1
Europe ; mission pratique et symbolique. Au cours
des
derniers mois, il semble bien que nous l’ayions redécouverte. Liehbur
2
es. Les personnalistes romands l’ont exaltée dans
une
récente publication (un numéro spécial de la revue Esprit dont le r
3
mands l’ont exaltée dans une récente publication (
un
numéro spécial de la revue Esprit dont le retentissement a été gran
4
tte mission ait perdu de son importance par suite
des
très profondes transformations intervenues depuis le Moyen Âge dans l
5
s intervenues depuis le Moyen Âge dans le système
des
communications européennes. Il est probable que le Gothard ne jouera
6
on confédérale se dégage et doit être dégagé avec
une
évidence, une force, une conviction profondément renouvelées. Le sign
7
se dégage et doit être dégagé avec une évidence,
une
force, une conviction profondément renouvelées. Le signe physique de
8
et doit être dégagé avec une évidence, une force,
une
conviction profondément renouvelées. Le signe physique de notre missi
9
gne physique de notre mission, c’était la défense
des
cols, cœur physique de l’Europe médiévale. Désormais, il nous apparti
10
l’homme d’Occident : la réalité de la personne et
des
institutions fondées sur elle. ⁂ La personne, ce n’est pas l’individu
11
ême de principe d’existence, et qui n’est rien qu’
un
rouage de l’État. Enfin la personne n’est plus une simple idée. C’est
12
un rouage de l’État. Enfin la personne n’est plus
une
simple idée. C’est la réalité paradoxale et dynamique de l’homme qui
13
cation. L’homme libre et relié, c’est le chrétien
des
communautés primitives : c’est le chevalier des légendes médiévales ;
14
n des communautés primitives : c’est le chevalier
des
légendes médiévales ; c’est l’artisan des guildes et des corporations
15
evalier des légendes médiévales ; c’est l’artisan
des
guildes et des corporations au temps de l’ascension bourgeoise ; c’es
16
endes médiévales ; c’est l’artisan des guildes et
des
corporations au temps de l’ascension bourgeoise ; c’est le citoyen re
17
. Ce n’est pas, comme certains veulent le croire,
un
moyen terme entre anarchie et tyrannie, c’est au contraire l’équilibr
18
vivant et vivifiant de l’un pour tous, tous pour
un
! Ainsi, dès l’origine, la Suisse s’affirme-t-elle comme la gardienne
19
ienne du secret de l’Europe, de sa vraie force et
des
valeurs qui l’ont créée. Gardienne des cols pour les nations, gardien
20
e force et des valeurs qui l’ont créée. Gardienne
des
cols pour les nations, gardienne de la doctrine commune à tous les pe
21
ôle ni d’autre vocation. Elle n’est pas elle-même
une
nation, mais elle est davantage que cela : elle est le lieu et la for
22
une heure de notre histoire, nous n’avons éprouvé
une
telle nécessité de prendre ou de reprendre pleine conscience de cette
23
niers siècles, succède depuis la guerre — qui fut
une
guerre des masses — une ère de déviation dans le sens collectiviste.
24
es, succède depuis la guerre — qui fut une guerre
des
masses — une ère de déviation dans le sens collectiviste. Cette malad
25
epuis la guerre — qui fut une guerre des masses —
une
ère de déviation dans le sens collectiviste. Cette maladie du sentime
26
d à nier l’existence de tout ce qui ne serait pas
une
grande nation monolithique, fondée sur l’unité — toute théorique d’ai
27
er lieu sa garde neutre. L’esprit totalitaire est
une
puissante négation du seul principe qui tienne rassemblés nos cantons
28
is, depuis le xiiie siècle, nous n’avons encouru
un
tel péril. Jamais la conscience impérieuse des raisons d’être de la S
29
uru un tel péril. Jamais la conscience impérieuse
des
raisons d’être de la Suisse n’a été, comme elle l’est aujourd’hui, un
30
la Suisse n’a été, comme elle l’est aujourd’hui,
une
condition vitale de notre existence même. ⁂ Je vois un peu partout de
31
ndition vitale de notre existence même. ⁂ Je vois
un
peu partout des signes de réveil. J’en ai relevé trois au début de ce
32
de notre existence même. ⁂ Je vois un peu partout
des
signes de réveil. J’en ai relevé trois au début de cet article, bien
33
ce même de notre État, et au-delà : de l’espoir d’
une
Europe recréée selon son génie. De cette action urgente, je ne puis i
34
est pas dans le nationalisme ! Nous ne sommes pas
une
nation ; ni trois nations ; ni même vingt-deux petites nations. Nous
35
; ni même vingt-deux petites nations. Nous sommes
une
Confédération de communautés régionales. C’est dans la mesure où nous
36
plus ou moins sérieusement de devenir nous aussi
une
nation, notre compte sera vite réglé. Car : 1° nous perdrons notre ra
37
tre, et il n’est pas d’exemple dans l’Histoire qu’
un
État qui a perdu sa raison d’être y survive plus de quelques années.
38
pour que j’insiste… 2° nous ne pouvons devenir qu’
une
des plus petites nations de l’Europe, et une nation divisée contre el
39
que j’insiste… 2° nous ne pouvons devenir qu’une
des
plus petites nations de l’Europe, et une nation divisée contre elle-m
40
r qu’une des plus petites nations de l’Europe, et
une
nation divisée contre elle-même en trois races et trois langues, si c
41
ons dépecés en trois Anschluss. Ce n’est donc pas
un
« idéal fumeux » que j’oppose à la tentation d’un nationalisme helvét
42
un « idéal fumeux » que j’oppose à la tentation d’
un
nationalisme helvétique. Je lui oppose la condition même de notre dro
43
La Suisse n’a pas de pires ennemis. Ce n’est pas
une
armée motorisée qui nous sauvera de l’attaque de nos voisins, même si
44
onvaincue de l’avenir que nous incarnons aux yeux
des
peuples d’Occident. Notre seul espoir, à nous Suisses, c’est de reste
45
il était le chef de file du groupe le plus vivant
des
écrivains de Hongrie, — le plus profondément magyar de sensibilité, e
46
et en même temps le plus européen par la culture.
Des
amis me proposèrent de l’aller voir à Esztergom, où il passe les étés
47
il passe les étés. J’eus ce bonheur de découvrir
une
terre et une race par ses poètes. La plaine hongroise était une grand
48
étés. J’eus ce bonheur de découvrir une terre et
une
race par ses poètes. La plaine hongroise était une grande liberté lum
49
ne race par ses poètes. La plaine hongroise était
une
grande liberté lumineuse ; tout m’accueillait, êtres et paysages, dan
50
use ; tout m’accueillait, êtres et paysages, dans
une
vaste hospitalité qui était celle de l’été même dont Babits me faisai
51
t les honneurs… Qu’on me permette de recopier ici
des
notes prises au retour de ce petit voyage ; il est resté merveilleuse
52
Primat. Au-dessus du palais de l’archevêché, sur
une
colline que le Danube contourne, la Basilique élève une coupole d’ocr
53
lline que le Danube contourne, la Basilique élève
une
coupole d’ocre éclatant, immense et froide, dominant cette plaine ond
54
plaine onduleuse dont les vagues se perdent dans
une
poussière violacée à l’horizon — chez les Tchèques déjà. Nous allons
55
res, et nous montons vers la maison du poète, sur
un
coteau de vignes. Trois chambres boisées entourées d’une large galeri
56
eau de vignes. Trois chambres boisées entourées d’
une
large galerie d’où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans rid
57
lique sur son rocher. Fraîches, sentant bon, avec
des
livres sur des divans aux riches couleurs, des boissons préparées, l’
58
ocher. Fraîches, sentant bon, avec des livres sur
des
divans aux riches couleurs, des boissons préparées, l’ombre bourdonna
59
ec des livres sur des divans aux riches couleurs,
des
boissons préparées, l’ombre bourdonnante, — trois petites chambres et
60
l’ombre bourdonnante, — trois petites chambres et
un
pan de toit par-dessus, cela fait une arche à peine visible dans les
61
chambres et un pan de toit par-dessus, cela fait
une
arche à peine visible dans les vignes, à peine détachée du flanc de l
62
colline (pour que les vents ne l’emportent pas),
un
beau nid de poète : car demeurer ici, c’est demeurer vraiment « en pl
63
ci, c’est demeurer vraiment « en pleine nature »,
un
peu au-dessus de la plaine, pas tout à fait dans le ciel, là où doive
64
chantent ». L’après-midi est immense. Nous buvons
des
vins dorés et doux que nous verse Ilonka Babits (elle est poète aussi
65
s noms au charbon sur le mur chaulé, Gachot prend
des
photos, Gyergyai fouille la plaine à la longue-vue et rêve qu’il y es
66
e grimpe au cerisier sauvage, derrière la maison,
un
peintre tout en blanc arrive par les vignes, ah ! qu’il fait beau tem
67
les couleurs, le poète sourit en lui-même, il y a
une
enfance dans l’air… ⁂ N’est-ce pas cela, la vraie gloire d’un poète :
68
ans l’air… ⁂ N’est-ce pas cela, la vraie gloire d’
un
poète : que son souvenir se confonde — inoubliable, inséparable — ave
69
onfonde — inoubliable, inséparable — avec celui d’
une
belle journée de son pays ? b. Rougemont Denis de, « Souvenir d’Es
70
(libéralisme) au règne de l’État totalitaire, par
une
logique dont la rigueur montre assez que les facteurs humains ont ces
71
t à leur place d’instruments techniques. Schéma :
un
État souverain dans l’aire délimitée de sa capacité ; administrant le
72
rtenant au gouvernement proprement dit, émanation
des
communes fédérées et des patries locales, et seule expression unitair
73
roprement dit, émanation des communes fédérées et
des
patries locales, et seule expression unitaire de la Nation ; jouissan
74
le expression unitaire de la Nation ; jouissant d’
un
pouvoir dictatorial dans l’application de ses pouvoirs strictement dé
75
forme de minimum vital distribué par l’entremise
des
communes. Ainsi serait évitée la collusion des puissances financières
76
se des communes. Ainsi serait évitée la collusion
des
puissances financières avec le Parlement et l’exécutif, collusion res
77
utif, collusion responsable de la mauvaise marche
des
administrations publiques, et de cette erreur économique — entre autr
78
r les communes et les personnes que sur la base d’
une
organisation rationnelle des servitudes publiques, c’est-à-dire d’une
79
es que sur la base d’une organisation rationnelle
des
servitudes publiques, c’est-à-dire d’une dichotomie rigoureuse entre
80
ionnelle des servitudes publiques, c’est-à-dire d’
une
dichotomie rigoureuse entre ce qui relève de l’exécution technique et
81
réation, toujours personnelle. C’est la confusion
des
pouvoirs matériels et de l’autorité, dee l’organisé et de l’organisat
82
et de la Nation, qui conduit au désordre flagrant
des
démocraties, et à cette fixation brutale du même désordre qu’on nomme
83
moyens d’y parvenir, de l’imposer, ils relèvent d’
une
action spirituelle au premier chef, et vous savez que je n’entends pa
84
je n’entends pas le spirituel au sens évanescent
des
libéraux, mais bien comme une action, tant publique que secrète, qui
85
au sens évanescent des libéraux, mais bien comme
une
action, tant publique que secrète, qui mobilise le tout de l’homme, e
86
at de la tyrannie de l’Argent ? », Combat : revue
des
idées et des faits, Paris, 10 juin 1938, p. 505. d. Précédé de la no
87
nnie de l’Argent ? », Combat : revue des idées et
des
faits, Paris, 10 juin 1938, p. 505. d. Précédé de la note suivante :
88
itions de l’Ordre nouveau. On sait qu’il s’agit d’
une
dichotomie, rationnelle, mais dont nous discuterons la possibilité hu
89
t nous discuterons la possibilité humaine — entre
un
gouvernement issu des groupes humains et une économie étatiste extra-
90
possibilité humaine — entre un gouvernement issu
des
groupes humains et une économie étatiste extra-gouvernementale. Pour
91
entre un gouvernement issu des groupes humains et
une
économie étatiste extra-gouvernementale. Pour atteindre ce but, M. de
92
Pour atteindre ce but, M. de Rougemont souhaite “
une
action spirituelle” plus forte, plus riche et plus noble que l’action
93
sérieuse et la plus riche d’enseignements. C’est
un
historique de l’Allemagne d’avant-guerre, des origines du conflit de
94
’est un historique de l’Allemagne d’avant-guerre,
des
origines du conflit de 1914, de la guerre, de la révolution, puis de
95
des événements de septembre, cette lecture prend
une
actualité vraiment bouleversante. Nous venons d’assister à la répétit
96
urances pacifiques, même duplicité dans le détail
des
négociations, mêmes tentatives pour « localiser le conflit », là à la
97
égime nazi : État et armée, doctrine et formation
des
esprits, système économique et financier. Nous aurions beaucoup de ré
98
se renseigner exactement sur le fonctionnement d’
un
régime autarcique, où nul organe de libre critique ne peut corriger l
99
s sources avec plus de minutie, et quand on donne
un
chiffre, donner aussi les moyens de l’interpréter. M. Rivaud affirme
100
nt les salaires de base ? Les polémiques au sujet
des
salaires russes nous ont rendus méfiants, à juste titre. De même, pag
101
sation nationale-socialiste a permis de supprimer
une
grande partie des producteurs libres », et on précise que le nombre d
102
ocialiste a permis de supprimer une grande partie
des
producteurs libres », et on précise que le nombre des sociétés anonym
103
producteurs libres », et on précise que le nombre
des
sociétés anonymes a été réduit de 9634 en 1932 à 7204 en 1936, et que
104
de 9634 en 1932 à 7204 en 1936, et que le nombre
des
« petites sociétés » est tombé de 6632 à 3863. Comment interpréter ce
105
éter ces chiffres ? L’auteur y voit la preuve « d’
une
sorte de socialisation indirecte de la production ». Mais par ailleur
106
ont absorbé les petites sociétés. Méfions-nous d’
un
certain abus du terme de « socialisme », trop fréquent chez les auteu
107
ährstandg (office d’alimentation). Quand il parle
des
doctrines nazies, on doit reprocher à M. Rivaud de mêler trop souvent
108
trop souvent ses commentaires à l’exposé objectif
des
thèses hitlériennes. Son résumé de Mein Kampf reste flou : on ne sait
109
itlérisme. Par ailleurs, en effet, quand il parle
des
méthodes nazies d’usage interne, en politique et en économie. M. Riva
110
itre final sur la politique extérieure. Le résumé
des
événements de l’après-guerre tel que le donne l’auteur, paraît extrai
111
-guerre tel que le donne l’auteur, paraît extrait
des
seules chroniques de M. Bailby. À tel point qu’on omet d’y faire figu
112
ce livre ! Elles n’ont pour but que de faciliter
une
lecture à tant d’égards urgente et révélatrice. f. Rougemont Denis
113
embre 1938)h i Messieurs, Après tant d’éloges,
une
prudence élémentaire me commanderait de me taire : quoi que je dise,
114
que Rivier vient de développer devant vous, avec
une
précision magistrale. Minuit praesentia famam, dit le latin. Mais il
115
ubliant mon Journal , je suis entré dans la voie
des
aveux. J’ai même confessé certaines de mes superstitions. Il ne me re
116
e m’étais entièrement retiré dans l’élaboration d’
un
ouvrage intitulé L’Amour et l’Occident . Je partais d’une réflexion
117
ge intitulé L’Amour et l’Occident . Je partais d’
une
réflexion passionnée sur le mythe de la passion, la légende de Trista
118
mythe, demeuré si puissant dans nos vies, détient
une
signification secrète, qui est le combat du Jour et de la Nuit. J’esp
119
eure où Brangaine du haut de la tour jette le cri
des
« aubes » mystiques : « Prenez garde ! prenez garde ! Voici que la nu
120
évu — j’inscrivais ce terrible mot : FIN au bas d’
un
manuscrit considérable. Le lendemain, 21, l’Opéra de Paris représenta
121
du 21. Comment ne pas voir dans ces coïncidences
un
signal amical du destin ? Vous vous trouviez couronner sans le savoir
122
travail, tout au moins par sa quantité, sera-t-il
un
peu moins indigne du grand honneur que vous lui faites… ⁂ L’un des th
123
igne du grand honneur que vous lui faites… ⁂ L’un
des
thèmes qui reviennent avec quelque insistance dans le Journal , c’es
124
ournal , c’est celui que je nommais le « problème
des
gens ». Problème des relations des hommes entre eux ; des relations d
125
que je nommais le « problème des gens ». Problème
des
relations des hommes entre eux ; des relations de l’écrivain avec les
126
le « problème des gens ». Problème des relations
des
hommes entre eux ; des relations de l’écrivain avec les hommes parmi
127
». Problème des relations des hommes entre eux ;
des
relations de l’écrivain avec les hommes parmi lesquels il vit ; enfin
128
ain avec les hommes parmi lesquels il vit ; enfin
des
relations de l’auteur et de son public. Or vous n’ignorez pas que mon
129
la cité actuelle ont bien du mal à communier dans
une
même vérité vécue ; qu’ils sont souvent d’autant plus seuls qu’ils se
130
s les villes. Il me semblait aussi que le langage
des
écrivains était devenu, ou était resté, le langage d’un très petit no
131
ivains était devenu, ou était resté, le langage d’
un
très petit nombre, ou d’une caste, alors que dans le même temps l’ins
132
it resté, le langage d’un très petit nombre, ou d’
une
caste, alors que dans le même temps l’instruction publique mettait to
133
ction publique mettait tout homme en état de lire
des
livres, sinon de les comprendre. D’où sont nés quantité de malentendu
134
ou mes contemporains, vous êtes le vrai public d’
un
livre comme le Journal , celui qu’il cherche et qu’il espère rejoind
135
ourquoi j’ose voir dans votre décision le signe d’
une
entente réalisée — et attestée avec munificence ! — entre un auteur e
136
réalisée — et attestée avec munificence ! — entre
un
auteur et son public. Cet aspect de mon « problème des gens », vous l
137
uteur et son public. Cet aspect de mon « problème
des
gens », vous l’avez résolu d’une manière que, pour ma part, je ne sau
138
e mon « problème des gens », vous l’avez résolu d’
une
manière que, pour ma part, je ne saurais qualifier que d’idéale ! Doi
139
r ? Vous êtes Vaudois, et pourtant vous couronnez
un
Neuchâtelois. Vous êtes zofingiens, et vous couronnez un ancien belle
140
hâtelois. Vous êtes zofingiens, et vous couronnez
un
ancien bellettrien, — ce qui est encore plus digne de louange. Enfin,
141
st encore plus digne de louange. Enfin, vous êtes
des
Suisses de Suisse, et vous couronnez un Suisse de Paris, ein Pariser
142
ous êtes des Suisses de Suisse, et vous couronnez
un
Suisse de Paris, ein Pariser Neuburger comme disent, avec effroi, les
143
moindre titre que vous ayez à ma reconnaissance.
Une
vieille tradition helvétique voulait que les esprits turbulents allas
144
bulents allassent mettre au service de l’étranger
une
humeur belliqueuse qui, Dieu merci, ne trouvait pas à s’exercer dans
145
es. Pourquoi n’y aurait-il pas de nos jours, sous
une
forme plus pacifique1, des écrivains qui renoueraient cette tradition
146
pas de nos jours, sous une forme plus pacifique1,
des
écrivains qui renoueraient cette tradition ? Quelques années de servi
147
uisse apparaît de plus en plus comme le symbole d’
une
Europe à venir, fédérant ses précieuses différences, — il se peut que
148
service européen soit précisément dans la ligne d’
une
vocation d’écrivain suisse. Il faut de tout pour faire une Suisse, su
149
ion d’écrivain suisse. Il faut de tout pour faire
une
Suisse, surtout dans le plan de la culture. Il faut d’abord des homme
150
rtout dans le plan de la culture. Il faut d’abord
des
hommes comme Ramuz, qui représentent la Suisse en soi, j’entends la S
151
oi, j’entends la Suisse dans la réalité vivante d’
un
de ses cantons ; des hommes qui, à force d’être Vaudois avec génie, s
152
sse dans la réalité vivante d’un de ses cantons ;
des
hommes qui, à force d’être Vaudois avec génie, soient des valeurs eur
153
es qui, à force d’être Vaudois avec génie, soient
des
valeurs européennes. Mais peut-être faut-il ensuite, et à côté, des h
154
ennes. Mais peut-être faut-il ensuite, et à côté,
des
hommes qui essaient de représenter l’idée de la Suisse au regard de l
155
enter l’idée de la Suisse au regard de l’Europe ;
des
hommes qui soient des Suisses par cela même qu’ils essaient d’être de
156
sse au regard de l’Europe ; des hommes qui soient
des
Suisses par cela même qu’ils essaient d’être des Européens. C’est dan
157
des Suisses par cela même qu’ils essaient d’être
des
Européens. C’est dans cette tradition — celle d’un Constant — que je
158
s Européens. C’est dans cette tradition — celle d’
un
Constant — que je me suis trouvé rangé, un peu par la force des chose
159
elle d’un Constant — que je me suis trouvé rangé,
un
peu par la force des choses, par atavisme autant que par goût. Mais j
160
que je me suis trouvé rangé, un peu par la force
des
choses, par atavisme autant que par goût. Mais je tiens à le souligne
161
contribué à resserrer ces liens, en me procurant
une
soirée comme celle-ci, c’est assez — sans compter tout le reste — pou
162
ris remis pour récompenser l’auteur du Journal d’
un
intellectuel en chômage .
163
Tous les problèmes se posent différemment pour
un
croyant et pour un incroyant. Non pas que leurs données soient différ
164
es se posent différemment pour un croyant et pour
un
incroyant. Non pas que leurs données soient différentes. Mais elles n
165
ont pas le même sens. Je m’explique. Il n’y a pas
une
manière chrétienne et une manière athée de réussir une paire de souli
166
’explique. Il n’y a pas une manière chrétienne et
une
manière athée de réussir une paire de souliers. Les souliers sont bon
167
anière chrétienne et une manière athée de réussir
une
paire de souliers. Les souliers sont bons ou mauvais. Un roman, de mê
168
e de souliers. Les souliers sont bons ou mauvais.
Un
roman, de même. Mais tout ce que fait un chrétien, il le dédie à la g
169
mauvais. Un roman, de même. Mais tout ce que fait
un
chrétien, il le dédie à la gloire de Dieu, et c’est là toute la diffé
170
fet, elle ne l’est pas. Il n’y a de visible, dans
un
roman, que sa technique, son métier, sa réussite ou ses défauts. Mais
171
ansparente — c’est l’esprit qui animait l’auteur.
Un
roman ne peut « servir » que si l’auteur l’a fait dans un esprit de s
172
ne peut « servir » que si l’auteur l’a fait dans
un
esprit de service. Or tout service qui n’est pas le service du Dieu v
173
t pas le service du Dieu vivant se trouve devenir
une
servitude. Un romancier communiste doit se préoccuper des résultats p
174
e du Dieu vivant se trouve devenir une servitude.
Un
romancier communiste doit se préoccuper des résultats politiques de s
175
itude. Un romancier communiste doit se préoccuper
des
résultats politiques de son œuvre : servitude pour l’artiste. Mais un
176
ues de son œuvre : servitude pour l’artiste. Mais
un
romancier chrétien n’a pas à se préoccuper des résultats. Il ne saura
177
ais un romancier chrétien n’a pas à se préoccuper
des
résultats. Il ne saurait les prévoir, puisque c’est Dieu seul qui con
178
ue, c’est-à-dire mauvaise littérature. Aux yeux d’
un
croyant, il n’est pas de comparaison possible entre la situation du r
179
communiste. Car le chrétien comme tel ne sert pas
une
cause visible, et son service n’est pas mesurable à ses « résultats »
180
ute typiquement protestant (bien que valable pour
un
catholique). Ceci expliquerait peut-être, dans une certaine mesure, p
181
rtaine mesure, pourquoi « il n’est pas question d’
une
littérature protestante ». En effet : le protestant ne considère pas
182
mêmes, hors de leur qualité technique. Elles sont
un
service ; elles ne sont pas au service d’une cause ou d’un parti, fût
183
sont un service ; elles ne sont pas au service d’
une
cause ou d’un parti, fût-il baptisé « chrétien ». (Je parle idéalemen
184
e ; elles ne sont pas au service d’une cause ou d’
un
parti, fût-il baptisé « chrétien ». (Je parle idéalement : nous avons
185
n ». (Je parle idéalement : nous avons nous aussi
une
pénible « littérature protestante » d’édification.) Elles sont encore
186
e protestante » d’édification.) Elles sont encore
une
action de grâce, comme le Magnificat de Bach. Pour préciser : un arti
187
âce, comme le Magnificat de Bach. Pour préciser :
un
artiste protestant (Rembrandt, Du Bartas, Selma Lagerlöf, Ramuz) ne c
188
évèle : — et à partir de là ne se posent plus que
des
problèmes d’ordre technique. Nous autres écrivains de la Réforme, nou
189
s que cette main qui désigne le Christ, au-dessus
des
déserts du monde. « Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Et nou
190
urions « guérir » personne. On ne nous demande qu’
un
diagnostic exact de l’humain, c’est-à-dire, je le répète : une expres
191
c exact de l’humain, c’est-à-dire, je le répète :
une
expression vraiment totale et sans réserve de l’homme tel que le voie
192
é de la notice suivante : « Et voici la réponse d’
un
protestant. Par sa pensée ferme et drue, Denis de Rougemont exerce un
193
a pensée ferme et drue, Denis de Rougemont exerce
une
influence décisive sur les différents mouvements qu’on peut grouper s
194
er sous le vocable “personnalistes”. On trouve là
un
des plus authentiques essais de construction de notre temps. Politiq
195
sous le vocable “personnalistes”. On trouve là un
des
plus authentiques essais de construction de notre temps. Politique d
196
personne , Penser avec les mains , le Journal d’
un
intellectuel en chômage , et les autres écrits de Rougemont en sont p
197
e distribuer de l’instruction, de vendre au poids
des
connaissances techniques, grâce auxquelles l’étudiant se verrait en m
198
errait en mesure de gagner maigrement sa vie dans
une
profession libérale ? On le croit souvent. Pour ma part, je ne l’ai j
199
ne la point gagner, vous le savez bien : ce sont
des
trucs de métier, si j’ose dire, des trucs que l’on n’apprend qu’à l’e
200
ien : ce sont des trucs de métier, si j’ose dire,
des
trucs que l’on n’apprend qu’à l’expérience. Or l’Université ne saurai
201
n sot, il serait même barbare de le lui reprocher
un
seul instant. Nous attendons de l’Université tout autre chose. Je pui
202
eux, c’est ce qu’elle m’a donné sans le vouloir :
une
atmosphère, un milieu de vie, et bien au-delà d’une instruction : des
203
’elle m’a donné sans le vouloir : une atmosphère,
un
milieu de vie, et bien au-delà d’une instruction : des possibilités d
204
e atmosphère, un milieu de vie, et bien au-delà d’
une
instruction : des possibilités de culture, au sens le plus large poss
205
ilieu de vie, et bien au-delà d’une instruction :
des
possibilités de culture, au sens le plus large possible. Cela englobe
206
le plus large possible. Cela englobe, évidemment,
une
certaine somme de connaissances indispensables pour le jour de l’exam
207
n. Mais cela englobe aussi tant d’autres choses !
