1 1938, Articles divers (1938-1940). Le seul espoir (juin 1938)
1 Europe ; mission pratique et symbolique. Au cours des derniers mois, il semble bien que nous l’ayions redécouverte. Liehbur
2 es. Les personnalistes romands l’ont exaltée dans une récente publication (un numéro spécial de la revue Esprit dont le r
3 mands l’ont exaltée dans une récente publication ( un numéro spécial de la revue Esprit dont le retentissement a été gran
4 tte mission ait perdu de son importance par suite des très profondes transformations intervenues depuis le Moyen Âge dans l
5 s intervenues depuis le Moyen Âge dans le système des communications européennes. Il est probable que le Gothard ne jouera
6 on confédérale se dégage et doit être dégagé avec une évidence, une force, une conviction profondément renouvelées. Le sign
7 se dégage et doit être dégagé avec une évidence, une force, une conviction profondément renouvelées. Le signe physique de
8 et doit être dégagé avec une évidence, une force, une conviction profondément renouvelées. Le signe physique de notre missi
9 gne physique de notre mission, c’était la défense des cols, cœur physique de l’Europe médiévale. Désormais, il nous apparti
10 l’homme d’Occident : la réalité de la personne et des institutions fondées sur elle. ⁂ La personne, ce n’est pas l’individu
11 ême de principe d’existence, et qui n’est rien qu’ un rouage de l’État. Enfin la personne n’est plus une simple idée. C’est
12 un rouage de l’État. Enfin la personne n’est plus une simple idée. C’est la réalité paradoxale et dynamique de l’homme qui
13 cation. L’homme libre et relié, c’est le chrétien des communautés primitives : c’est le chevalier des légendes médiévales ;
14 n des communautés primitives : c’est le chevalier des légendes médiévales ; c’est l’artisan des guildes et des corporations
15 evalier des légendes médiévales ; c’est l’artisan des guildes et des corporations au temps de l’ascension bourgeoise ; c’es
16 endes médiévales ; c’est l’artisan des guildes et des corporations au temps de l’ascension bourgeoise ; c’est le citoyen re
17 . Ce n’est pas, comme certains veulent le croire, un moyen terme entre anarchie et tyrannie, c’est au contraire l’équilibr
18 vivant et vivifiant de l’un pour tous, tous pour un  ! Ainsi, dès l’origine, la Suisse s’affirme-t-elle comme la gardienne
19 ienne du secret de l’Europe, de sa vraie force et des valeurs qui l’ont créée. Gardienne des cols pour les nations, gardien
20 e force et des valeurs qui l’ont créée. Gardienne des cols pour les nations, gardienne de la doctrine commune à tous les pe
21 ôle ni d’autre vocation. Elle n’est pas elle-même une nation, mais elle est davantage que cela : elle est le lieu et la for
22 une heure de notre histoire, nous n’avons éprouvé une telle nécessité de prendre ou de reprendre pleine conscience de cette
23 niers siècles, succède depuis la guerre — qui fut une guerre des masses — une ère de déviation dans le sens collectiviste.
24 es, succède depuis la guerre — qui fut une guerre des masses — une ère de déviation dans le sens collectiviste. Cette malad
25 epuis la guerre — qui fut une guerre des masses — une ère de déviation dans le sens collectiviste. Cette maladie du sentime
26 d à nier l’existence de tout ce qui ne serait pas une grande nation monolithique, fondée sur l’unité — toute théorique d’ai
27 er lieu sa garde neutre. L’esprit totalitaire est une puissante négation du seul principe qui tienne rassemblés nos cantons
28 is, depuis le xiiie siècle, nous n’avons encouru un tel péril. Jamais la conscience impérieuse des raisons d’être de la S
29 uru un tel péril. Jamais la conscience impérieuse des raisons d’être de la Suisse n’a été, comme elle l’est aujourd’hui, un
30 la Suisse n’a été, comme elle l’est aujourd’hui, une condition vitale de notre existence même. ⁂ Je vois un peu partout de
31 ndition vitale de notre existence même. ⁂ Je vois un peu partout des signes de réveil. J’en ai relevé trois au début de ce
32 de notre existence même. ⁂ Je vois un peu partout des signes de réveil. J’en ai relevé trois au début de cet article, bien
33 ce même de notre État, et au-delà : de l’espoir d’ une Europe recréée selon son génie. De cette action urgente, je ne puis i
34 est pas dans le nationalisme ! Nous ne sommes pas une nation ; ni trois nations ; ni même vingt-deux petites nations. Nous
35 ; ni même vingt-deux petites nations. Nous sommes une Confédération de communautés régionales. C’est dans la mesure où nous
36 plus ou moins sérieusement de devenir nous aussi une nation, notre compte sera vite réglé. Car : 1° nous perdrons notre ra
37 tre, et il n’est pas d’exemple dans l’Histoire qu’ un État qui a perdu sa raison d’être y survive plus de quelques années.
38 pour que j’insiste… 2° nous ne pouvons devenir qu’ une des plus petites nations de l’Europe, et une nation divisée contre el
39 que j’insiste… 2° nous ne pouvons devenir qu’une des plus petites nations de l’Europe, et une nation divisée contre elle-m
40 r qu’une des plus petites nations de l’Europe, et une nation divisée contre elle-même en trois races et trois langues, si c
41 ons dépecés en trois Anschluss. Ce n’est donc pas un « idéal fumeux » que j’oppose à la tentation d’un nationalisme helvét
42 un « idéal fumeux » que j’oppose à la tentation d’ un nationalisme helvétique. Je lui oppose la condition même de notre dro
43 La Suisse n’a pas de pires ennemis. Ce n’est pas une armée motorisée qui nous sauvera de l’attaque de nos voisins, même si
44 onvaincue de l’avenir que nous incarnons aux yeux des peuples d’Occident. Notre seul espoir, à nous Suisses, c’est de reste
2 1938, Articles divers (1938-1940). Souvenir d’Esztergom (juin 1938)
45 il était le chef de file du groupe le plus vivant des écrivains de Hongrie, — le plus profondément magyar de sensibilité, e
46 et en même temps le plus européen par la culture. Des amis me proposèrent de l’aller voir à Esztergom, où il passe les étés
47 il passe les étés. J’eus ce bonheur de découvrir une terre et une race par ses poètes. La plaine hongroise était une grand
48 étés. J’eus ce bonheur de découvrir une terre et une race par ses poètes. La plaine hongroise était une grande liberté lum
49 ne race par ses poètes. La plaine hongroise était une grande liberté lumineuse ; tout m’accueillait, êtres et paysages, dan
50 use ; tout m’accueillait, êtres et paysages, dans une vaste hospitalité qui était celle de l’été même dont Babits me faisai
51 t les honneurs… Qu’on me permette de recopier ici des notes prises au retour de ce petit voyage ; il est resté merveilleuse
52 Primat. Au-dessus du palais de l’archevêché, sur une colline que le Danube contourne, la Basilique élève une coupole d’ocr
53 lline que le Danube contourne, la Basilique élève une coupole d’ocre éclatant, immense et froide, dominant cette plaine ond
54 plaine onduleuse dont les vagues se perdent dans une poussière violacée à l’horizon — chez les Tchèques déjà. Nous allons
55 res, et nous montons vers la maison du poète, sur un coteau de vignes. Trois chambres boisées entourées d’une large galeri
56 eau de vignes. Trois chambres boisées entourées d’ une large galerie d’où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans rid
57 lique sur son rocher. Fraîches, sentant bon, avec des livres sur des divans aux riches couleurs, des boissons préparées, l’
58 ocher. Fraîches, sentant bon, avec des livres sur des divans aux riches couleurs, des boissons préparées, l’ombre bourdonna
59 ec des livres sur des divans aux riches couleurs, des boissons préparées, l’ombre bourdonnante, — trois petites chambres et
60 l’ombre bourdonnante, — trois petites chambres et un pan de toit par-dessus, cela fait une arche à peine visible dans les
61 chambres et un pan de toit par-dessus, cela fait une arche à peine visible dans les vignes, à peine détachée du flanc de l
62 colline (pour que les vents ne l’emportent pas), un beau nid de poète : car demeurer ici, c’est demeurer vraiment « en pl
63 ci, c’est demeurer vraiment « en pleine nature », un peu au-dessus de la plaine, pas tout à fait dans le ciel, là où doive
64 chantent ». L’après-midi est immense. Nous buvons des vins dorés et doux que nous verse Ilonka Babits (elle est poète aussi
65 s noms au charbon sur le mur chaulé, Gachot prend des photos, Gyergyai fouille la plaine à la longue-vue et rêve qu’il y es
66 e grimpe au cerisier sauvage, derrière la maison, un peintre tout en blanc arrive par les vignes, ah ! qu’il fait beau tem
67 les couleurs, le poète sourit en lui-même, il y a une enfance dans l’air… ⁂ N’est-ce pas cela, la vraie gloire d’un poète :
68 ans l’air… ⁂ N’est-ce pas cela, la vraie gloire d’ un poète : que son souvenir se confonde — inoubliable, inséparable — ave
69 onfonde — inoubliable, inséparable — avec celui d’ une belle journée de son pays ? b. Rougemont Denis de, « Souvenir d’Es
3 1938, Articles divers (1938-1940). « Comment libérer l’État de la tyrannie de l’Argent ? » (10 juin 1938)
70 (libéralisme) au règne de l’État totalitaire, par une logique dont la rigueur montre assez que les facteurs humains ont ces
71 t à leur place d’instruments techniques. Schéma : un État souverain dans l’aire délimitée de sa capacité ; administrant le
72 rtenant au gouvernement proprement dit, émanation des communes fédérées et des patries locales, et seule expression unitair
73 roprement dit, émanation des communes fédérées et des patries locales, et seule expression unitaire de la Nation ; jouissan
74 le expression unitaire de la Nation ; jouissant d’ un pouvoir dictatorial dans l’application de ses pouvoirs strictement dé
75 forme de minimum vital distribué par l’entremise des communes. Ainsi serait évitée la collusion des puissances financières
76 se des communes. Ainsi serait évitée la collusion des puissances financières avec le Parlement et l’exécutif, collusion res
77 utif, collusion responsable de la mauvaise marche des administrations publiques, et de cette erreur économique — entre autr
78 r les communes et les personnes que sur la base d’ une organisation rationnelle des servitudes publiques, c’est-à-dire d’une
79 es que sur la base d’une organisation rationnelle des servitudes publiques, c’est-à-dire d’une dichotomie rigoureuse entre
80 ionnelle des servitudes publiques, c’est-à-dire d’ une dichotomie rigoureuse entre ce qui relève de l’exécution technique et
81 réation, toujours personnelle. C’est la confusion des pouvoirs matériels et de l’autorité, dee l’organisé et de l’organisat
82 et de la Nation, qui conduit au désordre flagrant des démocraties, et à cette fixation brutale du même désordre qu’on nomme
83 moyens d’y parvenir, de l’imposer, ils relèvent d’ une action spirituelle au premier chef, et vous savez que je n’entends pa
84 je n’entends pas le spirituel au sens évanescent des libéraux, mais bien comme une action, tant publique que secrète, qui
85 au sens évanescent des libéraux, mais bien comme une action, tant publique que secrète, qui mobilise le tout de l’homme, e
86 at de la tyrannie de l’Argent ? », Combat : revue des idées et des faits, Paris, 10 juin 1938, p. 505. d. Précédé de la no
87 nnie de l’Argent ? », Combat : revue des idées et des faits, Paris, 10 juin 1938, p. 505. d. Précédé de la note suivante :
88 itions de l’Ordre nouveau. On sait qu’il s’agit d’ une dichotomie, rationnelle, mais dont nous discuterons la possibilité hu
89 t nous discuterons la possibilité humaine — entre un gouvernement issu des groupes humains et une économie étatiste extra-
90 possibilité humaine — entre un gouvernement issu des groupes humains et une économie étatiste extra-gouvernementale. Pour
91 entre un gouvernement issu des groupes humains et une économie étatiste extra-gouvernementale. Pour atteindre ce but, M. de
92 Pour atteindre ce but, M. de Rougemont souhaite “ une action spirituelle” plus forte, plus riche et plus noble que l’action
4 1938, Articles divers (1938-1940). Le Relèvement de l’Allemagne (1918-1938) par Albert Rivaud (28 octobre 1938)
93 sérieuse et la plus riche d’enseignements. C’est un historique de l’Allemagne d’avant-guerre, des origines du conflit de
94 ’est un historique de l’Allemagne d’avant-guerre, des origines du conflit de 1914, de la guerre, de la révolution, puis de
95 des événements de septembre, cette lecture prend une actualité vraiment bouleversante. Nous venons d’assister à la répétit
96 urances pacifiques, même duplicité dans le détail des négociations, mêmes tentatives pour « localiser le conflit », là à la
97 égime nazi : État et armée, doctrine et formation des esprits, système économique et financier. Nous aurions beaucoup de ré
98 se renseigner exactement sur le fonctionnement d’ un régime autarcique, où nul organe de libre critique ne peut corriger l
99 s sources avec plus de minutie, et quand on donne un chiffre, donner aussi les moyens de l’interpréter. M. Rivaud affirme
100 nt les salaires de base ? Les polémiques au sujet des salaires russes nous ont rendus méfiants, à juste titre. De même, pag
101 sation nationale-socialiste a permis de supprimer une grande partie des producteurs libres », et on précise que le nombre d
102 ocialiste a permis de supprimer une grande partie des producteurs libres », et on précise que le nombre des sociétés anonym
103 producteurs libres », et on précise que le nombre des sociétés anonymes a été réduit de 9634 en 1932 à 7204 en 1936, et que
104 de 9634 en 1932 à 7204 en 1936, et que le nombre des « petites sociétés » est tombé de 6632 à 3863. Comment interpréter ce
105 éter ces chiffres ? L’auteur y voit la preuve « d’ une sorte de socialisation indirecte de la production ». Mais par ailleur
106 ont absorbé les petites sociétés. Méfions-nous d’ un certain abus du terme de « socialisme », trop fréquent chez les auteu
107 ährstandg (office d’alimentation). Quand il parle des doctrines nazies, on doit reprocher à M. Rivaud de mêler trop souvent
108 trop souvent ses commentaires à l’exposé objectif des thèses hitlériennes. Son résumé de Mein Kampf reste flou : on ne sait
109 itlérisme. Par ailleurs, en effet, quand il parle des méthodes nazies d’usage interne, en politique et en économie. M. Riva
110 itre final sur la politique extérieure. Le résumé des événements de l’après-guerre tel que le donne l’auteur, paraît extrai
111 -guerre tel que le donne l’auteur, paraît extrait des seules chroniques de M. Bailby. À tel point qu’on omet d’y faire figu
112 ce livre ! Elles n’ont pour but que de faciliter une lecture à tant d’égards urgente et révélatrice. f. Rougemont Denis
5 1938, Articles divers (1938-1940). Réponse de Denis de Rougemont, lauréat du prix Rambert 1938 (novembre 1938)
113 embre 1938)h i Messieurs, Après tant d’éloges, une prudence élémentaire me commanderait de me taire : quoi que je dise,
114 que Rivier vient de développer devant vous, avec une précision magistrale. Minuit praesentia famam, dit le latin. Mais il
115 ubliant mon Journal , je suis entré dans la voie des aveux. J’ai même confessé certaines de mes superstitions. Il ne me re
116 e m’étais entièrement retiré dans l’élaboration d’ un ouvrage intitulé L’Amour et l’Occident . Je partais d’une réflexion
117 ge intitulé L’Amour et l’Occident . Je partais d’ une réflexion passionnée sur le mythe de la passion, la légende de Trista
118 mythe, demeuré si puissant dans nos vies, détient une signification secrète, qui est le combat du Jour et de la Nuit. J’esp
119 eure où Brangaine du haut de la tour jette le cri des « aubes » mystiques : « Prenez garde ! prenez garde ! Voici que la nu
120 évu — j’inscrivais ce terrible mot : FIN au bas d’ un manuscrit considérable. Le lendemain, 21, l’Opéra de Paris représenta
121 du 21. Comment ne pas voir dans ces coïncidences un signal amical du destin ? Vous vous trouviez couronner sans le savoir
122 travail, tout au moins par sa quantité, sera-t-il un peu moins indigne du grand honneur que vous lui faites… ⁂ L’un des th
123 igne du grand honneur que vous lui faites… ⁂ L’un des thèmes qui reviennent avec quelque insistance dans le Journal , c’es
124 ournal , c’est celui que je nommais le « problème des gens ». Problème des relations des hommes entre eux ; des relations d
125 que je nommais le « problème des gens ». Problème des relations des hommes entre eux ; des relations de l’écrivain avec les
126 le « problème des gens ». Problème des relations des hommes entre eux ; des relations de l’écrivain avec les hommes parmi
127  ». Problème des relations des hommes entre eux ; des relations de l’écrivain avec les hommes parmi lesquels il vit ; enfin
128 ain avec les hommes parmi lesquels il vit ; enfin des relations de l’auteur et de son public. Or vous n’ignorez pas que mon
129 la cité actuelle ont bien du mal à communier dans une même vérité vécue ; qu’ils sont souvent d’autant plus seuls qu’ils se
130 s les villes. Il me semblait aussi que le langage des écrivains était devenu, ou était resté, le langage d’un très petit no
131 ivains était devenu, ou était resté, le langage d’ un très petit nombre, ou d’une caste, alors que dans le même temps l’ins
132 it resté, le langage d’un très petit nombre, ou d’ une caste, alors que dans le même temps l’instruction publique mettait to
133 ction publique mettait tout homme en état de lire des livres, sinon de les comprendre. D’où sont nés quantité de malentendu
134 ou mes contemporains, vous êtes le vrai public d’ un livre comme le Journal , celui qu’il cherche et qu’il espère rejoind
135 ourquoi j’ose voir dans votre décision le signe d’ une entente réalisée — et attestée avec munificence ! — entre un auteur e
136 réalisée — et attestée avec munificence ! — entre un auteur et son public. Cet aspect de mon « problème des gens », vous l
137 uteur et son public. Cet aspect de mon « problème des gens », vous l’avez résolu d’une manière que, pour ma part, je ne sau
138 e mon « problème des gens », vous l’avez résolu d’ une manière que, pour ma part, je ne saurais qualifier que d’idéale ! Doi
139 r ? Vous êtes Vaudois, et pourtant vous couronnez un Neuchâtelois. Vous êtes zofingiens, et vous couronnez un ancien belle
140 hâtelois. Vous êtes zofingiens, et vous couronnez un ancien bellettrien, — ce qui est encore plus digne de louange. Enfin,
141 st encore plus digne de louange. Enfin, vous êtes des Suisses de Suisse, et vous couronnez un Suisse de Paris, ein Pariser
142 ous êtes des Suisses de Suisse, et vous couronnez un Suisse de Paris, ein Pariser Neuburger comme disent, avec effroi, les
143 moindre titre que vous ayez à ma reconnaissance. Une vieille tradition helvétique voulait que les esprits turbulents allas
144 bulents allassent mettre au service de l’étranger une humeur belliqueuse qui, Dieu merci, ne trouvait pas à s’exercer dans
145 es. Pourquoi n’y aurait-il pas de nos jours, sous une forme plus pacifique1, des écrivains qui renoueraient cette tradition
146 pas de nos jours, sous une forme plus pacifique1, des écrivains qui renoueraient cette tradition ? Quelques années de servi
147 uisse apparaît de plus en plus comme le symbole d’ une Europe à venir, fédérant ses précieuses différences, — il se peut que
148 service européen soit précisément dans la ligne d’ une vocation d’écrivain suisse. Il faut de tout pour faire une Suisse, su
149 ion d’écrivain suisse. Il faut de tout pour faire une Suisse, surtout dans le plan de la culture. Il faut d’abord des homme
150 rtout dans le plan de la culture. Il faut d’abord des hommes comme Ramuz, qui représentent la Suisse en soi, j’entends la S
151 oi, j’entends la Suisse dans la réalité vivante d’ un de ses cantons ; des hommes qui, à force d’être Vaudois avec génie, s
152 sse dans la réalité vivante d’un de ses cantons ; des hommes qui, à force d’être Vaudois avec génie, soient des valeurs eur
153 es qui, à force d’être Vaudois avec génie, soient des valeurs européennes. Mais peut-être faut-il ensuite, et à côté, des h
154 ennes. Mais peut-être faut-il ensuite, et à côté, des hommes qui essaient de représenter l’idée de la Suisse au regard de l
155 enter l’idée de la Suisse au regard de l’Europe ; des hommes qui soient des Suisses par cela même qu’ils essaient d’être de
156 sse au regard de l’Europe ; des hommes qui soient des Suisses par cela même qu’ils essaient d’être des Européens. C’est dan
157 des Suisses par cela même qu’ils essaient d’être des Européens. C’est dans cette tradition — celle d’un Constant — que je
158 s Européens. C’est dans cette tradition — celle d’ un Constant — que je me suis trouvé rangé, un peu par la force des chose
159 elle d’un Constant — que je me suis trouvé rangé, un peu par la force des choses, par atavisme autant que par goût. Mais j
160 que je me suis trouvé rangé, un peu par la force des choses, par atavisme autant que par goût. Mais je tiens à le souligne
161 contribué à resserrer ces liens, en me procurant une soirée comme celle-ci, c’est assez — sans compter tout le reste — pou
162 ris remis pour récompenser l’auteur du Journal d’ un intellectuel en chômage .
