans nos nécessités, dans notre situation géograph
1889
nt être vues et touchées, nos Alpes, la petitesse
de
notre territoire, et nos difficultés économiques, ils n’aperçoivent n
1890
omiques, ils n’aperçoivent nullement l’indication
d’
une vocation européenne de la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont
1891
nullement l’indication d’une vocation européenne
de
la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont pas tort. Une vocation n’e
1892
y déchiffrer, et cela ne se peut qu’avec les yeux
de
l’esprit. Tenir compte des faits ne suffit pas : il faut savoir leur
1893
donner un sens, leur ajouter un sens par un acte
de
l’esprit. L’individu ou le pays qui se reconnaît une vocation doit sa
1894
sa foi. Maintenant donc, il s’agit pour nous tous
de
reconnaître la vocation suisse, d’en revêtir la charge, d’en être les
1895
pour nous tous de reconnaître la vocation suisse,
d’
en revêtir la charge, d’en être les porteurs. Travaillons tout d’abord
1896
aître la vocation suisse, d’en revêtir la charge,
d’
en être les porteurs. Travaillons tout d’abord à la défendre, c’est-à-
1897
oyens il pourrait y contribuer, je lui demanderai
d’
aider au moins ceux qui se trouveraient mieux placés dans ce combat, e
1898
i se trouveraient mieux placés dans ce combat, et
d’
être prêt à leur porter main-forte cas échéant. Car tout revient, dans
1899
Car tout revient, dans ce domaine, à une question
d’
état d’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit de créer, avan
1900
ans ce domaine, à une question d’état d’esprit et
de
préparation morale. Ce qu’il s’agit de créer, avant tout, c’est une d
1901
’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit
de
créer, avant tout, c’est une disposition du sentiment public favorabl
1902
s entreprises éventuelles, qu’il serait imprudent
de
préciser trop vite, mais qui naîtront sans aucun doute, ici ou là, da
1903
t pour mobiliser l’opinion en faveur d’une action
de
la Suisse auprès de ses voisins en guerre. Ce n’est pas encore une mo
1904
spirituelle que je réclame, c’est plutôt une mise
de
piquet. Soyons prêts à répondre à tout appel, même balbutiant, qui se
1905
urons à dire à nos voisins, forts que nous sommes
d’
une expérience fédéraliste de six siècles. Et surtout, ne dénigrons pa
1906
orts que nous sommes d’une expérience fédéraliste
de
six siècles. Et surtout, ne dénigrons pas les tentatives qui se ferai
1907
ns, comme nous avons trop souvent dénigré l’essai
de
la Société des Nations. Essayons au contraire de les améliorer, si no
1908
re fédéralisme, c’est-à-dire à le mieux réaliser,
d’
une manière qui le rende exemplaire, au sens littéral de ce mot. Profi
1909
manière qui le rende exemplaire, au sens littéral
de
ce mot. Profitons de notre paix matérielle pour le parfaire et pour l
1910
exemplaire, au sens littéral de ce mot. Profitons
de
notre paix matérielle pour le parfaire et pour l’approfondir, jusque
1911
aire et pour l’approfondir, jusque dans le détail
de
nos vies, en sorte que cette réduction d’Europe fédérée qu’est la Sui
1912
pour l’approfondir, jusque dans le détail de nos
vies
, en sorte que cette réduction d’Europe fédérée qu’est la Suisse soit
1913
détail de nos vies, en sorte que cette réduction
d’
Europe fédérée qu’est la Suisse soit au moins de l’ouvrage bien fait,
1914
n d’Europe fédérée qu’est la Suisse soit au moins
de
l’ouvrage bien fait, digne d’être exposé et en bonne place, comme un
1915
uisse soit au moins de l’ouvrage bien fait, digne
d’
être exposé et en bonne place, comme un modèle valable pour l’Europe d
1916
onne place, comme un modèle valable pour l’Europe
de
demain. Voilà un travail immédiat. Nul besoin cette fois-ci, d’attend
1917
là un travail immédiat. Nul besoin cette fois-ci,
d’
attendre que la paix s’approche pour s’y mettre. Notre vocation intéri
1918
une suppose l’autre, et la soutient. Je laisserai
de
côté ici l’aspect politique — au sens étroit — du problème. J’estime
1919
, qui suppose toute une morale, toute une manière
de
vivre et de penser. Connaître le voisin de langue ou confession diffé
1920
e toute une morale, toute une manière de vivre et
de
penser. Connaître le voisin de langue ou confession différente, lui r
1921
anière de vivre et de penser. Connaître le voisin
de
langue ou confession différente, lui reconnaître le droit de différer
1922
u confession différente, lui reconnaître le droit
de
différer de nous ; le comprendre jusqu’à la limite du possible comme
1923
différente, lui reconnaître le droit de différer
de
nous ; le comprendre jusqu’à la limite du possible comme il se compre
1924
et des discours, n’est pas la Suisse qui se vante
de
ses beautés, de ses libertés et de sa neutralité, mais bien la Suisse
1925
n’est pas la Suisse qui se vante de ses beautés,
de
ses libertés et de sa neutralité, mais bien la Suisse qui sait reconn
1926
e qui se vante de ses beautés, de ses libertés et
de
sa neutralité, mais bien la Suisse qui sait reconnaître dans ces priv
1927
i sait reconnaître dans ces privilèges les signes
d’
une mission dont elle est responsable. Une seule idée… Mais si nous l’
1928
butant perdront leur légitimité. Si nous refusons
de
considérer le fait d’être Suisses comme une espèce de filon, si nous
1929
égitimité. Si nous refusons de considérer le fait
d’
être Suisses comme une espèce de filon, si nous le considérons tout au
1930
onsidérer le fait d’être Suisses comme une espèce
de
filon, si nous le considérons tout au contraire comme une mission spé
1931
, et par suite à penser plus librement, avec plus
de
générosité. Alors nous serons en état de mesurer la vraie grandeur de
1932
vec plus de générosité. Alors nous serons en état
de
mesurer la vraie grandeur des événements actuels, la vraie grandeur d
1933
ttendre. Et parce que nous serons plus conscients
de
ce que nous avons à donner, nous serons mieux armés pour défendre la
1934
u nous veut à son service. ag. Rougemont Denis
de
, « La Suisse que nous devons défendre IV : Notre ‟mission spéciale” »
1935
Le petit nuage (avril 1940)ah Au mois
d’
août de l’année dernière, le jour du pacte germano-soviétique, j’ai fa
1936
Le petit nuage (avril 1940)ah Au mois d’août
de
l’année dernière, le jour du pacte germano-soviétique, j’ai fait deux
1937
s aérer. Secundo, j’ai envoyé à un certain nombre
de
mes amis la phrase suivante : « Au plus fort de la persécution entrep
1938
e de mes amis la phrase suivante : « Au plus fort
de
la persécution entreprise par Julien l’Apostat contre les chrétiens,
1939
assera. » La semaine passée, je reçois une lettre
de
« quelque part dans le Proche-Orient », et une autre des États-Unis.
1940
encore une fois assis au café des Deux Magots. La
vie
reprendra. Cela paraît irréel. » La seconde me dit : « Le petit nuage
1941
raison à l’une ou à l’autre de ces lettres6. Pas
d’
importance. Ce qui est important, c’est la certitude « qu’il passera »
1942
tude « qu’il passera ». Que sont nos petits accès
de
découragement, ces brumes qu’un léger vent d’avant-printemps suffit à
1943
cès de découragement, ces brumes qu’un léger vent
d’
avant-printemps suffit à dissiper en cinq minutes ? Qu’est-ce que cela
1944
au regard de la menace énorme qui domine l’Europe
d’
aujourd’hui ? Eh bien, cette menace énorme, à son tour, n’est qu’un to
1945
niversels que sera notre jugement au dernier jour
de
tous les temps. Karl Barth nous le disait l’autre jour à Tavannes : c
1946
chrétiens, nous n’avons à redouter que le Prince
de
tous les démons, et non pas tel ou tel démon qu’il nous délègue de te
1947
s, et non pas tel ou tel démon qu’il nous délègue
de
temps à autre. Le combat que nous devrons peut-être engager militaire
1948
vrons peut-être engager militairement contre l’un
de
ces petits personnages, ce combat, si « total » qu’il soit, ne saurai
1949
là les dimensions réelles que le chrétien se doit
d’
envisager. Elles ne sont pas démesurées. Elles doivent au contraire no
1950
doivent au contraire nous donner la vraie mesure
de
nos soucis, de nos misérables cafards, de nos craintes dérisoires et
1951
traire nous donner la vraie mesure de nos soucis,
de
nos misérables cafards, de nos craintes dérisoires et mesquines. « C’
1952
mesure de nos soucis, de nos misérables cafards,
de
nos craintes dérisoires et mesquines. « C’est un petit nuage, il pass
1953
t nuage, il passera. » Ce mot me fut comme parole
d’
Évangile quand je le lus l’année dernière. Et je ne me trompais guère,
1954
cause de ce passage). L’auteur est l’un des chefs
d’
un parti que l’on devine ; écœuré, il vient de démissionner (la scène
1955
se en 1935) et il s’attend à être abattu par l’un
de
ces anciens amis. Réfugié dans un hôtel chrétien, un Christliches Hos
1956
en, un Christliches Hospiz, il sent peser sur lui
d’
une manière insupportable le sombre avenir de son pays. « Dans mon dés
1957
lui d’une manière insupportable le sombre avenir
de
son pays. « Dans mon désespoir, j’eus recours à l’Évangile qu’on trou
1958
s à l’Évangile qu’on trouve sur toutes les tables
de
nuit de ces hospices. Je le feuilletai et mon premier regard tomba su
1959
angile qu’on trouve sur toutes les tables de nuit
de
ces hospices. Je le feuilletai et mon premier regard tomba sur cette
1960
a terrasse des Deux Magots. ah. Rougemont Denis
de
, « Le petit nuage », La DAC, Berne, avril 1940, p. 2.
