1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 Reynold et l’ avenir de la Suisse (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’
2 Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’auteur de Co
3 Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’auteur de Conscience de la Suisse
4 e (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’ auteur de Conscience de la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’aven
5 ice que nous aura rendu l’auteur de Conscience de la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédiat de ce pays un
6 cience de la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’ avenir immédiat de ce pays un jugement pessimiste. Les plus graves fai
7 venir immédiat de ce pays un jugement pessimiste. Les plus graves faiblesses, morales et matérielles, dans le domaine de la
8 s graves faiblesses, morales et matérielles, dans le domaine de la « défense spirituelle » comme dans celui de la défense
9 esses, morales et matérielles, dans le domaine de la « défense spirituelle » comme dans celui de la défense du territoire,
10 de la « défense spirituelle » comme dans celui de la défense du territoire, proviennent chez nous d’une incapacité congéni
11 chez nous d’une incapacité congénitale à prévoir le pire, à l’admettre, et à se préparer en conséquence. Nous n’avons pas
12 d’une incapacité congénitale à prévoir le pire, à l’ admettre, et à se préparer en conséquence. Nous n’avons pas encore su
13 n conséquence. Nous n’avons pas encore su prendre le tempo de ce xxe siècle. C’est que nous sommes devenus un peuple de b
14 t que nous sommes devenus un peuple de bourgeois. L’ ère de la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de l’absence d’im
15 s sommes devenus un peuple de bourgeois. L’ère de la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de l’absence d’imagination
16 la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de l’ absence d’imagination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos can
17 ence d’imagination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos cantons une existence condamnée ailleurs par des faits que
18 illeurs par des faits que je n’ai pas à rappeler. La faiblesse du bourgeois réside dans son refus de prendre au sérieux ce
19 éside dans son refus de prendre au sérieux ce qui l’ étonne. « Trop beau pour être vrai », disait-il au siècle dernier ; et
20 par en bas, traduit un seul et même refus de voir le monde tel qu’il est : pécheur et racheté, condamné et sauvé. Qui ne c
21 le. Qui ne croit pas au pardon ne saurait mesurer les profondeurs et les puissances du mal. Et c’est pourquoi les chrétiens
22 s au pardon ne saurait mesurer les profondeurs et les puissances du mal. Et c’est pourquoi les chrétiens seuls savent recon
23 deurs et les puissances du mal. Et c’est pourquoi les chrétiens seuls savent reconnaître les démons et déjouer à temps leur
24 t pourquoi les chrétiens seuls savent reconnaître les démons et déjouer à temps leurs calculs. Reynold a le courage d’envis
25 émons et déjouer à temps leurs calculs. Reynold a le courage d’envisager — de regarder en plein visage — ce qui nous ruine
26 il soit pessimiste par tempérament — ce n’est pas l’ impression qu’il donne, pas du tout — mais il est simplement lucide. I
27 est simplement lucide. Il a su voir plus loin que le bout de la Suisse. Il a su voir l’Europe en pleine révolution. Il a m
28 ent lucide. Il a su voir plus loin que le bout de la Suisse. Il a su voir l’Europe en pleine révolution. Il a montré l’un
29 plus loin que le bout de la Suisse. Il a su voir l’ Europe en pleine révolution. Il a montré l’un des premiers, chez nous,
30 on. Il a montré l’un des premiers, chez nous, que la vraie fin, même inconsciente de l’étatisme disciplinaire, dépourvu d’
31 chez nous, que la vraie fin, même inconsciente de l’ étatisme disciplinaire, dépourvu d’idéal directeur, n’était autre que
32 re, dépourvu d’idéal directeur, n’était autre que la mise au pas du pays, sa mise en marche vers le nihilisme — ou l’annex
33 ue la mise au pas du pays, sa mise en marche vers le nihilisme — ou l’annexion. « Faire du socialisme, écrit-il, c’est fai
34 du pays, sa mise en marche vers le nihilisme — ou l’ annexion. « Faire du socialisme, écrit-il, c’est faire la moitié du na
35 ion. « Faire du socialisme, écrit-il, c’est faire la moitié du national-socialisme. » Certes, on peut lui répondre que fai
36 ’est faire l’autre moitié de ce tout. Mais enfin, l’ important c’est que chacun commence par dire la vérité dans son patois
37 n, l’important c’est que chacun commence par dire la vérité dans son patois, et celui de Reynold est « de droite ». Le mie
38 s encore aux vaines distinctions qui chatouillent les politiciens ! Laissons tout cela et avançons ! La claire vision d’un
39 es politiciens ! Laissons tout cela et avançons ! La claire vision d’un but commun et d’un péril qui se désigne lui-même c
40 Allons-y viribus unitis ! Car cela est clair : ni les gauches ni les droites seules, ni les catholiques ni les protestants
41 s unitis ! Car cela est clair : ni les gauches ni les droites seules, ni les catholiques ni les protestants seuls ne pourro
42 clair : ni les gauches ni les droites seules, ni les catholiques ni les protestants seuls ne pourront rien faire chez nous
43 ches ni les droites seules, ni les catholiques ni les protestants seuls ne pourront rien faire chez nous. S’ils veulent res
44 diversités se fédèrent au service du pays. Quand le temps presse, comme aujourd’hui, l’on voit ce qui compte, et c’est ce
45 u pays. Quand le temps presse, comme aujourd’hui, l’ on voit ce qui compte, et c’est cela qui unit. Pour le reste, si série
46 voit ce qui compte, et c’est cela qui unit. Pour le reste, si sérieux soit-il, on en reparlera plus tard. Faisons d’abord
47 orte qu’il y ait un « plus tard ». En campagne, le jour de la capitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis de, « 
48 y ait un « plus tard ». En campagne, le jour de la capitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold et
49 d ». En campagne, le jour de la capitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’avenir de la Suis
50 Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’ avenir de la Suisse », Hommage à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librai
51 a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’avenir de la Suisse », Hommage à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librairie de l’Uni
52 age à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librairie de l’ Université, 1941, p. 123-125.
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
53 Trois paraboles (1er octobre 1941)b I. À la porte du jardin Il y a mille chambres au Palais, mille lits pour y
54 es, et sa pudeur est dévoilée, ô folle ! Mais lui les trouve et s’en revêt : voiles de nuit. Elle a passé tout près, ne l’a
55 evêt : voiles de nuit. Elle a passé tout près, ne l’ a pas vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’amour appelant
56 a passé tout près, ne l’a pas vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’amour appelant l’amour aux chambres vides,
57 près, ne l’a pas vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’amour appelant l’amour aux chambres vides, dans la sonor
58 as vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’ amour appelant l’amour aux chambres vides, dans la sonorité glaciale d
59 tant le désir qui les presse, et l’amour appelant l’ amour aux chambres vides, dans la sonorité glaciale des appartements d
60 l’amour appelant l’amour aux chambres vides, dans la sonorité glaciale des appartements du Pouvoir. Lui, la voyant passer,
61 norité glaciale des appartements du Pouvoir. Lui, la voyant passer, s’offusque, ou c’est le désir qui l’aveugle ? Elle est
62 voir. Lui, la voyant passer, s’offusque, ou c’est le désir qui l’aveugle ? Elle est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui con
63 voyant passer, s’offusque, ou c’est le désir qui l’ aveugle ? Elle est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui connais le maîtr
64 le est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui connais le maître du palais, dis-moi s’il vit, s’il règne encore aux solitudes.
65 e aux solitudes. Car sinon, tu m’entends, je suis le Prince ! Et quelle est la femme égarée qui ne voudrait aimer le Princ
66 , tu m’entends, je suis le Prince ! Et quelle est la femme égarée qui ne voudrait aimer le Prince de ces Lieux ? — Mais on
67 quelle est la femme égarée qui ne voudrait aimer le Prince de ces Lieux ? — Mais on m’appelle, écoute, la voix venait du
68 rince de ces Lieux ? — Mais on m’appelle, écoute, la voix venait du parc ? — Es-tu bien sûr que c’était une voix ? Ils y c
69 bien sûr que c’était une voix ? Ils y couraient. La nuit pleuvait dans les futaies épaisses, et les herbes sauvages fouet
70 une voix ? Ils y couraient. La nuit pleuvait dans les futaies épaisses, et les herbes sauvages fouettaient les jambes nues.
71 t. La nuit pleuvait dans les futaies épaisses, et les herbes sauvages fouettaient les jambes nues. Au fond du parc, près de
72 aies épaisses, et les herbes sauvages fouettaient les jambes nues. Au fond du parc, près de la porte démolie, là où les mur
73 ttaient les jambes nues. Au fond du parc, près de la porte démolie, là où les murs ne cachent plus que les abords désertiq
74 Au fond du parc, près de la porte démolie, là où les murs ne cachent plus que les abords désertiques de la ville, ils se s
75 porte démolie, là où les murs ne cachent plus que les abords désertiques de la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans l
76 urs ne cachent plus que les abords désertiques de la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais dispar
77 abords désertiques de la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais disparu, les jardins dévastés, il
78 de la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais disparu, les jardins dévastés, il est vêtu des voile
79 le, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais disparu, les jardins dévastés, il est vêtu des voiles, elle tr
80  ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais disparu, les jardins dévastés, il est vêtu des voiles, elle tremble nue. — Où se c
81 cacher encore ? dit-elle. — Dans tes voiles. — Tu les as pris. — Viens dans mes bras, ma fille. II. Le marché de l’aube
82 as pris. — Viens dans mes bras, ma fille. II. Le marché de l’aube — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le pe
83 iens dans mes bras, ma fille. II. Le marché de l’ aube — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le petit marchand
84 ma fille. II. Le marché de l’aube — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche de prê
85 be — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche de prêtre oriental. L’homme choisit la p
86 ierre de tes vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche de prêtre oriental. L’homme choisit la plus terne, il était
87 petit marchand à la barbiche de prêtre oriental. L’ homme choisit la plus terne, il était triste et présomptueux. À mesure
88 à la barbiche de prêtre oriental. L’homme choisit la plus terne, il était triste et présomptueux. À mesure qu’avec les ann
89 rne, il était triste et présomptueux. À mesure qu’ avec les années, il se persuadait que sa pierre était bonne, étant bien ce
90 il était triste et présomptueux. À mesure qu’avec les années, il se persuadait que sa pierre était bonne, étant bien celle
91 pierre était bonne, étant bien celle de ses vœux, la pierre se mit à luire davantage ; et davantage encore il l’aimait, pl
92 se mit à luire davantage ; et davantage encore il l’ aimait, plus il luttait contre la vie, plus il vivait. Un soir, émerve
93 antage encore il l’aimait, plus il luttait contre la vie, plus il vivait. Un soir, émerveillé de la revoir, il dit : — Je
94 re la vie, plus il vivait. Un soir, émerveillé de la revoir, il dit : — Je suis un homme heureux, j’ai su choisir la pierr
95 dit : — Je suis un homme heureux, j’ai su choisir la pierre de mes vœux, car seul j’ai deviné le cher secret de son éclat.
96 oisir la pierre de mes vœux, car seul j’ai deviné le cher secret de son éclat. Et maintenant, ma pierre, luis de ton propr
97 je te contemple en mon repos. Elle s’éteignit. Il la jeta dans le brasier cendreux. Pendant la nuit — grande était sa doul
98 le en mon repos. Elle s’éteignit. Il la jeta dans le brasier cendreux. Pendant la nuit — grande était sa douleur — la pier
99 nit. Il la jeta dans le brasier cendreux. Pendant la nuit — grande était sa douleur — la pierre se mit à luire sous la cen
100 reux. Pendant la nuit — grande était sa douleur — la pierre se mit à luire sous la cendre, et le grand feu flamba soudain
101 était sa douleur — la pierre se mit à luire sous la cendre, et le grand feu flamba soudain toute la pièce. Il dit à sa pi
102 eur — la pierre se mit à luire sous la cendre, et le grand feu flamba soudain toute la pièce. Il dit à sa pierre : — Ô ma
103 s la cendre, et le grand feu flamba soudain toute la pièce. Il dit à sa pierre : — Ô ma pierre, luis dans le feu ! Je ne p
104 ce. Il dit à sa pierre : — Ô ma pierre, luis dans le feu ! Je ne puis te toucher, mais la chaleur est bonne. Tout un hiver
105 e, luis dans le feu ! Je ne puis te toucher, mais la chaleur est bonne. Tout un hiver, il vécut de ce feu. Le printemps vi
106 eur est bonne. Tout un hiver, il vécut de ce feu. Le printemps vint. — Aurai-je encore besoin du feu ? Je reprendrai ma pi
107 eu ? Je reprendrai ma pierre et me reposerai dans la fraîcheur de son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fa
108 t me reposerai dans la fraîcheur de son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fait son temps, songea-t-il, dan
109 ur de son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. —  L’ hiver a fait son temps, songea-t-il, dans ma vie. Pour la deuxième foi
110 vie. Pour la deuxième fois, il alla au marché de l’ aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche de p
111 ième fois, il alla au marché de l’aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche de prêtre, je me souvi
112 l’aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’ homme à barbiche de prêtre, je me souviens de ta jeunesse. Il choisit
113 prêtre, je me souviens de ta jeunesse. Il choisit la plus éclatante. Et vois : quand il était heureux, elle luisait d’une
114 ais c’était l’autre qu’il prenait alors entre ses mains , la pierre du vœu triste et présomptueux de sa jeunesse. Et il pleura
115 tait l’autre qu’il prenait alors entre ses mains, la pierre du vœu triste et présomptueux de sa jeunesse. Et il pleurait.
116 roisième fois, il se leva pour aller au marché de l’ aube. — Tu n’as plus rien, lui dit le petit vieillard, je ne te vendra
117 au marché de l’aube. — Tu n’as plus rien, lui dit le petit vieillard, je ne te vendrai rien à crédit. Tu possèdes ta Vie,
118 ne des deux pierres sera ta pierre de Mort, si tu la choisis seule, et ne veux plus souffrir. III. Le coup de pistolet
119 choisis seule, et ne veux plus souffrir. III. Le coup de pistolet Évidemment, je n’aurais pas dû entrer. On fait de
120 des escaliers partout, un labyrinthe. Je suivais les tapis rouges, et les lampes rouges, comme lorsqu’on choisit une coule
121 t, un labyrinthe. Je suivais les tapis rouges, et les lampes rouges, comme lorsqu’on choisit une couleur au jeu de cartes,
122 uleur au jeu de cartes, rouge ou noir. J’arrive à la salle de lecture. Il n’y avait que des feuilles de papier blanc sur l
123 Il n’y avait que des feuilles de papier blanc sur les tables, et tout le monde lisait. Je dis : — Est-elle ici ? Quelqu’un
124 monde lisait. Je dis : — Est-elle ici ? Quelqu’un l’ a-t-il vue ? Ils me regardent d’un air vexé. Un valet s’approche rapid
125 lle y est évidemment. Mais je rappelle à Monsieur la règle du club : Ni Questions Ni Réponses. Je ne savais plus que dire,
126 c’eût été une sorte de question ou de réponse. Je pensais que le mieux serait de m’en aller sans bruit. Mais vous connaissez ce
127 e sorte de question ou de réponse. Je pensais que le mieux serait de m’en aller sans bruit. Mais vous connaissez ces coulo
128 sez ces couloirs. Et je ne voulais pas être mis à la porte ! Naturellement, j’aurais dû pousser la première porte venue, s
129 aurais dû pousser la première porte venue, sans y penser , et je serais sorti comme j’étais entré. Mais le fait est que je pens
130 ser, et je serais sorti comme j’étais entré. Mais le fait est que je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà la fau
131 orti comme j’étais entré. Mais le fait est que je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute. L’inévitable se prod
132 Mais le fait est que je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute. L’inévitable se produisit au bout de que
133 je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute. L’inévitable se produisit au bout de quelques heures. J’étais
134 à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute. L’ inévitable se produisit au bout de quelques heures. J’étais épuisé, j’
135 urde, pourquoi ménager quoi que ce soit ? C’était la question par excellence ! Le résumé de toutes mes erreurs, si vous vo
136 ue ce soit ? C’était la question par excellence ! Le résumé de toutes mes erreurs, si vous voulez. Je trouve la porte du b
137 de toutes mes erreurs, si vous voulez. Je trouve la porte du bureau directorial. J’entre comme un fou et je crie : — Pour
138 l. J’entre comme un fou et je crie : — Pourquoi ? Le directeur était assis face à la porte et me regardait comme s’il n’av
139 ie : — Pourquoi ? Le directeur était assis face à la porte et me regardait comme s’il n’avait rien entendu. Nous nous somm
140 es yeux et me rejoignait par-derrière, je ne puis l’ expliquer autrement. D’une certaine manière, c’était mon propre, regar
141 yeux et revenait sur ma nuque. À l’instant où je l’ ai compris, il a tiré. — Eh bien oui, je suis là, dit-elle. (Je tenais
142 Eh bien oui, je suis là, dit-elle. (Je tenais sa main . Je sentis qu’elle avait de la fièvre.) Je suis là parce que tu es ve
143 e. (Je tenais sa main. Je sentis qu’elle avait de la fièvre.) Je suis là parce que tu es venu, tout simplement. Nous étion
144 la va durer. Elle délire et j’ai cette balle dans le cœur. Et voici que maintenant, je ne puis plus poser de questions. Ca
145 me dites que c’est une vraie balle que j’ai dans le cœur, il est évident que je suis mort. Et si vous me dites que la bal
146 évident que je suis mort. Et si vous me dites que la balle n’est pas plus réelle que ce qui s’est passé dans la maison, vo
147 n’est pas plus réelle que ce qui s’est passé dans la maison, vous supprimez à la fois toutes les questions possibles et do
148 é dans la maison, vous supprimez à la fois toutes les questions possibles et donc toute possibilité de réponse à quoi que c
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
149 La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914
150 La leçon de l’ armée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914, l’empereur
151 çon de l’armée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914, l’empereur Guillaume II fit une visite au gouvernemen
152 se (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914, l’ empereur Guillaume II fit une visite au gouvernement suisse. Au cours
153 et vous tirez bien ; mais si nous vous attaquions avec un million d’hommes, que feriez-vous ? » — « Chacun de nous tirerait
154 de nous tirerait deux fois », répondit calmement le soldat. Le Kaiser préféra passer par la Belgique. La Suisse est l’un
155 rerait deux fois », répondit calmement le soldat. Le Kaiser préféra passer par la Belgique. La Suisse est l’un des pays qu
156 calmement le soldat. Le Kaiser préféra passer par la Belgique. La Suisse est l’un des pays qui a le mieux résolu l’urgent
157 soldat. Le Kaiser préféra passer par la Belgique. La Suisse est l’un des pays qui a le mieux résolu l’urgent problème de l
158 ar la Belgique. La Suisse est l’un des pays qui a le mieux résolu l’urgent problème de la défense de la démocratie, sans t
159 La Suisse est l’un des pays qui a le mieux résolu l’ urgent problème de la défense de la démocratie, sans toutefois tomber
160 s pays qui a le mieux résolu l’urgent problème de la défense de la démocratie, sans toutefois tomber dans une mobilisation
161 e mieux résolu l’urgent problème de la défense de la démocratie, sans toutefois tomber dans une mobilisation totalitaire.
162 s tomber dans une mobilisation totalitaire. Voici les faits : Avec une population de 4 millions et demi d’habitants, la Sui
163 s une mobilisation totalitaire. Voici les faits : Avec une population de 4 millions et demi d’habitants, la Suisse a une arm
164 une population de 4 millions et demi d’habitants, la Suisse a une armée de 600 000 hommes. Un habitant sur 7 est un soldat
165 600 000 hommes. Un habitant sur 7 est un soldat. La même proportion donnerait aux États-Unis une armée de 20 millions d’h
166 ne armée de 20 millions d’hommes. Mais nulle part les coutumes et les institutions ne sont plus démocratiques qu’en Suisse,
167 illions d’hommes. Mais nulle part les coutumes et les institutions ne sont plus démocratiques qu’en Suisse, et nulle part l
168 nt plus démocratiques qu’en Suisse, et nulle part l’ armée n’est plus populaire et ne fait aussi partie de la vie nationale
169 e n’est plus populaire et ne fait aussi partie de la vie nationale qu’en Suisse. Depuis que les communes suisses se libérè
170 rtie de la vie nationale qu’en Suisse. Depuis que les communes suisses se libérèrent pour la première fois de la domination
171 es suisses se libérèrent pour la première fois de la domination médiévale des seigneurs, leur armée a été un groupement de
172 insi qu’on peut souvent voir un paysan, assis sur le seuil de sa porte, polissant et graissant son fusil après le tir du d
173 sa porte, polissant et graissant son fusil après le tir du dimanche, — spectacle que vous ne verrez nulle part ailleurs d
174 tacle que vous ne verrez nulle part ailleurs dans le monde. Cette habitude remonte au Moyen Âge germanique. À cette époque
175 remonte au Moyen Âge germanique. À cette époque, l’ « homme libre », — celui qui n’était pas un serf, — se distinguait par
176 un serf, — se distinguait par ce fait : il avait le droit de porter des armes. Les Suisses considèrent leurs armes comme
177 ce fait : il avait le droit de porter des armes. Les Suisses considèrent leurs armes comme un symbole de leur liberté. Les
178 ent leurs armes comme un symbole de leur liberté. Les libertés civiques et l’esprit militaire n’ont jamais été en contradic
179 symbole de leur liberté. Les libertés civiques et l’ esprit militaire n’ont jamais été en contradiction. Depuis les temps l
180 litaire n’ont jamais été en contradiction. Depuis les temps les plus anciens, les Suisses étaient libres parce qu’ils étaie
181 ont jamais été en contradiction. Depuis les temps les plus anciens, les Suisses étaient libres parce qu’ils étaient forts,
182 contradiction. Depuis les temps les plus anciens, les Suisses étaient libres parce qu’ils étaient forts, et ils étaient for
183 et ils étaient forts parce qu’ils étaient libres. La possession par chaque citoyen de ses propres armes, montre d’une faço
184 es propres armes, montre d’une façon concrète que l’ État lui fait confiance. Imaginez ce qui arriverait dans certains État
185 en proie à des luttes sociales ou politiques, si les soldats démobilisés avaient le droit d’emporter chez eux leurs armes
186 ou politiques, si les soldats démobilisés avaient le droit d’emporter chez eux leurs armes et leurs munitions ! En France,
187 leurs armes et leurs munitions ! En France, après l’ Armistice, on offrit cent-mille francs aux soldats, en échange de leur
188 r fit désarmer ses propres troupes de choc, après l’ épuration du 30 juin 1934, leur laissant seulement un poignard décorat
189 4, leur laissant seulement un poignard décoratif. La possession par chacun de ses propres armes a également une importance
190 e technique qui n’est nullement à négliger. C’est le seul moyen d’assurer une mobilisation ultrarapide. Et c’est la défens
191 d’assurer une mobilisation ultrarapide. Et c’est la défense la plus adéquate contre les parachutistes. Une coutume médiév
192 une mobilisation ultrarapide. Et c’est la défense la plus adéquate contre les parachutistes. Une coutume médiévale est dev
193 pide. Et c’est la défense la plus adéquate contre les parachutistes. Une coutume médiévale est devenue, ainsi, la méthode l
194 tistes. Une coutume médiévale est devenue, ainsi, la méthode la plus moderne de défense. C’est la clé de l’organisation de
195 coutume médiévale est devenue, ainsi, la méthode la plus moderne de défense. C’est la clé de l’organisation de l’armée su
196 nsi, la méthode la plus moderne de défense. C’est la clé de l’organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité
197 thode la plus moderne de défense. C’est la clé de l’ organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’armée
198 rne de défense. C’est la clé de l’organisation de l’ armée suisse et le secret de sa popularité… L’armée est un lien non se
199 est la clé de l’organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’armée est un lien non seulement entre les
200 de l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’ armée est un lien non seulement entre les individus, mais aussi entre
201 pularité… L’armée est un lien non seulement entre les individus, mais aussi entre les classes. La Suisse n’a pas d’école ré
202 n seulement entre les individus, mais aussi entre les classes. La Suisse n’a pas d’école réservée aux officiers. Tous les h
203 ntre les individus, mais aussi entre les classes. La Suisse n’a pas d’école réservée aux officiers. Tous les hommes de 20
204 isse n’a pas d’école réservée aux officiers. Tous les hommes de 20 ans, propres au service militaire vont à la même école.
205 es de 20 ans, propres au service militaire vont à la même école. Là le paysan a comme compagnon de chambre l’étudiant, l’o
206 res au service militaire vont à la même école. Là le paysan a comme compagnon de chambre l’étudiant, l’ouvrier le fils de
207 école. Là le paysan a comme compagnon de chambre l’ étudiant, l’ouvrier le fils de son patron. Pendant les trois mois que
208 e paysan a comme compagnon de chambre l’étudiant, l’ ouvrier le fils de son patron. Pendant les trois mois que dure l’entra
209 comme compagnon de chambre l’étudiant, l’ouvrier le fils de son patron. Pendant les trois mois que dure l’entraînement, o
210 tudiant, l’ouvrier le fils de son patron. Pendant les trois mois que dure l’entraînement, on a le temps de reconnaître la v
211 ls de son patron. Pendant les trois mois que dure l’ entraînement, on a le temps de reconnaître la valeur réelle et les fai
212 dant les trois mois que dure l’entraînement, on a le temps de reconnaître la valeur réelle et les faiblesses de son voisin
213 dure l’entraînement, on a le temps de reconnaître la valeur réelle et les faiblesses de son voisin, de se faire des amitié
214 on a le temps de reconnaître la valeur réelle et les faiblesses de son voisin, de se faire des amitiés. Une égalité complè
215 ire des amitiés. Une égalité complète existe dans les baraquements. Cet entraînement intensif renvoie les hommes à la vie c
216 s baraquements. Cet entraînement intensif renvoie les hommes à la vie civile, bronzés, endurcis et chargés d’expérience que
217 s. Cet entraînement intensif renvoie les hommes à la vie civile, bronzés, endurcis et chargés d’expérience que la vie pais
218 le, bronzés, endurcis et chargés d’expérience que la vie paisible des villes ou des villages ne leur aurait pas donné en d
219 dix ans. Ces 3 mois sont un puissant tonique pour la jeunesse suisse et la durée relativement courte de l’entraînement per
220 nt un puissant tonique pour la jeunesse suisse et la durée relativement courte de l’entraînement permet à chaque recrue de
221 eunesse suisse et la durée relativement courte de l’ entraînement permet à chaque recrue de retrouver à son retour sa place
222 ue recrue de retrouver à son retour sa place dans la vie civile. L’insuffisance technique résultant d’une si brève période
223 trouver à son retour sa place dans la vie civile. L’ insuffisance technique résultant d’une si brève période de service est
224 service est compensée par un entraînement annuel. La vie civile également apporte au citadin de fréquents contacts avec le
225 galement apporte au citadin de fréquents contacts avec les affaires militaires. Dans chaque village, dans chaque club de tir
226 ent apporte au citadin de fréquents contacts avec les affaires militaires. Dans chaque village, dans chaque club de tir, on
227 ercles d’amis » pour officiers et sous-officiers. L’ officier suisse est, dans la plupart des cas, un civil, comme tout le
228 art des cas, un civil, comme tout le monde. Entre les manœuvres annuelles, il consacre quelques heures par semaine à ses de
229 voirs militaires. Un capitaine, par exemple, dans la vie civile, surveille sa compagnie : il sait toujours où ses hommes h
230 pagnie : il sait toujours où ses hommes habitent. L’ habitude veut qu’ils lui envoient leurs bons vœux de Nouvel An, auxque
231 ont vers lui pour lui demander un conseil ou pour les aider à trouver du travail. Tous le considèrent comme le chef d’une f
232 seil ou pour les aider à trouver du travail. Tous le considèrent comme le chef d’une famille de 200 hommes. Le Haut-Comman
233 r à trouver du travail. Tous le considèrent comme le chef d’une famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de l’armée en
234 dèrent comme le chef d’une famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de l’armée en Suisse a prévu dès 1930 déjà, que la
235 ne famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de l’ armée en Suisse a prévu dès 1930 déjà, que la prochaine guerre ne sera
236 t de l’armée en Suisse a prévu dès 1930 déjà, que la prochaine guerre ne serait pas une guerre de « fronts », et qu’une dé
237 locale et soigneusement équipés. C’est ainsi que les Suisses retournent à leur ancienne tradition de faire la guerre. Chaq
238 ses retournent à leur ancienne tradition de faire la guerre. Chaque canton a son propre système de défense, selon sa topog
239 armée surgissent en certains points pour défendre les profondes vallées et pour barrer le paysage des gorges étroites. Si l
240 our défendre les profondes vallées et pour barrer le paysage des gorges étroites. Si l’ennemi est trop puissant, des renfo
241 et pour barrer le paysage des gorges étroites. Si l’ ennemi est trop puissant, des renforcements sont demandés aux voisins,
242 ivant des plans préétablis. Nous trouvons ainsi à la base de l’organisation militaire, les mêmes facteurs qui déterminent
243 lans préétablis. Nous trouvons ainsi à la base de l’ organisation militaire, les mêmes facteurs qui déterminent la structur
244 vons ainsi à la base de l’organisation militaire, les mêmes facteurs qui déterminent la structure politique du pays : auton
245 ion militaire, les mêmes facteurs qui déterminent la structure politique du pays : autonomie locale et entraide. La moitié
246 politique du pays : autonomie locale et entraide. La moitié de l’armée est composée de divisions mobiles régulières. Le re
247 pays : autonomie locale et entraide. La moitié de l’ armée est composée de divisions mobiles régulières. Le reste consiste
248 mée est composée de divisions mobiles régulières. Le reste consiste en garnisons et en forts pour défendre les principaux
249 e consiste en garnisons et en forts pour défendre les principaux passages des Alpes. Ce sont des brigades de montagne, cons
250 ne, constituées par des spécialistes du ski et de l’ alpinisme, et des brigades indépendantes pour défendre les frontières.
251 isme, et des brigades indépendantes pour défendre les frontières. Ces troupes de couverture connaissent les positions prépa
252 frontières. Ces troupes de couverture connaissent les positions préparées à la frontière, parce qu’elles les ont fortifiées
253 couverture connaissent les positions préparées à la frontière, parce qu’elles les ont fortifiées de leurs propres mains.
254 ositions préparées à la frontière, parce qu’elles les ont fortifiées de leurs propres mains. À la première alerte, les homm
255 arce qu’elles les ont fortifiées de leurs propres mains . À la première alerte, les hommes endossent leurs uniformes et vont à
256 ées de leurs propres mains. À la première alerte, les hommes endossent leurs uniformes et vont à leurs postes. Les machines
257 endossent leurs uniformes et vont à leurs postes. Les machines et les canons anti-tanks sont prêts. Les magasins de munitio
258 uniformes et vont à leurs postes. Les machines et les canons anti-tanks sont prêts. Les magasins de munitions et de vivres
259 Les machines et les canons anti-tanks sont prêts. Les magasins de munitions et de vivres ont été cachés dans les rochers. E
260 ins de munitions et de vivres ont été cachés dans les rochers. En 1939, la disposition de ces troupes de couverture, qui pr
261 vivres ont été cachés dans les rochers. En 1939, la disposition de ces troupes de couverture, qui précéda la mobilisation
262 osition de ces troupes de couverture, qui précéda la mobilisation générale de cinq jours, se fit en quelques heures, le lo
263 urs, se fit en quelques heures, le long de toutes les frontières de la Suisse. Les gardes-frontière prennent position à que
264 lques heures, le long de toutes les frontières de la Suisse. Les gardes-frontière prennent position à quelques kilomètres
265 s, le long de toutes les frontières de la Suisse. Les gardes-frontière prennent position à quelques kilomètres de leurs pro
266 amp, à 3000 pieds au-dessous, et parfois attraper le clair reflet d’une robe d’été et imaginer qu’il reconnaissait ses enf
267 ssait ses enfants. De telles choses comptent dans la guerre. Mais une petite armée peut-elle défendre avec succès un pays
268 guerre. Mais une petite armée peut-elle défendre avec succès un pays contre un adversaire cinquante fois mieux équipé ? Le
269 Le premier acte du « blitzkrieg » est d’empêcher la mobilisation du pays que l’on veut envahir. Les partenaires de l’Axe
270 rieg » est d’empêcher la mobilisation du pays que l’ on veut envahir. Les partenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres
271 er la mobilisation du pays que l’on veut envahir. Les partenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres de l’air et désorgan
272 du pays que l’on veut envahir. Les partenaires de l’ Axe peuvent devenir les maîtres de l’air et désorganiser les communica
273 envahir. Les partenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres de l’air et désorganiser les communications ferroviaires. Mai
274 rtenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres de l’ air et désorganiser les communications ferroviaires. Mais l’armée suis
275 vent devenir les maîtres de l’air et désorganiser les communications ferroviaires. Mais l’armée suisse a été mobilisée depu
276 ésorganiser les communications ferroviaires. Mais l’ armée suisse a été mobilisée depuis 1939 et les distances sont si peti
277 ais l’armée suisse a été mobilisée depuis 1939 et les distances sont si petites que les troupes peuvent être déplacées sans
278 depuis 1939 et les distances sont si petites que les troupes peuvent être déplacées sans l’aide des voies ferrées. La seco
279 tites que les troupes peuvent être déplacées sans l’ aide des voies ferrées. La seconde phase du « blitzkrieg » est la trou
280 s ferrées. La seconde phase du « blitzkrieg » est la trouée du territoire derrière les lignes. Cela serait-il possible en
281 blitzkrieg » est la trouée du territoire derrière les lignes. Cela serait-il possible en Suisse ? Il y a autant de centres
282 y a de défilés et de montagnes. Chaque village de la Suisse est devenu un fort, ses entrées fermées par des barricades et
283 n fort, ses entrées fermées par des barricades et les maisons transformées en des forteresses en miniature. Vous ouvrez la
284 mées en des forteresses en miniature. Vous ouvrez la porte de quelque grenier et vous vous trouvez en face d’un canon anti
285 motorisées pourrait seulement se faire en évitant les villages et en passant à travers les forêts ou les pâturages. Mais le
286 e en évitant les villages et en passant à travers les forêts ou les pâturages. Mais les routes sont minées. Les fleuves, le
287 es villages et en passant à travers les forêts ou les pâturages. Mais les routes sont minées. Les fleuves, les vallées et l
288 ssant à travers les forêts ou les pâturages. Mais les routes sont minées. Les fleuves, les vallées et les gorges sont proté
289 ts ou les pâturages. Mais les routes sont minées. Les fleuves, les vallées et les gorges sont protégés par des canons caché
290 urages. Mais les routes sont minées. Les fleuves, les vallées et les gorges sont protégés par des canons cachés dans les pa
291 s routes sont minées. Les fleuves, les vallées et les gorges sont protégés par des canons cachés dans les parois rocheuses.
292 s gorges sont protégés par des canons cachés dans les parois rocheuses. Dans chaque « compartiment » du territoire suisse,
293 ans chaque « compartiment » du territoire suisse, l’ ennemi aurait à développer une attaque en règle. Il ne serait nullemen
294 ullement question d’avancer rapidement comme dans les plaines de Flandre ou en Pologne. Les deux premières années de la vic
295 comme dans les plaines de Flandre ou en Pologne. Les deux premières années de la victoire allemande ont renforcé la volont
296 andre ou en Pologne. Les deux premières années de la victoire allemande ont renforcé la volonté des Suisses de se défendre
297 ères années de la victoire allemande ont renforcé la volonté des Suisses de se défendre. Le contact entre les hommes et le
298 t renforcé la volonté des Suisses de se défendre. Le contact entre les hommes et le sol, entre l’armée et le peuple, entre
299 onté des Suisses de se défendre. Le contact entre les hommes et le sol, entre l’armée et le peuple, entre le présent et les
300 es de se défendre. Le contact entre les hommes et le sol, entre l’armée et le peuple, entre le présent et les traditions h
301 dre. Le contact entre les hommes et le sol, entre l’ armée et le peuple, entre le présent et les traditions historiques, s’
302 tact entre les hommes et le sol, entre l’armée et le peuple, entre le présent et les traditions historiques, s’est vu raff
303 mmes et le sol, entre l’armée et le peuple, entre le présent et les traditions historiques, s’est vu raffermi par cette lo
304 , entre l’armée et le peuple, entre le présent et les traditions historiques, s’est vu raffermi par cette longue période de
305 affermi par cette longue période de mobilisation. La Suisse fut épargnée au printemps 1940 uniquement parce que ses voisin
306 ler », et parce qu’il était celui qui a, dans ses mains , le Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’Allemagne et l’Italie se font
307 et parce qu’il était celui qui a, dans ses mains, le Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’Allemagne et l’Italie se font par
308 il était celui qui a, dans ses mains, le Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’Allemagne et l’Italie se font par le Gothard o
309 s ses mains, le Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’ Allemagne et l’Italie se font par le Gothard ou le Simplon. Ces tunnel
310 Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’Allemagne et l’ Italie se font par le Gothard ou le Simplon. Ces tunnels sont puissamm
311 trafic entre l’Allemagne et l’Italie se font par le Gothard ou le Simplon. Ces tunnels sont puissamment minés. Beaucoup d
312 l’Allemagne et l’Italie se font par le Gothard ou le Simplon. Ces tunnels sont puissamment minés. Beaucoup d’hommes ont ju
313 puissamment minés. Beaucoup d’hommes ont juré de les faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe le sait, l’Axe connaî
314 de les faire sauter au premier signe d’invasion. L’ Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne d
315 s faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne du Goth
316 auter au premier signe d’invasion. L’Axe le sait, l’ Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne du Gothard a été
317 ne d’invasion. L’Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne du Gothard a été déclarée comme lign
318 t, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne du Gothard a été déclarée comme ligne de retraite nationale. Ce
319 ligne de retraite nationale. Certaines unités de l’ armée doivent ralentir la pénétration des frontières, d’autres doivent
320 ale. Certaines unités de l’armée doivent ralentir la pénétration des frontières, d’autres doivent défendre les vallées par
321 tration des frontières, d’autres doivent défendre les vallées partant du Gothard. Les Suisses pourraient tenir, sans espére
322 doivent défendre les vallées partant du Gothard. Les Suisses pourraient tenir, sans espérer toutefois une victoire, mais i
323 utefois une victoire, mais ils sauveront du moins l’ honneur du pays. Des extraits d’un récent discours prononcé à Berne pa
324 ne par un colonel, devant un grand public, montre l’ état d’esprit actuel de la Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui ne
325 un grand public, montre l’état d’esprit actuel de la Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui ne questionne jamais pour ce
326 lic, montre l’état d’esprit actuel de la Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui ne questionne jamais pour ce qui a trait
327 ui qui ne questionne jamais pour ce qui a trait à la défense du sol quand cela est raisonnable. À ceux qui demandent : « P
328 : « Pourquoi ces sacrifices ? », il répond : « Ni la famine, ni la guerre, ni l’exil ne pourront être évités si nous gémis
329 es sacrifices ? », il répond : « Ni la famine, ni la guerre, ni l’exil ne pourront être évités si nous gémissons sans lutt
330 ? », il répond : « Ni la famine, ni la guerre, ni l’ exil ne pourront être évités si nous gémissons sans lutter. » La liber
331 ront être évités si nous gémissons sans lutter. » La liberté individuelle ne pourra survivre dans un État qui ne défend pa
332 n ou de perte, il y a des valeurs morales. Il y a l’ idée fédéraliste que nous devons conserver comme un héritage à nos des
333 adoré comme un Dieu. c. Rougemont Denis de, «  La leçon de l’armée suisse », Journal suisse d’Égypte et du Proche-Orien
334 un Dieu. c. Rougemont Denis de, « La leçon de l’ armée suisse », Journal suisse d’Égypte et du Proche-Orient, Alexandri
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
335 rare vigilantis est. Sénèque En pleine polémique avec le mystère, il arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’amo
336 vigilantis est. Sénèque En pleine polémique avec le mystère, il arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’amour
337 arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’ amour une ou plusieurs définitions. Ah ! puissions-nous aimer l’amour
338 plusieurs définitions. Ah ! puissions-nous aimer l’ amour assez pour ne jamais avoir recours à ces remèdes, car définir l’
339 e jamais avoir recours à ces remèdes, car définir l’ amour ce n’est point le connaître, mais limiter sa part dans notre vie
340 à ces remèdes, car définir l’amour ce n’est point le connaître, mais limiter sa part dans notre vie, et nul amour ne peut
341 . Mais il est une manière imaginable de parler de l’ amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de phrases où l’i
342  : c’est de former quelques rythmes de phrases où l’ indicible jette par moments une espèce d’émotion ou de gêne, non qu’il
343 uveraine est annoncée par certain frémissement de l’ assemblée des mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute éloque
344 ain frémissement de l’assemblée des mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute éloquence est amoureuse, excitée par
345 sement de l’assemblée des mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute éloquence est amoureuse, excitée par l’amour q
346 oche. Toute éloquence est amoureuse, excitée par l’ amour qui la rend fleurissante. Mais l’amour même est chose du silence
347 éloquence est amoureuse, excitée par l’amour qui la rend fleurissante. Mais l’amour même est chose du silence. Cela dont
348 xcitée par l’amour qui la rend fleurissante. Mais l’ amour même est chose du silence. Cela dont je ne puis parler sans l’of
349 hose du silence. Cela dont je ne puis parler sans l’ offenser dans sa grandeur, c’est ce qui m’enflamme à parler. Rien ne p
350 qui m’enflamme à parler. Rien ne peut être dit de l’ amour même, mais rien non plus n’est dit que par l’amour, si toutefois
351 ’amour même, mais rien non plus n’est dit que par l’ amour, si toutefois quelque chose est vraiment dite. La Fable nous app
352 ur, si toutefois quelque chose est vraiment dite. La Fable nous apprend à sa manière que l’amour est le lieu d’un mutisme
353 ment dite. La Fable nous apprend à sa manière que l’ amour est le lieu d’un mutisme sacré. Angérone, déesse du Silence : on
354 a Fable nous apprend à sa manière que l’amour est le lieu d’un mutisme sacré. Angérone, déesse du Silence : on croit qu’el
355 u Silence : on croit qu’elle avait sa statue dans le temple de la Volupté. Et certains pensent qu’elle est la même que la
356 n croit qu’elle avait sa statue dans le temple de la Volupté. Et certains pensent qu’elle est la même que la déesse Volupi
357 statue dans le temple de la Volupté. Et certains pensent qu’elle est la même que la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentou
358 le de la Volupté. Et certains pensent qu’elle est la même que la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours de ce colloq
359 upté. Et certains pensent qu’elle est la même que la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours de ce colloque. La Volu
360 ie. Promenons-nous aux alentours de ce colloque. La Volupté n’est pas le plaisir même, mais l’imagination active du désir
361 x alentours de ce colloque. La Volupté n’est pas le plaisir même, mais l’imagination active du désir qui lentement s’appr
362 oque. La Volupté n’est pas le plaisir même, mais l’ imagination active du désir qui lentement s’approche de son terme. Qua
363 ésir qui lentement s’approche de son terme. Quand le désir s’empare d’un homme, il arrive qu’il le rende muet. Il arrive m
364 and le désir s’empare d’un homme, il arrive qu’il le rende muet. Il arrive même que le désir se manifeste tout d’abord par
365 il arrive qu’il le rende muet. Il arrive même que le désir se manifeste tout d’abord par ce mutisme. À tel point que l’hom
366 este tout d’abord par ce mutisme. À tel point que l’ homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esp
367 ce mutisme. À tel point que l’homme ne retrouvera l’ usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volu
368 À tel point que l’homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté serait
369 que l’homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’ avec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté serait un phénomène an
370 ’homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté serait un phénomène analo
371 vera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où l’ esprit se libère. La volupté serait un phénomène analogue à celui de l
372 arole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté serait un phénomène analogue à celui de l’hypnose : un état d
373 a volupté serait un phénomène analogue à celui de l’ hypnose : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des fa
374 nomène analogue à celui de l’hypnose : un état de l’ âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet un
375 gue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou de l’ esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet unique et dans
376 se : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet unique et dans une seule pensée — l’
377 s vers un objet unique et dans une seule pensée — l’ identification, par la conquête chez l’un, par l’abandon chez l’autre.
378 et dans une seule pensée — l’identification, par la conquête chez l’un, par l’abandon chez l’autre. Que cette hypnose soi
379 l’identification, par la conquête chez l’un, par l’ abandon chez l’autre. Que cette hypnose soit en quelque mesure — celle
380 e cette hypnose soit en quelque mesure — celle de l’ esprit — indépendante de l’instinct, c’est ce qu’induisent à supposer
381 lque mesure — celle de l’esprit — indépendante de l’ instinct, c’est ce qu’induisent à supposer les deux observations suiva
382 e de l’instinct, c’est ce qu’induisent à supposer les deux observations suivantes : l’extrême concentration de l’attention
383 sent à supposer les deux observations suivantes : l’ extrême concentration de l’attention sur un objet non corporel, œuvre
384 servations suivantes : l’extrême concentration de l’ attention sur un objet non corporel, œuvre d’art ou pensée d’un ordre
385 ficile, peut échouer comme par court-circuit dans le plaisir ; tandis qu’un débauché vulgaire gémit d’avoir perdu la volup
386 andis qu’un débauché vulgaire gémit d’avoir perdu la volupté. L’homme du désir : il ne peut aimer qu’indéfiniment. Il n’a
387 ébauché vulgaire gémit d’avoir perdu la volupté. L’ homme du désir : il ne peut aimer qu’indéfiniment. Il n’aime que cela 
388 yeux. (Certaines heures, soirs, aubes, passages.) L’ ivresse naissante des amants, c’est le silence qui s’établit entre eux
389 passages.) L’ivresse naissante des amants, c’est le silence qui s’établit entre eux. L’approche des yeux, dès qu’ils ont
390 amants, c’est le silence qui s’établit entre eux. L’ approche des yeux, dès qu’ils ont accepté tout le regard de l’autre :
391 L’approche des yeux, dès qu’ils ont accepté tout le regard de l’autre : sentiment comparable au vertige. Le jugement peut
392 ard de l’autre : sentiment comparable au vertige. Le jugement peut rester libre, mais il semble que l’âme s’extériorise et
393 Le jugement peut rester libre, mais il semble que l’ âme s’extériorise et tombe sans fin dans le regard unique. Durant cert
394 le que l’âme s’extériorise et tombe sans fin dans le regard unique. Durant certaines secondes, elle dépasse le temps, s’ap
395 d unique. Durant certaines secondes, elle dépasse le temps, s’approche des bords d’une immobilité sans fond où elle se pen
396 s lentement mouvantes, — un seul œil par où toute l’ âme regarde et supplie avec une impérieuse tendresse. De plus près enc
397 un seul œil par où toute l’âme regarde et supplie avec une impérieuse tendresse. De plus près encore, l’œil vient à perdre t
398 ec une impérieuse tendresse. De plus près encore, l’ œil vient à perdre toute expression, regard absolu de l’angoisse. Si l
399 vient à perdre toute expression, regard absolu de l’ angoisse. Si l’un s’écarte à ce moment, les voici vacillants comme hor
400 solu de l’angoisse. Si l’un s’écarte à ce moment, les voici vacillants comme hors d’eux-mêmes. Alors il lui saisit la tête
401 lants comme hors d’eux-mêmes. Alors il lui saisit la tête entre ses bras, et la contemple. Et il la nomme dans sa pensée,
402 s. Alors il lui saisit la tête entre ses bras, et la contemple. Et il la nomme dans sa pensée, comme s’il doutait… Adolesc
403 it la tête entre ses bras, et la contemple. Et il la nomme dans sa pensée, comme s’il doutait… Adolescence ! Le charme du
404 ans sa pensée, comme s’il doutait… Adolescence ! Le charme du désir est celui du silence : il éloigne sans fin le terme.
405 désir est celui du silence : il éloigne sans fin le terme. Tu n’entends que ce qui s’interrompt. Tu ne sais rien que tu n
406 u ne sais rien que tu ne perdes. Car ce n’est pas le savoir que tu veux, mais la divine connaissance du présent. Or cette
407 des. Car ce n’est pas le savoir que tu veux, mais la divine connaissance du présent. Or cette connaissance est interdite.
408 nt. Or cette connaissance est interdite. Et c’est l’ approche du viol de l’interdit qui impose aux amants leur silence, fas
409 nce est interdite. Et c’est l’approche du viol de l’ interdit qui impose aux amants leur silence, fascination de l’horreur
410 ui impose aux amants leur silence, fascination de l’ horreur sacrée, attirance de l’effroi mortel. Dans le silence du désir
411 ce, fascination de l’horreur sacrée, attirance de l’ effroi mortel. Dans le silence du désir, la possession a fait une brus
412 orreur sacrée, attirance de l’effroi mortel. Dans le silence du désir, la possession a fait une brusque rumeur de vagues a
413 nce de l’effroi mortel. Dans le silence du désir, la possession a fait une brusque rumeur de vagues affrontées et hostiles
414 eur de vagues affrontées et hostiles. Maintenant, l’ onde lisse et basse d’un temps nouveau nous environne. Ceux qui n’aime
415 s nouveau nous environne. Ceux qui n’aiment point la femme qu’ils viennent de posséder, leur silence meurt à cette minute
416 avardent. Tristesse platonicienne C’est dans l’ accomplissement du plus violent amour qu’il nous est accordé de concev
417 ous est accordé de concevoir un absolu, mais sous la forme de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance
418 rdé de concevoir un absolu, mais sous la forme de l’ inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance du désir, su
419 sous la forme de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance du désir, sur la solitude égarée du couple, É
420 de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance du désir, sur la solitude égarée du couple, Éros pose en co
421 s enfin les limites de la puissance du désir, sur la solitude égarée du couple, Éros pose en couronne un désespoir glacial
422 âmes ? Deux corps s’endorment dans leur paix, et l’ être enfin comblé ne sait plus où se prendre. Il se ramène en soi, se
423 ne en soi, se divise en ses ombres. Ainsi passent les heures d’avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorpho
424 e en ses ombres. Ainsi passent les heures d’avant l’ aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorphoses indicibles. Lu
425 es. Ainsi passent les heures d’avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorphoses indicibles. Lui s’éveille p
426 les heures d’avant l’aube, dans le dépaysement de l’ âme et les métamorphoses indicibles. Lui s’éveille parfois tout à fait
427 s d’avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorphoses indicibles. Lui s’éveille parfois tout à fait, et ses y
428 i s’éveille parfois tout à fait, et ses yeux dans le noir imaginent. Une étreinte qui s’égalerait à l’Infini. Se fondre en
429 le noir imaginent. Une étreinte qui s’égalerait à l’ Infini. Se fondre en un seul être, mais que cet être accède ensuite au
430 e au commerce de ses semblables, qu’à son tour il les aime, les possède ! Ainsi par une suite de vertiges, multipliant la s
431 rce de ses semblables, qu’à son tour il les aime, les possède ! Ainsi par une suite de vertiges, multipliant la splendeur a
432 de ! Ainsi par une suite de vertiges, multipliant la splendeur amoureuse, par mille étreintes successives il s’élève à la
433 use, par mille étreintes successives il s’élève à la jouissance imaginaire et désespérément consciente de l’Être. L’aube p
434 issance imaginaire et désespérément consciente de l’ Être. L’aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme
435 imaginaire et désespérément consciente de l’Être. L’ aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’un reg
436 désespérément consciente de l’Être. L’aube point. L’ esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’un regard. Un corps
437 de l’Être. L’aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’un regard. Un corps auprès du mien respire, m
438 aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’un regard. Un corps auprès du mien respire, mémoire pesante
439 corps auprès du mien respire, mémoire pesante de l’ incommensurable nuit. Nous n’irons pas au-delà de nous-mêmes. Mais dan
440 au-delà de nous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’ étreinte, n’est-ce point le souvenir du seul désert que désormais nous
441 dans cette défaite de l’étreinte, n’est-ce point le souvenir du seul désert que désormais nous chercherons ? Au terme de
442 sert que désormais nous chercherons ? Au terme de la fuite, nous ne toucherons jamais qu’un impossible fascinant. Et nous
443 possible fascinant. Et nous vivrons dès lors dans le vertige de nous détruire au contact de cet infini, plus puissant que
444 ruire au contact de cet infini, plus puissant que la joie et la douleur. Dans le vertige de revenir toucher cet absolu, se
445 ntact de cet infini, plus puissant que la joie et la douleur. Dans le vertige de revenir toucher cet absolu, sensible à ce
446 ni, plus puissant que la joie et la douleur. Dans le vertige de revenir toucher cet absolu, sensible à celui seul qui l’ép
447 nir toucher cet absolu, sensible à celui seul qui l’ éprouve jusqu’à l’épouvante : l’être que nous formons au sommet de l’a
448 solu, sensible à celui seul qui l’éprouve jusqu’à l’ épouvante : l’être que nous formons au sommet de l’amour, et qui meurt
449 à celui seul qui l’éprouve jusqu’à l’épouvante : l’ être que nous formons au sommet de l’amour, et qui meurt à l’instant o
450 ’épouvante : l’être que nous formons au sommet de l’ amour, et qui meurt à l’instant où il naît. Tout notre platonisme éch
451 nt où il naît. Tout notre platonisme échoue dans l’ instant de l’étreinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change de sig
452 . Tout notre platonisme échoue dans l’instant de l’ étreinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change de signe. On voit s
453 choue dans l’instant de l’étreinte dénouée. Alors l’ amour, dirait-on, change de signe. On voit soudain que le désir était
454 , dirait-on, change de signe. On voit soudain que le désir était le dialogue des corps, tandis que le plaisir est solitair
455 ange de signe. On voit soudain que le désir était le dialogue des corps, tandis que le plaisir est solitaire, instant où l
456 le désir était le dialogue des corps, tandis que le plaisir est solitaire, instant où les amants sont le plus séparés, ar
457 , tandis que le plaisir est solitaire, instant où les amants sont le plus séparés, arrachés, retirés en soi. Alors paraisse
458 plaisir est solitaire, instant où les amants sont le plus séparés, arrachés, retirés en soi. Alors paraissent la conscienc
459 parés, arrachés, retirés en soi. Alors paraissent la conscience, et le sérieux, et la réalité des vies au jour. Nous somme
460 etirés en soi. Alors paraissent la conscience, et le sérieux, et la réalité des vies au jour. Nous sommes deux. Il n’y a
461 Alors paraissent la conscience, et le sérieux, et la réalité des vies au jour. Nous sommes deux. Il n’y a que deux philos
462 ue deux philosophies : celle du désir et celle de l’ acte ; ou encore, il n’y a que deux doctrines : celle du silence et ce
463 que deux doctrines : celle du silence et celle de la parole. La négation du désir amoureux par l’acte même qui l’accomplit
464 ctrines : celle du silence et celle de la parole. La négation du désir amoureux par l’acte même qui l’accomplit, c’est le
465 e de la parole. La négation du désir amoureux par l’ acte même qui l’accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’inf
466 La négation du désir amoureux par l’acte même qui l’ accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’infinie contradicti
467 r amoureux par l’acte même qui l’accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’infinie contradiction que nous souffro
468 ’accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’ infinie contradiction que nous souffrons. Le désir divinise, l’acte re
469 l, de l’infinie contradiction que nous souffrons. Le désir divinise, l’acte rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil d
470 tradiction que nous souffrons. Le désir divinise, l’ acte rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera
471 nous souffrons. Le désir divinise, l’acte rend à l’ humain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera notre tâche sé
472 frons. Le désir divinise, l’acte rend à l’humain. L’ amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera notre tâche sérieuse. Qu
473 e rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’ amour qui sera notre tâche sérieuse. Quittons ce temple où dorment deu
474 tons ce temple où dorment deux idoles, et parlons le langage du Jour. d. Rougemont Denis de, « Angérone », VVV, New Yo
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
475 La gloire (mars 1943)e (Nous le connaissions un peu, et pensions le c
476 La gloire (mars 1943)e (Nous le connaissions un peu, et pensions le connaître. La lecture de ses papi
477 (mars 1943)e (Nous le connaissions un peu, et pensions le connaître. La lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien
478 43)e (Nous le connaissions un peu, et pensions le connaître. La lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien di
479 le connaissions un peu, et pensions le connaître. La lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien différent. Il fa
480 nnaître. La lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien différent. Il fallait certes s’y attendre, et pourtant l’
481 rent. Il fallait certes s’y attendre, et pourtant l’ on demeure surpris. C’est que tout, dans ses livres, — surtout les plu
482 rpris. C’est que tout, dans ses livres, — surtout les plus sincères — semblait exclure les préoccupations que trahit son jo
483 s, — surtout les plus sincères — semblait exclure les préoccupations que trahit son journal intime. Peut-être le secret d’u
484 upations que trahit son journal intime. Peut-être le secret d’une différence aussi curieuse est-il caché dans les passages
485 d’une différence aussi curieuse est-il caché dans les passages de ces cahiers que nous allons transcrire ici. De ces fragme
486 anscrire ici. De ces fragments de dates diverses, l’ on ne verra point se dégager de conclusions tout à fait claires : il y
487 attitude aussi profondément ambiguë, vis-à-vis de la gloire, n’est pas sans entretenir les plus curieux malentendus entre
488 vis-à-vis de la gloire, n’est pas sans entretenir les plus curieux malentendus entre un auteur et ses lecteurs. Or il se pe
489 auteur et ses lecteurs. Or il se peut que ce soit l’ attitude de la plupart des écrivains modernes.) J’ai vécu pour la glo
490 plupart des écrivains modernes.) J’ai vécu pour la gloire — dit le prince André — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’es
491 ivains modernes.) J’ai vécu pour la gloire — dit le prince André — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’est aussi l’amour
492 a gloire — dit le prince André — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir de lui être u
493 é — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’est aussi l’ amour du prochain, le désir de lui être utile et de mériter ses louang
494 la gloire, si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir de lui être utile et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu p
495 et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour les autres, et mon existence est perdue, perdue sans retour ; depuis que
496 is pour moi, je vis pour moi, je suis plus calme… Les autres, c’est le prochain, comme la princesse Marie et toi vous l’app
497 s pour moi, je suis plus calme… Les autres, c’est le prochain, comme la princesse Marie et toi vous l’appelez, le prochain
498 plus calme… Les autres, c’est le prochain, comme la princesse Marie et toi vous l’appelez, le prochain, cette grande sour
499 le prochain, comme la princesse Marie et toi vous l’ appelez, le prochain, cette grande source d’iniquité et de mal ! Le pr
500 , comme la princesse Marie et toi vous l’appelez, le prochain, cette grande source d’iniquité et de mal ! Le prochain, le
501 chain, cette grande source d’iniquité et de mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves de co
502 grande source d’iniquité et de mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bien
503 uité et de mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. (Tolstoï, La G
504 , que tu rêves de combler de bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et la Paix.) Cette page m’avait séduit par sa mauvaise humeur
505 s de combler de bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et la Paix.) Cette page m’avait séduit par sa mauvaise humeur. En la copia
506 te page m’avait séduit par sa mauvaise humeur. En la copiant, je n’y vois plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’est pas
507 la copiant, je n’y vois plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’est pas l’amour mais au contraire le mépris du prochain.
508 plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’est pas l’ amour mais au contraire le mépris du prochain. Le Prince André n’a pas
509 la gloire, ce n’est pas l’amour mais au contraire le mépris du prochain. Le Prince André n’a pas trouvé de prochains, car
510 l’amour mais au contraire le mépris du prochain. Le Prince André n’a pas trouvé de prochains, car il n’a cherché qu’un pu
511 prochains, car il n’a cherché qu’un public. C’est le public qui donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le flatt
512 a cherché qu’un public. C’est le public qui donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le flatter. Tandis que la pr
513 . C’est le public qui donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le flatter. Tandis que la princesse Marie, qui a v
514 donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le flatter. Tandis que la princesse Marie, qui a vraiment aimé son proch
515 qui le méprise assez pour le flatter. Tandis que la princesse Marie, qui a vraiment aimé son prochain, n’en n’a pas reçu
516 reçu de gloire et n’en demandait point. Aussi ne pense-t -elle pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin d’un concert trio
517 se-t-elle pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin d’un concert triomphal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je su
518 phal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je suis le serviteur du public, cela va sans dire. » C’est à cela qu’on donne la
519 ic, cela va sans dire. » C’est à cela qu’on donne la gloire. Et ceux qui ne la briguent point risquent fort de se rendre a
520 ’est à cela qu’on donne la gloire. Et ceux qui ne la briguent point risquent fort de se rendre antipathiques. Jamais la fo
521 risquent fort de se rendre antipathiques. Jamais la foule n’a jugé ridicule que l’on affiche un amour de la gloire même e
522 ipathiques. Jamais la foule n’a jugé ridicule que l’ on affiche un amour de la gloire même excessif pour le talent qu’on a.
