1
rendre le tempo de ce xxe siècle. C’est que nous
sommes
devenus un peuple de bourgeois. L’ère de la bourgeoisie, ère du « con
2
ndre au sérieux ce qui l’étonne. « Trop beau pour
être
vrai », disait-il au siècle dernier ; et aujourd’hui : « Trop affreux
3
le dernier ; et aujourd’hui : « Trop affreux pour
être
vrai. » Cette double méfiance, cette double incrédulité à l’endroit d
4
un seul et même refus de voir le monde tel qu’il
est
: pécheur et racheté, condamné et sauvé. Qui ne croit pas en Dieu ne
5
er en plein visage — ce qui nous ruine. Non qu’il
soit
pessimiste par tempérament — ce n’est pas l’impression qu’il donne, p
6
Non qu’il soit pessimiste par tempérament — ce n’
est
pas l’impression qu’il donne, pas du tout — mais il est simplement lu
7
s l’impression qu’il donne, pas du tout — mais il
est
simplement lucide. Il a su voir plus loin que le bout de la Suisse. I
8
isme disciplinaire, dépourvu d’idéal directeur, n’
était
autre que la mise au pas du pays, sa mise en marche vers le nihilisme
9
re la vérité dans son patois, et celui de Reynold
est
« de droite ». Le mien passa souvent pour être de « gauche », comme s
10
old est « de droite ». Le mien passa souvent pour
être
de « gauche », comme si je croyais encore aux vaines distinctions qui
11
force vivante. Allons-y viribus unitis ! Car cela
est
clair : ni les gauches ni les droites seules, ni les catholiques ni l
12
et c’est cela qui unit. Pour le reste, si sérieux
soit
-il, on en reparlera plus tard. Faisons d’abord en sorte qu’il y ait u
13
ieux courir, elle a jeté ses voiles, et sa pudeur
est
dévoilée, ô folle ! Mais lui les trouve et s’en revêt : voiles de nui
14
’offusque, ou c’est le désir qui l’aveugle ? Elle
est
nue, ses jambes ont fui. — Toi qui connais le maître du palais, dis-m
15
encore aux solitudes. Car sinon, tu m’entends, je
suis
le Prince ! Et quelle est la femme égarée qui ne voudrait aimer le Pr
16
inon, tu m’entends, je suis le Prince ! Et quelle
est
la femme égarée qui ne voudrait aimer le Prince de ces Lieux ? — Mais
17
on m’appelle, écoute, la voix venait du parc ? —
Es
-tu bien sûr que c’était une voix ? Ils y couraient. La nuit pleuvait
18
us que les abords désertiques de la ville, ils se
sont
vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais disparu, les jardins déva
19
luie. Le Palais disparu, les jardins dévastés, il
est
vêtu des voiles, elle tremble nue. — Où se cacher encore ? dit-elle.
20
rêtre oriental. L’homme choisit la plus terne, il
était
triste et présomptueux. À mesure qu’avec les années, il se persuadait
21
u’avec les années, il se persuadait que sa pierre
était
bonne, étant bien celle de ses vœux, la pierre se mit à luire davanta
22
nées, il se persuadait que sa pierre était bonne,
étant
bien celle de ses vœux, la pierre se mit à luire davantage ; et davan
23
. Un soir, émerveillé de la revoir, il dit : — Je
suis
un homme heureux, j’ai su choisir la pierre de mes vœux, car seul j’a
24
ans le brasier cendreux. Pendant la nuit — grande
était
sa douleur — la pierre se mit à luire sous la cendre, et le grand feu
25
s le feu ! Je ne puis te toucher, mais la chaleur
est
bonne. Tout un hiver, il vécut de ce feu. Le printemps vint. — Aurai-
26
dans la fraîcheur de son éclat. Il la prit. Elle
était
brûlée. — L’hiver a fait son temps, songea-t-il, dans ma vie. Pour la
27
Il choisit la plus éclatante. Et vois : quand il
était
heureux, elle luisait d’une froide splendeur, et quand il était trist
28
elle luisait d’une froide splendeur, et quand il
était
triste, elle était consolante. Mais c’était l’autre qu’il prenait alo
29
froide splendeur, et quand il était triste, elle
était
consolante. Mais c’était l’autre qu’il prenait alors entre ses mains,
30
Veux-tu davantage ? Voici, l’une des deux pierres
sera
ta pierre de Mort, si tu la choisis seule, et ne veux plus souffrir.
31
e ces bêtises, par négligence, croit-on. Bref, je
suis
entré, c’était juste pour voir si par hasard elle était là. Vous save
32
entré, c’était juste pour voir si par hasard elle
était
là. Vous savez que c’est compliqué, ce bâtiment. Des couloirs et des
33
r les tables, et tout le monde lisait. Je dis : —
Est
-elle ici ? Quelqu’un l’a-t-il vue ? Ils me regardent d’un air vexé. U
34
ement et me dit à voix basse : — Puisque Monsieur
est
venu, et puisque Monsieur demande si elle est ici, elle y est évidemm
35
eur est venu, et puisque Monsieur demande si elle
est
ici, elle y est évidemment. Mais je rappelle à Monsieur la règle du c
36
puisque Monsieur demande si elle est ici, elle y
est
évidemment. Mais je rappelle à Monsieur la règle du club : Ni Questio
37
me si je n’avais dit que : Fine day to day, c’eût
été
une sorte de question ou de réponse. Je pensais que le mieux serait d
38
e question ou de réponse. Je pensais que le mieux
serait
de m’en aller sans bruit. Mais vous connaissez ces couloirs. Et je ne
39
ous connaissez ces couloirs. Et je ne voulais pas
être
mis à la porte ! Naturellement, j’aurais dû pousser la première porte
40
ser la première porte venue, sans y penser, et je
serais
sorti comme j’étais entré. Mais le fait est que je pensais à sortir,
41
venue, sans y penser, et je serais sorti comme j’
étais
entré. Mais le fait est que je pensais à sortir, et par la bonne port
42
je serais sorti comme j’étais entré. Mais le fait
est
que je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute. L’iné
43
itable se produisit au bout de quelques heures. J’
étais
épuisé, j’avais faim et soif, je ne rencontrais plus personne. Je sui
44
faim et soif, je ne rencontrais plus personne. Je
suis
un fumeur invétéré. Ma dernière cigarette était brûlée. Je me dis : —
45
Je suis un fumeur invétéré. Ma dernière cigarette
était
brûlée. Je me dis : — Puisque c’est absurde, pourquoi ménager quoi qu
46
isque c’est absurde, pourquoi ménager quoi que ce
soit
? C’était la question par excellence ! Le résumé de toutes mes erreur
47
mme un fou et je crie : — Pourquoi ? Le directeur
était
assis face à la porte et me regardait comme s’il n’avait rien entendu
48
ardait comme s’il n’avait rien entendu. Nous nous
sommes
dévisagés un certain temps ; je ne trouvais pas son regard, il me sem
49
où je l’ai compris, il a tiré. — Eh bien oui, je
suis
là, dit-elle. (Je tenais sa main. Je sentis qu’elle avait de la fièvr
50
a main. Je sentis qu’elle avait de la fièvre.) Je
suis
là parce que tu es venu, tout simplement. Nous étions couchés chez no
51
elle avait de la fièvre.) Je suis là parce que tu
es
venu, tout simplement. Nous étions couchés chez nous. Je ne sais comb
52
is là parce que tu es venu, tout simplement. Nous
étions
couchés chez nous. Je ne sais combien de temps cela va durer. Elle dé
53
e c’est une vraie balle que j’ai dans le cœur, il
est
évident que je suis mort. Et si vous me dites que la balle n’est pas
54
alle que j’ai dans le cœur, il est évident que je
suis
mort. Et si vous me dites que la balle n’est pas plus réelle que ce q
55
je suis mort. Et si vous me dites que la balle n’
est
pas plus réelle que ce qui s’est passé dans la maison, vous supprimez
56
s que la balle n’est pas plus réelle que ce qui s’
est
passé dans la maison, vous supprimez à la fois toutes les questions p
57
t donc toute possibilité de réponse à quoi que ce
soit
. Laissez-moi donc seul. C’est mon ordre. Et si vous ne me croyez pas,
58
manœuvres militaires, il dit à un soldat : « Vous
êtes
500 000 hommes, et vous tirez bien ; mais si nous vous attaquions ave
59
Kaiser préféra passer par la Belgique. La Suisse
est
l’un des pays qui a le mieux résolu l’urgent problème de la défense d
60
a une armée de 600 000 hommes. Un habitant sur 7
est
un soldat. La même proportion donnerait aux États-Unis une armée de 2
61
is nulle part les coutumes et les institutions ne
sont
plus démocratiques qu’en Suisse, et nulle part l’armée n’est plus pop
62
mocratiques qu’en Suisse, et nulle part l’armée n’
est
plus populaire et ne fait aussi partie de la vie nationale qu’en Suis
63
domination médiévale des seigneurs, leur armée a
été
un groupement de citoyens libres, possédant chacun ses propres armes
64
À cette époque, l’« homme libre », — celui qui n’
était
pas un serf, — se distinguait par ce fait : il avait le droit de port
65
ertés civiques et l’esprit militaire n’ont jamais
été
en contradiction. Depuis les temps les plus anciens, les Suisses étai
66
n. Depuis les temps les plus anciens, les Suisses
étaient
libres parce qu’ils étaient forts, et ils étaient forts parce qu’ils
67
anciens, les Suisses étaient libres parce qu’ils
étaient
forts, et ils étaient forts parce qu’ils étaient libres. La possessio
68
étaient libres parce qu’ils étaient forts, et ils
étaient
forts parce qu’ils étaient libres. La possession par chaque citoyen d
69
étaient forts, et ils étaient forts parce qu’ils
étaient
libres. La possession par chaque citoyen de ses propres armes, montre
70
armes a également une importance technique qui n’
est
nullement à négliger. C’est le seul moyen d’assurer une mobilisation
71
e contre les parachutistes. Une coutume médiévale
est
devenue, ainsi, la méthode la plus moderne de défense. C’est la clé d
72
mée suisse et le secret de sa popularité… L’armée
est
un lien non seulement entre les individus, mais aussi entre les class
73
s ne leur aurait pas donné en dix ans. Ces 3 mois
sont
un puissant tonique pour la jeunesse suisse et la durée relativement
74
nique résultant d’une si brève période de service
est
compensée par un entraînement annuel. La vie civile également apporte
75
ur officiers et sous-officiers. L’officier suisse
est
, dans la plupart des cas, un civil, comme tout le monde. Entre les ma
76
a prévu dès 1930 déjà, que la prochaine guerre ne
serait
pas une guerre de « fronts », et qu’une défense en profondeur devait
77
fronts », et qu’une défense en profondeur devait
être
organisée, constituée par des « nids » offrant une résistance locale
78
arrer le paysage des gorges étroites. Si l’ennemi
est
trop puissant, des renforcements sont demandés aux voisins, suivant d
79
Si l’ennemi est trop puissant, des renforcements
sont
demandés aux voisins, suivant des plans préétablis. Nous trouvons ain
80
utonomie locale et entraide. La moitié de l’armée
est
composée de divisions mobiles régulières. Le reste consiste en garnis
81
ur défendre les principaux passages des Alpes. Ce
sont
des brigades de montagne, constituées par des spécialistes du ski et
82
urs postes. Les machines et les canons anti-tanks
sont
prêts. Les magasins de munitions et de vivres ont été cachés dans les
83
prêts. Les magasins de munitions et de vivres ont
été
cachés dans les rochers. En 1939, la disposition de ces troupes de co
84
res maisons. Ils savent ce qu’ils défendent. Il n’
est
pas besoin de leur faire des discours. L’un de ceux qui écrivit cet a
85
es discours. L’un de ceux qui écrivit cet article
fut
mobilisé en 1939, à un poste-frontière du Jura. Il pouvait voir, à tr
86
et parfois attraper le clair reflet d’une robe d’
été
et imaginer qu’il reconnaissait ses enfants. De telles choses compten
87
mieux équipé ? Le premier acte du « blitzkrieg »
est
d’empêcher la mobilisation du pays que l’on veut envahir. Les partena
88
ommunications ferroviaires. Mais l’armée suisse a
été
mobilisée depuis 1939 et les distances sont si petites que les troupe
89
isse a été mobilisée depuis 1939 et les distances
sont
si petites que les troupes peuvent être déplacées sans l’aide des voi
90
distances sont si petites que les troupes peuvent
être
déplacées sans l’aide des voies ferrées. La seconde phase du « blitzk
91
voies ferrées. La seconde phase du « blitzkrieg »
est
la trouée du territoire derrière les lignes. Cela serait-il possible
92
la trouée du territoire derrière les lignes. Cela
serait
-il possible en Suisse ? Il y a autant de centres de résistance qu’il
93
ilés et de montagnes. Chaque village de la Suisse
est
devenu un fort, ses entrées fermées par des barricades et les maisons
94
vers les forêts ou les pâturages. Mais les routes
sont
minées. Les fleuves, les vallées et les gorges sont protégés par des
95
nt minées. Les fleuves, les vallées et les gorges
sont
protégés par des canons cachés dans les parois rocheuses. Dans chaque
96
i aurait à développer une attaque en règle. Il ne
serait
nullement question d’avancer rapidement comme dans les plaines de Fla
97
entre le présent et les traditions historiques, s’
est
vu raffermi par cette longue période de mobilisation. La Suisse fut é
98
r cette longue période de mobilisation. La Suisse
fut
épargnée au printemps 1940 uniquement parce que ses voisins compriren
99
niquement parce que ses voisins comprirent que ce
serait
un « morceau dur à avaler », et parce qu’il était celui qui a, dans s
100
erait un « morceau dur à avaler », et parce qu’il
était
celui qui a, dans ses mains, le Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’A
101
se font par le Gothard ou le Simplon. Ces tunnels
sont
puissamment minés. Beaucoup d’hommes ont juré de les faire sauter au
102
le plan suisse de défense. La ligne du Gothard a
été
déclarée comme ligne de retraite nationale. Certaines unités de l’arm
103
d’esprit actuel de la Suisse. Le vrai Confédéré
est
celui qui ne questionne jamais pour ce qui a trait à la défense du so
104
our ce qui a trait à la défense du sol quand cela
est
raisonnable. À ceux qui demandent : « Pourquoi ces sacrifices ? », il
105
Ni la famine, ni la guerre, ni l’exil ne pourront
être
évités si nous gémissons sans lutter. » La liberté individuelle ne po
106
royons en Dieu et non pas en un homme qui prétend
être
adoré comme un Dieu. c. Rougemont Denis de, « La leçon de l’armée
107
érone (mars 1943)d Somnium narrare vigilantis
est
. Sénèque En pleine polémique avec le mystère, il arrive à certains d
108
r recours à ces remèdes, car définir l’amour ce n’
est
point le connaître, mais limiter sa part dans notre vie, et nul amour
109
tte méfiance ou à cette avarice anxieuse. Mais il
est
une manière imaginable de parler de l’amour sans malice : c’est de fo
110
oments une espèce d’émotion ou de gêne, non qu’il
soit
dit ni même décrit par allusions ou par symboles, mais sa présence so
111
ions ou par symboles, mais sa présence souveraine
est
annoncée par certain frémissement de l’assemblée des mots qui font la
112
ont la cour : le Roi s’approche. Toute éloquence
est
amoureuse, excitée par l’amour qui la rend fleurissante. Mais l’amour
113
amour qui la rend fleurissante. Mais l’amour même
est
chose du silence. Cela dont je ne puis parler sans l’offenser dans sa
114
r, c’est ce qui m’enflamme à parler. Rien ne peut
être
dit de l’amour même, mais rien non plus n’est dit que par l’amour, si
115
ut être dit de l’amour même, mais rien non plus n’
est
dit que par l’amour, si toutefois quelque chose est vraiment dite. La
116
t dit que par l’amour, si toutefois quelque chose
est
vraiment dite. La Fable nous apprend à sa manière que l’amour est le
117
e. La Fable nous apprend à sa manière que l’amour
est
le lieu d’un mutisme sacré. Angérone, déesse du Silence : on croit qu
118
temple de la Volupté. Et certains pensent qu’elle
est
la même que la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours de ce col
119
-nous aux alentours de ce colloque. La Volupté n’
est
pas le plaisir même, mais l’imagination active du désir qui lentement
120
ec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté
serait
un phénomène analogue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou de l
121
un, par l’abandon chez l’autre. Que cette hypnose
soit
en quelque mesure — celle de l’esprit — indépendante de l’instinct, c
122
ns fond où elle se penche… Maintenant un seul œil
est
visible dans ce visage décomposé en ombres et lueurs lentement mouvan
123
e s’il doutait… Adolescence ! Le charme du désir
est
celui du silence : il éloigne sans fin le terme. Tu n’entends que ce
124
rompt. Tu ne sais rien que tu ne perdes. Car ce n’
est
pas le savoir que tu veux, mais la divine connaissance du présent. Or
125
ne connaissance du présent. Or cette connaissance
est
interdite. Et c’est l’approche du viol de l’interdit qui impose aux a
126
’accomplissement du plus violent amour qu’il nous
est
accordé de concevoir un absolu, mais sous la forme de l’inaccessible.
127
mes ? Deux corps s’endorment dans leur paix, et l’
être
enfin comblé ne sait plus où se prendre. Il se ramène en soi, se divi
128
qui s’égalerait à l’Infini. Se fondre en un seul
être
, mais que cet être accède ensuite au commerce de ses semblables, qu’à
129
l’Infini. Se fondre en un seul être, mais que cet
être
accède ensuite au commerce de ses semblables, qu’à son tour il les ai
130
sance imaginaire et désespérément consciente de l’
Être
. L’aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’un
131
s-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étreinte, n’
est
-ce point le souvenir du seul désert que désormais nous chercherons ?