1961
D’
un journal d’attente (pages démodées) (avril 1940)ai Ceux qui tienn
1962
D’un journal
d’
attente (pages démodées) (avril 1940)ai Ceux qui tiennent un journa
1963
40)ai Ceux qui tiennent un journal intime sont
d’
ordinaire des êtres qui se cherchent, ou qui, pour mieux se posséder,
1964
cherchent, ou qui, pour mieux se posséder, fixent
d’
eux-mêmes quelques instantanés révélateurs. Pour moi, j’ai renoncé à m
1965
à me vérifier curieusement. Mon vrai désir serait
de
me donner, à peu près dans le sens où l’on dirait : quoi que je sois,
1966
e que cela peut « donner » à l’usage. C’est faute
d’
usage et d’occasion, faute d’une action vraiment totale et engageante,
1967
peut « donner » à l’usage. C’est faute d’usage et
d’
occasion, faute d’une action vraiment totale et engageante, que je com
1968
l’usage. C’est faute d’usage et d’occasion, faute
d’
une action vraiment totale et engageante, que je commence ici, pour la
1969
e commence ici, pour la première fois, une espèce
de
journal d’attente, — comme on parle d’une salle d’attente. Entre deux
1970
ici, pour la première fois, une espèce de journal
d’
attente, — comme on parle d’une salle d’attente. Entre deux trains, en
1971
une espèce de journal d’attente, — comme on parle
d’
une salle d’attente. Entre deux trains, entre deux œuvres, mais surtou
1972
e journal d’attente, — comme on parle d’une salle
d’
attente. Entre deux trains, entre deux œuvres, mais surtout : — entre
1973
ntre deux œuvres, mais surtout : — entre l’espèce
de
paix que nous laissa l’hiver, et la guerre qui revient nous avertir,
1974
, et la guerre qui revient nous avertir, au seuil
de
ce printemps quelle dénature. Envies d’écrire, sans contenus ; envies
1975
au seuil de ce printemps quelle dénature. Envies
d’
écrire, sans contenus ; envies de noter des idées détachées, des petit
1976
dénature. Envies d’écrire, sans contenus ; envies
de
noter des idées détachées, des petits faits sans signification, ou pl
1977
haque œuvre veut et crée son temps à soi, dans la
vie
de l’auteur qu’elle choisit. Mais aujourd’hui, je ne puis que subir l
1978
e œuvre veut et crée son temps à soi, dans la vie
de
l’auteur qu’elle choisit. Mais aujourd’hui, je ne puis que subir le t
1979
emain. 5 avril 1939 Ce chef d’État offre, dit-on,
d’
évacuer une île dont il s’est emparé, à condition qu’on lui donne en é
1980
Débarquement… fusillade… cuirassés… C’est le coup
de
force d’Albanie. — Voyez-vous, me dit-il, pour nous autres, qu’est-ce
1981
ent… fusillade… cuirassés… C’est le coup de force
d’
Albanie. — Voyez-vous, me dit-il, pour nous autres, qu’est-ce que cela
1982
guerre. Mais cette fois-ci, j’ai tout semé comme
d’
habitude, et on verra ! — Croyez-vous donc qu’ils vous laisseront tran
1983
qui gouvernent ? — Ils ne peuvent pas m’empêcher
de
travailler ! J’ai tout semé comme les autres années… Monsieur Turc pr
1984
ultures. Médite et redresse sa casquette. Et tout
d’
un coup, son regard s’assombrit : — Ha ! mais je vais vous dire : si l
1985
is moi, je n’arrive même pas à défricher le champ
d’
un gros ouvrage projeté. Toute œuvre humaine, tout acte humain, et mêm
1986
nt un avenir. Nous l’oublions souvent, dans notre
vie
individuelle. Les statistiques nous le rappelleront. On constatera l’
1987
née prochaine (s’il y en a une) que cette période
de
menaces de guerre aura vu concevoir moins de livres, mais aussi moins
1988
ne (s’il y en a une) que cette période de menaces
de
guerre aura vu concevoir moins de livres, mais aussi moins d’enfants
1989
iode de menaces de guerre aura vu concevoir moins
de
livres, mais aussi moins d’enfants et moins d’amours profondes. La gu
1990
ra vu concevoir moins de livres, mais aussi moins
d’
enfants et moins d’amours profondes. La guerre ne tue pas seulement pe
1991
ns de livres, mais aussi moins d’enfants et moins
d’
amours profondes. La guerre ne tue pas seulement pendant qu’elle sévit
1992
l 1939 Pour peu que les circonstances m’empêchent
de
m’absorber dans l’œuvre en cours, c’est un esprit d’autocritique qui
1993
m’absorber dans l’œuvre en cours, c’est un esprit
d’
autocritique qui prend la place, en moi, de l’effort créateur. J’imagi
1994
esprit d’autocritique qui prend la place, en moi,
de
l’effort créateur. J’imagine un recueil de Contredits où je réfuterai
1995
n moi, de l’effort créateur. J’imagine un recueil
de
Contredits où je réfuterais mes précédents ouvrages… Penser avec le
1996
ins , par exemple : j’accusais la culture moderne
de
s’être « distinguée » abusivement du peuple, d’avoir ainsi perdu sa s
1997
e de s’être « distinguée » abusivement du peuple,
d’
avoir ainsi perdu sa sève active et livré les masses affamées au délir
1998
aujourd’hui qu’au contraire, la vraie conscience
de
la vie ne s’est maintenue que chez les écrivains savants qui, à force
1999
rd’hui qu’au contraire, la vraie conscience de la
vie
ne s’est maintenue que chez les écrivains savants qui, à force d’ascè
2000
tenue que chez les écrivains savants qui, à force
d’
ascèse intellectuelle et de raffinements affectifs, ont su capter le s
2001
s savants qui, à force d’ascèse intellectuelle et
de
raffinements affectifs, ont su capter le secret de notre existence ;
2002
e raffinements affectifs, ont su capter le secret
de
notre existence ; cependant que les masses, créées par des puissances
2003
qui ont trahi, mais plutôt les chrétiens indignes
de
leur nom : ils ont laissé trop de terrains en friche, que leur foi se
2004
étiens indignes de leur nom : ils ont laissé trop
de
terrains en friche, que leur foi seule pouvait ensemencer. Alors les
2005
er. Alors les dictateurs y lancent leurs machines
de
culture en série… De même, sous l’influence des événements récents (é
2006
siège proclamé par toute l’Europe), je suis tenté
de
prendre le contre-pied de mon Journal d’un intellectuel en chômage ,
2007
’Europe), je suis tenté de prendre le contre-pied
de
mon Journal d’un intellectuel en chômage , et d’insister désormais d
2008
s tenté de prendre le contre-pied de mon Journal
d’
un intellectuel en chômage , et d’insister désormais davantage sur les
2009
de mon Journal d’un intellectuel en chômage , et
d’
insister désormais davantage sur les valeurs d’opposition que sur cell
2010
et d’insister désormais davantage sur les valeurs
d’
opposition que sur celles de communauté. Car s’il n’est de communion v
2011
ntage sur les valeurs d’opposition que sur celles
de
communauté. Car s’il n’est de communion vraie que dans la Vérité elle
2012
tion que sur celles de communauté. Car s’il n’est
de
communion vraie que dans la Vérité elle-même, cette Vérité devient és
2013
térique aux yeux des masses. Déjà, dans la moitié
de
l’Europe, elle est des Catacombes, et non pas du Forum. On m’a loué d
2014
des Catacombes, et non pas du Forum. On m’a loué
de
« penser près de la vie ». Hélas ! je n’en suis que trop près, — et s
2015
pas du Forum. On m’a loué de « penser près de la
vie
». Hélas ! je n’en suis que trop près, — et surtout de la vie des aut
2016
Hélas ! je n’en suis que trop près, — et surtout
de
la vie des autres ! On voudrait parfois être riche, à seule fin de ma
2017
! je n’en suis que trop près, — et surtout de la
vie
des autres ! On voudrait parfois être riche, à seule fin de maintenir
2018
res ! On voudrait parfois être riche, à seule fin
de
maintenir certaines distances, — celles-là mêmes que, dans mon Journ
2019
à mêmes que, dans mon Journal , je me félicitais
d’
avoir vu s’abolir… 16 avril 1939 Question. Dans quelle mesure un écri
2020
mesure un écrivain a-t-il le droit, ou le devoir,
de
se montrer publiquement objectif vis-à-vis de ses propres ouvrages ?
2021
ra-t-il une efficacité plus pénétrante ? Problème
d’
une portée générale, dans un monde où s’installe, peu à peu, le régime
2022
dans un monde où s’installe, peu à peu, le régime
de
l’union sacrée et de la « discipline de l’opinion ». Dans quelle mesu
2023
stalle, peu à peu, le régime de l’union sacrée et
de
la « discipline de l’opinion ». Dans quelle mesure un citoyen a-t-il
2024
le régime de l’union sacrée et de la « discipline
de
l’opinion ». Dans quelle mesure un citoyen a-t-il le droit, ou le dev
2025
mesure un citoyen a-t-il le droit, ou le devoir,
de
se montrer publiquement objectif vis-à-vis de sa propre nation ? Le s
2026
objectif vis-à-vis de sa propre nation ? Le sort
de
la démocratie dépend de la solution qui sera donnée en fait à ce prob
2027
a propre nation ? Le sort de la démocratie dépend
de
la solution qui sera donnée en fait à ce problème, au cours des mois
2028
Une nuit blanche dans un train bondé. Une journée
de
reprise à Paris. Et ce soir, me voici [venu] assister à un débat, dan
2029
ans un cercle privé, sur la politique commerciale
de
la France. Tandis que des experts échangent leurs vues, je constate u
2030
: tout se transpose dans mon esprit en problèmes
de
langage. Il est sans cesse question d’achat et de vente, et je remarq
2031
problèmes de langage. Il est sans cesse question
d’
achat et de vente, et je remarque que l’acheteur et le vendeur sont né
2032
de langage. Il est sans cesse question d’achat et
de
vente, et je remarque que l’acheteur et le vendeur sont nécessairemen
2033
i-je noté ceci, qu’un des experts se met à parler
de
la « personnalité » d’un produit commercial et de son « prestige ». C
2034
es experts se met à parler de la « personnalité »
d’
un produit commercial et de son « prestige ». Curieuse dramatisation !
2035
de la « personnalité » d’un produit commercial et
de
son « prestige ». Curieuse dramatisation ! À mesure que les hommes pe
2036
n pleine cure morale, me dit-il, après quatre ans
de
fièvre. Mais je découvre qu’aujourd’hui, dans la vie politique ou int
2037
fièvre. Mais je découvre qu’aujourd’hui, dans la
vie
politique ou intellectuelle, plus personne n’est vraiment d’aplomb. N
2038
e ou intellectuelle, plus personne n’est vraiment
d’
aplomb. Nervosité, hystérie, fatigue excessive, ambitions délirantes,
2039
ter souvent sur ce point, — et me donne un éclair
d’
hésitation… 27 avril 1939 L’un me dit : — « Pourquoi vous inquiéter ?
2040
nquiéter ? Quand la guerre sera là, il sera temps
d’
y penser. » C’est qu’il ne croit pas à la guerre. Un second : « Commen
2041
rte pas, bien au contraire. Le premier devoir est
de
ne point se laisser surprendre. » C’est qu’il ne croit plus à la paix
2042
qu’il ne croit plus à la paix. Tous les deux ont
de
bonnes raisons. Car il est vrai que la guerre n’est pas fatale ; vrai
2043
matin ? 29 avril 1939 Comme il est des stratèges
de
Café du Commerce — généraux qui n’ont rien à commander —, il est des
2044
excité, le belliciste, et pire : l’homme dépourvu
de
tact, que disait-il : — La France aime tant la Paix qu’elle n’a pas h
2045
t dans le Paris du printemps 1939. M’absoudras-tu
de
n’avoir su prendre parti entre ces deux ardeurs montées jusqu’à la ha
2046
t avouer que cette menace leur rend enfin le goût
de
vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent de désir pour leurs biens qu’à la
2047
in le goût de vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent
de
désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Déshérités aussi
2048
prouvent de désir pour leurs biens qu’à la veille
de
les perdre. Déshérités aussi, qui ne retrouvent l’espoir qu’au seuil
2049
n connais qui ne parviennent à leur régime normal
de
vie (comme un moteur prend son régime à tant à l’heure) que dans le d
2050
onnais qui ne parviennent à leur régime normal de
vie
(comme un moteur prend son régime à tant à l’heure) que dans le drame
2051
nt des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin
d’
être provoqué pour montrer de quoi l’on est capable est si profond, pe
2052
s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montrer
de
quoi l’on est capable est si profond, peut-être si normal, que j’en v
2053
rivain. Il est admis que ces gens-là ont le droit
de
dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de l
2054
soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme
de
la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus cour
2055
t général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue
de
cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courageux ? Ma
2056
qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou
de
lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courageux ? Mais non. Ils so
2057
ont pas ceux qui la feront qui peuvent avoir peur
de
la guerre. Car avoir peur d’un accident, c’est entrevoir, imaginer se
2058
i peuvent avoir peur de la guerre. Car avoir peur
d’
un accident, c’est entrevoir, imaginer ses conséquences, et la guerre
2059
ses conséquences, et la guerre est la suppression
de
toute espèce de conséquences, la privation, d’ores et déjà, de tout a
2060
, et la guerre est la suppression de toute espèce
de
conséquences, la privation, d’ores et déjà, de tout avenir imaginable
2061
ce de conséquences, la privation, d’ores et déjà,
de
tout avenir imaginable, — pour ceux qui la feront à coup sûr… La guer
2062
in cynisme. Peut-être aussi une certaine modestie
de
l’individu, qui se voit concrètement réduit à sa juste et minime impo
2063
portance. Paris, 12 mai 1939 Quatrième changement
de
domicile depuis le début de cette année. « Étranger et voyageur sur l
2064
Quatrième changement de domicile depuis le début
de
cette année. « Étranger et voyageur sur la terre », ainsi pensais-je
2065
ainsi pensais-je d’autres fois, dans ces périodes
de
nomadisme involontaire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état d
2066
aire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état
de
mobilisation permanente, préventive… Militarisation de nos pensées, d
2067
bilisation permanente, préventive… Militarisation
de
nos pensées, de nos images ! Hier, dans l’autobus, une petite bourgeo
2068
nente, préventive… Militarisation de nos pensées,
de
nos images ! Hier, dans l’autobus, une petite bourgeoise assise devan
2069
se devant moi s’écrie, voyant s’abattre une pluie
d’
orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’ét
2070
ai 1939 La grande ville traversée dans la fatigue
d’
un soir pluvieux, Paris, souffrance des visages et des corps, exercice
2071
ance des visages et des corps, exercice perpétuel
de
charité dans une atmosphère exténuante, hâte, érotisme, énervement. P
2072
t la vérité n’apparaît que dans cet environnement
de
lueurs fuyantes, d’activités apparemment désordonnées, de phrases ent
2073
ît que dans cet environnement de lueurs fuyantes,
d’
activités apparemment désordonnées, de phrases entendues au passage, d
2074
s fuyantes, d’activités apparemment désordonnées,
de
phrases entendues au passage, d’infinis croisements d’existences étra