6 1938, Articles divers (1938-1940). Réponse à l’enquête « Littérature et christianisme » (20 novembre 1938)
163 Tous les problèmes se posent différemment pour un croyant et pour un incroyant. Non pas que leurs données soient différ
164 es se posent différemment pour un croyant et pour un incroyant. Non pas que leurs données soient différentes. Mais elles n
165 ont pas le même sens. Je m’explique. Il n’y a pas une manière chrétienne et une manière athée de réussir une paire de souli
166 ’explique. Il n’y a pas une manière chrétienne et une manière athée de réussir une paire de souliers. Les souliers sont bon
167 anière chrétienne et une manière athée de réussir une paire de souliers. Les souliers sont bons ou mauvais. Un roman, de mê
168 e de souliers. Les souliers sont bons ou mauvais. Un roman, de même. Mais tout ce que fait un chrétien, il le dédie à la g
169 mauvais. Un roman, de même. Mais tout ce que fait un chrétien, il le dédie à la gloire de Dieu, et c’est là toute la diffé
170 fet, elle ne l’est pas. Il n’y a de visible, dans un roman, que sa technique, son métier, sa réussite ou ses défauts. Mais
171 ansparente — c’est l’esprit qui animait l’auteur. Un roman ne peut « servir » que si l’auteur l’a fait dans un esprit de s
172 ne peut « servir » que si l’auteur l’a fait dans un esprit de service. Or tout service qui n’est pas le service du Dieu v
173 t pas le service du Dieu vivant se trouve devenir une servitude. Un romancier communiste doit se préoccuper des résultats p
174 e du Dieu vivant se trouve devenir une servitude. Un romancier communiste doit se préoccuper des résultats politiques de s
175 itude. Un romancier communiste doit se préoccuper des résultats politiques de son œuvre : servitude pour l’artiste. Mais un
176 ues de son œuvre : servitude pour l’artiste. Mais un romancier chrétien n’a pas à se préoccuper des résultats. Il ne saura
177 ais un romancier chrétien n’a pas à se préoccuper des résultats. Il ne saurait les prévoir, puisque c’est Dieu seul qui con
178 ue, c’est-à-dire mauvaise littérature. Aux yeux d’ un croyant, il n’est pas de comparaison possible entre la situation du r
179 communiste. Car le chrétien comme tel ne sert pas une cause visible, et son service n’est pas mesurable à ses « résultats »
180 ute typiquement protestant (bien que valable pour un catholique). Ceci expliquerait peut-être, dans une certaine mesure, p
181 rtaine mesure, pourquoi « il n’est pas question d’ une littérature protestante ». En effet : le protestant ne considère pas
182 mêmes, hors de leur qualité technique. Elles sont un service ; elles ne sont pas au service d’une cause ou d’un parti, fût
183 sont un service ; elles ne sont pas au service d’ une cause ou d’un parti, fût-il baptisé « chrétien ». (Je parle idéalemen
184 e ; elles ne sont pas au service d’une cause ou d’ un parti, fût-il baptisé « chrétien ». (Je parle idéalement : nous avons
185 n ». (Je parle idéalement : nous avons nous aussi une pénible « littérature protestante » d’édification.) Elles sont encore
186 e protestante » d’édification.) Elles sont encore une action de grâce, comme le Magnificat de Bach. Pour préciser : un arti
187 âce, comme le Magnificat de Bach. Pour préciser : un artiste protestant (Rembrandt, Du Bartas, Selma Lagerlöf, Ramuz) ne c
188 évèle : — et à partir de là ne se posent plus que des problèmes d’ordre technique. Nous autres écrivains de la Réforme, nou
189 s que cette main qui désigne le Christ, au-dessus des déserts du monde. « Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Et nou
190 urions « guérir » personne. On ne nous demande qu’ un diagnostic exact de l’humain, c’est-à-dire, je le répète : une expres
191 c exact de l’humain, c’est-à-dire, je le répète : une expression vraiment totale et sans réserve de l’homme tel que le voie
192 é de la notice suivante : « Et voici la réponse d’ un protestant. Par sa pensée ferme et drue, Denis de Rougemont exerce un
193 a pensée ferme et drue, Denis de Rougemont exerce une influence décisive sur les différents mouvements qu’on peut grouper s
194 er sous le vocable “personnalistes”. On trouve là un des plus authentiques essais de construction de notre temps. Politiq
195 sous le vocable “personnalistes”. On trouve là un des plus authentiques essais de construction de notre temps. Politique d
196 personne , Penser avec les mains , le Journal d’ un intellectuel en chômage , et les autres écrits de Rougemont en sont p
7 1939, Articles divers (1938-1940). Quel est le rôle de l’Université dans le pays ? (1939)
197 e distribuer de l’instruction, de vendre au poids des connaissances techniques, grâce auxquelles l’étudiant se verrait en m
198 errait en mesure de gagner maigrement sa vie dans une profession libérale ? On le croit souvent. Pour ma part, je ne l’ai j
199 ne la point gagner, vous le savez bien : ce sont des trucs de métier, si j’ose dire, des trucs que l’on n’apprend qu’à l’e
200 ien : ce sont des trucs de métier, si j’ose dire, des trucs que l’on n’apprend qu’à l’expérience. Or l’Université ne saurai
201 n sot, il serait même barbare de le lui reprocher un seul instant. Nous attendons de l’Université tout autre chose. Je pui
202 eux, c’est ce qu’elle m’a donné sans le vouloir : une atmosphère, un milieu de vie, et bien au-delà d’une instruction : des
203 ’elle m’a donné sans le vouloir : une atmosphère, un milieu de vie, et bien au-delà d’une instruction : des possibilités d
204 e atmosphère, un milieu de vie, et bien au-delà d’ une instruction : des possibilités de culture, au sens le plus large poss
205 ilieu de vie, et bien au-delà d’une instruction : des possibilités de culture, au sens le plus large possible. Cela englobe
206 le plus large possible. Cela englobe, évidemment, une certaine somme de connaissances indispensables pour le jour de l’exam
207 n. Mais cela englobe aussi tant d’autres choses ! Une certaine qualité de loisirs, de réflexions aventureuses, de rêveries
208 de les oublier ! — la vie nocturne de l’étudiant, des lectures qui ne servent à rien, des promenades qui ne mènent à rien,
209 e l’étudiant, des lectures qui ne servent à rien, des promenades qui ne mènent à rien, sinon à voir et à sentir comme jamai
210 deur du lac immobile… Tout cela peut se résumer d’ un mot. C’est le romantisme éternel. C’est tout ce que l’on aura plus ta
211 ppelle, ce soir, ces folies-là. Nous vivions dans une sorte d’euphorie constante, coupée de somnolences, d’heures de paress
212 ’accès d’enthousiasme pathétiques ! Nous passions des soirées et des nuits que nous imaginions orgiaques, et qui étaient si
213 siasme pathétiques ! Nous passions des soirées et des nuits que nous imaginions orgiaques, et qui étaient simplement lyriqu
214 aques, et qui étaient simplement lyriques. Durant des mois d’hiver, notre vie tournoyait dans l’atmosphère des « Théâtrales
215 s d’hiver, notre vie tournoyait dans l’atmosphère des « Théâtrales » — curieux terme, composé, disait-on, à la manière de b
216 rnales — les théâtrales, rien de plus évocateur d’ un état de fête collectif et prolongé… Pendant des mois, ai-je dit, car
217 d’un état de fête collectif et prolongé… Pendant des mois, ai-je dit, car il fallait d’abord choisir la pièce, puis la pré
218 mener pour la rejouer je ne sais combien de fois, un peu plus chaque année. Mais le plus beau, c’était que nous finissions
219 ssions par transformer notre existence entière en un théâtre. Dans cette ville dont les places et les rues sont si pareill
220 e dont les places et les rues sont si pareilles à des décors, la nuit, nous avions l’impression de circuler sur une scène p
221 la nuit, nous avions l’impression de circuler sur une scène perpétuelle. Les bons bourgeois n’étaient plus, à nos yeux, que
222 es bons bourgeois n’étaient plus, à nos yeux, que des sortes de figurants, ignorant tout du sens réel de notre drame. Ils n
223 drame. Ils nous voyaient passer, cheveux au vent, des foulards rouges négligemment noués autour du cou, avec des mines fata
224 rds rouges négligemment noués autour du cou, avec des mines fatales d’insomnies et des restes de fard aux joues. Nous dansi
225 our du cou, avec des mines fatales d’insomnies et des restes de fard aux joues. Nous dansions autour d’une flamme invisible
226 restes de fard aux joues. Nous dansions autour d’ une flamme invisible à tout autre qu’à nous, et dont nous n’étions même p
227 ’il n’y avait pas en jeu, dans tout cela, rien qu’ une innocente fantaisie. Il y avait peut-être autre chose. Une espèce de
228 ente fantaisie. Il y avait peut-être autre chose. Une espèce de recherche inconsciente de réalités plus vivantes, de drames
229 eux dont nous faisions la montre… Mais ceci c’est une autre histoire, et qui m’entraînerait assez loin. … Ne serait-ce pas
230 se, de maintenir cette tradition du romantisme et des féconds loisirs qui a fait la gloire d’une Heidelberg, d’une Tubingue
231 sme et des féconds loisirs qui a fait la gloire d’ une Heidelberg, d’une Tubingue, et de tant d’autres petites cités où réso
232 loisirs qui a fait la gloire d’une Heidelberg, d’ une Tubingue, et de tant d’autres petites cités où résonnent aujourd’hui
233 t d’autres petites cités où résonnent aujourd’hui des chants… d’une autre espèce ? Ne serait-ce pas à nous de maintenir et
234 ites cités où résonnent aujourd’hui des chants… d’ une autre espèce ? Ne serait-ce pas à nous de maintenir et d’illustrer au
235 aintenir et d’illustrer aux yeux du monde moderne une de ces vérités qu’il méconnaît, mais qui lui survivra sans doute : c’
236 t cultivé, — et non pas méprisé ou condamné comme un péché envers l’État. Il m’a semblé que cette petite morale du loisir
237 aiment, quel danger y aurait-il à faire l’éloge d’ une certaine paresse dans une occasion de ce genre ? Ce ne sera jamais, h
238 it-il à faire l’éloge d’une certaine paresse dans une occasion de ce genre ? Ce ne sera jamais, hélas, qu’une fois tous les
239 rsité dans le pays ? », Bulletin de l’Association des anciens étudiants de l’Université de Neuchâtel, Neuchâtel, 1939, p. 1
8 1939, Articles divers (1938-1940). Le protestantisme créateur de personnes (1939)
240 ’homme devant Dieu égale zéro. Pour les modernes, un protestant égale une personnalité. Que peut bien signifier cette cont
241 gale zéro. Pour les modernes, un protestant égale une personnalité. Que peut bien signifier cette contradiction affligeante
242 d’auteurs non protestants ou incroyants nous font une gloire peut-être intempestive ? Le problème est, je crois, d’autant p
243 t monumentales, posées par les Pères de l’Église, des Apôtres jusqu’à Luther. Devant le danger, ils serrent les rangs. Ils
244 antisme créateur de personnalités, ou défenseur d’ une certaine dignité humaine. Eh bien, je ne vois aucune raison de décevo
245 ne. Eh bien, je ne vois aucune raison de décevoir une telle attente. Mais attention ! Cette interrogation pressante, il ne
246 jamais de se montrer très rigoureux dans le choix des moyens de défense. Et, par exemple, si beaucoup sont prêts à louer la
247 si beaucoup sont prêts à louer la Réforme d’être une école de personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c’est le
248 a Réforme d’être une école de personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c’est le moment pour nous de préciser com
249 testantisme est effectivement cela. I Depuis une dizaine d’années, une discussion générale s’est instituée sur les not
250 ivement cela. I Depuis une dizaine d’années, une discussion générale s’est instituée sur les notions de personne, d’in
251 ersonne, d’individu et de personnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui a pris pour tâche de démêler ces notions
252 che de démêler ces notions et de fonder sur elles un ordre social renouvelé. Des philosophes tels que Maritain du côté cat
253 et de fonder sur elles un ordre social renouvelé. Des philosophes tels que Maritain du côté catholique, Berdiaev du côté or
254 n du côté catholique, Berdiaev du côté orthodoxe, un certain nombre de jeunes protestants, beaucoup d’agnostiques aussi, s
255 ont efforcés de démontrer l’importance concrète d’ une définition de la personne pour toute action dans la cité. Ces discuss
256 nne humaine » est devenu le slogan par excellence des hommes d’État démocratiques. Ce fait, et toutes les équivoques que ri
257 ntraîner de telles notions, me paraissent revêtir une importance particulière pour notre pensée réformée. Car il se trouve
258 ersonnalité. Je préfère illustrer ces notions par des exemples historiques susceptibles de faire image. Si nous remontons a
259 du. Contrairement à ce que peut nous faire croire une certaine polémique réactionnaire, l’individu n’est pas une invention
260 ine polémique réactionnaire, l’individu n’est pas une invention du siècle des Lumières et de la Déclaration des droits de l
261 ire, l’individu n’est pas une invention du siècle des Lumières et de la Déclaration des droits de l’homme. C’est une invent
262 ntion du siècle des Lumières et de la Déclaration des droits de l’homme. C’est une invention grecque, et sa naissance signa
263 et de la Déclaration des droits de l’homme. C’est une invention grecque, et sa naissance signale la naissance même de l’hel
264 L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout d’ un coup se met à réfléchir pour son compte, et qui, de ce fait même, se
265 primitif, la tribu, est lié par le lien du sang, des morts communs, et par celui de la terreur sacrée. C’est autour d’un t
266 et par celui de la terreur sacrée. C’est autour d’ un tabou et autour des tombeaux, objets d’effroi, que se rassemble la so
267 terreur sacrée. C’est autour d’un tabou et autour des tombeaux, objets d’effroi, que se rassemble la société primitive. Ce
268 est ce qu’elle craint, c’est ce qui la terrorise. Une société ainsi formée a pour caractère distinctif l’intolérance radica
269 régaire et xénophobe. Mais supposez maintenant qu’ un des membres de la tribu se mette à raisonner à part soi. Raisonner, c
270 aire et xénophobe. Mais supposez maintenant qu’un des membres de la tribu se mette à raisonner à part soi. Raisonner, c’est
271 uvement d’arrachement au sacré sombre, à l’empire des morts, ce mouvement de dissolution de la communauté primitive, c’est
272 aissance même de la Grèce. Sur le fond indistinct des peuplades indo-germaniques, les Grecs sont les premiers à se détacher
273 hommes se singularisent : on les considère comme des criminels, car ils ont profané l’élément sacré du groupe. On les expu
274 u sens moderne. Alors que la tribu était liée par des liens d’origine — le sang, la famille — la cité est fondée sur l’inté
275 s contrats. Alors que la morale de la tribu dicte des devoirs sacrés, dans la cité on parle de droits. Tous les membres de
276 science de ton existence individuelle, libère-toi des déterminations sacrées et obscures. Peut-être peut-on rapprocher cett
277 parle de lui, qu’on le distingue… C’est là encore une assez bonne définition de l’individu. Toutefois, ce mouvement centrif
278 oment, se produit fatalement ce que j’appellerais un sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naî
279 j’appellerais un sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle
280 une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus solide, où l’individu isolé retrouve des
281 elle et plus solide, où l’individu isolé retrouve des contraintes qui le rassurent, et l’État sa puissance matérielle. C’es
282 on appareil rigide, devait fatalement triompher d’ une Grèce que nous dirions « atomisée ». Le vide social créé par l’indivi
283 ide social créé par l’individualisme est toujours un appel à l’État dictatorial. Et cet État aux cadres géométriques, avec
284 nt plus facilement qu’il n’aura plus affaire qu’à une poussière d’individus déracinés, n’offrant plus de résistance appréci
285 ide est absolu, plus l’appel est puissant. À bien des égards, l’étatisme ne fait qu’achever le processus de dissolution soc
286 tion, de « mise au pas ». C’est avec la poussière des individus que l’État fera son ciment. Diviser pour régner, déraciner
287 mieux discipliner, cela seul permet de constituer un bloc puissant vis-à-vis de l’extérieur ; un bloc qui prend l’allure d
288 ituer un bloc puissant vis-à-vis de l’extérieur ; un bloc qui prend l’allure d’une armée. Le vice d’un tel système, c’est
289 vis de l’extérieur ; un bloc qui prend l’allure d’ une armée. Le vice d’un tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu tout
290 un bloc qui prend l’allure d’une armée. Le vice d’ un tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu toutes les initiatives v
291 ne manque pas de se produire lorsque la majorité des citoyens se trouve réduite à l’état de fonctionnaires ou de soldats.
292 e le citoyen. Dans l’Empire, tout homme n’est pas une persona, il s’en faut. Les esclaves, par exemple, qui forment les deu
293 ment les deux tiers de la population, ne sont pas des personnes, puisqu’ils ne jouent pas de rôle dans les rouages de l’Éta
294 oule sous son propre poids. De nouveau se reforme un vide social, une angoisse, un appel à une communauté. L’anarchie et l
295 opre poids. De nouveau se reforme un vide social, une angoisse, un appel à une communauté. L’anarchie et la tyrannie, succe
296 nouveau se reforme un vide social, une angoisse, un appel à une communauté. L’anarchie et la tyrannie, successivement, on
297 reforme un vide social, une angoisse, un appel à une communauté. L’anarchie et la tyrannie, successivement, ont fait faill
298 mitive, à base de sang et de liens sacrés : c’est une régression vers la barbarie, mais qui flatte les instincts et les pas
299 fait le rêve nostalgique du retour à la nature, d’ une fraternité plus charnelle, d’une communion avec la masse dans le myst
300 r à la nature, d’une fraternité plus charnelle, d’ une communion avec la masse dans le mystère des origines : souvenirs, myt
301 le, d’une communion avec la masse dans le mystère des origines : souvenirs, mythologies, rites magiques, races, contraintes
302 contraintes sacrées. C’est là ce que j’appellerai une communauté régressive. L’autre possibilité de communauté, c’est celle
303 lle qu’imagine l’être spirituel. C’est l’espoir d’ une société d’un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur les
304 l’être spirituel. C’est l’espoir d’une société d’ un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur les contraintes d
305 t pas fondée sur les contraintes du passé, ni sur des lois, mais sur l’attente commune et enthousiaste d’un au-delà libérat
306 ois, mais sur l’attente commune et enthousiaste d’ un au-delà libérateur. Ce n’est plus le rêve du retour aux origines, c’e
307 s le rêve du retour aux origines, c’est le rêve d’ un avenir éternel, d’une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente
308 ux origines, c’est le rêve d’un avenir éternel, d’ une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’une communauté progr
309 révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’ une communauté progressive. La réalisation historique de la première poss
310 la République romaine, quand le César est devenu un dieu. Et c’est l’échec de cette religion d’État, confondu avec l’éche
311 gion d’État, confondu avec l’échec plus général d’ une société bureaucratisée, qui a permis et préparé le triomphe du christ
312 is je demeure persuadé que la seule possibilité d’ une communauté progressive n’eût pas suffi à éveiller la volonté de la ré
313 r et de la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’ un fait historique, qu’un acte vînt transformer cette possibilité en une
314 de l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’ un acte vînt transformer cette possibilité en une vision immédiate et dy
315 qu’un acte vînt transformer cette possibilité en une vision immédiate et dynamique. Et ce fait, c’est l’événement central
316 emps : l’incarnation de Dieu dans l’homme fondant une société absolument nouvelle : l’Église. Qu’est-ce que l’Église primit
317 nt de vue sociologique où je me place ici ? C’est une communauté spirituelle formée d’un grand nombre de petites communauté
318 e ici ? C’est une communauté spirituelle formée d’ un grand nombre de petites communautés locales, que l’on pourrait appele
319 communautés locales, que l’on pourrait appeler d’ un terme moderne : des cellules. Ces communautés ne sont pas fondées sur
320 s, que l’on pourrait appeler d’un terme moderne : des cellules. Ces communautés ne sont pas fondées sur le passé ni sur des
321 mmunautés ne sont pas fondées sur le passé ni sur des origines communes. « Il n’y a plus ni Juif ni Grec », écrit saint Pau
322 Paul. Elles ne tiennent compte ni de la race, ni des traditions, ni du rang social : on y trouve des esclaves et des citoy
323 i des traditions, ni du rang social : on y trouve des esclaves et des citoyens riches. Leur lien n’est pas terrestre : il e
324 , ni du rang social : on y trouve des esclaves et des citoyens riches. Leur lien n’est pas terrestre : il est dans l’au-del
325 rrestres, car ce qu’elles attendent, c’est la fin des temps. Et cependant, ces communautés étranges constituent bel et bien
326 tés étranges constituent bel et bien les germes d’ une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chefs l
327 blées. Ceux qui en deviennent membres y reçoivent une assistance matérielle, mais ils y trouvent aussi des possibilités de
328 assistance matérielle, mais ils y trouvent aussi des possibilités de servir leurs frères. Ils se voient donc libérés, et d
329 voient donc libérés, et du même coup engagés dans un corps social nouveau. Prenons le cas social de l’esclave qui devient
330 actif de persona. Spirituellement, il se produit un phénomène parallèle : le païen qui se convertit se voit d’une part ra
331 racheté de son péché ; et d’autre part, il reçoit une mission nouvelle, une vocation. Il devient le serviteur du Maître qui
332 et d’autre part, il reçoit une mission nouvelle, une vocation. Il devient le serviteur du Maître qui le libère. Ainsi, spi
333 nsi, spirituellement et socialement, l’Église est une communauté d’hommes qui sont à la fois libres et engagés. Libérés par
334 ître. Ces hommes nouveaux apparaissent donc comme des paradoxes vivants, et cependant nous savons bien que leur libération
335 squ’ils traduisent deux aspects complémentaires d’ une seule et même réalité : la conversion. Tel est l’homme neuf, créé par
336 la persona du droit romain, puisque l’homme qui a une vocation possède une dignité indépendante de son rôle social. Comment
337 omain, puisque l’homme qui a une vocation possède une dignité indépendante de son rôle social. Comment le baptiser ? Il fau
338 de son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou plutôt non : c’est à un mot déjà connu que l’on aura
339 ? Il faut un mot nouveau. Ou plutôt non : c’est à un mot déjà connu que l’on aura recours, mais on va lui donner un nouvea
340 onnu que l’on aura recours, mais on va lui donner un nouveau sens. Pour désigner les relations constituant la Trinité, le
341 s chrétiens à désigner la réalité de l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme, lui aussi, se trouve être à la foi
342 réalité sociale de la personne, sont bel et bien des créations chrétiennes ou, pour mieux dire, des créations de l’Église
343 en des créations chrétiennes ou, pour mieux dire, des créations de l’Église chrétienne. Voici donc définis par leurs origi
344 entre ces deux vocables si courants, loin d’être une querelle byzantine, ne traduit rien de moins, dans les débuts, que la
345 Ces bases étant posées, faisons dans nos pensées un petit saut de quelques siècles, pour retomber tout à la fois dans l’é
346 et dans le sujet précis qui nous occupe. L’Église des premiers siècles a repris peu à peu l’héritage de l’Empire romain. El
347 pire temporel, recréa, tout au long du Moyen Âge, une sorte de communauté sacrée, de société sacrale d’allure collectiviste
348 e prévoir. En effet, la personne chrétienne était une sorte de paradoxe : elle unissait l’individu libre et la persona ou f
349 idu libre et la persona ou fonction sociale, dans un composé original dominé par la foi. Si la foi venait à disparaître ou
350 unauté fondée sur la personne courait le danger d’ une double déviation : d’une part vers l’individualisme, d’autre part ver
351 sonne, en absorbant celle-ci de plus en plus dans des engagements séculiers, considérés de nouveau comme sacrés. Or, toutes
352 toutes les fois que l’élément sacré reparaît dans une société, et tend à s’imposer par la force, comme ce fut le cas dès le
353 t le cas dès le xiie siècle, on se retrouve dans une situation quelque peu analogue à celle des débuts de la Grèce, en ce
354 e dans une situation quelque peu analogue à celle des débuts de la Grèce, en ce sens qu’une révolte de l’individu ne tarde
355 gue à celle des débuts de la Grèce, en ce sens qu’ une révolte de l’individu ne tarde pas à se manifester. Cette révolte, c’
356 la Renaissance. Elle apparaît d’abord en Italie, un siècle au moins avant la Réforme. Et l’on peut la caractériser par qu
357 ualiste. L’individu de la Renaissance est d’abord un révolté qui oppose ses besoins propres aux dogmes sacrés de la collec
358 t de sa cité, aux dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Italie du xve siècle à s
359 al. Enfin l’individu de la Renaissance se livre à une activité toute nouvelle : l’expérimentation scientifique libre. Tout
360 imentation scientifique libre. Tout cela relève d’ une seule et même volonté : celle de profaner le sacré collectif et ses t
361 que la dissection du corps humain, c’est toujours une profanation que l’on opère. Du moins ces gestes sont-ils ressentis co
362 que. Or il est évident que cet individualisme est un retour du paganisme grec. Mais il est non moins évident qu’il représe
363 c. Mais il est non moins évident qu’il représente une réaction inévitable à la déviation romaine de la communauté catholiqu
364 vous montrer ce que pourrait être et devrait être un personnalisme inspiré de la Réforme. Calvin ni Luther n’ont parlé de
365 t parlé de la personne en soi. Ils n’ont pas fait une théorie personnaliste, ils ne paraissent même pas avoir entrevu la po
366 e pas avoir entrevu la possibilité ou l’intérêt d’ un tel problème. Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou de la
367 sayons de les dégager sommairement. Le but unique des réformateurs était de restaurer la fidélité de l’Église à la Parole d
368 eu. Jamais ils n’ont admis d’être présentés comme des novateurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit Calvin, de ne pas mettr
369 . Calvin combat les deux tendances non point pour des raisons politiques, mais pour sauver l’Église véritable, car, écrit-i
370 la foi serait confuse. » L’Église primitive était une communauté spirituelle de personnes, d’hommes nouveaux, à la fois lib
371 ouveaux, à la fois libres et engagés, constituant une multitude de communautés locales. Telles seront à nouveau les Églises
372 rétendu unifier les constitutions ecclésiastiques des villes où il avait une autorité immédiate, Strasbourg et Genève. Le p
373 stitutions ecclésiastiques des villes où il avait une autorité immédiate, Strasbourg et Genève. Le problème ne se pose même
374 ocales s’organiseront en fédérations, délégueront des députés à des synodes, et il n’y aura pas de pape pour unifier tempor
375 iseront en fédérations, délégueront des députés à des synodes, et il n’y aura pas de pape pour unifier temporellement toute
376 r véritable unité en Christ, et dans la communion des saints. Ici-bas, l’Église nous apparaît, selon les propres termes de
377 les propres termes de Calvin, dans la diversité «  des Églises et des personnes particulières ». Car non seulement il y a pl
378 mes de Calvin, dans la diversité « des Églises et des personnes particulières ». Car non seulement il y a plusieurs Églises
379 térieur de chaque Église locale, il y a diversité des personnes, c’est-à-dire des vocations particulières. Avec ce terme de
380 ale, il y a diversité des personnes, c’est-à-dire des vocations particulières. Avec ce terme de vocation, Calvin n’ajoute r
381 chrétien, du membre de l’Église, mais il apporte une précision capitale à la définition de la personne. À tel point que je
382 ion. La persona romaine, c’était le rôle joué par un individu dans le plan de l’État. La personne chrétienne, ce sera le r
383 reliée à nouveau. Car le rôle que Dieu attribue à un homme distingue cet homme, l’isole, mais en même temps le remet en co
384 te physiquement, mais du fait qu’il peut incarner une volonté particulière de Dieu. Et dès lors, cet homme n’a pas seulemen
385 tout le devoir d’agir, en tant qu’il est chargé d’ une responsabilité unique dans la société, à sa juste place. Notons que s
386 tre respectée par l’État, ce n’est pas en vertu d’ un droit naturel à la désobéissance. Calvin précise que l’État, quel qu’
387 l soit, doit être obéi par chacun. Mais il ajoute une restriction mémorable, qui figure en particulier dans le serment des
388 orable, qui figure en particulier dans le serment des pasteurs de Genève, et dont l’actualité vous frappera certainement. «
389 liste, au sens précis où je l’entends. Diversité des Églises, fédération de ces diversités, multiplicité des vocations per
390 lises, fédération de ces diversités, multiplicité des vocations personnelles : tout cela, Calvin l’a voulu dans un plan str
391 s personnelles : tout cela, Calvin l’a voulu dans un plan strictement ecclésiastique, c’est vrai. Mais il était inévitable
392 cette constatation : que les formes et structures des Églises ont toujours précédé et ont en quelque sorte contaminé les fo
393 litique de la doctrine calvinienne de l’Église et des vocations personnelles ? Je n’hésite pas à le dire : c’est le fédéral
394 c’est le fédéralisme. Cette thèse pourra paraître un peu forcée à certains historiens méticuleux. Mais elle devient presqu
395 nt la Réforme ? Et quelle fut l’action historique des hommes d’État réformés ? Partout, et dès le début, l’obstacle princip
396 nts quand ils le purent, proposèrent au contraire des plans d’allure et d’intention nettement fédéralistes. L’absolutisme,
397 ttement fédéralistes. L’absolutisme, la confusion des pouvoirs politiques et spirituels, nous les trouvons chez un Charles-
398 politiques et spirituels, nous les trouvons chez un Charles-Quint, chez un Philippe II d’Espagne, et en France dans le pa
399 ls, nous les trouvons chez un Charles-Quint, chez un Philippe II d’Espagne, et en France dans le parti des Guise, dans la
400 Philippe II d’Espagne, et en France dans le parti des Guise, dans la Ligue. Plus tard, c’est ce même esprit qui obtiendra q
401 ’édit de Nantes, au nom du mot d’ordre unitaire : une foi, une loi, un roi. Et l’on célébrera « la France toute catholique
402 Nantes, au nom du mot d’ordre unitaire : une foi, une loi, un roi. Et l’on célébrera « la France toute catholique sous le r
403 u nom du mot d’ordre unitaire : une foi, une loi, un roi. Et l’on célébrera « la France toute catholique sous le règne de
404 ève la tête, en tous pays, nous le voyons adopter une politique toute différente. Il ne tombe jamais dans le piège d’oppose
405 is dans le piège d’opposer à l’absolutisme romain un absolutisme réformé. Au contraire. Qu’il s’agisse de la Transylvanie
406 qui devient l’âme de la résistance au centralisme des Habsbourg, qu’il s’agisse des Provinces-Unies des Pays-Bas ; qu’il s’
407 ance au centralisme des Habsbourg, qu’il s’agisse des Provinces-Unies des Pays-Bas ; qu’il s’agisse des fédérations de défe
408 des Habsbourg, qu’il s’agisse des Provinces-Unies des Pays-Bas ; qu’il s’agisse des fédérations de défense constituées par
409 des Provinces-Unies des Pays-Bas ; qu’il s’agisse des fédérations de défense constituées par les huguenots ; ou de nos jour
410 s par les huguenots ; ou de nos jours, bien que d’ une manière plus vague, des États-Unis d’Amérique et de l’Empire anglais
411 de nos jours, bien que d’une manière plus vague, des États-Unis d’Amérique et de l’Empire anglais avec ses libres dominion
412 ’on voit les protestants revendiquer et appliquer un système politique souple et vivant, respectueux des diversités, c’est
413 n système politique souple et vivant, respectueux des diversités, c’est-à-dire fédéraliste. Les synodes réformés de France,
414 xvie siècle, préconisèrent à plusieurs reprises des projets d’organisation fédérative du Royaume, avec large autonomie de
415 ation fédérative du Royaume, avec large autonomie des communes à la base, et au sommet, contrôle du pouvoir royal par un or
416 base, et au sommet, contrôle du pouvoir royal par un organe plus ou moins inspiré du stathoudérat hollandais. Et n’est-ce
417 ier, sous Henry IV, conçut le « Grand Dessein » d’ une fédération européenne ? Certes, les historiens attribuent à ces faits
418 e ? Certes, les historiens attribuent à ces faits des causes politiques précises. Ils disent que la Réforme a triomphé surt
419 e état d’esprit qui explique à la fois le respect des diversités en politique, et le respect des personnes dans la vie priv
420 espect des diversités en politique, et le respect des personnes dans la vie privée. L’un entraîne l’autre, l’un ne va pas s
421 e va pas sans l’autre. Nous pouvons le vérifier d’ une autre manière encore. Qui dit respect des personnes, dit préoccupatio
422 ifier d’une autre manière encore. Qui dit respect des personnes, dit préoccupation de les éduquer. Et vous savez que les pr
423 es d’éducation furent dès le début le grand souci des réformés. Calvin fonde le Collège de Genève en pleine période de guer
424 llège de Genève en pleine période de guerre, dans une ville assiégée. Par contre, on sait que les jésuites, triomphant dans
425 favorisé très sérieusement le libre développement des vocations chez leurs élèves… Mais je m’en voudrais d’insister sur cet
426 art trop belle. Contentons-nous de le poser comme un repère. Ce que je voulais dégager, c’est que la doctrine réformée pré
427 itique du fédéralisme : la liberté de chacun dans une action commune, l’équilibre vivant des tons complémentaires, l’union
428 hacun dans une action commune, l’équilibre vivant des tons complémentaires, l’union dans la diversité. II Maintenant
429 de cela qu’il s’agit. L’histoire n’est jamais qu’ un tremplin pour mieux sauter en plein cœur de l’actuel. Comment situer
