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Reynold et
l’
avenir de la Suisse (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’
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Reynold et l’avenir de
la
Suisse (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’auteur de Co
3
Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)a
Le
grand service que nous aura rendu l’auteur de Conscience de la Suisse
4
e (1941)a Le grand service que nous aura rendu
l’
auteur de Conscience de la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’aven
5
ice que nous aura rendu l’auteur de Conscience de
la
Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédiat de ce pays un
6
cience de la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur
l’
avenir immédiat de ce pays un jugement pessimiste. Les plus graves fai
7
venir immédiat de ce pays un jugement pessimiste.
Les
plus graves faiblesses, morales et matérielles, dans le domaine de la
8
s graves faiblesses, morales et matérielles, dans
le
domaine de la « défense spirituelle » comme dans celui de la défense
9
esses, morales et matérielles, dans le domaine de
la
« défense spirituelle » comme dans celui de la défense du territoire,
10
de la « défense spirituelle » comme dans celui de
la
défense du territoire, proviennent chez nous d’une incapacité congéni
11
chez nous d’une incapacité congénitale à prévoir
le
pire, à l’admettre, et à se préparer en conséquence. Nous n’avons pas
12
d’une incapacité congénitale à prévoir le pire, à
l’
admettre, et à se préparer en conséquence. Nous n’avons pas encore su
13
n conséquence. Nous n’avons pas encore su prendre
le
tempo de ce xxe siècle. C’est que nous sommes devenus un peuple de b
14
t que nous sommes devenus un peuple de bourgeois.
L’
ère de la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de l’absence d’im
15
s sommes devenus un peuple de bourgeois. L’ère de
la
bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de l’absence d’imagination
16
la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de
l’
absence d’imagination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos can
17
ence d’imagination réaliste, prolonge encore dans
la
vie de nos cantons une existence condamnée ailleurs par des faits que
18
illeurs par des faits que je n’ai pas à rappeler.
La
faiblesse du bourgeois réside dans son refus de prendre au sérieux ce
19
éside dans son refus de prendre au sérieux ce qui
l’
étonne. « Trop beau pour être vrai », disait-il au siècle dernier ; et
20
par en bas, traduit un seul et même refus de voir
le
monde tel qu’il est : pécheur et racheté, condamné et sauvé. Qui ne c
21
le. Qui ne croit pas au pardon ne saurait mesurer
les
profondeurs et les puissances du mal. Et c’est pourquoi les chrétiens
22
s au pardon ne saurait mesurer les profondeurs et
les
puissances du mal. Et c’est pourquoi les chrétiens seuls savent recon
23
deurs et les puissances du mal. Et c’est pourquoi
les
chrétiens seuls savent reconnaître les démons et déjouer à temps leur
24
t pourquoi les chrétiens seuls savent reconnaître
les
démons et déjouer à temps leurs calculs. Reynold a le courage d’envis
25
émons et déjouer à temps leurs calculs. Reynold a
le
courage d’envisager — de regarder en plein visage — ce qui nous ruine
26
il soit pessimiste par tempérament — ce n’est pas
l’
impression qu’il donne, pas du tout — mais il est simplement lucide. I
27
est simplement lucide. Il a su voir plus loin que
le
bout de la Suisse. Il a su voir l’Europe en pleine révolution. Il a m
28
ent lucide. Il a su voir plus loin que le bout de
la
Suisse. Il a su voir l’Europe en pleine révolution. Il a montré l’un
29
plus loin que le bout de la Suisse. Il a su voir
l’
Europe en pleine révolution. Il a montré l’un des premiers, chez nous,
30
on. Il a montré l’un des premiers, chez nous, que
la
vraie fin, même inconsciente de l’étatisme disciplinaire, dépourvu d’
31
chez nous, que la vraie fin, même inconsciente de
l’
étatisme disciplinaire, dépourvu d’idéal directeur, n’était autre que
32
re, dépourvu d’idéal directeur, n’était autre que
la
mise au pas du pays, sa mise en marche vers le nihilisme — ou l’annex
33
ue la mise au pas du pays, sa mise en marche vers
le
nihilisme — ou l’annexion. « Faire du socialisme, écrit-il, c’est fai
34
du pays, sa mise en marche vers le nihilisme — ou
l’
annexion. « Faire du socialisme, écrit-il, c’est faire la moitié du na
35
ion. « Faire du socialisme, écrit-il, c’est faire
la
moitié du national-socialisme. » Certes, on peut lui répondre que fai
36
’est faire l’autre moitié de ce tout. Mais enfin,
l’
important c’est que chacun commence par dire la vérité dans son patois
37
n, l’important c’est que chacun commence par dire
la
vérité dans son patois, et celui de Reynold est « de droite ». Le mie
38
s encore aux vaines distinctions qui chatouillent
les
politiciens ! Laissons tout cela et avançons ! La claire vision d’un
39
es politiciens ! Laissons tout cela et avançons !
La
claire vision d’un but commun et d’un péril qui se désigne lui-même c
40
Allons-y viribus unitis ! Car cela est clair : ni
les
gauches ni les droites seules, ni les catholiques ni les protestants
41
s unitis ! Car cela est clair : ni les gauches ni
les
droites seules, ni les catholiques ni les protestants seuls ne pourro
42
clair : ni les gauches ni les droites seules, ni
les
catholiques ni les protestants seuls ne pourront rien faire chez nous
43
ches ni les droites seules, ni les catholiques ni
les
protestants seuls ne pourront rien faire chez nous. S’ils veulent res
44
diversités se fédèrent au service du pays. Quand
le
temps presse, comme aujourd’hui, l’on voit ce qui compte, et c’est ce
45
u pays. Quand le temps presse, comme aujourd’hui,
l’
on voit ce qui compte, et c’est cela qui unit. Pour le reste, si série
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voit ce qui compte, et c’est cela qui unit. Pour
le
reste, si sérieux soit-il, on en reparlera plus tard. Faisons d’abord
47
orte qu’il y ait un « plus tard ». En campagne,
le
jour de la capitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis de, «
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y ait un « plus tard ». En campagne, le jour de
la
capitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold et
49
d ». En campagne, le jour de la capitulation de
la
Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’avenir de la Suis
50
Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold et
l’
avenir de la Suisse », Hommage à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librai
51
a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’avenir de
la
Suisse », Hommage à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librairie de l’Uni
52
age à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librairie de
l’
Université, 1941, p. 123-125.
53
Trois paraboles (1er octobre 1941)b I. À
la
porte du jardin Il y a mille chambres au Palais, mille lits pour y
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es, et sa pudeur est dévoilée, ô folle ! Mais lui
les
trouve et s’en revêt : voiles de nuit. Elle a passé tout près, ne l’a
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evêt : voiles de nuit. Elle a passé tout près, ne
l’
a pas vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’amour appelant
56
a passé tout près, ne l’a pas vu. C’est pourtant
le
désir qui les presse, et l’amour appelant l’amour aux chambres vides,
57
près, ne l’a pas vu. C’est pourtant le désir qui
les
presse, et l’amour appelant l’amour aux chambres vides, dans la sonor
58
as vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et
l’
amour appelant l’amour aux chambres vides, dans la sonorité glaciale d
59
tant le désir qui les presse, et l’amour appelant
l’
amour aux chambres vides, dans la sonorité glaciale des appartements d
60
l’amour appelant l’amour aux chambres vides, dans
la
sonorité glaciale des appartements du Pouvoir. Lui, la voyant passer,
61
norité glaciale des appartements du Pouvoir. Lui,
la
voyant passer, s’offusque, ou c’est le désir qui l’aveugle ? Elle est
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voir. Lui, la voyant passer, s’offusque, ou c’est
le
désir qui l’aveugle ? Elle est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui con
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voyant passer, s’offusque, ou c’est le désir qui
l’
aveugle ? Elle est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui connais le maîtr
64
le est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui connais
le
maître du palais, dis-moi s’il vit, s’il règne encore aux solitudes.
65
e aux solitudes. Car sinon, tu m’entends, je suis
le
Prince ! Et quelle est la femme égarée qui ne voudrait aimer le Princ
66
, tu m’entends, je suis le Prince ! Et quelle est
la
femme égarée qui ne voudrait aimer le Prince de ces Lieux ? — Mais on
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quelle est la femme égarée qui ne voudrait aimer
le
Prince de ces Lieux ? — Mais on m’appelle, écoute, la voix venait du
68
rince de ces Lieux ? — Mais on m’appelle, écoute,
la
voix venait du parc ? — Es-tu bien sûr que c’était une voix ? Ils y c
69
bien sûr que c’était une voix ? Ils y couraient.
La
nuit pleuvait dans les futaies épaisses, et les herbes sauvages fouet
70
une voix ? Ils y couraient. La nuit pleuvait dans
les
futaies épaisses, et les herbes sauvages fouettaient les jambes nues.
71
t. La nuit pleuvait dans les futaies épaisses, et
les
herbes sauvages fouettaient les jambes nues. Au fond du parc, près de
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aies épaisses, et les herbes sauvages fouettaient
les
jambes nues. Au fond du parc, près de la porte démolie, là où les mur
73
ttaient les jambes nues. Au fond du parc, près de
la
porte démolie, là où les murs ne cachent plus que les abords désertiq
74
Au fond du parc, près de la porte démolie, là où
les
murs ne cachent plus que les abords désertiques de la ville, ils se s
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porte démolie, là où les murs ne cachent plus que
les
abords désertiques de la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans l
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urs ne cachent plus que les abords désertiques de
la
ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais dispar
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abords désertiques de la ville, ils se sont vus !
Le
jour naît dans la pluie. Le Palais disparu, les jardins dévastés, il
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de la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans
la
pluie. Le Palais disparu, les jardins dévastés, il est vêtu des voile
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le, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie.
Le
Palais disparu, les jardins dévastés, il est vêtu des voiles, elle tr
80
! Le jour naît dans la pluie. Le Palais disparu,
les
jardins dévastés, il est vêtu des voiles, elle tremble nue. — Où se c
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cacher encore ? dit-elle. — Dans tes voiles. — Tu
les
as pris. — Viens dans mes bras, ma fille. II. Le marché de l’aube
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as pris. — Viens dans mes bras, ma fille. II.
Le
marché de l’aube — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le pe
83
iens dans mes bras, ma fille. II. Le marché de
l’
aube — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le petit marchand
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ma fille. II. Le marché de l’aube — Choisis
la
pierre de tes vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche de prê
85
be — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait
le
petit marchand à la barbiche de prêtre oriental. L’homme choisit la p
86
ierre de tes vœux, lui disait le petit marchand à
la
barbiche de prêtre oriental. L’homme choisit la plus terne, il était
87
petit marchand à la barbiche de prêtre oriental.
L’
homme choisit la plus terne, il était triste et présomptueux. À mesure
88
à la barbiche de prêtre oriental. L’homme choisit
la
plus terne, il était triste et présomptueux. À mesure qu’avec les ann
89
rne, il était triste et présomptueux. À mesure qu’
avec
les années, il se persuadait que sa pierre était bonne, étant bien ce
90
il était triste et présomptueux. À mesure qu’avec
les
années, il se persuadait que sa pierre était bonne, étant bien celle
91
pierre était bonne, étant bien celle de ses vœux,
la
pierre se mit à luire davantage ; et davantage encore il l’aimait, pl
92
se mit à luire davantage ; et davantage encore il
l’
aimait, plus il luttait contre la vie, plus il vivait. Un soir, émerve
93
antage encore il l’aimait, plus il luttait contre
la
vie, plus il vivait. Un soir, émerveillé de la revoir, il dit : — Je
94
re la vie, plus il vivait. Un soir, émerveillé de
la
revoir, il dit : — Je suis un homme heureux, j’ai su choisir la pierr
95
dit : — Je suis un homme heureux, j’ai su choisir
la
pierre de mes vœux, car seul j’ai deviné le cher secret de son éclat.
96
oisir la pierre de mes vœux, car seul j’ai deviné
le
cher secret de son éclat. Et maintenant, ma pierre, luis de ton propr
97
je te contemple en mon repos. Elle s’éteignit. Il
la
jeta dans le brasier cendreux. Pendant la nuit — grande était sa doul
98
le en mon repos. Elle s’éteignit. Il la jeta dans
le
brasier cendreux. Pendant la nuit — grande était sa douleur — la pier
99
nit. Il la jeta dans le brasier cendreux. Pendant
la
nuit — grande était sa douleur — la pierre se mit à luire sous la cen
100
reux. Pendant la nuit — grande était sa douleur —
la
pierre se mit à luire sous la cendre, et le grand feu flamba soudain
101
était sa douleur — la pierre se mit à luire sous
la
cendre, et le grand feu flamba soudain toute la pièce. Il dit à sa pi
102
eur — la pierre se mit à luire sous la cendre, et
le
grand feu flamba soudain toute la pièce. Il dit à sa pierre : — Ô ma
103
s la cendre, et le grand feu flamba soudain toute
la
pièce. Il dit à sa pierre : — Ô ma pierre, luis dans le feu ! Je ne p
104
ce. Il dit à sa pierre : — Ô ma pierre, luis dans
le
feu ! Je ne puis te toucher, mais la chaleur est bonne. Tout un hiver
105
e, luis dans le feu ! Je ne puis te toucher, mais
la
chaleur est bonne. Tout un hiver, il vécut de ce feu. Le printemps vi
106
eur est bonne. Tout un hiver, il vécut de ce feu.
Le
printemps vint. — Aurai-je encore besoin du feu ? Je reprendrai ma pi
107
eu ? Je reprendrai ma pierre et me reposerai dans
la
fraîcheur de son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fa
108
t me reposerai dans la fraîcheur de son éclat. Il
la
prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fait son temps, songea-t-il, dan
109
ur de son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. —
L’
hiver a fait son temps, songea-t-il, dans ma vie. Pour la deuxième foi
110
vie. Pour la deuxième fois, il alla au marché de
l’
aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche de p
111
ième fois, il alla au marché de l’aube. — Choisis
la
pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche de prêtre, je me souvi
112
l’aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit
l’
homme à barbiche de prêtre, je me souviens de ta jeunesse. Il choisit
113
prêtre, je me souviens de ta jeunesse. Il choisit
la
plus éclatante. Et vois : quand il était heureux, elle luisait d’une
114
ais c’était l’autre qu’il prenait alors entre ses
mains
, la pierre du vœu triste et présomptueux de sa jeunesse. Et il pleura
115
tait l’autre qu’il prenait alors entre ses mains,
la
pierre du vœu triste et présomptueux de sa jeunesse. Et il pleurait.
116
roisième fois, il se leva pour aller au marché de
l’
aube. — Tu n’as plus rien, lui dit le petit vieillard, je ne te vendra
117
au marché de l’aube. — Tu n’as plus rien, lui dit
le
petit vieillard, je ne te vendrai rien à crédit. Tu possèdes ta Vie,
118
ne des deux pierres sera ta pierre de Mort, si tu
la
choisis seule, et ne veux plus souffrir. III. Le coup de pistolet
119
choisis seule, et ne veux plus souffrir. III.
Le
coup de pistolet Évidemment, je n’aurais pas dû entrer. On fait de
120
des escaliers partout, un labyrinthe. Je suivais
les
tapis rouges, et les lampes rouges, comme lorsqu’on choisit une coule
121
t, un labyrinthe. Je suivais les tapis rouges, et
les
lampes rouges, comme lorsqu’on choisit une couleur au jeu de cartes,
122
uleur au jeu de cartes, rouge ou noir. J’arrive à
la
salle de lecture. Il n’y avait que des feuilles de papier blanc sur l
123
Il n’y avait que des feuilles de papier blanc sur
les
tables, et tout le monde lisait. Je dis : — Est-elle ici ? Quelqu’un
124
monde lisait. Je dis : — Est-elle ici ? Quelqu’un
l’
a-t-il vue ? Ils me regardent d’un air vexé. Un valet s’approche rapid
125
lle y est évidemment. Mais je rappelle à Monsieur
la
règle du club : Ni Questions Ni Réponses. Je ne savais plus que dire,
126
c’eût été une sorte de question ou de réponse. Je
pensais
que le mieux serait de m’en aller sans bruit. Mais vous connaissez ce
127
e sorte de question ou de réponse. Je pensais que
le
mieux serait de m’en aller sans bruit. Mais vous connaissez ces coulo
128
sez ces couloirs. Et je ne voulais pas être mis à
la
porte ! Naturellement, j’aurais dû pousser la première porte venue, s
129
aurais dû pousser la première porte venue, sans y
penser
, et je serais sorti comme j’étais entré. Mais le fait est que je pens
130
ser, et je serais sorti comme j’étais entré. Mais
le
fait est que je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà la fau
131
orti comme j’étais entré. Mais le fait est que je
pensais
à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute. L’inévitable se prod
132
Mais le fait est que je pensais à sortir, et par
la
bonne porte. Voilà la faute. L’inévitable se produisit au bout de que
133
je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà
la
faute. L’inévitable se produisit au bout de quelques heures. J’étais
134
à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute.
L’
inévitable se produisit au bout de quelques heures. J’étais épuisé, j’
135
urde, pourquoi ménager quoi que ce soit ? C’était
la
question par excellence ! Le résumé de toutes mes erreurs, si vous vo
136
ue ce soit ? C’était la question par excellence !
Le
résumé de toutes mes erreurs, si vous voulez. Je trouve la porte du b
137
de toutes mes erreurs, si vous voulez. Je trouve
la
porte du bureau directorial. J’entre comme un fou et je crie : — Pour
138
l. J’entre comme un fou et je crie : — Pourquoi ?
Le
directeur était assis face à la porte et me regardait comme s’il n’av
139
ie : — Pourquoi ? Le directeur était assis face à
la
porte et me regardait comme s’il n’avait rien entendu. Nous nous somm
140
es yeux et me rejoignait par-derrière, je ne puis
l’
expliquer autrement. D’une certaine manière, c’était mon propre, regar
141
yeux et revenait sur ma nuque. À l’instant où je
l’
ai compris, il a tiré. — Eh bien oui, je suis là, dit-elle. (Je tenais
142
Eh bien oui, je suis là, dit-elle. (Je tenais sa
main
. Je sentis qu’elle avait de la fièvre.) Je suis là parce que tu es ve
143
e. (Je tenais sa main. Je sentis qu’elle avait de
la
fièvre.) Je suis là parce que tu es venu, tout simplement. Nous étion
144
la va durer. Elle délire et j’ai cette balle dans
le
cœur. Et voici que maintenant, je ne puis plus poser de questions. Ca
145
me dites que c’est une vraie balle que j’ai dans
le
cœur, il est évident que je suis mort. Et si vous me dites que la bal
146
évident que je suis mort. Et si vous me dites que
la
balle n’est pas plus réelle que ce qui s’est passé dans la maison, vo
147
n’est pas plus réelle que ce qui s’est passé dans
la
maison, vous supprimez à la fois toutes les questions possibles et do
148
é dans la maison, vous supprimez à la fois toutes
les
questions possibles et donc toute possibilité de réponse à quoi que c
149
La
leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914
150
La leçon de
l’
armée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914, l’empereur
151
çon de l’armée suisse (4 mars 1942)c Peu avant
la
guerre de 1914, l’empereur Guillaume II fit une visite au gouvernemen
152
se (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914,
l’
empereur Guillaume II fit une visite au gouvernement suisse. Au cours
153
et vous tirez bien ; mais si nous vous attaquions
avec
un million d’hommes, que feriez-vous ? » — « Chacun de nous tirerait
154
de nous tirerait deux fois », répondit calmement
le
soldat. Le Kaiser préféra passer par la Belgique. La Suisse est l’un
155
rerait deux fois », répondit calmement le soldat.