2075
nt désordonnées, de phrases entendues au passage,
d’
infinis croisements d’existences étrangères. Paris propose une liberté
2076
rases entendues au passage, d’infinis croisements
d’
existences étrangères. Paris propose une liberté et un danger, une rév
2077
e une liberté et un danger, une révélation totale
de
l’humain dans tous ses risques matériels et spirituels, impossibles a
2078
ues matériels et spirituels, impossibles ailleurs
de
nos jours, et, peut-être, à toute autre époque. Imaginer là-dessus un
2079
ait avoué, horreur et charme, à travers la vision
d’
un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les mé
2080
me, à travers la vision d’un saint qui vivrait sa
vie
consacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de
2081
s rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant
de
cette église ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien de ce t
2082
ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien
de
ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans un sil
2083
r, où la Sainte-Cène est partagée dans un silence
de
catacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la foule et trave
2084
eillent sur son passage, il n’y a plus nulle part
d’
indifférence possible ! Ici, le Christ reste le Scandale, l’Autre, l’A
2085
l’être touchant, bizarre et pitoyable que chacun
de
nous dissimule. Alors on verrait le réel, alors on cesserait de haïr,
2086
ule. Alors on verrait le réel, alors on cesserait
de
haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui g
2087
n verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou
d’
être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au t
2088
cesserait de haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou
de
s’inquiéter des rumeurs qui glissent au travers de propos superficiel
2089
rficiellement passionnés… Et l’on cesserait aussi
de
redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là où chacun
2090
était fait montrer les fameuses photos en couleur
d’
écrivains français et étrangers — et José Ortega y Gasset. Il y a troi
2091
étions ensemble à Orléans, pour la représentation
de
la Jeanne d’Arc de Claudel et Honegger. Entre-temps, V. O. a tenu le
2092
l hôte du Jardin des Plantes, et du dernier livre
de
Huizinga, qui nous parvint hier de Hollande. Nous échangeons des nouv
2093
dernier livre de Huizinga, qui nous parvint hier
de
Hollande. Nous échangeons des nouvelles de nos amis communs d’Argenti
2094
t hier de Hollande. Nous échangeons des nouvelles
de
nos amis communs d’Argentine, d’Angleterre, d’Autriche, de Roumanie :
2095
Nous échangeons des nouvelles de nos amis communs
d’
Argentine, d’Angleterre, d’Autriche, de Roumanie : la plupart vont ven
2096
ns des nouvelles de nos amis communs d’Argentine,
d’
Angleterre, d’Autriche, de Roumanie : la plupart vont venir à Paris ou
2097
es de nos amis communs d’Argentine, d’Angleterre,
d’
Autriche, de Roumanie : la plupart vont venir à Paris ou s’y trouvent
2098
is communs d’Argentine, d’Angleterre, d’Autriche,
de
Roumanie : la plupart vont venir à Paris ou s’y trouvent déjà. Impres
2099
’y trouvent déjà. Impression soudaine, émouvante,
d’
une société secrète que rassemble l’appréhension des catastrophes proc
2100
réhension des catastrophes prochaines et le désir
d’
un ultime colloque avant que ne se ferment les frontières, avant la so
2101
les frontières, avant la solitude, avant la nuit
de
l’esprit. 24 mai 1939 Avant-hier, nous trouvâmes en rentrant une prod
2102
nous trouvâmes en rentrant une prodigieuse gerbe
de
roses rouges que V. O. envoyait à ma femme. Plantée au milieu du stud
2103
me. Plantée au milieu du studio, dans un gros pot
de
grès, elle règne comme la Beauté même, comme la Passion despotique et
2104
intemps dans notre souvenir, le dernier printemps
de
la paix… 5 juin 1939 L’origine de toutes nos haines, l’origine de tou
2105
rnier printemps de la paix… 5 juin 1939 L’origine
de
toutes nos haines, l’origine de toute amertume, c’est un bien que nou
2106
in 1939 L’origine de toutes nos haines, l’origine
de
toute amertume, c’est un bien que nous n’avons plus, c’est un amour p
2107
éder. Nos haines… Pourquoi la haine, par exemple,
de
tel régime qui nous menace depuis des mois ? Serait-ce à cause de la
2108
l n’y avait que du mal en lui, nous n’aurions pas
de
haine ni d’amertume : on ne hait pas les catastrophes, les incendies
2109
que du mal en lui, nous n’aurions pas de haine ni
d’
amertume : on ne hait pas les catastrophes, les incendies et les tremb
2110
s catastrophes, les incendies et les tremblements
de
terre. Notre amertume et notre indignation devant le phénomène totali
2111
ignation devant le phénomène totalitaire naissent
d’
un désir secret, d’une tentation, d’une espèce de dépit amoureux de la
2112
phénomène totalitaire naissent d’un désir secret,
d’
une tentation, d’une espèce de dépit amoureux de la révolution manquée
2113
aire naissent d’un désir secret, d’une tentation,
d’
une espèce de dépit amoureux de la révolution manquée par nous, mais s
2114
d’un désir secret, d’une tentation, d’une espèce
de
dépit amoureux de la révolution manquée par nous, mais séduite et vio
2115
, d’une tentation, d’une espèce de dépit amoureux
de
la révolution manquée par nous, mais séduite et violée par le voisin
2116
par nous, mais séduite et violée par le voisin ;
d’
une nostalgie de cette communauté qu’ils disent avoir réinventée, dont
2117
séduite et violée par le voisin ; d’une nostalgie
de
cette communauté qu’ils disent avoir réinventée, dont nous ne sommes
2118
entons bien qu’ils nous excluent dans l’intention
d’
en abuser. Ainsi l’Europe, en d’autres temps, avait haï les sans-culot
2119
désordonnée, incapable — du moins le croyait-on —
d’
affronter les armées régulières. 7 juin 1939 Ce restaurant où j’achève
2120
régulières. 7 juin 1939 Ce restaurant où j’achève
de
déjeuner — rive droite — est le type même du restaurant « moderne » c
2121
rant « moderne » conçu par le délire matérialiste
de
l’après-guerre. Tout y est laid, désaccordé, géométrique, douloureux
2122
bleuâtre qui sera, n’en doutons pas, l’éclairage
de
l’enfer… Les clients : demi-luxe et demi-monde. Des femmes qui ont vo
2123
ui ont voulu ressembler aux trois ou quatre types
de
stars en vogue. Nanties de chiens qui sentent eux-mêmes le patchouli
2124
trois ou quatre types de stars en vogue. Nanties
de
chiens qui sentent eux-mêmes le patchouli et qu’elles disposent sur l
2125
patchouli et qu’elles disposent sur la banquette
de
velours grenat à côté du représentant calamistré d’une marque d’auto.
2126
velours grenat à côté du représentant calamistré
d’
une marque d’auto. Et ces rires, ces éclats de voix ! Mais il y a depu
2127
at à côté du représentant calamistré d’une marque
d’
auto. Et ces rires, ces éclats de voix ! Mais il y a depuis un moment
2128
tré d’une marque d’auto. Et ces rires, ces éclats
de
voix ! Mais il y a depuis un moment une musique de radio on ne sait d
2129
e voix ! Mais il y a depuis un moment une musique
de
radio on ne sait d’où venue, dominant tout. Des trompettes solennelle
2130
depuis un moment une musique de radio on ne sait
d’
où venue, dominant tout. Des trompettes solennelles au début, et maint
2131
début, et maintenant, planante et pure, une voix
de
femme se détache… Tout d’un coup, cette ivresse ailée, tout d’un coup
2132
nante et pure, une voix de femme se détache… Tout
d’
un coup, cette ivresse ailée, tout d’un coup cette confiance envahissa
2133
étache… Tout d’un coup, cette ivresse ailée, tout
d’
un coup cette confiance envahissante dans le salut du monde malgré tou
2134
onde malgré tout, cette beauté sensible au-dessus
de
toutes choses, à l’intérieur bientôt de toutes choses, oui, seules le
2135
au-dessus de toutes choses, à l’intérieur bientôt
de
toutes choses, oui, seules les apparences étaient vulgaires ! Au-dess
2136
ules les apparences étaient vulgaires ! Au-dessus
d’
elles, à l’intérieur aussi, se fait entendre maintenant le chant profo
2137
u, la respiration bienheureuse des anges gardiens
de
ce temps, dans l’enthousiasme, déchirant les voiles, du salut qui nou
2138
s ! 9 juin 1939 « Notre Führer fait une politique
d’
artiste ! », a proclamé M. Goebbels. Voilà qui définit l’idée de l’Art
2139
a proclamé M. Goebbels. Voilà qui définit l’idée
de
l’Art que peut concevoir un petit-bourgeois allemand. L’hitlérisme, c
2140
é. La lumière mûrit là-haut, sur le clocher roman
de
cette église mystérieusement demeurée, malgré la ville environnante,
2141
du temps, pour vingt-quatre heures, une plénitude
de
l’attente. D’ici là, plus rien ne comptera que par rapport à ce plais
2142
petits retards où s’alimente le désir. Les délais
de
ce genre nous sont-ils mesurés par la qualité de notre espoir ? Mais
2143
de ce genre nous sont-ils mesurés par la qualité
de
notre espoir ? Mais quel espoir, alors, pourrait rythmer toute la dur
2144
el espoir, alors, pourrait rythmer toute la durée
de
notre vie, jusqu’à la mort, — sinon l’espoir d’un rendez-vous au-delà
2145
, alors, pourrait rythmer toute la durée de notre
vie
, jusqu’à la mort, — sinon l’espoir d’un rendez-vous au-delà du monde,
2146
e de notre vie, jusqu’à la mort, — sinon l’espoir
d’
un rendez-vous au-delà du monde, et l’entretien de son attente ardente
2147
d’un rendez-vous au-delà du monde, et l’entretien
de
son attente ardente ? Si j’y croyais vraiment, sans cesse, je serais
2148
ux sans cesse et en tout lieu ! Si tout dépendait
d’
un avenir assez lointain et assez glorieux pour disqualifier nos souci
2149
ous apporte — c’est probable — un nouveau serpent
de
mer des dictateurs, je mets ici un point final à ce journal de petite
2150
ctateurs, je mets ici un point final à ce journal
de
petite attente. Il faut juger notre vie par sa Fin, pour mesurer l’im
2151
ce journal de petite attente. Il faut juger notre
vie
par sa Fin, pour mesurer l’importance relative des événements qui nou
2152
gros yeux. Joie du temps retrouvé, dans l’instant
d’
un espoir qui fut pour moi la parabole salutaire ! Substance présente
2153
ement qui nous délivrera ? Eh quoi ! suffisait-il
d’
y penser ? Non, mais il suffira d’y croire. Il est dit : si tu crois,
2154
! suffisait-il d’y penser ? Non, mais il suffira
d’
y croire. Il est dit : si tu crois, tu vivras. ai. Rougemont Denis
2155
: si tu crois, tu vivras. ai. Rougemont Denis
de
, « D’un journal d’attente (pages démodées) », Formes et Couleurs, Lau
2156
tu crois, tu vivras. ai. Rougemont Denis de, «
D’
un journal d’attente (pages démodées) », Formes et Couleurs, Lausanne,
2157
vivras. ai. Rougemont Denis de, « D’un journal
d’
attente (pages démodées) », Formes et Couleurs, Lausanne, avril 1940,
2158
es faits dans le monde, mais seulement sur l’état
de
leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’il nous faut à l’heure que nous vivo
2159
vivons, ce sont des pessimistes réfléchis maîtres
d’
eux-mêmes, et objectifs. Je dirai plus : ce qu’il nous faut, ce sont d
2160
ent à la maxime du Taciturne : « Pas n’est besoin
d’
espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Or cette e
2161
Pas n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni
de
réussir pour persévérer. » Or cette espèce est rare en Suisse, comme
2162
ù l’ère bourgeoise, ère du « confort moderne » et
de
l’absence d’imagination, prolonge encore une existence brutalement co
2163
eoise, ère du « confort moderne » et de l’absence
d’
imagination, prolonge encore une existence brutalement condamnée par c
2164
ns lequel nous étions installés nous mettait hors
d’
état d’imaginer à la fois le sublime et le pire. « Trop beau pour être
2165
el nous étions installés nous mettait hors d’état
d’
imaginer à la fois le sublime et le pire. « Trop beau pour être vrai »
2166
le pire. « Trop beau pour être vrai », c’était un
de
nos proverbes. Et lorsqu’on nous avertissait de certains dangers form
2167
n de nos proverbes. Et lorsqu’on nous avertissait
de
certains dangers formidables qui menaçaient l’existence même de l’hér
2168
ngers formidables qui menaçaient l’existence même
de
l’héritage européen, nous répondions : « C’est trop affreux pour être
2169
vrai. » À certain document que je ne puis nommer,
d’
une atterrante précision, nous opposions le scepticisme de qui ne s’en
2170
terrante précision, nous opposions le scepticisme
de
qui ne s’en laisse pas conter, et connaît toutes les ruses de toutes
2171
en laisse pas conter, et connaît toutes les ruses
de
toutes les propagandes. Nous nous prétendions « réalistes ». Nous éti
2172
« réalistes ». Nous étions simplement incapables
d’
imaginer quelque chose d’excessif par rapport à nos sécurités. Cette i
2173
ns simplement incapables d’imaginer quelque chose
d’
excessif par rapport à nos sécurités. Cette inconscience, j’en dirai l
2174
rachute pour jouer l’ange protecteur. À l’origine
de
notre aveuglement, il y a notre incrédulité. Si Dieu existait, pleuro
2175
Si nous avions su croire en lui pendant le temps
de
sa patience, nous aurions eu « des yeux pour voir », et pour connaîtr
2176
et pour connaître les démons. Voici venu le temps
de
la colère, le temps des plaies d’Égypte, où les cœurs s’endurcissent.
2177
i venu le temps de la colère, le temps des plaies
d’
Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Voici venue l’heure sévère. Ouvro
2178
re. Ouvrons les yeux et apprenons ce qu’il en est
de
notre châtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix d’un siècle
2179
âtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix
d’
un siècle d’abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle
2180
’Europe est en train de payer le prix d’un siècle
d’
abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fit la sourd
2181
t irritante, n’est-ce pas, aux yeux de qui refuse
d’
envisager la vie comme une totalité orientée par l’esprit. L’esprit pr
2182
est-ce pas, aux yeux de qui refuse d’envisager la
vie
comme une totalité orientée par l’esprit. L’esprit prévoit le mal et
2183
’aviation n’a nullement transformé les conditions
de
notre bonheur, mais bien celles de notre malheur. Mais l’optimisme du
2184
les conditions de notre bonheur, mais bien celles
de
notre malheur. Mais l’optimisme du matérialiste modéré ne veut prévoi
2185
matérialiste modéré ne veut prévoir que le profit
d’
argent et l’augmentation du confort. Il refuse de se demander à quoi s
2186
d’argent et l’augmentation du confort. Il refuse
de
se demander à quoi servira cet argent ou si le confort matériel favor
2187
atériel favorise un bien spirituel. À la première
de
ces questions, il n’oserait pas répondre en toute franchise ; et à la
2188
pressent bien qu’on ne pourrait que répondre non.