523 le n’a jugé ridicule que l’on affiche un amour de la gloire même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne tient pour g
524 affiche un amour de la gloire même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne tient pour glorieux que ceux qui prennent
525 e la gloire même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne tient pour glorieux que ceux qui prennent le soin de parler
526 in de parler de leur gloire. Chateaubriand eut de la gloire, mais non Stendhal. Madame de Staël en eut, mais non Constant
527 onstant (comme écrivain). Or personne ne lit plus Les Martyrs ni Corinne, et tout le monde croit aimer La Chartreuse et Ado
528 Martyrs ni Corinne, et tout le monde croit aimer La Chartreuse et Adolphe. Mais ce jugement sur le talent, changé du tout
529 er La Chartreuse et Adolphe. Mais ce jugement sur le talent, changé du tout, n’entraîne pas que l’on change le jugement su
530 sur le talent, changé du tout, n’entraîne pas que l’ on change le jugement sur la gloire. La gloire est donc un mythe : j’e
531 t, changé du tout, n’entraîne pas que l’on change le jugement sur la gloire. La gloire est donc un mythe : j’entends que s
532 t, n’entraîne pas que l’on change le jugement sur la gloire. La gloire est donc un mythe : j’entends que son pouvoir et sa
533 ne pas que l’on change le jugement sur la gloire. La gloire est donc un mythe : j’entends que son pouvoir et sa grandeur n
534 est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui la lui prête parce que d’abord l’auteur s’y est prêté. Quant à moi, je s
535 mais au public qui la lui prête parce que d’abord l’ auteur s’y est prêté. Quant à moi, je suis trop égoïste pour me laisse
536 oint tel que me désire leur goût sentimental de «  l’ Art ». Mais comme tout se complique et se retourne ! Celui qui veut la
537 tout se complique et se retourne ! Celui qui veut la gloire, est-ce qu’il manquerait d’orgueil ? Serait-il plus humble que
538 it d’orgueil ? Serait-il plus humble que moi ? Et l’ orgueilleux que je suis, ne donne-t-il pas une preuve d’amour à son au
539 geant d’elle plus de noblesse ? Dire : je néglige la gloire, c’est dire : je vous néglige, vous qui donnez la gloire pour
540 re, c’est dire : je vous néglige, vous qui donnez la gloire pour prix d’une complaisance. Mais c’est dire aussi : je vous
541 vulgaires que vous n’êtes. Celui qui ne veut pas la gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’
542 n’êtes. Celui qui ne veut pas la gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut la gloire te
543 pas la gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul serait c
544 ne foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul serait capable de se la décerner ? L’idée
545 la gloire telle que lui seul serait capable de se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Ren
546 que lui seul serait capable de se la décerner ? L’ idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glori
547 it capable de se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui qui
548 ’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui qui s’affirme en différant, bien plus
549 différant, bien plus qu’en excellant. C’est donc l’ individu qui se distingue, — n’importe où. (Crimes commis pour s’acqué
550 e, — n’importe où. (Crimes commis pour s’acquérir la gloire, fréquents dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloi
551 commis pour s’acquérir la gloire, fréquents dans l’ Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte
552 gloire, fréquents dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte de maladie du sens social
553 uents dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le co
554 c né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’
555 de maladie du sens social. C’est le contraire de l’ amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’a plus souci ni
556 ocial. C’est le contraire de l’amour du prochain. L’ individu qui cherche la gloire n’a plus souci ni même conscience du vo
557 re de l’amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’a plus souci ni même conscience du voisin qu’il pourrait aid
558 conscience du voisin qu’il pourrait aider (c’est le prochain), mais seulement du voisin qu’il peut utiliser. Il cherche d
559 rateurs, des confirmateurs de son être. C’est que l’ acte de s’écarter d’une communion ou d’une communauté, écarte aussi de
560 nion ou d’une communauté, écarte aussi de soi, et l’ on éprouve alors le besoin de se faire confirmer. Un homme en communio
561 nauté, écarte aussi de soi, et l’on éprouve alors le besoin de se faire confirmer. Un homme en communion active avec les h
562 se faire confirmer. Un homme en communion active avec les hommes qui l’entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. C
563 aire confirmer. Un homme en communion active avec les hommes qui l’entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car l
564 Un homme en communion active avec les hommes qui l’ entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire est c
565 mes qui l’entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait l’excell
566 rent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait l’excellence, à son ran
567 la gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait l’ excellence, à son rang et selon ses astres. Ainsi les héros et les roi
568 excellence, à son rang et selon ses astres. Ainsi les héros et les rois sont les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne d
569 son rang et selon ses astres. Ainsi les héros et les rois sont les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien
570 elon ses astres. Ainsi les héros et les rois sont les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien. Et ce qu’ils
571 e demandent rien. Et ce qu’ils donnent fait toute la renommée du peuple. (Aujourd’hui c’est l’inverse qu’on observe ; c’es
572 t toute la renommée du peuple. (Aujourd’hui c’est l’ inverse qu’on observe ; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire
573 ’est l’inverse qu’on observe ; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique était virile,
574 on observe ; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Ale
575 ue donne la foule qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Alexandre exemplaire, plus
576 ’un homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Alexandre exemplaire, plus beau que tous, plus fort et plus heur
577 bassesse chez d’Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté de son œuvre, que s’est constituée sa gloire.) Et cependant, j
578 rer une gloire qui ne m’ennuierait pas. Non point la leur, mais celle que je pourrais rejoindre, telle que je la connais d
579 ais celle que je pourrais rejoindre, telle que je la connais depuis toujours, moi seul. Un dieu n’a pas besoin d’adorateur
580 ner et se réjouir de son être. Oui, c’est bien là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que l’incognito ?
581 re. Oui, c’est bien là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a
582 ège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que l’ incognito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas
583 ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’inv
584  ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne sera
585 quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne serait-ce pas aus
586 le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’ inverse. Mais ne serait-ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son i
587 à peu près l’inverse. Mais ne serait-ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son incognito en se donnant l’air, préciséme
588 lleur moyen de sauver son incognito en se donnant l’ air, précisément, d’y renoncer ? Autre avantage de la gloire : elle co
589 ir, précisément, d’y renoncer ? Autre avantage de la gloire : elle confère le droit d’être banal. Tant pis si beaucoup en
590 ncer ? Autre avantage de la gloire : elle confère le droit d’être banal. Tant pis si beaucoup en abusent… Hypothèse : l’e
591 al. Tant pis si beaucoup en abusent… Hypothèse : l’ expérience intime de la gloire précède toujours sa manifestation. L’a
592 p en abusent… Hypothèse : l’expérience intime de la gloire précède toujours sa manifestation. L’ambitieux ne vaut rien p
593 de la gloire précède toujours sa manifestation. L’ ambitieux ne vaut rien pour la gloire. Il ne peut aboutir qu’au succès
594 sa manifestation. L’ambitieux ne vaut rien pour la gloire. Il ne peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire de la
595 e. Il ne peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’ empire de la comparaison. Beaucoup d’hommes n’imaginent pas qu’on pui
596 t aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire de la comparaison. Beaucoup d’hommes n’imaginent pas qu’on puisse avouer s
597 é, ou bien ils croient que ce serait naïf ; et si l’ on avoue son orgueil, ils croient que c’est par vanité. Je suis homme 
598 tors, orgueilleux, etc. Quel avantage à feindre ? La plus sotte vanité étant assurément d’essayer de faire croire qu’on n’
599 d’essayer de faire croire qu’on n’en a point. Si l’ on condamne sa propre vanité, le mieux pour s’en débarrasser serait d’
600 n’en a point. Si l’on condamne sa propre vanité, le mieux pour s’en débarrasser serait d’en parler ouvertement. Comme un
601 structif et amusant. Je veux ma gloire, et je ne l’ avoue jamais, — je fais le modeste — d’où vient cette pudeur ? Je ne v
602 eux ma gloire, et je ne l’avoue jamais, — je fais le modeste — d’où vient cette pudeur ? Je ne veux pas la gloire pour vou
603 odeste — d’où vient cette pudeur ? Je ne veux pas la gloire pour vous éblouir, vous que j’aime et qui me connaissez. Vous
604 je suis, et si vous appreniez un jour que j’ai de la gloire, que sauriez-vous alors d’essentiel que dès maintenant vous ne
605 e croyez point par vous-mêmes — et je ne veux pas l’ erreur. Ou bien veux-je cette erreur-là ? Certes — mais non comme une
606 je veux cela. Qu’est-ce donc que « gloire », dont la prononciation, pour peu d’emphase que j’y prête, me fait venir les la
607 , pour peu d’emphase que j’y prête, me fait venir les larmes aux yeux ? Gloire et lumière, gloire ou mystère, gloire et mor
608 est ce seuil, et que nous ouvrent, sur quel ciel, les symphonies ? Je n’ose pas dire que je veux être Dieu. Ce serait là, p
609 eux être Dieu. Ce serait là, pourtant, ma vérité, la vérité de mon mensonge. Est-ce à cause que mon nom est : mensonge, qu
610 cause que mon nom est : mensonge, que je voudrais la gloire et ne sais pas pourquoi ? Ou n’ose pas savoir pourquoi… Ce que
611 ue je n’ose pas savoir est angoisse. Angoisse est le nom du secret que je sers sans oser le servir, parce que je sais que
612 goisse est le nom du secret que je sers sans oser le servir, parce que je sais que son nom est mensonge, et que c’est moi
613 out, et tout sera. Ainsi, ô Dieu, délivrez-moi de la gloire ! Mais cette prière m’émeut encore comme la gloire ! 1938
614 a gloire ! Mais cette prière m’émeut encore comme la gloire ! 1938 e. Rougemont Denis de, « La gloire », VVV, New Yor
615 me la gloire ! 1938 e. Rougemont Denis de, «  La gloire », VVV, New York, mars 1943, p. 71-73.
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
616 Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)f g L’ Amérique m’a fait prendre conscience de bien des choses qui allaient d
617 e c’est leur contraire, ici, qui va de soi. Parmi la douzaine de bouquins que j’ai pu emporter de Paris, il y avait le Jou
618 ouquins que j’ai pu emporter de Paris, il y avait le Journal d’André Gide. Chaque fois que j’en relis quelques pages, je s
619 que j’en relis quelques pages, je suis frappé par le souci qu’y montre Gide d’une écriture durable et d’une œuvre d’avenir
620 e et d’une œuvre d’avenir. Il n’accepte de rompre avec une tradition que pour en fonder une nouvelle, qui se révélera sans d
621 e nouvelle, qui se révélera sans doute conforme à la tradition de la langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’inc
622 se révélera sans doute conforme à la tradition de la langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’inclure l’actualité
623 conforme à la tradition de la langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’inclure l’actualité dans un ouvrage, parce
624 à son génie le plus vivace. Gide craint d’inclure l’ actualité dans un ouvrage, parce que c’est elle qui risque de vieillir
625 Ce souci, cette arrière-pensée, sont étrangers à la littérature américaine, trop jeune pour craindre les atteintes du tem
626 littérature américaine, trop jeune pour craindre les atteintes du temps. On n’écrit pas un livre pour qu’il dure, en Améri
627 ur qu’il frappe et qu’il agisse, au maximum, dans le plus court délai. Signe de santé d’une culture. Le journaliste est l’
628 e plus court délai. Signe de santé d’une culture. Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain n’existe pas, remarquai
629 Signe de santé d’une culture. Le journaliste est l’ homme pour qui le lendemain n’existe pas, remarquait encore André Gide
630 ’une culture. Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain n’existe pas, remarquait encore André Gide. Dans ce sens él
631 e. Dans ce sens élargi du mot, mais en retirant à l’ épithète toute qualité dépréciative, on pourrait appeler journalistes
632 n’y verraient, à juste titre, aucun reproche. Car l’ Amérique a fait du journalisme un art par une révolution trop ignorée
633 nalisme un art par une révolution trop ignorée de l’ Europe. Un art qui n’exclut pas une poésie très drue, et qui possède u
634 ue, un « art de persuader » étrangement efficace. La connaissance de ses règles techniques permet de pénétrer certains sec
635 techniques permet de pénétrer certains secrets de la littérature contemporaine de ce pays. Secrets de style et de composit
636 e de ce pays. Secrets de style et de composition. La rhétorique française veut qu’un discours, un essai ou un simple artic
637 verbales, qui créent une atmosphère ou orientent l’ esprit. La rhétorique américaine écarte ces prudences et ces cérémonie
638 qui créent une atmosphère ou orientent l’esprit. La rhétorique américaine écarte ces prudences et ces cérémonies. Elle co
639 ruts, ou quelques chiffres impressionnants. C’est la Catch Phrase, la phrase-qui-attrape et qui vous jette de but en blanc
640 chiffres impressionnants. C’est la Catch Phrase, la phrase-qui-attrape et qui vous jette de but en blanc dans l’humanité
641 ui-attrape et qui vous jette de but en blanc dans l’ humanité vive du sujet, saisi par son côté sensationnel. L’article ens
642 é vive du sujet, saisi par son côté sensationnel. L’ article ensuite ne se déroulera pas suivant un plan logique, mais suiv
643 roulera pas suivant un plan logique, mais suivant la ligne de plus immédiate efficacité. Là où l’écrivain français cherche
644 vant la ligne de plus immédiate efficacité. Là où l’ écrivain français cherche à vous convaincre par la rigueur ou l’élégan
645 l’écrivain français cherche à vous convaincre par la rigueur ou l’élégance de ses déductions, l’écrivain américain cherche
646 nçais cherche à vous convaincre par la rigueur ou l’ élégance de ses déductions, l’écrivain américain cherche à vous entraî
647 e par la rigueur ou l’élégance de ses déductions, l’ écrivain américain cherche à vous entraîner par la dramatisation (Dram
648 l’écrivain américain cherche à vous entraîner par la dramatisation (Dramatizing) de sa matière. Le style français triomphe
649 par la dramatisation (Dramatizing) de sa matière. Le style français triomphe dans la litote et le raccourci, le style amér
650 g) de sa matière. Le style français triomphe dans la litote et le raccourci, le style américain dans l’effet de choc ou d’
651 ère. Le style français triomphe dans la litote et le raccourci, le style américain dans l’effet de choc ou d’accumulation
652 français triomphe dans la litote et le raccourci, le style américain dans l’effet de choc ou d’accumulation lyrique. L’un
653 a litote et le raccourci, le style américain dans l’ effet de choc ou d’accumulation lyrique. L’un s’attache à la construct
654 choc ou d’accumulation lyrique. L’un s’attache à la construction statique, l’autre au rythme. L’esprit français tend à dé
655 he à la construction statique, l’autre au rythme. L’ esprit français tend à dégager l’essentiel, l’esprit américain à l’eng
656 autre au rythme. L’esprit français tend à dégager l’ essentiel, l’esprit américain à l’engager dans le concret, à le sensib
657 me. L’esprit français tend à dégager l’essentiel, l’ esprit américain à l’engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’i
658 tend à dégager l’essentiel, l’esprit américain à l’ engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’illustrer. L’anecdote
659 l’essentiel, l’esprit américain à l’engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’illustrer. L’anecdote révélatrice, le
660 l’esprit américain à l’engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’illustrer. L’anecdote révélatrice, le Human Touch,
661 à l’engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’ illustrer. L’anecdote révélatrice, le Human Touch, sont régulièrement
662 ans le concret, à le sensibiliser, à l’illustrer. L’ anecdote révélatrice, le Human Touch, sont régulièrement préférés par
663 sibiliser, à l’illustrer. L’anecdote révélatrice, le Human Touch, sont régulièrement préférés par un directeur de revue am
664 t préférés par un directeur de revue américaine à la « formule heureuse » condensant et généralisant des observations que
665 » condensant et généralisant des observations que l’ on néglige de rapporter en détail. Au séminaire de Short Stories (hist
666 expression « intellectuelle » du réel, à cultiver l’ expression concrète ou sensorielle. N’écrivez pas : « John entra dans
667 ou sensorielle. N’écrivez pas : « John entra dans la banque. » Mais décrivez la sensation qu’il éprouve au moment où ses s
668 as : « John entra dans la banque. » Mais décrivez la sensation qu’il éprouve au moment où ses semelles-crêpe marquent d’un
669 elles-crêpe marquent d’une empreinte poussiéreuse le moelleux tapis du hall d’entrée, etc. Exemple caricatural d’un mode d
670 caricatural d’un mode d’expression qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page de Faulkner, un poème ; avec moins de ta
671 ucoup de talent, une page de Faulkner, un poème ; avec moins de talent, un long roman. De cet ouvrage, la critique américain
672 c moins de talent, un long roman. De cet ouvrage, la critique américaine ne dira pas souvent : c’est bien écrit, mais plut
673 plutôt : c’est effective, agissant. Et d’une idée l’ on ne demandera pas seulement qu’elle soit juste, mais qu’elle soit in
674 donne une littérature plus apte qu’aucune autre à l’ expression du dynamisme aventureux de notre siècle. Entre la sensation
675 on du dynamisme aventureux de notre siècle. Entre la sensation et le sensationnel, elle fait preuve d’un incomparable pouv
676 aventureux de notre siècle. Entre la sensation et le sensationnel, elle fait preuve d’un incomparable pouvoir d’émotion. M
677 nté de définir deux attitudes. Comment juger ? De la littérature qui veut agir dans l’immédiat, ou de celle qui se préoccu
678 ment juger ? De la littérature qui veut agir dans l’ immédiat, ou de celle qui se préoccupe davantage de durer, laquelle a
679 e qui se préoccupe davantage de durer, laquelle a le plus de chance d’avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je n’en
680 durer, laquelle a le plus de chance d’avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je n’en sais rien. Mais je suis sûr que
681 entrer ? Je n’en sais rien. Mais je suis sûr que l’ écrivain français et l’écrivain américain ont beaucoup à apprendre l’u
682 rien. Mais je suis sûr que l’écrivain français et l’ écrivain américain ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Ils m’app
683 l’autre. Ils m’apparaissent complémentaires comme la virilité et la féminité, la couleur et le dessin, la poussée vitale e
684 apparaissent complémentaires comme la virilité et la féminité, la couleur et le dessin, la poussée vitale et la retenue fo
685 complémentaires comme la virilité et la féminité, la couleur et le dessin, la poussée vitale et la retenue formelle. Et j’
686 s comme la virilité et la féminité, la couleur et le dessin, la poussée vitale et la retenue formelle. Et j’entrevois les
687 virilité et la féminité, la couleur et le dessin, la poussée vitale et la retenue formelle. Et j’entrevois les plus fécond
688 té, la couleur et le dessin, la poussée vitale et la retenue formelle. Et j’entrevois les plus féconds échanges entre ces
689 sée vitale et la retenue formelle. Et j’entrevois les plus féconds échanges entre ces deux principes de toute civilisation,
690 ordre et mise en mouvement. De leur alliance naît la Liberté. f. Rougemont Denis de, « Rhétorique américaine », Fontain
691 Fontaine, Alger, juin–juillet 1943, p. 15-17. g. L’ édition numérique se fonde sur la réédition de 1945, p. 2-4.
692 3, p. 15-17. g. L’édition numérique se fonde sur la réédition de 1945, p. 2-4.
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
693 Mémoire de l’ Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)h
694 nal des Mauvais Temps (septembre 1943)h I. —  Le bon vieux temps présent Paris, 17 mars 1939 Le Führer a passé la
695 e bon vieux temps présent Paris, 17 mars 1939 Le Führer a passé la nuit au Hradschin Après Vienne, avec Prague, c’es
696 présent Paris, 17 mars 1939 Le Führer a passé la nuit au Hradschin Après Vienne, avec Prague, c’est une Europe qui v
697 hrer a passé la nuit au Hradschin Après Vienne, avec Prague, c’est une Europe qui vient de mourir. Europe du sentiment, pa
698 nt, patrie de nostalgie de tous ceux qu’a touchés le romantisme — encore un paradis perdu ! Mais les vrais paradis seront
699 és le romantisme — encore un paradis perdu ! Mais les vrais paradis seront toujours perdus : ils naissent à l’heure où on l
700 s paradis seront toujours perdus : ils naissent à l’ heure où on les perd. Souvenirs de Salzbourg et de Prague, Mozart et R
701 nt toujours perdus : ils naissent à l’heure où on les perd. Souvenirs de Salzbourg et de Prague, Mozart et Rilke, et la Vie
702 rs de Salzbourg et de Prague, Mozart et Rilke, et la Vienne de Schubert — à l’heure où sombrent des nations sous l’uniform
703 ue, Mozart et Rilke, et la Vienne de Schubert — à l’ heure où sombrent des nations sous l’uniforme barbarie — je les vois s
704 Schubert — à l’heure où sombrent des nations sous l’ uniforme barbarie — je les vois s’élever rayonnants dans la lueur éter
705 ombrent des nations sous l’uniforme barbarie — je les vois s’élever rayonnants dans la lueur éternisée d’un soir d’été, apr
706 e barbarie — je les vois s’élever rayonnants dans la lueur éternisée d’un soir d’été, après l’orage, avant la nuit, dans u
707 ts dans la lueur éternisée d’un soir d’été, après l’ orage, avant la nuit, dans une gloire déchirante et délicieuse comme l
708 r éternisée d’un soir d’été, après l’orage, avant la nuit, dans une gloire déchirante et délicieuse comme les secondes voi
709 Un mythe nouveau prend son essor au sein même de la catastrophe. Tout un âge, un climat de musiques, soudain se fixe en n
710 n « bon vieux temps » de plus, tout près de nous… Le bon vieux temps, pour nos ancêtres, c’était très loin dans le passé,
711 temps, pour nos ancêtres, c’était très loin dans le passé, dans la légende, si loin que nul, en vérité, ne l’avait vu. Ma
712 s ancêtres, c’était très loin dans le passé, dans la légende, si loin que nul, en vérité, ne l’avait vu. Mais déjà, pour b
713 , dans la légende, si loin que nul, en vérité, ne l’ avait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre nous, ce fut simplement l’a
714 jà, pour beaucoup d’entre nous, ce fut simplement l’ avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et voici que ce Temps Pe
715 p d’entre nous, ce fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’un co
716 u, tout d’un coup, est encore plus proche : c’est l’ an passé, c’est avant-hier, peut-être même est-ce — aujourd’hui ? Mais
717 tre vivons-nous, ici, dans ce Paris de mars 1939, les derniers jours du bon vieux temps européen. Jours de sursis d’une lib
718 t notre manière toute naturelle de respirer et de penser , d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs personnel
719 leront douceur de vivre ? Déjà nous éprouvons que le monde a glissé dans une ère étrange et brutale, où ces formes de vie
720 ont encore les nôtres ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous d
721 s ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résister, il
722 sursaut nous dresse à résister, il faudra changer le rythme et rectifier la tenue, bander tous les ressorts, mobiliser les
723 ésister, il faudra changer le rythme et rectifier la tenue, bander tous les ressorts, mobiliser les cœurs… C’est le crime
724 nger le rythme et rectifier la tenue, bander tous les ressorts, mobiliser les cœurs… C’est le crime des dictatures : elles
725 ier la tenue, bander tous les ressorts, mobiliser les cœurs… C’est le crime des dictatures : elles ne tuent pas la liberté
726 der tous les ressorts, mobiliser les cœurs… C’est le crime des dictatures : elles ne tuent pas la liberté dans les pays se
727 ’est le crime des dictatures : elles ne tuent pas la liberté dans les pays seulement où elles sévissent, mais aussi bien c
728 s dictatures : elles ne tuent pas la liberté dans les pays seulement où elles sévissent, mais aussi bien chez les voisins q
729 eulement où elles sévissent, mais aussi bien chez les voisins qu’elles secouent d’un défi grossier. La liberté ne peut surv
730 les voisins qu’elles secouent d’un défi grossier. La liberté ne peut survivre à de tels chocs. Car elle est vraiment comme
731 le est vraiment comme un rêve, un rêve heureux où l’ on circule avec aisance, gardant parfois l’arrière-conscience d’un mir
732 nt comme un rêve, un rêve heureux où l’on circule avec aisance, gardant parfois l’arrière-conscience d’un miracle. Elle est
733 eux où l’on circule avec aisance, gardant parfois l’ arrière-conscience d’un miracle. Elle est encore une œuvre d’art qui n
734 lle est encore une œuvre d’art qui n’agit que par l’ atmosphère, par le charme qu’elle fait régner. Des lois adroites et hu
735 œuvre d’art qui n’agit que par l’atmosphère, par le charme qu’elle fait régner. Des lois adroites et humaines ne suffiron
736 s lois adroites et humaines ne suffiront jamais à l’ assurer : il y faut ce climat sentimental, cette espèce de naturel qui
737 … C’est tout cela que vient de mettre en question l’ usurpateur du Hradschin. Et dès lors qu’il l’a mis en question, et qu’
738 tion l’usurpateur du Hradschin. Et dès lors qu’il l’ a mis en question, et qu’il nous force au réalisme à sa manière, le ch
739 on, et qu’il nous force au réalisme à sa manière, le charme est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’é
740 i qui s’éveille et goûte encore quelques instants les délices d’un rêve inachevé. Mais il sait bien que c’est fini. Brève d
741 Mais il sait bien que c’est fini. Brève dispense, le temps d’un peu se souvenir… Il faut se lever. Il faut entrer résolume
742 Il faut se lever. Il faut entrer résolument dans le grand jour du siècle mécanique, accepter pour un temps sa loi, en pré
743 rice et bafouée. II. — Le dernier printemps de la paix En Suisse, 2 mai 1939 Combien oseraient avouer que cette mena
744 oseraient avouer que cette menace leur rend enfin le goût de vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent de désir pour leurs biens
745 és qui n’éprouvent de désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Déshérités aussi, qui ne re­trouvent l’espoir q
746 uvent de désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Déshérités aussi, qui ne re­trouvent l’espoir qu’au seuil des
747 les perdre. Déshérités aussi, qui ne re­trouvent l’ espoir qu’au seuil des catastrophes générales. Et j’en connais qui ne
748 (comme un moteur prend son régime normal à tant à l’ heure) que dans le drame et le bouleversement des habitudes où l’énerg
749 rend son régime normal à tant à l’heure) que dans le drame et le bouleversement des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce be
750 ime normal à tant à l’heure) que dans le drame et le bouleversement des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin d’être
751 ns le drame et le bouleversement des habitudes où l’ énergie s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montrer de quoi l’on
752 e. Ce besoin d’être provoqué pour montrer de quoi l’ on est capable est si profond, peut-être si normal, que j’en viens à m
753 -mêmes, dans notre inconscient collectif. Je puis l’ avouer parce que je suis un écrivain, Il est admis que ces gens-là ont
754 uis un écrivain, Il est admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’h
755 admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue de cynism
756 pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’ homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont p
757 lagement général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courage
758 homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courageux ? Mais non. Ils sont tout seuls devant leu
759 on. Ils sont tout seuls devant leur papier blanc. Les réactions à leur parole seront lointaines, ou même ils ne les connaît
760 s à leur parole seront lointaines, ou même ils ne les connaîtront jamais… Paris, 12 mai 1939 Quatrième changement de domici
761 mai 1939 Quatrième changement de domicile depuis le début de cette année. « Étranger et voyageur sur la terre », ainsi pe
762 début de cette année. « Étranger et voyageur sur la terre », ainsi pensais-je d’autres fois, dans ces périodes de nomadis
763 née. « Étranger et voyageur sur la terre », ainsi pensais -je d’autres fois, dans ces périodes de nomadisme involontaire. Aujour
764 isation de nos pensées, de nos images. Hier, dans l’ autobus, une petite dame assise devant moi s’écrie, voyant s’abattre u
765 i s’écrie, voyant s’abattre une pluie d’orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’était pourtant
766 qui ai oublié mon masque à gaz ! C’était pourtant l’ heure ! » 14 mai 1939 La grande ville traversée dans la fatigue d’un s
767 à gaz ! C’était pourtant l’heure ! » 14 mai 1939 La grande ville traversée dans la fatigue d’un soir pluvieux. Paris, sou
768 re ! » 14 mai 1939 La grande ville traversée dans la fatigue d’un soir pluvieux. Paris, souffrance des visages et des corp
769 otisme, énervement. Paris soudain considéré comme la situation spirituelle la plus extraordinaire du siècle ! Il est des ê
770 soudain considéré comme la situation spirituelle la plus extraordinaire du siècle ! Il est des êtres et des drames dont l
771 e du siècle ! Il est des êtres et des drames dont la vérité n’apparaît que dans cet environnement de lueurs fuyantes, d’ac
772 ne liberté et un danger, une révélation totale de l’ humain dans tous ses risques matériels et spirituels, impossible aille
773 ù tout serait avoué, horreur et charme, à travers la vision d’un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les caf
774 sion d’un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de cette église ouver
775 saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de cette église ouverte, où pas
776 ivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de cette église ouverte, où passe le bruit
777 onsacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de cette église ouverte, où passe le bruit des autobus ;
778 le vois sortant de cette église ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien de ce temple, un samedi soir, où la Saint
779 utobus ; ou bien de ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans un silence de catacombes. Centre du mon
780 tacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la foule et traversant les lieux publics avec cette grande Question qu’i
781 de ! Il s’en va, coudoyant la foule et traversant les lieux publics avec cette grande Question qu’il porte dans son être, e
782 oudoyant la foule et traversant les lieux publics avec cette grande Question qu’il porte dans son être, et qui est aussi la
783 stion qu’il porte dans son être, et qui est aussi la grande réponse ; et les démons s’éveillent sur son passage, il n’y a
784 son être, et qui est aussi la grande réponse ; et les démons s’éveillent sur son passage, il n’y a plus nulle part d’indiff
785 a plus nulle part d’indifférence possible ! Ici, le Christ reste le Scandale, l’Autre, l’Amour qui bouleverse le monde et
786 rt d’indifférence possible ! Ici, le Christ reste le Scandale, l’Autre, l’Amour qui bouleverse le monde et fait surgir des
787 ible ! Ici, le Christ reste le Scandale, l’Autre, l’ Amour qui bouleverse le monde et fait surgir des quotidiennes apparenc
788 este le Scandale, l’Autre, l’Amour qui bouleverse le monde et fait surgir des quotidiennes apparences l’être tou­chant, bi
789 monde et fait surgir des quotidiennes apparences l’ être tou­chant, bizarre ou monstrueux que chacun de nous dissimule. Al
790 x que chacun de nous dissimule. Alors, on verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s
791 l, alors on cesserait de haïr, ou d’être déçu par l’ amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au travers de propos
792 ravers de propos superficiellement passionnés… Et l’ on cesserait aussi de redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans
793 t passionnés… Et l’on cesserait aussi de redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là où chacun livre son v
794 esserait aussi de redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là où chacun livre son vrai combat. III. — P
795 e redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là où chacun livre son vrai combat. III. — Pendant la batail
796 ù chacun livre son vrai combat. III. — Pendant la bataille des Flandres En Suisse, 24 mai 1940. Poste militaire à la
797 dres En Suisse, 24 mai 1940. Poste militaire à la frontière Écouté la radio : opéra de Mozart. Et dans une seule bouffé
798 4 mai 1940. Poste militaire à la frontière Écouté la radio : opéra de Mozart. Et dans une seule bouffée, toutes ces nuits
799 tes passions égarées, musique aux jardins jusqu’à l’ aube… Un quart de tour, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est l
800 ns jusqu’à l’aube… Un quart de tour, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est la fin d’un communiqué, régions perdues
801 our, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est la fin d’un communiqué, régions perdues encore, régions perdues dans le
802 qué, régions perdues encore, régions perdues dans le passé et territoires envahis. Le passé, le présent réduits se rétréci
803 ons perdues dans le passé et territoires envahis. Le passé, le présent réduits se rétrécissent vers la catastrophe. Il n’e
804 s dans le passé et territoires envahis. Le passé, le présent réduits se rétrécissent vers la catastrophe. Il n’est plus d’
805 Le passé, le présent réduits se rétrécissent vers la catastrophe. Il n’est plus d’autre issue que la nuit, mais viendra-t-
806 s la catastrophe. Il n’est plus d’autre issue que la nuit, mais viendra-t-elle après ma mort ou avec elle ? Si c’est avant
807 que la nuit, mais viendra-t-elle après ma mort ou avec elle ? Si c’est avant, où aller, où rester, où demeurer quand tout s’
808 où rester, où demeurer quand tout s’en va, et que penser si je ne puis — rien dire ou faire qui s’accorde à ces temps ? « Une
809 personne ne peut agir. » C’est quelque part dans l’ Évangile. Ou faudra-t-il enterrer nos secrets, pour d’autres qui peut-
810 d’autres qui peut-être ne viendront jamais ? Car la carte des pays libres, hier encore presque aussi vaste que la terre,
811 pays libres, hier encore presque aussi vaste que la terre, se rétrécit de jour en jour et d’heure en heure, à chaque fois
812 Vaudrait-il mieux qu’alors ? Saurions-nous mieux le vivre, augmenté du souvenir de sa perte ? Mais le passé ne reviendra
813 le vivre, augmenté du souvenir de sa perte ? Mais le passé ne reviendra jamais, ce bon vieux temps que je sentais présent
814 que je sentais présent — un an déjà ! comme dans les chansons — même si la guerre était gagnée, même si demain nous devons
815 — un an déjà ! comme dans les chansons — même si la guerre était gagnée, même si demain nous devons vivre encore… À quoi
816 , même si demain nous devons vivre encore… À quoi pensent -ils, ceux de la bataille ? Ont-ils de ces retours soudains vers des m
817 devons vivre encore… À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont-ils de ces retours soudains vers des moments de tendre
818 qui est vrai, nous allons en désordre au réveil. La mort, le désespoir en plein midi, — ou la reconnaissance de l’unique
819 vrai, nous allons en désordre au réveil. La mort, le désespoir en plein midi, — ou la reconnaissance de l’unique nécessair
820 réveil. La mort, le désespoir en plein midi, — ou la reconnaissance de l’unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de
821 ésespoir en plein midi, — ou la reconnaissance de l’ unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de la radio produisit d
822 reconnaissance de l’unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de la radio produisit durant cette guerre une conséquen
823 unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de la radio produisit durant cette guerre une conséquence fort imprévue : e
824 erre une conséquence fort imprévue : elle empêcha les hommes de se rendre compte de l’ampleur et de la rapidité des bouleve
825  : elle empêcha les hommes de se rendre compte de l’ ampleur et de la rapidité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux moi
826 les hommes de se rendre compte de l’ampleur et de la rapidité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux mois de mai et de j
827 endait répéter constamment : « Je viens d’écouter la radio. Rien de nouveau, toujours les mêmes histoires, pas de décision
828 ens d’écouter la radio. Rien de nouveau, toujours les mêmes histoires, pas de décision… » Le monde était en train de change
829 toujours les mêmes histoires, pas de décision… » Le monde était en train de changer de face d’un jour à l’autre, mais on
830 n de changer de face d’un jour à l’autre, mais on le regardait d’heure en heure, de trop près, on ne le voyait pas… V.
831 e regardait d’heure en heure, de trop près, on ne le voyait pas… V. — Lisbonne 10 septembre 1940 Blanche et bleue da
832 sbonne 10 septembre 1940 Blanche et bleue dans l’ immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claqu
833 e 1940 Blanche et bleue dans l’immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquants et ses rues débo
834 dans l’immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquants et ses rues débouchant sur le ciel, la vi
835 ses drapeaux claquants et ses rues débouchant sur le ciel, la ville aux sept collines oublie la guerre, oublie l’Europe. D
836 aux claquants et ses rues débouchant sur le ciel, la ville aux sept collines oublie la guerre, oublie l’Europe. Dans quatr
837 nt sur le ciel, la ville aux sept collines oublie la guerre, oublie l’Europe. Dans quatre jours, nous embarquons pour l’Am
838 ville aux sept collines oublie la guerre, oublie l’ Europe. Dans quatre jours, nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici,
839 l’Europe. Dans quatre jours, nous embarquons pour l’ Amérique. Mais ici, je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à
840 ous embarquons pour l’Amérique. Mais ici, je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la
841 e fais le serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la Vie, toujours pressée d’imaginer un monde
842 une stricte mémoire à la candeur intarissable de la Vie, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore continu
843 r un monde où tout peut encore continuer. J’ai vu la civilisation frappée au cœur, je l’ai vue chanceler, je sais qu’elle
844 nuer. J’ai vu la civilisation frappée au cœur, je l’ ai vue chanceler, je sais qu’elle peut mourir. J’ai vu la France, comm
845 e chanceler, je sais qu’elle peut mourir. J’ai vu la France, comme un homme qui vient de tomber sur la tête, qui se relève
846 la France, comme un homme qui vient de tomber sur la tête, qui se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t
847 vre ? A-t-il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’ Espagne de cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre en
848 sprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse,
849 de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion des he
850 ue et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant des terres abandonnées
851 rhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’ invasion des herbes sauvages venant des terres abandonnées du Nord, et
852 ’elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les paniques dévastatrices du ve siècle de notre ère. Et je songe au bas
853 ole d’une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut périr. Nous qui sommes encore ép
854 s pas notre délai de grâce ! VI. — Souvenir de la paix française En Amérique, novembre 1940 Périgny… C’était bien ce
855 it bien ce nom-là ? Un long village en bordure de la route. D’un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles
856 n long village en bordure de la route. D’un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine d
857 hamps de roses et des blés, au bord du plateau de la Brie. Je montais vers Périgny par un sentier fort raide entre les ron
858 tais vers Périgny par un sentier fort raide entre les ronces, aboutissant à de vieux escaliers. Une seule rangée de maisons
859 iers. Une seule rangée de maisons à traverser, et l’ on parvient à la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoise
860 rangée de maisons à traverser, et l’on parvient à la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent p
861 n parvient à la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge
862 est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge, patinées par les vents. Rares sont l
863 es ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’ âge, patinées par les vents. Rares sont les boutiques, et même les caf
864 les façades nues, brunies par l’âge, patinées par les vents. Rares sont les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe une
865 ies par l’âge, patinées par les vents. Rares sont les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une de ce
866 par les vents. Rares sont les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une de ces voitures branlantes q
867 branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur les routes écartées, d’une ferme au marché le plus proche. Nulle part au
868 ue sur les routes écartées, d’une ferme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’apparaît si discrète, si pa
869 rme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’apparaît si discrète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là n’e
870 ié des tons et des lignes humaines, humilité sous la douceur du ciel, retrait des âmes dans leur destin. Je longeais cette
871 ermette aux volets pâles, sans adresse, au ras de la plaine. Un peu avant la sortie du village, la rue bifurque : une rout
872 , sans adresse, au ras de la plaine. Un peu avant la sortie du village, la rue bifurque : une route prend à droite, vers l
873 de la plaine. Un peu avant la sortie du village, la rue bifurque : une route prend à droite, vers la plaine, escortée de
874 la rue bifurque : une route prend à droite, vers la plaine, escortée de quelques maisons ; l’autre s’incline lentement ve
875 elques maisons ; l’autre s’incline lentement vers la vallée, dans les vergers. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant s
876 l’autre s’incline lentement vers la vallée, dans les vergers. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant sur le chemin à pr
877 rs. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant sur le chemin à prendre. Et soudain, je vis à mes pieds, tracé à la craie su
878 prendre. Et soudain, je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entourant une inscription en lettre
879 soudain, je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entourant une inscription en lettres capitales b
880 x du village, silence des rues vides ouvertes sur le ciel et sur les blés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’un
881 ilence des rues vides ouvertes sur le ciel et sur les blés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’un secret de pudeu
882 iel et sur les blés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce vill
883 trouve personne. Mais ses outils sont là, contre le mur. Il reprend le chemin de son champ. En passant au carrefour, il s
884 ais ses outils sont là, contre le mur. Il reprend le chemin de son champ. En passant au carrefour, il s’est dit : « Peut-ê
885 l a écrit ces mots. Elle saura bien. Il a rejoint l’ usage du pays, l’intimité des choses de toujours. Et le moindre signe
886 s. Elle saura bien. Il a rejoint l’usage du pays, l’ intimité des choses de toujours. Et le moindre signe suffît. Je suis r
887 ge du pays, l’intimité des choses de toujours. Et le moindre signe suffît. Je suis redescendu vers la vallée de l’Yerre, q
888 le moindre signe suffît. Je suis redescendu vers la vallée de l’Yerre, qui coule entre des saules et des peupliers blancs
889 igne suffît. Je suis redescendu vers la vallée de l’ Yerre, qui coule entre des saules et des peupliers blancs. Il faisait
890 t des peupliers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron de la route sentait plus fort que les champs de roses, et des
891 s blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron de la route sentait plus fort que les champs de roses, et des nuages noirs
892 oux, le goudron de la route sentait plus fort que les champs de roses, et des nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai
893 amps de roses, et des nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai su, plus tard, que ce jour-là, j’avais fait mes adieux
894 s tard, que ce jour-là, j’avais fait mes adieux à la France. VII. — Mémoire de l’Europe 1943 Je ne savais pas que to
895 fait mes adieux à la France. VII. — Mémoire de l’ Europe 1943 Je ne savais pas que tout était si près là-bas. J’étais
896 étais baigné. J’étais fondé. Et je marchais parmi les signes. Sédiments séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l
897 séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l’ on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces
898 numents que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’ écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers un
899 etrouvais… « Je t’aime. J’aime ! » J’ai tout dit. L’ Europe était patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence était pro
900 ! » J’ai tout dit. L’Europe était patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence était profonde, et chaque être présent q
901 urope était patrie d’amour. Le silence attendait, l’ absence était profonde, et chaque être présent questionnait, répondait
902 , et chaque être présent questionnait, répondait. La force était au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obs
903 ée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la contemplation jalouse d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps
904 jà du temps de notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fre
905 ion la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée q
906 au silence. La force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée qui se liait aux autres… (Quand ta forc
907 res… (Quand ta force devient visible, c’est comme le sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va). La force était mémoire
908 le sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va). La force était mémoire et allusion, elle était ce vieil arbre tenace. El
909 ion, elle était ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en
910 t ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle
911 ait la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… Q
912 ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que
913 ’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’ amour… Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est
914 pudeurs de l’amour… Quand je me souviens — c’est l’ Europe. Parce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su
915 Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’ Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant
916 souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant de passé, et
917 n vie tant de passé, et garder tant de morts dans la présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir.
918 d’avenir. h. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’ Europe », Revue de la pensée française, New York, septembre 1943, p. 2
919 emont Denis de, « Mémoire de l’Europe », Revue de la pensée française, New York, septembre 1943, p. 22-29.
8 1944, Articles divers (1941-1946). Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)
920 Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)k Autrefois et naguère encore, avant l’occup
921 rier 1944)k Autrefois et naguère encore, avant l’ occupation allemande, les étrangers qui n’avaient pas voyagé en France
922 et naguère encore, avant l’occupation allemande, les étrangers qui n’avaient pas voyagé en France, ou ceux qui n’avaient v
923 as voyagé en France, ou ceux qui n’avaient vu que les lieux de plaisir de la capitale, connaissaient et jugeaient la France
924 ceux qui n’avaient vu que les lieux de plaisir de la capitale, connaissaient et jugeaient la France par ses vedettes. À le
925 laisir de la capitale, connaissaient et jugeaient la France par ses vedettes. À leurs yeux, tout Français devait ressemble
926 bler aux types d’humanité que représentaient dans le monde les acteurs à succès, les écrivains célèbres, les modèles des g
927 types d’humanité que représentaient dans le monde les acteurs à succès, les écrivains célèbres, les modèles des grands cout
928 eprésentaient dans le monde les acteurs à succès, les écrivains célèbres, les modèles des grands couturiers, ou même les ch
929 nde les acteurs à succès, les écrivains célèbres, les modèles des grands couturiers, ou même les chefs cuisiniers des palac
930 èbres, les modèles des grands couturiers, ou même les chefs cuisiniers des palaces internationaux. Le mot Français évoquait
931 les chefs cuisiniers des palaces internationaux. Le mot Français évoquait aussitôt l’image d’une moustache à la Menjou et
932 internationaux. Le mot Français évoquait aussitôt l’ image d’une moustache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie, d’un s
933 nçais évoquait aussitôt l’image d’une moustache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie, d’un sourire charmeur à la Charl
934 ’une boutonnière fleurie, d’un sourire charmeur à la Charles Boyer, l’aimable scepticisme d’un Anatole France, l’élégance
935 leurie, d’un sourire charmeur à la Charles Boyer, l’ aimable scepticisme d’un Anatole France, l’élégance d’une ligne parisi
936 Boyer, l’aimable scepticisme d’un Anatole France, l’ élégance d’une ligne parisienne, l’étiquette d’un bourgogne fameux pré
937 natole France, l’élégance d’une ligne parisienne, l’ étiquette d’un bourgogne fameux présenté par le maître d’hôtel. Tout c
938 e, l’étiquette d’un bourgogne fameux présenté par le maître d’hôtel. Tout cela c’était le cliché « France ». C’était charm
939 présenté par le maître d’hôtel. Tout cela c’était le cliché « France ». C’était charmant, c’était piquant, indéfinissablem
940 c’était piquant, indéfinissablement féminin comme le sont la plupart des vedettes. Mais où était dans tout cela le vrai pe
941 lupart des vedettes. Mais où était dans tout cela le vrai peuple de la vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est l
942 s. Mais où était dans tout cela le vrai peuple de la vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est le malheur le plus
943 vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est le malheur le plus affreux de son Histoire qui le révèle au monde, aujou
944 e ? Ce peuple naguère invisible, c’est le malheur le plus affreux de son Histoire qui le révèle au monde, aujourd’hui, dan
945 st le malheur le plus affreux de son Histoire qui le révèle au monde, aujourd’hui, dans sa véritable grandeur. Les journau
946 u monde, aujourd’hui, dans sa véritable grandeur. Les journaux qui nous apportent des nouvelles de la résistance à l’intéri
947 Les journaux qui nous apportent des nouvelles de la résistance à l’intérieur du pays occupé nous parlent du peuple de Fra
948 i nous apportent des nouvelles de la résistance à l’ intérieur du pays occupé nous parlent du peuple de France ; les récits
949 du pays occupé nous parlent du peuple de France ; les récits et les témoignages qui ont été publiés secrètement par les mou
950 nous parlent du peuple de France ; les récits et les témoignages qui ont été publiés secrètement par les mouvements de rés
951 s témoignages qui ont été publiés secrètement par les mouvements de résistance et qui parviennent sous nos yeux nous parlen
952 us nos yeux nous parlent du peuple de France ; et les films composés à Hollywood ou à Londres sur l’organisation de la rési
953 t les films composés à Hollywood ou à Londres sur l’ organisation de la résistance à Paris ou en province, ne nous montrent
954 és à Hollywood ou à Londres sur l’organisation de la résistance à Paris ou en province, ne nous montrent encore que le peu
955 Paris ou en province, ne nous montrent encore que le peuple de France, pour la première fois. Le peuple anonyme, le peuple
956 e que le peuple de France, pour la première fois. Le peuple anonyme, le peuple unanime, le peuple sans vedettes et le voic
957 France, pour la première fois. Le peuple anonyme, le peuple unanime, le peuple sans vedettes et le voici enfin devenu la v
958 mière fois. Le peuple anonyme, le peuple unanime, le peuple sans vedettes et le voici enfin devenu la vraie vedette, malgr
959 me, le peuple unanime, le peuple sans vedettes et le voici enfin devenu la vraie vedette, malgré lui, de la France et de s
960 le peuple sans vedettes et le voici enfin devenu la vraie vedette, malgré lui, de la France et de sa résistance. J’ai vu
961 ici enfin devenu la vraie vedette, malgré lui, de la France et de sa résistance. J’ai vu à New York la plupart de ces film
962 tent leur sujet à certains épisodes véridiques de la lutte contre l’envahisseur. Paris calling, Croix de Lorraine, Assignm
963 à certains épisodes véridiques de la lutte contre l’ envahisseur. Paris calling, Croix de Lorraine, Assignment in Brittany,
964 rittany, et je cite au hasard, il y en a tant. Je les ai vus avec des amis, tantôt américains, tantôt français. Les Françai
965 je cite au hasard, il y en a tant. Je les ai vus avec des amis, tantôt américains, tantôt français. Les Français critiquaie
966 vec des amis, tantôt américains, tantôt français. Les Français critiquaient beaucoup. Le décor était inexact, les situation
967 tôt français. Les Français critiquaient beaucoup. Le décor était inexact, les situations pas toujours vraisemblables, les
968 is critiquaient beaucoup. Le décor était inexact, les situations pas toujours vraisemblables, les traîtres trop conventionn
969 xact, les situations pas toujours vraisemblables, les traîtres trop conventionnels, et finalement l’inévitable raid de comm
970 , les traîtres trop conventionnels, et finalement l’ inévitable raid de commandos sauvait tout le monde comme dans les cont
971 aid de commandos sauvait tout le monde comme dans les contes de fées. Mais je regardais mes amis du coin de l’œil : en crit
972 ls exultaient de confiance, en crescendo, jusqu’à la « Marseillaise » finale. On peut penser tout ce que l’on veut de ces
973 endo, jusqu’à la « Marseillaise » finale. On peut penser tout ce que l’on veut de ces films, du pire au bien ; j’en retiens po
974 Marseillaise » finale. On peut penser tout ce que l’ on veut de ces films, du pire au bien ; j’en retiens pour ma part qu’i
975 retiens pour ma part qu’ils nous présentent enfin le petit peuple français comme le grand héros de la France. Soudain, l’é
976 s présentent enfin le petit peuple français comme le grand héros de la France. Soudain, l’étranger s’aperçoit d’une vérité
977 le petit peuple français comme le grand héros de la France. Soudain, l’étranger s’aperçoit d’une vérité aussi vieille que
978 nçais comme le grand héros de la France. Soudain, l’ étranger s’aperçoit d’une vérité aussi vieille que l’Europe mais const
979 tranger s’aperçoit d’une vérité aussi vieille que l’ Europe mais constamment méconnue ou niée, et souvent par la faute des
980 mais constamment méconnue ou niée, et souvent par la faute des élites parisiennes : le peuple de France est grave, ou plus
981 et souvent par la faute des élites parisiennes : le peuple de France est grave, ou plus exactement il est sérieux. Il n’e
982 t cela qu’en second lieu, et comme par luxe. Dans le fond et d’abord, il est sérieux, plus qu’aucun autre peuple dont j’ai
983 rieux, plus qu’aucun autre peuple dont j’aie vécu la vie. Seulement, il est sérieux sans pose, avec pudeur, préférant affe
984 vécu la vie. Seulement, il est sérieux sans pose, avec pudeur, préférant affecter la blague et le scepticisme plutôt que de
985 érieux sans pose, avec pudeur, préférant affecter la blague et le scepticisme plutôt que de paraître exagérer sa peine. Ca
986 ose, avec pudeur, préférant affecter la blague et le scepticisme plutôt que de paraître exagérer sa peine. Car il pense d’
987 plutôt que de paraître exagérer sa peine. Car il pense d’instinct, comme Talleyrand, que « ce qui est exagéré n’est pas séri
988 est exagéré n’est pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans les films que je citais, et dans les témoignages directs v
989 est pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans les films que je citais, et dans les témoignages directs venus de France
990 pe le plus, dans les films que je citais, et dans les témoignages directs venus de France sur la lutte contre les nazis, c’
991 dans les témoignages directs venus de France sur la lutte contre les nazis, c’est l’absence de grands gestes théâtraux, l
992 nages directs venus de France sur la lutte contre les nazis, c’est l’absence de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à
993 us de France sur la lutte contre les nazis, c’est l’ absence de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à l’éloquence tra
994 azis, c’est l’absence de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à l’éloquence traditionnelle, le refus même de se compl
995 ce de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à l’ éloquence traditionnelle, le refus même de se complaire dans le lyrism
996 x, la sourdine mise à l’éloquence traditionnelle, le refus même de se complaire dans le lyrisme de la catastrophe ; c’est
997 raditionnelle, le refus même de se complaire dans le lyrisme de la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’hér
998 le refus même de se complaire dans le lyrisme de la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’héroïsme populair
999 lyrisme de la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’héroïsme populaire. Ce peuple en noir au regard vif s’es
1000 catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’ héroïsme populaire. Ce peuple en noir au regard vif s’est révélé face
1001 élé face au danger. Il manquait d’armes, il lutte avec sa dignité impénétrable aux tentations de la Brute. On avait dit aux
1002 te avec sa dignité impénétrable aux tentations de la Brute. On avait dit aux jeunes nazis qu’ils allaient conquérir un pay
1003 x. Après quelques semaines en territoire conquis, l’ Allemand s’est senti dominé par une force étrange et qui l’intimidait 
1004 d s’est senti dominé par une force étrange et qui l’ intimidait : le regard sérieux de l’homme et de la femme du peuple, ce
1005 ominé par une force étrange et qui l’intimidait : le regard sérieux de l’homme et de la femme du peuple, ce jugement préci
1006 trange et qui l’intimidait : le regard sérieux de l’ homme et de la femme du peuple, ce jugement précis et humain, bien plu
1007 l’intimidait : le regard sérieux de l’homme et de la femme du peuple, ce jugement précis et humain, bien plus insupportabl
1008 récis et humain, bien plus insupportable que tous les cris de haines. Ils ne savaient pas cela, les jeunes Allemands, on ne
1009 ous les cris de haines. Ils ne savaient pas cela, les jeunes Allemands, on ne leur avait jamais parlé du vrai peuple de la
1010 , on ne leur avait jamais parlé du vrai peuple de la vraie France. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec une
1011 rai peuple de la vraie France. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec une rage panique ; ils continuent, mais
1012 a vraie France. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec une rage panique ; ils continuent, mais ils se savent b
1013 ce. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec une rage panique ; ils continuent, mais ils se savent battus. Depuis
1014 . Rougemont Denis de, « Un peuple se révèle dans le malheur », Fontaine, Alger, février 1944, p. 353-354.
9 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
1015 j Un critique. J’ai lu vos deux dialogues sur la carte postale6, je les aime bien… Enfin il n’est pas exact que je les
1016 i lu vos deux dialogues sur la carte postale6, je les aime bien… Enfin il n’est pas exact que je les aime bien. Ils m’irrit
1017 je les aime bien… Enfin il n’est pas exact que je les aime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais je ne les oublie pas.7
1018 ime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais je ne les oublie pas.7 L’auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre. Il
1019 itent et m’agacent. Mais je ne les oublie pas.7 L’ auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre. Il me semble parfois
1020 ’agacent. Mais je ne les oublie pas.7 L’auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’e
1021 lie pas.7 L’auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’est pas de louange préférable
1022 n me fasse grief de mes écrits. J’y voudrais voir la preuve d’une certaine grièveté qu’ils présentent, comme cela se dit d
1023 ls présentent, comme cela se dit d’une blessure… Le critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument d’une exagération de m
1024 u’à mon sens vous n’êtes pas encore assez clair. L’ auteur. Et pourquoi je vous prie, être clair ? Vous n’allez pas me dir
1025 , être clair ? Vous n’allez pas me dire que c’est la bonne manière de se faire comprendre ? Le critique. On voudrait être
1026 c’est la bonne manière de se faire comprendre ? Le critique. On voudrait être sûr que vous vous comprenez assez. L’aute
1027 voudrait être sûr que vous vous comprenez assez. L’ auteur. Assez pour quoi ? C. Assez pour n’être point la dupe de vos p
1028 ur. Assez pour quoi ? C. Assez pour n’être point la dupe de vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’est pas jou
1029 ce n’est pas jouer du violon. Tout d’un coup vous le prenez à double corde, et l’on distingue mal les passages, vous chang
1030 Tout d’un coup vous le prenez à double corde, et l’ on distingue mal les passages, vous changez de ton et l’on voudrait sa
1031 s le prenez à double corde, et l’on distingue mal les passages, vous changez de ton et l’on voudrait savoir que vous le sav
1032 istingue mal les passages, vous changez de ton et l’ on voudrait savoir que vous le savez… Il me semble que vous manquez de
1033 s changez de ton et l’on voudrait savoir que vous le savez… Il me semble que vous manquez de méchanceté pour vos idées. El
1034 . Elles vous séduisent de loin et quand vous nous les présentez, elles ont déjà votre complicité, je ne sais quel air de pa
1035 avouable ? C. Certes, mais il faudrait composer les entrées. Il faudrait nous persuader que vos goûts sont bien des raiso
1036 s raisons sont les nôtres. Ou bien vous faites de la poésie, et alors vous jouez sur des surprises, ou bien vous nous parl
1037 parlez d’idées, et dans ce cas, il faut que nous pensions à chaque instant : « j’allais le dire ! » Mais ne mêlez pas tout, sin
1038 t que nous pensions à chaque instant : « j’allais le dire ! » Mais ne mêlez pas tout, sinon l’on soupçonnera quelque trich
1039 ’allais le dire ! » Mais ne mêlez pas tout, sinon l’ on soupçonnera quelque tricherie. A. Voulez-vous que nous parlions de
1040 e tricherie. A. Voulez-vous que nous parlions de la clarté ? Je crois deviner que cela nous ramènera dans les environs du
1041 té ? Je crois deviner que cela nous ramènera dans les environs du sujet de mes deux précédents dialogues. C. Du moins sere
1042 er maintenant à votre réflexion méfiante. Si vous le permettez, je m’offrirai le ridicule de défendre mon propre point de
1043 ion méfiante. Si vous le permettez, je m’offrirai le ridicule de défendre mon propre point de vue. Il se peut que cette ma
1044 ’est-ce qu’être clair, à votre avis ? A. Dès que l’ on pose cette question, il me semble qu’on se voit condamné à des répo
1045 s ou plates ou mystérieuses. Ne serait-ce pas que la clarté n’est qu’une convention de langage ? J’entends : un mot de pas
1046 ntion de langage ? J’entends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage… C. Hé quoi ! vous
1047 e de la tribu, ou une espèce de style garanti par l’ usage… C. Hé quoi ! vous savez bien que tout notre langage est un sys
1048 ntifique, qui se distingue du langage courant par le souci de contrôler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode
1049 e contrôler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode d’expression possible. C. Précisément je souhaitais de vou
1050 es ! Mais il faudrait s’entendre tout d’abord sur la nécessité de cette clarté. Pour ma part je ne saurais concevoir ni re
1051 d’autre nécessité en général que celle qu’impose la fin de toute pensée. C. Restons, si vous le voulez, sur le plan du l
1052 pose la fin de toute pensée. C. Restons, si vous le voulez, sur le plan du langage. N’est-ce pas la cohérence des raisons
1053 s le voulez, sur le plan du langage. N’est-ce pas la cohérence des raisons et à la fois l’exact ajustement de ces raisons
1054 ’est-ce pas la cohérence des raisons et à la fois l’ exact ajustement de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de
1055 et à la fois l’exact ajustement de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’expression ? A. Oui, dans un mond
1056 tement de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’expression ? A. Oui, dans un monde cartésien, c’est-à-dire
1057 ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’ expression ? A. Oui, dans un monde cartésien, c’est-à-dire dans le mo
1058 . Oui, dans un monde cartésien, c’est-à-dire dans le monde du discours. Car le Discours de la méthode ne définit en somme
1059 sien, c’est-à-dire dans le monde du discours. Car le Discours de la méthode ne définit en somme qu’une méthode du discours
1060 ire dans le monde du discours. Car le Discours de la méthode ne définit en somme qu’une méthode du discours. La fin derniè
1061 e ne définit en somme qu’une méthode du discours. La fin dernière d’un discours n’est autre que la cohérence, la vérité el
1062 rs. La fin dernière d’un discours n’est autre que la cohérence, la vérité elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de
1063 nière d’un discours n’est autre que la cohérence, la vérité elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de l’enchaînement
1064 ence, la vérité elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de l’enchaînement des phrases. Autrement dit, le discours car
1065 é elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de l’ enchaînement des phrases. Autrement dit, le discours cartésien n’a pas
1066 que de l’enchaînement des phrases. Autrement dit, le discours cartésien n’a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part
1067 clair et facile, et sa marche est une déduction. La convention d’un tel langage, est que tout est donné au départ, et qu’
1068 épart, et qu’il s’agit de ne rien introduire dans la chaîne des arguments qui n’ait été d’abord jaugé, chiffré, et défini
1069 l me semble qu’il faut y voir une garantie contre les illusions de la rhétorique flamboyante. Le romantisme a pu s’impatien
1070 faut y voir une garantie contre les illusions de la rhétorique flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter d’une allure
1071 ontre les illusions de la rhétorique flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter d’une allure aussi scrupuleuse, mais c’
1072 ’une allure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper et de tromper. A. Pour moi, je crains une duperie
1073 Pour moi, je crains une duperie moins naïve dans la modestie cartésienne. Car enfin où prend-on dans le monde rien qui so
1074 modestie cartésienne. Car enfin où prend-on dans le monde rien qui soit « clair, simple et facile » en soi ? Le monde dan
1075 ien qui soit « clair, simple et facile » en soi ? Le monde dans lequel nous vivons et parlons n’est-il pas, comme l’a dit
1076 lequel nous vivons et parlons n’est-il pas, comme l’ a dit un Russe « le monde de l’imprécis et du non résolu » ? Ou comme
1077 et parlons n’est-il pas, comme l’a dit un Russe «  le monde de l’imprécis et du non résolu » ? Ou comme l’écrit Descartes l
1078 ’est-il pas, comme l’a dit un Russe « le monde de l’ imprécis et du non résolu » ? Ou comme l’écrit Descartes lui-même, le
1079 monde de l’imprécis et du non résolu » ? Ou comme l’ écrit Descartes lui-même, le monde des choses « mal compassées » ? L’a
1080 n résolu » ? Ou comme l’écrit Descartes lui-même, le monde des choses « mal compassées » ? L’application d’une raison sans
1081 ui-même, le monde des choses « mal compassées » ? L’ application d’une raison sans parti pris à ce monde tel qu’il est donn
1082 n’a-t-elle pas pour effet immédiat de multiplier le mystère et les absurdités logiques ? Voyez Kafka… Je me demande alors
1083 s pour effet immédiat de multiplier le mystère et les absurdités logiques ? Voyez Kafka… Je me demande alors si le cartésia
1084 és logiques ? Voyez Kafka… Je me demande alors si le cartésianisme ne nous a pas trompés une fois pour toutes, à l’origine
1085 sme ne nous a pas trompés une fois pour toutes, à l’ origine, en décrétant — au nom de quoi, je vous en prie ? — la clarté
1086 n décrétant — au nom de quoi, je vous en prie ? —  la clarté et la simplicité d’un certain nombre de postulats abstraits. M
1087 au nom de quoi, je vous en prie ? — la clarté et la simplicité d’un certain nombre de postulats abstraits. Ma méfiance po
1088 bre de postulats abstraits. Ma méfiance porte sur l’ arrière-pensée qui présida au choix de ces données dites premières. En
1089 ères. Encore n’est-il pas exact de recourir ici à l’ expression d’arrière-pensée. C’est sans doute une « arrière-image » qu
1090 de vous demander de préciser ? A. J’essaierai de le faire par un exemple. La méthode inventée par Descartes est donc deve
1091 ser ? A. J’essaierai de le faire par un exemple. La méthode inventée par Descartes est donc devenue celle de la science.
1092 inventée par Descartes est donc devenue celle de la science. C’est elle dont usent nos physiciens, chimistes et mathémati
1093 n. Mais comment obtiennent-ils ces formules ? Par l’ examen des nombres qui résument leurs expériences, dira-t-on. Je n’en
1094 e analyse un certain nombre de phrases traduisant les résultats acquis. Or ces phrases ont été choisies par le savant en ve
1095 ltats acquis. Or ces phrases ont été choisies par le savant en vertu d’une double exigence : d’une part elles doivent perm
1096 espèce de symbolisme abstrait — si j’ose dire — à la formule mathématique ; d’autre part, et voilà qui est remarquable, il
1097 posent un discours cohérent sur des propriétés de la matière. Et ce discours n’est qu’un certain système d’images. S’il se
1098 hérence, c’est-à-dire par cette volonté d’exclure les sens ordinairement contradictoires des mots. Ainsi les lois formulées
1099 ens ordinairement contradictoires des mots. Ainsi les lois formulées par la science, ces modèles d’expression claire, se ré
1100 adictoires des mots. Ainsi les lois formulées par la science, ces modèles d’expression claire, se réfèrent en réalité à de
1101 procédé est sans danger quand il est appliqué par les savants, la science légale n’étant, c’est entendu, qu’une manière de
1102 ans danger quand il est appliqué par les savants, la science légale n’étant, c’est entendu, qu’une manière de parler du ré
1103 ère de parler du réel, et sans cesse corrigée par les faits. Mais où je crie à la tricherie, c’est quand le philosophe ou l
1104 s cesse corrigée par les faits. Mais où je crie à la tricherie, c’est quand le philosophe ou l’essayiste, séduits par la c
1105 aits. Mais où je crie à la tricherie, c’est quand le philosophe ou l’essayiste, séduits par la clarté axiomatique, prétend
1106 crie à la tricherie, c’est quand le philosophe ou l’ essayiste, séduits par la clarté axiomatique, prétendent partir de vér
1107 t quand le philosophe ou l’essayiste, séduits par la clarté axiomatique, prétendent partir de vérités élémentaires qui ne
1108 e langage. Je voudrais dire cela plus simplement… La tricherie d’une déduction claire consiste en ce qu’elle prétend parti
1109 partir d’un nombre limité de faits acquis, quand le tout, quand la fin nous échappent ! Comme s’il était licite, et même
1110 mbre limité de faits acquis, quand le tout, quand la fin nous échappent ! Comme s’il était licite, et même possible, de pa
1111 me possible, de partir de certains éléments et de les déclarer connus, quand on ignore méthodiquement l’ensemble dont ils d
1112 s déclarer connus, quand on ignore méthodiquement l’ ensemble dont ils dépendent et qui est leur seule mesure. C. J’avoue
1113 ecours aux formes du langage courant. A. Prenons la 3e règle de sa méthode : « Conduire par ordre mes pensées en commença
1114  Conduire par ordre mes pensées en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître. » Voilà qui pa
1115 ar ordre mes pensées en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître. » Voilà qui paraît clair,
1116 en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître. » Voilà qui paraît clair, j’entends conforme
1117 mun. Je distingue pourtant, derrière ce jugement, la plus étrange illusion de l’esprit : c’est une maxime populaire. On la
1118 derrière ce jugement, la plus étrange illusion de l’ esprit : c’est une maxime populaire. On la tient pour tellement éviden
1119 sion de l’esprit : c’est une maxime populaire. On la tient pour tellement évidente que son rappel, au cours d’une discussi
1120 sque une insolence. Cette maxime affirme en effet la nécessité générale de « commencer par le commencement ». Descartes qu
1121 en effet la nécessité générale de « commencer par le commencement ». Descartes qui vient d’assimiler sans sourciller la si
1122 . Descartes qui vient d’assimiler sans sourciller la simplicité d’un objet avec l’aisance à le connaître — c’est encore un
1123 ssimiler sans sourciller la simplicité d’un objet avec l’aisance à le connaître — c’est encore un tour du langage — ne va pa
1124 ler sans sourciller la simplicité d’un objet avec l’ aisance à le connaître — c’est encore un tour du langage — ne va pas r
1125 rciller la simplicité d’un objet avec l’aisance à le connaître — c’est encore un tour du langage — ne va pas reculer devan
1126 pas reculer devant cet autre exploit : poser que le plus simple est aussi le plus proche, et qu’il faut commencer par là.
