1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 roviennent chez nous d’une incapacité congénitale à prévoir le pire, à l’admettre, et à se préparer en conséquence. Nous
2 s d’une incapacité congénitale à prévoir le pire, à l’admettre, et à se préparer en conséquence. Nous n’avons pas encore
3 é congénitale à prévoir le pire, à l’admettre, et à se préparer en conséquence. Nous n’avons pas encore su prendre le tem
4 condamnée ailleurs par des faits que je n’ai pas à rappeler. La faiblesse du bourgeois réside dans son refus de prendre
5 ns seuls savent reconnaître les démons et déjouer à temps leurs calculs. Reynold a le courage d’envisager — de regarder e
6 me comme total (ou totalitaire) doit bien suffire à fédérer nos vérités partielles en une force vivante. Allons-y viribus
7 de, « Reynold et l’avenir de la Suisse », Hommage à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librairie de l’Université, 1941, p. 12
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
8 Trois paraboles (1er octobre 1941)b I. À la porte du jardin Il y a mille chambres au Palais, mille lits pou
9 pierre de tes vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche de prêtre oriental. L’homme choisit la plus terne, il éta
10 t la plus terne, il était triste et présomptueux. À mesure qu’avec les années, il se persuadait que sa pierre était bonne
11 e, étant bien celle de ses vœux, la pierre se mit à luire davantage ; et davantage encore il l’aimait, plus il luttait co
12 nuit — grande était sa douleur — la pierre se mit à luire sous la cendre, et le grand feu flamba soudain toute la pièce.
13 e grand feu flamba soudain toute la pièce. Il dit à sa pierre : — Ô ma pierre, luis dans le feu ! Je ne puis te toucher,
14 — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche de prêtre, je me souviens de ta jeunesse. Il choisit la plus
15 lui dit le petit vieillard, je ne te vendrai rien à crédit. Tu possèdes ta Vie, et tu possèdes aussi ton Bien. Veux-tu da
16 couleur au jeu de cartes, rouge ou noir. J’arrive à la salle de lecture. Il n’y avait que des feuilles de papier blanc su
17 est ici, elle y est évidemment. Mais je rappelle à Monsieur la règle du club : Ni Questions Ni Réponses. Je ne savais pl
18 savais plus que dire, parce que j’avais une chose à dire. D’ailleurs, même si je n’avais dit que : Fine day to day, c’eût
19 issez ces couloirs. Et je ne voulais pas être mis à la porte ! Naturellement, j’aurais dû pousser la première porte venue
20 me j’étais entré. Mais le fait est que je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute. L’inévitable se produi
21 ns possibles et donc toute possibilité de réponse à quoi que ce soit. Laissez-moi donc seul. C’est mon ordre. Et si vous
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
22 suisse. Au cours des manœuvres militaires, il dit à un soldat : « Vous êtes 500 000 hommes, et vous tirez bien ; mais si
23 . Cette habitude remonte au Moyen Âge germanique. À cette époque, l’« homme libre », — celui qui n’était pas un serf, — s
24 ment une importance technique qui n’est nullement à négliger. C’est le seul moyen d’assurer une mobilisation ultrarapide.
25 mmes de 20 ans, propres au service militaire vont à la même école. Là le paysan a comme compagnon de chambre l’étudiant,
26 nts. Cet entraînement intensif renvoie les hommes à la vie civile, bronzés, endurcis et chargés d’expérience que la vie p
27 urée relativement courte de l’entraînement permet à chaque recrue de retrouver à son retour sa place dans la vie civile.
28 ’entraînement permet à chaque recrue de retrouver à son retour sa place dans la vie civile. L’insuffisance technique résu
29 nnuelles, il consacre quelques heures par semaine à ses devoirs militaires. Un capitaine, par exemple, dans la vie civile
30 ui pour lui demander un conseil ou pour les aider à trouver du travail. Tous le considèrent comme le chef d’une famille d
31 t équipés. C’est ainsi que les Suisses retournent à leur ancienne tradition de faire la guerre. Chaque canton a son propr
32 suivant des plans préétablis. Nous trouvons ainsi à la base de l’organisation militaire, les mêmes facteurs qui détermine
33 de couverture connaissent les positions préparées à la frontière, parce qu’elles les ont fortifiées de leurs propres main
34 ’elles les ont fortifiées de leurs propres mains. À la première alerte, les hommes endossent leurs uniformes et vont à le
35 rte, les hommes endossent leurs uniformes et vont à leurs postes. Les machines et les canons anti-tanks sont prêts. Les m
36 la Suisse. Les gardes-frontière prennent position à quelques kilomètres de leurs propres maisons. Ils savent ce qu’ils dé
37 eux qui écrivit cet article fut mobilisé en 1939, à un poste-frontière du Jura. Il pouvait voir, à travers ses jumelles,
38 l pouvait voir, à travers ses jumelles, un champ, à 3000 pieds au-dessous, et parfois attraper le clair reflet d’une robe
39 partiment » du territoire suisse, l’ennemi aurait à développer une attaque en règle. Il ne serait nullement question d’av
40 voisins comprirent que ce serait un « morceau dur à avaler », et parce qu’il était celui qui a, dans ses mains, le Gothar
41 pays. Des extraits d’un récent discours prononcé à Berne par un colonel, devant un grand public, montre l’état d’esprit
42 elui qui ne questionne jamais pour ce qui a trait à la défense du sol quand cela est raisonnable. À ceux qui demandent :
43 t à la défense du sol quand cela est raisonnable. À ceux qui demandent : « Pourquoi ces sacrifices ? », il répond : « Ni
44 liste que nous devons conserver comme un héritage à nos descendants. Voilà pourquoi nous croyons en Dieu et non pas en un
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
45 e En pleine polémique avec le mystère, il arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’amour une ou plusieurs défi
46 mystère, il arrive à certains de s’oublier jusqu’ à donner de l’amour une ou plusieurs définitions. Ah ! puissions-nous a
47 aimer l’amour assez pour ne jamais avoir recours à ces remèdes, car définir l’amour ce n’est point le connaître, mais li
48 art dans notre vie, et nul amour ne peut survivre à cette méfiance ou à cette avarice anxieuse. Mais il est une manière i
49 et nul amour ne peut survivre à cette méfiance ou à cette avarice anxieuse. Mais il est une manière imaginable de parler
50 ffenser dans sa grandeur, c’est ce qui m’enflamme à parler. Rien ne peut être dit de l’amour même, mais rien non plus n’e
51 ue chose est vraiment dite. La Fable nous apprend à sa manière que l’amour est le lieu d’un mutisme sacré. Angérone, dées
52 e désir se manifeste tout d’abord par ce mutisme. À tel point que l’homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’avec le «
53 e libère. La volupté serait un phénomène analogue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le
54 indépendante de l’instinct, c’est ce qu’induisent à supposer les deux observations suivantes : l’extrême concentration de
55 ieuse tendresse. De plus près encore, l’œil vient à perdre toute expression, regard absolu de l’angoisse. Si l’un s’écart
56 on, regard absolu de l’angoisse. Si l’un s’écarte à ce moment, les voici vacillants comme hors d’eux-mêmes. Alors il lui
57 e qu’ils viennent de posséder, leur silence meurt à cette minute du plaisir. Ils fuient, bavardent. Tristesse platonici
58 amorphoses indicibles. Lui s’éveille parfois tout à fait, et ses yeux dans le noir imaginent. Une étreinte qui s’égalerai
59 s le noir imaginent. Une étreinte qui s’égalerait à l’Infini. Se fondre en un seul être, mais que cet être accède ensuite
60 accède ensuite au commerce de ses semblables, qu’ à son tour il les aime, les possède ! Ainsi par une suite de vertiges,
61 reuse, par mille étreintes successives il s’élève à la jouissance imaginaire et désespérément consciente de l’Être. L’aub
62 e vertige de revenir toucher cet absolu, sensible à celui seul qui l’éprouve jusqu’à l’épouvante : l’être que nous formon
63 absolu, sensible à celui seul qui l’éprouve jusqu’ à l’épouvante : l’être que nous formons au sommet de l’amour, et qui me
64 ue nous souffrons. Le désir divinise, l’acte rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera notre tâche
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
65 ’on ne verra point se dégager de conclusions tout à fait claires : il y a trop de contradictions. Mais c’est ce qui peut
66 qu’un public. C’est le public qui donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le flatter. Tandis que la princesse M
67 ense-t-elle pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin d’un concert triomphal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je
68 fin d’un concert triomphal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je suis le serviteur du public, cela va sans dire. » C’es
69 e serviteur du public, cela va sans dire. » C’est à cela qu’on donne la gloire. Et ceux qui ne la briguent point risquent
70 donc aliénée. Celle d’un Chateaubriand n’est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui la lui prête parce que d’abor
71 née. Celle d’un Chateaubriand n’est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui la lui prête parce que d’abord l’auteur
72 e parce que d’abord l’auteur s’y est prêté. Quant à moi, je suis trop égoïste pour me laisser aller à ce jeu-là. Je me se
73 à moi, je suis trop égoïste pour me laisser aller à ce jeu-là. Je me sentirais dépossédé. C’est que je veux être aimé pou
74 que je suis, ne donne-t-il pas une preuve d’amour à son audience en exigeant d’elle plus de noblesse ? Dire : je néglige
75 e veut pas la gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul s
76 avec les hommes qui l’entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire est ce qui sépare. Mais il cherch
77 ce qui sépare. Mais il chercherait l’excellence, à son rang et selon ses astres. Ainsi les héros et les rois sont les au
78 tuée sa gloire.) Et cependant, je me suis surpris à désirer une gloire qui ne m’ennuierait pas. Non point la leur, mais c
79 ux, naïf, retors, orgueilleux, etc. Quel avantage à feindre ? La plus sotte vanité étant assurément d’essayer de faire cr
80 ant, ma vérité, la vérité de mon mensonge. Est-ce à cause que mon nom est : mensonge, que je voudrais la gloire et ne sai
81 u est mon adversaire. C’est lui seul qui s’oppose à ma gloire, et qui me sauve malgré moi de mon triomphe. Il n’y a qu’un
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
82 une nouvelle, qui se révélera sans doute conforme à la tradition de la langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’
83 sans doute conforme à la tradition de la langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’inclure l’actualité dans un o