132
celui seul qui l’éprouve jusqu’à l’épouvante : l’
être
que nous formons au sommet de l’amour, et qui meurt à l’instant où il
133
on, change de signe. On voit soudain que le désir
était
le dialogue des corps, tandis que le plaisir est solitaire, instant o
134
tait le dialogue des corps, tandis que le plaisir
est
solitaire, instant où les amants sont le plus séparés, arrachés, reti
135
e le plaisir est solitaire, instant où les amants
sont
le plus séparés, arrachés, retirés en soi. Alors paraissent la consci
136
le sérieux, et la réalité des vies au jour. Nous
sommes
deux. Il n’y a que deux philosophies : celle du désir et celle de l’
137
umain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui
sera
notre tâche sérieuse. Quittons ce temple où dorment deux idoles, et p
138
ut-être le secret d’une différence aussi curieuse
est
-il caché dans les passages de ces cahiers que nous allons transcrire
139
i profondément ambiguë, vis-à-vis de la gloire, n’
est
pas sans entretenir les plus curieux malentendus entre un auteur et s
140
e un auteur et ses lecteurs. Or il se peut que ce
soit
l’attitude de la plupart des écrivains modernes.) J’ai vécu pour la
141
vécu pour la gloire — dit le prince André — et qu’
est
-ce que la gloire, si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir de
142
rince André — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’
est
aussi l’amour du prochain, le désir de lui être utile et de mériter s
143
n’est aussi l’amour du prochain, le désir de lui
être
utile et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour les autres, et
144
J’ai donc vécu pour les autres, et mon existence
est
perdue, perdue sans retour ; depuis que je vis pour moi, je vis pour
145
; depuis que je vis pour moi, je vis pour moi, je
suis
plus calme… Les autres, c’est le prochain, comme la princesse Marie e
146
’iniquité et de mal ! Le prochain, le sais-tu, ce
sont
les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. (Tolstoï,
147
n’y vois plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’
est
pas l’amour mais au contraire le mépris du prochain. Le Prince André
148
triomphal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je
suis
le serviteur du public, cela va sans dire. » C’est à cela qu’on donne
149
l’on change le jugement sur la gloire. La gloire
est
donc un mythe : j’entends que son pouvoir et sa grandeur ne dépendent
150
cit eundo : minuit praesentia famam. Toute gloire
est
donc aliénée. Celle d’un Chateaubriand n’est pas à lui, ni à son œuvr
151
oire est donc aliénée. Celle d’un Chateaubriand n’
est
pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui la lui prête parce que
152
c qui la lui prête parce que d’abord l’auteur s’y
est
prêté. Quant à moi, je suis trop égoïste pour me laisser aller à ce j
153
e d’abord l’auteur s’y est prêté. Quant à moi, je
suis
trop égoïste pour me laisser aller à ce jeu-là. Je me sentirais dépos
154
-là. Je me sentirais dépossédé. C’est que je veux
être
aimé pour moi-même, tel que je suis et non point tel que me désire le
155
t que je veux être aimé pour moi-même, tel que je
suis
et non point tel que me désire leur goût sentimental de « l’Art ». Ma
156
plique et se retourne ! Celui qui veut la gloire,
est
-ce qu’il manquerait d’orgueil ? Serait-il plus humble que moi ? Et l’
157
ut la gloire, est-ce qu’il manquerait d’orgueil ?
Serait
-il plus humble que moi ? Et l’orgueilleux que je suis, ne donne-t-il
158
-il plus humble que moi ? Et l’orgueilleux que je
suis
, ne donne-t-il pas une preuve d’amour à son audience en exigeant d’el
159
, puisque je vous veux moins vulgaires que vous n’
êtes
. Celui qui ne veut pas la gloire telle que la donne une foule à qui l
160
e telle que la donne une foule à qui la flatte, n’
est
-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul serait capable de se l
161
st-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul
serait
capable de se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient,
162
e nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux
est
celui qui s’affirme en différant, bien plus qu’en excellant. C’est do
163
l’Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloire
est
donc né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le contraire de
164
cherche des admirateurs, des confirmateurs de son
être
. C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou d’une communauté, é
165
ngerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire
est
ce qui sépare. Mais il chercherait l’excellence, à son rang et selon
166
et selon ses astres. Ainsi les héros et les rois
sont
les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien. Et ce qu
167
qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique
était
virile, comme le don. Alexandre exemplaire, plus beau que tous, plus
168
u que tous, plus fort et plus heureux que tous, n’
était
pas séparé mais au sommet. Sa gloire était dans son destin, gagée par
169
ous, n’était pas séparé mais au sommet. Sa gloire
était
dans son destin, gagée par une mesure universelle que ses actions com
170
mblaient exactement. Mais notre gloire ne saurait
être
mesurée : c’est une rumeur, c’est une publicité, une espèce d’inflati
171
licité, une espèce d’inflation provisoire. Elle n’
est
pas grande, mais exagérée, mobile, nerveuse, sentimentale. Et voici q
172
rée, mobile, nerveuse, sentimentale. Et voici qui
est
plus grave : elle est ressentie comme flatteuse. C’est donc quelque c
173
sentimentale. Et voici qui est plus grave : elle
est
ressentie comme flatteuse. C’est donc quelque chose de vulgaire. De f
174
dont on ne puisse démontrer par quels moyens elle
fut
acquise : toujours au prix d’une vulgarité. (Zones de bassesse chez d
175
st là, non pas dans la beauté de son œuvre, que s’
est
constituée sa gloire.) Et cependant, je me suis surpris à désirer une
176
s’est constituée sa gloire.) Et cependant, je me
suis
surpris à désirer une gloire qui ne m’ennuierait pas. Non point la le
177
n d’adorateurs pour rayonner et se réjouir de son
être
. Oui, c’est bien là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’e
178
à le privilège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’
est
-ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne l
179
oire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne
serait
-ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son incognito en se donnant
180
e avantage de la gloire : elle confère le droit d’
être
banal. Tant pis si beaucoup en abusent… Hypothèse : l’expérience int
181
isse avouer sa vanité, ou bien ils croient que ce
serait
naïf ; et si l’on avoue son orgueil, ils croient que c’est par vanité
182
son orgueil, ils croient que c’est par vanité. Je
suis
homme : donc vaniteux, naïf, retors, orgueilleux, etc. Quel avantage
183
c. Quel avantage à feindre ? La plus sotte vanité
étant
assurément d’essayer de faire croire qu’on n’en a point. Si l’on cond
184
sa propre vanité, le mieux pour s’en débarrasser
serait
d’en parler ouvertement. Comme un menteur qui dirait : « Je vous aver
185
r telle et telle raison aisément vérifiable. » Ce
serait
instructif et amusant. Je veux ma gloire, et je ne l’avoue jamais, —
186
j’aime et qui me connaissez. Vous savez ce que je
suis
, et si vous appreniez un jour que j’ai de la gloire, que sauriez-vous
187
s — mais non comme une erreur —, je veux cela. Qu’
est
-ce donc que « gloire », dont la prononciation, pour peu d’emphase que
188
triomphal accord clamé, ou cet instant plutôt qui
est
au seuil de sa résolution fondamentale — quel est ce seuil, et que no
189
est au seuil de sa résolution fondamentale — quel
est
ce seuil, et que nous ouvrent, sur quel ciel, les symphonies ? Je n’o
190
l, les symphonies ? Je n’ose pas dire que je veux
être
Dieu. Ce serait là, pourtant, ma vérité, la vérité de mon mensonge. E
191
ies ? Je n’ose pas dire que je veux être Dieu. Ce
serait
là, pourtant, ma vérité, la vérité de mon mensonge. Est-ce à cause qu
192
, pourtant, ma vérité, la vérité de mon mensonge.
Est
-ce à cause que mon nom est : mensonge, que je voudrais la gloire et n
193
érité de mon mensonge. Est-ce à cause que mon nom
est
: mensonge, que je voudrais la gloire et ne sais pas pourquoi ? Ou n’
194
e pas savoir pourquoi… Ce que je n’ose pas savoir
est
angoisse. Angoisse est le nom du secret que je sers sans oser le serv
195
Ce que je n’ose pas savoir est angoisse. Angoisse
est
le nom du secret que je sers sans oser le servir, parce que je sais q
196
ans oser le servir, parce que je sais que son nom
est
mensonge, et que c’est moi qui ne suis rien. Ainsi Dieu est mon adver
197
que son nom est mensonge, et que c’est moi qui ne
suis
rien. Ainsi Dieu est mon adversaire. C’est lui seul qui s’oppose à ma
198
ge, et que c’est moi qui ne suis rien. Ainsi Dieu
est
mon adversaire. C’est lui seul qui s’oppose à ma gloire, et qui me sa
199
omphe. Il n’y a qu’un seul Dieu, celui qui dit Je
suis
. Ce sera Dieu, ou ce sera moi. Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’es
200
n’y a qu’un seul Dieu, celui qui dit Je suis. Ce
sera
Dieu, ou ce sera moi. Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Dieu, j
201
Dieu, celui qui dit Je suis. Ce sera Dieu, ou ce
sera
moi. Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Dieu, je ne serai rien.
202
Ce sera Dieu, ou ce sera moi. Si c’est moi, ce ne
sera
rien. Si c’est Dieu, je ne serai rien. Si Dieu me tue, il sera tout,
203
c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Dieu, je ne
serai
rien. Si Dieu me tue, il sera tout, et tout sera. Ainsi, ô Dieu, déli
204
c’est Dieu, je ne serai rien. Si Dieu me tue, il
sera
tout, et tout sera. Ainsi, ô Dieu, délivrez-moi de la gloire ! Mais c
205
serai rien. Si Dieu me tue, il sera tout, et tout
sera
. Ainsi, ô Dieu, délivrez-moi de la gloire ! Mais cette prière m’émeut
206
qui allaient de soi dans notre Europe, et qui me
sont
révélées dans ce pays, parce que c’est leur contraire, ici, qui va de
207
de. Chaque fois que j’en relis quelques pages, je
suis
frappé par le souci qu’y montre Gide d’une écriture durable et d’une
208
en premier lieu. Ce souci, cette arrière-pensée,
sont
étrangers à la littérature américaine, trop jeune pour craindre les a
209
lai. Signe de santé d’une culture. Le journaliste
est
l’homme pour qui le lendemain n’existe pas, remarquait encore André G
210
ut qu’un discours, un essai ou un simple article,
soient
introduits par quelques précautions verbales, qui créent une atmosphè
211
llustrer. L’anecdote révélatrice, le Human Touch,
sont
régulièrement préférés par un directeur de revue américaine à la « fo
212
’une idée l’on ne demandera pas seulement qu’elle
soit
juste, mais qu’elle soit inspiring, stimulante. Tout cela donne une l
213
ra pas seulement qu’elle soit juste, mais qu’elle
soit
inspiring, stimulante. Tout cela donne une littérature plus apte qu’a
214
ù nous allons entrer ? Je n’en sais rien. Mais je
suis
sûr que l’écrivain français et l’écrivain américain ont beaucoup à ap
215
encore un paradis perdu ! Mais les vrais paradis
seront
toujours perdus : ils naissent à l’heure où on les perd. Souvenirs de
216
er rayonnants dans la lueur éternisée d’un soir d’
été
, après l’orage, avant la nuit, dans une gloire déchirante et délicieu
217
ait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre nous, ce
fut
simplement l’avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et voici q
218
nce. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’un coup,
est
encore plus proche : c’est l’an passé, c’est avant-hier, peut-être mê
219
’est l’an passé, c’est avant-hier, peut-être même
est
-ce — aujourd’hui ? Mais oui, peut-être vivons-nous, ici, dans ce Pari
220
ont nous avions à peine conscience, parce qu’elle
était
notre manière toute naturelle de respirer et de penser, d’aller et ve
221
ère étrange et brutale, où ces formes de vie qui
sont
encore les nôtres ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que les
222
les nôtres ne peuvent plus apprivoiser le destin.
Soit
que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résis
223
er le destin. Soit que les tyrans nous accablent,
soit
qu’un sursaut nous dresse à résister, il faudra changer le rythme et
224
iberté ne peut survivre à de tels chocs. Car elle
est
vraiment comme un rêve, un rêve heureux où l’on circule avec aisance,
225
t parfois l’arrière-conscience d’un miracle. Elle
est
encore une œuvre d’art qui n’agit que par l’atmosphère, par le charme
226
il nous force au réalisme à sa manière, le charme
est
détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et g
227
anière, le charme est détruit dans nos vies. Nous
sommes
pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelques instants les d
228
des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin d’
être
provoqué pour montrer de quoi l’on est capable est si profond, peut-ê
229
besoin d’être provoqué pour montrer de quoi l’on
est
capable est si profond, peut-être si normal, que j’en viens à me dema
230
re provoqué pour montrer de quoi l’on est capable
est
si profond, peut-être si normal, que j’en viens à me demander si tout
231
j’en viens à me demander si toutes nos crises ne
seraient
pas machinées par nous-mêmes, dans notre inconscient collectif. Je pu
232
onscient collectif. Je puis l’avouer parce que je
suis
un écrivain, Il est admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour
233
e puis l’avouer parce que je suis un écrivain, Il
est
admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour le soulagement géné
234
e de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils
sont
plus courageux ? Mais non. Ils sont tout seuls devant leur papier bla
235
penser qu’ils sont plus courageux ? Mais non. Ils
sont
tout seuls devant leur papier blanc. Les réactions à leur parole sero
236
nt leur papier blanc. Les réactions à leur parole
seront
lointaines, ou même ils ne les connaîtront jamais… Paris, 12 mai 1939
237
spirituelle la plus extraordinaire du siècle ! Il
est
des êtres et des drames dont la vérité n’apparaît que dans cet enviro
238
lle la plus extraordinaire du siècle ! Il est des
êtres
et des drames dont la vérité n’apparaît que dans cet environnement de
239
maginer là-dessus un livre vrai, un livre où tout
serait
avoué, horreur et charme, à travers la vision d’un saint qui vivrait
240
n de ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène
est
partagée dans un silence de catacombes. Centre du monde ! Il s’en va,
241
s avec cette grande Question qu’il porte dans son
être
, et qui est aussi la grande réponse ; et les démons s’éveillent sur s
242
grande Question qu’il porte dans son être, et qui
est
aussi la grande réponse ; et les démons s’éveillent sur son passage,
243
onde et fait surgir des quotidiennes apparences l’
être
touchant, bizarre ou monstrueux que chacun de nous dissimule. Alors,
244
verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou d’
être
déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au trave
245
réduits se rétrécissent vers la catastrophe. Il n’
est
plus d’autre issue que la nuit, mais viendra-t-elle après ma mort ou
246
irs saccagés. S’il y avait une victoire enfin, ce
serait
un retour du passé. Vaudrait-il mieux qu’alors ? Saurions-nous mieux
247
éjà ! comme dans les chansons — même si la guerre
était
gagnée, même si demain nous devons vivre encore… À quoi pensent-ils,
248
réveil, affreux bonheur d’une illusion rapide, où
suis
-je ? Déjà tout recommence, sans relâche, et cet acharnement des chose
249
ma mort à moi. C’est sérieux, cette fois-ci ça y
est
!… Vivant un cauchemar qui est vrai, nous allons en désordre au révei
250
cette fois-ci ça y est !… Vivant un cauchemar qui
est
vrai, nous allons en désordre au réveil. La mort, le désespoir en ple
251
les mêmes histoires, pas de décision… » Le monde
était
en train de changer de face d’un jour à l’autre, mais on le regardait
252
encore où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t-il rêvé ?