Une
certaine qualité de loisirs, de réflexions aventureuses, de rêveries
208
de les oublier ! — la vie nocturne de l’étudiant,
des
lectures qui ne servent à rien, des promenades qui ne mènent à rien,
209
e l’étudiant, des lectures qui ne servent à rien,
des
promenades qui ne mènent à rien, sinon à voir et à sentir comme jamai
210
deur du lac immobile… Tout cela peut se résumer d’
un
mot. C’est le romantisme éternel. C’est tout ce que l’on aura plus ta
211
ppelle, ce soir, ces folies-là. Nous vivions dans
une
sorte d’euphorie constante, coupée de somnolences, d’heures de paress
212
’accès d’enthousiasme pathétiques ! Nous passions
des
soirées et des nuits que nous imaginions orgiaques, et qui étaient si
213
siasme pathétiques ! Nous passions des soirées et
des
nuits que nous imaginions orgiaques, et qui étaient simplement lyriqu
214
aques, et qui étaient simplement lyriques. Durant
des
mois d’hiver, notre vie tournoyait dans l’atmosphère des « Théâtrales
215
s d’hiver, notre vie tournoyait dans l’atmosphère
des
« Théâtrales » — curieux terme, composé, disait-on, à la manière de b
216
rnales — les théâtrales, rien de plus évocateur d’
un
état de fête collectif et prolongé… Pendant des mois, ai-je dit, car
217
d’un état de fête collectif et prolongé… Pendant
des
mois, ai-je dit, car il fallait d’abord choisir la pièce, puis la pré
218
mener pour la rejouer je ne sais combien de fois,
un
peu plus chaque année. Mais le plus beau, c’était que nous finissions
219
ssions par transformer notre existence entière en
un
théâtre. Dans cette ville dont les places et les rues sont si pareill
220
e dont les places et les rues sont si pareilles à
des
décors, la nuit, nous avions l’impression de circuler sur une scène p
221
la nuit, nous avions l’impression de circuler sur
une
scène perpétuelle. Les bons bourgeois n’étaient plus, à nos yeux, que
222
es bons bourgeois n’étaient plus, à nos yeux, que
des
sortes de figurants, ignorant tout du sens réel de notre drame. Ils n
223
drame. Ils nous voyaient passer, cheveux au vent,
des
foulards rouges négligemment noués autour du cou, avec des mines fata
224
rds rouges négligemment noués autour du cou, avec
des
mines fatales d’insomnies et des restes de fard aux joues. Nous dansi
225
our du cou, avec des mines fatales d’insomnies et
des
restes de fard aux joues. Nous dansions autour d’une flamme invisible
226
restes de fard aux joues. Nous dansions autour d’
une
flamme invisible à tout autre qu’à nous, et dont nous n’étions même p
227
’il n’y avait pas en jeu, dans tout cela, rien qu’
une
innocente fantaisie. Il y avait peut-être autre chose. Une espèce de
228
ente fantaisie. Il y avait peut-être autre chose.
Une
espèce de recherche inconsciente de réalités plus vivantes, de drames
229
eux dont nous faisions la montre… Mais ceci c’est
une
autre histoire, et qui m’entraînerait assez loin. … Ne serait-ce pas
230
se, de maintenir cette tradition du romantisme et
des
féconds loisirs qui a fait la gloire d’une Heidelberg, d’une Tubingue
231
sme et des féconds loisirs qui a fait la gloire d’
une
Heidelberg, d’une Tubingue, et de tant d’autres petites cités où réso
232
loisirs qui a fait la gloire d’une Heidelberg, d’
une
Tubingue, et de tant d’autres petites cités où résonnent aujourd’hui
233
t d’autres petites cités où résonnent aujourd’hui
des
chants… d’une autre espèce ? Ne serait-ce pas à nous de maintenir et
234
ites cités où résonnent aujourd’hui des chants… d’
une
autre espèce ? Ne serait-ce pas à nous de maintenir et d’illustrer au
235
aintenir et d’illustrer aux yeux du monde moderne
une
de ces vérités qu’il méconnaît, mais qui lui survivra sans doute : c’
236
t cultivé, — et non pas méprisé ou condamné comme
un
péché envers l’État. Il m’a semblé que cette petite morale du loisir
237
aiment, quel danger y aurait-il à faire l’éloge d’
une
certaine paresse dans une occasion de ce genre ? Ce ne sera jamais, h
238
it-il à faire l’éloge d’une certaine paresse dans
une
occasion de ce genre ? Ce ne sera jamais, hélas, qu’une fois tous les
239
rsité dans le pays ? », Bulletin de l’Association
des
anciens étudiants de l’Université de Neuchâtel, Neuchâtel, 1939, p. 1
240
’homme devant Dieu égale zéro. Pour les modernes,
un
protestant égale une personnalité. Que peut bien signifier cette cont
241
gale zéro. Pour les modernes, un protestant égale
une
personnalité. Que peut bien signifier cette contradiction affligeante
242
d’auteurs non protestants ou incroyants nous font
une
gloire peut-être intempestive ? Le problème est, je crois, d’autant p
243
t monumentales, posées par les Pères de l’Église,
des
Apôtres jusqu’à Luther. Devant le danger, ils serrent les rangs. Ils
244
antisme créateur de personnalités, ou défenseur d’
une
certaine dignité humaine. Eh bien, je ne vois aucune raison de décevo
245
ne. Eh bien, je ne vois aucune raison de décevoir
une
telle attente. Mais attention ! Cette interrogation pressante, il ne
246
jamais de se montrer très rigoureux dans le choix
des
moyens de défense. Et, par exemple, si beaucoup sont prêts à louer la
247
si beaucoup sont prêts à louer la Réforme d’être
une
école de personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c’est le
248
a Réforme d’être une école de personnalités, donc
un
rempart contre la barbarie, c’est le moment pour nous de préciser com
249
testantisme est effectivement cela. I Depuis
une
dizaine d’années, une discussion générale s’est instituée sur les not
250
ivement cela. I Depuis une dizaine d’années,
une
discussion générale s’est instituée sur les notions de personne, d’in
251
ersonne, d’individu et de personnalité. Il existe
un
mouvement personnaliste qui a pris pour tâche de démêler ces notions
252
che de démêler ces notions et de fonder sur elles
un
ordre social renouvelé. Des philosophes tels que Maritain du côté cat
253
et de fonder sur elles un ordre social renouvelé.
Des
philosophes tels que Maritain du côté catholique, Berdiaev du côté or
254
n du côté catholique, Berdiaev du côté orthodoxe,
un
certain nombre de jeunes protestants, beaucoup d’agnostiques aussi, s
255
ont efforcés de démontrer l’importance concrète d’
une
définition de la personne pour toute action dans la cité. Ces discuss
256
nne humaine » est devenu le slogan par excellence
des
hommes d’État démocratiques. Ce fait, et toutes les équivoques que ri
257
ntraîner de telles notions, me paraissent revêtir
une
importance particulière pour notre pensée réformée. Car il se trouve
258
ersonnalité. Je préfère illustrer ces notions par
des
exemples historiques susceptibles de faire image. Si nous remontons a
259
du. Contrairement à ce que peut nous faire croire
une
certaine polémique réactionnaire, l’individu n’est pas une invention
260
ine polémique réactionnaire, l’individu n’est pas
une
invention du siècle des Lumières et de la Déclaration des droits de l
261
ire, l’individu n’est pas une invention du siècle
des
Lumières et de la Déclaration des droits de l’homme. C’est une invent
262
ntion du siècle des Lumières et de la Déclaration
des
droits de l’homme. C’est une invention grecque, et sa naissance signa
263
et de la Déclaration des droits de l’homme. C’est
une
invention grecque, et sa naissance signale la naissance même de l’hel
264
L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout d’
un
coup se met à réfléchir pour son compte, et qui, de ce fait même, se
265
primitif, la tribu, est lié par le lien du sang,
des
morts communs, et par celui de la terreur sacrée. C’est autour d’un t
266
et par celui de la terreur sacrée. C’est autour d’
un
tabou et autour des tombeaux, objets d’effroi, que se rassemble la so
267
terreur sacrée. C’est autour d’un tabou et autour
des
tombeaux, objets d’effroi, que se rassemble la société primitive. Ce
268
est ce qu’elle craint, c’est ce qui la terrorise.
Une
société ainsi formée a pour caractère distinctif l’intolérance radica
269
régaire et xénophobe. Mais supposez maintenant qu’
un
des membres de la tribu se mette à raisonner à part soi. Raisonner, c
270
aire et xénophobe. Mais supposez maintenant qu’un
des
membres de la tribu se mette à raisonner à part soi. Raisonner, c’est
271
uvement d’arrachement au sacré sombre, à l’empire
des
morts, ce mouvement de dissolution de la communauté primitive, c’est
272
aissance même de la Grèce. Sur le fond indistinct
des
peuplades indo-germaniques, les Grecs sont les premiers à se détacher
273
hommes se singularisent : on les considère comme
des
criminels, car ils ont profané l’élément sacré du groupe. On les expu
274
u sens moderne. Alors que la tribu était liée par
des
liens d’origine — le sang, la famille — la cité est fondée sur l’inté
275
s contrats. Alors que la morale de la tribu dicte
des
devoirs sacrés, dans la cité on parle de droits. Tous les membres de
276
science de ton existence individuelle, libère-toi
des
déterminations sacrées et obscures. Peut-être peut-on rapprocher cett
277
parle de lui, qu’on le distingue… C’est là encore
une
assez bonne définition de l’individu. Toutefois, ce mouvement centrif
278
oment, se produit fatalement ce que j’appellerais
un
sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naî
279
j’appellerais un sentiment de vide social. C’est
une
sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle
280
une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à
une
communauté nouvelle et plus solide, où l’individu isolé retrouve des
281
elle et plus solide, où l’individu isolé retrouve
des
contraintes qui le rassurent, et l’État sa puissance matérielle. C’es
282
on appareil rigide, devait fatalement triompher d’
une
Grèce que nous dirions « atomisée ». Le vide social créé par l’indivi
283
ide social créé par l’individualisme est toujours
un
appel à l’État dictatorial. Et cet État aux cadres géométriques, avec
284
nt plus facilement qu’il n’aura plus affaire qu’à
une
poussière d’individus déracinés, n’offrant plus de résistance appréci
285
ide est absolu, plus l’appel est puissant. À bien
des
égards, l’étatisme ne fait qu’achever le processus de dissolution soc
286
tion, de « mise au pas ». C’est avec la poussière
des
individus que l’État fera son ciment. Diviser pour régner, déraciner
287
mieux discipliner, cela seul permet de constituer
un
bloc puissant vis-à-vis de l’extérieur ; un bloc qui prend l’allure d
288
ituer un bloc puissant vis-à-vis de l’extérieur ;
un
bloc qui prend l’allure d’une armée. Le vice d’un tel système, c’est
289
vis de l’extérieur ; un bloc qui prend l’allure d’
une
armée. Le vice d’un tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu tout
290
un bloc qui prend l’allure d’une armée. Le vice d’
un
tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu toutes les initiatives v
291
ne manque pas de se produire lorsque la majorité
des
citoyens se trouve réduite à l’état de fonctionnaires ou de soldats.
292
e le citoyen. Dans l’Empire, tout homme n’est pas
une
persona, il s’en faut. Les esclaves, par exemple, qui forment les deu
293
ment les deux tiers de la population, ne sont pas
des
personnes, puisqu’ils ne jouent pas de rôle dans les rouages de l’Éta
294
oule sous son propre poids. De nouveau se reforme
un
vide social, une angoisse, un appel à une communauté. L’anarchie et l
295
opre poids. De nouveau se reforme un vide social,
une
angoisse, un appel à une communauté. L’anarchie et la tyrannie, succe
296
nouveau se reforme un vide social, une angoisse,
un
appel à une communauté. L’anarchie et la tyrannie, successivement, on
297
reforme un vide social, une angoisse, un appel à
une
communauté. L’anarchie et la tyrannie, successivement, ont fait faill
298
mitive, à base de sang et de liens sacrés : c’est
une
régression vers la barbarie, mais qui flatte les instincts et les pas
299
fait le rêve nostalgique du retour à la nature, d’
une
fraternité plus charnelle, d’une communion avec la masse dans le myst
300
r à la nature, d’une fraternité plus charnelle, d’
une
communion avec la masse dans le mystère des origines : souvenirs, myt
301
le, d’une communion avec la masse dans le mystère
des
origines : souvenirs, mythologies, rites magiques, races, contraintes
302
contraintes sacrées. C’est là ce que j’appellerai
une
communauté régressive. L’autre possibilité de communauté, c’est celle
303
lle qu’imagine l’être spirituel. C’est l’espoir d’
une
société d’un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur les
304
l’être spirituel. C’est l’espoir d’une société d’
un
type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur les contraintes d
305
t pas fondée sur les contraintes du passé, ni sur
des
lois, mais sur l’attente commune et enthousiaste d’un au-delà libérat
306
ois, mais sur l’attente commune et enthousiaste d’
un
au-delà libérateur. Ce n’est plus le rêve du retour aux origines, c’e
307
s le rêve du retour aux origines, c’est le rêve d’
un
avenir éternel, d’une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente
308
ux origines, c’est le rêve d’un avenir éternel, d’
une
révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’une communauté progr
309
révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’
une
communauté progressive. La réalisation historique de la première poss
310
la République romaine, quand le César est devenu
un
dieu. Et c’est l’échec de cette religion d’État, confondu avec l’éche
311
gion d’État, confondu avec l’échec plus général d’
une
société bureaucratisée, qui a permis et préparé le triomphe du christ
312
is je demeure persuadé que la seule possibilité d’
une
communauté progressive n’eût pas suffi à éveiller la volonté de la ré
313
r et de la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’
un
fait historique, qu’un acte vînt transformer cette possibilité en une
314
de l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’
un
acte vînt transformer cette possibilité en une vision immédiate et dy
315
qu’un acte vînt transformer cette possibilité en
une
vision immédiate et dynamique. Et ce fait, c’est l’événement central
316
emps : l’incarnation de Dieu dans l’homme fondant
une
société absolument nouvelle : l’Église. Qu’est-ce que l’Église primit
317
nt de vue sociologique où je me place ici ? C’est
une
communauté spirituelle formée d’un grand nombre de petites communauté
318
e ici ? C’est une communauté spirituelle formée d’
un
grand nombre de petites communautés locales, que l’on pourrait appele
319
communautés locales, que l’on pourrait appeler d’
un
terme moderne : des cellules. Ces communautés ne sont pas fondées sur
320
s, que l’on pourrait appeler d’un terme moderne :
des
cellules. Ces communautés ne sont pas fondées sur le passé ni sur des
321
mmunautés ne sont pas fondées sur le passé ni sur
des
origines communes. « Il n’y a plus ni Juif ni Grec », écrit saint Pau
322
Paul. Elles ne tiennent compte ni de la race, ni
des
traditions, ni du rang social : on y trouve des esclaves et des citoy
323
i des traditions, ni du rang social : on y trouve
des
esclaves et des citoyens riches. Leur lien n’est pas terrestre : il e
324
, ni du rang social : on y trouve des esclaves et
des
citoyens riches. Leur lien n’est pas terrestre : il est dans l’au-del
325
rrestres, car ce qu’elles attendent, c’est la fin
des
temps. Et cependant, ces communautés étranges constituent bel et bien
326
tés étranges constituent bel et bien les germes d’
une
société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chefs l
327
blées. Ceux qui en deviennent membres y reçoivent
une
assistance matérielle, mais ils y trouvent aussi des possibilités de
328
assistance matérielle, mais ils y trouvent aussi
des
possibilités de servir leurs frères. Ils se voient donc libérés, et d
329
voient donc libérés, et du même coup engagés dans
un
corps social nouveau. Prenons le cas social de l’esclave qui devient
330
actif de persona. Spirituellement, il se produit
un
phénomène parallèle : le païen qui se convertit se voit d’une part ra
331
racheté de son péché ; et d’autre part, il reçoit
une
mission nouvelle, une vocation. Il devient le serviteur du Maître qui
332
et d’autre part, il reçoit une mission nouvelle,
une
vocation. Il devient le serviteur du Maître qui le libère. Ainsi, spi
333
nsi, spirituellement et socialement, l’Église est
une
communauté d’hommes qui sont à la fois libres et engagés. Libérés par
334
ître. Ces hommes nouveaux apparaissent donc comme
des
paradoxes vivants, et cependant nous savons bien que leur libération
335
squ’ils traduisent deux aspects complémentaires d’
une
seule et même réalité : la conversion. Tel est l’homme neuf, créé par
336
la persona du droit romain, puisque l’homme qui a
une
vocation possède une dignité indépendante de son rôle social. Comment
337
omain, puisque l’homme qui a une vocation possède
une
dignité indépendante de son rôle social. Comment le baptiser ? Il fau
338
de son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut
un
mot nouveau. Ou plutôt non : c’est à un mot déjà connu que l’on aura
339
? Il faut un mot nouveau. Ou plutôt non : c’est à
un
mot déjà connu que l’on aura recours, mais on va lui donner un nouvea
340
onnu que l’on aura recours, mais on va lui donner
un
nouveau sens. Pour désigner les relations constituant la Trinité, le
341
s chrétiens à désigner la réalité de l’homme dans
un
monde christianisé. Car cet homme, lui aussi, se trouve être à la foi
342
réalité sociale de la personne, sont bel et bien
des
créations chrétiennes ou, pour mieux dire, des créations de l’Église
343
en des créations chrétiennes ou, pour mieux dire,
des
créations de l’Église chrétienne. Voici donc définis par leurs origi
344
entre ces deux vocables si courants, loin d’être
une
querelle byzantine, ne traduit rien de moins, dans les débuts, que la
345
Ces bases étant posées, faisons dans nos pensées
un
petit saut de quelques siècles, pour retomber tout à la fois dans l’é
346
et dans le sujet précis qui nous occupe. L’Église
des
premiers siècles a repris peu à peu l’héritage de l’Empire romain. El
347
pire temporel, recréa, tout au long du Moyen Âge,
une
sorte de communauté sacrée, de société sacrale d’allure collectiviste
348
e prévoir. En effet, la personne chrétienne était
une
sorte de paradoxe : elle unissait l’individu libre et la persona ou f
349
idu libre et la persona ou fonction sociale, dans
un
composé original dominé par la foi. Si la foi venait à disparaître ou
350
unauté fondée sur la personne courait le danger d’
une
double déviation : d’une part vers l’individualisme, d’autre part ver
351
sonne, en absorbant celle-ci de plus en plus dans
des
engagements séculiers, considérés de nouveau comme sacrés. Or, toutes
352
toutes les fois que l’élément sacré reparaît dans
une
société, et tend à s’imposer par la force, comme ce fut le cas dès le
353
t le cas dès le xiie siècle, on se retrouve dans
une
situation quelque peu analogue à celle des débuts de la Grèce, en ce
354
e dans une situation quelque peu analogue à celle
des
débuts de la Grèce, en ce sens qu’une révolte de l’individu ne tarde
355
gue à celle des débuts de la Grèce, en ce sens qu’
une
révolte de l’individu ne tarde pas à se manifester. Cette révolte, c’
356
la Renaissance. Elle apparaît d’abord en Italie,
un
siècle au moins avant la Réforme. Et l’on peut la caractériser par qu
357
ualiste. L’individu de la Renaissance est d’abord
un
révolté qui oppose ses besoins propres aux dogmes sacrés de la collec
358
t de sa cité, aux dépens même de la vie d’autrui.
Un
grand nombre de crimes furent commis dans l’Italie du xve siècle à s
359
al. Enfin l’individu de la Renaissance se livre à
une
activité toute nouvelle : l’expérimentation scientifique libre. Tout
360
imentation scientifique libre. Tout cela relève d’
une
seule et même volonté : celle de profaner le sacré collectif et ses t
361
que la dissection du corps humain, c’est toujours
une
profanation que l’on opère. Du moins ces gestes sont-ils ressentis co
362
que. Or il est évident que cet individualisme est
un
retour du paganisme grec. Mais il est non moins évident qu’il représe
363
c. Mais il est non moins évident qu’il représente
une
réaction inévitable à la déviation romaine de la communauté catholiqu
364
vous montrer ce que pourrait être et devrait être
un
personnalisme inspiré de la Réforme. Calvin ni Luther n’ont parlé de
365
t parlé de la personne en soi. Ils n’ont pas fait
une
théorie personnaliste, ils ne paraissent même pas avoir entrevu la po
366
e pas avoir entrevu la possibilité ou l’intérêt d’
un
tel problème. Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou de la
367
sayons de les dégager sommairement. Le but unique
des
réformateurs était de restaurer la fidélité de l’Église à la Parole d
368
eu. Jamais ils n’ont admis d’être présentés comme
des
novateurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit Calvin, de ne pas mettr
369
. Calvin combat les deux tendances non point pour
des
raisons politiques, mais pour sauver l’Église véritable, car, écrit-i
370
la foi serait confuse. » L’Église primitive était
une
communauté spirituelle de personnes, d’hommes nouveaux, à la fois lib
371
ouveaux, à la fois libres et engagés, constituant
une
multitude de communautés locales. Telles seront à nouveau les Églises
372
rétendu unifier les constitutions ecclésiastiques
des
villes où il avait une autorité immédiate, Strasbourg et Genève. Le p
373
stitutions ecclésiastiques des villes où il avait
une
autorité immédiate, Strasbourg et Genève. Le problème ne se pose même
374
ocales s’organiseront en fédérations, délégueront
des
députés à des synodes, et il n’y aura pas de pape pour unifier tempor
375
iseront en fédérations, délégueront des députés à
des
synodes, et il n’y aura pas de pape pour unifier temporellement toute
376
r véritable unité en Christ, et dans la communion
des
saints. Ici-bas, l’Église nous apparaît, selon les propres termes de
377
les propres termes de Calvin, dans la diversité «
des
Églises et des personnes particulières ». Car non seulement il y a pl
378
mes de Calvin, dans la diversité « des Églises et
des
personnes particulières ». Car non seulement il y a plusieurs Églises
379
térieur de chaque Église locale, il y a diversité
des
personnes, c’est-à-dire des vocations particulières. Avec ce terme de
380
ale, il y a diversité des personnes, c’est-à-dire
des
vocations particulières. Avec ce terme de vocation, Calvin n’ajoute r
381
chrétien, du membre de l’Église, mais il apporte
une
précision capitale à la définition de la personne. À tel point que je
382
ion. La persona romaine, c’était le rôle joué par
un
individu dans le plan de l’État. La personne chrétienne, ce sera le r
383
reliée à nouveau. Car le rôle que Dieu attribue à
un
homme distingue cet homme, l’isole, mais en même temps le remet en co
384
te physiquement, mais du fait qu’il peut incarner
une
volonté particulière de Dieu. Et dès lors, cet homme n’a pas seulemen
385
tout le devoir d’agir, en tant qu’il est chargé d’
une
responsabilité unique dans la société, à sa juste place. Notons que s
386
tre respectée par l’État, ce n’est pas en vertu d’
un
droit naturel à la désobéissance. Calvin précise que l’État, quel qu’
387
l soit, doit être obéi par chacun. Mais il ajoute
une
restriction mémorable, qui figure en particulier dans le serment des
388
orable, qui figure en particulier dans le serment
des
pasteurs de Genève, et dont l’actualité vous frappera certainement. «
389
liste, au sens précis où je l’entends. Diversité
des
Églises, fédération de ces diversités, multiplicité des vocations per
390
lises, fédération de ces diversités, multiplicité
des
vocations personnelles : tout cela, Calvin l’a voulu dans un plan str
391
s personnelles : tout cela, Calvin l’a voulu dans
un
plan strictement ecclésiastique, c’est vrai. Mais il était inévitable
392
cette constatation : que les formes et structures
des
Églises ont toujours précédé et ont en quelque sorte contaminé les fo
393
litique de la doctrine calvinienne de l’Église et
des
vocations personnelles ? Je n’hésite pas à le dire : c’est le fédéral
394
c’est le fédéralisme. Cette thèse pourra paraître
un
peu forcée à certains historiens méticuleux. Mais elle devient presqu
395
nt la Réforme ? Et quelle fut l’action historique
des
hommes d’État réformés ? Partout, et dès le début, l’obstacle princip
396
nts quand ils le purent, proposèrent au contraire
des
plans d’allure et d’intention nettement fédéralistes. L’absolutisme,
397
ttement fédéralistes. L’absolutisme, la confusion
des
pouvoirs politiques et spirituels, nous les trouvons chez un Charles-
398
politiques et spirituels, nous les trouvons chez
un
Charles-Quint, chez un Philippe II d’Espagne, et en France dans le pa
399
ls, nous les trouvons chez un Charles-Quint, chez
un
Philippe II d’Espagne, et en France dans le parti des Guise, dans la
400
Philippe II d’Espagne, et en France dans le parti
des
Guise, dans la Ligue. Plus tard, c’est ce même esprit qui obtiendra q
401
’édit de Nantes, au nom du mot d’ordre unitaire :
une
foi, une loi, un roi. Et l’on célébrera « la France toute catholique
402
Nantes, au nom du mot d’ordre unitaire : une foi,
une
loi, un roi. Et l’on célébrera « la France toute catholique sous le r
403
u nom du mot d’ordre unitaire : une foi, une loi,
un
roi. Et l’on célébrera « la France toute catholique sous le règne de
404
ève la tête, en tous pays, nous le voyons adopter
une
politique toute différente. Il ne tombe jamais dans le piège d’oppose
405
is dans le piège d’opposer à l’absolutisme romain
un
absolutisme réformé. Au contraire. Qu’il s’agisse de la Transylvanie
406
qui devient l’âme de la résistance au centralisme
des
Habsbourg, qu’il s’agisse des Provinces-Unies des Pays-Bas ; qu’il s’
407
ance au centralisme des Habsbourg, qu’il s’agisse
des
Provinces-Unies des Pays-Bas ; qu’il s’agisse des fédérations de défe
408
des Habsbourg, qu’il s’agisse des Provinces-Unies
des
Pays-Bas ; qu’il s’agisse des fédérations de défense constituées par
409
des Provinces-Unies des Pays-Bas ; qu’il s’agisse
des
fédérations de défense constituées par les huguenots ; ou de nos jour
410
s par les huguenots ; ou de nos jours, bien que d’
une
manière plus vague, des États-Unis d’Amérique et de l’Empire anglais
411
de nos jours, bien que d’une manière plus vague,
des
États-Unis d’Amérique et de l’Empire anglais avec ses libres dominion
412
’on voit les protestants revendiquer et appliquer
un
système politique souple et vivant, respectueux des diversités, c’est
413
n système politique souple et vivant, respectueux
des
diversités, c’est-à-dire fédéraliste. Les synodes réformés de France,
414
xvie siècle, préconisèrent à plusieurs reprises
des
projets d’organisation fédérative du Royaume, avec large autonomie de
415
ation fédérative du Royaume, avec large autonomie
des
communes à la base, et au sommet, contrôle du pouvoir royal par un or
416
base, et au sommet, contrôle du pouvoir royal par
un
organe plus ou moins inspiré du stathoudérat hollandais. Et n’est-ce
417
ier, sous Henry IV, conçut le « Grand Dessein » d’
une
fédération européenne ? Certes, les historiens attribuent à ces faits
418
e ? Certes, les historiens attribuent à ces faits
des
causes politiques précises. Ils disent que la Réforme a triomphé surt
419
e état d’esprit qui explique à la fois le respect
des
diversités en politique, et le respect des personnes dans la vie priv
420
espect des diversités en politique, et le respect
des
personnes dans la vie privée. L’un entraîne l’autre, l’un ne va pas s
421
e va pas sans l’autre. Nous pouvons le vérifier d’
une
autre manière encore. Qui dit respect des personnes, dit préoccupatio
422
ifier d’une autre manière encore. Qui dit respect
des
personnes, dit préoccupation de les éduquer. Et vous savez que les pr
423
es d’éducation furent dès le début le grand souci
des
réformés. Calvin fonde le Collège de Genève en pleine période de guer
424
llège de Genève en pleine période de guerre, dans
une
ville assiégée. Par contre, on sait que les jésuites, triomphant dans
425
favorisé très sérieusement le libre développement
des
vocations chez leurs élèves… Mais je m’en voudrais d’insister sur cet
426
art trop belle. Contentons-nous de le poser comme
un
repère. Ce que je voulais dégager, c’est que la doctrine réformée pré
427
itique du fédéralisme : la liberté de chacun dans
une
action commune, l’équilibre vivant des tons complémentaires, l’union
428
hacun dans une action commune, l’équilibre vivant
des
tons complémentaires, l’union dans la diversité. II Maintenant
429
de cela qu’il s’agit. L’histoire n’est jamais qu’
un
tremplin pour mieux sauter en plein cœur de l’actuel. Comment situer
430
s le savez, ne s’est jamais préoccupé de la forme
des
gouvernements. Il insiste à maintes reprises sur le fait que monarchi
431
obéies comme telles. Une fois cependant il marque
une
préférence, mais de l’ordre le plus général. C’est lorsqu’il écrit :
432
lleur état de gouvernement est celui-là où il y a
une
liberté bien tempérée et pour durer longuement. » Il me semble que le
433
joutant cette précision : ce n’est pas la forme d’
un
État qui compte, mais bien la condition qu’il ménage à l’Église, et l
434
frontent aujourd’hui. Le premier groupe est celui
des
nations qui respectent l’Église et la personne. Nous y trouvons des f
435
spectent l’Église et la personne. Nous y trouvons
des
formes de gouvernement aussi disparates que possible : d’abord les ci
436
terre ; puis l’unique monarchie catholique, celle
des
Belges ; les quatre monarchies orthodoxes des Balkans ; deux républiq
437
lle des Belges ; les quatre monarchies orthodoxes
des
Balkans ; deux républiques démocratiques seulement, la Suisse et la F
438
ogne, Hongrie et Portugal. (On ose à peine parler
des
Tchèques, déjà plus qu’à moitié colonisés.) En face de ce groupement
439
forme, sinon quant à l’esprit, se dresse le bloc
des
trois États totalitaires, — que menace de rejoindre l’Espagne. Laisso
440
e l’Église et l’État n’avait jamais été établie d’
une
manière satisfaisante. Le tsar par exemple, était à la fois chef de l
441
que je viens de nommer souffraient, eux aussi, à
des
degrés divers, et pour mille raisons très complexes, de l’un ou l’aut
442
le, le sentiment que l’État et l’Église formaient
un
tout et constituaient à eux deux le Pouvoir. Renverser l’un, c’était
443
de reprendre à son compte à la fois l’autorité d’
un
chef d’Église et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’une Révo
444
ois l’autorité d’un chef d’Église et le pouvoir d’
un
chef d’État. Chacun sait qu’une Révolution copie toujours inconsciemm
445
se et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’
une
Révolution copie toujours inconsciemment la structure du pouvoir qu’e
446
car la religion dont ils étaient les chefs était
une
religion de guerre, possédant toute la virulence des corps chimiques
447
religion de guerre, possédant toute la virulence
des
corps chimiques à l’état naissant. D’autre part, l’instauration de ce
448
élites civiques conscientes de leur mission. Dans
un
essai publié en 1928, et intitulé L’Espagne invertébrée, le grand écr
449
ci de commun qu’elles souffrent toutes les deux d’
un
manque évident et permanent d’individualités marquantes, … de personn
450
e ces pays, du fait de ce qu’il nomme « l’absence
des
meilleurs », ne saurait être que l’absolutisme. Or, si nous nous rapp
451
ance, n’a jamais été signalé : c’est qu’il existe
une
forme de fascisme correspondant à la Russie orthodoxe, une autre corr
452
de fascisme correspondant à la Russie orthodoxe,
une
autre correspondant à l’Allemagne luthérienne, et deux autres corresp
453
pays « calvinistes » ou simplement influencés par
des
éléments calvinistes, même laïcisés, comme c’est le cas de la France
454
en tant qu’Église vivante, il reste dans le pays
une
empreinte césaropapiste, d’où l’État totalitaire. Mais lorsque le cal
455
alitaire. Mais lorsque le calvinisme cesse d’être
une
foi vivante, il laisse derrière lui une empreinte tout à fait différe
456
se d’être une foi vivante, il laisse derrière lui
une
empreinte tout à fait différente : une espèce d’individualisme. Nous
457
rrière lui une empreinte tout à fait différente :
une
espèce d’individualisme. Nous aurons l’occasion d’y revenir tout à l’
458
ccasion d’y revenir tout à l’heure. Car en effet,
une
opposition aussi radicale et aussi exacte entre la mentalité totalita
459
ire et la mentalité calviniste, va nous permettre
une
confrontation utile des deux doctrines. Je dis bien utile, et non pas
460
iniste, va nous permettre une confrontation utile
des
deux doctrines. Je dis bien utile, et non pas simplement intéressante
461
essante. Je ne fais pas ici, vous le sentez bien,
une
description désintéressée et académique de divers régimes également s
462
abstrait. Je considère l’esprit totalitaire comme
une
menace terrible pour notre civilisation et plus encore pour nos Églis
463
ul moyen de se défendre — surtout quand il s’agit
des
choses de l’esprit — c’est de connaître l’adversaire afin de reconnaî
464
our éviter chez nous, pendant qu’il en est temps,
des
déviations qui feraient le jeu de l’ennemi. Connaître la doctrine de
465
ntrer par deux exemples dont j’essaierai de tirer
des
conclusions pratiques. Quelle est la condition faite à l’Église dans
466
remière question est capitale. Car la politique d’
un
régime est toujours étroitement dépendante de l’attitude qu’il prend
467
-vis de l’Église et du fait religieux en général.