84 u. Ce souci, cette arrière-pensée, sont étrangers à la littérature américaine, trop jeune pour craindre les atteintes du
85 ide. Dans ce sens élargi du mot, mais en retirant à l’épithète toute qualité dépréciative, on pourrait appeler journalist
86 ate efficacité. Là où l’écrivain français cherche à vous convaincre par la rigueur ou l’élégance de ses déductions, l’écr
87 e de ses déductions, l’écrivain américain cherche à vous entraîner par la dramatisation (Dramatizing) de sa matière. Le s
88 de choc ou d’accumulation lyrique. L’un s’attache à la construction statique, l’autre au rythme. L’esprit français tend à
89 atique, l’autre au rythme. L’esprit français tend à dégager l’essentiel, l’esprit américain à l’engager dans le concret,
90 is tend à dégager l’essentiel, l’esprit américain à l’engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’illustrer. L’anecdo
91 , l’esprit américain à l’engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’illustrer. L’anecdote révélatrice, le Human Touc
92 n à l’engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’illustrer. L’anecdote révélatrice, le Human Touch, sont régulièreme
93 ent préférés par un directeur de revue américaine à la « formule heureuse » condensant et généralisant des observations q
94 université américaine, on enseigne aux étudiants à éviter toute expression « intellectuelle » du réel, à cultiver l’expr
95 iter toute expression « intellectuelle » du réel, à cultiver l’expression concrète ou sensorielle. N’écrivez pas : « John
96 a donne une littérature plus apte qu’aucune autre à l’expression du dynamisme aventureux de notre siècle. Entre la sensat
97 ain français et l’écrivain américain ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Ils m’apparaissent complémentaires comme l
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
98 ais paradis seront toujours perdus : ils naissent à l’heure où on les perd. Souvenirs de Salzbourg et de Prague, Mozart e
99 ague, Mozart et Rilke, et la Vienne de Schubert — à l’heure où sombrent des nations sous l’uniforme barbarie — je les voi
100 ns nous accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résister, il faudra changer le rythme et rectifier la tenue, bander t
101 t d’un défi grossier. La liberté ne peut survivre à de tels chocs. Car elle est vraiment comme un rêve, un rêve heureux o
102 Des lois adroites et humaines ne suffiront jamais à l’assurer : il y faut ce climat sentimental, cette espèce de naturel
103 mis en question, et qu’il nous force au réalisme à sa manière, le charme est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils
104 me est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelques instants les délices d’u
105 giés qui n’éprouvent de désir pour leurs biens qu’ à la veille de les perdre. Déshérités aussi, qui ne re­trouvent l’espoi
106 hes générales. Et j’en connais qui ne parviennent à leur régime normal de vie (comme un moteur prend son régime normal à
107 l de vie (comme un moteur prend son régime normal à tant à l’heure) que dans le drame et le bouleversement des habitudes
108 e (comme un moteur prend son régime normal à tant à l’heure) que dans le drame et le bouleversement des habitudes où l’én
109 t si profond, peut-être si normal, que j’en viens à me demander si toutes nos crises ne seraient pas machinées par nous-m
110 out seuls devant leur papier blanc. Les réactions à leur parole seront lointaines, ou même ils ne les connaîtront jamais…
111 adisme involontaire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état de mobilisation permanente, préventive… Militarisation d
112 r la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’était pourtant l’heure ! » 14 mai 1939 La grande ville traver
113 s, impossible ailleurs de nos jours, et peut-être à toute autre époque. Imaginer là-dessus un livre vrai, un livre où tou
114 andres En Suisse, 24 mai 1940. Poste militaire à la frontière Écouté la radio : opéra de Mozart. Et dans une seule bou
115 antes passions égarées, musique aux jardins jusqu’ à l’aube… Un quart de tour, nouvelles de la bataille des Flandres, c’es
116 si je ne puis — rien dire ou faire qui s’accorde à ces temps ? « Une nuit viendra, pendant laquelle personne ne peut agi
117 gagnée, même si demain nous devons vivre encore… À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont-ils de ces retours soudai
118 moi, voulant quoi, sans relâche ? voulant ma mort à moi. C’est sérieux, cette fois-ci ça y est !… Vivant un cauchemar qui
119 monde était en train de changer de face d’un jour à l’autre, mais on le regardait d’heure en heure, de trop près, on ne l
120 je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la Vie, toujours pressée d’imaginer un mon
121 sentier fort raide entre les ronces, aboutissant à de vieux escaliers. Une seule rangée de maisons à traverser, et l’on
122 à de vieux escaliers. Une seule rangée de maisons à traverser, et l’on parvient à la grand-rue : comme elle est vide ! Le
123 e rangée de maisons à traverser, et l’on parvient à la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassen
124 tie du village, la rue bifurque : une route prend à droite, vers la plaine, escortée de quelques maisons ; l’autre s’incl
125 rs la vallée, dans les vergers. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant sur le chemin à prendre. Et soudain, je vis à m
126 tais arrêté à cet endroit, hésitant sur le chemin à prendre. Et soudain, je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol,
127 itant sur le chemin à prendre. Et soudain, je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entourant une
128 à prendre. Et soudain, je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entourant une inscription en let
129 au carrefour, il s’est dit : « Peut-être est-elle à Mandres, c’est donc jour de marché. » Il a écrit ces mots. Elle saura
130 lus tard, que ce jour-là, j’avais fait mes adieux à la France. VII. — Mémoire de l’Europe 1943 Je ne savais pas que
8 1944, Articles divers (1941-1946). Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)
131 issaient et jugeaient la France par ses vedettes. À leurs yeux, tout Français devait ressembler aux types d’humanité que
132 nité que représentaient dans le monde les acteurs à succès, les écrivains célèbres, les modèles des grands couturiers, ou
133 rançais évoquait aussitôt l’image d’une moustache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie, d’un sourire charmeur à la Ch
134 d’une boutonnière fleurie, d’un sourire charmeur à la Charles Boyer, l’aimable scepticisme d’un Anatole France, l’élégan
135 qui nous apportent des nouvelles de la résistance à l’intérieur du pays occupé nous parlent du peuple de France ; les réc
136 rlent du peuple de France ; et les films composés à Hollywood ou à Londres sur l’organisation de la résistance à Paris ou
137 de France ; et les films composés à Hollywood ou à Londres sur l’organisation de la résistance à Paris ou en province, n
138 ou à Londres sur l’organisation de la résistance à Paris ou en province, ne nous montrent encore que le peuple de France
139 ré lui, de la France et de sa résistance. J’ai vu à New York la plupart de ces films qui empruntent leur sujet à certains
140 la plupart de ces films qui empruntent leur sujet à certains épisodes véridiques de la lutte contre l’envahisseur. Paris
141 ils exultaient de confiance, en crescendo, jusqu’ à la « Marseillaise » finale. On peut penser tout ce que l’on veut de c
142 ence de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à l’éloquence traditionnelle, le refus même de se complaire dans le lyr
143 vrai peuple de la vraie France. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec une rage panique ; ils continuent, ma
144 la vraie France. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec une rage panique ; ils continuent, mais ils se saven
9 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
145 ble parfois qu’il n’est pas de louange préférable à celle-ci qu’on me fasse grief de mes écrits. J’y voudrais voir la pre
146 ma critique… Ce qui me gênait, je crois, c’est qu’ à mon sens vous n’êtes pas encore assez clair. L’auteur. Et pourquoi j
147 as jouer du violon. Tout d’un coup vous le prenez à double corde, et l’on distingue mal les passages, vous changez de ton
148 ’idées, et dans ce cas, il faut que nous pensions à chaque instant : « j’allais le dire ! » Mais ne mêlez pas tout, sinon
149 ris de clarté que je voudrais proposer maintenant à votre réflexion méfiante. Si vous le permettez, je m’offrirai le ridi
150 n de mieux dissimuler. — Qu’est-ce qu’être clair, à votre avis ? A. Dès que l’on pose cette question, il me semble qu’on
151 tte question, il me semble qu’on se voit condamné à des réponses ou plates ou mystérieuses. Ne serait-ce pas que la clart
152 ns et à la fois l’exact ajustement de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’expression ? A. Oui, dans un m
153 érence, la vérité elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de l’enchaînement des phrases. Autrement dit, le discours
154 bord jaugé, chiffré, et défini en termes simples. À mon tour de me défier d’une convention aussi commode. C. Il me sembl
155 es » ? L’application d’une raison sans parti pris à ce monde tel qu’il est donné, n’a-t-elle pas pour effet immédiat de m
156 nisme ne nous a pas trompés une fois pour toutes, à l’origine, en décrétant — au nom de quoi, je vous en prie ? — la clar
157 mières. Encore n’est-il pas exact de recourir ici à l’expression d’arrière-pensée. C’est sans doute une « arrière-image »
158 e espèce de symbolisme abstrait — si j’ose dire — à la formule mathématique ; d’autre part, et voilà qui est remarquable,
159 dèles d’expression claire, se réfèrent en réalité à des formes courantes du langage, vidées de leurs sens particuliers. C
160 ans cesse corrigée par les faits. Mais où je crie à la tricherie, c’est quand le philosophe ou l’essayiste, séduits par l
161 par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître. » Voilà qui paraît clair, j’entends conforme au sens commu
162 ourciller la simplicité d’un objet avec l’aisance à le connaître — c’est encore un tour du langage — ne va pas reculer de
163 s : je vois que vous allez passer sans crier gare à des propositions théologiques. Souffrez alors que je m’avoue incompét
164 spose en bon ordre ses repères, et puis s’ébranle à reculons vers l’inconnu, les yeux toujours fixés sur son jeu d’éviden
165 se meuve avec tellement de précautions, vérifiant à chaque pas le chemin parcouru : elle ignore tout de son but et tiendr
166 confusion. Mais, si je marche cependant, c’est qu’ à certains moments j’ai vu le but. — J’ai cru le voir… C’est une vision
167 uminante, instantanée, dont la trace ne tarde pas à s’évanouir dans mes yeux Cela suffit pourtant à guider quelques pas.