Serait
-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit, incapable de
253
rasse. Hâtons-nous, car tout peut périr. Nous qui
sommes
encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! VI. — Souve
254
ser, et l’on parvient à la grand-rue : comme elle
est
vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunie
255
brunies par l’âge, patinées par les vents. Rares
sont
les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une d
256
discrète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là n’
est
qu’amitié des tons et des lignes humaines, humilité sous la douceur d
257
lentement vers la vallée, dans les vergers. Je m’
étais
arrêté à cet endroit, hésitant sur le chemin à prendre. Et soudain, j
258
lettres capitales bien arrondies : Martine Je
suis
Aux champs Paix du village, silence des rues vides ouvertes sur l
259
ues vides ouvertes sur le ciel et sur les blés. J’
étais
là fasciné comme par la découverte d’un secret de pudeur naïvement dé
260
s : il entre, ne trouve personne. Mais ses outils
sont
là, contre le mur. Il reprend le chemin de son champ. En passant au c
261
hemin de son champ. En passant au carrefour, il s’
est
dit : « Peut-être est-elle à Mandres, c’est donc jour de marché. » Il
262
passant au carrefour, il s’est dit : « Peut-être
est
-elle à Mandres, c’est donc jour de marché. » Il a écrit ces mots. Ell
263
hoses de toujours. Et le moindre signe suffît. Je
suis
redescendu vers la vallée de l’Yerre, qui coule entre des saules et d
264
ire de l’Europe 1943 Je ne savais pas que tout
était
si près là-bas. J’étais baigné. J’étais fondé. Et je marchais parmi l
265
Je ne savais pas que tout était si près là-bas. J’
étais
baigné. J’étais fondé. Et je marchais parmi les signes. Sédiments séc
266
que tout était si près là-bas. J’étais baigné. J’
étais
fondé. Et je marchais parmi les signes. Sédiments séculaires, socles
267
… « Je t’aime. J’aime ! » J’ai tout dit. L’Europe
était
patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence était profonde, et ch
268
t patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence
était
profonde, et chaque être présent questionnait, répondait. La force ét
269
ce attendait, l’absence était profonde, et chaque
être
présent questionnait, répondait. La force était au secret de nos vies
270
ue être présent questionnait, répondait. La force
était
au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bie
271
ns la contemplation jalouse d’un vieil arbre — il
était
vieux déjà du temps de notre enfance, et notre possession la plus ten
272
us tenace, il nous réduisait au silence. La force
était
chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée qui se liait
273
evient visible, c’est comme le sang, c’est que tu
es
blessé, ta vie s’en va). La force était mémoire et allusion, elle éta
274
c’est que tu es blessé, ta vie s’en va). La force
était
mémoire et allusion, elle était ce vieil arbre tenace. Elle était la
275
’en va). La force était mémoire et allusion, elle
était
ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des
276
allusion, elle était ce vieil arbre tenace. Elle
était
la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit
277
me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe
est
la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant de passé,
278
tait piquant, indéfinissablement féminin comme le
sont
la plupart des vedettes. Mais où était dans tout cela le vrai peuple
279
in comme le sont la plupart des vedettes. Mais où
était
dans tout cela le vrai peuple de la vraie France ? Ce peuple naguère
280
de France ; les récits et les témoignages qui ont
été
publiés secrètement par les mouvements de résistance et qui parvienne
281
ais. Les Français critiquaient beaucoup. Le décor
était
inexact, les situations pas toujours vraisemblables, les traîtres tro
282
aute des élites parisiennes : le peuple de France
est
grave, ou plus exactement il est sérieux. Il n’est pas avant tout cha
283
peuple de France est grave, ou plus exactement il
est
sérieux. Il n’est pas avant tout charmant et spirituel, bien-disant,
284
st grave, ou plus exactement il est sérieux. Il n’
est
pas avant tout charmant et spirituel, bien-disant, bon vivant et lége
285
spirituel, bien-disant, bon vivant et léger. Il n’
est
tout cela qu’en second lieu, et comme par luxe. Dans le fond et d’abo
286
u, et comme par luxe. Dans le fond et d’abord, il
est
sérieux, plus qu’aucun autre peuple dont j’aie vécu la vie. Seulement
287
utre peuple dont j’aie vécu la vie. Seulement, il
est
sérieux sans pose, avec pudeur, préférant affecter la blague et le sc
288
pense d’instinct, comme Talleyrand, que « ce qui
est
exagéré n’est pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans les films
289
nct, comme Talleyrand, que « ce qui est exagéré n’
est
pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans les films que je citais
290
ïsme populaire. Ce peuple en noir au regard vif s’
est
révélé face au danger. Il manquait d’armes, il lutte avec sa dignité
291
ques semaines en territoire conquis, l’Allemand s’
est
senti dominé par une force étrange et qui l’intimidait : le regard sé
292
Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas
être
clair (hiver 1944)j Un critique. J’ai lu vos deux dialogues sur l
293
r la carte postale6, je les aime bien… Enfin il n’
est
pas exact que je les aime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais je
294
oublie pas.7 L’auteur. La mémoire des offenses
est
la plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’est pas de louange préféra
295
es est la plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’
est
pas de louange préférable à celle-ci qu’on me fasse grief de mes écri
296
i me gênait, je crois, c’est qu’à mon sens vous n’
êtes
pas encore assez clair. L’auteur. Et pourquoi je vous prie, être cla
297
assez clair. L’auteur. Et pourquoi je vous prie,
être
clair ? Vous n’allez pas me dire que c’est la bonne manière de se fai
298
e se faire comprendre ? Le critique. On voudrait
être
sûr que vous vous comprenez assez. L’auteur. Assez pour quoi ? C. A
299
ez. L’auteur. Assez pour quoi ? C. Assez pour n’
être
point la dupe de vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’es
300
vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’
est
pas jouer du violon. Tout d’un coup vous le prenez à double corde, et
301
ssion, un peu trop tôt — qui nous surprend… A. N’
est
-ce pas toujours ainsi ? Je veux dire : tout écrivain n’est-il pas d’a
302
s toujours ainsi ? Je veux dire : tout écrivain n’
est
-il pas d’abord séduit, ou au contraire vexé par ses images ou ses idé
303
entrées. Il faudrait nous persuader que vos goûts
sont
bien des raisons, et que ces raisons sont les nôtres. Ou bien vous fa
304
s goûts sont bien des raisons, et que ces raisons
sont
les nôtres. Ou bien vous faites de la poésie, et alors vous jouez sur
305
et de mes deux précédents dialogues. C. Du moins
serez
-vous en garde contre votre obscurité ? A. C’est justement ce parti p
306
ne davantage qu’une feinte aimable. Au reste nous
sommes
entre nous et vous n’abuserez pas de mes aveux… D’autant qu’ils seron
307
vous n’abuserez pas de mes aveux… D’autant qu’ils
seront
probablement exagérés. C. Que de précautions ! Vous êtes en train d’
308
bablement exagérés. C. Que de précautions ! Vous
êtes
en train d’imiter ce héros de je ne sais quel album de Toepffer, qui
309
i feint de feindre afin de mieux dissimuler. — Qu’
est
-ce qu’être clair, à votre avis ? A. Dès que l’on pose cette question
310
feindre afin de mieux dissimuler. — Qu’est-ce qu’
être
clair, à votre avis ? A. Dès que l’on pose cette question, il me sem
311
amné à des réponses ou plates ou mystérieuses. Ne
serait
-ce pas que la clarté n’est qu’une convention de langage ? J’entends :
312
ou mystérieuses. Ne serait-ce pas que la clarté n’
est
qu’une convention de langage ? J’entends : un mot de passe de la trib
313
Hé quoi ! vous savez bien que tout notre langage
est
un système conventionnel ! A. Notre langage courant sans aucun doute
314
le souci de contrôler ses conventions. Mais ce n’
est
pas là le seul mode d’expression possible. C. Précisément je souhait
315
ons, si vous le voulez, sur le plan du langage. N’
est
-ce pas la cohérence des raisons et à la fois l’exact ajustement de ce
316
hode du discours. La fin dernière d’un discours n’
est
autre que la cohérence, la vérité elle-même s’y trouvant ordonnée à l
317
dit, le discours cartésien n’a pas de fin qui lui
soit
transcendante. Il part de ce qu’il suppose clair et facile, et sa mar
318
de ce qu’il suppose clair et facile, et sa marche
est
une déduction. La convention d’un tel langage, est que tout est donné
319
st une déduction. La convention d’un tel langage,
est
que tout est donné au départ, et qu’il s’agit de ne rien introduire d
320
ion. La convention d’un tel langage, est que tout
est
donné au départ, et qu’il s’agit de ne rien introduire dans la chaîne
321
introduire dans la chaîne des arguments qui n’ait
été
d’abord jaugé, chiffré, et défini en termes simples. À mon tour de me
322
nne. Car enfin où prend-on dans le monde rien qui
soit
« clair, simple et facile » en soi ? Le monde dans lequel nous vivons
323
i ? Le monde dans lequel nous vivons et parlons n’
est
-il pas, comme l’a dit un Russe « le monde de l’imprécis et du non rés
324
d’une raison sans parti pris à ce monde tel qu’il
est
donné, n’a-t-elle pas pour effet immédiat de multiplier le mystère et
325
au choix de ces données dites premières. Encore n’
est
-il pas exact de recourir ici à l’expression d’arrière-pensée. C’est s
326
une « arrière-image » qu’il faudrait dire. C. Ne
serait
-il pas trop cartésien de vous demander de préciser ? A. J’essaierai
327
par un exemple. La méthode inventée par Descartes
est
donc devenue celle de la science. C’est elle dont usent nos physicien
328
aduisant les résultats acquis. Or ces phrases ont
été
choisies par le savant en vertu d’une double exigence : d’une part el
329
formule mathématique ; d’autre part, et voilà qui
est
remarquable, il est sous-entendu qu’elles correspondent au langage du
330
; d’autre part, et voilà qui est remarquable, il
est
sous-entendu qu’elles correspondent au langage du sens commun, aux im
331
ur des propriétés de la matière. Et ce discours n’
est
qu’un certain système d’images. S’il se distingue du parler quotidien
332
ge, vidées de leurs sens particuliers. Ce procédé
est
sans danger quand il est appliqué par les savants, la science légale
333
particuliers. Ce procédé est sans danger quand il
est
appliqué par les savants, la science légale n’étant, c’est entendu, q
334
est appliqué par les savants, la science légale n’
étant
, c’est entendu, qu’une manière de parler du réel, et sans cesse corri
335
prétendent partir de vérités élémentaires qui ne
sont
autres que des abstractions opérées sur nos formes de langage. Je vou
336
le tout, quand la fin nous échappent ! Comme s’il
était
licite, et même possible, de partir de certains éléments et de les dé
337
thodiquement l’ensemble dont ils dépendent et qui
est
leur seule mesure. C. J’avoue que je vous suivrais mieux si vous pou
338
vant cet autre exploit : poser que le plus simple
est
aussi le plus proche, et qu’il faut commencer par là. C’est sans dout
339
lle absurdité, la magnifique carte postale ! S’il
est
une chose que l’expérience humaine me paraît avoir établie — je dirai
340
e davantage aux développements d’une pensée qui m’
est
curieusement étrangère. Vous parliez d’une vision totale ?… A. L’exp
341
st presque le contraire. Voilà : — Je sais que je
suis
dans la nuit. Je ne puis marcher que dans la confusion. Mais, si je m
342
ne peut la comprendre qu’à partir de son but. Il
est
très juste qu’elle paraisse absurde à l’observateur raisonnable. C.
343
C. Le propre d’une vision pareille, c’est qu’elle
est
incommunicable, j’imagine ? A. Il vaut mieux dire indescriptible, et
344
urquoi le langage de la vision ou de la foi, s’il
était
pur, serait absolument inexplicable, et évident. Il n’y aurait plus q
345
angage de la vision ou de la foi, s’il était pur,
serait
absolument inexplicable, et évident. Il n’y aurait plus qu’à méditer
346
et pourtant exclusifs l’un de l’autre. Le premier
serait
la loi scientifique. Ses conventions sont la clarté et l’absence de c
347
emier serait la loi scientifique. Ses conventions
sont
la clarté et l’absence de contradiction. La seconde forme d’expressio
348
contradiction. La seconde forme d’expression, ce
serait
celle dont j’essayais de vous faire pressentir la limite, en parlant
349
ieux cette forme-là de la première, dont l’office
est
évidemment d’expliquer. Oui, cette opposition va nous aider : impliqu
350
précède. Voilà pourquoi le discours d’un prophète
est
le contraire d’un discours. L’événement seul lui rendra sa raison. Ai
351
ment seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole
est
une énigme dont le sens est dans la vision. C. Comment expliquez-vou
352
on. Ainsi la parabole est une énigme dont le sens
est
dans la vision. C. Comment expliquez-vous le plaisir que je prends à
353
ous ? Qui a le droit de parler en paraboles, et d’
être
obscur à la manière des prophètes ? A. Le droit ? Personne, bien sûr
354
n peut toutefois imaginer une autre attitude de l’
être
, et qui soit telle que la question du droit ne se pose plus. C’est l’
355
ois imaginer une autre attitude de l’être, et qui
soit
telle que la question du droit ne se pose plus. C’est l’attitude de l
356
et de phrases qui puissent, comme par une ironie,
être
compris en soi et dans leur lettre, mais dont le sens dernier ne puis
357
leur lettre, mais dont le sens dernier ne puisse
être
aperçu sous un angle de vision quelconque. Je dis que l’homme qui a v
358
ètes et composer des paraboles. Si ses prophéties
sont
décevantes et ses paraboles sans fruit, il n’en est pas moins un prop
359
t décevantes et ses paraboles sans fruit, il n’en
est
pas moins un prophète. Mais alors on le jugera selon sa fin. Vous m’a
360
naïveté très singulière pour endosser le risque d’
être
obscur. Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin de n
361
stoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il
est
des visions moins illustres, qui n’embrassent pas le monde de haut en
362
rant inventaire. Je parle de visions furtives qui
sont
à celle de l’apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, — signes du
363
parler prophétique. C’est le même risque, et ce n’
est
pas la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prophèt
364
sentinelles de Juda », les grands prophètes, ont
été
justifiés dans leur délire, mais un prophète des choses d’ici-bas, un
365
divine, quelle défense osera-t-il produire qui ne
soit
pas aussi son jugement ? 6. Ces deux dialogues sont restés dans un
366
pas aussi son jugement ? 6. Ces deux dialogues
sont
restés dans un tiroir à Paris. 7. Quatre « dialogues » paraîtront au
367
Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas
être
clair », Hémisphères, New York, hiver 1944, p. 3-9.
368
leçon des faits, nous le saurons un jour. Mais il
est
clair dès maintenant que les circonstances sont enfin devenues favora
369
il est clair dès maintenant que les circonstances
sont
enfin devenues favorables pour une action plus large et constructive.
370
arge et constructive. Les événements eux-mêmes se
sont
chargés de faire la critique de tant d’incohérences au sein desquelle
371
struire, les grandes questions peuvent et doivent
être
reposées. Allons-nous rebâtir sur les valeurs d’une philosophie de l’
372
sur les valeurs d’une philosophie de l’Objet (qui
était
celle du capitalisme et des divers « planisme »), ou bien allons-nous
373
bien allons-nous faire une société où les objets
soient
remis au service de l’homme qui crée et qui se veut responsable ? Si
374
iciens. Sur le plan philosophique, la situation n’
était
pas meilleure. Là encore, la personne humaine se voyait attaquée, dis
375
enser un monde en partant, non point des objets —
fussent
-ils aussi abstraits que les fameuses « forces économiques » — mais de
376
omme, mesure de toutes choses. La grande question
était
donc : qu’est-ce que l’homme ? Sur quelle notion centrale de son huma
377
toutes choses. La grande question était donc : qu’
est
-ce que l’homme ? Sur quelle notion centrale de son humanité devons-no
378
ous recentrer le monde ? Les institutions doivent
être
fondées sur une notion compréhensive de l’homme, sinon elles agissent
379
voulu se fonder le totalitarisme de ce siècle, ne
sont
pas des hommes complets. L’individu n’a que des droits, le soldat pol
380
, le soldat politique que des devoirs. Le premier
est
un pur concept, le second est un simple objet. À ces deux mutilations
381
devoirs. Le premier est un pur concept, le second
est
un simple objet. À ces deux mutilations de la notion d’homme, les jeu
382
ais opposèrent la notion de personne. Quelles que
fussent
les prémisses religieuses ou métaphysiques des diverses tendances per
383
s formules de ce genre : les institutions doivent
être
au service de l’homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’êtr
384
homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’
être
un mot creux que dans un ordre souple, qui respecte la diversité des
385
la diversité des vocations ; — là où l’homme veut
être
total, l’État ne sera jamais totalitaire. Un certain nombre de mots-c
386
ions ; — là où l’homme veut être total, l’État ne
sera
jamais totalitaire. Un certain nombre de mots-clés se retrouvent dans
387
et une action. Certes, beaucoup de philosophes s’
étaient
intitulés « personnalistes » ou l’avaient été avant la lettre : Leibn
388
étaient intitulés « personnalistes » ou l’avaient
été
avant la lettre : Leibnitz, Kant, Renouvier, ou de nos jours un Willi
389
ractéristique du mouvement personnaliste français
fut
, dès le début, de considérer sa doctrine comme le fondement immédiat
390
née de caserne. Les avantages de ce service civil
seraient
triples : 1) Justice sociale. La classe prolétarienne serait relevée
391
les : 1) Justice sociale. La classe prolétarienne
serait
relevée de son fardeau à vie. 2) Économie. La hantise du salaire ne s
392
deau à vie. 2) Économie. La hantise du salaire ne
serait
plus le seul mobile du travailleur, et la masse de main-d’œuvre créée
393
masse de main-d’œuvre créée par le service civil
serait
mise par l’État à la disposition des libres entreprises, syndicats ou
394
x battit le record de production de l’atelier. Il
était
éditeur de son métier, et si peu adroit de ses mains qu’il assurait ê
395
ier, et si peu adroit de ses mains qu’il assurait
être
le seul officier de réserve français qui se fût jamais blessé avec so
396
être le seul officier de réserve français qui se
fût
jamais blessé avec son propre sabre ! Les pionniers du service civil
397
ence, dans l’ensemble, réussit brillamment. Je me
suis
étendu sur cet exemple unique pour décrire le climat de l’effort pers
398
r décrire le climat de l’effort personnaliste. Il
est
clair que l’institution du service civil supposait une refonte généra
399
travail qualitatif ou créateur. Le premier devait
être
entièrement socialisé, et régi par l’État, qui assurerait d’autre par
400
tre siècle : celle de l’être-en-relations. Que ce
soit
dans le domaine de la physique ou celui de la sociologie, en mathémat
401
e, en économie, les meilleurs esprits de ce temps
sont
parvenus à des conclusions analogues : il n’est possible de parler de
402
sont parvenus à des conclusions analogues : il n’
est
possible de parler de réalité, de mesure, ou d’efficacité, qu’au sein
403
n groupe donné de forces. L’homme, par exemple, n’
est
réel que dans une communauté ni trop étroite ni trop vaste. Isolé, il
404
me un fou. Noyé dans une collectivité informe, il
sera
frustré de toute possibilité de se faire entendre ou d’agir personnel
405
tonomes en perpétuelle interaction n’a pas encore
été
traduite dans nos institutions. Nos nations sont restées au stade de
406
e été traduite dans nos institutions. Nos nations
sont
restées au stade de la classification des corps simples par Mendeleïe
407
n des corps simples par Mendeleïev, quand nous en
sommes
au siècle de la physique quantique. La paresse d’esprit et l’inertie
408
Un bulletin de liaison alimentait les clubs. Tout
était
préparé pour sa transmission en cas de crise révolutionnaire ou d’inv
409
de sa doctrine dans les plans les plus divers. Il
était
prêt à déclencher une action en profondeur d’abord, puis publique. Un
410
son tirage quintupler en quelques mois. Puis elle
fut
interdite, à la suite d’un article contre Pétain, son directeur et pl
411
moi. Ils mènent cette guerre en moi-même. L’un n’
est
guère bon, mais l’autre est pire, et j’ai choisi sans hésiter jamais.