D’
où sa myopie et son imprévision systématique des maux prochains. J’écr
2189
maux prochains. J’écris ceci pendant la bataille
de
France. Est-il trop tard pour répéter ces vérités élémentaires, que l
2190
aires, que le sérieux des gouvernants, des hommes
d’
affaires, des penseurs officiels et des bourgeois moyens, a refusé pen
2191
t des bourgeois moyens, a refusé pendant cent ans
d’
envisager ? Pourtant, les plus grands hommes du dernier siècle furent
2192
aintenant nous surprend. Nous avons eu bien assez
de
prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que les avertissements
2193
ien assez de prophètes. Nous n’avons pas le droit
de
gémir que les avertissements nous ont manqué. Le dossier de ces avert
2194
ue les avertissements nous ont manqué. Le dossier
de
ces avertissements est écrasant pour la conscience européenne : vous
2195
uropéenne : vous y trouverez les plus grands noms
de
la pensée, qui furent aussi les plus cyniquement méconnus. Vous y tro
2196
pposés, unanimes dans la critique du « réalisme »
de
leur temps, et dans la prédiction des maux à venir — ceux qui fondent
2197
nir — ceux qui fondent sur nous aujourd’hui. Quoi
de
commun entre un Burckhardt, un Kierkegaard, un Vinet ou un Nietzsche
2198
persiste à ne prendre au sérieux que les valeurs
de
bourse et la « prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne de la m
2199
« prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne
de
la masse comme celui des lâchetés individuelles additionnées, créant
2200
monde moderne est en train d’adopter « une morale
de
commerçants », et qu’il sera vaincu par des ascètes féroces. Vinet pr
2201
pirituel ne les oriente, aboutiront au despotisme
de
l’État. Et contre tout l’« économisme » de son temps, il ose écrire :
2202
otisme de l’État. Et contre tout l’« économisme »
de
son temps, il ose écrire : « Si quelque chose aujourd’hui menace la l
2203
du côté de la tyrannie. » Et qu’il suffise enfin
d’
une allusion aux prophéties célèbres de Burckhardt sur les « terribles
2204
fise enfin d’une allusion aux prophéties célèbres
de
Burckhardt sur les « terribles simplificateurs », qui viendront impos
2205
mplificateurs », qui viendront imposer à l’Europe
d’
impitoyables dictatures militaires au nom de la liberté et du bonheur
2206
liberté et du bonheur des masses. Cette unanimité
d’
esprits partout ailleurs irréductiblement divers, je répète qu’elle es
2207
xcuses. Nous avons été avertis. Nous avons refusé
d’
écouter. Et maintenant il faut payer. Non point parce que l’injustice
2208
n châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole
de
la prospérité, et l’idole du confort, et l’idole du progrès — ce prog
2209
s’arrangera. » Or aujourd’hui pour « sauver » nos
vies
mêmes, nous voilà condamnés, de la manière la plus tragi-comique, à s
2210
« sauver » nos vies mêmes, nous voilà condamnés,
de
la manière la plus tragi-comique, à sacrifier notre prospérité, notre
2211
confort et nos progrès aux nécessités impérieuses
de
la défense nationale. Pour avoir refusé les sacrifices qu’eût entraîn
2212
ce soit notre confort, notre profit, nos égoïsmes
de
nations, nous voici contraints brutalement à des sacrifices mille foi
2213
lent parfaitement « possibles ». Dès qu’il s’agit
de
sauver notre peau, dès qu’il s’agit de défense nationale, nous accept
2214
’il s’agit de sauver notre peau, dès qu’il s’agit
de
défense nationale, nous acceptons des mesures qui, hier encore, passa
2215
ables et impraticables aux yeux des « réalistes »
de
l’économie : prélèvement sur le capital ou caisse de compensation, —
2216
l’économie : prélèvement sur le capital ou caisse
de
compensation, — et je ne prends là que de petits exemples7… Nous avon
2217
caisse de compensation, — et je ne prends là que
de
petits exemples7… Nous avons critiqué sans merci comme des « utopies
2218
pas seulement en Suisse, mais dans tous les pays
de
l’Europe ; non seulement sur le plan social, mais sur le plan des rel
2219
ur le plan social, mais sur le plan des relations
de
peuple à peuple. Tout ce que nous jugions impossible quand il s’agiss
2220
bien si la peur et la guerre sont seules capables
d’
obtenir de nous un dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’
2221
peur et la guerre sont seules capables d’obtenir
de
nous un dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’amour, pou
2222
seules capables d’obtenir de nous un dépassement
de
nos égoïsmes que nous refusions à l’amour, pourquoi donc voulez-vous
2223
portunes, à l’heure où nous cherchons des raisons
d’
espérer. Mais nul espoir n’est plus possible, sachons-le, si nous refu
2224
e, sachons-le, si nous refusons maintenant encore
d’
envisager les causes du désastre. Envisager, c’est regarder en plein v
2225
et le dernier possible — quelle que soit l’issue
de
la guerre — dépend de notre capacité d’accepter des vérités dures. Ca
2226
e — quelle que soit l’issue de la guerre — dépend
de
notre capacité d’accepter des vérités dures. Car tout le mal est venu
2227
t l’issue de la guerre — dépend de notre capacité
d’
accepter des vérités dures. Car tout le mal est venu de les avoir refu
2228
aginer le mal parce qu’ils croyaient au bien fait
de
main d’homme. Mea culpa des militaristes, qui n’ont pas su imaginer u
2229
e mal parce qu’ils croyaient au bien fait de main
d’
homme. Mea culpa des militaristes, qui n’ont pas su imaginer un autre
2230
ner un autre bien que la défense toute matérielle
d’
un ordre de choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui
2231
e bien que la défense toute matérielle d’un ordre
de
choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui tue ce qu’e
2232
qui tue ce qu’elle conquiert. Mea culpa des gens
de
droite, qui croyaient pouvoir conserver des privilèges hérités, tout
2233
détrousser au bout du compte. Mea culpa des gens
de
gauche, dont le programme de bonheur obligatoire était le même — avec
2234
. Mea culpa des gens de gauche, dont le programme
de
bonheur obligatoire était le même — avec moins de franchise — que cel
2235
de bonheur obligatoire était le même — avec moins
de
franchise — que celui de l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaie
2236
ait le même — avec moins de franchise — que celui
de
l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaient les masses. Mea culpa
2237
des Suisses, qui voulaient profiter des avantages
de
la folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui de devoir payer leu
2238
la folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui
de
devoir payer leur part minime dans la banqueroute européenne. Mea cul
2239
, mais qui se tinrent apparemment pour satisfaits
de
leur succès de librairie : mea culpa. Mais quelles fautes avaient don
2240
inrent apparemment pour satisfaits de leur succès
de
librairie : mea culpa. Mais quelles fautes avaient donc commises ces
2241
quelles fautes avaient donc commises ces millions
de
femmes et d’enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avons
2242
s avaient donc commises ces millions de femmes et
d’
enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avons plus qu’un se
2243
ns de femmes et d’enfants en fuite sur les routes
de
France ? Nous n’avons plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issu
2244
plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issue
de
la guerre : obtenir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce de
2245
ir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce
de
concordat qui nous laisserait la possibilité de rebâtir. Mais on n’ac
2246
e de concordat qui nous laisserait la possibilité
de
rebâtir. Mais on n’accorde un concordat qu’à celui qui se déclare en
2247
Suisses ont quelque chose à faire, quelque chose
de
précis, que je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart de la gue
2248
e je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart
de
la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai
2249
tre y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai
de
grâce dont je parlais aux Hollandais, en novembre de l’an dernier — e
2250
grâce dont je parlais aux Hollandais, en novembre
de
l’an dernier — et c’est fini — dont je parlais aux Suisses en janvier
2251
est fini — dont je parlais aux Suisses en janvier
de
cette année — et cela fait déjà cinq mois passés8. Ce délai nous perm
2252
fait déjà cinq mois passés8. Ce délai nous permet
de
comprendre, d’avouer nos fautes et celles de notre monde, de dire la
2253
mois passés8. Ce délai nous permet de comprendre,
d’
avouer nos fautes et celles de notre monde, de dire la vérité que les
2254
rmet de comprendre, d’avouer nos fautes et celles
de
notre monde, de dire la vérité que les peuples en guerre n’ont plus l
2255
re, d’avouer nos fautes et celles de notre monde,
de
dire la vérité que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir de rec
2256
é que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir
de
reconnaître, dans le fracas des chars, sous les bombardements, quand
2257
l’homme sort toujours retrempé. Avouer les fautes
de
ceux qu’on aime et dont on attend la victoire comme la permission de
2258
et dont on attend la victoire comme la permission
de
revivre, c’est une épreuve encore, on ose à peine le dire, une épreuv
2259
si nous en triomphons, elle nous donnera la force
de
préparer l’avenir. Il est dur de reconnaître ces fautes, parce que no
2260
donnera la force de préparer l’avenir. Il est dur
de
reconnaître ces fautes, parce que nous en sommes les complices, et qu
2261
lices, et que nous aimons les fautifs. Il est dur
de
les avouer, parce que les fautes contraires des autres, en face, nous
2262
tout de même, ou à cause de cela même. Il est dur
de
reconnaître que ce châtiment, qui nous atteint aussi, est mérité ; et
2263
s qui auront su répudier les illusions flatteuses
de
l’ère bourgeoise. Car ceux-là seuls sauront alors ce qui mérite d’êtr
2264
se. Car ceux-là seuls sauront alors ce qui mérite
d’
être sauvé ou recréé. Non pas le droit et la justice dont se réclamaie
2265
ocraties ont la victoire. Non pas le bonheur fait
de
laisser-aller et d’insouciance du prochain, car nous le payons mainte
2266
oire. Non pas le bonheur fait de laisser-aller et
d’
insouciance du prochain, car nous le payons maintenant, une fois pour
2267
lités, est pulvérisé par les bombes. Au plus fort
de
la persécution entreprise par Julien l’Apostat contre la chrétienté n
2268
est un petit nuage, il passera. Ce n’était pas là
de
l’optimisme. Athanase prévoyait qu’avec le « petit nuage » passeraien
2269
petit nuage » passeraient aussi, probablement, sa
vie
et celle de tant de frères. Mais au-delà de l’optimisme humain toujou
2270
passeraient aussi, probablement, sa vie et celle
de
tant de frères. Mais au-delà de l’optimisme humain toujours bafoué, a
2271
, sa vie et celle de tant de frères. Mais au-delà
de
l’optimisme humain toujours bafoué, au-delà du pessimisme lâche, il y
2272
la foi dans l’éternel, y a l’amour et l’espérance
de
l’éternel. À quoi se raccrocher, que faire encore ? Quelle était l’as
2273
cher, que faire encore ? Quelle était l’assurance
d’
éternité qui permettait à Athanase de dire : c’est un petit nuage, il
2274
l’assurance d’éternité qui permettait à Athanase
de
dire : c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur de cette heure
2275
: c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur
de
cette heure sévère, c’est que par la force des choses, par la brutali
2276
ainte ». Quoi qu’il arrive. 7. Le budget annuel
de
la « défense spirituelle » de la Suisse représente à peu près le prix
2277
7. Le budget annuel de la « défense spirituelle »
de
la Suisse représente à peu près le prix de deux chars d’assaut. On tr
2278
elle » de la Suisse représente à peu près le prix
de
deux chars d’assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, mais si j
2279
uisse représente à peu près le prix de deux chars
d’
assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, mais si je demande qu’o
2280
près le prix de deux chars d’assaut. On trouvera
de
l’argent pour 40 chars, mais si je demande qu’on double un budget cul
2281
le pays. 8. Voir mon livre Mission ou démission
de
la Suisse (« La bataille de la culture. ») 9. Comme le fait Paul Re
2282
Mission ou démission de la Suisse (« La bataille
de
la culture. ») 9. Comme le fait Paul Reynaud devant le Sénat à l’ins
2283
l’instant où j’écris ceci. aj. Rougemont Denis
de
, « L’heure sévère », Neue Schweizer Rundschau, Zurich, juin 1940, p.
2284
Au peuple suisse ! (22 juillet 1940)ak Au cœur
de
la révolution européenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a
2285
, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a pas
d’
autre garantie humaine que son armée, pas d’autre allié que son terrai
2286
a pas d’autre garantie humaine que son armée, pas
d’
autre allié que son terrain, pas d’autre espoir que son travail. Cette
2287
son armée, pas d’autre allié que son terrain, pas
d’
autre espoir que son travail. Cette situation n’est pas nouvelle dans
2288
pas nouvelle dans notre histoire. Elle fut celle
de
nos grandes victoires et de nos grands renouvellements. Nous savons à
2289
toire. Elle fut celle de nos grandes victoires et
de
nos grands renouvellements. Nous savons à quelles conditions nos ancê
2290
cêtres ont pu surmonter les crises qui menaçaient
d’
emporter leur État : d’une part en déclarant leur volonté de se défend
2291
leur État : d’une part en déclarant leur volonté
de
se défendre par les armes, d’autre part en se montrant capables de cr
2292
r les armes, d’autre part en se montrant capables
de
créer, eux aussi, un ordre neuf, à leur manière et selon leur foi chr
2293
saisir notre chance ! Les événements se chargent
de
nous ouvrir les yeux. Depuis quelques semaines, bien des préjugés tom
2294
tombent. Nous avons découvert l’urgente nécessité
de
nous unir au-delà des partis, au-delà d’une gauche et d’une droite pé
2295
écessité de nous unir au-delà des partis, au-delà
d’
une gauche et d’une droite périmées, au-delà du vieux conflit du capit
2296
unir au-delà des partis, au-delà d’une gauche et
d’
une droite périmées, au-delà du vieux conflit du capital et du travail
2297
promesses faciles. Ils veulent une méthode neuve
d’
action et de pensée, une solidarité pratique. Et ils attendent des hom
2298
aciles. Ils veulent une méthode neuve d’action et
de
pensée, une solidarité pratique. Et ils attendent des hommes nouveaux
2299
s nous sommes donc groupés pour travailler. Venus
de
tous les points de l’horizon politique, fidèles à nos amitiés, mais d
2300
groupés pour travailler. Venus de tous les points
de
l’horizon politique, fidèles à nos amitiés, mais décidés à faire conv
2301
fondons la Ligue du Gothard Bastion naturel
de
la Suisse, cœur de l’Europe et limite des races, le Gothard est le gr
2302
du Gothard Bastion naturel de la Suisse, cœur
de
l’Europe et limite des races, le Gothard est le grand symbole autour
2303
querelles partisanes, que tous ceux qui viennent
d’
être démobilisés et qui sont prêts à faire du neuf, que tous les aînés
2304
un grand effort commun. Mais il nous rendra fiers
d’
être hommes, et d’être Suisses. Ligue du Gothard Schauplatzgasse 2
2305
mmun. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et
d’
être Suisses. Ligue du Gothard Schauplatzgasse 23, Berne. Dans q
2306
ques jours, nous publierons nos principes et buts
d’
action, les noms des membres du comité, ainsi qu’un grand nombre de si
2307
s des membres du comité, ainsi qu’un grand nombre
de
signatures de personnalités appartenant aux milieux les plus divers,
2308
du comité, ainsi qu’un grand nombre de signatures
de
personnalités appartenant aux milieux les plus divers, et qui nous on
2309
ous ont promis leur appui. ak. Rougemont Denis
de
, « Au peuple suisse ! », Tribune de Lausanne, Lausanne, 22 juillet 19
2310
ugemont Denis de, « Au peuple suisse ! », Tribune
de
Lausanne, Lausanne, 22 juillet 1940, p. 5.