430 s le savez, ne s’est jamais préoccupé de la forme des gouvernements. Il insiste à maintes reprises sur le fait que monarchi
431 obéies comme telles. Une fois cependant il marque une préférence, mais de l’ordre le plus général. C’est lorsqu’il écrit :
432 lleur état de gouvernement est celui-là où il y a une liberté bien tempérée et pour durer longuement. » Il me semble que le
433 joutant cette précision : ce n’est pas la forme d’ un État qui compte, mais bien la condition qu’il ménage à l’Église, et l
434 frontent aujourd’hui. Le premier groupe est celui des nations qui respectent l’Église et la personne. Nous y trouvons des f
435 spectent l’Église et la personne. Nous y trouvons des formes de gouvernement aussi disparates que possible : d’abord les ci
436 terre ; puis l’unique monarchie catholique, celle des Belges ; les quatre monarchies orthodoxes des Balkans ; deux républiq
437 lle des Belges ; les quatre monarchies orthodoxes des Balkans ; deux républiques démocratiques seulement, la Suisse et la F
438 ogne, Hongrie et Portugal. (On ose à peine parler des Tchèques, déjà plus qu’à moitié colonisés.) En face de ce groupement
439 forme, sinon quant à l’esprit, se dresse le bloc des trois États totalitaires, — que menace de rejoindre l’Espagne. Laisso
440 e l’Église et l’État n’avait jamais été établie d’ une manière satisfaisante. Le tsar par exemple, était à la fois chef de l
441 que je viens de nommer souffraient, eux aussi, à des degrés divers, et pour mille raisons très complexes, de l’un ou l’aut
442 le, le sentiment que l’État et l’Église formaient un tout et constituaient à eux deux le Pouvoir. Renverser l’un, c’était
443 de reprendre à son compte à la fois l’autorité d’ un chef d’Église et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’une Révo
444 ois l’autorité d’un chef d’Église et le pouvoir d’ un chef d’État. Chacun sait qu’une Révolution copie toujours inconsciemm
445 se et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’ une Révolution copie toujours inconsciemment la structure du pouvoir qu’e
446 car la religion dont ils étaient les chefs était une religion de guerre, possédant toute la virulence des corps chimiques
447 religion de guerre, possédant toute la virulence des corps chimiques à l’état naissant. D’autre part, l’instauration de ce
448 élites civiques conscientes de leur mission. Dans un essai publié en 1928, et intitulé L’Espagne invertébrée, le grand écr
449 ci de commun qu’elles souffrent toutes les deux d’ un manque évident et permanent d’individualités marquantes, … de personn
450 e ces pays, du fait de ce qu’il nomme « l’absence des meilleurs », ne saurait être que l’absolutisme. Or, si nous nous rapp
451 ance, n’a jamais été signalé : c’est qu’il existe une forme de fascisme correspondant à la Russie orthodoxe, une autre corr
452 de fascisme correspondant à la Russie orthodoxe, une autre correspondant à l’Allemagne luthérienne, et deux autres corresp
453 pays « calvinistes » ou simplement influencés par des éléments calvinistes, même laïcisés, comme c’est le cas de la France
454 en tant qu’Église vivante, il reste dans le pays une empreinte césaropapiste, d’où l’État totalitaire. Mais lorsque le cal
455 alitaire. Mais lorsque le calvinisme cesse d’être une foi vivante, il laisse derrière lui une empreinte tout à fait différe
456 se d’être une foi vivante, il laisse derrière lui une empreinte tout à fait différente : une espèce d’individualisme. Nous
457 rrière lui une empreinte tout à fait différente : une espèce d’individualisme. Nous aurons l’occasion d’y revenir tout à l’
458 ccasion d’y revenir tout à l’heure. Car en effet, une opposition aussi radicale et aussi exacte entre la mentalité totalita
459 ire et la mentalité calviniste, va nous permettre une confrontation utile des deux doctrines. Je dis bien utile, et non pas
460 iniste, va nous permettre une confrontation utile des deux doctrines. Je dis bien utile, et non pas simplement intéressante
461 essante. Je ne fais pas ici, vous le sentez bien, une description désintéressée et académique de divers régimes également s
462 abstrait. Je considère l’esprit totalitaire comme une menace terrible pour notre civilisation et plus encore pour nos Églis
463 ul moyen de se défendre — surtout quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est de connaître l’adversaire afin de reconnaî
464 our éviter chez nous, pendant qu’il en est temps, des déviations qui feraient le jeu de l’ennemi. Connaître la doctrine de
465 ntrer par deux exemples dont j’essaierai de tirer des conclusions pratiques. Quelle est la condition faite à l’Église dans
466 remière question est capitale. Car la politique d’ un régime est toujours étroitement dépendante de l’attitude qu’il prend
467 -vis de l’Église et du fait religieux en général. Un régime est totalitaire lorsqu’il prétend centraliser radicalement tou
468 l’autorité spirituelle. Il se transforme alors en une religion politique, ou encore en une politique d’allure religieuse. E
469 rme alors en une religion politique, ou encore en une politique d’allure religieuse. Et d’autant plus que la religion qu’il
470 e la religion qu’il adopte est, comme dans le cas des fascismes et du communisme, une religion de l’ici-bas, une religion s
471 comme dans le cas des fascismes et du communisme, une religion de l’ici-bas, une religion sans transcendance, une religion
472 smes et du communisme, une religion de l’ici-bas, une religion sans transcendance, une religion dont les buts purement terr
473 on de l’ici-bas, une religion sans transcendance, une religion dont les buts purement terrestres ne divergent plus du tout
474 uts purement terrestres ne divergent plus du tout des buts de la politique, et même se confondent avec eux. Alors il n’y a
475 a communauté spirituelle ne peut pas en appeler à une instance supérieure à l’État, puisque c’est lui qui l’a créée pour se
476 ins, et qu’il n’existe rien au-delà. Pour définir une telle communauté, reprenons une des catégories que nous définissions
477 elà. Pour définir une telle communauté, reprenons une des catégories que nous définissions en débutant. La religion politiq
478 Pour définir une telle communauté, reprenons une des catégories que nous définissions en débutant. La religion politique,
479 que religieuse du fascisme, a créé le type même d’ une communauté régressive, c’est-à-dire d’une communauté fondée sur le pa
480 même d’une communauté régressive, c’est-à-dire d’ une communauté fondée sur le passé : le sang, la race, la tradition, les
481 morts ? Religion du sang, religion de la terre et des morts, religion sanglante et mortelle, religion des choses vieilles,
482 s morts, religion sanglante et mortelle, religion des choses vieilles, mortes et enterrées depuis des millénaires, jamais p
483 n des choses vieilles, mortes et enterrées depuis des millénaires, jamais passées, et qui réclament encore du sang, des mor
484 jamais passées, et qui réclament encore du sang, des morts, des cortèges funèbres, des cérémonies d’imprécations, des sacr
485 sées, et qui réclament encore du sang, des morts, des cortèges funèbres, des cérémonies d’imprécations, des sacrifices prop
486 encore du sang, des morts, des cortèges funèbres, des cérémonies d’imprécations, des sacrifices propitiatoires, le tam-tam
487 cortèges funèbres, des cérémonies d’imprécations, des sacrifices propitiatoires, le tam-tam des tambours lugubres, d’halluc
488 ations, des sacrifices propitiatoires, le tam-tam des tambours lugubres, d’hallucinants sabbats de nègres blancs ! Qui oser
489 que ce délire représente l’ordre ? Qui ne voit qu’ une telle religion hait mortellement la foi chrétienne, tournée vers le p
490 ants, exigeants et vigilants, même et surtout sur des points qui paraissent actuellement de peu d’importance. Par exemple :
491 nous, la vertu régénératrice du sang et le culte des morts sacrés, même s’il s’agit, comme c’est le cas, de métaphores ano
492 développements lyriques sur les ossements sacrés des héros suisses, sachons reconnaître les premières racines de quelque c
493 parle, avec les meilleures intentions du monde, d’ une défense spirituelle du pays. Et je suis le premier à l’approuver. Mai
494 a notion de « Suisse chrétienne », défions-nous d’ un certain enthousiasme qui nous ferait tomber à pieds joints dans la fa
495 e confusion du temporel et du spirituel. Parler d’ une Suisse chrétienne quand beaucoup de Suisses sont incroyants, cela mèn
496 ans la pratique, à l’utilisation de l’Église pour des fins politiques, c’est-à-dire au césaropapisme. Si le mot d’ordre « S
497 e ne peut être que par l’Église seule, et non par un parti, et non par l’État fédéral. Une « Suisse chrétienne », ce serai
498 , et non par un parti, et non par l’État fédéral. Une « Suisse chrétienne », ce serait une Suisse dont les citoyens seraien
499 tat fédéral. Une « Suisse chrétienne », ce serait une Suisse dont les citoyens seraient chrétiens. En attendant, sachons ma
500 talitaire. Le fédéralisme, ce n’est pas seulement un pour tous — qui serait une devise fasciste — ce n’est pas seulement t
501 ce n’est pas seulement un pour tous — qui serait une devise fasciste — ce n’est pas seulement tous pour un — qui serait in
502 evise fasciste — ce n’est pas seulement tous pour un — qui serait individualiste —, c’est l’équilibre vivant des deux term
503 serait individualiste —, c’est l’équilibre vivant des deux termes. Ceux qui disent : « Centralisons tout », et ceux qui dis
504 talitaires ? C’est très simple. On a détruit l’un des deux pôles de la personne : celui de la liberté ou de l’autonomie, et
505 e pouvoir deviennent possibles. Certes, l’on crée des ersatz de personnes, de personnalités — des milliers de petits Führer
506 crée des ersatz de personnes, de personnalités —  des milliers de petits Führer — mais c’est l’État et sa mystique qui les
507 rs de là, par elles-mêmes. Cette manière de créer des personnalités s’appelle au vrai : caporalisation. La personne ainsi c
508 on. La personne ainsi comprise n’est plus rien qu’ une persona au sens romain, un rôle, un masque, une fonction extérieure,
509 se n’est plus rien qu’une persona au sens romain, un rôle, un masque, une fonction extérieure, c’est-à-dire un individu em
510 plus rien qu’une persona au sens romain, un rôle, un masque, une fonction extérieure, c’est-à-dire un individu embrigadé,
511 u’une persona au sens romain, un rôle, un masque, une fonction extérieure, c’est-à-dire un individu embrigadé, et non pas u
512 un masque, une fonction extérieure, c’est-à-dire un individu embrigadé, et non pas une vocation. Milliers de masques durs
513 e, c’est-à-dire un individu embrigadé, et non pas une vocation. Milliers de masques durs, volontairement durcis, de ces jeu
514 i n’ont plus d’héroïsme civique. Militarisation d’ un peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique, d’une véritable civili
515 peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique, d’ une véritable civilisation. Qu’allons-nous opposer à cela ? Tout simpleme
516 préventive, inattaquable tant qu’elle reste pure, des personnes librement solidaires, telles qu’en forme l’éthique protesta
517 te pure ! Car de même que le culte de la terre et des morts, pour peu qu’il vienne à s’accentuer, risque de nous conduire u
518 ’il vienne à s’accentuer, risque de nous conduire un jour par une voie directe au fascisme, une certaine déviation de notr
519 s’accentuer, risque de nous conduire un jour par une voie directe au fascisme, une certaine déviation de notre morale, un
520 onduire un jour par une voie directe au fascisme, une certaine déviation de notre morale, un certain culte de la personnali
521 fascisme, une certaine déviation de notre morale, un certain culte de la personnalité en soi, un certain individualisme, r
522 rale, un certain culte de la personnalité en soi, un certain individualisme, risquent aussi de nous y conduire, cette fois
523 squent aussi de nous y conduire, cette fois-ci, d’ une manière indirecte, du simple fait qu’ils affaiblissent nos résistance
524 êmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous d’ une certaine manière trop humaine de prôner ou de laisser prôner le prote
525 moralisme, le culte de nos vertus utilisées pour des fins purement humaines. À force de louer la Réforme d’avoir été, comm
526 de louer la Réforme d’avoir été, comme on dit, «  une pépinière d’individualités et de caractères bien trempés », nous cour
527 é n’est bien souvent que le résidu, l’empreinte d’ une personne sur un individu qui ne croit plus à sa vocation, et qui a si
528 ent que le résidu, l’empreinte d’une personne sur un individu qui ne croit plus à sa vocation, et qui a simplement été for
529 à sa vocation, et qui a simplement été formé par une éducation et une ambiance protestante. Il y a trop de ces gloires dit
530 t qui a simplement été formé par une éducation et une ambiance protestante. Il y a trop de ces gloires dites protestantes q
531 ites protestantes qu’on annexe, qu’on recense par une sorte de nationalisme huguenot, de ces hommes qui sont simplement « s
532 oup de personnalités. Cela constitue dans la cité des tissus sains, et c’est une sauvegarde appréciable contre la contamina
533 constitue dans la cité des tissus sains, et c’est une sauvegarde appréciable contre la contamination totalitaire. Mais du p
534 s tarir les sources vives de la Réforme. Et puis, une personnalité en soi, sans vocation, ce n’est rien de plus, après tout
535 s vocation, ce n’est rien de plus, après tout, qu’ un individu aux caractères accusés. Ainsi l’on glisse du calvinisme à l’
536 ien commun, phénomène typiquement individualiste. Un dernier exemple vous fera sentir, je crois, toute l’importance pratiq
537 e et personnalité. Hitler peut former, lui aussi, des personnalités énergiques, mais ce qu’il ne peut ni ne veut former, ce
538 u’il ne peut ni ne veut former, ce sont justement des personnes, des vocations irréductibles aux ambitions spirituelles de
539 ne veut former, ce sont justement des personnes, des vocations irréductibles aux ambitions spirituelles de l’État. Ces per
540 ls sérieux, et il le sait ! Si Niemöller est dans un camp de concentration, prisonnier personnel du Führer, ce n’est point
541 cune raison de lui laisser le bénéfice exclusif d’ une telle clairvoyance. Il est temps de tirer, en deux mots, la conclusi
542 stance au paganisme politique. Ceci nous charge d’ une responsabilité devant l’Histoire. Que devons-nous faire pour nous mon
543 -nous faire pour nous montrer à peu près dignes d’ une telle charge ? Simplement, mais aussi rigoureusement, et dans toute l
544 ce du terme, redevenir de véritables protestants. Un véritable protestant, les faits le prouvent, sera toujours l’adversai
545 Ceci ne signifie pas que l’Église ait à proposer un programme comme tant d’autres, mais bien qu’elle doit marquer en tout
546 orme. Calvin combattait sur deux fronts, au nom d’ une position non point centriste, mais centrale. Nous, de même, reprenons
547 e nous devons le vaincre, en nous, chez nous, par une espèce de croisade intérieure. Le chrétien est celui qui n’a pas d’au
548 raindre que l’ennemi qu’il porte en lui-même. Car un ennemi visible et extérieur, ce n’est jamais que l’incarnation d’une
549 et extérieur, ce n’est jamais que l’incarnation d’ une possibilité secrète, d’une tentation que chacun souffre dans son cœur
550 is que l’incarnation d’une possibilité secrète, d’ une tentation que chacun souffre dans son cœur. Alors seulement, purifiés
551 ersonnes —, nous pourrons répéter la fière devise des vieux huguenots : « Tant plus à me frapper l’on s’amuse, tant plus de
552 de marteaux l’on y use. » 2. Texte intégral d’ une conférence prononcée au mois de janvier 1939 à Bâle, Neuchâtel, Lausa
9 1939, Articles divers (1938-1940). Le théâtre communautaire en Suisse (1939)
553 êts, portants de rochers, grandiose toile de fond des Alpes ? Serait-ce plutôt que le sérieux de nos mœurs, notre fameuse m
554 e nos mœurs, notre fameuse méfiance du décorum et des attitudes concertées, nécessite et provoque une réaction qui trouvera
555 t des attitudes concertées, nécessite et provoque une réaction qui trouverait sur la scène son lieu privilégié ? Serait-ce
556 blème du théâtre actuel. Nous voyons naître l’ère des masses sur les ruines de l’individualisme, et cela dans tous les doma
557 eu sacral et militaire. Tout récemment, le chef d’ un des États voisins posait la première pierre d’une arène destinée à 40
558 sacral et militaire. Tout récemment, le chef d’un des États voisins posait la première pierre d’une arène destinée à 400 00
559 ’un des États voisins posait la première pierre d’ une arène destinée à 400 000 spectateurs. Il est clair que de telles prop
560 alysait les conflits intérieurs de la bourgeoisie des grandes villes ; le théâtre collectiviste symbolise les conflits poli
561 tiviste symbolise les conflits politiques au sein des foules des grandes nations. Or, nous n’avons pas de grandes villes, e
562 bolise les conflits politiques au sein des foules des grandes nations. Or, nous n’avons pas de grandes villes, et nous ne s
563 vons pas de grandes villes, et nous ne sommes pas une grande nation. La seule voie qui nous reste ouverte est celle d’un th
564 La seule voie qui nous reste ouverte est celle d’ un théâtre de groupes — non d’individus, ni de masses — correspondant à
565 ai de concrétiser ce point de vue par l’exemple d’ un drame que j’ai conçu plus ou moins consciemment selon ces directives.
566 t selon ces directives. J’ai cherché tout d’abord un sujet qui fît intervenir des forces individuelles mais engagées dans
567 cherché tout d’abord un sujet qui fît intervenir des forces individuelles mais engagées dans une communauté réelle. J’ai c
568 venir des forces individuelles mais engagées dans une communauté réelle. J’ai cherché, en second lieu, à tenir compte des c
569 lle. J’ai cherché, en second lieu, à tenir compte des conditions de fait qui m’étaient imposées par l’occasion de la représ
570 . Or, si ce solitaire a été grand, c’est parce qu’ un jour il a tout sacrifié au salut de la communauté. Le paradoxe centra
571 au salut de la communauté. Le paradoxe central d’ une pièce sur Nicolas, sa tension créatrice, réside donc dans ce fait, qu
572 ce fait, qui rappelle notre devise confédérale : un seul peut être utile à tous. La traduction spectaculaire de cette don
573 traduction spectaculaire de cette donnée propose un nouveau paradoxe : je dispose d’une scène de 30 mètres de largeur, qu
574 donnée propose un nouveau paradoxe : je dispose d’ une scène de 30 mètres de largeur, qui ne peut être occupée que par une f
575 tres de largeur, qui ne peut être occupée que par une foule, mais en même temps, l’action doit graviter autour d’un héros s
576 is en même temps, l’action doit graviter autour d’ un héros solitaire. D’où la nécessité de recourir à des chœurs, qui peup
577 héros solitaire. D’où la nécessité de recourir à des chœurs, qui peuplent et animent de grands espaces, tout en concentran
578 ands espaces, tout en concentrant l’attention sur un ou deux personnages dominants, les autres rôles n’étant qu’épisodique
579 problème tout à fait analogue qui se posait lors des Jeux olympiques.) Or, il se trouve, par chance, que l’élément choral
580 é d’écrire ce drame. Il existe en effet chez nous des chœurs mixtes de premier ordre à La Chaux-de-Fonds et au Locle ; un c
581 e premier ordre à La Chaux-de-Fonds et au Locle ; un chœur d’enfants dans la région de Neuchâtel ; enfin un petit ensemble
582 œur d’enfants dans la région de Neuchâtel ; enfin un petit ensemble d’excellents amateurs de musique plus savante : le chœ
583 euchâtel même. J’utiliserai donc, pour mon drame, une masse chorale qui représentera le Monde, et qui agira sur le degré in
584 de la scène à trois plans dont j’ai vu le projet. Une masse plus réduite agira sur le degré médian, de concert avec le chœu
585 ront les Suisses et les enfants de Nicolas. Enfin un petit chœur caché derrière le degré supérieur — le plan de la Solitud
586 acte, Nicolas sacrifie sa solitude pour le salut des Suisses : il descend du plan 3 au plan 2. Deux mots à propos de la mu
587 ste que communautaire. Elle présente par ailleurs un gros défaut technique : il est très difficile de marier un bon texte
588 éfaut technique : il est très difficile de marier un bon texte à des éléments spectaculaires trop lents et trop vastes, qu
589  : il est très difficile de marier un bon texte à des éléments spectaculaires trop lents et trop vastes, qui accaparent tou
590 soit pour souligner le sentiment qui se dégage d’ un dialogue, soit pour créer une atmosphère qui appelle l’action du héro
591 ment qui se dégage d’un dialogue, soit pour créer une atmosphère qui appelle l’action du héros. Elle n’est plus décorative,
592 fanfaristes de La Chaux-de-Fonds ; dames cousant des costumes ; choristes des montagnes et du vignoble — le fédéralisme ne
593 de-Fonds ; dames cousant des costumes ; choristes des montagnes et du vignoble — le fédéralisme ne perdit jamais ses droits
594 ntervenue, tout s’est trouvé suspendu à la veille des représentations de Zurich. Il est donc encore impossible d’estimer la
595 eur — et c’est bien cela qui me permet d’invoquer un exemple aussi personnel ! — une leçon se dégage de notre effort : nul
596 permet d’invoquer un exemple aussi personnel ! —  une leçon se dégage de notre effort : nulle part, ailleurs qu’en Suisse,
597 , il n’eût été possible d’imaginer et de réaliser un spectacle de cette envergure, et de le rendre populaire. Ce sont les
10 1939, Articles divers (1938-1940). Un quart d’heure avec M. Denis de Rougemont : Hitler, grand-prêtre de l’Allemagne (11 janvier 1939)
598 Un quart d’heure avec M. Denis de Rougemont : Hitler, grand-prêtre de l’
599 quoi il a attendu ce temps pour le publier. C’est un journal où j’ai noté pour moi-même mes impressions sur ce que je voya
600 que je voyais et sur ce que j’entendais, pendant un séjour de huit mois dans une grande ville d’Allemagne en 1935-1936. Q
601 j’entendais, pendant un séjour de huit mois dans une grande ville d’Allemagne en 1935-1936. Que valaient ces impressions ?
602 je n’étais pas sûr qu’elles n’eussent pas décrit des aspects passagers du régime. Les choses vont peut-être changer, me di
603 Pour savoir si j’avais observé, sur l’Allemagne, une vérité durable, il fallait attendre. J’ai attendu. La vérité durable
604 é durable avait chance, alors, d’apparaître comme une vérité essentielle. C’est celle que votre livre met en évidence : que
605 livre met en évidence : que le fait hitlérien est un fait religieux. Oui. Cela a été déjà beaucoup dit. N’importe. Il ne f
606 ue le socialisme économique n’est que la moitié d’ une doctrine : l’État ne sera maître de l’argent que s’il est maître des
607 at ne sera maître de l’argent que s’il est maître des esprits. Un État totalitaire ne peut pas être totalitaire à moitié. I
608 ître de l’argent que s’il est maître des esprits. Un État totalitaire ne peut pas être totalitaire à moitié. Il lui faut l
609 re à moitié. Il lui faut la fameuse confiance, et une confiance disciplinée, à toute épreuve. Seule, la mystique nationalis
610 s’est imposée à moi que le jour où j’ai assisté à un discours du Führer, en présence de 40 000 personnes. Mais, ce jour-là
611 ous, à l’âme collective ? Est-ce que ce n’est pas une formule grandiloquente pour désigner l’absence d’âme personnelle chez
612 d’âme personnelle chez les individus charriés par une foule ? » Il m’a répondu : « Allez écouter le Führer, nous en reparle
613 ührer, nous en reparlerons ensuite ». Est-ce donc une révélation que de voir Hitler ? Ce qui est une révélation, ce qui, du
614 nc une révélation que de voir Hitler ? Ce qui est une révélation, ce qui, du moins, en a été une pour moi, c’est de voir qu
615 ui est une révélation, ce qui, du moins, en a été une pour moi, c’est de voir quels liens unissent Hitler à une foule à laq
616 moi, c’est de voir quels liens unissent Hitler à une foule à laquelle il parle. Essayez de vous représenter une salle imme
617 à laquelle il parle. Essayez de vous représenter une salle immense qui est soudain plongée dans la pénombre, tandis qu’un
618 i est soudain plongée dans la pénombre, tandis qu’ un coup de projecteur fait apparaître un petit homme au sourire extatiqu
619 , tandis qu’un coup de projecteur fait apparaître un petit homme au sourire extatique. Et tandis que cet homme s’avance le
620 is que cet homme s’avance lentement, en saluant d’ un geste épiscopal, quarante mille bras se lèvent, et le tonnerre rythmé
621 rante mille bras se lèvent, et le tonnerre rythmé des heil commence. Et cela dure plusieurs minutes, ce qui est très long,
622 que commence le chant du Horst Wessel Lied, comme un cantique. C’est alors que j’ai compris. Je me croyais à un meeting de
623 ue. C’est alors que j’ai compris. Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifestation politique. Mais c’est leur
624 leur culte que ces Allemands célébraient. C’était une liturgie qui se déroulait, c’était la grande cérémonie sacrale d’une
625 déroulait, c’était la grande cérémonie sacrale d’ une religion dont je me sentais écrasé. L’âme des masses, oui, j’ai compr
626 e d’une religion dont je me sentais écrasé. L’âme des masses, oui, j’ai compris alors ce que c’était : j’ai entendu son râl
627 ’était : j’ai entendu son râle d’amour, le râle d’ une nation possédée par l’homme au sourire extasié. Mais cet homme lui-mê
628 ebout dans sa voiture qui longeait très lentement une rue étroite. Une seule chaîne de SS le séparait de la foule. J’étais
629 ture qui longeait très lentement une rue étroite. Une seule chaîne de SS le séparait de la foule. J’étais au premier rang,
630 e. J’étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireur l’eût descendu très facilement. Mais ce bon tireur ne s’es
631 propres réflexions ? C’est qu’on ne tire pas sur un homme qui n’est rien et qui est tout. On ne tire pas sur un petit-bou
632 ui n’est rien et qui est tout. On ne tire pas sur un petit-bourgeois qui est le rêve de 60 millions d’hommes. On tire sur
633 est le rêve de 60 millions d’hommes. On tire sur un tyran, ou sur un roi, mais les fondateurs de religion sont réservés à
634 0 millions d’hommes. On tire sur un tyran, ou sur un roi, mais les fondateurs de religion sont réservés à d’autres catastr
635 attentats contre Hitler, c’est qu’Hitler n’est ni un tyran ni un roi, mais un fondateur de religion. Cependant, tout ne s’
636 ntre Hitler, c’est qu’Hitler n’est ni un tyran ni un roi, mais un fondateur de religion. Cependant, tout ne s’explique pas
637 c’est qu’Hitler n’est ni un tyran ni un roi, mais un fondateur de religion. Cependant, tout ne s’explique pas par le senti
638 r, par les lois économiques, les forces relatives des partis et des classes avant 1933, les circonstances politiques de l’E
639 s économiques, les forces relatives des partis et des classes avant 1933, les circonstances politiques de l’Europe, le trai
640 e le phénomène fondamental de la reconstruction d’ une communauté autour d’un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif d’une
641 al de la reconstruction d’une communauté autour d’ un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif d’une tyrannie, au sens poli
642 r d’un sentiment sacré. Et ce n’est pas la soif d’ une tyrannie, au sens politique et légal, qui a jeté l’Autriche dans les
643 rer. Mais c’est l’attraction passionnée qu’exerce une religion naissante, si basse qu’elle soit, sur les masses décomposées
644 asse qu’elle soit, sur les masses décomposées par des siècles d’individualisme. J’ai reçu récemment d’Allemagne une lettre
645 d’individualisme. J’ai reçu récemment d’Allemagne une lettre qui ne dit rien d’autre que ce que je viens de vous exposer br
646 e je viens de vous exposer brièvement. Elle est d’ un jeune national-socialiste, qui m’explique d’abord que le régime hitlé
647 a pauvreté et le malheur ne peuvent expliquer que des phénomènes extérieurs. La raison profonde d’un mouvement comme le nôt
648 e des phénomènes extérieurs. La raison profonde d’ un mouvement comme le nôtre est irrationnelle. Nous voulions croire à qu
649 cette force-là ? Rien d’efficace, si ce n’est pas une force spirituelle. Rien de pratique, si ce n’est un grand effort mora
650 force spirituelle. Rien de pratique, si ce n’est un grand effort moral. Quand j’ai envoyé à des amis de France le récit d
651 n’est un grand effort moral. Quand j’ai envoyé à des amis de France le récit de la journée où j’ai vu Hitler en communion
652 s toujours que le problème est là : c’est celui d’ une renaissance spirituelle qui ne peut se faire sans une foi. n. Roug
653 renaissance spirituelle qui ne peut se faire sans une foi. n. Rougemont Denis de, « [Entretien] Hitler, grand-prêtre de
11 1939, Articles divers (1938-1940). Qui est Hitler ? (24 février 1939)
654 Hitler ? (24 février 1939)p La grande majorité des Français pensent que le Führer est un végétarien belliqueux qui resse
655 e majorité des Français pensent que le Führer est un végétarien belliqueux qui ressemble à Charlie Chaplin et qui est doué
656 qui ressemble à Charlie Chaplin et qui est doué d’ une voix de stentor fanatique, particulièrement désagréable aux oreilles
657 agréable aux oreilles latines. La grande majorité des Allemands pensent au contraire que le Führer est un homme simple et b
658 Allemands pensent au contraire que le Führer est un homme simple et bon, quoique énergique, sorti du peuple, assoiffé de
659 lemande, et redresseur de tous les torts : le pur des purs. En présence des brutalités commises par les sous-ordres du part
660 s sous-ordres du parti, il arrive bien souvent qu’ un Allemand dise : « Si le Führer savait cela, tout changerait ! » C’est
661 u panégyrique et à la caricature, j’opposerai ici un témoignage limité, mais authentique. J’ai entendu Hitler pendant une
662 té, mais authentique. J’ai entendu Hitler pendant une heure et demie, à peu de distance de sa tribune, et je l’ai vu à la s
663 ebout dans sa voiture qui longeait très lentement une rue étroite, mal éclairée. Une seule chaîne de miliciens le séparait
664 ait très lentement une rue étroite, mal éclairée. Une seule chaîne de miliciens le séparait de la foule. J’étais au premier
665 e. J’étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireur l’eût descendu très facilement. Mais ce bon tireur ne s’es
666 l n’aurait sans doute pas réussi à fanatiser tout un peuple. Une certaine forme de bêtise convaincue est seule capable de
667 sans doute pas réussi à fanatiser tout un peuple. Une certaine forme de bêtise convaincue est seule capable de s’imposer à
668 de s’imposer à de grandes masses rassemblées par des passions élémentaires. Mais ce qu’il faut souligner, c’est qu’un « gé
669 mentaires. Mais ce qu’il faut souligner, c’est qu’ un « génie » n’a pas toujours besoin d’intelligence. Or, on doit tenir l
670 d’intelligence. Or, on doit tenir le Führer pour un génie, dans un certain sens, bien précis : c’est un homme qui a su pr
671 . Or, on doit tenir le Führer pour un génie, dans un certain sens, bien précis : c’est un homme qui a su pressentir l’inco
672 génie, dans un certain sens, bien précis : c’est un homme qui a su pressentir l’inconsciente angoisse de son peuple, et i
673 te angoisse de son peuple, et incarner à ses yeux un symbole d’espérance, de vengeance et de force collective. Un tel géni
674 d’espérance, de vengeance et de force collective. Un tel génie ne compte plus en tant qu’individu. Il ne s’appartient plus
675 ui offrit le pouvoir. Qu’est-il donc ? Selon l’un des théoriciens du iiie Reich, il est « celui qu’on ne peut pas définir 
676 mme je le disais, qui n’est rien et qui est tout. Un lieu de passage des forces de l’Histoire, le catalyseur de ces forces
677 ui n’est rien et qui est tout. Un lieu de passage des forces de l’Histoire, le catalyseur de ces forces, qui sont là dressé
678 est la surhumaine énergie qu’il développe pendant un discours. Une énergie de cette nature, on sent très bien qu’elle n’ap
679 aine énergie qu’il développe pendant un discours. Une énergie de cette nature, on sent très bien qu’elle n’appartient pas à
680 s, comme tel, n’est que le support ou le médium d’ une puissance qui échappe à nos psychologies. Voilà de quoi déconcerter n
681 s bien marqués a pu devenir l’incarnation du rêve des masses, c’est uniquement parce qu’il a su répondre à l’attente angois
682 iée, misérable et déçue, et qui cherchait partout des raisons de croire et d’espérer, des raisons de se dévouer corps et âm
683 chait partout des raisons de croire et d’espérer, des raisons de se dévouer corps et âme à un absolu. Il s’est donné pour l
684 espérer, des raisons de se dévouer corps et âme à un absolu. Il s’est donné pour l’Absolu, la Providence, le Destin des Al
685 est donné pour l’Absolu, la Providence, le Destin des Allemands. Il a fait des miracles et dit des prophéties — et elles se
686 la Providence, le Destin des Allemands. Il a fait des miracles et dit des prophéties — et elles se sont réalisées — non pas
687 stin des Allemands. Il a fait des miracles et dit des prophéties — et elles se sont réalisées — non pas au nom du Christ, m
688 réalisées — non pas au nom du Christ, mais au nom des idoles, au nom de la race aryenne, de l’orgueil germanique, et de la
689 érisme en Allemagne n’est autre que la résistance des Églises chrétiennes. Le second, c’est que le chef de l’Église confess
690 c’est que le chef de l’Église confessante (Union des luthériens et calvinistes allemands), le pasteur Martin Niemöller, es
691 ans. Cas unique, à ma connaissance, et qui revêt une signification extraordinaire dans sa simplicité. Mieux que toutes les
692 tribes, ce symbole juge le Troisième Reich. C’est un signe de Dieu dans notre histoire confuse. p. Rougemont Denis de,
12 1939, Articles divers (1938-1940). Il y a toujours des directeurs de conscience en Occident (juin 1939)
693 Il y a toujours des directeurs de conscience en Occident (juin 1939)q r I. La pre
694 usement et par principe aux lettres de lecteurs : un Gide, un Claudel… Ils sont rares. Restent les médecins de famille : c
695 t par principe aux lettres de lecteurs : un Gide, un Claudel… Ils sont rares. Restent les médecins de famille : ce n’est p
696 rices de magazines féminins me paraissent exercer une activité précise de direction morale, par consultations personnelles.