412
e en moi-même. L’un n’est guère bon, mais l’autre
est
pire, et j’ai choisi sans hésiter jamais. On peut appeler le premier
413
us et l’ennemi : car « la seule chose qui importe
est
de gagner la guerre ». Là-dessus, nous tombons d’accord. Mais sur le
414
timé depuis cent ans que les réalités économiques
étaient
plus fortes que l’esprit et que ses choix. Or ces réalités ne faisaie
415
ment mesurables notre attitude spirituelle. Elles
étaient
résultats et non pas causes. Car il n’y a pas d’abord la loi de l’off
416
croit menacé par ce qu’il appelle des esprits. Il
est
victime de terreurs inexplicables. Des cauchemars envahissent sa vie
417
suade que des forces absolument distinctes de son
être
l’attaquent avec une férocité sans précédent. Il devient aliéné, c’es
418
et hostile lui suggère alors que cet « autre » n’
est
en fait qu’une part de lui-même. S’il comprend cela et s’il le croit,
419
tera fou. Au Moyen Âge, on disait qu’un tel homme
était
possédé, et on l’exorcisait par des cérémonies souvent efficaces. Au
420
uvent efficaces. Au xixe siècle, on disait qu’il
était
fou, et l’on essayait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à l
421
mettait derrière des barreaux. La guerre actuelle
est
une névrose collective que nous sommes en train de traiter par les mé
422
erre actuelle est une névrose collective que nous
sommes
en train de traiter par les méthodes les plus propres à l’aggraver, a
423
de force d’un régime d’ordre pour incurables : ce
sera
la paix. La santé vaudrait mieux. ⁂ Ces remarques m’amènent à une pro
424
et illustrer dans une série d’écrits à venir : il
est
temps que la pensée politique rejoigne la psychologie contemporaine.
425
s qui l’avaient inventée. Au seuil de la paix, il
est
temps de chercher au moins les principes d’une politique psychologiqu
426
gique. Je ne parle pas de propagande : celle-ci n’
est
qu’une tactique de bombardement. La politique que j’imagine serait un
427
tique de bombardement. La politique que j’imagine
serait
une cure. Mais avant de l’entreprendre, il nous faudrait un diagnosti
428
guerre nous plaît inconsciemment. Autrement, elle
serait
impossible. Tous, nous sommes contre, et nous la faisons tous : expli
429
nt. Autrement, elle serait impossible. Tous, nous
sommes
contre, et nous la faisons tous : expliquez cela. — « Ce sont les aut
430
et nous la faisons tous : expliquez cela. — « Ce
sont
les autres. » Mais ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le
431
— « Pardon ! ils n’ont pas le droit de le dire. »
Sommes
-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nous fait enquête avant de par
432
droit ? Avons-nous fait enquête avant de partir ?
Sommes
-nous en possession des pièces du procès ? Quand cela serait, ce ne se
433
s en possession des pièces du procès ? Quand cela
serait
, ce ne serait pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas d’une opé
434
n des pièces du procès ? Quand cela serait, ce ne
serait
pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas d’une opération légale
435
anctionner notre acquittement par contumace. Elle
est
le grand non-lieu de millions d’hommes — le non-lieu —, ce vrai no ma
436
— le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’on n’
est
plus responsable de soi. La guerre ancienne était une chance offerte
437
n’est plus responsable de soi. La guerre ancienne
était
une chance offerte à l’instinct combatif ; c’était l’affaire des mâle
438
Qu’aimons-nous donc tous dans la guerre, que nous
soyons
civils ou combattants ? C’est l’état d’exception proclamé dans la nat
439
buts les plus aisément reconnaissables : les lois
sont
suspendues, les budgets sans limites, les passions collectives déchaî
440
ait état de siège, état de grâce. Et les trois ne
sont
point sans rapports. Comme la fête chez les primitifs, la guerre est
441
orts. Comme la fête chez les primitifs, la guerre
est
le « grand Temps » de l’humanité moderne. Elle nous fournit la seule
442
attire. Pourtant viendra la paix, bientôt. Et ce
sera
peut-être pour des siècles. (Il y aura trop d’avions du même côté.) M
443
ice ? Pour qui ? Pour quoi ? Jamais l’humanité ne
fut
moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue de
444
t moins préparée pour la paix, car jamais elle ne
fut
plus dépourvue de respect pour les vertus que l’esprit seul sait pous
445
me que la bouche ne s’ouvre. Et cependant, ils ne
sont
guère capables de me donner sur-le-champ, avec calme, de bonnes raiso
446
plaît pour des raisons profondes, cette politique
serait
incapable de rien conduire, ni de rien prévoir d’autre que d’astucieu
447
e annulerait. 2. Hitler. — Nous pensons qu’Hitler
est
un monstre avec lequel nous n’avons rien de commun. Il s’agit de le d
448
désastreux dès qu’il s’agit de la paix. Hitler n’
est
pas en dehors de l’humanité, mais en elle. Bien plus, il n’est pas se
449
hors de l’humanité, mais en elle. Bien plus, il n’
est
pas seulement devant nous, mais en nous. Il était en nous avons d’êtr
450
n’est pas seulement devant nous, mais en nous. Il
était
en nous avons d’être contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’il s
451
vant nous, mais en nous. Il était en nous avons d’
être
contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’il se dresse contre nous.
452
era sans coup férir si nous n’admettons pas qu’il
est
une part de nous, la part du diable dans nos cœurs. Hitler se taira d
453
avec une stupéfaction mêlée de honte : — Comme il
était
petit ! Il n’était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de
454
on mêlée de honte : — Comme il était petit ! Il n’
était
grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misères secrèt
455
e rêve collectif a modelé notre histoire, mais il
était
d’abord dans l’ombre de nos âmes. On a remarqué que dans un cauchemar
456
qué que dans un cauchemar, ce qui nous terrifie n’
est
pas toujours l’aspect du personnage en scène, qui peut être emprunté
457
oujours l’aspect du personnage en scène, qui peut
être
emprunté à la réalité la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité d
458
s’agit de les utiliser, ou de s’en guérir ; sinon
soyons
certains qu’ils vont revenir en force, sous un déguisement séduisant,
459
n monstre archaïque. L’ogre à la petite moustache
est
l’un de ces monstres. Nous en verrons bien d’autres, si nous nous con
460
tte religion synthétique (comme le caoutchouc) qu’
est
le national-socialisme. Je ne parle pas ici du christianisme, mais de
461
aussi fondamental et naturel que la sexualité. Il
est
incontestable que le rationalisme12 a déprimé depuis des siècles le s
462
périmées (c’était son droit et son devoir), il s’
est
méthodiquement refusé à laisser naître des coutumes nouvelles (en cec
463
oi). Or les coutumes religieuses quelles qu’elles
soient
, sacrifices, fêtes, orgies ou jeûnes, disciplines morales ou mystique
464
sciplines morales ou mystiques, prières ou rites,
sont
les moyens qu’a trouvé l’homme pour capter ses puissances obscures et
465
, exigeaient que nous les adorions : leur révolte
serait
notre carence. Le rationalisme régnant peut produire des avions en ma
466
sottises et les thaumaturgies les plus grossières
sont
destinées à susciter dans l’après-guerre l’enthousiasme éperdu des fo
467
iques les plus sains des réalistes et des experts
seront
vidés d’un coup par ces lames de fond. Certains intellectuels incrimi
468
oncera vainement des délires collectifs dont elle
sera
la première responsable, aussi vrai que le régime de la prohibition f
469
sable, aussi vrai que le régime de la prohibition
fut
responsable des méfaits de l’alcool frelaté, en Amérique. ⁂ Je ne dem
470
éril qu’il faudrait conjurer. Mais je pense qu’il
est
temps de renoncer à la vieille politique de l’équilibre des grandes p
471
eut plus saisir les éléments de notre conflit. Il
est
temps de nous orienter vers une politique d’équilibre des grandes pui
472
stitions. 10. L’expression psychological warfare
est
devenue courante dans les pays de langue anglaise. 11. Type d’argume
473
ême que nos régimes actuels, si imparfaits qu’ils
soient
, sont un moindre mal. » Et certes, en politique, il s’agira toujours,
474
nos régimes actuels, si imparfaits qu’ils soient,
sont
un moindre mal. » Et certes, en politique, il s’agira toujours, au mi
475
urs, au mieux, de moindres maux. Mais la question
est
de savoir si le prétendu moindre mal que l’on défend n’est pas simple
476
voir si le prétendu moindre mal que l’on défend n’
est
pas simplement un premier stade du pire. La chute serait-elle un moin
477
pas simplement un premier stade du pire. La chute
serait
-elle un moindre mal que la fracture qui en résulte ? La maladie morte
478
2. Les méfaits de la psychologie rationaliste ont
été
patents dans la morale sexuelle et la conception du mariage au siècle
479
1945)n 1. Origines Tarot, tarok ou taroc,
est
le nom donné par les Italiens à l’une des figures du paquet de 78 car
480
artes tel qu’il existait au xiiie siècle. Ce nom
fut
attribué par la suite à l’ensemble du jeu. Un des premiers témoignage
481
rent de modèles vénitiens. Dix-sept d’entre elles
sont
conservées à la Bibliothèque Nationale. D’un autre jeu, faussement at
482
raux, les Vertus, le Système céleste. Michel-Ange
est
supposé avoir inventé un jeu de tarot pour enseigner l’arithmétique.
483
ulation, mais jusqu’au xviiie siècle, le tarot n’
est
guère connu que chez les princes et chez les gipsys, tout en haut de
484
lus démoniaques, bien entendu. L’origine du tarot
est
obscure. Vers le milieu du xviiie siècle, l’occultiste suisse Court
485
avatars de Vishnu. L’origine égyptienne du tarot
est
soutenue par Etteilla, dont nous allons parler, par d’Odoucet son pre
486
son premier disciple, et par Éliphas Levi. Elle a
été
contestée par W. A. Chatto, anglais, en 1848, et par Boiteau, françai
487
ier attribue au tarot une origine hindoue ; et ce
sont
les gipsys, selon lui (et d’ailleurs aussi selon Lévi) qui l’auraient
488
vait pu copier l’art de tirer les cartes, dont il
est
question, que d’après sa cuisinière. Il était perruquier et se nomma
489
t il est question, que d’après sa cuisinière. Il
était
perruquier et se nommait de son vrai nom, Alliette. Il redécouvrit le
490
ant la seconde moitié du xviiie siècle. Sa prose
est
vague, ses interprétations sont hasardeuses, mais il a le mérite d’en
491
siècle. Sa prose est vague, ses interprétations
sont
hasardeuses, mais il a le mérite d’en avoir proposées. Ses disciples,
492
voir proposées. Ses disciples, dont le plus grand
fut
Éliphas Lévi (l’abbé Alphonse Louis Constant), ne se privent pas de d
493
tatives que le maître. La lecture de leurs textes
est
généralement exaspérante, à cause de leur propension à ramener tout à
494
la figure qu’il nomme le Despote africain, qui n’
est
autre que l’arcane 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame n’a pas de
495
ettre Schin de l’alphabet hébreu… Le véritable 21
est
aussi 22, ainsi que nous le verrons. Etteilla place le Fou sous le no
496
rons. Etteilla place le Fou sous le nombre 78 qui
est
enfin notre zéro, et voici son intéressante analyse de ce nombre. (El
497
autre. 0 = 78 = (77) = 21 = 22 = (20) = 0. Telles
sont
les brimades que doit subir le débutant dans l’étude du tarot. 3.
498
r interprétation, les variations paraissent avoir
été
aussi nombreuses que les familles d’esprits, les hérésies chrétiennes
499
u dans lequel les figures des arcanes majeurs ont
été
déplacées ou transformées. Seuls les arcanes mineurs sont exacts, mai
500
lacées ou transformées. Seuls les arcanes mineurs
sont
exacts, mais malgré ces changements on peut se servir de son jeu. Il
501
ces changements on peut se servir de son jeu. Il
est
préférable d’employer les suivants, mais en numérotant les arcanes mi
502
: 1. Le tarot de Marseille où les arcanes majeurs
sont
exacts ; 2. Le tarot suisse de Schaffhouse ; 3. Le tarot italien où s
503
e ; 3. Le tarot italien où seulement deux arcanes
sont
différents : (a) Le pape qui est remplacé par Jupiter, ce qui est la
504
nt deux arcanes sont différents : (a) Le pape qui
est
remplacé par Jupiter, ce qui est la même chose, car Jupiter étant sym
505
(a) Le pape qui est remplacé par Jupiter, ce qui
est
la même chose, car Jupiter étant symboliquement principe de vie, fait
506
ar Jupiter, ce qui est la même chose, car Jupiter
étant
symboliquement principe de vie, fait fonction de Dieu dans l’Humanité
507
umanité ; (b) La papesse, remplacée par Junon qui
est
l’espace ou sanctuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le
508
qui est l’espace ou sanctuaire de la vie, ce qui
est
le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est entièrement défig
509
t le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui
est
entièrement défiguré, mais qui peut également servir en tenant compte
510
également servir en tenant compte que les Bâtons
sont
remplacés par les Carreaux ; les Épées par les Piques et les Deniers
511
en circulation (si l’on peut dire, car leur vente
est
interdite dans de nombreux pays), s’inspirent de modèles du xviiie s
512
ition. Et depuis Court de Gébelin, la décadence s’
est
accentuée. On trouve même aujourd’hui des cartes de tarot à figures r
513
terprétation de chaque lame ou arcane majeur peut
être
profondément différente selon que la carte apparaît dans le jeu droit
514
ues exemples d’interprétations fort diverses : il
serait
aisé (et désirable) de les multiplier à propos de ces mêmes cartes. P
515
de ces modifications kaléidoscopiques. Celles-ci
sont
en nombre infini, ainsi qu’on en pourra juger par l’examen du tableau
516
nconscient collectif. De plus, ces significations
sont
organisées en structures ou rythmes, et non pas simplement juxtaposée
517
fin il reste les 3 lettres dites les 3 Mères, qui
sont
attachées à nos trois cartes majeures : l’Homme (Le Bateleur), le Fou
518
e l’existence, signifiées par allégories. Il n’en
est
rien. Tout est symbole dans le Tarot, jusqu’au moindre détail, si le
519
signifiées par allégories. Il n’en est rien. Tout
est
symbole dans le Tarot, jusqu’au moindre détail, si le dessin est exac
520
s le Tarot, jusqu’au moindre détail, si le dessin
est
exact. Et ces symboles, à l’examen d’une attention qui consent à se l
521
dent pas à révéler deux caractères généraux : ils
sont
tantôt hiératiques, tantôt dramatiques, comme le sont les symboles de
522
tantôt hiératiques, tantôt dramatiques, comme le
sont
les symboles de nos « grands rêves ». De fait, chacun des arcanes maj
523
ands rêves ». De fait, chacun des arcanes majeurs
est
une apparition, un grand rêve fixé, et peut être analysé à ce titre.
524
s est une apparition, un grand rêve fixé, et peut
être
analysé à ce titre. Les figures de la papesse, de l’empereur, de la J
525
e, Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée
sont
de grands événements psychiques et cosmiques, tantôt clichés dans leu
526
ribuer un auteur, une date fixe, un usage limité,
serait
méconnaître leur nature. Les arcanes sont issus de la nuit des Mères,
527
mité, serait méconnaître leur nature. Les arcanes
sont
issus de la nuit des Mères, et de l’Underground éternel. Peut-être mê
528
ntremise des tireurs de cartes. Cette hypothèse a
été
formulée par le grand indianiste Heinrich Zimmer, dont nous traduison
529
Columbia, et de Paul Foster Case, le tarot aurait
été
, originellement, une méthode de psychothérapie comparable à notre psy
530
érapie comparable à notre psychanalyse. Ses lames
seraient
en vérité autant de thèmes de méditations prolongées — la cure ou yog
531
lles nous apparaissent aux choses telles qu’elles
sont
. Les 22 arcanes décriraient l’histoire de l’homme qui part dans la vi
532
viduel, de la psyché humaine. Chacune des cartes
était
utilisée par l’étudiant en occultisme comme sujet de méditations et d
533
ns entre les idées abstraites. Le schème d’études
était
en général le suivant : l’étudiant commençait par la contemplation d’
534
é aux forces américaines, et son ami André Lhote,
furent
les premiers à pénétrer dans le Palais du Luxembourg, abandonné la ve
535
es brisés, papiers épars, une table au tapis vert
était
seule restée debout. Les deux peintres s’étant approchés y virent « j
536
rt était seule restée debout. Les deux peintres s’
étant
approchés y virent « jetées comme par la main du destin » une séquenc
537
otre chaîne. La surface entière du globe (le 0) n’
est
que le théâtre de nos extravagances. Retraçons d’ailleurs aux yeux du
538
d’un voyageur, qui symbolise l’homme. Cette vie n’
est
qu’un court trajet dont nous pouvons adoucir les peines en nous compo
539
l’on place l’arcane à la fin du jeu) cette carte
est
une image de l’inconscience, des occasions manquées, de la vie d’illu
540
uées, de la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens,
est
la passion subie sans résistance, la vie vécue au niveau animal. Rien
541
sistance, la vie vécue au niveau animal. Rien n’a
été
appris ou gagné par la traversée du Jeu. La vie a vécu cet homme, ce
542
a traversée du Jeu. La vie a vécu cet homme, ce n’
est
pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est-elle
543
i l’a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé
est
-elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. Waite, le Fou est un homme richem
544
elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. Waite, le Fou
est
un homme richement habillé, portant une rose à la main, et qui s’arrê
545
L’abîme ne lui inspire pas de terreur. Son visage
est
plein d’intelligence, de rêve et d’attente. C’est un prince de l’autr
546
utre monde en voyage ici-bas. Sous cet aspect, il
est
la conscience individuelle libérée de l’illusion, et poursuivant sa r
547
a raison et le monde, symbolisé par le cercle, il
est
l’expression de la volonté d’individuation dans l’homme. Du point de
548
l’homme. Du point de vue de l’égo, cette quête n’
est
que folie et non-sens. c) Interprétation moderne de B. McM. Hazar
549
encore indifférenciées ; la couleur jaune du fond
est
celle de l’intellect, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même e
550
ct, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même
est
peint comme l’Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer dans l’abîme de la
551
ure créatrice — et de disques jaunes sur lesquels
sont
brodées des roues rouges à 8 rayons, annonçant l’accomplissement futu
552
u’il revienne au grand soleil ou « Père » dont il
est
« tombé ». Il sera représenté successivement comme homme, ou femme, o
553
rand soleil ou « Père » dont il est « tombé ». Il
sera
représenté successivement comme homme, ou femme, ou objet, ou animal,
554
me le type du pèlerin-sage (selon la sagesse de l’
Est
) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à un fou, à un mendiant,
555
arfait, doit apparaître aux yeux des autres. Il s’
est
libéré des systèmes de castes, des hiérarchies sociales. Il n’a plus
556
es bâtons). Il n’a plus d’attaches, ni de nom. Il
est
la carte anonyme. Il n’est qu’un fol errant. Comment a-t-il atteint l
557
ttaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’
est
qu’un fol errant. Comment a-t-il atteint le stade suprême, bien au-de
558
maines ? En passant à travers eux tous, mais sans
être
pris par un seul… Ayant accompli son être dans la coïncidence des con
559
is sans être pris par un seul… Ayant accompli son
être
dans la coïncidence des contraires, pour lui l’univers ambiant perd s
560
plus de signification réelle que l’ego, dont il s’
est
débarrassé depuis longtemps. L’une et l’autre sont les illusions qui
561
est débarrassé depuis longtemps. L’une et l’autre
sont
les illusions qui s’interposent entre l’homme et son essence divine i
562
t, il ne se sent frustré de rien de tout cela. Il
est
en union avec l’Univers, sa vraie maison. L’univers participe à sa na
563
e, au-delà de tout changement ou forme, se trouve
être
aussi son essence propre. Car il est la coincidentia oppositorum. La
564
, se trouve être aussi son essence propre. Car il
est
la coincidentia oppositorum. La forme suprême de cette union est Dieu
565
ntia oppositorum. La forme suprême de cette union
est
Dieu, déployant constamment son essence dans les aspects de l’univers
566
ps il voit à travers toutes les choses : elles ne
sont
que néant, elles ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il est le
567
es les choses : elles ne sont que néant, elles ne
sont
qu’un mirage, il les a dépassées… Il est le mendiant qui possède l’un
568
lles ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il
est
le mendiant qui possède l’univers, et toutes ses richesses, qui ne so
569
ossède l’univers, et toutes ses richesses, qui ne
sont
rien d’autre que le déploiement de sa propre nature. Vous pourrez don
570
nature. Vous pourrez donc le traiter de fou. Il l’
est
en effet, mais il n’est pas un lunatique quelconque, un idiot ou un s
571
c le traiter de fou. Il l’est en effet, mais il n’
est
pas un lunatique quelconque, un idiot ou un simple d’esprit. C’est ce
572
sur l’épaule en murmurant à votre oreille : « Je
suis
le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit ! » — la plupart d’entre vous
573
t-Esprit incarné, il passe, étranger, silencieux.