2311
Autocritique
de
la Suisse (août 1940)am an Nul pays, à ma connaissance, n’a été pl
2312
ire, et suppose donc la connaissance très vivante
d’
une autre espèce d’union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masse
2313
c la connaissance très vivante d’une autre espèce
d’
union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses et l’à peu près i
2314
ntellectuel s’opposent sans cesse à cette reprise
de
conscience. D’où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on n
2315
pposent sans cesse à cette reprise de conscience.
D’
où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déch
2316
à cette reprise de conscience. D’où la nécessité
d’
une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déchoir ou se laisser
2317
e qui suppose l’équilibre vivant entre les droits
de
chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde de nom
2318
et ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde
de
nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’autre programme que la défe
2319
bsurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a
d’
autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centre. C
2320
es cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité
de
l’union centrale auraient peut-être plus de droits à revendiquer le n
2321
ssité de l’union centrale auraient peut-être plus
de
droits à revendiquer le nom de fédéralistes, dans son sens étymologiq
2322
ent peut-être plus de droits à revendiquer le nom
de
fédéralistes, dans son sens étymologique. (fœdus = traité, serment, u
2323
régionalistes, nomment « fédéral » ce qui procède
de
Berne. Il en résulte que leur fédéralisme se résume à combattre tout
2324
qui pourra ! Cette confusion verbale, symbolique
de
tant d’autres, est à la base de la plupart de nos conflits politiques
2325
rbale, symbolique de tant d’autres, est à la base
de
la plupart de nos conflits politiques, économiques, parlementaires. 2
2326
e le fédéralisme véritable ne commence qu’au-delà
de
leur opposition. Ils se font un programme de ce qui ne saurait être q
2327
delà de leur opposition. Ils se font un programme
de
ce qui ne saurait être que la maladie individualiste ou la maladie co
2328
aladie individualiste ou la maladie collectiviste
de
notre État. À quand le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni
2329
die collectiviste de notre État. À quand le parti
de
la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni de droite. Car sous
2330
le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni
de
gauche ni de droite. Car sous l’opposition, indéfendable en théorie,
2331
la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni
de
droite. Car sous l’opposition, indéfendable en théorie, des centralis
2332
totalitaires timorés, c’est-à-dire quelque chose
d’
absolument inviable s’ils en restent là, ou de radicalement antisuisse
2333
ose d’absolument inviable s’ils en restent là, ou
de
radicalement antisuisse s’ils progressent. Les « libéraux » et les co
2334
tant que je ne les aurai pas vu refuser l’argent
de
l’État, je ne pourrai pas prendre au sérieux leurs convictions « fédé
2335
l’opposition gauche-droite est étrangère au génie
de
la Suisse. Son origine parlementaire le prouve : rien de moins suisse
2336
uisse. Son origine parlementaire le prouve : rien
de
moins suisse que notre Parlement, importé d’Amérique à une époque réc
2337
rien de moins suisse que notre Parlement, importé
d’
Amérique à une époque récente, et plus ou moins contaminé par les mœur
2338
par les mœurs politiques françaises. L’idée même
de
parti, d’ailleurs, est antisuisse, dans ce sens qu’elle est antifédér
2339
restreint, représentant une région, ou un groupe
d’
activités apparentées, ou une tendance religieuse, ou des intérêts cor
2340
igieuse, ou des intérêts corporatifs. Sur la base
de
programmes restreints, bien définis, l’on peut discuter entre experts
2341
ler, tout juger et tout absorber. Il serait temps
de
se remettre à la Diète ! 3. Suite du précédent. — Comment peut-on se
2342
du précédent. — Comment peut-on se dire encore «
de
droite » ou « de gauche » au lendemain de la guerre d’Espagne et du P
2343
Comment peut-on se dire encore « de droite » ou «
de
gauche » au lendemain de la guerre d’Espagne et du Pacte germano-russ
2344
ncore « de droite » ou « de gauche » au lendemain
de
la guerre d’Espagne et du Pacte germano-russe ? Les Espagnols se sont
2345
oite » ou « de gauche » au lendemain de la guerre
d’
Espagne et du Pacte germano-russe ? Les Espagnols se sont entretués pe
2346
érité et en tout héroïsme, au nom d’une droite et
d’
une gauche extrémistes qui, dès « l’affaire » liquidée, ont démasqué l
2347
partis continuent, nos arguments ne changent pas
d’
un demi-ton, nos philofascistes continuent à reprocher à nos socialist
2348
ialistes un étatisme qui, en réalité, fait partie
de
tout programme fasciste ; nos marxistes continuent à se croire libert
2349
libertaires, etc. Seuls nos staliniens ont cessé
de
dénoncer les hitlériens, mais c’est pour dénoncer les antihitlériens,
2350
alistes internationaux ».) Nos descendants diront
de
notre siècle qu’il fut celui des gogos enragés. 4. Paresse d’esprit.
2351
cle qu’il fut celui des gogos enragés. 4. Paresse
d’
esprit. — Je parle ici par expérience : rien n’oblige un bureau de Ber
2352
arle ici par expérience : rien n’oblige un bureau
de
Berne à faire du centralisme à coups de décrets rigides ; rien ne l’e
2353
un bureau de Berne à faire du centralisme à coups
de
décrets rigides ; rien ne l’empêche de respecter nos précieuses diver
2354
me à coups de décrets rigides ; rien ne l’empêche
de
respecter nos précieuses diversités, et de se mettre à leur service,
2355
mpêche de respecter nos précieuses diversités, et
de
se mettre à leur service, comme il se doit. Prévoir des exceptions, t
2356
x font tout le contraire, cela tient à la paresse
d’
esprit des messieurs qui en occupent les fauteuils. Les organismes cen
2357
lons des fonctionnaires frais et dispos, capables
d’
imagination, détestant les complications administratives mais aimant l
2358
rlent sera faite. Mais autrement, elle ne servira
de
rien. 5. Notre matérialisme. — Le pire danger qui nous menace : nous
2359
renversé l’échelle des valeurs. Le cadre matériel
de
notre vie est parfait, mais il n’encadrera bientôt plus aucune vie di
2360
l’échelle des valeurs. Le cadre matériel de notre
vie
est parfait, mais il n’encadrera bientôt plus aucune vie digne de ce
2361
parfait, mais il n’encadrera bientôt plus aucune
vie
digne de ce nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget d’une œuv
2362
mais il n’encadrera bientôt plus aucune vie digne
de
ce nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget d’une œuvre destin
2363
e nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget
d’
une œuvre destinée à soutenir telle branche de l’activité intellectuel
2364
get d’une œuvre destinée à soutenir telle branche
de
l’activité intellectuelle que les deux tiers des ressources passent à
2365
istration et aux salaires fixes, tandis que moins
d’
un tiers est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de
2366
, tandis que moins d’un tiers est consacré au but
de
l’œuvre. Je vois une revue d’art et de littérature consacrer des mill
2367
est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue
d’
art et de littérature consacrer des milliers de francs à sa « présenta
2368
cré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et
de
littérature consacrer des milliers de francs à sa « présentation » ma
2369
ue d’art et de littérature consacrer des milliers
de
francs à sa « présentation » matérielle, et zéro franc à payer ses co
2370
sont difficiles. Je vois que dans le budget moyen
d’
un ouvrier suisse, le cadre matériel de l’existence (logement, vêtemen
2371
dget moyen d’un ouvrier suisse, le cadre matériel
de
l’existence (logement, vêtement, mobilier, assurances) absorbe plus d
2372
ent, vêtement, mobilier, assurances) absorbe plus
de
la moitié des ressources, proportion réellement exorbitante. Je vois
2373
e. Je vois des gens qui hésitent entre deux types
de
salles de bain, l’une coûtant 300 fr. de plus que l’autre, et qui se
2374
des gens qui hésitent entre deux types de salles
de
bain, l’une coûtant 300 fr. de plus que l’autre, et qui se désabonnen
2375
ue l’autre, et qui se désabonnent « vu la crise »
de
la seule revue qu’ils recevaient : elle leur coûtait 10 fr. par an. J
2376
die et comme paralysée par des soucis budgétaires
de
cet ordre, traduisant cette échelle de valeurs. Et je conclus : « Si
2377
udgétaires de cet ordre, traduisant cette échelle
de
valeurs. Et je conclus : « Si quelque chose aujourd’hui menace la lib
2378
qui parlait ainsi, il y a longtemps, tout au haut
de
la pente… 6. Cultures. — C’est quand on doute de soi qu’on a peur du
2379
de la pente… 6. Cultures. — C’est quand on doute
de
soi qu’on a peur du voisin. Les Romands qui se rétractent au seul mot
2380
voisin. Les Romands qui se rétractent au seul mot
de
germanisme ne sont pas ceux qui sauront illustrer la Suisse romande,
2381
upérieures ou rares, des exceptions, des manières
de
vivre hors-série. Car « l’exception » dans la vie quotidienne doit jo
2382
doit jouer le même rôle que la minorité dans une
vie
fédérale saine : elle a droit à de plus grands égards, relativement,
2383
pliquer sans loyauté, dans n’importe quel domaine
de
notre vie, même « privée », c’est nier le fédéralisme et ruiner les b
2384
ans loyauté, dans n’importe quel domaine de notre
vie
, même « privée », c’est nier le fédéralisme et ruiner les bases de la
2385
», c’est nier le fédéralisme et ruiner les bases
de
la Suisse. Que nos moralistes s’en souviennent, et que nos conformist
2386
e. Exemple : ceux qui, chez nous, font profession
d’
admirer la méthode d’un dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’
2387
, chez nous, font profession d’admirer la méthode
d’
un dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà
2388
dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’âme
de
l’âme », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles de Suisses11. J
2389
L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà des drôles
de
fédéralistes, des drôles de Suisses11. Je les estime intolérables, s’
2390
e », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles
de
Suisses11. Je les estime intolérables, s’ils parlent en connaissance
2391
. (Le plus souvent, d’ailleurs, ils se contentent
de
ne pas remarquer la ressemblance entre ce qu’ils détestent en Suisse
2392
e naïveté. — Elle éclate dans certaines mesures «
de
prudence » prises à l’égard de la presse — par qui de droit — et qui
2393
rudence » prises à l’égard de la presse — par qui
de
droit — et qui consistent à ménager non seulement la chèvre et le cho
2394
sieur qui s’enquiert « objectivement » des motifs
d’
un bandit tout prêt à l’assommer. Or je connais une certaine propagand
2395
, littéralement, et cela depuis plusieurs années.
De
ce point de vue, nous ne sommes plus neutres en fait, nous sommes en
2396
en fait, nous sommes en guerre parce que victimes
d’
une agression systématique et quotidienne contre les principes mêmes q
2397
êmes qui fondent notre État. (Je me garderai bien
de
donner ici un autre exemple que celui de la propagande stalinienne.)