1127 utre exploit : poser que le plus simple est aussi le plus proche, et qu’il faut commencer par là. C’est sans doute le plus
1128 et qu’il faut commencer par là. C’est sans doute le plus mauvais tour qu’on ait joué aux écrivains d’idées ! Commencer pa
1129 on ait joué aux écrivains d’idées ! Commencer par le commencement ! Aller du simple au compliqué ! Que cela paraît plein d
1130 u compliqué ! Que cela paraît plein de bon sens ! Le beau cliché, la belle absurdité, la magnifique carte postale ! S’il e
1131 e cela paraît plein de bon sens ! Le beau cliché, la belle absurdité, la magnifique carte postale ! S’il est une chose que
1132 de bon sens ! Le beau cliché, la belle absurdité, la magnifique carte postale ! S’il est une chose que l’expérience humain
1133 magnifique carte postale ! S’il est une chose que l’ expérience humaine me paraît avoir établie — je dirais : pour l’éterni
1134 umaine me paraît avoir établie — je dirais : pour l’ éternité ! — c’est bien qu’il faut toujours commencer par la fin, par
1135  ! — c’est bien qu’il faut toujours commencer par la fin, par la vision totale, par la révélation des fins dernières. On n
1136 ien qu’il faut toujours commencer par la fin, par la vision totale, par la révélation des fins dernières. On ne peut conna
1137 s commencer par la fin, par la vision totale, par la révélation des fins dernières. On ne peut connaître les parties que p
1138 vélation des fins dernières. On ne peut connaître les parties que par le tout, et non l’inverse. C. J’observe une fois de
1139 rnières. On ne peut connaître les parties que par le tout, et non l’inverse. C. J’observe une fois de plus avec curiosité
1140 eut connaître les parties que par le tout, et non l’ inverse. C. J’observe une fois de plus avec curiosité le glissement q
1141 et non l’inverse. C. J’observe une fois de plus avec curiosité le glissement qui s’opère dans vos propos : je vois que vou
1142 se. C. J’observe une fois de plus avec curiosité le glissement qui s’opère dans vos propos : je vois que vous allez passe
1143 trangère. Vous parliez d’une vision totale ?… A. L’ expression vous apparaît privée de sens ? Mesurez donc, une bonne fois
1144 vée de sens ? Mesurez donc, une bonne fois, toute l’ ampleur de ma déraison. Laissez-moi parler sans contrainte mon sabir e
1145 inte mon sabir eschatologique. Je disais donc que la déduction cartésienne travaille sur des cartes postales. Elle dispose
1146 re ses repères, et puis s’ébranle à reculons vers l’ inconnu, les yeux toujours fixés sur son jeu d’évidences. On conçoit d
1147 res, et puis s’ébranle à reculons vers l’inconnu, les yeux toujours fixés sur son jeu d’évidences. On conçoit dès lors qu’e
1148 d’évidences. On conçoit dès lors qu’elle se meuve avec tellement de précautions, vérifiant à chaque pas le chemin parcouru :
1149 tellement de précautions, vérifiant à chaque pas le chemin parcouru : elle ignore tout de son but et tiendrait même pour
1150 ut et tiendrait même pour une prévention fâcheuse la croyance que ce but existe en tout état de cause. Pour moi, c’est pre
1151 te en tout état de cause. Pour moi, c’est presque le contraire. Voilà : — Je sais que je suis dans la nuit. Je ne puis mar
1152 le contraire. Voilà : — Je sais que je suis dans la nuit. Je ne puis marcher que dans la confusion. Mais, si je marche ce
1153 je suis dans la nuit. Je ne puis marcher que dans la confusion. Mais, si je marche cependant, c’est qu’à certains moments
1154 he cependant, c’est qu’à certains moments j’ai vu le but. — J’ai cru le voir… C’est une vision illuminante, instantanée, d
1155 qu’à certains moments j’ai vu le but. — J’ai cru le voir… C’est une vision illuminante, instantanée, dont la trace ne tar
1156 … C’est une vision illuminante, instantanée, dont la trace ne tarde pas à s’évanouir dans mes yeux Cela suffit pourtant à
1157 yeux Cela suffit pourtant à guider quelques pas. Les autres, je les risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou du pr
1158 it pourtant à guider quelques pas. Les autres, je les risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou du pressentiment, so
1159 ider quelques pas. Les autres, je les risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou du pressentiment, soutenu par l’esp
1160 s. Les autres, je les risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir d’une vision
1161 es, je les risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir d’une vision renouvelée
1162 a nuit de la foi ou du pressentiment, soutenu par l’ espoir d’une vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation de ma dém
1163 utenu par l’espoir d’une vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation de ma démarche, et c’est pourquoi je vous disais
1164 l’espoir d’une vision renouvelée. Voilà le sens, l’ orientation de ma démarche, et c’est pourquoi je vous disais qu’on ne
1165 e, et c’est pourquoi je vous disais qu’on ne peut la comprendre qu’à partir de son but. Il est très juste qu’elle paraisse
1166 but. Il est très juste qu’elle paraisse absurde à l’ observateur raisonnable. C. Le propre d’une vision pareille, c’est qu
1167 paraisse absurde à l’observateur raisonnable. C. Le propre d’une vision pareille, c’est qu’elle est incommunicable, j’ima
1168 eux dire à sa plénitude instantanée qui décourage l’ analyse. Vous ne donnerez pas la sensation du blanc en décrivant les s
1169 née qui décourage l’analyse. Vous ne donnerez pas la sensation du blanc en décrivant les sept couleurs. C’est pourquoi le
1170 e donnerez pas la sensation du blanc en décrivant les sept couleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s
1171 nc en décrivant les sept couleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument
1172 t les sept couleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument inexplicable,
1173 urs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument inexplicable, et évident. Il n
1174 e significative du tout, et de chaque partie dans le tout. Bien entendu, je ne puis avancer aucun exemple d’une telle perf
1175 r cette limite pour éclairer — précisément — tout l’ entre-deux, la pénombre de ce débat. Je vois maintenant deux espèces d
1176 pour éclairer — précisément — tout l’entre-deux, la pénombre de ce débat. Je vois maintenant deux espèces de langage. Ram
1177 vois maintenant deux espèces de langage. Ramenons- les pour simplifier à deux modes d’expression également rigoureuse et pou
1178 tant exclusifs l’un de l’autre. Le premier serait la loi scientifique. Ses conventions sont la clarté et l’absence de cont
1179 serait la loi scientifique. Ses conventions sont la clarté et l’absence de contradiction. La seconde forme d’expression,
1180 i scientifique. Ses conventions sont la clarté et l’ absence de contradiction. La seconde forme d’expression, ce serait cel
1181 it celle dont j’essayais de vous faire pressentir la limite, en parlant d’un langage inexplicable et pourtant évident. C’e
1182 inexplicable et pourtant évident. C’est peut-être le verbe impliquer qui distinguera le mieux cette forme-là de la premièr
1183 ’est peut-être le verbe impliquer qui distinguera le mieux cette forme-là de la première, dont l’office est évidemment d’e
1184 uera le mieux cette forme-là de la première, dont l’ office est évidemment d’expliquer. Oui, cette opposition va nous aider
1185 . Oui, cette opposition va nous aider : impliquer le réel comme tel, et non pas expliquer certaines manières de le réduire
1186 e tel, et non pas expliquer certaines manières de le réduire aux exigences d’un discours cohérent — voilà sans doute le rô
1187 igences d’un discours cohérent — voilà sans doute le rôle du langage parabolique… De là vient son obscurité. Parler en par
1188 n fait ou des idées, en tenant compte du tout qui les englobe. Ou c’est encore se garder avec soin de les définir autrement
1189 u tout qui les englobe. Ou c’est encore se garder avec soin de les définir autrement qu’en vue de cette fin dernière vers qu
1190 s englobe. Ou c’est encore se garder avec soin de les définir autrement qu’en vue de cette fin dernière vers quoi l’on tend
1191 trement qu’en vue de cette fin dernière vers quoi l’ on tend. Le langage cartésien ou scientifique cherche à réduire les fa
1192 en vue de cette fin dernière vers quoi l’on tend. Le langage cartésien ou scientifique cherche à réduire les faits ou les
1193 ngage cartésien ou scientifique cherche à réduire les faits ou les idées à quelques éléments isolés de mesure. Il s’organis
1194 en ou scientifique cherche à réduire les faits ou les idées à quelques éléments isolés de mesure. Il s’organise tout nature
1195 on. C’est à partir du terme, encore une fois, que les contradictions s’éclairent et se résolvent, et non pas à partir d’élé
1196 s à partir d’éléments que j’aurais distingués dès le départ. Une parabole se comprend par la fin. Comme l’expédition de Co
1197 ngués dès le départ. Une parabole se comprend par la fin. Comme l’expédition de Colomb partant pour reconnaître une Amériq
1198 épart. Une parabole se comprend par la fin. Comme l’ expédition de Colomb partant pour reconnaître une Amérique de vision.
1199 de vision. Et cette fin, ce terme, ce télos, tous les hiatus, toutes les obscurités, tous les paralogismes du langage doive
1200 fin, ce terme, ce télos, tous les hiatus, toutes les obscurités, tous les paralogismes du langage doivent l’indiquer comme
1201 los, tous les hiatus, toutes les obscurités, tous les paralogismes du langage doivent l’indiquer comme au-delà d’eux-mêmes…
1202 curités, tous les paralogismes du langage doivent l’ indiquer comme au-delà d’eux-mêmes… ce que ne sauraient faire des argu
1203 nt faire des arguments toujours fondés sur ce qui les précède. Voilà pourquoi le discours d’un prophète est le contraire d’
1204 urs fondés sur ce qui les précède. Voilà pourquoi le discours d’un prophète est le contraire d’un discours. L’événement se
1205 ède. Voilà pourquoi le discours d’un prophète est le contraire d’un discours. L’événement seul lui rendra sa raison. Ainsi
1206 urs d’un prophète est le contraire d’un discours. L’ événement seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole est une énigme
1207 urs. L’événement seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole est une énigme dont le sens est dans la vision. C. Comment
1208 sa raison. Ainsi la parabole est une énigme dont le sens est dans la vision. C. Comment expliquez-vous le plaisir que je
1209 la parabole est une énigme dont le sens est dans la vision. C. Comment expliquez-vous le plaisir que je prends à la lect
1210 ns est dans la vision. C. Comment expliquez-vous le plaisir que je prends à la lecture de certaines paraboles dont le sen
1211 Comment expliquez-vous le plaisir que je prends à la lecture de certaines paraboles dont le sens eschatologique m’échappe,
1212 e prends à la lecture de certaines paraboles dont le sens eschatologique m’échappe, je le suppose, absolument ? A. Je dem
1213 raboles dont le sens eschatologique m’échappe, je le suppose, absolument ? A. Je demandais un jour à une petite-fille pou
1214 ples, sachant qu’ils ne comprendraient pas. Voici la réponse qu’elle me fit : Jésus racontait des histoires pour qu’ils s’
1215 ils s’en souviennent mieux plus tard. C’est comme les noix qui ont une coquille très dure. On peut les emporter sans qu’ell
1216 les noix qui ont une coquille très dure. On peut les emporter sans qu’elles se gâtent, et quand on a faim, on les ouvre.
1217 r sans qu’elles se gâtent, et quand on a faim, on les ouvre. C. Encore une petite question, voulez-vous ? Qui a le droit d
1218 . Encore une petite question, voulez-vous ? Qui a le droit de parler en paraboles, et d’être obscur à la manière des proph
1219 et d’être obscur à la manière des prophètes ? A. Le droit ? Personne, bien sûr ! Personne n’a aucun droit de ce genre, si
1220 en sûr ! Personne n’a aucun droit de ce genre, si l’ on nomme droit la garantie formelle d’un usage. Mais il arrive assez s
1221 n’a aucun droit de ce genre, si l’on nomme droit la garantie formelle d’un usage. Mais il arrive assez souvent que l’on o
1222 elle d’un usage. Mais il arrive assez souvent que l’ on oublie les grandes et graves raisons qu’il y a de se taire, ou de p
1223 age. Mais il arrive assez souvent que l’on oublie les grandes et graves raisons qu’il y a de se taire, ou de parler seuleme
1224 ’il y a de se taire, ou de parler seulement selon le droit et la décence, en toute clarté. Il arrive que certains furieux,
1225 e taire, ou de parler seulement selon le droit et la décence, en toute clarté. Il arrive que certains furieux, je ne sais
1226 chés, s’abandonnent aux hasards de tricheries qui les flattent. Ils appellent cela poésie. On peut toutefois imaginer une a
1227 On peut toutefois imaginer une autre attitude de l’ être, et qui soit telle que la question du droit ne se pose plus. C’es
1228 e autre attitude de l’être, et qui soit telle que la question du droit ne se pose plus. C’est l’attitude de l’homme qui a
1229 e que la question du droit ne se pose plus. C’est l’ attitude de l’homme qui a vu quelque chose, ou simplement qui a cru vo
1230 ion du droit ne se pose plus. C’est l’attitude de l’ homme qui a vu quelque chose, ou simplement qui a cru voir, et qui vou
1231 cru voir, et qui voudrait retrouver sa vision et la faire pressentir à d’autres hommes. Une vision ne se transmet pas, c’
1232 tres hommes. Une vision ne se transmet pas, c’est le contraire d’une carte postale. Il s’agit donc de disposer l’esprit da
1233 e d’une carte postale. Il s’agit donc de disposer l’ esprit dans une certaine orientation au moyen de mots et de phrases qu
1234 tre compris en soi et dans leur lettre, mais dont le sens dernier ne puisse être aperçu sous un angle de vision quelconque
1235 çu sous un angle de vision quelconque. Je dis que l’ homme qui a vu quelque chose doit parler la langue des prophètes et co
1236 is que l’homme qui a vu quelque chose doit parler la langue des prophètes et composer des paraboles. Si ses prophéties son
1237 il n’en est pas moins un prophète. Mais alors on le jugera selon sa fin. Vous m’avouerez que dans ces conditions il faut
1238 ne sorte de naïveté très singulière pour endosser le risque d’être obscur. Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait
1239 dosser le risque d’être obscur. Passe encore pour l’ homme de Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de
1240 Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est
1241 e Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des visions moins illustres
1242 la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des visions moins illustres, qui n’embrassent pas
1243 des visions moins illustres, qui n’embrassent pas le monde de haut en bas, dans un fulgurant inventaire. Je parle de visio
1244 Je parle de visions furtives qui sont à celle de l’ apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de la
1245 sions furtives qui sont à celle de l’apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de la Fin, mais signe
1246 etit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de la Fin, mais signes seulement, résumés, prises partielles et significati
1247 lles et significatives… Certes celui qui pourrait les fixer retrouverait toute l’Apocalypse, comme Cuvier la préhistoire à
1248 s celui qui pourrait les fixer retrouverait toute l’ Apocalypse, comme Cuvier la préhistoire à partir d’une vertèbre isolée
1249 xer retrouverait toute l’Apocalypse, comme Cuvier la préhistoire à partir d’une vertèbre isolée. Mais l’oubli vient avec l
1250 préhistoire à partir d’une vertèbre isolée. Mais l’ oubli vient avec le premier doute… Petites visions des hommes de peu d
1251 partir d’une vertèbre isolée. Mais l’oubli vient avec le premier doute… Petites visions des hommes de peu de foi, visions d
1252 ites visions des hommes de peu de foi, visions de la fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance,
1253 foi, visions de la fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance, — il n’en faut pourtant pas dava
1254 e la fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance, — il n’en faut pourtant pas davantage pour nous
1255 nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance, — il n’en faut pourtant pas davantage pour nous réduire au
1256 ge pour nous réduire au parler prophétique. C’est le même risque, et ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles de J
1257 rophétique. C’est le même risque, et ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prophètes, ont
1258 le même risque, et ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prophètes, ont été justifiés dans
1259 as la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prophètes, ont été justifiés dans leur délire, mais un prophèt
1260 . 7. Quatre « dialogues » paraîtront au début de l’ ouvrage Doctrine fabuleuse , publié en 1947. j. Rougemont Denis de,
10 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
1261 L’ attitude personnaliste (octobre 1944)l La lecture des journaux clan
1262 L’attitude personnaliste (octobre 1944)l La lecture des journaux clandestins parus en France montre que les idées
1263 s journaux clandestins parus en France montre que les idées personnalistes avaient fait leur chemin dans l’élite de la Rési
1264 dées personnalistes avaient fait leur chemin dans l’ élite de la Résistance. S’agit-il d’une influence directe, ou d’une pr
1265 nalistes avaient fait leur chemin dans l’élite de la Résistance. S’agit-il d’une influence directe, ou d’une prise de cons
1266 te, ou d’une prise de conscience spontanée devant la leçon des faits, nous le saurons un jour. Mais il est clair dès maint
1267 science spontanée devant la leçon des faits, nous le saurons un jour. Mais il est clair dès maintenant que les circonstanc
1268 ons un jour. Mais il est clair dès maintenant que les circonstances sont enfin devenues favorables pour une action plus lar
1269 ables pour une action plus large et constructive. Les événements eux-mêmes se sont chargés de faire la critique de tant d’i
1270 Les événements eux-mêmes se sont chargés de faire la critique de tant d’incohérences au sein desquelles le Français moyen
1271 ritique de tant d’incohérences au sein desquelles le Français moyen pensait pouvoir vivre impunément, jusqu’à ce que Hitle
1272 incohérences au sein desquelles le Français moyen pensait pouvoir vivre impunément, jusqu’à ce que Hitler vînt en prendre avant
1273 prendre avantage. Devant un monde à reconstruire, les grandes questions peuvent et doivent être reposées. Allons-nous rebât
1274 et doivent être reposées. Allons-nous rebâtir sur les valeurs d’une philosophie de l’Objet (qui était celle du capitalisme
1275 nous rebâtir sur les valeurs d’une philosophie de l’ Objet (qui était celle du capitalisme et des divers « planisme »), ou
1276 isme »), ou bien allons-nous faire une société où les objets soient remis au service de l’homme qui crée et qui se veut res
1277 société où les objets soient remis au service de l’ homme qui crée et qui se veut responsable ? Si nous choisissons la sec
1278 esponsable ? Si nous choisissons la seconde voie, la doctrine du personnalisme s’impose à l’attention sérieuse. Les jeunes
1279 nde voie, la doctrine du personnalisme s’impose à l’ attention sérieuse. Les jeunes gens qui prenaient conscience de leur r
1280 du personnalisme s’impose à l’attention sérieuse. Les jeunes gens qui prenaient conscience de leur responsabilité intellect
1281 ue vers 1930, en France, se trouvaient confrontés avec les dilemmes suivants : droite ou gauche, capitalisme ou socialisme,
1282 rs 1930, en France, se trouvaient confrontés avec les dilemmes suivants : droite ou gauche, capitalisme ou socialisme, indi
1283 es leur paraissaient faux, périmés ou illusoires. Les forces politiques en apparence les plus opposées se trouvaient agir e
1284 ou illusoires. Les forces politiques en apparence les plus opposées se trouvaient agir en fait dans le même sens : elles te
1285 les plus opposées se trouvaient agir en fait dans le même sens : elles tendaient toutes à dépersonnaliser l’homme, à le ré
1286 e sens : elles tendaient toutes à dépersonnaliser l’ homme, à le réduire à un agrégat de réflexes conditionnés par l’État,
1287 les tendaient toutes à dépersonnaliser l’homme, à le réduire à un agrégat de réflexes conditionnés par l’État, le Parti et
1288 réduire à un agrégat de réflexes conditionnés par l’ État, le Parti et les statisticiens. Sur le plan philosophique, la sit
1289 à un agrégat de réflexes conditionnés par l’État, le Parti et les statisticiens. Sur le plan philosophique, la situation n
1290 de réflexes conditionnés par l’État, le Parti et les statisticiens. Sur le plan philosophique, la situation n’était pas me
1291 et les statisticiens. Sur le plan philosophique, la situation n’était pas meilleure. Là encore, la personne humaine se vo
1292 e, la situation n’était pas meilleure. Là encore, la personne humaine se voyait attaquée, disséquée, réduite de plus en pl
1293 it attaquée, disséquée, réduite de plus en plus à l’ irresponsabilité. La psychologie freudienne ne voyait en elle qu’un îl
1294 ée, réduite de plus en plus à l’irresponsabilité. La psychologie freudienne ne voyait en elle qu’un îlot précaire perdu da
1295 ne voyait en elle qu’un îlot précaire perdu dans l’ océan de l’inconscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à des dét
1296 en elle qu’un îlot précaire perdu dans l’océan de l’ inconscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à des déterminismes
1297 océan de l’inconscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à des déterminismes biologiques, ou sociologiques, ou économi
1298 ues, ou économiques. Que devenait dans tout cela, le droit imprescriptible d’un homme à dire je, à dire moi, à se considér
1299 oint des objets — fussent-ils aussi abstraits que les fameuses « forces économiques » — mais de l’homme, mesure de toutes c
1300 que les fameuses « forces économiques » — mais de l’ homme, mesure de toutes choses. La grande question était donc : qu’est
1301 ues » — mais de l’homme, mesure de toutes choses. La grande question était donc : qu’est-ce que l’homme ? Sur quelle notio
1302 es. La grande question était donc : qu’est-ce que l’ homme ? Sur quelle notion centrale de son humanité devons-nous recentr
1303 on centrale de son humanité devons-nous recentrer le monde ? Les institutions doivent être fondées sur une notion compréhe
1304 de son humanité devons-nous recentrer le monde ? Les institutions doivent être fondées sur une notion compréhensive de l’h
1305 vent être fondées sur une notion compréhensive de l’ homme, sinon elles agissent contre l’homme. Or l’individu, sur lequel
1306 réhensive de l’homme, sinon elles agissent contre l’ homme. Or l’individu, sur lequel voulait se fonder la démocratie d’un
1307 l’homme, sinon elles agissent contre l’homme. Or l’ individu, sur lequel voulait se fonder la démocratie d’un siècle derni
1308 omme. Or l’individu, sur lequel voulait se fonder la démocratie d’un siècle dernier, et le soldat politique sur lequel a v
1309 t se fonder la démocratie d’un siècle dernier, et le soldat politique sur lequel a voulu se fonder le totalitarisme de ce
1310 le soldat politique sur lequel a voulu se fonder le totalitarisme de ce siècle, ne sont pas des hommes complets. L’indivi
1311 me de ce siècle, ne sont pas des hommes complets. L’ individu n’a que des droits, le soldat politique que des devoirs. Le p
1312 s hommes complets. L’individu n’a que des droits, le soldat politique que des devoirs. Le premier est un pur concept, le s
1313 nd est un simple objet. À ces deux mutilations de la notion d’homme, les jeunes intellectuels français opposèrent la notio
1314 jet. À ces deux mutilations de la notion d’homme, les jeunes intellectuels français opposèrent la notion de personne. Quell
1315 mme, les jeunes intellectuels français opposèrent la notion de personne. Quelles que fussent les prémisses religieuses ou
1316 sèrent la notion de personne. Quelles que fussent les prémisses religieuses ou métaphysiques des diverses tendances personn
1317 endaient fort bien sur des formules de ce genre : les institutions doivent être au service de l’homme, et non l’inverse : —
1318 nre : les institutions doivent être au service de l’ homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’être un mot creux qu
1319 utions doivent être au service de l’homme, et non l’ inverse : — la liberté ne cesse d’être un mot creux que dans un ordre
1320 être au service de l’homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’être un mot creux que dans un ordre souple, qui re
1321 mot creux que dans un ordre souple, qui respecte la diversité des vocations ; — là où l’homme veut être total, l’État ne
1322 qui respecte la diversité des vocations ; — là où l’ homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. Un certain n
1323 des vocations ; — là où l’homme veut être total, l’ État ne sera jamais totalitaire. Un certain nombre de mots-clés se ret
1324 rtain nombre de mots-clés se retrouvent dans tous les ouvrages publiés par les personnalistes : vocation, risque, engagemen
1325 se retrouvent dans tous les ouvrages publiés par les personnalistes : vocation, risque, engagement, responsabilité, commun
1326 osophes s’étaient intitulés « personnalistes » ou l’ avaient été avant la lettre : Leibnitz, Kant, Renouvier, ou de nos jou
1327 titulés « personnalistes » ou l’avaient été avant la lettre : Leibnitz, Kant, Renouvier, ou de nos jours un William Stern,
1328 n William Stern, un Keyserling, un C. G. Jung, et l’ école californienne de The Personalist. Mais la caractéristique du mou
1329 et l’école californienne de The Personalist. Mais la caractéristique du mouvement personnaliste français fut, dès le début
1330 ique du mouvement personnaliste français fut, dès le début, de considérer sa doctrine comme le fondement immédiat d’une ac
1331 ut, dès le début, de considérer sa doctrine comme le fondement immédiat d’une action politique, d’une économie, d’un régim
1332 tique. C’est pourquoi je ne saurais mieux décrire la doctrine du personnalisme qu’en indiquant certaines des tentatives d’
1333 qu’en indiquant certaines des tentatives d’action les plus typiques qu’elle inspira avant cette guerre. Un service civil
1334 Les premiers manifestes et volumes publiés par le mouvement n’apportaient pas les blue-prints d’une société idéale, mai
1335 olumes publiés par le mouvement n’apportaient pas les blue-prints d’une société idéale, mais quelques principes d’action. C
1336 elques principes d’action. Car il s’agissait pour les personnalistes d’un changement spirituel d’abord, les changements ins
1337 personnalistes d’un changement spirituel d’abord, les changements institutionnels n’ayant de valeur à leurs yeux que s’ils
1338 traduisaient réellement une attitude nouvelle de l’ homme aux prises avec le destin d’un siècle nouveau. Alors que la plup
1339 ement une attitude nouvelle de l’homme aux prises avec le destin d’un siècle nouveau. Alors que la plupart des révolutionnai
1340 une attitude nouvelle de l’homme aux prises avec le destin d’un siècle nouveau. Alors que la plupart des révolutionnaires
1341 ndiquer des réformes isolées ou matérielles comme l’ abolition du Parlement, des salaires plus élevés, la nationalisation d
1342 abolition du Parlement, des salaires plus élevés, la nationalisation des grandes industries, les personnalistes affirmaien
1343 levés, la nationalisation des grandes industries, les personnalistes affirmaient la nécessité d’une révolution plus profond
1344 randes industries, les personnalistes affirmaient la nécessité d’une révolution plus profonde : révolution dans la manière
1345 d’une révolution plus profonde : révolution dans la manière de poser les problèmes, avant de prétendre leur donner telle
1346 us profonde : révolution dans la manière de poser les problèmes, avant de prétendre leur donner telle ou telle solution imm
1347 tion immédiate, utopique ou opportuniste. Prenons le problème du prolétariat. Le groupe de l’Ordre nouveau proposa l’insti
1348 opportuniste. Prenons le problème du prolétariat. Le groupe de l’Ordre nouveau proposa l’institution d’un service civil ob
1349 prolétariat. Le groupe de l’Ordre nouveau proposa l’ institution d’un service civil obligatoire, répartissant sur l’ensembl
1350 d’un service civil obligatoire, répartissant sur l’ ensemble de la population le travail industriel non différencié. Penda
1351 civil obligatoire, répartissant sur l’ensemble de la population le travail industriel non différencié. Pendant un an ou pl
1352 ire, répartissant sur l’ensemble de la population le travail industriel non différencié. Pendant un an ou plus, tous les c
1353 riel non différencié. Pendant un an ou plus, tous les citoyens travailleraient dans les usines, au lieu de faire une année
1354 n ou plus, tous les citoyens travailleraient dans les usines, au lieu de faire une année de caserne. Les avantages de ce se
1355 es usines, au lieu de faire une année de caserne. Les avantages de ce service civil seraient triples : 1) Justice sociale.
1356 vice civil seraient triples : 1) Justice sociale. La classe prolétarienne serait relevée de son fardeau à vie. 2) Économie
1357 serait relevée de son fardeau à vie. 2) Économie. La hantise du salaire ne serait plus le seul mobile du travailleur, et l
1358 2) Économie. La hantise du salaire ne serait plus le seul mobile du travailleur, et la masse de main-d’œuvre créée par le
1359 ne serait plus le seul mobile du travailleur, et la masse de main-d’œuvre créée par le service civil serait mise par l’Ét
1360 ravailleur, et la masse de main-d’œuvre créée par le service civil serait mise par l’État à la disposition des libres entr
1361 ’œuvre créée par le service civil serait mise par l’ État à la disposition des libres entreprises, syndicats ou coopérative
1362 éée par le service civil serait mise par l’État à la disposition des libres entreprises, syndicats ou coopératives, qui ju
1363 oopératives, qui justifieraient leur utilité pour le bien commun. 3) Perfectionnement technique. Nul n’aurait plus intérêt
1364 technique. Nul n’aurait plus intérêt à paralyser l’ invention, puisqu’elle ne créerait plus de chômage technologique. Les
1365 u’elle ne créerait plus de chômage technologique. Les industriels hochèrent la tête. Ils ne croyaient pas qu’un simple civi
1366 chômage technologique. Les industriels hochèrent la tête. Ils ne croyaient pas qu’un simple civil pourrait du jour au len
1367 jour au lendemain se transformer en bon manœuvre. Les politiciens déclarèrent le projet utopique et d’ailleurs néfaste : il
1368 rmer en bon manœuvre. Les politiciens déclarèrent le projet utopique et d’ailleurs néfaste : il risquait de résoudre un co
1369 à rendre plus aigu. Conformément à leur doctrine, les personnalistes répondirent par un engagement personnel. Ils tentèrent
1370 tique, à petite échelle. Dans plusieurs usines de la région parisienne, ils se firent embaucher par groupes, comme manœuvr
1371 manufacture de brosses à dents, l’un d’eux battit le record de production de l’atelier. Il était éditeur de son métier, et
1372 nts, l’un d’eux battit le record de production de l’ atelier. Il était éditeur de son métier, et si peu adroit de ses mains
1373 it éditeur de son métier, et si peu adroit de ses mains qu’il assurait être le seul officier de réserve français qui se fût j
1374 et si peu adroit de ses mains qu’il assurait être le seul officier de réserve français qui se fût jamais blessé avec son p
1375 cier de réserve français qui se fût jamais blessé avec son propre sabre ! Les pionniers du service civil donnèrent leur sala
1376 qui se fût jamais blessé avec son propre sabre ! Les pionniers du service civil donnèrent leur salaire aux ouvriers qu’ils
1377 ette institution n’existait pas encore en France. L’ expérience, dans l’ensemble, réussit brillamment. Je me suis étendu su
1378 existait pas encore en France. L’expérience, dans l’ ensemble, réussit brillamment. Je me suis étendu sur cet exemple uniqu
1379 e suis étendu sur cet exemple unique pour décrire le climat de l’effort personnaliste. Il est clair que l’institution du s
1380 sur cet exemple unique pour décrire le climat de l’ effort personnaliste. Il est clair que l’institution du service civil
1381 limat de l’effort personnaliste. Il est clair que l’ institution du service civil supposait une refonte générale de l’écono
1382 u service civil supposait une refonte générale de l’ économie, et notamment une discrimination très précise entre le travai
1383 t notamment une discrimination très précise entre le travail quantitatif (ou « parcellaire ») et le travail qualitatif ou
1384 re le travail quantitatif (ou « parcellaire ») et le travail qualitatif ou créateur. Le premier devait être entièrement so
1385 er devait être entièrement socialisé, et régi par l’ État, qui assurerait d’autre part la distribution d’un minimum vital g
1386 , et régi par l’État, qui assurerait d’autre part la distribution d’un minimum vital gratuit pour tous. Le second devait r
1387 it rester libre, et d’autant plus qu’il recevrait l’ aide gratuite du service civil. L’État lui-même se trouverait réduit a
1388 qu’il recevrait l’aide gratuite du service civil. L’ État lui-même se trouverait réduit au rôle précis et limité d’agence d
1389 mité d’agence de statistique et de répartition de la main-d’œuvre et du bonus social, au profit des entreprises libres et
1390 entreprises libres et des groupes coopératifs. La notion de groupe L’un des traits marquants du mouvement personnali
1391 mouvement personnaliste, c’est son insistance sur la nécessité des groupes autonomes et organiques. Elle coïncide avec la
1392 es groupes autonomes et organiques. Elle coïncide avec la découverte la plus importante de notre siècle : celle de l’être-en
1393 oupes autonomes et organiques. Elle coïncide avec la découverte la plus importante de notre siècle : celle de l’être-en-re
1394 s et organiques. Elle coïncide avec la découverte la plus importante de notre siècle : celle de l’être-en-relations. Que c
1395 rte la plus importante de notre siècle : celle de l’ être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de la physique ou celui
1396  : celle de l’être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de la physique ou celui de la sociologie, en mathématiques, e
1397 être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de la physique ou celui de la sociologie, en mathématiques, en politique, e
1398 e soit dans le domaine de la physique ou celui de la sociologie, en mathématiques, en politique, en économie, les meilleur
1399 gie, en mathématiques, en politique, en économie, les meilleurs esprits de ce temps sont parvenus à des conclusions analogu
1400 ficacité, qu’au sein d’un groupe donné de forces. L’ homme, par exemple, n’est réel que dans une communauté ni trop étroite
1401 xiste vraiment comme personne que dans un cadre à la mesure humaine, dans un groupe : entreprise ou commune, patrie locale
1402 ale ou cercle invisible d’esprits apparentés dans le monde entier. Mais cette image d’un univers composé de groupements au
1403 nstitutions. Nos nations sont restées au stade de la classification des corps simples par Mendeleïev, quand nous en sommes
1404 par Mendeleïev, quand nous en sommes au siècle de la physique quantique. La paresse d’esprit et l’inertie ont laissé se co
1405 ous en sommes au siècle de la physique quantique. La paresse d’esprit et l’inertie ont laissé se constituer au xxe siècle
1406 de la physique quantique. La paresse d’esprit et l’ inertie ont laissé se constituer au xxe siècle des cadres démesurés,
1407 siècle des cadres démesurés, simplifiés jusqu’à la démence et rigides comme elle, qui pèsent lourdement sur nos activité
1408 me elle, qui pèsent lourdement sur nos activités. L’ État centralisé et sa bureaucratie abstraite tendent à détruire les gr
1409 é et sa bureaucratie abstraite tendent à détruire les groupes organiques, à leur imposer en dépit du bon sens des frontière
1410 régime uniforme. C’est pourquoi, se plaçant dans la ligne des forces les plus actives, sinon les plus spectaculaires du s
1411 est pourquoi, se plaçant dans la ligne des forces les plus actives, sinon les plus spectaculaires du siècle, le personnalis
1412 dans la ligne des forces les plus actives, sinon les plus spectaculaires du siècle, le personnalisme se déclara fédéralist
1413 actives, sinon les plus spectaculaires du siècle, le personnalisme se déclara fédéraliste, ou « pluraliste ». Au centre un
1414 ou « pluraliste ». Au centre unique, étendant sur l’ économie, la vie politique et les coutumes d’un pays le carcan géométr
1415 ste ». Au centre unique, étendant sur l’économie, la vie politique et les coutumes d’un pays le carcan géométrique de ses
1416 que, étendant sur l’économie, la vie politique et les coutumes d’un pays le carcan géométrique de ses décrets, le personnal
1417 nomie, la vie politique et les coutumes d’un pays le carcan géométrique de ses décrets, le personnalisme opposait les foye
1418 s d’un pays le carcan géométrique de ses décrets, le personnalisme opposait les foyers rayonnants de création locale : ent
1419 étrique de ses décrets, le personnalisme opposait les foyers rayonnants de création locale : entreprise et commune à la bas
1420 ants de création locale : entreprise et commune à la base, librement fédérées par bassins naturels, par-dessus les frontiè
1421 brement fédérées par bassins naturels, par-dessus les frontières nationales, au besoin. Je donnerai deux exemples des consé
1422 ctrinale. Dès 1937, l’Ordre nouveau avait dénoncé l’ organisation hypercentralisée de l’armée française, copiée sur la cent
1423 avait dénoncé l’organisation hypercentralisée de l’ armée française, copiée sur la centralisation politique de la nation.
1424 hypercentralisée de l’armée française, copiée sur la centralisation politique de la nation. La France avait des frontières
1425 nçaise, copiée sur la centralisation politique de la nation. La France avait des frontières rigides et un centre unique, P
1426 iée sur la centralisation politique de la nation. La France avait des frontières rigides et un centre unique, Paris. Entre
1427 ntières rigides et un centre unique, Paris. Entre les deux, le vide, l’espace abstrait. Les personnalistes proposaient au c
1428 gides et un centre unique, Paris. Entre les deux, le vide, l’espace abstrait. Les personnalistes proposaient au contraire
1429 un centre unique, Paris. Entre les deux, le vide, l’ espace abstrait. Les personnalistes proposaient au contraire un systèm
1430 aris. Entre les deux, le vide, l’espace abstrait. Les personnalistes proposaient au contraire un système de foyers de résis
1431 système de foyers de résistance élevés dans toute la profondeur du pays, et une mobilisation fortement décentralisée. C’ét
1432 isation fortement décentralisée. C’était en somme le système militaire de la Suisse, traduisant un régime fédéraliste. Les
1433 ralisée. C’était en somme le système militaire de la Suisse, traduisant un régime fédéraliste. Les événements de 1940 et t
1434 e de la Suisse, traduisant un régime fédéraliste. Les événements de 1940 et toute l’évolution ultérieure de la guerre ont a
1435 gime fédéraliste. Les événements de 1940 et toute l’ évolution ultérieure de la guerre ont amplement confirmé ces vues. L’U
1436 ements de 1940 et toute l’évolution ultérieure de la guerre ont amplement confirmé ces vues. L’Underground, dans plusieurs
1437 ure de la guerre ont amplement confirmé ces vues. L’ Underground, dans plusieurs pays, en a glorieusement confirmé l’effica
1438 dans plusieurs pays, en a glorieusement confirmé l’ efficacité. Les groupes personnalistes critiquaient également la press
1439 s pays, en a glorieusement confirmé l’efficacité. Les groupes personnalistes critiquaient également la presse en France. Vé
1440 Les groupes personnalistes critiquaient également la presse en France. Vénale, pauvre en informations, ou mensongère, elle
1441 ations, ou mensongère, elle ne reflétait plus que l’ anarchie capitaliste, non le pays réel. Que faire contre ce mal, sans
1442 ne reflétait plus que l’anarchie capitaliste, non le pays réel. Que faire contre ce mal, sans capitaux énormes ? Les perso
1443 Que faire contre ce mal, sans capitaux énormes ? Les personnalistes organisèrent des « clubs de presse ». Dans chaque quar
1444 i transmettre des informations vraies (celles que la presse passait sous silence), lui révéler les secrets de la vénalité
1445 que la presse passait sous silence), lui révéler les secrets de la vénalité des grands journaux, et recueillir une documen
1446 passait sous silence), lui révéler les secrets de la vénalité des grands journaux, et recueillir une documentation locale
1447 ise et humaine. Un bulletin de liaison alimentait les clubs. Tout était préparé pour sa transmission en cas de crise révolu
1448 on en cas de crise révolutionnaire ou d’invasion, Les Clubs de presse personnalistes fournirent ainsi le premier modèle des
1449 si le premier modèle des publications fameuses de l’ Underground. État présent et avenir du mouvement À la veille de
1450 ound. État présent et avenir du mouvement À la veille de la guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les impl
1451 présent et avenir du mouvement À la veille de la guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les implications de s
1452 avenir du mouvement À la veille de la guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les implications de sa doctrine
1453 a guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les implications de sa doctrine dans les plans les plus divers. Il était
1454 si à dégager les implications de sa doctrine dans les plans les plus divers. Il était prêt à déclencher une action en profo
1455 er les implications de sa doctrine dans les plans les plus divers. Il était prêt à déclencher une action en profondeur d’ab
1456 tins, brochures et tracts, répandaient ses idées. Les nazis avaient délégué leur représentant en France, Abetz, au soin d’o
1457 er de très près ce développement inquiétant. Mais les personnalistes mesuraient sans illusions les obstacles qui leur barra
1458 Mais les personnalistes mesuraient sans illusions les obstacles qui leur barraient encore la route. Ils souffraient tout d’
1459 illusions les obstacles qui leur barraient encore la route. Ils souffraient tout d’abord d’une qualité et d’un défaut bien
1460 ualité et d’un défaut bien typiquement français : le sérieux et l’excès d’idées neuves. Hors d’eux-mêmes s’opposaient à le
1461 défaut bien typiquement français : le sérieux et l’ excès d’idées neuves. Hors d’eux-mêmes s’opposaient à leur action : le
1462 es. Hors d’eux-mêmes s’opposaient à leur action : les grands intérêts capitalistes, les politiciens démagogues, l’insoucian
1463 à leur action : les grands intérêts capitalistes, les politiciens démagogues, l’insouciance générale à la veille d’un désas
1464 ntérêts capitalistes, les politiciens démagogues, l’ insouciance générale à la veille d’un désastre prévisible, les préjugé
1465 politiciens démagogues, l’insouciance générale à la veille d’un désastre prévisible, les préjugés de droite et de gauche,
1466 ce générale à la veille d’un désastre prévisible, les préjugés de droite et de gauche, le manque d’argent et de moyens de p
1467 prévisible, les préjugés de droite et de gauche, le manque d’argent et de moyens de pression collectifs. Il valait mieux
1468 pagande trop coûteuse pour rester pure. Au reste, la doctrine personnaliste impliquait un progrès organique, forcément len
1469 it de gagner des hommes, un à un, non des masses. La guerre et l’invasion obligèrent le mouvement à « disparaître ». Dans
1470 des hommes, un à un, non des masses. La guerre et l’ invasion obligèrent le mouvement à « disparaître ». Dans l’intervalle
1471 on des masses. La guerre et l’invasion obligèrent le mouvement à « disparaître ». Dans l’intervalle entre l’armistice de j
1472 n obligèrent le mouvement à « disparaître ». Dans l’ intervalle entre l’armistice de juin 1940 et la suppression de toute e
1473 vement à « disparaître ». Dans l’intervalle entre l’ armistice de juin 1940 et la suppression de toute expression libre par
1474 ns l’intervalle entre l’armistice de juin 1940 et la suppression de toute expression libre par Vichy, la revue Esprit vi
1475 suppression de toute expression libre par Vichy, la revue Esprit vit son tirage quintupler en quelques mois. Puis elle
1476 pler en quelques mois. Puis elle fut interdite, à la suite d’un article contre Pétain, son directeur et plusieurs de ses r
1477 eux apte à inspirer ceux qui demandent un monde à la mesure de l’homme, non plus à celle des monstres nés de son anxiété,
1478 spirer ceux qui demandent un monde à la mesure de l’ homme, non plus à celle des monstres nés de son anxiété, de sa paresse
1479 paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux de la Sarre coupé en deux par une fron
1480 8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux de la Sarre coupé en deux par une frontière correspondant aux langues. l.
1481 espondant aux langues. l. Rougemont Denis de, «  L’ attitude personnaliste », Le Monde libre, New York, Montréal, octobre
1482 Rougemont Denis de, « L’attitude personnaliste », Le Monde libre, New York, Montréal, octobre 1944, p. 69-72.
11 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
1483 démocrate et le second totalitaire. On peut aussi les nommer Pierre et Paul, ou moi et l’autre, ou nous et l’ennemi : car «
1484 mer Pierre et Paul, ou moi et l’autre, ou nous et l’ ennemi : car « la seule chose qui importe est de gagner la guerre ». L
1485 l, ou moi et l’autre, ou nous et l’ennemi : car «  la seule chose qui importe est de gagner la guerre ». Là-dessus, nous to
1486  : car « la seule chose qui importe est de gagner la guerre ». Là-dessus, nous tombons d’accord. Mais sur le sens des mots
1487 rre ». Là-dessus, nous tombons d’accord. Mais sur le sens des mots gagner la guerre, je trouve très peu d’accord autour de
1488 ombons d’accord. Mais sur le sens des mots gagner la guerre, je trouve très peu d’accord autour de moi. Si j’essayais de m
1489 ntendre d’abord ? Et de comprendre, s’il se peut, la question que cette guerre pose et ne peut résoudre. ⁂ Par dépit, par
1490 aucoup de penseurs ont estimé depuis cent ans que les réalités économiques étaient plus fortes que l’esprit et que ses choi
1491 les réalités économiques étaient plus fortes que l’ esprit et que ses choix. Or ces réalités ne faisaient que traduire en
1492 ltats et non pas causes. Car il n’y a pas d’abord la loi de l’offre et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos dem
1493 on pas causes. Car il n’y a pas d’abord la loi de l’ offre et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes, sel
1494 Car il n’y a pas d’abord la loi de l’offre et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes, selon nos rêves e
1495 n nos rêves et nos passions. Il n’y a pas d’abord les machines puis une société qui doit subir leurs lois, mais il y a d’ab
1496 machines plutôt que d’avoir faim, ou de chercher la sagesse, ou de prier devant un symbole ancestral. Il n’y a pas d’abor
1497 devant un symbole ancestral. Il n’y a pas d’abord les faits et puis l’humanité qu’ils guident ou blessent, mais il y a d’ab
1498 ancestral. Il n’y a pas d’abord les faits et puis l’ humanité qu’ils guident ou blessent, mais il y a d’abord l’humanité cr
1499 é qu’ils guident ou blessent, mais il y a d’abord l’ humanité créatrice ou malade, et puis des faits qui expriment avec un
1500 atrice ou malade, et puis des faits qui expriment avec un peu de retard ce génie ou cette maladie. (Postérité, je rougis de
1501 ougis de tant de platitudes, mais de mon temps on les taxait de paradoxes.) Ainsi de la guerre actuelle : il importe de voi
1502 e mon temps on les taxait de paradoxes.) Ainsi de la guerre actuelle : il importe de voir qu’elle se passe d’abord en chac
1503 acun de nous, et qu’elle figure dans son ensemble la crise d’un conflit psychologique de proportions mondiales, de portée
1504 lle, intuitive, etc. et se réduit théoriquement à la raison commune, il arrive que les facultés exilées dans son inconscie
1505 théoriquement à la raison commune, il arrive que les facultés exilées dans son inconscient se révoltent soudain et l’attaq
1506 lées dans son inconscient se révoltent soudain et l’ attaquent en force, par une espèce d’éruption volcanique nommée névros
1507 spèce d’éruption volcanique nommée névrose. Alors l’ homme se croit menacé par ce qu’il appelle des esprits. Il est victime
1508 s. Des cauchemars envahissent sa vie quotidienne, le persécutent et lui rendent l’existence impossible. Il se persuade que
1509 sa vie quotidienne, le persécutent et lui rendent l’ existence impossible. Il se persuade que des forces absolument distinc
1510 que des forces absolument distinctes de son être l’ attaquent avec une férocité sans précédent. Il devient aliéné, c’est-à
1511 ces absolument distinctes de son être l’attaquent avec une férocité sans précédent. Il devient aliéné, c’est-à-dire qu’il de
1512 nt. Il devient aliéné, c’est-à-dire qu’il devient la proie d’un autre. Un médecin qu’il jugera très brutal et hostile lui
1513 ’une part de lui-même. S’il comprend cela et s’il le croit, le malade guérira peut-être. Sinon, il faudra l’enfermer dans
1514 de lui-même. S’il comprend cela et s’il le croit, le malade guérira peut-être. Sinon, il faudra l’enfermer dans une camiso
1515 it, le malade guérira peut-être. Sinon, il faudra l’ enfermer dans une camisole de force. Il ne fera plus de mal, mais il r
1516 e, on disait qu’un tel homme était possédé, et on l’ exorcisait par des cérémonies souvent efficaces. Au xixe siècle, on d
1517 s. Au xixe siècle, on disait qu’il était fou, et l’ on essayait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à la raison, p
1518 sait qu’il était fou, et l’on essayait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à la raison, par des procédés contraign
1519 et l’on essayait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à la raison, par des procédés contraignants. En cas d’échec,
1520 ait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à la raison, par des procédés contraignants. En cas d’échec, on le mettait
1521 ar des procédés contraignants. En cas d’échec, on le mettait derrière des barreaux. La guerre actuelle est une névrose col
1522 cas d’échec, on le mettait derrière des barreaux. La guerre actuelle est une névrose collective que nous sommes en train d
1523 ollective que nous sommes en train de traiter par les méthodes les plus propres à l’aggraver, après l’avoir provoquée : les
1524 nous sommes en train de traiter par les méthodes les plus propres à l’aggraver, après l’avoir provoquée : les méthodes du
1525 in de traiter par les méthodes les plus propres à l’ aggraver, après l’avoir provoquée : les méthodes du siècle dernier, ra
1526 les méthodes les plus propres à l’aggraver, après l’ avoir provoquée : les méthodes du siècle dernier, rationalistes ou pun
1527 s propres à l’aggraver, après l’avoir provoquée : les méthodes du siècle dernier, rationalistes ou punitives. Le malade, c’
1528 es du siècle dernier, rationalistes ou punitives. Le malade, c’est l’humanité. La partie consciente de l’humanité se voit
1529 ier, rationalistes ou punitives. Le malade, c’est l’ humanité. La partie consciente de l’humanité se voit attaquée par des
1530 listes ou punitives. Le malade, c’est l’humanité. La partie consciente de l’humanité se voit attaquée par des figures de c
1531 malade, c’est l’humanité. La partie consciente de l’ humanité se voit attaquée par des figures de cauchemar qui symbolisent
1532 e9. On a tenté de raisonner cet inconscient et de le forcer à se tenir tranquille. Privé de moyens de s’exprimer à sa mani
1533 uvé d’autre issue que dans une révolte explosive. Le cauchemar envahit la planète. L’humanité comme aliénée se flagella et
1534 dans une révolte explosive. Le cauchemar envahit la planète. L’humanité comme aliénée se flagella et se meurtrit : elle f
1535 volte explosive. Le cauchemar envahit la planète. L’ humanité comme aliénée se flagella et se meurtrit : elle fait la guerr
1536 me aliénée se flagella et se meurtrit : elle fait la guerre. Exactement, elle se la fait. Elle ne tardera pas à tomber épu
1537 urtrit : elle fait la guerre. Exactement, elle se la fait. Elle ne tardera pas à tomber épuisée et à se passer la camisole
1538 le ne tardera pas à tomber épuisée et à se passer la camisole de force d’un régime d’ordre pour incurables : ce sera la pa
1539 rce d’un régime d’ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé vaudrait mieux. ⁂ Ces remarques m’amènent à une propos
1540 régime d’ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé vaudrait mieux. ⁂ Ces remarques m’amènent à une proposition que
1541 ans une série d’écrits à venir : il est temps que la pensée politique rejoigne la psychologie contemporaine. Depuis quatr
1542 r : il est temps que la pensée politique rejoigne la psychologie contemporaine. Depuis quatre ans, nous essayons de mener
1543 raine. Depuis quatre ans, nous essayons de mener la guerre psychologique10 à l’instar des nazis qui l’avaient inventée. A
1544 ous essayons de mener la guerre psychologique10 à l’ instar des nazis qui l’avaient inventée. Au seuil de la paix, il est t
1545 a guerre psychologique10 à l’instar des nazis qui l’ avaient inventée. Au seuil de la paix, il est temps de chercher au moi
1546 tar des nazis qui l’avaient inventée. Au seuil de la paix, il est temps de chercher au moins les principes d’une politique
1547 uil de la paix, il est temps de chercher au moins les principes d’une politique psychologique. Je ne parle pas de propagand
1548 : celle-ci n’est qu’une tactique de bombardement. La politique que j’imagine serait une cure. Mais avant de l’entreprendre
1549 ique que j’imagine serait une cure. Mais avant de l’ entreprendre, il nous faudrait un diagnostic. Tentons d’en indiquer le
1550 es premiers éléments. Si cette génération n’a pas le courage de s’avouer plus profondément qu’aucune autre, il ne faut en
1551 analyse. C’est notre chance peut-être unique. 1. La guerre nous plaît. Toutes ses victimes le nient, et presque tous ceux
1552 ue. 1. La guerre nous plaît. Toutes ses victimes le nient, et presque tous ceux qu’elle fait vivre. Je dis que la guerre
1553 presque tous ceux qu’elle fait vivre. Je dis que la guerre nous plaît inconsciemment. Autrement, elle serait impossible.
1554 ait impossible. Tous, nous sommes contre, et nous la faisons tous : expliquez cela. — « Ce sont les autres. » Mais ils le
1555 ous la faisons tous : expliquez cela. — « Ce sont les autres. » Mais ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le dro
1556 xpliquez cela. — « Ce sont les autres. » Mais ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit de le dire. » Somme
1557 s ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nou
1558 ent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nous fait enquê
1559 nt pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’ avoir, ce droit ? Avons-nous fait enquête avant de partir ? Sommes-nou
1560 nd cela serait, ce ne serait pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas d’une opération légale ou d’une enquête scienti
1561 à une perte de patience ou de maîtrise de soi, à la réaction automatique d’un mystérieux sens de l’honneur blessé. Flamme
1562 à la réaction automatique d’un mystérieux sens de l’ honneur blessé. Flamme aveuglante, vague de sang, terreur froide, ou g
1563 de. Ne me parlez pas de droits, vous n’y avez pas pensé . Nous avons « fait notre devoir » et pas de question. Je dis que la g
1564 ait notre devoir » et pas de question. Je dis que la guerre nous plaît. Elle arrange bien des choses. Elle ajourne nos vra
1565 urne nos vrais conflits. Elle tire de nous ce que la paix n’en tirait plus. Elle offre l’avantage incomparable de sanction
1566 nous ce que la paix n’en tirait plus. Elle offre l’ avantage incomparable de sanctionner notre acquittement par contumace.
1567 ionner notre acquittement par contumace. Elle est le grand non-lieu de millions d’hommes — le non-lieu —, ce vrai no man’s
1568 Elle est le grand non-lieu de millions d’hommes —  le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’on n’est plus responsable de s
1569 ’hommes — le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’ on n’est plus responsable de soi. La guerre ancienne était une chance
1570 man’s land où l’on n’est plus responsable de soi. La guerre ancienne était une chance offerte à l’instinct combatif ; c’ét
1571 oi. La guerre ancienne était une chance offerte à l’ instinct combatif ; c’était l’affaire des mâles, le jeu des coqs ornés
1572 ne chance offerte à l’instinct combatif ; c’était l’ affaire des mâles, le jeu des coqs ornés pour l’occasion de leurs plus
1573 ’instinct combatif ; c’était l’affaire des mâles, le jeu des coqs ornés pour l’occasion de leurs plus belles plumes. La gu
1574 t l’affaire des mâles, le jeu des coqs ornés pour l’ occasion de leurs plus belles plumes. La guerre actuelle a perdu ces a
1575 rnés pour l’occasion de leurs plus belles plumes. La guerre actuelle a perdu ces attraits. Tout le monde la fait, en salop
1576 erre actuelle a perdu ces attraits. Tout le monde la fait, en salopette, en kaki, ou en tablier. Dans la plupart des cas,
1577 , ou en tablier. Dans la plupart des cas, loin de le combler, elle déçoit l’instinct combatif : comptez qu’une fraction tr
1578 plupart des cas, loin de le combler, elle déçoit l’ instinct combatif : comptez qu’une fraction très réduite de l’humanité
1579 ombatif : comptez qu’une fraction très réduite de l’ humanité — presque totalement mobilisée — combat en fait sur les champ
1580 presque totalement mobilisée — combat en fait sur les champs de bataille. Seule une fraction de cette fraction connaît le c
1581 lle. Seule une fraction de cette fraction connaît le corps à corps, la bataille d’hommes. Qu’aimons-nous donc tous dans la
1582 ction de cette fraction connaît le corps à corps, la bataille d’hommes. Qu’aimons-nous donc tous dans la guerre, que nous
1583 bataille d’hommes. Qu’aimons-nous donc tous dans la guerre, que nous soyons civils ou combattants ? C’est l’état d’except
1584 re, que nous soyons civils ou combattants ? C’est l’ état d’exception proclamé dans la nation entière et dans tous les doma
1585 battants ? C’est l’état d’exception proclamé dans la nation entière et dans tous les domaines. Ainsi la guerre devient pou
1586 tion proclamé dans la nation entière et dans tous les domaines. Ainsi la guerre devient pour nous l’équivalent de la fête c
1587 a nation entière et dans tous les domaines. Ainsi la guerre devient pour nous l’équivalent de la fête chez les peuples anc
1588 s les domaines. Ainsi la guerre devient pour nous l’ équivalent de la fête chez les peuples anciens, elle en possède les at
1589 Ainsi la guerre devient pour nous l’équivalent de la fête chez les peuples anciens, elle en possède les attributs les plus
1590 re devient pour nous l’équivalent de la fête chez les peuples anciens, elle en possède les attributs les plus aisément reco
1591 la fête chez les peuples anciens, elle en possède les attributs les plus aisément reconnaissables : les lois sont suspendue
1592 es peuples anciens, elle en possède les attributs les plus aisément reconnaissables : les lois sont suspendues, les budgets
1593 les attributs les plus aisément reconnaissables : les lois sont suspendues, les budgets sans limites, les passions collecti
1594 ément reconnaissables : les lois sont suspendues, les budgets sans limites, les passions collectives déchaînées, le déguise
1595 s lois sont suspendues, les budgets sans limites, les passions collectives déchaînées, le déguisement de rigueur, le sacrif
1596 ans limites, les passions collectives déchaînées, le déguisement de rigueur, le sacrifice humain légal, et les valeurs mor
1597 ollectives déchaînées, le déguisement de rigueur, le sacrifice humain légal, et les valeurs morales changent de signe : tu
1598 isement de rigueur, le sacrifice humain légal, et les valeurs morales changent de signe : tu tueras, tu voleras, tu diras d
1599 tueras, tu voleras, tu diras de faux témoignages avec honneur. Je parle d’état d’exception comme on dirait état de siège, é
1600 comme on dirait état de siège, état de grâce. Et les trois ne sont point sans rapports. Comme la fête chez les primitifs,
1601 . Et les trois ne sont point sans rapports. Comme la fête chez les primitifs, la guerre est le « grand Temps » de l’humani
1602 s ne sont point sans rapports. Comme la fête chez les primitifs, la guerre est le « grand Temps » de l’humanité moderne. El
1603 sans rapports. Comme la fête chez les primitifs, la guerre est le « grand Temps » de l’humanité moderne. Elle nous fourni
1604 . Comme la fête chez les primitifs, la guerre est le « grand Temps » de l’humanité moderne. Elle nous fournit la seule exc
1605 es primitifs, la guerre est le « grand Temps » de l’ humanité moderne. Elle nous fournit la seule excuse que notre esprit p
1606 Temps » de l’humanité moderne. Elle nous fournit la seule excuse que notre esprit puisse accepter pour suspendre le cours
1607 e que notre esprit puisse accepter pour suspendre le cours d’une existence de plus en plus conforme aux prévisions des gra
1608 il à ce siècle pour lui faire oublier son goût de la guerre ! Quel drame nouveau, pour remplacer, sur la scène vide, l’Enn
1609 guerre ! Quel drame nouveau, pour remplacer, sur la scène vide, l’Ennemi déchu ?) C’est pourquoi la paix nous angoisse au
1610 drame nouveau, pour remplacer, sur la scène vide, l’ Ennemi déchu ?) C’est pourquoi la paix nous angoisse au moins autant q
1611 r la scène vide, l’Ennemi déchu ?) C’est pourquoi la paix nous angoisse au moins autant qu’elle nous attire. Pourtant vien
1612 oins autant qu’elle nous attire. Pourtant viendra la paix, bientôt. Et ce sera peut-être pour des siècles. (Il y aura trop
1613 y aura trop d’avions du même côté.) Mais comment l’ homme compensera-t-il le manque de guerres ? Nous avons tout prévu con
1614 même côté.) Mais comment l’homme compensera-t-il le manque de guerres ? Nous avons tout prévu contre un futur Hitler, rie
1615 er, rien contre son absence, autant que je sache. Le seul type d’héroïsme que l’Occident ait su concevoir (depuis qu’on n’
1616 autant que je sache. Le seul type d’héroïsme que l’ Occident ait su concevoir (depuis qu’on n’allume plus de bûchers pour
1617 evoir (depuis qu’on n’allume plus de bûchers pour les chrétiens et qu’ils tolèrent les hérétiques), c’est la mort sous les
1618 de bûchers pour les chrétiens et qu’ils tolèrent les hérétiques), c’est la mort sous les balles pour la Patrie ou pour le
1619 rétiens et qu’ils tolèrent les hérétiques), c’est la mort sous les balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a
1620 ’ils tolèrent les hérétiques), c’est la mort sous les balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a plus de guerr
1621 s hérétiques), c’est la mort sous les balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a plus de guerres, qui fera le
1622 st la mort sous les balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a plus de guerres, qui fera les héros ? Qui réve
1623 parti. Mais s’il n’y a plus de guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? Pour qui ? Pour quoi ?