Étant
tout et toutes choses, il ne lui reste plus qu’à feindre de n’être ri
574
es choses, il ne lui reste plus qu’à feindre de n’
être
rien. Et de même, il convient que la séquence des arcanes, grâce aux
575
anes, grâce aux symboles graphiques desquels nous
sont
dévolus l’initiation et l’accomplissement, apparaisse simplement comm
576
spect d’un fol errant, a dépassé la possibilité d’
être
aucune des réalités particulières exprimées par les quatre couleurs e
577
ous advient jamais de rencontrer quelqu’un qui ne
soit
rien, ni homme d’affaires, ni professeur, ni garçon d’ascenseur, — qu
578
re dont nous le traiterons ! Il se pourrait qu’il
soit
le Saint-Esprit incarné, le Christ errant de nouveau parmi les hommes
579
t de plus, s’il y condescendait, il pourrait bien
être
capable de nous révéler le dernier mot sur les symboles du tarot !
580
e porte bien… On demande quant à la femme si elle
est
impudique. Figure. Elle représente une roue sur son axe, elle entraî
581
tions matérielles ou physiques… Celui qui s’élève
sera
abaissé et celui qui s’abaisse sera élevé. Synonymes. Droite : Fortu
582
i qui s’élève sera abaissé et celui qui s’abaisse
sera
élevé. Synonymes. Droite : Fortune, bonheur, bonification, bénédicti
583
les 4 signes fixes du zodiaque. L’Ange (Aquarius)
est
l’Air (Verseau, Gémeaux, Balance) ; l’Aigle (Scorpion) est l’Eau (Sco
584
(Verseau, Gémeaux, Balance) ; l’Aigle (Scorpion)
est
l’Eau (Scorpion, Poissons, Cancer) ; le Taureau (Taureau) est la Terr
585
corpion, Poissons, Cancer) ; le Taureau (Taureau)
est
la Terre (Taureau, Vierge, Capricorne) ; le Lion (Lion) est le Feu (L
586
re (Taureau, Vierge, Capricorne) ; le Lion (Lion)
est
le Feu (Lion, Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 parties de l’homme
587
adis, et le Tétragramme. Ces 4 symboles cosmiques
sont
entourés de nuages de tempête suggérant les luttes nécessaires pour a
588
finalement quand les tensions entre les éléments
seront
équilibrées. Au centre de la carte, un large cercle orangé indique qu
589
un large cercle orangé indique que le Grand Œuvre
est
une activité solaire. Trois cercles concentriques s’y inscrivent : Pè
590
xtrémité de chacun des rayons de la première roue
est
placée une des lettres du mot T A R O, qui doit se lire dans le sens
591
xtrémité de chacun des rayons de la seconde roue,
sont
les lettres Yod, Heh, Vav, Heh, qui doivent être lues en sens inverse
592
sont les lettres Yod, Heh, Vav, Heh, qui doivent
être
lues en sens inverse des aiguilles d’une montre, étant hébraïques. La
593
lues en sens inverse des aiguilles d’une montre,
étant
hébraïques. La division quaternaire du cosmos se retrouve ici au plus
594
u de la conscience collective humaine. Le Serpent
est
jaune (activité de l’intellect) dirigé vers le bas (involution dans l
595
parfait ou conscient et individualisé. Le Sphinx
est
bleu (spiritualisé, re-né) et porte sur la tête des ornements noirs e
596
. Il tient l’épée de la discrimination. Son corps
est
mi-féminin, mi-léonin, hermaphrodite, équilibré. Bibliographie so
597
ns l’art romanesque (1944-1945)i La rhétorique
est
l’art de persuader. L’ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’a
598
hui l’art de parler pour ne rien dire. Rhétorique
est
devenue synonyme d’éloquence creuse et de clichés. J’en parlerai dans
599
cela faisait l’Art, aux grandes époques. Artiste
était
celui qui, de ces règles, savait tirer sa liberté. L’inspiration pass
600
ces canaux et se communiquait par eux. Les règles
étant
connues, amateurs et critiques disposaient d’une mesure commune avec
601
ficielles, non contraignantes. (Et sans doute, le
sont
-elles devenues.) Mais dès l’instant où les règles d’un jeu cessent d’
602
is dès l’instant où les règles d’un jeu cessent d’
être
respectées comme absolues, qui pourrait désigner le gagnant ? Tricher
603
ques, la rhétorique au sens large, et ses règles,
sont
strictement non arbitraires. Elles traduisent des relations constitut
604
ance de la respiration, des nuits et des saisons,
sont
nécessaires à notre vie, comme les cadences et les contrastes composé
605
ie, comme les cadences et les contrastes composés
sont
vitaux pour nos œuvres d’art. Au surplus, les figures de la rhétoriqu
606
ue considérées dans toute la variété des arts, ne
sont
pas sans correspondances avec les formes régulières dont le rêve comp
607
se ses drames. Il se peut même que ces figures ne
soient
, à l’origine au moins, que l’affleurement ou que la fixation des arch
608
Elle déclara que la rhétorique en tant que telle
était
mauvaise, insincère, et contraire à l’inspiration libre. Dans ses rec
609
nger de l’écarter à la légère. L’origine du roman
est
dans le conte. La société primitive a des mythes, courts récits mémor
610
genèse d’un roman comme L’Astrée. Mais L’Astrée n’
est
encore qu’un rêve éveillé, donné pour tel par son auteur. C’est avec
611
el, quand le conte, la légende, et même l’épopée,
étaient
créations pures de l’imagination. Et l’on ne sait plus si le roman es
612
e l’imagination. Et l’on ne sait plus si le roman
est
une pseudo-science ou un faux art. Regardons de plus près ce passage
613
t vivant ». Comme si les règles d’un jeu devaient
être
vivantes ! Plus personne ne pourrait jouer2. Le jeu ne sera vivant et
614
tes ! Plus personne ne pourrait jouer2. Le jeu ne
sera
vivant et passionnant qu’à la mesure de la fixité même de ses règles
615
e deux branches d’importance inégale. La première
est
la monographie : Adolphe, Obermann, Dominique. Ces récits intéressent
616
’il se retrouve dans le héros. La part de l’art y
est
réduite à celle du style. L’autre branche sera celle du réalisme soci
617
t y est réduite à celle du style. L’autre branche
sera
celle du réalisme social. C’est là que va triompher la terreur, se dé
618
de la vie. » Cette proposition des plus étranges
est
reçue sans le moindre étonnement par la critique moderne et par le gr
619
vait choir fatalement le roman dès qu’il refusa d’
être
fable. Tout l’intérêt du conte, effectivement, tenait aux conventions
620
éelle – tenait l’auditeur en haleine ; son rythme
était
autorité. Les événements extraordinaires qu’il présentait, portaient
621
e, et réveillaient des forces endormies. Le conte
était
le libre déploiement des réalités mêmes de l’âme, qu’il décrivait en
622
s procédés et figures surgis des profondeurs de l’
être
, identiques à ceux du rêve, et crus comme tels avec reconnaissance, a
623
ous fait savoir qu’il a mis dans son livre ce qui
est
, et non plus ce qu’il a inventé ? L’abandon de la rhétorique entraîne
624
derne a perdu l’autorité magique du conteur. Il s’
est
privé volontairement du bénéfice de « l’art de persuader » traditionn
625
, et voici le plaisir extrême : Peau d’âne va lui
être
conté. Mais si vous alliez dire au même enfant, avant de lui raconter
626
vant de lui raconter la même histoire, que cela s’
est
passé tout à l’heure, dans la rue, il ferait aussitôt mille objection
627
ie, qui ne commence et ne finit jamais. Force lui
est
donc d’entrer comme par hasard, au milieu d’une situation, d’une atmo
628
s j’exige un récit vraisemblable. À la limite, il
serait
impossible qu’un lecteur tombe jamais d’accord avec l’auteur. Car il
629
eur tombe jamais d’accord avec l’auteur. Car il n’
est
pas deux expériences humaines superposables. Et je ne renoncerais à l
630
ome de la critique moderne : un roman ne doit pas
être
« écrit ». Tous ces efforts trahissent le curieux embarras de ne pouv
631
avec le dernier coup ; mais le sérieux de la vie
est
, par définition, le domaine des conséquences indéfinies. L’hésitation
632
l’esprit ou par un artifice de rhétorique, telle
est
la source impure du roman-fleuve. La longueur des ouvrages de ce genr
633
oman-fleuve. La longueur des ouvrages de ce genre
est
l’expression de l’embarras d’un écrivain qui s’est privé des secours
634
st l’expression de l’embarras d’un écrivain qui s’
est
privé des secours de l’art. D’ailleurs cet allongement, trop souvent
635
trop souvent excessif pour l’intérêt romanesque,
sera
toujours insuffisant pour égaler la durée réelle d’une vie. Quelque c
636
oyenne du grand public contemporain, le morceau n’
étant
visiblement qu’une captatio benevolentiae où l’auteur se montre atten
637
mérite esthétique. (Alors que la première absence
est
en réalité la cause immédiate de la seconde.) Parlant encore de son p
638
ie ? Les romans traditionnels « préoccupés qu’ils
sont
, au nom des vieilles règles, de commencer et de finir le jeu avec les
639
eurs, comment le pourraient-ils ? Si longs qu’ils
soient
, ils seront toujours trop courts pour imiter sans conventions le déco
640
t le pourraient-ils ? Si longs qu’ils soient, ils
seront
toujours trop courts pour imiter sans conventions le décousu de la vi
641
atisée. Ces conditions, dans une vue commerciale,
sont
très jalousement maintenues par les « producers », éditeurs et direct
642
rgeoise et pour avoir commis la même erreur : qui
était
de croire les conventions « conventionnelles » au sens dépréciatif de
643
pas. Une contre-épreuve de notre diagnostic nous
sera
fournie par le succès du roman policier. Je ne pense pas qu’on puisse
644
iquer ce succès par un intérêt pour le crime, qui
serait
particulier à notre époque. Le roman policier est populaire parce qu’
645
ait particulier à notre époque. Le roman policier
est
populaire parce qu’il demeure le seul genre défini, obéissant aux loi
646
lère aucune faiblesse, aucune tricherie. Ses lois
sont
connues et communes : dès Conan Doyle, elles ont pris force contraign
647
les ont pris force contraignante. Ses personnages
sont
constants comme ceux de la Commedia dell’arte, ou ceux des cartes et
648
qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu de l’action
est
circonscrit : c’est généralement une maison dont il semble que person
649
le problème sous forme de cadavre. Parfois, ce n’
est
qu’une chambre4. Toutes ces conditions satisfont à l’excellente défin
650
J. Huizinga5 : une action dont le début et la fin
sont
nettement marqués, qui a lieu dans un espace nettement délimité et qu
651
ans la mesure même où il tient compte des règles,
soit
pour les appliquer avec une perfection classique, soit pour y introdu
652
pour les appliquer avec une perfection classique,
soit
pour y introduire quelque ingénieuse variation. La fixité même des rè
653
té : des clubs de fanatiques du roman policier se
sont
fondés un peu partout. La vogue actuelle du roman historique pourrait
654
t. La vogue actuelle du roman historique pourrait
être
invoquée, elle aussi, bien que l’exemple soit moins pur et moins frap
655
ait être invoquée, elle aussi, bien que l’exemple
soit
moins pur et moins frappant. Le roman historique garde le bénéfice du
656
u cadre : son action circonscrite par définition,
est
isolée du réel quotidien par l’éloignement dans le temps. Mais l’impu
657
du fait accompli. Cette possibilité de tricherie
est
voisine de celle qui consiste à forcer la vraisemblance par une accum
658
e faits observables. Le roman mourra donc, comme
sont
mortes la tragédie classique et les chroniques en vers. Il mourra pou
659
naissance, aux conceptions bourgeoises de la vie,
soit
qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisât que leurs t
660
oises de la vie, soit qu’il les décrivît d’abord,
soit
qu’ensuite il n’utilisât que leurs tabous comme ressorts de l’action,
661
, quelques années plus tard, la guerre totale. Ne
fût
-ce que pour rester au niveau de nos épreuves et de nos désastres réel
662
nt des types de libre création, des paraboles que
furent
en d’autres temps Gargantua, Don Quichotte, Robinson Crusoe, ou Gulli
663
cupation : Les Fleurs de Tarbes. 2. Ce cauchemar
est
fort bien décrit par Lewis Carroll dans la scène de la partie de croq
664
erland où les arceaux, les maillets et les boules
sont
vivants et ne cessent de se déplacer. 3. Coup de sifflet donné par l
665
t les voilà fixés, cloués sur place, comme le coq
est
cloué sur la ligne de craie tirée devant son bec. Ce serait trop bête
666
ué sur la ligne de craie tirée devant son bec. Ce
serait
trop bête si ce n’était trop beau. Mais rien ne sert de n’y pas croir
667
tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce n’
était
trop beau. Mais rien ne sert de n’y pas croire. C’est un fait, nous l
668
n termes de grâce et de prédestination. Mais s’il
est
vain de nier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son caract
669
tion. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’
est
point de mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cette espè
670
e. Cette espèce de passivité que l’on allègue, ne
serait
-elle point un alibi ? Je ne parle que du vrai coup de fondre, celui q
671
Je ne parle que du vrai coup de fondre, celui qui
est
suivi d’incendie. Car pour ceux que l’on attend, que l’on appelle, il
672
ur ceux que l’on attend, que l’on appelle, ils ne
sont
qu’éclairs de chaleur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux portières d’
673
ai, j’aurais su t’arrêter. Le monde entier en eût
été
changé à l’instant même, sans que nul ne s’en doute. ⁂ J’étais scepti
674
à l’instant même, sans que nul ne s’en doute. ⁂ J’
étais
sceptique, en ce temps-là. Je disais à ce romancier (l’un des meilleu
675
Allemagne d’alors) : — Le mythe du coup de foudre
est
sans doute une astucieuse invention de Don Juan pour impressionner se
676
sir que vous entretenez par vos romans… Mais ce n’
est
pas assez que d’une complaisance acquise. Il faut encore une rencontr
677
ntres fameuses : Tristan devant la cour d’Irlande
est
reçu par la fille du roi selon l’usage et l’étiquette. Siegfried et B
678
ent l’un vers l’autre, dans la scène du hanap, ce
sont
des officiants… Tout se passe comme si les deux amants se trouvaient
679
st. Le président de l’organisation qui m’invitait
était
un grand banquier, ami des lettres. Il vint m’attendre au débarqué de
680
s à table. Mon hôte bientôt s’inquiète : « — Vous
êtes
pâle et vous ne mangez rien ! Vous sentiriez-vous indisposé ? » Je ba
681
éserver un dîner : bref, vous vous rappelez ce qu’
était
la Hongrie, cette hospitalité incomparable, cette liberté lyrique dan
682
en n’y fait. Je ne puis avaler une seule bouchée.