Le
Kaiser préféra passer par la Belgique. La Suisse est l’un des pays qu
156
calmement le soldat. Le Kaiser préféra passer par
la
Belgique. La Suisse est l’un des pays qui a le mieux résolu l’urgent
157
soldat. Le Kaiser préféra passer par la Belgique.
La
Suisse est l’un des pays qui a le mieux résolu l’urgent problème de l
158
ar la Belgique. La Suisse est l’un des pays qui a
le
mieux résolu l’urgent problème de la défense de la démocratie, sans t
159
La Suisse est l’un des pays qui a le mieux résolu
l’
urgent problème de la défense de la démocratie, sans toutefois tomber
160
s pays qui a le mieux résolu l’urgent problème de
la
défense de la démocratie, sans toutefois tomber dans une mobilisation
161
e mieux résolu l’urgent problème de la défense de
la
démocratie, sans toutefois tomber dans une mobilisation totalitaire.
162
s tomber dans une mobilisation totalitaire. Voici
les
faits : Avec une population de 4 millions et demi d’habitants, la Sui
163
s une mobilisation totalitaire. Voici les faits :
Avec
une population de 4 millions et demi d’habitants, la Suisse a une arm
164
une population de 4 millions et demi d’habitants,
la
Suisse a une armée de 600 000 hommes. Un habitant sur 7 est un soldat
165
600 000 hommes. Un habitant sur 7 est un soldat.
La
même proportion donnerait aux États-Unis une armée de 20 millions d’h
166
ne armée de 20 millions d’hommes. Mais nulle part
les
coutumes et les institutions ne sont plus démocratiques qu’en Suisse,
167
illions d’hommes. Mais nulle part les coutumes et
les
institutions ne sont plus démocratiques qu’en Suisse, et nulle part l
168
nt plus démocratiques qu’en Suisse, et nulle part
l’
armée n’est plus populaire et ne fait aussi partie de la vie nationale
169
e n’est plus populaire et ne fait aussi partie de
la
vie nationale qu’en Suisse. Depuis que les communes suisses se libérè
170
rtie de la vie nationale qu’en Suisse. Depuis que
les
communes suisses se libérèrent pour la première fois de la domination
171
es suisses se libérèrent pour la première fois de
la
domination médiévale des seigneurs, leur armée a été un groupement de
172
insi qu’on peut souvent voir un paysan, assis sur
le
seuil de sa porte, polissant et graissant son fusil après le tir du d
173
sa porte, polissant et graissant son fusil après
le
tir du dimanche, — spectacle que vous ne verrez nulle part ailleurs d
174
tacle que vous ne verrez nulle part ailleurs dans
le
monde. Cette habitude remonte au Moyen Âge germanique. À cette époque
175
remonte au Moyen Âge germanique. À cette époque,
l’
« homme libre », — celui qui n’était pas un serf, — se distinguait par
176
un serf, — se distinguait par ce fait : il avait
le
droit de porter des armes. Les Suisses considèrent leurs armes comme
177
ce fait : il avait le droit de porter des armes.
Les
Suisses considèrent leurs armes comme un symbole de leur liberté. Les
178
ent leurs armes comme un symbole de leur liberté.
Les
libertés civiques et l’esprit militaire n’ont jamais été en contradic
179
symbole de leur liberté. Les libertés civiques et
l’
esprit militaire n’ont jamais été en contradiction. Depuis les temps l
180
litaire n’ont jamais été en contradiction. Depuis
les
temps les plus anciens, les Suisses étaient libres parce qu’ils étaie
181
ont jamais été en contradiction. Depuis les temps
les
plus anciens, les Suisses étaient libres parce qu’ils étaient forts,
182
contradiction. Depuis les temps les plus anciens,
les
Suisses étaient libres parce qu’ils étaient forts, et ils étaient for
183
et ils étaient forts parce qu’ils étaient libres.
La
possession par chaque citoyen de ses propres armes, montre d’une faço
184
es propres armes, montre d’une façon concrète que
l’
État lui fait confiance. Imaginez ce qui arriverait dans certains État
185
en proie à des luttes sociales ou politiques, si
les
soldats démobilisés avaient le droit d’emporter chez eux leurs armes
186
ou politiques, si les soldats démobilisés avaient
le
droit d’emporter chez eux leurs armes et leurs munitions ! En France,
187
leurs armes et leurs munitions ! En France, après
l’
Armistice, on offrit cent-mille francs aux soldats, en échange de leur
188
r fit désarmer ses propres troupes de choc, après
l’
épuration du 30 juin 1934, leur laissant seulement un poignard décorat
189
4, leur laissant seulement un poignard décoratif.
La
possession par chacun de ses propres armes a également une importance
190
e technique qui n’est nullement à négliger. C’est
le
seul moyen d’assurer une mobilisation ultrarapide. Et c’est la défens
191
d’assurer une mobilisation ultrarapide. Et c’est
la
défense la plus adéquate contre les parachutistes. Une coutume médiév
192
une mobilisation ultrarapide. Et c’est la défense
la
plus adéquate contre les parachutistes. Une coutume médiévale est dev
193
pide. Et c’est la défense la plus adéquate contre
les
parachutistes. Une coutume médiévale est devenue, ainsi, la méthode l
194
tistes. Une coutume médiévale est devenue, ainsi,
la
méthode la plus moderne de défense. C’est la clé de l’organisation de
195
coutume médiévale est devenue, ainsi, la méthode
la
plus moderne de défense. C’est la clé de l’organisation de l’armée su
196
nsi, la méthode la plus moderne de défense. C’est
la
clé de l’organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité
197
thode la plus moderne de défense. C’est la clé de
l’
organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’armée
198
rne de défense. C’est la clé de l’organisation de
l’
armée suisse et le secret de sa popularité… L’armée est un lien non se
199
est la clé de l’organisation de l’armée suisse et
le
secret de sa popularité… L’armée est un lien non seulement entre les
200
de l’armée suisse et le secret de sa popularité…
L’
armée est un lien non seulement entre les individus, mais aussi entre
201
pularité… L’armée est un lien non seulement entre
les
individus, mais aussi entre les classes. La Suisse n’a pas d’école ré
202
n seulement entre les individus, mais aussi entre
les
classes. La Suisse n’a pas d’école réservée aux officiers. Tous les h
203
ntre les individus, mais aussi entre les classes.
La
Suisse n’a pas d’école réservée aux officiers. Tous les hommes de 20
204
isse n’a pas d’école réservée aux officiers. Tous
les
hommes de 20 ans, propres au service militaire vont à la même école.
205
es de 20 ans, propres au service militaire vont à
la
même école. Là le paysan a comme compagnon de chambre l’étudiant, l’o
206
res au service militaire vont à la même école. Là
le
paysan a comme compagnon de chambre l’étudiant, l’ouvrier le fils de
207
école. Là le paysan a comme compagnon de chambre
l’
étudiant, l’ouvrier le fils de son patron. Pendant les trois mois que
208
e paysan a comme compagnon de chambre l’étudiant,
l’
ouvrier le fils de son patron. Pendant les trois mois que dure l’entra
209
comme compagnon de chambre l’étudiant, l’ouvrier
le
fils de son patron. Pendant les trois mois que dure l’entraînement, o
210
tudiant, l’ouvrier le fils de son patron. Pendant
les
trois mois que dure l’entraînement, on a le temps de reconnaître la v
211
ls de son patron. Pendant les trois mois que dure
l’
entraînement, on a le temps de reconnaître la valeur réelle et les fai
212
dant les trois mois que dure l’entraînement, on a
le
temps de reconnaître la valeur réelle et les faiblesses de son voisin
213
dure l’entraînement, on a le temps de reconnaître
la
valeur réelle et les faiblesses de son voisin, de se faire des amitié
214
on a le temps de reconnaître la valeur réelle et
les
faiblesses de son voisin, de se faire des amitiés. Une égalité complè
215
ire des amitiés. Une égalité complète existe dans
les
baraquements. Cet entraînement intensif renvoie les hommes à la vie c
216
s baraquements. Cet entraînement intensif renvoie
les
hommes à la vie civile, bronzés, endurcis et chargés d’expérience que
217
s. Cet entraînement intensif renvoie les hommes à
la
vie civile, bronzés, endurcis et chargés d’expérience que la vie pais
218
le, bronzés, endurcis et chargés d’expérience que
la
vie paisible des villes ou des villages ne leur aurait pas donné en d
219
dix ans. Ces 3 mois sont un puissant tonique pour
la
jeunesse suisse et la durée relativement courte de l’entraînement per
220
nt un puissant tonique pour la jeunesse suisse et
la
durée relativement courte de l’entraînement permet à chaque recrue de
221
eunesse suisse et la durée relativement courte de
l’
entraînement permet à chaque recrue de retrouver à son retour sa place
222
ue recrue de retrouver à son retour sa place dans
la
vie civile. L’insuffisance technique résultant d’une si brève période
223
trouver à son retour sa place dans la vie civile.
L’
insuffisance technique résultant d’une si brève période de service est
224
service est compensée par un entraînement annuel.
La
vie civile également apporte au citadin de fréquents contacts avec le
225
galement apporte au citadin de fréquents contacts
avec
les affaires militaires. Dans chaque village, dans chaque club de tir
226
ent apporte au citadin de fréquents contacts avec
les
affaires militaires. Dans chaque village, dans chaque club de tir, on
227
ercles d’amis » pour officiers et sous-officiers.
L’
officier suisse est, dans la plupart des cas, un civil, comme tout le
228
art des cas, un civil, comme tout le monde. Entre
les
manœuvres annuelles, il consacre quelques heures par semaine à ses de
229
voirs militaires. Un capitaine, par exemple, dans
la
vie civile, surveille sa compagnie : il sait toujours où ses hommes h
230
pagnie : il sait toujours où ses hommes habitent.
L’
habitude veut qu’ils lui envoient leurs bons vœux de Nouvel An, auxque
231
ont vers lui pour lui demander un conseil ou pour
les
aider à trouver du travail. Tous le considèrent comme le chef d’une f
232
seil ou pour les aider à trouver du travail. Tous
le
considèrent comme le chef d’une famille de 200 hommes. Le Haut-Comman
233
r à trouver du travail. Tous le considèrent comme
le
chef d’une famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de l’armée en
234
dèrent comme le chef d’une famille de 200 hommes.
Le
Haut-Commandement de l’armée en Suisse a prévu dès 1930 déjà, que la
235
ne famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de
l’
armée en Suisse a prévu dès 1930 déjà, que la prochaine guerre ne sera
236
t de l’armée en Suisse a prévu dès 1930 déjà, que
la
prochaine guerre ne serait pas une guerre de « fronts », et qu’une dé
237
locale et soigneusement équipés. C’est ainsi que
les
Suisses retournent à leur ancienne tradition de faire la guerre. Chaq
238
ses retournent à leur ancienne tradition de faire
la
guerre. Chaque canton a son propre système de défense, selon sa topog
239
armée surgissent en certains points pour défendre
les
profondes vallées et pour barrer le paysage des gorges étroites. Si l
240
our défendre les profondes vallées et pour barrer
le
paysage des gorges étroites. Si l’ennemi est trop puissant, des renfo
241
et pour barrer le paysage des gorges étroites. Si
l’
ennemi est trop puissant, des renforcements sont demandés aux voisins,
242
ivant des plans préétablis. Nous trouvons ainsi à
la
base de l’organisation militaire, les mêmes facteurs qui déterminent
243
lans préétablis. Nous trouvons ainsi à la base de
l’
organisation militaire, les mêmes facteurs qui déterminent la structur
244
vons ainsi à la base de l’organisation militaire,
les
mêmes facteurs qui déterminent la structure politique du pays : auton
245
ion militaire, les mêmes facteurs qui déterminent
la
structure politique du pays : autonomie locale et entraide. La moitié
246
politique du pays : autonomie locale et entraide.
La
moitié de l’armée est composée de divisions mobiles régulières. Le re
247
pays : autonomie locale et entraide. La moitié de
l’
armée est composée de divisions mobiles régulières. Le reste consiste
248
mée est composée de divisions mobiles régulières.
Le
reste consiste en garnisons et en forts pour défendre les principaux
249
e consiste en garnisons et en forts pour défendre
les
principaux passages des Alpes. Ce sont des brigades de montagne, cons
250
ne, constituées par des spécialistes du ski et de
l’
alpinisme, et des brigades indépendantes pour défendre les frontières.
251
isme, et des brigades indépendantes pour défendre
les
frontières. Ces troupes de couverture connaissent les positions prépa
252
frontières. Ces troupes de couverture connaissent
les
positions préparées à la frontière, parce qu’elles les ont fortifiées
253
couverture connaissent les positions préparées à
la
frontière, parce qu’elles les ont fortifiées de leurs propres mains.
254
ositions préparées à la frontière, parce qu’elles
les
ont fortifiées de leurs propres mains. À la première alerte, les homm
255
arce qu’elles les ont fortifiées de leurs propres
mains
. À la première alerte, les hommes endossent leurs uniformes et vont à
256
ées de leurs propres mains. À la première alerte,
les
hommes endossent leurs uniformes et vont à leurs postes. Les machines
257
endossent leurs uniformes et vont à leurs postes.
Les
machines et les canons anti-tanks sont prêts. Les magasins de munitio
258
uniformes et vont à leurs postes. Les machines et
les
canons anti-tanks sont prêts. Les magasins de munitions et de vivres
259
Les machines et les canons anti-tanks sont prêts.
Les
magasins de munitions et de vivres ont été cachés dans les rochers. E
260
ins de munitions et de vivres ont été cachés dans
les
rochers. En 1939, la disposition de ces troupes de couverture, qui pr
261
vivres ont été cachés dans les rochers. En 1939,
la
disposition de ces troupes de couverture, qui précéda la mobilisation
262
osition de ces troupes de couverture, qui précéda
la
mobilisation générale de cinq jours, se fit en quelques heures, le lo
263
urs, se fit en quelques heures, le long de toutes
les
frontières de la Suisse. Les gardes-frontière prennent position à que
264
lques heures, le long de toutes les frontières de
la
Suisse. Les gardes-frontière prennent position à quelques kilomètres
265
s, le long de toutes les frontières de la Suisse.
Les
gardes-frontière prennent position à quelques kilomètres de leurs pro
266
amp, à 3000 pieds au-dessous, et parfois attraper
le
clair reflet d’une robe d’été et imaginer qu’il reconnaissait ses enf
267
ssait ses enfants. De telles choses comptent dans
la
guerre. Mais une petite armée peut-elle défendre avec succès un pays
268
guerre. Mais une petite armée peut-elle défendre
avec
succès un pays contre un adversaire cinquante fois mieux équipé ? Le
269
Le premier acte du « blitzkrieg » est d’empêcher
la
mobilisation du pays que l’on veut envahir. Les partenaires de l’Axe
270
rieg » est d’empêcher la mobilisation du pays que
l’
on veut envahir. Les partenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres
271
er la mobilisation du pays que l’on veut envahir.
Les
partenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres de l’air et désorgan
272
du pays que l’on veut envahir. Les partenaires de
l’
Axe peuvent devenir les maîtres de l’air et désorganiser les communica
273
envahir. Les partenaires de l’Axe peuvent devenir
les
maîtres de l’air et désorganiser les communications ferroviaires. Mai
274
rtenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres de
l’
air et désorganiser les communications ferroviaires. Mais l’armée suis
275
vent devenir les maîtres de l’air et désorganiser
les
communications ferroviaires. Mais l’armée suisse a été mobilisée depu
276
ésorganiser les communications ferroviaires. Mais
l’
armée suisse a été mobilisée depuis 1939 et les distances sont si peti
277
ais l’armée suisse a été mobilisée depuis 1939 et
les
distances sont si petites que les troupes peuvent être déplacées sans
278
depuis 1939 et les distances sont si petites que
les
troupes peuvent être déplacées sans l’aide des voies ferrées. La seco
279
tites que les troupes peuvent être déplacées sans
l’
aide des voies ferrées. La seconde phase du « blitzkrieg » est la trou
280
s ferrées. La seconde phase du « blitzkrieg » est
la
trouée du territoire derrière les lignes. Cela serait-il possible en
281
blitzkrieg » est la trouée du territoire derrière
les
lignes. Cela serait-il possible en Suisse ? Il y a autant de centres
282
y a de défilés et de montagnes. Chaque village de
la
Suisse est devenu un fort, ses entrées fermées par des barricades et
283
n fort, ses entrées fermées par des barricades et
les
maisons transformées en des forteresses en miniature. Vous ouvrez la
284
mées en des forteresses en miniature. Vous ouvrez
la
porte de quelque grenier et vous vous trouvez en face d’un canon anti
285
motorisées pourrait seulement se faire en évitant
les
villages et en passant à travers les forêts ou les pâturages. Mais le
286
e en évitant les villages et en passant à travers
les
forêts ou les pâturages. Mais les routes sont minées. Les fleuves, le
287
es villages et en passant à travers les forêts ou
les
pâturages. Mais les routes sont minées. Les fleuves, les vallées et l
288
ssant à travers les forêts ou les pâturages. Mais
les
routes sont minées. Les fleuves, les vallées et les gorges sont proté
289
ts ou les pâturages. Mais les routes sont minées.
Les
fleuves, les vallées et les gorges sont protégés par des canons caché
290
urages. Mais les routes sont minées. Les fleuves,
les
vallées et les gorges sont protégés par des canons cachés dans les pa
291
s routes sont minées. Les fleuves, les vallées et
les
gorges sont protégés par des canons cachés dans les parois rocheuses.
292
s gorges sont protégés par des canons cachés dans
les
parois rocheuses. Dans chaque « compartiment » du territoire suisse,
293
ans chaque « compartiment » du territoire suisse,
l’
ennemi aurait à développer une attaque en règle. Il ne serait nullemen
294
ullement question d’avancer rapidement comme dans
les
plaines de Flandre ou en Pologne. Les deux premières années de la vic
295
comme dans les plaines de Flandre ou en Pologne.
Les
deux premières années de la victoire allemande ont renforcé la volont
296
andre ou en Pologne. Les deux premières années de
la
victoire allemande ont renforcé la volonté des Suisses de se défendre
297
ères années de la victoire allemande ont renforcé
la
volonté des Suisses de se défendre. Le contact entre les hommes et le
298
t renforcé la volonté des Suisses de se défendre.
Le
contact entre les hommes et le sol, entre l’armée et le peuple, entre
299
onté des Suisses de se défendre. Le contact entre
les
hommes et le sol, entre l’armée et le peuple, entre le présent et les
300
es de se défendre. Le contact entre les hommes et
le
sol, entre l’armée et le peuple, entre le présent et les traditions h
301
dre. Le contact entre les hommes et le sol, entre
l’
armée et le peuple, entre le présent et les traditions historiques, s’
302
tact entre les hommes et le sol, entre l’armée et
le
peuple, entre le présent et les traditions historiques, s’est vu raff
303
mmes et le sol, entre l’armée et le peuple, entre
le
présent et les traditions historiques, s’est vu raffermi par cette lo
304
, entre l’armée et le peuple, entre le présent et
les
traditions historiques, s’est vu raffermi par cette longue période de
305
affermi par cette longue période de mobilisation.
La
Suisse fut épargnée au printemps 1940 uniquement parce que ses voisin
306
ler », et parce qu’il était celui qui a, dans ses
mains
, le Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’Allemagne et l’Italie se font
307
et parce qu’il était celui qui a, dans ses mains,
le
Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’Allemagne et l’Italie se font par
308
il était celui qui a, dans ses mains, le Gothard.