1624 s de guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? Pour qui ? Pour quoi ? Jamais l’humanité ne fut m
1625 sens du sacrifice ? Pour qui ? Pour quoi ? Jamais l’ humanité ne fut moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut pl
1626 oi ? Jamais l’humanité ne fut moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue de respect pour les vertu
1627 jamais elle ne fut plus dépourvue de respect pour les vertus que l’esprit seul sait pousser jusqu’au paroxysme. Et comment
1628 fut plus dépourvue de respect pour les vertus que l’ esprit seul sait pousser jusqu’au paroxysme. Et comment vivre, s’il n’
1629 Et comment vivre, s’il n’y a plus de paroxysmes ? La guerre nous plaît. Nous le nions tous, et c’est normal. Mais je propo
1630 a plus de paroxysmes ? La guerre nous plaît. Nous le nions tous, et c’est normal. Mais je propose un test précis. Pourquoi
1631 est précis. Pourquoi tant de réticences à décider le désarmement général, total et définitif de tous les peuples, appuyé p
1632 e désarmement général, total et définitif de tous les peuples, appuyé par une interdiction absolue de fabriquer des armes e
1633 vois des moustaches qui tremblent avant même que la bouche ne s’ouvre. Et cependant, ils ne sont guère capables de me don
1634 ne sont guère capables de me donner sur-le-champ, avec calme, de bonnes raisons bien étudiées d’un tel refus. C’est un refus
1635 ter de défaitiste.) Une politique qui négligerait le fait que la guerre nous plaît pour des raisons profondes, cette polit
1636 tiste.) Une politique qui négligerait le fait que la guerre nous plaît pour des raisons profondes, cette politique serait
1637 r d’autre que d’astucieux traités de commerce que la prochaine guerre annulerait. 2. Hitler. — Nous pensons qu’Hitler est
1638 la prochaine guerre annulerait. 2. Hitler. — Nous pensons qu’Hitler est un monstre avec lequel nous n’avons rien de commun. Il
1639 . Hitler. — Nous pensons qu’Hitler est un monstre avec lequel nous n’avons rien de commun. Il s’agit de le détruire avant to
1640 lequel nous n’avons rien de commun. Il s’agit de le détruire avant toute autre tâche. Point de vue indispensable pour gag
1641 tre tâche. Point de vue indispensable pour gagner la guerre. Point de vue stérile et désastreux dès qu’il s’agit de la pai
1642 de vue stérile et désastreux dès qu’il s’agit de la paix. Hitler n’est pas en dehors de l’humanité, mais en elle. Bien pl
1643 s’agit de la paix. Hitler n’est pas en dehors de l’ humanité, mais en elle. Bien plus, il n’est pas seulement devant nous,
1644 ’abord qu’il se dresse contre nous. Et quand nous l’ aurons tué, il nous occupera sans coup férir si nous n’admettons pas q
1645 nous n’admettons pas qu’il est une part de nous, la part du diable dans nos cœurs. Hitler se taira d’ici peu. Son aventur
1646 se taira d’ici peu. Son aventure prendra fin dans la catastrophe prévue. Et devant le cadavre gisant de l’homme qui fit tr
1647 prendra fin dans la catastrophe prévue. Et devant le cadavre gisant de l’homme qui fit trembler tout l’univers, voici que
1648 atastrophe prévue. Et devant le cadavre gisant de l’ homme qui fit trembler tout l’univers, voici que nous nous écrierons a
1649 e cadavre gisant de l’homme qui fit trembler tout l’ univers, voici que nous nous écrierons avec une stupéfaction mêlée de
1650 ler tout l’univers, voici que nous nous écrierons avec une stupéfaction mêlée de honte : — Comme il était petit ! Il n’était
1651  ! Il n’était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misères secrètes. Dans la réalité psychologique du si
1652 que de la grandeur de nos misères secrètes. Dans la réalité psychologique du siècle, Hitler aura joué le rôle d’un person
1653 réalité psychologique du siècle, Hitler aura joué le rôle d’un personnage de rêve d’angoisse. Ce rêve collectif a modelé n
1654 modelé notre histoire, mais il était d’abord dans l’ ombre de nos âmes. On a remarqué que dans un cauchemar, ce qui nous te
1655 auchemar, ce qui nous terrifie n’est pas toujours l’ aspect du personnage en scène, qui peut être emprunté à la réalité la
1656 du personnage en scène, qui peut être emprunté à la réalité la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité de la passion h
1657 age en scène, qui peut être emprunté à la réalité la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité de la passion hostile ou c
1658 té à la réalité la plus banale, mais c’est plutôt l’ intensité de la passion hostile ou criminelle dont il nous paraît anim
1659 la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité de la passion hostile ou criminelle dont il nous paraît animé. Il se charge
1660 e terreur dont nous n’avions sans doute jamais eu l’ expérience. Et pourtant c’est une part de nous-mêmes qui machine cette
1661 e, tout ce que nous refusions d’admettre en nous. Le cauchemar nous apprend qu’il ne suffit pas de refuser un instinct ou
1662 de refuser un instinct ou quelque tentation pour les supprimer. Il s’agit de les utiliser, ou de s’en guérir ; sinon soyon
1663 uelque tentation pour les supprimer. Il s’agit de les utiliser, ou de s’en guérir ; sinon soyons certains qu’ils vont reven
1664 en force, sous un déguisement séduisant, ou sous la forme d’un monstre archaïque. L’ogre à la petite moustache est l’un d
1665 duisant, ou sous la forme d’un monstre archaïque. L’ ogre à la petite moustache est l’un de ces monstres. Nous en verrons b
1666 ou sous la forme d’un monstre archaïque. L’ogre à la petite moustache est l’un de ces monstres. Nous en verrons bien d’aut
1667 ’autres, si nous nous contentons de lutter contre les signes extérieurs du mal, sans essayer d’en modifier les causes dans
1668 nes extérieurs du mal, sans essayer d’en modifier les causes dans nous-mêmes11. Mais ceci pose un problème nouveau : le pro
1669 ous-mêmes11. Mais ceci pose un problème nouveau : le problème de la religion. 3. Il faut une religion pour le peuple. Ente
1670 is ceci pose un problème nouveau : le problème de la religion. 3. Il faut une religion pour le peuple. Entendons : pour qu
1671 lème de la religion. 3. Il faut une religion pour le peuple. Entendons : pour qu’un peuple subsiste. Toute la sociologie m
1672 le. Entendons : pour qu’un peuple subsiste. Toute la sociologie moderne le prouve. À son défaut, Hitler l’aurait fait voir
1673 u’un peuple subsiste. Toute la sociologie moderne le prouve. À son défaut, Hitler l’aurait fait voir par le moyen de cette
1674 ociologie moderne le prouve. À son défaut, Hitler l’ aurait fait voir par le moyen de cette religion synthétique (comme le
1675 ouve. À son défaut, Hitler l’aurait fait voir par le moyen de cette religion synthétique (comme le caoutchouc) qu’est le n
1676 par le moyen de cette religion synthétique (comme le caoutchouc) qu’est le national-socialisme. Je ne parle pas ici du chr
1677 religion synthétique (comme le caoutchouc) qu’est le national-socialisme. Je ne parle pas ici du christianisme, mais de la
1678 me. Je ne parle pas ici du christianisme, mais de la religion en général, comme phénomène humain, cause et produit de tout
1679 le d’un instinct aussi fondamental et naturel que la sexualité. Il est incontestable que le rationalisme12 a déprimé depui
1680 aturel que la sexualité. Il est incontestable que le rationalisme12 a déprimé depuis des siècles le sens religieux des Occ
1681 ue le rationalisme12 a déprimé depuis des siècles le sens religieux des Occidentaux. Car non content de combattre et d’éva
1682 entaux. Car non content de combattre et d’évacuer les coutumes religieuses périmées (c’était son droit et son devoir), il s
1683 coutumes nouvelles (en ceci protestant, mais sans la foi). Or les coutumes religieuses quelles qu’elles soient, sacrifices
1684 velles (en ceci protestant, mais sans la foi). Or les coutumes religieuses quelles qu’elles soient, sacrifices, fêtes, orgi
1685 ines morales ou mystiques, prières ou rites, sont les moyens qu’a trouvé l’homme pour capter ses puissances obscures et les
1686 es, prières ou rites, sont les moyens qu’a trouvé l’ homme pour capter ses puissances obscures et les ordonner à des fins t
1687 vé l’homme pour capter ses puissances obscures et les ordonner à des fins tantôt pratiques, tantôt transcendantales. Canaux
1688 ales. Canaux exutoires ou écluses, elles assurent la circulation entre l’inconscient collectif et l’activité quotidienne.
1689 s ou écluses, elles assurent la circulation entre l’ inconscient collectif et l’activité quotidienne. Condamnez-les et vous
1690 t la circulation entre l’inconscient collectif et l’ activité quotidienne. Condamnez-les et vous créerez une sécheresse gén
1691 nt collectif et l’activité quotidienne. Condamnez- les et vous créerez une sécheresse générale, nécessairement suivie d’une
1692 cessairement suivie d’une rupture de digues et de l’ interruption catastrophique des forces sombres de la cité. La raison p
1693 interruption catastrophique des forces sombres de la cité. La raison peut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas le
1694 ion catastrophique des forces sombres de la cité. La raison peut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas les enchaîn
1695 eut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas les enchaîner. Si elle détruit tous les moyens connus de les apprivoiser,
1696 e ne peut pas les enchaîner. Si elle détruit tous les moyens connus de les apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse
1697 haîner. Si elle détruit tous les moyens connus de les apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse de moyens nouveaux, e
1698 les moyens connus de les apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse de moyens nouveaux, elle fait lever des monstres
1699 nt soudain, nous attaquaient, exigeaient que nous les adorions : leur révolte serait notre carence. Le rationalisme régnant
1700 les adorions : leur révolte serait notre carence. Le rationalisme régnant peut produire des avions en masse et par ce moye
1701 enir à bout d’Hitler ; mais il ne pourra prévenir la multiplication prochaine d’autres symptômes de la même névrose. Tout
1702 la multiplication prochaine d’autres symptômes de la même névrose. Tout porte à croire que nous allons entrer dans une ère
1703 r dans une ère de religions aberrantes. Ou, comme le dit une grande légende indienne, dans l’ère de l’Accroissement des Mo
1704 u, comme le dit une grande légende indienne, dans l’ ère de l’Accroissement des Monstres. Les pires sottises et les thaumat
1705 le dit une grande légende indienne, dans l’ère de l’ Accroissement des Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies le
1706 enne, dans l’ère de l’Accroissement des Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies les plus grossières sont destinée
1707 Accroissement des Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies les plus grossières sont destinées à susciter dans l’ap
1708 Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies les plus grossières sont destinées à susciter dans l’après-guerre l’entho
1709 es plus grossières sont destinées à susciter dans l’ après-guerre l’enthousiasme éperdu des foules. Et les calculs politiqu
1710 res sont destinées à susciter dans l’après-guerre l’ enthousiasme éperdu des foules. Et les calculs politiques les plus sai
1711 après-guerre l’enthousiasme éperdu des foules. Et les calculs politiques les plus sains des réalistes et des experts seront
1712 asme éperdu des foules. Et les calculs politiques les plus sains des réalistes et des experts seront vidés d’un coup par ce
1713 fond. Certains intellectuels incrimineront alors l’ instinct religieux, cette « survivance ». Et nous lirons encore des jé
1714 vance ». Et nous lirons encore des jérémiades sur le déclin de l’esprit et l’abandon des grands principes. « C’est inconce
1715 ous lirons encore des jérémiades sur le déclin de l’ esprit et l’abandon des grands principes. « C’est inconcevable ! » opi
1716 ncore des jérémiades sur le déclin de l’esprit et l’ abandon des grands principes. « C’est inconcevable ! » opineront-ils,
1717 rincipes. « C’est inconcevable ! » opineront-ils, les bras au ciel. Mais c’est très simple. Un homme qui meurt de faim mang
1718 mporte quoi pour tromper sa faim, faute de mieux. La raison n’ose pas dire qu’il a tort d’avoir faim. Dira-t-elle qu’il a
1719 elle sera la première responsable, aussi vrai que le régime de la prohibition fut responsable des méfaits de l’alcool frel
1720 première responsable, aussi vrai que le régime de la prohibition fut responsable des méfaits de l’alcool frelaté, en Améri
1721 de la prohibition fut responsable des méfaits de l’ alcool frelaté, en Amérique. ⁂ Je ne demande pas que des sorciers ni m
1722 pas que des sorciers ni même des prêtres dirigent l’ État : c’est le péril qu’il faudrait conjurer. Mais je pense qu’il est
1723 ciers ni même des prêtres dirigent l’État : c’est le péril qu’il faudrait conjurer. Mais je pense qu’il est temps de renon
1724 : c’est le péril qu’il faudrait conjurer. Mais je pense qu’il est temps de renoncer à la vieille politique de l’équilibre des
1725 urer. Mais je pense qu’il est temps de renoncer à la vieille politique de l’équilibre des grandes puissances nationales et
1726 l est temps de renoncer à la vieille politique de l’ équilibre des grandes puissances nationales et des trusts : elle ne pe
1727 tionales et des trusts : elle ne peut plus saisir les éléments de notre conflit. Il est temps de nous orienter vers une pol
1728 libre des grandes puissances psychologiques, dans les masses, à l’échelle du globe. Et s’il faut des experts autour du tapi
1729 des puissances psychologiques, dans les masses, à l’ échelle du globe. Et s’il faut des experts autour du tapis vert, qu’on
1730 appelle des psychiatres plutôt que des banquiers. L’ argent ne chasse pas les démons. 9. Instincts, forces considérées co
1731 plutôt que des banquiers. L’argent ne chasse pas les démons. 9. Instincts, forces considérées comme anarchiques, subvers
1732 esoins religieux qualifiés de superstitions. 10. L’ expression psychological warfare est devenue courante dans les pays de
1733 n psychological warfare est devenue courante dans les pays de langue anglaise. 11. Type d’argument que l’on peut opposer à
1734 pays de langue anglaise. 11. Type d’argument que l’ on peut opposer à ce qui précède, afin de tuer dans l’œuf toute tentat
1735 peut opposer à ce qui précède, afin de tuer dans l’ œuf toute tentative d’analyse féconde : « Avouez tout de même que nos
1736 ’agira toujours, au mieux, de moindres maux. Mais la question est de savoir si le prétendu moindre mal que l’on défend n’e
1737 moindres maux. Mais la question est de savoir si le prétendu moindre mal que l’on défend n’est pas simplement un premier
1738 tion est de savoir si le prétendu moindre mal que l’ on défend n’est pas simplement un premier stade du pire. La chute sera
1739 nd n’est pas simplement un premier stade du pire. La chute serait-elle un moindre mal que la fracture qui en résulte ? La
1740 du pire. La chute serait-elle un moindre mal que la fracture qui en résulte ? La maladie mortelle, un moindre mal que la
1741 e un moindre mal que la fracture qui en résulte ? La maladie mortelle, un moindre mal que la mort qui la termine ? 12. Le
1742 résulte ? La maladie mortelle, un moindre mal que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits de la psychologie rationaliste
1743 maladie mortelle, un moindre mal que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits de la psychologie rationaliste ont été pat
1744 un moindre mal que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits de la psychologie rationaliste ont été patents dans la morale
1745 que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits de la psychologie rationaliste ont été patents dans la morale sexuelle et l
1746 la psychologie rationaliste ont été patents dans la morale sexuelle et la conception du mariage au siècle dernier ; ou lo
1747 aliste ont été patents dans la morale sexuelle et la conception du mariage au siècle dernier ; ou lorsqu’il s’agissait d’a
1748 cle dernier ; ou lorsqu’il s’agissait d’apprécier le rôle du sacré, l’âme collective, la création artistique, l’importance
1749 orsqu’il s’agissait d’apprécier le rôle du sacré, l’ âme collective, la création artistique, l’importance relative de l’arg
1750 t d’apprécier le rôle du sacré, l’âme collective, la création artistique, l’importance relative de l’argent et du travail,
1751 sacré, l’âme collective, la création artistique, l’ importance relative de l’argent et du travail, les dogmes chrétiens, e
1752 la création artistique, l’importance relative de l’ argent et du travail, les dogmes chrétiens, etc., etc. m. Rougemont
1753 l’importance relative de l’argent et du travail, les dogmes chrétiens, etc., etc. m. Rougemont Denis de, « Quelle guerre
1754 . Rougemont Denis de, « Quelle guerre cruelle », L’ Arche, Alger, octobre–novembre 1944, p. 69-78.
12 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
1755 )n 1. Origines Tarot, tarok ou taroc, est le nom donné par les Italiens à l’une des figures du paquet de 78 cartes
1756 es Tarot, tarok ou taroc, est le nom donné par les Italiens à l’une des figures du paquet de 78 cartes tel qu’il existai
1757 xistait au xiiie siècle. Ce nom fut attribué par la suite à l’ensemble du jeu. Un des premiers témoignages historiques qu
1758 xiiie siècle. Ce nom fut attribué par la suite à l’ ensemble du jeu. Un des premiers témoignages historiques que l’on poss
1759 jeu. Un des premiers témoignages historiques que l’ on possède sur le tarot remonte à 1393. Cette année-là, Jacquemin Grin
1760 iers témoignages historiques que l’on possède sur le tarot remonte à 1393. Cette année-là, Jacquemin Gringonneur, peintre
1761 , dessina et enlumina des cartes pour Charles VI, le roi fou, liant ainsi le tarot à l’un des moments les plus violemment
1762 s cartes pour Charles VI, le roi fou, liant ainsi le tarot à l’un des moments les plus violemment poétiques de l’histoire
1763 roi fou, liant ainsi le tarot à l’un des moments les plus violemment poétiques de l’histoire de France. Ces cartes à fond
1764 l’un des moments les plus violemment poétiques de l’ histoire de France. Ces cartes à fond doré, à bord d’argent, ne porten
1765 nitiens. Dix-sept d’entre elles sont conservées à la Bibliothèque Nationale. D’un autre jeu, faussement attribué à Mantegn
1766 u se compose de cinq séries de 10 cartes, nommées les Conditions de la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Sy
1767 nq séries de 10 cartes, nommées les Conditions de la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Mi
1768 s de 10 cartes, nommées les Conditions de la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Michel-Ange
1769 tes, nommées les Conditions de la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Michel-Ange est suppos
1770 nditions de la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Michel-Ange est supposé avoir inventé un
1771 la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Michel-Ange est supposé avoir inventé un jeu de taro
1772 posé avoir inventé un jeu de tarot pour enseigner l’ arithmétique. Et Gargantua jouait au « Tarau » selon Rabelais. Au xve
1773 uait au « Tarau » selon Rabelais. Au xve siècle, l’ invention de l’imprimerie multiplia les cartes en circulation, mais ju
1774  » selon Rabelais. Au xve siècle, l’invention de l’ imprimerie multiplia les cartes en circulation, mais jusqu’au xviiie
1775 ve siècle, l’invention de l’imprimerie multiplia les cartes en circulation, mais jusqu’au xviiie siècle, le tarot n’est g
1776 tes en circulation, mais jusqu’au xviiie siècle, le tarot n’est guère connu que chez les princes et chez les gipsys, tout
1777 iiie siècle, le tarot n’est guère connu que chez les princes et chez les gipsys, tout en haut de l’échelle sociale et tout
1778 ot n’est guère connu que chez les princes et chez les gipsys, tout en haut de l’échelle sociale et tout en bas, passe-temps
1779 z les princes et chez les gipsys, tout en haut de l’ échelle sociale et tout en bas, passe-temps noble et magique ou rituel
1780 ou rituel de science maudite, et prêtant aux abus les plus puérils ou les plus démoniaques, bien entendu. L’origine du taro
1781 maudite, et prêtant aux abus les plus puérils ou les plus démoniaques, bien entendu. L’origine du tarot est obscure. Vers
1782 us puérils ou les plus démoniaques, bien entendu. L’ origine du tarot est obscure. Vers le milieu du xviiie siècle, l’occu
1783 ien entendu. L’origine du tarot est obscure. Vers le milieu du xviiie siècle, l’occultiste suisse Court de Gébelin émit l
1784 ot est obscure. Vers le milieu du xviiie siècle, l’ occultiste suisse Court de Gébelin émit l’hypothèse que le tarot dériv
1785 siècle, l’occultiste suisse Court de Gébelin émit l’ hypothèse que le tarot dérivait du Livre de Toth, livre sacré de l’Égy
1786 iste suisse Court de Gébelin émit l’hypothèse que le tarot dérivait du Livre de Toth, livre sacré de l’Égypte. Mais il cru
1787 e tarot dérivait du Livre de Toth, livre sacré de l’ Égypte. Mais il crut aussi en retrouver les équivalents dans une inscr
1788 acré de l’Égypte. Mais il crut aussi en retrouver les équivalents dans une inscription chinoise, datant de 1120, et dans le
1789 une inscription chinoise, datant de 1120, et dans les tablettes hindoues représentant les avatars de Vishnu. L’origine égyp
1790 1120, et dans les tablettes hindoues représentant les avatars de Vishnu. L’origine égyptienne du tarot est soutenue par Ett
1791 ttes hindoues représentant les avatars de Vishnu. L’ origine égyptienne du tarot est soutenue par Etteilla, dont nous allon
1792 ttribue au tarot une origine hindoue ; et ce sont les gipsys, selon lui (et d’ailleurs aussi selon Lévi) qui l’auraient tra
1793 s, selon lui (et d’ailleurs aussi selon Lévi) qui l’ auraient transmis à l’Europe. Mais on sait que le peuple tzigane ne vi
1794 leurs aussi selon Lévi) qui l’auraient transmis à l’ Europe. Mais on sait que le peuple tzigane ne vint en Europe qu’en 141
1795 l’auraient transmis à l’Europe. Mais on sait que le peuple tzigane ne vint en Europe qu’en 1417 sous la conduite du « Duc
1796 peuple tzigane ne vint en Europe qu’en 1417 sous la conduite du « Duc d’Égypte » ; et qu’on lui suppose une ascendance hi
1797 cartes de tarot plus anciennes, comme on vient de le voir. Les origines du tarot, selon nous, se perdent littéralement dan
1798 tarot plus anciennes, comme on vient de le voir. Les origines du tarot, selon nous, se perdent littéralement dans la nuit
1799 tarot, selon nous, se perdent littéralement dans la nuit des temps. Nous soutiendrons cette thèse au paragraphe 5. 2.
1800 2. Etteilla (1750-1810, environ) Nous lisons le jugement suivant sur Etteilla dans un petit ouvrage intitulé Le Nouve
1801 ivant sur Etteilla dans un petit ouvrage intitulé Le Nouvel Etteilla (Paris 1922) : Cet auteur, en rendant justice au gén
1802 ) : Cet auteur, en rendant justice au génie et à la science de Court de Gébelin, terrassa ce que ce grave antiquaire avai
1803 après un amateur qui, lui-même, n’avait pu copier l’ art de tirer les cartes, dont il est question, que d’après sa cuisiniè
1804 r qui, lui-même, n’avait pu copier l’art de tirer les cartes, dont il est question, que d’après sa cuisinière. Il était pe
1805 nommait de son vrai nom, Alliette. Il redécouvrit le tarot pendant la seconde moitié du xviiie siècle. Sa prose est vague
1806 , ses interprétations sont hasardeuses, mais il a le mérite d’en avoir proposées. Ses disciples, dont le plus grand fut Él
1807 mérite d’en avoir proposées. Ses disciples, dont le plus grand fut Éliphas Lévi (l’abbé Alphonse Louis Constant), ne se p
1808 s disciples, dont le plus grand fut Éliphas Lévi ( l’ abbé Alphonse Louis Constant), ne se privent pas de dénoncer ses erreu
1809 clins aux mêmes complaisances interprétatives que le maître. La lecture de leurs textes est généralement exaspérante, à ca
1810 êmes complaisances interprétatives que le maître. La lecture de leurs textes est généralement exaspérante, à cause de leur
1811 oquement. En voici un exemple : Etteilla a placé le Fou à la fin du jeu, c’est-à-dire au nombre 78, et a mis au nombre 21
1812 En voici un exemple : Etteilla a placé le Fou à la fin du jeu, c’est-à-dire au nombre 78, et a mis au nombre 21 la figur
1813 c’est-à-dire au nombre 78, et a mis au nombre 21 la figure qu’il nomme le Despote africain, qui n’est autre que l’arcane
1814 e 78, et a mis au nombre 21 la figure qu’il nomme le Despote africain, qui n’est autre que l’arcane 7, 1e Chariot… Mais en
1815 il nomme le Despote africain, qui n’est autre que l’ arcane 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame n’a pas de nombre autre
1816 is en fait cette lame n’a pas de nombre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin de l’alphabet hébreu…
1817 mbre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin de l’alphabet hébreu… Le véritable 21 est aussi 22, ains
1818 éro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin de l’ alphabet hébreu… Le véritable 21 est aussi 22, ainsi que nous le verro
1819 ppartient à la lettre Schin de l’alphabet hébreu… Le véritable 21 est aussi 22, ainsi que nous le verrons. Etteilla place
1820 reu… Le véritable 21 est aussi 22, ainsi que nous le verrons. Etteilla place le Fou sous le nombre 78 qui est enfin notre
1821 ssi 22, ainsi que nous le verrons. Etteilla place le Fou sous le nombre 78 qui est enfin notre zéro, et voici son intéress
1822 i que nous le verrons. Etteilla place le Fou sous le nombre 78 qui est enfin notre zéro, et voici son intéressante analyse
1823 on intéressante analyse de ce nombre. (Elie Alta, Le Tarot égyptien, ou Etteilla restitué, Vichy, 1922.) On peut juger d’
1824 . 0 = 78 = (77) = 21 = 22 = (20) = 0. Telles sont les brimades que doit subir le débutant dans l’étude du tarot. 3. Vari
1825 (20) = 0. Telles sont les brimades que doit subir le débutant dans l’étude du tarot. 3. Variations Selon les pays et
1826 sont les brimades que doit subir le débutant dans l’ étude du tarot. 3. Variations Selon les pays et les temps : quan
1827 dans l’étude du tarot. 3. Variations Selon les pays et les temps : quant au dessin des cartes, et quant à leur inter
1828 e du tarot. 3. Variations Selon les pays et les temps : quant au dessin des cartes, et quant à leur interprétation, l
1829 essin des cartes, et quant à leur interprétation, les variations paraissent avoir été aussi nombreuses que les familles d’e
1830 iations paraissent avoir été aussi nombreuses que les familles d’esprits, les hérésies chrétiennes, ou les écoles marxistes
1831 été aussi nombreuses que les familles d’esprits, les hérésies chrétiennes, ou les écoles marxistes. Non moins valables. Ca
1832 familles d’esprits, les hérésies chrétiennes, ou les écoles marxistes. Non moins valables. Car le tarot représente le Mond
1833 ou les écoles marxistes. Non moins valables. Car le tarot représente le Monde : on peut le voir de plus d’une façon. A) P
1834 stes. Non moins valables. Car le tarot représente le Monde : on peut le voir de plus d’une façon. A) Pays. Citons Elie Alt
1835 ables. Car le tarot représente le Monde : on peut le voir de plus d’une façon. A) Pays. Citons Elie Alta : Etteilla a com
1836 lie Alta : Etteilla a composé un jeu dans lequel les figures des arcanes majeurs ont été déplacées ou transformées. Seuls
1837 majeurs ont été déplacées ou transformées. Seuls les arcanes mineurs sont exacts, mais malgré ces changements on peut se s
1838 e servir de son jeu. Il est préférable d’employer les suivants, mais en numérotant les arcanes mineurs : 1. Le tarot de Mar
1839 rable d’employer les suivants, mais en numérotant les arcanes mineurs : 1. Le tarot de Marseille où les arcanes majeurs son
1840 ants, mais en numérotant les arcanes mineurs : 1. Le tarot de Marseille où les arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot s
1841 les arcanes mineurs : 1. Le tarot de Marseille où les arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot suisse de Schaffhouse ; 3.
1842 Marseille où les arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot suisse de Schaffhouse ; 3. Le tarot italien où seulement deux a
1843 t exacts ; 2. Le tarot suisse de Schaffhouse ; 3. Le tarot italien où seulement deux arcanes sont différents : (a) Le pape
1844 n où seulement deux arcanes sont différents : (a) Le pape qui est remplacé par Jupiter, ce qui est la même chose, car Jupi
1845 Le pape qui est remplacé par Jupiter, ce qui est la même chose, car Jupiter étant symboliquement principe de vie, fait fo
1846 ement principe de vie, fait fonction de Dieu dans l’ Humanité ; (b) La papesse, remplacée par Junon qui est l’espace ou san
1847 vie, fait fonction de Dieu dans l’Humanité ; (b) La papesse, remplacée par Junon qui est l’espace ou sanctuaire de la vie
1848 ité ; (b) La papesse, remplacée par Junon qui est l’ espace ou sanctuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tar
1849 lacée par Junon qui est l’espace ou sanctuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est e
1850 est l’espace ou sanctuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est entièrement défiguré
1851 tuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est entièrement défiguré, mais qui peut égale
1852 is qui peut également servir en tenant compte que les Bâtons sont remplacés par les Carreaux ; les Épées par les Piques et
1853 n tenant compte que les Bâtons sont remplacés par les Carreaux ; les Épées par les Piques et les Deniers par les Trèfles. E
1854 que les Bâtons sont remplacés par les Carreaux ; les Épées par les Piques et les Deniers par les Trèfles. En France nous t
1855 s sont remplacés par les Carreaux ; les Épées par les Piques et les Deniers par les Trèfles. En France nous trouvons diffic
1856 és par les Carreaux ; les Épées par les Piques et les Deniers par les Trèfles. En France nous trouvons difficilement le tar
1857 aux ; les Épées par les Piques et les Deniers par les Trèfles. En France nous trouvons difficilement le tarot de Marseille.
1858 es Trèfles. En France nous trouvons difficilement le tarot de Marseille. La Maison Grimaud l’a remplacé par le tarot itali
1859 ous trouvons difficilement le tarot de Marseille. La Maison Grimaud l’a remplacé par le tarot italien ; celui de Schaffhou
1860 cilement le tarot de Marseille. La Maison Grimaud l’ a remplacé par le tarot italien ; celui de Schaffhouse ne se trouve qu
1861 de Marseille. La Maison Grimaud l’a remplacé par le tarot italien ; celui de Schaffhouse ne se trouve qu’en Suisse, de mê
1862 d’entrée en France. Quant à celui d’Etteilla, on le trouve partout. (E. Alta, op. cit., p. 27). B) Dessin. La plupart de
1863 jeux qu’on trouve aujourd’hui en circulation (si l’ on peut dire, car leur vente est interdite dans de nombreux pays), s’i
1864 x pays), s’inspirent de modèles du xviiie siècle avec plus ou moins de fidélité. Défaut courant : une simplification intemp
1865 n intempérante des symboles. Comparez par exemple les cartes que nous reproduisons à la suite de cet article, les unes selo
1866 que nous reproduisons à la suite de cet article, les unes selon Court de Gébelin, les autres selon des modèles plus ancien
1867 de cet article, les unes selon Court de Gébelin, les autres selon des modèles plus anciens, restitués par l’érudition. Et
1868 res selon des modèles plus anciens, restitués par l’ érudition. Et depuis Court de Gébelin, la décadence s’est accentuée. O
1869 tués par l’érudition. Et depuis Court de Gébelin, la décadence s’est accentuée. On trouve même aujourd’hui des cartes de t
1870 igures redoublées (tête en haut et tête en bas) à l’ instar du jeu de cartes moderne. C’est un abus inqualifiable, si l’on
1871 e cartes moderne. C’est un abus inqualifiable, si l’ on sait que l’interprétation de chaque lame ou arcane majeur peut être
1872 ne. C’est un abus inqualifiable, si l’on sait que l’ interprétation de chaque lame ou arcane majeur peut être profondément
1873 ajeur peut être profondément différente selon que la carte apparaît dans le jeu droite ou renversée. Il en résulte aussi q
1874 ément différente selon que la carte apparaît dans le jeu droite ou renversée. Il en résulte aussi que le manque de place,
1875 jeu droite ou renversée. Il en résulte aussi que le manque de place, dans le cas d’une figure doublée, oblige le dessinat
1876 Il en résulte aussi que le manque de place, dans le cas d’une figure doublée, oblige le dessinateur à expulser de la cart
1877 e place, dans le cas d’une figure doublée, oblige le dessinateur à expulser de la carte les symboles qu’il juge superflus
1878 gure doublée, oblige le dessinateur à expulser de la carte les symboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau de l’immort
1879 lée, oblige le dessinateur à expulser de la carte les symboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau de l’immortalité dans
1880 carte les symboles qu’il juge superflus (tel que l’ oiseau de l’immortalité dans l’arcane 17, petit exemple, ou les lettre
1881 ymboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau de l’ immortalité dans l’arcane 17, petit exemple, ou les lettres T-A-R-O et
1882 superflus (tel que l’oiseau de l’immortalité dans l’ arcane 17, petit exemple, ou les lettres T-A-R-O et J-H-V-H dans l’arc
1883 l’immortalité dans l’arcane 17, petit exemple, ou les lettres T-A-R-O et J-H-V-H dans l’arcane 10, c’est-à-dire simplement
1884 t exemple, ou les lettres T-A-R-O et J-H-V-H dans l’ arcane 10, c’est-à-dire simplement le sens de la lame — Taro ou Rota —
1885 J-H-V-H dans l’arcane 10, c’est-à-dire simplement le sens de la lame — Taro ou Rota — et le nom de Dieu — Jahvé). On voudr
1886 s l’arcane 10, c’est-à-dire simplement le sens de la lame — Taro ou Rota — et le nom de Dieu — Jahvé). On voudrait conseil
1887 simplement le sens de la lame — Taro ou Rota — et le nom de Dieu — Jahvé). On voudrait conseiller au lecteur de détruire r
1888 out jeu de ce genre sur lequel il pourrait mettre la main, si l’on ne craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tou
1889 jeu de ce genre sur lequel il pourrait mettre la main , si l’on ne craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tout acc
1890 e genre sur lequel il pourrait mettre la main, si l’ on ne craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tout accidentel
1891 si l’on ne craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tout accidentelle qui s’attache aux raretés monstrueuses. C) S
1892 fort diverses : il serait aisé (et désirable) de les multiplier à propos de ces mêmes cartes. Peut-être alors une certaine
1893 en nombre infini, ainsi qu’on en pourra juger par l’ examen du tableau suivant. En effet, chacune des lames du tarot (arcan
1894 planète 2. un signe du zodiaque 3. une lettre de l’ alphabet hébreu (sens exotérique et sens ésotérique) 4. un nombre (int
1895 et sens ésotérique) 4. un nombre (interprété par la Cabbale) 5. un élément (selon l’alchimie) 6. une couleur 7. une note
1896 (interprété par la Cabbale) 5. un élément (selon l’ alchimie) 6. une couleur 7. une note de musique 8. un nom à quoi l’occ
1897 e couleur 7. une note de musique 8. un nom à quoi l’ occultiste Lenain a cru pouvoir ajouter : 9. un jour 10. une heure 11.
1898 2. un génie 13. un verset des psaumes de David et les psychanalystes modernes : 14. une des quatre facultés (pensée, intuit
1899 n, sentiment, sensation) 15. un des archétypes de l’ inconscient collectif. De plus, ces significations sont organisées en
1900 thmes, et non pas simplement juxtaposées. Prenons l’ exemple des lettres. D’après Elie Alta (et donc Etteilla), « les Égypt
1901 lettres. D’après Elie Alta (et donc Etteilla), «  les Égyptiens ont attaché à chaque carte des 22 atouts majeurs une lettre
1902 chaque carte des 22 atouts majeurs une lettre de l’ alphabet hébreu… Ces lettres ont apporté avec elles les signatures cél
1903 tre de l’alphabet hébreu… Ces lettres ont apporté avec elles les signatures célestes. Il y a 7 lettres appelées doubles qui
1904 phabet hébreu… Ces lettres ont apporté avec elles les signatures célestes. Il y a 7 lettres appelées doubles qui figurent l
1905 s. Il y a 7 lettres appelées doubles qui figurent le monde des planètes ; puis 12 lettres dites simples qui figurent les 1
1906 ètes ; puis 12 lettres dites simples qui figurent les 12 signes du zodiaque que parcourt le soleil pendant les 4 saisons. E
1907 i figurent les 12 signes du zodiaque que parcourt le soleil pendant les 4 saisons. Enfin il reste les 3 lettres dites les
1908 signes du zodiaque que parcourt le soleil pendant les 4 saisons. Enfin il reste les 3 lettres dites les 3 Mères, qui sont a
1909 t le soleil pendant les 4 saisons. Enfin il reste les 3 lettres dites les 3 Mères, qui sont attachées à nos trois cartes ma
1910 les 4 saisons. Enfin il reste les 3 lettres dites les 3 Mères, qui sont attachées à nos trois cartes majeures : l’Homme (Le
1911 qui sont attachées à nos trois cartes majeures : l’ Homme (Le Bateleur), le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec
1912 attachées à nos trois cartes majeures : l’Homme ( Le Bateleur), le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec les carte
1913 os trois cartes majeures : l’Homme (Le Bateleur), le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec les cartes modernes
1914 rtes majeures : l’Homme (Le Bateleur), le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec les cartes modernes Les interpr
1915 eur), le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec les cartes modernes Les interprètes contemporains diffèrent d’une
1916 le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec les cartes modernes Les interprètes contemporains diffèrent d’une mani
1917 4. Correspondances avec les cartes modernes Les interprètes contemporains diffèrent d’une manière décourageante quant
1918 courageante quant au parallélisme à établir entre les quatre couleurs des tarots et les quatre couleurs du jeu de cartes mo
1919 à établir entre les quatre couleurs des tarots et les quatre couleurs du jeu de cartes moderne. Bornons-nous à livrer à l’é
1920 du jeu de cartes moderne. Bornons-nous à livrer à l’ étude du lecteur les hypothèses suivantes : Selon A. E. White (Key to
1921 derne. Bornons-nous à livrer à l’étude du lecteur les hypothèses suivantes : Selon A. E. White (Key to the Tarot) : les Bât
1922 uivantes : Selon A. E. White (Key to the Tarot) : les Bâtons du Tarot = les Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœur
1923 White (Key to the Tarot) : les Bâtons du Tarot = les Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trè
1924 s Bâtons du Tarot = les Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques
1925 arot = les Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les t
1926 Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les tarots de Fr
1927 jeu de cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les tarots de Francfort : Bâ
1928 les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les tarots de Francfort : Bâtons = Carrea
1929 les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les tarots de Francfort : Bâtons = Carreaux Coupes = Cœ
1930 es = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les tarots de Francfort : Bâtons = Carreaux Coupes = Cœurs Épées = Piques
1931 Épées = Pique = Terre Deniers = Cœur = Feu Selon le Dr Elizabeth Whitney (Tarot, private publication in Spring 1942) : Bâ
1932 nsée = Feu Il semblerait, à lire cette liste, que les arcanes représentent, grosso modo, les autorités religieuses et socia
1933 liste, que les arcanes représentent, grosso modo, les autorités religieuses et sociales au Moyen Âge, et quelques-unes des
1934 , et quelques-unes des situations élémentaires de l’ existence, signifiées par allégories. Il n’en est rien. Tout est symbo
1935 légories. Il n’en est rien. Tout est symbole dans le Tarot, jusqu’au moindre détail, si le dessin est exact. Et ces symbol
1936 ymbole dans le Tarot, jusqu’au moindre détail, si le dessin est exact. Et ces symboles, à l’examen d’une attention qui con
1937 étail, si le dessin est exact. Et ces symboles, à l’ examen d’une attention qui consent à se laisser docilement absorber, n
1938 ont tantôt hiératiques, tantôt dramatiques, comme le sont les symboles de nos « grands rêves ». De fait, chacun des arcane
1939 ôt hiératiques, tantôt dramatiques, comme le sont les symboles de nos « grands rêves ». De fait, chacun des arcanes majeurs
1940 grand rêve fixé, et peut être analysé à ce titre. Les figures de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nou
1941 , et peut être analysé à ce titre. Les figures de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent
1942 analysé à ce titre. Les figures de la papesse, de l’ empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de vérit
1943 tre. Les figures de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archétype
1944 s de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’ Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archétypes de l’inconsci
1945 us apparaissent comme de véritables Archétypes de l’ inconscient, dans leur immobilité insondable et infiniment allusive. C
1946 insondable et infiniment allusive. Cependant que la Roue de Fortune, le, Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée s
1947 iment allusive. Cependant que la Roue de Fortune, le , Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée sont de grands événem
1948 ant que la Roue de Fortune, le, Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée sont de grands événements psychiques et cos
1949 Roue de Fortune, le, Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée sont de grands événements psychiques et cosmiques, tan
1950 ssibles conclusions. Nous pouvons donc considérer les arcanes majeurs du tarot comme un véritable Alphabet de la grande poé
1951 s majeurs du tarot comme un véritable Alphabet de la grande poésie universelle. Leur attribuer un auteur, une date fixe, u
1952 un usage limité, serait méconnaître leur nature. Les arcanes sont issus de la nuit des Mères, et de l’Underground éternel.
1953 éconnaître leur nature. Les arcanes sont issus de la nuit des Mères, et de l’Underground éternel. Peut-être même faudrait-
1954 es arcanes sont issus de la nuit des Mères, et de l’ Underground éternel. Peut-être même faudrait-il voir dans les lames le
1955 und éternel. Peut-être même faudrait-il voir dans les lames les plus anciennes les signes d’un langage secret, communiquant
1956 l. Peut-être même faudrait-il voir dans les lames les plus anciennes les signes d’un langage secret, communiquant sous la f
1957 audrait-il voir dans les lames les plus anciennes les signes d’un langage secret, communiquant sous la forme anodine d’un j
1958 les signes d’un langage secret, communiquant sous la forme anodine d’un jeu, les doctrines manichéennes de la secte des ca
1959 ret, communiquant sous la forme anodine d’un jeu, les doctrines manichéennes de la secte des cathares ou albigeois, persécu
1960 e anodine d’un jeu, les doctrines manichéennes de la secte des cathares ou albigeois, persécutée par l’inquisition. (La cr
1961 a secte des cathares ou albigeois, persécutée par l’ inquisition. (La croisade contre les albigeois commença en 1209.) Les
1962 ares ou albigeois, persécutée par l’inquisition. ( La croisade contre les albigeois commença en 1209.) Les troubadours cath
1963 persécutée par l’inquisition. (La croisade contre les albigeois commença en 1209.) Les troubadours cathares, initiateurs de
1964 croisade contre les albigeois commença en 1209.) Les troubadours cathares, initiateurs de toute la poésie occidentale, aur
1965 .) Les troubadours cathares, initiateurs de toute la poésie occidentale, auraient pris le maquis dans plusieurs pays, mais
1966 urs de toute la poésie occidentale, auraient pris le maquis dans plusieurs pays, mais n’auraient pas cessé de répandre leu
1967 ssé de répandre leur croyance et leur sagesse par l’ entremise des tireurs de cartes. Cette hypothèse a été formulée par le
1968 urs de cartes. Cette hypothèse a été formulée par le grand indianiste Heinrich Zimmer, dont nous traduisons ci-après quelq
1969 uisons ci-après quelques pages remarquables sur «  Le Fou ». 6. De l’usage des tarots Nous avons pris l’habitude de c
1970 lques pages remarquables sur « Le Fou ». 6. De l’ usage des tarots Nous avons pris l’habitude de considérer les tarot
1971 ». 6. De l’usage des tarots Nous avons pris l’ habitude de considérer les tarots avant tout comme un moyen de divinat
1972 arots Nous avons pris l’habitude de considérer les tarots avant tout comme un moyen de divination de l’avenir. Si l’on e
1973 tarots avant tout comme un moyen de divination de l’ avenir. Si l’on en croit les plus récents travaux, ceux en particulier
1974 tout comme un moyen de divination de l’avenir. Si l’ on en croit les plus récents travaux, ceux en particulier du professeu
1975 moyen de divination de l’avenir. Si l’on en croit les plus récents travaux, ceux en particulier du professeur Tassin, de Co
1976 seur Tassin, de Columbia, et de Paul Foster Case, le tarot aurait été, originellement, une méthode de psychothérapie compa
1977 rité autant de thèmes de méditations prolongées — la cure ou yoga durait plusieurs années — et marqueraient les étapes d’u
1978 ou yoga durait plusieurs années — et marqueraient les étapes d’une « voie hermétique » aboutissant à la réalisation intime
1979 es étapes d’une « voie hermétique » aboutissant à la réalisation intime du Grand Œuvre des alchimistes. Il s’agirait de pa
1980 es. Il s’agirait de passer, à travers ce yoga, de l’ illusion à la réalité, et des choses telles qu’elles nous apparaissent
1981 ait de passer, à travers ce yoga, de l’illusion à la réalité, et des choses telles qu’elles nous apparaissent aux choses t
1982 ous apparaissent aux choses telles qu’elles sont. Les 22 arcanes décriraient l’histoire de l’homme qui part dans la vie com
1983 telles qu’elles sont. Les 22 arcanes décriraient l’ histoire de l’homme qui part dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et
1984 es sont. Les 22 arcanes décriraient l’histoire de l’ homme qui part dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à la
1985 s décriraient l’histoire de l’homme qui part dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à la connaissance de soi et
1986 ns la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à la connaissance de soi et du Monde (arcane 21) en passant par tous les s
1987 e soi et du Monde (arcane 21) en passant par tous les stades du développement collectif, puis individuel, de la psyché huma
1988 s du développement collectif, puis individuel, de la psyché humaine. Chacune des cartes était utilisée par l’étudiant en
1989 é humaine. Chacune des cartes était utilisée par l’ étudiant en occultisme comme sujet de méditations et de contemplation,
1990 cours d’exercices poursuivis aux fins d’arriver à l’ illumination. L’avantage particulier de cette technique, comparée à d’
1991 s poursuivis aux fins d’arriver à l’illumination. L’ avantage particulier de cette technique, comparée à d’autres, résidait
1992 tte technique, comparée à d’autres, résidait dans le fait qu’elle combinait plusieurs modes d’entraînement dans une seule
1993 nement dans une seule activité. Ainsi, tandis que l’ étudiant apprenait les symboles, il s’exerçait inconsciemment à la con
1994 activité. Ainsi, tandis que l’étudiant apprenait les symboles, il s’exerçait inconsciemment à la concentration, à la visua
1995 nait les symboles, il s’exerçait inconsciemment à la concentration, à la visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et à l
1996 l s’exerçait inconsciemment à la concentration, à la visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’éval
1997 iemment à la concentration, à la visualisation, à l’ exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’évaluation des couleurs
1998 centration, à la visualisation, à l’exactitude, à l’ analyse et à la synthèse, à l’évaluation des couleurs et des formes, e
1999 a visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’évaluation des couleurs et des formes, et surtout il en
2000 , à l’exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’ évaluation des couleurs et des formes, et surtout il entraînait cette
2001 ulté maîtresse qui établit des corrélations entre les idées abstraites. Le schème d’études était en général le suivant : l’
2002 blit des corrélations entre les idées abstraites. Le schème d’études était en général le suivant : l’étudiant commençait p
2003 s abstraites. Le schème d’études était en général le suivant : l’étudiant commençait par la contemplation d’une carte isol
2004 Le schème d’études était en général le suivant : l’ étudiant commençait par la contemplation d’une carte isolée, puis il l
2005 en général le suivant : l’étudiant commençait par la contemplation d’une carte isolée, puis il la reliait graduellement à
2006 par la contemplation d’une carte isolée, puis il la reliait graduellement à d’autres cartes, disposées autour de la premi
2007 ication peut suffire à faire entrevoir au lecteur l’ importance réelle du tarot, indépendamment des usages pittoresques, se
2008 des usages pittoresques, secondaires, dérivés, et le plus souvent charlatanesques, dont les modernes ont cru pouvoir se re
2009 dérivés, et le plus souvent charlatanesques, dont les modernes ont cru pouvoir se rendre maîtres. Terminons sur une anecdot
2010 ir se rendre maîtres. Terminons sur une anecdote. Le lendemain de la libération de Paris, le peintre Emlen Etting, attaché
2011 tres. Terminons sur une anecdote. Le lendemain de la libération de Paris, le peintre Emlen Etting, attaché aux forces amér
2012 anecdote. Le lendemain de la libération de Paris, le peintre Emlen Etting, attaché aux forces américaines, et son ami Andr
2013 André Lhote, furent les premiers à pénétrer dans le Palais du Luxembourg, abandonné la veille par les Allemands. Au milie
2014 pénétrer dans le Palais du Luxembourg, abandonné la veille par les Allemands. Au milieu du désordre indescriptible de la
2015 le Palais du Luxembourg, abandonné la veille par les Allemands. Au milieu du désordre indescriptible de la salle du Sénat,
2016 llemands. Au milieu du désordre indescriptible de la salle du Sénat, meubles brisés, papiers épars, une table au tapis ver
2017 ne table au tapis vert était seule restée debout. Les deux peintres s’étant approchés y virent « jetées comme par la main d
2018 res s’étant approchés y virent « jetées comme par la main du destin » une séquence de lames de tarot. Dernier message des
2019 s’étant approchés y virent « jetées comme par la main du destin » une séquence de lames de tarot. Dernier message des occup
2020 œurs, des cloches, des feuilles et des glands. Le Fou, arcane 0 a) Interprétation d’Elie Alta d’après Etteilla :
2021 Interprétation d’Elie Alta d’après Etteilla : Le grelot de la Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de not
2022 n d’Elie Alta d’après Etteilla : Le grelot de la Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de notre chaîne. La
2023 relot de la Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de notre chaîne. La surface entière du globe (le 0) n’est que
2024 distinctement à tous les anneaux de notre chaîne. La surface entière du globe (le 0) n’est que le théâtre de nos extravaga
2025 aux de notre chaîne. La surface entière du globe ( le 0) n’est que le théâtre de nos extravagances. Retraçons d’ailleurs au
2026 îne. La surface entière du globe (le 0) n’est que le théâtre de nos extravagances. Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage l
2027 ravagances. Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage l’ emblème d’un voyageur, qui symbolise l’homme. Cette vie n’est qu’un co
2028 ux du sage l’emblème d’un voyageur, qui symbolise l’ homme. Cette vie n’est qu’un court trajet dont nous pouvons adoucir le
2029 ’est qu’un court trajet dont nous pouvons adoucir les peines en nous comportant d’après les plus saines aspirations du rayo
2030 ons adoucir les peines en nous comportant d’après les plus saines aspirations du rayon divin qui nous anime. Synonymes : Dr
2031 es traditions : Vue sous un certain angle (si l’ on place l’arcane à la fin du jeu) cette carte est une image de l’inco
2032 ns : Vue sous un certain angle (si l’on place l’ arcane à la fin du jeu) cette carte est une image de l’inconscience, d
2033 e sous un certain angle (si l’on place l’arcane à la fin du jeu) cette carte est une image de l’inconscience, des occasion
2034 ane à la fin du jeu) cette carte est une image de l’ inconscience, des occasions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou, da
2035 age de l’inconscience, des occasions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résis
2036 ce, des occasions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résistance, la vie vécue
2037 , de la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résistance, la vie vécue au niveau animal. Rien n’
2038 ns ce sens, est la passion subie sans résistance, la vie vécue au niveau animal. Rien n’a été appris ou gagné par la trave
2039 u niveau animal. Rien n’a été appris ou gagné par la traversée du Jeu. La vie a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui l’a v
2040 n’a été appris ou gagné par la traversée du Jeu. La vie a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme
2041 eu. La vie a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui l’ a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l
2042 cet homme, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. W
2043 omme de ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l’ angle de A. E. Waite, le Fou est un homme richement habillé, portant u
2044 sé est-elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. Waite, le Fou est un homme richement habillé, portant une rose à la main, et qu
2045 st un homme richement habillé, portant une rose à la main, et qui s’arrête au bord d’un précipice pour contempler l’espace
2046 un homme richement habillé, portant une rose à la main , et qui s’arrête au bord d’un précipice pour contempler l’espace au-d
2047 i s’arrête au bord d’un précipice pour contempler l’ espace au-dessous et au-dessus de lui. L’abîme ne lui inspire pas de t
2048 ntempler l’espace au-dessous et au-dessus de lui. L’ abîme ne lui inspire pas de terreur. Son visage est plein d’intelligen
2049 monde en voyage ici-bas. Sous cet aspect, il est la conscience individuelle libérée de l’illusion, et poursuivant sa rout
2050 ect, il est la conscience individuelle libérée de l’ illusion, et poursuivant sa route sans craindre les dangers que court
2051 l’illusion, et poursuivant sa route sans craindre les dangers que court l’homme collectif ou purement instinctif. Plus peti
2052 vant sa route sans craindre les dangers que court l’ homme collectif ou purement instinctif. Plus petit que le petit, plus
2053 collectif ou purement instinctif. Plus petit que le petit, plus grand que le grand, tenu pour néant par la raison et le m
2054 stinctif. Plus petit que le petit, plus grand que le grand, tenu pour néant par la raison et le monde, symbolisé par le ce
2055 tit, plus grand que le grand, tenu pour néant par la raison et le monde, symbolisé par le cercle, il est l’expression de l
2056 nd que le grand, tenu pour néant par la raison et le monde, symbolisé par le cercle, il est l’expression de la volonté d’i
2057 ur néant par la raison et le monde, symbolisé par le cercle, il est l’expression de la volonté d’individuation dans l’homm
2058 ison et le monde, symbolisé par le cercle, il est l’ expression de la volonté d’individuation dans l’homme. Du point de vue
2059 , symbolisé par le cercle, il est l’expression de la volonté d’individuation dans l’homme. Du point de vue de l’égo, cette
2060 t l’expression de la volonté d’individuation dans l’ homme. Du point de vue de l’égo, cette quête n’est que folie et non-se
2061 d’individuation dans l’homme. Du point de vue de l’ égo, cette quête n’est que folie et non-sens. c) Interprétation mo
2062 rprétation moderne de B. McM. Hazard (résumé) La clef 0 doit exprimer un état de préparation, avant la conscience et l
2063 lef 0 doit exprimer un état de préparation, avant la conscience et l’individuation. Les symboles de la carte le confirment
2064 er un état de préparation, avant la conscience et l’ individuation. Les symboles de la carte le confirment : le grand solei
2065 paration, avant la conscience et l’individuation. Les symboles de la carte le confirment : le grand soleil blanc, en haut à
2066 la conscience et l’individuation. Les symboles de la carte le confirment : le grand soleil blanc, en haut à droite, contie
2067 ence et l’individuation. Les symboles de la carte le confirment : le grand soleil blanc, en haut à droite, contient toutes
2068 duation. Les symboles de la carte le confirment : le grand soleil blanc, en haut à droite, contient toutes les couleurs du
2069 d soleil blanc, en haut à droite, contient toutes les couleurs du spectre encore indifférenciées ; la couleur jaune du fond
2070 les couleurs du spectre encore indifférenciées ; la couleur jaune du fond est celle de l’intellect, de l’air, de la respi
2071 érenciées ; la couleur jaune du fond est celle de l’ intellect, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint com
2072 ouleur jaune du fond est celle de l’intellect, de l’ air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternelle J
2073 ne du fond est celle de l’intellect, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternelle Jeunesse, p
2074 lle de l’intellect, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer d
2075 la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’ Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer dans l’abîme de la manifestation
2076 comme l’Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer dans l’ abîme de la manifestation terrestre. Il porte les deux symboles fémini
2077 rnelle Jeunesse, prête à pénétrer dans l’abîme de la manifestation terrestre. Il porte les deux symboles féminin et mascul
2078 s l’abîme de la manifestation terrestre. Il porte les deux symboles féminin et masculin : ses cheveux clairs dénotent la co
2079 féminin et masculin : ses cheveux clairs dénotent la conscience (par opposition à l’inconscient). Sa robe blanche (pureté)
2080 x clairs dénotent la conscience (par opposition à l’ inconscient). Sa robe blanche (pureté) porte autour du col les lettres
2081 nt). Sa robe blanche (pureté) porte autour du col les lettres du grand tétragramme hébreu, le nom imprononçable de Dieu, J
2082 r du col les lettres du grand tétragramme hébreu, le nom imprononçable de Dieu, J H V H. Par-dessus cette robe, il porte l
2083 de Dieu, J H V H. Par-dessus cette robe, il porte la cape noire de l’ignorance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée
2084 Par-dessus cette robe, il porte la cape noire de l’ ignorance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée de trèfles verts
2085 ape noire de l’ignorance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée de trèfles verts — la nature créatrice — et de disques
2086 ouge — c’est le désir —, ornée de trèfles verts — la nature créatrice — et de disques jaunes sur lesquels sont brodées des
2087 nt brodées des roues rouges à 8 rayons, annonçant l’ accomplissement futur, l’intégration et la conscience individuelle. Le
2088 es à 8 rayons, annonçant l’accomplissement futur, l’ intégration et la conscience individuelle. Les arcanes majeurs qui sui
2089 nonçant l’accomplissement futur, l’intégration et la conscience individuelle. Les arcanes majeurs qui suivent montrent ce
2090 tur, l’intégration et la conscience individuelle. Les arcanes majeurs qui suivent montrent ce qu’il adviendra du Fou à mesu
2091 qu’il adviendra du Fou à mesure qu’il traversera les collines, vallées et montagnes indiquées dans le fond de cette carte,
2092 les collines, vallées et montagnes indiquées dans le fond de cette carte, jusqu’à ce qu’il revienne au grand soleil ou « P
2093 dans une suite de symboles qui expriment d’abord les archétypes de l’homme collectif, puis les symboles plus subjectifs de
2094 symboles qui expriment d’abord les archétypes de l’ homme collectif, puis les symboles plus subjectifs de l’homme individu
2095 d’abord les archétypes de l’homme collectif, puis les symboles plus subjectifs de l’homme individualisé. d) Interprétat
2096 e collectif, puis les symboles plus subjectifs de l’ homme individualisé. d) Interprétation de Heinrich Zimmer (extrait
2097 posthume, non encore publié) Dernière carte de la série de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui l
2098 core publié) Dernière carte de la série de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à une de
2099 ule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à une des couleurs… Cette figure solitaire montre un vagabond e
2100 ure solitaire montre un vagabond errant sans but, avec la démarche d’un fou… et un regard qui perce toutes choses sans s’arr
2101 olitaire montre un vagabond errant sans but, avec la démarche d’un fou… et un regard qui perce toutes choses sans s’arrête
2102 qui perce toutes choses sans s’arrêter à aucune. ( Le Fou) exprime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse de l’Est) parv
2103 choses sans s’arrêter à aucune. (Le Fou) exprime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse de l’Est) parvenu au terme de
2104 . (Le Fou) exprime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse de l’Est) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à un fo
2105 rime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse de l’ Est) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à un fou, à un mendia
2106 e (selon la sagesse de l’Est) parvenu au terme de l’ initiation. Semblable à un fou, à un mendiant, à un hors-caste : car c
2107 n mendiant, à un hors-caste : car c’est ainsi que le saint, l’homme parfait, doit apparaître aux yeux des autres. Il s’est
2108 , à un hors-caste : car c’est ainsi que le saint, l’ homme parfait, doit apparaître aux yeux des autres. Il s’est libéré de
2109 , des hiérarchies sociales. Il n’a plus besoin de la puissance terrestre (les épées) ; des sacrements, rites et prêtres de
2110 es. Il n’a plus besoin de la puissance terrestre ( les épées) ; des sacrements, rites et prêtres des religions établies (les
2111 rements, rites et prêtres des religions établies ( les coupes) ; des biens qu’on peut acheter et vendre (les deniers) ; du s
2112 coupes) ; des biens qu’on peut acheter et vendre ( les deniers) ; du sol et du foyer (les bâtons). Il n’a plus d’attaches, n
2113 ter et vendre (les deniers) ; du sol et du foyer ( les bâtons). Il n’a plus d’attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme.
2114 âtons). Il n’a plus d’attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’un fol errant. Comment a-t-il atteint le s
2115 Il n’est qu’un fol errant. Comment a-t-il atteint le stade suprême, bien au-dessus des rois, des reines, des as, des cheva
2116 s valets, au-dessus des 21 symboles qui décrivent la hiérarchie des essences et des sphères surhumaines ? En passant à tra
2117 re pris par un seul… Ayant accompli son être dans la coïncidence des contraires, pour lui l’univers ambiant perd son poids
2118 être dans la coïncidence des contraires, pour lui l’ univers ambiant perd son poids. Sa réalité visible et tangible continu
2119 ter, mais elle a perdu son pouvoir magique. Voici l’ expérience du Fou : le monde extérieur n’a pas plus de signification r
2120 son pouvoir magique. Voici l’expérience du Fou : le monde extérieur n’a pas plus de signification réelle que l’ego, dont
2121 xtérieur n’a pas plus de signification réelle que l’ ego, dont il s’est débarrassé depuis longtemps. L’une et l’autre sont
2122 ébarrassé depuis longtemps. L’une et l’autre sont les illusions qui s’interposent entre l’homme et son essence divine innée
2123 ’autre sont les illusions qui s’interposent entre l’ homme et son essence divine innée… Le fol errant n’a ni famille, ni po
2124 posent entre l’homme et son essence divine innée… Le fol errant n’a ni famille, ni possessions, ni lieu où reposer sa tête
2125 ent frustré de rien de tout cela. Il est en union avec l’Univers, sa vraie maison. L’univers participe à sa nature même. D’a
2126 rustré de rien de tout cela. Il est en union avec l’ Univers, sa vraie maison. L’univers participe à sa nature même. D’autr
2127 Il est en union avec l’Univers, sa vraie maison. L’ univers participe à sa nature même. D’autre part, le divin, dans son e
2128 univers participe à sa nature même. D’autre part, le divin, dans son essence transcendantale, au-delà de tout changement o
2129 trouve être aussi son essence propre. Car il est la coincidentia oppositorum. La forme suprême de cette union est Dieu, d
2130 e propre. Car il est la coincidentia oppositorum. La forme suprême de cette union est Dieu, déployant constamment son esse
2131 est Dieu, déployant constamment son essence dans les aspects de l’univers et de ses créatures, et cependant restant le « D
2132 oyant constamment son essence dans les aspects de l’ univers et de ses créatures, et cependant restant le « Dieu caché », d
2133 univers et de ses créatures, et cependant restant le « Dieu caché », deus absconditus, éternellement… Le fol errant voit e
2134 « Dieu caché », deus absconditus, éternellement… Le fol errant voit en toutes choses la manifestation de Dieu, c’est-à-di
2135 ternellement… Le fol errant voit en toutes choses la manifestation de Dieu, c’est-à-dire de lui-même, et en même temps il
2136 i-même, et en même temps il voit à travers toutes les choses : elles ne sont que néant, elles ne sont qu’un mirage, il les
2137 ne sont que néant, elles ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il est le mendiant qui possède l’univers, et toutes ses
2138 ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il est le mendiant qui possède l’univers, et toutes ses richesses, qui ne sont
2139 l les a dépassées… Il est le mendiant qui possède l’ univers, et toutes ses richesses, qui ne sont rien d’autre que le dépl
2140 outes ses richesses, qui ne sont rien d’autre que le déploiement de sa propre nature. Vous pourrez donc le traiter de fou.