2398
rai bien de donner ici un autre exemple que celui
de
la propagande stalinienne.) Si l’on nous interdit de le dire, et de n
2399
la propagande stalinienne.) Si l’on nous interdit
de
le dire, et de nous défendre en ripostant, pourquoi donc, demanderai-
2400
talinienne.) Si l’on nous interdit de le dire, et
de
nous défendre en ripostant, pourquoi donc, demanderai-je, fortifier n
2401
tégrité du territoire serait-elle plus importante
de
nos jours que l’intégrité de la conscience nationale ? Celle-là conse
2402
elle plus importante de nos jours que l’intégrité
de
la conscience nationale ? Celle-là conserve-t-elle son sens quand cel
2403
se. — Revenons à la géographie ! dit ce poète. Et
de
nous décrire une Suisse héroïque protégée par les Alpes, ce rempart,
2404
ces termes : « Une dépression entre deux chaînes
de
montagnes. » Renvoyons la géographie, de grâce, ou faisons-la mentir
2405
chaînes de montagnes. » Renvoyons la géographie,
de
grâce, ou faisons-la mentir ! 11. Neutralité. — Pendant l’hiver 1939-
2406
érature maximum : 18°. » Il s’agissait sans doute
d’
inciter le public à des économies de charbon. On nous recommandait la
2407
it sans doute d’inciter le public à des économies
de
charbon. On nous recommandait la tiédeur… Mais voici nos voisins bell
2408
voir ce qui vaut le mieux. Il ne faut pas parler
de
neutralité en général, dans l’absolu et dans l’abstrait. Car tout dép
2409
dans l’absolu et dans l’abstrait. Car tout dépend
de
ceci : vis-à-vis de quoi, ou de qui, est-on tiède, est-on neutre ? Si
2410
. Car tout dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou
de
qui, est-on tiède, est-on neutre ? Si c’est vis-à-vis du Christ, la p
2411
entraîne notre expulsion violente hors du Royaume
de
Dieu. « Je vous vomirai », dit le Christ. Si c’est vis-à-vis de la g
2412
dans la mesure où elle nous exclut, précisément,
d’
un conflit que nous jugeons mauvais. (Reste à savoir si le conflit act
2413
uis, si notre tiédeur suffira pour que le monstre
de
la guerre nous vomisse… Mais ceci est une autre histoire.) On ferait
2414
Mais ceci est une autre histoire.) On ferait bien
de
ne pas utiliser comme des proverbes généraux certaines paroles du Chr
2415
es généraux certaines paroles du Christ qui n’ont
de
sens que par rapport à sa Personne, à son Royaume, à son Éternité. Ré
2416
les tièdes seront vomis, en détournant ce verset
de
son sens spirituel, c’est toujours un blasphème, et c’est souvent une
2417
ralité « éternelle ». — On nous parle aujourd’hui
de
« neutralité éternelle », et l’on va même jusqu’à nous affirmer que c
2418
mer que cette « éternité » est la base officielle
de
notre politique. Dans ce cas, notre politique reposerait sur une faut
2419
suis fâché. Ce n’est pas éternelle qu’il convient
de
dire, mais perpétuelle. Se figure-t-on que l’homme a le droit et le p
2420
figure-t-on que l’homme a le droit et le pouvoir
de
décréter « l’éternité » d’une décision humaine ? Apprenons donc à qui
2421
le droit et le pouvoir de décréter « l’éternité »
d’
une décision humaine ? Apprenons donc à qui de droit que nul État huma
2422
é » d’une décision humaine ? Apprenons donc à qui
de
droit que nul État humain n’est éternel ; que la Suisse est un État h
2423
plus, la Suisse n’est devenue neutre qu’à partir
d’
un certain moment de son histoire. Or ce qui est éternel ne commence p
2424
st devenue neutre qu’à partir d’un certain moment
de
son histoire. Or ce qui est éternel ne commence pas à un certain mome
2425
utre moment. On peut le nier parfois dans un élan
de
passion. Mais on ne peut pas le nier par un décret. 13. Neutralité pe
2426
ieu, durer « éternellement ». C’était une manière
d’
affirmer qu’ils la concluaient sans arrière-pensée. (Comparez avec cer
2427
s arrière-pensée. (Comparez avec certaines offres
de
paix « pour vingt-cinq ans » que faisait naguère à ses voisins un hom
2428
le » : cela signifie simplement que nous refusons
d’
envisager son abandon, et que nous le refuserons aussi longtemps que p
2429
(L’Empire fédératif ?) Mais toute politique digne
de
ce nom consiste à prévoir même le pire, et même la réalisation procha
2430
ir même le pire, et même la réalisation prochaine
de
nos plus lointaines ambitions. Or prévoir, c’est aussi se préparer, p
2431
rce que l’histoire et la politique ne cessent pas
de
modifier ces positions toutes relatives que sont la gauche et la droi
2432
ais ils ne nous imposent nullement une neutralité
d’
opinion. Renoncer au droit de nous exprimer, ce n’est donc pas nous co
2433
r, ce n’est donc pas nous conformer aux exigences
de
la neutralité. Ce peut être, dans certains cas, une mesure opportune
2434
, c’est tout simplement renoncer à une belle part
de
notre indépendance. C’est renoncer à nous défendre intégralement. Et
2435
qui sont d’abord des guerres morales, des guerres
de
propagande. Quand une troupe est réduite à l’impuissance par l’advers
2436
’hui, ce n’est pas rester neutres, c’est accepter
d’
être neutralisés moralement. Le Conseil fédéral a repoussé officiellem
2437
ussé officiellement et publiquement la prétention
de
ceux qui voulaient « neutraliser » de cette manière notre opinion. En
2438
prétention de ceux qui voulaient « neutraliser »
de
cette manière notre opinion. En tant que citoyen suisse respectueux d
2439
tant que citoyen suisse respectueux des décisions
de
nos autorités suprêmes, j’ai donc le droit de condamner ouvertement d
2440
ons de nos autorités suprêmes, j’ai donc le droit
de
condamner ouvertement des régimes étrangers qui attaquent ouvertement
2441
endance : elle l’affirme au contraire ! Le devoir
de
l’armée est de garantir par la force l’intégrité de notre indépendanc
2442
l’affirme au contraire ! Le devoir de l’armée est
de
garantir par la force l’intégrité de notre indépendance, et non pas s
2443
l’armée est de garantir par la force l’intégrité
de
notre indépendance, et non pas seulement sa matérialité (le territoir
2444
uisse ne dit pas : « Plutôt renoncer à ma liberté
d’
opinion que de risquer des ennuis avec une légation. » Il dit au contr
2445
as : « Plutôt renoncer à ma liberté d’opinion que
de
risquer des ennuis avec une légation. » Il dit au contraire — il disa
2446
politiques. Les petits pays ne sont pas dispensés
d’
imaginer et de voir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de
2447
s petits pays ne sont pas dispensés d’imaginer et
de
voir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de compenser leur
2448
ir grand. Bien au contraire : ils sont contraints
de
compenser leur petitesse physique par leur prestige moral. C’est la p
2449
leur prestige moral. C’est la première condition
de
leur indépendance, même matérielle. Nos réalistes — toujours en retar
2450
me matérielle. Nos réalistes — toujours en retard
d’
une guerre, d’une époque — ont récemment découvert qu’un diplomate mod
2451
Nos réalistes — toujours en retard d’une guerre,
d’
une époque — ont récemment découvert qu’un diplomate moderne doit être
2452
n de plus dangereusement utopique que le réalisme
d’
avant-hier. Notre époque n’est plus celle du grand commerce ; ni même
2453
oque n’est plus celle du grand commerce ; ni même
de
la grande industrie (réalisme d’hier). Notre époque est celle des rel
2454
mmerce ; ni même de la grande industrie (réalisme
d’
hier). Notre époque est celle des religions politiques, sociales, nati
2455
ce, l’industrie, l’économie en général, ont cessé
d’
imposer leurs « lois fatales ». Ce sont les chefs qui dictent les prix
2456
nécessités techniques », superstition des experts
d’
hier et d’avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait, que la Tec
2457
techniques », superstition des experts d’hier et
d’
avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait, que la Technique ne
2458
Il est temps que la Suisse comprenne que le souci
de
son économie ne saurait plus servir d’excuse à l’absence de vues poli
2459
e le souci de son économie ne saurait plus servir
d’
excuse à l’absence de vues politiques. On demande à un gouvernement de
2460
nomie ne saurait plus servir d’excuse à l’absence
de
vues politiques. On demande à un gouvernement de « gouverner14 », de
2461
de vues politiques. On demande à un gouvernement
de
« gouverner14 », de piloter l’État et d’orienter sa marche ; le reste
2462
On demande à un gouvernement de « gouverner14 »,
de
piloter l’État et d’orienter sa marche ; le reste, le fonctionnement
2463
ernement de « gouverner14 », de piloter l’État et
d’
orienter sa marche ; le reste, le fonctionnement technique de la machi
2464
sa marche ; le reste, le fonctionnement technique
de
la machine, étant l’affaire des fonctionnaires — leur nom l’indique —
2465
ates qui fassent une politique, et qui aient plus
d’
idées générales que de compétences économiques. Je connais tel profess
2466
olitique, et qui aient plus d’idées générales que
de
compétences économiques. Je connais tel professeur d’Université, tel
2467
ompétences économiques. Je connais tel professeur
d’
Université, tel écrivain, tel philanthrope, tel connaisseur et pratici
2468
anthrope, tel connaisseur et praticien des choses
de
la SDN et de la chose européenne, qui nous représenteraient à l’étran
2469
connaisseur et praticien des choses de la SDN et
de
la chose européenne, qui nous représenteraient à l’étranger — officie
2470
anger — officiellement ou non — avec combien plus
d’
efficacité que les meilleurs spécialistes formés par les bureaux de Be
2471
les meilleurs spécialistes formés par les bureaux
de
Berne, et rompus à toutes les prudences « fédérales ». Sur le plan di
2472
près la page qu’on vient de lire, que je n’ai pas
d’
ambitions politiques ! 11. Intéressante précision du langage ! Un « d
2473
que nous devons préférer la mort à l’interdiction
de
proclamer des sottises. Je m’excuse de tant de lourdeur dans la préci
2474
terdiction de proclamer des sottises. Je m’excuse
de
tant de lourdeur dans la précision, mais je m’avance ici sur un terra
2475
ais d’ailleurs ce que je risque. Ce qui me permet
d’
approuver pleinement cette déclaration de Spitteler : « N’est-ce pas u
2476
e permet d’approuver pleinement cette déclaration
de
Spitteler : « N’est-ce pas un spectacle grotesque que celui d’une feu
2477
: « N’est-ce pas un spectacle grotesque que celui
d’
une feuille de chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style
2478
as un spectacle grotesque que celui d’une feuille
de
chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style de cabaret une
2479
otesque que celui d’une feuille de chou qui, sûre
de
son inviolabilité, vitupère en style de cabaret une grande puissance
2480
qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style
de
cabaret une grande puissance européenne, comme s’il s’agissait d’une
2481
rande puissance européenne, comme s’il s’agissait
d’
une paisible élection municipale ! Si la censure accourt alors avec un
2482
alors avec une muselière, elle accomplit un acte
de
décence. » 13. Cf. à ce sujet les vues très exactes du grand théoric
2483
e sujet les vues très exactes du grand théoricien
de
l’État totalitaire, Carl Schmitt, juriste catholique devenu national-
2484
avec raison G. de Reynold. am. Rougemont Denis
de
, « Autocritique de la Suisse », Schweizerische Hochschulzeitung, Zuri
2485
Reynold. am. Rougemont Denis de, « Autocritique
de
la Suisse », Schweizerische Hochschulzeitung, Zurich, août 1940, p. 1
2486
tung, Zurich, août 1940, p. 158-167. an. Précédé
de
cette notice : « Sous le titre : Mission ou démission de la Suisse ,
2487
notice : « Sous le titre : Mission ou démission
de
la Suisse , Denis de Rougemont, l’un des lauréats du prix Gottfried K
2488
ller 1940, publie, réunis en un volume, une série
d’
articles et de conférences dont il indique, dans son avertissement, le
2489
lie, réunis en un volume, une série d’articles et
de
conférences dont il indique, dans son avertissement, le propos, en ce
2490
nt, le propos, en ces termes : “Ils sont tous nés
d’
un même souci de la personne et de son rôle dans la communauté ; et to
2491
n ces termes : “Ils sont tous nés d’un même souci
de
la personne et de son rôle dans la communauté ; et tous ils s’adresse
2492
s sont tous nés d’un même souci de la personne et
de
son rôle dans la communauté ; et tous ils s’adressent à des Suisses.