168 s à s’évanouir dans mes yeux Cela suffit pourtant à guider quelques pas. Les autres, je les risque dans le noir, — dans l
169 n but. Il est très juste qu’elle paraisse absurde à l’observateur raisonnable. C. Le propre d’une vision pareille, c’est
170 Il vaut mieux dire indescriptible, et cela tient à sa vérité même, je veux dire à sa plénitude instantanée qui décourage
171 ble, et cela tient à sa vérité même, je veux dire à sa plénitude instantanée qui décourage l’analyse. Vous ne donnerez pa
172 t inexplicable, et évident. Il n’y aurait plus qu’ à méditer sans fin cette forme significative du tout, et de chaque part
173 espèces de langage. Ramenons-les pour simplifier à deux modes d’expression également rigoureuse et pourtant exclusifs l’
174 end. Le langage cartésien ou scientifique cherche à réduire les faits ou les idées à quelques éléments isolés de mesure.
175 ntifique cherche à réduire les faits ou les idées à quelques éléments isolés de mesure. Il s’organise tout naturellement
176 n’ai souci que d’une certaine orientation. C’est à partir du terme, encore une fois, que les contradictions s’éclairent
177 adictions s’éclairent et se résolvent, et non pas à partir d’éléments que j’aurais distingués dès le départ. Une parabole
178 . Comment expliquez-vous le plaisir que je prends à la lecture de certaines paraboles dont le sens eschatologique m’échap
179 le suppose, absolument ? A. Je demandais un jour à une petite-fille pourquoi Jésus parlait en paraboles à ses disciples,
180 petite-fille pourquoi Jésus parlait en paraboles à ses disciples, sachant qu’ils ne comprendraient pas. Voici la réponse
181 udrait retrouver sa vision et la faire pressentir à d’autres hommes. Une vision ne se transmet pas, c’est le contraire d’
182 inventaire. Je parle de visions furtives qui sont à celle de l’apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, — signes du To
183 t toute l’Apocalypse, comme Cuvier la préhistoire à partir d’une vertèbre isolée. Mais l’oubli vient avec le premier dout
184 6. Ces deux dialogues sont restés dans un tiroir à Paris. 7. Quatre « dialogues » paraîtront au début de l’ouvrage Doc
10 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
185 ais moyen pensait pouvoir vivre impunément, jusqu’ à ce que Hitler vînt en prendre avantage. Devant un monde à reconstruir
186 Hitler vînt en prendre avantage. Devant un monde à reconstruire, les grandes questions peuvent et doivent être reposées.
187 conde voie, la doctrine du personnalisme s’impose à l’attention sérieuse. Les jeunes gens qui prenaient conscience de leu
188 n fait dans le même sens : elles tendaient toutes à dépersonnaliser l’homme, à le réduire à un agrégat de réflexes condit
189 elles tendaient toutes à dépersonnaliser l’homme, à le réduire à un agrégat de réflexes conditionnés par l’État, le Parti
190 nt toutes à dépersonnaliser l’homme, à le réduire à un agrégat de réflexes conditionnés par l’État, le Parti et les stati
191 yait attaquée, disséquée, réduite de plus en plus à l’irresponsabilité. La psychologie freudienne ne voyait en elle qu’un
192 l’océan de l’inconscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à des déterminismes biologiques, ou sociologiques, ou écon
193 inconscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à des déterminismes biologiques, ou sociologiques, ou économiques. Que
194 ns tout cela, le droit imprescriptible d’un homme à dire je, à dire moi, à se considérer comme une cause efficiente, comm
195 a, le droit imprescriptible d’un homme à dire je, à dire moi, à se considérer comme une cause efficiente, comme un indivi
196 imprescriptible d’un homme à dire je, à dire moi, à se considérer comme une cause efficiente, comme un individu responsab
197 st un pur concept, le second est un simple objet. À ces deux mutilations de la notion d’homme, les jeunes intellectuels f
198 les changements institutionnels n’ayant de valeur à leurs yeux que s’ils traduisaient réellement une attitude nouvelle de
199 des plans abstraits et se bornaient pratiquement à revendiquer des réformes isolées ou matérielles comme l’abolition du
200 lasse prolétarienne serait relevée de son fardeau à vie. 2) Économie. La hantise du salaire ne serait plus le seul mobile
201 créée par le service civil serait mise par l’État à la disposition des libres entreprises, syndicats ou coopératives, qui
202 ectionnement technique. Nul n’aurait plus intérêt à paralyser l’invention, puisqu’elle ne créerait plus de chômage techno
203 conflit que leur tactique cherchait au contraire à rendre plus aigu. Conformément à leur doctrine, les personnalistes ré
204 ement personnel. Ils tentèrent un essai pratique, à petite échelle. Dans plusieurs usines de la région parisienne, ils se
205 t de trois jours, dans une manufacture de brosses à dents, l’un d’eux battit le record de production de l’atelier. Il éta
206 urant ainsi quelques semaines de vacances payées, à un moment où cette institution n’existait pas encore en France. L’exp
207 , les meilleurs esprits de ce temps sont parvenus à des conclusions analogues : il n’est possible de parler de réalité, d
208 ’existe vraiment comme personne que dans un cadre à la mesure humaine, dans un groupe : entreprise ou commune, patrie loc
209 xe siècle des cadres démesurés, simplifiés jusqu’ à la démence et rigides comme elle, qui pèsent lourdement sur nos activ
210 t centralisé et sa bureaucratie abstraite tendent à détruire les groupes organiques, à leur imposer en dépit du bon sens
211 traite tendent à détruire les groupes organiques, à leur imposer en dépit du bon sens des frontières communes8, un régime
212 nnants de création locale : entreprise et commune à la base, librement fédérées par bassins naturels, par-dessus les fron
213 ground. État présent et avenir du mouvement À la veille de la guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les i
214 eille de la guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les implications de sa doctrine dans les plans les plus diver
215 cès d’idées neuves. Hors d’eux-mêmes s’opposaient à leur action : les grands intérêts capitalistes, les politiciens démag
216 es politiciens démagogues, l’insouciance générale à la veille d’un désastre prévisible, les préjugés de droite et de gauc
217 ment lent. Il s’agissait de gagner des hommes, un à un, non des masses. La guerre et l’invasion obligèrent le mouvement à
218 . La guerre et l’invasion obligèrent le mouvement à « disparaître ». Dans l’intervalle entre l’armistice de juin 1940 et
219 tupler en quelques mois. Puis elle fut interdite, à la suite d’un article contre Pétain, son directeur et plusieurs de se
220 nnés. Nul autre mouvement ne me paraît mieux apte à inspirer ceux qui demandent un monde à la mesure de l’homme, non plus
221 mieux apte à inspirer ceux qui demandent un monde à la mesure de l’homme, non plus à celle des monstres nés de son anxiét
222 mandent un monde à la mesure de l’homme, non plus à celle des monstres nés de son anxiété, de sa paresse ou de son manque
11 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
223 uelle, intuitive, etc. et se réduit théoriquement à la raison commune, il arrive que les facultés exilées dans son incons
224 ayait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à la raison, par des procédés contraignants. En cas d’échec, on le mett
225 rain de traiter par les méthodes les plus propres à l’aggraver, après l’avoir provoquée : les méthodes du siècle dernier,
226 enté de raisonner cet inconscient et de le forcer à se tenir tranquille. Privé de moyens de s’exprimer à sa manière, affo
227 e tenir tranquille. Privé de moyens de s’exprimer à sa manière, affolé par nos arguments, il n’a plus trouvé d’autre issu
228 Exactement, elle se la fait. Elle ne tardera pas à tomber épuisée et à se passer la camisole de force d’un régime d’ordr
229 la fait. Elle ne tardera pas à tomber épuisée et à se passer la camisole de force d’un régime d’ordre pour incurables :
230 a santé vaudrait mieux. ⁂ Ces remarques m’amènent à une proposition que je voudrais défendre et illustrer dans une série
231 ais défendre et illustrer dans une série d’écrits à venir : il est temps que la pensée politique rejoigne la psychologie
232 nous essayons de mener la guerre psychologique10 à l’instar des nazis qui l’avaient inventée. Au seuil de la paix, il es
233 u d’une enquête scientifique, mais elle ressemble à une colère, à une perte de patience ou de maîtrise de soi, à la réact
234 e scientifique, mais elle ressemble à une colère, à une perte de patience ou de maîtrise de soi, à la réaction automatiqu
235 e, à une perte de patience ou de maîtrise de soi, à la réaction automatique d’un mystérieux sens de l’honneur blessé. Fla
236 soi. La guerre ancienne était une chance offerte à l’instinct combatif ; c’était l’affaire des mâles, le jeu des coqs or