2141 éploiement de sa propre nature. Vous pourrez donc le traiter de fou. Il l’est en effet, mais il n’est pas un lunatique que
2142 e nature. Vous pourrez donc le traiter de fou. Il l’ est en effet, mais il n’est pas un lunatique quelconque, un idiot ou u
2143 e, entrait chez vous et vous tapait gentiment sur l’ épaule en murmurant à votre oreille : « Je suis le Père, et le Fils, e
2144 l’épaule en murmurant à votre oreille : « Je suis le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit ! » — la plupart d’entre vous, s
2145 murmurant à votre oreille : « Je suis le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit ! » — la plupart d’entre vous, sans plus d’e
2146 votre oreille : « Je suis le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit ! » — la plupart d’entre vous, sans plus d’enquête, le c
2147 » — la plupart d’entre vous, sans plus d’enquête, le conduiraient tranquillement à l’asile. C’est pourquoi le parfait init
2148 plus d’enquête, le conduiraient tranquillement à l’ asile. C’est pourquoi le parfait initié ne condescend pas à desserrer
2149 uiraient tranquillement à l’asile. C’est pourquoi le parfait initié ne condescend pas à desserrer ses lèvres et à révéler
2150 ondescend pas à desserrer ses lèvres et à révéler le scandaleux secret de sa perfection. Dans la sagesse du Saint-Esprit i
2151 véler le scandaleux secret de sa perfection. Dans la sagesse du Saint-Esprit incarné, il passe, étranger, silencieux. Étan
2152 indre de n’être rien. Et de même, il convient que la séquence des arcanes, grâce aux symboles graphiques desquels nous son
2153 ux symboles graphiques desquels nous sont dévolus l’ initiation et l’accomplissement, apparaisse simplement comme une série
2154 hiques desquels nous sont dévolus l’initiation et l’ accomplissement, apparaisse simplement comme une série de cartes à jou
2155 ie de cartes à jouer plutôt bizarres et démodées… Le Parfait sous l’aspect d’un fol errant, a dépassé la possibilité d’êtr
2156 ouer plutôt bizarres et démodées… Le Parfait sous l’ aspect d’un fol errant, a dépassé la possibilité d’être aucune des réa
2157 Parfait sous l’aspect d’un fol errant, a dépassé la possibilité d’être aucune des réalités particulières exprimées par le
2158 e aucune des réalités particulières exprimées par les quatre couleurs et les arcanes. C’est pourquoi, prenons garde, s’il n
2159 articulières exprimées par les quatre couleurs et les arcanes. C’est pourquoi, prenons garde, s’il nous advient jamais de r
2160 mploi, un vagabond cosmique. Prenons bien garde à la manière dont nous le traiterons ! Il se pourrait qu’il soit le Saint-
2161 smique. Prenons bien garde à la manière dont nous le traiterons ! Il se pourrait qu’il soit le Saint-Esprit incarné, le Ch
2162 nt nous le traiterons ! Il se pourrait qu’il soit le Saint-Esprit incarné, le Christ errant de nouveau parmi les hommes Et
2163 l se pourrait qu’il soit le Saint-Esprit incarné, le Christ errant de nouveau parmi les hommes Et de plus, s’il y condesce
2164 Esprit incarné, le Christ errant de nouveau parmi les hommes Et de plus, s’il y condescendait, il pourrait bien être capabl
2165 n être capable de nous révéler le dernier mot sur les symboles du tarot ! La Roue de Fortune, arcane 10 a) Interpr
2166 er le dernier mot sur les symboles du tarot ! La Roue de Fortune, arcane 10 a) Interprétation d’Elie Alta, d’aprè
2167 nterprétation d’Elie Alta, d’après Etteilla : La lettre Iod se rapporte à la plupart des idées du nombre 10. Elle a le
2168 porte à la plupart des idées du nombre 10. Elle a le sens de main, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manife
2169 plupart des idées du nombre 10. Elle a le sens de main , les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui v
2170 t des idées du nombre 10. Elle a le sens de main, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui va se
2171 es du nombre 10. Elle a le sens de main, les deux mains , les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui va se produire, l
2172 ombre 10. Elle a le sens de main, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui va se produire, la pot
2173 in, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui va se produire, la potentialité d’un événement. Idé
2174 le symbolise la manifestation qui va se produire, la potentialité d’un événement. Idée d’eau, de liquide. Astrologie. La
2175 n événement. Idée d’eau, de liquide. Astrologie. La Vierge, maison de Mercure. On y considère la santé, si l’absent se po
2176 gie. La Vierge, maison de Mercure. On y considère la santé, si l’absent se porte bien… On demande quant à la femme si elle
2177 e, maison de Mercure. On y considère la santé, si l’ absent se porte bien… On demande quant à la femme si elle est impudiqu
2178 té, si l’absent se porte bien… On demande quant à la femme si elle est impudique. Figure. Elle représente une roue sur so
2179 autre côté un homme. Elle nous indique simplement le mouvement de la vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx
2180 mme. Elle nous indique simplement le mouvement de la vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet
2181 dique simplement le mouvement de la vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet de la roue, figure
2182 de la vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet de la roue, figure la loi universelle des tran
2183 es, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet de la roue, figure la loi universelle des transmutations matérielles ou phy
2184 née. Le sphinx placé au sommet de la roue, figure la loi universelle des transmutations matérielles ou physiques… Celui qu
2185 b) Interprétation de B. McM. Hasard (résumé) : La clef 10 termine le cycle collectif et inaugure le cycle individuel. A
2186 e B. McM. Hasard (résumé) : La clef 10 termine le cycle collectif et inaugure le cycle individuel. Aux 4 coins de la ca
2187 La clef 10 termine le cycle collectif et inaugure le cycle individuel. Aux 4 coins de la carte, les figures symboliques —
2188 f et inaugure le cycle individuel. Aux 4 coins de la carte, les figures symboliques — un homme, ou ange, un lion, un taure
2189 ure le cycle individuel. Aux 4 coins de la carte, les figures symboliques — un homme, ou ange, un lion, un taureau, un aigl
2190 ange, un lion, un taureau, un aigle — signifient les 4 divisions du cosmos auxquelles faisaient allusion les 4 lettres I H
2191 divisions du cosmos auxquelles faisaient allusion les 4 lettres I H V H brodées sur la robe du Fou, et représentent les 4 s
2192 saient allusion les 4 lettres I H V H brodées sur la robe du Fou, et représentent les 4 signes fixes du zodiaque. L’Ange (
2193 H V H brodées sur la robe du Fou, et représentent les 4 signes fixes du zodiaque. L’Ange (Aquarius) est l’Air (Verseau, Gém
2194 , et représentent les 4 signes fixes du zodiaque. L’ Ange (Aquarius) est l’Air (Verseau, Gémeaux, Balance) ; l’Aigle (Scorp
2195 4 signes fixes du zodiaque. L’Ange (Aquarius) est l’ Air (Verseau, Gémeaux, Balance) ; l’Aigle (Scorpion) est l’Eau (Scorpi
2196 Aquarius) est l’Air (Verseau, Gémeaux, Balance) ; l’ Aigle (Scorpion) est l’Eau (Scorpion, Poissons, Cancer) ; le Taureau (
2197 rseau, Gémeaux, Balance) ; l’Aigle (Scorpion) est l’ Eau (Scorpion, Poissons, Cancer) ; le Taureau (Taureau) est la Terre (
2198 corpion) est l’Eau (Scorpion, Poissons, Cancer) ; le Taureau (Taureau) est la Terre (Taureau, Vierge, Capricorne) ; le Lio
2199 ion, Poissons, Cancer) ; le Taureau (Taureau) est la Terre (Taureau, Vierge, Capricorne) ; le Lion (Lion) est le Feu (Lion
2200 eau) est la Terre (Taureau, Vierge, Capricorne) ; le Lion (Lion) est le Feu (Lion, Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 pa
2201 Taureau, Vierge, Capricorne) ; le Lion (Lion) est le Feu (Lion, Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 parties de l’homme :
2202 est le Feu (Lion, Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 parties de l’homme : Corps (Terre), Émotions (Eau), Intelligence (A
2203 , Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 parties de l’ homme : Corps (Terre), Émotions (Eau), Intelligence (Air), Esprit (Feu
2204 Émotions (Eau), Intelligence (Air), Esprit (Feu), les 4 emblèmes chérubiniques dans Ézéchiel, les 4 évangélistes et leurs e
2205 Feu), les 4 emblèmes chérubiniques dans Ézéchiel, les 4 évangélistes et leurs emblèmes, les 4 rivières du Paradis, et le Té
2206 s Ézéchiel, les 4 évangélistes et leurs emblèmes, les 4 rivières du Paradis, et le Tétragramme. Ces 4 symboles cosmiques so
2207 et leurs emblèmes, les 4 rivières du Paradis, et le Tétragramme. Ces 4 symboles cosmiques sont entourés de nuages de temp
2208 ques sont entourés de nuages de tempête suggérant les luttes nécessaires pour arriver à les harmoniser dans le Grand Œuvre.
2209 e suggérant les luttes nécessaires pour arriver à les harmoniser dans le Grand Œuvre. Cependant le fond bleu pâle du ciel i
2210 es nécessaires pour arriver à les harmoniser dans le Grand Œuvre. Cependant le fond bleu pâle du ciel indique que la paix
2211 r à les harmoniser dans le Grand Œuvre. Cependant le fond bleu pâle du ciel indique que la paix spirituelle s’établira fin
2212 . Cependant le fond bleu pâle du ciel indique que la paix spirituelle s’établira finalement quand les tensions entre les é
2213 e la paix spirituelle s’établira finalement quand les tensions entre les éléments seront équilibrées. Au centre de la carte
2214 le s’établira finalement quand les tensions entre les éléments seront équilibrées. Au centre de la carte, un large cercle o
2215 tre les éléments seront équilibrées. Au centre de la carte, un large cercle orangé indique que le Grand Œuvre est une acti
2216 e de la carte, un large cercle orangé indique que le Grand Œuvre est une activité solaire. Trois cercles concentriques s’y
2217 re, Fils. Au milieu, une roue à 8 rayons signifie la manifestation parfaite, résultant du mouvement de 2 roues de 4 rayons
2218 n sens inverse l’une de l’autre : équilibre entre les aspects positifs et négatifs des 4 instruments (bâtons, épées, coupes
2219 tons, épées, coupes, deniers), c’est-à-dire entre l’ évolution et l’involution. L’une des roues porte les signes alchimique
2220 upes, deniers), c’est-à-dire entre l’évolution et l’ involution. L’une des roues porte les signes alchimiques du Mercure (I
2221 ’évolution et l’involution. L’une des roues porte les signes alchimiques du Mercure (Intellect) ; Sel (Corps) ; Soufre (Esp
2222 mais il se peut qu’elle en ait porté autrefois. À l’ extrémité de chacun des rayons de la première roue est placée une des
2223 des lettres du mot T A R O, qui doit se lire dans le sens des aiguilles d’une montre. À l’extrémité de chacun des rayons d
2224 e lire dans le sens des aiguilles d’une montre. À l’ extrémité de chacun des rayons de la seconde roue, sont les lettres Yo
2225 ité de chacun des rayons de la seconde roue, sont les lettres Yod, Heh, Vav, Heh, qui doivent être lues en sens inverse des
2226 rse des aiguilles d’une montre, étant hébraïques. La division quaternaire du cosmos se retrouve ici au plus bas niveau de
2227 e du cosmos se retrouve ici au plus bas niveau de la conscience, encore solaire et collective (symboles abstraits). Autour
2228 ire et collective (symboles abstraits). Autour de la roue, trois symboles concrets : le Serpent, le Sphinx, l’Anubis, repr
2229 ts). Autour de la roue, trois symboles concrets : le Serpent, le Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau de la conscience
2230 de la roue, trois symboles concrets : le Serpent, le Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau de la conscience collective
2231 trois symboles concrets : le Serpent, le Sphinx, l’ Anubis, représentent le niveau de la conscience collective humaine. Le
2232 s : le Serpent, le Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau de la conscience collective humaine. Le Serpent est jaune (act
2233 t, le Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau de la conscience collective humaine. Le Serpent est jaune (activité de l’in
2234 nt le niveau de la conscience collective humaine. Le Serpent est jaune (activité de l’intellect) dirigé vers le bas (invol
2235 ective humaine. Le Serpent est jaune (activité de l’ intellect) dirigé vers le bas (involution dans la matière) et ondulant
2236 t est jaune (activité de l’intellect) dirigé vers le bas (involution dans la matière) et ondulant (action vibratoire de l’
2237 l’intellect) dirigé vers le bas (involution dans la matière) et ondulant (action vibratoire de l’intellect créateur). L’A
2238 ans la matière) et ondulant (action vibratoire de l’ intellect créateur). L’Anubis, ou Hermanubis, mi-loup mi-homme, coloré
2239 lant (action vibratoire de l’intellect créateur). L’ Anubis, ou Hermanubis, mi-loup mi-homme, coloré en rouge (désir), s’él
2240 oup mi-homme, coloré en rouge (désir), s’élève de la matière et évolue vers le Père : c’est l’homme qui s’éveille des prof
2241 uge (désir), s’élève de la matière et évolue vers le Père : c’est l’homme qui s’éveille des profondeurs, et qui commence à
2242 lève de la matière et évolue vers le Père : c’est l’ homme qui s’éveille des profondeurs, et qui commence à monter vers l’a
2243 le des profondeurs, et qui commence à monter vers l’ appel du Sphinx, symbole de l’homme parfait ou conscient et individual
2244 mence à monter vers l’appel du Sphinx, symbole de l’ homme parfait ou conscient et individualisé. Le Sphinx est bleu (spiri
2245 de l’homme parfait ou conscient et individualisé. Le Sphinx est bleu (spiritualisé, re-né) et porte sur la tête des orneme
2246 phinx est bleu (spiritualisé, re-né) et porte sur la tête des ornements noirs et blancs : équilibre des contradictions. Il
2247 t blancs : équilibre des contradictions. Il tient l’ épée de la discrimination. Son corps est mi-féminin, mi-léonin, hermap
2248 équilibre des contradictions. Il tient l’épée de la discrimination. Son corps est mi-féminin, mi-léonin, hermaphrodite, é
2249 liographie sommaire Antoine Court de Gébelin : Le Monde primitif (volume VIII) : Du jeu des tarots, Paris, 1781. Ettei
2250 s, Paris, 1781. Etteilla : Manière de se récréer avec le jeu de cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de
2251 ris, 1781. Etteilla : Manière de se récréer avec le jeu de cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de Tho
2252 de cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de Thot. M. M. D’Odoucet : Science des signes, ou médecine de
2253 M. D’Odoucet : Science des signes, ou médecine de l’ esprit, connue sous le nom d’art de tirer les cartes, Paris, 1793. Wil
2254 des signes, ou médecine de l’esprit, connue sous le nom d’art de tirer les cartes, Paris, 1793. William A. Chatto : Facts
2255 ne de l’esprit, connue sous le nom d’art de tirer les cartes, Paris, 1793. William A. Chatto : Facts and Speculations conce
2256 , London, 1848. Éliphas Lévi : Dogme et rituel de la haute magie, 1860 — Clefs majeures et clavicules de Salomon, 1895. —
2257 Clefs majeures et clavicules de Salomon, 1895. — Le Grand Arcane, 1898. — Transcendental Magic, New York, 1938. Romain Me
2258  : Tarot, Paris, 1870. Papus (Gérard Encausse) : Le Tarot divinatoire ou tarot des bohémiens, Paris, 1885. Arthur Edward
2259 arot, London, 1922. Elie Alta (Gervais Bouchet) : Le Tarot Égyptien, Vichy, 1922. Oswald Wirth : Le Tarot des imagiers du
2260  : Le Tarot Égyptien, Vichy, 1922. Oswald Wirth : Le Tarot des imagiers du Moyen Âge, 1927. Paul Foster Case : An introduc
13 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
2261 Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)i La rhétorique est
2262 Les règles du jeu dans l’ art romanesque (1944-1945)i La rhétorique est l’art de persuader. L
2263 gles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)i La rhétorique est l’art de persuader. L’ignorance ou l’abus en ont fait
2264 ’art romanesque (1944-1945)i La rhétorique est l’ art de persuader. L’ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’art
2265 4-1945)i La rhétorique est l’art de persuader. L’ ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’art de parler pour ne ri
2266 rhétorique est l’art de persuader. L’ignorance ou l’ abus en ont fait aujourd’hui l’art de parler pour ne rien dire. Rhétor
2267 er. L’ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’ art de parler pour ne rien dire. Rhétorique est devenue synonyme d’élo
2268 t autre sens. Je voudrais désigner par rhétorique l’ ensemble des règles du jeu dans l’art. Feraient partie de la rhétoriqu
2269 par rhétorique l’ensemble des règles du jeu dans l’ art. Feraient partie de la rhétorique des éléments aussi divers que le
2270 des règles du jeu dans l’art. Feraient partie de la rhétorique des éléments aussi divers que les lois de composition d’un
2271 ie de la rhétorique des éléments aussi divers que les lois de composition d’un tableau, et sa limitation par le cadre ; les
2272 de composition d’un tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois de l’harmonie et du contrepoint ; les genres musicau
2273 ion d’un tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois de l’harmonie et du contrepoint ; les genres musicaux et littéra
2274 leau, et sa limitation par le cadre ; les lois de l’ harmonie et du contrepoint ; les genres musicaux et littéraires ; les
2275 adre ; les lois de l’harmonie et du contrepoint ; les genres musicaux et littéraires ; les conventions de l’opéra et de la
2276 ontrepoint ; les genres musicaux et littéraires ; les conventions de l’opéra et de la danse ; les personnages constants du
2277 nres musicaux et littéraires ; les conventions de l’ opéra et de la danse ; les personnages constants du théâtre ; les ouve
2278 et littéraires ; les conventions de l’opéra et de la danse ; les personnages constants du théâtre ; les ouvertures, levers
2279 res ; les conventions de l’opéra et de la danse ; les personnages constants du théâtre ; les ouvertures, levers de rideau,
2280 la danse ; les personnages constants du théâtre ; les ouvertures, levers de rideau, préfaces, finales, épilogues et points
2281 préfaces, finales, épilogues et points d’orgue ; la règle des trois unités ; les transitions, récitatifs, coups de théâtr
2282 s et points d’orgue ; la règle des trois unités ; les transitions, récitatifs, coups de théâtre et contrastes ménagés ; le
2283 itatifs, coups de théâtre et contrastes ménagés ; le nombre fixe des syllabes dans un vers et des vers dans un sonnet ; le
2284 yllabes dans un vers et des vers dans un sonnet ; les rimes et les césures, — bref, toutes les conventions acceptées en com
2285 un vers et des vers dans un sonnet ; les rimes et les césures, — bref, toutes les conventions acceptées en commun par les a
2286 sonnet ; les rimes et les césures, — bref, toutes les conventions acceptées en commun par les artistes et leur public. Tout
2287 f, toutes les conventions acceptées en commun par les artistes et leur public. Tout cela faisait l’Art, aux grandes époques
2288 ar les artistes et leur public. Tout cela faisait l’ Art, aux grandes époques. Artiste était celui qui, de ces règles, sava
2289 elui qui, de ces règles, savait tirer sa liberté. L’ inspiration passait par ces canaux et se communiquait par eux. Les règ
2290 assait par ces canaux et se communiquait par eux. Les règles étant connues, amateurs et critiques disposaient d’une mesure
2291 urs et critiques disposaient d’une mesure commune avec le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfacture d’une œuvre, et fai
2292 t critiques disposaient d’une mesure commune avec le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfacture d’une œuvre, et faire
2293 e commune avec le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfacture d’une œuvre, et faire la part de l’invention par déductio
2294 ient estimer la bienfacture d’une œuvre, et faire la part de l’invention par déduction de la coutume. Presque tous ces cri
2295 r la bienfacture d’une œuvre, et faire la part de l’ invention par déduction de la coutume. Presque tous ces critères effac
2296 et faire la part de l’invention par déduction de la coutume. Presque tous ces critères effacés ou perdus, notre époque ne
2297 époque ne sait plus juger d’une œuvre. Elle tient la rhétorique et ses figures pour arbitraires, artificielles, non contra
2298 rtificielles, non contraignantes. (Et sans doute, le sont-elles devenues.) Mais dès l’instant où les règles d’un jeu cesse
2299 (Et sans doute, le sont-elles devenues.) Mais dès l’ instant où les règles d’un jeu cessent d’être respectées comme absolue
2300 e, le sont-elles devenues.) Mais dès l’instant où les règles d’un jeu cessent d’être respectées comme absolues, qui pourrai
2301 respectées comme absolues, qui pourrait désigner le gagnant ? Tricher même n’a plus aucun charme. Si vous vous soumettez
2302 endant plusieurs minutes de recherches intenses ; les témoins avertis sauront immédiatement si vous avez bien ou mal fait,
2303 escient, si vous avez inventé quelque chose. Ôtez les règles, et ce même déplacement devient le type du geste indifférent.
2304 . Ôtez les règles, et ce même déplacement devient le type du geste indifférent. Dans le principe, et dans les hautes époqu
2305 cement devient le type du geste indifférent. Dans le principe, et dans les hautes époques, la rhétorique au sens large, et
2306 e du geste indifférent. Dans le principe, et dans les hautes époques, la rhétorique au sens large, et ses règles, sont stri
2307 nt. Dans le principe, et dans les hautes époques, la rhétorique au sens large, et ses règles, sont strictement non arbitra
2308 nt des relations constitutives de notre corps, de la psyché et du Cosmos. La régularité et l’alternance de la respiration,
2309 utives de notre corps, de la psyché et du Cosmos. La régularité et l’alternance de la respiration, des nuits et des saison
2310 orps, de la psyché et du Cosmos. La régularité et l’ alternance de la respiration, des nuits et des saisons, sont nécessair
2311 hé et du Cosmos. La régularité et l’alternance de la respiration, des nuits et des saisons, sont nécessaires à notre vie,
2312 des saisons, sont nécessaires à notre vie, comme les cadences et les contrastes composés sont vitaux pour nos œuvres d’art
2313 nt nécessaires à notre vie, comme les cadences et les contrastes composés sont vitaux pour nos œuvres d’art. Au surplus, le
2314 és sont vitaux pour nos œuvres d’art. Au surplus, les figures de la rhétorique considérées dans toute la variété des arts,
2315 pour nos œuvres d’art. Au surplus, les figures de la rhétorique considérées dans toute la variété des arts, ne sont pas sa
2316 s figures de la rhétorique considérées dans toute la variété des arts, ne sont pas sans correspondances avec les formes ré
2317 ariété des arts, ne sont pas sans correspondances avec les formes régulières dont le rêve compose ses drames. Il se peut mêm
2318 é des arts, ne sont pas sans correspondances avec les formes régulières dont le rêve compose ses drames. Il se peut même qu
2319 s correspondances avec les formes régulières dont le rêve compose ses drames. Il se peut même que ces figures ne soient, à
2320 mes. Il se peut même que ces figures ne soient, à l’ origine au moins, que l’affleurement ou que la fixation des archétypes
2321 ces figures ne soient, à l’origine au moins, que l’ affleurement ou que la fixation des archétypes de l’inconscient, tels
2322 , à l’origine au moins, que l’affleurement ou que la fixation des archétypes de l’inconscient, tels qu’un Jung put les ret
2323 affleurement ou que la fixation des archétypes de l’ inconscient, tels qu’un Jung put les retrouver dans les symboles des r
2324 archétypes de l’inconscient, tels qu’un Jung put les retrouver dans les symboles des religions et des magies, spontanément
2325 conscient, tels qu’un Jung put les retrouver dans les symboles des religions et des magies, spontanément réapparus au cours
2326 , spontanément réapparus au cours des âges et sur les points les plus divers de la planète. Les romantiques allemands l’ont
2327 ent réapparus au cours des âges et sur les points les plus divers de la planète. Les romantiques allemands l’ont soupçonné 
2328 urs des âges et sur les points les plus divers de la planète. Les romantiques allemands l’ont soupçonné : Jean-Paul invoqu
2329 et sur les points les plus divers de la planète. Les romantiques allemands l’ont soupçonné : Jean-Paul invoque la « rhétor
2330 s divers de la planète. Les romantiques allemands l’ ont soupçonné : Jean-Paul invoque la « rhétorique des rêves ». Mais c’
2331 ues allemands l’ont soupçonné : Jean-Paul invoque la « rhétorique des rêves ». Mais c’est Baudelaire qui touche le vrai po
2332 que des rêves ». Mais c’est Baudelaire qui touche le vrai point, lorsque, risquant un assemblage de mots qui devait paraît
2333 mblage de mots qui devait paraître, de son temps, le plus scandaleusement paradoxal, il n’hésite pas à nous parler des art
2334 iie siècle, trois phénomènes curieux sollicitent l’ attention : l’enseignement de la rhétorique entre en décadence, cepend
2335 rois phénomènes curieux sollicitent l’attention : l’ enseignement de la rhétorique entre en décadence, cependant que le jou
2336 rieux sollicitent l’attention : l’enseignement de la rhétorique entre en décadence, cependant que le journalisme fait son
2337 e la rhétorique entre en décadence, cependant que le journalisme fait son apparition, et que la réalité quotidienne s’intr
2338 nt que le journalisme fait son apparition, et que la réalité quotidienne s’introduit dans les romans. Conjonction lourde d
2339 n, et que la réalité quotidienne s’introduit dans les romans. Conjonction lourde de présages. Quelques années plus tard écl
2340 rde de présages. Quelques années plus tard éclate la Terreur, balayant les symboles sacrés, les rites sociaux et les cérém
2341 ques années plus tard éclate la Terreur, balayant les symboles sacrés, les rites sociaux et les cérémonies dont l’élite a p
2342 éclate la Terreur, balayant les symboles sacrés, les rites sociaux et les cérémonies dont l’élite a perdu le sens, pour in
2343 alayant les symboles sacrés, les rites sociaux et les cérémonies dont l’élite a perdu le sens, pour instaurer le culte dépo
2344 sacrés, les rites sociaux et les cérémonies dont l’ élite a perdu le sens, pour instaurer le culte dépouillé de la Raison.
2345 es sociaux et les cérémonies dont l’élite a perdu le sens, pour instaurer le culte dépouillé de la Raison. La terreur dans
2346 nies dont l’élite a perdu le sens, pour instaurer le culte dépouillé de la Raison. La terreur dans les arts vint au siècle
2347 rdu le sens, pour instaurer le culte dépouillé de la Raison. La terreur dans les arts vint au siècle suivant. Elle aussi f
2348 , pour instaurer le culte dépouillé de la Raison. La terreur dans les arts vint au siècle suivant. Elle aussi fit la chass
2349 le culte dépouillé de la Raison. La terreur dans les arts vint au siècle suivant. Elle aussi fit la chasse aux « ci-devant
2350 s les arts vint au siècle suivant. Elle aussi fit la chasse aux « ci-devants » : genres établis, situations convenues, rim
2351 ition. Mais elle alla plus loin. Elle déclara que la rhétorique en tant que telle était mauvaise, insincère, et contraire
2352 e telle était mauvaise, insincère, et contraire à l’ inspiration libre. Dans ses recettes magiques et artifices profonds, e
2353 ne vit que recettes et artifices, et commanda de les éliminer. De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’inspira
2354 De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’ inspiration pure, comme la colombe de Kant qui s’imagine qu’elle voler
2355 s clichés1. Abandonné à l’inspiration pure, comme la colombe de Kant qui s’imagine qu’elle volerait mieux dans le vide, l’
2356 de Kant qui s’imagine qu’elle volerait mieux dans le vide, l’artiste crut qu’il irait loin… Il tomba dans « la réalité »,
2357 ui s’imagine qu’elle volerait mieux dans le vide, l’ artiste crut qu’il irait loin… Il tomba dans « la réalité », coupa ses
2358 l’artiste crut qu’il irait loin… Il tomba dans «  la réalité », coupa ses ailes et se fit romancier ou paysagiste d’après
2359 et se fit romancier ou paysagiste d’après nature. Le sociologue et le photographe l’observaient d’un œil ironique. La nai
2360 er ou paysagiste d’après nature. Le sociologue et le photographe l’observaient d’un œil ironique. La naissance, le triomp
2361 e d’après nature. Le sociologue et le photographe l’ observaient d’un œil ironique. La naissance, le triomphe et le déclin
2362 le photographe l’observaient d’un œil ironique. La naissance, le triomphe et le déclin du roman comme genre littéraire,
2363 e l’observaient d’un œil ironique. La naissance, le triomphe et le déclin du roman comme genre littéraire, illustrent à m
2364 d’un œil ironique. La naissance, le triomphe et le déclin du roman comme genre littéraire, illustrent à merveille ces br
2365 illustrent à merveille ces brèves indications sur l’ office de la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origi
2366 merveille ces brèves indications sur l’office de la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origine du roman
2367 èves indications sur l’office de la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte
2368 ons sur l’office de la rhétorique et le danger de l’ écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte. La société
2369 fice de la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte. La société primitive a
2370 rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’ origine du roman est dans le conte. La société primitive a des mythes,
2371 ’écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte. La société primitive a des mythes, courts récits mémorables de
2372 la légère. L’origine du roman est dans le conte. La société primitive a des mythes, courts récits mémorables destinés à f
2373 its mémorables destinés à fixer des événements de l’ âme ou du Cosmos dans un jeu de personnages et d’aventures très simple
2374 n jeu de personnages et d’aventures très simples. Le mythe se développe en légende, et la légende sacrée convoie un enseig
2375 rès simples. Le mythe se développe en légende, et la légende sacrée convoie un enseignement religieux. L’épopée perpétue e
2376 légende sacrée convoie un enseignement religieux. L’ épopée perpétue ensuite le souvenir des héros de la tribu. Mais à mesu
2377 enseignement religieux. L’épopée perpétue ensuite le souvenir des héros de la tribu. Mais à mesure que les dieux prennent
2378 ’épopée perpétue ensuite le souvenir des héros de la tribu. Mais à mesure que les dieux prennent figure d’hommes, que les
2379 souvenir des héros de la tribu. Mais à mesure que les dieux prennent figure d’hommes, que les statues se mettent à ressembl
2380 esure que les dieux prennent figure d’hommes, que les statues se mettent à ressembler aux hommes, que l’homme devient de pl
2381 s statues se mettent à ressembler aux hommes, que l’ homme devient de plus en plus son propre centre et son sujet d’étonnem
2382 n propre centre et son sujet d’étonnement favori, le mythe se rapproche de l’histoire. Il gagne en intérêt tout ce qu’il p
2383 jet d’étonnement favori, le mythe se rapproche de l’ histoire. Il gagne en intérêt tout ce qu’il perd en magie. Naît alors
2384 n intérêt tout ce qu’il perd en magie. Naît alors le récit en prose, illustration de vérités morales communes à l’élite d’
2385 prose, illustration de vérités morales communes à l’ élite d’une société donnée. Nous avons fait, en quelques lignes, tout
2386 donnée. Nous avons fait, en quelques lignes, tout le chemin qui sépare les premiers chapitres de la genèse d’un roman comm
2387 ut le chemin qui sépare les premiers chapitres de la genèse d’un roman comme L’Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’un rê
2388 premiers chapitres de la genèse d’un roman comme L’ Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’un rêve éveillé, donné pour tel
2389 tres de la genèse d’un roman comme L’Astrée. Mais L’ Astrée n’est encore qu’un rêve éveillé, donné pour tel par son auteur.
2390 êve éveillé, donné pour tel par son auteur. C’est avec La Princesse de Clèves que l’on atteint la phase critique où la féeri
2391 veillé, donné pour tel par son auteur. C’est avec La Princesse de Clèves que l’on atteint la phase critique où la féerie c
2392 son auteur. C’est avec La Princesse de Clèves que l’ on atteint la phase critique où la féerie cède à l’observation, la vér
2393 ’est avec La Princesse de Clèves que l’on atteint la phase critique où la féerie cède à l’observation, la vérité créée, au
2394 e de Clèves que l’on atteint la phase critique où la féerie cède à l’observation, la vérité créée, aux données vraisemblab
2395 ’on atteint la phase critique où la féerie cède à l’ observation, la vérité créée, aux données vraisemblables. À cet instan
2396 phase critique où la féerie cède à l’observation, la vérité créée, aux données vraisemblables. À cet instant naît le roman
2397 e, aux données vraisemblables. À cet instant naît le roman moderne. À partir du xviiie siècle, le roman se sépare volonta
2398 aît le roman moderne. À partir du xviiie siècle, le roman se sépare volontairement du conte. Aussitôt, on le voit se gonf
2399 n se sépare volontairement du conte. Aussitôt, on le voit se gonfler de psychologie, de lyrisme, d’histoire, de politique,
2400 e, de politique, de documentation. Commence alors l’ inflation romanesque, dont le plus grand spéculateur s’appelle Balzac.
2401 tion. Commence alors l’inflation romanesque, dont le plus grand spéculateur s’appelle Balzac. Avec lui, après lui plus enc
2402 dont le plus grand spéculateur s’appelle Balzac. Avec lui, après lui plus encore, le roman tourne à l’« étude » du réel, qu
2403 ’appelle Balzac. Avec lui, après lui plus encore, le roman tourne à l’« étude » du réel, quand le conte, la légende, et mê
2404 vec lui, après lui plus encore, le roman tourne à l’ « étude » du réel, quand le conte, la légende, et même l’épopée, étaie
2405 ore, le roman tourne à l’« étude » du réel, quand le conte, la légende, et même l’épopée, étaient créations pures de l’ima
2406 man tourne à l’« étude » du réel, quand le conte, la légende, et même l’épopée, étaient créations pures de l’imagination.
2407 de » du réel, quand le conte, la légende, et même l’ épopée, étaient créations pures de l’imagination. Et l’on ne sait plus
2408 nde, et même l’épopée, étaient créations pures de l’ imagination. Et l’on ne sait plus si le roman est une pseudo-science o
2409 pée, étaient créations pures de l’imagination. Et l’ on ne sait plus si le roman est une pseudo-science ou un faux art. Reg
2410 s pures de l’imagination. Et l’on ne sait plus si le roman est une pseudo-science ou un faux art. Regardons de plus près c
2411 un faux art. Regardons de plus près ce passage de l’ invention réelle au réalisme allégué. Le terroriste détruit ce qui sou
2412 assage de l’invention réelle au réalisme allégué. Le terroriste détruit ce qui soutenait l’envol de l’imagination libremen
2413 e allégué. Le terroriste détruit ce qui soutenait l’ envol de l’imagination librement vraie : il détruit les figures conven
2414 Le terroriste détruit ce qui soutenait l’envol de l’ imagination librement vraie : il détruit les figures convenues, les ri
2415 vol de l’imagination librement vraie : il détruit les figures convenues, les rites constants de l’illusion, dont le conteur
2416 brement vraie : il détruit les figures convenues, les rites constants de l’illusion, dont le conteur connaissait les pouvoi
2417 uit les figures convenues, les rites constants de l’ illusion, dont le conteur connaissait les pouvoirs. Il ne lui reste po
2418 onvenues, les rites constants de l’illusion, dont le conteur connaissait les pouvoirs. Il ne lui reste pour appui que la r
2419 stants de l’illusion, dont le conteur connaissait les pouvoirs. Il ne lui reste pour appui que la réalité telle qu’il la vo
2420 sait les pouvoirs. Il ne lui reste pour appui que la réalité telle qu’il la voit. Mais cette réalité — c’est-à-dire : l’ex
2421 e lui reste pour appui que la réalité telle qu’il la voit. Mais cette réalité — c’est-à-dire : l’extérieur — ne peut fourn
2422 u’il la voit. Mais cette réalité — c’est-à-dire : l’ extérieur — ne peut fournir que des objets à exprimer, non pas des moy
2423 primer, non pas des moyens d’expression. Mieux on l’ imite et plus on s’écarte de l’art. Avec une incroyable étourderie, ce
2424 pression. Mieux on l’imite et plus on s’écarte de l’ art. Avec une incroyable étourderie, certains demandent alors un « art
2425 n. Mieux on l’imite et plus on s’écarte de l’art. Avec une incroyable étourderie, certains demandent alors un « art vivant »
2426 tains demandent alors un « art vivant ». Comme si les règles d’un jeu devaient être vivantes ! Plus personne ne pourrait jo
2427 être vivantes ! Plus personne ne pourrait jouer2. Le jeu ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure de la fixité même de
2428 jouer2. Le jeu ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure de la fixité même de ses règles indiscutées. L’art consistait
2429 u ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure de la fixité même de ses règles indiscutées. L’art consistait jadis à donne
2430 sure de la fixité même de ses règles indiscutées. L’ art consistait jadis à donner sens aux propositions de la vie. Ses règ
2431 onsistait jadis à donner sens aux propositions de la vie. Ses règles émergeaient de la nature profonde, elles prolongeaien
2432 propositions de la vie. Ses règles émergeaient de la nature profonde, elles prolongeaient la nature naturante, au lieu de
2433 eaient de la nature profonde, elles prolongeaient la nature naturante, au lieu de copier la nature naturée. Et la psyché r
2434 longeaient la nature naturante, au lieu de copier la nature naturée. Et la psyché réinventait un réel significatif. Commen
2435 aturante, au lieu de copier la nature naturée. Et la psyché réinventait un réel significatif. Comment rejoindrait-on le se
2436 tait un réel significatif. Comment rejoindrait-on le sens profond des choses et des événements de la vie, en décalquant le
2437 n le sens profond des choses et des événements de la vie, en décalquant le désordre varié des objets ou des sentiments ? P
2438 choses et des événements de la vie, en décalquant le désordre varié des objets ou des sentiments ? Par l’extérieur on ne r
2439 désordre varié des objets ou des sentiments ? Par l’ extérieur on ne rejoint que l’insignifiance observable. C’est ce qui v
2440 es sentiments ? Par l’extérieur on ne rejoint que l’ insignifiance observable. C’est ce qui va se produire après Balzac. Le
2441 rvable. C’est ce qui va se produire après Balzac. Le roman pousse deux branches d’importance inégale. La première est la m
2442 ux branches d’importance inégale. La première est la monographie : Adolphe, Obermann, Dominique. Ces récits intéressent le
2443 lphe, Obermann, Dominique. Ces récits intéressent le lecteur s’il se retrouve dans le héros. La part de l’art y est réduit
2444 cits intéressent le lecteur s’il se retrouve dans le héros. La part de l’art y est réduite à celle du style. L’autre branc
2445 essent le lecteur s’il se retrouve dans le héros. La part de l’art y est réduite à celle du style. L’autre branche sera ce
2446 ecteur s’il se retrouve dans le héros. La part de l’ art y est réduite à celle du style. L’autre branche sera celle du réal
2447 lle du réalisme social. C’est là que va triompher la terreur, se déchaîner la chasse impitoyable aux artifices de la fabul
2448 ’est là que va triompher la terreur, se déchaîner la chasse impitoyable aux artifices de la fabulation. Maintenant, le rom
2449 déchaîner la chasse impitoyable aux artifices de la fabulation. Maintenant, le romancier prétend décrire. Il s’excuse d’i
2450 yable aux artifices de la fabulation. Maintenant, le romancier prétend décrire. Il s’excuse d’imaginer. Il ambitionne de c
2451 Il ambitionne de conformer son art aux « lois de la vie », non plus aux procédés du conte. « Le roman, dit M. Jaloux, ne
2452 is de la vie », non plus aux procédés du conte. «  Le roman, dit M. Jaloux, ne connaît d’autres lois que les lois mêmes de
2453 oman, dit M. Jaloux, ne connaît d’autres lois que les lois mêmes de la vie. » Cette proposition des plus étranges est reçue
2454 x, ne connaît d’autres lois que les lois mêmes de la vie. » Cette proposition des plus étranges est reçue sans le moindre
2455 ette proposition des plus étranges est reçue sans le moindre étonnement par la critique moderne et par le grand public. El
2456 étranges est reçue sans le moindre étonnement par la critique moderne et par le grand public. Elle rend compte de l’insign
2457 moindre étonnement par la critique moderne et par le grand public. Elle rend compte de l’insignifiance, au sens littéral d
2458 derne et par le grand public. Elle rend compte de l’ insignifiance, au sens littéral de ce terme, où devait choir fatalemen
2459 littéral de ce terme, où devait choir fatalement le roman dès qu’il refusa d’être fable. Tout l’intérêt du conte, effecti
2460 ment le roman dès qu’il refusa d’être fable. Tout l’ intérêt du conte, effectivement, tenait aux conventions qu’il savait m
2461 ait aux conventions qu’il savait mettre en œuvre. Le conte multipliait les rencontres fortuites, les coïncidences opportun
2462 u’il savait mettre en œuvre. Le conte multipliait les rencontres fortuites, les coïncidences opportunes. Sa rapidité folle
2463 e. Le conte multipliait les rencontres fortuites, les coïncidences opportunes. Sa rapidité folle – par rapport à la vie rée
2464 ces opportunes. Sa rapidité folle – par rapport à la vie réelle – tenait l’auditeur en haleine ; son rythme était autorité
2465 dité folle – par rapport à la vie réelle – tenait l’ auditeur en haleine ; son rythme était autorité. Les événements extrao
2466 ’auditeur en haleine ; son rythme était autorité. Les événements extraordinaires qu’il présentait, portaient les sentiments
2467 ments extraordinaires qu’il présentait, portaient les sentiments jusqu’au sublime, proposaient des types de vie haute, et r
2468 vie haute, et réveillaient des forces endormies. Le conte était le libre déploiement des réalités mêmes de l’âme, qu’il d
2469 réveillaient des forces endormies. Le conte était le libre déploiement des réalités mêmes de l’âme, qu’il décrivait en per
2470 était le libre déploiement des réalités mêmes de l’ âme, qu’il décrivait en personnages selon certains procédés et figures
2471 ins procédés et figures surgis des profondeurs de l’ être, identiques à ceux du rêve, et crus comme tels avec reconnaissanc
2472 re, identiques à ceux du rêve, et crus comme tels avec reconnaissance, au double sens de l’expression. Mais que se passe-t-i
2473 comme tels avec reconnaissance, au double sens de l’ expression. Mais que se passe-t-il lorsque le romancier nous fait savo
2474 s de l’expression. Mais que se passe-t-il lorsque le romancier nous fait savoir qu’il a mis dans son livre ce qui est, et
2475 ivre ce qui est, et non plus ce qu’il a inventé ? L’ abandon de la rhétorique entraîne deux séries de conséquences qui se r
2476 st, et non plus ce qu’il a inventé ? L’abandon de la rhétorique entraîne deux séries de conséquences qui se révèlent égale
2477 uences qui se révèlent également ruineuses. 1°) — Le romancier moderne a perdu l’autorité magique du conteur. Il s’est pri
2478 ent ruineuses. 1°) — Le romancier moderne a perdu l’ autorité magique du conteur. Il s’est privé volontairement du bénéfice
2479 r. Il s’est privé volontairement du bénéfice de «  l’ art de persuader » traditionnel. Quand, par exemple, le conteur débuta
2480 de persuader » traditionnel. Quand, par exemple, le conteur débutait par la formule « Il y avait une fois… », il créait a
2481 nnel. Quand, par exemple, le conteur débutait par la formule « Il y avait une fois… », il créait aussitôt chez l’auditeur
2482 « Il y avait une fois… », il créait aussitôt chez l’ auditeur un état très particulier de réceptivité et de créance. On sav
2483 ofond, et significatif. On croyait tout : c’était le jeu. Le jeu ne tolère pas de scepticisme. Observez un enfant quand il
2484 t significatif. On croyait tout : c’était le jeu. Le jeu ne tolère pas de scepticisme. Observez un enfant quand il attend
2485 scepticisme. Observez un enfant quand il attend «  l’ histoire ». Dès que la formule consacrée tombe des lèvres de la grande
2486 un enfant quand il attend « l’histoire ». Dès que la formule consacrée tombe des lèvres de la grande personne, l’enfant ch
2487 Dès que la formule consacrée tombe des lèvres de la grande personne, l’enfant change de visage, l’état second paraît. C’e
2488 consacrée tombe des lèvres de la grande personne, l’ enfant change de visage, l’état second paraît. C’est l’état passionné
2489 de la grande personne, l’enfant change de visage, l’ état second paraît. C’est l’état passionné d’attente où naît l’illusio
2490 ant change de visage, l’état second paraît. C’est l’ état passionné d’attente où naît l’illusion romanesque. Il a suffi des
2491 paraît. C’est l’état passionné d’attente où naît l’ illusion romanesque. Il a suffi des mots rituels pour suspendre le sen
2492 esque. Il a suffi des mots rituels pour suspendre le sens critique, et voici le plaisir extrême : Peau d’âne va lui être c
2493 rituels pour suspendre le sens critique, et voici le plaisir extrême : Peau d’âne va lui être conté. Mais si vous alliez d
2494 alliez dire au même enfant, avant de lui raconter la même histoire, que cela s’est passé tout à l’heure, dans la rue, il f
2495 ter la même histoire, que cela s’est passé tout à l’ heure, dans la rue, il ferait aussitôt mille objections. Il vous juger
2496 stoire, que cela s’est passé tout à l’heure, dans la rue, il ferait aussitôt mille objections. Il vous jugerait avec toute
2497 erait aussitôt mille objections. Il vous jugerait avec toute la sévérité que les enfants réservent aux adultes futiles. Au s
2498 tôt mille objections. Il vous jugerait avec toute la sévérité que les enfants réservent aux adultes futiles. Au siècle pas
2499 ions. Il vous jugerait avec toute la sévérité que les enfants réservent aux adultes futiles. Au siècle passé, les conteurs
2500 s réservent aux adultes futiles. Au siècle passé, les conteurs populaires et certains des meilleurs écrivains avaient encor
2501 oyageur vêtu d’un macfarlane gris chevauchait sur la route qui va de N… à X… » (Fenimore Cooper, j’imagine). Ou bien c’éta
2502 ne lente description des lieux, introduisant dans l’ atmosphère du récit. (Le début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d
2503 lieux, introduisant dans l’atmosphère du récit. ( Le début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d’avertissement retenaien
2504 oduisant dans l’atmosphère du récit. (Le début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d’avertissement retenaient encore une
2505 s l’atmosphère du récit. (Le début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d’avertissement retenaient encore une règle éléme
2506 retenaient encore une règle élémentaire : marquer le début du jeu par un signal convenu, isoler de la vie courante la part
2507 le début du jeu par un signal convenu, isoler de la vie courante la partie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionne d
2508 par un signal convenu, isoler de la vie courante la partie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionne d’imiter la vie,
2509 , isoler de la vie courante la partie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionne d’imiter la vie, qui ne commence et ne
2510 e. Mais le romancier réaliste ambitionne d’imiter la vie, qui ne commence et ne finit jamais. Force lui est donc d’entrer
2511 de nacre, alluma une cigarette blonde et consulta l’ indicateur. » Il s’agit de me faire croire que c’est vrai. Il faut don
2512 i aussi, ou quelque chose qui ressemble à cela. «  La vraie vie », je la connais autant que cet auteur. Je me méfie, et bie
2513 chose qui ressemble à cela. « La vraie vie », je la connais autant que cet auteur. Je me méfie, et bientôt discute. Et pl
2514 auteur. Je me méfie, et bientôt discute. Et plus l’ auteur paraît désireux de me convaincre — au lieu de s’abandonner à so
2515 d’images — plus j’exige un récit vraisemblable. À la limite, il serait impossible qu’un lecteur tombe jamais d’accord avec
2516 it impossible qu’un lecteur tombe jamais d’accord avec l’auteur. Car il n’est pas deux expériences humaines superposables. E
2517 possible qu’un lecteur tombe jamais d’accord avec l’ auteur. Car il n’est pas deux expériences humaines superposables. Et j
2518 oncerais à la mienne pour faire crédit à celle de l’ écrivain que si, d’abord, il renonçait à démontrer, et m’entraînait pa
2519 ’un sens, valable et vérifiable en soi. 2°) — Par la suppression des cérémonies d’introduction et de sortie3, le romancier
2520 sion des cérémonies d’introduction et de sortie3, le romancier moderne veut créer l’illusion du réel quotidien. Pourtant i
2521 on et de sortie3, le romancier moderne veut créer l’ illusion du réel quotidien. Pourtant il ne dispose que de mots, quoi q
2522 ots, quoi qu’il fasse. Ce dernier artifice paraît le gêner d’autant qu’il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome de l
2523 artifice paraît le gêner d’autant qu’il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome de la critique moderne : un roman ne d
2524 il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome de la critique moderne : un roman ne doit pas être « écrit ». Tous ces effo
2525 t pas être « écrit ». Tous ces efforts trahissent le curieux embarras de ne pouvoir faire entrer dans un livre des personn
2526 er dans un livre des personnages grandeur nature. La volonté d’éliminer toutes les conventions narratives, pour peu d’exig
2527 ges grandeur nature. La volonté d’éliminer toutes les conventions narratives, pour peu d’exigence qu’on y mette, aboutit à
2528 ignifiant. Quelque chose qui n’en finit plus, car la vie ne met jamais de point final. Il y a jeu quand les conséquences s
2529 ie ne met jamais de point final. Il y a jeu quand les conséquences s’épuisent avec le dernier coup ; mais le sérieux de la
2530 nal. Il y a jeu quand les conséquences s’épuisent avec le dernier coup ; mais le sérieux de la vie est, par définition, le d
2531 nséquences s’épuisent avec le dernier coup ; mais le sérieux de la vie est, par définition, le domaine des conséquences in
2532 puisent avec le dernier coup ; mais le sérieux de la vie est, par définition, le domaine des conséquences indéfinies. L’hé
2533  ; mais le sérieux de la vie est, par définition, le domaine des conséquences indéfinies. L’hésitation du romancier modern
2534 finition, le domaine des conséquences indéfinies. L’ hésitation du romancier moderne à terminer son livre par une décision
2535 moderne à terminer son livre par une décision de l’ esprit ou par un artifice de rhétorique, telle est la source impure du
2536 sprit ou par un artifice de rhétorique, telle est la source impure du roman-fleuve. La longueur des ouvrages de ce genre e
2537 ique, telle est la source impure du roman-fleuve. La longueur des ouvrages de ce genre est l’expression de l’embarras d’un
2538 -fleuve. La longueur des ouvrages de ce genre est l’ expression de l’embarras d’un écrivain qui s’est privé des secours de
2539 ueur des ouvrages de ce genre est l’expression de l’ embarras d’un écrivain qui s’est privé des secours de l’art. D’ailleur
2540 rras d’un écrivain qui s’est privé des secours de l’ art. D’ailleurs cet allongement, trop souvent excessif pour l’intérêt
2541 leurs cet allongement, trop souvent excessif pour l’ intérêt romanesque, sera toujours insuffisant pour égaler la durée rée
2542 romanesque, sera toujours insuffisant pour égaler la durée réelle d’une vie. Quelque chose de méthodiquement insignifiant.
2543 , c’est elle qu’on veut reproduire en multipliant les observations exactes et les personnages quelconques. Et c’est au nom
2544 oduire en multipliant les observations exactes et les personnages quelconques. Et c’est au nom de cette fidélité à la vie q
2545 quelconques. Et c’est au nom de cette fidélité à la vie que M. Jules Romains va s’interdire, dit-il — « les enchaînements
2546 e que M. Jules Romains va s’interdire, dit-il — «  les enchaînements arbitraires et le picaresque », les rencontres qu’on ne
2547 dire, dit-il — « les enchaînements arbitraires et le picaresque », les rencontres qu’on ne voit pas dans la réalité, bref,
2548 les enchaînements arbitraires et le picaresque », les rencontres qu’on ne voit pas dans la réalité, bref, tous recours au «
2549 caresque », les rencontres qu’on ne voit pas dans la réalité, bref, tous recours au « hasard qui fait trop bien les choses
2550 bref, tous recours au « hasard qui fait trop bien les choses ». J’extrais ces propositions de la préface aux Hommes de bonn
2551 bien les choses ». J’extrais ces propositions de la préface aux Hommes de bonne volonté, bon témoignage sur l’opinion moy
2552 e aux Hommes de bonne volonté, bon témoignage sur l’ opinion moyenne du grand public contemporain, le morceau n’étant visib
2553 r l’opinion moyenne du grand public contemporain, le morceau n’étant visiblement qu’une captatio benevolentiae où l’auteur
2554 tant visiblement qu’une captatio benevolentiae où l’ auteur se montre attentif à ne promettre rien qu’il ne sache attendu.
2555 tif à ne promettre rien qu’il ne sache attendu. «  Le roman, écrit encore M. Romains, ne connaît pas de vraies servitudes.
2556 vraies servitudes. Ce qui diminue peut-être pour le roman comme genre les occasions d’acquérir un mérite esthétique supér
2557 e qui diminue peut-être pour le roman comme genre les occasions d’acquérir un mérite esthétique supérieur… mais ce qui en t
2558 mais ce qui en tout cas lui interdit de cultiver les conventions. » Ceci corrigerait donc cela ? M. Romains connaît bien s
2559 ? M. Romains connaît bien son public. Il sait que l’ absence de conventions sera tenue pour avantage, et compensera, aux ye
2560 ge, et compensera, aux yeux de ses contemporains, l’ absence de mérite esthétique. (Alors que la première absence est en ré
2561 ue. (Alors que la première absence est en réalité la cause immédiate de la seconde.) Parlant encore de son propre roman, M
2562 encore de son propre roman, M. Romains ajoute : «  Le lecteur se demandera : où cela va-t-il ? Des personnages se perdent… 
2563 pour se justifier, n’en va-t-il pas de même dans la vie ? Les romans traditionnels « préoccupés qu’ils sont, au nom des v
2564 justifier, n’en va-t-il pas de même dans la vie ? Les romans traditionnels « préoccupés qu’ils sont, au nom des vieilles rè
2565 nom des vieilles règles, de commencer et de finir le jeu avec les mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre, ce déco
2566 vieilles règles, de commencer et de finir le jeu avec les mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre, ce décousu, ces
2567 lles règles, de commencer et de finir le jeu avec les mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre, ce décousu, ces inco
2568 s inconséquences du sort… Bien sûr. Mais pourquoi les romans devraient-ils exprimer tout cela ? Et d’ailleurs, comment le p
2569 t-ils exprimer tout cela ? Et d’ailleurs, comment le pourraient-ils ? Si longs qu’ils soient, ils seront toujours trop cou
2570 toujours trop courts pour imiter sans conventions le décousu de la vie réelle. Avouer l’ambition d’écrire un livre en se c
2571 courts pour imiter sans conventions le décousu de la vie réelle. Avouer l’ambition d’écrire un livre en se conformant aux
2572 s conventions le décousu de la vie réelle. Avouer l’ ambition d’écrire un livre en se conformant aux « lois de la vie », c’
2573 d’écrire un livre en se conformant aux « lois de la vie », c’est doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’art.
2574 ux « lois de la vie », c’est doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’art. Cette tricherie généralisée doit amene
2575 lois de la vie », c’est doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’art. Cette tricherie généralisée doit amener,
2576 ’est doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’art. Cette tricherie généralisée doit amener, nécessairement, la di
2577 doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’ art. Cette tricherie généralisée doit amener, nécessairement, la disso
2578 richerie généralisée doit amener, nécessairement, la dissolution du roman dans le documentaire plus ou moins commenté. Où
2579 ner, nécessairement, la dissolution du roman dans le documentaire plus ou moins commenté. Où l’art, d’ailleurs, reparaîtra
2580 n dans le documentaire plus ou moins commenté. Où l’ art, d’ailleurs, reparaîtra bientôt avec les conventions, plutôt frust
2581 ommenté. Où l’art, d’ailleurs, reparaîtra bientôt avec les conventions, plutôt frustes mais fixes, du découpage, du montage,
2582 té. Où l’art, d’ailleurs, reparaîtra bientôt avec les conventions, plutôt frustes mais fixes, du découpage, du montage, et
2583 ustes mais fixes, du découpage, du montage, et de la présentation dramatisée. Ces conditions, dans une vue commerciale, so
2584 commerciale, sont très jalousement maintenues par les « producers », éditeurs et directeurs de magazines à grand tirage. L
2585 teurs et directeurs de magazines à grand tirage. Le genre proprement romanesque s’éteindra dans le même temps que l’ère b
2586 . Le genre proprement romanesque s’éteindra dans le même temps que l’ère bourgeoise et pour avoir commis la même erreur :
2587 ment romanesque s’éteindra dans le même temps que l’ ère bourgeoise et pour avoir commis la même erreur : qui était de croi
2588 e temps que l’ère bourgeoise et pour avoir commis la même erreur : qui était de croire les conventions « conventionnelles 
2589 avoir commis la même erreur : qui était de croire les conventions « conventionnelles » au sens dépréciatif de l’épithète. C
2590 tions « conventionnelles » au sens dépréciatif de l’ épithète. Ces légèretés ne pardonnent pas. Une contre-épreuve de notre
2591 épreuve de notre diagnostic nous sera fournie par le succès du roman policier. Je ne pense pas qu’on puisse expliquer ce s
2592 ra fournie par le succès du roman policier. Je ne pense pas qu’on puisse expliquer ce succès par un intérêt pour le crime, qu
2593 on puisse expliquer ce succès par un intérêt pour le crime, qui serait particulier à notre époque. Le roman policier est p
2594 le crime, qui serait particulier à notre époque. Le roman policier est populaire parce qu’il demeure le seul genre défini
2595 roman policier est populaire parce qu’il demeure le seul genre défini, obéissant aux lois d’une rhétorique précise. C’est
2596 nte. Ses personnages sont constants comme ceux de la Commedia dell’arte, ou ceux des cartes et des échecs : le détective é
2597 dia dell’arte, ou ceux des cartes et des échecs : le détective élégant, volontiers philosophe, l’agent de police bonne bru
2598 cs : le détective élégant, volontiers philosophe, l’ agent de police bonne brute ou puits de sagesse populaire ; la femme à
2599 olice bonne brute ou puits de sagesse populaire ; la femme à bijoux, comtesse de palaces ; le valet de chambre silencieux
2600 ulaire ; la femme à bijoux, comtesse de palaces ; le valet de chambre silencieux et astucieux, etc. La situation, donnée d
2601 le valet de chambre silencieux et astucieux, etc. La situation, donnée d’entrée de jeu, se résout complètement à la fin du
2602 donnée d’entrée de jeu, se résout complètement à la fin du livre, et ne comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu de
2603 vre, et ne comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu de l’action est circonscrit : c’est généralement une maison dont
2604 comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu de l’ action est circonscrit : c’est généralement une maison dont il semble
2605 e n’ait pu y entrer ni en sortir, et qui contient le problème sous forme de cadavre. Parfois, ce n’est qu’une chambre4. To
2606 u’une chambre4. Toutes ces conditions satisfont à l’ excellente définition du jeu proposée par J. Huizinga5 : une action do
2607 u jeu proposée par J. Huizinga5 : une action dont le début et la fin sont nettement marqués, qui a lieu dans un espace net
2608 ée par J. Huizinga5 : une action dont le début et la fin sont nettement marqués, qui a lieu dans un espace nettement délim
2609 atiales et temporelles, à des règles indiscutées. Le roman policier passionne dans la mesure même où il tient compte des r
2610 les indiscutées. Le roman policier passionne dans la mesure même où il tient compte des règles, soit pour les appliquer av
2611 ure même où il tient compte des règles, soit pour les appliquer avec une perfection classique, soit pour y introduire quelq
2612 tient compte des règles, soit pour les appliquer avec une perfection classique, soit pour y introduire quelque ingénieuse v
2613 t pour y introduire quelque ingénieuse variation. La fixité même des règles fondamentales permet de mesurer l’invention de
2614 é même des règles fondamentales permet de mesurer l’ invention de chaque auteur, et les progrès du genre. Une grande partie
2615 ermet de mesurer l’invention de chaque auteur, et les progrès du genre. Une grande partie de l’intérêt que l’amateur apport
2616 ur, et les progrès du genre. Une grande partie de l’ intérêt que l’amateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient au r
2617 grès du genre. Une grande partie de l’intérêt que l’ amateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient au raffinement ou
2618 rande partie de l’intérêt que l’amateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient au raffinement ou à la complication cr
2619 ecture de ces ouvrages, tient au raffinement ou à la complication croissante des règles. (Le lecteur de romans policiers d
2620 ment ou à la complication croissante des règles. ( Le lecteur de romans policiers devient très vite un spécialiste.) Et cet
2621 du roman policier se sont fondés un peu partout. La vogue actuelle du roman historique pourrait être invoquée, elle aussi
2622 ique pourrait être invoquée, elle aussi, bien que l’ exemple soit moins pur et moins frappant. Le roman historique garde le
2623 n que l’exemple soit moins pur et moins frappant. Le roman historique garde le bénéfice du cadre : son action circonscrite
2624 pur et moins frappant. Le roman historique garde le bénéfice du cadre : son action circonscrite par définition, est isolé
2625 par définition, est isolée du réel quotidien par l’ éloignement dans le temps. Mais l’impureté du genre, c’est qu’il peut
2626 t isolée du réel quotidien par l’éloignement dans le temps. Mais l’impureté du genre, c’est qu’il peut se passer de la cré
2627 l quotidien par l’éloignement dans le temps. Mais l’ impureté du genre, c’est qu’il peut se passer de la crédibilité intrin
2628 ’impureté du genre, c’est qu’il peut se passer de la crédibilité intrinsèque du conte, par le recours à l’autorité tout ex
2629 asser de la crédibilité intrinsèque du conte, par le recours à l’autorité tout extérieure du fait accompli. Cette possibil
2630 rédibilité intrinsèque du conte, par le recours à l’ autorité tout extérieure du fait accompli. Cette possibilité de triche
2631 cherie est voisine de celle qui consiste à forcer la vraisemblance par une accumulation de faits observables. Le roman mo
2632 lance par une accumulation de faits observables. Le roman mourra donc, comme sont mortes la tragédie classique et les chr
2633 rvables. Le roman mourra donc, comme sont mortes la tragédie classique et les chroniques en vers. Il mourra pour avoir ép
2634 donc, comme sont mortes la tragédie classique et les chroniques en vers. Il mourra pour avoir épuisé ses possibilités form
2635 s possibilités formelles, et pour avoir poursuivi la chimère d’une liberté sans condition. Quelques phénomènes extérieurs
2636 dès sa naissance, aux conceptions bourgeoises de la vie, soit qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisât q
2637 aux conceptions bourgeoises de la vie, soit qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisât que leurs tabous comm
2638 il n’utilisât que leurs tabous comme ressorts de l’ action, ou qu’enfin il se fît un prestige de les contredire et miner.