697 rsonnelles. Quant aux meneurs, ce sont évidemment des directeurs d’inconscience collective. Leur méthode consiste à anesthé
698 pouvoir les saisir dans leur réalité singulière, une à une. Cette solution, qui consiste à supprimer brutalement les donné
699 ir les saisir dans leur réalité singulière, une à une . Cette solution, qui consiste à supprimer brutalement les données du
700 elle-même de la multiplicité et de l’impuissance des ersatz de prêtres et de pasteurs que vous énumérez. II. Mon pri
701 55, écrivait : « Si l’on veut réellement conduire un homme à un but défini, il faut avant tout se préoccuper de le prendre
702 t : « Si l’on veut réellement conduire un homme à un but défini, il faut avant tout se préoccuper de le prendre là où il e
703 le secret de tout secours… Pour aider réellement un homme, il faut que j’en sache davantage que lui, mais il faut avant t
704 rd) Qu’est-ce en effet que diriger ? C’est donner un sens. Or tout sens est défini par deux points : le point de départ et
705 tage que lui », c’est-à-dire qu’il doit connaître un but de vie meilleur. S’il est vrai que d’abord, il s’agit de partir d
706 science se trouve subordonnée à la connaissance d’ un but auquel il faut conduire cet homme réel. La direction de conscienc
707 nscience sans orthodoxie. Et à l’inverse ; dès qu’ une orthodoxie se remet à sévir, la fonction de directeur de conscience r
708 r l’anarchie individualiste. Elles se fondent sur une doctrine du Prolétariat, ou de la Race, ou de l’Empire, ou de la Nati
709 mme il s’agit de fins partielles, n’embrassant qu’ une partie de la conscience humaine ou de ses déterminations, ces orthodo
710 e force sur les consciences ; elles leur imposent des déformations violentes et littéralement monstrueuses. Sur quoi vous p
711 oi vous proposez, bien entendu, « l’invention » d’ une orthodoxie « universaliste », seule capable de « dépasser et dominer 
712 rtielles à prétentions totalitaires. Et en effet, une doctrine réellement universaliste, c’est-à-dire embrassant le tout de
713 à les former, à les conduire vers leur plénitude. Un universalisme est donc souhaitable. Et tout le monde est d’accord pou
714 ord pour le souhaiter. Mais qui peut « inventer » une orthodoxie ? Et surtout « universaliste » ? Il y faudrait un homme un
715 ie ? Et surtout « universaliste » ? Il y faudrait un homme universel, nouvel Adam indemne et pur, libre de toute partialit
716 expérience, et qui, vainqueur du temps, verrait d’ un seul regard nos origines et nos fins dernières, d’où nous venons, où
717 dement dans le plan terrestre, dans l’homme. Seul un point qui serait au-delà de notre monde pourrait devenir le point de
718 s actes et de tous nos espoirs. Mais alors, c’est un objet de foi, car il échappe aux prises de notre esprit non moins qu’
719 liste dans son élan et dans son espérance au-delà des diversités confessionnelles et dogmatiques3. Elle est réellement tota
720 tude universelle : Dieu tout en tous. Au regard d’ une telle foi, toute autre « fin » paraît trop courte. Viser ailleurs qu’
721 r ailleurs qu’au soleil, c’est toujours tirer sur des hommes. Mais je n’entends pas parler d’un retour à une église, et enc
722 er sur des hommes. Mais je n’entends pas parler d’ un retour à une église, et encore moins d’un retour au christianisme. Ce
723 ommes. Mais je n’entends pas parler d’un retour à une église, et encore moins d’un retour au christianisme. Ce serait émett
724 arler d’un retour à une église, et encore moins d’ un retour au christianisme. Ce serait émettre un non-sens. La foi est to
725 s d’un retour au christianisme. Ce serait émettre un non-sens. La foi est toujours en avant, elle s’élance vers les « chos
726 , sans démonstration, que le fait de la pluralité des orthodoxies chrétiennes est un scandale, mais un scandale dont seuls
727 t de la pluralité des orthodoxies chrétiennes est un scandale, mais un scandale dont seuls les chrétiens confessants peuve
728 des orthodoxies chrétiennes est un scandale, mais un scandale dont seuls les chrétiens confessants peuvent connaître la vr
729 surmonter. q. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Il y a toujours des directeurs de conscience en Occident »,
730 nis de, « [Réponse à une enquête] Il y a toujours des directeurs de conscience en Occident », Volontés, Paris, juin 1939, p
731 lontés, Paris, juin 1939, p. 49-52. r. Réponse à une enquête.
13 1939, Articles divers (1938-1940). Nicolas de Flue vu par Denis de Rougemont (8 juillet 1939)
732 udio parisien, dont les larges fenêtres regardent un des boulevards les plus bruyants de Montmartre, deux hommes penchés s
733 o parisien, dont les larges fenêtres regardent un des boulevards les plus bruyants de Montmartre, deux hommes penchés sur u
734 s bruyants de Montmartre, deux hommes penchés sur une liasse de papier mettent au monde une œuvre nouvelle. Un seul coup d’
735 penchés sur une liasse de papier mettent au monde une œuvre nouvelle. Un seul coup d’œil et on les reconnaît : puissant, ma
736 se de papier mettent au monde une œuvre nouvelle. Un seul coup d’œil et on les reconnaît : puissant, massif, les cheveux n
737 lus replié sur lui-même, le regard intelligent et un visage buriné par de longues méditations, voici Denis de Rougemont qu
738 anuscrits tiennent conseil au centre de la pièce. Des livres envahissent des placards. Une rangée de pipes — toutes espèces
739 eil au centre de la pièce. Des livres envahissent des placards. Une rangée de pipes — toutes espèces et toutes tailles — en
740 de la pièce. Des livres envahissent des placards. Une rangée de pipes — toutes espèces et toutes tailles — en disent long s
741 t long sur la méditation qui a conduit à maturité des chefs-d’œuvre comme : Les Cris du Monde, David, Pacific 231. Sur une
742 omme : Les Cris du Monde, David, Pacific 231. Sur une table s’étale une feuille de papier aux trois quarts achevée : c’est
743 Monde, David, Pacific 231. Sur une table s’étale une feuille de papier aux trois quarts achevée : c’est la partition de N
744 la nouvelle œuvre qu’Honegger met en musique sur un texte de Denis de Rougemont. Elle sera représentée à l’Exposition de
745 lque chose de profondément émouvant dans ce don : un canton offre à son pays une œuvre suisse, faite par un des musiciens
746 émouvant dans ce don : un canton offre à son pays une œuvre suisse, faite par un des musiciens les plus célèbres de son tem
747 nton offre à son pays une œuvre suisse, faite par un des musiciens les plus célèbres de son temps — suisse, ne l’oublions
748 n offre à son pays une œuvre suisse, faite par un des musiciens les plus célèbres de son temps — suisse, ne l’oublions pas
749 de son temps — suisse, ne l’oublions pas — et par un des écrivains les plus intelligents de sa génération. Neuchâtelois de
750 son temps — suisse, ne l’oublions pas — et par un des écrivains les plus intelligents de sa génération. Neuchâtelois de nai
751 re purement théâtral, répond Denis de Rougemont à une de mes questions. Et ces différences sont ? Il a fallu se plier aux c
752 scène, ce qui restreint sensiblement la liberté d’ un auteur. Mais par contre cette limitation oblige à creuser en profonde
753 eux et lourd, car il ne faut pas songer au talent des acteurs pour sauver un texte si besoin est… Et pourquoi donc ? La scè
754 faut pas songer au talent des acteurs pour sauver un texte si besoin est… Et pourquoi donc ? La scène de Zurich est immens
755 La scène de Zurich est immense et se trouve dans une salle ouverte. En outre, la scène comprend trois étages ou, si vous p
756 les effets à obtenir ne seront pas le résultat d’ une action individualiste, mais collective. Et comment avez-vous traduit,
757 pratique, ces nécessités ? M. Denis de Rougemont, un instant, songe, puis répond : Il y a donc un personnage central, c’es
758 ont, un instant, songe, puis répond : Il y a donc un personnage central, c’est Nicolas de Flue. Il évolue du plan inférieu
759 inférieur au plan supérieur et entraîne avec lui un des composants du spectacle, soit la foule, soit le chœur. Il est l’a
760 férieur au plan supérieur et entraîne avec lui un des composants du spectacle, soit la foule, soit le chœur. Il est l’axe a
761 ous en avez certainement pris pour faire du texte une suite s’adaptant à l’action ? Certainement, quand Nicolas de Flue par
762 i. Ses paroles sont très concentrées et expriment une vérité massive qui doit frapper le public… D’ailleurs certaines de ce
763 public… D’ailleurs certaines de ces formules ont un sens général si net qu’elles prennent, de par leur esprit et leur for
764 elles prennent, de par leur esprit et leur forme, une actualité vivante. Mais comment faites-vous pour isoler le personnage
765 as très bien qui a la parole ? C’est fort simple, un seul parle souvent, c’est Nicolas de Flue. On le met en vedette par d
766 , c’est Nicolas de Flue. On le met en vedette par des lumières et les autres composants restent dans la pénombre… Je précis
767 ts d’oratorios et la musique les soutiendra. Seul un mot, parfois une phrase, émergera de la masse sonore. Ce sera comme u
768 t la musique les soutiendra. Seul un mot, parfois une phrase, émergera de la masse sonore. Ce sera comme un cri répété plus
769 hrase, émergera de la masse sonore. Ce sera comme un cri répété plusieurs fois. Et la conversation continue longuement sur
770 urs riches de la mise en scène, du jeu d’acteurs, des réactions de la foule. Ce que Denis de Rougemont pas plus qu’Honegger
771 r n’avouent, c’est la joie qu’ils ont eue à créer une œuvre saine et forte. C’est aussi l’inquiétude d’en connaître les rés
772 de Flue le prouvera en même temps qu’elle donnera une grande leçon de tolérance et d’humanité. s. Rougemont Denis de, « 
14 1939, Articles divers (1938-1940). Du mythe de Tristan et Iseut à l’hitlérisme (14 juillet 1939)
773 province à Paris, installé dans ses meubles, avec une suspension et des draperies qui lui appartinssent en propre ?… Le voi
774 installé dans ses meubles, avec une suspension et des draperies qui lui appartinssent en propre ?… Le voici à Paris pour ma
775 pouvons profiter du petit jardin de la NRF. C’est un lieu ordonné et aménagé avec goût comme tout ce qui touche à la maiso
776 ui touche à la maison de la rue Sébastien-Bottin. Une tonnelle verte invite aux conversations littéraires. Un fin gravier p
777 nelle verte invite aux conversations littéraires. Un fin gravier protège les pieds des hommes de lettres contre un contact
778 ons littéraires. Un fin gravier protège les pieds des hommes de lettres contre un contact salissant avec la glèbe impure. U
779 er protège les pieds des hommes de lettres contre un contact salissant avec la glèbe impure. Une bordure de géraniums roug
780 contre un contact salissant avec la glèbe impure. Une bordure de géraniums rouges offre à l’œil un opportun et gracieux poi
781 re. Une bordure de géraniums rouges offre à l’œil un opportun et gracieux point d’appui. Tout invite à un entretien parfai
782 opportun et gracieux point d’appui. Tout invite à un entretien parfait. Tout, jusqu’au Journal d’André Gide, un fort volum
783 ien parfait. Tout, jusqu’au Journal d’André Gide, un fort volume de treize cents pages qui vient de paraître dans la colle
784 vain est en passe de se faire dans la littérature une place bien à lui et qui n’est pas des moindres. Ce fils de la libre S
785 littérature une place bien à lui et qui n’est pas des moindres. Ce fils de la libre Suisse, qui a hérité de la conscience e
786 cher qu’à la fin du sillon, possède en même temps une ironie affectueuse et amusée qui allège ce que ses sujets et sa maniè
787 gemont anime les plus arides méditations et donne des ailes à la plus austère exégèse. Peut-être est-ce parce qu’il sait « 
788 s, tous liés à l’actualité. Je songe au Journal d’ un intellectuel en chômage, et surtout au Journal d’Allemagne qui fut ac
789 out au Journal d’Allemagne qui fut accueilli avec une telle faveur par tous ceux qui pensent librement. Toutes les question
790 el que beaucoup d’autres. La crise du mariage est un des problèmes les plus brûlants de la société d’aujourd’hui, et c’est
791 que beaucoup d’autres. La crise du mariage est un des problèmes les plus brûlants de la société d’aujourd’hui, et c’est sur
792 en me mettant à l’œuvre. J’ai voulu d’abord faire un livre court traitant du mythe de Tristan et de la décadence de la con
793 Les livres que j’ai lus m’ont mis sur la piste d’ une liaison du mythe de Tristan avec la tradition courtoise, les troubado
794 nt ce qu’il dit. Parfois s’établissent entre nous des silences qui me font dire qu’il a fini et que je dois poser une quest
795 du Collège de sociologie, et en partant non plus des relations économiques, mais de ce qui est sacré dans la sociologie, q
796 e siècle considérait l’amour. Le mythe n’est pas un sujet individuel inventé par un romancier. C’est une légende reprise
797 e mythe n’est pas un sujet individuel inventé par un romancier. C’est une légende reprise dans cinq textes officiels et ce
798 sujet individuel inventé par un romancier. C’est une légende reprise dans cinq textes officiels et certainement dans de pl
799 ait le plus, et j’ai trouvé que c’était la poésie des troubadours. Quant à savoir d’où vient cette dernière, c’est un probl
800 . Quant à savoir d’où vient cette dernière, c’est un problème sur lequel les érudits eux-mêmes sont en désaccord, au point
801 er à toute explication. Mais vous avez sans doute une hypothèse personnelle ? La voici. À la même époque que les troubadour
802 fleurissait dans le Languedoc, en Provence, dans une partie de l’Espagne et de l’Italie, le mouvement cathare. D’après ce
803 are. D’après ce que nous en savons, il comportait des notions tout à fait comparables à celles des troubadours : refus de l
804 tait des notions tout à fait comparables à celles des troubadours : refus de la consommation de l’amour, exaltation de l’am
805 n sait que certains troubadours étaient cathares, des travaux tout à fait récents, publiés en même temps que mon livre, l’o
806 s que mon livre, l’ont établi avec certitude pour un bon tiers d’entre eux. C’est sur des faits de cet ordre et sur toute
807 ertitude pour un bon tiers d’entre eux. C’est sur des faits de cet ordre et sur toute une série d’analogies dans l’expressi
808 ux. C’est sur des faits de cet ordre et sur toute une série d’analogies dans l’expression, que j’ai fondé mon raisonnement.
809 is pas, réplique Denis de Rougemont. La passion a des racines naturelles. L’antiquité et l’Orient connaissaient les mêmes g
810 es, seulement la passion y était considérée comme une maladie ou folie. À partir du xiie siècle, sous l’influence de la my
811 ’influence de la mystique cathare et de la poésie des troubadours, la passion reçoit droit de cité. Elle peut s’exprimer da
812 lle peut s’exprimer dans le langage du mythe sous une forme voilée. Ce seuil une fois franchi, elle se répand à travers tou
813 u’il ne lui déplait pas de se faire le champion d’ un paradoxe. Tristan aime sa passion, explique-t-il. Il n’aime pas Iseut
814 n’est que la projection de l’idéal de l’amant sur un autre être. On ne peut pas épouser une femme comme Iseut, parce qu’al
815 l’amant sur un autre être. On ne peut pas épouser une femme comme Iseut, parce qu’alors on verrait la femme réelle. Iseut é
816 ynthèse possible entre Éros et Agapè ? J’ai tenté une esquisse de synthèse à la fin de mon livre, en partant des mystiques.
817 sse de synthèse à la fin de mon livre, en partant des mystiques. Je traiterai ce problème plus à fond dans un second volume
818 e mon livre montrent que l’étranger s’intéresse à une étude où l’on parle de l’amour sans ironie comme sans sentimentalisme
819 personne. Mon interlocuteur rejette tout de suite une objection possible : Il va sans dire qu’il convient dès l’abord d’éca
820 r lesquelles il se battait. La guerre constituait une espèce de jeu avec des règles, un commencement et une fin, ce qui est
821 ait. La guerre constituait une espèce de jeu avec des règles, un commencement et une fin, ce qui est la définition même du
822 re constituait une espèce de jeu avec des règles, un commencement et une fin, ce qui est la définition même du jeu. Certes
823 espèce de jeu avec des règles, un commencement et une fin, ce qui est la définition même du jeu. Certes, on ne peut pas pas
824 du jeu. Certes, on ne peut pas passer directement des relations individuelles des amants au fait collectif de la guerre. Ma
825 as passer directement des relations individuelles des amants au fait collectif de la guerre. Mais on peut — en usant ici du
826 i les sociétés réagissaient comme l’inconscient d’ un individu. De nombreux faits viennent à l’appui de cette thèse. Les pe
827 ppui de cette thèse. Les peuples connus pour être des peuples guerriers sont aussi les peuples qui aiment l’amour. Les peup
828 en dehors de toute sociologie, bien qu’ayant vécu un drame personnel, n’en ont pas moins exercé sur la nation entière une
829 , n’en ont pas moins exercé sur la nation entière une influence qui se fait sentir aujourd’hui. Vous voulez parler de l’hit
830 ulez parler de l’hitlérisme ? Il y a certainement une source commune à Hitler et aux romantiques allemands ; il y a certain
831 t aux romantiques allemands ; il y a certainement une analogie profonde entre les réactions collectives des Allemands et le
832 analogie profonde entre les réactions collectives des Allemands et les rêves d’un Allemand. Quand les formes se disloquent,
833 éactions collectives des Allemands et les rêves d’ un Allemand. Quand les formes se disloquent, le mythe n’est plus un myth
834 and les formes se disloquent, le mythe n’est plus un mythe, mais une réaction antisociale ; l’anarchie des mœurs aboutit a
835 se disloquent, le mythe n’est plus un mythe, mais une réaction antisociale ; l’anarchie des mœurs aboutit alors fatalement
836 mythe, mais une réaction antisociale ; l’anarchie des mœurs aboutit alors fatalement à une mise au pas faute de laquelle to
837 ; l’anarchie des mœurs aboutit alors fatalement à une mise au pas faute de laquelle toute vie serait impossible. C’est ce q
838 . Je n’ai pas choisi ce qu’on appelle communément un sujet d’actualité, parce que je crois que la véritable signification
839 parce que je crois que la véritable signification des questions qui se posent au niveau le plus profond a été négligée auss
840 cette négligence se venge maintenant en suscitant des mouvements passionnels, tel l’hitlérisme. En homme prudent. Denis de
841 Même si les historiens trouvent que j’ai tort sur un point particulier, précise-t-il, cela m’est indifférent. Les faits qu
842 publication. Saurait-on lui en vouloir de marquer une si grande méfiance à l’égard des journalistes ? Pour ma part, je lui
843 ’autant moins que c’est chez lui qu’il me reçoit, un chez-lui tout provisoire, puisqu’il loge présentement dans un clair s
844 tout provisoire, puisqu’il loge présentement dans un clair studio qui lui a été prêté par un de ses confrères en matière d
845 ment dans un clair studio qui lui a été prêté par un de ses confrères en matière de « journal ». La NRF continue d’étendre
15 1939, Articles divers (1938-1940). Comment j’ai écrit Nicolas de Flue (3 novembre 1939)
846 icolas de Flue (3 novembre 1939)w Je cherchais un sujet dramatique digne des vastes dimensions de la Halle des Fêtes à
847 1939)w Je cherchais un sujet dramatique digne des vastes dimensions de la Halle des Fêtes à Zurich. C’était en septembr
848 ramatique digne des vastes dimensions de la Halle des Fêtes à Zurich. C’était en septembre 1938. L’Europe entière allait mo
849 ich. Or, au soir de ce jour me parvint par hasard un livre sur la vie de Nicolas de Flue. Et je tombai sur le récit de la
850 e, le peuple attend les cloches fatidiques : et d’ un coup le même « Alléluia ! » parce qu’un homme a osé, quand tout était
851 es : et d’un coup le même « Alléluia ! » parce qu’ un homme a osé, quand tout était perdu, croire encore au miracle et l’ac
852 essage de l’ermite du Ranft prenait en ce soir-là des résonances monumentales. Cette petite scène de Stans, que nous avions
853 patriotisme devait trouver son couronnement lors des deux journées neuchâteloises de l’Exposition de Zurich. Mais le mois
854 Nicolas domine les temps. Elle vit encore au cœur des Suisses. Elle est encore le grand symbole de notre Confédération et d
855 de-Fonds, dirigées par M. Charles Taller, Fanfare des Armes réunies, dirigée par M. Piéron, régie de M. Jean Kiehl.) Beauco
16 1939, Articles divers (1938-1940). Pourquoi nous sommes là (décembre 1939)
856 re 1939)x Il neige de gros flocons humides sur un vallon du haut Jura. Et la neige fond dans la boue. Je débouche entre
857 ouche entre deux sapins pleureurs, enveloppé dans une toile de tente raidie par l’humidité. Et je constate que mes hommes o
858 e mitrailleuse : ils préfèrent s’enfumer autour d’ un feu de branches mortes, mornes et ronchonneurs, à la lisière d’un boi
859 es mortes, mornes et ronchonneurs, à la lisière d’ un bois. J’essaie de les réconforter. Silence, réprobation muette. Je pr
860 conforter. Silence, réprobation muette. Je prends une pioche et tape deux coups : la terre gicle sur mes joues glacées et s
861 s d’ici commencent les tranchées de la guerre, et des hommes meurent. Pourquoi cette guerre, pourquoi ces morts ? Parce que
862 urope n’ont pas su résoudre autrement le problème des minorités, allemandes, tchèques, slovaques ou ukrainiennes. Et pourqu
863 evoir s’imaginer ! — que le bonheur et la force d’ un peuple dépendent de sa grandeur physique, de sa mise au pas militaire
864 utre sens : elle marque la faillite retentissante des systèmes centralisateurs et gigantesques. C’est la guerre la plus ant
865 les faits qui nous obligent à le reconnaître avec une tragique évidence. Et c’est cela que nous avons à défendre : le seul
866 Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme.