237 e une fraction de cette fraction connaît le corps à corps, la bataille d’hommes. Qu’aimons-nous donc tous dans la guerre,
238 es d’assurances. (Quelle fête immense faudrait-il à ce siècle pour lui faire oublier son goût de la guerre ! Quel drame n
239 opose un test précis. Pourquoi tant de réticences à décider le désarmement général, total et définitif de tous les peuple
240 ion absolue de fabriquer des armes et d’enseigner à s’en servir ? Je ne sais pas mieux que la plupart ce qui résulterait
241 e, mais je sais que la plupart résistent à priori à cette idée. Je vois des moustaches qui tremblent avant même que la bo
242 ce que je voulais leur faire dire. (Il leur reste à me traiter de défaitiste.) Une politique qui négligerait le fait que
243 ct du personnage en scène, qui peut être emprunté à la réalité la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité de la passio
244 riminelle dont il nous paraît animé. Il se charge à nos yeux d’une puissance de terreur dont nous n’avions sans doute jam
245 , ou sous la forme d’un monstre archaïque. L’ogre à la petite moustache est l’un de ces monstres. Nous en verrons bien d’
246 subsiste. Toute la sociologie moderne le prouve. À son défaut, Hitler l’aurait fait voir par le moyen de cette religion
247 it et son devoir), il s’est méthodiquement refusé à laisser naître des coutumes nouvelles (en ceci protestant, mais sans
248 ur capter ses puissances obscures et les ordonner à des fins tantôt pratiques, tantôt transcendantales. Canaux exutoires
249 d’autres symptômes de la même névrose. Tout porte à croire que nous allons entrer dans une ère de religions aberrantes. O
250 thaumaturgies les plus grossières sont destinées à susciter dans l’après-guerre l’enthousiasme éperdu des foules. Et les
251 njurer. Mais je pense qu’il est temps de renoncer à la vieille politique de l’équilibre des grandes puissances nationales
252 andes puissances psychologiques, dans les masses, à l’échelle du globe. Et s’il faut des experts autour du tapis vert, qu
253 laise. 11. Type d’argument que l’on peut opposer à ce qui précède, afin de tuer dans l’œuf toute tentative d’analyse féc
12 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
254 tarok ou taroc, est le nom donné par les Italiens à l’une des figures du paquet de 78 cartes tel qu’il existait au xiiie
255 historiques que l’on possède sur le tarot remonte à 1393. Cette année-là, Jacquemin Gringonneur, peintre français, dessin
256 pour Charles VI, le roi fou, liant ainsi le tarot à l’un des moments les plus violemment poétiques de l’histoire de Franc
257 vénitiens. Dix-sept d’entre elles sont conservées à la Bibliothèque Nationale. D’un autre jeu, faussement attribué à Mant
258 ue Nationale. D’un autre jeu, faussement attribué à Mantegna, et daté de 1400, subsistent aujourd’hui quatre exemplaires
259 illeurs aussi selon Lévi) qui l’auraient transmis à l’Europe. Mais on sait que le peuple tzigane ne vint en Europe qu’en
260 22) : Cet auteur, en rendant justice au génie et à la science de Court de Gébelin, terrassa ce que ce grave antiquaire a
261 éralement exaspérante, à cause de leur propension à ramener tout à tout, et réciproquement. En voici un exemple : Etteil
262 érante, à cause de leur propension à ramener tout à tout, et réciproquement. En voici un exemple : Etteilla a placé le F
263 t. En voici un exemple : Etteilla a placé le Fou à la fin du jeu, c’est-à-dire au nombre 78, et a mis au nombre 21 la fi
264 nombre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin de l’alphabet hébreu… Le véritable 21 est aussi 22, a
265 e ; ils n’ont pas droit d’entrée en France. Quant à celui d’Etteilla, on le trouve partout. (E. Alta, op. cit., p. 27).
266 e. On trouve même aujourd’hui des cartes de tarot à figures redoublées (tête en haut et tête en bas) à l’instar du jeu de
267 figures redoublées (tête en haut et tête en bas) à l’instar du jeu de cartes moderne. C’est un abus inqualifiable, si l’
268 e cas d’une figure doublée, oblige le dessinateur à expulser de la carte les symboles qu’il juge superflus (tel que l’ois
269 it mettre la main, si l’on ne craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tout accidentelle qui s’attache aux rareté
270 des lames du tarot (arcanes majeurs) s’identifie à  : 1. une planète 2. un signe du zodiaque 3. une lettre de l’alphabet
271 ) 6. une couleur 7. une note de musique 8. un nom à quoi l’occultiste Lenain a cru pouvoir ajouter : 9. un jour 10. une h
272 a (et donc Etteilla), « les Égyptiens ont attaché à chaque carte des 22 atouts majeurs une lettre de l’alphabet hébreu… C
273 s 3 lettres dites les 3 Mères, qui sont attachées à nos trois cartes majeures : l’Homme (Le Bateleur), le Fou, et la Mort
274 d’une manière décourageante quant au parallélisme à établir entre les quatre couleurs des tarots et les quatre couleurs d
275 e couleurs du jeu de cartes moderne. Bornons-nous à livrer à l’étude du lecteur les hypothèses suivantes : Selon A. E. Wh
276 s du jeu de cartes moderne. Bornons-nous à livrer à l’étude du lecteur les hypothèses suivantes : Selon A. E. White (Key
277 re Enfin, selon R. M. de Marinis (dans un ouvrage à paraître en 1945) : Bâtons = Trèfle = Sexualité = Sensation = Terre C
278 Carreau = Création = Pensée = Feu Il semblerait, à lire cette liste, que les arcanes représentent, grosso modo, les auto
279 détail, si le dessin est exact. Et ces symboles, à l’examen d’une attention qui consent à se laisser docilement absorber
280 symboles, à l’examen d’une attention qui consent à se laisser docilement absorber, ne tardent pas à révéler deux caractè
281 à se laisser docilement absorber, ne tardent pas à révéler deux caractères généraux : ils sont tantôt hiératiques, tantô
282 arition, un grand rêve fixé, et peut être analysé à ce titre. Les figures de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de
283 nsion, tantôt largement résumés de leur naissance à leurs possibles conclusions. Nous pouvons donc considérer les arcanes
284 llement, une méthode de psychothérapie comparable à notre psychanalyse. Ses lames seraient en vérité autant de thèmes de
285 les étapes d’une « voie hermétique » aboutissant à la réalisation intime du Grand Œuvre des alchimistes. Il s’agirait de
286 irait de passer, à travers ce yoga, de l’illusion à la réalité, et des choses telles qu’elles nous apparaissent aux chose
287 dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à la connaissance de soi et du Monde (arcane 21) en passant par tous le
288 u cours d’exercices poursuivis aux fins d’arriver à l’illumination. L’avantage particulier de cette technique, comparée à
289 avantage particulier de cette technique, comparée à d’autres, résidait dans le fait qu’elle combinait plusieurs modes d’e
290 renait les symboles, il s’exerçait inconsciemment à la concentration, à la visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et
291 il s’exerçait inconsciemment à la concentration, à la visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’é
292 sciemment à la concentration, à la visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’évaluation des couleu
293 oncentration, à la visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’évaluation des couleurs et des formes
294 la visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’évaluation des couleurs et des formes, et surtout il
295 on, à l’exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’évaluation des couleurs et des formes, et surtout il entraînait cet
296 ne carte isolée, puis il la reliait graduellement à d’autres cartes, disposées autour de la première selon des structures
297 Hazard) Cette très brève indication peut suffire à faire entrevoir au lecteur l’importance réelle du tarot, indépendamme
298 ines, et son ami André Lhote, furent les premiers à pénétrer dans le Palais du Luxembourg, abandonné la veille par les Al
299 Le grelot de la Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de notre chaîne. La surface entière du globe (le 0)
300 Vue sous un certain angle (si l’on place l’arcane à la fin du jeu) cette carte est une image de l’inconscience, des occas
301 est un homme richement habillé, portant une rose à la main, et qui s’arrête au bord d’un précipice pour contempler l’esp
302 te le confirment : le grand soleil blanc, en haut à droite, contient toutes les couleurs du spectre encore indifférenciée
303 -même est peint comme l’Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer dans l’abîme de la manifestation terrestre. Il porte les deu
304 jaunes sur lesquels sont brodées des roues rouges à 8 rayons, annonçant l’accomplissement futur, l’intégration et la cons
305 rs qui suivent montrent ce qu’il adviendra du Fou à mesure qu’il traversera les collines, vallées et montagnes indiquées
306 gnes indiquées dans le fond de cette carte, jusqu’ à ce qu’il revienne au grand soleil ou « Père » dont il est « tombé ».