Est
-ce vraiment l’effet de l’avion ? J’allais m’en persuader quand je m’a
683
s que mon hôte ait paru remarquer que mon malaise
est
contagieux. Il bavarde encore en prenant le café, puis s’excuse d’avo
684
iture et descendons vers la ville. Soudain, je me
suis
décidé et j’articule : « — Vous n’avez rien mangé au déjeuner, madame
685
e ne pouvons toucher à rien. Tout d’un coup je me
suis
mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrête devant elle, les
686
ant elle, les bras en arrière, comme cela — je me
suis
retenu de lui toucher l’épaule — et je m’entends prononcer : — Puisqu
687
e m’entends prononcer : — Puisqu’il faut que cela
soit
, eh bien… que cela soit ! Elle se lève et me suit. Nous allons chez e
688
— Puisqu’il faut que cela soit, eh bien… que cela
soit
! Elle se lève et me suit. Nous allons chez elle. Un vertige, un somb
689
, un sombre délire, et sans qu’un mot de plus ait
été
prononcé… Et ce fut ainsi, durant tout mon séjour à Budapest. L’après
690
et sans qu’un mot de plus ait été prononcé… Et ce
fut
ainsi, durant tout mon séjour à Budapest. L’après-midi, je vous le ré
691
erlin, que je fréquentais à l’insu de ma femme. J’
étais
dans un état d’exaltation extrême, à peu près incapable de dormir, sa
692
iet de mon sort. Il y avait de quoi d’ailleurs, j’
étais
inscrit, à cette époque, au parti communiste dissident. Je m’informe
693
a regarde longuement, bien en face. Aucun doute n’
est
possible. Elle sait. Monsieur, je puis garder un secret d’État, vous
694
arder un secret d’État, vous le savez, mais je ne
suis
pas de ceux qui peuvent supporter un mensonge dans leur vie intime. J
695
peu près : « Donne-moi vite de tes nouvelles, je
suis
inquiet, je n’oublierai jamais les nuits extraordinaires que nous avo
696
semble, à la veille de ce cataclysme. » La lettre
était
signée Maria. — Un vrai drame du destin ! fis-je après un moment. Le
697
on mystère si l’on songe que la femme du banquier
était
lectrice de romans — et sans doute de vos propres romans ?… Et ce cou
698
de vos propres romans ?… Et ce coup de foudre, n’
est
-il pas tombé d’un ciel qu’il convient de nommer Littérature ? o. R
699
Penser avec les mains (janvier 1946)p Il
est
temps de proclamer vaine toute œuvre qui laisse son auteur intact, et
700
distinguée. Inoffensifs tous ceux dont l’œuvre n’
est
pas ce lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il ne peut plus
701
t ce qu’il reflète d’une ambiance domestiquée. Il
est
grand temps que la pensée redevienne ce qu’elle est en réalité : dang
702
t grand temps que la pensée redevienne ce qu’elle
est
en réalité : dangereuse pour le penseur, et transformatrice du réel.
703
t transformatrice du réel. « Là où je crée, là je
suis
vrai », écrivait Rilke. Et c’est pourquoi nous prendrons au sérieux c
704
sérieux cette distinction : il y a des hommes qui
sont
l’orgueil de notre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de no
705
esprits, les professeurs, pour lesquels la pensée
est
un art d’agrément, un héritage, une carrière libérale, ou un capital
706
e monde, peinant peut-être en pure perte, si ce n’
est
pour notre perte à tous. Or, ces gens forment l’opinion, sans aucun d
707
te, et ils le savent. Toute l’opinion du monde en
est
à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’à la remorque d’événeme
708
aix. Mais j’ai remarqué qu’assez peu de personnes
sont
capables de les énumérer. Il semble qu’on se soit battu « pour » quel
709
sont capables de les énumérer. Il semble qu’on se
soit
battu « pour » quelque chose qui n’était pas trop clair, ni bien faci
710
qu’on se soit battu « pour » quelque chose qui n’
était
pas trop clair, ni bien facile à retenir dans l’esprit… Vous rappelez
711
Donc les Nations unies ayant gagné la guerre, il
est
temps de nous demander quel est l’état présent des libertés qui faisa
712
gné la guerre, il est temps de nous demander quel
est
l’état présent des libertés qui faisaient l’enjeu de la lutte. La deu
713
s au Mexique, mais dans l’ensemble la situation n’
est
pas mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce progrès doit être attribué à
714
mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce progrès doit
être
attribué à moins de fanatisme de la part des masses religieuses, ou à
715
nous disent, non sans raison, les gouvernants, n’
est
que le résultat déplorable, mais fatal, de la guerre. (Étrange activi
716
qu’elle avait pour seul but d’écraser. Mais ceci
est
une autre histoire.) Ma génération est-elle donc condamnée à subir au
717
Mais ceci est une autre histoire.) Ma génération
est
-elle donc condamnée à subir au double ou au triple tout ce qu’elle s’
718
à subir au double ou au triple tout ce qu’elle s’
est
épuisé à combattre ? Doit-elle accepter de se passer d’au moins trois
719
fants les recevront plus tard — données par qui ?
Sommes
-nous voués à l’esclavage d’État par nécessité matérielle ? On m’en vo
720
t. Je propose donc que nous changions ce qui peut
être
immédiatement changé : notre idéal, en attendant le reste. Je propose
721
e préoccuper de leur subsistance ; « quatre » ils
sont
solidement protégés contre tous les périls extérieurs. Ce sont les dé
722
nt protégés contre tous les périls extérieurs. Ce
sont
les détenus des prisons américaines. (On leur donne même des séances
723
de cinéma le samedi soir.) La liberté ne peut pas
être
détaillée ni débitée en tranches : elle est vivante. Elle ne peut pas
724
pas être détaillée ni débitée en tranches : elle
est
vivante. Elle ne peut pas non plus être donnée. Elle exige d’être aff
725
hes : elle est vivante. Elle ne peut pas non plus
être
donnée. Elle exige d’être affirmée sur le champ, et coûte que coûte,
726
le ne peut pas non plus être donnée. Elle exige d’
être
affirmée sur le champ, et coûte que coûte, quels que soient les obsta
727
irmée sur le champ, et coûte que coûte, quels que
soient
les obstacles. Il y aura toujours des obstacles. Ceux qui ont peur d’
728
aura toujours des obstacles. Ceux qui ont peur d’
être
libres en feront leurs prétextes comme l’ont fait les Allemands sous
729
ne comptent guère. Par elle seule, elles peuvent
être
conquises. Nous l’affirmons et nous le démontrons par notre lutte con
730
s » qui s’y opposent sans relâche. Et cette lutte
est
toujours possible. Cette Résistance ne fait que commencer. Mais si no
731
s que les obstacles à l’exercice de notre liberté
sont
fatals, nécessaires et surhumains, aussitôt nous les rendrons tels, a
732
nous les rendrons tels, aussitôt nous cesserons d’
être
libres. Et l’État aura tous les droits, puisque nous lui laisserons t
733
serons tous les devoirs. Ce qu’il nous faut, ce n’
est
pas d’abord un monde bien arrangé autour de nous. (Certaines prisons
734
e bien arrangé autour de nous. (Certaines prisons
sont
très bien arrangées). Ce qu’il nous faut pour être libres, uniquement
735
ont très bien arrangées). Ce qu’il nous faut pour
être
libres, uniquement et tout simplement, c’est du courage. Car nous som
736
nt et tout simplement, c’est du courage. Car nous
sommes
libres, si nous sommes prêts à payer le prix de la liberté, qui sera
737
c’est du courage. Car nous sommes libres, si nous
sommes
prêts à payer le prix de la liberté, qui sera toujours : payer de sa
738
s sommes prêts à payer le prix de la liberté, qui
sera
toujours : payer de sa personne. Un homme libre, c’est un homme coura
739
tre ou trente-six libertés. On entend dire : « X…
est
un esprit libre. » De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de l
740
lutter pour la joindre. Lénine, sous le tsarisme,
était
plus libre qu’un fonctionnaire sous Staline. Et George Washington éta
741
fonctionnaire sous Staline. Et George Washington
était
plus libre qu’un citoyen américain qui tourne le bouton de sa radio.
742
nsée planétaire (30 mars 1946)r Le xxe siècle
est
en train de découvrir ce qu’on savait depuis un certain temps mais qu
743
t jamais très bien compris, à savoir que la terre
est
ronde. D’où il résulte, entre autres conséquences, que si vous tirez
744
le, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir
être
mesurées à la portée des armes connues dans cette époque. (Vous avez
745
objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce
soit
l’Univers, ou l’Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le
746
, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n’avaient
été
trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-être voté di
747
idarité pratique des différentes parties du globe
est
un fait durement établi au niveau de notre existence matérielle. Avan
748
bablement passer par une étape intermédiaire, qui
est
celle du fait psychologique : la formation d’une conscience planétair
749
ce un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’
est
rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent intradu
750
ne peut y aller voir et sentir. Et notre époque n’
est
pas celle des voyages, mais seulement celle des « missions » comme on
751
plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se
seront
révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mineurs du pays de G
752
dant des mois, parce que les péons d’Argentine se
seront
enfin organisés contre les grands estancieros. Vous pourrez toujours
753
yer d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’
est
pas la faute du député local ni de « l’hypocrisie américaine ». Que f
754
ges de leurs cartes de l’Europe. Et pourtant nous
sommes
destinés à découvrir un jour que ces lions sont des hommes, qui d’ail
755
sommes destinés à découvrir un jour que ces lions
sont
des hommes, qui d’ailleurs nous prenaient nous aussi pour des lions.
756
pas de Persans pour se demander : Comment peut-on
être
Français ?) Je parlais d’une conscience planétaire. C’est sa nécessit
757
s de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’
est
pas une question d’information d’abord, vous m’entendez, mais de sens
758
je dirais : c’est d’abord une question de poésie.
Est
-ce un hasard si, parmi tous nos écrivains, ceux que je vois manifeste
759
e plus direct et le plus contagieux de la planète
sont
précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de l’Ex
760
eur prose et dans leurs longs versets, quel qu’en
soit
le sujet allégué, nous avons pour la première fois senti, sous le dra
761
dire que j’oubliais ce grand joueur de Boule que
fut
« Saint-Ex ». À Dieu ne plaise que j’oublie jamais celui qui le premi
762
: 1. Donner la Bombe aux petits pays pour qu’ils
soient
protégés contre les grands. Ces derniers fourniraient ainsi la preuve
763
la police des nations. Deux chambres universelles
seraient
élues, l’une formée de délégués des États, l’autre de députés des peu
764
tes : équilibrer les budgets de guerre, etc. Ce n’
est
pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible dans les populations et
765
rre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne
soit
sensible dans les populations et chez beaucoup de bons esprits, mais
766
bons esprits, mais une paralysie sans précédent s’
est
emparée des volontés. Vous-même, je le sens, je ne vous ai pas convai
767
c’est dans ce pays que la première Bombe vient d’
être
construite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que l’on
768
de ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle
est
là, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens de la mesure peut se
769
rivent encore à se battre. Admettons que la Bombe
soit
moins puissante que les savants autorisés ne l’affirment. Admettons q
770
uerre militaire y prospère d’autant mieux qu’elle
sera
dotée d’une arme de plus. Admettons que l’on invente une parade à la
771
Pensez-vous que les effets de la prochaine guerre
seront
très différents de ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’
772
ifférents de ceux que j’ai prévus ? La souffrance
sera
pire, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité n
773
’aura pas de lignes pures, parce que nos choix ne
sont
pas si francs, et que nos chefs savent à peine ce qu’ils jouent. Une
774
tables d’où sortiront quelques vœux incolores. Il
est
évident que les nations souveraines s’en moqueront. Il est évident qu
775
nt que les nations souveraines s’en moqueront. Il
est
évident que l’une d’entre elles, Bombe en main, essaiera d’imposer sa
776
outes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il
est
évident que les peuples se révolteront contre cette nation et son rég
777
ontre cette nation et son régime, tôt ou tard. Il
est
évident que si l’on continue à penser comme on pense aujourd’hui, cel
778
d’hui, cela finira dans l’explosion totale. Et il
est
évident que la grande majorité des hommes se refuse à ces évidences.
779
n nous ressasse à longueur de journée qu’elle « n’
est
pas prête pour un gouvernement mondial ». Est-ce qu’on lui demande si
780
« n’est pas prête pour un gouvernement mondial ».
Est
-ce qu’on lui demande si elle est prête pour la mort ? L’humanité, ce
781
ement mondial ». Est-ce qu’on lui demande si elle
est
prête pour la mort ? L’humanité, ce sont des gens comme vous et moi.
782
e si elle est prête pour la mort ? L’humanité, ce
sont
des gens comme vous et moi. Quand vous me dites qu’elle n’est pas prê
783
comme vous et moi. Quand vous me dites qu’elle n’
est
pas prête pour la paix, cela veut dire que vous d’abord, vous refusez
784
ponsable. Tout tient à chacun de nous. Et nous en
sommes
au point où il devient difficile de le cacher. Nos alibis ne trompent
785
m’y tiendrais-je pas, quand je sais que l’enjeu n’
est
point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me faire
786
nous fassions sauter la Terre, elle sautera et ce
sera
très bien. Au-delà de ce « clin d’œil », il nous attend. s. Rougem
787
ot. (Et dire que j’allais l’oublier !) La Bombe n’
est
pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De quoi donc parliez-vous d
788
blier !) La Bombe n’est pas dangereuse du tout. —
Êtes
-vous fou ? De quoi donc parliez-vous dans vos cinq dialogues précéden
789
ut-il penser que vous vous moquiez du monde ? — J’
étais
sérieux. Je prenais au sérieux les événements qui nous menacent à bou
790
ant. La fin des armées, par exemple. Mais cela ne
serait
rien encore, quoi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais de la f
791
que beaucoup l’ont pensé, sans vous le dire ? Il
est
bien naturel que l’événement d’Hiroshima nous ait jetés pour quelque
792
ais dix mois ont passé, et rien ne se passe. Dieu
soit
loué, nous avons repris nos sens. Certains pressentent déjà que la Bo
793
nos sens. Certains pressentent déjà que la Bombe
est
en train de se dégonfler, pour ainsi dire. Après tout, nous devions l
794
nt riposter, et la valeur militaire de cette arme
était
loin de compenser, même à ses yeux, le risque moral qu’il eût couru à
795
qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe
est
différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité de ripost
796
nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi de la Bombe
est
décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on
797
décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il
est
donc clair qu’on l’emploiera, au risque de faire sauter la Terre. — A
798
Terre. — Alors, pourquoi dites-vous : la Bombe n’
est
pas dangereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe est un objet
799
gereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe
est
un objet. Les objets ne sont jamais dangereux. Ce qui est dangereux,
800
très simple. La Bombe est un objet. Les objets ne
sont
jamais dangereux. Ce qui est dangereux, horriblement, c’est l’homme.
801
bjet. Les objets ne sont jamais dangereux. Ce qui
est
dangereux, horriblement, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe
802
nomme des comités pour la retenir ! Comme si elle
était
tombée du ciel, animée de mauvaises intentions ! C’est d’un comique d
803
cute à longueur de colonne, dans toute la presse,
est
la plus belle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’
804
x jeunes Français, répondant non). Que Bernanos s’
est
écrié : Mais partez donc ! la Terre est vaste ! Que d’autres ont prot
805
ernanos s’est écrié : Mais partez donc ! la Terre
est
vaste ! Que d’autres ont protesté que ce débat était antipatriotique,
806
st vaste ! Que d’autres ont protesté que ce débat
était
antipatriotique, ou anticommuniste, que sais-je. On m’écrit cela de P
807
. Je reprends la question dans les termes où elle
est
posée : faut-il partir ? (Peut-on partir serait une tout autre affair
808
elle est posée : faut-il partir ? (Peut-on partir
serait
une tout autre affaire.) Il se trouve que j’habite, pour quelques sem
809
ges de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne
sont
en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’est q
810
es imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’
est
qu’une solution, qui est d’aller voir, et d’« essayer » le pays comme
811
uterait à l’infini. Il n’est qu’une solution, qui
est
d’aller voir, et d’« essayer » le pays comme un nouveau costume. Et j
812
un nouveau costume. Et je me dis que le problème
est
mal posé. Il ne s’agit ni de partir ni de rester, au sens pathétique
813
ces mots. Il s’agit simplement de circuler. Ce n’
est
pas très facile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le sont pa
814
ile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le
sont
pas non plus, apparemment, puisqu’on pose le problème. Supposez que n
815
nt, puisqu’on pose le problème. Supposez que nous
soyons
libres de circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne
816
atiquement en mesure de le vivre ! Combien encore
sont
-ils du Moyen Âge, ou du bourgeois et lent xixe siècle ! Serait-ce ma
817
Moyen Âge, ou du bourgeois et lent xixe siècle !
Serait
-ce manque d’imagination ? Certes, il en faut une dose non ordinaire p
818
n verrait vite que c’est un faux dilemme. Le fait
est
là : nous allons en dix heures de Lisbonne à New York, de New York au
819
de l’humain, une conception de la fidélité qui ne
soit
plus exclusive de la curiosité, un accueil plus ferme et plus souple
820
eil plus ferme et plus souple de la diversité des
êtres
et des coutumes. Aimez votre terre et quittez-la. Quittez-la trois fo
821
nis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’
est
déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)w x M. de Rougemont es
822
en Amérique » (16 mai 1946)w x M. de Rougemont
est
rentré d’Amérique. Il nous en parle simplement, avec ce sens de l’équ
823
dure : pour moi, il a duré pendant six ans. Ceci
est
surtout vrai pour les mœurs, leur détail. Les jugements moraux y sont
824
ur les mœurs, leur détail. Les jugements moraux y
sont
très différents de ceux de l’Europe. Là-bas, certaines choses vont de
825
s paraissent bizarres. En France, par exemple, il
était
bien vu de tricher avec le fisc ; on s’en vantait. En Amérique, la ch
826
le fisc ; on s’en vantait. En Amérique, la chose
est
mal vue. Les gens trichent peut-être, mais je n’en suis pas persuadé.