2639 de l’action, ou qu’enfin il se fît un prestige de les contredire et miner. Tout cela ne durera plus que le temps de liquide
2640 contredire et miner. Tout cela ne durera plus que le temps de liquider un héritage saccagé par la guerre actuelle et par l
2641 que le temps de liquider un héritage saccagé par la guerre actuelle et par l’avènement des masses. La révolution que nous
2642 un héritage saccagé par la guerre actuelle et par l’ avènement des masses. La révolution que nous vivons déclassera la plup
2643 la guerre actuelle et par l’avènement des masses. La révolution que nous vivons déclassera la plupart des objets dont le r
2644 nous vivons déclassera la plupart des objets dont le roman faisait toute son « étude ». Mais le besoin de lire des fables
2645 s dont le roman faisait toute son « étude ». Mais le besoin de lire des fables ne s’éteindra pas pour si peu ; et moins en
2646 ne s’éteindra pas pour si peu ; et moins encore, le besoin d’en conter. L’imaginaire, délivré du souci d’une vraisemblanc
2647 si peu ; et moins encore, le besoin d’en conter. L’ imaginaire, délivré du souci d’une vraisemblance insignifiante ou stat
2648 emblance insignifiante ou statistique, retrouvera l’ usage proprement « fabuleux », le pouvoir créateur des formes fixes et
2649 ique, retrouvera l’usage proprement « fabuleux », le pouvoir créateur des formes fixes et la dialectique des symboles. Le
2650 buleux », le pouvoir créateur des formes fixes et la dialectique des symboles. Le conteur, renonçant à imiter la vie, la r
2651 des formes fixes et la dialectique des symboles. Le conteur, renonçant à imiter la vie, la récréera ; et renonçant à prou
2652 ique des symboles. Le conteur, renonçant à imiter la vie, la récréera ; et renonçant à prouver qu’il dit vrai, aussitôt se
2653 symboles. Le conteur, renonçant à imiter la vie, la récréera ; et renonçant à prouver qu’il dit vrai, aussitôt se verra r
2654 ouver qu’il dit vrai, aussitôt se verra restituer les prestiges de la persuasion. Notre monde retentit d’événements incroya
2655 rai, aussitôt se verra restituer les prestiges de la persuasion. Notre monde retentit d’événements incroyables et pourtant
2656 ments incroyables et pourtant mortellement réels. Les faits les plus flagrants du siècle défient nos imaginations. Seul un
2657 oyables et pourtant mortellement réels. Les faits les plus flagrants du siècle défient nos imaginations. Seul un art délira
2658 Seul un art délirant de fantaisie a su préfigurer le rythme de nos catastrophes. Les dessins animés de Walt Disney jouaien
2659 ie a su préfigurer le rythme de nos catastrophes. Les dessins animés de Walt Disney jouaient dans le registre du fou rire p
2660 . Les dessins animés de Walt Disney jouaient dans le registre du fou rire populaire avec l’instinct sadique et le goût des
2661 y jouaient dans le registre du fou rire populaire avec l’instinct sadique et le goût des orgies de destruction que devait tr
2662 aient dans le registre du fou rire populaire avec l’ instinct sadique et le goût des orgies de destruction que devait tradu
2663 du fou rire populaire avec l’instinct sadique et le goût des orgies de destruction que devait traduire, quelques années p
2664 n que devait traduire, quelques années plus tard, la guerre totale. Ne fût-ce que pour rester au niveau de nos épreuves et
2665 niveau de nos épreuves et de nos désastres réels, l’ art de demain va revenir au jeu des amplifications, raccourcis et mira
2666 cations, raccourcis et miracles qui constituaient la rhétorique des contes. Il ne rejoindra le sens vrai de nos vies qu’en
2667 tuaient la rhétorique des contes. Il ne rejoindra le sens vrai de nos vies qu’en se livrant à la logique profonde des symb
2668 indra le sens vrai de nos vies qu’en se livrant à la logique profonde des symboles et des mythes de l’âme. Tout porte à te
2669 la logique profonde des symboles et des mythes de l’ âme. Tout porte à tenir pour probable que les grandes œuvres narrative
2670 es de l’âme. Tout porte à tenir pour probable que les grandes œuvres narratives qui vont naître au lendemain de cette guerr
2671 Crusoe, ou Gulliver, monstrueux dessins animés où l’ homme n’a pas cessé de reconnaître son image la plus convaincante. 1
2672 où l’homme n’a pas cessé de reconnaître son image la plus convaincante. 1. La dialectique de la Terreur et de la Rhétori
2673 reconnaître son image la plus convaincante. 1. La dialectique de la Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand
2674 mage la plus convaincante. 1. La dialectique de la Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean Pau
2675 aincante. 1. La dialectique de la Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean Paulhan, publié en F
2676 alectique de la Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean Paulhan, publié en France sous l’occupat
2677 rand livre de Jean Paulhan, publié en France sous l’ occupation : Les Fleurs de Tarbes. 2. Ce cauchemar est fort bien décr
2678 ean Paulhan, publié en France sous l’occupation : Les Fleurs de Tarbes. 2. Ce cauchemar est fort bien décrit par Lewis Car
2679 hemar est fort bien décrit par Lewis Carroll dans la scène de la partie de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, l
2680 rt bien décrit par Lewis Carroll dans la scène de la partie de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, les maillets
2681 de la partie de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, les maillets et les boules sont vivants et ne cessent de se
2682 de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, les maillets et les boules sont vivants et ne cessent de se déplacer. 3.
2683 ice in Wonderland où les arceaux, les maillets et les boules sont vivants et ne cessent de se déplacer. 3. Coup de sifflet
2684 ent de se déplacer. 3. Coup de sifflet donné par l’ arbitre, appel d’un des joueurs à son partenaire, disposition des pion
2685 ; trois coups frappés d’avance, lever de rideau ; l’ ouverture d’un opéra ; le cadre du tableau, etc. Des procédés identiqu
2686 vance, lever de rideau ; l’ouverture d’un opéra ; le cadre du tableau, etc. Des procédés identiques annoncent la terminais
2687 u tableau, etc. Des procédés identiques annoncent la terminaison du jeu, la rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites
2688 cédés identiques annoncent la terminaison du jeu, la rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites d’entrée et de sortie
2689 annoncent la terminaison du jeu, la rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites d’entrée et de sortie relatifs à un es
2690 n du jeu, la rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites d’entrée et de sortie relatifs à un espace ou à un temps sacré.
2691 ace ou à un temps sacré. 4. Voir Roger Caillois, Le Roman policier, Buenos Aires, 1941. 5. Voir J. Huizinga, Homo Ludens
2692 dens, Amsterdam, 1939. i. Rougemont Denis de, «  Les règles du jeu dans l’art romanesque », Renaissance, New York, 1944–19
2693 i. Rougemont Denis de, « Les règles du jeu dans l’ art romanesque », Renaissance, New York, 1944–1945, p. 275-283.
14 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
2694 Contribution à l’ étude du coup de foudre (1946)o Un regard dans un regard et les voi
2695 de foudre (1946)o Un regard dans un regard et les voilà fixés, cloués sur place, comme le coq est cloué sur la ligne de
2696 egard et les voilà fixés, cloués sur place, comme le coq est cloué sur la ligne de craie tirée devant son bec. Ce serait t
2697 xés, cloués sur place, comme le coq est cloué sur la ligne de craie tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce n’étai
2698 en ne sert de n’y pas croire. C’est un fait, nous l’ avons subi, et nous avons tous dit : je n’y puis rien. Avec autant de
2699 subi, et nous avons tous dit : je n’y puis rien. Avec autant de sincérité, nous semblait-il, qu’un croyant décrivant sa con
2700 et de prédestination. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son caractère de destinée
2701 nation. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’ est point de mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cette e
2702 de destinée fatale. Cette espèce de passivité que l’ on allègue, ne serait-elle point un alibi ? Je ne parle que du vrai co
2703 celui qui est suivi d’incendie. Car pour ceux que l’ on attend, que l’on appelle, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’
2704 vi d’incendie. Car pour ceux que l’on attend, que l’ on appelle, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’aura d’un cœur or
2705 n appelle, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’ aura d’un cœur orageux. Aux portières d’un train que l’on croise, entr
2706 a d’un cœur orageux. Aux portières d’un train que l’ on croise, entre cieux stations de métro, dans la foule où se cherchen
2707 l’on croise, entre cieux stations de métro, dans la foule où se cherchent des yeux — ils se détournent aussitôt que frapp
2708 Mais non, si c’était vrai, j’aurais su t’arrêter. Le monde entier en eût été changé à l’instant même, sans que nul ne s’en
2709 . Je disais à ce romancier (l’un des meilleurs de l’ Allemagne d’alors) : — Le mythe du coup de foudre est sans doute une a
2710 r (l’un des meilleurs de l’Allemagne d’alors) : — Le mythe du coup de foudre est sans doute une astucieuse invention de Do
2711 tant parlé, et vous autres après lui, que toutes les femmes qui vont le rencontrer y pensent, épiant les plus légers mouve
2712 autres après lui, que toutes les femmes qui vont le rencontrer y pensent, épiant les plus légers mouvements que cette app
2713 i, que toutes les femmes qui vont le rencontrer y pensent , épiant les plus légers mouvements que cette apparition fait naître e
2714 s femmes qui vont le rencontrer y pensent, épiant les plus légers mouvements que cette apparition fait naître en elles. Trè
2715 parition fait naître en elles. Très facile que de les persuader, une fois si bien intéressées ! Car rien ne flatte comme l’
2716 is si bien intéressées ! Car rien ne flatte comme l’ idée que l’on va vivre à son tour une scène de roman. Oui, l’idée seul
2717 intéressées ! Car rien ne flatte comme l’idée que l’ on va vivre à son tour une scène de roman. Oui, l’idée seule a fait to
2718 l’on va vivre à son tour une scène de roman. Oui, l’ idée seule a fait tous ces ravages, et non pas quelque dieu, ni le Des
2719 ait tous ces ravages, et non pas quelque dieu, ni le Destin. Il n’y aurait jamais de coup de fondre sans ce désir que vous
2720 e acquise. Il faut encore une rencontre ménagée à la ressemblance du rêve : toute une cérémonie, avec ses rôles prescrits,
2721 à la ressemblance du rêve : toute une cérémonie, avec ses rôles prescrits, son ouverture déclarée par un héraut, sa lenteur
2722 e par un héraut, sa lenteur imposante interdisant la fuite. Admirez l’appareil inexorable qui circonvient les rencontres f
2723 a lenteur imposante interdisant la fuite. Admirez l’ appareil inexorable qui circonvient les rencontres fameuses : Tristan
2724 te. Admirez l’appareil inexorable qui circonvient les rencontres fameuses : Tristan devant la cour d’Irlande est reçu par l
2725 convient les rencontres fameuses : Tristan devant la cour d’Irlande est reçu par la fille du roi selon l’usage et l’étique
2726 s : Tristan devant la cour d’Irlande est reçu par la fille du roi selon l’usage et l’étiquette. Siegfried et Brunehilde qu
2727 cour d’Irlande est reçu par la fille du roi selon l’ usage et l’étiquette. Siegfried et Brunehilde qui s’avancent l’un vers
2728 nde est reçu par la fille du roi selon l’usage et l’ étiquette. Siegfried et Brunehilde qui s’avancent l’un vers l’autre, d
2729 Brunehilde qui s’avancent l’un vers l’autre, dans la scène du hanap, ce sont des officiants… Tout se passe comme si les de
2730 p, ce sont des officiants… Tout se passe comme si les deux amants se trouvaient désignés non par un sort aveugle, mais au c
2731 és non par un sort aveugle, mais au contraire par la profonde convenance des rôles qu’ils tiennent dans la société, sous l
2732 rofonde convenance des rôles qu’ils tiennent dans la société, sous l’égide des plus intangibles hiérarchies. Et Don Juan t
2733 e des rôles qu’ils tiennent dans la société, sous l’ égide des plus intangibles hiérarchies. Et Don Juan triche, une fois d
2734 mme au coin d’un bois… Il me vient une image dont la netteté pourra faire excuser le prosaïsme : le coup de foudre, en dép
2735 nt une image dont la netteté pourra faire excuser le prosaïsme : le coup de foudre, en dépit de son nom, ne souffre pas l’
2736 nt la netteté pourra faire excuser le prosaïsme : le coup de foudre, en dépit de son nom, ne souffre pas l’instantané, il
2737 up de foudre, en dépit de son nom, ne souffre pas l’ instantané, il veut la pose… Tandis que je parlais ainsi, une espèce d
2738 de son nom, ne souffre pas l’instantané, il veut la pose… Tandis que je parlais ainsi, une espèce de gêne me vint, le sen
2739 que je parlais ainsi, une espèce de gêne me vint, le sentiment de mal tomber. Il me sembla que mes propos touchaient mon i
2740 on m’offrit de donner des conférences à Budapest. Le président de l’organisation qui m’invitait était un grand banquier, a
2741 onner des conférences à Budapest. Le président de l’ organisation qui m’invitait était un grand banquier, ami des lettres.
2742 mi des lettres. Il vint m’attendre au débarqué de l’ avion et me conduisit à sa demeure. C’était l’heure du déjeuner. Nous
2743 de l’avion et me conduisit à sa demeure. C’était l’ heure du déjeuner. Nous causions depuis quelques instants dans sa bibl
2744 nous saluant d’une mélodieuse formule hongroise. La présentation faite, cette dame nous offrit la rituelle liqueur de pêc
2745 se. La présentation faite, cette dame nous offrit la rituelle liqueur de pêche dont on vide trois verres d’un seul trait,
2746 rois verres d’un seul trait, en se regardant dans les yeux. Je me sentis pâlir violemment. Nous passons à table. Mon hôte b
2747 utie n’importe quoi sur cette traversée en avion… Le banquier comprend très bien cela. Il parle beaucoup pour me réconfort
2748 a. Il parle beaucoup pour me réconforter, raconte avec vivacité comment il a organisé mes conférences, et quel public j’aura
2749 r un dîner : bref, vous vous rappelez ce qu’était la Hongrie, cette hospitalité incomparable, cette liberté lyrique dans l
2750 pitalité incomparable, cette liberté lyrique dans les relations… Mais rien n’y fait. Je ne puis avaler une seule bouchée. E
2751 ne puis avaler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’ effet de l’avion ? J’allais m’en persuader quand je m’aperçois, et cet
2752 ler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’effet de l’ avion ? J’allais m’en persuader quand je m’aperçois, et cette fois-ci
2753 ’aperçois, et cette fois-ci non sans terreur, que la femme du banquier, elle aussi, n’a presque pas touché aux mets servis
2754 le aussi, n’a presque pas touché aux mets servis. Le déjeuner se termine toutefois sans que mon hôte ait paru remarquer qu
2755 aise est contagieux. Il bavarde encore en prenant le café, puis s’excuse d’avoir à regagner sa banque : d’ailleurs sa femm
2756 femme me promènera dans Buda, et me fera visiter le Musée, — à ce soir ! Il s’en va, très satisfait de lui, et de moi aus
2757 s. Nous voici seuls. Silence. Silence encore dans la voiture qu’elle conduit avec une expression concentrée, presque rageu
2758 e. Silence encore dans la voiture qu’elle conduit avec une expression concentrée, presque rageuse. Nous traversons les grand
2759 sion concentrée, presque rageuse. Nous traversons les grandes artères de Pest, le pont des Chaînes sur les eaux jaunes du D
2760 use. Nous traversons les grandes artères de Pest, le pont des Chaînes sur les eaux jaunes du Danube, puis ces ruelles de B
2761 grandes artères de Pest, le pont des Chaînes sur les eaux jaunes du Danube, puis ces ruelles de Buda qui montent sur les f
2762 Danube, puis ces ruelles de Buda qui montent sur les flancs d’un énorme rocher en pleine ville, que domine la statue de sa
2763 cs d’un énorme rocher en pleine ville, que domine la statue de saint Geller, les bras en croix. Elle arrête la voiture prè
2764 eine ville, que domine la statue de saint Geller, les bras en croix. Elle arrête la voiture près d’une barrière de parc pub
2765 e de saint Geller, les bras en croix. Elle arrête la voiture près d’une barrière de parc public, descend, s’éloigne dans l
2766 barrière de parc public, descend, s’éloigne dans la neige bien gelée où ses pas, lentement s’enfoncent et se marquent. Je
2767 ses pas, lentement s’enfoncent et se marquent. Je la rejoins. Alors d’un geste elle désigne la ville à nos pieds : « — Mon
2768 ent. Je la rejoins. Alors d’un geste elle désigne la ville à nos pieds : « — Mon mari m’a demandé de vous montrer Budapest
2769 ire. Nous remontons en voiture et descendons vers la ville. Soudain, je me suis décidé et j’articule : « — Vous n’avez rie
2770 ttablés devant des sandwiches au caviar rouge. Et le tour recommence. Même jeu qu’au déjeuner. Ni l’un ni l’autre ne pouvo
2771 en. Tout d’un coup je me suis mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrête devant elle, les bras en arrière, comme
2772 un coup je me suis mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrête devant elle, les bras en arrière, comme cela — je
2773 ais le tour de la table, je m’arrête devant elle, les bras en arrière, comme cela — je me suis retenu de lui toucher l’épau
2774 re, comme cela — je me suis retenu de lui toucher l’ épaule — et je m’entends prononcer : — Puisqu’il faut que cela soit, e
2775 ce fut ainsi, durant tout mon séjour à Budapest. L’ après-midi, je vous le répète, nous ne parlions jamais. Le soir, j’ava
2776 tout mon séjour à Budapest. L’après-midi, je vous le répète, nous ne parlions jamais. Le soir, j’avais mes conférences ou
2777 midi, je vous le répète, nous ne parlions jamais. Le soir, j’avais mes conférences ou un dîner. Et je passais le reste de
2778 ’avais mes conférences ou un dîner. Et je passais le reste de la nuit dans un bar, en compagnie d’un peintre réfugié, nomm
2779 onférences ou un dîner. Et je passais le reste de la nuit dans un bar, en compagnie d’un peintre réfugié, nommé Maria. Je
2780 n compagnie d’un peintre réfugié, nommé Maria. Je l’ avais connu quelques années auparavant dans un groupe politique, à Ber
2781 groupe politique, à Berlin, que je fréquentais à l’ insu de ma femme. J’étais dans un état d’exaltation extrême, à peu prè
2782 incapable de dormir, sauf quelques heures pendant la matinée. Nous parlions avec mon ami d’art, de religion, de politique,
2783 quelques heures pendant la matinée. Nous parlions avec mon ami d’art, de religion, de politique, des perspectives du nouveau
2784 , et pas du tout de mes après-midi. Bien entendu. La veille de mon départ, comme nous sortions du bar, Maria et moi, une é
2785 , Maria et moi, une édition du matin nous apprend l’ incendie du Reichstag. Je décide de rentrer le jour même à Berlin, et
2786 end l’incendie du Reichstag. Je décide de rentrer le jour même à Berlin, et prends congé de mon ami qui se montrait fort i
2787 ue, au parti communiste dissident. Je m’informe : l’ avion part à 10 heures du matin. Mais il faut que je la revoie une der
2788 on part à 10 heures du matin. Mais il faut que je la revoie une dernière fois. Je prendrai donc l’express du soir. J’arriv
2789 je la revoie une dernière fois. Je prendrai donc l’ express du soir. J’arrive à Berlin le lendemain. Sur le seuil de notre
2790 rendrai donc l’express du soir. J’arrive à Berlin le lendemain. Sur le seuil de notre villa de Zehlendorf, ma femme m’atte
2791 ress du soir. J’arrive à Berlin le lendemain. Sur le seuil de notre villa de Zehlendorf, ma femme m’attend, grave et presq
2792 mme m’attend, grave et presque sévère. Moi, je ne pensais qu’à la situation politique. Nous nous mettons à table, je l’interrog
2793 grave et presque sévère. Moi, je ne pensais qu’à la situation politique. Nous nous mettons à table, je l’interroge avec n
2794 ituation politique. Nous nous mettons à table, je l’ interroge avec nervosité sur les événements de l’avant-veille. Elle ré
2795 itique. Nous nous mettons à table, je l’interroge avec nervosité sur les événements de l’avant-veille. Elle répond à peine.
2796 ettons à table, je l’interroge avec nervosité sur les événements de l’avant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? — Av
2797 l’interroge avec nervosité sur les événements de l’ avant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? — Avec qui m’as-tu tr
2798 vant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? — Avec qui m’as-tu trompée ? dit-elle enfin. Je la regarde longuement, bien
2799 ? — Avec qui m’as-tu trompée ? dit-elle enfin. Je la regarde longuement, bien en face. Aucun doute n’est possible. Elle sa
2800 . Monsieur, je puis garder un secret d’État, vous le savez, mais je ne suis pas de ceux qui peuvent supporter un mensonge
2801 m’a tendu une lettre par avion, arrivée pour moi le matin même et qu’elle avait ouverte par crainte d’un malheur. Quelque
2802 malheur. Quelques lignes sur une feuille portant l’ en-tête d’un bar de Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite
2803 nouvelles, je suis inquiet, je n’oublierai jamais les nuits extraordinaires que nous avons encore pu passer ensemble, à la
2804 aires que nous avons encore pu passer ensemble, à la veille de ce cataclysme. » La lettre était signée Maria. — Un vrai dr
2805 passer ensemble, à la veille de ce cataclysme. » La lettre était signée Maria. — Un vrai drame du destin ! fis-je après u
2806 Un vrai drame du destin ! fis-je après un moment. Le type même du Schicksalsdrama, comme vous dites… Mais le destin aveugl
2807 e même du Schicksalsdrama, comme vous dites… Mais le destin aveugle qui présida aux fastes de votre rencontre, ne perd-il
2808 encontre, ne perd-il pas un peu de son mystère si l’ on songe que la femme du banquier était lectrice de romans — et sans d
2809 rd-il pas un peu de son mystère si l’on songe que la femme du banquier était lectrice de romans — et sans doute de vos pro
2810 ture ? o. Rougemont Denis de, « Contribution à l’ étude du coup de foudre », Formes et Couleurs, Lausanne, 1946, p. 1-4.
15 1946, Articles divers (1941-1946). Penser avec les mains (janvier 1946)
2811 t mauvaise toute œuvre qui ne te saisit pas comme avec une main, qui ne te pousse pas hors de toi-même, dans le scandale ou
2812 e toute œuvre qui ne te saisit pas comme avec une main , qui ne te pousse pas hors de toi-même, dans le scandale ou dans la j
2813 main, qui ne te pousse pas hors de toi-même, dans le scandale ou dans la joie de ta vocation créatrice. Trop de penseurs i
2814 se pas hors de toi-même, dans le scandale ou dans la joie de ta vocation créatrice. Trop de penseurs inoffensifs secrètent
2815 romans, trop de scribes inoffensifs nous singent la fureur ou la révolte, l’indulgence ou la paix distinguée. Inoffensifs
2816 de scribes inoffensifs nous singent la fureur ou la révolte, l’indulgence ou la paix distinguée. Inoffensifs tous ceux do
2817 inoffensifs nous singent la fureur ou la révolte, l’ indulgence ou la paix distinguée. Inoffensifs tous ceux dont l’œuvre n
2818 singent la fureur ou la révolte, l’indulgence ou la paix distinguée. Inoffensifs tous ceux dont l’œuvre n’est pas ce lieu
2819 ou la paix distinguée. Inoffensifs tous ceux dont l’ œuvre n’est pas ce lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il ne
2820 où quelque chose qu’il ne peut plus fuir attaque l’ auteur et tout ce qu’il reflète d’une ambiance domestiquée. Il est gra
2821 ’une ambiance domestiquée. Il est grand temps que la pensée redevienne ce qu’elle est en réalité : dangereuse pour le pens
2822 ienne ce qu’elle est en réalité : dangereuse pour le penseur, et transformatrice du réel. « Là où je crée, là je suis vrai
2823 ux cette distinction : il y a des hommes qui sont l’ orgueil de notre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de notre
2824 nt, d’autres qui enregistrent : il ne faudra plus les confondre. Il y a Pascal et Goethe, Dostoïevski et Kierkegaard, — il
2825 oethe, Dostoïevski et Kierkegaard, — il y a aussi les fins lettrés, les bons esprits, les professeurs, pour lesquels la pen
2826 et Kierkegaard, — il y a aussi les fins lettrés, les bons esprits, les professeurs, pour lesquels la pensée est un art d’a
2827  il y a aussi les fins lettrés, les bons esprits, les professeurs, pour lesquels la pensée est un art d’agrément, un hérita
2828 les bons esprits, les professeurs, pour lesquels la pensée est un art d’agrément, un héritage, une carrière libérale, ou
2829 libérale, ou un capital bien placé. Cerveaux sans mains  ! et qui jugent de haut, mais de loin, et toujours après coup, la mul
2830 nt de haut, mais de loin, et toujours après coup, la multitude des mains sans cerveau qui travaillent sans fin par le mond
2831 de loin, et toujours après coup, la multitude des mains sans cerveau qui travaillent sans fin par le monde, peinant peut-être
2832 s mains sans cerveau qui travaillent sans fin par le monde, peinant peut-être en pure perte, si ce n’est pour notre perte
2833 est pour notre perte à tous. Or, ces gens forment l’ opinion, sans aucun doute, et ils le savent. Toute l’opinion du monde
2834 gens forment l’opinion, sans aucun doute, et ils le savent. Toute l’opinion du monde en est à peu près là, que la pensée
2835 pinion, sans aucun doute, et ils le savent. Toute l’ opinion du monde en est à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’
2836 oute l’opinion du monde en est à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’à la remorque d’événements qui n’ont cure de
2837 t à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’à la remorque d’événements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on co
2838 vénements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’ on confond la pensée avec l’usage inoffensif de ce que des créateurs o
2839 n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’usage inoffensif de ce que des créateurs ont pensé, au
2840 e de ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’usage inoffensif de ce que des créateurs ont pensé, au prix de leur
2841 ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’ usage inoffensif de ce que des créateurs ont pensé, au prix de leur vi
2842 ec l’usage inoffensif de ce que des créateurs ont pensé , au prix de leur vie souvent, et toujours par un acte initiateur et r
2843 ujours par un acte initiateur et révolutionnaire. Les uns pensent, dit-on, les autres agissent ! Mais la vraie condition de
2844 ar un acte initiateur et révolutionnaire. Les uns pensent , dit-on, les autres agissent ! Mais la vraie condition de l’homme, c’
2845 teur et révolutionnaire. Les uns pensent, dit-on, les autres agissent ! Mais la vraie condition de l’homme, c’est de penser
2846 s uns pensent, dit-on, les autres agissent ! Mais la vraie condition de l’homme, c’est de penser avec les mains. p. Rou
2847 les autres agissent ! Mais la vraie condition de l’ homme, c’est de penser avec les mains. p. Rougemont Denis de, « Pen
2848 t Denis de, « Penser avec les mains », Cahiers de la saison, Genève, janvier 1946, p. 1.
16 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
2849 Les quatre libertés (30 mars 1946)q Les Quatre Libertés ont figuré le
2850 Les quatre libertés (30 mars 1946)q Les Quatre Libertés ont figuré le but de guerre idéal des Nations unies,
2851 (30 mars 1946)q Les Quatre Libertés ont figuré le but de guerre idéal des Nations unies, comme elles restent l’idéal of
2852 erre idéal des Nations unies, comme elles restent l’ idéal officiel de la paix. Mais j’ai remarqué qu’assez peu de personne
2853 ns unies, comme elles restent l’idéal officiel de la paix. Mais j’ai remarqué qu’assez peu de personnes sont capables de l
2854 marqué qu’assez peu de personnes sont capables de les énumérer. Il semble qu’on se soit battu « pour » quelque chose qui n’
2855 ait pas trop clair, ni bien facile à retenir dans l’ esprit… Vous rappelez-vous ? C’était Roosevelt qui les avait énoncées
2856 sprit… Vous rappelez-vous ? C’était Roosevelt qui les avait énoncées le premier au début de 1942 dans son discours sur l’ét
2857 le premier au début de 1942 dans son discours sur l’ état de l’Union : « freedom of speech, freedom of religion, freedom fr
2858 au début de 1942 dans son discours sur l’état de l’ Union : « freedom of speech, freedom of religion, freedom from want, f
2859 r liberté de parole et de religion, libération de la misère et de la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre
2860 ole et de religion, libération de la misère et de la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre, il est temps d
2861 de la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre, il est temps de nous demander quel est l’état présent des lib
2862 la guerre, il est temps de nous demander quel est l’ état présent des libertés qui faisaient l’enjeu de la lutte. La deuxiè
2863 uel est l’état présent des libertés qui faisaient l’ enjeu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, para
2864 tat présent des libertés qui faisaient l’enjeu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, paraît en bonne
2865 eu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, paraît en bonne voie de s’établir dans les pays récemment l
2866 religion, paraît en bonne voie de s’établir dans les pays récemment libérés, de même qu’en Russie soviétique et au Japon.
2867 Russie soviétique et au Japon. On brûle encore, à l’ occasion, quelques églises protestantes au Mexique, mais dans l’ensemb
2868 elques églises protestantes au Mexique, mais dans l’ ensemble la situation n’est pas mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce pr
2869 ses protestantes au Mexique, mais dans l’ensemble la situation n’est pas mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce progrès doit
2870 urs chefs. Quant aux trois autres libertés, voici le tableau : la liberté de parole se voit partout mise en échec par des
2871 ant aux trois autres libertés, voici le tableau : la liberté de parole se voit partout mise en échec par des censures offi
2872 hec par des censures officielles ou commerciales, la misère règne, la police règne, et les vainqueurs eux-mêmes vivent dan
2873 res officielles ou commerciales, la misère règne, la police règne, et les vainqueurs eux-mêmes vivent dans la peur les uns
2874 ommerciales, la misère règne, la police règne, et les vainqueurs eux-mêmes vivent dans la peur les uns des autres. Quant à
2875 ce règne, et les vainqueurs eux-mêmes vivent dans la peur les uns des autres. Quant à la Bombe, elle a multiplié par 20 00
2876 , et les vainqueurs eux-mêmes vivent dans la peur les uns des autres. Quant à la Bombe, elle a multiplié par 20 000 au moin
2877 s vivent dans la peur les uns des autres. Quant à la Bombe, elle a multiplié par 20 000 au moins la liberté de craindre le
2878 à la Bombe, elle a multiplié par 20 000 au moins la liberté de craindre le pire à chaque instant. Tout cela, nous disent,
2879 tiplié par 20 000 au moins la liberté de craindre le pire à chaque instant. Tout cela, nous disent, non sans raison, les g
2880 instant. Tout cela, nous disent, non sans raison, les gouvernants, n’est que le résultat déplorable, mais fatal, de la guer
2881 sent, non sans raison, les gouvernants, n’est que le résultat déplorable, mais fatal, de la guerre. (Étrange activité qui
2882 n’est que le résultat déplorable, mais fatal, de la guerre. (Étrange activité qui « fatalement » prolonge ou aggrave les
2883 e activité qui « fatalement » prolonge ou aggrave les tyrannies qu’elle avait pour seul but d’écraser. Mais ceci est une au
2884 e se passer d’au moins trois libertés sur quatre, avec l’espoir que ses enfants les recevront plus tard — données par qui ?
2885 passer d’au moins trois libertés sur quatre, avec l’ espoir que ses enfants les recevront plus tard — données par qui ? Som
2886 ibertés sur quatre, avec l’espoir que ses enfants les recevront plus tard — données par qui ? Sommes-nous voués à l’esclava
2887 plus tard — données par qui ? Sommes-nous voués à l’ esclavage d’État par nécessité matérielle ? On m’en voudra de ces ques
2888 porter que des réponses amères et humiliantes, si l’ on reste au niveau des faits, des dures nécessités, des ruines. Or le
2889 u des faits, des dures nécessités, des ruines. Or le rappel des fameuses Quatre Libertés nous y rabat impitoyablement par
2890 Quatre Libertés nous y rabat impitoyablement par la comparaison qu’il nous oblige à faire de l’idéal et du présent. Je pr
2891 t par la comparaison qu’il nous oblige à faire de l’ idéal et du présent. Je propose donc que nous changions ce qui peut êt
2892 immédiatement changé : notre idéal, en attendant le reste. Je propose que nous remplacions la revendication des quatre li
2893 tendant le reste. Je propose que nous remplacions la revendication des quatre libertés, pour le moment inaccessibles, par
2894 acions la revendication des quatre libertés, pour le moment inaccessibles, par une affirmation unique de Liberté indivisib
2895 ant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a que «  la  » liberté, ou non. Je le prouverai par une parabole. Je connais certa
2896 libertés. Il n’y a que « la » liberté, ou non. Je le prouverai par une parabole. Je connais certains hommes qui jouissent
2897 s voisins ; « deux » : ils reçoivent gratuitement les secours de la religion de leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à s
2898 eux » : ils reçoivent gratuitement les secours de la religion de leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccuper d
2899 quatre » ils sont solidement protégés contre tous les périls extérieurs. Ce sont les détenus des prisons américaines. (On l
2900 otégés contre tous les périls extérieurs. Ce sont les détenus des prisons américaines. (On leur donne même des séances de c
2901 caines. (On leur donne même des séances de cinéma le samedi soir.) La liberté ne peut pas être détaillée ni débitée en tra
2902 donne même des séances de cinéma le samedi soir.) La liberté ne peut pas être détaillée ni débitée en tranches : elle est
2903 plus être donnée. Elle exige d’être affirmée sur le champ, et coûte que coûte, quels que soient les obstacles. Il y aura
2904 ur le champ, et coûte que coûte, quels que soient les obstacles. Il y aura toujours des obstacles. Ceux qui ont peur d’être
2905 eur d’être libres en feront leurs prétextes comme l’ ont fait les Allemands sous l’hitlérisme. La liberté fondamentale dont
2906 libres en feront leurs prétextes comme l’ont fait les Allemands sous l’hitlérisme. La liberté fondamentale dont tout dépend
2907 urs prétextes comme l’ont fait les Allemands sous l’ hitlérisme. La liberté fondamentale dont tout dépend, c’est celle de s
2908 comme l’ont fait les Allemands sous l’hitlérisme. La liberté fondamentale dont tout dépend, c’est celle de se « réaliser p
2909 ser personnellement ». Or nous ne pourrons jamais la recevoir d’autrui. Sans elle les autres libertés ne comptent guère. P
2910 e pourrons jamais la recevoir d’autrui. Sans elle les autres libertés ne comptent guère. Par elle seule, elles peuvent être
2911 ar elle seule, elles peuvent être conquises. Nous l’ affirmons et nous le démontrons par notre lutte contre toutes les « né
2912 peuvent être conquises. Nous l’affirmons et nous le démontrons par notre lutte contre toutes les « nécessités » qui s’y o
2913 nous le démontrons par notre lutte contre toutes les « nécessités » qui s’y opposent sans relâche. Et cette lutte est touj
2914 ne fait que commencer. Mais si nous décidons que les obstacles à l’exercice de notre liberté sont fatals, nécessaires et s
2915 mencer. Mais si nous décidons que les obstacles à l’ exercice de notre liberté sont fatals, nécessaires et surhumains, auss
2916 fatals, nécessaires et surhumains, aussitôt nous les rendrons tels, aussitôt nous cesserons d’être libres. Et l’État aura
2917 s tels, aussitôt nous cesserons d’être libres. Et l’ État aura tous les droits, puisque nous lui laisserons tous les devoir
2918 nous cesserons d’être libres. Et l’État aura tous les droits, puisque nous lui laisserons tous les devoirs. Ce qu’il nous f
2919 tous les droits, puisque nous lui laisserons tous les devoirs. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas d’abord un monde bien arran
2920 nous sommes libres, si nous sommes prêts à payer le prix de la liberté, qui sera toujours : payer de sa personne. Un homm
2921 s libres, si nous sommes prêts à payer le prix de la liberté, qui sera toujours : payer de sa personne. Un homme libre, c’
2922 sprit libre. » De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’ État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et sur
2923 De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas de le
2924 ’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vision
2925 a Démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vision seule et de son courage de lutter pour la joindre.
2926 sa vision seule et de son courage de lutter pour la joindre. Lénine, sous le tsarisme, était plus libre qu’un fonctionnai
2927 n courage de lutter pour la joindre. Lénine, sous le tsarisme, était plus libre qu’un fonctionnaire sous Staline. Et Georg
2928 ait plus libre qu’un citoyen américain qui tourne le bouton de sa radio. Ils combattaient. q. Rougemont Denis de, « Les
2929 io. Ils combattaient. q. Rougemont Denis de, «  Les quatre libertés », Le Figaro littéraire, Paris, 30 mars 1946, p. 1.
2930 q. Rougemont Denis de, « Les quatre libertés », Le Figaro littéraire, Paris, 30 mars 1946, p. 1.
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
2931 Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)r Le xxe sièc
2932 Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)r Le xxe siècle est en train de d
2933 tomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)r Le xxe siècle est en train de découvrir ce qu’on savait depuis un certa
2934 on n’avait jamais très bien compris, à savoir que la terre est ronde. D’où il résulte, entre autres conséquences, que si v
2935 utres conséquences, que si vous tirez devant vous avec une arme assez puissante, vous recevrez le projectile dans le dos, au
2936 vous avec une arme assez puissante, vous recevrez le projectile dans le dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelq
2937 assez puissante, vous recevrez le projectile dans le dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelque chose d’importan
2938 gnifie quelque chose d’important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairem
2939 a bientôt nécessairement, si nos moyens passent à l’ échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fu
2940 nt, si nos moyens passent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des pr
2941 ssent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à
2942 ire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ;
2943 che servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion
2944 s villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents
2945 ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la
2946 provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’ avion à la guerre des continents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-ell
2947 ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À la g
2948 ns ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire :
2949 inents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire : à une guerre qui nous atteint tous,
2950 ous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour une époque donnée, me parai
2951 e faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir êtr
2952 que donnée, me paraissent pouvoir être mesurées à la portée des armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les prémic
2953 s armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les prémices d’une théorie sociologique flambant neuve.) À l’arme planéta
2954 ces d’une théorie sociologique flambant neuve.) À l’ arme planétaire correspond donc une communauté universelle, qui relègu
2955 pond donc une communauté universelle, qui relègue les nations au rang de simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques
2956 ues instants dans ce jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée p
2957 ts dans ce jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et
2958 jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout te
2959 tant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme
2960 symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme objet ron
2961 Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’ Unité considérée partout et de tout temps comme objet rond, pomme, sph
2962 rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce soit l’ Univers, ou l’Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le mi
2963 sphère ou sceptre d’or, que ce soit l’Univers, ou l’ Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répon
2964 ptre d’or, que ce soit l’Univers, ou l’Empire, ou l’ atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocos
2965 e ce soit l’Univers, ou l’Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre s
2966 mpire, ou l’atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre siècle arrive à digérer et
2967 il aura fait une révolution bien plus grande que la Renaissance. Il semble que la dernière guerre, j’entends celle de 39-
2968 elle de 39-45, a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette pl
2969 5, a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie
2970 dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montm
2971 ntmartre, intéressa pendant dix ans, directement, la vie courante des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’A
2972 habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’ Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en subit
2973 ues Nord, Centre, Sud, et de l’Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en subit les effets moins dire
2974 a moitié du genre humain. L’autre moitié en subit les effets moins directs, mais pourtant notables : les Français eussent m
2975 es effets moins directs, mais pourtant notables : les Français eussent mieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n
2976 Français eussent mieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n’avaient été trop occupés dans le Pacifique. Les Angla
2977 les cargos alliés n’avaient été trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solida
2978 iés n’avaient été trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solidarité pratique d
2979 Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solidarité pratique des différentes parties du globe est un fait dure
2980 ermédiaire, qui est celle du fait psychologique : la formation d’une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas d
2981 es, Londoniens, Madrilènes, Parisiens ou Romains, avec nos clans, nos écoles, nos partis et nos disputes centenaires ou quin
2982 tis et nos disputes centenaires ou quinquennales, avec nos allusions perfides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si l’
2983 fides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si l’ on se déplace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien
2984 s d’avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent intraduisibles pour qui ne peut y aller v
2985 ous n’apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leur
2986 n. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que l
2987 ne pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se seront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mine
2988 ront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mineurs du pays de Galles n’auront plus de viande pendant des mois, p
2989 auront plus de viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentine se seront enfin organisés contre les grands estanci
2990 éons d’Argentine se seront enfin organisés contre les grands estancieros. Vous pourrez toujours essayer d’expliquer aux vic
2991 rrez toujours essayer d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute du député local ni de « l’hypocrisie
2992 pliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute du député local ni de « l’hypocrisie américaine ». Que faire ?
2993 que ce n’est pas la faute du député local ni de «  l’ hypocrisie américaine ». Que faire ? Tout le monde ne peut pas tout sa
2994 avoir, encore moins tout voir et tout comprendre. Les problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent p
2995 moins tout voir et tout comprendre. Les problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent pour nous terre
2996 quement inexplorées. Hic sunt leones inscrivaient les géographes du Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’
2997 nes inscrivaient les géographes du Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’Europe. Et pourtant nous sommes d
2998 en Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’ Europe. Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ces l
2999 cessité qu’il faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, so
3000 faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges
3001 ord sentir. Et qu’aussitôt la presse et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges rubriques
3002 aussitôt la presse et la radio, le cinéma surtout l’ éveillent et la propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’
3003 sse et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est p
3004 entendez, mais de sens, de vision, d’ouverture de l’ esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de poé
3005 i tous nos écrivains, ceux que je vois manifester le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont pré
3006 rivains, ceux que je vois manifester le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux
3007 je vois manifester le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint
3008 sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anaba
3009 ieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de l’Exil, et Paul Claudel, notre gr
3010 x poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de l’ Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur pro
3011 rose et dans leurs longs versets, quel qu’en soit le sujet allégué, nous avons pour la première fois senti, sous le drapé
3012 gué, nous avons pour la première fois senti, sous le drapé d’un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, l
3013 sous le drapé d’un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent des Amériques. Vous alliez me
3014 français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’ Asie, le cœur violent des Amériques. Vous alliez me dire que j’oubliai
3015 s riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent des Amériques. Vous alliez me dire que j’oubliais ce gra
3016 j’oublie jamais celui qui le premier me parla de la Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime !… r. Rougemon
3017 time !… r. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire », Pour la Victoire, New York,
3018 ont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire », Pour la Victoire, New York, 30 mars 1946, p. 1-2
3019 la bombe atomique : La pensée planétaire », Pour la Victoire, New York, 30 mars 1946, p. 1-2.
18 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)
3020 Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)s Parmi tous l
3021 Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)s Parmi tous les projets de contrô
3022 Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)s Parmi tous les projets de contrôle de la Bo
3023 a paix ou la bombe (20 avril 1946)s Parmi tous les projets de contrôle de la Bombe que l’on a suggérés depuis six mois,
3024 l 1946)s Parmi tous les projets de contrôle de la Bombe que l’on a suggérés depuis six mois, j’en retiens deux : 1. Don
3025 armi tous les projets de contrôle de la Bombe que l’ on a suggérés depuis six mois, j’en retiens deux : 1. Donner la Bombe
3026 és depuis six mois, j’en retiens deux : 1. Donner la Bombe aux petits pays pour qu’ils soient protégés contre les grands.
3027 ux petits pays pour qu’ils soient protégés contre les grands. Ces derniers fourniraient ainsi la preuve par neuf de leurs b
3028 ontre les grands. Ces derniers fourniraient ainsi la preuve par neuf de leurs bonnes intentions. 2. Donner la Bombe au gou
3029 ve par neuf de leurs bonnes intentions. 2. Donner la Bombe au gouvernement mondial, pour faire la police des nations. Deux
3030 nner la Bombe au gouvernement mondial, pour faire la police des nations. Deux chambres universelles seraient élues, l’une
3031 États, l’autre de députés des peuples. (Je prends le modèle courant. Il faudrait l’ajuster.) Le cabinet que ces chambres é
3032 euples. (Je prends le modèle courant. Il faudrait l’ ajuster.) Le cabinet que ces chambres éliraient compterait les ministè
3033 prends le modèle courant. Il faudrait l’ajuster.) Le cabinet que ces chambres éliraient compterait les ministères suivants
3034 Le cabinet que ces chambres éliraient compterait les ministères suivants : Bombe et Répression des États, Échange des mati
3035 s recherches scientifiques, Défense des droits de la personne, Transports planétaires. (Rien que de raisonnable, comme vou
3036 planétaires. (Rien que de raisonnable, comme vous le voyez. On trouverait mieux, en s’appliquant.) Mais il n’y a que les i
3037 verait mieux, en s’appliquant.) Mais il n’y a que les idées pratiques et raisonnables que l’on traite de folies, à l’âge où
3038 n’y a que les idées pratiques et raisonnables que l’ on traite de folies, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à l
3039 ques et raisonnables que l’on traite de folies, à l’ âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande générale, la pr
3040 aisonnables que l’on traite de folies, à l’âge où l’ on prépare dans le monde entier, à la demande générale, la prochaine e
3041 on traite de folies, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande générale, la prochaine et irrévocablement
3042 , à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande générale, la prochaine et irrévocablement dernière guerre civ
3043 pare dans le monde entier, à la demande générale, la prochaine et irrévocablement dernière guerre civile du genre humain.
3044 choueront. On en rira. On n’en rira même pas : on les négligera simplement. On passera aux affaires courantes : équilibrer
3045 t. On passera aux affaires courantes : équilibrer les budgets de guerre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne soit
3046 pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible dans les populations et chez beaucoup de bons esprits, mais une paralysie sans
3047 écédent s’est emparée des volontés. Vous-même, je le sens, je ne vous ai pas convaincue. Vous pensez que j’ai exagéré. Vou
3048 e, je le sens, je ne vous ai pas convaincue. Vous pensez que j’ai exagéré. Vous pensez que j’ai cédé au goût américain de la s
3049 as convaincue. Vous pensez que j’ai exagéré. Vous pensez que j’ai cédé au goût américain de la sensation, du biggest in the wo
3050 é. Vous pensez que j’ai cédé au goût américain de la sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays qu
3051 être construite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce
3052 gérée sans doute et dépassant la mesure de ce que l’ on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’homme l’a mis
3053 assant la mesure de ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens de
3054 nnaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’ homme l’a mise là. Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l
3055 t avant le 6 août, elle est là, parce que l’homme l’ a mise là. Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l’esprit
3056 , parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l’esprit devant la mort… Mais admettons
3057 Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l’ esprit devant la mort… Mais admettons que j’ai exagéré : c’était fatal
3058 la mesure peut se rebeller comme l’esprit devant la mort… Mais admettons que j’ai exagéré : c’était fatal. Écrire, c’est
3059 t mettre en forme, donc condenser, donc augmenter la réalité de l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer
3060 rme, donc condenser, donc augmenter la réalité de l’ objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits
3061 enser, donc augmenter la réalité de l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits ou phénomènes
3062 de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits ou phénomènes que l’on veut dégager. Admettons que les armées
3063 oujours « exagérer » les traits ou phénomènes que l’ on veut dégager. Admettons que les armées retiennent une bonne partie
3064 u phénomènes que l’on veut dégager. Admettons que les armées retiennent une bonne partie de leur utilité au service des nat
3065 ’elles arrivent encore à se battre. Admettons que la Bombe soit moins puissante que les savants autorisés ne l’affirment.
3066 . Admettons que la Bombe soit moins puissante que les savants autorisés ne l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz-
3067 soit moins puissante que les savants autorisés ne l’ affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres ac
3068 ons que notre globe dure longtemps encore, et que la guerre militaire y prospère d’autant mieux qu’elle sera dotée d’une a
3069 elle sera dotée d’une arme de plus. Admettons que l’ on invente une parade à la Bombe, selon l’axiome des militaires, sans
3070 de plus. Admettons que l’on invente une parade à la Bombe, selon l’axiome des militaires, sans oublier que leur expérienc
3071 ons que l’on invente une parade à la Bombe, selon l’ axiome des militaires, sans oublier que leur expérience démontre qu’on
3072 jamais qu’un certain pourcentage des coups tirés… Pensez -vous que les effets de la prochaine guerre seront très différents de
3073 tain pourcentage des coups tirés… Pensez-vous que les effets de la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai
3074 ge des coups tirés… Pensez-vous que les effets de la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai prévus ? La
3075 seront très différents de ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin
3076 e ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’ agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins
3077 ’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine, le
3078 ra pire, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine, le triomphe des « éléments d’or
3079 ’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’ humanité non moins certaine, le triomphe des « éléments d’ordre » auss
3080 longue, la fin de l’humanité non moins certaine, le triomphe des « éléments d’ordre » aussi énigmatique, et sans témoins.
3081 ce processus peut se poursuivre assez longtemps. Les choses ne se passeront peut-être pas de la manière soudaine et dramat
3082 emps. Les choses ne se passeront peut-être pas de la manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithèse m’in
3083 ière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’ antithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de lig
3084 oût de l’antithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de lignes pures, parce que nos choix ne sont pas
3085 iront quelques vœux incolores. Il est évident que les nations souveraines s’en moqueront. Il est évident que l’une d’entre
3086 Il est évident que l’une d’entre elles, Bombe en main , essaiera d’imposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la
3087 ombe en main, essaiera d’imposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il est évident que les peuples s
3088 ser sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il est évident que les peuples se révolteront contre cette n
3089 . (Inutile même de la nommer.) Il est évident que les peuples se révolteront contre cette nation et son régime, tôt ou tard
3090 et son régime, tôt ou tard. Il est évident que si l’ on continue à penser comme on pense aujourd’hui, cela finira dans l’ex
3091 ôt ou tard. Il est évident que si l’on continue à penser comme on pense aujourd’hui, cela finira dans l’explosion totale. Et i
3092 st évident que si l’on continue à penser comme on pense aujourd’hui, cela finira dans l’explosion totale. Et il est évident q
3093 nser comme on pense aujourd’hui, cela finira dans l’ explosion totale. Et il est évident que la grande majorité des hommes
3094 ra dans l’explosion totale. Et il est évident que la grande majorité des hommes se refuse à ces évidences. On nous ressass
3095 . Est-ce qu’on lui demande si elle est prête pour la mort ? L’humanité, ce sont des gens comme vous et moi. Quand vous me
3096 u’on lui demande si elle est prête pour la mort ? L’ humanité, ce sont des gens comme vous et moi. Quand vous me dites qu’e
3097 Quand vous me dites qu’elle n’est pas prête pour la paix, cela veut dire que vous d’abord, vous refusez de faire le choix
3098 veut dire que vous d’abord, vous refusez de faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais en refus
3099 e vous d’abord, vous refusez de faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais en refusant de chois
3100 yens vous déplaisent. Mais en refusant de choisir la paix, vous votez tacitement pour la mort, et vous en rendez responsab
3101 nt de choisir la paix, vous votez tacitement pour la mort, et vous en rendez responsable. Tout tient à chacun de nous. Et
3102 ous en sommes au point où il devient difficile de le cacher. Nos alibis ne trompent plus que nous-mêmes. Pour moi, je pour
3103 arrive. C’est ma santé. Dès mon premier écrit sur les choses politiques, j’ai posé le principe du pessimisme actif. Et comm
3104 remier écrit sur les choses politiques, j’ai posé le principe du pessimisme actif. Et comment ne m’y tiendrais-je pas, qua
3105 omment ne m’y tiendrais-je pas, quand je sais que l’ enjeu n’est point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puis
3106 quand je sais que l’enjeu n’est point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me faire perdre ? Je me rappe
3107 l’enjeu n’est point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me faire perdre ? Je me rappelle cette voix, d
3108 de Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu 
3109 que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aussi.
3110 e la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aussi. » Je n’ai p
3111 dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : «  Le matin vient et la nuit aussi. » Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les
3112 ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aussi. » Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bi
3113 la nuit aussi. » Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu
3114 Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu dans tout cela 
3115 us réponde ? S’il permet que nous fassions sauter la Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà de ce « clin d’œil 
3116 attend. s. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe », Pour la Victoire, New York, 2
3117 ont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe », Pour la Victoire, New York, 20 avril 1946, p. 1-2
3118 e, « Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe », Pour la Victoire, New York, 20 avril 1946, p. 1-2.
3119 r la bombe atomique : La paix ou la bombe », Pour la Victoire, New York, 20 avril 1946, p. 1-2.
19 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)
3120 Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)t — Un dernier mot.
3121 1946)t — Un dernier mot. (Et dire que j’allais l’ oublier !) La Bombe n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De
3122 n dernier mot. (Et dire que j’allais l’oublier !) La Bombe n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De quoi donc pa
3123 vous dans vos cinq dialogues précédents ? Faut-il penser que vous vous moquiez du monde ? — J’étais sérieux. Je prenais au sér
3124 monde ? — J’étais sérieux. Je prenais au sérieux les événements qui nous menacent à bout portant. La fin des armées, par e
3125 les événements qui nous menacent à bout portant. La fin des armées, par exemple. Mais cela ne serait rien encore, quoi qu
3126 mple. Mais cela ne serait rien encore, quoi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais de la fin du monde… — Et maintenant vou
3127 oi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais de la fin du monde… — Et maintenant vous nous dites : aucun danger ! C’est
3128 vouer que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ ont pensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’H
3129 que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ont pensé , sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’Hiroshima
3130 z. Savez-vous que beaucoup l’ont pensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’Hiroshima nous ait jetés
3131 ensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’ événement d’Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans un état d
3132 ns repris nos sens. Certains pressentent déjà que la Bombe est en train de se dégonfler, pour ainsi dire. Après tout, nous
3133 onfler, pour ainsi dire. Après tout, nous devions le prévoir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des gaz. Tout l
3134 ns le prévoir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des gaz. Tout le monde s’y préparait, vous rappelez-vous ? Dan
3135 e s’y préparait, vous rappelez-vous ? Dans toutes les capitales d’Europe, on voyait en 1939 les civils se promener avec leu
3136 toutes les capitales d’Europe, on voyait en 1939 les civils se promener avec leur boîte à masque en bandoulière. Eh bien,
3137 ’Europe, on voyait en 1939 les civils se promener avec leur boîte à masque en bandoulière. Eh bien, la guerre des gaz n’a pa
3138 avec leur boîte à masque en bandoulière. Eh bien, la guerre des gaz n’a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait une
3139 r bleue, et que personne, même pas Hitler, n’a eu le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trou
3140 le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’a
3141 us forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’a pas eu recours aux gaz, c’es
3142 r n’a pas eu recours aux gaz, c’est entendu. Mais pensez -vous qu’une timidité subite l’ait arrêté, ou quelque amour tardif de
3143 entendu. Mais pensez-vous qu’une timidité subite l’ ait arrêté, ou quelque amour tardif de notre humanité ? Simplement, il
3144 otre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire de cette arme était
3145 ait son calcul. Les Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire de cette arme était loin de compenser, même à ses ye
3146 te arme était loin de compenser, même à ses yeux, le risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est dif
3147 ême à ses yeux, le risque moral qu’il eût couru à l’ employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle sup
3148 ux, le risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la p
3149 que moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité
3150 est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité de riposter, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’
3151 té de riposter, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l
3152 ôle d’une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent en géné
3153 e décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’ agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent en général d’une rapide
3154 nces fâcheuses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’ emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. I
3155 es, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc c
3156 s de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’ emploiera, au risque de faire sauter la Terre. — Alors, pourquoi dites
3157 lair qu’on l’emploiera, au risque de faire sauter la Terre. — Alors, pourquoi dites-vous : la Bombe n’est pas dangereuse ?
3158 e sauter la Terre. — Alors, pourquoi dites-vous : la Bombe n’est pas dangereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe
3159 t pas dangereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe est un objet. Les objets ne sont jamais dangereux. Ce qui est d
3160 ur une raison très simple. La Bombe est un objet. Les objets ne sont jamais dangereux. Ce qui est dangereux, horriblement,
3161 gereux. Ce qui est dangereux, horriblement, c’est l’ homme. C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare
3162 horriblement, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’employer. Quand je vois q
3163 fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’ employer. Quand je vois qu’on nomme des comités pour la retenir ! Comm
3164 loyer. Quand je vois qu’on nomme des comités pour la retenir ! Comme si elle était tombée du ciel, animée de mauvaises int
3165 uvaises intentions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans to
3166 ons ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans toute la presse,
3167 un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’ on discute à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus be
3168 ue l’on discute à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus belle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bie
3169 à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus belle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on
3170 s toute la presse, est la plus belle absurdité de l’ Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on parle ? Contrôler cet objet
3171 urdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’ on parle ? Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’un coup
3172 cet objet inerte ? C’est comme si tout d’un coup l’ on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases d
3173 tout d’un coup l’on se jetait sur une chaise pour l’ empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tran
3174 ait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien,
3175 r d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bie
3176 stoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’ homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de l’A
3177 mme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis
3178 e question. — C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe nous menace et no
3179 stion de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’ éviter depuis que la Bombe nous menace et nous tente à la fois. Et voi
3180 est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe nous menace et nous tente à la fois. Et voilà bien le progrès l
3181 ous menace et nous tente à la fois. Et voilà bien le progrès le plus sensationnel du siècle. — Un progrès ? — Oui, j’appel
3182 et nous tente à la fois. Et voilà bien le progrès le plus sensationnel du siècle. — Un progrès ? — Oui, j’appelle ainsi to
3183 e face. t. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum », Pour la Victoire, New York, 27 avri
3184 ues sur la bombe atomique : Post-scriptum », Pour la Victoire, New York, 27 avril 1946, p. 1-2.
20 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
3185 n). Que Bernanos s’est écrié : Mais partez donc ! la Terre est vaste ! Que d’autres ont protesté que ce débat était antipa
3186 muniste, que sais-je. On m’écrit cela de Paris et l’ on ajoute que je ferais bien de rentrer, sous peine de ne pas comprend
3187 bien de rentrer, sous peine de ne pas comprendre la réalité européenne en général, et française en particulier. Je pourra
3188 i devriez sortir, sous peine de ne pas comprendre la réalité mondiale. Après tout, il y a quarante millions de Français, s
3189 Français, sur deux-mille-millions d’habitants de la Planète, non moins réels, guère moins accablés de problèmes. Mais je
3190 de bon sens, et j’ai quelques raisons de prendre la France plus au sérieux, plus au tragique, que les chiffres stupides n
3191 la France plus au sérieux, plus au tragique, que les chiffres stupides n’y inviteraient. Je m’interroge. Je reprends la qu
3192 des n’y inviteraient. Je m’interroge. Je reprends la question dans les termes où elle est posée : faut-il partir ? (Peut-o
3193 ent. Je m’interroge. Je reprends la question dans les termes où elle est posée : faut-il partir ? (Peut-on partir serait un
3194 habite, pour quelques semaines encore, du côté où les jeunes Européens devraient aller s’il s’agissait pour eux de partir.
3195 aller s’il s’agissait pour eux de partir. Je vois les avantages de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesur
3196 sait pour eux de partir. Je vois les avantages de l’ Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure de les imagine
3197 et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’est qu’une solution, q
3198 en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’ infini. Il n’est qu’une solution, qui est d’aller voir, et d’« essayer
3199 solution, qui est d’aller voir, et d’« essayer » le pays comme un nouveau costume. Et je me dis que le problème est mal p
3200 e pays comme un nouveau costume. Et je me dis que le problème est mal posé. Il ne s’agit ni de partir ni de rester, au sen
3201 facile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le sont pas non plus, apparemment, puisqu’on pose le problème. Supposez
3202 le sont pas non plus, apparemment, puisqu’on pose le problème. Supposez que nous soyons libres de circuler à notre guise.
3203 ’agit ni de choisir une terre et ses morts contre le Globe et ses vivants ; ni de choisir le nomadisme permanent et l’exil
3204 ts contre le Globe et ses vivants ; ni de choisir le nomadisme permanent et l’exil par principe ou dégoût. Il s’agit simpl
3205 vivants ; ni de choisir le nomadisme permanent et l’ exil par principe ou dégoût. Il s’agit simplement de vivre au xxe siè
3206 és que nous avons créées ou laissé s’imposer ; de la rapidité des transports, par exemple. Combien peu d’hommes d’aujourd’
3207 r temps, et se trouvent pratiquement en mesure de le vivre ! Combien encore sont-ils du Moyen Âge, ou du bourgeois et lent
3208 change beaucoup plus vite que Jules Verne n’a pu le rêver. C’est cela, et c’est aussi le cauchemar des visas. Si cette fo
3209 Verne n’a pu le rêver. C’est cela, et c’est aussi le cauchemar des visas. Si cette folie furieuse et inutile ne régnait pa
3210 ette folie furieuse et inutile ne régnait pas sur le monde d’après-guerre, le problème partir ou rester se résoudrait en t
3211 utile ne régnait pas sur le monde d’après-guerre, le problème partir ou rester se résoudrait en termes simples : on verrai
3212 ples : on verrait vite que c’est un faux dilemme. Le fait est là : nous allons en dix heures de Lisbonne à New York, de Ne
3213 changeons de continent comme on part en week-end. Le mot partir a donc changé de sens. Il a perdu son aura dramatique. Plu
3214 erdu son aura dramatique. Plus question de couper les ponts, de brûler les pénates, et autres rites attestant devant les mâ
3215 que. Plus question de couper les ponts, de brûler les pénates, et autres rites attestant devant les mânes des ancêtres un c
3216 ler les pénates, et autres rites attestant devant les mânes des ancêtres un choix farouche, irrévocable. Se déplacer devien
3217 emps, comme on prend un billet d’aller et retour. La poésie des voyages a vécu, la tragédie des départs a vécu. Mais ce qu
3218 d’aller et retour. La poésie des voyages a vécu, la tragédie des départs a vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut naître par
3219 t naître parmi nous, c’est un amour plus large de l’ humain, une conception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de la
3220 n amour plus large de l’humain, une conception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de la curiosité, un accueil plus
3221 tion de la fidélité qui ne soit plus exclusive de la curiosité, un accueil plus ferme et plus souple de la diversité des ê
3222 uriosité, un accueil plus ferme et plus souple de la diversité des êtres et des coutumes. Aimez votre terre et quittez-la.