307 e porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à une des couleurs… Cette figure solitaire montre un vagabond errant sa
308 un regard qui perce toutes choses sans s’arrêter à aucune. (Le Fou) exprime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse de
309 ’Est) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à un fou, à un mendiant, à un hors-caste : car c’est ainsi que le saint
310 enu au terme de l’initiation. Semblable à un fou, à un mendiant, à un hors-caste : car c’est ainsi que le saint, l’homme
311 l’initiation. Semblable à un fou, à un mendiant, à un hors-caste : car c’est ainsi que le saint, l’homme parfait, doit a
312 c l’Univers, sa vraie maison. L’univers participe à sa nature même. D’autre part, le divin, dans son essence transcendant
313 t vous tapait gentiment sur l’épaule en murmurant à votre oreille : « Je suis le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit ! »
314 ns plus d’enquête, le conduiraient tranquillement à l’asile. C’est pourquoi le parfait initié ne condescend pas à desserr
315 ’est pourquoi le parfait initié ne condescend pas à desserrer ses lèvres et à révéler le scandaleux secret de sa perfecti
316 nitié ne condescend pas à desserrer ses lèvres et à révéler le scandaleux secret de sa perfection. Dans la sagesse du Sai
317 nt tout et toutes choses, il ne lui reste plus qu’ à feindre de n’être rien. Et de même, il convient que la séquence des a
318 , apparaisse simplement comme une série de cartes à jouer plutôt bizarres et démodées… Le Parfait sous l’aspect d’un fol
319 emploi, un vagabond cosmique. Prenons bien garde à la manière dont nous le traiterons ! Il se pourrait qu’il soit le Sai
320 d’après Etteilla : La lettre Iod se rapporte à la plupart des idées du nombre 10. Elle a le sens de main, les deux m
321 ête suggérant les luttes nécessaires pour arriver à les harmoniser dans le Grand Œuvre. Cependant le fond bleu pâle du ci
322 nscrivent : Père, Mère, Fils. Au milieu, une roue à 8 rayons signifie la manifestation parfaite, résultant du mouvement d
323 , mais il se peut qu’elle en ait porté autrefois. À l’extrémité de chacun des rayons de la première roue est placée une d
324 se lire dans le sens des aiguilles d’une montre. À l’extrémité de chacun des rayons de la seconde roue, sont les lettres
325 me qui s’éveille des profondeurs, et qui commence à monter vers l’appel du Sphinx, symbole de l’homme parfait ou conscien
13 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
326 i vous avez bien ou mal fait, si vous avez risqué à bon escient, si vous avez inventé quelque chose. Ôtez les règles, et
327 ation, des nuits et des saisons, sont nécessaires à notre vie, comme les cadences et les contrastes composés sont vitaux
328 rames. Il se peut même que ces figures ne soient, à l’origine au moins, que l’affleurement ou que la fixation des archéty
329 e plus scandaleusement paradoxal, il n’hésite pas à nous parler des artifices d’une « rhétorique profonde ». Au milieu d
330 que telle était mauvaise, insincère, et contraire à l’inspiration libre. Dans ses recettes magiques et artifices profonds
331 . De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’inspiration pure, comme la colombe de Kant qui s’imagine qu’elle vo
332 éclin du roman comme genre littéraire, illustrent à merveille ces brèves indications sur l’office de la rhétorique et le
333 office de la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte. La société primitive
334 e a des mythes, courts récits mémorables destinés à fixer des événements de l’âme ou du Cosmos dans un jeu de personnages
335 e ensuite le souvenir des héros de la tribu. Mais à mesure que les dieux prennent figure d’hommes, que les statues se met
336 nnent figure d’hommes, que les statues se mettent à ressembler aux hommes, que l’homme devient de plus en plus son propre
337 n prose, illustration de vérités morales communes à l’élite d’une société donnée. Nous avons fait, en quelques lignes, to
338 l’on atteint la phase critique où la féerie cède à l’observation, la vérité créée, aux données vraisemblables. À cet ins
339 ion, la vérité créée, aux données vraisemblables. À cet instant naît le roman moderne. À partir du xviiie siècle, le rom
340 isemblables. À cet instant naît le roman moderne. À partir du xviiie siècle, le roman se sépare volontairement du conte.
341 Avec lui, après lui plus encore, le roman tourne à l’« étude » du réel, quand le conte, la légende, et même l’épopée, ét
342 re : l’extérieur — ne peut fournir que des objets à exprimer, non pas des moyens d’expression. Mieux on l’imite et plus o
343 t jouer2. Le jeu ne sera vivant et passionnant qu’ à la mesure de la fixité même de ses règles indiscutées. L’art consista
344 de ses règles indiscutées. L’art consistait jadis à donner sens aux propositions de la vie. Ses règles émergeaient de la
345 uve dans le héros. La part de l’art y est réduite à celle du style. L’autre branche sera celle du réalisme social. C’est
346 ures surgis des profondeurs de l’être, identiques à ceux du rêve, et crus comme tels avec reconnaissance, au double sens
347 onter la même histoire, que cela s’est passé tout à l’heure, dans la rue, il ferait aussitôt mille objections. Il vous ju
348 arlane gris chevauchait sur la route qui va de N… à X… » (Fenimore Cooper, j’imagine). Ou bien c’était une lente descript
349 se, « N’importe où et n’importe comment » — c’est à quoi vise son effort. « Gontran sortit son briquet de nacre, alluma u
350 nir des preuves et des observations exactes. Mais à la première preuve, je commence à douter ; après tout, j’ai vu cela,
351 s exactes. Mais à la première preuve, je commence à douter ; après tout, j’ai vu cela, moi aussi, ou quelque chose qui re
352 u cela, moi aussi, ou quelque chose qui ressemble à cela. « La vraie vie », je la connais autant que cet auteur. Je me mé
353 sireux de me convaincre — au lieu de s’abandonner à son rythme d’images — plus j’exige un récit vraisemblable. À la limit
354 e d’images — plus j’exige un récit vraisemblable. À la limite, il serait impossible qu’un lecteur tombe jamais d’accord a
355 nces humaines superposables. Et je ne renoncerais à la mienne pour faire crédit à celle de l’écrivain que si, d’abord, il
356 t je ne renoncerais à la mienne pour faire crédit à celle de l’écrivain que si, d’abord, il renonçait à démontrer, et m’e
357 celle de l’écrivain que si, d’abord, il renonçait à démontrer, et m’entraînait par d’autres charmes… Du conteur pur, je n
358 tives, pour peu d’exigence qu’on y mette, aboutit à faire du roman quelque chose d’interminable, et quelque chose de méth
359 ces indéfinies. L’hésitation du romancier moderne à terminer son livre par une décision de l’esprit ou par un artifice de
360 es quelconques. Et c’est au nom de cette fidélité à la vie que M. Jules Romains va s’interdire, dit-il — « les enchaîneme
361 atio benevolentiae où l’auteur se montre attentif à ne promettre rien qu’il ne sache attendu. « Le roman, écrit encore M.
362 de finir le jeu avec les mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre, ce décousu, ces inconséquences du sort… Bien sû
363  producers », éditeurs et directeurs de magazines à grand tirage. Le genre proprement romanesque s’éteindra dans le même
364 un intérêt pour le crime, qui serait particulier à notre époque. Le roman policier est populaire parce qu’il demeure le
365 ne brute ou puits de sagesse populaire ; la femme à bijoux, comtesse de palaces ; le valet de chambre silencieux et astuc
366 n, donnée d’entrée de jeu, se résout complètement à la fin du livre, et ne comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu
367 qu’une chambre4. Toutes ces conditions satisfont à l’excellente définition du jeu proposée par J. Huizinga5 : une action
368 béit, entre ces limites spatiales et temporelles, à des règles indiscutées. Le roman policier passionne dans la mesure mê
369 grande partie de l’intérêt que l’amateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient au raffinement ou à la complication
370 lecture de ces ouvrages, tient au raffinement ou à la complication croissante des règles. (Le lecteur de romans policier
371 crédibilité intrinsèque du conte, par le recours à l’autorité tout extérieure du fait accompli. Cette possibilité de tri
372 té de tricherie est voisine de celle qui consiste à forcer la vraisemblance par une accumulation de faits observables. L
373 a dialectique des symboles. Le conteur, renonçant à imiter la vie, la récréera ; et renonçant à prouver qu’il dit vrai, a
374 nçant à imiter la vie, la récréera ; et renonçant à prouver qu’il dit vrai, aussitôt se verra restituer les prestiges de
375 joindra le sens vrai de nos vies qu’en se livrant à la logique profonde des symboles et des mythes de l’âme. Tout porte à
376 e des symboles et des mythes de l’âme. Tout porte à tenir pour probable que les grandes œuvres narratives qui vont naître
377 fflet donné par l’arbitre, appel d’un des joueurs à son partenaire, disposition des pions ; trois coups frappés d’avance,
378 . Idem : les rites d’entrée et de sortie relatifs à un espace ou à un temps sacré. 4. Voir Roger Caillois, Le Roman poli
379 tes d’entrée et de sortie relatifs à un espace ou à un temps sacré. 4. Voir Roger Caillois, Le Roman policier, Buenos Ai
14 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
380 Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)o Un regard dans un regard et les
381 e. ⁂ J’étais sceptique, en ce temps-là. Je disais à ce romancier (l’un des meilleurs de l’Allemagne d’alors) : — Le mythe
382 Car rien ne flatte comme l’idée que l’on va vivre à son tour une scène de roman. Oui, l’idée seule a fait tous ces ravage
383 nce acquise. Il faut encore une rencontre ménagée à la ressemblance du rêve : toute une cérémonie, avec ses rôles prescri
384 au pouvoir, on m’offrit de donner des conférences à Budapest. Le président de l’organisation qui m’invitait était un gran
385 m’attendre au débarqué de l’avion et me conduisit à sa demeure. C’était l’heure du déjeuner. Nous causions depuis quelque
386 yeux. Je me sentis pâlir violemment. Nous passons à table. Mon hôte bientôt s’inquiète : « — Vous êtes pâle et vous ne ma
387 encore en prenant le café, puis s’excuse d’avoir à regagner sa banque : d’ailleurs sa femme me promènera dans Buda, et m
388 omènera dans Buda, et me fera visiter le Musée, —  à ce soir ! Il s’en va, très satisfait de lui, et de moi aussi, je croi
389 a rejoins. Alors d’un geste elle désigne la ville à nos pieds : « — Mon mari m’a demandé de vous montrer Budapest. Voilà,
390 t. Voilà, c’est Budapest. » Il n’y a rien d’autre à dire. Nous remontons en voiture et descendons vers la ville. Soudain,
391 u déjeuner. Ni l’un ni l’autre ne pouvons toucher à rien. Tout d’un coup je me suis mis debout. Je fais le tour de la tab
392 prononcé… Et ce fut ainsi, durant tout mon séjour à Budapest. L’après-midi, je vous le répète, nous ne parlions jamais. L
393 lques années auparavant dans un groupe politique, à Berlin, que je fréquentais à l’insu de ma femme. J’étais dans un état
394 un groupe politique, à Berlin, que je fréquentais à l’insu de ma femme. J’étais dans un état d’exaltation extrême, à peu
395 e du Reichstag. Je décide de rentrer le jour même à Berlin, et prends congé de mon ami qui se montrait fort inquiet de mo
396 . Il y avait de quoi d’ailleurs, j’étais inscrit, à cette époque, au parti communiste dissident. Je m’informe : l’avion p
397 communiste dissident. Je m’informe : l’avion part à 10 heures du matin. Mais il faut que je la revoie une dernière fois.