867 it, si nous sommes là, ce n’est pas pour défendre des fromages, des conseils d’administration, notre confort et nos hôtels.
868 mmes là, ce n’est pas pour défendre des fromages, des conseils d’administration, notre confort et nos hôtels. D’autres — on
869 la mission dont nous sommes responsables, depuis des siècles, devant l’Europe. D’autres se sont chargés d’arrêter les brig
17 1939, Articles divers (1938-1940). Nicolas de Flue : naissance d’un drame (Noël 1939)
870 Nicolas de Flue : naissance d’ un drame (Noël 1939)z Le mercredi 28 septembre de l’an dernier, au mi
871 u de l’après-midi, je fus appelé au téléphone par un ami. Était-ce la guerre qu’on attendait d’une heure à l’autre ? C’éta
872 par un ami. Était-ce la guerre qu’on attendait d’ une heure à l’autre ? C’était Munich, c’était la paix, cela n’arrangeait
873 e chose pour cet homme-là. Sur quoi la guerre fit un pas lourd dans notre Europe, et cette approche assourdissante fascina
874 ent. C’est à ce moment que l’on m’offrit d’écrire une pièce pour l’Exposition de Zurich. Je ris un peu de tant de flegme… L
875 as de sujet, et je défiais quiconque d’en trouver un , en Suisse, qui fût de taille à occuper l’énorme scène dont j’avais v
876 soir même, rentrant de voyage, ma femme m’apporte un livre qu’on lui a prêté : une biographie de Nicolas de Flue, signée A
877 , ma femme m’apporte un livre qu’on lui a prêté : une biographie de Nicolas de Flue, signée Anne-Marie de Gourlet4. Genre é
878 ir d’école primaire, c’est tout dire. Mais tout d’ un coup, me voilà pris ! Je découvre une vie d’homme réel, un siècle déc
879 Mais tout d’un coup, me voilà pris ! Je découvre une vie d’homme réel, un siècle décisif de notre histoire, un grand drame
880 me voilà pris ! Je découvre une vie d’homme réel, un siècle décisif de notre histoire, un grand drame religieux au seuil d
881 ’homme réel, un siècle décisif de notre histoire, un grand drame religieux au seuil de la Réforme, — et déjà des dialogues
882 drame religieux au seuil de la Réforme, — et déjà des dialogues esquissés, ces relations faites par des pèlerins montés seu
883 des dialogues esquissés, ces relations faites par des pèlerins montés seuls ou en troupe au Ranft… Quelque chose se dessine
884 te, l’autre qui vient de la gauche, — il faudrait une scène à étages… C’est justement celle de Zurich ! Nuit blanche. Trois
885 s sauve la paix à la onzième heure, ce n’est plus un souvenir de manuel, c’est le Munich des Suisses, c’est l’éternel mira
886 n’est plus un souvenir de manuel, c’est le Munich des Suisses, c’est l’éternel miracle du don de la paix, toujours immérité
887 tait clairement apparu : il s’agissait de peupler une scène immense autour d’un seul personnage important. Revenir au théât
888 s’agissait de peupler une scène immense autour d’ un seul personnage important. Revenir au théâtre grec, avec son chœur mo
889 allait-il l’adapter à l’esprit chrétien du sujet. Un catholique eût sans doute recouru à l’inspiration liturgique. Protest
890 songeai tout de suite au style lyrique monumental des prophètes et des psalmistes. Nul autre ne possède, dans notre traditi
891 uite au style lyrique monumental des prophètes et des psalmistes. Nul autre ne possède, dans notre tradition, cette violent
892 qui peut s’accorder à la fois à la déclamation d’ un chœur en marche et au dialogue, forcément sans nuances, de personnage
893 iques. Tout cela créait l’appel au musicien… Sans un instant d’hésitation, je m’adressai à Honegger. En trois mois, tout f
894 e qu’avait engendré Munich. Ainsi ma pièce, née d’ un croisement fortuit d’une série de petits faits privés et d’une série
895 ch. Ainsi ma pièce, née d’un croisement fortuit d’ une série de petits faits privés et d’une série de faits européens, devai
896 t fortuit d’une série de petits faits privés et d’ une série de faits européens, devait subir, à partir de ce jour, le sort
897 . Je vous ai raconté cette histoire pour apporter un témoignage assez précis au vieux débat de l’inspiration. On voit la p
898 rière à celle du peuple suisse, invoquant du fond des vallées l’intervention de Nicolas : Parmi nous, peuple, parmi nous —
899 ie Oui, tous, encor, jubilez et riez ! Battez des mains, peuple, pour Nicolas, Unissez-vous à l’éclat des fanfares
900 s, peuple, pour Nicolas, Unissez-vous à l’éclat des fanfares Vous tous, au loin, et quiconque entendra : Louez la pai
901 Alléluia ! 4. Je saisis l’occasion de signaler une autre biographie de Nicolas, Bruder Klaus, par Mlle de Segesser, avec
902 vec l’espoir qu’elle soit bientôt traduite. C’est un excellent travail d’histoire revécue. z. Rougemont Denis de, «  Nic
903 gemont Denis de, «  Nicolas de Flue : naissance d’ un drame », Formes et couleurs, Lausanne, Noël 1939, p. 1-2.
18 1940, Articles divers (1938-1940). L’homme au poignard enguirlandé (1940)
904 je veux opposer la Suisse de Manuel à l’Helvétie des manuels ! Et qu’importe le calembour, s’il fait hésiter les corrects
905 le calembour, s’il fait hésiter les corrects dans un pays trop ajusté. Ah ! Nicolas Manuel Deutsch, on ne s’embêtait pas d
906 llait faire la guerre en Italie pour le plaisir d’ un sang violent, et quand les lansquenets trichaient au jeu mortel, quan
907 u jeu mortel, quand les canons détruisaient l’art des armes, on rentrait écœuré mais libre, et l’on exhalait sa colère dans
908 cœuré mais libre, et l’on exhalait sa colère dans un chant débordant d’injures : « Tu mens plus largement que ta gueule n’
909 ment que ta gueule n’est fendue !… Tu t’es creusé un trou en terre comme un cochon dans son fumier !… Ô toi mon doux petit
910 t fendue !… Tu t’es creusé un trou en terre comme un cochon dans son fumier !… Ô toi mon doux petit faiseur de rimes, je t
911 Ô toi mon doux petit faiseur de rimes, je te tire une crotte sur le nez, trois dans ta barbe !15 » Mais nous voici mieux mu
912 nger, ce serait quitter du même pas la planète… ⁂ Un vers du temps — d’un peu plus tard, sans doute, mais c’est encore le
913 er du même pas la planète… ⁂ Un vers du temps — d’ un peu plus tard, sans doute, mais c’est encore le même rythme de vie —
914 e songe à la vie de Nicolas Manuel Deutsch. C’est un autre guerrier qui parle en ses Tragiques d’une nuit Où l’Amour et la
915 st un autre guerrier qui parle en ses Tragiques d’ une nuit Où l’Amour et la Mort troquèrent leurs flambeaux. Par le pinceau
916 amour, et c’est elle qu’il invite à la danse avec une fougue adolescente, une peur naïve, un courage chrétien. Mort des mar
917 il invite à la danse avec une fougue adolescente, une peur naïve, un courage chrétien. Mort des martyrs et mort bourgeoise,
918 anse avec une fougue adolescente, une peur naïve, un courage chrétien. Mort des martyrs et mort bourgeoise, mort soldatesq
919 scente, une peur naïve, un courage chrétien. Mort des martyrs et mort bourgeoise, mort soldatesque et mort de carnaval, vie
920 ont le regard net, accoutumé à taxer le réel avec une dure exactitude : face au danger. Leur Suisse est au sommet de son él
921 menaçante ; parce qu’elle est tout le contraire d’ un pays d’« assurés ». Sérieuse et impétueuse, comme ceux qui savent que
922 re du vrai réalisme. « Jette ton pain sur la face des eaux, car avec le temps tu le retrouveras ; donnes-en une part à sept
923 , car avec le temps tu le retrouveras ; donnes-en une part à sept et même à huit, car tu ne sais pas quel malheur peut arri
924 ergie dans la libre invention lyrique, ce sont là des secrets spirituels dont la plupart des artistes modernes paraissent i
925 rêvassent dans la couleur ou cernent brutalement des figures sans mystère. Manuel est un nerveux, mais de ferme écriture :
926 brutalement des figures sans mystère. Manuel est un nerveux, mais de ferme écriture : un imaginatif, mais sans excitation
927 . Manuel est un nerveux, mais de ferme écriture : un imaginatif, mais sans excitation ; un homme qui prend les choses tell
928 écriture : un imaginatif, mais sans excitation ; un homme qui prend les choses telles qu’elles sont, ni vulgaires ni bell
929 vulgaires ni belles en soi, mais les compose avec une liberté puissamment significative. Le sens des fins dernières et une
930 ec une liberté puissamment significative. Le sens des fins dernières et une facture, ce qu’il faut pour faire du grand art,
931 ment significative. Le sens des fins dernières et une facture, ce qu’il faut pour faire du grand art, pour composer des hom
932 qu’il faut pour faire du grand art, pour composer des hommes et des paysages dans une architecture théologique, c’est à peu
933 r faire du grand art, pour composer des hommes et des paysages dans une architecture théologique, c’est à peu près ce que n
934 rt, pour composer des hommes et des paysages dans une architecture théologique, c’est à peu près ce que nous avons perdu pa
935 que, c’est à peu près ce que nous avons perdu par une longue suite de « libérations » qui ne laissent enfin subsister que l
936 me ne fait pas d’histoires, parce qu’il n’est pas une polémique mais une acceptation des choses, à toutes fins utiles ou sp
937 stoires, parce qu’il n’est pas une polémique mais une acceptation des choses, à toutes fins utiles ou spirituelles, à la vo
938 u’il n’est pas une polémique mais une acceptation des choses, à toutes fins utiles ou spirituelles, à la volée d’une imagin
939 toutes fins utiles ou spirituelles, à la volée d’ une imagination qui se soucie d’abord de composer. Entre une épaule et un
940 gination qui se soucie d’abord de composer. Entre une épaule et une arcade, vous découvrez un lac entouré de cultures, de b
941 e soucie d’abord de composer. Entre une épaule et une arcade, vous découvrez un lac entouré de cultures, de beaux champs gr
942 r. Entre une épaule et une arcade, vous découvrez un lac entouré de cultures, de beaux champs gras, des laboureurs et des
943 un lac entouré de cultures, de beaux champs gras, des laboureurs et des bateaux, toute une nature à la mesure de l’homme, p
944 cultures, de beaux champs gras, des laboureurs et des bateaux, toute une nature à la mesure de l’homme, portant les marques
945 champs gras, des laboureurs et des bateaux, toute une nature à la mesure de l’homme, portant les marques de l’usage, et dom
946 e l’usage, et dominée par quelques Alpes qui sont des vagues à peine figées dans leur élan. Une Suisse réelle, et non pas u
947 ui sont des vagues à peine figées dans leur élan. Une Suisse réelle, et non pas un décor ; non pas un état d’âme vaporeux,
948 ées dans leur élan. Une Suisse réelle, et non pas un décor ; non pas un état d’âme vaporeux, comme les idylles du xviiie ,
949 Une Suisse réelle, et non pas un décor ; non pas un état d’âme vaporeux, comme les idylles du xviiie , non pas l’opéra ro
950 ntres d’Alpe. Ce qu’il peint, lui, c’est la terre des hommes, vue par les yeux de qui l’habite et l’utilise, et non point d
951 s yeux de qui l’habite et l’utilise, et non point des « paysages » ou des « vues » que l’« Art » dissout en impressions, et
952 te et l’utilise, et non point des « paysages » ou des « vues » que l’« Art » dissout en impressions, et que la photo durcit
953 je m’attarde à ces tableaux, et Manuel n’est pas un « artiste » au sens moderne et bien suspect du terme. Un beau jour, f
954 tiste » au sens moderne et bien suspect du terme. Un beau jour, fatigué de signer d’un poignard ses tumultueuses compositi
955 spect du terme. Un beau jour, fatigué de signer d’ un poignard ses tumultueuses compositions, il se joint aux guerriers du
956 défaite de la Bicoque, crie son indignation dans un furieux poème, et s’en revient à Berne pour y faire la Réforme. Il éc
957 Berne pour y faire la Réforme. Il écrira d’abord des jeux de carnaval qui sont en vérité bien plus que des satires « contr
958 jeux de carnaval qui sont en vérité bien plus que des satires « contre le pape et sa séquelle » : des catéchismes illustrés
959 e des satires « contre le pape et sa séquelle » : des catéchismes illustrés, tout comme sa Danse des morts en était un. Le
960  : des catéchismes illustrés, tout comme sa Danse des morts en était un. Le premier jeu se termine sur ce vers : Amen. Sce
961 illustrés, tout comme sa Danse des morts en était un . Le premier jeu se termine sur ce vers : Amen. Scellé avec le poigna
962 ; ce sera l’arme réelle du guerrier suisse, signe des vieilles libertés ; et maintenant c’est le sceau des poèmes qu’il déd
963 vieilles libertés ; et maintenant c’est le sceau des poèmes qu’il dédie « à la gloire de Dieu ». ⁂ Quand on dit chez nous
964 uand on dit chez nous de quelqu’un « qu’il a fait un peu tous les métiers », ce n’est pas un éloge, il s’en faut, c’est pl
965 il a fait un peu tous les métiers », ce n’est pas un éloge, il s’en faut, c’est plutôt une manière de lui refuser cette co
966 ce n’est pas un éloge, il s’en faut, c’est plutôt une manière de lui refuser cette considération bourgeoise qui s’attache a
967 tache aux carrières monotones. Mais la grandeur d’ un Manuel, et de plusieurs à son époque, est d’avoir su conduire leur vi
968 son époque, est d’avoir su conduire leur vie vers un but qui transcende toutes nos activités. Fougueux et appliqué dans sa
969 et appliqué dans sa peinture, Manuel n’hésite pas un instant à planter là pinceaux et chevalet lorsqu’ayant dominé son art
970 hevalet lorsqu’ayant dominé son art, il entrevoit une action plus urgente. Poète satirique ou guerrier, architecte ou négoc
971 ordonna-t-il sa vie ? Peut-être à la recréation d’ une unité de rythme et de vision au sein d’un monde qui perdait ses mesur
972 tion d’une unité de rythme et de vision au sein d’ un monde qui perdait ses mesures. Et quand le lieu du grand débat devien
973 vois ainsi l’unité de sa vie dans la recherche d’ une forme et d’un sens. Si l’art n’y suffit pas, c’est que le mal est pro
974 nité de sa vie dans la recherche d’une forme et d’ un sens. Si l’art n’y suffit pas, c’est que le mal est profond : d’où la
975 faut la réformer. Après quoi l’on pourra rebâtir un État… ⁂ La sagesse des manuels a le don de stériliser d’un seul mot l
976 ès quoi l’on pourra rebâtir un État… ⁂ La sagesse des manuels a le don de stériliser d’un seul mot l’exemple d’une vie trop
977 ⁂ La sagesse des manuels a le don de stériliser d’ un seul mot l’exemple d’une vie trop ardente : « romantique » ou « avent
978 a le don de stériliser d’un seul mot l’exemple d’ une vie trop ardente : « romantique » ou « aventurier » ou mieux encore «
979 t bon père de six enfants ; que cet artiste, l’un des plus grands de son pays, fut aussi le plus raisonnable parmi les chef
980 s savants collègues il leur envoie le manuscrit d’ une satire contre la messe, on vante à Berne la modération de ses discour
981 vante à Berne la modération de ses discours lors des débats de religion. Ce dernier trait achève de peindre le sérieux de
982 le sérieux de ce fantastique. Mais je m’aperçois un peu tard que j’oubliais de citer sa devise, inscrite au coin de quelq
983 crois plutôt que c’est encore l’angoisse avide d’ une unité de sens spirituel, inaccessible à tout « savoir », aussi vaste
984 d’autant plus vite qu’il a mieux éclairé — écrit un chroniqueur du temps —, notre banneret Manuel apparut parmi nous comm
985 —, notre banneret Manuel apparut parmi nous comme un flambeau brûlant et éclatant. Survint alors la maladie qui nous l’arr
986 subsiste de lui nous montre, à la fin de sa vie, un regard doux et perspicace, un visage aigu de malade, peint avec la vé
987 à la fin de sa vie, un regard doux et perspicace, un visage aigu de malade, peint avec la véracité d’un homme qui sait exa
988 n visage aigu de malade, peint avec la véracité d’ un homme qui sait exactement ce que vaut une vie d’homme devant Dieu.
989 racité d’un homme qui sait exactement ce que vaut une vie d’homme devant Dieu. 15. Vers du Biccocalied. À la bataille de
990 icoque, les lansquenets s’étaient dissimulés dans des tranchées, pendant que leur artillerie décimait les Suisses à bout po
991 isses à bout portant. Le poème de Manuel répond à une chanson glorifiant la victoire des Allemands. 16. Amen. Versiglet m
992 anuel répond à une chanson glorifiant la victoire des Allemands. 16. Amen. Versiglet mit dem sckwytzerdegen. – End. Gott
19 1940, Articles divers (1938-1940). Mission spéciale (1940)
993 s d’ici commencent les tranchées de la guerre, et des hommes meurent. Pourquoi cette guerre, pourquoi ces morts ? Parce que
994 urope n’ont pas pu résoudre autrement le problème des minorités. Or ce problème n’existe plus chez nous ; notre fédéralisme
995 séculaire l’a résolu par le droit et le fait, sur des bases chrétiennes et pratiques, dans un esprit de solidarité que symb
996 ait, sur des bases chrétiennes et pratiques, dans un esprit de solidarité que symbolise exactement notre maxime confédéral
997 e symbolise exactement notre maxime confédérale : un pour tous, mais aussi tous pour un. Nous sommes ici, mobilisés, parce
998 confédérale : un pour tous, mais aussi tous pour un . Nous sommes ici, mobilisés, parce que les peuples autour de nous se
999 les faits qui nous obligent à le reconnaître avec une tragique évidence. Et c’est cela que nous avons à défendre en défenda
1000 Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme.
1001 r la mission dont nous sommes responsables depuis des siècles, depuis les temps du Saint-Empire : notre mission vis-à-vis d
20 1940, Articles divers (1938-1940). D’un certain cafard helvétique (janvier 1940)
1002 D’ un certain cafard helvétique (janvier 1940)aa Chacun sait que le meil
1003 ’être entravé dans son action. C’est bien pire qu’ une totale et irrémédiable inaction. Cela ressemble aux cauchemars ; quan
1004 emars ; quand on ne peut pas courir pour attraper un train, parce qu’on est empêtré dans ses draps. Or c’est à cette sorte
1005 litaires me mettent journellement en rapport avec des hommes civils ou mobilisés, aux quatre coins de la Suisse, qui voudra
1006 ptembre 1939 que notre mobilisation allait ouvrir des possibilités d’action morale et nationale sans précédent, — et qui, a
1007 de se dégonfler. Pourquoi ? Parce que nous sommes un petit pays qui se méfie des grandes entreprises, ou simplement des en
1008 Parce que nous sommes un petit pays qui se méfie des grandes entreprises, ou simplement des enthousiasmes. Parce que chez
1009 i se méfie des grandes entreprises, ou simplement des enthousiasmes. Parce que chez nous, depuis le xixe siècle, règne une
1010 arce que chez nous, depuis le xixe siècle, règne une passion égalitaire (inconnue de l’ancienne Suisse) qui a pour effet d
1011 faire « rentrer dans le rang ». Essayez de lancer un projet et d’y consacrer toutes vos forces, on vous traitera vite « d’
1012 n’importe quel ordre d’action. C’est le revers d’ une de nos plus précieuses qualités civiques, j’entends du sentiment de s
1013 . Nous nous méfions beaucoup plus que nos voisins des esprits « trop » entreprenants. Nous nous en méfions en vertu d’un in
1014  » entreprenants. Nous nous en méfions en vertu d’ un instinct démocratique tout à fait sain à l’origine, je le répète. Mai
1015 é inconsciente à l’endroit de tout ce qui dépasse une très moyenne ardeur, c’est le moment de réagir vertement. C’est le mo
1016 e mission, et surtout de la réaliser. La DAC est un de ces moyens ; bien modeste, mais il faut commencer. Et j’en profite
1017 emier enthousiasme est tombé, l’heure est venue d’ une reprise en main, d’un regroupement pour un nouveau départ. Secouer no
1018 tombé, l’heure est venue d’une reprise en main, d’ un regroupement pour un nouveau départ. Secouer notre train-train, notre
1019 nue d’une reprise en main, d’un regroupement pour un nouveau départ. Secouer notre train-train, notre inertie, c’est notre
1020 n Armée et Foyer   aa. Rougemont Denis de, « D’ un certain cafard helvétique », La DAC, Berne, janvier 1940, p. 1.
21 1940, Articles divers (1938-1940). Les Suisses sont-ils « à la hauteur » de la Suisse ? (20 janvier 1940)
1021 oup de littérature de manuels, — et en même temps un peu d’argent, je crois. Tant pis pour les manuels et tant mieux pour
1022 urelles ont été trop longtemps considérées soit d’ un point de vue purement sentimental — comme privilèges de droit divin d
1023 ivilèges de droit divin du peuple suisse — soit d’ un point de vue purement utilitaire ou touristique. C’est-à-dire trop ha
1024 e que de les défendre. Le seul moyen de conserver un privilège, après tout, c’est de le mériter. Et de prouver en fait que
1025 iment plus dignes et plus conscients que d’autres des « charges » que supposent de pareils avantages ? Chaque fois que je v
1026 mparable », je ne puis m’empêcher de songer, avec une horrible malice, à certain passage de Hugo contemplant du haut du Pil
1027 os Alpes. Qu’on me permette de le citer ici comme une sorte de parabole : C’était un ensemble prodigieux de choses harmoni
1028 citer ici comme une sorte de parabole : C’était un ensemble prodigieux de choses harmonieuses et magnifiques, pleines de
1029 e montagnes, de nuages et de soleil, et cherchant un témoin sublime à ce sublime paysage. Il y avait un témoin, en effet,
1030 n témoin sublime à ce sublime paysage. Il y avait un témoin, en effet, un seul, car du reste l’esplanade était sauvage, ab
1031 sublime paysage. Il y avait un témoin, en effet, un seul, car du reste l’esplanade était sauvage, abrupte et déserte. Je
1032 e et déserte. Je n’oublierai cela de ma vie. Dans une anfractuosité du rocher, assis les jambes pendantes sur une grosse pi
1033 tuosité du rocher, assis les jambes pendantes sur une grosse pierre, un idiot, un goitreux, à corps grêle et à face énorme,
1034 assis les jambes pendantes sur une grosse pierre, un idiot, un goitreux, à corps grêle et à face énorme, riait d’un air st
1035 jambes pendantes sur une grosse pierre, un idiot, un goitreux, à corps grêle et à face énorme, riait d’un air stupide, le
1036 goitreux, à corps grêle et à face énorme, riait d’ un air stupide, le visage en plein soleil, et regardait au hasard devant
1037 s Alpes étaient le spectacle, le spectateur était un crétin. Je me suis perdu dans cette effrayante antithèse : l’homme op
1038 omme ». Et je suis loin de penser que nous sommes des crétins ! Je dis seulement qu’en face de cette nature dans son attitu
1039 t pas si facile que cela d’habiter et de posséder un pays dont l’altière beauté menace sans cesse d’écraser l’homme qui vo
1040 eut aussi l’y comparer. Être Suisse, ce n’est pas un « filon ». C’est plutôt une « mission spéciale ». Il y faut aujourd’h
1041 e Suisse, ce n’est pas un « filon ». C’est plutôt une « mission spéciale ». Il y faut aujourd’hui l’endurance, la longue au
22 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. I : Les voix que rien n’arrête (24 février 1940)
1042 sommes prêts. Nous avons élevé autour de ce pays une barrière. Nous avons creusé un fossé. Nous avons hermétiquement fermé
1043 autour de ce pays une barrière. Nous avons creusé un fossé. Nous avons hermétiquement fermé toutes les fissures, et plus r
1044 et dans les champs neigeux ; et derrière l’armée, un peuple entier qui guette, et qui travaille lui aussi jour et nuit, da
1045 de l’Europe et que, parfois, quand vous cherchez un poste à la radio, vous captez sans le vouloir, en passant. Que signif
1046 er de passer, et qui peut-être vont nous apporter des nouvelles beaucoup moins rassurantes que les discours patriotiques et
1047 igurez-vous que vous êtes, en cet instant, devant un poste de radio, et que j’arrête tout exprès le petit trait lumineux d
1048 s dit-elle ? J’essaierai de l’interpréter. Depuis une dizaine d’années, et plus précisément depuis 1933, la face de l’Europ
1049 pte. Autrefois, et naguère encore, il suffisait à une nation de déclarer son sol sacré, pour avoir le droit de le défendre
1050 de le défendre jusqu’à la dernière goutte du sang des citoyens. Assurer les armes à la main l’intégrité du sol de la patrie
1051 À cette époque, on ne pouvait en effet conquérir un pays qu’au moyen d’une armée, et les armées n’ont jamais occupé autre
1052 pouvait en effet conquérir un pays qu’au moyen d’ une armée, et les armées n’ont jamais occupé autre chose que du terrain.
1053 nnées, ce ne sont plus les armées qui conquièrent un pays. Mais c’est d’abord la propagande. Ce n’est plus le territoire q
1054 emier lieu la conscience nationale. Souvenez-vous des tragédies autrichienne et tchécoslovaque. L’armée ne vient qu’en dern
1055 Et que disent ces propagandistes ? Ils proclament une doctrine politique tout à fait nouvelle en Europe. Ils prétendent que
1056 oulu de Dieu, et qu’il jouissait par conséquent d’ une légitimité indiscutable. La propagande dont je parle dit autre chose 
1057 nations « jeunes » et « dynamiques » ont droit à un espace vital, lequel espace englobe, comme par hasard, tous les pays
1058 e rien, au jour choisi par l’attaquant, parce que des centres vitaux du pays, les ordres seront déjà donnés dans la langue
1059 emandent à nous les Suisses, si nous avons encore une raison d’être, si nous osons encore le proclamer, et si nous en gardo
1060 osons encore le proclamer, et si nous en gardons une conscience claire et forte. Elles nous mettent au défi de produire le
1061 ’à la mort. Eh bien, il serait fou de mourir pour une Suisse dont nous ne serions pas sûrs qu’elle a le droit et le devoir
1062 t de mourir pour quelque chose qui ne fournit pas des raisons de vivre. Notre serment nous engage donc aussi à prendre une
1063 e. Notre serment nous engage donc aussi à prendre une conscience sérieuse des raisons de vivre de la Suisse, et de nos rais
1064 gage donc aussi à prendre une conscience sérieuse des raisons de vivre de la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que
1065 t que Suisses. Il nous faut tout d’abord écarter un certain nombre de fausses raisons et d’illusions, de phrases toutes f
1066 us a suggéré de différents côtés qu’il impliquait une suite, une partie “positive”. C’est à cette demande que veut bien rép
1067 é de différents côtés qu’il impliquait une suite, une partie “positive”. C’est à cette demande que veut bien répondre notre
23 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. II : Sommes-nous libres ? (2 mars 1940)
1068 e leur héroïsme civique et militaire, et qui sont un modèle pour l’Europe. » Oui, certes. Mais, en fait, que sont devenues
1069 elles subsistent ? La liberté n’est pas seulement un privilège que l’on « hérite ». C’est une conquête perpétuelle. Elle e
1070 seulement un privilège que l’on « hérite ». C’est une conquête perpétuelle. Elle est sans doute un héritage « politique ».