Les
4/5e du trafic entre l’Allemagne et l’Italie se font par le Gothard o
309
s ses mains, le Gothard. Les 4/5e du trafic entre
l’
Allemagne et l’Italie se font par le Gothard ou le Simplon. Ces tunnel
310
Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’Allemagne et
l’
Italie se font par le Gothard ou le Simplon. Ces tunnels sont puissamm
311
trafic entre l’Allemagne et l’Italie se font par
le
Gothard ou le Simplon. Ces tunnels sont puissamment minés. Beaucoup d
312
l’Allemagne et l’Italie se font par le Gothard ou
le
Simplon. Ces tunnels sont puissamment minés. Beaucoup d’hommes ont ju
313
puissamment minés. Beaucoup d’hommes ont juré de
les
faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe le sait, l’Axe connaî
314
de les faire sauter au premier signe d’invasion.
L’
Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne d
315
s faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe
le
sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne du Goth
316
auter au premier signe d’invasion. L’Axe le sait,
l’
Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne du Gothard a été
317
ne d’invasion. L’Axe le sait, l’Axe connaît aussi
le
plan suisse de défense. La ligne du Gothard a été déclarée comme lign
318
t, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense.
La
ligne du Gothard a été déclarée comme ligne de retraite nationale. Ce
319
ligne de retraite nationale. Certaines unités de
l’
armée doivent ralentir la pénétration des frontières, d’autres doivent
320
ale. Certaines unités de l’armée doivent ralentir
la
pénétration des frontières, d’autres doivent défendre les vallées par
321
tration des frontières, d’autres doivent défendre
les
vallées partant du Gothard. Les Suisses pourraient tenir, sans espére
322
doivent défendre les vallées partant du Gothard.
Les
Suisses pourraient tenir, sans espérer toutefois une victoire, mais i
323
utefois une victoire, mais ils sauveront du moins
l’
honneur du pays. Des extraits d’un récent discours prononcé à Berne pa
324
ne par un colonel, devant un grand public, montre
l’
état d’esprit actuel de la Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui ne
325
un grand public, montre l’état d’esprit actuel de
la
Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui ne questionne jamais pour ce
326
lic, montre l’état d’esprit actuel de la Suisse.
Le
vrai Confédéré est celui qui ne questionne jamais pour ce qui a trait
327
ui qui ne questionne jamais pour ce qui a trait à
la
défense du sol quand cela est raisonnable. À ceux qui demandent : « P
328
: « Pourquoi ces sacrifices ? », il répond : « Ni
la
famine, ni la guerre, ni l’exil ne pourront être évités si nous gémis
329
es sacrifices ? », il répond : « Ni la famine, ni
la
guerre, ni l’exil ne pourront être évités si nous gémissons sans lutt
330
? », il répond : « Ni la famine, ni la guerre, ni
l’
exil ne pourront être évités si nous gémissons sans lutter. » La liber
331
ront être évités si nous gémissons sans lutter. »
La
liberté individuelle ne pourra survivre dans un État qui ne défend pa
332
n ou de perte, il y a des valeurs morales. Il y a
l’
idée fédéraliste que nous devons conserver comme un héritage à nos des
333
adoré comme un Dieu. c. Rougemont Denis de, «
La
leçon de l’armée suisse », Journal suisse d’Égypte et du Proche-Orien
334
un Dieu. c. Rougemont Denis de, « La leçon de
l’
armée suisse », Journal suisse d’Égypte et du Proche-Orient, Alexandri
335
rare vigilantis est. Sénèque En pleine polémique
avec
le mystère, il arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’amo
336
vigilantis est. Sénèque En pleine polémique avec
le
mystère, il arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’amour
337
arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de
l’
amour une ou plusieurs définitions. Ah ! puissions-nous aimer l’amour
338
plusieurs définitions. Ah ! puissions-nous aimer
l’
amour assez pour ne jamais avoir recours à ces remèdes, car définir l’
339
e jamais avoir recours à ces remèdes, car définir
l’
amour ce n’est point le connaître, mais limiter sa part dans notre vie
340
à ces remèdes, car définir l’amour ce n’est point
le
connaître, mais limiter sa part dans notre vie, et nul amour ne peut
341
. Mais il est une manière imaginable de parler de
l’
amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de phrases où l’i
342
: c’est de former quelques rythmes de phrases où
l’
indicible jette par moments une espèce d’émotion ou de gêne, non qu’il
343
uveraine est annoncée par certain frémissement de
l’
assemblée des mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute éloque
344
ain frémissement de l’assemblée des mots qui font
la
cour : le Roi s’approche. Toute éloquence est amoureuse, excitée par
345
sement de l’assemblée des mots qui font la cour :
le
Roi s’approche. Toute éloquence est amoureuse, excitée par l’amour q
346
oche. Toute éloquence est amoureuse, excitée par
l’
amour qui la rend fleurissante. Mais l’amour même est chose du silence
347
éloquence est amoureuse, excitée par l’amour qui
la
rend fleurissante. Mais l’amour même est chose du silence. Cela dont
348
xcitée par l’amour qui la rend fleurissante. Mais
l’
amour même est chose du silence. Cela dont je ne puis parler sans l’of
349
hose du silence. Cela dont je ne puis parler sans
l’
offenser dans sa grandeur, c’est ce qui m’enflamme à parler. Rien ne p
350
qui m’enflamme à parler. Rien ne peut être dit de
l’
amour même, mais rien non plus n’est dit que par l’amour, si toutefois
351
’amour même, mais rien non plus n’est dit que par
l’
amour, si toutefois quelque chose est vraiment dite. La Fable nous app
352
ur, si toutefois quelque chose est vraiment dite.
La
Fable nous apprend à sa manière que l’amour est le lieu d’un mutisme
353
ment dite. La Fable nous apprend à sa manière que
l’
amour est le lieu d’un mutisme sacré. Angérone, déesse du Silence : on
354
a Fable nous apprend à sa manière que l’amour est
le
lieu d’un mutisme sacré. Angérone, déesse du Silence : on croit qu’el
355
u Silence : on croit qu’elle avait sa statue dans
le
temple de la Volupté. Et certains pensent qu’elle est la même que la
356
n croit qu’elle avait sa statue dans le temple de
la
Volupté. Et certains pensent qu’elle est la même que la déesse Volupi
357
statue dans le temple de la Volupté. Et certains
pensent
qu’elle est la même que la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentou
358
le de la Volupté. Et certains pensent qu’elle est
la
même que la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours de ce colloq
359
upté. Et certains pensent qu’elle est la même que
la
déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours de ce colloque. La Volu
360
ie. Promenons-nous aux alentours de ce colloque.
La
Volupté n’est pas le plaisir même, mais l’imagination active du désir
361
x alentours de ce colloque. La Volupté n’est pas
le
plaisir même, mais l’imagination active du désir qui lentement s’appr
362
oque. La Volupté n’est pas le plaisir même, mais
l’
imagination active du désir qui lentement s’approche de son terme. Qua
363
ésir qui lentement s’approche de son terme. Quand
le
désir s’empare d’un homme, il arrive qu’il le rende muet. Il arrive m
364
and le désir s’empare d’un homme, il arrive qu’il
le
rende muet. Il arrive même que le désir se manifeste tout d’abord par
365
il arrive qu’il le rende muet. Il arrive même que
le
désir se manifeste tout d’abord par ce mutisme. À tel point que l’hom
366
este tout d’abord par ce mutisme. À tel point que
l’
homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esp
367
ce mutisme. À tel point que l’homme ne retrouvera
l’
usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volu
368
À tel point que l’homme ne retrouvera l’usage de
la
parole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté serait
369
que l’homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’
avec
le « terme » où l’esprit se libère. La volupté serait un phénomène an
370
’homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’avec
le
« terme » où l’esprit se libère. La volupté serait un phénomène analo
371
vera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où
l’
esprit se libère. La volupté serait un phénomène analogue à celui de l
372
arole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère.
La
volupté serait un phénomène analogue à celui de l’hypnose : un état d
373
a volupté serait un phénomène analogue à celui de
l’
hypnose : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des fa
374
nomène analogue à celui de l’hypnose : un état de
l’
âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet un
375
gue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou de
l’
esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet unique et dans
376
se : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant
le
champ des facultés vers un objet unique et dans une seule pensée — l’
377
s vers un objet unique et dans une seule pensée —
l’
identification, par la conquête chez l’un, par l’abandon chez l’autre.
378
et dans une seule pensée — l’identification, par
la
conquête chez l’un, par l’abandon chez l’autre. Que cette hypnose soi
379
l’identification, par la conquête chez l’un, par
l’
abandon chez l’autre. Que cette hypnose soit en quelque mesure — celle
380
e cette hypnose soit en quelque mesure — celle de
l’
esprit — indépendante de l’instinct, c’est ce qu’induisent à supposer
381
lque mesure — celle de l’esprit — indépendante de
l’
instinct, c’est ce qu’induisent à supposer les deux observations suiva
382
e de l’instinct, c’est ce qu’induisent à supposer
les
deux observations suivantes : l’extrême concentration de l’attention
383
sent à supposer les deux observations suivantes :
l’
extrême concentration de l’attention sur un objet non corporel, œuvre
384
servations suivantes : l’extrême concentration de
l’
attention sur un objet non corporel, œuvre d’art ou pensée d’un ordre
385
ficile, peut échouer comme par court-circuit dans
le
plaisir ; tandis qu’un débauché vulgaire gémit d’avoir perdu la volup
386
andis qu’un débauché vulgaire gémit d’avoir perdu
la
volupté. L’homme du désir : il ne peut aimer qu’indéfiniment. Il n’a
387
ébauché vulgaire gémit d’avoir perdu la volupté.
L’
homme du désir : il ne peut aimer qu’indéfiniment. Il n’aime que cela
388
yeux. (Certaines heures, soirs, aubes, passages.)
L’
ivresse naissante des amants, c’est le silence qui s’établit entre eux
389
passages.) L’ivresse naissante des amants, c’est
le
silence qui s’établit entre eux. L’approche des yeux, dès qu’ils ont
390
amants, c’est le silence qui s’établit entre eux.
L’
approche des yeux, dès qu’ils ont accepté tout le regard de l’autre :
391
L’approche des yeux, dès qu’ils ont accepté tout
le
regard de l’autre : sentiment comparable au vertige. Le jugement peut
392
ard de l’autre : sentiment comparable au vertige.
Le
jugement peut rester libre, mais il semble que l’âme s’extériorise et
393
Le jugement peut rester libre, mais il semble que
l’
âme s’extériorise et tombe sans fin dans le regard unique. Durant cert
394
le que l’âme s’extériorise et tombe sans fin dans
le
regard unique. Durant certaines secondes, elle dépasse le temps, s’ap
395
d unique. Durant certaines secondes, elle dépasse
le
temps, s’approche des bords d’une immobilité sans fond où elle se pen
396
s lentement mouvantes, — un seul œil par où toute
l’
âme regarde et supplie avec une impérieuse tendresse. De plus près enc
397
un seul œil par où toute l’âme regarde et supplie
avec
une impérieuse tendresse. De plus près encore, l’œil vient à perdre t
398
ec une impérieuse tendresse. De plus près encore,
l’
œil vient à perdre toute expression, regard absolu de l’angoisse. Si l
399
vient à perdre toute expression, regard absolu de
l’
angoisse. Si l’un s’écarte à ce moment, les voici vacillants comme hor
400
solu de l’angoisse. Si l’un s’écarte à ce moment,
les
voici vacillants comme hors d’eux-mêmes. Alors il lui saisit la tête
401
lants comme hors d’eux-mêmes. Alors il lui saisit
la
tête entre ses bras, et la contemple. Et il la nomme dans sa pensée,
402
s. Alors il lui saisit la tête entre ses bras, et
la
contemple. Et il la nomme dans sa pensée, comme s’il doutait… Adolesc
403
it la tête entre ses bras, et la contemple. Et il
la
nomme dans sa pensée, comme s’il doutait… Adolescence ! Le charme du
404
ans sa pensée, comme s’il doutait… Adolescence !
Le
charme du désir est celui du silence : il éloigne sans fin le terme.
405
désir est celui du silence : il éloigne sans fin
le
terme. Tu n’entends que ce qui s’interrompt. Tu ne sais rien que tu n
406
u ne sais rien que tu ne perdes. Car ce n’est pas
le
savoir que tu veux, mais la divine connaissance du présent. Or cette
407
des. Car ce n’est pas le savoir que tu veux, mais
la
divine connaissance du présent. Or cette connaissance est interdite.
408
nt. Or cette connaissance est interdite. Et c’est
l’
approche du viol de l’interdit qui impose aux amants leur silence, fas
409
nce est interdite. Et c’est l’approche du viol de
l’
interdit qui impose aux amants leur silence, fascination de l’horreur
410
ui impose aux amants leur silence, fascination de
l’
horreur sacrée, attirance de l’effroi mortel. Dans le silence du désir
411
ce, fascination de l’horreur sacrée, attirance de
l’
effroi mortel. Dans le silence du désir, la possession a fait une brus
412
orreur sacrée, attirance de l’effroi mortel. Dans
le
silence du désir, la possession a fait une brusque rumeur de vagues a
413
nce de l’effroi mortel. Dans le silence du désir,
la
possession a fait une brusque rumeur de vagues affrontées et hostiles
414
eur de vagues affrontées et hostiles. Maintenant,
l’
onde lisse et basse d’un temps nouveau nous environne. Ceux qui n’aime
415
s nouveau nous environne. Ceux qui n’aiment point
la
femme qu’ils viennent de posséder, leur silence meurt à cette minute
416
avardent. Tristesse platonicienne C’est dans
l’
accomplissement du plus violent amour qu’il nous est accordé de concev
417
ous est accordé de concevoir un absolu, mais sous
la
forme de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance
418
rdé de concevoir un absolu, mais sous la forme de
l’
inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance du désir, su
419
sous la forme de l’inaccessible. Atteintes enfin
les
limites de la puissance du désir, sur la solitude égarée du couple, É
420
de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de
la
puissance du désir, sur la solitude égarée du couple, Éros pose en co
421
s enfin les limites de la puissance du désir, sur
la
solitude égarée du couple, Éros pose en couronne un désespoir glacial
422
âmes ? Deux corps s’endorment dans leur paix, et
l’
être enfin comblé ne sait plus où se prendre. Il se ramène en soi, se
423
ne en soi, se divise en ses ombres. Ainsi passent
les
heures d’avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorpho
424
e en ses ombres. Ainsi passent les heures d’avant
l’
aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorphoses indicibles. Lu
425
es. Ainsi passent les heures d’avant l’aube, dans
le
dépaysement de l’âme et les métamorphoses indicibles. Lui s’éveille p
426
les heures d’avant l’aube, dans le dépaysement de
l’
âme et les métamorphoses indicibles. Lui s’éveille parfois tout à fait
427
s d’avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et
les
métamorphoses indicibles. Lui s’éveille parfois tout à fait, et ses y
428
i s’éveille parfois tout à fait, et ses yeux dans
le
noir imaginent. Une étreinte qui s’égalerait à l’Infini. Se fondre en
429
le noir imaginent. Une étreinte qui s’égalerait à
l’
Infini. Se fondre en un seul être, mais que cet être accède ensuite au
430
e au commerce de ses semblables, qu’à son tour il
les
aime, les possède ! Ainsi par une suite de vertiges, multipliant la s
431
rce de ses semblables, qu’à son tour il les aime,
les
possède ! Ainsi par une suite de vertiges, multipliant la splendeur a
432
de ! Ainsi par une suite de vertiges, multipliant
la
splendeur amoureuse, par mille étreintes successives il s’élève à la
433
use, par mille étreintes successives il s’élève à
la
jouissance imaginaire et désespérément consciente de l’Être. L’aube p
434
issance imaginaire et désespérément consciente de
l’
Être. L’aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme
435
imaginaire et désespérément consciente de l’Être.
L’
aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’un reg
436
désespérément consciente de l’Être. L’aube point.
L’
esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’un regard. Un corps
437
de l’Être. L’aube point. L’esprit se tourne vers
les
choses et les dénomme d’un regard. Un corps auprès du mien respire, m
438
aube point. L’esprit se tourne vers les choses et
les
dénomme d’un regard. Un corps auprès du mien respire, mémoire pesante
439
corps auprès du mien respire, mémoire pesante de
l’
incommensurable nuit. Nous n’irons pas au-delà de nous-mêmes. Mais dan
440
au-delà de nous-mêmes. Mais dans cette défaite de
l’
étreinte, n’est-ce point le souvenir du seul désert que désormais nous
441
dans cette défaite de l’étreinte, n’est-ce point
le
souvenir du seul désert que désormais nous chercherons ? Au terme de
442
sert que désormais nous chercherons ? Au terme de
la
fuite, nous ne toucherons jamais qu’un impossible fascinant. Et nous
443
possible fascinant. Et nous vivrons dès lors dans
le
vertige de nous détruire au contact de cet infini, plus puissant que
444
ruire au contact de cet infini, plus puissant que
la
joie et la douleur. Dans le vertige de revenir toucher cet absolu, se
445
ntact de cet infini, plus puissant que la joie et
la
douleur. Dans le vertige de revenir toucher cet absolu, sensible à ce
446
ni, plus puissant que la joie et la douleur. Dans
le
vertige de revenir toucher cet absolu, sensible à celui seul qui l’ép
447
nir toucher cet absolu, sensible à celui seul qui
l’
éprouve jusqu’à l’épouvante : l’être que nous formons au sommet de l’a
448
solu, sensible à celui seul qui l’éprouve jusqu’à
l’
épouvante : l’être que nous formons au sommet de l’amour, et qui meurt
449
à celui seul qui l’éprouve jusqu’à l’épouvante :
l’
être que nous formons au sommet de l’amour, et qui meurt à l’instant o
450
’épouvante : l’être que nous formons au sommet de
l’
amour, et qui meurt à l’instant où il naît. Tout notre platonisme éch
451
nt où il naît. Tout notre platonisme échoue dans
l’
instant de l’étreinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change de sig
452
. Tout notre platonisme échoue dans l’instant de
l’
étreinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change de signe. On voit s
453
choue dans l’instant de l’étreinte dénouée. Alors
l’
amour, dirait-on, change de signe. On voit soudain que le désir était
454
, dirait-on, change de signe. On voit soudain que
le
désir était le dialogue des corps, tandis que le plaisir est solitair
455
ange de signe. On voit soudain que le désir était
le
dialogue des corps, tandis que le plaisir est solitaire, instant où l
456
le désir était le dialogue des corps, tandis que
le
plaisir est solitaire, instant où les amants sont le plus séparés, ar
457
, tandis que le plaisir est solitaire, instant où
les
amants sont le plus séparés, arrachés, retirés en soi. Alors paraisse
458
plaisir est solitaire, instant où les amants sont
le
plus séparés, arrachés, retirés en soi. Alors paraissent la conscienc
459
parés, arrachés, retirés en soi. Alors paraissent
la
conscience, et le sérieux, et la réalité des vies au jour. Nous somme
460
etirés en soi. Alors paraissent la conscience, et
le
sérieux, et la réalité des vies au jour. Nous sommes deux. Il n’y a
461
Alors paraissent la conscience, et le sérieux, et
la
réalité des vies au jour. Nous sommes deux. Il n’y a que deux philos
462
ue deux philosophies : celle du désir et celle de
l’
acte ; ou encore, il n’y a que deux doctrines : celle du silence et ce
463
que deux doctrines : celle du silence et celle de
la
parole. La négation du désir amoureux par l’acte même qui l’accomplit
464
ctrines : celle du silence et celle de la parole.
La
négation du désir amoureux par l’acte même qui l’accomplit, c’est le
465
e de la parole. La négation du désir amoureux par
l’
acte même qui l’accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’inf
466
La négation du désir amoureux par l’acte même qui
l’
accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’infinie contradicti
467
r amoureux par l’acte même qui l’accomplit, c’est
le
signe physique, originel, de l’infinie contradiction que nous souffro
468
’accomplit, c’est le signe physique, originel, de
l’
infinie contradiction que nous souffrons. Le désir divinise, l’acte re
469
l, de l’infinie contradiction que nous souffrons.