Un
régime est totalitaire lorsqu’il prétend centraliser radicalement tou
468
l’autorité spirituelle. Il se transforme alors en
une
religion politique, ou encore en une politique d’allure religieuse. E
469
rme alors en une religion politique, ou encore en
une
politique d’allure religieuse. Et d’autant plus que la religion qu’il
470
e la religion qu’il adopte est, comme dans le cas
des
fascismes et du communisme, une religion de l’ici-bas, une religion s
471
comme dans le cas des fascismes et du communisme,
une
religion de l’ici-bas, une religion sans transcendance, une religion
472
smes et du communisme, une religion de l’ici-bas,
une
religion sans transcendance, une religion dont les buts purement terr
473
on de l’ici-bas, une religion sans transcendance,
une
religion dont les buts purement terrestres ne divergent plus du tout
474
uts purement terrestres ne divergent plus du tout
des
buts de la politique, et même se confondent avec eux. Alors il n’y a
475
a communauté spirituelle ne peut pas en appeler à
une
instance supérieure à l’État, puisque c’est lui qui l’a créée pour se
476
ins, et qu’il n’existe rien au-delà. Pour définir
une
telle communauté, reprenons une des catégories que nous définissions
477
elà. Pour définir une telle communauté, reprenons
une
des catégories que nous définissions en débutant. La religion politiq
478
Pour définir une telle communauté, reprenons une
des
catégories que nous définissions en débutant. La religion politique,
479
que religieuse du fascisme, a créé le type même d’
une
communauté régressive, c’est-à-dire d’une communauté fondée sur le pa
480
même d’une communauté régressive, c’est-à-dire d’
une
communauté fondée sur le passé : le sang, la race, la tradition, les
481
morts ? Religion du sang, religion de la terre et
des
morts, religion sanglante et mortelle, religion des choses vieilles,
482
s morts, religion sanglante et mortelle, religion
des
choses vieilles, mortes et enterrées depuis des millénaires, jamais p
483
n des choses vieilles, mortes et enterrées depuis
des
millénaires, jamais passées, et qui réclament encore du sang, des mor
484
jamais passées, et qui réclament encore du sang,
des
morts, des cortèges funèbres, des cérémonies d’imprécations, des sacr
485
sées, et qui réclament encore du sang, des morts,
des
cortèges funèbres, des cérémonies d’imprécations, des sacrifices prop
486
encore du sang, des morts, des cortèges funèbres,
des
cérémonies d’imprécations, des sacrifices propitiatoires, le tam-tam
487
cortèges funèbres, des cérémonies d’imprécations,
des
sacrifices propitiatoires, le tam-tam des tambours lugubres, d’halluc
488
ations, des sacrifices propitiatoires, le tam-tam
des
tambours lugubres, d’hallucinants sabbats de nègres blancs ! Qui oser
489
que ce délire représente l’ordre ? Qui ne voit qu’
une
telle religion hait mortellement la foi chrétienne, tournée vers le p
490
ants, exigeants et vigilants, même et surtout sur
des
points qui paraissent actuellement de peu d’importance. Par exemple :
491
nous, la vertu régénératrice du sang et le culte
des
morts sacrés, même s’il s’agit, comme c’est le cas, de métaphores ano
492
développements lyriques sur les ossements sacrés
des
héros suisses, sachons reconnaître les premières racines de quelque c
493
parle, avec les meilleures intentions du monde, d’
une
défense spirituelle du pays. Et je suis le premier à l’approuver. Mai
494
a notion de « Suisse chrétienne », défions-nous d’
un
certain enthousiasme qui nous ferait tomber à pieds joints dans la fa
495
e confusion du temporel et du spirituel. Parler d’
une
Suisse chrétienne quand beaucoup de Suisses sont incroyants, cela mèn
496
ans la pratique, à l’utilisation de l’Église pour
des
fins politiques, c’est-à-dire au césaropapisme. Si le mot d’ordre « S
497
e ne peut être que par l’Église seule, et non par
un
parti, et non par l’État fédéral. Une « Suisse chrétienne », ce serai
498
, et non par un parti, et non par l’État fédéral.
Une
« Suisse chrétienne », ce serait une Suisse dont les citoyens seraien
499
tat fédéral. Une « Suisse chrétienne », ce serait
une
Suisse dont les citoyens seraient chrétiens. En attendant, sachons ma
500
talitaire. Le fédéralisme, ce n’est pas seulement
un
pour tous — qui serait une devise fasciste — ce n’est pas seulement t
501
ce n’est pas seulement un pour tous — qui serait
une
devise fasciste — ce n’est pas seulement tous pour un — qui serait in
502
evise fasciste — ce n’est pas seulement tous pour
un
— qui serait individualiste —, c’est l’équilibre vivant des deux term
503
serait individualiste —, c’est l’équilibre vivant
des
deux termes. Ceux qui disent : « Centralisons tout », et ceux qui dis
504
talitaires ? C’est très simple. On a détruit l’un
des
deux pôles de la personne : celui de la liberté ou de l’autonomie, et
505
e pouvoir deviennent possibles. Certes, l’on crée
des
ersatz de personnes, de personnalités — des milliers de petits Führer
506
crée des ersatz de personnes, de personnalités —
des
milliers de petits Führer — mais c’est l’État et sa mystique qui les
507
rs de là, par elles-mêmes. Cette manière de créer
des
personnalités s’appelle au vrai : caporalisation. La personne ainsi c
508
on. La personne ainsi comprise n’est plus rien qu’
une
persona au sens romain, un rôle, un masque, une fonction extérieure,
509
se n’est plus rien qu’une persona au sens romain,
un
rôle, un masque, une fonction extérieure, c’est-à-dire un individu em
510
plus rien qu’une persona au sens romain, un rôle,
un
masque, une fonction extérieure, c’est-à-dire un individu embrigadé,
511
u’une persona au sens romain, un rôle, un masque,
une
fonction extérieure, c’est-à-dire un individu embrigadé, et non pas u
512
un masque, une fonction extérieure, c’est-à-dire
un
individu embrigadé, et non pas une vocation. Milliers de masques durs
513
e, c’est-à-dire un individu embrigadé, et non pas
une
vocation. Milliers de masques durs, volontairement durcis, de ces jeu
514
i n’ont plus d’héroïsme civique. Militarisation d’
un
peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique, d’une véritable civili
515
peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique, d’
une
véritable civilisation. Qu’allons-nous opposer à cela ? Tout simpleme
516
préventive, inattaquable tant qu’elle reste pure,
des
personnes librement solidaires, telles qu’en forme l’éthique protesta
517
te pure ! Car de même que le culte de la terre et
des
morts, pour peu qu’il vienne à s’accentuer, risque de nous conduire u
518
’il vienne à s’accentuer, risque de nous conduire
un
jour par une voie directe au fascisme, une certaine déviation de notr
519
s’accentuer, risque de nous conduire un jour par
une
voie directe au fascisme, une certaine déviation de notre morale, un
520
onduire un jour par une voie directe au fascisme,
une
certaine déviation de notre morale, un certain culte de la personnali
521
fascisme, une certaine déviation de notre morale,
un
certain culte de la personnalité en soi, un certain individualisme, r
522
rale, un certain culte de la personnalité en soi,
un
certain individualisme, risquent aussi de nous y conduire, cette fois
523
squent aussi de nous y conduire, cette fois-ci, d’
une
manière indirecte, du simple fait qu’ils affaiblissent nos résistance
524
êmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous d’
une
certaine manière trop humaine de prôner ou de laisser prôner le prote
525
moralisme, le culte de nos vertus utilisées pour
des
fins purement humaines. À force de louer la Réforme d’avoir été, comm
526
de louer la Réforme d’avoir été, comme on dit, «
une
pépinière d’individualités et de caractères bien trempés », nous cour
527
é n’est bien souvent que le résidu, l’empreinte d’
une
personne sur un individu qui ne croit plus à sa vocation, et qui a si
528
ent que le résidu, l’empreinte d’une personne sur
un
individu qui ne croit plus à sa vocation, et qui a simplement été for
529
à sa vocation, et qui a simplement été formé par
une
éducation et une ambiance protestante. Il y a trop de ces gloires dit
530
t qui a simplement été formé par une éducation et
une
ambiance protestante. Il y a trop de ces gloires dites protestantes q
531
ites protestantes qu’on annexe, qu’on recense par
une
sorte de nationalisme huguenot, de ces hommes qui sont simplement « s
532
oup de personnalités. Cela constitue dans la cité
des
tissus sains, et c’est une sauvegarde appréciable contre la contamina
533
constitue dans la cité des tissus sains, et c’est
une
sauvegarde appréciable contre la contamination totalitaire. Mais du p
534
s tarir les sources vives de la Réforme. Et puis,
une
personnalité en soi, sans vocation, ce n’est rien de plus, après tout
535
s vocation, ce n’est rien de plus, après tout, qu’
un
individu aux caractères accusés. Ainsi l’on glisse du calvinisme à l’
536
ien commun, phénomène typiquement individualiste.
Un
dernier exemple vous fera sentir, je crois, toute l’importance pratiq
537
e et personnalité. Hitler peut former, lui aussi,
des
personnalités énergiques, mais ce qu’il ne peut ni ne veut former, ce
538
u’il ne peut ni ne veut former, ce sont justement
des
personnes, des vocations irréductibles aux ambitions spirituelles de
539
ne veut former, ce sont justement des personnes,
des
vocations irréductibles aux ambitions spirituelles de l’État. Ces per
540
ls sérieux, et il le sait ! Si Niemöller est dans
un
camp de concentration, prisonnier personnel du Führer, ce n’est point
541
cune raison de lui laisser le bénéfice exclusif d’
une
telle clairvoyance. Il est temps de tirer, en deux mots, la conclusi
542
stance au paganisme politique. Ceci nous charge d’
une
responsabilité devant l’Histoire. Que devons-nous faire pour nous mon
543
-nous faire pour nous montrer à peu près dignes d’
une
telle charge ? Simplement, mais aussi rigoureusement, et dans toute l
544
ce du terme, redevenir de véritables protestants.
Un
véritable protestant, les faits le prouvent, sera toujours l’adversai
545
Ceci ne signifie pas que l’Église ait à proposer
un
programme comme tant d’autres, mais bien qu’elle doit marquer en tout
546
orme. Calvin combattait sur deux fronts, au nom d’
une
position non point centriste, mais centrale. Nous, de même, reprenons
547
e nous devons le vaincre, en nous, chez nous, par
une
espèce de croisade intérieure. Le chrétien est celui qui n’a pas d’au
548
raindre que l’ennemi qu’il porte en lui-même. Car
un
ennemi visible et extérieur, ce n’est jamais que l’incarnation d’une
549
et extérieur, ce n’est jamais que l’incarnation d’
une
possibilité secrète, d’une tentation que chacun souffre dans son cœur
550
is que l’incarnation d’une possibilité secrète, d’
une
tentation que chacun souffre dans son cœur. Alors seulement, purifiés
551
ersonnes —, nous pourrons répéter la fière devise
des
vieux huguenots : « Tant plus à me frapper l’on s’amuse, tant plus de
552
de marteaux l’on y use. » 2. Texte intégral d’
une
conférence prononcée au mois de janvier 1939 à Bâle, Neuchâtel, Lausa
553
êts, portants de rochers, grandiose toile de fond
des
Alpes ? Serait-ce plutôt que le sérieux de nos mœurs, notre fameuse m
554
e nos mœurs, notre fameuse méfiance du décorum et
des
attitudes concertées, nécessite et provoque une réaction qui trouvera
555
t des attitudes concertées, nécessite et provoque
une
réaction qui trouverait sur la scène son lieu privilégié ? Serait-ce
556
blème du théâtre actuel. Nous voyons naître l’ère
des
masses sur les ruines de l’individualisme, et cela dans tous les doma
557
eu sacral et militaire. Tout récemment, le chef d’
un
des États voisins posait la première pierre d’une arène destinée à 40
558
sacral et militaire. Tout récemment, le chef d’un
des
États voisins posait la première pierre d’une arène destinée à 400 00
559
’un des États voisins posait la première pierre d’
une
arène destinée à 400 000 spectateurs. Il est clair que de telles prop
560
alysait les conflits intérieurs de la bourgeoisie
des
grandes villes ; le théâtre collectiviste symbolise les conflits poli
561
tiviste symbolise les conflits politiques au sein
des
foules des grandes nations. Or, nous n’avons pas de grandes villes, e
562
bolise les conflits politiques au sein des foules
des
grandes nations. Or, nous n’avons pas de grandes villes, et nous ne s
563
vons pas de grandes villes, et nous ne sommes pas
une
grande nation. La seule voie qui nous reste ouverte est celle d’un th
564
La seule voie qui nous reste ouverte est celle d’
un
théâtre de groupes — non d’individus, ni de masses — correspondant à
565
ai de concrétiser ce point de vue par l’exemple d’
un
drame que j’ai conçu plus ou moins consciemment selon ces directives.
566
t selon ces directives. J’ai cherché tout d’abord
un
sujet qui fît intervenir des forces individuelles mais engagées dans
567
cherché tout d’abord un sujet qui fît intervenir
des
forces individuelles mais engagées dans une communauté réelle. J’ai c
568
venir des forces individuelles mais engagées dans
une
communauté réelle. J’ai cherché, en second lieu, à tenir compte des c
569
lle. J’ai cherché, en second lieu, à tenir compte
des
conditions de fait qui m’étaient imposées par l’occasion de la représ
570
. Or, si ce solitaire a été grand, c’est parce qu’
un
jour il a tout sacrifié au salut de la communauté. Le paradoxe centra
571
au salut de la communauté. Le paradoxe central d’
une
pièce sur Nicolas, sa tension créatrice, réside donc dans ce fait, qu
572
ce fait, qui rappelle notre devise confédérale :
un
seul peut être utile à tous. La traduction spectaculaire de cette don
573
traduction spectaculaire de cette donnée propose
un
nouveau paradoxe : je dispose d’une scène de 30 mètres de largeur, qu
574
donnée propose un nouveau paradoxe : je dispose d’
une
scène de 30 mètres de largeur, qui ne peut être occupée que par une f
575
tres de largeur, qui ne peut être occupée que par
une
foule, mais en même temps, l’action doit graviter autour d’un héros s
576
is en même temps, l’action doit graviter autour d’
un
héros solitaire. D’où la nécessité de recourir à des chœurs, qui peup
577
héros solitaire. D’où la nécessité de recourir à
des
chœurs, qui peuplent et animent de grands espaces, tout en concentran
578
ands espaces, tout en concentrant l’attention sur
un
ou deux personnages dominants, les autres rôles n’étant qu’épisodique
579
problème tout à fait analogue qui se posait lors
des
Jeux olympiques.) Or, il se trouve, par chance, que l’élément choral
580
é d’écrire ce drame. Il existe en effet chez nous
des
chœurs mixtes de premier ordre à La Chaux-de-Fonds et au Locle ; un c
581
e premier ordre à La Chaux-de-Fonds et au Locle ;
un
chœur d’enfants dans la région de Neuchâtel ; enfin un petit ensemble
582
œur d’enfants dans la région de Neuchâtel ; enfin
un
petit ensemble d’excellents amateurs de musique plus savante : le chœ
583
euchâtel même. J’utiliserai donc, pour mon drame,
une
masse chorale qui représentera le Monde, et qui agira sur le degré in
584
de la scène à trois plans dont j’ai vu le projet.
Une
masse plus réduite agira sur le degré médian, de concert avec le chœu
585
ront les Suisses et les enfants de Nicolas. Enfin
un
petit chœur caché derrière le degré supérieur — le plan de la Solitud
586
acte, Nicolas sacrifie sa solitude pour le salut
des
Suisses : il descend du plan 3 au plan 2. Deux mots à propos de la mu
587
ste que communautaire. Elle présente par ailleurs
un
gros défaut technique : il est très difficile de marier un bon texte
588
éfaut technique : il est très difficile de marier
un
bon texte à des éléments spectaculaires trop lents et trop vastes, qu
589
: il est très difficile de marier un bon texte à
des
éléments spectaculaires trop lents et trop vastes, qui accaparent tou
590
soit pour souligner le sentiment qui se dégage d’
un
dialogue, soit pour créer une atmosphère qui appelle l’action du héro
591
ment qui se dégage d’un dialogue, soit pour créer
une
atmosphère qui appelle l’action du héros. Elle n’est plus décorative,
592
fanfaristes de La Chaux-de-Fonds ; dames cousant
des
costumes ; choristes des montagnes et du vignoble — le fédéralisme ne
593
de-Fonds ; dames cousant des costumes ; choristes
des
montagnes et du vignoble — le fédéralisme ne perdit jamais ses droits
594
ntervenue, tout s’est trouvé suspendu à la veille
des
représentations de Zurich. Il est donc encore impossible d’estimer la
595
eur — et c’est bien cela qui me permet d’invoquer
un
exemple aussi personnel ! — une leçon se dégage de notre effort : nul
596
permet d’invoquer un exemple aussi personnel ! —
une
leçon se dégage de notre effort : nulle part, ailleurs qu’en Suisse,
597
, il n’eût été possible d’imaginer et de réaliser
un
spectacle de cette envergure, et de le rendre populaire. Ce sont les
598
Un
quart d’heure avec M. Denis de Rougemont : Hitler, grand-prêtre de l’
599
quoi il a attendu ce temps pour le publier. C’est
un
journal où j’ai noté pour moi-même mes impressions sur ce que je voya
600
que je voyais et sur ce que j’entendais, pendant
un
séjour de huit mois dans une grande ville d’Allemagne en 1935-1936. Q
601
j’entendais, pendant un séjour de huit mois dans
une
grande ville d’Allemagne en 1935-1936. Que valaient ces impressions ?
602
je n’étais pas sûr qu’elles n’eussent pas décrit
des
aspects passagers du régime. Les choses vont peut-être changer, me di
603
Pour savoir si j’avais observé, sur l’Allemagne,
une
vérité durable, il fallait attendre. J’ai attendu. La vérité durable
604
é durable avait chance, alors, d’apparaître comme
une
vérité essentielle. C’est celle que votre livre met en évidence : que
605
livre met en évidence : que le fait hitlérien est
un
fait religieux. Oui. Cela a été déjà beaucoup dit. N’importe. Il ne f
606
ue le socialisme économique n’est que la moitié d’
une
doctrine : l’État ne sera maître de l’argent que s’il est maître des
607
at ne sera maître de l’argent que s’il est maître
des
esprits. Un État totalitaire ne peut pas être totalitaire à moitié. I
608
ître de l’argent que s’il est maître des esprits.
Un
État totalitaire ne peut pas être totalitaire à moitié. Il lui faut l
609
re à moitié. Il lui faut la fameuse confiance, et
une
confiance disciplinée, à toute épreuve. Seule, la mystique nationalis
610
s’est imposée à moi que le jour où j’ai assisté à
un
discours du Führer, en présence de 40 000 personnes. Mais, ce jour-là
611
ous, à l’âme collective ? Est-ce que ce n’est pas
une
formule grandiloquente pour désigner l’absence d’âme personnelle chez
612
d’âme personnelle chez les individus charriés par
une
foule ? » Il m’a répondu : « Allez écouter le Führer, nous en reparle
613
ührer, nous en reparlerons ensuite ». Est-ce donc
une
révélation que de voir Hitler ? Ce qui est une révélation, ce qui, du
614
nc une révélation que de voir Hitler ? Ce qui est
une
révélation, ce qui, du moins, en a été une pour moi, c’est de voir qu
615
ui est une révélation, ce qui, du moins, en a été
une
pour moi, c’est de voir quels liens unissent Hitler à une foule à laq
616
moi, c’est de voir quels liens unissent Hitler à
une
foule à laquelle il parle. Essayez de vous représenter une salle imme
617
à laquelle il parle. Essayez de vous représenter
une
salle immense qui est soudain plongée dans la pénombre, tandis qu’un
618
i est soudain plongée dans la pénombre, tandis qu’
un
coup de projecteur fait apparaître un petit homme au sourire extatiqu
619
, tandis qu’un coup de projecteur fait apparaître
un
petit homme au sourire extatique. Et tandis que cet homme s’avance le
620
is que cet homme s’avance lentement, en saluant d’
un
geste épiscopal, quarante mille bras se lèvent, et le tonnerre rythmé
621
rante mille bras se lèvent, et le tonnerre rythmé
des
heil commence. Et cela dure plusieurs minutes, ce qui est très long,
622
que commence le chant du Horst Wessel Lied, comme
un
cantique. C’est alors que j’ai compris. Je me croyais à un meeting de
623
ue. C’est alors que j’ai compris. Je me croyais à
un
meeting de masses, à quelque manifestation politique. Mais c’est leur
624
leur culte que ces Allemands célébraient. C’était
une
liturgie qui se déroulait, c’était la grande cérémonie sacrale d’une
625
déroulait, c’était la grande cérémonie sacrale d’
une
religion dont je me sentais écrasé. L’âme des masses, oui, j’ai compr
626
e d’une religion dont je me sentais écrasé. L’âme
des
masses, oui, j’ai compris alors ce que c’était : j’ai entendu son râl
627
’était : j’ai entendu son râle d’amour, le râle d’
une
nation possédée par l’homme au sourire extasié. Mais cet homme lui-mê
628
ebout dans sa voiture qui longeait très lentement
une
rue étroite. Une seule chaîne de SS le séparait de la foule. J’étais
629
ture qui longeait très lentement une rue étroite.
Une
seule chaîne de SS le séparait de la foule. J’étais au premier rang,
630
e. J’étais au premier rang, à deux mètres de lui.
Un
bon tireur l’eût descendu très facilement. Mais ce bon tireur ne s’es
631
propres réflexions ? C’est qu’on ne tire pas sur
un
homme qui n’est rien et qui est tout. On ne tire pas sur un petit-bou
632
ui n’est rien et qui est tout. On ne tire pas sur
un
petit-bourgeois qui est le rêve de 60 millions d’hommes. On tire sur
633
est le rêve de 60 millions d’hommes. On tire sur
un
tyran, ou sur un roi, mais les fondateurs de religion sont réservés à
634
0 millions d’hommes. On tire sur un tyran, ou sur
un
roi, mais les fondateurs de religion sont réservés à d’autres catastr
635
attentats contre Hitler, c’est qu’Hitler n’est ni
un
tyran ni un roi, mais un fondateur de religion. Cependant, tout ne s’
636
ntre Hitler, c’est qu’Hitler n’est ni un tyran ni
un
roi, mais un fondateur de religion. Cependant, tout ne s’explique pas
637
c’est qu’Hitler n’est ni un tyran ni un roi, mais
un
fondateur de religion. Cependant, tout ne s’explique pas par le senti
638
r, par les lois économiques, les forces relatives
des
partis et des classes avant 1933, les circonstances politiques de l’E
639
s économiques, les forces relatives des partis et
des
classes avant 1933, les circonstances politiques de l’Europe, le trai
640
e le phénomène fondamental de la reconstruction d’
une
communauté autour d’un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif d’une
641
al de la reconstruction d’une communauté autour d’
un
sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif d’une tyrannie, au sens poli
642
r d’un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif d’
une
tyrannie, au sens politique et légal, qui a jeté l’Autriche dans les
643
rer. Mais c’est l’attraction passionnée qu’exerce
une
religion naissante, si basse qu’elle soit, sur les masses décomposées
644
asse qu’elle soit, sur les masses décomposées par
des
siècles d’individualisme. J’ai reçu récemment d’Allemagne une lettre
645
d’individualisme. J’ai reçu récemment d’Allemagne
une
lettre qui ne dit rien d’autre que ce que je viens de vous exposer br
646
e je viens de vous exposer brièvement. Elle est d’
un
jeune national-socialiste, qui m’explique d’abord que le régime hitlé
647
a pauvreté et le malheur ne peuvent expliquer que
des
phénomènes extérieurs. La raison profonde d’un mouvement comme le nôt
648
e des phénomènes extérieurs. La raison profonde d’
un
mouvement comme le nôtre est irrationnelle. Nous voulions croire à qu
649
cette force-là ? Rien d’efficace, si ce n’est pas
une
force spirituelle. Rien de pratique, si ce n’est un grand effort mora
650
force spirituelle. Rien de pratique, si ce n’est
un
grand effort moral. Quand j’ai envoyé à des amis de France le récit d
651
n’est un grand effort moral. Quand j’ai envoyé à
des
amis de France le récit de la journée où j’ai vu Hitler en communion
652
s toujours que le problème est là : c’est celui d’
une
renaissance spirituelle qui ne peut se faire sans une foi. n. Roug
653
renaissance spirituelle qui ne peut se faire sans
une
foi. n. Rougemont Denis de, « [Entretien] Hitler, grand-prêtre de
654
Hitler ? (24 février 1939)p La grande majorité
des
Français pensent que le Führer est un végétarien belliqueux qui resse
655
e majorité des Français pensent que le Führer est
un
végétarien belliqueux qui ressemble à Charlie Chaplin et qui est doué
656
qui ressemble à Charlie Chaplin et qui est doué d’
une
voix de stentor fanatique, particulièrement désagréable aux oreilles
657
agréable aux oreilles latines. La grande majorité
des
Allemands pensent au contraire que le Führer est un homme simple et b
658
Allemands pensent au contraire que le Führer est
un
homme simple et bon, quoique énergique, sorti du peuple, assoiffé de
659
lemande, et redresseur de tous les torts : le pur
des
purs. En présence des brutalités commises par les sous-ordres du part
660
s sous-ordres du parti, il arrive bien souvent qu’
un
Allemand dise : « Si le Führer savait cela, tout changerait ! » C’est
661
u panégyrique et à la caricature, j’opposerai ici
un
témoignage limité, mais authentique. J’ai entendu Hitler pendant une
662
té, mais authentique. J’ai entendu Hitler pendant
une
heure et demie, à peu de distance de sa tribune, et je l’ai vu à la s
663
ebout dans sa voiture qui longeait très lentement
une
rue étroite, mal éclairée. Une seule chaîne de miliciens le séparait
664
ait très lentement une rue étroite, mal éclairée.