398 ois. Je prendrai donc l’express du soir. J’arrive à Berlin le lendemain. Sur le seuil de notre villa de Zehlendorf, ma fe
399 d, grave et presque sévère. Moi, je ne pensais qu’ à la situation politique. Nous nous mettons à table, je l’interroge ave
400 is qu’à la situation politique. Nous nous mettons à table, je l’interroge avec nervosité sur les événements de l’avant-ve
401 inaires que nous avons encore pu passer ensemble, à la veille de ce cataclysme. » La lettre était signée Maria. — Un vrai
402 rature ? o. Rougemont Denis de, « Contribution à l’étude du coup de foudre », Formes et Couleurs, Lausanne, 1946, p. 1
15 1946, Articles divers (1941-1946). Penser avec les mains (janvier 1946)
403 uvre qui laisse son auteur intact, et son lecteur à son confort. Vaine et mauvaise toute œuvre qui ne te saisit pas comme
404 -être en pure perte, si ce n’est pour notre perte à tous. Or, ces gens forment l’opinion, sans aucun doute, et ils le sav
405 est à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’ à la remorque d’événements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on
16 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
406 chose qui n’était pas trop clair, ni bien facile à retenir dans l’esprit… Vous rappelez-vous ? C’était Roosevelt qui les
407 n Russie soviétique et au Japon. On brûle encore, à l’occasion, quelques églises protestantes au Mexique, mais dans l’ens
408 gnore d’ailleurs si ce progrès doit être attribué à moins de fanatisme de la part des masses religieuses, ou à plus d’ind
409 e fanatisme de la part des masses religieuses, ou à plus d’indifférence de la part des masses « éclairées », comme disent
410 mes vivent dans la peur les uns des autres. Quant à la Bombe, elle a multiplié par 20 000 au moins la liberté de craindre
411 ar 20 000 au moins la liberté de craindre le pire à chaque instant. Tout cela, nous disent, non sans raison, les gouverna
412 histoire.) Ma génération est-elle donc condamnée à subir au double ou au triple tout ce qu’elle s’est épuisé à combattre
413 double ou au triple tout ce qu’elle s’est épuisé à combattre ? Doit-elle accepter de se passer d’au moins trois libertés
414 t plus tard — données par qui ? Sommes-nous voués à l’esclavage d’État par nécessité matérielle ? On m’en voudra de ces q
415 itoyablement par la comparaison qu’il nous oblige à faire de l’idéal et du présent. Je propose donc que nous changions ce
416 « Une » : Ils peuvent dire tout ce qu’ils veulent à leurs voisins ; « deux » : ils reçoivent gratuitement les secours de
417 ligion de leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccuper de leur subsistance ; « quatre » ils sont solidement pr
418 ommencer. Mais si nous décidons que les obstacles à l’exercice de notre liberté sont fatals, nécessaires et surhumains, a
419 age. Car nous sommes libres, si nous sommes prêts à payer le prix de la liberté, qui sera toujours : payer de sa personne
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
420 emps mais qu’on n’avait jamais très bien compris, à savoir que la terre est ronde. D’où il résulte, entre autres conséque
421 mportant : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairement, si nos moyens pass
422 dra bientôt nécessairement, si nos moyens passent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le
423 passent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le cano
424 lèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avi
425 s ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici
426 s ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À l
427 avion à la guerre des continents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire : à une gu
428 ntinents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire : à une guerre qui nous atteint to
429 a-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire : à une guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à no
430 nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’ à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour une époque
431 poque donnée, me paraissent pouvoir être mesurées à la portée des armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les pré
432 mices d’une théorie sociologique flambant neuve.) À l’arme planétaire correspond donc une communauté universelle, qui rel
433 osme répond au macrocosme. Si notre siècle arrive à digérer et intégrer cette pensée-là, il aura fait une révolution bien
434 pointe et sens si l’on se déplace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les p
435 es Noirs se seront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mineurs du pays de Galles n’auront plus de viande pen
436 tes de l’Europe. Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ces lions sont des hommes, qui d’ailleurs nous
437 is ce grand joueur de Boule que fut « Saint-Ex ». À Dieu ne plaise que j’oublie jamais celui qui le premier me parla de l
18 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)
438 tiques et raisonnables que l’on traite de folies, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande générale, la
439 es, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande générale, la prochaine et irrévocablement dernière guerre
440 vertu d’ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre. Admettons que la Bombe soit moins puissante que les savant
441 me de plus. Admettons que l’on invente une parade à la Bombe, selon l’axiome des militaires, sans oublier que leur expéri
442 ’un certain goût de l’antithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de lignes pures, parce que nos choi
443 elles, Bombe en main, essaiera d’imposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il est évident que le
444 tôt ou tard. Il est évident que si l’on continue à penser comme on pense aujourd’hui, cela finira dans l’explosion total
445 ident que la grande majorité des hommes se refuse à ces évidences. On nous ressasse à longueur de journée qu’elle « n’est
446 ommes se refuse à ces évidences. On nous ressasse à longueur de journée qu’elle « n’est pas prête pour un gouvernement mo
447 a mort, et vous en rendez responsable. Tout tient à chacun de nous. Et nous en sommes au point où il devient difficile de
19 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)
448 it en 1939 les civils se promener avec leur boîte à masque en bandoulière. Eh bien, la guerre des gaz n’a pas eu lieu, pa
449 même pas Hitler, n’a eu le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la raison bien fo
450 taire de cette arme était loin de compenser, même à ses yeux, le risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la
451 même à ses yeux, le risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle
452 de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera, au risque de faire sau
453 a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’employer. Quand je vois qu’on nomme des comités pour la retenir ! C
454 mesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus belle absurdit
455 us rapproche des vraies questions, et nous oblige à y faire face. t. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la bombe atom
20 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
456 ins accablés de problèmes. Mais je ne cherche pas à m’en tirer par une réplique, même de bon sens, et j’ai quelques raiso
457 nt en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’est qu’une solution, qui est d’aller voir, et d’« essa
458 lème. Supposez que nous soyons libres de circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni de choisir
459 it est là : nous allons en dix heures de Lisbonne à New York, de New York au Pacifique. Un très long voyage aujourd’hui n
460 er et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi servent ces barrages de tampons ? Comment peut
461 s dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi servent ces barrages de tampons ? Comment peut-on les justifier 
21 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
462 in s’achète une bonne conscience en payant son dû à l’État. J’admire beaucoup son sens civique. Quand le citoyen est disc
463 èglement comme en Suisse… J’ai aussi été sensible à une sorte de loufoquerie de la vie américaine. Parfois, on a l’impres
464 ir sa parole et se tenir propre soi-même »… Quant à la masse du centre du pays, elle ne connaît rien de notre continent ;
465 s passez dans le Middlewest, ou en Californie, ou à La Nouvelle-Orléans, vous ne manquez pas d’observer de fortes nuances
466 es contrastes les plus violents. ⁂ Pensez-vous qu’ à l’issue de cette dernière guerre, on puisse affirmer que le centre de
467 a Russie. Cette impression est une réalité. Quant à notre continent, il est considéré comme une espèce de champ de batail
468 alistes… D’autres gens voudraient faire la guerre à la Russie sans plus attendre, en se servant de la bombe atomique, etc
469 ombien de calories, de vitamines sont nécessaires à leur organisme. Tout le monde a, là-bas, le plus grand respect pour l
470 ont un lyrisme très violent et très coloré… Quant à l’Amérique sociale… Socialement parlant, l’ouvrier américain est un b
471 onclusion, une « cure d’Amérique » est profitable à l’Européen ? Absolument ! Ce que je souhaite, c’est qu’on envoie le p
472 rences sont fortes, certes ; mais elles sont tout à fait conciliables. À l’Amérique, nous pouvons apporter beaucoup de ra
473 ertes ; mais elles sont tout à fait conciliables. À l’Amérique, nous pouvons apporter beaucoup de raffinement et un sens
474 ue. Pas pour longtemps, puisqu’il se prépare déjà à repartir à la découverte de ce continent qui, à lui seul, constitue u
475 r longtemps, puisqu’il se prépare déjà à repartir à la découverte de ce continent qui, à lui seul, constitue un monde. Qu
476 à à repartir à la découverte de ce continent qui, à lui seul, constitue un monde. Quelle merveilleuse exploration pour qu
477 ne s’accompagne pas du contact des sens, conduit à l’insondable gouffre de l’abstraction. M. de Rougemont, lui, a vécu l
478 nt, lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’est pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est donné à
479 né à la survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est donné à son expérience créatrice. L’auteur de Politiq
480 ’a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est donné à son expérience créatrice. L’auteur de Politique de la personne , de
481 eau de vie, de foi et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de la superficia