1071 est une conquête perpétuelle. Elle est sans doute un héritage « politique ». Mais rien ne se déprécie plus rapidement que
1072 es mériter par ses manières d’être et de penser. Un jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent d’un tyran. Ils purent
1073 jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent d’ un tyran. Ils purent se croire libres un moment : mais le soleil fécond
1074 livrèrent d’un tyran. Ils purent se croire libres un moment : mais le soleil fécond fit éclore du cadavre de l’oppresseur
1075 leil fécond fit éclore du cadavre de l’oppresseur un essaim de petits tyrans. À présent, ils continuent à répéter le vieux
1076 dire, jusqu’à satiété, qu’ils se sont affranchis un jour et qu’ils sont demeurés libres. En vérité, derrière leurs murail
1077 es oligarchies que la Révolution devait renverser un peu plus tard. Mais sommes-nous bien certains que pour autant le juge
1078 rannie de l’opinion publique vaut mieux que celle des aristocrates ? Sommes-nous bien certains que les Suisses sont, plus q
1079 que les Suisses sont, plus que d’autres, libérés des préjugés bourgeois ? Sommes-nous bien certains, enfin, qu’il a suffi
1080 enfin, qu’il a suffi à nos pères de s’affranchir un jour pour que nous ayons le droit de répéter à tout jamais : nous som
1081 aître en toute franchise : la Suisse actuelle est un pays où l’on a peu de « véritable » liberté d’esprit. C’est un pays o
1082 on a peu de « véritable » liberté d’esprit. C’est un pays où l’on tolère fort mal les opinions non conformistes, les excep
1083 l’autre, celui qui pense différemment, doit être un type dangereux ou très méchant. Ceci pour le plan des idées. Sur le p
1084 type dangereux ou très méchant. Ceci pour le plan des idées. Sur le plan de la morale, c’est pire encore. Je ne vais pas re
1085 arder leur valeur concrète que si nous conquérons une plus grande liberté morale et intellectuelle. Car les unes ne vont pa
1086 es autres, et toute notre histoire en témoigne. «  Une politique de liberté ne peut être faite que par des esprits libres. »
1087 e politique de liberté ne peut être faite que par des esprits libres. » Les deux libertés, l’extérieure et l’intérieure, on
1088 s Suisses du xviiie siècle ne jouissaient plus d’ une véritable liberté intérieure qu’ils ont été une proie facile pour l’é
1089 d’une véritable liberté intérieure qu’ils ont été une proie facile pour l’étranger, pour les armées de la Révolution frança
1090 celle qui se manifeste dans la diversité infinie des manières de penser et de vivre, nos libertés politiques ne pourront s
1091 uffit donc pas de protéger notre indépendance par des fortifications. C’est l’intérieur du pays qu’il nous faut maintenant
1092 par la paresse d’esprit : les Suisses jouissent d’ une instruction publique remarquable, mais ils ont la plus grande méfianc
1093 ect tout ce qui ne rentre pas à première vue dans des catégories moyennes et bien connues, telles que bon ou méchant, droit
1094 l’ordre ou esprit subversif. Ils exigent toujours des choses simples. Au besoin, ils les simplifient terriblement. C’est ai
1095 re a pu passer chez nous, pendant longtemps, pour un « rempart contre le bolchévisme ». Pourquoi ? Parce qu’on se contenta
1096 chévistes sont pour le désordre. Sans se demander un seul instant de quelle espèce d’ordre il s’agissait. Or, prenons-y bi
1097 d’esprit. Notre « égalitarisme » est, lui aussi, une forme de paresse d’esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie,
1098 ne forme de paresse d’esprit, bien plus encore qu’ une forme de l’envie, comme on l’a peut-être trop dit. Autrefois, les Sui
1099 tre trop dit. Autrefois, les Suisses se méfiaient des personnalités trop affichées, parce qu’ils craignaient qu’elles n’ent
1100 craignaient qu’elles n’entraînassent le pays dans des aventures dictatoriales. Il y avait quelque chose de sain et de profo
1101 ndément démocratique dans l’effacement volontaire des plus grands Suisses de ce temps-là. Mais aujourd’hui, l’égalitarisme
1102 égalitarisme hérité du xixe siècle n’est plus qu’ une dégénérescence de cet instinct démocratique. Il veut tout unifier, ré
1103 ien plus simple, et plus facile de tout ramener à des mesures médiocres et uniformes. C’est bien plus simple et plus facile
1104 en plus simple et plus facile que de tenir compte des vivantes complexités, des vocations infiniment diverses — celles que
1105 ile que de tenir compte des vivantes complexités, des vocations infiniment diverses — celles que suppose notre fédéralisme,
1106 dans la vie quotidienne comme dans la politique. Un mot encore, pendant que j’en suis à ronchonner. (La prochaine fois, n
1107 ronchonner. (La prochaine fois, nous parlerons d’ une manière « positive », c’est promis !) « Si quelque chose aujourd’hui
24 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. III : Pourquoi nous devons rester neutres (9 mars 1940)
1108 c’est heureux, à regarder notre neutralité comme une chose qui irait de soi, qui aurait existé de tout temps, sans commenc
1109 ns contrepartie, et qui représenterait, en somme, un privilège de droit divin. Nous savons que la neutralité est une conce
1110 de droit divin. Nous savons que la neutralité est une conception menacée ; qu’elle est en quelque sorte contre nature, car
1111 us devons la justifier, sous peine de passer pour des lâches, ou des tièdes, ou des inconscients. Que valent les justificat
1112 stifier, sous peine de passer pour des lâches, ou des tièdes, ou des inconscients. Que valent les justifications qu’on nous
1113 eine de passer pour des lâches, ou des tièdes, ou des inconscients. Que valent les justifications qu’on nous propose, au re
1114 les justifications qu’on nous propose, au regard des bouleversements historiques dont la guerre actuelle est le signe ? Po
1115 ssités toutes matérielles : parce que nous sommes un trop petit pays, parce que notre situation géographique centrale nous
1116 les traités nous y forcent. Et certes, aux yeux d’ un chrétien et d’un Suisse, les traités ne seront jamais de simples chif
1117 y forcent. Et certes, aux yeux d’un chrétien et d’ un Suisse, les traités ne seront jamais de simples chiffons de papier !
1118 hors de nos frontières. Enfin, l’on donne parfois une justification militaire à notre neutralité : il serait de l’intérêt d
1119 taire à notre neutralité : il serait de l’intérêt des puissances belligérantes de ne point utiliser le passage par la Suiss
1120 raison dite d’équilibre stratégique peut tomber d’ un jour à l’autre. Et la preuve que nous ne la prenons pas au sérieux, c
1121 demanderaient d’entrer en guerre ? Ni l’argument des réalistes, ni celui des juristes, ni celui des stratèges, ne suffirai
1122 en guerre ? Ni l’argument des réalistes, ni celui des juristes, ni celui des stratèges, ne suffiraient à justifier notre re
1123 nt des réalistes, ni celui des juristes, ni celui des stratèges, ne suffiraient à justifier notre refus de « payer notre pa
1124 ien. Je dis seulement qu’ils ne représentent plus une raison suffisante de s’abstenir, et d’autre part, qu’ils n’ont plus g
1125 s pour nous cette garantie morale dont nous avons un besoin réellement vital. Si maintenant et malgré tout j’affirme que l
1126 e rester neutre, ce ne peut donc être qu’au nom d’ une réalité qui ne sera ni matérielle ni légale, mais spirituelle au prem
1127 . Non, la neutralité de la Suisse ne saurait être un privilège, c’est une charge ! Et ce serait bien mal la défendre que d
1128 de la Suisse ne saurait être un privilège, c’est une charge ! Et ce serait bien mal la défendre que de la défendre au nom
1129 ère. Seule, la mission positive de la Suisse rend un sens et un poids aux arguments que nous jugions tout à l’heure insuff
1130 la mission positive de la Suisse rend un sens et un poids aux arguments que nous jugions tout à l’heure insuffisants. Not
1131 ts. Notre position géographique, par exemple, est un péril certain si l’on ne s’attache qu’à l’aspect matériel des choses.
1132 rtain si l’on ne s’attache qu’à l’aspect matériel des choses. Mais elle devient un avantage dès qu’on la considère dans la
1133 à l’aspect matériel des choses. Mais elle devient un avantage dès qu’on la considère dans la perspective de notre mission
1134 , la garantie légale de notre neutralité n’est qu’ un chiffon de papier, si l’on veut y voir simplement une garantie de nos
1135 chiffon de papier, si l’on veut y voir simplement une garantie de nos privilèges. Mais elle devient notre meilleure sûreté
1136 tre meilleure sûreté dès qu’on la considère comme une mesure d’intérêt général en Europe. Rester neutres au nom d’un traité
1137 ntérêt général en Europe. Rester neutres au nom d’ un traité signé à Vienne il y a plus de cent ans, soit ! Mais il ne faud
1138 vilèges, c’est de les considérer dorénavant comme des charges, dont nous sommes responsables vis-à-vis de la communauté eur
1139 e la communauté européenne. Je voudrais marquer d’ une devise ce point central. Au Moyen Âge la noblesse représentait une ch
1140 nt central. Au Moyen Âge la noblesse représentait une charge autant qu’un privilège, et même le privilège était subordonné
1141 Âge la noblesse représentait une charge autant qu’ un privilège, et même le privilège était subordonné à la charge ; il n’a
1142 oblige ! À quoi ? C’est ce que je préciserai dans un dernier article, sur la vocation de la Suisse et ses conséquences pou
25 1940, Articles divers (1938-1940). La Suisse que nous devons défendre. IV : Notre « mission spéciale » (16 mars 1940)
1143 solidement appuyé par l’arrière. Quand on parle d’ une vocation de la Suisse vis-à-vis de l’Europe, nombreux sont ceux qui c
1144 oque. Car il est clair que la guerre actuelle est une guerre de doctrines et même de religions. Des raisons spirituelles la
1145 est une guerre de doctrines et même de religions. Des raisons spirituelles la dominent, et il s’agit de les prendre au séri
1146 voilà notre rôle stratégique dans cette bataille des doctrines. Nous l’avons constaté, à propos de la neutralité, ce sont
1147 t les faits eux-mêmes qui nous invitent à prendre une attitude active vis-à-vis de l’Europe. Ce sont les faits qui rendent
1148 iques, ils n’aperçoivent nullement l’indication d’ une vocation européenne de la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont pas
1149 tion d’une vocation européenne de la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont pas tort. Une vocation n’est jamais inscrite
1150 Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont pas tort. Une vocation n’est jamais inscrite en clair dans les faits matériels. Il
1151 e peut qu’avec les yeux de l’esprit. Tenir compte des faits ne suffit pas : il faut savoir leur donner un sens, leur ajoute
1152 faits ne suffit pas : il faut savoir leur donner un sens, leur ajouter un sens par un acte de l’esprit. L’individu ou le
1153 il faut savoir leur donner un sens, leur ajouter un sens par un acte de l’esprit. L’individu ou le pays qui se reconnaît
1154 oir leur donner un sens, leur ajouter un sens par un acte de l’esprit. L’individu ou le pays qui se reconnaît une vocation
1155 l’esprit. L’individu ou le pays qui se reconnaît une vocation doit sans nul doute partir des faits — sous peine de divague
1156 reconnaît une vocation doit sans nul doute partir des faits — sous peine de divaguer dans l’utopie — mais il doit en partir
1157 doit en partir justement, aller au-delà, et dans un sens qui ne peut être révélé que par sa foi. Maintenant donc, il s’ag
1158 cas échéant. Car tout revient, dans ce domaine, à une question d’état d’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit de
1159 rale. Ce qu’il s’agit de créer, avant tout, c’est une disposition du sentiment public favorable à des entreprises éventuell
1160 t une disposition du sentiment public favorable à des entreprises éventuelles, qu’il serait imprudent de préciser trop vite
1161 ore trop tôt pour mobiliser l’opinion en faveur d’ une action de la Suisse auprès de ses voisins en guerre. Ce n’est pas enc
1162 rès de ses voisins en guerre. Ce n’est pas encore une mobilisation spirituelle que je réclame, c’est plutôt une mise de piq
1163 lisation spirituelle que je réclame, c’est plutôt une mise de piquet. Soyons prêts à répondre à tout appel, même balbutiant
1164 ons à dire à nos voisins, forts que nous sommes d’ une expérience fédéraliste de six siècles. Et surtout, ne dénigrons pas l
1165 fédéralisme, c’est-à-dire à le mieux réaliser, d’ une manière qui le rende exemplaire, au sens littéral de ce mot. Profiton
1166 ait, digne d’être exposé et en bonne place, comme un modèle valable pour l’Europe de demain. Voilà un travail immédiat. Nu
1167 un modèle valable pour l’Europe de demain. Voilà un travail immédiat. Nul besoin cette fois-ci, d’attendre que la paix s’
1168 ème. J’estime que le fédéralisme est tout d’abord une réalité morale, et même spirituelle. Et c’est sur ce plan décisif qu’
1169 rai le sens fédéraliste intime, qui suppose toute une morale, toute une manière de vivre et de penser. Connaître le voisin
1170 liste intime, qui suppose toute une morale, toute une manière de vivre et de penser. Connaître le voisin de langue ou confe
1171 vite fait. Je n’ai développé dans mes articles qu’ une seule idée : c’est que la Suisse que nous devons défendre n’est pas l
1172 isse que nous devons défendre n’est pas la Suisse des manuels, des cartes postales et des discours, n’est pas la Suisse qui
1173 devons défendre n’est pas la Suisse des manuels, des cartes postales et des discours, n’est pas la Suisse qui se vante de
1174 pas la Suisse des manuels, des cartes postales et des discours, n’est pas la Suisse qui se vante de ses beautés, de ses lib
1175 sait reconnaître dans ces privilèges les signes d’ une mission dont elle est responsable. Une seule idée… Mais si nous l’acc
1176 s signes d’une mission dont elle est responsable. Une seule idée… Mais si nous l’acceptons, je suis certain que la plupart
1177 fusons de considérer le fait d’être Suisses comme une espèce de filon, si nous le considérons tout au contraire comme une m
1178 n, si nous le considérons tout au contraire comme une mission spéciale devant l’Europe, nous apprendrons à voir plus grand,
1179 nous serons en état de mesurer la vraie grandeur des événements actuels, la vraie grandeur du rôle qui peut nous y attendr
26 1940, Articles divers (1938-1940). Le petit nuage (avril 1940)
1180 uniformes pour les aérer. Secundo, j’ai envoyé à un certain nombre de mes amis la phrase suivante : « Au plus fort de la
1181 rononça ces mots : nubicula est, transibit, c’est un petit nuage, il passera. » La semaine passée, je reçois une lettre de
1182 nuage, il passera. » La semaine passée, je reçois une lettre de « quelque part dans le Proche-Orient », et une autre des Ét
1183 tre de « quelque part dans le Proche-Orient », et une autre des États-Unis. La première me dit : « Le petit nuage n’est pas
1184 uelque part dans le Proche-Orient », et une autre des États-Unis. La première me dit : « Le petit nuage n’est pas passé. Il
1185 era, et nous serons encore une fois assis au café des Deux Magots. La vie reprendra. Cela paraît irréel. » La seconde me di
1186 nos petits accès de découragement, ces brumes qu’ un léger vent d’avant-printemps suffit à dissiper en cinq minutes ? Qu’e
1187 h bien, cette menace énorme, à son tour, n’est qu’ un tout petit nuage, au regard du Règlement des comptes universels que s
1188 st qu’un tout petit nuage, au regard du Règlement des comptes universels que sera notre jugement au dernier jour de tous le
1189 tal » qu’il soit, ne saurait figurer pour nous qu’ un exercice, une première escarmouche, un entraînement pour le « combat
1190 ur nous qu’un exercice, une première escarmouche, un entraînement pour le « combat final » où Dieu seul pourra nous sauver
1191 de nos craintes dérisoires et mesquines. « C’est un petit nuage, il passera. » Ce mot me fut comme parole d’Évangile quan
1192 ez le voir. Voici ce que je viens de trouver dans un livre interdit (mais je ne pense pas que ce soit à cause de ce passag
1193 ce soit à cause de ce passage). L’auteur est l’un des chefs d’un parti que l’on devine ; écœuré, il vient de démissionner (
1194 use de ce passage). L’auteur est l’un des chefs d’ un parti que l’on devine ; écœuré, il vient de démissionner (la scène se
1195 abattu par l’un de ces anciens amis. Réfugié dans un hôtel chrétien, un Christliches Hospiz, il sent peser sur lui d’une m
1196 ces anciens amis. Réfugié dans un hôtel chrétien, un Christliches Hospiz, il sent peser sur lui d’une manière insupportabl
1197 , un Christliches Hospiz, il sent peser sur lui d’ une manière insupportable le sombre avenir de son pays. « Dans mon désesp
1198 urai mieux à faire qu’à me rasseoir à la terrasse des Deux Magots. ah. Rougemont Denis de, « Le petit nuage », La DAC, Be
27 1940, Articles divers (1938-1940). D’un journal d’attente (pages démodées) (avril 1940)
1199 D’ un journal d’attente (pages démodées) (avril 1940)ai Ceux qui tiennen
1200 ges démodées) (avril 1940)ai Ceux qui tiennent un journal intime sont d’ordinaire des êtres qui se cherchent, ou qui, p
1201 x qui tiennent un journal intime sont d’ordinaire des êtres qui se cherchent, ou qui, pour mieux se posséder, fixent d’eux-
1202 usage. C’est faute d’usage et d’occasion, faute d’ une action vraiment totale et engageante, que je commence ici, pour la pr
1203 ante, que je commence ici, pour la première fois, une espèce de journal d’attente, — comme on parle d’une salle d’attente.
1204 e espèce de journal d’attente, — comme on parle d’ une salle d’attente. Entre deux trains, entre deux œuvres, mais surtout :
1205 Envies d’écrire, sans contenus ; envies de noter des idées détachées, des petits faits sans signification, ou plutôt ne si
1206 s contenus ; envies de noter des idées détachées, des petits faits sans signification, ou plutôt ne signifiant rien qui pui
1207 ir immédiat ne l’est plus. Toute création demande une vacance, un espace qui ne soit mesuré et un temps qui ne soit rythmé
1208 e l’est plus. Toute création demande une vacance, un espace qui ne soit mesuré et un temps qui ne soit rythmé que par les
1209 ande une vacance, un espace qui ne soit mesuré et un temps qui ne soit rythmé que par les lois intimes du sujet fascinant.
1210 aujourd’hui, je ne puis que subir le temps brutal des événements. Ils mènent le jeu, jusque dans mes pensées. Désorganisent
1211 la méditation. Et me contraignent à n’écrire que des fragments. Le « journaliste » est l’homme sans lendemain. 5 avril 193
1212 vril 1939 Ce chef d’État offre, dit-on, d’évacuer une île dont il s’est emparé, à condition qu’on lui donne en échange quel
1213 trebandier, puis douanier. Il cultive aujourd’hui un merveilleux jardin, dans un vallon bien abrité, à la terre ocrée, sou
1214 l cultive aujourd’hui un merveilleux jardin, dans un vallon bien abrité, à la terre ocrée, sous les pins. Pendant que nous
1215 ela fait, ceux qui gouvernent ? Ça peut bien être des Allemands, ou des Anglais, ou tout ce que vous voudrez, pourvu qu’on
1216 gouvernent ? Ça peut bien être des Allemands, ou des Anglais, ou tout ce que vous voudrez, pourvu qu’on nous laisse travai
1217 mé comme les autres années… Monsieur Turc promène un regard précis et compétent sur le vallon et les cultures. Médite et r
1218 tures. Médite et redresse sa casquette. Et tout d’ un coup, son regard s’assombrit : — Ha ! mais je vais vous dire : si les
1219 comment il s’y prendra, mais voilà qui s’appelle un beau redressement national ! 11 avril 1939 Monsieur Turc a semé, mais
1220 moi, je n’arrive même pas à défricher le champ d’ un gros ouvrage projeté. Toute œuvre humaine, tout acte humain, et même
1221 rfois les plus élémentaires, exigent et supposent un avenir. Nous l’oublions souvent, dans notre vie individuelle. Les sta
1222 ont. On constatera l’année prochaine (s’il y en a une ) que cette période de menaces de guerre aura vu concevoir moins de li
1223 êchent de m’absorber dans l’œuvre en cours, c’est un esprit d’autocritique qui prend la place, en moi, de l’effort créateu
1224 la place, en moi, de l’effort créateur. J’imagine un recueil de Contredits où je réfuterais mes précédents ouvrages… Pen
1225 existence ; cependant que les masses, créées par des puissances inhumaines (et auxquelles nulle culture n’aurait pu s’oppo
1226 ce serait moins la faute de la culture que celle des hasards anonymes qui organisent un monde mécanique (radio, capital, u
1227 ure que celle des hasards anonymes qui organisent un monde mécanique (radio, capital, urbanisme) au sein duquel la plus « 
1228 tal, urbanisme) au sein duquel la plus « active » des cultures perd ses prises et son efficace. En vérité, ce ne sont pas l
1229 es de culture en série… De même, sous l’influence des événements récents (état de siège proclamé par toute l’Europe), je su
1230 tenté de prendre le contre-pied de mon Journal d’ un intellectuel en chômage , et d’insister désormais davantage sur les v
1231 le-même, cette Vérité devient ésotérique aux yeux des masses. Déjà, dans la moitié de l’Europe, elle est des Catacombes, et
1232 asses. Déjà, dans la moitié de l’Europe, elle est des Catacombes, et non pas du Forum. On m’a loué de « penser près de la v
1233 e n’en suis que trop près, — et surtout de la vie des autres ! On voudrait parfois être riche, à seule fin de maintenir cer
1234 olir… 16 avril 1939 Question. Dans quelle mesure un écrivain a-t-il le droit, ou le devoir, de se montrer publiquement ob
1235 oints faibles, ou, au contraire, lui donnera-t-il une efficacité plus pénétrante ? Problème d’une portée générale, dans un
1236 -t-il une efficacité plus pénétrante ? Problème d’ une portée générale, dans un monde où s’installe, peu à peu, le régime de
1237 pénétrante ? Problème d’une portée générale, dans un monde où s’installe, peu à peu, le régime de l’union sacrée et de la
1238 a « discipline de l’opinion ». Dans quelle mesure un citoyen a-t-il le droit, ou le devoir, de se montrer publiquement obj
1239 n qui sera donnée en fait à ce problème, au cours des mois ou des années qui viennent. Paris, 21 avril 1939 Une nuit blanch
1240 onnée en fait à ce problème, au cours des mois ou des années qui viennent. Paris, 21 avril 1939 Une nuit blanche dans un tr
1241 ou des années qui viennent. Paris, 21 avril 1939 Une nuit blanche dans un train bondé. Une journée de reprise à Paris. Et
1242 nnent. Paris, 21 avril 1939 Une nuit blanche dans un train bondé. Une journée de reprise à Paris. Et ce soir, me voici [ve
1243 avril 1939 Une nuit blanche dans un train bondé. Une journée de reprise à Paris. Et ce soir, me voici [venu] assister à un
1244 e à Paris. Et ce soir, me voici [venu] assister à un débat, dans un cercle privé, sur la politique commerciale de la Franc
1245 e soir, me voici [venu] assister à un débat, dans un cercle privé, sur la politique commerciale de la France. Tandis que d
1246 la politique commerciale de la France. Tandis que des experts échangent leurs vues, je constate un curieux phénomène : tout
1247 que des experts échangent leurs vues, je constate un curieux phénomène : tout se transpose dans mon esprit en problèmes de
1248 (achète ou vend) est défini par son action, revêt un rôle, devient une persona ; tandis que l’homme qui subit un acte (qu’
1249 est défini par son action, revêt un rôle, devient une persona ; tandis que l’homme qui subit un acte (qu’il soit acheté ou
1250 evient une persona ; tandis que l’homme qui subit un acte (qu’il soit acheté ou vendu) se voit assimilé par le langage lui
1251 vendu) se voit assimilé par le langage lui-même à un objet matériel indifférencié. À peine ai-je noté ceci, qu’un des expe
1252 tériel indifférencié. À peine ai-je noté ceci, qu’ un des experts se met à parler de la « personnalité » d’un produit comme
1253 iel indifférencié. À peine ai-je noté ceci, qu’un des experts se met à parler de la « personnalité » d’un produit commercia
1254 experts se met à parler de la « personnalité » d’ un produit commercial et de son « prestige ». Curieuse dramatisation ! À
1255 t la matière qui s’en voit revêtue. 26 avril 1939 Une heure au café avec un romancier, ex-leader du Front populaire. Décour
1256 oit revêtue. 26 avril 1939 Une heure au café avec un romancier, ex-leader du Front populaire. Découragé, désabusé, mais en
1257 ême temps décidé à « reconsidérer » le monde sous des aspects plus réalistes, selon l’urgence des événements. — « Je suis e
1258 sous des aspects plus réalistes, selon l’urgence des événements. — « Je suis en pleine cure morale, me dit-il, après quatr
1259 e dit hésiter souvent sur ce point, — et me donne un éclair d’hésitation… 27 avril 1939 L’un me dit : — « Pourquoi vous in
1260 econd celle du matin ? 29 avril 1939 Comme il est des stratèges de Café du Commerce — généraux qui n’ont rien à commander —
1261 e — généraux qui n’ont rien à commander —, il est des « résistants » qui n’ont rien à sauver, et qui ne s’en montrent que p
1262 qu’elle n’a pas hésité à sacrifier sur son autel un peuple ami. (Il entendait : son peuple tchèque.) Historien futur ! — 
1263 tés aussi, qui ne retrouvent l’espoir qu’au seuil des catastrophes générales. Et j’en connais qui ne parviennent à leur rég
1264 ne parviennent à leur régime normal de vie (comme un moteur prend son régime à tant à l’heure) que dans le drame et le bou
1265 à l’heure) que dans le drame et le bouleversement des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montr
1266 ent collectif. Je puis l’avouer parce que je suis un écrivain. Il est admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour le
1267 peuvent avoir peur de la guerre. Car avoir peur d’ un accident, c’est entrevoir, imaginer ses conséquences, et la guerre es
1268 nte en nous ni le courage ni la peur, mais plutôt un certain cynisme. Peut-être aussi une certaine modestie de l’individu,
1269 , mais plutôt un certain cynisme. Peut-être aussi une certaine modestie de l’individu, qui se voit concrètement réduit à sa
1270 os pensées, de nos images ! Hier, dans l’autobus, une petite bourgeoise assise devant moi s’écrie, voyant s’abattre une plu
1271 eoise assise devant moi s’écrie, voyant s’abattre une pluie d’orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à g
1272 1939 La grande ville traversée dans la fatigue d’ un soir pluvieux, Paris, souffrance des visages et des corps, exercice p
1273 la fatigue d’un soir pluvieux, Paris, souffrance des visages et des corps, exercice perpétuel de charité dans une atmosphè
1274 n soir pluvieux, Paris, souffrance des visages et des corps, exercice perpétuel de charité dans une atmosphère exténuante,
1275 et des corps, exercice perpétuel de charité dans une atmosphère exténuante, hâte, érotisme, énervement. Paris soudain cons
1276 ituelle la plus extraordinaire du siècle ! Il est des êtres et des drames dont la vérité n’apparaît que dans cet environnem
1277 us extraordinaire du siècle ! Il est des êtres et des drames dont la vérité n’apparaît que dans cet environnement de lueurs
1278 roisements d’existences étrangères. Paris propose une liberté et un danger, une révélation totale de l’humain dans tous ses
1279 istences étrangères. Paris propose une liberté et un danger, une révélation totale de l’humain dans tous ses risques matér
1280 rangères. Paris propose une liberté et un danger, une révélation totale de l’humain dans tous ses risques matériels et spir
1281 ut-être, à toute autre époque. Imaginer là-dessus un livre vrai, un livre où tout serait avoué, horreur et charme, à trave
1282 e autre époque. Imaginer là-dessus un livre vrai, un livre où tout serait avoué, horreur et charme, à travers la vision d’
1283 t avoué, horreur et charme, à travers la vision d’ un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les métr
1284 ortant de cette église ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien de ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène est
1285 asse le bruit des autobus ; ou bien de ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans un silence de cataco
1286 samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans un silence de catacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la fou
1287 e, l’Amour qui bouleverse le monde et fait surgir des quotidiennes apparences l’être touchant, bizarre et pitoyable que cha
1288 ïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au travers de propos superficiellement passionné
1289 même ton du grand panda, le nouvel hôte du Jardin des Plantes, et du dernier livre de Huizinga, qui nous parvint hier de Ho
1290 ui nous parvint hier de Hollande. Nous échangeons des nouvelles de nos amis communs d’Argentine, d’Angleterre, d’Autriche,
1291 trouvent déjà. Impression soudaine, émouvante, d’ une société secrète que rassemble l’appréhension des catastrophes prochai
1292 ’une société secrète que rassemble l’appréhension des catastrophes prochaines et le désir d’un ultime colloque avant que ne
1293 hension des catastrophes prochaines et le désir d’ un ultime colloque avant que ne se ferment les frontières, avant la soli
1294 4 mai 1939 Avant-hier, nous trouvâmes en rentrant une prodigieuse gerbe de roses rouges que V. O. envoyait à ma femme. Plan
1295 ait à ma femme. Plantée au milieu du studio, dans un gros pot de grès, elle règne comme la Beauté même, comme la Passion d
1296 es nos haines, l’origine de toute amertume, c’est un bien que nous n’avons plus, c’est un amour perdu, allé ailleurs. Mais
1297 rtume, c’est un bien que nous n’avons plus, c’est un amour perdu, allé ailleurs. Mais qu’il existe encore ailleurs, précis
1298 par exemple, de tel régime qui nous menace depuis des mois ? Serait-ce à cause de la menace ? Je ne le crois pas. S’il n’y
1299 a menace ? Je ne le crois pas. S’il n’y avait pas un bien, dans ce régime, un bien que nous avons perdu, et qu’il séquestr
1300 pas. S’il n’y avait pas un bien, dans ce régime, un bien que nous avons perdu, et qu’il séquestre, s’il n’y avait que du
1301 nation devant le phénomène totalitaire naissent d’ un désir secret, d’une tentation, d’une espèce de dépit amoureux de la r
1302 énomène totalitaire naissent d’un désir secret, d’ une tentation, d’une espèce de dépit amoureux de la révolution manquée pa
1303 re naissent d’un désir secret, d’une tentation, d’ une espèce de dépit amoureux de la révolution manquée par nous, mais sédu
1304 ar nous, mais séduite et violée par le voisin ; d’ une nostalgie de cette communauté qu’ils disent avoir réinventée, dont no
1305 ottes avec passion, quand ils n’étaient encore qu’ une troupe désordonnée, incapable — du moins le croyait-on — d’affronter
1306 e l’enfer… Les clients : demi-luxe et demi-monde. Des femmes qui ont voulu ressembler aux trois ou quatre types de stars en
1307 elours grenat à côté du représentant calamistré d’ une marque d’auto. Et ces rires, ces éclats de voix ! Mais il y a depuis
1308 es rires, ces éclats de voix ! Mais il y a depuis un moment une musique de radio on ne sait d’où venue, dominant tout. Des
1309 ces éclats de voix ! Mais il y a depuis un moment une musique de radio on ne sait d’où venue, dominant tout. Des trompettes
1310 ue de radio on ne sait d’où venue, dominant tout. Des trompettes solennelles au début, et maintenant, planante et pure, une
1311 nelles au début, et maintenant, planante et pure, une voix de femme se détache… Tout d’un coup, cette ivresse ailée, tout d
1312 nte et pure, une voix de femme se détache… Tout d’ un coup, cette ivresse ailée, tout d’un coup cette confiance envahissant
1313 ache… Tout d’un coup, cette ivresse ailée, tout d’ un coup cette confiance envahissante dans le salut du monde malgré tout,
1314 t profond et continu, la respiration bienheureuse des anges gardiens de ce temps, dans l’enthousiasme, déchirant les voiles
1315 nous est promis ! 9 juin 1939 « Notre Führer fait une politique d’artiste ! », a proclamé M. Goebbels. Voilà qui définit l’
1316 là qui définit l’idée de l’Art que peut concevoir un petit-bourgeois allemand. L’hitlérisme, c’est le romantisme, mais ado
1317 nnante, à la campagne… Je suis seul et je pense à un bonheur promis, ce revoir qui est pour demain. Et voici que soudain,
1318 revoir qui est pour demain. Et voici que soudain, un « à venir » m’est rendu, un rythme heureux du temps, pour vingt-quatr
1319 Et voici que soudain, un « à venir » m’est rendu, un rythme heureux du temps, pour vingt-quatre heures, une plénitude de l
1320 ythme heureux du temps, pour vingt-quatre heures, une plénitude de l’attente. D’ici là, plus rien ne comptera que par rappo
1321 de notre vie, jusqu’à la mort, — sinon l’espoir d’ un rendez-vous au-delà du monde, et l’entretien de son attente ardente ?