3223 res et des coutumes. Aimez votre terre et quittez- la . Quittez-la trois fois et revenez-y trois et quatre fois, selon l’ari
3224 outumes. Aimez votre terre et quittez-la. Quittez- la trois fois et revenez-y trois et quatre fois, selon l’arithmétique du
3225 ois fois et revenez-y trois et quatre fois, selon l’ arithmétique du cœur. Le nomade n’aime pas sa terre, n’y revient donc
3226 ois et quatre fois, selon l’arithmétique du cœur. Le nomade n’aime pas sa terre, n’y revient donc jamais vraiment. Le pays
3227 e pas sa terre, n’y revient donc jamais vraiment. Le paysan n’aime que sa terre, ne l’aime donc pas de la meilleure manièr
3228 amais vraiment. Le paysan n’aime que sa terre, ne l’ aime donc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et l
3229 paysan n’aime que sa terre, ne l’aime donc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et la comparaison. Il f
3230 onc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et la comparaison. Il faut s’ouvrir. Il faut aimer. Il faut ce
3231 meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et la comparaison. Il faut s’ouvrir. Il faut aimer. Il faut cesser de trouv
3232 l faut cesser de trouver cela nigaud, et de faire le coq de village tout hérissé, griffu, inefficace. Circulez donc, allez
3233 allez voir, et aimez. Puis choisissez. Revenez si le cœur vous en dit. Mais je sais bien qu’il y a les visas. N’acceptons
3234 le cœur vous en dit. Mais je sais bien qu’il y a les visas. N’acceptons pas que cet accident tardif de la démence national
3235 visas. N’acceptons pas que cet accident tardif de la démence nationaliste dénature le problème humain. Lançons une campagn
3236 cident tardif de la démence nationaliste dénature le problème humain. Lançons une campagne mondiale pour la suppression de
3237 oblème humain. Lançons une campagne mondiale pour la suppression des visas, de ces anachronismes scandaleux qui nous empêc
3238 nismes scandaleux qui nous empêchent de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à
3239 eux qui nous empêchent de rejoindre le siècle, de l’ habiter et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre
3240 ècle, de l’habiter et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi servent ces barrages de tampons 
3241 servent ces barrages de tampons ? Comment peut-on les justifier ? Ils n’ont pas arrêté un seul espion, tout en causant la p
3242 n’ont pas arrêté un seul espion, tout en causant la perte des milliers d’innocents. Ils rendent vains les progrès matérie
3243 perte des milliers d’innocents. Ils rendent vains les progrès matériels dont notre basse époque pourrait encore s’enorgueil
3244 rait encore s’enorgueillir. Ils représentent dans l’ esprit des modernes la Fatalité imbécile. Pourquoi donc les acceptons-
3245 llir. Ils représentent dans l’esprit des modernes la Fatalité imbécile. Pourquoi donc les acceptons-nous, comme des mouton
3246 des modernes la Fatalité imbécile. Pourquoi donc les acceptons-nous, comme des moutons, sans qu’une voix ne proteste ? u
3247 Rougemont Denis de, « Faut-il rentrer ? », Pour la Victoire, New York, 4 mai 1946, p. 1-2.
21 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
3248 « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 m
3249 t rentré d’Amérique. Il nous en parle simplement, avec ce sens de l’équilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’em
3250 que. Il nous en parle simplement, avec ce sens de l’ équilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le pr
3251 rle simplement, avec ce sens de l’équilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le prochain aussi, ce
3252 uilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’ empreinte. Le prochain aussi, ce Vivre en Amérique que Stock publier
3253 la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le prochain aussi, ce Vivre en Amérique que Stock publiera cet automne
3254 . Nous questionnons : Dites-nous quels sentiments le contact avec la civilisation américaine éveille chez un Européen ? En
3255 tionnons : Dites-nous quels sentiments le contact avec la civilisation américaine éveille chez un Européen ? En arrivant là-
3256 ons : Dites-nous quels sentiments le contact avec la civilisation américaine éveille chez un Européen ? En arrivant là-bas
3257 eille chez un Européen ? En arrivant là-bas, on a l’ impression très nette de pénétrer dans une autre civilisation. Une imp
3258 eaucoup plus forte que celle qu’éveillent en nous les livres ou même le cinéma. Un sentiment qui dure : pour moi, il a duré
3259 que celle qu’éveillent en nous les livres ou même le cinéma. Un sentiment qui dure : pour moi, il a duré pendant six ans.
3260 duré pendant six ans. Ceci est surtout vrai pour les mœurs, leur détail. Les jugements moraux y sont très différents de ce
3261 eci est surtout vrai pour les mœurs, leur détail. Les jugements moraux y sont très différents de ceux de l’Europe. Là-bas,
3262 ugements moraux y sont très différents de ceux de l’ Europe. Là-bas, certaines choses vont de soi ; chez nous, elles parais
3263 France, par exemple, il était bien vu de tricher avec le fisc ; on s’en vantait. En Amérique, la chose est mal vue. Les gen
3264 ce, par exemple, il était bien vu de tricher avec le fisc ; on s’en vantait. En Amérique, la chose est mal vue. Les gens t
3265 cher avec le fisc ; on s’en vantait. En Amérique, la chose est mal vue. Les gens trichent peut-être, mais je n’en suis pas
3266 s’en vantait. En Amérique, la chose est mal vue. Les gens trichent peut-être, mais je n’en suis pas persuadé. L’Américain
3267 ichent peut-être, mais je n’en suis pas persuadé. L’ Américain s’achète une bonne conscience en payant son dû à l’État. J’a
3268 s’achète une bonne conscience en payant son dû à l’ État. J’admire beaucoup son sens civique. Quand le citoyen est discipl
3269 l’État. J’admire beaucoup son sens civique. Quand le citoyen est discipliné, il n’a pas pour autant l’amour du règlement c
3270 le citoyen est discipliné, il n’a pas pour autant l’ amour du règlement comme en Suisse… J’ai aussi été sensible à une sort
3271 aussi été sensible à une sorte de loufoquerie de la vie américaine. Parfois, on a l’impression que les gens sont un peu f
3272 e loufoquerie de la vie américaine. Parfois, on a l’ impression que les gens sont un peu fous… Ils chantent dans la rue, vo
3273 la vie américaine. Parfois, on a l’impression que les gens sont un peu fous… Ils chantent dans la rue, vous posent les ques
3274 que les gens sont un peu fous… Ils chantent dans la rue, vous posent les questions les plus indiscrètes, entrent chez vou
3275 n peu fous… Ils chantent dans la rue, vous posent les questions les plus indiscrètes, entrent chez vous sans frapper, vous
3276 s chantent dans la rue, vous posent les questions les plus indiscrètes, entrent chez vous sans frapper, vous déclarent sans
3277 ez vous sans frapper, vous déclarent sans ambages le montant de leur revenu. Cinq minutes après avoir fait votre connaissa
3278 appellent par votre prénom et vous invitent pour le prochain week-end. Aux États-Unis, l’étranger est accueilli avec beau
3279 vitent pour le prochain week-end. Aux États-Unis, l’ étranger est accueilli avec beaucoup de gentillesse. Les Américains lu
3280 eek-end. Aux États-Unis, l’étranger est accueilli avec beaucoup de gentillesse. Les Américains lui font crédit. En Europe, p
3281 anger est accueilli avec beaucoup de gentillesse. Les Américains lui font crédit. En Europe, par contre, les liaisons, si e
3282 méricains lui font crédit. En Europe, par contre, les liaisons, si elles sont plus rares, sont plus solides et profondes. O
3283 s camarade ; tout cela glisse, change, glisse… Et l’ inverse ? Quels sont, chez l’Américain, les sentiments éveillés par la
3284 , change, glisse… Et l’inverse ? Quels sont, chez l’ Américain, les sentiments éveillés par la civilisation européenne ? Il
3285 sse… Et l’inverse ? Quels sont, chez l’Américain, les sentiments éveillés par la civilisation européenne ? Il importe de di
3286 nt, chez l’Américain, les sentiments éveillés par la civilisation européenne ? Il importe de distinguer entre plusieurs cl
3287 lusieurs classes d’Américains. Ceux qui ont connu l’ Europe et qui y ont vécu, se distinguent par une sorte de snobisme eur
3288 petite minorité qui affectionne particulièrement la France et la Suisse. L’Américain moyen, qui connaît notre continent p
3289 ité qui affectionne particulièrement la France et la Suisse. L’Américain moyen, qui connaît notre continent par les journa
3290 ectionne particulièrement la France et la Suisse. L’ Américain moyen, qui connaît notre continent par les journaux, nous ju
3291 ’Américain moyen, qui connaît notre continent par les journaux, nous juge assez mal, nous considère comme un pays très comp
3292 sont toujours sur leurs ergots ; des gens en qui l’ on ne peut pas avoir une grande confiance… Ils voient l’Europe un peu
3293 e peut pas avoir une grande confiance… Ils voient l’ Europe un peu comme nous voyions les Balkans avant la guerre. Et puis,
3294 ce… Ils voient l’Europe un peu comme nous voyions les Balkans avant la guerre. Et puis, ils ont un peu peur de nous ; ils c
3295 urope un peu comme nous voyions les Balkans avant la guerre. Et puis, ils ont un peu peur de nous ; ils craignent que nous
3296 urce permanente de désordres et de troubles. Tous les nationalismes européens les effraient. De même qu’il y a en Europe un
3297 et de troubles. Tous les nationalismes européens les effraient. De même qu’il y a en Europe un grand sentiment de supérior
3298 entiment de supériorité à cause de notre culture, l’ inverse existe chez les Américains au point de vue du civisme et de la
3299 é à cause de notre culture, l’inverse existe chez les Américains au point de vue du civisme et de la politique. Ils ont le
3300 z les Américains au point de vue du civisme et de la politique. Ils ont le sentiment d’être decent. Leur opinion est que l
3301 int de vue du civisme et de la politique. Ils ont le sentiment d’être decent. Leur opinion est que les Européens ne sont,
3302 le sentiment d’être decent. Leur opinion est que les Européens ne sont, eux, pas très decent, qualité qu’un jeune citoyen
3303 sa parole et se tenir propre soi-même »… Quant à la masse du centre du pays, elle ne connaît rien de notre continent ; so
3304 e notre continent ; souvent, elle ignore même que la Suisse existe. Un GI m’a récemment déclaré : « La Suisse ? Quand est-
3305 la Suisse existe. Un GI m’a récemment déclaré : «  La Suisse ? Quand est-ce que nous avons bien pu libérer ça ? C’est si pe
3306 i de précision, j’ajouterai que je ne connais que l’ Amérique la moins éloignée de l’Europe. Si de New York vous passez dan
3307 ion, j’ajouterai que je ne connais que l’Amérique la moins éloignée de l’Europe. Si de New York vous passez dans le Middle
3308 je ne connais que l’Amérique la moins éloignée de l’ Europe. Si de New York vous passez dans le Middlewest, ou en Californi
3309 gnée de l’Europe. Si de New York vous passez dans le Middlewest, ou en Californie, ou à La Nouvelle-Orléans, vous ne manqu
3310 passez dans le Middlewest, ou en Californie, ou à La Nouvelle-Orléans, vous ne manquez pas d’observer de fortes nuances da
3311 ne manquez pas d’observer de fortes nuances dans la civilisation. New York constitue un excellent poste d’observation, pa
3312 ue ses habitants y viennent de partout, de toutes les Amériques et de tous les continents. New York résume un peu les États
3313 nt de partout, de toutes les Amériques et de tous les continents. New York résume un peu les États-Unis… Mais un jugement d
3314 et de tous les continents. New York résume un peu les États-Unis… Mais un jugement d’ensemble est impossible. On peut à peu
3315 est impossible. On peut à peu près tout dire sur l’ Amérique : ça sera toujours juste quelque part. Je ne cesse personnell
3316 s. Au contraire, ce pays est celui des contrastes les plus violents. ⁂ Pensez-vous qu’à l’issue de cette dernière guerre, o
3317 ays est celui des contrastes les plus violents. ⁂ Pensez -vous qu’à l’issue de cette dernière guerre, on puisse affirmer que le
3318 contrastes les plus violents. ⁂ Pensez-vous qu’à l’ issue de cette dernière guerre, on puisse affirmer que le centre de gr
3319 de cette dernière guerre, on puisse affirmer que le centre de gravité du monde s’est déplacé en Amérique ? Très nettement
3320 cé en Amérique ? Très nettement. Vue de New York, l’ Europe constitue une espèce de glacis ou s’affrontent le monde anglo-s
3321 pe constitue une espèce de glacis ou s’affrontent le monde anglo-saxon et le monde russe. On a fortement l’impression de l
3322 de glacis ou s’affrontent le monde anglo-saxon et le monde russe. On a fortement l’impression de l’existence de deux pôles
3323 nde anglo-saxon et le monde russe. On a fortement l’ impression de l’existence de deux pôles d’attraction : l’Amérique et l
3324 et le monde russe. On a fortement l’impression de l’ existence de deux pôles d’attraction : l’Amérique et la Russie. Cette
3325 ssion de l’existence de deux pôles d’attraction : l’ Amérique et la Russie. Cette impression est une réalité. Quant à notre
3326 stence de deux pôles d’attraction : l’Amérique et la Russie. Cette impression est une réalité. Quant à notre continent, il
3327 hamp de bataille en puissance. Cela change toutes les perspectives. Le problème France-Allemagne n’a aujourd’hui plus grand
3328 n puissance. Cela change toutes les perspectives. Le problème France-Allemagne n’a aujourd’hui plus grande importance ; il
3329 ’a aujourd’hui plus grande importance ; il a cédé le pas au problème Amérique-URSS. Et que pensent les Américains des Russ
3330 l a cédé le pas au problème Amérique-URSS. Et que pensent les Américains des Russes ? L’opinion est extrêmement mélangée. En gé
3331 le pas au problème Amérique-URSS. Et que pensent les Américains des Russes ? L’opinion est extrêmement mélangée. En généra
3332 -URSS. Et que pensent les Américains des Russes ? L’ opinion est extrêmement mélangée. En général, les hommes d’affaires vo
3333 ? L’opinion est extrêmement mélangée. En général, les hommes d’affaires voudraient que ce monde lointain s’ouvre. Le présid
3334 ffaires voudraient que ce monde lointain s’ouvre. Le président de la Chambre de commerce américaine est allé en Russie ten
3335 nt que ce monde lointain s’ouvre. Le président de la Chambre de commerce américaine est allé en Russie tenir des discours
3336 ours capitalistes… D’autres gens voudraient faire la guerre à la Russie sans plus attendre, en se servant de la bombe atom
3337 istes… D’autres gens voudraient faire la guerre à la Russie sans plus attendre, en se servant de la bombe atomique, etc. M
3338 à la Russie sans plus attendre, en se servant de la bombe atomique, etc. Moscou, qui a toujours eu cette espèce de « comp
3339 e referme trop sur elle-même. Il est difficile de la comprendre de l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle
3340 est difficile de la comprendre de l’autre côté de l’ Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ? La vie scientifique est très r
3341 de la comprendre de l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’ Amérique intellectuelle ? La vie scientifique est très remarquable ; l
3342 côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ? La vie scientifique est très remarquable ; l’énergie atomique en est la
3343 elle ? La vie scientifique est très remarquable ; l’ énergie atomique en est la preuve. La civilisation américaine devient
3344 est très remarquable ; l’énergie atomique en est la preuve. La civilisation américaine devient de plus en plus une civili
3345 emarquable ; l’énergie atomique en est la preuve. La civilisation américaine devient de plus en plus une civilisation scie
3346 s une civilisation scientifique, par opposition à la civilisation plus littéraire, philosophique ou juridique de l’Europe.
3347 on plus littéraire, philosophique ou juridique de l’ Europe. Dans les écoles américaines, on enseigne aux enfants combien d
3348 ire, philosophique ou juridique de l’Europe. Dans les écoles américaines, on enseigne aux enfants combien de calories, de v
3349 saires à leur organisme. Tout le monde a, là-bas, le plus grand respect pour les experts en n’importe quoi. Au point de vu
3350 ut le monde a, là-bas, le plus grand respect pour les experts en n’importe quoi. Au point de vue littéraire et philosophiqu
3351 s rien de très neuf qui se soit développé pendant la guerre ou après. Entre 1918 et 1939, l’Amérique a connu une grande pé
3352 é pendant la guerre ou après. Entre 1918 et 1939, l’ Amérique a connu une grande période littéraire. Je ne distingue actuel
3353 e ne distingue actuellement pas d’école nouvelle. Les jeunes écrivains gardent un œil ouvert sur l’Europe. C’est toujours d
3354 e. Les jeunes écrivains gardent un œil ouvert sur l’ Europe. C’est toujours de là que vient l’initiative. Ce qu’ils ont de
3355 vert sur l’Europe. C’est toujours de là que vient l’ initiative. Ce qu’ils ont de plus que nous, c’est un grand art du repo
3356 lus que nous, c’est un grand art du reportage, de la description. Ils ont indiscutablement créé le style du grand reportag
3357 de la description. Ils ont indiscutablement créé le style du grand reportage. Je connais quelques jeunes poètes, pas du t
3358 t un lyrisme très violent et très coloré… Quant à l’ Amérique sociale… Socialement parlant, l’ouvrier américain est un bour
3359 Quant à l’Amérique sociale… Socialement parlant, l’ ouvrier américain est un bourgeois. Il a sa voiture, sa maison ou un a
3360 ois. Il a sa voiture, sa maison ou un appartement avec salle de bains. Dans les grandes villes, on remarque de la misère. Ce
3361 aison ou un appartement avec salle de bains. Dans les grandes villes, on remarque de la misère. Certains quartiers sont trè
3362 de bains. Dans les grandes villes, on remarque de la misère. Certains quartiers sont très tristes. La conscience politique
3363 la misère. Certains quartiers sont très tristes. La conscience politique de la classe ouvrière, si vivante chez nous, est
3364 ers sont très tristes. La conscience politique de la classe ouvrière, si vivante chez nous, est presque inexistante là-bas
3365 ivante chez nous, est presque inexistante là-bas. Les grèves peuvent être violentes, mais cela ne veut pas dire que l’on so
3366 nt être violentes, mais cela ne veut pas dire que l’ on soit de droite ou de gauche. On fait la grève pour des raisons pure
3367 ire que l’on soit de droite ou de gauche. On fait la grève pour des raisons purement pratiques et non au nom du marxisme…
3368 clusion, une « cure d’Amérique » est profitable à l’ Européen ? Absolument ! Ce que je souhaite, c’est qu’on envoie le plus
3369 solument ! Ce que je souhaite, c’est qu’on envoie le plus grand nombre possible d’Européens outre-Atlantique pour y vivre
3370 sement. Je ne vois pas d’hostilité possible entre les deux continents — qui se complètent admirablement. Les différences so
3371 eux continents — qui se complètent admirablement. Les différences sont fortes, certes ; mais elles sont tout à fait concili
3372 tes ; mais elles sont tout à fait conciliables. À l’ Amérique, nous pouvons apporter beaucoup de raffinement et un sens des
3373 raffinement et un sens des valeurs spirituelles. Les Américains nous apportent la franchise dans la vie, la liberté d’allu
3374 leurs spirituelles. Les Américains nous apportent la franchise dans la vie, la liberté d’allure et beaucoup de gentillesse
3375 . Les Américains nous apportent la franchise dans la vie, la liberté d’allure et beaucoup de gentillesse. Telle est la « l
3376 éricains nous apportent la franchise dans la vie, la liberté d’allure et beaucoup de gentillesse. Telle est la « leçon d’A
3377 té d’allure et beaucoup de gentillesse. Telle est la « leçon d’Amérique » que nous a donnée M. Denis de Rougemont. En conc
3378 our cent… w. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique », L’Il
3379 té du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique », L’ Illustré, Lausanne, 16 mai 1946, p. 5 et 23. x. Propos recueillis par
3380 os recueillis par Georges Gygax et introduits par la note suivante : « Un écrivain nous est revenu. Il nous est revenu de
3381 n écrivain nous est revenu. Il nous est revenu de la lointaine et si proche Amérique, emportant avec lui, pour nous le com
3382 de la lointaine et si proche Amérique, emportant avec lui, pour nous le communiquer avec la belle générosité des gens d’esp
3383 si proche Amérique, emportant avec lui, pour nous le communiquer avec la belle générosité des gens d’esprit, un riche mess
3384 que, emportant avec lui, pour nous le communiquer avec la belle générosité des gens d’esprit, un riche message gonflé de réa
3385 emportant avec lui, pour nous le communiquer avec la belle générosité des gens d’esprit, un riche message gonflé de réalit
3386 longtemps, puisqu’il se prépare déjà à repartir à la découverte de ce continent qui, à lui seul, constitue un monde. Quell
3387 lleuse exploration pour qui sait respecter, après l’ avoir établi, le contact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il
3388 on pour qui sait respecter, après l’avoir établi, le contact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il ne s’accompagne
3389 sait respecter, après l’avoir établi, le contact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contac
3390 respecter, après l’avoir établi, le contact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contact d
3391 avoir établi, le contact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contact des sens, conduit à l
3392 e s’accompagne pas du contact des sens, conduit à l’ insondable gouffre de l’abstraction. M. de Rougemont, lui, a vécu l’Am
3393 ntact des sens, conduit à l’insondable gouffre de l’ abstraction. M. de Rougemont, lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’est pas
3394 re de l’abstraction. M. de Rougemont, lui, a vécu l’ Amérique. Il ne s’est pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’
3395 , lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’est pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est donné à so
3396 mérique. Il ne s’est pas borné à la survoler : il l’ a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est donné à son expérience créa
3397 elle, il s’est donné à son expérience créatrice. L’ auteur de Politique de la personne , de Penser avec les mains (quel
3398 n expérience créatrice. L’auteur de Politique de la personne , de Penser avec les mains (quel beau titre, solide, puiss
3399 ), du Journal d’un intellectuel en chômage , de L’ Amour et l’Occident , de tant d’autres œuvres auxquelles sa personnali
3400 nal d’un intellectuel en chômage , de L’Amour et l’ Occident , de tant d’autres œuvres auxquelles sa personnalité a imprim
3401 u de vie, de foi et de vérité, doit être classé à l’ opposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de la superficialit
3402 ssé à l’opposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de la superficialité. Et Dieu seul est capable de dessiner les
3403 sé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de la superficialité. Et Dieu seul est capable de dessiner les contours de
3404 erficialité. Et Dieu seul est capable de dessiner les contours de ce mot « superficiel », qui gouverne le monde ! Bien avan
3405 contours de ce mot « superficiel », qui gouverne le monde ! Bien avant la sanglante tragédie, Denis de Rougemont, dans so
3406 superficiel », qui gouverne le monde ! Bien avant la sanglante tragédie, Denis de Rougemont, dans son Journal d’Allemagne
3407 mont, dans son Journal d’Allemagne , définissait le national-socialisme, « phénomène à la fois mythique et mystique ». N’
3408 érité aux nations qui s’apprêtaient joyeusement à la chute dans l’abîme : « Personne et pensée ne sont point séparables, e
3409 ons qui s’apprêtaient joyeusement à la chute dans l’ abîme : « Personne et pensée ne sont point séparables, et toutes deux
3410 e dans cet acte unique d’obéissance qui s’appelle l’ amour du prochain »…
22 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
3411 Histoire de singes ou deux secrets de l’ Europe (16 mai 1946)v Jeune Amérique, vieille Europe. Patrie de l’a
3412 46)v Jeune Amérique, vieille Europe. Patrie de l’ avenir et patrie de la mémoire. Dynamisme allégé du poids des traditio
3413 , vieille Europe. Patrie de l’avenir et patrie de la mémoire. Dynamisme allégé du poids des traditions et querelles ancest
3414 querelles ancestrales qui tournent en rond. C’est la rumeur du xxe siècle. Elle a cours en Europe au moins autant qu’aill
3415 nous tenter d’abandon aux prétendues fatalités de l’ Histoire. Mais il n’est point de fatalité pour l’homme qui ne recule p
3416 l’Histoire. Mais il n’est point de fatalité pour l’ homme qui ne recule pas devant sa liberté, et qui accepte les risques
3417 i ne recule pas devant sa liberté, et qui accepte les risques de son choix. Laissons l’Histoire telle qu’on la simplifie en
3418 et qui accepte les risques de son choix. Laissons l’ Histoire telle qu’on la simplifie en courbes ascendantes et descendant
3419 ues de son choix. Laissons l’Histoire telle qu’on la simplifie en courbes ascendantes et descendantes. Tout peut encore se
3420 eut encore se renverser, et plus d’une fois, dans les destins de collectivités aussi complexes que celles que je viens de c
3421 que je viens de citer. Je n’entends pas attaquer les jeunes puissances, ni faire l’apologie du vieillissement. Mais j’empr
3422 ends pas attaquer les jeunes puissances, ni faire l’ apologie du vieillissement. Mais j’emprunterai à des recherches récent
3423 s : ils me paraissent propres à nous persuader de la fécondité de certaines valeurs que l’Europe a promues patiemment et q
3424 ersuader de la fécondité de certaines valeurs que l’ Europe a promues patiemment et qu’elle illustre encore aux yeux du mon
3425 ustre encore aux yeux du monde. Je veux parler de la « mémoire » et de l’« expérience historique », qui est celle des épre
3426 du monde. Je veux parler de la « mémoire » et de l’ « expérience historique », qui est celle des épreuves et des échecs. L
3427 ique », qui est celle des épreuves et des échecs. L’ étude des singes et de leur attristante psychologie nous révèle que ce
3428 que ces faux ancêtres ne sont guère inférieurs à l’ homme sous le rapport de l’intelligence ! Leur malheur est qu’ils n’on
3429 ont guère inférieurs à l’homme sous le rapport de l’ intelligence ! Leur malheur est qu’ils n’ont aucune mémoire. Ils se vo
3430 ligés chaque matin de reconstruire leur monde, de l’ apprendre à nouveau et de réinventer les gestes élémentaires. Ce trava
3431 monde, de l’apprendre à nouveau et de réinventer les gestes élémentaires. Ce travail de Sisyphe les épuise et les condamne
3432 er les gestes élémentaires. Ce travail de Sisyphe les épuise et les condamne à rester singes. Il les réduit à imiter, là où
3433 élémentaires. Ce travail de Sisyphe les épuise et les condamne à rester singes. Il les réduit à imiter, là où nous sommes c
3434 he les épuise et les condamne à rester singes. Il les réduit à imiter, là où nous sommes capables d’innover en tirant les l
3435 r, là où nous sommes capables d’innover en tirant les leçons d’expériences de la veille. Singe est celui qui doit refaire c
3436 s d’innover en tirant les leçons d’expériences de la veille. Singe est celui qui doit refaire chaque jour le chemin perdu
3437 lle. Singe est celui qui doit refaire chaque jour le chemin perdu pendant la nuit, faute de repères, faute d’un passé viva
3438 doit refaire chaque jour le chemin perdu pendant la nuit, faute de repères, faute d’un passé vivant, et faute de traditio
3439 magine qu’il invente sans cesse. Il ne croit qu’à l’ actualité, aux nouvelles toutes chaudes, à la dernière tactique, et ne
3440 parabole du siècle. Cela se passe on Russie, dans l’ école de Pavlov, auteur de célèbres travaux sur les réflexes condition
3441 l’école de Pavlov, auteur de célèbres travaux sur les réflexes conditionnés des chiens. Ses disciples ont passé des chiens
3442 sé des chiens aux singes. On prend dix singes, on les range dans une chambre, le long d’une des parois. À l’autre extrémité
3443 prend dix singes, on les range dans une chambre, le long d’une des parois. À l’autre extrémité de la pièce se dresse un g
3444 le long d’une des parois. À l’autre extrémité de la pièce se dresse un grand meuble à tiroirs. Dans les tiroirs on a mis
3445 a pièce se dresse un grand meuble à tiroirs. Dans les tiroirs on a mis des bananes. Sur un signal donné par une sirène, les
3446 des bananes. Sur un signal donné par une sirène, les singes sont lâchés dans la chambre. Ils découvrent bientôt les tiroir
3447 donné par une sirène, les singes sont lâchés dans la chambre. Ils découvrent bientôt les tiroirs, ils les ouvrent et dévor
3448 nt lâchés dans la chambre. Ils découvrent bientôt les tiroirs, ils les ouvrent et dévorent les bananes. On répète le manège
3449 chambre. Ils découvrent bientôt les tiroirs, ils les ouvrent et dévorent les bananes. On répète le manège un grand nombre
3450 bientôt les tiroirs, ils les ouvrent et dévorent les bananes. On répète le manège un grand nombre de fois, pour habituer l
3451 ls les ouvrent et dévorent les bananes. On répète le manège un grand nombre de fois, pour habituer les animaux à courir ve
3452 le manège un grand nombre de fois, pour habituer les animaux à courir vers le meuble au signal. Après un certain temps d’i
3453 de fois, pour habituer les animaux à courir vers le meuble au signal. Après un certain temps d’interruption, on ramène le
3454 Après un certain temps d’interruption, on ramène les sujets dans la même chambre. La sirène hurle, les singes se précipite
3455 n temps d’interruption, on ramène les sujets dans la même chambre. La sirène hurle, les singes se précipitent, arrachent l
3456 ption, on ramène les sujets dans la même chambre. La sirène hurle, les singes se précipitent, arrachent les tiroirs — et l
3457 les sujets dans la même chambre. La sirène hurle, les singes se précipitent, arrachent les tiroirs — et les trouvent vides.
3458 irène hurle, les singes se précipitent, arrachent les tiroirs — et les trouvent vides. La plupart de ces animaux montrent a
3459 singes se précipitent, arrachent les tiroirs — et les trouvent vides. La plupart de ces animaux montrent alors les signes e
3460 t vides. La plupart de ces animaux montrent alors les signes extérieurs de la crise de nerfs, du « nervous break down » le
3461 s animaux montrent alors les signes extérieurs de la crise de nerfs, du « nervous break down » le plus caractérisé ! L’Eur
3462 s de la crise de nerfs, du « nervous break down » le plus caractérisé ! L’Européen, que vingt siècles d’histoire accoutumè
3463 , du « nervous break down » le plus caractérisé ! L’ Européen, que vingt siècles d’histoire accoutumèrent à trouver le tiro
3464 vingt siècles d’histoire accoutumèrent à trouver le tiroir vide neuf fois sur dix, réagit d’une toute autre manière. Il v
3465 ix, réagit d’une toute autre manière. Il vient de le prouver pendant six ans. Il se souvient — non pas de ces épreuves-là
3466 ais de quelque chose de plus profond, qui définit la condition humaine. S’agirait-il d’une sorte de méfiance ? Disons plut
3467 de méfiance ? Disons plutôt d’une sobriété devant le destin. Il se souvient que tout peut arriver, même le pire. Il presse
3468 estin. Il se souvient que tout peut arriver, même le pire. Il pressent que le sort, la science, le monde moderne et sa pro
3469 tout peut arriver, même le pire. Il pressent que le sort, la science, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas les g
3470 t arriver, même le pire. Il pressent que le sort, la science, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas les garants in
3471 ême le pire. Il pressent que le sort, la science, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas les garants infaillibles d
3472 ce, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas les garants infaillibles d’un bonheur qui lui serait dû. L’échec pour lui
3473 ants infaillibles d’un bonheur qui lui serait dû. L’ échec pour lui — guerre, privations, retards — n’est pas une déception
3474 ’est pas une déception totalement scandaleuse qui le laisserait tout béant sur l’absurde, car une obscure sagesse en lui s
3475 ment scandaleuse qui le laisserait tout béant sur l’ absurde, car une obscure sagesse en lui s’y attendait ; elle le tenait
3476 r une obscure sagesse en lui s’y attendait ; elle le tenait prêt à subir en souplesse les mécomptes, à vrai dire normaux,
3477 endait ; elle le tenait prêt à subir en souplesse les mécomptes, à vrai dire normaux, de l’optimisme automatique conditionn
3478 souplesse les mécomptes, à vrai dire normaux, de l’ optimisme automatique conditionné par la publicité et les sirènes du p
3479 rmaux, de l’optimisme automatique conditionné par la publicité et les sirènes du progrès. Et c’est pourquoi il tiendra le
3480 misme automatique conditionné par la publicité et les sirènes du progrès. Et c’est pourquoi il tiendra le coup. v. Rouge
3481 sirènes du progrès. Et c’est pourquoi il tiendra le coup. v. Rougemont Denis de, « Histoire de singes ou deux secrets
3482 Denis de, « Histoire de singes ou deux secrets de l’ Europe », Servir, Lausanne, 16 mai 1946, p. 1.
23 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
3483 La pensée planétaire (30 mai 1946)y Le xxe siècle est en train de dé
3484 La pensée planétaire (30 mai 1946)y Le xxe siècle est en train de découvrir ce qu’on savait depuis un certa
3485 on n’avait jamais très bien compris, à savoir que la terre est ronde. D’où il résulte, entre autres conséquences, que si v
3486 utres conséquences, que si vous tirez devant vous avec une arme assez puissante vous recevrez le projectile dans le dos, au
3487 vous avec une arme assez puissante vous recevrez le projectile dans le dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelq
3488 assez puissante vous recevrez le projectile dans le dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelque chose d’importan
3489 gnifie quelque chose d’important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairem
3490 a bientôt nécessairement, si nos moyens passent à l’ échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fu
3491 nt, si nos moyens passent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des pr
3492 ssent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à
3493 ire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ;
3494 che servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion
3495 s villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents
3496 ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la
3497 provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’ avion à la guerre des continents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-ell
3498 ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-elle ? À la g
3499 ns ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire à
3500 inents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire à une guerre qui nous atteint tous, e
3501 ous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour une époque donnée, me parai
3502 e faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir êtr
3503 que donnée, me paraissent pouvoir être mesurées à la portée des armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les prémic
3504 s armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les prémices d’une théorie sociologique flambant neuve !) À l’arme planét
3505 es d’une théorie sociologique flambant neuve !) À l’ arme planétaire correspond donc une communauté universelle, qui relègu
3506 pond donc une communauté universelle, qui relègue les nations au rang de simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques
3507 ues instants dans ce jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée p
3508 ts dans ce jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et
3509 jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout te
3510 tant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme
3511 symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme objet ron
3512 Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’ Unité considérée partout et de tout temps comme objet rond, pomme, sph
3513 rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce soit l’ Univers ou l’Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le micr
3514 sphère ou sceptre d’or, que ce soit l’Univers ou l’ Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond
3515 ceptre d’or, que ce soit l’Univers ou l’Empire ou l’ Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocos
3516 que ce soit l’Univers ou l’Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre s
3517 Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre siècle arrive à digérer et
3518 il aura fait une révolution bien plus grande que la Renaissance. Il semble que la dernière guerre a beaucoup fait pour év
3519 ernière guerre a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette pl
3520 re a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie
3521 dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montm
3522 ntmartre, intéressa pendant dix ans, directement, la vie courante des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’A
3523 habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’ Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en subit
3524 ues Nord, Centre, Sud, et de l’Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en subit les effets moins dire
3525 a moitié du genre humain. L’autre moitié en subit les effets moins directs, mais pourtant notables : les Français eussent m
3526 es effets moins directs, mais pourtant notables : les Français eussent mieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n
3527 Français eussent mieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n’avaient pas été trop occupés dans le Pacifique. Les A
3528 cargos alliés n’avaient pas été trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solida
3529 n’avaient pas été trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solidarité pratique d
3530 Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solidarité pratique des différentes parties du globe est un fait dure
3531 ermédiaire, qui est celle du fait psychologique : la formation d’une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas d
3532 es, Londoniens, Madrilènes, Parisiens ou Romains, avec nos clans, nos écoles, nos partis et nos disputes centenaires ou quin
3533 tis et nos disputes centenaires ou quinquennales, avec nos allusions perfides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si l’
3534 fides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si l’ on se déplace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien
3535 s d’avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent intraduisibles pour qui ne peut y aller v
3536 ous n’apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leur
3537 n. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que l
3538 ne pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se seront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mine
3539 ront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mineurs du pays de Galles n’auront plus de viande pendant des mois, p
3540 auront plus de viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentine se seront enfin organisés contre les grands « estan
3541 éons d’Argentine se seront enfin organisés contre les grands « estancieros ». Vous pourrez toujours essayer d’expliquer aux
3542 rrez toujours essayer d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie amér
3543 pliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie américaine »… Que faire ? Tout
3544 crise que ce n’est pas la faute des députés ni de l’ « hypocrisie américaine »… Que faire ? Tout le monde ne peut pas tout
3545 out savoir, encore moins tout voir et comprendre. Les problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent p
3546 core moins tout voir et comprendre. Les problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent pour nous terre
3547 ent inexplorées. « Hic sunt leones » inscrivaient les géographes du Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’
3548 s » inscrivaient les géographes du Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’Europe, « ici vivent les lions ».
3549 en Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’ Europe, « ici vivent les lions ». Et pourtant nous sommes destinés à d
3550 marges de leurs cartes de l’Europe, « ici vivent les lions ». Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ces
3551 cessité qu’il faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse, et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, s
3552 faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse, et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges
3553 rd sentir. Et qu’aussitôt la presse, et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges rubriques
3554 ussitôt la presse, et la radio, le cinéma surtout l’ éveillent et la propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’
3555 se, et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est p
3556 nde bien, mais de sens, de vision, d’ouverture de l’ esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de poé
3557 estion de poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous les écrivains français, ceux que je vois manifester le sentiment le plus
3558 s écrivains français, ceux que je vois manifester le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont pré
3559 rançais, ceux que je vois manifester le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux
3560 je vois manifester le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint
3561 sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anaba
3562 ieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de l’Exil, et Paul Claudel, notre gr
3563 x poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de l’ Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur pro
3564 rose et dans leurs longs versets, quel qu’en soit le sujet allégué, nous avons pour la première fois senti, sous le drapé
3565 gué, nous avons pour la première fois senti, sous le drapé d’un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, l
3566 sous le drapé d’un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire de
3567 français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’ Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur de
3568 s riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur de Boule q
3569 ue fut « Saint-Ex »13, le premier qui me parla de la Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime ? Sinon qu’il fut
3570 action, en vision créatrice. 13. Saint-Exupéry, l’ auteur de Vol de Nuit et de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de,
3571 t de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de, «  La pensée planétaire », Servir, Lausanne, 30 mai 1946, p. 1.
24 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
3572 La fin du monde (juin 1946)aa Æternitas non est temporis successio s
3573 uccessio sine fine, sed nunc stans. Parmi toutes les libertés que la pensée se donne lorsque, se dégageant de notre condit
3574 e, sed nunc stans. Parmi toutes les libertés que la pensée se donne lorsque, se dégageant de notre condition, elle imagin
3575 condition, elle imagine des idées qui détruisent l’ homme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l
3576 n, elle imagine des idées qui détruisent l’homme, l’ on rencontre sans trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de
3577 uisent l’homme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’ idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détr
3578 omme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’idée de l’ homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’id
3579 re sans trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’ idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qu
3580 op d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de l’ homme qui pense cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qui pensez,
3581 l’idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qui pensez, un jour ne sere
3582 l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’ idée que vous, et qui pensez, un jour ne serez plus, un jour serez un
3583 nse cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qui pensez , un jour ne serez plus, un jour serez un mort. Si « macabre » désigne
3584 serez un mort. Si « macabre » désigne assez bien l’ étrangeté de la mort des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire
3585 Si « macabre » désigne assez bien l’étrangeté de la mort des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire de sa propre mo
3586 e mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditation que je poursuis entre ces phrases, dans cette matinée blan
3587 ’arrête avant midi, pour moi ? Je ne sens pas que l’ idée soit tragique : elle m’appartient, je puis en disposer, feindre a
3588 qu’une ruse cousue de fil blanc de ma vitalité : la seule pensée que mon souffle puisse, dans quelques instants, s’arrête
3589 Et cela ne signifie point que nous n’ayons jamais pensé à notre mort avec une rapide angoisse — nous y pensons bien plus que
3590 point que nous n’ayons jamais pensé à notre mort avec une rapide angoisse — nous y pensons bien plus que nous n’osons le cr
3591 sé à notre mort avec une rapide angoisse — nous y pensons bien plus que nous n’osons le croire, sans doute ne pensons-nous qu’à
3592 oisse — nous y pensons bien plus que nous n’osons le croire, sans doute ne pensons-nous qu’à elle — mais nous n’avons jama
3593 en plus que nous n’osons le croire, sans doute ne pensons -nous qu’à elle — mais nous n’avons jamais pu penser notre mort. Conte
3594 sons-nous qu’à elle — mais nous n’avons jamais pu penser notre mort. Contester là-dessus serait fournir l’aveu d’une impuissan
3595 er notre mort. Contester là-dessus serait fournir l’ aveu d’une impuissance à comprendre le mot penser dans son sens fort.
3596 ait fournir l’aveu d’une impuissance à comprendre le mot penser dans son sens fort. Car penser sa mort réellement, ce sera
3597 rnir l’aveu d’une impuissance à comprendre le mot penser dans son sens fort. Car penser sa mort réellement, ce serait aussitôt
3598 comprendre le mot penser dans son sens fort. Car penser sa mort réellement, ce serait aussitôt mourir. Peut-être avons-nous l
3599 e serait aussitôt mourir. Peut-être avons-nous là le seul critère d’une perfection intellectuelle, et l’on conçoit que son
3600 seul critère d’une perfection intellectuelle, et l’ on conçoit que son application ne puisse être ni rapportée ni répétée.
3601 ragiques, c’est-à-dire sans appel. Ontologie de la fin Pour que nous apparaisse parfois l’étrangeté d’une telle situa
3602 gie de la fin Pour que nous apparaisse parfois l’ étrangeté d’une telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’
3603 aisse parfois l’étrangeté d’une telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’une instance mystérieuse aimante not
3604 e mystérieuse aimante notre méditation et qu’elle la fixe sur cela que le naturel se refuse à prendre au sérieux ? Car si
3605 notre méditation et qu’elle la fixe sur cela que le naturel se refuse à prendre au sérieux ? Car si nous restons impuissa
3606 re au sérieux ? Car si nous restons impuissants à penser notre mort dans le vif, ce phénomène doit normalement être aperçu com
3607 nous restons impuissants à penser notre mort dans le vif, ce phénomène doit normalement être aperçu comme négligeable ; et
3608 aperçu comme négligeable ; et s’y attarder serait le fait d’une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’utopie deva
3609 ’une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’ utopie devant ma mort. De là vient que l’humanité, dans son ensemble,
3610 e crie à l’utopie devant ma mort. De là vient que l’ humanité, dans son ensemble, résiste instinctivement à la pensée de la
3611 ité, dans son ensemble, résiste instinctivement à la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bie
3612 ensemble, résiste instinctivement à la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’app
3613 pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à la rendre ab
3614 orces de la « réaliser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à la rendre abstraite et lointaine, à la chasser à tout
3615 ser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à la rendre abstraite et lointaine, à la chasser à tout jamais dans un fut
3616 squalifier, à la rendre abstraite et lointaine, à la chasser à tout jamais dans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi
3617 er à tout jamais dans un futur indéfini. Ainsi de l’ homme, ainsi de l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l’ho
3618 ans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi de l’ humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l’homme meurt. Pourquo
3619 l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l’ homme meurt. Pourquoi suis-je donc ici à remuer ces choses ? Il est vr
3620 ici à remuer ces choses ? Il est vrai que ce sont les seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que le t
3621 choses ? Il est vrai que ce sont les seules dont l’ intérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que le temps va toujour
3622 i que ce sont les seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que le temps va toujours dans le même sens :
3623 ce sont les seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que le temps va toujours dans le même sens : ver
3624 seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, si l’ on admet que le temps va toujours dans le même sens : vers sa fin. Mai
3625 ntérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que le temps va toujours dans le même sens : vers sa fin. Mais c’est une mau
3626 emps, si l’on admet que le temps va toujours dans le même sens : vers sa fin. Mais c’est une mauvaise raison. Depuis qu’il
3627 aise raison. Depuis qu’il court ainsi, mesuré par les saisons régulières, le temps nous endort bien plutôt qu’il ne nous av
3628 l court ainsi, mesuré par les saisons régulières, le temps nous endort bien plutôt qu’il ne nous avertit de son but. Si l’
3629 bien plutôt qu’il ne nous avertit de son but. Si l’ homme savait un jour ce qu’il en est de son destin et de sa liberté, s
3630 est de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’ œil nu, leur sens dernier et l’enjeu véritable de ses choix, à qui rev
3631 rté, s’il voyait à l’œil nu, leur sens dernier et l’ enjeu véritable de ses choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ?
3632 l’enjeu véritable de ses choix, à qui reviendrait l’ empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne ra
3633 choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À l’ Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait pas avec moins d
3634 de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait pas avec moins d’envie le débauché, dont il faudra
3635 ste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait pas avec moins d’envie le débauché, dont il faudrait encore plaindre l’arrière
3636 me ? Le sage ne raillerait pas avec moins d’envie le débauché, dont il faudrait encore plaindre l’arrière-pensée, l’impuis
3637 vie le débauché, dont il faudrait encore plaindre l’ arrière-pensée, l’impuissance à choisir sans retour. Vivre est impur,
3638 ont il faudrait encore plaindre l’arrière-pensée, l’ impuissance à choisir sans retour. Vivre est impur, qu’on sache ou non
3639 retour. Vivre est impur, qu’on sache ou non où va la vie, et c’est pourquoi les bonnes raisons n’expliquent pas notre réal
3640 u’on sache ou non où va la vie, et c’est pourquoi les bonnes raisons n’expliquent pas notre réalité, mais seulement ce qui
3641 pliquent pas notre réalité, mais seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a les meilleures raisons du mond
3642 éalité, mais seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a les meilleures raisons du monde d’être pensée ; to
3643 seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a les meilleures raisons du monde d’être pensée ; toutefois l’eff
3644 ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a les meilleures raisons du monde d’être pensée ; toutefois l’effort entier
3645 leures raisons du monde d’être pensée ; toutefois l’ effort entier de notre vie la neutralise. D’où vient alors cette prise
3646 e pensée ; toutefois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’où vient alors cette prise de conscience, d’une menace,
3647 prise de conscience, d’une menace, mais aussi de l’ incapacité où se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ? D’où vi
3648 e menace, mais aussi de l’incapacité où se trouve l’ homme à penser concrètement sa fin ? D’où vient qu’imperceptible encor
3649 mais aussi de l’incapacité où se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ? D’où vient qu’imperceptible encore au plus gran
3650 imperceptible encore au plus grand nombre, à tous les lettrés sans esprit, la pensée de la catastrophe s’acclimate lentemen
3651 lus grand nombre, à tous les lettrés sans esprit, la pensée de la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sin
3652 bre, à tous les lettrés sans esprit, la pensée de la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon de la Fin
3653 s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’écrir
3654 , sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’écrire ces pages et qui pourrait suspendre i
3655 , me jetant dans mon jugement ? S’il nous vient à l’ idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est l
3656 t dans mon jugement ? S’il nous vient à l’idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise déjà q
3657 l nous vient à l’idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise déjà qui affleure, nous ave
3658 e penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense , c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’attes
3659 e mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’atteste. La
3660 c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en so
3661 ise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’ atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en son temps, qu
3662 ffleure, nous avertit de la Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en son temps, qu’aux yeux de c
3663 s avertit de la Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en son temps, qu’aux yeux de ceux qu’une r
3664 de ceux qu’une réalité nouvelle illuminait. Sans la vie, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mai
3665 ité nouvelle illuminait. Sans la vie, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle encor
3666 inait. Sans la vie, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle encore confusément. Nou
3667 que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle encore confusément. Nous sommes là comme en
3668 ent. Nous sommes là comme en rêve, empêtrés, dans le sentiment d’une urgence que nous ne parvenons pas à distinguer avec d
3669 ne urgence que nous ne parvenons pas à distinguer avec des yeux bien dessillés. C’est assez pour l’angoisse et trop peu pour
3670 er avec des yeux bien dessillés. C’est assez pour l’ angoisse et trop peu pour agir. Ainsi le grand décret de crise qui sév
3671 ssez pour l’angoisse et trop peu pour agir. Ainsi le grand décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle n’est qu’une pre
3672 siècle n’est qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. Une première demande d’informer. Non pas encore l’Arrêt dernier,
3673 . Une première demande d’informer. Non pas encore l’ Arrêt dernier, mais déjà ce ralentissement qui nous fait accéder à la
3674 is déjà ce ralentissement qui nous fait accéder à la conscience obscure d’un danger proche, — ce crépuscule qui est peut-ê
3675 e, — ce crépuscule qui est peut-être une aube, et la frange de cet éclat qui doit consumer toute chair. Dans cette lueur s
3676 cette lueur suspecte, risque un jour d’apparaître la face réelle de la Terre. Et déjà, par intermittence, certains, ont en
3677 te, risque un jour d’apparaître la face réelle de la Terre. Et déjà, par intermittence, certains, ont entrevu et tenté de
3678 mittence, certains, ont entrevu et tenté de juger les buts réels de notre marche séculaire. Que savons-nous du sens de notr
3679 ns de notre civilisation ? Quelle est sa fin, dès l’ origine, quel est son rêve ? La grandeur ? Nous avons détruit toute me
3680 le est sa fin, dès l’origine, quel est son rêve ? La grandeur ? Nous avons détruit toute mesure, et plus rien n’est grand
3681 etit, mais toute chose sans répit nous provoque à la dépasser. La liberté ? Nous avons encombré la terre entière de barriè
3682 ute chose sans répit nous provoque à la dépasser. La liberté ? Nous avons encombré la terre entière de barrières destinées
3683 e à la dépasser. La liberté ? Nous avons encombré la terre entière de barrières destinées à protéger sa course. L’amour ?
3684 ière de barrières destinées à protéger sa course. L’ amour ? La solidarité ? Ce sont des idéaux de ligues, des mots qu’on n
3685 rrières destinées à protéger sa course. L’amour ? La solidarité ? Ce sont des idéaux de ligues, des mots qu’on n’ose plus
3686 des mots qu’on n’ose plus employer qu’au dessert. La richesse ? Voici qu’elle n’est plus à la portée des mains humaines, e
3687 dessert. La richesse ? Voici qu’elle n’est plus à la portée des mains humaines, elle n’est plus qu’un symbole chiffré dési
3688 chesse ? Voici qu’elle n’est plus à la portée des mains humaines, elle n’est plus qu’un symbole chiffré désignant des puissan
3689 elle reste liée au rêve d’activité qui tourmente l’ Occident depuis des siècles. Mais ce rêve, à son tour se trouble ; il
3690 se trouble ; il faiblit, il ne couvre plus toute l’ étendue de la conscience humaine… Car notre volonté n’est plus de conq
3691 il faiblit, il ne couvre plus toute l’étendue de la conscience humaine… Car notre volonté n’est plus de conquérir, mais s
3692 n’est plus de conquérir, mais seulement d’assurer la vie du plus grand nombre contre les créations catastrophiques des Hér
3693 ment d’assurer la vie du plus grand nombre contre les créations catastrophiques des Héros ou des grands Névrosés. Un doute
3694 es de moralistes tardivement ressaisis, d’évaluer les conquêtes futures. Signe évident que nous les redoutons. (Si le temps
3695 uer les conquêtes futures. Signe évident que nous les redoutons. (Si le temps, désormais, travaillait contre nous ?) Et le
3696 utures. Signe évident que nous les redoutons. (Si le temps, désormais, travaillait contre nous ?) Et le monde entier s’org
3697 e temps, désormais, travaillait contre nous ?) Et le monde entier s’organise à ce niveau de vie moyenne qui paraît offrir
3698 se à ce niveau de vie moyenne qui paraît offrir à la mort, comme à tout acte créateur, le moins de chances. Un vaste systè
3699 aît offrir à la mort, comme à tout acte créateur, le moins de chances. Un vaste système d’assurances s’étend sur toutes no
3700 nos activités : plans et pactes, statistiques de l’ imprévu, eugénisme et longévité, clercs au pas ou stérilisés, guerre h
3701 ngévité, clercs au pas ou stérilisés, guerre hors la loi, sécurité d’abord. Nous apprenons à vivre, et non plus à mourir :
3702 et effort est contre nature. Il naît au déclin de la vie, et fatalement se retourne contre elle. Nous voulons échapper au
3703 apper au temps, à sa menace, mais c’est peut-être le meilleur ou le seul moyen d’anticiper sa fin : la fin du temps, la Fi
3704 à sa menace, mais c’est peut-être le meilleur ou le seul moyen d’anticiper sa fin : la fin du temps, la Fin du Monde. Car
3705 le meilleur ou le seul moyen d’anticiper sa fin : la fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut que l’assurance mondial
3706 seul moyen d’anticiper sa fin : la fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut que l’assurance mondiale que nous tenton
3707 fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut que l’ assurance mondiale que nous tentons d’organiser, aménage notre ruine c
3708 ganiser, aménage notre ruine collective : lorsque la terre entière soumise au seul pouvoir du chiffre dépendra d’une centr
3709 re dépendra d’une centrale unique, il suffira que l’ Ange de la Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous
3710 a d’une centrale unique, il suffira que l’Ange de la Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous serons pr
3711 unique, il suffira que l’Ange de la Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous serons pris au dépourvu, c
3712 e de la Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous serons pris au dépourvu, comme nulle autre génération.
3713 vu, comme nulle autre génération. Car, tandis que le temps s’écoule, à mesure que sa fin s’approche, notre foi diminue, no
3714 proche, notre foi diminue, notre attente faiblit. La primitive Église, au début de notre ère, vivait dans la pensée de la
3715 mitive Église, au début de notre ère, vivait dans la pensée de la fin imminente. Mais parmi nous, qui avons cru pouvoir él
3716 , au début de notre ère, vivait dans la pensée de la fin imminente. Mais parmi nous, qui avons cru pouvoir éliminer cette
3717 tre vie, voici qu’un destin ironique se charge de l’ approfondir. Non pas le temps, mais notre œuvre elle-même. Pour la pre
3718 stin ironique se charge de l’approfondir. Non pas le temps, mais notre œuvre elle-même. Pour la première fois dans l’histo
3719 notre œuvre elle-même. Pour la première fois dans l’ histoire du monde, nous pouvons calculer le prix de revient d’une dest
3720 s dans l’histoire du monde, nous pouvons calculer le prix de revient d’une destruction de l’humanité : la somme de nos bud
3721 calculer le prix de revient d’une destruction de l’ humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertissem
3722 prix de revient d’une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertissement Votre
3723 ionale. Avertissement Votre refuge est dans la masse et son Histoire. Vous vous dites en secret qu’elle ne peut pas
3724 lle ne possède pas de vie réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut être en soi pensée, et l’homme en elle
3725 fin, ni rien. Elle ne peut être en soi pensée, et l’ homme en elle reste à peu près dénué de réalité, jusqu’au jour où la F
3726 ste à peu près dénué de réalité, jusqu’au jour où la Fin le pense. Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce
3727 eu près dénué de réalité, jusqu’au jour où la Fin le pense. Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui es
3728 près dénué de réalité, jusqu’au jour où la Fin le pense . Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui est réel
3729 r où la Fin le pense. Et c’est là son tragique et l’ humour de la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la prése
3730 le pense. Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la présence éternell
3731 Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la présence éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens d’éternité à
3732 l, tout ce qui manifeste la présence éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens d’éternité à vos singeries, vous l’app
3733 ui donne un sens d’éternité à vos singeries, vous l’ appelez exagéré, démesuré. Écoutez-moi : s’il se trouvait que le monde
3734 éré, démesuré. Écoutez-moi : s’il se trouvait que le monde réellement fût perdu, quel que soit le désir que vous avez qu’i
3735 que le monde réellement fût perdu, quel que soit le désir que vous avez qu’il dure, et la persuasion où vous vous entrete
3736 el que soit le désir que vous avez qu’il dure, et la persuasion où vous vous entretenez qu’il durera toujours autant que v
3737 a toujours autant que vous ? S’il se trouvait que la vérité actuelle fût totalement démesurée ? Qui périrait dans la honte
3738 elle fût totalement démesurée ? Qui périrait dans la honte et la rage ? Ceux qui croient encore aux mesures et cherchent l
3739 alement démesurée ? Qui périrait dans la honte et la rage ? Ceux qui croient encore aux mesures et cherchent leur appui da
3740 t encore aux mesures et cherchent leur appui dans l’ illusion tomberont en grand nombre dans le vide. Mais ceux qui auront
3741 ui dans l’illusion tomberont en grand nombre dans le vide. Mais ceux qui auront vu, et qui auront cru leurs yeux, retrouve
3742 , et qui auront cru leurs yeux, retrouveront dans la tempête la coutume des hautes pentes. Car celui seul qui accepte la m
3743 ront cru leurs yeux, retrouveront dans la tempête la coutume des hautes pentes. Car celui seul qui accepte la mort n’est p
3744 ume des hautes pentes. Car celui seul qui accepte la mort n’est pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’au
3745 tes. Car celui seul qui accepte la mort n’est pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’auront plus à se déf
3746 ui accepte la mort n’est pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’auront plus à se défendre, mais seulement
3747 n’est pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’auront plus à se défendre, mais seulement à se révéler tels
3748 , où qu’ils soient. Plus d’évasions spirituelles. L’ homme fuyant la Terre où le diable sévit, se réfugie sur les hauteurs
3749 ent. Plus d’évasions spirituelles. L’homme fuyant la Terre où le diable sévit, se réfugie sur les hauteurs et découvre que
3750 évasions spirituelles. L’homme fuyant la Terre où le diable sévit, se réfugie sur les hauteurs et découvre que Dieu y est
3751 uyant la Terre où le diable sévit, se réfugie sur les hauteurs et découvre que Dieu y est plus dangereux encore, d’une autr
3752 e, d’une autre sorte, fulgurante. Péripétie La scène du monde vient de passer à une vaste conversation de la mort, s
3753 monde vient de passer à une vaste conversation de la mort, sur les places et dans les grands cafés, aux lieux de populace
3754 e passer à une vaste conversation de la mort, sur les places et dans les grands cafés, aux lieux de populace et de parole r
3755 e conversation de la mort, sur les places et dans les grands cafés, aux lieux de populace et de parole rapide. Peut-être le
3756 lieux de populace et de parole rapide. Peut-être le soleil éteint se promène-t-il depuis quelques instants dans un ciel s
3757 si facilement glisser, tout se trouver changé, et les hommes poursuivre leur discours, pénétrant dans l’horreur sans mémoir
3758 s hommes poursuivre leur discours, pénétrant dans l’ horreur sans mémoire ? Il faut croire, aujourd’hui, que cela se peut.
3759 peut. Cela s’est produit comme un rêve, ou comme la colère soudain là, ou le printemps, ou chaque soir la nuit. (Une prem
3760 comme un rêve, ou comme la colère soudain là, ou le printemps, ou chaque soir la nuit. (Une première lampe s’est allumée.
3761 olère soudain là, ou le printemps, ou chaque soir la nuit. (Une première lampe s’est allumée. Quelqu’un dit : « Elle est l
3762 dit : « Elle est là ».) Premier jugement, par la lumière La fin du monde, irréfutable, s’arrêtait un peu en avant,
3763 est là ».) Premier jugement, par la lumière La fin du monde, irréfutable, s’arrêtait un peu en avant, les regardait
3764 u monde, irréfutable, s’arrêtait un peu en avant, les regardait sans indulgence, puis se remettait à marcher, conservant la
3765 dulgence, puis se remettait à marcher, conservant la même proximité méprisante… Mais la majorité sut garder l’air de ne pa
3766 er, conservant la même proximité méprisante… Mais la majorité sut garder l’air de ne pas croire à sa mort proche, — cet ai
3767 proximité méprisante… Mais la majorité sut garder l’ air de ne pas croire à sa mort proche, — cet air petit. On en reviendr
3768 indécence inexprimable. Depuis bientôt mille ans, l’ An Mil était passé — « et toutes ses prières perdues ! » — mais ils sa
3769 qu’il n’était point permis d’imaginer. Celui dont les belles manières sont apprises souffre mal qu’on y passe outre, — et t
3770 asse outre, — et très peu d’entre eux possédaient la pleine assurance de l’être. L’Institut de l’opinion planétaire publia
3771 eu d’entre eux possédaient la pleine assurance de l’ être. L’Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résultats
3772 re eux possédaient la pleine assurance de l’être. L’ Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résultats d’une e
3773 ient la pleine assurance de l’être. L’Institut de l’ opinion planétaire publia les premiers résultats d’une enquête-éclair 
3774 d’une névrose collective, d’une poussée subite de l’ instinct de mort. On proposait une cure des masses et la nationalisati
3775 inct de mort. On proposait une cure des masses et la nationalisation des écoles de psychanalyse. Un théologien répondit :
3776 coles de psychanalyse. Un théologien répondit : — L’ affection de la chair, c’est la mort. Saint Paul l’a vu bien avant Fre
3777 nalyse. Un théologien répondit : — L’affection de la chair, c’est la mort. Saint Paul l’a vu bien avant Freud, et mieux. I
3778 ogien répondit : — L’affection de la chair, c’est la mort. Saint Paul l’a vu bien avant Freud, et mieux. Il entendait par
3779 ’affection de la chair, c’est la mort. Saint Paul l’ a vu bien avant Freud, et mieux. Il entendait par « chair » le tout de
3780 avant Freud, et mieux. Il entendait par « chair » le tout de l’homme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’est poi
3781 , et mieux. Il entendait par « chair » le tout de l’ homme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’est point que nous
3782 âme comprises. Et ce n’est point que nous aimions la mort comme telle. Bien au contraire, ce qu’affectionne la chair, c’es
3783 comme telle. Bien au contraire, ce qu’affectionne la chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie
3784 u’affectionne la chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui con
3785 a chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort
3786 ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. N
3787 détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous sommes tout simple
3788 la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous sommes tout simplement au jour du Jugement. I
3789 le que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous sommes tout simplement au jour du Jugement. Il sera port
3790 era porté aussi bien sur votre élan vital que sur l’ élan mortel. Car il ne vient pas de nous, mais d’En Face. Ici le futur
3791 Car il ne vient pas de nous, mais d’En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui n’était pour nous qu’un recul devant
3792 ce futur qui n’était pour nous qu’un recul devant le présent. Ici le temps dit oui pour la première fois à l’instant qui l
3793 tait pour nous qu’un recul devant le présent. Ici le temps dit oui pour la première fois à l’instant qui le juge et l’acco
3794 mps dit oui pour la première fois à l’instant qui le juge et l’accomplit, — notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus
3795 pour la première fois à l’instant qui le juge et l’ accomplit, — notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus de l’insta
3796 notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus de l’ instant éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’acte de ce oui, se
3797 it pour nous qu’un refus de l’instant éternel. Et l’ Histoire tout entière dans l’acte de ce oui, se manifeste au Jour de t
3798 ’instant éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’ acte de ce oui, se manifeste au Jour de tous les jours. Comme il parla
3799 ns l’acte de ce oui, se manifeste au Jour de tous les jours. Comme il parlait encore, une lueur d’aube apparut et grandit a
3800 andit autour d’eux. Toutes choses replongées dans la stupeur originelle, toutes créatures livrées d’un seul coup à la viol
3801 inelle, toutes créatures livrées d’un seul coup à la violence de l’acte décisif, nous allons voir paraître enfin leur just
3802 créatures livrées d’un seul coup à la violence de l’ acte décisif, nous allons voir paraître enfin leur justification, leur
3803 raître enfin leur justification, leur être. Voici l’ instant où les hommes s’aperçoivent que leurs efforts et leurs soucis
3804 leur justification, leur être. Voici l’instant où les hommes s’aperçoivent que leurs efforts et leurs soucis se tournaient
3805 , vers une Absence douloureuse, — alors que c’est la seule Présence qui est terrible en sa splendeur et difficile à suppor
3806 errible en sa splendeur et difficile à supporter, le seul Amour apparaissant qui menace d’être insoutenable : il nous trou
3807 e insoutenable : il nous trouve sans préparation. L’ on ne s’était défendu que de l’autre côté, du côté de ce monde mal fai
3808 de mal fait… Parut un soleil nouveau. Et ceux qui le voyaient prenaient un visage neuf, leurs yeux devenaient forts et s’a
3809 f, leurs yeux devenaient forts et s’attendaient à l’ éclat d’une lueur encore plus vive. Par degré le Grand Jour éclatait,
3810 à l’éclat d’une lueur encore plus vive. Par degré le Grand Jour éclatait, toujours plus vaste et blanc dans l’univers enti
3811 Jour éclatait, toujours plus vaste et blanc dans l’ univers entier. Ils se sont tout d’abord sentis gênés, balourds, ne sa
3812 ds, ne sachant trop quelle contenance prendre. Et la lumière ne cesse de grandir. Ils tombent déjà par rangs entiers, aveu
3813 r rangs entiers, aveuglés et cloués sur place par l’ évidence de l’amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent de mar
3814 s, aveuglés et cloués sur place par l’évidence de l’ amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent de marcher, riant de
3815 e joie aux paliers du matin, s’avançant vers Midi avec le naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent
3816 e aux paliers du matin, s’avançant vers Midi avec le naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent le
3817 vançant vers Midi avec le naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’agr
3818 idi avec le naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’agrandissement de
3819 ui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’agrandissement de la lumière jusqu’aux limites
3820 Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’ agrandissement de la lumière jusqu’aux limites de sa perfection, où to
3821 nrent les derniers soleils et l’agrandissement de la lumière jusqu’aux limites de sa perfection, où tout ce qui voit éclai
3822 laire aussi, où tout œil rend ce qu’il reçoit, où le grand jour est tout en tous. Ce premier Jugement fut la Salutation.