Une
seule chaîne de miliciens le séparait de la foule. J’étais au premier
665
e. J’étais au premier rang, à deux mètres de lui.
Un
bon tireur l’eût descendu très facilement. Mais ce bon tireur ne s’es
666
l n’aurait sans doute pas réussi à fanatiser tout
un
peuple. Une certaine forme de bêtise convaincue est seule capable de
667
sans doute pas réussi à fanatiser tout un peuple.
Une
certaine forme de bêtise convaincue est seule capable de s’imposer à
668
de s’imposer à de grandes masses rassemblées par
des
passions élémentaires. Mais ce qu’il faut souligner, c’est qu’un « gé
669
mentaires. Mais ce qu’il faut souligner, c’est qu’
un
« génie » n’a pas toujours besoin d’intelligence. Or, on doit tenir l
670
d’intelligence. Or, on doit tenir le Führer pour
un
génie, dans un certain sens, bien précis : c’est un homme qui a su pr
671
. Or, on doit tenir le Führer pour un génie, dans
un
certain sens, bien précis : c’est un homme qui a su pressentir l’inco
672
génie, dans un certain sens, bien précis : c’est
un
homme qui a su pressentir l’inconsciente angoisse de son peuple, et i
673
te angoisse de son peuple, et incarner à ses yeux
un
symbole d’espérance, de vengeance et de force collective. Un tel géni
674
d’espérance, de vengeance et de force collective.
Un
tel génie ne compte plus en tant qu’individu. Il ne s’appartient plus
675
ui offrit le pouvoir. Qu’est-il donc ? Selon l’un
des
théoriciens du iiie Reich, il est « celui qu’on ne peut pas définir
676
mme je le disais, qui n’est rien et qui est tout.
Un
lieu de passage des forces de l’Histoire, le catalyseur de ces forces
677
ui n’est rien et qui est tout. Un lieu de passage
des
forces de l’Histoire, le catalyseur de ces forces, qui sont là dressé
678
est la surhumaine énergie qu’il développe pendant
un
discours. Une énergie de cette nature, on sent très bien qu’elle n’ap
679
aine énergie qu’il développe pendant un discours.
Une
énergie de cette nature, on sent très bien qu’elle n’appartient pas à
680
s, comme tel, n’est que le support ou le médium d’
une
puissance qui échappe à nos psychologies. Voilà de quoi déconcerter n
681
s bien marqués a pu devenir l’incarnation du rêve
des
masses, c’est uniquement parce qu’il a su répondre à l’attente angois
682
iée, misérable et déçue, et qui cherchait partout
des
raisons de croire et d’espérer, des raisons de se dévouer corps et âm
683
chait partout des raisons de croire et d’espérer,
des
raisons de se dévouer corps et âme à un absolu. Il s’est donné pour l
684
espérer, des raisons de se dévouer corps et âme à
un
absolu. Il s’est donné pour l’Absolu, la Providence, le Destin des Al
685
est donné pour l’Absolu, la Providence, le Destin
des
Allemands. Il a fait des miracles et dit des prophéties — et elles se
686
la Providence, le Destin des Allemands. Il a fait
des
miracles et dit des prophéties — et elles se sont réalisées — non pas
687
stin des Allemands. Il a fait des miracles et dit
des
prophéties — et elles se sont réalisées — non pas au nom du Christ, m
688
réalisées — non pas au nom du Christ, mais au nom
des
idoles, au nom de la race aryenne, de l’orgueil germanique, et de la
689
érisme en Allemagne n’est autre que la résistance
des
Églises chrétiennes. Le second, c’est que le chef de l’Église confess
690
c’est que le chef de l’Église confessante (Union
des
luthériens et calvinistes allemands), le pasteur Martin Niemöller, es
691
ans. Cas unique, à ma connaissance, et qui revêt
une
signification extraordinaire dans sa simplicité. Mieux que toutes les
692
tribes, ce symbole juge le Troisième Reich. C’est
un
signe de Dieu dans notre histoire confuse. p. Rougemont Denis de,
693
Il y a toujours
des
directeurs de conscience en Occident (juin 1939)q r I. La pre
694
usement et par principe aux lettres de lecteurs :
un
Gide, un Claudel… Ils sont rares. Restent les médecins de famille : c
695
t par principe aux lettres de lecteurs : un Gide,
un
Claudel… Ils sont rares. Restent les médecins de famille : ce n’est p
696
rices de magazines féminins me paraissent exercer
une
activité précise de direction morale, par consultations personnelles.
697
rsonnelles. Quant aux meneurs, ce sont évidemment
des
directeurs d’inconscience collective. Leur méthode consiste à anesthé
698
pouvoir les saisir dans leur réalité singulière,
une
à une. Cette solution, qui consiste à supprimer brutalement les donné
699
ir les saisir dans leur réalité singulière, une à
une
. Cette solution, qui consiste à supprimer brutalement les données du
700
elle-même de la multiplicité et de l’impuissance
des
ersatz de prêtres et de pasteurs que vous énumérez. II. Mon pri
701
55, écrivait : « Si l’on veut réellement conduire
un
homme à un but défini, il faut avant tout se préoccuper de le prendre
702
t : « Si l’on veut réellement conduire un homme à
un
but défini, il faut avant tout se préoccuper de le prendre là où il e
703
le secret de tout secours… Pour aider réellement
un
homme, il faut que j’en sache davantage que lui, mais il faut avant t
704
rd) Qu’est-ce en effet que diriger ? C’est donner
un
sens. Or tout sens est défini par deux points : le point de départ et
705
tage que lui », c’est-à-dire qu’il doit connaître
un
but de vie meilleur. S’il est vrai que d’abord, il s’agit de partir d
706
science se trouve subordonnée à la connaissance d’
un
but auquel il faut conduire cet homme réel. La direction de conscienc
707
nscience sans orthodoxie. Et à l’inverse ; dès qu’
une
orthodoxie se remet à sévir, la fonction de directeur de conscience r
708
r l’anarchie individualiste. Elles se fondent sur
une
doctrine du Prolétariat, ou de la Race, ou de l’Empire, ou de la Nati
709
mme il s’agit de fins partielles, n’embrassant qu’
une
partie de la conscience humaine ou de ses déterminations, ces orthodo
710
e force sur les consciences ; elles leur imposent
des
déformations violentes et littéralement monstrueuses. Sur quoi vous p
711
oi vous proposez, bien entendu, « l’invention » d’
une
orthodoxie « universaliste », seule capable de « dépasser et dominer
712
rtielles à prétentions totalitaires. Et en effet,
une
doctrine réellement universaliste, c’est-à-dire embrassant le tout de
713
à les former, à les conduire vers leur plénitude.
Un
universalisme est donc souhaitable. Et tout le monde est d’accord pou
714
ord pour le souhaiter. Mais qui peut « inventer »
une
orthodoxie ? Et surtout « universaliste » ? Il y faudrait un homme un
715
ie ? Et surtout « universaliste » ? Il y faudrait
un
homme universel, nouvel Adam indemne et pur, libre de toute partialit
716
expérience, et qui, vainqueur du temps, verrait d’
un
seul regard nos origines et nos fins dernières, d’où nous venons, où
717
dement dans le plan terrestre, dans l’homme. Seul
un
point qui serait au-delà de notre monde pourrait devenir le point de
718
s actes et de tous nos espoirs. Mais alors, c’est
un
objet de foi, car il échappe aux prises de notre esprit non moins qu’
719
liste dans son élan et dans son espérance au-delà
des
diversités confessionnelles et dogmatiques3. Elle est réellement tota
720
tude universelle : Dieu tout en tous. Au regard d’
une
telle foi, toute autre « fin » paraît trop courte. Viser ailleurs qu’
721
r ailleurs qu’au soleil, c’est toujours tirer sur
des
hommes. Mais je n’entends pas parler d’un retour à une église, et enc
722
er sur des hommes. Mais je n’entends pas parler d’
un
retour à une église, et encore moins d’un retour au christianisme. Ce
723
ommes. Mais je n’entends pas parler d’un retour à
une
église, et encore moins d’un retour au christianisme. Ce serait émett
724
arler d’un retour à une église, et encore moins d’
un
retour au christianisme. Ce serait émettre un non-sens. La foi est to
725
s d’un retour au christianisme. Ce serait émettre
un
non-sens. La foi est toujours en avant, elle s’élance vers les « chos
726
, sans démonstration, que le fait de la pluralité
des
orthodoxies chrétiennes est un scandale, mais un scandale dont seuls
727
t de la pluralité des orthodoxies chrétiennes est
un
scandale, mais un scandale dont seuls les chrétiens confessants peuve
728
des orthodoxies chrétiennes est un scandale, mais
un
scandale dont seuls les chrétiens confessants peuvent connaître la vr
729
surmonter. q. Rougemont Denis de, « [Réponse à
une
enquête] Il y a toujours des directeurs de conscience en Occident »,
730
nis de, « [Réponse à une enquête] Il y a toujours
des
directeurs de conscience en Occident », Volontés, Paris, juin 1939, p
731
lontés, Paris, juin 1939, p. 49-52. r. Réponse à
une
enquête.
732
udio parisien, dont les larges fenêtres regardent
un
des boulevards les plus bruyants de Montmartre, deux hommes penchés s
733
o parisien, dont les larges fenêtres regardent un
des
boulevards les plus bruyants de Montmartre, deux hommes penchés sur u
734
s bruyants de Montmartre, deux hommes penchés sur
une
liasse de papier mettent au monde une œuvre nouvelle. Un seul coup d’
735
penchés sur une liasse de papier mettent au monde
une
œuvre nouvelle. Un seul coup d’œil et on les reconnaît : puissant, ma
736
se de papier mettent au monde une œuvre nouvelle.
Un
seul coup d’œil et on les reconnaît : puissant, massif, les cheveux n
737
lus replié sur lui-même, le regard intelligent et
un
visage buriné par de longues méditations, voici Denis de Rougemont qu
738
anuscrits tiennent conseil au centre de la pièce.
Des
livres envahissent des placards. Une rangée de pipes — toutes espèces
739
eil au centre de la pièce. Des livres envahissent
des
placards. Une rangée de pipes — toutes espèces et toutes tailles — en
740
de la pièce. Des livres envahissent des placards.
Une
rangée de pipes — toutes espèces et toutes tailles — en disent long s
741
t long sur la méditation qui a conduit à maturité
des
chefs-d’œuvre comme : Les Cris du Monde, David, Pacific 231. Sur une
742
omme : Les Cris du Monde, David, Pacific 231. Sur
une
table s’étale une feuille de papier aux trois quarts achevée : c’est
743
Monde, David, Pacific 231. Sur une table s’étale
une
feuille de papier aux trois quarts achevée : c’est la partition de N
744
la nouvelle œuvre qu’Honegger met en musique sur
un
texte de Denis de Rougemont. Elle sera représentée à l’Exposition de
745
lque chose de profondément émouvant dans ce don :
un
canton offre à son pays une œuvre suisse, faite par un des musiciens
746
émouvant dans ce don : un canton offre à son pays
une
œuvre suisse, faite par un des musiciens les plus célèbres de son tem
747
nton offre à son pays une œuvre suisse, faite par
un
des musiciens les plus célèbres de son temps — suisse, ne l’oublions
748
n offre à son pays une œuvre suisse, faite par un
des
musiciens les plus célèbres de son temps — suisse, ne l’oublions pas
749
de son temps — suisse, ne l’oublions pas — et par
un
des écrivains les plus intelligents de sa génération. Neuchâtelois de
750
son temps — suisse, ne l’oublions pas — et par un
des
écrivains les plus intelligents de sa génération. Neuchâtelois de nai
751
re purement théâtral, répond Denis de Rougemont à
une
de mes questions. Et ces différences sont ? Il a fallu se plier aux c
752
scène, ce qui restreint sensiblement la liberté d’
un
auteur. Mais par contre cette limitation oblige à creuser en profonde
753
eux et lourd, car il ne faut pas songer au talent
des
acteurs pour sauver un texte si besoin est… Et pourquoi donc ? La scè
754
faut pas songer au talent des acteurs pour sauver
un
texte si besoin est… Et pourquoi donc ? La scène de Zurich est immens
755
La scène de Zurich est immense et se trouve dans
une
salle ouverte. En outre, la scène comprend trois étages ou, si vous p
756
les effets à obtenir ne seront pas le résultat d’
une
action individualiste, mais collective. Et comment avez-vous traduit,
757
pratique, ces nécessités ? M. Denis de Rougemont,
un
instant, songe, puis répond : Il y a donc un personnage central, c’es
758
ont, un instant, songe, puis répond : Il y a donc
un
personnage central, c’est Nicolas de Flue. Il évolue du plan inférieu
759
inférieur au plan supérieur et entraîne avec lui
un
des composants du spectacle, soit la foule, soit le chœur. Il est l’a
760
férieur au plan supérieur et entraîne avec lui un
des
composants du spectacle, soit la foule, soit le chœur. Il est l’axe a
761
ous en avez certainement pris pour faire du texte
une
suite s’adaptant à l’action ? Certainement, quand Nicolas de Flue par
762
i. Ses paroles sont très concentrées et expriment
une
vérité massive qui doit frapper le public… D’ailleurs certaines de ce
763
public… D’ailleurs certaines de ces formules ont
un
sens général si net qu’elles prennent, de par leur esprit et leur for
764
elles prennent, de par leur esprit et leur forme,
une
actualité vivante. Mais comment faites-vous pour isoler le personnage
765
as très bien qui a la parole ? C’est fort simple,
un
seul parle souvent, c’est Nicolas de Flue. On le met en vedette par d
766
, c’est Nicolas de Flue. On le met en vedette par
des
lumières et les autres composants restent dans la pénombre… Je précis
767
ts d’oratorios et la musique les soutiendra. Seul
un
mot, parfois une phrase, émergera de la masse sonore. Ce sera comme u
768
t la musique les soutiendra. Seul un mot, parfois
une
phrase, émergera de la masse sonore. Ce sera comme un cri répété plus
769
hrase, émergera de la masse sonore. Ce sera comme
un
cri répété plusieurs fois. Et la conversation continue longuement sur
770
urs riches de la mise en scène, du jeu d’acteurs,
des
réactions de la foule. Ce que Denis de Rougemont pas plus qu’Honegger
771
r n’avouent, c’est la joie qu’ils ont eue à créer
une
œuvre saine et forte. C’est aussi l’inquiétude d’en connaître les rés
772
de Flue le prouvera en même temps qu’elle donnera
une
grande leçon de tolérance et d’humanité. s. Rougemont Denis de, «
773
province à Paris, installé dans ses meubles, avec
une
suspension et des draperies qui lui appartinssent en propre ?… Le voi
774
installé dans ses meubles, avec une suspension et
des
draperies qui lui appartinssent en propre ?… Le voici à Paris pour ma
775
pouvons profiter du petit jardin de la NRF. C’est
un
lieu ordonné et aménagé avec goût comme tout ce qui touche à la maiso
776
ui touche à la maison de la rue Sébastien-Bottin.
Une
tonnelle verte invite aux conversations littéraires. Un fin gravier p
777
nelle verte invite aux conversations littéraires.
Un
fin gravier protège les pieds des hommes de lettres contre un contact
778
ons littéraires. Un fin gravier protège les pieds
des
hommes de lettres contre un contact salissant avec la glèbe impure. U
779
er protège les pieds des hommes de lettres contre
un
contact salissant avec la glèbe impure. Une bordure de géraniums roug
780
contre un contact salissant avec la glèbe impure.
Une
bordure de géraniums rouges offre à l’œil un opportun et gracieux poi
781
re. Une bordure de géraniums rouges offre à l’œil
un
opportun et gracieux point d’appui. Tout invite à un entretien parfai
782
opportun et gracieux point d’appui. Tout invite à
un
entretien parfait. Tout, jusqu’au Journal d’André Gide, un fort volum
783
ien parfait. Tout, jusqu’au Journal d’André Gide,
un
fort volume de treize cents pages qui vient de paraître dans la colle
784
vain est en passe de se faire dans la littérature
une
place bien à lui et qui n’est pas des moindres. Ce fils de la libre S
785
littérature une place bien à lui et qui n’est pas
des
moindres. Ce fils de la libre Suisse, qui a hérité de la conscience e
786
cher qu’à la fin du sillon, possède en même temps
une
ironie affectueuse et amusée qui allège ce que ses sujets et sa maniè
787
gemont anime les plus arides méditations et donne
des
ailes à la plus austère exégèse. Peut-être est-ce parce qu’il sait «
788
s, tous liés à l’actualité. Je songe au Journal d’
un
intellectuel en chômage, et surtout au Journal d’Allemagne qui fut ac
789
out au Journal d’Allemagne qui fut accueilli avec
une
telle faveur par tous ceux qui pensent librement. Toutes les question
790
el que beaucoup d’autres. La crise du mariage est
un
des problèmes les plus brûlants de la société d’aujourd’hui, et c’est
791
que beaucoup d’autres. La crise du mariage est un
des
problèmes les plus brûlants de la société d’aujourd’hui, et c’est sur
792
en me mettant à l’œuvre. J’ai voulu d’abord faire
un
livre court traitant du mythe de Tristan et de la décadence de la con
793
Les livres que j’ai lus m’ont mis sur la piste d’
une
liaison du mythe de Tristan avec la tradition courtoise, les troubado
794
nt ce qu’il dit. Parfois s’établissent entre nous
des
silences qui me font dire qu’il a fini et que je dois poser une quest
795
du Collège de sociologie, et en partant non plus
des
relations économiques, mais de ce qui est sacré dans la sociologie, q
796
e siècle considérait l’amour. Le mythe n’est pas
un
sujet individuel inventé par un romancier. C’est une légende reprise
797
e mythe n’est pas un sujet individuel inventé par
un
romancier. C’est une légende reprise dans cinq textes officiels et ce
798
sujet individuel inventé par un romancier. C’est
une
légende reprise dans cinq textes officiels et certainement dans de pl
799
ait le plus, et j’ai trouvé que c’était la poésie
des
troubadours. Quant à savoir d’où vient cette dernière, c’est un probl
800
. Quant à savoir d’où vient cette dernière, c’est
un
problème sur lequel les érudits eux-mêmes sont en désaccord, au point
801
er à toute explication. Mais vous avez sans doute
une
hypothèse personnelle ? La voici. À la même époque que les troubadour
802
fleurissait dans le Languedoc, en Provence, dans
une
partie de l’Espagne et de l’Italie, le mouvement cathare. D’après ce
803
are. D’après ce que nous en savons, il comportait
des
notions tout à fait comparables à celles des troubadours : refus de l
804
tait des notions tout à fait comparables à celles
des
troubadours : refus de la consommation de l’amour, exaltation de l’am
805
n sait que certains troubadours étaient cathares,
des
travaux tout à fait récents, publiés en même temps que mon livre, l’o
806
s que mon livre, l’ont établi avec certitude pour
un
bon tiers d’entre eux. C’est sur des faits de cet ordre et sur toute
807
ertitude pour un bon tiers d’entre eux. C’est sur
des
faits de cet ordre et sur toute une série d’analogies dans l’expressi
808
ux. C’est sur des faits de cet ordre et sur toute
une
série d’analogies dans l’expression, que j’ai fondé mon raisonnement.
809
is pas, réplique Denis de Rougemont. La passion a
des
racines naturelles. L’antiquité et l’Orient connaissaient les mêmes g
810
es, seulement la passion y était considérée comme
une
maladie ou folie. À partir du xiie siècle, sous l’influence de la my
811
’influence de la mystique cathare et de la poésie
des
troubadours, la passion reçoit droit de cité. Elle peut s’exprimer da
812
lle peut s’exprimer dans le langage du mythe sous
une
forme voilée. Ce seuil une fois franchi, elle se répand à travers tou
813
u’il ne lui déplait pas de se faire le champion d’
un
paradoxe. Tristan aime sa passion, explique-t-il. Il n’aime pas Iseut
814
n’est que la projection de l’idéal de l’amant sur
un
autre être. On ne peut pas épouser une femme comme Iseut, parce qu’al
815
l’amant sur un autre être. On ne peut pas épouser
une
femme comme Iseut, parce qu’alors on verrait la femme réelle. Iseut é
816
ynthèse possible entre Éros et Agapè ? J’ai tenté
une
esquisse de synthèse à la fin de mon livre, en partant des mystiques.
817
sse de synthèse à la fin de mon livre, en partant
des
mystiques. Je traiterai ce problème plus à fond dans un second volume
818
e mon livre montrent que l’étranger s’intéresse à
une
étude où l’on parle de l’amour sans ironie comme sans sentimentalisme
819
personne. Mon interlocuteur rejette tout de suite
une
objection possible : Il va sans dire qu’il convient dès l’abord d’éca
820
r lesquelles il se battait. La guerre constituait
une
espèce de jeu avec des règles, un commencement et une fin, ce qui est
821
ait. La guerre constituait une espèce de jeu avec
des
règles, un commencement et une fin, ce qui est la définition même du
822
re constituait une espèce de jeu avec des règles,
un
commencement et une fin, ce qui est la définition même du jeu. Certes
823
espèce de jeu avec des règles, un commencement et
une
fin, ce qui est la définition même du jeu. Certes, on ne peut pas pas
824
du jeu. Certes, on ne peut pas passer directement
des
relations individuelles des amants au fait collectif de la guerre. Ma
825
as passer directement des relations individuelles
des
amants au fait collectif de la guerre. Mais on peut — en usant ici du
826
i les sociétés réagissaient comme l’inconscient d’
un
individu. De nombreux faits viennent à l’appui de cette thèse. Les pe
827
ppui de cette thèse. Les peuples connus pour être
des
peuples guerriers sont aussi les peuples qui aiment l’amour. Les peup
828
en dehors de toute sociologie, bien qu’ayant vécu
un
drame personnel, n’en ont pas moins exercé sur la nation entière une
829
, n’en ont pas moins exercé sur la nation entière
une
influence qui se fait sentir aujourd’hui. Vous voulez parler de l’hit
830
ulez parler de l’hitlérisme ? Il y a certainement
une
source commune à Hitler et aux romantiques allemands ; il y a certain
831
t aux romantiques allemands ; il y a certainement
une
analogie profonde entre les réactions collectives des Allemands et le
832
analogie profonde entre les réactions collectives
des
Allemands et les rêves d’un Allemand. Quand les formes se disloquent,
833
éactions collectives des Allemands et les rêves d’
un
Allemand. Quand les formes se disloquent, le mythe n’est plus un myth
834
and les formes se disloquent, le mythe n’est plus
un
mythe, mais une réaction antisociale ; l’anarchie des mœurs aboutit a
835
se disloquent, le mythe n’est plus un mythe, mais
une
réaction antisociale ; l’anarchie des mœurs aboutit alors fatalement
836
mythe, mais une réaction antisociale ; l’anarchie
des
mœurs aboutit alors fatalement à une mise au pas faute de laquelle to
837
; l’anarchie des mœurs aboutit alors fatalement à
une
mise au pas faute de laquelle toute vie serait impossible. C’est ce q
838
. Je n’ai pas choisi ce qu’on appelle communément
un
sujet d’actualité, parce que je crois que la véritable signification
839
parce que je crois que la véritable signification
des
questions qui se posent au niveau le plus profond a été négligée auss
840
cette négligence se venge maintenant en suscitant
des
mouvements passionnels, tel l’hitlérisme. En homme prudent. Denis de
841
Même si les historiens trouvent que j’ai tort sur
un
point particulier, précise-t-il, cela m’est indifférent. Les faits qu
842
publication. Saurait-on lui en vouloir de marquer
une
si grande méfiance à l’égard des journalistes ? Pour ma part, je lui
843
’autant moins que c’est chez lui qu’il me reçoit,
un
chez-lui tout provisoire, puisqu’il loge présentement dans un clair s
844
tout provisoire, puisqu’il loge présentement dans
un
clair studio qui lui a été prêté par un de ses confrères en matière d
845
ment dans un clair studio qui lui a été prêté par
un
de ses confrères en matière de « journal ». La NRF continue d’étendre
846
icolas de Flue (3 novembre 1939)w Je cherchais
un
sujet dramatique digne des vastes dimensions de la Halle des Fêtes à
847
1939)w Je cherchais un sujet dramatique digne
des
vastes dimensions de la Halle des Fêtes à Zurich. C’était en septembr
848
ramatique digne des vastes dimensions de la Halle
des
Fêtes à Zurich. C’était en septembre 1938. L’Europe entière allait mo
849
ich. Or, au soir de ce jour me parvint par hasard
un
livre sur la vie de Nicolas de Flue. Et je tombai sur le récit de la
850
e, le peuple attend les cloches fatidiques : et d’
un
coup le même « Alléluia ! » parce qu’un homme a osé, quand tout était
851
es : et d’un coup le même « Alléluia ! » parce qu’
un
homme a osé, quand tout était perdu, croire encore au miracle et l’ac
852
essage de l’ermite du Ranft prenait en ce soir-là
des
résonances monumentales. Cette petite scène de Stans, que nous avions
853
patriotisme devait trouver son couronnement lors
des
deux journées neuchâteloises de l’Exposition de Zurich. Mais le mois
854
Nicolas domine les temps. Elle vit encore au cœur
des
Suisses. Elle est encore le grand symbole de notre Confédération et d
855
de-Fonds, dirigées par M. Charles Taller, Fanfare
des
Armes réunies, dirigée par M. Piéron, régie de M. Jean Kiehl.) Beauco
856
re 1939)x Il neige de gros flocons humides sur
un
vallon du haut Jura. Et la neige fond dans la boue. Je débouche entre
857
ouche entre deux sapins pleureurs, enveloppé dans
une
toile de tente raidie par l’humidité. Et je constate que mes hommes o
858
e mitrailleuse : ils préfèrent s’enfumer autour d’
un
feu de branches mortes, mornes et ronchonneurs, à la lisière d’un boi
859
es mortes, mornes et ronchonneurs, à la lisière d’
un
bois. J’essaie de les réconforter. Silence, réprobation muette. Je pr
860
conforter. Silence, réprobation muette. Je prends
une
pioche et tape deux coups : la terre gicle sur mes joues glacées et s
861
s d’ici commencent les tranchées de la guerre, et
des
hommes meurent. Pourquoi cette guerre, pourquoi ces morts ? Parce que
862
urope n’ont pas su résoudre autrement le problème
des
minorités, allemandes, tchèques, slovaques ou ukrainiennes. Et pourqu
863
evoir s’imaginer ! — que le bonheur et la force d’
un
peuple dépendent de sa grandeur physique, de sa mise au pas militaire
864
utre sens : elle marque la faillite retentissante
des
systèmes centralisateurs et gigantesques. C’est la guerre la plus ant
865
les faits qui nous obligent à le reconnaître avec
une
tragique évidence. Et c’est cela que nous avons à défendre : le seul
866
Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà,
un
présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme.