1322 sans cesse et en tout lieu ! Si tout dépendait d’ un avenir assez lointain et assez glorieux pour disqualifier nos soucis,
1323 ourra ! Que l’été nous apporte — c’est probable — un nouveau serpent de mer des dictateurs, je mets ici un point final à c
1324 orte — c’est probable — un nouveau serpent de mer des dictateurs, je mets ici un point final à ce journal de petite attente
1325 ouveau serpent de mer des dictateurs, je mets ici un point final à ce journal de petite attente. Il faut juger notre vie p
1326 ie par sa Fin, pour mesurer l’importance relative des événements qui nous font les gros yeux. Joie du temps retrouvé, dans
1327 os yeux. Joie du temps retrouvé, dans l’instant d’ un espoir qui fut pour moi la parabole salutaire ! Substance présente de
1328 ur moi la parabole salutaire ! Substance présente des choses espérées ! Qu’est-ce que la guerre, et qu’est-ce que cette cri
1329 crois, tu vivras. ai. Rougemont Denis de, « D’ un journal d’attente (pages démodées) », Formes et Couleurs, Lausanne, a
28 1940, Articles divers (1938-1940). L’heure sévère (juin 1940)
1330 L’heure sévère (juin 1940)aj Il est des pessimistes par tempérament. Leurs propos ne renseignent pas sur l’ét
1331 ament. Leurs propos ne renseignent pas sur l’état des faits dans le monde, mais seulement sur l’état de leurs nerfs. Sans i
1332 u’il nous faut à l’heure que nous vivons, ce sont des pessimistes réfléchis maîtres d’eux-mêmes, et objectifs. Je dirai plu
1333 tifs. Je dirai plus : ce qu’il nous faut, ce sont des pessimistes actifs. Des hommes qui pensent et qui agissent conforméme
1334 qu’il nous faut, ce sont des pessimistes actifs. Des hommes qui pensent et qui agissent conformément à la maxime du Tacitu
1335  » et de l’absence d’imagination, prolonge encore une existence brutalement condamnée par cette guerre. Nous avons trop lon
1336 que par en bas. La croyance au Progrès nous a mis des œillères. Et quand soudain la route normale se trouve barrée ou coupé
1337 n la route normale se trouve barrée ou coupée par un précipice, nous voici piteusement indignés. Pourtant le précipice éta
1338 et le pire. « Trop beau pour être vrai », c’était un de nos proverbes. Et lorsqu’on nous avertissait de certains dangers f
1339 ai. » À certain document que je ne puis nommer, d’ une atterrante précision, nous opposions le scepticisme de qui ne s’en la
1340 t pas le reconnaître, fût-il aussi mal déguisé qu’ un grenadier tombé du ciel en parachute pour jouer l’ange protecteur. À
1341 endant le temps de sa patience, nous aurions eu «  des yeux pour voir », et pour connaître les démons. Voici venu le temps d
1342 émons. Voici venu le temps de la colère, le temps des plaies d’Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Voici venue l’heure sév
1343 iment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix d’ un siècle d’abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fi
1344 iècle d’abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fit la sourde oreille, avec un petit air entendu, quand
1345 ndant un siècle, elle fit la sourde oreille, avec un petit air entendu, quand certains lui posaient cette question : à quo
1346 , aux yeux de qui refuse d’envisager la vie comme une totalité orientée par l’esprit. L’esprit prévoit le mal et tient comp
1347 ira cet argent ou si le confort matériel favorise un bien spirituel. À la première de ces questions, il n’oserait pas répo
1348 n. D’où sa myopie et son imprévision systématique des maux prochains. J’écris ceci pendant la bataille de France. Est-il tr
1349 répéter ces vérités élémentaires, que le sérieux des gouvernants, des hommes d’affaires, des penseurs officiels et des bou
1350 tés élémentaires, que le sérieux des gouvernants, des hommes d’affaires, des penseurs officiels et des bourgeois moyens, a
1351 e sérieux des gouvernants, des hommes d’affaires, des penseurs officiels et des bourgeois moyens, a refusé pendant cent ans
1352 des hommes d’affaires, des penseurs officiels et des bourgeois moyens, a refusé pendant cent ans d’envisager ? Pourtant, l
1353 nus. Vous y trouverez les témoignages convergents des esprits les plus opposés, unanimes dans la critique du « réalisme » d
1354 « réalisme » de leur temps, et dans la prédiction des maux à venir — ceux qui fondent sur nous aujourd’hui. Quoi de commun
1355 ondent sur nous aujourd’hui. Quoi de commun entre un Burckhardt, un Kierkegaard, un Vinet ou un Nietzsche ? Rien, sinon le
1356 aujourd’hui. Quoi de commun entre un Burckhardt, un Kierkegaard, un Vinet ou un Nietzsche ? Rien, sinon leur mépris pour
1357 oi de commun entre un Burckhardt, un Kierkegaard, un Vinet ou un Nietzsche ? Rien, sinon leur mépris pour les idoles bourg
1358 entre un Burckhardt, un Kierkegaard, un Vinet ou un Nietzsche ? Rien, sinon leur mépris pour les idoles bourgeoises, et l
1359 aard nous décrit le règne de la masse comme celui des lâchetés individuelles additionnées, créant un champ illimité aux dic
1360 i des lâchetés individuelles additionnées, créant un champ illimité aux dictatures collectivistes. Nietzsche ricane que le
1361 ane que le monde moderne est en train d’adopter «  une morale de commerçants », et qu’il sera vaincu par des ascètes féroces
1362 morale de commerçants », et qu’il sera vaincu par des ascètes féroces. Vinet prévoit que les libertés sociales, si nul effo
1363 u côté de la tyrannie. » Et qu’il suffise enfin d’ une allusion aux prophéties célèbres de Burckhardt sur les « terribles si
1364 res militaires au nom de la liberté et du bonheur des masses. Cette unanimité d’esprits partout ailleurs irréductiblement d
1365 s — ce progrès qui ne sait rien que répéter comme une horloge parlante : « Tout s’arrangera. » Or aujourd’hui pour « sauver
1366 Pour avoir refusé les sacrifices qu’eût entraînés un règlement plus juste des relations sociales et internationales, pour
1367 crifices qu’eût entraînés un règlement plus juste des relations sociales et internationales, pour avoir refusé obstinément
1368 s de nations, nous voici contraints brutalement à des sacrifices mille fois pires, inévitables et stériles. Le plus étrange
1369 qu’il s’agit de défense nationale, nous acceptons des mesures qui, hier encore, passaient pour folles, démagogiques, impens
1370 magogiques, impensables et impraticables aux yeux des « réalistes » de l’économie : prélèvement sur le capital ou caisse de
1371 s exemples7… Nous avons critiqué sans merci comme des « utopies subversives » certaines réformes sociales qui eussent été d
1372 ’entraîne la guerre actuelle. Nous acceptons avec une belle discipline des « efforts financiers » dont une fraction minime
1373 ctuelle. Nous acceptons avec une belle discipline des « efforts financiers » dont une fraction minime aurait suffi, en d’au
1374 belle discipline des « efforts financiers » dont une fraction minime aurait suffi, en d’autres temps, à supprimer toutes l
1375 on seulement sur le plan social, mais sur le plan des relations de peuple à peuple. Tout ce que nous jugions impossible qua
1376 la guerre sont seules capables d’obtenir de nous un dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’amour, pourquoi do
1377 es sont inopportunes, à l’heure où nous cherchons des raisons d’espérer. Mais nul espoir n’est plus possible, sachons-le, s
1378 e la guerre — dépend de notre capacité d’accepter des vérités dures. Car tout le mal est venu de les avoir refusées, avant
1379 ontrent leurs effets aux yeux de tous. Mea culpa des pacifistes, qui n’ont pas su imaginer le mal parce qu’ils croyaient a
1380 croyaient au bien fait de main d’homme. Mea culpa des militaristes, qui n’ont pas su imaginer un autre bien que la défense
1381 culpa des militaristes, qui n’ont pas su imaginer un autre bien que la défense toute matérielle d’un ordre de choses vicié
1382 r un autre bien que la défense toute matérielle d’ un ordre de choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui tu
1383 ête, mais qui tue ce qu’elle conquiert. Mea culpa des gens de droite, qui croyaient pouvoir conserver des privilèges hérité
1384 s gens de droite, qui croyaient pouvoir conserver des privilèges hérités, tout en admirant et soutenant des chefs brutaux q
1385 privilèges hérités, tout en admirant et soutenant des chefs brutaux qui les bernaient pour mieux les détrousser au bout du
1386 mieux les détrousser au bout du compte. Mea culpa des gens de gauche, dont le programme de bonheur obligatoire était le mêm
1387 ontre lequel ils excitaient les masses. Mea culpa des Suisses, qui voulaient profiter des avantages de la folie moderne, et
1388 es. Mea culpa des Suisses, qui voulaient profiter des avantages de la folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui de dev
1389 minime dans la banqueroute européenne. Mea culpa des clairvoyants, qui dénoncèrent le mal dans leurs écrits, mais qui se t
1390 e sur les routes de France ? Nous n’avons plus qu’ un seul espoir — quelle que soit l’issue de la guerre : obtenir pour l’E
1391 soit l’issue de la guerre : obtenir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce de concordat qui nous laisserait la pos
1392 rre : obtenir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce de concordat qui nous laisserait la possibilité de rebâtir. Ma
1393 rait la possibilité de rebâtir. Mais on n’accorde un concordat qu’à celui qui se déclare en faillite. L’aveu suppose un se
1394 celui qui se déclare en faillite. L’aveu suppose un sens des valeurs spirituelles aussi précis que notre sens des chiffre
1395 ui se déclare en faillite. L’aveu suppose un sens des valeurs spirituelles aussi précis que notre sens des chiffres, des qu
1396 valeurs spirituelles aussi précis que notre sens des chiffres, des quantités et des vitesses. Avis à la génération sportiv
1397 tuelles aussi précis que notre sens des chiffres, des quantités et des vitesses. Avis à la génération sportive, aux réalist
1398 cis que notre sens des chiffres, des quantités et des vitesses. Avis à la génération sportive, aux réalistes qui l’engendrè
1399 nt plus le pouvoir de reconnaître, dans le fracas des chars, sous les bombardements, quand on ne sait même plus qui a été t
1400 ements, quand on ne sait même plus qui a été tué. Un peuple en guerre sauve son moral en se dopant, en forçant l’illusion 
1401 e son moral en se dopant, en forçant l’illusion ; un peuple neutre, en avouant le réel. Avouer ses fautes est une libérati
1402 neutre, en avouant le réel. Avouer ses fautes est une libération dont l’homme sort toujours retrempé. Avouer les fautes de
1403 la victoire comme la permission de revivre, c’est une épreuve encore, on ose à peine le dire, une épreuve dérisoire, bonne
1404 c’est une épreuve encore, on ose à peine le dire, une épreuve dérisoire, bonne pour des spectateurs… Pourtant, si nous en t
1405 peine le dire, une épreuve dérisoire, bonne pour des spectateurs… Pourtant, si nous en triomphons, elle nous donnera la fo
1406 ur de les avouer, parce que les fautes contraires des autres, en face, nous paraissent bien plus effrayantes, et qu’ils tri
1407 e responsabilité devant l’Europe. Et cela suppose un dur effort contre nos goûts, nos sympathies et nos passions. Je ne sa
1408 elque chose, ce sera grâce à l’action personnelle des hommes qui auront su répudier les illusions flatteuses de l’ère bourg
1409 justice dont se réclamaient nos égoïsmes et celui des gouvernements : tout cela ne sera que ruines et détritus à déblayer,
1410 ça cette parole : Nubicula est, transibit — c’est un petit nuage, il passera. Ce n’était pas là de l’optimisme. Athanase p
1411 ternité qui permettait à Athanase de dire : c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur de cette heure sévère, c’est qu
1412 eur de cette heure sévère, c’est que par la force des choses, par la brutalité démesurée des choses, nous sommes réduits à
1413 r la force des choses, par la brutalité démesurée des choses, nous sommes réduits à ne plus espérer qu’au nom de l’unique n
1414 nt pour 40 chars, mais si je demande qu’on double un budget culturel, on me répondra que je veux ruiner le pays. 8. Voir
29 1940, Articles divers (1938-1940). Au peuple suisse ! (22 juillet 1940)
1415 part en se montrant capables de créer, eux aussi, un ordre neuf, à leur manière et selon leur foi chrétienne. Aujourd’hui,
1416 s ouvrir les yeux. Depuis quelques semaines, bien des préjugés tombent. Nous avons découvert l’urgente nécessité de nous un
1417 écouvert l’urgente nécessité de nous unir au-delà des partis, au-delà d’une gauche et d’une droite périmées, au-delà du vie
1418 essité de nous unir au-delà des partis, au-delà d’ une gauche et d’une droite périmées, au-delà du vieux conflit du capital
1419 nir au-delà des partis, au-delà d’une gauche et d’ une droite périmées, au-delà du vieux conflit du capital et du travail. P
1420 t du capital et du travail. Partout, chaque jour, des citoyens qui hier encore se croyaient adversaires, découvrent qu’ils
1421 lus aux plans, aux promesses faciles. Ils veulent une méthode neuve d’action et de pensée, une solidarité pratique. Et ils
1422 veulent une méthode neuve d’action et de pensée, une solidarité pratique. Et ils attendent des hommes nouveaux. Des hommes
1423 pensée, une solidarité pratique. Et ils attendent des hommes nouveaux. Des hommes et non pas des programmes. Car les événem
1424 é pratique. Et ils attendent des hommes nouveaux. Des hommes et non pas des programmes. Car les événements marchent vite. D
1425 endent des hommes nouveaux. Des hommes et non pas des programmes. Car les événements marchent vite. Des hommes auxquels on
1426 des programmes. Car les événements marchent vite. Des hommes auxquels on fasse crédit pour résoudre au fur et à mesure les
1427 fur et à mesure les problèmes qui vont se poser. Des hommes qui prouvent, par leur seule réunion, qu’ils sont assez indépe
1428 nion, qu’ils sont assez indépendants pour mériter une confiance nouvelle. Il est temps que ces aspirations se réalisent et
1429 . Il est temps que les bonnes volontés deviennent une volonté commune. Nous nous sommes donc groupés pour travailler. Venus
1430 naturel de la Suisse, cœur de l’Europe et limite des races, le Gothard est le grand symbole autour duquel tous les Confédé
1431 dans leurs diversités. Que tous ceux qui sont las des querelles partisanes, que tous ceux qui viennent d’être démobilisés e
1432 ennent avec nous pour travailler. Nous n’avons qu’ un seul but : maintenir la Suisse, dans le présent et pour l’avenir. Nou
1433 sent et pour l’avenir. Nous ne vous promettons qu’ un grand effort commun. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et d’êt
1434 blierons nos principes et buts d’action, les noms des membres du comité, ainsi qu’un grand nombre de signatures de personna
1435 ’action, les noms des membres du comité, ainsi qu’ un grand nombre de signatures de personnalités appartenant aux milieux l
30 1940, Articles divers (1938-1940). Autocritique de la Suisse (août 1940)
1436 ’il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’a pas toujours bien compris. Elle exclut en principe
1437 e, et suppose donc la connaissance très vivante d’ une autre espèce d’union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses e
1438 spèce d’union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses et l’à peu près intellectuel s’opposent sans cesse à cette rep
1439 cette reprise de conscience. D’où la nécessité d’ une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déchoir ou se laisser dis
1440 ions notre langage ! — Puisque le fédéralisme est une forme politique qui suppose l’équilibre vivant entre les droits de ch
1441 nsemble, il est absurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’autre programme que la défense des intérêts locaux co
1442 un parti qui n’a d’autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centre. Ceux qui se disent, chez nous, « fé
1443 édéralistes », ne sont souvent, je le crains, que des nationalistes cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité de l’uni
1444 ymologique. (fœdus = traité, serment, union.) Par une inconséquence très bizarre, ces pseudo-fédéralistes, ou régionalistes
1445 mmence qu’au-delà de leur opposition. Ils se font un programme de ce qui ne saurait être que la maladie individualiste ou
1446 . Car sous l’opposition, indéfendable en théorie, des centralistes et des régionalistes, ce qui se cache en réalité, c’est
1447 ion, indéfendable en théorie, des centralistes et des régionalistes, ce qui se cache en réalité, c’est l’opposition gauche-
1448 -droite. Les radicaux centralisateurs ne sont que des socialistes qui s’ignorent ; ceux-ci à leur tour ne sont que des tota
1449 qui s’ignorent ; ceux-ci à leur tour ne sont que des totalitaires timorés, c’est-à-dire quelque chose d’absolument inviabl
1450 et les conservateurs « fédéralistes » ne sont que des réactionnaires inconséquents : tant que je ne les aurai pas vu refuse
1451 suisse que notre Parlement, importé d’Amérique à une époque récente, et plus ou moins contaminé par les mœurs politiques f
1452 édéraliste. Tout parti politique est en puissance un petit État totalitaire et unifié, qui voudrait bien tout régler à sa
1453 guise, et qui se condamne, ridiculement, à avoir des idées sur tout. Les seuls partis qu’une fédération puisse tolérer son
1454 , à avoir des idées sur tout. Les seuls partis qu’ une fédération puisse tolérer sont les partis à programme restreint, repr
1455 nt les partis à programme restreint, représentant une région, ou un groupe d’activités apparentées, ou une tendance religie
1456 programme restreint, représentant une région, ou un groupe d’activités apparentées, ou une tendance religieuse, ou des in
1457 région, ou un groupe d’activités apparentées, ou une tendance religieuse, ou des intérêts corporatifs. Sur la base de prog
1458 vités apparentées, ou une tendance religieuse, ou des intérêts corporatifs. Sur la base de programmes restreints, bien défi
1459 r. Mais les partis unitaires actuels représentent des tendances trop vagues : ils ne pourront jamais s’entendre, ou n’obtie
1460 pourront jamais s’entendre, ou n’obtiendront que des compromis informes. Chacun veut tout assimiler, tout juger et tout ab
1461 en toute sincérité et en tout héroïsme, au nom d’ une droite et d’une gauche extrémistes qui, dès « l’affaire » liquidée, o
1462 ité et en tout héroïsme, au nom d’une droite et d’ une gauche extrémistes qui, dès « l’affaire » liquidée, ont démasqué leur
1463 artis continuent, nos arguments ne changent pas d’ un demi-ton, nos philofascistes continuent à reprocher à nos socialistes
1464 ascistes continuent à reprocher à nos socialistes un étatisme qui, en réalité, fait partie de tout programme fasciste ; no
1465 escendants diront de notre siècle qu’il fut celui des gogos enragés. 4. Paresse d’esprit. — Je parle ici par expérience : r
1466 it. — Je parle ici par expérience : rien n’oblige un bureau de Berne à faire du centralisme à coups de décrets rigides ; r
1467 mettre à leur service, comme il se doit. Prévoir des exceptions, tenir compte des faits locaux, adapter, distinguer, assou
1468 il se doit. Prévoir des exceptions, tenir compte des faits locaux, adapter, distinguer, assouplir, traduire : ce ne n’est
1469 ut le contraire, cela tient à la paresse d’esprit des messieurs qui en occupent les fauteuils. Les organismes centraux ne d
1470 t centralistes (au mauvais sens) que par la faute des fonctionnaires qui s’y incrustent, et dont l’intelligence politique s
1471 — sauf les crédits. » Mais dites : « Nous voulons des fonctionnaires frais et dispos, capables d’imagination, détestant les
1472 r qui nous menace : nous avons renversé l’échelle des valeurs. Le cadre matériel de notre vie est parfait, mais il n’encadr
1473 nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget d’ une œuvre destinée à soutenir telle branche de l’activité intellectuelle
1474 e de l’activité intellectuelle que les deux tiers des ressources passent à l’administration et aux salaires fixes, tandis q
1475 tration et aux salaires fixes, tandis que moins d’ un tiers est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de l
1476 ’un tiers est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de littérature consacrer des milliers de francs à sa «
1477 vois une revue d’art et de littérature consacrer des milliers de francs à sa « présentation » matérielle, et zéro franc à
1478 nt difficiles. Je vois que dans le budget moyen d’ un ouvrier suisse, le cadre matériel de l’existence (logement, vêtement,
1479 , mobilier, assurances) absorbe plus de la moitié des ressources, proportion réellement exorbitante. Je vois des gens qui h
1480 urces, proportion réellement exorbitante. Je vois des gens qui hésitent entre deux types de salles de bain, l’une coûtant 3
1481 tre politique est alourdie et comme paralysée par des soucis budgétaires de cet ordre, traduisant cette échelle de valeurs.