2493
tous ils s’adressent à des Suisses. Par une série
de
cercles concentriques, ils s’efforcent de situer notre mission dans l
2494
e série de cercles concentriques, ils s’efforcent
de
situer notre mission dans l’Europe d’aujourd’hui.” Ce livre, qui tend
2495
s’efforcent de situer notre mission dans l’Europe
d’
aujourd’hui.” Ce livre, qui tend avant tout à nous faire rentrer en no
2496
avenir. Nous sommes donc particulièrement heureux
d’
en présenter à nos lecteurs, à titre de spécimen, le dernier chapitre
2497
de spécimen, le dernier chapitre : “Autocritique
de
la Suisse”, désirant les rendre attentifs (car nous nous sentons pres
2498
s rendre attentifs (car nous nous sentons pressés
de
le faire) à la valeur capitale de cet ouvrage, qui a paru aux Édition
2499
sentons pressés de le faire) à la valeur capitale
de
cet ouvrage, qui a paru aux Éditions de la Baconnière-Boudry-Neuchâte
2500
capitale de cet ouvrage, qui a paru aux Éditions
de
la Baconnière-Boudry-Neuchâtel. »
2501
anique (1940)al Je dois ma première découverte
de
l’atmosphère suisse allemande à un cours de répétition. Nous faisions
2502
verte de l’atmosphère suisse allemande à un cours
de
répétition. Nous faisions des manœuvres dans la campagne bernoise. C’
2503
ande liberté militaire, pénétrant dans l’intimité
d’
une vie bonhomme et opulente, dormant dans des auberges inconnues des
2504
iberté militaire, pénétrant dans l’intimité d’une
vie
bonhomme et opulente, dormant dans des auberges inconnues des tourist
2505
ne et le confort auvents immenses, et des balcons
de
bois ornés de pieuses devises et de géraniums éclatants. Tout paraiss
2506
rt auvents immenses, et des balcons de bois ornés
de
pieuses devises et de géraniums éclatants. Tout paraissait, dans ce p
2507
t des balcons de bois ornés de pieuses devises et
de
géraniums éclatants. Tout paraissait, dans ce pays, un peu plus large
2508
ins douce, mais plus drue. Je m’étais bien promis
d’
y retourner, et c’est encore la mobilisation qui m’y ramène. Si je vou
2509
amène. Si je vous confie que mes premiers loisirs
de
militaire ont été consacrés à la lecture du grand roman de Gottfried
2510
ire ont été consacrés à la lecture du grand roman
de
Gottfried Keller intitulé Henri le Vert, c’est que je dois à cette œu
2511
dois à cette œuvre célèbre ma seconde découverte
de
l’âme alémanique. Il est à peine croyable que ce roman soit si peu lu
2512
Car ce n’est pas seulement l’un des chefs-d’œuvre
de
la littérature universelle, l’un de ces livres à la fois populaires e
2513
chefs-d’œuvre de la littérature universelle, l’un
de
ces livres à la fois populaires et pleins de secrets émouvants, où ch
2514
l’un de ces livres à la fois populaires et pleins
de
secrets émouvants, où chacun peut trouver sa pâture, mais c’est encor
2515
c’est surtout, pour moi, la meilleure expression
de
l’esprit suisse allemand. Courez demain matin chez un libraire ou à l
2516
othèque la plus proche, et demandez la traduction
de
ce gros livre. Vous commettrez une bonne action patriotique. Car le p
2517
ar le patriotisme suisse est d’abord une question
d’
amitié, et l’amitié suppose une connaissance mutuelle, et je ne sais r
2518
sais rien qui puisse nous donner, comme ce roman
de
Gottfried Keller, le sentiment de la réalité alémanique. Vous trouver
2519
comme ce roman de Gottfried Keller, le sentiment
de
la réalité alémanique. Vous trouverez dans ce récit d’une jeunesse av
2520
réalité alémanique. Vous trouverez dans ce récit
d’
une jeunesse aventureuse et d’un retour vers le pays natal, un mélange
2521
verez dans ce récit d’une jeunesse aventureuse et
d’
un retour vers le pays natal, un mélange étonnant de romantisme, de bo
2522
un retour vers le pays natal, un mélange étonnant
de
romantisme, de bon sens bourgeois et d’humour. Et c’est peut-être là
2523
le pays natal, un mélange étonnant de romantisme,
de
bon sens bourgeois et d’humour. Et c’est peut-être là le secret des S
2524
étonnant de romantisme, de bon sens bourgeois et
d’
humour. Et c’est peut-être là le secret des Suisses allemands. Le secr
2525
tre là le secret des Suisses allemands. Le secret
d’
un certain lyrisme qui les distingue de nous autres Romands. Et quand
2526
Le secret d’un certain lyrisme qui les distingue
de
nous autres Romands. Et quand je parle de lyrisme, je n’entends pas c
2527
stingue de nous autres Romands. Et quand je parle
de
lyrisme, je n’entends pas ce sentimentalisme vague et un peu lourd qu
2528
isme vague et un peu lourd qui met tant de points
d’
orgue dans les couplets d’un Männerchor, mais une espèce de saveur pri
2529
qui met tant de points d’orgue dans les couplets
d’
un Männerchor, mais une espèce de saveur primitive, une manière plus c
2530
ans les couplets d’un Männerchor, mais une espèce
de
saveur primitive, une manière plus confiante et plus joyeuse d’accept
2531
itive, une manière plus confiante et plus joyeuse
d’
accepter la vie instinctive, un peu plus de musique, un peu moins de s
2532
ière plus confiante et plus joyeuse d’accepter la
vie
instinctive, un peu plus de musique, un peu moins de scrupules, un pe
2533
oyeuse d’accepter la vie instinctive, un peu plus
de
musique, un peu moins de scrupules, un peu plus d’énergie et moins d’
2534
instinctive, un peu plus de musique, un peu moins
de
scrupules, un peu plus d’énergie et moins d’esprit critique. Ce sont
2535
e musique, un peu moins de scrupules, un peu plus
d’
énergie et moins d’esprit critique. Ce sont ces nuances-là qui donnent
2536
oins de scrupules, un peu plus d’énergie et moins
d’
esprit critique. Ce sont ces nuances-là qui donnent le ton de la bonne
2537
itique. Ce sont ces nuances-là qui donnent le ton
de
la bonne chanson suisse allemande, et de la fantaisie d’Henri le Vert
2538
t le ton de la bonne chanson suisse allemande, et
de
la fantaisie d’Henri le Vert. On me dira que je vais chercher bien ha
2539
onne chanson suisse allemande, et de la fantaisie
d’
Henri le Vert. On me dira que je vais chercher bien haut, et dans une
2540
ue dorénavant nous saurons reconnaître ici ou là,
d’
une manière furtive mais parfois émouvante, dans la vie quotidienne d’
2541
e mais parfois émouvante, dans la vie quotidienne
d’
un de ces peuples, oui, dans sa vie apparemment banale. Depuis que j’a
2542
s parfois émouvante, dans la vie quotidienne d’un
de
ces peuples, oui, dans sa vie apparemment banale. Depuis que j’ai lu
2543
vie quotidienne d’un de ces peuples, oui, dans sa
vie
apparemment banale. Depuis que j’ai lu Henri le Vert, j’entends tout
2544
ur fonds du Suisse allemand dès qu’il est délivré
de
son sérieux massif. Et alors, dans mon enthousiasme, j’évoque Berne,
2545
nt-Gothard, notre bastion sacré, dans le souvenir
de
Nicolas de Flue. Et je me dis que la Providence nous veut vraiment du
2546
en, à nous les Suisses, puisqu’elle nous a permis
de
réunir des qualités et des défauts qui se complètent si heureusement
2547
: la rouspétance du Suisse romand et la patience
de
l’Alémanique, — la nervosité latine et la ténacité germanique ; notre
2548
our. Et tout ce qu’il y a dans la culture romande
d’
un peu précautionneux ou de timide, se trouve à merveille compensé par
2549
ans la culture romande d’un peu précautionneux ou
de
timide, se trouve à merveille compensé par la confiance plus naïve en
2550
veille compensé par la confiance plus naïve en la
vie
que manifestent par exemple les grands romans de Jérémie Gotthelf. Et
2551
vie que manifestent par exemple les grands romans
de
Jérémie Gotthelf. Et puisque j’ai parlé de fédéralisme, permettez-moi
2552
romans de Jérémie Gotthelf. Et puisque j’ai parlé
de
fédéralisme, permettez-moi de terminer par une petite citation qui pr
2553
puisque j’ai parlé de fédéralisme, permettez-moi
de
terminer par une petite citation qui prouvera aux plus ombrageux des
2554
liste ou un Monsieur de Berne ! C’est un fragment
de
discours patriotique que Gottfried Keller — encore lui ! — met dans
2555
tfried Keller — encore lui ! — met dans la bouche
d’
un de ses héros, dans le récit intitulé Le Fanion des sept braves. Par
2556
d Keller — encore lui ! — met dans la bouche d’un
de
ses héros, dans le récit intitulé Le Fanion des sept braves. Par les
2557
que nous vivons, une telle page prend une allure
de
véritable manifeste. La voici : Un enfant avec son arche de Noé plei
2558
e manifeste. La voici : Un enfant avec son arche
de
Noé pleine d’animaux de toute espèce, mâles et femelles, ne saurait ê
2559
a voici : Un enfant avec son arche de Noé pleine
d’
animaux de toute espèce, mâles et femelles, ne saurait être plus conte
2560
Un enfant avec son arche de Noé pleine d’animaux
de
toute espèce, mâles et femelles, ne saurait être plus content que ces
2561
mes avec leur chère petite patrie et les milliers
de
bonnes choses qu’elle contient, depuis le vieux brochet moussu qui na
2562
, depuis le vieux brochet moussu qui nage au fond
de
ses lacs jusqu’aux aigles qui planent sur ses glaciers. Combien d’esp
2563
’aux aigles qui planent sur ses glaciers. Combien
d’
espèces de gens grouillent dans cet étroit espace, tous différents par
2564
s qui planent sur ses glaciers. Combien d’espèces
de
gens grouillent dans cet étroit espace, tous différents par leurs mœu
2565
u’il y ait des Zurichois et des Bernois, des gens
d’
Unterwald et de Neuchâtel, des Grisons et des Bâlois, et même deux esp
2566
Zurichois et des Bernois, des gens d’Unterwald et
de
Neuchâtel, des Grisons et des Bâlois, et même deux espèces de Bâlois
2567
, des Grisons et des Bâlois, et même deux espèces
de
Bâlois ! Qu’il y ait une histoire de l’Appenzell et une histoire de G
2568
deux espèces de Bâlois ! Qu’il y ait une histoire
de
l’Appenzell et une histoire de Genève ! Cette variété dans l’unité —
2569
y ait une histoire de l’Appenzell et une histoire
de
Genève ! Cette variété dans l’unité — Dieu veuille nous la conserver
2570
ille nous la conserver — voilà la véritable école
de
l’amitié ! Et quand une même appartenance politique vient à s’épanoui
2571
e qu’il y a de plus haut. al. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Henri le Vert ou l’âme alémanique », La Suisse : re
2572
u l’âme alémanique », La Suisse : revue mensuelle
de
l’Office national suisse du tourisme, Zurich, juillet–août 1940, p. 1
2573
L’heure
de
la Suisse (1er août 1940)ao Pendant des siècles, l’équilibre entre
2574
tats qui entouraient la Suisse fut notre garantie
d’
indépendance. Cet équilibre vient d’être rompu. La Suisse est réduite
2575
otre garantie d’indépendance. Cet équilibre vient
d’
être rompu. La Suisse est réduite à elle-même. Quels que soient les se
2576
des idéologies nouvelles. Nous courons le risque
d’
être absorbés économiquement, divisés racialement, manœuvrés moralemen
2577
e en question. Jamais donc, il ne fut plus urgent
de
proclamer nos raisons d’être, notre mission confédérale, et notre vol
2578
c, il ne fut plus urgent de proclamer nos raisons
d’
être, notre mission confédérale, et notre volonté de nous en rendre di
2579
être, notre mission confédérale, et notre volonté
de
nous en rendre dignes. Mais voici le message du 1er août de cette ann
2580
rendre dignes. Mais voici le message du 1er août
de
cette année : le péril où nous sommes peut devenir notre chance. Il n
2581
us sommes peut devenir notre chance. Il nous sort
de
nous-mêmes et de nos préjugés, il nous oblige à mesurer nos forces vr
2582
venir notre chance. Il nous sort de nous-mêmes et
de
nos préjugés, il nous oblige à mesurer nos forces vraies, il nous per
2583
blige à mesurer nos forces vraies, il nous permet
de
nous unir mieux que jamais pour la défense et la rénovation de l’héri
2584
mieux que jamais pour la défense et la rénovation
de
l’héritage que Dieu nous a confié. Nos raisons d’être tiennent dans s
2585
de l’héritage que Dieu nous a confié. Nos raisons
d’
être tiennent dans ses deux mots : liberté, solidarité. Deux mots qui
2586
autre chose que des mots flatteurs : des raisons
de
vivre et de mourir. Notre histoire est celle de la liberté, certes, m
2587
que des mots flatteurs : des raisons de vivre et
de
mourir. Notre histoire est celle de la liberté, certes, mais de la li
2588
s de vivre et de mourir. Notre histoire est celle
de
la liberté, certes, mais de la liberté menacée, conquise au prix des
2589
re histoire est celle de la liberté, certes, mais
de
la liberté menacée, conquise au prix des plus grands sacrifices, touj
2590
doit rester en exemple à l’Europe. C’est l’esprit
de
liberté des communes du Gothard (nous dirions aujourd’hui l’esprit de
2591
nes du Gothard (nous dirions aujourd’hui l’esprit
de
coopération, de syndicat ou de corporation) qui a rassemblé les premi
2592
nous dirions aujourd’hui l’esprit de coopération,
de
syndicat ou de corporation) qui a rassemblé les premiers Suisses au x
2593
jourd’hui l’esprit de coopération, de syndicat ou
de
corporation) qui a rassemblé les premiers Suisses au xiiie siècle. C
2594
premiers Suisses au xiiie siècle. C’est l’esprit
de
résistance locale organisée, la préparation minutieuse et la discipli
2595
t la discipline civique qui ont gagné la bataille
de
Morgarten contre une « division cuirassée » de 8000 cavaliers réputés
2596
le de Morgarten contre une « division cuirassée »
de
8000 cavaliers réputés invincibles. C’est l’esprit de sacrifice de qu
2597
000 cavaliers réputés invincibles. C’est l’esprit
de
sacrifice de quelques-uns pour tous qui a sauvé la Suisse à Saint-Jac
2598
réputés invincibles. C’est l’esprit de sacrifice
de
quelques-uns pour tous qui a sauvé la Suisse à Saint-Jacques sur la B
2599
cques sur la Birse, malgré l’anéantissement total
de
nos troupes. Une seule fois dans l’histoire la Suisse a succombé : en
2600
stoire la Suisse a succombé : en 1798. Les causes
de
cette défaite sont bien connues, elles nous avertissent clairement :
2601
t clairement : discorde politique, routine, recul
de
l’esprit de liberté, défaut de solidarité entre les classes et entre
2602
: discorde politique, routine, recul de l’esprit
de
liberté, défaut de solidarité entre les classes et entre les cantons.