Le
désir divinise, l’acte rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil d
470
tradiction que nous souffrons. Le désir divinise,
l’
acte rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera
471
nous souffrons. Le désir divinise, l’acte rend à
l’
humain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera notre tâche sé
472
frons. Le désir divinise, l’acte rend à l’humain.
L’
amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera notre tâche sérieuse. Qu
473
e rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil de
l’
amour qui sera notre tâche sérieuse. Quittons ce temple où dorment deu
474
tons ce temple où dorment deux idoles, et parlons
le
langage du Jour. d. Rougemont Denis de, « Angérone », VVV, New Yo
475
La
gloire (mars 1943)e (Nous le connaissions un peu, et pensions le c
476
La gloire (mars 1943)e (Nous
le
connaissions un peu, et pensions le connaître. La lecture de ses papi
477
(mars 1943)e (Nous le connaissions un peu, et
pensions
le connaître. La lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien
478
43)e (Nous le connaissions un peu, et pensions
le
connaître. La lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien di
479
le connaissions un peu, et pensions le connaître.
La
lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien différent. Il fa
480
nnaître. La lecture de ses papiers posthumes nous
le
révèle bien différent. Il fallait certes s’y attendre, et pourtant l’
481
rent. Il fallait certes s’y attendre, et pourtant
l’
on demeure surpris. C’est que tout, dans ses livres, — surtout les plu
482
rpris. C’est que tout, dans ses livres, — surtout
les
plus sincères — semblait exclure les préoccupations que trahit son jo
483
s, — surtout les plus sincères — semblait exclure
les
préoccupations que trahit son journal intime. Peut-être le secret d’u
484
upations que trahit son journal intime. Peut-être
le
secret d’une différence aussi curieuse est-il caché dans les passages
485
d’une différence aussi curieuse est-il caché dans
les
passages de ces cahiers que nous allons transcrire ici. De ces fragme
486
anscrire ici. De ces fragments de dates diverses,
l’
on ne verra point se dégager de conclusions tout à fait claires : il y
487
attitude aussi profondément ambiguë, vis-à-vis de
la
gloire, n’est pas sans entretenir les plus curieux malentendus entre
488
vis-à-vis de la gloire, n’est pas sans entretenir
les
plus curieux malentendus entre un auteur et ses lecteurs. Or il se pe
489
auteur et ses lecteurs. Or il se peut que ce soit
l’
attitude de la plupart des écrivains modernes.) J’ai vécu pour la glo
490
plupart des écrivains modernes.) J’ai vécu pour
la
gloire — dit le prince André — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’es
491
ivains modernes.) J’ai vécu pour la gloire — dit
le
prince André — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’est aussi l’amour
492
a gloire — dit le prince André — et qu’est-ce que
la
gloire, si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir de lui être u
493
é — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’est aussi
l’
amour du prochain, le désir de lui être utile et de mériter ses louang
494
la gloire, si ce n’est aussi l’amour du prochain,
le
désir de lui être utile et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu p
495
et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour
les
autres, et mon existence est perdue, perdue sans retour ; depuis que
496
is pour moi, je vis pour moi, je suis plus calme…
Les
autres, c’est le prochain, comme la princesse Marie et toi vous l’app
497
s pour moi, je suis plus calme… Les autres, c’est
le
prochain, comme la princesse Marie et toi vous l’appelez, le prochain
498
plus calme… Les autres, c’est le prochain, comme
la
princesse Marie et toi vous l’appelez, le prochain, cette grande sour
499
le prochain, comme la princesse Marie et toi vous
l’
appelez, le prochain, cette grande source d’iniquité et de mal ! Le pr
500
, comme la princesse Marie et toi vous l’appelez,
le
prochain, cette grande source d’iniquité et de mal ! Le prochain, le
501
chain, cette grande source d’iniquité et de mal !
Le
prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves de co
502
grande source d’iniquité et de mal ! Le prochain,
le
sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bien
503
uité et de mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont
les
paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. (Tolstoï, La G
504
, que tu rêves de combler de bienfaits. (Tolstoï,
La
Guerre et la Paix.) Cette page m’avait séduit par sa mauvaise humeur
505
s de combler de bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et
la
Paix.) Cette page m’avait séduit par sa mauvaise humeur. En la copia
506
te page m’avait séduit par sa mauvaise humeur. En
la
copiant, je n’y vois plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’est pas
507
la copiant, je n’y vois plus que sophismes. Non,
la
gloire, ce n’est pas l’amour mais au contraire le mépris du prochain.
508
plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’est pas
l’
amour mais au contraire le mépris du prochain. Le Prince André n’a pas
509
la gloire, ce n’est pas l’amour mais au contraire
le
mépris du prochain. Le Prince André n’a pas trouvé de prochains, car
510
l’amour mais au contraire le mépris du prochain.
Le
Prince André n’a pas trouvé de prochains, car il n’a cherché qu’un pu
511
prochains, car il n’a cherché qu’un public. C’est
le
public qui donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le flatt
512
a cherché qu’un public. C’est le public qui donne
la
gloire à celui qui le méprise assez pour le flatter. Tandis que la pr
513
. C’est le public qui donne la gloire à celui qui
le
méprise assez pour le flatter. Tandis que la princesse Marie, qui a v
514
donne la gloire à celui qui le méprise assez pour
le
flatter. Tandis que la princesse Marie, qui a vraiment aimé son proch
515
qui le méprise assez pour le flatter. Tandis que
la
princesse Marie, qui a vraiment aimé son prochain, n’en n’a pas reçu
516
reçu de gloire et n’en demandait point. Aussi ne
pense-t
-elle pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin d’un concert trio
517
se-t-elle pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à
la
fin d’un concert triomphal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je su
518
phal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je suis
le
serviteur du public, cela va sans dire. » C’est à cela qu’on donne la
519
ic, cela va sans dire. » C’est à cela qu’on donne
la
gloire. Et ceux qui ne la briguent point risquent fort de se rendre a
520
’est à cela qu’on donne la gloire. Et ceux qui ne
la
briguent point risquent fort de se rendre antipathiques. Jamais la fo
521
risquent fort de se rendre antipathiques. Jamais
la
foule n’a jugé ridicule que l’on affiche un amour de la gloire même e
522
ipathiques. Jamais la foule n’a jugé ridicule que
l’
on affiche un amour de la gloire même excessif pour le talent qu’on a.
523
le n’a jugé ridicule que l’on affiche un amour de
la
gloire même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne tient pour g
524
affiche un amour de la gloire même excessif pour
le
talent qu’on a. La foule ne tient pour glorieux que ceux qui prennent
525
e la gloire même excessif pour le talent qu’on a.
La
foule ne tient pour glorieux que ceux qui prennent le soin de parler
526
in de parler de leur gloire. Chateaubriand eut de
la
gloire, mais non Stendhal. Madame de Staël en eut, mais non Constant
527
onstant (comme écrivain). Or personne ne lit plus
Les
Martyrs ni Corinne, et tout le monde croit aimer La Chartreuse et Ado
528
Martyrs ni Corinne, et tout le monde croit aimer
La
Chartreuse et Adolphe. Mais ce jugement sur le talent, changé du tout
529
er La Chartreuse et Adolphe. Mais ce jugement sur
le
talent, changé du tout, n’entraîne pas que l’on change le jugement su
530
sur le talent, changé du tout, n’entraîne pas que
l’
on change le jugement sur la gloire. La gloire est donc un mythe : j’e
531
t, changé du tout, n’entraîne pas que l’on change
le
jugement sur la gloire. La gloire est donc un mythe : j’entends que s
532
t, n’entraîne pas que l’on change le jugement sur
la
gloire. La gloire est donc un mythe : j’entends que son pouvoir et sa
533
ne pas que l’on change le jugement sur la gloire.
La
gloire est donc un mythe : j’entends que son pouvoir et sa grandeur n
534
est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui
la
lui prête parce que d’abord l’auteur s’y est prêté. Quant à moi, je s
535
mais au public qui la lui prête parce que d’abord
l’
auteur s’y est prêté. Quant à moi, je suis trop égoïste pour me laisse
536
oint tel que me désire leur goût sentimental de «
l’
Art ». Mais comme tout se complique et se retourne ! Celui qui veut la
537
tout se complique et se retourne ! Celui qui veut
la
gloire, est-ce qu’il manquerait d’orgueil ? Serait-il plus humble que
538
it d’orgueil ? Serait-il plus humble que moi ? Et
l’
orgueilleux que je suis, ne donne-t-il pas une preuve d’amour à son au
539
geant d’elle plus de noblesse ? Dire : je néglige
la
gloire, c’est dire : je vous néglige, vous qui donnez la gloire pour
540
re, c’est dire : je vous néglige, vous qui donnez
la
gloire pour prix d’une complaisance. Mais c’est dire aussi : je vous
541
vulgaires que vous n’êtes. Celui qui ne veut pas
la
gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’
542
n’êtes. Celui qui ne veut pas la gloire telle que
la
donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut la gloire te
543
pas la gloire telle que la donne une foule à qui
la
flatte, n’est-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul serait c
544
ne foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut
la
gloire telle que lui seul serait capable de se la décerner ? L’idée
545
la gloire telle que lui seul serait capable de se
la
décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Ren
546
que lui seul serait capable de se la décerner ?
L’
idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glori
547
it capable de se la décerner ? L’idée moderne de
la
gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui qui
548
’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de
la
Renaissance. Glorieux est celui qui s’affirme en différant, bien plus
549
différant, bien plus qu’en excellant. C’est donc
l’
individu qui se distingue, — n’importe où. (Crimes commis pour s’acqué
550
e, — n’importe où. (Crimes commis pour s’acquérir
la
gloire, fréquents dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloi
551
commis pour s’acquérir la gloire, fréquents dans
l’
Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte
552
gloire, fréquents dans l’Italie du xve siècle.)
Le
besoin de la gloire est donc né d’une sorte de maladie du sens social
553
uents dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin de
la
gloire est donc né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le co
554
c né d’une sorte de maladie du sens social. C’est
le
contraire de l’amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’
555
de maladie du sens social. C’est le contraire de
l’
amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’a plus souci ni
556
ocial. C’est le contraire de l’amour du prochain.
L’
individu qui cherche la gloire n’a plus souci ni même conscience du vo
557
re de l’amour du prochain. L’individu qui cherche
la
gloire n’a plus souci ni même conscience du voisin qu’il pourrait aid
558
conscience du voisin qu’il pourrait aider (c’est
le
prochain), mais seulement du voisin qu’il peut utiliser. Il cherche d
559
rateurs, des confirmateurs de son être. C’est que
l’
acte de s’écarter d’une communion ou d’une communauté, écarte aussi de
560
nion ou d’une communauté, écarte aussi de soi, et
l’
on éprouve alors le besoin de se faire confirmer. Un homme en communio
561
nauté, écarte aussi de soi, et l’on éprouve alors
le
besoin de se faire confirmer. Un homme en communion active avec les h
562
se faire confirmer. Un homme en communion active
avec
les hommes qui l’entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. C
563
aire confirmer. Un homme en communion active avec
les
hommes qui l’entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car l
564
Un homme en communion active avec les hommes qui
l’
entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire est c
565
mes qui l’entourent ne songerait pas à rechercher
la
gloire. Car la gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait l’excell
566
rent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car
la
gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait l’excellence, à son ran
567
la gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait
l’
excellence, à son rang et selon ses astres. Ainsi les héros et les roi
568
excellence, à son rang et selon ses astres. Ainsi
les
héros et les rois sont les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne d
569
son rang et selon ses astres. Ainsi les héros et
les
rois sont les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien
570
elon ses astres. Ainsi les héros et les rois sont
les
auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien. Et ce qu’ils
571
e demandent rien. Et ce qu’ils donnent fait toute
la
renommée du peuple. (Aujourd’hui c’est l’inverse qu’on observe ; c’es
572
t toute la renommée du peuple. (Aujourd’hui c’est
l’
inverse qu’on observe ; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire
573
’est l’inverse qu’on observe ; c’est ce que donne
la
foule qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique était virile,
574
on observe ; c’est ce que donne la foule qui fait
la
gloire d’un homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Ale
575
ue donne la foule qui fait la gloire d’un homme.)
La
gloire antique était virile, comme le don. Alexandre exemplaire, plus
576
’un homme.) La gloire antique était virile, comme
le
don. Alexandre exemplaire, plus beau que tous, plus fort et plus heur
577
bassesse chez d’Annunzio ; c’est là, non pas dans
la
beauté de son œuvre, que s’est constituée sa gloire.) Et cependant, j
578
rer une gloire qui ne m’ennuierait pas. Non point
la
leur, mais celle que je pourrais rejoindre, telle que je la connais d
579
ais celle que je pourrais rejoindre, telle que je
la
connais depuis toujours, moi seul. Un dieu n’a pas besoin d’adorateur
580
ner et se réjouir de son être. Oui, c’est bien là
le
privilège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que l’incognito ?
581
re. Oui, c’est bien là le privilège d’un dieu. Et
la
vraie gloire. Qu’est-ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a
582
ège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que
l’
incognito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas
583
ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a de
la
valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’inv
584
? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne
le
sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne sera
585
quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas.
La
gloire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne serait-ce pas aus
586
le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près
l’
inverse. Mais ne serait-ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son i
587
à peu près l’inverse. Mais ne serait-ce pas aussi
le
meilleur moyen de sauver son incognito en se donnant l’air, préciséme
588
lleur moyen de sauver son incognito en se donnant
l’
air, précisément, d’y renoncer ? Autre avantage de la gloire : elle co
589
ir, précisément, d’y renoncer ? Autre avantage de
la
gloire : elle confère le droit d’être banal. Tant pis si beaucoup en
590
ncer ? Autre avantage de la gloire : elle confère
le
droit d’être banal. Tant pis si beaucoup en abusent… Hypothèse : l’e
591
al. Tant pis si beaucoup en abusent… Hypothèse :
l’
expérience intime de la gloire précède toujours sa manifestation. L’a
592
p en abusent… Hypothèse : l’expérience intime de
la
gloire précède toujours sa manifestation. L’ambitieux ne vaut rien p
593
de la gloire précède toujours sa manifestation.
L’
ambitieux ne vaut rien pour la gloire. Il ne peut aboutir qu’au succès
594
sa manifestation. L’ambitieux ne vaut rien pour
la
gloire. Il ne peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire de la
595
e. Il ne peut aboutir qu’au succès. Il reste sous
l’
empire de la comparaison. Beaucoup d’hommes n’imaginent pas qu’on pui
596
t aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire de
la
comparaison. Beaucoup d’hommes n’imaginent pas qu’on puisse avouer s
597
é, ou bien ils croient que ce serait naïf ; et si
l’
on avoue son orgueil, ils croient que c’est par vanité. Je suis homme
598
tors, orgueilleux, etc. Quel avantage à feindre ?
La
plus sotte vanité étant assurément d’essayer de faire croire qu’on n’
599
d’essayer de faire croire qu’on n’en a point. Si
l’
on condamne sa propre vanité, le mieux pour s’en débarrasser serait d’
600
n’en a point. Si l’on condamne sa propre vanité,
le
mieux pour s’en débarrasser serait d’en parler ouvertement. Comme un
601
structif et amusant. Je veux ma gloire, et je ne
l’
avoue jamais, — je fais le modeste — d’où vient cette pudeur ? Je ne v
602
eux ma gloire, et je ne l’avoue jamais, — je fais
le
modeste — d’où vient cette pudeur ? Je ne veux pas la gloire pour vou
603
odeste — d’où vient cette pudeur ? Je ne veux pas
la
gloire pour vous éblouir, vous que j’aime et qui me connaissez. Vous
604
je suis, et si vous appreniez un jour que j’ai de
la
gloire, que sauriez-vous alors d’essentiel que dès maintenant vous ne
605
e croyez point par vous-mêmes — et je ne veux pas
l’
erreur. Ou bien veux-je cette erreur-là ? Certes — mais non comme une
606
je veux cela. Qu’est-ce donc que « gloire », dont
la
prononciation, pour peu d’emphase que j’y prête, me fait venir les la
607
, pour peu d’emphase que j’y prête, me fait venir
les
larmes aux yeux ? Gloire et lumière, gloire ou mystère, gloire et mor
608
est ce seuil, et que nous ouvrent, sur quel ciel,
les
symphonies ? Je n’ose pas dire que je veux être Dieu. Ce serait là, p
609
eux être Dieu. Ce serait là, pourtant, ma vérité,
la
vérité de mon mensonge. Est-ce à cause que mon nom est : mensonge, qu
610
cause que mon nom est : mensonge, que je voudrais
la
gloire et ne sais pas pourquoi ? Ou n’ose pas savoir pourquoi… Ce que
611
ue je n’ose pas savoir est angoisse. Angoisse est
le
nom du secret que je sers sans oser le servir, parce que je sais que
612
goisse est le nom du secret que je sers sans oser
le
servir, parce que je sais que son nom est mensonge, et que c’est moi
613
out, et tout sera. Ainsi, ô Dieu, délivrez-moi de
la
gloire ! Mais cette prière m’émeut encore comme la gloire ! 1938
614
a gloire ! Mais cette prière m’émeut encore comme
la
gloire ! 1938 e. Rougemont Denis de, « La gloire », VVV, New Yor
615
me la gloire ! 1938 e. Rougemont Denis de, «
La
gloire », VVV, New York, mars 1943, p. 71-73.
616
Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)f g
L’
Amérique m’a fait prendre conscience de bien des choses qui allaient d
617
e c’est leur contraire, ici, qui va de soi. Parmi
la
douzaine de bouquins que j’ai pu emporter de Paris, il y avait le Jou
618
ouquins que j’ai pu emporter de Paris, il y avait
le
Journal d’André Gide. Chaque fois que j’en relis quelques pages, je s
619
que j’en relis quelques pages, je suis frappé par
le
souci qu’y montre Gide d’une écriture durable et d’une œuvre d’avenir
620
e et d’une œuvre d’avenir. Il n’accepte de rompre
avec
une tradition que pour en fonder une nouvelle, qui se révélera sans d
621
e nouvelle, qui se révélera sans doute conforme à
la
tradition de la langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’inc
622
se révélera sans doute conforme à la tradition de
la
langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’inclure l’actualité
623
conforme à la tradition de la langue, à son génie
le
plus vivace. Gide craint d’inclure l’actualité dans un ouvrage, parce
624
à son génie le plus vivace. Gide craint d’inclure
l’
actualité dans un ouvrage, parce que c’est elle qui risque de vieillir
625
Ce souci, cette arrière-pensée, sont étrangers à
la
littérature américaine, trop jeune pour craindre les atteintes du tem
626
littérature américaine, trop jeune pour craindre
les
atteintes du temps. On n’écrit pas un livre pour qu’il dure, en Améri
627
ur qu’il frappe et qu’il agisse, au maximum, dans
le
plus court délai. Signe de santé d’une culture. Le journaliste est l’
628
e plus court délai. Signe de santé d’une culture.
Le
journaliste est l’homme pour qui le lendemain n’existe pas, remarquai
629
Signe de santé d’une culture. Le journaliste est
l’
homme pour qui le lendemain n’existe pas, remarquait encore André Gide
630
’une culture. Le journaliste est l’homme pour qui
le
lendemain n’existe pas, remarquait encore André Gide. Dans ce sens él
631
e. Dans ce sens élargi du mot, mais en retirant à
l’
épithète toute qualité dépréciative, on pourrait appeler journalistes
632
n’y verraient, à juste titre, aucun reproche. Car
l’
Amérique a fait du journalisme un art par une révolution trop ignorée
633
nalisme un art par une révolution trop ignorée de
l’
Europe. Un art qui n’exclut pas une poésie très drue, et qui possède u
634
ue, un « art de persuader » étrangement efficace.