867
it, si nous sommes là, ce n’est pas pour défendre
des
fromages, des conseils d’administration, notre confort et nos hôtels.
868
mmes là, ce n’est pas pour défendre des fromages,
des
conseils d’administration, notre confort et nos hôtels. D’autres — on
869
la mission dont nous sommes responsables, depuis
des
siècles, devant l’Europe. D’autres se sont chargés d’arrêter les brig
870
Nicolas de Flue : naissance d’
un
drame (Noël 1939)z Le mercredi 28 septembre de l’an dernier, au mi
871
u de l’après-midi, je fus appelé au téléphone par
un
ami. Était-ce la guerre qu’on attendait d’une heure à l’autre ? C’éta
872
par un ami. Était-ce la guerre qu’on attendait d’
une
heure à l’autre ? C’était Munich, c’était la paix, cela n’arrangeait
873
e chose pour cet homme-là. Sur quoi la guerre fit
un
pas lourd dans notre Europe, et cette approche assourdissante fascina
874
ent. C’est à ce moment que l’on m’offrit d’écrire
une
pièce pour l’Exposition de Zurich. Je ris un peu de tant de flegme… L
875
as de sujet, et je défiais quiconque d’en trouver
un
, en Suisse, qui fût de taille à occuper l’énorme scène dont j’avais v
876
soir même, rentrant de voyage, ma femme m’apporte
un
livre qu’on lui a prêté : une biographie de Nicolas de Flue, signée A
877
, ma femme m’apporte un livre qu’on lui a prêté :
une
biographie de Nicolas de Flue, signée Anne-Marie de Gourlet4. Genre é
878
ir d’école primaire, c’est tout dire. Mais tout d’
un
coup, me voilà pris ! Je découvre une vie d’homme réel, un siècle déc
879
Mais tout d’un coup, me voilà pris ! Je découvre
une
vie d’homme réel, un siècle décisif de notre histoire, un grand drame
880
me voilà pris ! Je découvre une vie d’homme réel,
un
siècle décisif de notre histoire, un grand drame religieux au seuil d
881
’homme réel, un siècle décisif de notre histoire,
un
grand drame religieux au seuil de la Réforme, — et déjà des dialogues
882
drame religieux au seuil de la Réforme, — et déjà
des
dialogues esquissés, ces relations faites par des pèlerins montés seu
883
des dialogues esquissés, ces relations faites par
des
pèlerins montés seuls ou en troupe au Ranft… Quelque chose se dessine
884
te, l’autre qui vient de la gauche, — il faudrait
une
scène à étages… C’est justement celle de Zurich ! Nuit blanche. Trois
885
s sauve la paix à la onzième heure, ce n’est plus
un
souvenir de manuel, c’est le Munich des Suisses, c’est l’éternel mira
886
n’est plus un souvenir de manuel, c’est le Munich
des
Suisses, c’est l’éternel miracle du don de la paix, toujours immérité
887
tait clairement apparu : il s’agissait de peupler
une
scène immense autour d’un seul personnage important. Revenir au théât
888
s’agissait de peupler une scène immense autour d’
un
seul personnage important. Revenir au théâtre grec, avec son chœur mo
889
allait-il l’adapter à l’esprit chrétien du sujet.
Un
catholique eût sans doute recouru à l’inspiration liturgique. Protest
890
songeai tout de suite au style lyrique monumental
des
prophètes et des psalmistes. Nul autre ne possède, dans notre traditi
891
uite au style lyrique monumental des prophètes et
des
psalmistes. Nul autre ne possède, dans notre tradition, cette violent
892
qui peut s’accorder à la fois à la déclamation d’
un
chœur en marche et au dialogue, forcément sans nuances, de personnage
893
iques. Tout cela créait l’appel au musicien… Sans
un
instant d’hésitation, je m’adressai à Honegger. En trois mois, tout f
894
e qu’avait engendré Munich. Ainsi ma pièce, née d’
un
croisement fortuit d’une série de petits faits privés et d’une série
895
ch. Ainsi ma pièce, née d’un croisement fortuit d’
une
série de petits faits privés et d’une série de faits européens, devai
896
t fortuit d’une série de petits faits privés et d’
une
série de faits européens, devait subir, à partir de ce jour, le sort
897
. Je vous ai raconté cette histoire pour apporter
un
témoignage assez précis au vieux débat de l’inspiration. On voit la p
898
rière à celle du peuple suisse, invoquant du fond
des
vallées l’intervention de Nicolas : Parmi nous, peuple, parmi nous —
899
ie Oui, tous, encor, jubilez et riez ! Battez
des
mains, peuple, pour Nicolas, Unissez-vous à l’éclat des fanfares
900
s, peuple, pour Nicolas, Unissez-vous à l’éclat
des
fanfares Vous tous, au loin, et quiconque entendra : Louez la pai
901
Alléluia ! 4. Je saisis l’occasion de signaler
une
autre biographie de Nicolas, Bruder Klaus, par Mlle de Segesser, avec
902
vec l’espoir qu’elle soit bientôt traduite. C’est
un
excellent travail d’histoire revécue. z. Rougemont Denis de, « Nic
903
gemont Denis de, « Nicolas de Flue : naissance d’
un
drame », Formes et couleurs, Lausanne, Noël 1939, p. 1-2.
904
je veux opposer la Suisse de Manuel à l’Helvétie
des
manuels ! Et qu’importe le calembour, s’il fait hésiter les corrects
905
le calembour, s’il fait hésiter les corrects dans
un
pays trop ajusté. Ah ! Nicolas Manuel Deutsch, on ne s’embêtait pas d
906
llait faire la guerre en Italie pour le plaisir d’
un
sang violent, et quand les lansquenets trichaient au jeu mortel, quan
907
u jeu mortel, quand les canons détruisaient l’art
des
armes, on rentrait écœuré mais libre, et l’on exhalait sa colère dans
908
cœuré mais libre, et l’on exhalait sa colère dans
un
chant débordant d’injures : « Tu mens plus largement que ta gueule n’
909
ment que ta gueule n’est fendue !… Tu t’es creusé
un
trou en terre comme un cochon dans son fumier !… Ô toi mon doux petit
910
t fendue !… Tu t’es creusé un trou en terre comme
un
cochon dans son fumier !… Ô toi mon doux petit faiseur de rimes, je t
911
Ô toi mon doux petit faiseur de rimes, je te tire
une
crotte sur le nez, trois dans ta barbe !15 » Mais nous voici mieux mu
912
nger, ce serait quitter du même pas la planète… ⁂
Un
vers du temps — d’un peu plus tard, sans doute, mais c’est encore le
913
er du même pas la planète… ⁂ Un vers du temps — d’
un
peu plus tard, sans doute, mais c’est encore le même rythme de vie —
914
e songe à la vie de Nicolas Manuel Deutsch. C’est
un
autre guerrier qui parle en ses Tragiques d’une nuit Où l’Amour et la
915
st un autre guerrier qui parle en ses Tragiques d’
une
nuit Où l’Amour et la Mort troquèrent leurs flambeaux. Par le pinceau
916
amour, et c’est elle qu’il invite à la danse avec
une
fougue adolescente, une peur naïve, un courage chrétien. Mort des mar
917
il invite à la danse avec une fougue adolescente,
une
peur naïve, un courage chrétien. Mort des martyrs et mort bourgeoise,
918
anse avec une fougue adolescente, une peur naïve,
un
courage chrétien. Mort des martyrs et mort bourgeoise, mort soldatesq
919
scente, une peur naïve, un courage chrétien. Mort
des
martyrs et mort bourgeoise, mort soldatesque et mort de carnaval, vie
920
ont le regard net, accoutumé à taxer le réel avec
une
dure exactitude : face au danger. Leur Suisse est au sommet de son él
921
menaçante ; parce qu’elle est tout le contraire d’
un
pays d’« assurés ». Sérieuse et impétueuse, comme ceux qui savent que
922
re du vrai réalisme. « Jette ton pain sur la face
des
eaux, car avec le temps tu le retrouveras ; donnes-en une part à sept
923
, car avec le temps tu le retrouveras ; donnes-en
une
part à sept et même à huit, car tu ne sais pas quel malheur peut arri
924
ergie dans la libre invention lyrique, ce sont là
des
secrets spirituels dont la plupart des artistes modernes paraissent i
925
rêvassent dans la couleur ou cernent brutalement
des
figures sans mystère. Manuel est un nerveux, mais de ferme écriture :
926
brutalement des figures sans mystère. Manuel est
un
nerveux, mais de ferme écriture : un imaginatif, mais sans excitation
927
. Manuel est un nerveux, mais de ferme écriture :
un
imaginatif, mais sans excitation ; un homme qui prend les choses tell
928
écriture : un imaginatif, mais sans excitation ;
un
homme qui prend les choses telles qu’elles sont, ni vulgaires ni bell
929
vulgaires ni belles en soi, mais les compose avec
une
liberté puissamment significative. Le sens des fins dernières et une
930
ec une liberté puissamment significative. Le sens
des
fins dernières et une facture, ce qu’il faut pour faire du grand art,
931
ment significative. Le sens des fins dernières et
une
facture, ce qu’il faut pour faire du grand art, pour composer des hom
932
qu’il faut pour faire du grand art, pour composer
des
hommes et des paysages dans une architecture théologique, c’est à peu
933
r faire du grand art, pour composer des hommes et
des
paysages dans une architecture théologique, c’est à peu près ce que n
934
rt, pour composer des hommes et des paysages dans
une
architecture théologique, c’est à peu près ce que nous avons perdu pa
935
que, c’est à peu près ce que nous avons perdu par
une
longue suite de « libérations » qui ne laissent enfin subsister que l
936
me ne fait pas d’histoires, parce qu’il n’est pas
une
polémique mais une acceptation des choses, à toutes fins utiles ou sp
937
stoires, parce qu’il n’est pas une polémique mais
une
acceptation des choses, à toutes fins utiles ou spirituelles, à la vo
938
u’il n’est pas une polémique mais une acceptation
des
choses, à toutes fins utiles ou spirituelles, à la volée d’une imagin
939
toutes fins utiles ou spirituelles, à la volée d’
une
imagination qui se soucie d’abord de composer. Entre une épaule et un
940
gination qui se soucie d’abord de composer. Entre
une
épaule et une arcade, vous découvrez un lac entouré de cultures, de b
941
e soucie d’abord de composer. Entre une épaule et
une
arcade, vous découvrez un lac entouré de cultures, de beaux champs gr
942
r. Entre une épaule et une arcade, vous découvrez
un
lac entouré de cultures, de beaux champs gras, des laboureurs et des
943
un lac entouré de cultures, de beaux champs gras,
des
laboureurs et des bateaux, toute une nature à la mesure de l’homme, p
944
cultures, de beaux champs gras, des laboureurs et
des
bateaux, toute une nature à la mesure de l’homme, portant les marques
945
champs gras, des laboureurs et des bateaux, toute
une
nature à la mesure de l’homme, portant les marques de l’usage, et dom
946
e l’usage, et dominée par quelques Alpes qui sont
des
vagues à peine figées dans leur élan. Une Suisse réelle, et non pas u
947
ui sont des vagues à peine figées dans leur élan.
Une
Suisse réelle, et non pas un décor ; non pas un état d’âme vaporeux,
948
ées dans leur élan. Une Suisse réelle, et non pas
un
décor ; non pas un état d’âme vaporeux, comme les idylles du xviiie ,
949
Une Suisse réelle, et non pas un décor ; non pas
un
état d’âme vaporeux, comme les idylles du xviiie , non pas l’opéra ro
950
ntres d’Alpe. Ce qu’il peint, lui, c’est la terre
des
hommes, vue par les yeux de qui l’habite et l’utilise, et non point d
951
s yeux de qui l’habite et l’utilise, et non point
des
« paysages » ou des « vues » que l’« Art » dissout en impressions, et
952
te et l’utilise, et non point des « paysages » ou
des
« vues » que l’« Art » dissout en impressions, et que la photo durcit
953
je m’attarde à ces tableaux, et Manuel n’est pas
un
« artiste » au sens moderne et bien suspect du terme. Un beau jour, f
954
tiste » au sens moderne et bien suspect du terme.
Un
beau jour, fatigué de signer d’un poignard ses tumultueuses compositi
955
spect du terme. Un beau jour, fatigué de signer d’
un
poignard ses tumultueuses compositions, il se joint aux guerriers du
956
défaite de la Bicoque, crie son indignation dans
un
furieux poème, et s’en revient à Berne pour y faire la Réforme. Il éc
957
Berne pour y faire la Réforme. Il écrira d’abord
des
jeux de carnaval qui sont en vérité bien plus que des satires « contr
958
jeux de carnaval qui sont en vérité bien plus que
des
satires « contre le pape et sa séquelle » : des catéchismes illustrés
959
e des satires « contre le pape et sa séquelle » :
des
catéchismes illustrés, tout comme sa Danse des morts en était un. Le
960
: des catéchismes illustrés, tout comme sa Danse
des
morts en était un. Le premier jeu se termine sur ce vers : Amen. Sce
961
illustrés, tout comme sa Danse des morts en était
un
. Le premier jeu se termine sur ce vers : Amen. Scellé avec le poigna
962
; ce sera l’arme réelle du guerrier suisse, signe
des
vieilles libertés ; et maintenant c’est le sceau des poèmes qu’il déd
963
vieilles libertés ; et maintenant c’est le sceau
des
poèmes qu’il dédie « à la gloire de Dieu ». ⁂ Quand on dit chez nous
964
uand on dit chez nous de quelqu’un « qu’il a fait
un
peu tous les métiers », ce n’est pas un éloge, il s’en faut, c’est pl
965
il a fait un peu tous les métiers », ce n’est pas
un
éloge, il s’en faut, c’est plutôt une manière de lui refuser cette co
966
ce n’est pas un éloge, il s’en faut, c’est plutôt
une
manière de lui refuser cette considération bourgeoise qui s’attache a
967
tache aux carrières monotones. Mais la grandeur d’
un
Manuel, et de plusieurs à son époque, est d’avoir su conduire leur vi
968
son époque, est d’avoir su conduire leur vie vers
un
but qui transcende toutes nos activités. Fougueux et appliqué dans sa
969
et appliqué dans sa peinture, Manuel n’hésite pas
un
instant à planter là pinceaux et chevalet lorsqu’ayant dominé son art
970
hevalet lorsqu’ayant dominé son art, il entrevoit
une
action plus urgente. Poète satirique ou guerrier, architecte ou négoc
971
ordonna-t-il sa vie ? Peut-être à la recréation d’
une
unité de rythme et de vision au sein d’un monde qui perdait ses mesur
972
tion d’une unité de rythme et de vision au sein d’
un
monde qui perdait ses mesures. Et quand le lieu du grand débat devien
973
vois ainsi l’unité de sa vie dans la recherche d’
une
forme et d’un sens. Si l’art n’y suffit pas, c’est que le mal est pro
974
nité de sa vie dans la recherche d’une forme et d’
un
sens. Si l’art n’y suffit pas, c’est que le mal est profond : d’où la
975
faut la réformer. Après quoi l’on pourra rebâtir
un
État… ⁂ La sagesse des manuels a le don de stériliser d’un seul mot l
976
ès quoi l’on pourra rebâtir un État… ⁂ La sagesse
des
manuels a le don de stériliser d’un seul mot l’exemple d’une vie trop
977
⁂ La sagesse des manuels a le don de stériliser d’
un
seul mot l’exemple d’une vie trop ardente : « romantique » ou « avent
978
a le don de stériliser d’un seul mot l’exemple d’
une
vie trop ardente : « romantique » ou « aventurier » ou mieux encore «
979
t bon père de six enfants ; que cet artiste, l’un
des
plus grands de son pays, fut aussi le plus raisonnable parmi les chef
980
s savants collègues il leur envoie le manuscrit d’
une
satire contre la messe, on vante à Berne la modération de ses discour
981
vante à Berne la modération de ses discours lors
des
débats de religion. Ce dernier trait achève de peindre le sérieux de
982
le sérieux de ce fantastique. Mais je m’aperçois
un
peu tard que j’oubliais de citer sa devise, inscrite au coin de quelq
983
crois plutôt que c’est encore l’angoisse avide d’
une
unité de sens spirituel, inaccessible à tout « savoir », aussi vaste
984
d’autant plus vite qu’il a mieux éclairé — écrit
un
chroniqueur du temps —, notre banneret Manuel apparut parmi nous comm
985
—, notre banneret Manuel apparut parmi nous comme
un
flambeau brûlant et éclatant. Survint alors la maladie qui nous l’arr
986
subsiste de lui nous montre, à la fin de sa vie,
un
regard doux et perspicace, un visage aigu de malade, peint avec la vé
987
à la fin de sa vie, un regard doux et perspicace,
un
visage aigu de malade, peint avec la véracité d’un homme qui sait exa
988
n visage aigu de malade, peint avec la véracité d’
un
homme qui sait exactement ce que vaut une vie d’homme devant Dieu.
989
racité d’un homme qui sait exactement ce que vaut
une
vie d’homme devant Dieu. 15. Vers du Biccocalied. À la bataille de
990
icoque, les lansquenets s’étaient dissimulés dans
des
tranchées, pendant que leur artillerie décimait les Suisses à bout po
991
isses à bout portant. Le poème de Manuel répond à
une
chanson glorifiant la victoire des Allemands. 16. Amen. Versiglet m
992
anuel répond à une chanson glorifiant la victoire
des
Allemands. 16. Amen. Versiglet mit dem sckwytzerdegen. – End. Gott
993
s d’ici commencent les tranchées de la guerre, et
des
hommes meurent. Pourquoi cette guerre, pourquoi ces morts ? Parce que
994
urope n’ont pas pu résoudre autrement le problème
des
minorités. Or ce problème n’existe plus chez nous ; notre fédéralisme
995
séculaire l’a résolu par le droit et le fait, sur
des
bases chrétiennes et pratiques, dans un esprit de solidarité que symb
996
ait, sur des bases chrétiennes et pratiques, dans
un
esprit de solidarité que symbolise exactement notre maxime confédéral
997
e symbolise exactement notre maxime confédérale :
un
pour tous, mais aussi tous pour un. Nous sommes ici, mobilisés, parce
998
confédérale : un pour tous, mais aussi tous pour
un
. Nous sommes ici, mobilisés, parce que les peuples autour de nous se
999
les faits qui nous obligent à le reconnaître avec
une
tragique évidence. Et c’est cela que nous avons à défendre en défenda
1000
Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà,
un
présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme.
1001
r la mission dont nous sommes responsables depuis
des
siècles, depuis les temps du Saint-Empire : notre mission vis-à-vis d
1002
D’
un
certain cafard helvétique (janvier 1940)aa Chacun sait que le meil
1003
’être entravé dans son action. C’est bien pire qu’
une
totale et irrémédiable inaction. Cela ressemble aux cauchemars ; quan
1004
emars ; quand on ne peut pas courir pour attraper
un
train, parce qu’on est empêtré dans ses draps. Or c’est à cette sorte
1005
litaires me mettent journellement en rapport avec
des
hommes civils ou mobilisés, aux quatre coins de la Suisse, qui voudra
1006
ptembre 1939 que notre mobilisation allait ouvrir
des
possibilités d’action morale et nationale sans précédent, — et qui, a
1007
de se dégonfler. Pourquoi ? Parce que nous sommes
un
petit pays qui se méfie des grandes entreprises, ou simplement des en
1008
Parce que nous sommes un petit pays qui se méfie
des
grandes entreprises, ou simplement des enthousiasmes. Parce que chez
1009
i se méfie des grandes entreprises, ou simplement
des
enthousiasmes. Parce que chez nous, depuis le xixe siècle, règne une
1010
arce que chez nous, depuis le xixe siècle, règne
une
passion égalitaire (inconnue de l’ancienne Suisse) qui a pour effet d
1011
faire « rentrer dans le rang ». Essayez de lancer
un
projet et d’y consacrer toutes vos forces, on vous traitera vite « d’
1012
n’importe quel ordre d’action. C’est le revers d’
une
de nos plus précieuses qualités civiques, j’entends du sentiment de s
1013
. Nous nous méfions beaucoup plus que nos voisins
des
esprits « trop » entreprenants. Nous nous en méfions en vertu d’un in
1014
» entreprenants. Nous nous en méfions en vertu d’
un
instinct démocratique tout à fait sain à l’origine, je le répète. Mai
1015
é inconsciente à l’endroit de tout ce qui dépasse
une
très moyenne ardeur, c’est le moment de réagir vertement. C’est le mo
1016
e mission, et surtout de la réaliser. La DAC est
un
de ces moyens ; bien modeste, mais il faut commencer. Et j’en profite
1017
emier enthousiasme est tombé, l’heure est venue d’
une
reprise en main, d’un regroupement pour un nouveau départ. Secouer no
1018
tombé, l’heure est venue d’une reprise en main, d’
un
regroupement pour un nouveau départ. Secouer notre train-train, notre
1019
nue d’une reprise en main, d’un regroupement pour
un
nouveau départ. Secouer notre train-train, notre inertie, c’est notre
1020
n Armée et Foyer aa. Rougemont Denis de, « D’
un
certain cafard helvétique », La DAC, Berne, janvier 1940, p. 1.
1021
oup de littérature de manuels, — et en même temps
un
peu d’argent, je crois. Tant pis pour les manuels et tant mieux pour
1022
urelles ont été trop longtemps considérées soit d’
un
point de vue purement sentimental — comme privilèges de droit divin d
1023
ivilèges de droit divin du peuple suisse — soit d’
un
point de vue purement utilitaire ou touristique. C’est-à-dire trop ha
1024
e que de les défendre. Le seul moyen de conserver
un
privilège, après tout, c’est de le mériter. Et de prouver en fait que
1025
iment plus dignes et plus conscients que d’autres
des
« charges » que supposent de pareils avantages ? Chaque fois que je v
1026
mparable », je ne puis m’empêcher de songer, avec
une
horrible malice, à certain passage de Hugo contemplant du haut du Pil
1027
os Alpes. Qu’on me permette de le citer ici comme
une
sorte de parabole : C’était un ensemble prodigieux de choses harmoni
1028
citer ici comme une sorte de parabole : C’était
un
ensemble prodigieux de choses harmonieuses et magnifiques, pleines de
1029
e montagnes, de nuages et de soleil, et cherchant
un
témoin sublime à ce sublime paysage. Il y avait un témoin, en effet,
1030
n témoin sublime à ce sublime paysage. Il y avait
un
témoin, en effet, un seul, car du reste l’esplanade était sauvage, ab
1031
sublime paysage. Il y avait un témoin, en effet,
un
seul, car du reste l’esplanade était sauvage, abrupte et déserte. Je
1032
e et déserte. Je n’oublierai cela de ma vie. Dans
une
anfractuosité du rocher, assis les jambes pendantes sur une grosse pi
1033
tuosité du rocher, assis les jambes pendantes sur
une
grosse pierre, un idiot, un goitreux, à corps grêle et à face énorme,
1034
assis les jambes pendantes sur une grosse pierre,
un
idiot, un goitreux, à corps grêle et à face énorme, riait d’un air st
1035
jambes pendantes sur une grosse pierre, un idiot,
un
goitreux, à corps grêle et à face énorme, riait d’un air stupide, le
1036
goitreux, à corps grêle et à face énorme, riait d’
un
air stupide, le visage en plein soleil, et regardait au hasard devant
1037
s Alpes étaient le spectacle, le spectateur était
un
crétin. Je me suis perdu dans cette effrayante antithèse : l’homme op
1038
omme ». Et je suis loin de penser que nous sommes
des
crétins ! Je dis seulement qu’en face de cette nature dans son attitu
1039
t pas si facile que cela d’habiter et de posséder
un
pays dont l’altière beauté menace sans cesse d’écraser l’homme qui vo
1040
eut aussi l’y comparer. Être Suisse, ce n’est pas
un
« filon ». C’est plutôt une « mission spéciale ». Il y faut aujourd’h
1041
e Suisse, ce n’est pas un « filon ». C’est plutôt
une
« mission spéciale ». Il y faut aujourd’hui l’endurance, la longue au
1042
sommes prêts. Nous avons élevé autour de ce pays
une
barrière. Nous avons creusé un fossé. Nous avons hermétiquement fermé
1043
autour de ce pays une barrière. Nous avons creusé
un
fossé. Nous avons hermétiquement fermé toutes les fissures, et plus r
1044
et dans les champs neigeux ; et derrière l’armée,
un
peuple entier qui guette, et qui travaille lui aussi jour et nuit, da
1045
de l’Europe et que, parfois, quand vous cherchez
un
poste à la radio, vous captez sans le vouloir, en passant. Que signif
1046
er de passer, et qui peut-être vont nous apporter
des
nouvelles beaucoup moins rassurantes que les discours patriotiques et
1047
igurez-vous que vous êtes, en cet instant, devant
un
poste de radio, et que j’arrête tout exprès le petit trait lumineux d
1048
s dit-elle ? J’essaierai de l’interpréter. Depuis
une
dizaine d’années, et plus précisément depuis 1933, la face de l’Europ
1049
pte. Autrefois, et naguère encore, il suffisait à
une
nation de déclarer son sol sacré, pour avoir le droit de le défendre
1050
de le défendre jusqu’à la dernière goutte du sang
des
citoyens. Assurer les armes à la main l’intégrité du sol de la patrie
1051
À cette époque, on ne pouvait en effet conquérir
un
pays qu’au moyen d’une armée, et les armées n’ont jamais occupé autre
1052
pouvait en effet conquérir un pays qu’au moyen d’
une
armée, et les armées n’ont jamais occupé autre chose que du terrain.
1053
nnées, ce ne sont plus les armées qui conquièrent
un
pays. Mais c’est d’abord la propagande. Ce n’est plus le territoire q
1054
emier lieu la conscience nationale. Souvenez-vous
des
tragédies autrichienne et tchécoslovaque. L’armée ne vient qu’en dern
1055
Et que disent ces propagandistes ? Ils proclament
une
doctrine politique tout à fait nouvelle en Europe. Ils prétendent que
1056
oulu de Dieu, et qu’il jouissait par conséquent d’
une
légitimité indiscutable. La propagande dont je parle dit autre chose
1057
nations « jeunes » et « dynamiques » ont droit à
un
espace vital, lequel espace englobe, comme par hasard, tous les pays
1058
e rien, au jour choisi par l’attaquant, parce que
des
centres vitaux du pays, les ordres seront déjà donnés dans la langue
1059
emandent à nous les Suisses, si nous avons encore
une
raison d’être, si nous osons encore le proclamer, et si nous en gardo
1060
osons encore le proclamer, et si nous en gardons
une
conscience claire et forte. Elles nous mettent au défi de produire le
1061
’à la mort. Eh bien, il serait fou de mourir pour
une
Suisse dont nous ne serions pas sûrs qu’elle a le droit et le devoir
1062
t de mourir pour quelque chose qui ne fournit pas
des
raisons de vivre. Notre serment nous engage donc aussi à prendre une
1063
e. Notre serment nous engage donc aussi à prendre
une
conscience sérieuse des raisons de vivre de la Suisse, et de nos rais
1064
gage donc aussi à prendre une conscience sérieuse
des
raisons de vivre de la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que
1065
t que Suisses. Il nous faut tout d’abord écarter
un
certain nombre de fausses raisons et d’illusions, de phrases toutes f
1066
us a suggéré de différents côtés qu’il impliquait
une
suite, une partie “positive”. C’est à cette demande que veut bien rép
1067
é de différents côtés qu’il impliquait une suite,
une
partie “positive”. C’est à cette demande que veut bien répondre notre
1068
e leur héroïsme civique et militaire, et qui sont
un
modèle pour l’Europe. » Oui, certes. Mais, en fait, que sont devenues
1069
elles subsistent ? La liberté n’est pas seulement
un
privilège que l’on « hérite ». C’est une conquête perpétuelle. Elle e
1070
seulement un privilège que l’on « hérite ». C’est
une
conquête perpétuelle. Elle est sans doute un héritage « politique ».
1071
est une conquête perpétuelle. Elle est sans doute
un
héritage « politique ». Mais rien ne se déprécie plus rapidement que
1072
es mériter par ses manières d’être et de penser.