2603
ue, routine, recul de l’esprit de liberté, défaut
de
solidarité entre les classes et entre les cantons. Mais là encore, la
2604
antons. Mais là encore, la résistance « aveugle »
de
quelques-uns sauva la Suisse ; l’envahisseur reconnut que les habitan
2605
ue les habitants du Nidwald avaient été les seuls
de
toute l’Europe à l’impressionner par leur résistance ; et après une t
2606
otre État fédératif. Vouloir la vaincre n’est pas
d’
un homme sage. » (Napoléon, en 1802.) L’idée suisse renaissait, contre
2607
ner confiance pour le présent. Il nous montre que
de
tout temps, la Suisse a été menacée par des puissances dix fois supér
2608
en acceptant la lutte même sans espoir. Un siècle
de
sécurité et de confort nous a fait oublier ces vérités. Aujourd’hui,
2609
lutte même sans espoir. Un siècle de sécurité et
de
confort nous a fait oublier ces vérités. Aujourd’hui, elles nous parl
2610
amènent à notre loi normale ; la loi du risque et
de
l’effort tenace. Ces menaces ne sauraient surprendre et démoraliser q
2611
ui seule la rend indispensable aux autres peuples
de
l’Europe. Le chef-d’œuvre que représente notre démocratie fédérative
2612
Europe totalitaire. Notre État fait un peu figure
de
parc national des anciennes libertés civiques, partout ailleurs appri
2613
Eh bien ! sachons transformer ce vestige en germe
d’
une Europe nouvelle, réconciliée avec elle-même et tolérante ! Sachons
2614
e et tolérante ! Sachons nous élever à la hauteur
de
l’idéal forgé par notre histoire. Rendons la Suisse digne d’elle-même
2615
forgé par notre histoire. Rendons la Suisse digne
d’
elle-même, et rendons-nous plus dignes d’elle ! Comment ? Je voudrais
2616
se digne d’elle-même, et rendons-nous plus dignes
d’
elle ! Comment ? Je voudrais vous le montrer sans phrases ronflantes,
2617
is plus clair. C’est le maintien et la rénovation
de
la Suisse : l’un ne va pas sans l’autre, l’une rend l’autre possible.
2618
r à se décider. Donnons au monde un grand exemple
de
solidarité pratique : voilà notre meilleure défense. Sacrifices matér
2619
, eussent passé pour révolutionnaires : la caisse
de
compensation par exemple. Ce que la guerre sut obtenir de nous, il fa
2620
nsation par exemple. Ce que la guerre sut obtenir
de
nous, il faut que la paix le maintienne et le développe au maximum. P
2621
é un exemple qui peut féconder l’avenir : exemple
d’
ordre humain librement édifié. Que les chefs d’entreprises comprennent
2622
le d’ordre humain librement édifié. Que les chefs
d’
entreprises comprennent ceci : chaque chômeur, dans les semaines qui v
2623
rtaines propagandes. À l’inverse, chaque occasion
de
travail créée comblera une lacune dans notre défense nationale. Je co
2624
re défense nationale. Je conjure donc les patrons
de
consentir une réduction de leur profit, même totale dans certains cas
2625
njure donc les patrons de consentir une réduction
de
leur profit, même totale dans certains cas, si cela peut éviter des d
2626
as, si cela peut éviter des débauchages : il y va
de
la liberté future de leur entreprise. Et je conjure les ouvriers de c
2627
er des débauchages : il y va de la liberté future
de
leur entreprise. Et je conjure les ouvriers de consentir des réductio
2628
re de leur entreprise. Et je conjure les ouvriers
de
consentir des réductions de salaire, si cela peut permettre de donner
2629
conjure les ouvriers de consentir des réductions
de
salaire, si cela peut permettre de donner de l’emploi à beaucoup de l
2630
des réductions de salaire, si cela peut permettre
de
donner de l’emploi à beaucoup de leurs camarades : il y va de la libe
2631
ions de salaire, si cela peut permettre de donner
de
l’emploi à beaucoup de leurs camarades : il y va de la liberté future
2632
l’emploi à beaucoup de leurs camarades : il y va
de
la liberté future des travailleurs. Mais les sacrifices matériels ne
2633
llectuels non moins indispensables. Quand il y va
de
tout, oublions nos partis, car ils ne représenteront jamais qu’une pa
2634
s, car ils ne représenteront jamais qu’une partie
de
la vérité. N’attendons plus que ceux de l’autre bord fassent les prem
2635
ne partie de la vérité. N’attendons plus que ceux
de
l’autre bord fassent les premiers pas et disent le premier mea culpa.
2636
allons chez le voisin et disons-lui : vous étiez
de
gauche, et moi de droite, mais aujourd’hui nous sommes de Suisse, l’u
2637
isin et disons-lui : vous étiez de gauche, et moi
de
droite, mais aujourd’hui nous sommes de Suisse, l’un comme l’autre. L
2638
e, et moi de droite, mais aujourd’hui nous sommes
de
Suisse, l’un comme l’autre. Les sacrifices de cette nature sont peut-
2639
mes de Suisse, l’un comme l’autre. Les sacrifices
de
cette nature sont peut-être plus durs, pour beaucoup, que les restric
2640
oup, que les restrictions matérielles, ou le fait
de
payer des impôts quadruplés. Ils n’en représentent pas moins la condi
2641
n’en représentent pas moins la condition première
de
toute rénovation pratique. Ceux qui l’auront compris, et qui le prouv
2642
ceux qui s’obstineraient à accuser « les autres »
de
tout le mal qui se fait dans le monde, travailleraient au contraire à
2643
que par l’éloquence la plus émue, ce premier jour
d’
une année décisive pour notre Confédération. ao. Rougemont Denis de
2644
pour notre Confédération. ao. Rougemont Denis
de
, « L’heure de la Suisse », Le Semeur vaudois, Lausanne, 1 août 1940,
2645
nfédération. ao. Rougemont Denis de, « L’heure
de
la Suisse », Le Semeur vaudois, Lausanne, 1 août 1940, p. 2.
2646
Un fondateur
de
la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis : M. Denis d
2647
emont nous dit… (23 août 1940)ap aq J’ai tenté
de
retarder mon départ de quelques mois, sinon de quelques semaines… ; m
2648
t 1940)ap aq J’ai tenté de retarder mon départ
de
quelques mois, sinon de quelques semaines… ; mais c’était impossible.
2649
té de retarder mon départ de quelques mois, sinon
de
quelques semaines… ; mais c’était impossible. Pendant les quatre mois
2650
les quatre mois que durera mon voyage, je suivrai
de
loin l’évolution de la « Ligue du Gothard » qui est mon idée et celle
2651
durera mon voyage, je suivrai de loin l’évolution
de
la « Ligue du Gothard » qui est mon idée et celle de mon ami Spoerri,
2652
la « Ligue du Gothard » qui est mon idée et celle
de
mon ami Spoerri, de Zurich, et à laquelle je tiens. Elle suit d’aille
2653
d » qui est mon idée et celle de mon ami Spoerri,
de
Zurich, et à laquelle je tiens. Elle suit d’ailleurs son chemin malgr
2654
le suit d’ailleurs son chemin malgré les torrents
d’
injures dont elle a été abreuvée et vous pouvez être assuré qu’elle n’
2655
ître prochainement et qui expliquent les desseins
de
notre groupement : réunir — non point dans un parti, car nous nous dé
2656
non point dans un parti, car nous nous défendons
de
vouloir l’être jamais — ce qui doit logiquement représenter la Suisse
2657
s — ce qui doit logiquement représenter la Suisse
d’
aujourd’hui. Et travailler au bien de la Suisse. Le comité directeur d
2658
er la Suisse d’aujourd’hui. Et travailler au bien
de
la Suisse. Le comité directeur de la Ligue est formé de dix hommes do
2659
vailler au bien de la Suisse. Le comité directeur
de
la Ligue est formé de dix hommes dont le plus jeune a 26 ans et le pl
2660
Suisse. Le comité directeur de la Ligue est formé
de
dix hommes dont le plus jeune a 26 ans et le plus âgé 44. C’est vous
2661
s. À côté de ce comité directeur existe une sorte
de
sénat composé de personnes d’expérience qui seront là pour nous conse
2662
omité directeur existe une sorte de sénat composé
de
personnes d’expérience qui seront là pour nous conseiller. Aujourd’hu
2663
ur existe une sorte de sénat composé de personnes
d’
expérience qui seront là pour nous conseiller. Aujourd’hui, la « Ligue
2664
leine organisation des équipes cantonales formées
de
représentants de tous les groupements qui ne sont pas des partis. Nou
2665
n des équipes cantonales formées de représentants
de
tous les groupements qui ne sont pas des partis. Nous attachons, vous
2666
vous le voyez, une très grande importance au fait
d’
avoir la jeunesse avec nous. C’est que nous nous sommes rendu compte q
2667
que nous nous sommes rendu compte que les hommes
de
35 ans et moins ne sont pas dans les partis, parce que la politique l
2668
ent pas aux affaires du pays. Il fallait se hâter
de
les grouper, sinon l’idéologie naziste ou l’idéologie communiste les
2669
embrigadés tôt ou tard.ar ap. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Un fondateur de la Ligue du Gothard part pour quatre m
2670
. Rougemont Denis de, « [Entretien] Un fondateur
de
la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis », Curieux,
2671
. 1. aq. Propos recueillis par F. G. et précédés
de
la notice suivante : « M. Denis de Rougemont s’en va. Telle est la no
2672
ous le couvert depuis quelques jours et qui vient
d’
être rendue officielle. N’y voyons pas, comme certains se hâteront de
2673
ielle. N’y voyons pas, comme certains se hâteront
de
le faire, un rapport quelconque avec la part qu’a prise le jeune écri
2674
le jeune écrivain neuchâtelois dans la fondation
de
la “Ligue du Gothard”. Non, M. Denis de Rougemont s’en va en Amérique
2675
e Rougemont s’en va en Amérique parce qu’il vient
d’
être chargé par la fondation “Pro Helvetia” d’une série de conférences
2676
ent d’être chargé par la fondation “Pro Helvetia”
d’
une série de conférences destinées aux colonies suisses du Nouveau Mon
2677
hargé par la fondation “Pro Helvetia” d’une série
de
conférences destinées aux colonies suisses du Nouveau Monde. Il part
2678
part également pour assister aux représentations
de
Nicolas de Flue , l’œuvre qu’il écrivit pour les journées neuchâtelo
2679
re qu’il écrivit pour les journées neuchâteloises
de
l’Exposition nationale de Zurich et qui ne put être représentée, la g
2680
journées neuchâteloises de l’Exposition nationale
de
Zurich et qui ne put être représentée, la guerre ayant éclaté quelque
2681
re. Cette légende dramatique, dont la musique est
d’
Arthur Honegger, sera jouée en oratorio, c’est-à-dire dans sa partitio
2682
artition réduite pour un récitant, à l’Exposition
de
New York. Ce voyage, on le voit, est sérieusement motivé et ne signif
2683
mont fuit les responsabilités… ou qu’on l’éloigne
de
la scène politique. Au surplus, il a bien voulu nous faire les déclar
2684
a rédaction conclut les déclarations de Rougemont
de
ce commentaire : « On dit que la “Ligue du Gothard” a reçu de nombreu
2685
taire : « On dit que la “Ligue du Gothard” a reçu
de
nombreuses lettres de citoyens qui s’intéressent à elles et à ses des
2686
a “Ligue du Gothard” a reçu de nombreuses lettres
de
citoyens qui s’intéressent à elles et à ses desseins. Nous le croyons
2687
La Ligue du Gothard : raisons
d’
espérer (13 septembre 1940)as at Je comprends vos questions. J’y ai
2688
Nous sommes anticapitalistes et antimarxistes, ni
de
gauche ni de droite, alliés aux syndicats par leurs éléments les plus
2689
nticapitalistes et antimarxistes, ni de gauche ni
de
droite, alliés aux syndicats par leurs éléments les plus vivants, et
2690
e faut pas agir comme si personne n’était capable
d’
entendre raison et de modifier ses positions. Duttweiler ne nous a pas
2691
si personne n’était capable d’entendre raison et
de
modifier ses positions. Duttweiler ne nous a pas donné un sou, quoi q
2692
sont des dons personnels. Et nous cherchons, sûrs
de
trouver dans la mesure où nous sommes sûrs de la nécessité de notre L
2693
ûrs de trouver dans la mesure où nous sommes sûrs
de
la nécessité de notre Ligue… Les partis ne veulent rien entendre. Mai
2694
ans la mesure où nous sommes sûrs de la nécessité
de
notre Ligue… Les partis ne veulent rien entendre. Mais le peuple répo
2695
pis pour les politiciens. as. Rougemont Denis
de
, « La Ligue du Gothard : raisons d’espérer », L’Essor, Genève, 13 sep
2696
ugemont Denis de, « La Ligue du Gothard : raisons
d’
espérer », L’Essor, Genève, 13 septembre 1940, p. 3. at. Précédé de l
2697
or, Genève, 13 septembre 1940, p. 3. at. Précédé
de
la notice suivante : « Notre article sur la Ligue du Gothard dans le
2698
lles nous suggèrent. Voici tout d’abord l’opinion
de
M. Denis de Rougemont à qui nous avions exprimé notre étonnement. Par
2699
ève lettre datée du 18 août, où il nous fait part
de
la nouvelle de son envoi en mission de trois mois aux États-Unis, afi
2700
e du 18 août, où il nous fait part de la nouvelle
de
son envoi en mission de trois mois aux États-Unis, afin d’y prendre c
2701
fait part de la nouvelle de son envoi en mission
de
trois mois aux États-Unis, afin d’y prendre contact avec les milieux
2702
ent sur la ligue du Gothard dont il est un membre
de
la première heure. »