La
connaissance de ses règles techniques permet de pénétrer certains sec
635
techniques permet de pénétrer certains secrets de
la
littérature contemporaine de ce pays. Secrets de style et de composit
636
e de ce pays. Secrets de style et de composition.
La
rhétorique française veut qu’un discours, un essai ou un simple artic
637
verbales, qui créent une atmosphère ou orientent
l’
esprit. La rhétorique américaine écarte ces prudences et ces cérémonie
638
qui créent une atmosphère ou orientent l’esprit.
La
rhétorique américaine écarte ces prudences et ces cérémonies. Elle co
639
ruts, ou quelques chiffres impressionnants. C’est
la
Catch Phrase, la phrase-qui-attrape et qui vous jette de but en blanc
640
chiffres impressionnants. C’est la Catch Phrase,
la
phrase-qui-attrape et qui vous jette de but en blanc dans l’humanité
641
ui-attrape et qui vous jette de but en blanc dans
l’
humanité vive du sujet, saisi par son côté sensationnel. L’article ens
642
é vive du sujet, saisi par son côté sensationnel.
L’
article ensuite ne se déroulera pas suivant un plan logique, mais suiv
643
roulera pas suivant un plan logique, mais suivant
la
ligne de plus immédiate efficacité. Là où l’écrivain français cherche
644
vant la ligne de plus immédiate efficacité. Là où
l’
écrivain français cherche à vous convaincre par la rigueur ou l’élégan
645
l’écrivain français cherche à vous convaincre par
la
rigueur ou l’élégance de ses déductions, l’écrivain américain cherche
646
nçais cherche à vous convaincre par la rigueur ou
l’
élégance de ses déductions, l’écrivain américain cherche à vous entraî
647
e par la rigueur ou l’élégance de ses déductions,
l’
écrivain américain cherche à vous entraîner par la dramatisation (Dram
648
l’écrivain américain cherche à vous entraîner par
la
dramatisation (Dramatizing) de sa matière. Le style français triomphe
649
par la dramatisation (Dramatizing) de sa matière.
Le
style français triomphe dans la litote et le raccourci, le style amér
650
g) de sa matière. Le style français triomphe dans
la
litote et le raccourci, le style américain dans l’effet de choc ou d’
651
ère. Le style français triomphe dans la litote et
le
raccourci, le style américain dans l’effet de choc ou d’accumulation
652
français triomphe dans la litote et le raccourci,
le
style américain dans l’effet de choc ou d’accumulation lyrique. L’un
653
a litote et le raccourci, le style américain dans
l’
effet de choc ou d’accumulation lyrique. L’un s’attache à la construct
654
choc ou d’accumulation lyrique. L’un s’attache à
la
construction statique, l’autre au rythme. L’esprit français tend à dé
655
he à la construction statique, l’autre au rythme.
L’
esprit français tend à dégager l’essentiel, l’esprit américain à l’eng
656
autre au rythme. L’esprit français tend à dégager
l’
essentiel, l’esprit américain à l’engager dans le concret, à le sensib
657
me. L’esprit français tend à dégager l’essentiel,
l’
esprit américain à l’engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’i
658
tend à dégager l’essentiel, l’esprit américain à
l’
engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’illustrer. L’anecdote
659
l’essentiel, l’esprit américain à l’engager dans
le
concret, à le sensibiliser, à l’illustrer. L’anecdote révélatrice, le
660
l’esprit américain à l’engager dans le concret, à
le
sensibiliser, à l’illustrer. L’anecdote révélatrice, le Human Touch,
661
à l’engager dans le concret, à le sensibiliser, à
l’
illustrer. L’anecdote révélatrice, le Human Touch, sont régulièrement
662
ans le concret, à le sensibiliser, à l’illustrer.
L’
anecdote révélatrice, le Human Touch, sont régulièrement préférés par
663
sibiliser, à l’illustrer. L’anecdote révélatrice,
le
Human Touch, sont régulièrement préférés par un directeur de revue am
664
t préférés par un directeur de revue américaine à
la
« formule heureuse » condensant et généralisant des observations que
665
» condensant et généralisant des observations que
l’
on néglige de rapporter en détail. Au séminaire de Short Stories (hist
666
expression « intellectuelle » du réel, à cultiver
l’
expression concrète ou sensorielle. N’écrivez pas : « John entra dans
667
ou sensorielle. N’écrivez pas : « John entra dans
la
banque. » Mais décrivez la sensation qu’il éprouve au moment où ses s
668
as : « John entra dans la banque. » Mais décrivez
la
sensation qu’il éprouve au moment où ses semelles-crêpe marquent d’un
669
elles-crêpe marquent d’une empreinte poussiéreuse
le
moelleux tapis du hall d’entrée, etc. Exemple caricatural d’un mode d
670
caricatural d’un mode d’expression qui donnerait,
avec
beaucoup de talent, une page de Faulkner, un poème ; avec moins de ta
671
ucoup de talent, une page de Faulkner, un poème ;
avec
moins de talent, un long roman. De cet ouvrage, la critique américain
672
c moins de talent, un long roman. De cet ouvrage,
la
critique américaine ne dira pas souvent : c’est bien écrit, mais plut
673
plutôt : c’est effective, agissant. Et d’une idée
l’
on ne demandera pas seulement qu’elle soit juste, mais qu’elle soit in
674
donne une littérature plus apte qu’aucune autre à
l’
expression du dynamisme aventureux de notre siècle. Entre la sensation
675
on du dynamisme aventureux de notre siècle. Entre
la
sensation et le sensationnel, elle fait preuve d’un incomparable pouv
676
aventureux de notre siècle. Entre la sensation et
le
sensationnel, elle fait preuve d’un incomparable pouvoir d’émotion. M
677
nté de définir deux attitudes. Comment juger ? De
la
littérature qui veut agir dans l’immédiat, ou de celle qui se préoccu
678
ment juger ? De la littérature qui veut agir dans
l’
immédiat, ou de celle qui se préoccupe davantage de durer, laquelle a
679
e qui se préoccupe davantage de durer, laquelle a
le
plus de chance d’avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je n’en
680
durer, laquelle a le plus de chance d’avenir dans
le
monde où nous allons entrer ? Je n’en sais rien. Mais je suis sûr que
681
entrer ? Je n’en sais rien. Mais je suis sûr que
l’
écrivain français et l’écrivain américain ont beaucoup à apprendre l’u
682
rien. Mais je suis sûr que l’écrivain français et
l’
écrivain américain ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Ils m’app
683
l’autre. Ils m’apparaissent complémentaires comme
la
virilité et la féminité, la couleur et le dessin, la poussée vitale e
684
apparaissent complémentaires comme la virilité et
la
féminité, la couleur et le dessin, la poussée vitale et la retenue fo
685
complémentaires comme la virilité et la féminité,
la
couleur et le dessin, la poussée vitale et la retenue formelle. Et j’
686
s comme la virilité et la féminité, la couleur et
le
dessin, la poussée vitale et la retenue formelle. Et j’entrevois les
687
virilité et la féminité, la couleur et le dessin,
la
poussée vitale et la retenue formelle. Et j’entrevois les plus fécond
688
té, la couleur et le dessin, la poussée vitale et
la
retenue formelle. Et j’entrevois les plus féconds échanges entre ces
689
sée vitale et la retenue formelle. Et j’entrevois
les
plus féconds échanges entre ces deux principes de toute civilisation,
690
ordre et mise en mouvement. De leur alliance naît
la
Liberté. f. Rougemont Denis de, « Rhétorique américaine », Fontain
691
Fontaine, Alger, juin–juillet 1943, p. 15-17. g.
L’
édition numérique se fonde sur la réédition de 1945, p. 2-4.
692
3, p. 15-17. g. L’édition numérique se fonde sur
la
réédition de 1945, p. 2-4.
693
Mémoire de
l’
Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)h
694
nal des Mauvais Temps (septembre 1943)h I. —
Le
bon vieux temps présent Paris, 17 mars 1939 Le Führer a passé la
695
e bon vieux temps présent Paris, 17 mars 1939
Le
Führer a passé la nuit au Hradschin Après Vienne, avec Prague, c’es
696
présent Paris, 17 mars 1939 Le Führer a passé
la
nuit au Hradschin Après Vienne, avec Prague, c’est une Europe qui v
697
hrer a passé la nuit au Hradschin Après Vienne,
avec
Prague, c’est une Europe qui vient de mourir. Europe du sentiment, pa
698
nt, patrie de nostalgie de tous ceux qu’a touchés
le
romantisme — encore un paradis perdu ! Mais les vrais paradis seront
699
és le romantisme — encore un paradis perdu ! Mais
les
vrais paradis seront toujours perdus : ils naissent à l’heure où on l
700
s paradis seront toujours perdus : ils naissent à
l’
heure où on les perd. Souvenirs de Salzbourg et de Prague, Mozart et R
701
nt toujours perdus : ils naissent à l’heure où on
les
perd. Souvenirs de Salzbourg et de Prague, Mozart et Rilke, et la Vie
702
rs de Salzbourg et de Prague, Mozart et Rilke, et
la
Vienne de Schubert — à l’heure où sombrent des nations sous l’uniform
703
ue, Mozart et Rilke, et la Vienne de Schubert — à
l’
heure où sombrent des nations sous l’uniforme barbarie — je les vois s
704
Schubert — à l’heure où sombrent des nations sous
l’
uniforme barbarie — je les vois s’élever rayonnants dans la lueur éter
705
ombrent des nations sous l’uniforme barbarie — je
les
vois s’élever rayonnants dans la lueur éternisée d’un soir d’été, apr
706
e barbarie — je les vois s’élever rayonnants dans
la
lueur éternisée d’un soir d’été, après l’orage, avant la nuit, dans u
707
ts dans la lueur éternisée d’un soir d’été, après
l’
orage, avant la nuit, dans une gloire déchirante et délicieuse comme l
708
r éternisée d’un soir d’été, après l’orage, avant
la
nuit, dans une gloire déchirante et délicieuse comme les secondes voi
709
Un mythe nouveau prend son essor au sein même de
la
catastrophe. Tout un âge, un climat de musiques, soudain se fixe en n
710
n « bon vieux temps » de plus, tout près de nous…
Le
bon vieux temps, pour nos ancêtres, c’était très loin dans le passé,
711
temps, pour nos ancêtres, c’était très loin dans
le
passé, dans la légende, si loin que nul, en vérité, ne l’avait vu. Ma
712
s ancêtres, c’était très loin dans le passé, dans
la
légende, si loin que nul, en vérité, ne l’avait vu. Mais déjà, pour b
713
, dans la légende, si loin que nul, en vérité, ne
l’
avait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre nous, ce fut simplement l’a
714
jà, pour beaucoup d’entre nous, ce fut simplement
l’
avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et voici que ce Temps Pe
715
p d’entre nous, ce fut simplement l’avant-guerre,
les
souvenirs de notre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’un co
716
u, tout d’un coup, est encore plus proche : c’est
l’
an passé, c’est avant-hier, peut-être même est-ce — aujourd’hui ? Mais
717
tre vivons-nous, ici, dans ce Paris de mars 1939,
les
derniers jours du bon vieux temps européen. Jours de sursis d’une lib
718
t notre manière toute naturelle de respirer et de
penser
, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs personnel
719
leront douceur de vivre ? Déjà nous éprouvons que
le
monde a glissé dans une ère étrange et brutale, où ces formes de vie
720
ont encore les nôtres ne peuvent plus apprivoiser
le
destin. Soit que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous d
721
s ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que
les
tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résister, il
722
sursaut nous dresse à résister, il faudra changer
le
rythme et rectifier la tenue, bander tous les ressorts, mobiliser les
723
ésister, il faudra changer le rythme et rectifier
la
tenue, bander tous les ressorts, mobiliser les cœurs… C’est le crime
724
nger le rythme et rectifier la tenue, bander tous
les
ressorts, mobiliser les cœurs… C’est le crime des dictatures : elles
725
ier la tenue, bander tous les ressorts, mobiliser
les
cœurs… C’est le crime des dictatures : elles ne tuent pas la liberté
726
der tous les ressorts, mobiliser les cœurs… C’est
le
crime des dictatures : elles ne tuent pas la liberté dans les pays se
727
’est le crime des dictatures : elles ne tuent pas
la
liberté dans les pays seulement où elles sévissent, mais aussi bien c
728
s dictatures : elles ne tuent pas la liberté dans
les
pays seulement où elles sévissent, mais aussi bien chez les voisins q
729
eulement où elles sévissent, mais aussi bien chez
les
voisins qu’elles secouent d’un défi grossier. La liberté ne peut surv
730
les voisins qu’elles secouent d’un défi grossier.
La
liberté ne peut survivre à de tels chocs. Car elle est vraiment comme
731
le est vraiment comme un rêve, un rêve heureux où
l’
on circule avec aisance, gardant parfois l’arrière-conscience d’un mir
732
nt comme un rêve, un rêve heureux où l’on circule
avec
aisance, gardant parfois l’arrière-conscience d’un miracle. Elle est
733
eux où l’on circule avec aisance, gardant parfois
l’
arrière-conscience d’un miracle. Elle est encore une œuvre d’art qui n
734
lle est encore une œuvre d’art qui n’agit que par
l’
atmosphère, par le charme qu’elle fait régner. Des lois adroites et hu
735
œuvre d’art qui n’agit que par l’atmosphère, par
le
charme qu’elle fait régner. Des lois adroites et humaines ne suffiron
736
s lois adroites et humaines ne suffiront jamais à
l’
assurer : il y faut ce climat sentimental, cette espèce de naturel qui
737
… C’est tout cela que vient de mettre en question
l’
usurpateur du Hradschin. Et dès lors qu’il l’a mis en question, et qu’
738
tion l’usurpateur du Hradschin. Et dès lors qu’il
l’
a mis en question, et qu’il nous force au réalisme à sa manière, le ch
739
on, et qu’il nous force au réalisme à sa manière,
le
charme est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’é
740
i qui s’éveille et goûte encore quelques instants
les
délices d’un rêve inachevé. Mais il sait bien que c’est fini. Brève d
741
Mais il sait bien que c’est fini. Brève dispense,
le
temps d’un peu se souvenir… Il faut se lever. Il faut entrer résolume
742
Il faut se lever. Il faut entrer résolument dans
le
grand jour du siècle mécanique, accepter pour un temps sa loi, en pré
743
rice et bafouée. II. — Le dernier printemps de
la
paix En Suisse, 2 mai 1939 Combien oseraient avouer que cette mena
744
oseraient avouer que cette menace leur rend enfin
le
goût de vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent de désir pour leurs biens
745
és qui n’éprouvent de désir pour leurs biens qu’à
la
veille de les perdre. Déshérités aussi, qui ne retrouvent l’espoir q
746
uvent de désir pour leurs biens qu’à la veille de
les
perdre. Déshérités aussi, qui ne retrouvent l’espoir qu’au seuil des
747
les perdre. Déshérités aussi, qui ne retrouvent
l’
espoir qu’au seuil des catastrophes générales. Et j’en connais qui ne
748
(comme un moteur prend son régime normal à tant à
l’
heure) que dans le drame et le bouleversement des habitudes où l’énerg
749
rend son régime normal à tant à l’heure) que dans
le
drame et le bouleversement des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce be
750
ime normal à tant à l’heure) que dans le drame et
le
bouleversement des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin d’être
751
ns le drame et le bouleversement des habitudes où
l’
énergie s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montrer de quoi l’on
752
e. Ce besoin d’être provoqué pour montrer de quoi
l’
on est capable est si profond, peut-être si normal, que j’en viens à m
753
-mêmes, dans notre inconscient collectif. Je puis
l’
avouer parce que je suis un écrivain, Il est admis que ces gens-là ont
754
uis un écrivain, Il est admis que ces gens-là ont
le
droit de dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’h
755
admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour
le
soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue de cynism
756
pour le soulagement général — ce qui ferait taxer
l’
homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont p
757
lagement général — ce qui ferait taxer l’homme de
la
rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courage
758
homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il
penser
qu’ils sont plus courageux ? Mais non. Ils sont tout seuls devant leu
759
on. Ils sont tout seuls devant leur papier blanc.
Les
réactions à leur parole seront lointaines, ou même ils ne les connaît
760
s à leur parole seront lointaines, ou même ils ne
les
connaîtront jamais… Paris, 12 mai 1939 Quatrième changement de domici
761
mai 1939 Quatrième changement de domicile depuis
le
début de cette année. « Étranger et voyageur sur la terre », ainsi pe
762
début de cette année. « Étranger et voyageur sur
la
terre », ainsi pensais-je d’autres fois, dans ces périodes de nomadis
763
née. « Étranger et voyageur sur la terre », ainsi
pensais
-je d’autres fois, dans ces périodes de nomadisme involontaire. Aujour
764
isation de nos pensées, de nos images. Hier, dans
l’
autobus, une petite dame assise devant moi s’écrie, voyant s’abattre u
765
i s’écrie, voyant s’abattre une pluie d’orage sur
la
Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’était pourtant
766
qui ai oublié mon masque à gaz ! C’était pourtant
l’
heure ! » 14 mai 1939 La grande ville traversée dans la fatigue d’un s
767
à gaz ! C’était pourtant l’heure ! » 14 mai 1939
La
grande ville traversée dans la fatigue d’un soir pluvieux. Paris, sou
768
re ! » 14 mai 1939 La grande ville traversée dans
la
fatigue d’un soir pluvieux. Paris, souffrance des visages et des corp
769
otisme, énervement. Paris soudain considéré comme
la
situation spirituelle la plus extraordinaire du siècle ! Il est des ê
770
soudain considéré comme la situation spirituelle
la
plus extraordinaire du siècle ! Il est des êtres et des drames dont l
771
e du siècle ! Il est des êtres et des drames dont
la
vérité n’apparaît que dans cet environnement de lueurs fuyantes, d’ac
772
ne liberté et un danger, une révélation totale de
l’
humain dans tous ses risques matériels et spirituels, impossible aille
773
ù tout serait avoué, horreur et charme, à travers
la
vision d’un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les caf
774
sion d’un saint qui vivrait sa vie consacrée dans
les
rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de cette église ouver
775
saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues,
les
cafés, les métros. Je le vois sortant de cette église ouverte, où pas
776
ivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés,
les
métros. Je le vois sortant de cette église ouverte, où passe le bruit
777
onsacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je
le
vois sortant de cette église ouverte, où passe le bruit des autobus ;
778
le vois sortant de cette église ouverte, où passe
le
bruit des autobus ; ou bien de ce temple, un samedi soir, où la Saint
779
utobus ; ou bien de ce temple, un samedi soir, où
la
Sainte-Cène est partagée dans un silence de catacombes. Centre du mon
780
tacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant
la
foule et traversant les lieux publics avec cette grande Question qu’i
781
de ! Il s’en va, coudoyant la foule et traversant
les
lieux publics avec cette grande Question qu’il porte dans son être, e
782
oudoyant la foule et traversant les lieux publics
avec
cette grande Question qu’il porte dans son être, et qui est aussi la
783
stion qu’il porte dans son être, et qui est aussi
la
grande réponse ; et les démons s’éveillent sur son passage, il n’y a
784
son être, et qui est aussi la grande réponse ; et
les
démons s’éveillent sur son passage, il n’y a plus nulle part d’indiff
785
a plus nulle part d’indifférence possible ! Ici,
le
Christ reste le Scandale, l’Autre, l’Amour qui bouleverse le monde et
786
rt d’indifférence possible ! Ici, le Christ reste
le
Scandale, l’Autre, l’Amour qui bouleverse le monde et fait surgir des
787
ible ! Ici, le Christ reste le Scandale, l’Autre,
l’
Amour qui bouleverse le monde et fait surgir des quotidiennes apparenc
788
este le Scandale, l’Autre, l’Amour qui bouleverse
le
monde et fait surgir des quotidiennes apparences l’être touchant, bi
789
monde et fait surgir des quotidiennes apparences
l’
être touchant, bizarre ou monstrueux que chacun de nous dissimule. Al
790
x que chacun de nous dissimule. Alors, on verrait
le
réel, alors on cesserait de haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s
791
l, alors on cesserait de haïr, ou d’être déçu par
l’
amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au travers de propos
792
ravers de propos superficiellement passionnés… Et
l’
on cesserait aussi de redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans
793
t passionnés… Et l’on cesserait aussi de redouter
la
guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là où chacun livre son v
794
esserait aussi de redouter la guerre, parce qu’on
la
verrait dans la paix, là où chacun livre son vrai combat. III. — P
795
e redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans
la
paix, là où chacun livre son vrai combat. III. — Pendant la batail
796
ù chacun livre son vrai combat. III. — Pendant
la
bataille des Flandres En Suisse, 24 mai 1940. Poste militaire à la
797
dres En Suisse, 24 mai 1940. Poste militaire à
la
frontière Écouté la radio : opéra de Mozart. Et dans une seule bouffé
798
4 mai 1940. Poste militaire à la frontière Écouté
la
radio : opéra de Mozart. Et dans une seule bouffée, toutes ces nuits
799
tes passions égarées, musique aux jardins jusqu’à
l’
aube… Un quart de tour, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est l
800
ns jusqu’à l’aube… Un quart de tour, nouvelles de
la
bataille des Flandres, c’est la fin d’un communiqué, régions perdues
801
our, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est
la
fin d’un communiqué, régions perdues encore, régions perdues dans le
802
qué, régions perdues encore, régions perdues dans
le
passé et territoires envahis. Le passé, le présent réduits se rétréci
803
ons perdues dans le passé et territoires envahis.