Un
jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent d’un tyran. Ils purent
1073
jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent d’
un
tyran. Ils purent se croire libres un moment : mais le soleil fécond
1074
livrèrent d’un tyran. Ils purent se croire libres
un
moment : mais le soleil fécond fit éclore du cadavre de l’oppresseur
1075
leil fécond fit éclore du cadavre de l’oppresseur
un
essaim de petits tyrans. À présent, ils continuent à répéter le vieux
1076
dire, jusqu’à satiété, qu’ils se sont affranchis
un
jour et qu’ils sont demeurés libres. En vérité, derrière leurs murail
1077
es oligarchies que la Révolution devait renverser
un
peu plus tard. Mais sommes-nous bien certains que pour autant le juge
1078
rannie de l’opinion publique vaut mieux que celle
des
aristocrates ? Sommes-nous bien certains que les Suisses sont, plus q
1079
que les Suisses sont, plus que d’autres, libérés
des
préjugés bourgeois ? Sommes-nous bien certains, enfin, qu’il a suffi
1080
enfin, qu’il a suffi à nos pères de s’affranchir
un
jour pour que nous ayons le droit de répéter à tout jamais : nous som
1081
aître en toute franchise : la Suisse actuelle est
un
pays où l’on a peu de « véritable » liberté d’esprit. C’est un pays o
1082
on a peu de « véritable » liberté d’esprit. C’est
un
pays où l’on tolère fort mal les opinions non conformistes, les excep
1083
l’autre, celui qui pense différemment, doit être
un
type dangereux ou très méchant. Ceci pour le plan des idées. Sur le p
1084
type dangereux ou très méchant. Ceci pour le plan
des
idées. Sur le plan de la morale, c’est pire encore. Je ne vais pas re
1085
arder leur valeur concrète que si nous conquérons
une
plus grande liberté morale et intellectuelle. Car les unes ne vont pa
1086
es autres, et toute notre histoire en témoigne. «
Une
politique de liberté ne peut être faite que par des esprits libres. »
1087
e politique de liberté ne peut être faite que par
des
esprits libres. » Les deux libertés, l’extérieure et l’intérieure, on
1088
s Suisses du xviiie siècle ne jouissaient plus d’
une
véritable liberté intérieure qu’ils ont été une proie facile pour l’é
1089
d’une véritable liberté intérieure qu’ils ont été
une
proie facile pour l’étranger, pour les armées de la Révolution frança
1090
celle qui se manifeste dans la diversité infinie
des
manières de penser et de vivre, nos libertés politiques ne pourront s
1091
uffit donc pas de protéger notre indépendance par
des
fortifications. C’est l’intérieur du pays qu’il nous faut maintenant
1092
par la paresse d’esprit : les Suisses jouissent d’
une
instruction publique remarquable, mais ils ont la plus grande méfianc
1093
ect tout ce qui ne rentre pas à première vue dans
des
catégories moyennes et bien connues, telles que bon ou méchant, droit
1094
l’ordre ou esprit subversif. Ils exigent toujours
des
choses simples. Au besoin, ils les simplifient terriblement. C’est ai
1095
re a pu passer chez nous, pendant longtemps, pour
un
« rempart contre le bolchévisme ». Pourquoi ? Parce qu’on se contenta
1096
chévistes sont pour le désordre. Sans se demander
un
seul instant de quelle espèce d’ordre il s’agissait. Or, prenons-y bi
1097
d’esprit. Notre « égalitarisme » est, lui aussi,
une
forme de paresse d’esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie,
1098
ne forme de paresse d’esprit, bien plus encore qu’
une
forme de l’envie, comme on l’a peut-être trop dit. Autrefois, les Sui
1099
tre trop dit. Autrefois, les Suisses se méfiaient
des
personnalités trop affichées, parce qu’ils craignaient qu’elles n’ent
1100
craignaient qu’elles n’entraînassent le pays dans
des
aventures dictatoriales. Il y avait quelque chose de sain et de profo
1101
ndément démocratique dans l’effacement volontaire
des
plus grands Suisses de ce temps-là. Mais aujourd’hui, l’égalitarisme
1102
égalitarisme hérité du xixe siècle n’est plus qu’
une
dégénérescence de cet instinct démocratique. Il veut tout unifier, ré
1103
ien plus simple, et plus facile de tout ramener à
des
mesures médiocres et uniformes. C’est bien plus simple et plus facile
1104
en plus simple et plus facile que de tenir compte
des
vivantes complexités, des vocations infiniment diverses — celles que
1105
ile que de tenir compte des vivantes complexités,
des
vocations infiniment diverses — celles que suppose notre fédéralisme,
1106
dans la vie quotidienne comme dans la politique.
Un
mot encore, pendant que j’en suis à ronchonner. (La prochaine fois, n
1107
ronchonner. (La prochaine fois, nous parlerons d’
une
manière « positive », c’est promis !) « Si quelque chose aujourd’hui
1108
c’est heureux, à regarder notre neutralité comme
une
chose qui irait de soi, qui aurait existé de tout temps, sans commenc
1109
ns contrepartie, et qui représenterait, en somme,
un
privilège de droit divin. Nous savons que la neutralité est une conce
1110
de droit divin. Nous savons que la neutralité est
une
conception menacée ; qu’elle est en quelque sorte contre nature, car
1111
us devons la justifier, sous peine de passer pour
des
lâches, ou des tièdes, ou des inconscients. Que valent les justificat
1112
stifier, sous peine de passer pour des lâches, ou
des
tièdes, ou des inconscients. Que valent les justifications qu’on nous
1113
eine de passer pour des lâches, ou des tièdes, ou
des
inconscients. Que valent les justifications qu’on nous propose, au re
1114
les justifications qu’on nous propose, au regard
des
bouleversements historiques dont la guerre actuelle est le signe ? Po
1115
ssités toutes matérielles : parce que nous sommes
un
trop petit pays, parce que notre situation géographique centrale nous
1116
les traités nous y forcent. Et certes, aux yeux d’
un
chrétien et d’un Suisse, les traités ne seront jamais de simples chif
1117
y forcent. Et certes, aux yeux d’un chrétien et d’
un
Suisse, les traités ne seront jamais de simples chiffons de papier !
1118
hors de nos frontières. Enfin, l’on donne parfois
une
justification militaire à notre neutralité : il serait de l’intérêt d
1119
taire à notre neutralité : il serait de l’intérêt
des
puissances belligérantes de ne point utiliser le passage par la Suiss
1120
raison dite d’équilibre stratégique peut tomber d’
un
jour à l’autre. Et la preuve que nous ne la prenons pas au sérieux, c
1121
demanderaient d’entrer en guerre ? Ni l’argument
des
réalistes, ni celui des juristes, ni celui des stratèges, ne suffirai
1122
en guerre ? Ni l’argument des réalistes, ni celui
des
juristes, ni celui des stratèges, ne suffiraient à justifier notre re
1123
nt des réalistes, ni celui des juristes, ni celui
des
stratèges, ne suffiraient à justifier notre refus de « payer notre pa
1124
ien. Je dis seulement qu’ils ne représentent plus
une
raison suffisante de s’abstenir, et d’autre part, qu’ils n’ont plus g
1125
s pour nous cette garantie morale dont nous avons
un
besoin réellement vital. Si maintenant et malgré tout j’affirme que l
1126
e rester neutre, ce ne peut donc être qu’au nom d’
une
réalité qui ne sera ni matérielle ni légale, mais spirituelle au prem
1127
. Non, la neutralité de la Suisse ne saurait être
un
privilège, c’est une charge ! Et ce serait bien mal la défendre que d
1128
de la Suisse ne saurait être un privilège, c’est
une
charge ! Et ce serait bien mal la défendre que de la défendre au nom
1129
ère. Seule, la mission positive de la Suisse rend
un
sens et un poids aux arguments que nous jugions tout à l’heure insuff
1130
la mission positive de la Suisse rend un sens et
un
poids aux arguments que nous jugions tout à l’heure insuffisants. Not
1131
ts. Notre position géographique, par exemple, est
un
péril certain si l’on ne s’attache qu’à l’aspect matériel des choses.
1132
rtain si l’on ne s’attache qu’à l’aspect matériel
des
choses. Mais elle devient un avantage dès qu’on la considère dans la
1133
à l’aspect matériel des choses. Mais elle devient
un
avantage dès qu’on la considère dans la perspective de notre mission
1134
, la garantie légale de notre neutralité n’est qu’
un
chiffon de papier, si l’on veut y voir simplement une garantie de nos
1135
chiffon de papier, si l’on veut y voir simplement
une
garantie de nos privilèges. Mais elle devient notre meilleure sûreté
1136
tre meilleure sûreté dès qu’on la considère comme
une
mesure d’intérêt général en Europe. Rester neutres au nom d’un traité
1137
ntérêt général en Europe. Rester neutres au nom d’
un
traité signé à Vienne il y a plus de cent ans, soit ! Mais il ne faud
1138
vilèges, c’est de les considérer dorénavant comme
des
charges, dont nous sommes responsables vis-à-vis de la communauté eur
1139
e la communauté européenne. Je voudrais marquer d’
une
devise ce point central. Au Moyen Âge la noblesse représentait une ch
1140
nt central. Au Moyen Âge la noblesse représentait
une
charge autant qu’un privilège, et même le privilège était subordonné
1141
Âge la noblesse représentait une charge autant qu’
un
privilège, et même le privilège était subordonné à la charge ; il n’a
1142
oblige ! À quoi ? C’est ce que je préciserai dans
un
dernier article, sur la vocation de la Suisse et ses conséquences pou
1143
solidement appuyé par l’arrière. Quand on parle d’
une
vocation de la Suisse vis-à-vis de l’Europe, nombreux sont ceux qui c
1144
oque. Car il est clair que la guerre actuelle est
une
guerre de doctrines et même de religions. Des raisons spirituelles la
1145
est une guerre de doctrines et même de religions.
Des
raisons spirituelles la dominent, et il s’agit de les prendre au séri
1146
voilà notre rôle stratégique dans cette bataille
des
doctrines. Nous l’avons constaté, à propos de la neutralité, ce sont
1147
t les faits eux-mêmes qui nous invitent à prendre
une
attitude active vis-à-vis de l’Europe. Ce sont les faits qui rendent
1148
iques, ils n’aperçoivent nullement l’indication d’
une
vocation européenne de la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont pas
1149
tion d’une vocation européenne de la Suisse. Dans
un
certain sens, ils n’ont pas tort. Une vocation n’est jamais inscrite
1150
Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont pas tort.
Une
vocation n’est jamais inscrite en clair dans les faits matériels. Il
1151
e peut qu’avec les yeux de l’esprit. Tenir compte
des
faits ne suffit pas : il faut savoir leur donner un sens, leur ajoute
1152
faits ne suffit pas : il faut savoir leur donner
un
sens, leur ajouter un sens par un acte de l’esprit. L’individu ou le
1153
il faut savoir leur donner un sens, leur ajouter
un
sens par un acte de l’esprit. L’individu ou le pays qui se reconnaît
1154
oir leur donner un sens, leur ajouter un sens par
un
acte de l’esprit. L’individu ou le pays qui se reconnaît une vocation
1155
l’esprit. L’individu ou le pays qui se reconnaît
une
vocation doit sans nul doute partir des faits — sous peine de divague
1156
reconnaît une vocation doit sans nul doute partir
des
faits — sous peine de divaguer dans l’utopie — mais il doit en partir
1157
doit en partir justement, aller au-delà, et dans
un
sens qui ne peut être révélé que par sa foi. Maintenant donc, il s’ag
1158
cas échéant. Car tout revient, dans ce domaine, à
une
question d’état d’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit de
1159
rale. Ce qu’il s’agit de créer, avant tout, c’est
une
disposition du sentiment public favorable à des entreprises éventuell
1160
t une disposition du sentiment public favorable à
des
entreprises éventuelles, qu’il serait imprudent de préciser trop vite
1161
ore trop tôt pour mobiliser l’opinion en faveur d’
une
action de la Suisse auprès de ses voisins en guerre. Ce n’est pas enc
1162
rès de ses voisins en guerre. Ce n’est pas encore
une
mobilisation spirituelle que je réclame, c’est plutôt une mise de piq
1163
lisation spirituelle que je réclame, c’est plutôt
une
mise de piquet. Soyons prêts à répondre à tout appel, même balbutiant
1164
ons à dire à nos voisins, forts que nous sommes d’
une
expérience fédéraliste de six siècles. Et surtout, ne dénigrons pas l
1165
fédéralisme, c’est-à-dire à le mieux réaliser, d’
une
manière qui le rende exemplaire, au sens littéral de ce mot. Profiton
1166
ait, digne d’être exposé et en bonne place, comme
un
modèle valable pour l’Europe de demain. Voilà un travail immédiat. Nu
1167
un modèle valable pour l’Europe de demain. Voilà
un
travail immédiat. Nul besoin cette fois-ci, d’attendre que la paix s’
1168
ème. J’estime que le fédéralisme est tout d’abord
une
réalité morale, et même spirituelle. Et c’est sur ce plan décisif qu’
1169
rai le sens fédéraliste intime, qui suppose toute
une
morale, toute une manière de vivre et de penser. Connaître le voisin
1170
liste intime, qui suppose toute une morale, toute
une
manière de vivre et de penser. Connaître le voisin de langue ou confe
1171
vite fait. Je n’ai développé dans mes articles qu’
une
seule idée : c’est que la Suisse que nous devons défendre n’est pas l
1172
isse que nous devons défendre n’est pas la Suisse
des
manuels, des cartes postales et des discours, n’est pas la Suisse qui
1173
devons défendre n’est pas la Suisse des manuels,
des
cartes postales et des discours, n’est pas la Suisse qui se vante de
1174
pas la Suisse des manuels, des cartes postales et
des
discours, n’est pas la Suisse qui se vante de ses beautés, de ses lib
1175
sait reconnaître dans ces privilèges les signes d’
une
mission dont elle est responsable. Une seule idée… Mais si nous l’acc
1176
s signes d’une mission dont elle est responsable.
Une
seule idée… Mais si nous l’acceptons, je suis certain que la plupart
1177
fusons de considérer le fait d’être Suisses comme
une
espèce de filon, si nous le considérons tout au contraire comme une m
1178
n, si nous le considérons tout au contraire comme
une
mission spéciale devant l’Europe, nous apprendrons à voir plus grand,
1179
nous serons en état de mesurer la vraie grandeur
des
événements actuels, la vraie grandeur du rôle qui peut nous y attendr
1180
uniformes pour les aérer. Secundo, j’ai envoyé à
un
certain nombre de mes amis la phrase suivante : « Au plus fort de la
1181
rononça ces mots : nubicula est, transibit, c’est
un
petit nuage, il passera. » La semaine passée, je reçois une lettre de
1182
nuage, il passera. » La semaine passée, je reçois
une
lettre de « quelque part dans le Proche-Orient », et une autre des Ét
1183
tre de « quelque part dans le Proche-Orient », et
une
autre des États-Unis. La première me dit : « Le petit nuage n’est pas
1184
uelque part dans le Proche-Orient », et une autre
des
États-Unis. La première me dit : « Le petit nuage n’est pas passé. Il
1185
era, et nous serons encore une fois assis au café
des
Deux Magots. La vie reprendra. Cela paraît irréel. » La seconde me di
1186
nos petits accès de découragement, ces brumes qu’
un
léger vent d’avant-printemps suffit à dissiper en cinq minutes ? Qu’e
1187
h bien, cette menace énorme, à son tour, n’est qu’
un
tout petit nuage, au regard du Règlement des comptes universels que s
1188
st qu’un tout petit nuage, au regard du Règlement
des
comptes universels que sera notre jugement au dernier jour de tous le
1189
tal » qu’il soit, ne saurait figurer pour nous qu’
un
exercice, une première escarmouche, un entraînement pour le « combat
1190
ur nous qu’un exercice, une première escarmouche,
un
entraînement pour le « combat final » où Dieu seul pourra nous sauver
1191
de nos craintes dérisoires et mesquines. « C’est
un
petit nuage, il passera. » Ce mot me fut comme parole d’Évangile quan
1192
ez le voir. Voici ce que je viens de trouver dans
un
livre interdit (mais je ne pense pas que ce soit à cause de ce passag
1193
ce soit à cause de ce passage). L’auteur est l’un
des
chefs d’un parti que l’on devine ; écœuré, il vient de démissionner (
1194
use de ce passage). L’auteur est l’un des chefs d’
un
parti que l’on devine ; écœuré, il vient de démissionner (la scène se
1195
abattu par l’un de ces anciens amis. Réfugié dans
un
hôtel chrétien, un Christliches Hospiz, il sent peser sur lui d’une m
1196
ces anciens amis. Réfugié dans un hôtel chrétien,
un
Christliches Hospiz, il sent peser sur lui d’une manière insupportabl
1197
, un Christliches Hospiz, il sent peser sur lui d’
une
manière insupportable le sombre avenir de son pays. « Dans mon désesp
1198
urai mieux à faire qu’à me rasseoir à la terrasse
des
Deux Magots. ah. Rougemont Denis de, « Le petit nuage », La DAC, Be
1199
D’
un
journal d’attente (pages démodées) (avril 1940)ai Ceux qui tiennen
1200
ges démodées) (avril 1940)ai Ceux qui tiennent
un
journal intime sont d’ordinaire des êtres qui se cherchent, ou qui, p
1201
x qui tiennent un journal intime sont d’ordinaire
des
êtres qui se cherchent, ou qui, pour mieux se posséder, fixent d’eux-
1202
usage. C’est faute d’usage et d’occasion, faute d’
une
action vraiment totale et engageante, que je commence ici, pour la pr
1203
ante, que je commence ici, pour la première fois,
une
espèce de journal d’attente, — comme on parle d’une salle d’attente.
1204
e espèce de journal d’attente, — comme on parle d’
une
salle d’attente. Entre deux trains, entre deux œuvres, mais surtout :
1205
Envies d’écrire, sans contenus ; envies de noter
des
idées détachées, des petits faits sans signification, ou plutôt ne si
1206
s contenus ; envies de noter des idées détachées,
des
petits faits sans signification, ou plutôt ne signifiant rien qui pui
1207
ir immédiat ne l’est plus. Toute création demande
une
vacance, un espace qui ne soit mesuré et un temps qui ne soit rythmé
1208
e l’est plus. Toute création demande une vacance,
un
espace qui ne soit mesuré et un temps qui ne soit rythmé que par les
1209
ande une vacance, un espace qui ne soit mesuré et
un
temps qui ne soit rythmé que par les lois intimes du sujet fascinant.
1210
aujourd’hui, je ne puis que subir le temps brutal
des
événements. Ils mènent le jeu, jusque dans mes pensées. Désorganisent
1211
la méditation. Et me contraignent à n’écrire que
des
fragments. Le « journaliste » est l’homme sans lendemain. 5 avril 193
1212
vril 1939 Ce chef d’État offre, dit-on, d’évacuer
une
île dont il s’est emparé, à condition qu’on lui donne en échange quel
1213
trebandier, puis douanier. Il cultive aujourd’hui
un
merveilleux jardin, dans un vallon bien abrité, à la terre ocrée, sou
1214
l cultive aujourd’hui un merveilleux jardin, dans
un
vallon bien abrité, à la terre ocrée, sous les pins. Pendant que nous
1215
ela fait, ceux qui gouvernent ? Ça peut bien être
des
Allemands, ou des Anglais, ou tout ce que vous voudrez, pourvu qu’on
1216
gouvernent ? Ça peut bien être des Allemands, ou
des
Anglais, ou tout ce que vous voudrez, pourvu qu’on nous laisse travai
1217
mé comme les autres années… Monsieur Turc promène
un
regard précis et compétent sur le vallon et les cultures. Médite et r
1218
tures. Médite et redresse sa casquette. Et tout d’
un
coup, son regard s’assombrit : — Ha ! mais je vais vous dire : si les
1219
comment il s’y prendra, mais voilà qui s’appelle
un
beau redressement national ! 11 avril 1939 Monsieur Turc a semé, mais
1220
moi, je n’arrive même pas à défricher le champ d’
un
gros ouvrage projeté. Toute œuvre humaine, tout acte humain, et même
1221
rfois les plus élémentaires, exigent et supposent
un
avenir. Nous l’oublions souvent, dans notre vie individuelle. Les sta
1222
ont. On constatera l’année prochaine (s’il y en a
une
) que cette période de menaces de guerre aura vu concevoir moins de li
1223
êchent de m’absorber dans l’œuvre en cours, c’est
un
esprit d’autocritique qui prend la place, en moi, de l’effort créateu
1224
la place, en moi, de l’effort créateur. J’imagine
un
recueil de Contredits où je réfuterais mes précédents ouvrages… Pen
1225
existence ; cependant que les masses, créées par
des
puissances inhumaines (et auxquelles nulle culture n’aurait pu s’oppo
1226
ce serait moins la faute de la culture que celle
des
hasards anonymes qui organisent un monde mécanique (radio, capital, u
1227
ure que celle des hasards anonymes qui organisent
un
monde mécanique (radio, capital, urbanisme) au sein duquel la plus «
1228
tal, urbanisme) au sein duquel la plus « active »
des
cultures perd ses prises et son efficace. En vérité, ce ne sont pas l
1229
es de culture en série… De même, sous l’influence
des
événements récents (état de siège proclamé par toute l’Europe), je su
1230
tenté de prendre le contre-pied de mon Journal d’
un
intellectuel en chômage , et d’insister désormais davantage sur les v
1231
le-même, cette Vérité devient ésotérique aux yeux
des
masses. Déjà, dans la moitié de l’Europe, elle est des Catacombes, et
1232
asses. Déjà, dans la moitié de l’Europe, elle est
des
Catacombes, et non pas du Forum. On m’a loué de « penser près de la v
1233
e n’en suis que trop près, — et surtout de la vie
des
autres ! On voudrait parfois être riche, à seule fin de maintenir cer
1234
olir… 16 avril 1939 Question. Dans quelle mesure
un
écrivain a-t-il le droit, ou le devoir, de se montrer publiquement ob
1235
oints faibles, ou, au contraire, lui donnera-t-il
une
efficacité plus pénétrante ? Problème d’une portée générale, dans un
1236
-t-il une efficacité plus pénétrante ? Problème d’
une
portée générale, dans un monde où s’installe, peu à peu, le régime de
1237
pénétrante ? Problème d’une portée générale, dans
un
monde où s’installe, peu à peu, le régime de l’union sacrée et de la
1238
a « discipline de l’opinion ». Dans quelle mesure
un
citoyen a-t-il le droit, ou le devoir, de se montrer publiquement obj
1239
n qui sera donnée en fait à ce problème, au cours
des
mois ou des années qui viennent. Paris, 21 avril 1939 Une nuit blanch
1240
onnée en fait à ce problème, au cours des mois ou
des
années qui viennent. Paris, 21 avril 1939 Une nuit blanche dans un tr
1241
ou des années qui viennent. Paris, 21 avril 1939
Une
nuit blanche dans un train bondé. Une journée de reprise à Paris. Et
1242
nnent. Paris, 21 avril 1939 Une nuit blanche dans
un
train bondé. Une journée de reprise à Paris. Et ce soir, me voici [ve
1243
avril 1939 Une nuit blanche dans un train bondé.
Une
journée de reprise à Paris. Et ce soir, me voici [venu] assister à un
1244
e à Paris. Et ce soir, me voici [venu] assister à
un
débat, dans un cercle privé, sur la politique commerciale de la Franc
1245
e soir, me voici [venu] assister à un débat, dans
un
cercle privé, sur la politique commerciale de la France. Tandis que d
1246
la politique commerciale de la France. Tandis que
des
experts échangent leurs vues, je constate un curieux phénomène : tout
1247
que des experts échangent leurs vues, je constate
un
curieux phénomène : tout se transpose dans mon esprit en problèmes de
1248
(achète ou vend) est défini par son action, revêt
un
rôle, devient une persona ; tandis que l’homme qui subit un acte (qu’
1249
est défini par son action, revêt un rôle, devient
une
persona ; tandis que l’homme qui subit un acte (qu’il soit acheté ou
1250
evient une persona ; tandis que l’homme qui subit
un
acte (qu’il soit acheté ou vendu) se voit assimilé par le langage lui
1251
vendu) se voit assimilé par le langage lui-même à
un
objet matériel indifférencié. À peine ai-je noté ceci, qu’un des expe
1252
tériel indifférencié. À peine ai-je noté ceci, qu’
un
des experts se met à parler de la « personnalité » d’un produit comme
1253
iel indifférencié. À peine ai-je noté ceci, qu’un
des
experts se met à parler de la « personnalité » d’un produit commercia
1254
experts se met à parler de la « personnalité » d’
un
produit commercial et de son « prestige ». Curieuse dramatisation ! À
1255
t la matière qui s’en voit revêtue. 26 avril 1939
Une
heure au café avec un romancier, ex-leader du Front populaire. Décour
1256
oit revêtue. 26 avril 1939 Une heure au café avec
un
romancier, ex-leader du Front populaire. Découragé, désabusé, mais en
1257
ême temps décidé à « reconsidérer » le monde sous
des
aspects plus réalistes, selon l’urgence des événements. — « Je suis e
1258
sous des aspects plus réalistes, selon l’urgence
des
événements. — « Je suis en pleine cure morale, me dit-il, après quatr
1259
e dit hésiter souvent sur ce point, — et me donne
un
éclair d’hésitation… 27 avril 1939 L’un me dit : — « Pourquoi vous in
1260
econd celle du matin ? 29 avril 1939 Comme il est
des
stratèges de Café du Commerce — généraux qui n’ont rien à commander —
1261
e — généraux qui n’ont rien à commander —, il est
des
« résistants » qui n’ont rien à sauver, et qui ne s’en montrent que p
1262
qu’elle n’a pas hésité à sacrifier sur son autel
un
peuple ami. (Il entendait : son peuple tchèque.) Historien futur ! —
1263
tés aussi, qui ne retrouvent l’espoir qu’au seuil
des
catastrophes générales. Et j’en connais qui ne parviennent à leur rég
1264
ne parviennent à leur régime normal de vie (comme
un
moteur prend son régime à tant à l’heure) que dans le drame et le bou
1265
à l’heure) que dans le drame et le bouleversement
des
habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montr
1266
ent collectif. Je puis l’avouer parce que je suis
un
écrivain. Il est admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour le
1267
peuvent avoir peur de la guerre. Car avoir peur d’
un
accident, c’est entrevoir, imaginer ses conséquences, et la guerre es
1268
nte en nous ni le courage ni la peur, mais plutôt
un
certain cynisme. Peut-être aussi une certaine modestie de l’individu,
1269
, mais plutôt un certain cynisme. Peut-être aussi
une
certaine modestie de l’individu, qui se voit concrètement réduit à sa
1270
os pensées, de nos images ! Hier, dans l’autobus,
une
petite bourgeoise assise devant moi s’écrie, voyant s’abattre une plu
1271
eoise assise devant moi s’écrie, voyant s’abattre
une
pluie d’orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à g
1272
1939 La grande ville traversée dans la fatigue d’
un
soir pluvieux, Paris, souffrance des visages et des corps, exercice p
1273
la fatigue d’un soir pluvieux, Paris, souffrance
des
visages et des corps, exercice perpétuel de charité dans une atmosphè
1274
n soir pluvieux, Paris, souffrance des visages et
des
corps, exercice perpétuel de charité dans une atmosphère exténuante,
1275
et des corps, exercice perpétuel de charité dans
une
atmosphère exténuante, hâte, érotisme, énervement. Paris soudain cons
1276
ituelle la plus extraordinaire du siècle ! Il est
des
êtres et des drames dont la vérité n’apparaît que dans cet environnem
1277
us extraordinaire du siècle ! Il est des êtres et
des
drames dont la vérité n’apparaît que dans cet environnement de lueurs
1278
roisements d’existences étrangères. Paris propose
une
liberté et un danger, une révélation totale de l’humain dans tous ses
1279
istences étrangères. Paris propose une liberté et
un
danger, une révélation totale de l’humain dans tous ses risques matér
1280
rangères. Paris propose une liberté et un danger,
une
révélation totale de l’humain dans tous ses risques matériels et spir
1281
ut-être, à toute autre époque. Imaginer là-dessus
un
livre vrai, un livre où tout serait avoué, horreur et charme, à trave
1282
e autre époque. Imaginer là-dessus un livre vrai,
un
livre où tout serait avoué, horreur et charme, à travers la vision d’
1283
t avoué, horreur et charme, à travers la vision d’
un
saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les métr
1284
ortant de cette église ouverte, où passe le bruit
des
autobus ; ou bien de ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène est
1285
asse le bruit des autobus ; ou bien de ce temple,
un
samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans un silence de cataco
1286
samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans
un
silence de catacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la fou
1287
e, l’Amour qui bouleverse le monde et fait surgir
des
quotidiennes apparences l’être touchant, bizarre et pitoyable que cha
1288
ïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter
des
rumeurs qui glissent au travers de propos superficiellement passionné
1289
même ton du grand panda, le nouvel hôte du Jardin
des
Plantes, et du dernier livre de Huizinga, qui nous parvint hier de Ho
1290
ui nous parvint hier de Hollande. Nous échangeons
des
nouvelles de nos amis communs d’Argentine, d’Angleterre, d’Autriche,
1291
trouvent déjà. Impression soudaine, émouvante, d’
une
société secrète que rassemble l’appréhension des catastrophes prochai
1292
’une société secrète que rassemble l’appréhension
des
catastrophes prochaines et le désir d’un ultime colloque avant que ne
1293
hension des catastrophes prochaines et le désir d’
un
ultime colloque avant que ne se ferment les frontières, avant la soli
1294
4 mai 1939 Avant-hier, nous trouvâmes en rentrant
une
prodigieuse gerbe de roses rouges que V. O. envoyait à ma femme. Plan
1295
ait à ma femme. Plantée au milieu du studio, dans
un
gros pot de grès, elle règne comme la Beauté même, comme la Passion d
1296
es nos haines, l’origine de toute amertume, c’est
un
bien que nous n’avons plus, c’est un amour perdu, allé ailleurs. Mais
1297
rtume, c’est un bien que nous n’avons plus, c’est
un
amour perdu, allé ailleurs. Mais qu’il existe encore ailleurs, précis
1298
par exemple, de tel régime qui nous menace depuis
des
mois ? Serait-ce à cause de la menace ? Je ne le crois pas. S’il n’y
1299
a menace ? Je ne le crois pas. S’il n’y avait pas
un
bien, dans ce régime, un bien que nous avons perdu, et qu’il séquestr
1300
pas. S’il n’y avait pas un bien, dans ce régime,
un
bien que nous avons perdu, et qu’il séquestre, s’il n’y avait que du
1301
nation devant le phénomène totalitaire naissent d’
un
désir secret, d’une tentation, d’une espèce de dépit amoureux de la r
1302
énomène totalitaire naissent d’un désir secret, d’
une
tentation, d’une espèce de dépit amoureux de la révolution manquée pa
1303
re naissent d’un désir secret, d’une tentation, d’
une
espèce de dépit amoureux de la révolution manquée par nous, mais sédu
1304
ar nous, mais séduite et violée par le voisin ; d’
une
nostalgie de cette communauté qu’ils disent avoir réinventée, dont no
1305
ottes avec passion, quand ils n’étaient encore qu’
une
troupe désordonnée, incapable — du moins le croyait-on — d’affronter
1306
e l’enfer… Les clients : demi-luxe et demi-monde.