482 vérité aux nations qui s’apprêtaient joyeusement à la chute dans l’abîme : « Personne et pensée ne sont point séparables
22 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
483 l’apologie du vieillissement. Mais j’emprunterai à des recherches récentes deux résultats qui prennent figure de parabol
484 t figure de paraboles : ils me paraissent propres à nous persuader de la fécondité de certaines valeurs que l’Europe a pr
485 le que ces faux ancêtres ne sont guère inférieurs à l’homme sous le rapport de l’intelligence ! Leur malheur est qu’ils n
486 Ce travail de Sisyphe les épuise et les condamne à rester singes. Il les réduit à imiter, là où nous sommes capables d’i
487 se et les condamne à rester singes. Il les réduit à imiter, là où nous sommes capables d’innover en tirant les leçons d’e
488 ’imagine qu’il invente sans cesse. Il ne croit qu’ à l’actualité, aux nouvelles toutes chaudes, à la dernière tactique, et
489 t qu’à l’actualité, aux nouvelles toutes chaudes, à la dernière tactique, et ne fait que singer d’antiques découvertes. À
490 range dans une chambre, le long d’une des parois. À l’autre extrémité de la pièce se dresse un grand meuble à tiroirs. Da
491 e extrémité de la pièce se dresse un grand meuble à tiroirs. Dans les tiroirs on a mis des bananes. Sur un signal donné p
492 n grand nombre de fois, pour habituer les animaux à courir vers le meuble au signal. Après un certain temps d’interruptio
493 opéen, que vingt siècles d’histoire accoutumèrent à trouver le tiroir vide neuf fois sur dix, réagit d’une toute autre ma
23 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
494 emps mais qu’on n’avait jamais très bien compris, à savoir que la terre est ronde. D’où il résulte, entre autres conséque
495 mportant : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairement, si nos moyens pass
496 dra bientôt nécessairement, si nos moyens passent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le
497 passent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le cano
498 lèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avi
499 s ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici
500 s ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-elle ? À l
501 avion à la guerre des continents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire à une guer
502 ntinents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire à une guerre qui nous atteint tous
503 ira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire à une guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à no
504 nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’ à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour une époque
505 poque donnée, me paraissent pouvoir être mesurées à la portée des armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les pré
506 ices d’une théorie sociologique flambant neuve !) À l’arme planétaire correspond donc une communauté universelle, qui rel
507 osme répond au macrocosme. Si notre siècle arrive à digérer et intégrer cette pensée-là, il aura fait une révolution bien
508 pointe et sens si l’on se déplace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les p
509 es Noirs se seront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mineurs du pays de Galles n’auront plus de viande pen
510 ent les lions ». Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ces lions sont des hommes, qui d’ailleurs nous
24 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
511 ire de sa propre mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditation que je poursuis entre ces phrases, dans ce
512 nt quotidienne, où nulle fatigue ne m’inclinerait à renoncer. Pourtant, si tout s’arrête avant midi, pour moi ? Je ne sen
513 a ne signifie point que nous n’ayons jamais pensé à notre mort avec une rapide angoisse — nous y pensons bien plus que no
514 n’osons le croire, sans doute ne pensons-nous qu’ à elle — mais nous n’avons jamais pu penser notre mort. Contester là-de
515 là-dessus serait fournir l’aveu d’une impuissance à comprendre le mot penser dans son sens fort. Car penser sa mort réell
516 fois l’étrangeté d’une telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’une instance mystérieuse aimante notre médit
517 qu’elle la fixe sur cela que le naturel se refuse à prendre au sérieux ? Car si nous restons impuissants à penser notre m
518 ndre au sérieux ? Car si nous restons impuissants à penser notre mort dans le vif, ce phénomène doit normalement être ape
519 d’une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’utopie devant ma mort. De là vient que l’humanité, dans son ensembl
520 anité, dans son ensemble, résiste instinctivement à la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser »,
521 forces de la « réaliser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à la rendre abstraite et lointaine, à la chasser à t
522 liser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à la rendre abstraite et lointaine, à la chasser à tout jamais dans un
523 disqualifier, à la rendre abstraite et lointaine, à la chasser à tout jamais dans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ai
524 à la rendre abstraite et lointaine, à la chasser à tout jamais dans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi de l’huma
525 dinaire, l’homme meurt. Pourquoi suis-je donc ici à remuer ces choses ? Il est vrai que ce sont les seules dont l’intérêt
526 n est de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’œil nu, leur sens dernier et l’enjeu véritable de ses choix, à qui
527 r sens dernier et l’enjeu véritable de ses choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Ho
528 s choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait pas avec moin
529 t encore plaindre l’arrière-pensée, l’impuissance à choisir sans retour. Vivre est impur, qu’on sache ou non où va la vie
530 , mais aussi de l’incapacité où se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ? D’où vient qu’imperceptible encore au pl
531 ent qu’imperceptible encore au plus grand nombre, à tous les lettrés sans esprit, la pensée de la catastrophe s’acclimate
532 se, me jetant dans mon jugement ? S’il nous vient à l’idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’es
533 sentiment d’une urgence que nous ne parvenons pas à distinguer avec des yeux bien dessillés. C’est assez pour l’angoisse
534 mais déjà ce ralentissement qui nous fait accéder à la conscience obscure d’un danger proche, — ce crépuscule qui est peu
535 petit, mais toute chose sans répit nous provoque à la dépasser. La liberté ? Nous avons encombré la terre entière de bar
536 encombré la terre entière de barrières destinées à protéger sa course. L’amour ? La solidarité ? Ce sont des idéaux de l
537 u dessert. La richesse ? Voici qu’elle n’est plus à la portée des mains humaines, elle n’est plus qu’un symbole chiffré d
538 ente l’Occident depuis des siècles. Mais ce rêve, à son tour se trouble ; il faiblit, il ne couvre plus toute l’étendue d
539 lait contre nous ?) Et le monde entier s’organise à ce niveau de vie moyenne qui paraît offrir à la mort, comme à tout ac
540 nise à ce niveau de vie moyenne qui paraît offrir à la mort, comme à tout acte créateur, le moins de chances. Un vaste sy
541 de vie moyenne qui paraît offrir à la mort, comme à tout acte créateur, le moins de chances. Un vaste système d’assurance
542 rre hors la loi, sécurité d’abord. Nous apprenons à vivre, et non plus à mourir : cet effort est contre nature. Il naît a
543 rité d’abord. Nous apprenons à vivre, et non plus à mourir : cet effort est contre nature. Il naît au déclin de la vie, e
544 urne contre elle. Nous voulons échapper au temps, à sa menace, mais c’est peut-être le meilleur ou le seul moyen d’antici
545 re génération. Car, tandis que le temps s’écoule, à mesure que sa fin s’approche, notre foi diminue, notre attente faibli
546 e de la Fin, tout ce qui donne un sens d’éternité à vos singeries, vous l’appelez exagéré, démesuré. Écoutez-moi : s’il s
547 rtige. Le temps vient où les hommes n’auront plus à se défendre, mais seulement à se révéler tels qu’ils sont, où qu’ils
548 ommes n’auront plus à se défendre, mais seulement à se révéler tels qu’ils sont, où qu’ils soient. Plus d’évasions spirit
549 Péripétie La scène du monde vient de passer à une vaste conversation de la mort, sur les places et dans les grands
550 les regardait sans indulgence, puis se remettait à marcher, conservant la même proximité méprisante… Mais la majorité su
551 ais la majorité sut garder l’air de ne pas croire à sa mort proche, — cet air petit. On en reviendrait bien, de cette fin
552 » — mais ils savaient que rien ne peut finir tout à fait et à jamais qu’au prix de cela justement qu’il n’était point per
553 ls savaient que rien ne peut finir tout à fait et à jamais qu’au prix de cela justement qu’il n’était point permis d’imag
554 st la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous sommes tout simplement au jour du Jugement
555 iginelle, toutes créatures livrées d’un seul coup à la violence de l’acte décisif, nous allons voir paraître enfin leur j
556 nce qui est terrible en sa splendeur et difficile à supporter, le seul Amour apparaissant qui menace d’être insoutenable 
557 euf, leurs yeux devenaient forts et s’attendaient à l’éclat d’une lueur encore plus vive. Par degré le Grand Jour éclatai
558 principe du second jugement. Chaque homme poussé à la limite de son expression, et chaque homme forcé à l’extrémité de s
559 a limite de son expression, et chaque homme forcé à l’extrémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tou
560 proféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’éternelle sommation, somme absolue de ses journées et de ses nuits,
561 isage affreusement nu. Il désirait un palais vide à la mesure de sa tristesse. Il devint donc une tristesse errante, empr
562 x me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’un vertige à ce discours d’une furieuse démesure, mais il y eut alors comme un sil
563 chacun de nous accède au destin qu’il s’est fait, à la parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans l
564 s’est fait, à la parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans la consommation de tout son être, au fa
565 a parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans la consommation de tout son être, au faîte inconcevabl
566 t : Viens. Et que celui qui entend dise : Viens ! à celui qui porte avec soi la rétribution de nos œuvres » — elle est en