Le
passé, le présent réduits se rétrécissent vers la catastrophe. Il n’e
804
s dans le passé et territoires envahis. Le passé,
le
présent réduits se rétrécissent vers la catastrophe. Il n’est plus d’
805
Le passé, le présent réduits se rétrécissent vers
la
catastrophe. Il n’est plus d’autre issue que la nuit, mais viendra-t-
806
s la catastrophe. Il n’est plus d’autre issue que
la
nuit, mais viendra-t-elle après ma mort ou avec elle ? Si c’est avant
807
que la nuit, mais viendra-t-elle après ma mort ou
avec
elle ? Si c’est avant, où aller, où rester, où demeurer quand tout s’
808
où rester, où demeurer quand tout s’en va, et que
penser
si je ne puis — rien dire ou faire qui s’accorde à ces temps ? « Une
809
personne ne peut agir. » C’est quelque part dans
l’
Évangile. Ou faudra-t-il enterrer nos secrets, pour d’autres qui peut-
810
d’autres qui peut-être ne viendront jamais ? Car
la
carte des pays libres, hier encore presque aussi vaste que la terre,
811
pays libres, hier encore presque aussi vaste que
la
terre, se rétrécit de jour en jour et d’heure en heure, à chaque fois
812
Vaudrait-il mieux qu’alors ? Saurions-nous mieux
le
vivre, augmenté du souvenir de sa perte ? Mais le passé ne reviendra
813
le vivre, augmenté du souvenir de sa perte ? Mais
le
passé ne reviendra jamais, ce bon vieux temps que je sentais présent
814
que je sentais présent — un an déjà ! comme dans
les
chansons — même si la guerre était gagnée, même si demain nous devons
815
— un an déjà ! comme dans les chansons — même si
la
guerre était gagnée, même si demain nous devons vivre encore… À quoi
816
, même si demain nous devons vivre encore… À quoi
pensent
-ils, ceux de la bataille ? Ont-ils de ces retours soudains vers des m
817
devons vivre encore… À quoi pensent-ils, ceux de
la
bataille ? Ont-ils de ces retours soudains vers des moments de tendre
818
qui est vrai, nous allons en désordre au réveil.
La
mort, le désespoir en plein midi, — ou la reconnaissance de l’unique
819
vrai, nous allons en désordre au réveil. La mort,
le
désespoir en plein midi, — ou la reconnaissance de l’unique nécessair
820
réveil. La mort, le désespoir en plein midi, — ou
la
reconnaissance de l’unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de
821
ésespoir en plein midi, — ou la reconnaissance de
l’
unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de la radio produisit d
822
reconnaissance de l’unique nécessaire ? IV.
La
vulgarisation de la radio produisit durant cette guerre une conséquen
823
unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de
la
radio produisit durant cette guerre une conséquence fort imprévue : e
824
erre une conséquence fort imprévue : elle empêcha
les
hommes de se rendre compte de l’ampleur et de la rapidité des bouleve
825
: elle empêcha les hommes de se rendre compte de
l’
ampleur et de la rapidité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux moi
826
les hommes de se rendre compte de l’ampleur et de
la
rapidité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux mois de mai et de j
827
endait répéter constamment : « Je viens d’écouter
la
radio. Rien de nouveau, toujours les mêmes histoires, pas de décision
828
ens d’écouter la radio. Rien de nouveau, toujours
les
mêmes histoires, pas de décision… » Le monde était en train de change
829
toujours les mêmes histoires, pas de décision… »
Le
monde était en train de changer de face d’un jour à l’autre, mais on
830
n de changer de face d’un jour à l’autre, mais on
le
regardait d’heure en heure, de trop près, on ne le voyait pas… V.
831
e regardait d’heure en heure, de trop près, on ne
le
voyait pas… V. — Lisbonne 10 septembre 1940 Blanche et bleue da
832
sbonne 10 septembre 1940 Blanche et bleue dans
l’
immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claqu
833
e 1940 Blanche et bleue dans l’immense lumière de
la
liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquants et ses rues débo
834
dans l’immense lumière de la liberté atlantique,
avec
tous ses drapeaux claquants et ses rues débouchant sur le ciel, la vi
835
ses drapeaux claquants et ses rues débouchant sur
le
ciel, la ville aux sept collines oublie la guerre, oublie l’Europe. D
836
aux claquants et ses rues débouchant sur le ciel,
la
ville aux sept collines oublie la guerre, oublie l’Europe. Dans quatr
837
nt sur le ciel, la ville aux sept collines oublie
la
guerre, oublie l’Europe. Dans quatre jours, nous embarquons pour l’Am
838
ville aux sept collines oublie la guerre, oublie
l’
Europe. Dans quatre jours, nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici,
839
l’Europe. Dans quatre jours, nous embarquons pour
l’
Amérique. Mais ici, je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à
840
ous embarquons pour l’Amérique. Mais ici, je fais
le
serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la
841
e fais le serment d’opposer une stricte mémoire à
la
candeur intarissable de la Vie, toujours pressée d’imaginer un monde
842
une stricte mémoire à la candeur intarissable de
la
Vie, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore continu
843
r un monde où tout peut encore continuer. J’ai vu
la
civilisation frappée au cœur, je l’ai vue chanceler, je sais qu’elle
844
nuer. J’ai vu la civilisation frappée au cœur, je
l’
ai vue chanceler, je sais qu’elle peut mourir. J’ai vu la France, comm
845
e chanceler, je sais qu’elle peut mourir. J’ai vu
la
France, comme un homme qui vient de tomber sur la tête, qui se relève
846
la France, comme un homme qui vient de tomber sur
la
tête, qui se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t
847
vre ? A-t-il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu
l’
Espagne de cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre en
848
sprit, incapable de retrouver son équilibre entre
le
démoniaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse,
849
de retrouver son équilibre entre le démoniaque et
le
surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion des he
850
ue et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de
la
Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant des terres abandonnées
851
rhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse,
l’
invasion des herbes sauvages venant des terres abandonnées du Nord, et
852
’elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître
les
paniques dévastatrices du ve siècle de notre ère. Et je songe au bas
853
ole d’une liberté qui ne peut plus vivre que sous
la
cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut périr. Nous qui sommes encore ép
854
s pas notre délai de grâce ! VI. — Souvenir de
la
paix française En Amérique, novembre 1940 Périgny… C’était bien ce
855
it bien ce nom-là ? Un long village en bordure de
la
route. D’un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles
856
n long village en bordure de la route. D’un côté,
les
maisons dominaient une vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine d
857
hamps de roses et des blés, au bord du plateau de
la
Brie. Je montais vers Périgny par un sentier fort raide entre les ron
858
tais vers Périgny par un sentier fort raide entre
les
ronces, aboutissant à de vieux escaliers. Une seule rangée de maisons
859
iers. Une seule rangée de maisons à traverser, et
l’
on parvient à la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoise
860
rangée de maisons à traverser, et l’on parvient à
la
grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent p
861
n parvient à la grand-rue : comme elle est vide !
Les
toits d’ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge
862
est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent pas
les
façades nues, brunies par l’âge, patinées par les vents. Rares sont l
863
es ne dépassent pas les façades nues, brunies par
l’
âge, patinées par les vents. Rares sont les boutiques, et même les caf
864
les façades nues, brunies par l’âge, patinées par
les
vents. Rares sont les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe une
865
ies par l’âge, patinées par les vents. Rares sont
les
boutiques, et même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une de ce
866
par les vents. Rares sont les boutiques, et même
les
cafés. Et s’il passe une auto, c’est une de ces voitures branlantes q
867
branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur
les
routes écartées, d’une ferme au marché le plus proche. Nulle part au
868
ue sur les routes écartées, d’une ferme au marché
le
plus proche. Nulle part au monde la vie n’apparaît si discrète, si pa
869
rme au marché le plus proche. Nulle part au monde
la
vie n’apparaît si discrète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là n’e
870
ié des tons et des lignes humaines, humilité sous
la
douceur du ciel, retrait des âmes dans leur destin. Je longeais cette
871
ermette aux volets pâles, sans adresse, au ras de
la
plaine. Un peu avant la sortie du village, la rue bifurque : une rout
872
, sans adresse, au ras de la plaine. Un peu avant
la
sortie du village, la rue bifurque : une route prend à droite, vers l
873
de la plaine. Un peu avant la sortie du village,
la
rue bifurque : une route prend à droite, vers la plaine, escortée de
874
la rue bifurque : une route prend à droite, vers
la
plaine, escortée de quelques maisons ; l’autre s’incline lentement ve
875
elques maisons ; l’autre s’incline lentement vers
la
vallée, dans les vergers. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant s
876
l’autre s’incline lentement vers la vallée, dans
les
vergers. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant sur le chemin à pr
877
rs. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant sur
le
chemin à prendre. Et soudain, je vis à mes pieds, tracé à la craie su
878
prendre. Et soudain, je vis à mes pieds, tracé à
la
craie sur le sol, un grand cercle entourant une inscription en lettre
879
soudain, je vis à mes pieds, tracé à la craie sur
le
sol, un grand cercle entourant une inscription en lettres capitales b
880
x du village, silence des rues vides ouvertes sur
le
ciel et sur les blés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’un
881
ilence des rues vides ouvertes sur le ciel et sur
les
blés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’un secret de pudeu
882
iel et sur les blés. J’étais là fasciné comme par
la
découverte d’un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce vill
883
trouve personne. Mais ses outils sont là, contre
le
mur. Il reprend le chemin de son champ. En passant au carrefour, il s
884
ais ses outils sont là, contre le mur. Il reprend
le
chemin de son champ. En passant au carrefour, il s’est dit : « Peut-ê
885
l a écrit ces mots. Elle saura bien. Il a rejoint
l’
usage du pays, l’intimité des choses de toujours. Et le moindre signe
886
s. Elle saura bien. Il a rejoint l’usage du pays,
l’
intimité des choses de toujours. Et le moindre signe suffît. Je suis r
887
ge du pays, l’intimité des choses de toujours. Et
le
moindre signe suffît. Je suis redescendu vers la vallée de l’Yerre, q
888
le moindre signe suffît. Je suis redescendu vers
la
vallée de l’Yerre, qui coule entre des saules et des peupliers blancs
889
igne suffît. Je suis redescendu vers la vallée de
l’
Yerre, qui coule entre des saules et des peupliers blancs. Il faisait
890
t des peupliers blancs. Il faisait lourd et doux,
le
goudron de la route sentait plus fort que les champs de roses, et des
891
s blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron de
la
route sentait plus fort que les champs de roses, et des nuages noirs
892
oux, le goudron de la route sentait plus fort que
les
champs de roses, et des nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai
893
amps de roses, et des nuages noirs traînaient sur
les
vergers. J’ai su, plus tard, que ce jour-là, j’avais fait mes adieux
894
s tard, que ce jour-là, j’avais fait mes adieux à
la
France. VII. — Mémoire de l’Europe 1943 Je ne savais pas que to
895
fait mes adieux à la France. VII. — Mémoire de
l’
Europe 1943 Je ne savais pas que tout était si près là-bas. J’étais
896
étais baigné. J’étais fondé. Et je marchais parmi
les
signes. Sédiments séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l
897
séculaires, socles de nos patries ! Monuments que
l’
on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces
898
numents que l’on ne voit plus, mais qui renvoient
l’
écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers un
899
etrouvais… « Je t’aime. J’aime ! » J’ai tout dit.
L’
Europe était patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence était pro
900
! » J’ai tout dit. L’Europe était patrie d’amour.
Le
silence attendait, l’absence était profonde, et chaque être présent q
901
urope était patrie d’amour. Le silence attendait,
l’
absence était profonde, et chaque être présent questionnait, répondait
902
, et chaque être présent questionnait, répondait.
La
force était au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obs
903
ée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans
la
contemplation jalouse d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps
904
jà du temps de notre enfance, et notre possession
la
plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fre
905
ion la plus tenace, il nous réduisait au silence.
La
force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée q
906
au silence. La force était chanson fredonnée, sur
le
seuil, au matin d’une journée qui se liait aux autres… (Quand ta forc
907
res… (Quand ta force devient visible, c’est comme
le
sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va). La force était mémoire
908
le sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va).
La
force était mémoire et allusion, elle était ce vieil arbre tenace. El
909
ion, elle était ce vieil arbre tenace. Elle était
la
douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en
910
t ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et
la
sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle
911
ait la douceur et la sagesse amère des adieux, ou
la
gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… Q
912
ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait
les
pudeurs de l’amour… Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que
913
’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de
l’
amour… Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est
914
pudeurs de l’amour… Quand je me souviens — c’est
l’
Europe. Parce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su
915
Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que
l’
Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant
916
souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est
la
mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant de passé, et
917
n vie tant de passé, et garder tant de morts dans
la
présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir.
918
d’avenir. h. Rougemont Denis de, « Mémoire de
l’
Europe », Revue de la pensée française, New York, septembre 1943, p. 2
919
emont Denis de, « Mémoire de l’Europe », Revue de
la
pensée française, New York, septembre 1943, p. 22-29.
920
Un peuple se révèle dans
le
malheur (février 1944)k Autrefois et naguère encore, avant l’occup
921
rier 1944)k Autrefois et naguère encore, avant
l’
occupation allemande, les étrangers qui n’avaient pas voyagé en France
922
et naguère encore, avant l’occupation allemande,
les
étrangers qui n’avaient pas voyagé en France, ou ceux qui n’avaient v
923
as voyagé en France, ou ceux qui n’avaient vu que
les
lieux de plaisir de la capitale, connaissaient et jugeaient la France
924
ceux qui n’avaient vu que les lieux de plaisir de
la
capitale, connaissaient et jugeaient la France par ses vedettes. À le
925
laisir de la capitale, connaissaient et jugeaient
la
France par ses vedettes. À leurs yeux, tout Français devait ressemble
926
bler aux types d’humanité que représentaient dans
le
monde les acteurs à succès, les écrivains célèbres, les modèles des g
927
types d’humanité que représentaient dans le monde
les
acteurs à succès, les écrivains célèbres, les modèles des grands cout
928
eprésentaient dans le monde les acteurs à succès,
les
écrivains célèbres, les modèles des grands couturiers, ou même les ch
929
nde les acteurs à succès, les écrivains célèbres,
les
modèles des grands couturiers, ou même les chefs cuisiniers des palac
930
èbres, les modèles des grands couturiers, ou même
les
chefs cuisiniers des palaces internationaux. Le mot Français évoquait
931
les chefs cuisiniers des palaces internationaux.
Le
mot Français évoquait aussitôt l’image d’une moustache à la Menjou et
932
internationaux. Le mot Français évoquait aussitôt
l’
image d’une moustache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie, d’un s
933
nçais évoquait aussitôt l’image d’une moustache à
la
Menjou et d’une boutonnière fleurie, d’un sourire charmeur à la Charl
934
’une boutonnière fleurie, d’un sourire charmeur à
la
Charles Boyer, l’aimable scepticisme d’un Anatole France, l’élégance
935
leurie, d’un sourire charmeur à la Charles Boyer,
l’
aimable scepticisme d’un Anatole France, l’élégance d’une ligne parisi
936
Boyer, l’aimable scepticisme d’un Anatole France,
l’
élégance d’une ligne parisienne, l’étiquette d’un bourgogne fameux pré
937
natole France, l’élégance d’une ligne parisienne,
l’
étiquette d’un bourgogne fameux présenté par le maître d’hôtel. Tout c
938
e, l’étiquette d’un bourgogne fameux présenté par
le
maître d’hôtel. Tout cela c’était le cliché « France ». C’était charm
939
présenté par le maître d’hôtel. Tout cela c’était
le
cliché « France ». C’était charmant, c’était piquant, indéfinissablem
940
c’était piquant, indéfinissablement féminin comme
le
sont la plupart des vedettes. Mais où était dans tout cela le vrai pe
941
lupart des vedettes. Mais où était dans tout cela
le
vrai peuple de la vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est l
942
s. Mais où était dans tout cela le vrai peuple de
la
vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est le malheur le plus
943
vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est
le
malheur le plus affreux de son Histoire qui le révèle au monde, aujou
944
e ? Ce peuple naguère invisible, c’est le malheur
le
plus affreux de son Histoire qui le révèle au monde, aujourd’hui, dan
945
st le malheur le plus affreux de son Histoire qui
le
révèle au monde, aujourd’hui, dans sa véritable grandeur. Les journau
946
u monde, aujourd’hui, dans sa véritable grandeur.
Les
journaux qui nous apportent des nouvelles de la résistance à l’intéri
947
Les journaux qui nous apportent des nouvelles de
la
résistance à l’intérieur du pays occupé nous parlent du peuple de Fra
948
i nous apportent des nouvelles de la résistance à
l’
intérieur du pays occupé nous parlent du peuple de France ; les récits
949
du pays occupé nous parlent du peuple de France ;
les
récits et les témoignages qui ont été publiés secrètement par les mou
950
nous parlent du peuple de France ; les récits et
les
témoignages qui ont été publiés secrètement par les mouvements de rés
951
s témoignages qui ont été publiés secrètement par
les
mouvements de résistance et qui parviennent sous nos yeux nous parlen
952
us nos yeux nous parlent du peuple de France ; et
les
films composés à Hollywood ou à Londres sur l’organisation de la rési
953
t les films composés à Hollywood ou à Londres sur
l’
organisation de la résistance à Paris ou en province, ne nous montrent
954
és à Hollywood ou à Londres sur l’organisation de
la
résistance à Paris ou en province, ne nous montrent encore que le peu
955
Paris ou en province, ne nous montrent encore que
le
peuple de France, pour la première fois. Le peuple anonyme, le peuple
956
e que le peuple de France, pour la première fois.