Des
femmes qui ont voulu ressembler aux trois ou quatre types de stars en
1307
elours grenat à côté du représentant calamistré d’
une
marque d’auto. Et ces rires, ces éclats de voix ! Mais il y a depuis
1308
es rires, ces éclats de voix ! Mais il y a depuis
un
moment une musique de radio on ne sait d’où venue, dominant tout. Des
1309
ces éclats de voix ! Mais il y a depuis un moment
une
musique de radio on ne sait d’où venue, dominant tout. Des trompettes
1310
ue de radio on ne sait d’où venue, dominant tout.
Des
trompettes solennelles au début, et maintenant, planante et pure, une
1311
nelles au début, et maintenant, planante et pure,
une
voix de femme se détache… Tout d’un coup, cette ivresse ailée, tout d
1312
nte et pure, une voix de femme se détache… Tout d’
un
coup, cette ivresse ailée, tout d’un coup cette confiance envahissant
1313
ache… Tout d’un coup, cette ivresse ailée, tout d’
un
coup cette confiance envahissante dans le salut du monde malgré tout,
1314
t profond et continu, la respiration bienheureuse
des
anges gardiens de ce temps, dans l’enthousiasme, déchirant les voiles
1315
nous est promis ! 9 juin 1939 « Notre Führer fait
une
politique d’artiste ! », a proclamé M. Goebbels. Voilà qui définit l’
1316
là qui définit l’idée de l’Art que peut concevoir
un
petit-bourgeois allemand. L’hitlérisme, c’est le romantisme, mais ado
1317
nnante, à la campagne… Je suis seul et je pense à
un
bonheur promis, ce revoir qui est pour demain. Et voici que soudain,
1318
revoir qui est pour demain. Et voici que soudain,
un
« à venir » m’est rendu, un rythme heureux du temps, pour vingt-quatr
1319
Et voici que soudain, un « à venir » m’est rendu,
un
rythme heureux du temps, pour vingt-quatre heures, une plénitude de l
1320
ythme heureux du temps, pour vingt-quatre heures,
une
plénitude de l’attente. D’ici là, plus rien ne comptera que par rappo
1321
de notre vie, jusqu’à la mort, — sinon l’espoir d’
un
rendez-vous au-delà du monde, et l’entretien de son attente ardente ?
1322
sans cesse et en tout lieu ! Si tout dépendait d’
un
avenir assez lointain et assez glorieux pour disqualifier nos soucis,
1323
ourra ! Que l’été nous apporte — c’est probable —
un
nouveau serpent de mer des dictateurs, je mets ici un point final à c
1324
orte — c’est probable — un nouveau serpent de mer
des
dictateurs, je mets ici un point final à ce journal de petite attente
1325
ouveau serpent de mer des dictateurs, je mets ici
un
point final à ce journal de petite attente. Il faut juger notre vie p
1326
ie par sa Fin, pour mesurer l’importance relative
des
événements qui nous font les gros yeux. Joie du temps retrouvé, dans
1327
os yeux. Joie du temps retrouvé, dans l’instant d’
un
espoir qui fut pour moi la parabole salutaire ! Substance présente de
1328
ur moi la parabole salutaire ! Substance présente
des
choses espérées ! Qu’est-ce que la guerre, et qu’est-ce que cette cri
1329
crois, tu vivras. ai. Rougemont Denis de, « D’
un
journal d’attente (pages démodées) », Formes et Couleurs, Lausanne, a
1330
L’heure sévère (juin 1940)aj Il est
des
pessimistes par tempérament. Leurs propos ne renseignent pas sur l’ét
1331
ament. Leurs propos ne renseignent pas sur l’état
des
faits dans le monde, mais seulement sur l’état de leurs nerfs. Sans i
1332
u’il nous faut à l’heure que nous vivons, ce sont
des
pessimistes réfléchis maîtres d’eux-mêmes, et objectifs. Je dirai plu
1333
tifs. Je dirai plus : ce qu’il nous faut, ce sont
des
pessimistes actifs. Des hommes qui pensent et qui agissent conforméme
1334
qu’il nous faut, ce sont des pessimistes actifs.
Des
hommes qui pensent et qui agissent conformément à la maxime du Tacitu
1335
» et de l’absence d’imagination, prolonge encore
une
existence brutalement condamnée par cette guerre. Nous avons trop lon
1336
que par en bas. La croyance au Progrès nous a mis
des
œillères. Et quand soudain la route normale se trouve barrée ou coupé
1337
n la route normale se trouve barrée ou coupée par
un
précipice, nous voici piteusement indignés. Pourtant le précipice éta
1338
et le pire. « Trop beau pour être vrai », c’était
un
de nos proverbes. Et lorsqu’on nous avertissait de certains dangers f
1339
ai. » À certain document que je ne puis nommer, d’
une
atterrante précision, nous opposions le scepticisme de qui ne s’en la
1340
t pas le reconnaître, fût-il aussi mal déguisé qu’
un
grenadier tombé du ciel en parachute pour jouer l’ange protecteur. À
1341
endant le temps de sa patience, nous aurions eu «
des
yeux pour voir », et pour connaître les démons. Voici venu le temps d
1342
émons. Voici venu le temps de la colère, le temps
des
plaies d’Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Voici venue l’heure sév
1343
iment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix d’
un
siècle d’abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fi
1344
iècle d’abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant
un
siècle, elle fit la sourde oreille, avec un petit air entendu, quand
1345
ndant un siècle, elle fit la sourde oreille, avec
un
petit air entendu, quand certains lui posaient cette question : à quo
1346
, aux yeux de qui refuse d’envisager la vie comme
une
totalité orientée par l’esprit. L’esprit prévoit le mal et tient comp
1347
ira cet argent ou si le confort matériel favorise
un
bien spirituel. À la première de ces questions, il n’oserait pas répo
1348
n. D’où sa myopie et son imprévision systématique
des
maux prochains. J’écris ceci pendant la bataille de France. Est-il tr
1349
répéter ces vérités élémentaires, que le sérieux
des
gouvernants, des hommes d’affaires, des penseurs officiels et des bou
1350
tés élémentaires, que le sérieux des gouvernants,
des
hommes d’affaires, des penseurs officiels et des bourgeois moyens, a
1351
e sérieux des gouvernants, des hommes d’affaires,
des
penseurs officiels et des bourgeois moyens, a refusé pendant cent ans
1352
des hommes d’affaires, des penseurs officiels et
des
bourgeois moyens, a refusé pendant cent ans d’envisager ? Pourtant, l
1353
nus. Vous y trouverez les témoignages convergents
des
esprits les plus opposés, unanimes dans la critique du « réalisme » d
1354
« réalisme » de leur temps, et dans la prédiction
des
maux à venir — ceux qui fondent sur nous aujourd’hui. Quoi de commun
1355
ondent sur nous aujourd’hui. Quoi de commun entre
un
Burckhardt, un Kierkegaard, un Vinet ou un Nietzsche ? Rien, sinon le
1356
aujourd’hui. Quoi de commun entre un Burckhardt,
un
Kierkegaard, un Vinet ou un Nietzsche ? Rien, sinon leur mépris pour
1357
oi de commun entre un Burckhardt, un Kierkegaard,
un
Vinet ou un Nietzsche ? Rien, sinon leur mépris pour les idoles bourg
1358
entre un Burckhardt, un Kierkegaard, un Vinet ou
un
Nietzsche ? Rien, sinon leur mépris pour les idoles bourgeoises, et l
1359
aard nous décrit le règne de la masse comme celui
des
lâchetés individuelles additionnées, créant un champ illimité aux dic
1360
i des lâchetés individuelles additionnées, créant
un
champ illimité aux dictatures collectivistes. Nietzsche ricane que le
1361
ane que le monde moderne est en train d’adopter «
une
morale de commerçants », et qu’il sera vaincu par des ascètes féroces
1362
morale de commerçants », et qu’il sera vaincu par
des
ascètes féroces. Vinet prévoit que les libertés sociales, si nul effo
1363
u côté de la tyrannie. » Et qu’il suffise enfin d’
une
allusion aux prophéties célèbres de Burckhardt sur les « terribles si
1364
res militaires au nom de la liberté et du bonheur
des
masses. Cette unanimité d’esprits partout ailleurs irréductiblement d
1365
s — ce progrès qui ne sait rien que répéter comme
une
horloge parlante : « Tout s’arrangera. » Or aujourd’hui pour « sauver
1366
Pour avoir refusé les sacrifices qu’eût entraînés
un
règlement plus juste des relations sociales et internationales, pour
1367
crifices qu’eût entraînés un règlement plus juste
des
relations sociales et internationales, pour avoir refusé obstinément
1368
s de nations, nous voici contraints brutalement à
des
sacrifices mille fois pires, inévitables et stériles. Le plus étrange
1369
qu’il s’agit de défense nationale, nous acceptons
des
mesures qui, hier encore, passaient pour folles, démagogiques, impens
1370
magogiques, impensables et impraticables aux yeux
des
« réalistes » de l’économie : prélèvement sur le capital ou caisse de
1371
s exemples7… Nous avons critiqué sans merci comme
des
« utopies subversives » certaines réformes sociales qui eussent été d
1372
’entraîne la guerre actuelle. Nous acceptons avec
une
belle discipline des « efforts financiers » dont une fraction minime
1373
ctuelle. Nous acceptons avec une belle discipline
des
« efforts financiers » dont une fraction minime aurait suffi, en d’au
1374
belle discipline des « efforts financiers » dont
une
fraction minime aurait suffi, en d’autres temps, à supprimer toutes l
1375
on seulement sur le plan social, mais sur le plan
des
relations de peuple à peuple. Tout ce que nous jugions impossible qua
1376
la guerre sont seules capables d’obtenir de nous
un
dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’amour, pourquoi do
1377
es sont inopportunes, à l’heure où nous cherchons
des
raisons d’espérer. Mais nul espoir n’est plus possible, sachons-le, s
1378
e la guerre — dépend de notre capacité d’accepter
des
vérités dures. Car tout le mal est venu de les avoir refusées, avant
1379
ontrent leurs effets aux yeux de tous. Mea culpa
des
pacifistes, qui n’ont pas su imaginer le mal parce qu’ils croyaient a
1380
croyaient au bien fait de main d’homme. Mea culpa
des
militaristes, qui n’ont pas su imaginer un autre bien que la défense
1381
culpa des militaristes, qui n’ont pas su imaginer
un
autre bien que la défense toute matérielle d’un ordre de choses vicié
1382
r un autre bien que la défense toute matérielle d’
un
ordre de choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui tu
1383
ête, mais qui tue ce qu’elle conquiert. Mea culpa
des
gens de droite, qui croyaient pouvoir conserver des privilèges hérité
1384
s gens de droite, qui croyaient pouvoir conserver
des
privilèges hérités, tout en admirant et soutenant des chefs brutaux q
1385
privilèges hérités, tout en admirant et soutenant
des
chefs brutaux qui les bernaient pour mieux les détrousser au bout du
1386
mieux les détrousser au bout du compte. Mea culpa
des
gens de gauche, dont le programme de bonheur obligatoire était le mêm
1387
ontre lequel ils excitaient les masses. Mea culpa
des
Suisses, qui voulaient profiter des avantages de la folie moderne, et
1388
es. Mea culpa des Suisses, qui voulaient profiter
des
avantages de la folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui de dev
1389
minime dans la banqueroute européenne. Mea culpa
des
clairvoyants, qui dénoncèrent le mal dans leurs écrits, mais qui se t
1390
e sur les routes de France ? Nous n’avons plus qu’
un
seul espoir — quelle que soit l’issue de la guerre : obtenir pour l’E
1391
soit l’issue de la guerre : obtenir pour l’Europe
un
statut sursitaire, une espèce de concordat qui nous laisserait la pos
1392
rre : obtenir pour l’Europe un statut sursitaire,
une
espèce de concordat qui nous laisserait la possibilité de rebâtir. Ma
1393
rait la possibilité de rebâtir. Mais on n’accorde
un
concordat qu’à celui qui se déclare en faillite. L’aveu suppose un se
1394
celui qui se déclare en faillite. L’aveu suppose
un
sens des valeurs spirituelles aussi précis que notre sens des chiffre
1395
ui se déclare en faillite. L’aveu suppose un sens
des
valeurs spirituelles aussi précis que notre sens des chiffres, des qu
1396
valeurs spirituelles aussi précis que notre sens
des
chiffres, des quantités et des vitesses. Avis à la génération sportiv
1397
tuelles aussi précis que notre sens des chiffres,
des
quantités et des vitesses. Avis à la génération sportive, aux réalist
1398
cis que notre sens des chiffres, des quantités et
des
vitesses. Avis à la génération sportive, aux réalistes qui l’engendrè
1399
nt plus le pouvoir de reconnaître, dans le fracas
des
chars, sous les bombardements, quand on ne sait même plus qui a été t
1400
ements, quand on ne sait même plus qui a été tué.
Un
peuple en guerre sauve son moral en se dopant, en forçant l’illusion
1401
e son moral en se dopant, en forçant l’illusion ;
un
peuple neutre, en avouant le réel. Avouer ses fautes est une libérati
1402
neutre, en avouant le réel. Avouer ses fautes est
une
libération dont l’homme sort toujours retrempé. Avouer les fautes de
1403
la victoire comme la permission de revivre, c’est
une
épreuve encore, on ose à peine le dire, une épreuve dérisoire, bonne
1404
c’est une épreuve encore, on ose à peine le dire,
une
épreuve dérisoire, bonne pour des spectateurs… Pourtant, si nous en t
1405
peine le dire, une épreuve dérisoire, bonne pour
des
spectateurs… Pourtant, si nous en triomphons, elle nous donnera la fo
1406
ur de les avouer, parce que les fautes contraires
des
autres, en face, nous paraissent bien plus effrayantes, et qu’ils tri
1407
e responsabilité devant l’Europe. Et cela suppose
un
dur effort contre nos goûts, nos sympathies et nos passions. Je ne sa
1408
elque chose, ce sera grâce à l’action personnelle
des
hommes qui auront su répudier les illusions flatteuses de l’ère bourg
1409
justice dont se réclamaient nos égoïsmes et celui
des
gouvernements : tout cela ne sera que ruines et détritus à déblayer,
1410
ça cette parole : Nubicula est, transibit — c’est
un
petit nuage, il passera. Ce n’était pas là de l’optimisme. Athanase p
1411
ternité qui permettait à Athanase de dire : c’est
un
petit nuage, il passera ? La grandeur de cette heure sévère, c’est qu
1412
eur de cette heure sévère, c’est que par la force
des
choses, par la brutalité démesurée des choses, nous sommes réduits à
1413
r la force des choses, par la brutalité démesurée
des
choses, nous sommes réduits à ne plus espérer qu’au nom de l’unique n
1414
nt pour 40 chars, mais si je demande qu’on double
un
budget culturel, on me répondra que je veux ruiner le pays. 8. Voir
1415
part en se montrant capables de créer, eux aussi,
un
ordre neuf, à leur manière et selon leur foi chrétienne. Aujourd’hui,
1416
s ouvrir les yeux. Depuis quelques semaines, bien
des
préjugés tombent. Nous avons découvert l’urgente nécessité de nous un
1417
écouvert l’urgente nécessité de nous unir au-delà
des
partis, au-delà d’une gauche et d’une droite périmées, au-delà du vie
1418
essité de nous unir au-delà des partis, au-delà d’
une
gauche et d’une droite périmées, au-delà du vieux conflit du capital
1419
nir au-delà des partis, au-delà d’une gauche et d’
une
droite périmées, au-delà du vieux conflit du capital et du travail. P
1420
t du capital et du travail. Partout, chaque jour,
des
citoyens qui hier encore se croyaient adversaires, découvrent qu’ils
1421
lus aux plans, aux promesses faciles. Ils veulent
une
méthode neuve d’action et de pensée, une solidarité pratique. Et ils
1422
veulent une méthode neuve d’action et de pensée,
une
solidarité pratique. Et ils attendent des hommes nouveaux. Des hommes
1423
pensée, une solidarité pratique. Et ils attendent
des
hommes nouveaux. Des hommes et non pas des programmes. Car les événem
1424
é pratique. Et ils attendent des hommes nouveaux.
Des
hommes et non pas des programmes. Car les événements marchent vite. D
1425
endent des hommes nouveaux. Des hommes et non pas
des
programmes. Car les événements marchent vite. Des hommes auxquels on
1426
des programmes. Car les événements marchent vite.
Des
hommes auxquels on fasse crédit pour résoudre au fur et à mesure les
1427
fur et à mesure les problèmes qui vont se poser.
Des
hommes qui prouvent, par leur seule réunion, qu’ils sont assez indépe
1428
nion, qu’ils sont assez indépendants pour mériter
une
confiance nouvelle. Il est temps que ces aspirations se réalisent et
1429
. Il est temps que les bonnes volontés deviennent
une
volonté commune. Nous nous sommes donc groupés pour travailler. Venus
1430
naturel de la Suisse, cœur de l’Europe et limite
des
races, le Gothard est le grand symbole autour duquel tous les Confédé
1431
dans leurs diversités. Que tous ceux qui sont las
des
querelles partisanes, que tous ceux qui viennent d’être démobilisés e
1432
ennent avec nous pour travailler. Nous n’avons qu’
un
seul but : maintenir la Suisse, dans le présent et pour l’avenir. Nou
1433
sent et pour l’avenir. Nous ne vous promettons qu’
un
grand effort commun. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et d’êt
1434
blierons nos principes et buts d’action, les noms
des
membres du comité, ainsi qu’un grand nombre de signatures de personna
1435
’action, les noms des membres du comité, ainsi qu’
un
grand nombre de signatures de personnalités appartenant aux milieux l
1436
’il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est
un
paradoxe qu’il n’a pas toujours bien compris. Elle exclut en principe
1437
e, et suppose donc la connaissance très vivante d’
une
autre espèce d’union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses e
1438
spèce d’union, sans cesse à recréer. Or l’inertie
des
masses et l’à peu près intellectuel s’opposent sans cesse à cette rep
1439
cette reprise de conscience. D’où la nécessité d’
une
vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déchoir ou se laisser dis
1440
ions notre langage ! — Puisque le fédéralisme est
une
forme politique qui suppose l’équilibre vivant entre les droits de ch
1441
nsemble, il est absurde de nommer « fédéraliste »
un
parti qui n’a d’autre programme que la défense des intérêts locaux co
1442
un parti qui n’a d’autre programme que la défense
des
intérêts locaux contre le centre. Ceux qui se disent, chez nous, « fé
1443
édéralistes », ne sont souvent, je le crains, que
des
nationalistes cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité de l’uni
1444
ymologique. (fœdus = traité, serment, union.) Par
une
inconséquence très bizarre, ces pseudo-fédéralistes, ou régionalistes
1445
mmence qu’au-delà de leur opposition. Ils se font
un
programme de ce qui ne saurait être que la maladie individualiste ou
1446
. Car sous l’opposition, indéfendable en théorie,
des
centralistes et des régionalistes, ce qui se cache en réalité, c’est
1447
ion, indéfendable en théorie, des centralistes et
des
régionalistes, ce qui se cache en réalité, c’est l’opposition gauche-
1448
-droite. Les radicaux centralisateurs ne sont que
des
socialistes qui s’ignorent ; ceux-ci à leur tour ne sont que des tota
1449
qui s’ignorent ; ceux-ci à leur tour ne sont que
des
totalitaires timorés, c’est-à-dire quelque chose d’absolument inviabl
1450
et les conservateurs « fédéralistes » ne sont que
des
réactionnaires inconséquents : tant que je ne les aurai pas vu refuse
1451
suisse que notre Parlement, importé d’Amérique à
une
époque récente, et plus ou moins contaminé par les mœurs politiques f
1452
édéraliste. Tout parti politique est en puissance
un
petit État totalitaire et unifié, qui voudrait bien tout régler à sa
1453
guise, et qui se condamne, ridiculement, à avoir
des
idées sur tout. Les seuls partis qu’une fédération puisse tolérer son
1454
, à avoir des idées sur tout. Les seuls partis qu’
une
fédération puisse tolérer sont les partis à programme restreint, repr
1455
nt les partis à programme restreint, représentant
une
région, ou un groupe d’activités apparentées, ou une tendance religie
1456
programme restreint, représentant une région, ou
un
groupe d’activités apparentées, ou une tendance religieuse, ou des in
1457
région, ou un groupe d’activités apparentées, ou
une
tendance religieuse, ou des intérêts corporatifs. Sur la base de prog
1458
vités apparentées, ou une tendance religieuse, ou
des
intérêts corporatifs. Sur la base de programmes restreints, bien défi
1459
r. Mais les partis unitaires actuels représentent
des
tendances trop vagues : ils ne pourront jamais s’entendre, ou n’obtie
1460
pourront jamais s’entendre, ou n’obtiendront que
des
compromis informes. Chacun veut tout assimiler, tout juger et tout ab
1461
en toute sincérité et en tout héroïsme, au nom d’
une
droite et d’une gauche extrémistes qui, dès « l’affaire » liquidée, o
1462
ité et en tout héroïsme, au nom d’une droite et d’
une
gauche extrémistes qui, dès « l’affaire » liquidée, ont démasqué leur
1463
artis continuent, nos arguments ne changent pas d’
un
demi-ton, nos philofascistes continuent à reprocher à nos socialistes
1464
ascistes continuent à reprocher à nos socialistes
un
étatisme qui, en réalité, fait partie de tout programme fasciste ; no
1465
escendants diront de notre siècle qu’il fut celui
des
gogos enragés. 4. Paresse d’esprit. — Je parle ici par expérience : r
1466
it. — Je parle ici par expérience : rien n’oblige
un
bureau de Berne à faire du centralisme à coups de décrets rigides ; r
1467
mettre à leur service, comme il se doit. Prévoir
des
exceptions, tenir compte des faits locaux, adapter, distinguer, assou
1468
il se doit. Prévoir des exceptions, tenir compte
des
faits locaux, adapter, distinguer, assouplir, traduire : ce ne n’est
1469
ut le contraire, cela tient à la paresse d’esprit
des
messieurs qui en occupent les fauteuils. Les organismes centraux ne d
1470
t centralistes (au mauvais sens) que par la faute
des
fonctionnaires qui s’y incrustent, et dont l’intelligence politique s
1471
— sauf les crédits. » Mais dites : « Nous voulons
des
fonctionnaires frais et dispos, capables d’imagination, détestant les
1472
r qui nous menace : nous avons renversé l’échelle
des
valeurs. Le cadre matériel de notre vie est parfait, mais il n’encadr
1473
nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget d’
une
œuvre destinée à soutenir telle branche de l’activité intellectuelle
1474
e de l’activité intellectuelle que les deux tiers
des
ressources passent à l’administration et aux salaires fixes, tandis q
1475
tration et aux salaires fixes, tandis que moins d’
un
tiers est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de l
1476
’un tiers est consacré au but de l’œuvre. Je vois
une
revue d’art et de littérature consacrer des milliers de francs à sa «
1477
vois une revue d’art et de littérature consacrer
des
milliers de francs à sa « présentation » matérielle, et zéro franc à
1478
nt difficiles. Je vois que dans le budget moyen d’
un
ouvrier suisse, le cadre matériel de l’existence (logement, vêtement,
1479
, mobilier, assurances) absorbe plus de la moitié
des
ressources, proportion réellement exorbitante. Je vois des gens qui h
1480
urces, proportion réellement exorbitante. Je vois
des
gens qui hésitent entre deux types de salles de bain, l’une coûtant 3
1481
tre politique est alourdie et comme paralysée par
des
soucis budgétaires de cet ordre, traduisant cette échelle de valeurs.