827
al vue. Les gens trichent peut-être, mais je n’en
suis
pas persuadé. L’Américain s’achète une bonne conscience en payant son
828
dmire beaucoup son sens civique. Quand le citoyen
est
discipliné, il n’a pas pour autant l’amour du règlement comme en Suis
829
l’amour du règlement comme en Suisse… J’ai aussi
été
sensible à une sorte de loufoquerie de la vie américaine. Parfois, on
830
éricaine. Parfois, on a l’impression que les gens
sont
un peu fous… Ils chantent dans la rue, vous posent les questions les
831
le prochain week-end. Aux États-Unis, l’étranger
est
accueilli avec beaucoup de gentillesse. Les Américains lui font crédi
832
it. En Europe, par contre, les liaisons, si elles
sont
plus rares, sont plus solides et profondes. Outre-Atlantique, on est
833
r contre, les liaisons, si elles sont plus rares,
sont
plus solides et profondes. Outre-Atlantique, on est très camarade ; t
834
t plus solides et profondes. Outre-Atlantique, on
est
très camarade ; tout cela glisse, change, glisse… Et l’inverse ? Quel
835
cela glisse, change, glisse… Et l’inverse ? Quels
sont
, chez l’Américain, les sentiments éveillés par la civilisation europé
836
ui se disputent pour des choses mystérieuses, qui
sont
toujours sur leurs ergots ; des gens en qui l’on ne peut pas avoir un
837
t un peu peur de nous ; ils craignent que nous ne
soyons
une source permanente de désordres et de troubles. Tous les nationali
838
ivisme et de la politique. Ils ont le sentiment d’
être
decent. Leur opinion est que les Européens ne sont, eux, pas très dec
839
Ils ont le sentiment d’être decent. Leur opinion
est
que les Européens ne sont, eux, pas très decent, qualité qu’un jeune
840
tre decent. Leur opinion est que les Européens ne
sont
, eux, pas très decent, qualité qu’un jeune citoyen de là-bas expliqua
841
ne citoyen de là-bas expliquait en ces termes : «
Être
decent, c’est tenir sa parole et se tenir propre soi-même »… Quant à
842
Un GI m’a récemment déclaré : « La Suisse ? Quand
est
-ce que nous avons bien pu libérer ça ? C’est si petit ! » Par souci d
843
n peu les États-Unis… Mais un jugement d’ensemble
est
impossible. On peut à peu près tout dire sur l’Amérique : ça sera tou
844
On peut à peu près tout dire sur l’Amérique : ça
sera
toujours juste quelque part. Je ne cesse personnellement de me battre
845
cette affirmation européenne selon laquelle tout
est
pareil aux États-Unis. Au contraire, ce pays est celui des contrastes
846
est pareil aux États-Unis. Au contraire, ce pays
est
celui des contrastes les plus violents. ⁂ Pensez-vous qu’à l’issue de
847
isse affirmer que le centre de gravité du monde s’
est
déplacé en Amérique ? Très nettement. Vue de New York, l’Europe const
848
ction : l’Amérique et la Russie. Cette impression
est
une réalité. Quant à notre continent, il est considéré comme une espè
849
sion est une réalité. Quant à notre continent, il
est
considéré comme une espèce de champ de bataille en puissance. Cela ch
850
que pensent les Américains des Russes ? L’opinion
est
extrêmement mélangée. En général, les hommes d’affaires voudraient qu
851
Le président de la Chambre de commerce américaine
est
allé en Russie tenir des discours capitalistes… D’autres gens voudrai
852
’assiégement », se referme trop sur elle-même. Il
est
difficile de la comprendre de l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amériqu
853
t l’Amérique intellectuelle ? La vie scientifique
est
très remarquable ; l’énergie atomique en est la preuve. La civilisati
854
ique est très remarquable ; l’énergie atomique en
est
la preuve. La civilisation américaine devient de plus en plus une civ
855
gne aux enfants combien de calories, de vitamines
sont
nécessaires à leur organisme. Tout le monde a, là-bas, le plus grand
856
hilosophique, je ne vois rien de très neuf qui se
soit
développé pendant la guerre ou après. Entre 1918 et 1939, l’Amérique
857
sociale… Socialement parlant, l’ouvrier américain
est
un bourgeois. Il a sa voiture, sa maison ou un appartement avec salle
858
les, on remarque de la misère. Certains quartiers
sont
très tristes. La conscience politique de la classe ouvrière, si vivan
859
ique de la classe ouvrière, si vivante chez nous,
est
presque inexistante là-bas. Les grèves peuvent être violentes, mais c
860
st presque inexistante là-bas. Les grèves peuvent
être
violentes, mais cela ne veut pas dire que l’on soit de droite ou de g
861
re violentes, mais cela ne veut pas dire que l’on
soit
de droite ou de gauche. On fait la grève pour des raisons purement pr
862
marxisme… En conclusion, une « cure d’Amérique »
est
profitable à l’Européen ? Absolument ! Ce que je souhaite, c’est qu’o
863
qui se complètent admirablement. Les différences
sont
fortes, certes ; mais elles sont tout à fait conciliables. À l’Amériq
864
Les différences sont fortes, certes ; mais elles
sont
tout à fait conciliables. À l’Amérique, nous pouvons apporter beaucou
865
iberté d’allure et beaucoup de gentillesse. Telle
est
la « leçon d’Amérique » que nous a donnée M. Denis de Rougemont. En c
866
de, « [Entretien] Le centre de gravité du monde s’
est
déplacé d’Europe en Amérique », L’Illustré, Lausanne, 16 mai 1946, p.
867
roduits par la note suivante : « Un écrivain nous
est
revenu. Il nous est revenu de la lointaine et si proche Amérique, emp
868
suivante : « Un écrivain nous est revenu. Il nous
est
revenu de la lointaine et si proche Amérique, emportant avec lui, pou
869
ités souvent insoupçonnées. M. Denis de Rougemont
est
rentré d’Amérique. Pas pour longtemps, puisqu’il se prépare déjà à re
870
M. de Rougemont, lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’
est
pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s
871
t pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’
est
mêlé à elle, il s’est donné à son expérience créatrice. L’auteur de
872
ler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’
est
donné à son expérience créatrice. L’auteur de Politique de la person
873
primé son sceau de vie, de foi et de vérité, doit
être
classé à l’opposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de la s
874
n soi le germe de la superficialité. Et Dieu seul
est
capable de dessiner les contours de ce mot « superficiel », qui gouve
875
, « phénomène à la fois mythique et mystique ». N’
est
-ce pas lui qui a lancé cette fulgurante vérité aux nations qui s’appr
876
à la chute dans l’abîme : « Personne et pensée ne
sont
point séparables, et toutes deux ne sont possibles que dans cet acte
877
ensée ne sont point séparables, et toutes deux ne
sont
possibles que dans cet acte unique d’obéissance qui s’appelle l’amour
878
aux prétendues fatalités de l’Histoire. Mais il n’
est
point de fatalité pour l’homme qui ne recule pas devant sa liberté, e
879
mémoire » et de l’« expérience historique », qui
est
celle des épreuves et des échecs. L’étude des singes et de leur attri
880
psychologie nous révèle que ces faux ancêtres ne
sont
guère inférieurs à l’homme sous le rapport de l’intelligence ! Leur m
881
sous le rapport de l’intelligence ! Leur malheur
est
qu’ils n’ont aucune mémoire. Ils se voient obligés chaque matin de re
882
rester singes. Il les réduit à imiter, là où nous
sommes
capables d’innover en tirant les leçons d’expériences de la veille. S
883
rant les leçons d’expériences de la veille. Singe
est
celui qui doit refaire chaque jour le chemin perdu pendant la nuit, f
884
s. Sur un signal donné par une sirène, les singes
sont
lâchés dans la chambre. Ils découvrent bientôt les tiroirs, ils les o
885
la science, le monde moderne et sa prospérité ne
sont
pas les garants infaillibles d’un bonheur qui lui serait dû. L’échec
886
pas les garants infaillibles d’un bonheur qui lui
serait
dû. L’échec pour lui — guerre, privations, retards — n’est pas une dé
887
’échec pour lui — guerre, privations, retards — n’
est
pas une déception totalement scandaleuse qui le laisserait tout béant
888
ensée planétaire (30 mai 1946)y Le xxe siècle
est
en train de découvrir ce qu’on savait depuis un certain temps mais qu
889
t jamais très bien compris, à savoir que la terre
est
ronde. D’où il résulte, entre autres conséquences, que si vous tirez
890
le, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir
être
mesurées à la portée des armes connues dans cette époque. (Vous avez
891
objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce
soit
l’Univers ou l’Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le m
892
1944 et 1945, si les cargos alliés n’avaient pas
été
trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-être voté di
893
idarité pratique des différentes parties du globe
est
un fait durement établi au niveau de notre existence matérielle. Avan
894
bablement passer par une étape intermédiaire, qui
est
celle du fait psychologique : la formation d’une conscience planétair
895
ce un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’
est
rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent intradu
896
ne peut y aller voir et sentir. Et notre époque n’
est
pas celle des voyages, mais seulement celle des « missions », comme o
897
plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se
seront
révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mineurs du pays de G
898
dant des mois, parce que les péons d’Argentine se
seront
enfin organisés contre les grands « estancieros ». Vous pourrez toujo
899
yer d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’
est
pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie américaine »… Que faire
900
urope, « ici vivent les lions ». Et pourtant nous
sommes
destinés à découvrir un jour que ces lions sont des hommes, qui d’ail
901
sommes destinés à découvrir un jour que ces lions
sont
des hommes, qui d’ailleurs nous prenaient nous aussi pour des lions.
902
pas de Persans pour se demander : Comment peut-on
être
Français ?) Je parlais d’une conscience planétaire. C’est sa nécessit
903
s de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’
est
pas une question d’information d’abord, qu’on m’entende bien, mais de
904
je dirais : c’est d’abord une question de poésie.
Est
-ce un hasard si, parmi tous les écrivains français, ceux que je vois
905
e plus direct et le plus contagieux de la planète
sont
précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de l’Ex
906
eur prose et dans leurs longs versets, quel qu’en
soit
le sujet allégué, nous avons pour la première fois senti, sous le dra
907
ques. Et que dire de ce grand joueur de Boule que
fut
« Saint-Ex »13, le premier qui me parla de la Planète comme d’un amou
908
un amour et d’une souffrance intime ? Sinon qu’il
fut
lui aussi un poète, en prose et en action, en vision créatrice. 13.
909
La fin du monde (juin 1946)aa Æternitas non
est
temporis successio sine fine, sed nunc stans. Parmi toutes les liber
910
ruit ; l’idée que vous, et qui pensez, un jour ne
serez
plus, un jour serez un mort. Si « macabre » désigne assez bien l’étra
911
us, et qui pensez, un jour ne serez plus, un jour
serez
un mort. Si « macabre » désigne assez bien l’étrangeté de la mort des
912
avant midi, pour moi ? Je ne sens pas que l’idée
soit
tragique : elle m’appartient, je puis en disposer, feindre assez faci
913
poser, feindre assez facilement d’en rire. Elle n’
est
pas plus forte que moi. Peut-être même n’est-elle qu’une ruse cousue
914
le n’est pas plus forte que moi. Peut-être même n’
est
-elle qu’une ruse cousue de fil blanc de ma vitalité : la seule pensée
915
jamais pu penser notre mort. Contester là-dessus
serait
fournir l’aveu d’une impuissance à comprendre le mot penser dans son
916
son sens fort. Car penser sa mort réellement, ce
serait
aussitôt mourir. Peut-être avons-nous là le seul critère d’une perfec
917
le, et l’on conçoit que son application ne puisse
être
ni rapportée ni répétée. Perfection et Mort en ceci se confondent, qu
918
erfection et Mort en ceci se confondent, qu’elles
sont
absolument tragiques, c’est-à-dire sans appel. Ontologie de la fin
919
e mort dans le vif, ce phénomène doit normalement
être
aperçu comme négligeable ; et s’y attarder serait le fait d’une sophi
920
t être aperçu comme négligeable ; et s’y attarder
serait
le fait d’une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’utopie d
921
jour, tel jour ordinaire, l’homme meurt. Pourquoi
suis
-je donc ici à remuer ces choses ? Il est vrai que ce sont les seules
922
ourquoi suis-je donc ici à remuer ces choses ? Il
est
vrai que ce sont les seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, s
923
donc ici à remuer ces choses ? Il est vrai que ce
sont
les seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que
924
de son but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en
est
de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’œil nu, leur sens der
925
ensée, l’impuissance à choisir sans retour. Vivre
est
impur, qu’on sache ou non où va la vie, et c’est pourquoi les bonnes
926
sée de la Fin a les meilleures raisons du monde d’
être
pensée ; toutefois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’où v
927
in, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne
fut
« bas », en son temps, qu’aux yeux de ceux qu’une réalité nouvelle il
928
urée ? Mais tout se mêle encore confusément. Nous
sommes
là comme en rêve, empêtrés, dans le sentiment d’une urgence que nous
929
décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle n’
est
qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. Une première demande d’in
930
e obscure d’un danger proche, — ce crépuscule qui
est
peut-être une aube, et la frange de cet éclat qui doit consumer toute
931
avons-nous du sens de notre civilisation ? Quelle
est
sa fin, dès l’origine, quel est son rêve ? La grandeur ? Nous avons d
932
lisation ? Quelle est sa fin, dès l’origine, quel
est
son rêve ? La grandeur ? Nous avons détruit toute mesure, et plus rie
933
? Nous avons détruit toute mesure, et plus rien n’
est
grand ni petit, mais toute chose sans répit nous provoque à la dépass
934
protéger sa course. L’amour ? La solidarité ? Ce
sont
des idéaux de ligues, des mots qu’on n’ose plus employer qu’au desser
935
oyer qu’au dessert. La richesse ? Voici qu’elle n’
est
plus à la portée des mains humaines, elle n’est plus qu’un symbole ch
936
n’est plus à la portée des mains humaines, elle n’
est
plus qu’un symbole chiffré désignant des puissances lointaines. Toute
937
due de la conscience humaine… Car notre volonté n’
est
plus de conquérir, mais seulement d’assurer la vie du plus grand nomb
938
renons à vivre, et non plus à mourir : cet effort
est
contre nature. Il naît au déclin de la vie, et fatalement se retourne
939
se les commandes pour accomplir le Temps… Et nous
serons
pris au dépourvu, comme nulle autre génération. Car, tandis que le te
940
fense nationale. Avertissement Votre refuge
est
dans la masse et son Histoire. Vous vous dites en secret qu’elle ne p
941
dites en secret qu’elle ne peut pas mourir, et il
est
vrai qu’elle ne possède pas de vie réelle, et ne peut donc penser sa
942
ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut
être
en soi pensée, et l’homme en elle reste à peu près dénué de réalité,
943
à son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui
est
réel, tout ce qui manifeste la présence éternelle de la Fin, tout ce
944
ez-moi : s’il se trouvait que le monde réellement
fût
perdu, quel que soit le désir que vous avez qu’il dure, et la persuas
945
uvait que le monde réellement fût perdu, quel que
soit
le désir que vous avez qu’il dure, et la persuasion où vous vous entr
946
ue vous ? S’il se trouvait que la vérité actuelle
fût
totalement démesurée ? Qui périrait dans la honte et la rage ? Ceux q
947
utes pentes. Car celui seul qui accepte la mort n’
est
pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’auront plus à
948
défendre, mais seulement à se révéler tels qu’ils
sont
, où qu’ils soient. Plus d’évasions spirituelles. L’homme fuyant la Te
949
eulement à se révéler tels qu’ils sont, où qu’ils
soient
. Plus d’évasions spirituelles. L’homme fuyant la Terre où le diable s
950
e réfugie sur les hauteurs et découvre que Dieu y
est
plus dangereux encore, d’une autre sorte, fulgurante. Péripétie
951
aut croire, aujourd’hui, que cela se peut. Cela s’
est
produit comme un rêve, ou comme la colère soudain là, ou le printemps
952
ps, ou chaque soir la nuit. (Une première lampe s’
est
allumée. Quelqu’un dit : « Elle est là ».) Premier jugement, par l
953
mière lampe s’est allumée. Quelqu’un dit : « Elle
est
là ».) Premier jugement, par la lumière La fin du monde, irréfu
954
inexprimable. Depuis bientôt mille ans, l’An Mil
était
passé — « et toutes ses prières perdues ! » — mais ils savaient que r
955
et à jamais qu’au prix de cela justement qu’il n’
était
point permis d’imaginer. Celui dont les belles manières sont apprises
956
permis d’imaginer. Celui dont les belles manières
sont
apprises souffre mal qu’on y passe outre, — et très peu d’entre eux p
957
d’entre eux possédaient la pleine assurance de l’
être
. L’Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résultats d’u
958
mme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’
est
point que nous aimions la mort comme telle. Bien au contraire, ce qu’
959
ultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous
sommes
tout simplement au jour du Jugement. Il sera porté aussi bien sur vot
960
us sommes tout simplement au jour du Jugement. Il
sera
porté aussi bien sur votre élan vital que sur l’élan mortel. Car il n
961
En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui n’
était
pour nous qu’un recul devant le présent. Ici le temps dit oui pour la
962
qui le juge et l’accomplit, — notre temps, qui n’
était
pour nous qu’un refus de l’instant éternel. Et l’Histoire tout entièr
963
lons voir paraître enfin leur justification, leur
être
. Voici l’instant où les hommes s’aperçoivent que leurs efforts et leu
964
forts et leurs soucis se tournaient vers ce qui n’
est
rien, vers une Absence douloureuse, — alors que c’est la seule Présen
965
loureuse, — alors que c’est la seule Présence qui
est
terrible en sa splendeur et difficile à supporter, le seul Amour appa
966
upporter, le seul Amour apparaissant qui menace d’
être
insoutenable : il nous trouve sans préparation. L’on ne s’était défen
967
able : il nous trouve sans préparation. L’on ne s’
était
défendu que de l’autre côté, du côté de ce monde mal fait… Parut un s
968
plus vaste et blanc dans l’univers entier. Ils se
sont
tout d’abord sentis gênés, balourds, ne sachant trop quelle contenanc
969
ù tout œil rend ce qu’il reçoit, où le grand jour
est
tout en tous. Ce premier Jugement fut la Salutation. Second jugeme
970
grand jour est tout en tous. Ce premier Jugement
fut
la Salutation. Second jugement ou sommation Voici le principe d
971
es aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que
fut
déclarée l’incomparable qualité de son péché et mesuré le degré d’êtr
972
parable qualité de son péché et mesuré le degré d’
être
de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’examen d
973
ité de son péché et mesuré le degré d’être de son
être
tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’examen des raisons d
974
rent moins de temps qu’on n’imagine. La procédure
était
, en effet, des plus simples. — Témoignez, disait-on, de la vie que vo
975
nez, disait-on, de la vie que vous possédez. Quel
est
votre plus vrai désir ? Les sages répondaient : — Nul ne possède vrai
976
des joies qu’il rencontrait ; et son désir ainsi
fut
exaucé. Un autre voulait vivre abondamment au sein d’une perpétuelle
977
’une perpétuelle pauvreté. Devint soleil. Et quel
est
celui qui s’approche avec son parapluie mal fermé sous le bras, et de
978
dessus du sourire de la plus fervente ironie ? Qu’
est
-ce qu’il grommelle sous son chapeau de paille ?14 « Qu’il voudrait su
979
ablement de Celui qui d’un choix me créa. » (Nous
fûmes
tous saisis d’un vertige à ce discours d’une furieuse démesure, mais
980
e angélique hilarité. Et nous sûmes que cet homme
était
très grand.) Troisième jugement, ou le pardon Toute chose a son
981
essor. Et chacun de nous accède au destin qu’il s’
est
fait, à la parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à son ciel
982
r ou à son ciel, dans la consommation de tout son
être
, au faîte inconcevable du désir comblé, et comblé pour l’éternité. «
983
te avec soi la rétribution de nos œuvres » — elle
est
en Lui, non dans nos œuvres. Commence l’œuvre du Pardon. « Et que ce
984
au de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout
est
payé. Tout est gratuit. .............................................