Le
peuple anonyme, le peuple unanime, le peuple sans vedettes et le voic
957
France, pour la première fois. Le peuple anonyme,
le
peuple unanime, le peuple sans vedettes et le voici enfin devenu la v
958
mière fois. Le peuple anonyme, le peuple unanime,
le
peuple sans vedettes et le voici enfin devenu la vraie vedette, malgr
959
me, le peuple unanime, le peuple sans vedettes et
le
voici enfin devenu la vraie vedette, malgré lui, de la France et de s
960
le peuple sans vedettes et le voici enfin devenu
la
vraie vedette, malgré lui, de la France et de sa résistance. J’ai vu
961
ici enfin devenu la vraie vedette, malgré lui, de
la
France et de sa résistance. J’ai vu à New York la plupart de ces film
962
tent leur sujet à certains épisodes véridiques de
la
lutte contre l’envahisseur. Paris calling, Croix de Lorraine, Assignm
963
à certains épisodes véridiques de la lutte contre
l’
envahisseur. Paris calling, Croix de Lorraine, Assignment in Brittany,
964
rittany, et je cite au hasard, il y en a tant. Je
les
ai vus avec des amis, tantôt américains, tantôt français. Les Françai
965
je cite au hasard, il y en a tant. Je les ai vus
avec
des amis, tantôt américains, tantôt français. Les Français critiquaie
966
vec des amis, tantôt américains, tantôt français.
Les
Français critiquaient beaucoup. Le décor était inexact, les situation
967
tôt français. Les Français critiquaient beaucoup.
Le
décor était inexact, les situations pas toujours vraisemblables, les
968
is critiquaient beaucoup. Le décor était inexact,
les
situations pas toujours vraisemblables, les traîtres trop conventionn
969
xact, les situations pas toujours vraisemblables,
les
traîtres trop conventionnels, et finalement l’inévitable raid de comm
970
, les traîtres trop conventionnels, et finalement
l’
inévitable raid de commandos sauvait tout le monde comme dans les cont
971
aid de commandos sauvait tout le monde comme dans
les
contes de fées. Mais je regardais mes amis du coin de l’œil : en crit
972
ls exultaient de confiance, en crescendo, jusqu’à
la
« Marseillaise » finale. On peut penser tout ce que l’on veut de ces
973
endo, jusqu’à la « Marseillaise » finale. On peut
penser
tout ce que l’on veut de ces films, du pire au bien ; j’en retiens po
974
Marseillaise » finale. On peut penser tout ce que
l’
on veut de ces films, du pire au bien ; j’en retiens pour ma part qu’i
975
retiens pour ma part qu’ils nous présentent enfin
le
petit peuple français comme le grand héros de la France. Soudain, l’é
976
s présentent enfin le petit peuple français comme
le
grand héros de la France. Soudain, l’étranger s’aperçoit d’une vérité
977
le petit peuple français comme le grand héros de
la
France. Soudain, l’étranger s’aperçoit d’une vérité aussi vieille que
978
nçais comme le grand héros de la France. Soudain,
l’
étranger s’aperçoit d’une vérité aussi vieille que l’Europe mais const
979
tranger s’aperçoit d’une vérité aussi vieille que
l’
Europe mais constamment méconnue ou niée, et souvent par la faute des
980
mais constamment méconnue ou niée, et souvent par
la
faute des élites parisiennes : le peuple de France est grave, ou plus
981
et souvent par la faute des élites parisiennes :
le
peuple de France est grave, ou plus exactement il est sérieux. Il n’e
982
t cela qu’en second lieu, et comme par luxe. Dans
le
fond et d’abord, il est sérieux, plus qu’aucun autre peuple dont j’ai
983
rieux, plus qu’aucun autre peuple dont j’aie vécu
la
vie. Seulement, il est sérieux sans pose, avec pudeur, préférant affe
984
vécu la vie. Seulement, il est sérieux sans pose,
avec
pudeur, préférant affecter la blague et le scepticisme plutôt que de
985
érieux sans pose, avec pudeur, préférant affecter
la
blague et le scepticisme plutôt que de paraître exagérer sa peine. Ca
986
ose, avec pudeur, préférant affecter la blague et
le
scepticisme plutôt que de paraître exagérer sa peine. Car il pense d’
987
plutôt que de paraître exagérer sa peine. Car il
pense
d’instinct, comme Talleyrand, que « ce qui est exagéré n’est pas séri
988
est exagéré n’est pas sérieux ». Ce qui me frappe
le
plus, dans les films que je citais, et dans les témoignages directs v
989
est pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans
les
films que je citais, et dans les témoignages directs venus de France
990
pe le plus, dans les films que je citais, et dans
les
témoignages directs venus de France sur la lutte contre les nazis, c’
991
dans les témoignages directs venus de France sur
la
lutte contre les nazis, c’est l’absence de grands gestes théâtraux, l
992
nages directs venus de France sur la lutte contre
les
nazis, c’est l’absence de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à
993
us de France sur la lutte contre les nazis, c’est
l’
absence de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à l’éloquence tra
994
azis, c’est l’absence de grands gestes théâtraux,
la
sourdine mise à l’éloquence traditionnelle, le refus même de se compl
995
ce de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à
l’
éloquence traditionnelle, le refus même de se complaire dans le lyrism
996
x, la sourdine mise à l’éloquence traditionnelle,
le
refus même de se complaire dans le lyrisme de la catastrophe ; c’est
997
raditionnelle, le refus même de se complaire dans
le
lyrisme de la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’hér
998
le refus même de se complaire dans le lyrisme de
la
catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’héroïsme populair
999
lyrisme de la catastrophe ; c’est pour tout dire,
le
naturel de l’héroïsme populaire. Ce peuple en noir au regard vif s’es
1000
catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de
l’
héroïsme populaire. Ce peuple en noir au regard vif s’est révélé face
1001
élé face au danger. Il manquait d’armes, il lutte
avec
sa dignité impénétrable aux tentations de la Brute. On avait dit aux
1002
te avec sa dignité impénétrable aux tentations de
la
Brute. On avait dit aux jeunes nazis qu’ils allaient conquérir un pay
1003
x. Après quelques semaines en territoire conquis,
l’
Allemand s’est senti dominé par une force étrange et qui l’intimidait
1004
d s’est senti dominé par une force étrange et qui
l’
intimidait : le regard sérieux de l’homme et de la femme du peuple, ce
1005
ominé par une force étrange et qui l’intimidait :
le
regard sérieux de l’homme et de la femme du peuple, ce jugement préci
1006
trange et qui l’intimidait : le regard sérieux de
l’
homme et de la femme du peuple, ce jugement précis et humain, bien plu
1007
l’intimidait : le regard sérieux de l’homme et de
la
femme du peuple, ce jugement précis et humain, bien plus insupportabl
1008
récis et humain, bien plus insupportable que tous
les
cris de haines. Ils ne savaient pas cela, les jeunes Allemands, on ne
1009
ous les cris de haines. Ils ne savaient pas cela,
les
jeunes Allemands, on ne leur avait jamais parlé du vrai peuple de la
1010
, on ne leur avait jamais parlé du vrai peuple de
la
vraie France. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec une
1011
rai peuple de la vraie France. Ils ont continué à
le
piller et à le fusiller avec une rage panique ; ils continuent, mais
1012
a vraie France. Ils ont continué à le piller et à
le
fusiller avec une rage panique ; ils continuent, mais ils se savent b
1013
ce. Ils ont continué à le piller et à le fusiller
avec
une rage panique ; ils continuent, mais ils se savent battus. Depuis
1014
. Rougemont Denis de, « Un peuple se révèle dans
le
malheur », Fontaine, Alger, février 1944, p. 353-354.
1015
j Un critique. J’ai lu vos deux dialogues sur
la
carte postale6, je les aime bien… Enfin il n’est pas exact que je les
1016
i lu vos deux dialogues sur la carte postale6, je
les
aime bien… Enfin il n’est pas exact que je les aime bien. Ils m’irrit
1017
je les aime bien… Enfin il n’est pas exact que je
les
aime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais je ne les oublie pas.7
1018
ime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais je ne
les
oublie pas.7 L’auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre. Il
1019
itent et m’agacent. Mais je ne les oublie pas.7
L’
auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre. Il me semble parfois
1020
’agacent. Mais je ne les oublie pas.7 L’auteur.
La
mémoire des offenses est la plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’e
1021
lie pas.7 L’auteur. La mémoire des offenses est
la
plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’est pas de louange préférable
1022
n me fasse grief de mes écrits. J’y voudrais voir
la
preuve d’une certaine grièveté qu’ils présentent, comme cela se dit d
1023
ls présentent, comme cela se dit d’une blessure…
Le
critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument d’une exagération de m
1024
u’à mon sens vous n’êtes pas encore assez clair.
L’
auteur. Et pourquoi je vous prie, être clair ? Vous n’allez pas me dir
1025
, être clair ? Vous n’allez pas me dire que c’est
la
bonne manière de se faire comprendre ? Le critique. On voudrait être
1026
c’est la bonne manière de se faire comprendre ?
Le
critique. On voudrait être sûr que vous vous comprenez assez. L’aute
1027
voudrait être sûr que vous vous comprenez assez.
L’
auteur. Assez pour quoi ? C. Assez pour n’être point la dupe de vos p
1028
ur. Assez pour quoi ? C. Assez pour n’être point
la
dupe de vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’est pas jou
1029
ce n’est pas jouer du violon. Tout d’un coup vous
le
prenez à double corde, et l’on distingue mal les passages, vous chang
1030
Tout d’un coup vous le prenez à double corde, et
l’
on distingue mal les passages, vous changez de ton et l’on voudrait sa
1031
s le prenez à double corde, et l’on distingue mal
les
passages, vous changez de ton et l’on voudrait savoir que vous le sav
1032
istingue mal les passages, vous changez de ton et
l’
on voudrait savoir que vous le savez… Il me semble que vous manquez de
1033
s changez de ton et l’on voudrait savoir que vous
le
savez… Il me semble que vous manquez de méchanceté pour vos idées. El
1034
. Elles vous séduisent de loin et quand vous nous
les
présentez, elles ont déjà votre complicité, je ne sais quel air de pa
1035
avouable ? C. Certes, mais il faudrait composer
les
entrées. Il faudrait nous persuader que vos goûts sont bien des raiso
1036
s raisons sont les nôtres. Ou bien vous faites de
la
poésie, et alors vous jouez sur des surprises, ou bien vous nous parl
1037
parlez d’idées, et dans ce cas, il faut que nous
pensions
à chaque instant : « j’allais le dire ! » Mais ne mêlez pas tout, sin
1038
t que nous pensions à chaque instant : « j’allais
le
dire ! » Mais ne mêlez pas tout, sinon l’on soupçonnera quelque trich
1039
’allais le dire ! » Mais ne mêlez pas tout, sinon
l’
on soupçonnera quelque tricherie. A. Voulez-vous que nous parlions de
1040
e tricherie. A. Voulez-vous que nous parlions de
la
clarté ? Je crois deviner que cela nous ramènera dans les environs du
1041
té ? Je crois deviner que cela nous ramènera dans
les
environs du sujet de mes deux précédents dialogues. C. Du moins sere
1042
er maintenant à votre réflexion méfiante. Si vous
le
permettez, je m’offrirai le ridicule de défendre mon propre point de
1043
ion méfiante. Si vous le permettez, je m’offrirai
le
ridicule de défendre mon propre point de vue. Il se peut que cette ma
1044
’est-ce qu’être clair, à votre avis ? A. Dès que
l’
on pose cette question, il me semble qu’on se voit condamné à des répo
1045
s ou plates ou mystérieuses. Ne serait-ce pas que
la
clarté n’est qu’une convention de langage ? J’entends : un mot de pas
1046
ntion de langage ? J’entends : un mot de passe de
la
tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage… C. Hé quoi ! vous
1047
e de la tribu, ou une espèce de style garanti par
l’
usage… C. Hé quoi ! vous savez bien que tout notre langage est un sys
1048
ntifique, qui se distingue du langage courant par
le
souci de contrôler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode
1049
e contrôler ses conventions. Mais ce n’est pas là
le
seul mode d’expression possible. C. Précisément je souhaitais de vou
1050
es ! Mais il faudrait s’entendre tout d’abord sur
la
nécessité de cette clarté. Pour ma part je ne saurais concevoir ni re
1051
d’autre nécessité en général que celle qu’impose
la
fin de toute pensée. C. Restons, si vous le voulez, sur le plan du l
1052
pose la fin de toute pensée. C. Restons, si vous
le
voulez, sur le plan du langage. N’est-ce pas la cohérence des raisons
1053
s le voulez, sur le plan du langage. N’est-ce pas
la
cohérence des raisons et à la fois l’exact ajustement de ces raisons
1054
’est-ce pas la cohérence des raisons et à la fois
l’
exact ajustement de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de
1055
et à la fois l’exact ajustement de ces raisons à
la
réalité, qui constitue la fin de l’expression ? A. Oui, dans un mond
1056
tement de ces raisons à la réalité, qui constitue
la
fin de l’expression ? A. Oui, dans un monde cartésien, c’est-à-dire
1057
ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de
l’
expression ? A. Oui, dans un monde cartésien, c’est-à-dire dans le mo
1058
. Oui, dans un monde cartésien, c’est-à-dire dans
le
monde du discours. Car le Discours de la méthode ne définit en somme
1059
sien, c’est-à-dire dans le monde du discours. Car
le
Discours de la méthode ne définit en somme qu’une méthode du discours
1060
ire dans le monde du discours. Car le Discours de
la
méthode ne définit en somme qu’une méthode du discours. La fin derniè
1061
e ne définit en somme qu’une méthode du discours.
La
fin dernière d’un discours n’est autre que la cohérence, la vérité el
1062
rs. La fin dernière d’un discours n’est autre que
la
cohérence, la vérité elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de
1063
nière d’un discours n’est autre que la cohérence,
la
vérité elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de l’enchaînement
1064
ence, la vérité elle-même s’y trouvant ordonnée à
la
logique de l’enchaînement des phrases. Autrement dit, le discours car
1065
é elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de
l’
enchaînement des phrases. Autrement dit, le discours cartésien n’a pas
1066
que de l’enchaînement des phrases. Autrement dit,
le
discours cartésien n’a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part
1067
clair et facile, et sa marche est une déduction.
La
convention d’un tel langage, est que tout est donné au départ, et qu’
1068
épart, et qu’il s’agit de ne rien introduire dans
la
chaîne des arguments qui n’ait été d’abord jaugé, chiffré, et défini
1069
l me semble qu’il faut y voir une garantie contre
les
illusions de la rhétorique flamboyante. Le romantisme a pu s’impatien
1070
faut y voir une garantie contre les illusions de
la
rhétorique flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter d’une allure
1071
ontre les illusions de la rhétorique flamboyante.
Le
romantisme a pu s’impatienter d’une allure aussi scrupuleuse, mais c’
1072
’une allure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’il a
le
goût de se tromper et de tromper. A. Pour moi, je crains une duperie
1073
Pour moi, je crains une duperie moins naïve dans
la
modestie cartésienne. Car enfin où prend-on dans le monde rien qui so
1074
modestie cartésienne. Car enfin où prend-on dans
le
monde rien qui soit « clair, simple et facile » en soi ? Le monde dan
1075
ien qui soit « clair, simple et facile » en soi ?
Le
monde dans lequel nous vivons et parlons n’est-il pas, comme l’a dit
1076
lequel nous vivons et parlons n’est-il pas, comme
l’
a dit un Russe « le monde de l’imprécis et du non résolu » ? Ou comme
1077
et parlons n’est-il pas, comme l’a dit un Russe «
le
monde de l’imprécis et du non résolu » ? Ou comme l’écrit Descartes l
1078
’est-il pas, comme l’a dit un Russe « le monde de
l’
imprécis et du non résolu » ? Ou comme l’écrit Descartes lui-même, le
1079
monde de l’imprécis et du non résolu » ? Ou comme
l’
écrit Descartes lui-même, le monde des choses « mal compassées » ? L’a
1080
n résolu » ? Ou comme l’écrit Descartes lui-même,
le
monde des choses « mal compassées » ? L’application d’une raison sans
1081
ui-même, le monde des choses « mal compassées » ?
L’
application d’une raison sans parti pris à ce monde tel qu’il est donn
1082
n’a-t-elle pas pour effet immédiat de multiplier
le
mystère et les absurdités logiques ? Voyez Kafka… Je me demande alors
1083
s pour effet immédiat de multiplier le mystère et
les
absurdités logiques ? Voyez Kafka… Je me demande alors si le cartésia
1084
és logiques ? Voyez Kafka… Je me demande alors si
le
cartésianisme ne nous a pas trompés une fois pour toutes, à l’origine
1085
sme ne nous a pas trompés une fois pour toutes, à
l’
origine, en décrétant — au nom de quoi, je vous en prie ? — la clarté
1086
n décrétant — au nom de quoi, je vous en prie ? —
la
clarté et la simplicité d’un certain nombre de postulats abstraits. M
1087
au nom de quoi, je vous en prie ? — la clarté et
la
simplicité d’un certain nombre de postulats abstraits. Ma méfiance po
1088
bre de postulats abstraits. Ma méfiance porte sur
l’
arrière-pensée qui présida au choix de ces données dites premières. En
1089
ères. Encore n’est-il pas exact de recourir ici à
l’
expression d’arrière-pensée. C’est sans doute une « arrière-image » qu
1090
de vous demander de préciser ? A. J’essaierai de
le
faire par un exemple. La méthode inventée par Descartes est donc deve
1091
ser ? A. J’essaierai de le faire par un exemple.
La
méthode inventée par Descartes est donc devenue celle de la science.