567 rement de toute la création, son terme monumental à la gloire du Dieu Tout-Puissant, — l’Amen du Temps qui s’agenouille e
25 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
568 mauvaise volonté, mais que vous avez grand-peine à vous représenter « pratiquement » un Pouvoir Mondial, et à vous en fo
569 présenter « pratiquement » un Pouvoir Mondial, et à vous en former une image convaincante. Voici comment j’explique, pour
570 ace de lui avec qui échanger des notes ? Personne à craindre, personne à menacer ? Personne à qui répondre que l’honneur
571 changer des notes ? Personne à craindre, personne à menacer ? Personne à qui répondre que l’honneur du pays est en jeu, q
572 ersonne à craindre, personne à menacer ? Personne à qui répondre que l’honneur du pays est en jeu, qu’on ne cédera plus d
573 . ? Pour tout dire, pas de voisins, donc personne à qui faire la guerre ? À quoi cela ressemblerait-il ? Les nations et l
574 de voisins, donc personne à qui faire la guerre ? À quoi cela ressemblerait-il ? Les nations et leurs gouvernements ne se
575 mondial, où trouvera-t-il cet Autre indispensable à son prestige ? Je parie que vous venez de penser à la planète Mars, e
576 son prestige ? Je parie que vous venez de penser à la planète Mars, et à une guerre possible contre les Martiens ? Ne me
577 ie que vous venez de penser à la planète Mars, et à une guerre possible contre les Martiens ? Ne me dites pas non : votre
578 autres nations. Je perdrais mon temps et le vôtre à fonder en logique, et, dans l’Histoire, cette relation que le premier
579 voisins, donc sans guerre possible — cela revient à dire que c’est la paix elle-même que vous ne voyez pas. Je dis vous,
580 ouffrons. Autrement, le bien — ou la paix — n’est à nos yeux qu’une fumée, une abstraction, c’est-à-dire, soyons francs,
581 suite, ils représentent les « éléments d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir l’état présent de l’Europe. ⁂ J’ai
582 s que la guerre était le pire désordre imaginable à notre époque ; et que ceux qui la tenaient encore pour une nécessité,
583 ons. C’était trop simple. Un colonel de cavalerie à qui vous fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort de la guerre m
584 ’écrit que je suis un primaire. Il m’assure que «  à chaque guerre nous, cavaliers, avons prouvé que nous savions nous bat
585 nt sauter le tout, soit en nous forçant d’ici peu à fédérer les hommes au-delà des nations. Vous cherchiez l’Autre contre
586 L’État-nation Non, je n’en veux pas un instant à votre ami le colonel. Dites-lui que je respecte la cavalerie : elle a
587 our, en même temps que toutes les autres nations, à son armée, à ses douaniers et à son ministère des Affaires étrangères
588 temps que toutes les autres nations, à son armée, à ses douaniers et à son ministère des Affaires étrangères ? Et ne pens
589 s autres nations, à son armée, à ses douaniers et à son ministère des Affaires étrangères ? Et ne pensez-vous pas que si
590 si le gouvernement français n’a plus rien d’autre à faire qu’administrer le pays, il sera un meilleur gouvernement ? (Je
591 vous pose ces questions simplistes pour répondre à vos craintes vagues.) Ce qui détruit aujourd’hui les nations, dans le
592 lable et fécond de ce mot, c’est qu’elles tendent à se confondre avec l’État, et c’est la volonté qu’ont les États-nation
593 n que de « nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’intérieur des frontières, au lieu de multiplier les échanges intern
594 ettre hors d’état de faire la guerre, en se liant à des économies voisines. Mais remarquez l’hypocrisie du terme « nation
595 veut encore tirer parti du prestige qui s’attache à l’idée de nation… En fait, on étatise la nation. Que penser de ces Ét
596 r budget militaire, qui se bardent de protections à la frontière, comme autrefois, en attendant que la Bombe vienne volat
597 , et que cela n’a rien à voir avec la préparation à la guerre. Sans doute, mais je parlais moins des motifs que des effet
598 de la justice sociale, le résultat sera le même : à l’autre bout, vous obtiendrez du totalitarisme en bâtons et une grêle
599 uit dans le cadre national conduit nécessairement à l’État totalitaire, donc à l’état de guerre larvé ou déclaré, qui est
600 conduit nécessairement à l’État totalitaire, donc à l’état de guerre larvé ou déclaré, qui est le pire des crimes sociaux
601 t le soin de diriger les affaires internationales à des hommes qui ne représentent pas les nations, mais l’humanité. Car
602 ure de votre colonel. Il n’aura pas d’adversaires à combattre à 2000 kilomètres à la ronde, sauf s’il saute à cheval par-
603 colonel. Il n’aura pas d’adversaires à combattre à 2000 kilomètres à la ronde, sauf s’il saute à cheval par-dessus toute
604 a pas d’adversaires à combattre à 2000 kilomètres à la ronde, sauf s’il saute à cheval par-dessus toute l’Allemagne ou l’
605 tre à 2000 kilomètres à la ronde, sauf s’il saute à cheval par-dessus toute l’Allemagne ou l’océan. (Mettez-lui bien cela
26 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
606 L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)ab Penda
607 é mondiale qu’est la comparaison des peuples deux à deux. Jeu plus sérieux d’ailleurs qu’il n’y paraît. Car l’une des gra
608 arrivée, justement, pour donner enfin libre cours à ses puissances instinctives de cordialité et d’hospitalité. Commen
609 d’hospitalité. Comment ils deviennent amis À la deuxième rencontre, ou tout de suite, l’Américain vous dit votre p
610 ’amitié que les moralistes français, de Montaigne à Paul Valéry. Tandis qu’en Amérique, il vous arrive souvent de vous se
611 ls inventent Un ingénieur français, débarquant à New York, déclare que son pays vient de construire l’avion le plus ra
612 éjà l’américaine sur le terrain le plus favorable à cette dernière. Mais tout compte fait, l’avion le plus rapide du mond
613 fait, l’avion le plus rapide du monde n’existe qu’ à un seul exemplaire. Et pendant qu’on le construisait, l’Amérique a pr
614 l généralise son invention, son prototype ; c’est à ses yeux un stade atteint et dépassé, c’est comme si tous les avions
615 déjà faits ; il en est fatigué d’avance, et passe à l’invention suivante. Vue d’Amérique, l’Europe apparaît comme une pet
616 ment, parce qu’il en vit, et qu’il ne spécule pas à leur sujet. Comment ils prennent la vie Le Français est profond
617 Le Français est profondément sérieux, c’est même à mon avis l’espèce d’homme la plus sérieuse de la planète. Cependant s
618 chansons, son théâtre d’avant-guerre, ses romans à succès et ses produits d’exportation, humains ou commerciaux, le font
619 semble s’inverser lorsqu’on passe d’un continent à l’autre. Un seul exemple : en Europe, la longue durée d’une liaison l
620 t En Europe, terre des cathédrales, on demande à Le Corbusier de bâtir des églises en verre et en ciment : je me souvi
621 r les universités. On pousse le raffinement jusqu’ à construire le chœur en style roman, et la nef en style ogival ; jusqu
622 en style roman, et la nef en style ogival ; jusqu’ à reproduire les tours non terminées des cathédrales européennes. Et le
623 estions de ce genre : « Buvez-vous ? Modérément ? À l’excès ? Fumez-vous ? Avez-vous d’autres vices ? Êtes-vous partisan
624 cien et le Nouveau Monde : leur manière de réagir à la souffrance. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le Français,
625 gir à la souffrance. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dulce et decorum est pr
626 is que les Américains s’assurent d’abord — quitte à payer le prix qu’il faut en matériel — que les batteries d’en face on
627 irituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’inverse. Je compare et vous
628 . ab. Rougemont Denis de, « L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre », Temps présent, Paris, 19
27 1946, Articles divers (1941-1946). Réponse à l’enquête « Les travaux des écrivains » (24 août 1946)
629 Réponse à l’enquête « Les travaux des écrivains » (24 août 1946)ae J’ai un c
630 diable , dont deux versions différentes parurent à New York en 1940 af et en 1944. Il s’agit, bien entendu, de la versio
631 dix-huit ! ae. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Les travaux des écrivains », Le Figaro littéraire, Paris
28 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
632 je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la vie, toujours pressée d’imaginer un mon
633 dant deux jours, j’ai vu la France toute pareille à un homme qui vient de tomber sur la tête : il se relève, se tâte, et
634 sifflait déjà pour le départ vers la frontière — à deux-cents mètres — du Portugal et de la liberté. Car tel est le sadi
635 e du siècle où tout est fait pour réduire l’homme à l’anonyme, pour le priver du sentiment de sa vocation, de sa différen
636 fférence personnelle, cependant qu’on lui demande à chaque pas de prouver son identité. Or plus il en proteste et moins i
637 re et moins il la ressent. Et plus il la démontre à coups de documents, moins il se reconnaît dans le portrait simplifié
638 ns le portrait simplifié que la police en compose à toutes fins menaçantes. Songeons aussi que ces procédés s’appliquent
639 s aussi que ces procédés s’appliquent précisément à l’émigrant, à celui qui s’éloigne de ses bases, des réflexes de son m
640 s procédés s’appliquent précisément à l’émigrant, à celui qui s’éloigne de ses bases, des réflexes de son milieu, de tout
641 ers bateaux de la dernière ligne reliant l’Europe à l’Amérique ont tous des noms en « Ex » : Exeter, Excalibur, Excambion
642 ntômes… Je crois bien que cette image m’est venue à cause d’une conversation entendue sur le pont cette nuit même. L’heur
643 apitaine, avec l’espoir d’entendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais de me faufiler, R. s’extrait du groupe, me c
644 du groupe, me cède sa place, et je l’entends dire à sa femme qui attendait un peu en arrière : « Rien de nouveau, c’est t
645 etin dit vrai, les Anglais tiennent. L’autre jour à Lisbonne une lady me disait : « Nous ne serons jamais battus, parce q
646 ur rentrer en métro… Il est correct, isn’t he ? » À mon tour, j’ai craché dans l’eau, pour marquer mon approbation. 20 se
647 tropicale bleuit les rives. Je ne m’attendais pas à la nature américaine, à la voir la première et de si près, avant les
648 es. Je ne m’attendais pas à la nature américaine, à la voir la première et de si près, avant les gratte-ciel, la statue…