985
ratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout
est
gratuit. ............................................................
986
le gouvernement mondial Vous me dites que ce n’
est
point par mauvaise volonté, mais que vous avez grand-peine à vous rep
987
r ? Personne à qui répondre que l’honneur du pays
est
en jeu, qu’on ne cédera plus d’une ligne, etc. ? Pour tout dire, pas
988
ens ? Ne me dites pas non : votre première idée a
été
de supposer une guerre. Et cela pour essayer de vous mieux représente
989
isent les nations, et les unes sans les autres ne
seraient
pas imaginables. Si vous me dites maintenant que c’est mon gouverneme
990
us souffrons. Autrement, le bien — ou la paix — n’
est
à nos yeux qu’une fumée, une abstraction, c’est-à-dire, soyons francs
991
yeux qu’une fumée, une abstraction, c’est-à-dire,
soyons
francs, le comble de l’ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse
992
ire, soyons francs, le comble de l’ennui, si ce n’
est
pas une « utopie dangereuse »… À propos de cette dernière expression,
993
ence pour dénigrer des projets de paix ? Pour qui
sont
-ils donc si dangereux ? Avez-vous également remarqué que les militair
994
t de l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre
était
le pire désordre imaginable à notre époque ; et que ceux qui la tenai
995
encore pour une nécessité, voire pour une vertu,
étaient
les véritables éléments de désordre ; et que l’utopie la plus dangere
996
de désordre ; et que l’utopie la plus dangereuse
était
la théorie de la souveraineté sans limites des nations. C’était trop
997
l’invention de la bombe atomique, m’écrit que je
suis
un primaire. Il m’assure que « à chaque guerre nous, cavaliers, avons
998
ons prouvé que nous savions nous battre », ce qui
est
bien la preuve que j’ai tort, et d’ailleurs de n’importe quoi. Il ajo
999
rte quoi. Il ajoute que ma lettre, dans sa forme,
est
« nettement péjorative vis-à-vis de l’armée, de la cavalerie en parti
1000
ée, de la cavalerie en particulier », bref que je
suis
un « élément de désordre ». Ce colonel m’a donné une idée. En reposan
1001
l m’a donné une idée. En reposant sa lettre je me
suis
écrié : « Vivement la Bombe ! Suprême élément d’ordre ! » Et ne croye
1002
ue la Bombe peut nous délivrer de deux manières :
soit
en faisant sauter le tout, soit en nous forçant d’ici peu à fédérer l
1003
e deux manières : soit en faisant sauter le tout,
soit
en nous forçant d’ici peu à fédérer les hommes au-delà des nations. V
1004
humain ? Eh bien, madame, si j’ose le dire : vous
êtes
servie. II. L’État-nation Non, je n’en veux pas un instant à vo
1005
ture y perdraient quelque chose de précieux. Nous
serions
tous fondus dans un magma informe de races, de langues, de religions
1006
’éviter, ou plutôt d’en sortir un peu, car nous y
sommes
déjà bien engagés. Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce sont
1007
r un peu, car nous y sommes déjà bien engagés. Ce
sont
les guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produisent
1008
gés. Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce
sont
les nations qui produisent les guerres… Mais je vois que ce mot de na
1009
ations, ce qui fait leur véritable originalité, n’
est
pas défini par leur souveraineté absolue, n’est pas limité par leurs
1010
n’est pas défini par leur souveraineté absolue, n’
est
pas limité par leurs frontières et ne saurait être défendu par leurs
1011
est pas limité par leurs frontières et ne saurait
être
défendu par leurs armées. En effet, supprimez ces trois éléments qui
1012
onnement, et comme communauté de gens apparentés,
soit
par leurs traditions, soit par leurs idéaux, c’est-à-dire par destin
1013
té de gens apparentés, soit par leurs traditions,
soit
par leurs idéaux, c’est-à-dire par destin ou par choix. Croyez-vous s
1014
s rien d’autre à faire qu’administrer le pays, il
sera
un meilleur gouvernement ? (Je vous pose ces questions simplistes pou
1015
rendre autarciques en vue d’une guerre possible,
soit
qu’ils redoutent ou souhaitent cette éventualité. L’État détruit néce
1016
glo-saxonne, socialiste ou capitaliste. Ce modèle
est
celui de l’État totalitaire, qui est l’état de guerre en permanence.
1017
e. Ce modèle est celui de l’État totalitaire, qui
est
l’état de guerre en permanence. Ainsi l’ennemi des nations c’est l’Ét
1018
emi des nations c’est l’État ; et leur sauvegarde
serait
le gouvernement mondial. Ceux qui pensent que c’est tout le contraire
1019
n carnages périodiques. Autre exemple. Pourquoi n’
est
-il question que de « nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’intér
1020
estion que de « nationaliser » tout ce qui peut l’
être
à l’intérieur des frontières, au lieu de multiplier les échanges inte
1021
tives ? Vous me direz que la France, par exemple,
est
entrée dans la voie de l’étatisme parce qu’elle veut la justice socia
1022
effets inéluctables. Le désir de justice sociale
est
une noble passion, la socialisation de l’industrie est une mesure éco
1023
ne noble passion, la socialisation de l’industrie
est
une mesure économique partiellement souhaitable, mais je ne leur vois
1024
erez me dire que le Social Register de New York n’
est
qu’un Bottin mondain, je vous dénonce dans L’Humanité.) Vous sentez q
1025
l. Introduisez dans cette broyeuse automatique qu’
est
l’État-nation de la démocratie ou marxisme, des idées libérales ou du
1026
belle passion de la justice sociale, le résultat
sera
le même : à l’autre bout, vous obtiendrez du totalitarisme en bâtons
1027
totalitarisme en bâtons et une grêle de coups. Je
suis
sérieux. Le socialisme, non pas en soi, mais construit dans le cadre
1028
re, donc à l’état de guerre larvé ou déclaré, qui
est
le pire des crimes sociaux. On ne sortira de ce cercle vicieux qu’en
1029
s les nations, mais l’humanité. Car ceux-là seuls
seront
qualifiés pour arbitrer. Autrement ce n’est qu’un jeu de force, et le
1030
ls seront qualifiés pour arbitrer. Autrement ce n’
est
qu’un jeu de force, et le premier qui tire aura gagné, quel que soit
1031
orce, et le premier qui tire aura gagné, quel que
soit
le mordant de l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura
1032
livrons-nous au petit jeu de société mondiale qu’
est
la comparaison des peuples deux à deux. Jeu plus sérieux d’ailleurs q
1033
paraît. Car l’une des grandes questions du siècle
est
sans doute celle de ne point laisser nos moyens matériels de transpor
1034
ra l’impossible pour vous cacher sa richesse s’il
est
riche, sa pauvreté s’il est pauvre, sa vie privée en général, et ne v
1035
cher sa richesse s’il est riche, sa pauvreté s’il
est
pauvre, sa vie privée en général, et ne vous rencontrera qu’au café.
1036
ncontre par hasard, on ne se demande pas ce qu’on
est
devenu, on rit, on boit, on ne s’étonne de rien, tout glisse et passe
1037
onne de rien, tout glisse et passe, il y a tant d’
êtres
sur la terre, tant de hasards, tant de manières de vivre, de bonnes e
1038
dépassé, c’est comme si tous les avions de série
étaient
déjà faits ; il en est fatigué d’avance, et passe à l’invention suiva
1039
us les avions de série étaient déjà faits ; il en
est
fatigué d’avance, et passe à l’invention suivante. Vue d’Amérique, l’
1040
et. Comment ils prennent la vie Le Français
est
profondément sérieux, c’est même à mon avis l’espèce d’homme la plus
1041
rtains Américains pressentent enfin que la France
est
le pays du sérieux sobre, de l’intransigeance réaliste, des provincia
1042
glo-Saxon puritain du type dynamique, alors qu’il
est
en réalité, et neuf fois sur dix, bien plus près du Méridional par so
1043
ridional par son goût de l’exagération — Tartarin
serait
bien épaté — son humeur communicative, et son insouciance lyrique. Se
1044
scandale. Se quitter bons amis après [illisible]
est
régulier. S’attacher, [illisible], voilà qui est immoral…ad Comme
1045
est régulier. S’attacher, [illisible], voilà qui
est
immoral…ad Comment ils construisent En Europe, terre des cathé
1046
ésidences luxueuses de la campagne ou de la ville
sont
régulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor, de style Renaissan
1047
eoises en France. Quant aux gratte-ciel, l’ère en
est
bien passée. Sauf à New York, ils ne sont pas rentables. Comment i
1048
l’ère en est bien passée. Sauf à New York, ils ne
sont
pas rentables. Comment ils sont scrupuleux ou non L’Américain n
1049
w York, ils ne sont pas rentables. Comment ils
sont
scrupuleux ou non L’Américain ne pardonne pas une erreur de 2 cent
1050
l’excès ? Fumez-vous ? Avez-vous d’autres vices ?
Êtes
-vous partisan de doctrines tendant au renversement des institutions a
1051
ons américaines ? » Vous pouvez répondre que vous
êtes
alcoolique et anarchiste, on vous laissera entrer. Mais si vous dites
1052
vous dites sous la foi du serment, que vous ne l’
êtes
pas, et que votre vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’amende ou l
1053
pas, et que votre vie plus tard prouve que vous l’
êtes
, l’amende ou la peine de prison seront triplées. Tout repose ici sur
1054
e que vous l’êtes, l’amende ou la peine de prison
seront
triplées. Tout repose ici sur la parole donnée, seul fondement d’une
1055
Français, élevé dans l’idée que dulce et decorum
est
pro patria mori, accepte de se faire tuer non point par fanatisme, re
1056
aut en matériel — que les batteries d’en face ont
été
écrasées. Cette folie apparente de l’Européen dénote un certain degré
1057
l’inverse. Je compare et vous laisse juger. Ce n’
est
pas simple. Et cela va peut-être choquer ? Que voulez-vous, j’ai deux
1058
amours. Or l’amour rend parfois plus lucide que l’
être
aimé ne le souhaite. ab. Rougemont Denis de, « L’Américain croit
1059
rtaine, aucune copie correcte du texte n’ayant pu
être
obtenue.
1060
version définitive. Les Personnes du drame . Ce
sont
des essais sur Goethe, Kierkegaard, Kafka, Luther, Gide, Ramuz, Claud
1061
ible tirage et des circonstances où ils parurent,
sont
restés pratiquement ignorés. Chez Albin Michel, Penser avec les main
1062
46, p. 2. af. La première version de cet ouvrage
est
parue en 1942, et non en 1940.
1063
ût-septembre 1946)ah Je ne savais pas que tout
était
si près, là-bas. J’étais baigné. J’étais fondé. Et je marchais parmi
1064
e ne savais pas que tout était si près, là-bas. J’
étais
baigné. J’étais fondé. Et je marchais parmi les signes. Sédiments séc
1065
que tout était si près, là-bas. J’étais baigné. J’
étais
fondé. Et je marchais parmi les signes. Sédiments séculaires, socles
1066
… « Je t’aime. J’aime ! » J’ai tout dit. L’Europe
était
patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence était profonde, et ch
1067
t patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence
était
profonde, et chaque être présent questionnait, répondait. La force ét
1068
ce attendait, l’absence était profonde, et chaque
être
présent questionnait, répondait. La force était au secret de nos vies
1069
ue être présent questionnait, répondait. La force
était
au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bie
1070
ns la contemplation jalouse d’un vieil arbre — il
était
vieux déjà du temps de notre enfance, et notre possession la plus ten
1071
us tenace, il nous réduisait au silence. La force
était
chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée qui se liait
1072
evient visible, c’est comme le sang, c’est que tu
es
blessé, ta vie s’en va !) La force était mémoire et allusion. Elle ét
1073
’est que tu es blessé, ta vie s’en va !) La force
était
mémoire et allusion. Elle était ce vieil arbre tenace. Elle était la
1074
en va !) La force était mémoire et allusion. Elle
était
ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des
1075
allusion. Elle était ce vieil arbre tenace. Elle
était
la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit
1076
me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe
est
la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant de passé,
1077
encore où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t-il rêvé ?
Serait
-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit, incapable de
1078
rasse. Hâtons-nous, car tout peut périr. Nous qui
sommes
encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! À bord de l’Ex
1079
ts mètres — du Portugal et de la liberté. Car tel
est
le sadisme policier. Nous venons de passer, en quatre jours de voyage
1080
en, guère plus de 22 heures, mais le total normal
est
d’au moins 30, m’affirme-t-on, et les « accidents » sont fréquents. P
1081
au moins 30, m’affirme-t-on, et les « accidents »
sont
fréquents. Paradoxe du siècle où tout est fait pour réduire l’homme à
1082
ents » sont fréquents. Paradoxe du siècle où tout
est
fait pour réduire l’homme à l’anonyme, pour le priver du sentiment de
1083
l’assurait quotidiennement, inconsciemment, qu’il
était
bien réel et bien lui-même… En mer, nuit du 12 au 13 septembre 1940 L
1084
ers leur exil. Mais moi, de quoi pourrais-je bien
être
l’ex ? Ni fugitif, ni juif, ni riche, ni détrôné, et ne pouvant me ré
1085
des catastrophes, scandaleux personnage, comme le
serait
un témoin vivant même aux colloques des fantômes… Je crois bien que c
1086
ues des fantômes… Je crois bien que cette image m’
est
venue à cause d’une conversation entendue sur le pont cette nuit même
1087
ion entendue sur le pont cette nuit même. L’heure
était
fort tardive et propice aux aveux. V., ex-cagoulard, ayant raconté, n
1088
astucieux préparatifs de guerre civile n’auraient
été
troublés que par l’attaque intempestive des nazis. Contre ceux-là, il
1089
llamment prévu les choses… De fait, les étrangers
sont
toujours surprenants. On ne s’entend vraiment bien qu’entre gens du m
1090
de la petite chambre : « 165 avions allemands ont
été
abattus sur Londres. » Et c’est peut-être la nouvelle la plus importa
1091
re jour à Lisbonne une lady me disait : « Nous ne
serons
jamais battus, parce que nous sommes un peuple qui ne sait pas quand
1092
: « Nous ne serons jamais battus, parce que nous
sommes
un peuple qui ne sait pas quand il est battu. » J’ai pensé aux chefs
1093
ue nous sommes un peuple qui ne sait pas quand il
est
battu. » J’ai pensé aux chefs français trop cartésiens qui ont admis
1094
mis la défaite sur sa définition, — avant qu’elle
fût
définitive. 18 septembre 1940 Comment prévoir l’issue de cette guerre
1095
incre, mais qui gagne, et l’autre qui ne sait pas
être
vaincue, mais qui perd ? Les Allemands, en effet, même victorieux, se
1096
ctoire en général. La seule solution « possible »
serait
donc la victoire anglaise. 19 septembre 1940 Un journaliste américain
1097
gens, des Parisiens, qui trouvent que les Boches
sont
corrects… Well… Quand un gangster de Chicago vous prend votre portefe
1098
e quelquefois cinq sous pour rentrer en métro… Il
est
correct, isn’t he ? » À mon tour, j’ai craché dans l’eau, pour marque
1099
ion. 20 septembre 1940, en rade de New York Je me
suis
éveillé dans ma cabine moite avec le sentiment que tout était changé
1100
é dans ma cabine moite avec le sentiment que tout
était
changé autour de moi. Eh oui ! des verdures proches défilaient au hub
1101
es défilaient au hublot ! Couru sur le pont. Nous
sommes
dans les passes de l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit le
1102
s la brume — Manhattan, comme une prémonition qui
serait
vérifiée à l’instant même ! ag. Rougemont Denis de, « En 1940, j’a