3823 nd jour est tout en tous. Ce premier Jugement fut la Salutation. Second jugement ou sommation Voici le principe du s
3824 utation. Second jugement ou sommation Voici le principe du second jugement. Chaque homme poussé à la limite de son e
3825 rincipe du second jugement. Chaque homme poussé à la limite de son expression, et chaque homme forcé à l’extrémité de son
3826 limite de son expression, et chaque homme forcé à l’ extrémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout e
3827 aque homme forcé à l’extrémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout entière dans ce cri, réponse uni
3828 rémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’éternelle sommat
3829 roféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’ éternelle sommation, somme absolue de ses journées et de ses nuits, de
3830 ts, de sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée l’ incomparable qualité de son péché et mesuré le degré d’être de son êtr
3831 rée l’incomparable qualité de son péché et mesuré le degré d’être de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivan
3832 é et mesuré le degré d’être de son être tel qu’il l’ avait librement fait en le vivant. L’examen des raisons de survivre et
3833 e de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’examen des raisons de survivre et leur introduction au titr
3834 re tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’ examen des raisons de survivre et leur introduction au titre de l’éter
3835 sons de survivre et leur introduction au titre de l’ éternité occupèrent moins de temps qu’on n’imagine. La procédure était
3836 ernité occupèrent moins de temps qu’on n’imagine. La procédure était, en effet, des plus simples. — Témoignez, disait-on,
3837 fet, des plus simples. — Témoignez, disait-on, de la vie que vous possédez. Quel est votre plus vrai désir ? Les sages rép
3838 e vous possédez. Quel est votre plus vrai désir ? Les sages répondaient : — Nul ne possède vraiment que ce qu’il peut donne
3839 était bien ce qu’on faisait. Ainsi tous connurent la mort, mais les uns renaissaient au sein de leur plus grande frayeur,
3840 qu’on faisait. Ainsi tous connurent la mort, mais les uns renaissaient au sein de leur plus grande frayeur, les autres sous
3841 renaissaient au sein de leur plus grande frayeur, les autres sous les traits consolés du Désir. La plupart hésitaient en pr
3842 sein de leur plus grande frayeur, les autres sous les traits consolés du Désir. La plupart hésitaient en présence de la ban
3843 és du Désir. La plupart hésitaient en présence de la banalité soudain flagrante de leurs vœux, et, finalement, murmuraient
3844 que moi. Ils renaîtraient plantes heureuses, par l’ effet de quelque pitié. Un homme vint, comme viennent les somnambules,
3845 t de quelque pitié. Un homme vint, comme viennent les somnambules, le corps en paix, mais le visage affreusement nu. Il dés
3846 é. Un homme vint, comme viennent les somnambules, le corps en paix, mais le visage affreusement nu. Il désirait un palais
3847 viennent les somnambules, le corps en paix, mais le visage affreusement nu. Il désirait un palais vide à la mesure de sa
3848 age affreusement nu. Il désirait un palais vide à la mesure de sa tristesse. Il devint donc une tristesse errante, emprunt
3849 Il devint donc une tristesse errante, empruntant la forme des joies qu’il rencontrait ; et son désir ainsi fut exaucé. Un
3850 . Devint soleil. Et quel est celui qui s’approche avec son parapluie mal fermé sous le bras, et des lunettes bourrues au-des
3851 qui s’approche avec son parapluie mal fermé sous le bras, et des lunettes bourrues au-dessus du sourire de la plus ferven
3852 et des lunettes bourrues au-dessus du sourire de la plus fervente ironie ? Qu’est-ce qu’il grommelle sous son chapeau de
3853 aintenant, bien plus violent qu’il n’a jamais osé l’ imaginer. Car, dit-il, au sein d’un tel choix, je m’approche insondabl
3854 ce qui s’imposa sur nous et jusqu’assez haut dans les cieux, en sorte que plus haut, régnant seul et purifié, l’on put ente
3855 en sorte que plus haut, régnant seul et purifié, l’ on put entendre le choral d’une angélique hilarité. Et nous sûmes que
3856 haut, régnant seul et purifié, l’on put entendre le choral d’une angélique hilarité. Et nous sûmes que cet homme était tr
3857 omme était très grand.) Troisième jugement, ou le pardon Toute chose a son lieu, maintenant, toute chair a son temps
3858 acun de nous accède au destin qu’il s’est fait, à la parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans la c
3859 sion de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans la consommation de tout son être, au faîte inconcevable du désir comblé,
3860 aîte inconcevable du désir comblé, et comblé pour l’ éternité. « Mais l’Esprit et l’Épouse disent : Viens. Et que celui qui
3861 u désir comblé, et comblé pour l’éternité. « Mais l’ Esprit et l’Épouse disent : Viens. Et que celui qui entend dise : Vien
3862 lé, et comblé pour l’éternité. « Mais l’Esprit et l’ Épouse disent : Viens. Et que celui qui entend dise : Viens ! à celui
3863 celui qui entend dise : Viens ! à celui qui porte avec soi la rétribution de nos œuvres » — elle est en Lui, non dans nos œu
3864 entend dise : Viens ! à celui qui porte avec soi la rétribution de nos œuvres » — elle est en Lui, non dans nos œuvres.
3865 — elle est en Lui, non dans nos œuvres. Commence l’ œuvre du Pardon. « Et que celui qui a soif vienne, que celui qui veut
3866 i qui a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’ eau de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout est
3867 oif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout est gratuit.
3868 ....................... Et c’est alors que toutes les voix des justes confondues clameront l’harmonie violente et bienheure
3869 e toutes les voix des justes confondues clameront l’ harmonie violente et bienheureuse du mot sacrement de toute la créatio
3870 iolente et bienheureuse du mot sacrement de toute la création, son terme monumental à la gloire du Dieu Tout-Puissant, — l
3871 ment de toute la création, son terme monumental à la gloire du Dieu Tout-Puissant, — l’Amen du Temps qui s’agenouille et s
3872 e monumental à la gloire du Dieu Tout-Puissant, —  l’ Amen du Temps qui s’agenouille et s’abîme éternellement. 14. Søren
3873 après une caricature. aa. Rougemont Denis de, «  La fin du monde », Fontaine, Paris, juin 1946, p. 7-16.
25 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
3874 Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)z I. Problème curieux que pose
3875 (4 juin 1946)z I. Problème curieux que pose le gouvernement mondial Vous me dites que ce n’est point par mauvaise
3876 raît comme puni et humilié ; et sans ministère de la Guerre, il nous paraît dépourvu de sérieux. Or, le gouvernement mondi
3877 a Guerre, il nous paraît dépourvu de sérieux. Or, le gouvernement mondial devrait se passer de ces deux ministères, en ver
3878 ce nom, s’il ne trouvait personne en face de lui avec qui échanger des notes ? Personne à craindre, personne à menacer ? Pe
3879 personne à menacer ? Personne à qui répondre que l’ honneur du pays est en jeu, qu’on ne cédera plus d’une ligne, etc. ? P
3880 t dire, pas de voisins, donc personne à qui faire la guerre ? À quoi cela ressemblerait-il ? Les nations et leurs gouverne
3881 faire la guerre ? À quoi cela ressemblerait-il ? Les nations et leurs gouvernements ne se posent qu’en s’opposant. C’est l
3882 ouvernements ne se posent qu’en s’opposant. C’est la menace extérieure qui « cimente leur unité », qui « galvanise leur én
3883 s sa langue « right or wrong, my country ! » Mais le gouvernement mondial, où trouvera-t-il cet Autre indispensable à son
3884 sable à son prestige ? Je parie que vous venez de penser à la planète Mars, et à une guerre possible contre les Martiens ? Ne
3885 on prestige ? Je parie que vous venez de penser à la planète Mars, et à une guerre possible contre les Martiens ? Ne me di
3886 la planète Mars, et à une guerre possible contre les Martiens ? Ne me dites pas non : votre première idée a été de suppose
3887 re de ses dix doigts… Pas de nations sans guerres avec d’autres nations. Je perdrais mon temps et le vôtre à fonder en logiq
3888 n temps et le vôtre à fonder en logique, et, dans l’ Histoire, cette relation que le premier venu peut détecter dans sa con
3889 et sans autre instrument qu’un peu de sincérité. Les nations produisent les guerres, les guerres produisent les nations, e
3890 nt qu’un peu de sincérité. Les nations produisent les guerres, les guerres produisent les nations, et les unes sans les aut
3891 de sincérité. Les nations produisent les guerres, les guerres produisent les nations, et les unes sans les autres ne seraie
3892 ns produisent les guerres, les guerres produisent les nations, et les unes sans les autres ne seraient pas imaginables. Si
3893 s guerres, les guerres produisent les nations, et les unes sans les autres ne seraient pas imaginables. Si vous me dites ma
3894 guerres produisent les nations, et les unes sans les autres ne seraient pas imaginables. Si vous me dites maintenant que c
3895 s guerre possible — cela revient à dire que c’est la paix elle-même que vous ne voyez pas. Je dis vous, et je m’en excuse.
3896 dis vous, et je m’en excuse. Vous représentez ici l’ humanité. Notre condition malheureuse veut que nous ne sachions imagin
3897 on malheureuse veut que nous ne sachions imaginer le bien que par contraste avec un mal dont nous souffrons. Autrement, le
3898 us ne sachions imaginer le bien que par contraste avec un mal dont nous souffrons. Autrement, le bien — ou la paix — n’est à
3899 raste avec un mal dont nous souffrons. Autrement, le bien — ou la paix — n’est à nos yeux qu’une fumée, une abstraction, c
3900 mal dont nous souffrons. Autrement, le bien — ou la paix — n’est à nos yeux qu’une fumée, une abstraction, c’est-à-dire,
3901 ée, une abstraction, c’est-à-dire, soyons francs, le comble de l’ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse »… À propo
3902 action, c’est-à-dire, soyons francs, le comble de l’ ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse »… À propos de cette de
3903 tte dernière expression, avez-vous remarqué qu’on l’ emploie de préférence pour dénigrer des projets de paix ? Pour qui son
3904 c si dangereux ? Avez-vous également remarqué que les militaires qui prennent la plume (comme ils disent) ont coutume de dé
3905 galement remarqué que les militaires qui prennent la plume (comme ils disent) ont coutume de dénoncer sous le nom d’« élém
3906 e (comme ils disent) ont coutume de dénoncer sous le nom d’« élément de désordre » les partisans de la paix en général ? C
3907 de dénoncer sous le nom d’« élément de désordre » les partisans de la paix en général ? Ces gens-là leur paraissent, évidem
3908 le nom d’« élément de désordre » les partisans de la paix en général ? Ces gens-là leur paraissent, évidemment, d’une mora
3909 bombardiers lourds, et quant à ceux qui donneront le signal de les utiliser au service des nations, gouvernants tout d’abo
3910 ourds, et quant à ceux qui donneront le signal de les utiliser au service des nations, gouvernants tout d’abord et généraux
3911 out d’abord et généraux ensuite, ils représentent les « éléments d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir l’état pré
3912 s d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir l’ état présent de l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était le
3913 n pas douter. Il suffit de voir l’état présent de l’ Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était le pire désordre imag
3914 tat présent de l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était le pire désordre imaginable à notre époque ; et que ceux
3915 ’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était le pire désordre imaginable à notre époque ; et que ceux qui la tenaient
3916 ordre imaginable à notre époque ; et que ceux qui la tenaient encore pour une nécessité, voire pour une vertu, étaient les
3917 pour une nécessité, voire pour une vertu, étaient les véritables éléments de désordre ; et que l’utopie la plus dangereuse
3918 ient les véritables éléments de désordre ; et que l’ utopie la plus dangereuse était la théorie de la souveraineté sans lim
3919 véritables éléments de désordre ; et que l’utopie la plus dangereuse était la théorie de la souveraineté sans limites des
3920 sordre ; et que l’utopie la plus dangereuse était la théorie de la souveraineté sans limites des nations. C’était trop sim
3921 e l’utopie la plus dangereuse était la théorie de la souveraineté sans limites des nations. C’était trop simple. Un colone
3922 à qui vous fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort de la guerre militaire par suite de l’invention de la bombe atom
3923 fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort de la guerre militaire par suite de l’invention de la bombe atomique, m’écr
3924 e sur la mort de la guerre militaire par suite de l’ invention de la bombe atomique, m’écrit que je suis un primaire. Il m’
3925 e la guerre militaire par suite de l’invention de la bombe atomique, m’écrit que je suis un primaire. Il m’assure que « à
3926 é que nous savions nous battre », ce qui est bien la preuve que j’ai tort, et d’ailleurs de n’importe quoi. Il ajoute que
3927 sa forme, est « nettement péjorative vis-à-vis de l’ armée, de la cavalerie en particulier », bref que je suis un « élément
3928 t « nettement péjorative vis-à-vis de l’armée, de la cavalerie en particulier », bref que je suis un « élément de désordre
3929 reposant sa lettre je me suis écrié : « Vivement la Bombe ! Suprême élément d’ordre ! » Et ne croyez pas que je plaisanta
3930 rdre ! » Et ne croyez pas que je plaisantais. Car la Bombe seule peut nous débarrasser des armées, des souverainetés natio
3931 r des armées, des souverainetés nationales, et de l’ anarchie qu’elles entretiennent sur la planète. Je dis que la Bombe pe
3932 ales, et de l’anarchie qu’elles entretiennent sur la planète. Je dis que la Bombe peut nous délivrer de deux manières : so
3933 qu’elles entretiennent sur la planète. Je dis que la Bombe peut nous délivrer de deux manières : soit en faisant sauter le
3934 élivrer de deux manières : soit en faisant sauter le tout, soit en nous forçant d’ici peu à fédérer les hommes au-delà des
3935 le tout, soit en nous forçant d’ici peu à fédérer les hommes au-delà des nations. Vous cherchiez l’Autre contre qui s’unir 
3936 vous fallait une menace planétaire pour provoquer l’ union sacrée du genre humain ? Eh bien, madame, si j’ose le dire : vou
3937 acrée du genre humain ? Eh bien, madame, si j’ose le dire : vous êtes servie. II. L’État-nation Non, je n’en veux pa
3938 dame, si j’ose le dire : vous êtes servie. II. L’ État-nation Non, je n’en veux pas un instant à votre ami le colonel
3939 n Non, je n’en veux pas un instant à votre ami le colonel. Dites-lui que je respecte la cavalerie : elle a fait ses pre
3940 à votre ami le colonel. Dites-lui que je respecte la cavalerie : elle a fait ses preuves sous Murat. Mais revenons au xxe
3941 preuves sous Murat. Mais revenons au xxe siècle. L’ idée que les nations puissent perdre leur souveraineté et leurs armées
3942 s Murat. Mais revenons au xxe siècle. L’idée que les nations puissent perdre leur souveraineté et leurs armées, vous attri
3943 eurs armées, vous attriste visiblement. Vous avez l’ impression que la civilisation et la culture y perdraient quelque chos
3944 attriste visiblement. Vous avez l’impression que la civilisation et la culture y perdraient quelque chose de précieux. No
3945 nt. Vous avez l’impression que la civilisation et la culture y perdraient quelque chose de précieux. Nous serions tous fon
3946 e langues, de religions et de coutumes, et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évanouiraient sous vos beaux
3947 t de coutumes, et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évanouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je
3948 es, et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évanouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je n’appelle
3949 s vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je n’appelle pas le chaos. Je cherche un moyen de l’éviter, ou plutôt d’en sortir un peu,
3950 Je n’appelle pas le chaos. Je cherche un moyen de l’ éviter, ou plutôt d’en sortir un peu, car nous y sommes déjà bien enga
3951 peu, car nous y sommes déjà bien engagés. Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produisent les
3952 sommes déjà bien engagés. Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produisent les guerres… Mais j
3953 Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produisent les guerres… Mais je vois que ce mot de nation
3954 produisent. Et ce sont les nations qui produisent les guerres… Mais je vois que ce mot de nation a créé entre nous une équi
3955 u mauvais, jusqu’ici, parce que c’est de beaucoup le plus courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a de précieux da
3956 ue c’est de beaucoup le plus courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fait le
3957 de les distinguer. Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fait leur véritable originalité, n’est pas défini par
3958 effet, supprimez ces trois éléments qui composent l’ idée moderne de nation, et les nations réelles subsisteront intactes,
3959 éments qui composent l’idée moderne de nation, et les nations réelles subsisteront intactes, comme membres du corps de l’hu
3960 subsisteront intactes, comme membres du corps de l’ humanité, comme foyers de rayonnement, et comme communauté de gens app
3961 destin ou par choix. Croyez-vous sérieusement que les Français cesseront de parler français, de créer leur culture, et d’ha
3962 culture, et d’habiter paisiblement leur terre, si la France renonce un beau jour, en même temps que toutes les autres nati
3963 ce renonce un beau jour, en même temps que toutes les autres nations, à son armée, à ses douaniers et à son ministère des A
3964 t à son ministère des Affaires étrangères ? Et ne pensez -vous pas que si le gouvernement français n’a plus rien d’autre à fair
3965 ffaires étrangères ? Et ne pensez-vous pas que si le gouvernement français n’a plus rien d’autre à faire qu’administrer le
3966 çais n’a plus rien d’autre à faire qu’administrer le pays, il sera un meilleur gouvernement ? (Je vous pose ces questions
3967 vos craintes vagues.) Ce qui détruit aujourd’hui les nations, dans le sens valable et fécond de ce mot, c’est qu’elles ten
3968 es.) Ce qui détruit aujourd’hui les nations, dans le sens valable et fécond de ce mot, c’est qu’elles tendent à se confond
3969 de ce mot, c’est qu’elles tendent à se confondre avec l’État, et c’est la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés, de
3970 e mot, c’est qu’elles tendent à se confondre avec l’ État, et c’est la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés, de se
3971 lles tendent à se confondre avec l’État, et c’est la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés, de se rendre autarciqu
3972 confondre avec l’État, et c’est la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés, de se rendre autarciques en vue d’une gue
3973 qu’ils redoutent ou souhaitent cette éventualité. L’ État détruit nécessairement l’originalité d’une nation, lorsqu’il prét
3974 cette éventualité. L’État détruit nécessairement l’ originalité d’une nation, lorsqu’il prétend réglementer ses énergies d
3975 socialiste ou capitaliste. Ce modèle est celui de l’ État totalitaire, qui est l’état de guerre en permanence. Ainsi l’enne
3976 e modèle est celui de l’État totalitaire, qui est l’ état de guerre en permanence. Ainsi l’ennemi des nations c’est l’État 
3977 re, qui est l’état de guerre en permanence. Ainsi l’ ennemi des nations c’est l’État ; et leur sauvegarde serait le gouvern
3978 e en permanence. Ainsi l’ennemi des nations c’est l’ État ; et leur sauvegarde serait le gouvernement mondial. Ceux qui pen
3979 nations c’est l’État ; et leur sauvegarde serait le gouvernement mondial. Ceux qui pensent que c’est tout le contraire pr
3980 uvegarde serait le gouvernement mondial. Ceux qui pensent que c’est tout le contraire prennent le mot patrie dans le sens de na
3981 ernement mondial. Ceux qui pensent que c’est tout le contraire prennent le mot patrie dans le sens de nation, le mot natio
3982 qui pensent que c’est tout le contraire prennent le mot patrie dans le sens de nation, le mot nation dans le sens d’État,
3983 est tout le contraire prennent le mot patrie dans le sens de nation, le mot nation dans le sens d’État, le mot État dans l
3984 re prennent le mot patrie dans le sens de nation, le mot nation dans le sens d’État, le mot État dans le sens de souverain
3985 patrie dans le sens de nation, le mot nation dans le sens d’État, le mot État dans le sens de souverain, dont ils font fin
3986 ens de nation, le mot nation dans le sens d’État, le mot État dans le sens de souverain, dont ils font finalement un dieu,
3987 mot nation dans le sens d’État, le mot État dans le sens de souverain, dont ils font finalement un dieu, créant d’horribl
3988 question que de « nationaliser » tout ce qui peut l’ être à l’intérieur des frontières, au lieu de multiplier les échanges
3989 que de « nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’ intérieur des frontières, au lieu de multiplier les échanges internati
3990 l’intérieur des frontières, au lieu de multiplier les échanges internationaux, comme le bon sens et l’économie l’indiquerai
3991 de multiplier les échanges internationaux, comme le bon sens et l’économie l’indiqueraient ? C’est parce que certains pay
3992 les échanges internationaux, comme le bon sens et l’ économie l’indiqueraient ? C’est parce que certains pays ont préféré p
3993 s internationaux, comme le bon sens et l’économie l’ indiqueraient ? C’est parce que certains pays ont préféré payer le pri
3994 ? C’est parce que certains pays ont préféré payer le prix exorbitant de l’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état de
3995 ains pays ont préféré payer le prix exorbitant de l’ autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état de faire la guerre, en s
3996 cie, plutôt que de se mettre hors d’état de faire la guerre, en se liant à des économies voisines. Mais remarquez l’hypocr
3997 se liant à des économies voisines. Mais remarquez l’ hypocrisie du terme « nationaliser ». On n’ose pas dire « étatiser ».
3998 ut encore tirer parti du prestige qui s’attache à l’ idée de nation… En fait, on étatise la nation. Que penser de ces États
3999 s’attache à l’idée de nation… En fait, on étatise la nation. Que penser de ces États-nations, de plus en plus nombreux, qu
4000 dée de nation… En fait, on étatise la nation. Que penser de ces États-nations, de plus en plus nombreux, qui se referment sur
4001 budget militaire, qui se bardent de protections à la frontière, comme autrefois, en attendant que la Bombe vienne volatili
4002 à la frontière, comme autrefois, en attendant que la Bombe vienne volatiliser leurs centres vifs en une seconde, négligean
4003 ser leurs centres vifs en une seconde, négligeant les armées purement décoratives ? Vous me direz que la France, par exempl
4004 s armées purement décoratives ? Vous me direz que la France, par exemple, est entrée dans la voie de l’étatisme parce qu’e
4005 direz que la France, par exemple, est entrée dans la voie de l’étatisme parce qu’elle veut la justice sociale, et que cela
4006 a France, par exemple, est entrée dans la voie de l’ étatisme parce qu’elle veut la justice sociale, et que cela n’a rien à
4007 rée dans la voie de l’étatisme parce qu’elle veut la justice sociale, et que cela n’a rien à voir avec la préparation à la
4008 t la justice sociale, et que cela n’a rien à voir avec la préparation à la guerre. Sans doute, mais je parlais moins des mot
4009 justice sociale, et que cela n’a rien à voir avec la préparation à la guerre. Sans doute, mais je parlais moins des motifs
4010 et que cela n’a rien à voir avec la préparation à la guerre. Sans doute, mais je parlais moins des motifs que des effets i
4011 ais moins des motifs que des effets inéluctables. Le désir de justice sociale est une noble passion, la socialisation de l
4012 e désir de justice sociale est une noble passion, la socialisation de l’industrie est une mesure économique partiellement
4013 ociale est une noble passion, la socialisation de l’ industrie est une mesure économique partiellement souhaitable, mais je
4014 e commun, à priori, que trois syllabes. Cependant l’ on revendique la socialisation parce qu’elle contient ces trois syllab
4015 ri, que trois syllabes. Cependant l’on revendique la socialisation parce qu’elle contient ces trois syllabes sacrées, et l
4016 e qu’elle contient ces trois syllabes sacrées, et l’ on traite de fasciste celui qui demande à voir. (La prochaine fois que
4017 ’on traite de fasciste celui qui demande à voir. ( La prochaine fois que vous oserez me dire que le Social Register de New
4018 r. (La prochaine fois que vous oserez me dire que le Social Register de New York n’est qu’un Bottin mondain, je vous dénon
4019 n’est qu’un Bottin mondain, je vous dénonce dans L’ Humanité.) Vous sentez que je ne prends parti ni pour ni contre la soc
4020 s sentez que je ne prends parti ni pour ni contre la socialisation, je note seulement qu’on prend parti sans en savoir plu
4021 lus que moi, et à cause de trois syllabes. Et que l’ on confond socialisation et nationalisation pour masquer le fait qu’il
4022 ond socialisation et nationalisation pour masquer le fait qu’il s’agit d’une étatisation. Je n’en ai qu’au cadre national.
4023 ntroduisez dans cette broyeuse automatique qu’est l’ État-nation de la démocratie ou marxisme, des idées libérales ou du pl
4024 ette broyeuse automatique qu’est l’État-nation de la démocratie ou marxisme, des idées libérales ou du planisme, ou même u
4025 ales ou du planisme, ou même une belle passion de la justice sociale, le résultat sera le même : à l’autre bout, vous obti
4026 ou même une belle passion de la justice sociale, le résultat sera le même : à l’autre bout, vous obtiendrez du totalitari
4027 e passion de la justice sociale, le résultat sera le même : à l’autre bout, vous obtiendrez du totalitarisme en bâtons et
4028 en bâtons et une grêle de coups. Je suis sérieux. Le socialisme, non pas en soi, mais construit dans le cadre national con
4029 e socialisme, non pas en soi, mais construit dans le cadre national conduit nécessairement à l’État totalitaire, donc à l’
4030 t dans le cadre national conduit nécessairement à l’ État totalitaire, donc à l’état de guerre larvé ou déclaré, qui est le
4031 nduit nécessairement à l’État totalitaire, donc à l’ état de guerre larvé ou déclaré, qui est le pire des crimes sociaux. O
4032 donc à l’état de guerre larvé ou déclaré, qui est le pire des crimes sociaux. On ne sortira de ce cercle vicieux qu’en sup
4033 ce cercle vicieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre, ou la provoque, c’est-à-dire en désintégrant le carcan des Ét
4034 ieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre, ou la provoque, c’est-à-dire en désintégrant le carcan des États-nations. P
4035 rre, ou la provoque, c’est-à-dire en désintégrant le carcan des États-nations. Par quel moyen ? En remettant le soin de di
4036 des États-nations. Par quel moyen ? En remettant le soin de diriger les affaires internationales à des hommes qui ne repr
4037 Par quel moyen ? En remettant le soin de diriger les affaires internationales à des hommes qui ne représentent pas les nat
4038 ernationales à des hommes qui ne représentent pas les nations, mais l’humanité. Car ceux-là seuls seront qualifiés pour arb
4039 hommes qui ne représentent pas les nations, mais l’ humanité. Car ceux-là seuls seront qualifiés pour arbitrer. Autrement
4040 et le premier qui tire aura gagné, quel que soit le mordant de l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pa
4041 qui tire aura gagné, quel que soit le mordant de l’ infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas d’adversaire
4042 agné, quel que soit le mordant de l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas d’adversaires à combattre à
4043 pas d’adversaires à combattre à 2000 kilomètres à la ronde, sauf s’il saute à cheval par-dessus toute l’Allemagne ou l’océ
4044 ronde, sauf s’il saute à cheval par-dessus toute l’ Allemagne ou l’océan. (Mettez-lui bien cela dans la tête.) z. Roug
4045 il saute à cheval par-dessus toute l’Allemagne ou l’ océan. (Mettez-lui bien cela dans la tête.) z. Rougemont Denis de,
4046 ’Allemagne ou l’océan. (Mettez-lui bien cela dans la tête.) z. Rougemont Denis de, « Deux lettres sur le gouvernement
4047 e.) z. Rougemont Denis de, « Deux lettres sur le gouvernement mondial », Mondes, Paris, 4 juin 1946, p. 1 et 3.
26 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
4048 L’ Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet
4049 L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)ab Pendant
4050 L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)ab Pendant que vous
4051 avez encore quelques Américains en France, et que l’ Amérique encore me tient par tout ce que je viens d’y vivre en six ann
4052 rons-nous au petit jeu de société mondiale qu’est la comparaison des peuples deux à deux. Jeu plus sérieux d’ailleurs qu’i
4053 isser nos moyens matériels de transport distancer la conscience humaine, trop étroitement liée aux cadres nationaux. Com
4054 tionaux. Comment ils accueillent un étranger Le grand bourgeois de Paris et ses fils, lorsqu’ils rencontrent une tête
4055 tête nouvelle, ne sourient guère. Ils tendent une main précise, accompagnée d’un regard qui jauge cet adversaire ou ce parte
4056 venaient de tirer une invisible fermeture éclair. L’ Américain s’ouvre, au contraire, comme sa bouche sur des dents éclatan
4057 mis À la deuxième rencontre, ou tout de suite, l’ Américain vous dit votre prénom, vous raconte sa vie sentimentale et l
4058 votre prénom, vous raconte sa vie sentimentale et l’ état de ses affaires, enfin vous invite pour un week-end. Pendant ving
4059 vous invite pour un week-end. Pendant vingt ans, le Français vous dira Monsieur, fera l’impossible pour vous cacher sa ri
4060 t vingt ans, le Français vous dira Monsieur, fera l’ impossible pour vous cacher sa richesse s’il est riche, sa pauvreté s’
4061 agissantes. Personne n’a plus, et mieux écrit sur l’ amitié que les moralistes français, de Montaigne à Paul Valéry. Tandis
4062 ersonne n’a plus, et mieux écrit sur l’amitié que les moralistes français, de Montaigne à Paul Valéry. Tandis qu’en Amériqu
4063 entir seul au monde en connaissant tout le monde. La rançon d’une intimité trop rapide et superficielle, c’est la facilité
4064 ’une intimité trop rapide et superficielle, c’est la facilité avec laquelle cette intimité s’évapore. On se voit tous les
4065 é trop rapide et superficielle, c’est la facilité avec laquelle cette intimité s’évapore. On se voit tous les jours pendant
4066 aquelle cette intimité s’évapore. On se voit tous les jours pendant quelques semaines, puis plus du tout pendant un an. Et
4067 en, tout glisse et passe, il y a tant d’êtres sur la terre, tant de hasards, tant de manières de vivre, de bonnes et de ma
4068 , de bonnes et de mauvaises fortunes, par chance… Le sourire large des Américains dissimule leur vraie tragédie : la solit
4069 ge des Américains dissimule leur vraie tragédie : la solitude. Comment ils s’unissent et se divisentac En France, i
4070 s’unissent et se divisentac En France, il y a les catholiques et les laïques, c’est simple ; mais il y a d’autre part t
4071 visentac En France, il y a les catholiques et les laïques, c’est simple ; mais il y a d’autre part trente-six partis et
4072 dances et nuances politiques. En Amérique, il y a les républicains et les démocrates, c’est simple ; mais il y a d’autre pa
4073 litiques. En Amérique, il y a les républicains et les démocrates, c’est simple ; mais il y a d’autre part trente-six « stoc
4074 jadis ou naguère par des réfugiés religieux. Mais les Américains changent facilement d’église, selon leur domicile ou leur
4075 n leur domicile ou leur cercle d’amis, tandis que le Français donne l’impression qu’il ne changerait pas plus de parti que
4076 ew York, déclare que son pays vient de construire l’ avion le plus rapide du monde. L’industrie française a tenu le coup, e
4077 déclare que son pays vient de construire l’avion le plus rapide du monde. L’industrie française a tenu le coup, elle se r
4078 nt de construire l’avion le plus rapide du monde. L’ industrie française a tenu le coup, elle se remonte même si rapidement
4079 lus rapide du monde. L’industrie française a tenu le coup, elle se remonte même si rapidement qu’elle bat déjà l’américain
4080 le se remonte même si rapidement qu’elle bat déjà l’ américaine sur le terrain le plus favorable à cette dernière. Mais tou
4081 e si rapidement qu’elle bat déjà l’américaine sur le terrain le plus favorable à cette dernière. Mais tout compte fait, l’
4082 ment qu’elle bat déjà l’américaine sur le terrain le plus favorable à cette dernière. Mais tout compte fait, l’avion le pl
4083 avorable à cette dernière. Mais tout compte fait, l’ avion le plus rapide du monde n’existe qu’à un seul exemplaire. Et pen
4084 à cette dernière. Mais tout compte fait, l’avion le plus rapide du monde n’existe qu’à un seul exemplaire. Et pendant qu’
4085 ’existe qu’à un seul exemplaire. Et pendant qu’on le construisait, l’Amérique a produit quelques milliers d’appareils plus
4086 eul exemplaire. Et pendant qu’on le construisait, l’ Amérique a produit quelques milliers d’appareils plus lourds et plus l
4087 nt d’autre avantage que de fonctionner sur toutes les grandes lignes du monde. Curieuse impatience du génie français : il i
4088  : il invente sans relâche, et cent fois plus que le génie américain ; mais aussitôt il généralise son invention, son prot
4089 un stade atteint et dépassé, c’est comme si tous les avions de série étaient déjà faits ; il en est fatigué d’avance, et p
4090 jà faits ; il en est fatigué d’avance, et passe à l’ invention suivante. Vue d’Amérique, l’Europe apparaît comme une petite
4091 et passe à l’invention suivante. Vue d’Amérique, l’ Europe apparaît comme une petite région de la planète proprement stupé
4092 que, l’Europe apparaît comme une petite région de la planète proprement stupéfiante par la densité de ses inventions, tand
4093 e région de la planète proprement stupéfiante par la densité de ses inventions, tandis que l’Amérique vue d’Europe stupéfi
4094 ante par la densité de ses inventions, tandis que l’ Amérique vue d’Europe stupéfie par sa production standardisée. C’est q
4095 tupéfie par sa production standardisée. C’est que l’ Européen s’ennuie plus vite et supporte moins de s’ennuyer. Tandis que
4096 s vite et supporte moins de s’ennuyer. Tandis que l’ Américain se contente plus longtemps des mêmes idées, des mêmes types
4097 s idées, des mêmes types d’appareils, parce qu’il les utilise vraiment, parce qu’il en vit, et qu’il ne spécule pas à leur
4098 spécule pas à leur sujet. Comment ils prennent la vie Le Français est profondément sérieux, c’est même à mon avis l’
4099 s à leur sujet. Comment ils prennent la vie Le Français est profondément sérieux, c’est même à mon avis l’espèce d’h
4100 s est profondément sérieux, c’est même à mon avis l’ espèce d’homme la plus sérieuse de la planète. Cependant ses chansons,
4101 t sérieux, c’est même à mon avis l’espèce d’homme la plus sérieuse de la planète. Cependant ses chansons, son théâtre d’av
4102 e à mon avis l’espèce d’homme la plus sérieuse de la planète. Cependant ses chansons, son théâtre d’avant-guerre, ses roma
4103 s produits d’exportation, humains ou commerciaux, le font passer pour plus léger que l’air. Il a fallu le général de Gaull
4104 u commerciaux, le font passer pour plus léger que l’ air. Il a fallu le général de Gaulle et les récits de la Résistance po
4105 font passer pour plus léger que l’air. Il a fallu le général de Gaulle et les récits de la Résistance pour que certains Am
4106 ger que l’air. Il a fallu le général de Gaulle et les récits de la Résistance pour que certains Américains pressentent enfi
4107 Il a fallu le général de Gaulle et les récits de la Résistance pour que certains Américains pressentent enfin que la Fran
4108 our que certains Américains pressentent enfin que la France est le pays du sérieux sobre, de l’intransigeance réaliste, de
4109 ns Américains pressentent enfin que la France est le pays du sérieux sobre, de l’intransigeance réaliste, des provinciaux
4110 in que la France est le pays du sérieux sobre, de l’ intransigeance réaliste, des provinciaux vêtus de noir — « le noir, la
4111 eance réaliste, des provinciaux vêtus de noir — «  le noir, la couleur nationale ! » s’écrie un personnage de Giraudoux — s
4112 liste, des provinciaux vêtus de noir — « le noir, la couleur nationale ! » s’écrie un personnage de Giraudoux — sans parle
4113 sonnage de Giraudoux — sans parler des débats sur la laïcité ou les écoles confessionnelles. L’Américain lui, passe encore
4114 audoux — sans parler des débats sur la laïcité ou les écoles confessionnelles. L’Américain lui, passe encore en Europe pour
4115 ts sur la laïcité ou les écoles confessionnelles. L’ Américain lui, passe encore en Europe pour un Anglo-Saxon puritain du
4116 dix, bien plus près du Méridional par son goût de l’ exagération — Tartarin serait bien épaté — son humeur communicative, e
4117 exuelle me paraît fort peu romantique. On compare les salaires en toute simplicité, on divorce pour des questions de cuisin
4118 ns de cuisine, on se console vite, on n’admet pas la jalousie. Le « réalisme terre-à-terre » des Américains dans ce domain
4119 , on se console vite, on n’admet pas la jalousie. Le « réalisme terre-à-terre » des Américains dans ce domaine, présente u
4120 icains dans ce domaine, présente un tel contraste avec les mœurs des Européens qu’on perd l’espoir de jamais faire comprendr
4121 s dans ce domaine, présente un tel contraste avec les mœurs des Européens qu’on perd l’espoir de jamais faire comprendre le
4122 contraste avec les mœurs des Européens qu’on perd l’ espoir de jamais faire comprendre les uns aux autres. L’ordre des vale
4123 ns qu’on perd l’espoir de jamais faire comprendre les uns aux autres. L’ordre des valeurs morales me semble s’inverser lors
4124 ir de jamais faire comprendre les uns aux autres. L’ ordre des valeurs morales me semble s’inverser lorsqu’on passe d’un co
4125 continent à l’autre. Un seul exemple : en Europe, la longue durée d’une liaison l’officialise presque ; en Amérique, c’est
4126 xemple : en Europe, la longue durée d’une liaison l’ officialise presque ; en Amérique, c’est elle qui fait scandale. Se qu
4127 En Europe, terre des cathédrales, on demande à Le Corbusier de bâtir des églises en verre et en ciment : je me souviens
4128 gt églises en style aérodynamique construites par les Allemands avant Hitler, ou par les Suisses ou par les Hollandais. Mai
4129 onstruites par les Allemands avant Hitler, ou par les Suisses ou par les Hollandais. Mais en Amérique, on copie le gothique
4130 Allemands avant Hitler, ou par les Suisses ou par les Hollandais. Mais en Amérique, on copie le gothique, tant pour les égl
4131 ou par les Hollandais. Mais en Amérique, on copie le gothique, tant pour les églises que pour les universités. On pousse l
4132 Mais en Amérique, on copie le gothique, tant pour les églises que pour les universités. On pousse le raffinement jusqu’à co
4133 copie le gothique, tant pour les églises que pour les universités. On pousse le raffinement jusqu’à construire le chœur en
4134 r les églises que pour les universités. On pousse le raffinement jusqu’à construire le chœur en style roman, et la nef en
4135 ités. On pousse le raffinement jusqu’à construire le chœur en style roman, et la nef en style ogival ; jusqu’à reproduire
4136 nt jusqu’à construire le chœur en style roman, et la nef en style ogival ; jusqu’à reproduire les tours non terminées des
4137 n, et la nef en style ogival ; jusqu’à reproduire les tours non terminées des cathédrales européennes. Et les résidences lu
4138 urs non terminées des cathédrales européennes. Et les résidences luxueuses de la campagne ou de la ville sont régulièrement
4139 rales européennes. Et les résidences luxueuses de la campagne ou de la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de st
4140 Et les résidences luxueuses de la campagne ou de la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor, de styl
4141 gne ou de la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor, de style Renaissance, de style hollandais ou es
4142 nce, de style hollandais ou espagnol… Par contre, les cottages américains ont infiniment plus d’originalité, de diversité e
4143 us d’originalité, de diversité et d’élégance, que les maisons bourgeoises en France. Quant aux gratte-ciel, l’ère en est bi
4144 ons bourgeoises en France. Quant aux gratte-ciel, l’ ère en est bien passée. Sauf à New York, ils ne sont pas rentables.
4145 ntables. Comment ils sont scrupuleux ou non L’ Américain ne pardonne pas une erreur de 2 cents dans un compte, mais s
4146 pays quand il bombarde, d’un siècle quand il cite l’ histoire, d’un ordre spirituel quand il critique un livre. Ce qu’il ne
4147 critique un livre. Ce qu’il ne tolère pas, c’est le mensonge, et là précisément où le Français le considère comme allant
4148 lère pas, c’est le mensonge, et là précisément où le Français le considère comme allant de soi, j’entends vis-à-vis de l’É
4149 est le mensonge, et là précisément où le Français le considère comme allant de soi, j’entends vis-à-vis de l’État. Quand v
4150 idère comme allant de soi, j’entends vis-à-vis de l’ État. Quand vous entrez en Amérique, on vous demande de remplir des qu
4151 tions de ce genre : « Buvez-vous ? Modérément ? À l’ excès ? Fumez-vous ? Avez-vous d’autres vices ? Êtes-vous partisan de
4152 on vous laissera entrer. Mais si vous dites sous la foi du serment, que vous ne l’êtes pas, et que votre vie plus tard pr
4153 si vous dites sous la foi du serment, que vous ne l’ êtes pas, et que votre vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’amende
4154 s pas, et que votre vie plus tard prouve que vous l’ êtes, l’amende ou la peine de prison seront triplées. Tout repose ici
4155 t que votre vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’ amende ou la peine de prison seront triplées. Tout repose ici sur la p
4156 vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’amende ou la peine de prison seront triplées. Tout repose ici sur la parole donnée
4157 ne de prison seront triplées. Tout repose ici sur la parole donnée, seul fondement d’une réelle démocratie. Comment ils
4158 le démocratie. Comment ils se battent Voici le contraste le plus profond entre l’Ancien et le Nouveau Monde : leur m
4159 . Comment ils se battent Voici le contraste le plus profond entre l’Ancien et le Nouveau Monde : leur manière de réa
4160 ttent Voici le contraste le plus profond entre l’ Ancien et le Nouveau Monde : leur manière de réagir à la souffrance. P
4161 ci le contraste le plus profond entre l’Ancien et le Nouveau Monde : leur manière de réagir à la souffrance. Prenons l’exe
4162 en et le Nouveau Monde : leur manière de réagir à la souffrance. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le Français, él
4163 : leur manière de réagir à la souffrance. Prenons l’ exemple de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dul
4164 e de réagir à la souffrance. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dulce et decorum
4165 r à la souffrance. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dulce et decorum est pro p
4166 france. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dulce et decorum est pro patria mori,
4167 e de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’ idée que dulce et decorum est pro patria mori, accepte de se faire tue
4168 re tuer non point par fanatisme, religieux, comme le Japonais, ni par esprit quasi sportif comme l’Américain, mais par une
4169 me le Japonais, ni par esprit quasi sportif comme l’ Américain, mais par une sorte de fatalisme inconscient. (Je ne parle p
4170 héros, mais du troupier moyen, sans opinion.) Il pense qu’il faut ce qu’il faut, et qu’il faut cela, et que c’est ainsi depu
4171 uis des siècles, et qu’on ne peut pas y échapper. L’ Américain, bien au contraire, considère la souffrance et la mort comme
4172 happer. L’Américain, bien au contraire, considère la souffrance et la mort comme des accidents insensés, que rien au monde
4173 in, bien au contraire, considère la souffrance et la mort comme des accidents insensés, que rien au monde ne peut rendre a
4174 monde ne peut rendre acceptables ou justifiables. L’ idée que la souffrance puisse devenir féconde ne l’effleure pas, tandi
4175 ut rendre acceptables ou justifiables. L’idée que la souffrance puisse devenir féconde ne l’effleure pas, tandis qu’elle r
4176 ’idée que la souffrance puisse devenir féconde ne l’ effleure pas, tandis qu’elle règne sur notre inconscient, résidu des p
4177 du des plus solennelles traditions religieuses de l’ Occident. C’est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’ennemi
4178 ditions religieuses de l’Occident. C’est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’ennemi, tandis que les Américains
4179 cident. C’est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’ennemi, tandis que les Américains s’assurent d’abord — quitt
4180 est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’ ennemi, tandis que les Américains s’assurent d’abord — quitte à payer
4181 çais avancent sous le feu de l’ennemi, tandis que les Américains s’assurent d’abord — quitte à payer le prix qu’il faut en
4182 es Américains s’assurent d’abord — quitte à payer le prix qu’il faut en matériel — que les batteries d’en face ont été écr
4183 itte à payer le prix qu’il faut en matériel — que les batteries d’en face ont été écrasées. Cette folie apparente de l’Euro
4184 n face ont été écrasées. Cette folie apparente de l’ Européen dénote un certain degré de spiritualité, car l’esprit se nour
4185 péen dénote un certain degré de spiritualité, car l’ esprit se nourrit de sacrifices. Tandis que le bon sens américain trah
4186 car l’esprit se nourrit de sacrifices. Tandis que le bon sens américain trahit une certaine ignorance des conditions premi
4187 ne certaine ignorance des conditions premières de la vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même
4188 e des conditions premières de la vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même, et pour les autres,
4189 remières de la vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’inverse.
4190 ituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’inverse. Je compare et vous lai
4191 èrent les raisons de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’inverse. Je compare et vous laisse juger. Ce n’est pa
4192 de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’ inverse. Je compare et vous laisse juger. Ce n’est pas simple. Et cela
4193 e choquer ? Que voulez-vous, j’ai deux amours. Or l’ amour rend parfois plus lucide que l’être aimé ne le souhaite. ab.
4194 x amours. Or l’amour rend parfois plus lucide que l’ être aimé ne le souhaite. ab. Rougemont Denis de, « L’Américain cr
4195 amour rend parfois plus lucide que l’être aimé ne le souhaite. ab. Rougemont Denis de, « L’Américain croit à la vie, l
4196 imé ne le souhaite. ab. Rougemont Denis de, «  L’ Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre », Temps pr
4197 ab. Rougemont Denis de, « L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre », Temps présent, Paris, 19 jui
4198 Rougemont Denis de, « L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre », Temps présent, Paris, 19 juillet 194
4199 p. 1-2. ac. Sous-titre manifestement oublié par la rédaction, et rajouté par nous sur la base du texte paru dans Vivre
4200 oublié par la rédaction, et rajouté par nous sur la base du texte paru dans Vivre en Amérique (chapitre 4), livre édité
4201 e édité un an plus tard chez Stock. ad. Depuis «  L’ ordre des valeurs morales… » : lecture incertaine, aucune copie correc
27 1946, Articles divers (1941-1946). Réponse à l’enquête « Les travaux des écrivains » (24 août 1946)
4202 Réponse à l’ enquête « Les travaux des écrivains » (24 août 1946)ae J’ai un cert
4203 Réponse à l’enquête «  Les travaux des écrivains » (24 août 1946)ae J’ai un certain nombre d’
4204 rique . C’est un recueil de tous mes articles sur les États-Unis, parus dans Carrefour , Le Figaro , Le Littéraire et le
4205 cles sur les États-Unis, parus dans Carrefour , Le Figaro , Le Littéraire et le Journal de Genève . Chez Gallimard : me
4206 États-Unis, parus dans Carrefour , Le Figaro , Le Littéraire et le Journal de Genève . Chez Gallimard : mes Lettres s
4207 s dans Carrefour , Le Figaro , Le Littéraire et le Journal de Genève . Chez Gallimard : mes Lettres sur la bombe atomi
4208 nal de Genève . Chez Gallimard : mes Lettres sur la bombe atomique , qui paraissent simultanément dans huit pays et en se
4209 dans huit pays et en sept langues différentes. La Part du diable , dont deux versions différentes parurent à New York e
4210 n 1940 af et en 1944. Il s’agit, bien entendu, de la version définitive. Les Personnes du drame . Ce sont des essais sur
4211 s’agit, bien entendu, de la version définitive. Les Personnes du drame . Ce sont des essais sur Goethe, Kierkegaard, Kafk
4212 erkegaard, Kafka, Luther, Gide, Ramuz, Claudel et les romantiques allemands. Enfin, Doctrine fabuleuse . J’y travaille dep
4213 euse . J’y travaille depuis vingt ans et voudrais la voir sortir pour mon quarantième anniversaire. D’autre part, quelques
4214 és. Chez Albin Michel, Penser avec les mains et le Journal d’un intellectuel en chômage . Aux Éditions « Je sers » : P
4215 hômage . Aux Éditions « Je sers » : Politique de la personne , qui, publié il y a douze ans, obtint un vif succès en Holl
4216 ccès en Hollande, où il joua un certain rôle dans la naissance du parti travailliste. Je préfère ne point vous parler des
4217 e. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Les travaux des écrivains », Le Figaro littéraire, Paris, 24 août 1946, p
4218 ponse à une enquête] Les travaux des écrivains », Le Figaro littéraire, Paris, 24 août 1946, p. 2. af. La première versio
28 1946, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)
4219 Mémoire de l’ Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)ah Je ne s
4220 étais baigné. J’étais fondé. Et je marchais parmi les signes. Sédiments séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l
4221 séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l’ on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces
4222 numents que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’ écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers un
4223 etrouvais… « Je t’aime. J’aime ! » J’ai tout dit. L’ Europe était patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence était pro
4224 ! » J’ai tout dit. L’Europe était patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence était profonde, et chaque être présent q
4225 urope était patrie d’amour. Le silence attendait, l’ absence était profonde, et chaque être présent questionnait, répondait
4226 , et chaque être présent questionnait, répondait. La force était au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obs
4227 ée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la contemplation jalouse d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps
4228 jà du temps de notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fre
4229 ion la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée q
4230 au silence. La force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée qui se liait aux autres… (Quand ta forc
4231 res… (Quand ta force devient visible, c’est comme le sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va !) La force était mémoir
4232 e sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va !) La force était mémoire et allusion. Elle était ce vieil arbre tenace. El
4233 ion. Elle était ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en
4234 t ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle
4235 ait la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… ⁂
4236 ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce qu
4237 ’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’ amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est
4238 udeurs de l’amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est l’ Europe. Parce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su
4239 Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’ Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant
4240 souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant de passé, et
4241 n vie tant de passé, et garder tant de morts dans la présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir.
4242 d’avenir. ah. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’ Europe (écrit en Amérique, en 1943) », Suisse contemporaine, Lausanne,
29 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
4243 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’ on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre
4244 eler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)ag Lisbonne
4245 Lisbonne, 8 septembre 1940 Blanche et bleue dans l’ immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claqu
4246 e 1940 Blanche et bleue dans l’immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquant et ses rues débou
4247 dans l’immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquant et ses rues débouchant sur le ciel, la vil
4248 ses drapeaux claquant et ses rues débouchant sur le ciel, la ville aux sent collines renie la guerre, oublie l’Europe. Da
4249 eaux claquant et ses rues débouchant sur le ciel, la ville aux sent collines renie la guerre, oublie l’Europe. Dans quelqu
4250 ant sur le ciel, la ville aux sent collines renie la guerre, oublie l’Europe. Dans quelques heures nous embarquons pour l’
4251 a ville aux sent collines renie la guerre, oublie l’ Europe. Dans quelques heures nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici
4252 Europe. Dans quelques heures nous embarquons pour l’ Amérique. Mais ici je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à
4253 nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la
4254 e fais le serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la vie, toujours pressée d’imaginer un monde
4255 une stricte mémoire à la candeur intarissable de la vie, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore continu
4256 iens de voir une civilisation frappée au cœur, je l’ ai vue chanceler, j’ai vu qu’elle peut mourir. Durant cette traversée
4257 Genève aux Pyrénées, pendant deux jours, j’ai vu la France toute pareille à un homme qui vient de tomber sur la tête : il
4258 toute pareille à un homme qui vient de tomber sur la tête : il se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t
4259 vre ? A-t-il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’ Espagne de cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre en
4260 sprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse,
4261 de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion des he
4262 ue et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant des terres abandonnées
4263 rhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’ invasion des herbes sauvages venant des terres abandonnées du Nord et
4264 ’elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les paniques dévastatrices du ve siècle de notre ère. Et je songe au bas
4265 ole d’une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut périr. Nous qui sommes encore ép
4266 , ne perdons pas notre délai de grâce ! À bord de l’ Exeter, 11 septembre 1940 Les derniers barrages traversés, la passerel
4267 de grâce ! À bord de l’Exeter, 11 septembre 1940 Les derniers barrages traversés, la passerelle relevée, et nos papiers en
4268 1 septembre 1940 Les derniers barrages traversés, la passerelle relevée, et nos papiers enfin déposés chez le purser, nous
4269 erelle relevée, et nos papiers enfin déposés chez le purser, nous n’avons plus devant nous qu’un océan sans douanes ! Dix
4270 s, dix jours durant lesquels on peut imaginer que la police renoncera au viol de notre vie privée. Pourtant, certains des
4271 . Pourtant, certains des passagers gardent encore l’ air de s’attendre au pire, tandis qu’ils font leur premier tour de pon
4272 rappellent sans doute ce Polonais, tiré, jeté par la police franquiste hors du train qui sifflait déjà pour le départ vers
4273 e franquiste hors du train qui sifflait déjà pour le départ vers la frontière — à deux-cents mètres — du Portugal et de la
4274 rs du train qui sifflait déjà pour le départ vers la frontière — à deux-cents mètres — du Portugal et de la liberté. Car t
4275 ontière — à deux-cents mètres — du Portugal et de la liberté. Car tel est le sadisme policier. Nous venons de passer, en q
4276 ètres — du Portugal et de la liberté. Car tel est le sadisme policier. Nous venons de passer, en quatre jours de voyage, s
4277 s différents de douane et de police. Secondés par la chance, nous n’y avons passé, si je compte bien, guère plus de 22 heu
4278 si je compte bien, guère plus de 22 heures, mais le total normal est d’au moins 30, m’affirme-t-on, et les « accidents »
4279 otal normal est d’au moins 30, m’affirme-t-on, et les « accidents » sont fréquents. Paradoxe du siècle où tout est fait pou
4280 Paradoxe du siècle où tout est fait pour réduire l’ homme à l’anonyme, pour le priver du sentiment de sa vocation, de sa d
4281 du siècle où tout est fait pour réduire l’homme à l’ anonyme, pour le priver du sentiment de sa vocation, de sa différence
4282 t est fait pour réduire l’homme à l’anonyme, pour le priver du sentiment de sa vocation, de sa différence personnelle, cep
4283 s il en proteste et moins il s’en assure. Plus il la chiffre et moins il la ressent. Et plus il la démontre à coups de doc
4284 ns il s’en assure. Plus il la chiffre et moins il la ressent. Et plus il la démontre à coups de documents, moins il se rec
4285 il la chiffre et moins il la ressent. Et plus il la démontre à coups de documents, moins il se reconnaît dans le portrait
4286 à coups de documents, moins il se reconnaît dans le portrait simplifié que la police en compose à toutes fins menaçantes.
4287 ns il se reconnaît dans le portrait simplifié que la police en compose à toutes fins menaçantes. Songeons aussi que ces pr
4288 aussi que ces procédés s’appliquent précisément à l’ émigrant, à celui qui s’éloigne de ses bases, des réflexes de son mili
4289 eu, de tout ce qui allait de soi autour de lui et l’ assurait quotidiennement, inconsciemment, qu’il était bien réel et bie
4290 lui-même… En mer, nuit du 12 au 13 septembre 1940 Les derniers bateaux de la dernière ligne reliant l’Europe à l’Amérique o
4291 Les derniers bateaux de la dernière ligne reliant l’ Europe à l’Amérique ont tous des noms en « Ex » : Exeter, Excalibur, E
4292 s bateaux de la dernière ligne reliant l’Europe à l’ Amérique ont tous des noms en « Ex » : Exeter, Excalibur, Excambion. E
4293 eur exil. Mais moi, de quoi pourrais-je bien être l’ ex ? Ni fugitif, ni juif, ni riche, ni détrôné, et ne pouvant me récla
4294 te des catastrophes, scandaleux personnage, comme le serait un témoin vivant même aux colloques des fantômes… Je crois bie
4295 est venue à cause d’une conversation entendue sur le pont cette nuit même. L’heure était fort tardive et propice aux aveux
4296 onversation entendue sur le pont cette nuit même. L’ heure était fort tardive et propice aux aveux. V., ex-cagoulard, ayant
4297 ns verve comment ses camarades et lui-même, avant la guerre, organisaient des dépôts de mitraillettes dans certaines rues
4298 es rues stratégiques de Paris, T., ex-militant de la gauche, lui répondit avec un demi-sourire et sans retirer son mégot,
4299 Paris, T., ex-militant de la gauche, lui répondit avec un demi-sourire et sans retirer son mégot, que de l’autre côté on sav
4300 out cela, et qu’au surplus, on en faisait autant, avec des armes fournies par certains ministères. Si j’en crois ces deux ex
4301 de guerre civile n’auraient été troublés que par l’ attaque intempestive des nazis. Contre ceux-là, il semblerait qu’on eû
4302 , il semblerait qu’on eût moins brillamment prévu les choses… De fait, les étrangers sont toujours surprenants. On ne s’ent
4303 eût moins brillamment prévu les choses… De fait, les étrangers sont toujours surprenants. On ne s’entend vraiment bien qu’
4304 ns du même peuple. 17 septembre 1940 Chaque soir, les passagers se pressent devant la porte de la cabine du capitaine, avec
4305 940 Chaque soir, les passagers se pressent devant la porte de la cabine du capitaine, avec l’espoir d’entendre la radio. T
4306 oir, les passagers se pressent devant la porte de la cabine du capitaine, avec l’espoir d’entendre la radio. Tout à l’heur
4307 essent devant la porte de la cabine du capitaine, avec l’espoir d’entendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais de me f
4308 t devant la porte de la cabine du capitaine, avec l’ espoir d’entendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais de me fauf
4309 la cabine du capitaine, avec l’espoir d’entendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais de me faufiler, R. s’extrait d
4310 itaine, avec l’espoir d’entendre la radio. Tout à l’ heure comme j’essayais de me faufiler, R. s’extrait du groupe, me cède
4311 , R. s’extrait du groupe, me cède sa place, et je l’ entends dire à sa femme qui attendait un peu en arrière : « Rien de no
4312 eu en arrière : « Rien de nouveau, c’est toujours les mêmes petites histoires… » Depuis des mois, c’est ce que répètent dix
4313 des mois, c’est ce que répètent dix fois par jour les usagers de la radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais no
4314 ce que répètent dix fois par jour les usagers de la radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regardio
4315 pètent dix fois par jour les usagers de la radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regardions de trop
4316 e monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regardions de trop près : d’heure en heure, nous n’avons rien vu. C’e
4317 coup, en nous retournant, que nous avons entrevu l’ ampleur et la rapidité des événements. Il a dit : « Rien de nouveau, r
4318 s retournant, que nous avons entrevu l’ampleur et la rapidité des événements. Il a dit : « Rien de nouveau, rien d’importa
4319 n d’important… » Mais je crois avoir entendu dans le ronron nasillard qui sortait de la petite chambre : « 165 avions alle
4320 r entendu dans le ronron nasillard qui sortait de la petite chambre : « 165 avions allemands ont été abattus sur Londres. 
4321 ont été abattus sur Londres. » Et c’est peut-être la nouvelle la plus importante de la guerre. Car tout tient aux Anglais,
4322 tus sur Londres. » Et c’est peut-être la nouvelle la plus importante de la guerre. Car tout tient aux Anglais, et si ce bu
4323 c’est peut-être la nouvelle la plus importante de la guerre. Car tout tient aux Anglais, et si ce bulletin dit vrai, les A
4324 ut tient aux Anglais, et si ce bulletin dit vrai, les Anglais tiennent. L’autre jour à Lisbonne une lady me disait : « Nous
4325 peuple qui ne sait pas quand il est battu. » J’ai pensé aux chefs français trop cartésiens qui ont admis la défaite sur sa dé
4326 aux chefs français trop cartésiens qui ont admis la défaite sur sa définition, — avant qu’elle fût définitive. 18 septemb
4327 fût définitive. 18 septembre 1940 Comment prévoir l’ issue de cette guerre, lorsqu’on a remarqué qu’elle n’oppose plus que
4328 tre qui ne sait pas être vaincue, mais qui perd ? Les Allemands, en effet, même victorieux, se plaignent encore comme des v
4329 rieux, se plaignent encore comme des victimes. Et les Anglais, même battus, se comportent en propriétaires de droit divin d
4330 se comportent en propriétaires de droit divin de la victoire en général. La seule solution « possible » serait donc la vi
4331 étaires de droit divin de la victoire en général. La seule solution « possible » serait donc la victoire anglaise. 19 sept
4332 néral. La seule solution « possible » serait donc la victoire anglaise. 19 septembre 1940 Un journaliste américain, qui re
4333 stingage, près de moi, et me dit en crachant dans l’ eau entre chaque phrase : « Il y a des gens, des Parisiens, qui trouve
4334  Il y a des gens, des Parisiens, qui trouvent que les Boches sont corrects… Well… Quand un gangster de Chicago vous prend v
4335 orrect, isn’t he ? » À mon tour, j’ai craché dans l’ eau, pour marquer mon approbation. 20 septembre 1940, en rade de New Y
4336 New York Je me suis éveillé dans ma cabine moite avec le sentiment que tout était changé autour de moi. Eh oui ! des verdur
4337 York Je me suis éveillé dans ma cabine moite avec le sentiment que tout était changé autour de moi. Eh oui ! des verdures
4338 verdures proches défilaient au hublot ! Couru sur le pont. Nous sommes dans les passes de l’Hudson. Une brume de chaleur t
4339 t au hublot ! Couru sur le pont. Nous sommes dans les passes de l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit les rives.
4340 Couru sur le pont. Nous sommes dans les passes de l’ Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit les rives. Je ne m’atten
4341 e l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit les rives. Je ne m’attendais pas à la nature américaine, à la voir la pre
4342 opicale bleuit les rives. Je ne m’attendais pas à la nature américaine, à la voir la première et de si près, avant les gra
4343 . Je ne m’attendais pas à la nature américaine, à la voir la première et de si près, avant les gratte-ciel, la statue… Je
4344 caine, à la voir la première et de si près, avant les gratte-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensation d’un paysage p
4345 la première et de si près, avant les gratte-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensation d’un paysage plus étranger, ma
4346 ant les gratte-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensation d’un paysage plus étranger, mais plus étrangement accueilla
4347 iques. Et comme on aime une terre qui s’approche, avec l’immense sécurité du continent qu’on imagine au-delà de ces falaises
4348 . Et comme on aime une terre qui s’approche, avec l’ immense sécurité du continent qu’on imagine au-delà de ces falaises or
4349 e forêts d’un vert sombre de luxueuse tapisserie… La rivière s’élargit et se peuple de mâts. Au sommet d’une falaise qui f
4350 emière rue américaine ! Nous approchons. Tournant la tête vers l’avant, un peu au-dessus de la poupe, je viens de voir un
4351 éricaine ! Nous approchons. Tournant la tête vers l’ avant, un peu au-dessus de la poupe, je viens de voir un groupe de tou
4352 ournant la tête vers l’avant, un peu au-dessus de la poupe, je viens de voir un groupe de tours serrées, presque diaphanes
4353 n groupe de tours serrées, presque diaphanes dans la brume — Manhattan, comme une prémonition qui serait vérifiée à l’inst
4354 « En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation », Le Figaro littéraire, Paris, 21 septembre 1946, p. 1 et 4.