1482
7. Tolérance. — Le fédéralisme véritable suppose
une
tolérance particulière : le respect des vocations supérieures ou rare
1483
e suppose une tolérance particulière : le respect
des
vocations supérieures ou rares, des exceptions, des manières de vivre
1484
: le respect des vocations supérieures ou rares,
des
exceptions, des manières de vivre hors-série. Car « l’exception » dan
1485
s vocations supérieures ou rares, des exceptions,
des
manières de vivre hors-série. Car « l’exception » dans la vie quotidi
1486
enne doit jouer le même rôle que la minorité dans
une
vie fédérale saine : elle a droit à de plus grands égards, relativeme
1487
ne l’oublient pas ! 8. Intolérance. — À mon avis,
un
fédéralisme sain doit se montrer radicalement intolérant envers toute
1488
chez nous, font profession d’admirer la méthode d’
un
dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà d
1489
écrire : « L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà
des
drôles de fédéralistes, des drôles de Suisses11. Je les estime intolé
1490
âme de l’âme », voilà des drôles de fédéralistes,
des
drôles de Suisses11. Je les estime intolérables, s’ils parlent en con
1491
tale du monsieur qui s’enquiert « objectivement »
des
motifs d’un bandit tout prêt à l’assommer. Or je connais une certaine
1492
eur qui s’enquiert « objectivement » des motifs d’
un
bandit tout prêt à l’assommer. Or je connais une certaine propagande
1493
d’un bandit tout prêt à l’assommer. Or je connais
une
certaine propagande qui nous tape sur le crâne, littéralement, et cel
1494
fait, nous sommes en guerre parce que victimes d’
une
agression systématique et quotidienne contre les principes mêmes qui
1495
nt notre État. (Je me garderai bien de donner ici
un
autre exemple que celui de la propagande stalinienne.) Si l’on nous i
1496
la géographie ! dit ce poète. Et de nous décrire
une
Suisse héroïque protégée par les Alpes, ce rempart, le Jura, cette ba
1497
s sobres, définissent la Suisse en ces termes : «
Une
dépression entre deux chaînes de montagnes. » Renvoyons la géographie
1498
» Il s’agissait sans doute d’inciter le public à
des
économies de charbon. On nous recommandait la tiédeur… Mais voici nos
1499
, dit le Christ. Si c’est vis-à-vis de la guerre
des
autres que l’on reste tiède, cette neutralité peut être avantageuse d
1500
ans la mesure où elle nous exclut, précisément, d’
un
conflit que nous jugeons mauvais. (Reste à savoir si le conflit actue
1501
monstre de la guerre nous vomisse… Mais ceci est
une
autre histoire.) On ferait bien de ne pas utiliser comme des proverbe
1502
istoire.) On ferait bien de ne pas utiliser comme
des
proverbes généraux certaines paroles du Christ qui n’ont de sens que
1503
t ce verset de son sens spirituel, c’est toujours
un
blasphème, et c’est souvent une grosse sottise. 12. Neutralité « éter
1504
el, c’est toujours un blasphème, et c’est souvent
une
grosse sottise. 12. Neutralité « éternelle ». — On nous parle aujourd
1505
ique. Dans ce cas, notre politique reposerait sur
une
faute de français, j’en suis fâché. Ce n’est pas éternelle qu’il conv
1506
droit et le pouvoir de décréter « l’éternité » d’
une
décision humaine ? Apprenons donc à qui de droit que nul État humain
1507
nul État humain n’est éternel ; que la Suisse est
un
État humain ; et que par conséquent l’épithète « éternelle » ne saura
1508
lus, la Suisse n’est devenue neutre qu’à partir d’
un
certain moment de son histoire. Or ce qui est éternel ne commence pas
1509
histoire. Or ce qui est éternel ne commence pas à
un
certain moment, en 1648 ou en 1815 par exemple. Tout ce qui commence
1510
48 ou en 1815 par exemple. Tout ce qui commence à
un
certain moment, dans l’histoire, cessera aussi nécessairement à un au
1511
, dans l’histoire, cessera aussi nécessairement à
un
autre moment. On peut le nier parfois dans un élan de passion. Mais o
1512
t à un autre moment. On peut le nier parfois dans
un
élan de passion. Mais on ne peut pas le nier par un décret. 13. Neutr
1513
élan de passion. Mais on ne peut pas le nier par
un
décret. 13. Neutralité perpétuelle. — Certes, les premiers Confédérés
1514
plaisait à Dieu, durer « éternellement ». C’était
une
manière d’affirmer qu’ils la concluaient sans arrière-pensée. (Compar
1515
ingt-cinq ans » que faisait naguère à ses voisins
un
homme dont Anastasie m’a fait oublier le nom.) De même pour la neutra
1516
nt la gauche et la droite. Affirmer dans l’absolu
une
position relative, si légitime qu’elle soit, c’est se condamner à êtr
1517
lité « morale ». — Les traités nous reconnaissent
une
neutralité politique et militaire. Ils nous obligent aussi à la défen
1518
ntégralement. Mais ils ne nous imposent nullement
une
neutralité d’opinion. Renoncer au droit de nous exprimer, ce n’est do
1519
e la neutralité. Ce peut être, dans certains cas,
une
mesure opportune ; mais passé certaine limite, c’est tout simplement
1520
certaine limite, c’est tout simplement renoncer à
une
belle part de notre indépendance. C’est renoncer à nous défendre inté
1521
défendre intégralement. Et c’est enfin céder sur
un
point décisif pour notre indépendance future, étant donnée la nature
1522
notre indépendance future, étant donnée la nature
des
guerres modernes, qui sont d’abord des guerres morales, des guerres d
1523
la nature des guerres modernes, qui sont d’abord
des
guerres morales, des guerres de propagande. Quand une troupe est rédu
1524
s modernes, qui sont d’abord des guerres morales,
des
guerres de propagande. Quand une troupe est réduite à l’impuissance p
1525
guerres morales, des guerres de propagande. Quand
une
troupe est réduite à l’impuissance par l’adversaire, on ne dit pas qu
1526
e opinion. En tant que citoyen suisse respectueux
des
décisions de nos autorités suprêmes, j’ai donc le droit de condamner
1527
êmes, j’ai donc le droit de condamner ouvertement
des
régimes étrangers qui attaquent ouvertement le nôtre. Et qu’on ne vie
1528
ement le nôtre. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’
une
pareille attitude peut compromettre notre indépendance : elle l’affir
1529
ôt renoncer à ma liberté d’opinion que de risquer
des
ennuis avec une légation. » Il dit au contraire — il disait autrefois
1530
liberté d’opinion que de risquer des ennuis avec
une
légation. » Il dit au contraire — il disait autrefois : « Plutôt la m
1531
2 15. Diplomatie. — Ne cédons pas à la tentation
des
basses époques : confondre le réalisme avec la médiocrité des vues po
1532
poques : confondre le réalisme avec la médiocrité
des
vues politiques. Les petits pays ne sont pas dispensés d’imaginer et
1533
matérielle. Nos réalistes — toujours en retard d’
une
guerre, d’une époque — ont récemment découvert qu’un diplomate modern
1534
os réalistes — toujours en retard d’une guerre, d’
une
époque — ont récemment découvert qu’un diplomate moderne doit être un
1535
guerre, d’une époque — ont récemment découvert qu’
un
diplomate moderne doit être un expert commercial. Conception bien typ
1536
mment découvert qu’un diplomate moderne doit être
un
expert commercial. Conception bien typique du siècle dernier, où, en
1537
où, en effet, la politique n’était plus guère qu’
une
annexe des affaires. Rien de plus dangereusement utopique que le réal
1538
et, la politique n’était plus guère qu’une annexe
des
affaires. Rien de plus dangereusement utopique que le réalisme d’avan
1539
dustrie (réalisme d’hier). Notre époque est celle
des
religions politiques, sociales, nationales. Le commerce, l’industrie,
1540
Ce sont les chefs qui dictent les prix, les cours
des
changes, la consommation. Ces chefs montrent la plus parfaite indiffé
1541
fameuses « nécessités techniques », superstition
des
experts d’hier et d’avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait,
1542
par le fait, que la Technique ne saurait inspirer
une
politique, mais qu’elle peut au contraire servir à tout lorsqu’on l’y
1543
cuse à l’absence de vues politiques. On demande à
un
gouvernement de « gouverner14 », de piloter l’État et d’orienter sa m
1544
onnement technique de la machine, étant l’affaire
des
fonctionnaires — leur nom l’indique — et des conseillers commerciaux.
1545
aire des fonctionnaires — leur nom l’indique — et
des
conseillers commerciaux. On demande des diplomates qui fassent une po
1546
ique — et des conseillers commerciaux. On demande
des
diplomates qui fassent une politique, et qui aient plus d’idées génér
1547
ommerciaux. On demande des diplomates qui fassent
une
politique, et qui aient plus d’idées générales que de compétences éco
1548
n, tel philanthrope, tel connaisseur et praticien
des
choses de la SDN et de la chose européenne, qui nous représenteraient
1549
uisse pourrait et devrait jouer dans notre siècle
une
partie magnifique. Mais il faudrait que notre gouvernement comprenne
1550
ernement comprenne ceci : La prudence est le vice
des
timides et la vertu des audacieux. 10. Peut-être me croira-t-on si
1551
: La prudence est le vice des timides et la vertu
des
audacieux. 10. Peut-être me croira-t-on si je déclare, après la pag
1552
tiques ! 11. Intéressante précision du langage !
Un
« drôle », c’est à la fois un comique et un malandrin. 12. Ceci ne v
1553
cision du langage ! Un « drôle », c’est à la fois
un
comique et un malandrin. 12. Ceci ne veut pas dire que nous devons p
1554
age ! Un « drôle », c’est à la fois un comique et
un
malandrin. 12. Ceci ne veut pas dire que nous devons préférer la mor
1555
ns préférer la mort à l’interdiction de proclamer
des
sottises. Je m’excuse de tant de lourdeur dans la précision, mais je
1556
rdeur dans la précision, mais je m’avance ici sur
un
terrain miné. Je sais d’ailleurs ce que je risque. Ce qui me permet d
1557
t cette déclaration de Spitteler : « N’est-ce pas
un
spectacle grotesque que celui d’une feuille de chou qui, sûre de son
1558
« N’est-ce pas un spectacle grotesque que celui d’
une
feuille de chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style de
1559
e son inviolabilité, vitupère en style de cabaret
une
grande puissance européenne, comme s’il s’agissait d’une paisible éle
1560
nde puissance européenne, comme s’il s’agissait d’
une
paisible élection municipale ! Si la censure accourt alors avec une m
1561
ion municipale ! Si la censure accourt alors avec
une
muselière, elle accomplit un acte de décence. » 13. Cf. à ce sujet l
1562
accourt alors avec une muselière, elle accomplit
un
acte de décence. » 13. Cf. à ce sujet les vues très exactes du grand
1563
démission de la Suisse , Denis de Rougemont, l’un
des
lauréats du prix Gottfried Keller 1940, publie, réunis en un volume,
1564
du prix Gottfried Keller 1940, publie, réunis en
un
volume, une série d’articles et de conférences dont il indique, dans
1565
ttfried Keller 1940, publie, réunis en un volume,
une
série d’articles et de conférences dont il indique, dans son avertiss
1566
, le propos, en ces termes : “Ils sont tous nés d’
un
même souci de la personne et de son rôle dans la communauté ; et tous
1567
le dans la communauté ; et tous ils s’adressent à
des
Suisses. Par une série de cercles concentriques, ils s’efforcent de s
1568
auté ; et tous ils s’adressent à des Suisses. Par
une
série de cercles concentriques, ils s’efforcent de situer notre missi
1569
vant tout à nous faire rentrer en nous-mêmes, est
une
œuvre forte, un appel viril à la réflexion, un avertissement grave et
1570
faire rentrer en nous-mêmes, est une œuvre forte,
un
appel viril à la réflexion, un avertissement grave et clairvoyant qua
1571
t une œuvre forte, un appel viril à la réflexion,
un
avertissement grave et clairvoyant quant à l’avenir. Nous sommes donc
1572
ère découverte de l’atmosphère suisse allemande à
un
cours de répétition. Nous faisions des manœuvres dans la campagne ber
1573
allemande à un cours de répétition. Nous faisions
des
manœuvres dans la campagne bernoise. C’était l’été, nous traversions
1574
ampagne bernoise. C’était l’été, nous traversions
des
vergers, des jardins et des fermes, dans la grande liberté militaire,
1575
ise. C’était l’été, nous traversions des vergers,
des
jardins et des fermes, dans la grande liberté militaire, pénétrant da
1576
été, nous traversions des vergers, des jardins et
des
fermes, dans la grande liberté militaire, pénétrant dans l’intimité d
1577
de liberté militaire, pénétrant dans l’intimité d’
une
vie bonhomme et opulente, dormant dans des auberges inconnues des tou
1578
mité d’une vie bonhomme et opulente, dormant dans
des
auberges inconnues des touristes, nous dans des cuisines accueillante
1579
et opulente, dormant dans des auberges inconnues
des
touristes, nous dans des cuisines accueillantes, où le confort modern
1580
s des auberges inconnues des touristes, nous dans
des
cuisines accueillantes, où le confort moderne et le confort paysan se
1581
derne et le confort paysan se mariaient à l’ombre
des
installant pour quelques heures le confort moderne et le confort auve
1582
onfort moderne et le confort auvents immenses, et
des
balcons de bois ornés de pieuses devises et de géraniums éclatants. T
1583
raniums éclatants. Tout paraissait, dans ce pays,
un
peu plus large que chez nous, plus largement assis et attablé, dans u
1584
chez nous, plus largement assis et attablé, dans
une
nature moins douce, mais plus drue. Je m’étais bien promis d’y retour
1585
mal connu, et qu’il n’en existe à cette heure qu’
une
seule et unique édition. Car ce n’est pas seulement l’un des chefs-d’
1586
t unique édition. Car ce n’est pas seulement l’un
des
chefs-d’œuvre de la littérature universelle, l’un de ces livres à la
1587
’esprit suisse allemand. Courez demain matin chez
un
libraire ou à la bibliothèque la plus proche, et demandez la traducti
1588
z la traduction de ce gros livre. Vous commettrez
une
bonne action patriotique. Car le patriotisme suisse est d’abord une q
1589
atriotique. Car le patriotisme suisse est d’abord
une
question d’amitié, et l’amitié suppose une connaissance mutuelle, et
1590
’abord une question d’amitié, et l’amitié suppose
une
connaissance mutuelle, et je ne sais rien qui puisse nous donner, com
1591
éalité alémanique. Vous trouverez dans ce récit d’
une
jeunesse aventureuse et d’un retour vers le pays natal, un mélange ét
1592
rez dans ce récit d’une jeunesse aventureuse et d’
un
retour vers le pays natal, un mélange étonnant de romantisme, de bon
1593
se aventureuse et d’un retour vers le pays natal,
un
mélange étonnant de romantisme, de bon sens bourgeois et d’humour. Et
1594
eois et d’humour. Et c’est peut-être là le secret
des
Suisses allemands. Le secret d’un certain lyrisme qui les distingue d
1595
e là le secret des Suisses allemands. Le secret d’
un
certain lyrisme qui les distingue de nous autres Romands. Et quand je
1596
sme, je n’entends pas ce sentimentalisme vague et
un
peu lourd qui met tant de points d’orgue dans les couplets d’un Männe
1597
ui met tant de points d’orgue dans les couplets d’
un
Männerchor, mais une espèce de saveur primitive, une manière plus con
1598
s d’orgue dans les couplets d’un Männerchor, mais
une
espèce de saveur primitive, une manière plus confiante et plus joyeus
1599
Männerchor, mais une espèce de saveur primitive,
une
manière plus confiante et plus joyeuse d’accepter la vie instinctive,
1600
te et plus joyeuse d’accepter la vie instinctive,
un
peu plus de musique, un peu moins de scrupules, un peu plus d’énergie
1601
epter la vie instinctive, un peu plus de musique,
un
peu moins de scrupules, un peu plus d’énergie et moins d’esprit criti
1602
n peu plus de musique, un peu moins de scrupules,
un
peu plus d’énergie et moins d’esprit critique. Ce sont ces nuances-là
1603
n me dira que je vais chercher bien haut, et dans
une
œuvre exceptionnelle, mon modèle du Suisse allemand… Oh, bien sûr, il
1604
isse allemand… Oh, bien sûr, ils ne sont pas tous
des
Gottfried Keller ou des Henri le Vert. Tous les Français non plus ne
1605
sûr, ils ne sont pas tous des Gottfried Keller ou
des
Henri le Vert. Tous les Français non plus ne sont pas des Pascal, tou
1606
i le Vert. Tous les Français non plus ne sont pas
des
Pascal, tous les Allemands ne sont pas des Goethe — loin de là… Et ce
1607
nt pas des Pascal, tous les Allemands ne sont pas
des
Goethe — loin de là… Et cependant, celui qui a compris Pascal, ou Goe
1608
dorénavant nous saurons reconnaître ici ou là, d’
une
manière furtive mais parfois émouvante, dans la vie quotidienne d’un
1609
mais parfois émouvante, dans la vie quotidienne d’
un
de ces peuples, oui, dans sa vie apparemment banale. Depuis que j’ai
1610
allemands que cette fameuse lourdeur sentimentale
un
peu scolaire ; je distingue une malice un peu brusque, un élan, une s
1611
rdeur sentimentale un peu scolaire ; je distingue
une
malice un peu brusque, un élan, une saveur populaire et lyrique, tout
1612
mentale un peu scolaire ; je distingue une malice
un
peu brusque, un élan, une saveur populaire et lyrique, tout ce qui fa
1613
colaire ; je distingue une malice un peu brusque,
un
élan, une saveur populaire et lyrique, tout ce qui fait le meilleur f
1614
je distingue une malice un peu brusque, un élan,
une
saveur populaire et lyrique, tout ce qui fait le meilleur fonds du Su
1615
ssus les Alpes, — j’évoque le dynamisme américain
des
Zurichois, la vieille culture patinée des Bâlois, la Suisse centrale
1616
éricain des Zurichois, la vieille culture patinée
des
Bâlois, la Suisse centrale qui mène encore une existence patriarcale
1617
ée des Bâlois, la Suisse centrale qui mène encore
une
existence patriarcale autour du Saint-Gothard, notre bastion sacré, d
1618
les Suisses, puisqu’elle nous a permis de réunir
des
qualités et des défauts qui se complètent si heureusement : la rouspé
1619
isqu’elle nous a permis de réunir des qualités et
des
défauts qui se complètent si heureusement : la rouspétance du Suisse
1620
r. Et tout ce qu’il y a dans la culture romande d’
un
peu précautionneux ou de timide, se trouve à merveille compensé par l
1621
rlé de fédéralisme, permettez-moi de terminer par
une
petite citation qui prouvera aux plus ombrageux des régionalistes rom
1622
e petite citation qui prouvera aux plus ombrageux
des
régionalistes romands qu’un Suisse allemand n’est pas nécessairement
1623
a aux plus ombrageux des régionalistes romands qu’
un
Suisse allemand n’est pas nécessairement un centraliste ou un Monsieu
1624
ds qu’un Suisse allemand n’est pas nécessairement
un
centraliste ou un Monsieur de Berne ! C’est un fragment de discours p
1625
lemand n’est pas nécessairement un centraliste ou
un
Monsieur de Berne ! C’est un fragment de discours patriotique que Go
1626
nt un centraliste ou un Monsieur de Berne ! C’est
un
fragment de discours patriotique que Gottfried Keller — encore lui !
1627
ried Keller — encore lui ! — met dans la bouche d’
un
de ses héros, dans le récit intitulé Le Fanion des sept braves. Par l
1628
un de ses héros, dans le récit intitulé Le Fanion
des
sept braves. Par les temps que nous vivons, une telle page prend une
1629
n des sept braves. Par les temps que nous vivons,
une
telle page prend une allure de véritable manifeste. La voici : Un en
1630
r les temps que nous vivons, une telle page prend
une
allure de véritable manifeste. La voici : Un enfant avec son arche d
1631
nd une allure de véritable manifeste. La voici :
Un
enfant avec son arche de Noé pleine d’animaux de toute espèce, mâles
1632
s ne soient pas sortis du même moule, qu’il y ait
des
Zurichois et des Bernois, des gens d’Unterwald et de Neuchâtel, des G
1633
ortis du même moule, qu’il y ait des Zurichois et
des
Bernois, des gens d’Unterwald et de Neuchâtel, des Grisons et des Bâl
1634
moule, qu’il y ait des Zurichois et des Bernois,
des
gens d’Unterwald et de Neuchâtel, des Grisons et des Bâlois, et même
1635
es Bernois, des gens d’Unterwald et de Neuchâtel,
des
Grisons et des Bâlois, et même deux espèces de Bâlois ! Qu’il y ait u
1636
gens d’Unterwald et de Neuchâtel, des Grisons et
des
Bâlois, et même deux espèces de Bâlois ! Qu’il y ait une histoire de
1637
ois, et même deux espèces de Bâlois ! Qu’il y ait
une
histoire de l’Appenzell et une histoire de Genève ! Cette variété dan
1638
lois ! Qu’il y ait une histoire de l’Appenzell et
une
histoire de Genève ! Cette variété dans l’unité — Dieu veuille nous l
1639
— voilà la véritable école de l’amitié ! Et quand
une
même appartenance politique vient à s’épanouir dans l’amitié commune,
1640
e vient à s’épanouir dans l’amitié commune, alors
un
peuple atteint ce qu’il y a de plus haut. al. Rougemont Denis de,
1641
L’heure de la Suisse (1er août 1940)ao Pendant
des
siècles, l’équilibre entre les grands États qui entouraient la Suisse
1642
e se voit menacée dans son autonomie par la force
des
choses et par la contagion des idéologies nouvelles. Nous courons le
1643
nomie par la force des choses et par la contagion
des
idéologies nouvelles. Nous courons le risque d’être absorbés économiq
1644
nt, divisés racialement, manœuvrés moralement par
des
influences étrangères. Jamais notre existence indépendante ne fut plu
1645
mots qui furent pour nos ancêtres autre chose que
des
mots flatteurs : des raisons de vivre et de mourir. Notre histoire es
1646
nos ancêtres autre chose que des mots flatteurs :
des
raisons de vivre et de mourir. Notre histoire est celle de la liberté
1647
tes, mais de la liberté menacée, conquise au prix
des
plus grands sacrifices, toujours sauvée, envers et contre tout, grâce
1648
, toujours sauvée, envers et contre tout, grâce à
un
sens communautaire qui doit rester en exemple à l’Europe. C’est l’esp
1649
en exemple à l’Europe. C’est l’esprit de liberté
des
communes du Gothard (nous dirions aujourd’hui l’esprit de coopération
1650
que qui ont gagné la bataille de Morgarten contre
une
« division cuirassée » de 8000 cavaliers réputés invincibles. C’est l
1651
se, malgré l’anéantissement total de nos troupes.
Une
seule fois dans l’histoire la Suisse a succombé : en 1798. Les causes
1652
à l’impressionner par leur résistance ; et après
une
tentative manquée pour imposer à la Suisse un statut contraire à ses
1653
ès une tentative manquée pour imposer à la Suisse
un
statut contraire à ses traditions, il déclara : « La nature a fait vo
1654
re État fédératif. Vouloir la vaincre n’est pas d’
un
homme sage. » (Napoléon, en 1802.) L’idée suisse renaissait, contre t
1655
L’idée suisse renaissait, contre toute espérance.
Un
tel passé doit nous donner confiance pour le présent. Il nous montre
1656
re que de tout temps, la Suisse a été menacée par
des
puissances dix fois supérieures, et qu’elle ne s’est maintenue qu’en
1657
ntenue qu’en acceptant la lutte même sans espoir.
Un
siècle de sécurité et de confort nous a fait oublier ces vérités. Auj
1658
e se défend bien qu’en attaquant. On ne maintient
un
héritage qu’en travaillant à l’enrichir. Ainsi la Suisse ne survivra
1659
sente notre démocratie fédérative — si différente
des
grandes démocraties « ploutocratiques » — est à certains égards une s
1660
aties « ploutocratiques » — est à certains égards
une
survivance, au milieu de l’Europe totalitaire. Notre État fait un peu
1661
u milieu de l’Europe totalitaire. Notre État fait
un
peu figure de parc national des anciennes libertés civiques, partout
1662
e. Notre État fait un peu figure de parc national
des
anciennes libertés civiques, partout ailleurs apprivoisées. Eh bien !
1663
bien ! sachons transformer ce vestige en germe d’
une
Europe nouvelle, réconciliée avec elle-même et tolérante ! Sachons no
1664
rais vous le montrer sans phrases ronflantes, par
des
mots simples, peut-être usés déjà, mais auxquels notre situation rend
1665
tre usés déjà, mais auxquels notre situation rend
un
pouvoir. Notre force est dans notre union. Or, pour s’unir, il faut
1666
ans notre union. Or, pour s’unir, il faut d’abord
un
but commun. Il faut ensuite sacrifier à ce but ses intérêts particuli
1667
nts pour le forcer à se décider. Donnons au monde
un
grand exemple de solidarité pratique : voilà notre meilleure défense.
1668
vons consenti déjà, pour notre défense militaire,
des
mesures qui, en d’autres temps, eussent passé pour révolutionnaires :
1669
le maintienne et le développe au maximum. Prenons
un
cas concret : Si nous parvenons à supprimer le chômage dans le cadre
1670
us parvenons à supprimer le chômage dans le cadre
des
entreprises existantes, ou par la mise en train de grands travaux, no
1671
ise en train de grands travaux, nous aurons donné
un
exemple qui peut féconder l’avenir : exemple d’ordre humain librement
1672
semaines qui viennent, représentera non seulement
un
scandale humain, mais une menace pour notre indépendance, une proie f
1673
présentera non seulement un scandale humain, mais
une
menace pour notre indépendance, une proie facile pour certaines propa
1674
humain, mais une menace pour notre indépendance,
une
proie facile pour certaines propagandes. À l’inverse, chaque occasion
1675
nverse, chaque occasion de travail créée comblera
une
lacune dans notre défense nationale. Je conjure donc les patrons de c
1676
tionale. Je conjure donc les patrons de consentir
une
réduction de leur profit, même totale dans certains cas, si cela peut
1677
ême totale dans certains cas, si cela peut éviter
des
débauchages : il y va de la liberté future de leur entreprise. Et je
1678
treprise. Et je conjure les ouvriers de consentir
des
réductions de salaire, si cela peut permettre de donner de l’emploi à
1679
de leurs camarades : il y va de la liberté future
des
travailleurs. Mais les sacrifices matériels ne suffisent pas. Compren
1680
matériels ne suffisent pas. Comprenons qu’il est
des
sacrifices intellectuels non moins indispensables. Quand il y va de t
1681
s nos partis, car ils ne représenteront jamais qu’
une
partie de la vérité. N’attendons plus que ceux de l’autre bord fassen
1682
les restrictions matérielles, ou le fait de payer
des
impôts quadruplés. Ils n’en représentent pas moins la condition premi
1683
e par l’éloquence la plus émue, ce premier jour d’
une
année décisive pour notre Confédération. ao. Rougemont Denis de, «
1684
Un
fondateur de la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis
1685
ins de notre groupement : réunir — non point dans
un
parti, car nous nous défendons de vouloir l’être jamais — ce qui doit
1686
ice du pays. À côté de ce comité directeur existe
une
sorte de sénat composé de personnes d’expérience qui seront là pour n
1687
ourd’hui, la « Ligue du Gothard » est entrée dans
une
phase active : nous sommes en pleine organisation des équipes cantona
1688
phase active : nous sommes en pleine organisation
des
équipes cantonales formées de représentants de tous les groupements q
1689
ésentants de tous les groupements qui ne sont pas
des
partis. Nous attachons, vous le voyez, une très grande importance au
1690
nt pas des partis. Nous attachons, vous le voyez,
une
très grande importance au fait d’avoir la jeunesse avec nous. C’est q
1691
arce que la politique leur a paru jusqu’à présent
un
jeu déplaisant… ; cela équivaut à dire que la moitié des citoyens sui
1692
déplaisant… ; cela équivaut à dire que la moitié
des
citoyens suisses ne s’intéressaient pas aux affaires du pays. Il fall
1693
tard.ar ap. Rougemont Denis de, « [Entretien]
Un
fondateur de la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis
1694
yons pas, comme certains se hâteront de le faire,
un
rapport quelconque avec la part qu’a prise le jeune écrivain neuchâte
1695
t d’être chargé par la fondation “Pro Helvetia” d’
une
série de conférences destinées aux colonies suisses du Nouveau Monde.
1696
orio, c’est-à-dire dans sa partition réduite pour
un
récitant, à l’Exposition de New York. Ce voyage, on le voit, est séri
1697
Je comprends vos questions. J’y ai répondu dans
une
brochure qui va paraître sur la Ligue. Il faut faire confiance à des
1698
paraître sur la Ligue. Il faut faire confiance à
des
hommes jeunes et qui forment une équipe. Passons sur le passé. Nous s
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aire confiance à des hommes jeunes et qui forment
une
équipe. Passons sur le passé. Nous sommes anticapitalistes et antimar
1700
vivants, et nous travaillons à la réconciliation
des
syndicats et des corporations, pour préparer par canton une organisat
1701
travaillons à la réconciliation des syndicats et
des
corporations, pour préparer par canton une organisation professionnel
1702
ats et des corporations, pour préparer par canton
une
organisation professionnelle qui est la première mesure à prendre, si
1703
ier ses positions. Duttweiler ne nous a pas donné
un
sou, quoi qu’en dise une certaine presse qui ne se défend plus qu’à c
1704
eiler ne nous a pas donné un sou, quoi qu’en dise
une
certaine presse qui ne se défend plus qu’à coup de calomnies. Ni les
1705
cune organisation. Le peu que nous avons, ce sont
des
dons personnels. Et nous cherchons, sûrs de trouver dans la mesure où
1706
de documents au débat et que nous faisons suivre
des
remarques et conclusions qu’elles nous suggèrent. Voici tout d’abord
1707
t à qui nous avions exprimé notre étonnement. Par
une
brève lettre datée du 18 août, où il nous fait part de la nouvelle de
1708
son sentiment sur la ligue du Gothard dont il est
un
membre de la première heure. »