1482 7. Tolérance. — Le fédéralisme véritable suppose une tolérance particulière : le respect des vocations supérieures ou rare
1483 e suppose une tolérance particulière : le respect des vocations supérieures ou rares, des exceptions, des manières de vivre
1484  : le respect des vocations supérieures ou rares, des exceptions, des manières de vivre hors-série. Car « l’exception » dan
1485 s vocations supérieures ou rares, des exceptions, des manières de vivre hors-série. Car « l’exception » dans la vie quotidi
1486 enne doit jouer le même rôle que la minorité dans une vie fédérale saine : elle a droit à de plus grands égards, relativeme
1487 ne l’oublient pas ! 8. Intolérance. — À mon avis, un fédéralisme sain doit se montrer radicalement intolérant envers toute
1488 chez nous, font profession d’admirer la méthode d’ un dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà d
1489 écrire : « L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles de Suisses11. Je les estime intolé
1490 âme de l’âme », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles de Suisses11. Je les estime intolérables, s’ils parlent en con
1491 tale du monsieur qui s’enquiert « objectivement » des motifs d’un bandit tout prêt à l’assommer. Or je connais une certaine
1492 eur qui s’enquiert « objectivement » des motifs d’ un bandit tout prêt à l’assommer. Or je connais une certaine propagande
1493 d’un bandit tout prêt à l’assommer. Or je connais une certaine propagande qui nous tape sur le crâne, littéralement, et cel
1494 fait, nous sommes en guerre parce que victimes d’ une agression systématique et quotidienne contre les principes mêmes qui
1495 nt notre État. (Je me garderai bien de donner ici un autre exemple que celui de la propagande stalinienne.) Si l’on nous i
1496 la géographie ! dit ce poète. Et de nous décrire une Suisse héroïque protégée par les Alpes, ce rempart, le Jura, cette ba
1497 s sobres, définissent la Suisse en ces termes : «  Une dépression entre deux chaînes de montagnes. » Renvoyons la géographie
1498  » Il s’agissait sans doute d’inciter le public à des économies de charbon. On nous recommandait la tiédeur… Mais voici nos
1499 , dit le Christ. Si c’est vis-à-vis de la guerre des autres que l’on reste tiède, cette neutralité peut être avantageuse d
1500 ans la mesure où elle nous exclut, précisément, d’ un conflit que nous jugeons mauvais. (Reste à savoir si le conflit actue
1501 monstre de la guerre nous vomisse… Mais ceci est une autre histoire.) On ferait bien de ne pas utiliser comme des proverbe
1502 istoire.) On ferait bien de ne pas utiliser comme des proverbes généraux certaines paroles du Christ qui n’ont de sens que
1503 t ce verset de son sens spirituel, c’est toujours un blasphème, et c’est souvent une grosse sottise. 12. Neutralité « éter
1504 el, c’est toujours un blasphème, et c’est souvent une grosse sottise. 12. Neutralité « éternelle ». — On nous parle aujourd
1505 ique. Dans ce cas, notre politique reposerait sur une faute de français, j’en suis fâché. Ce n’est pas éternelle qu’il conv
1506 droit et le pouvoir de décréter « l’éternité » d’ une décision humaine ? Apprenons donc à qui de droit que nul État humain
1507 nul État humain n’est éternel ; que la Suisse est un État humain ; et que par conséquent l’épithète « éternelle » ne saura
1508 lus, la Suisse n’est devenue neutre qu’à partir d’ un certain moment de son histoire. Or ce qui est éternel ne commence pas
1509 histoire. Or ce qui est éternel ne commence pas à un certain moment, en 1648 ou en 1815 par exemple. Tout ce qui commence
1510 48 ou en 1815 par exemple. Tout ce qui commence à un certain moment, dans l’histoire, cessera aussi nécessairement à un au
1511 , dans l’histoire, cessera aussi nécessairement à un autre moment. On peut le nier parfois dans un élan de passion. Mais o
1512 t à un autre moment. On peut le nier parfois dans un élan de passion. Mais on ne peut pas le nier par un décret. 13. Neutr
1513 élan de passion. Mais on ne peut pas le nier par un décret. 13. Neutralité perpétuelle. — Certes, les premiers Confédérés
1514 plaisait à Dieu, durer « éternellement ». C’était une manière d’affirmer qu’ils la concluaient sans arrière-pensée. (Compar
1515 ingt-cinq ans » que faisait naguère à ses voisins un homme dont Anastasie m’a fait oublier le nom.) De même pour la neutra
1516 nt la gauche et la droite. Affirmer dans l’absolu une position relative, si légitime qu’elle soit, c’est se condamner à êtr
1517 lité « morale ». — Les traités nous reconnaissent une neutralité politique et militaire. Ils nous obligent aussi à la défen
1518 ntégralement. Mais ils ne nous imposent nullement une neutralité d’opinion. Renoncer au droit de nous exprimer, ce n’est do
1519 e la neutralité. Ce peut être, dans certains cas, une mesure opportune ; mais passé certaine limite, c’est tout simplement
1520 certaine limite, c’est tout simplement renoncer à une belle part de notre indépendance. C’est renoncer à nous défendre inté
1521 défendre intégralement. Et c’est enfin céder sur un point décisif pour notre indépendance future, étant donnée la nature
1522 notre indépendance future, étant donnée la nature des guerres modernes, qui sont d’abord des guerres morales, des guerres d
1523 la nature des guerres modernes, qui sont d’abord des guerres morales, des guerres de propagande. Quand une troupe est rédu
1524 s modernes, qui sont d’abord des guerres morales, des guerres de propagande. Quand une troupe est réduite à l’impuissance p
1525 guerres morales, des guerres de propagande. Quand une troupe est réduite à l’impuissance par l’adversaire, on ne dit pas qu
1526 e opinion. En tant que citoyen suisse respectueux des décisions de nos autorités suprêmes, j’ai donc le droit de condamner
1527 êmes, j’ai donc le droit de condamner ouvertement des régimes étrangers qui attaquent ouvertement le nôtre. Et qu’on ne vie
1528 ement le nôtre. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’ une pareille attitude peut compromettre notre indépendance : elle l’affir
1529 ôt renoncer à ma liberté d’opinion que de risquer des ennuis avec une légation. » Il dit au contraire — il disait autrefois
1530 liberté d’opinion que de risquer des ennuis avec une légation. » Il dit au contraire — il disait autrefois : « Plutôt la m
1531 2 15. Diplomatie. — Ne cédons pas à la tentation des basses époques : confondre le réalisme avec la médiocrité des vues po
1532 poques : confondre le réalisme avec la médiocrité des vues politiques. Les petits pays ne sont pas dispensés d’imaginer et
1533 matérielle. Nos réalistes — toujours en retard d’ une guerre, d’une époque — ont récemment découvert qu’un diplomate modern
1534 os réalistes — toujours en retard d’une guerre, d’ une époque — ont récemment découvert qu’un diplomate moderne doit être un
1535 guerre, d’une époque — ont récemment découvert qu’ un diplomate moderne doit être un expert commercial. Conception bien typ
1536 mment découvert qu’un diplomate moderne doit être un expert commercial. Conception bien typique du siècle dernier, où, en
1537 où, en effet, la politique n’était plus guère qu’ une annexe des affaires. Rien de plus dangereusement utopique que le réal
1538 et, la politique n’était plus guère qu’une annexe des affaires. Rien de plus dangereusement utopique que le réalisme d’avan
1539 dustrie (réalisme d’hier). Notre époque est celle des religions politiques, sociales, nationales. Le commerce, l’industrie,
1540 Ce sont les chefs qui dictent les prix, les cours des changes, la consommation. Ces chefs montrent la plus parfaite indiffé
1541 fameuses « nécessités techniques », superstition des experts d’hier et d’avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait,
1542 par le fait, que la Technique ne saurait inspirer une politique, mais qu’elle peut au contraire servir à tout lorsqu’on l’y
1543 cuse à l’absence de vues politiques. On demande à un gouvernement de « gouverner14 », de piloter l’État et d’orienter sa m
1544 onnement technique de la machine, étant l’affaire des fonctionnaires — leur nom l’indique — et des conseillers commerciaux.
1545 aire des fonctionnaires — leur nom l’indique — et des conseillers commerciaux. On demande des diplomates qui fassent une po
1546 ique — et des conseillers commerciaux. On demande des diplomates qui fassent une politique, et qui aient plus d’idées génér
1547 ommerciaux. On demande des diplomates qui fassent une politique, et qui aient plus d’idées générales que de compétences éco
1548 n, tel philanthrope, tel connaisseur et praticien des choses de la SDN et de la chose européenne, qui nous représenteraient
1549 uisse pourrait et devrait jouer dans notre siècle une partie magnifique. Mais il faudrait que notre gouvernement comprenne
1550 ernement comprenne ceci : La prudence est le vice des timides et la vertu des audacieux. 10. Peut-être me croira-t-on si
1551 : La prudence est le vice des timides et la vertu des audacieux. 10. Peut-être me croira-t-on si je déclare, après la pag
1552 tiques ! 11. Intéressante précision du langage ! Un « drôle », c’est à la fois un comique et un malandrin. 12. Ceci ne v
1553 cision du langage ! Un « drôle », c’est à la fois un comique et un malandrin. 12. Ceci ne veut pas dire que nous devons p
1554 age ! Un « drôle », c’est à la fois un comique et un malandrin. 12. Ceci ne veut pas dire que nous devons préférer la mor
1555 ns préférer la mort à l’interdiction de proclamer des sottises. Je m’excuse de tant de lourdeur dans la précision, mais je
1556 rdeur dans la précision, mais je m’avance ici sur un terrain miné. Je sais d’ailleurs ce que je risque. Ce qui me permet d
1557 t cette déclaration de Spitteler : « N’est-ce pas un spectacle grotesque que celui d’une feuille de chou qui, sûre de son
1558 « N’est-ce pas un spectacle grotesque que celui d’ une feuille de chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style de
1559 e son inviolabilité, vitupère en style de cabaret une grande puissance européenne, comme s’il s’agissait d’une paisible éle
1560 nde puissance européenne, comme s’il s’agissait d’ une paisible élection municipale ! Si la censure accourt alors avec une m
1561 ion municipale ! Si la censure accourt alors avec une muselière, elle accomplit un acte de décence. » 13. Cf. à ce sujet l
1562 accourt alors avec une muselière, elle accomplit un acte de décence. » 13. Cf. à ce sujet les vues très exactes du grand
1563 démission de la Suisse , Denis de Rougemont, l’un des lauréats du prix Gottfried Keller 1940, publie, réunis en un volume,
1564 du prix Gottfried Keller 1940, publie, réunis en un volume, une série d’articles et de conférences dont il indique, dans
1565 ttfried Keller 1940, publie, réunis en un volume, une série d’articles et de conférences dont il indique, dans son avertiss
1566 , le propos, en ces termes : “Ils sont tous nés d’ un même souci de la personne et de son rôle dans la communauté ; et tous
1567 le dans la communauté ; et tous ils s’adressent à des Suisses. Par une série de cercles concentriques, ils s’efforcent de s
1568 auté ; et tous ils s’adressent à des Suisses. Par une série de cercles concentriques, ils s’efforcent de situer notre missi
1569 vant tout à nous faire rentrer en nous-mêmes, est une œuvre forte, un appel viril à la réflexion, un avertissement grave et
1570 faire rentrer en nous-mêmes, est une œuvre forte, un appel viril à la réflexion, un avertissement grave et clairvoyant qua
1571 t une œuvre forte, un appel viril à la réflexion, un avertissement grave et clairvoyant quant à l’avenir. Nous sommes donc
31 1940, Articles divers (1938-1940). Henri le Vert ou l’âme alémanique (1940)
1572 ère découverte de l’atmosphère suisse allemande à un cours de répétition. Nous faisions des manœuvres dans la campagne ber
1573 allemande à un cours de répétition. Nous faisions des manœuvres dans la campagne bernoise. C’était l’été, nous traversions
1574 ampagne bernoise. C’était l’été, nous traversions des vergers, des jardins et des fermes, dans la grande liberté militaire,
1575 ise. C’était l’été, nous traversions des vergers, des jardins et des fermes, dans la grande liberté militaire, pénétrant da
1576 été, nous traversions des vergers, des jardins et des fermes, dans la grande liberté militaire, pénétrant dans l’intimité d
1577 de liberté militaire, pénétrant dans l’intimité d’ une vie bonhomme et opulente, dormant dans des auberges inconnues des tou
1578 mité d’une vie bonhomme et opulente, dormant dans des auberges inconnues des touristes, nous dans des cuisines accueillante
1579 et opulente, dormant dans des auberges inconnues des touristes, nous dans des cuisines accueillantes, où le confort modern
1580 s des auberges inconnues des touristes, nous dans des cuisines accueillantes, où le confort moderne et le confort paysan se
1581 derne et le confort paysan se mariaient à l’ombre des installant pour quelques heures le confort moderne et le confort auve
1582 onfort moderne et le confort auvents immenses, et des balcons de bois ornés de pieuses devises et de géraniums éclatants. T
1583 raniums éclatants. Tout paraissait, dans ce pays, un peu plus large que chez nous, plus largement assis et attablé, dans u
1584 chez nous, plus largement assis et attablé, dans une nature moins douce, mais plus drue. Je m’étais bien promis d’y retour
1585 mal connu, et qu’il n’en existe à cette heure qu’ une seule et unique édition. Car ce n’est pas seulement l’un des chefs-d’
1586 t unique édition. Car ce n’est pas seulement l’un des chefs-d’œuvre de la littérature universelle, l’un de ces livres à la
1587 ’esprit suisse allemand. Courez demain matin chez un libraire ou à la bibliothèque la plus proche, et demandez la traducti
1588 z la traduction de ce gros livre. Vous commettrez une bonne action patriotique. Car le patriotisme suisse est d’abord une q
1589 atriotique. Car le patriotisme suisse est d’abord une question d’amitié, et l’amitié suppose une connaissance mutuelle, et
1590 ’abord une question d’amitié, et l’amitié suppose une connaissance mutuelle, et je ne sais rien qui puisse nous donner, com
1591 éalité alémanique. Vous trouverez dans ce récit d’ une jeunesse aventureuse et d’un retour vers le pays natal, un mélange ét
1592 rez dans ce récit d’une jeunesse aventureuse et d’ un retour vers le pays natal, un mélange étonnant de romantisme, de bon
1593 se aventureuse et d’un retour vers le pays natal, un mélange étonnant de romantisme, de bon sens bourgeois et d’humour. Et
1594 eois et d’humour. Et c’est peut-être là le secret des Suisses allemands. Le secret d’un certain lyrisme qui les distingue d
1595 e là le secret des Suisses allemands. Le secret d’ un certain lyrisme qui les distingue de nous autres Romands. Et quand je
1596 sme, je n’entends pas ce sentimentalisme vague et un peu lourd qui met tant de points d’orgue dans les couplets d’un Männe
1597 ui met tant de points d’orgue dans les couplets d’ un Männerchor, mais une espèce de saveur primitive, une manière plus con
1598 s d’orgue dans les couplets d’un Männerchor, mais une espèce de saveur primitive, une manière plus confiante et plus joyeus
1599 Männerchor, mais une espèce de saveur primitive, une manière plus confiante et plus joyeuse d’accepter la vie instinctive,
1600 te et plus joyeuse d’accepter la vie instinctive, un peu plus de musique, un peu moins de scrupules, un peu plus d’énergie
1601 epter la vie instinctive, un peu plus de musique, un peu moins de scrupules, un peu plus d’énergie et moins d’esprit criti
1602 n peu plus de musique, un peu moins de scrupules, un peu plus d’énergie et moins d’esprit critique. Ce sont ces nuances-là
1603 n me dira que je vais chercher bien haut, et dans une œuvre exceptionnelle, mon modèle du Suisse allemand… Oh, bien sûr, il
1604 isse allemand… Oh, bien sûr, ils ne sont pas tous des Gottfried Keller ou des Henri le Vert. Tous les Français non plus ne
1605 sûr, ils ne sont pas tous des Gottfried Keller ou des Henri le Vert. Tous les Français non plus ne sont pas des Pascal, tou
1606 i le Vert. Tous les Français non plus ne sont pas des Pascal, tous les Allemands ne sont pas des Goethe — loin de là… Et ce
1607 nt pas des Pascal, tous les Allemands ne sont pas des Goethe — loin de là… Et cependant, celui qui a compris Pascal, ou Goe
1608 dorénavant nous saurons reconnaître ici ou là, d’ une manière furtive mais parfois émouvante, dans la vie quotidienne d’un
1609 mais parfois émouvante, dans la vie quotidienne d’ un de ces peuples, oui, dans sa vie apparemment banale. Depuis que j’ai
1610 allemands que cette fameuse lourdeur sentimentale un peu scolaire ; je distingue une malice un peu brusque, un élan, une s
1611 rdeur sentimentale un peu scolaire ; je distingue une malice un peu brusque, un élan, une saveur populaire et lyrique, tout
1612 mentale un peu scolaire ; je distingue une malice un peu brusque, un élan, une saveur populaire et lyrique, tout ce qui fa
1613 colaire ; je distingue une malice un peu brusque, un élan, une saveur populaire et lyrique, tout ce qui fait le meilleur f
1614 je distingue une malice un peu brusque, un élan, une saveur populaire et lyrique, tout ce qui fait le meilleur fonds du Su
1615 ssus les Alpes, — j’évoque le dynamisme américain des Zurichois, la vieille culture patinée des Bâlois, la Suisse centrale
1616 éricain des Zurichois, la vieille culture patinée des Bâlois, la Suisse centrale qui mène encore une existence patriarcale
1617 ée des Bâlois, la Suisse centrale qui mène encore une existence patriarcale autour du Saint-Gothard, notre bastion sacré, d
1618 les Suisses, puisqu’elle nous a permis de réunir des qualités et des défauts qui se complètent si heureusement : la rouspé
1619 isqu’elle nous a permis de réunir des qualités et des défauts qui se complètent si heureusement : la rouspétance du Suisse
1620 r. Et tout ce qu’il y a dans la culture romande d’ un peu précautionneux ou de timide, se trouve à merveille compensé par l
1621 rlé de fédéralisme, permettez-moi de terminer par une petite citation qui prouvera aux plus ombrageux des régionalistes rom
1622 e petite citation qui prouvera aux plus ombrageux des régionalistes romands qu’un Suisse allemand n’est pas nécessairement
1623 a aux plus ombrageux des régionalistes romands qu’ un Suisse allemand n’est pas nécessairement un centraliste ou un Monsieu
1624 ds qu’un Suisse allemand n’est pas nécessairement un centraliste ou un Monsieur de Berne ! C’est un fragment de discours p
1625 lemand n’est pas nécessairement un centraliste ou un Monsieur de Berne ! C’est un fragment de discours patrio­tique que Go
1626 nt un centraliste ou un Monsieur de Berne ! C’est un fragment de discours patrio­tique que Gottfried Keller — encore lui !
1627 ried Keller — encore lui ! — met dans la bouche d’ un de ses héros, dans le récit intitulé Le Fanion des sept braves. Par l
1628 un de ses héros, dans le récit intitulé Le Fanion des sept braves. Par les temps que nous vivons, une telle page prend une
1629 n des sept braves. Par les temps que nous vivons, une telle page prend une allure de véritable manifeste. La voici : Un en
1630 r les temps que nous vivons, une telle page prend une allure de véritable manifeste. La voici : Un enfant avec son arche d
1631 nd une allure de véritable manifeste. La voici : Un enfant avec son arche de Noé pleine d’animaux de toute espèce, mâles
1632 s ne soient pas sortis du même moule, qu’il y ait des Zurichois et des Bernois, des gens d’Unterwald et de Neuchâtel, des G
1633 ortis du même moule, qu’il y ait des Zurichois et des Bernois, des gens d’Unterwald et de Neuchâtel, des Grisons et des Bâl
1634 moule, qu’il y ait des Zurichois et des Bernois, des gens d’Unterwald et de Neuchâtel, des Grisons et des Bâlois, et même
1635 es Bernois, des gens d’Unterwald et de Neuchâtel, des Grisons et des Bâlois, et même deux espèces de Bâlois ! Qu’il y ait u
1636 gens d’Unterwald et de Neuchâtel, des Grisons et des Bâlois, et même deux espèces de Bâlois ! Qu’il y ait une histoire de
1637 ois, et même deux espèces de Bâlois ! Qu’il y ait une histoire de l’Appenzell et une histoire de Genève ! Cette variété dan
1638 lois ! Qu’il y ait une histoire de l’Appenzell et une histoire de Genève ! Cette variété dans l’unité — Dieu veuille nous l
1639 — voilà la véritable école de l’amitié ! Et quand une même appartenance politique vient à s’épanouir dans l’amitié commune,
1640 e vient à s’épanouir dans l’amitié commune, alors un peuple atteint ce qu’il y a de plus haut. al. Rougemont Denis de,
32 1940, Articles divers (1938-1940). L’heure de la Suisse (1er août 1940)
1641 L’heure de la Suisse (1er août 1940)ao Pendant des siècles, l’équilibre entre les grands États qui entouraient la Suisse
1642 e se voit menacée dans son autonomie par la force des choses et par la contagion des idéologies nouvelles. Nous courons le
1643 nomie par la force des choses et par la contagion des idéologies nouvelles. Nous courons le risque d’être absorbés économiq
1644 nt, divisés racialement, manœuvrés moralement par des influences étrangères. Jamais notre existence indépendante ne fut plu
1645 mots qui furent pour nos ancêtres autre chose que des mots flatteurs : des raisons de vivre et de mourir. Notre histoire es
1646 nos ancêtres autre chose que des mots flatteurs : des raisons de vivre et de mourir. Notre histoire est celle de la liberté
1647 tes, mais de la liberté menacée, conquise au prix des plus grands sacrifices, toujours sauvée, envers et contre tout, grâce
1648 , toujours sauvée, envers et contre tout, grâce à un sens communautaire qui doit rester en exemple à l’Europe. C’est l’esp
1649 en exemple à l’Europe. C’est l’esprit de liberté des communes du Gothard (nous dirions aujourd’hui l’esprit de coopération
1650 que qui ont gagné la bataille de Morgarten contre une « division cuirassée » de 8000 cavaliers réputés invincibles. C’est l
1651 se, malgré l’anéantissement total de nos troupes. Une seule fois dans l’histoire la Suisse a succombé : en 1798. Les causes
1652 à l’impressionner par leur résistance ; et après une tentative manquée pour imposer à la Suisse un statut contraire à ses
1653 ès une tentative manquée pour imposer à la Suisse un statut contraire à ses traditions, il déclara : « La nature a fait vo
1654 re État fédératif. Vouloir la vaincre n’est pas d’ un homme sage. » (Napoléon, en 1802.) L’idée suisse renaissait, contre t
1655 L’idée suisse renaissait, contre toute espérance. Un tel passé doit nous donner confiance pour le présent. Il nous montre
1656 re que de tout temps, la Suisse a été menacée par des puissances dix fois supérieures, et qu’elle ne s’est maintenue qu’en
1657 ntenue qu’en acceptant la lutte même sans espoir. Un siècle de sécurité et de confort nous a fait oublier ces vérités. Auj
1658 e se défend bien qu’en attaquant. On ne maintient un héritage qu’en travaillant à l’enrichir. Ainsi la Suisse ne survivra
1659 sente notre démocratie fédérative — si différente des grandes démocraties « ploutocratiques » — est à certains égards une s
1660 aties « ploutocratiques » — est à certains égards une survivance, au milieu de l’Europe totalitaire. Notre État fait un peu
1661 u milieu de l’Europe totalitaire. Notre État fait un peu figure de parc national des anciennes libertés civiques, partout
1662 e. Notre État fait un peu figure de parc national des anciennes libertés civiques, partout ailleurs apprivoisées. Eh bien !
1663 bien ! sachons transformer ce vestige en germe d’ une Europe nouvelle, réconciliée avec elle-même et tolérante ! Sachons no
1664 rais vous le montrer sans phrases ronflantes, par des mots simples, peut-être usés déjà, mais auxquels notre situation rend
1665 tre usés déjà, mais auxquels notre situation rend un pouvoir. Notre force est dans notre union. Or, pour s’unir, il faut
1666 ans notre union. Or, pour s’unir, il faut d’abord un but commun. Il faut ensuite sacrifier à ce but ses intérêts particuli
1667 nts pour le forcer à se décider. Donnons au monde un grand exemple de solidarité pratique : voilà notre meilleure défense.
1668 vons consenti déjà, pour notre défense militaire, des mesures qui, en d’autres temps, eussent passé pour révolutionnaires :
1669 le maintienne et le développe au maximum. Prenons un cas concret : Si nous parvenons à supprimer le chômage dans le cadre
1670 us parvenons à supprimer le chômage dans le cadre des entreprises existantes, ou par la mise en train de grands travaux, no
1671 ise en train de grands travaux, nous aurons donné un exemple qui peut féconder l’avenir : exemple d’ordre humain librement
1672 semaines qui viennent, représentera non seulement un scandale humain, mais une menace pour notre indépendance, une proie f
1673 présentera non seulement un scandale humain, mais une menace pour notre indépendance, une proie facile pour certaines propa
1674 humain, mais une menace pour notre indépendance, une proie facile pour certaines propagandes. À l’inverse, chaque occasion
1675 nverse, chaque occasion de travail créée comblera une lacune dans notre défense nationale. Je conjure donc les patrons de c
1676 tionale. Je conjure donc les patrons de consentir une réduction de leur profit, même totale dans certains cas, si cela peut
1677 ême totale dans certains cas, si cela peut éviter des débauchages : il y va de la liberté future de leur entreprise. Et je
1678 treprise. Et je conjure les ouvriers de consentir des réductions de salaire, si cela peut permettre de donner de l’emploi à
1679 de leurs camarades : il y va de la liberté future des travailleurs. Mais les sacrifices matériels ne suffisent pas. Compren
1680 matériels ne suffisent pas. Comprenons qu’il est des sacrifices intellectuels non moins indispensables. Quand il y va de t
1681 s nos partis, car ils ne représenteront jamais qu’ une partie de la vérité. N’attendons plus que ceux de l’autre bord fassen
1682 les restrictions matérielles, ou le fait de payer des impôts quadruplés. Ils n’en représentent pas moins la condition premi
1683 e par l’éloquence la plus émue, ce premier jour d’ une année décisive pour notre Confédération. ao. Rougemont Denis de, «
33 1940, Articles divers (1938-1940). Un fondateur de la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis : M. Denis de Rougemont nous dit… (23 août 1940)
1684 Un fondateur de la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis
1685 ins de notre groupement : réunir — non point dans un parti, car nous nous défendons de vouloir l’être jamais — ce qui doit
1686 ice du pays. À côté de ce comité directeur existe une sorte de sénat composé de personnes d’expérience qui seront là pour n
1687 ourd’hui, la « Ligue du Gothard » est entrée dans une phase active : nous sommes en pleine organisation des équipes cantona
1688 phase active : nous sommes en pleine organisation des équipes cantonales formées de représentants de tous les groupements q
1689 ésentants de tous les groupements qui ne sont pas des partis. Nous attachons, vous le voyez, une très grande importance au
1690 nt pas des partis. Nous attachons, vous le voyez, une très grande importance au fait d’avoir la jeunesse avec nous. C’est q
1691 arce que la politique leur a paru jusqu’à présent un jeu déplaisant… ; cela équivaut à dire que la moitié des citoyens sui
1692 déplaisant… ; cela équivaut à dire que la moitié des citoyens suisses ne s’intéressaient pas aux affaires du pays. Il fall
1693 tard.ar ap. Rougemont Denis de, « [Entretien] Un fondateur de la Ligue du Gothard part pour quatre mois aux États-Unis
1694 yons pas, comme certains se hâteront de le faire, un rapport quelconque avec la part qu’a prise le jeune écrivain neuchâte
1695 t d’être chargé par la fondation “Pro Helvetia” d’ une série de conférences destinées aux colonies suisses du Nouveau Monde.
1696 orio, c’est-à-dire dans sa partition réduite pour un récitant, à l’Exposition de New York. Ce voyage, on le voit, est séri
34 1940, Articles divers (1938-1940). La Ligue du Gothard : raisons d’espérer (13 septembre 1940)
1697 Je comprends vos questions. J’y ai répondu dans une brochure qui va paraître sur la Ligue. Il faut faire confiance à des
1698 paraître sur la Ligue. Il faut faire confiance à des hommes jeunes et qui forment une équipe. Passons sur le passé. Nous s
1699 aire confiance à des hommes jeunes et qui forment une équipe. Passons sur le passé. Nous sommes anticapitalistes et antimar
1700 vivants, et nous travaillons à la réconciliation des syndicats et des corporations, pour préparer par canton une organisat
1701 travaillons à la réconciliation des syndicats et des corporations, pour préparer par canton une organisation professionnel
1702 ats et des corporations, pour préparer par canton une organisation professionnelle qui est la première mesure à prendre, si
1703 ier ses positions. Duttweiler ne nous a pas donné un sou, quoi qu’en dise une certaine presse qui ne se défend plus qu’à c
1704 eiler ne nous a pas donné un sou, quoi qu’en dise une certaine presse qui ne se défend plus qu’à coup de calomnies. Ni les
1705 cune organisation. Le peu que nous avons, ce sont des dons personnels. Et nous cherchons, sûrs de trouver dans la mesure où
1706 de documents au débat et que nous faisons suivre des remarques et conclusions qu’elles nous suggèrent. Voici tout d’abord
1707 t à qui nous avions exprimé notre étonnement. Par une brève lettre datée du 18 août, où il nous fait part de la nouvelle de
1708 son sentiment sur la ligue du Gothard dont il est un membre de la première heure. »