1092
inventée par Descartes est donc devenue celle de
la
science. C’est elle dont usent nos physiciens, chimistes et mathémati
1093
n. Mais comment obtiennent-ils ces formules ? Par
l’
examen des nombres qui résument leurs expériences, dira-t-on. Je n’en
1094
e analyse un certain nombre de phrases traduisant
les
résultats acquis. Or ces phrases ont été choisies par le savant en ve
1095
ltats acquis. Or ces phrases ont été choisies par
le
savant en vertu d’une double exigence : d’une part elles doivent perm
1096
espèce de symbolisme abstrait — si j’ose dire — à
la
formule mathématique ; d’autre part, et voilà qui est remarquable, il
1097
posent un discours cohérent sur des propriétés de
la
matière. Et ce discours n’est qu’un certain système d’images. S’il se
1098
hérence, c’est-à-dire par cette volonté d’exclure
les
sens ordinairement contradictoires des mots. Ainsi les lois formulées
1099
ens ordinairement contradictoires des mots. Ainsi
les
lois formulées par la science, ces modèles d’expression claire, se ré
1100
adictoires des mots. Ainsi les lois formulées par
la
science, ces modèles d’expression claire, se réfèrent en réalité à de
1101
procédé est sans danger quand il est appliqué par
les
savants, la science légale n’étant, c’est entendu, qu’une manière de
1102
ans danger quand il est appliqué par les savants,
la
science légale n’étant, c’est entendu, qu’une manière de parler du ré
1103
ère de parler du réel, et sans cesse corrigée par
les
faits. Mais où je crie à la tricherie, c’est quand le philosophe ou l
1104
s cesse corrigée par les faits. Mais où je crie à
la
tricherie, c’est quand le philosophe ou l’essayiste, séduits par la c
1105
aits. Mais où je crie à la tricherie, c’est quand
le
philosophe ou l’essayiste, séduits par la clarté axiomatique, prétend
1106
crie à la tricherie, c’est quand le philosophe ou
l’
essayiste, séduits par la clarté axiomatique, prétendent partir de vér
1107
t quand le philosophe ou l’essayiste, séduits par
la
clarté axiomatique, prétendent partir de vérités élémentaires qui ne
1108
e langage. Je voudrais dire cela plus simplement…
La
tricherie d’une déduction claire consiste en ce qu’elle prétend parti
1109
partir d’un nombre limité de faits acquis, quand
le
tout, quand la fin nous échappent ! Comme s’il était licite, et même
1110
mbre limité de faits acquis, quand le tout, quand
la
fin nous échappent ! Comme s’il était licite, et même possible, de pa
1111
me possible, de partir de certains éléments et de
les
déclarer connus, quand on ignore méthodiquement l’ensemble dont ils d
1112
s déclarer connus, quand on ignore méthodiquement
l’
ensemble dont ils dépendent et qui est leur seule mesure. C. J’avoue
1113
ecours aux formes du langage courant. A. Prenons
la
3e règle de sa méthode : « Conduire par ordre mes pensées en commença
1114
Conduire par ordre mes pensées en commençant par
les
objets les plus simples et les plus aisés à connaître. » Voilà qui pa
1115
ar ordre mes pensées en commençant par les objets
les
plus simples et les plus aisés à connaître. » Voilà qui paraît clair,
1116
en commençant par les objets les plus simples et
les
plus aisés à connaître. » Voilà qui paraît clair, j’entends conforme
1117
mun. Je distingue pourtant, derrière ce jugement,
la
plus étrange illusion de l’esprit : c’est une maxime populaire. On la
1118
derrière ce jugement, la plus étrange illusion de
l’
esprit : c’est une maxime populaire. On la tient pour tellement éviden
1119
sion de l’esprit : c’est une maxime populaire. On
la
tient pour tellement évidente que son rappel, au cours d’une discussi
1120
sque une insolence. Cette maxime affirme en effet
la
nécessité générale de « commencer par le commencement ». Descartes qu
1121
en effet la nécessité générale de « commencer par
le
commencement ». Descartes qui vient d’assimiler sans sourciller la si
1122
. Descartes qui vient d’assimiler sans sourciller
la
simplicité d’un objet avec l’aisance à le connaître — c’est encore un
1123
ssimiler sans sourciller la simplicité d’un objet
avec
l’aisance à le connaître — c’est encore un tour du langage — ne va pa
1124
ler sans sourciller la simplicité d’un objet avec
l’
aisance à le connaître — c’est encore un tour du langage — ne va pas r
1125
rciller la simplicité d’un objet avec l’aisance à
le
connaître — c’est encore un tour du langage — ne va pas reculer devan
1126
pas reculer devant cet autre exploit : poser que
le
plus simple est aussi le plus proche, et qu’il faut commencer par là.
1127
utre exploit : poser que le plus simple est aussi
le
plus proche, et qu’il faut commencer par là. C’est sans doute le plus
1128
et qu’il faut commencer par là. C’est sans doute
le
plus mauvais tour qu’on ait joué aux écrivains d’idées ! Commencer pa
1129
on ait joué aux écrivains d’idées ! Commencer par
le
commencement ! Aller du simple au compliqué ! Que cela paraît plein d
1130
u compliqué ! Que cela paraît plein de bon sens !
Le
beau cliché, la belle absurdité, la magnifique carte postale ! S’il e
1131
e cela paraît plein de bon sens ! Le beau cliché,
la
belle absurdité, la magnifique carte postale ! S’il est une chose que
1132
de bon sens ! Le beau cliché, la belle absurdité,
la
magnifique carte postale ! S’il est une chose que l’expérience humain
1133
magnifique carte postale ! S’il est une chose que
l’
expérience humaine me paraît avoir établie — je dirais : pour l’éterni
1134
umaine me paraît avoir établie — je dirais : pour
l’
éternité ! — c’est bien qu’il faut toujours commencer par la fin, par
1135
! — c’est bien qu’il faut toujours commencer par
la
fin, par la vision totale, par la révélation des fins dernières. On n
1136
ien qu’il faut toujours commencer par la fin, par
la
vision totale, par la révélation des fins dernières. On ne peut conna
1137
s commencer par la fin, par la vision totale, par
la
révélation des fins dernières. On ne peut connaître les parties que p
1138
vélation des fins dernières. On ne peut connaître
les
parties que par le tout, et non l’inverse. C. J’observe une fois de
1139
rnières. On ne peut connaître les parties que par
le
tout, et non l’inverse. C. J’observe une fois de plus avec curiosité
1140
eut connaître les parties que par le tout, et non
l’
inverse. C. J’observe une fois de plus avec curiosité le glissement q
1141
et non l’inverse. C. J’observe une fois de plus
avec
curiosité le glissement qui s’opère dans vos propos : je vois que vou
1142
se. C. J’observe une fois de plus avec curiosité
le
glissement qui s’opère dans vos propos : je vois que vous allez passe
1143
trangère. Vous parliez d’une vision totale ?… A.
L’
expression vous apparaît privée de sens ? Mesurez donc, une bonne fois
1144
vée de sens ? Mesurez donc, une bonne fois, toute
l’
ampleur de ma déraison. Laissez-moi parler sans contrainte mon sabir e
1145
inte mon sabir eschatologique. Je disais donc que
la
déduction cartésienne travaille sur des cartes postales. Elle dispose
1146
re ses repères, et puis s’ébranle à reculons vers
l’
inconnu, les yeux toujours fixés sur son jeu d’évidences. On conçoit d
1147
res, et puis s’ébranle à reculons vers l’inconnu,
les
yeux toujours fixés sur son jeu d’évidences. On conçoit dès lors qu’e
1148
d’évidences. On conçoit dès lors qu’elle se meuve
avec
tellement de précautions, vérifiant à chaque pas le chemin parcouru :
1149
tellement de précautions, vérifiant à chaque pas
le
chemin parcouru : elle ignore tout de son but et tiendrait même pour
1150
ut et tiendrait même pour une prévention fâcheuse
la
croyance que ce but existe en tout état de cause. Pour moi, c’est pre
1151
te en tout état de cause. Pour moi, c’est presque
le
contraire. Voilà : — Je sais que je suis dans la nuit. Je ne puis mar
1152
le contraire. Voilà : — Je sais que je suis dans
la
nuit. Je ne puis marcher que dans la confusion. Mais, si je marche ce
1153
je suis dans la nuit. Je ne puis marcher que dans
la
confusion. Mais, si je marche cependant, c’est qu’à certains moments
1154
he cependant, c’est qu’à certains moments j’ai vu
le
but. — J’ai cru le voir… C’est une vision illuminante, instantanée, d
1155
qu’à certains moments j’ai vu le but. — J’ai cru
le
voir… C’est une vision illuminante, instantanée, dont la trace ne tar
1156
… C’est une vision illuminante, instantanée, dont
la
trace ne tarde pas à s’évanouir dans mes yeux Cela suffit pourtant à
1157
yeux Cela suffit pourtant à guider quelques pas.
Les
autres, je les risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou du pr
1158
it pourtant à guider quelques pas. Les autres, je
les
risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou du pressentiment, so
1159
ider quelques pas. Les autres, je les risque dans
le
noir, — dans la nuit de la foi ou du pressentiment, soutenu par l’esp
1160
s. Les autres, je les risque dans le noir, — dans
la
nuit de la foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir d’une vision
1161
es, je les risque dans le noir, — dans la nuit de
la
foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir d’une vision renouvelée
1162
a nuit de la foi ou du pressentiment, soutenu par
l’
espoir d’une vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation de ma dém
1163
utenu par l’espoir d’une vision renouvelée. Voilà
le
sens, l’orientation de ma démarche, et c’est pourquoi je vous disais
1164
l’espoir d’une vision renouvelée. Voilà le sens,
l’
orientation de ma démarche, et c’est pourquoi je vous disais qu’on ne
1165
e, et c’est pourquoi je vous disais qu’on ne peut
la
comprendre qu’à partir de son but. Il est très juste qu’elle paraisse
1166
but. Il est très juste qu’elle paraisse absurde à
l’
observateur raisonnable. C. Le propre d’une vision pareille, c’est qu
1167
paraisse absurde à l’observateur raisonnable. C.
Le
propre d’une vision pareille, c’est qu’elle est incommunicable, j’ima
1168
eux dire à sa plénitude instantanée qui décourage
l’
analyse. Vous ne donnerez pas la sensation du blanc en décrivant les s
1169
née qui décourage l’analyse. Vous ne donnerez pas
la
sensation du blanc en décrivant les sept couleurs. C’est pourquoi le
1170
e donnerez pas la sensation du blanc en décrivant
les
sept couleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s
1171
nc en décrivant les sept couleurs. C’est pourquoi
le
langage de la vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument
1172
t les sept couleurs. C’est pourquoi le langage de
la
vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument inexplicable,
1173
urs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de
la
foi, s’il était pur, serait absolument inexplicable, et évident. Il n
1174
e significative du tout, et de chaque partie dans
le
tout. Bien entendu, je ne puis avancer aucun exemple d’une telle perf
1175
r cette limite pour éclairer — précisément — tout
l’
entre-deux, la pénombre de ce débat. Je vois maintenant deux espèces d
1176
pour éclairer — précisément — tout l’entre-deux,
la
pénombre de ce débat. Je vois maintenant deux espèces de langage. Ram
1177
vois maintenant deux espèces de langage. Ramenons-
les
pour simplifier à deux modes d’expression également rigoureuse et pou
1178
tant exclusifs l’un de l’autre. Le premier serait
la
loi scientifique. Ses conventions sont la clarté et l’absence de cont
1179
serait la loi scientifique. Ses conventions sont
la
clarté et l’absence de contradiction. La seconde forme d’expression,
1180
i scientifique. Ses conventions sont la clarté et
l’
absence de contradiction. La seconde forme d’expression, ce serait cel
1181
it celle dont j’essayais de vous faire pressentir
la
limite, en parlant d’un langage inexplicable et pourtant évident. C’e
1182
inexplicable et pourtant évident. C’est peut-être
le
verbe impliquer qui distinguera le mieux cette forme-là de la premièr
1183
’est peut-être le verbe impliquer qui distinguera
le
mieux cette forme-là de la première, dont l’office est évidemment d’e
1184
uera le mieux cette forme-là de la première, dont
l’
office est évidemment d’expliquer. Oui, cette opposition va nous aider
1185
. Oui, cette opposition va nous aider : impliquer
le
réel comme tel, et non pas expliquer certaines manières de le réduire
1186
e tel, et non pas expliquer certaines manières de
le
réduire aux exigences d’un discours cohérent — voilà sans doute le rô
1187
igences d’un discours cohérent — voilà sans doute
le
rôle du langage parabolique… De là vient son obscurité. Parler en par
1188
n fait ou des idées, en tenant compte du tout qui
les
englobe. Ou c’est encore se garder avec soin de les définir autrement
1189
u tout qui les englobe. Ou c’est encore se garder
avec
soin de les définir autrement qu’en vue de cette fin dernière vers qu
1190
s englobe. Ou c’est encore se garder avec soin de
les
définir autrement qu’en vue de cette fin dernière vers quoi l’on tend
1191
trement qu’en vue de cette fin dernière vers quoi
l’
on tend. Le langage cartésien ou scientifique cherche à réduire les fa
1192
en vue de cette fin dernière vers quoi l’on tend.
Le
langage cartésien ou scientifique cherche à réduire les faits ou les
1193
ngage cartésien ou scientifique cherche à réduire
les
faits ou les idées à quelques éléments isolés de mesure. Il s’organis
1194
en ou scientifique cherche à réduire les faits ou
les
idées à quelques éléments isolés de mesure. Il s’organise tout nature
1195
on. C’est à partir du terme, encore une fois, que
les
contradictions s’éclairent et se résolvent, et non pas à partir d’élé
1196
s à partir d’éléments que j’aurais distingués dès
le
départ. Une parabole se comprend par la fin. Comme l’expédition de Co
1197
ngués dès le départ. Une parabole se comprend par
la
fin. Comme l’expédition de Colomb partant pour reconnaître une Amériq
1198
épart. Une parabole se comprend par la fin. Comme
l’
expédition de Colomb partant pour reconnaître une Amérique de vision.
1199
de vision. Et cette fin, ce terme, ce télos, tous
les
hiatus, toutes les obscurités, tous les paralogismes du langage doive
1200
fin, ce terme, ce télos, tous les hiatus, toutes
les
obscurités, tous les paralogismes du langage doivent l’indiquer comme
1201
los, tous les hiatus, toutes les obscurités, tous
les
paralogismes du langage doivent l’indiquer comme au-delà d’eux-mêmes…
1202
curités, tous les paralogismes du langage doivent
l’
indiquer comme au-delà d’eux-mêmes… ce que ne sauraient faire des argu
1203
nt faire des arguments toujours fondés sur ce qui
les
précède. Voilà pourquoi le discours d’un prophète est le contraire d’
1204
urs fondés sur ce qui les précède. Voilà pourquoi
le
discours d’un prophète est le contraire d’un discours. L’événement se
1205
ède. Voilà pourquoi le discours d’un prophète est
le
contraire d’un discours. L’événement seul lui rendra sa raison. Ainsi
1206
urs d’un prophète est le contraire d’un discours.
L’
événement seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole est une énigme
1207
urs. L’événement seul lui rendra sa raison. Ainsi
la
parabole est une énigme dont le sens est dans la vision. C. Comment
1208
sa raison. Ainsi la parabole est une énigme dont
le
sens est dans la vision. C. Comment expliquez-vous le plaisir que je
1209
la parabole est une énigme dont le sens est dans
la
vision. C. Comment expliquez-vous le plaisir que je prends à la lect
1210
ns est dans la vision. C. Comment expliquez-vous
le
plaisir que je prends à la lecture de certaines paraboles dont le sen
1211
Comment expliquez-vous le plaisir que je prends à
la
lecture de certaines paraboles dont le sens eschatologique m’échappe,
1212
e prends à la lecture de certaines paraboles dont
le
sens eschatologique m’échappe, je le suppose, absolument ? A. Je dem
1213
raboles dont le sens eschatologique m’échappe, je
le
suppose, absolument ? A. Je demandais un jour à une petite-fille pou
1214
ples, sachant qu’ils ne comprendraient pas. Voici
la
réponse qu’elle me fit : Jésus racontait des histoires pour qu’ils s’
1215
ils s’en souviennent mieux plus tard. C’est comme
les
noix qui ont une coquille très dure. On peut les emporter sans qu’ell
1216
les noix qui ont une coquille très dure. On peut
les
emporter sans qu’elles se gâtent, et quand on a faim, on les ouvre.
1217
r sans qu’elles se gâtent, et quand on a faim, on
les
ouvre. C. Encore une petite question, voulez-vous ? Qui a le droit d
1218
. Encore une petite question, voulez-vous ? Qui a
le
droit de parler en paraboles, et d’être obscur à la manière des proph
1219
et d’être obscur à la manière des prophètes ? A.
Le
droit ? Personne, bien sûr ! Personne n’a aucun droit de ce genre, si
1220
en sûr ! Personne n’a aucun droit de ce genre, si
l’
on nomme droit la garantie formelle d’un usage. Mais il arrive assez s
1221
n’a aucun droit de ce genre, si l’on nomme droit
la
garantie formelle d’un usage. Mais il arrive assez souvent que l’on o
1222
elle d’un usage. Mais il arrive assez souvent que
l’
on oublie les grandes et graves raisons qu’il y a de se taire, ou de p
1223
age. Mais il arrive assez souvent que l’on oublie
les
grandes et graves raisons qu’il y a de se taire, ou de parler seuleme
1224
’il y a de se taire, ou de parler seulement selon
le
droit et la décence, en toute clarté. Il arrive que certains furieux,
1225
e taire, ou de parler seulement selon le droit et
la
décence, en toute clarté. Il arrive que certains furieux, je ne sais
1226
chés, s’abandonnent aux hasards de tricheries qui
les
flattent. Ils appellent cela poésie. On peut toutefois imaginer une a
1227
On peut toutefois imaginer une autre attitude de
l’
être, et qui soit telle que la question du droit ne se pose plus. C’es
1228
e autre attitude de l’être, et qui soit telle que
la
question du droit ne se pose plus. C’est l’attitude de l’homme qui a
1229
e que la question du droit ne se pose plus. C’est
l’
attitude de l’homme qui a vu quelque chose, ou simplement qui a cru vo
1230
ion du droit ne se pose plus. C’est l’attitude de
l’
homme qui a vu quelque chose, ou simplement qui a cru voir, et qui vou
1231
cru voir, et qui voudrait retrouver sa vision et
la
faire pressentir à d’autres hommes. Une vision ne se transmet pas, c’
1232
tres hommes. Une vision ne se transmet pas, c’est
le
contraire d’une carte postale. Il s’agit donc de disposer l’esprit da
1233
e d’une carte postale. Il s’agit donc de disposer
l’
esprit dans une certaine orientation au moyen de mots et de phrases qu
1234
tre compris en soi et dans leur lettre, mais dont
le
sens dernier ne puisse être aperçu sous un angle de vision quelconque
1235
çu sous un angle de vision quelconque. Je dis que
l’
homme qui a vu quelque chose doit parler la langue des prophètes et co
1236
is que l’homme qui a vu quelque chose doit parler
la
langue des prophètes et composer des paraboles. Si ses prophéties son
1237
il n’en est pas moins un prophète. Mais alors on
le
jugera selon sa fin. Vous m’avouerez que dans ces conditions il faut
1238
ne sorte de naïveté très singulière pour endosser
le
risque d’être obscur. Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait
1239
dosser le risque d’être obscur. Passe encore pour
l’
homme de Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de
1240
Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait vu
la
fin de notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est
1241
e Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire :
l’
ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des visions moins illustres
1242
la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa vision
le
sauve. Mais il est des visions moins illustres, qui n’embrassent pas
1243
des visions moins illustres, qui n’embrassent pas
le
monde de haut en bas, dans un fulgurant inventaire. Je parle de visio
1244
Je parle de visions furtives qui sont à celle de
l’
apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de la
1245
sions furtives qui sont à celle de l’apôtre comme
le
Petit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de la Fin, mais signe
1246
etit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de
la
Fin, mais signes seulement, résumés, prises partielles et significati
1247
lles et significatives… Certes celui qui pourrait
les
fixer retrouverait toute l’Apocalypse, comme Cuvier la préhistoire à
1248
s celui qui pourrait les fixer retrouverait toute
l’
Apocalypse, comme Cuvier la préhistoire à partir d’une vertèbre isolée
1249
xer retrouverait toute l’Apocalypse, comme Cuvier
la
préhistoire à partir d’une vertèbre isolée. Mais l’oubli vient avec l
1250
préhistoire à partir d’une vertèbre isolée. Mais
l’
oubli vient avec le premier doute… Petites visions des hommes de peu d
1251
partir d’une vertèbre isolée. Mais l’oubli vient
avec
le premier doute… Petites visions des hommes de peu de foi, visions d
1252
ites visions des hommes de peu de foi, visions de
la
fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance,
1253
foi, visions de la fin de nos courtes passions :
la
possession, la beauté, la puissance, — il n’en faut pourtant pas dava
1254
e la fin de nos courtes passions : la possession,
la
beauté, la puissance, — il n’en faut pourtant pas davantage pour nous
1255
nos courtes passions : la possession, la beauté,
la
puissance, — il n’en faut pourtant pas davantage pour nous réduire au
1256
ge pour nous réduire au parler prophétique. C’est
le
même risque, et ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles de J
1257
rophétique. C’est le même risque, et ce n’est pas
la
même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prophètes, ont
1258
le même risque, et ce n’est pas la même grandeur…
Les
« sentinelles de Juda », les grands prophètes, ont été justifiés dans
1259
as la même grandeur… Les « sentinelles de Juda »,
les
grands prophètes, ont été justifiés dans leur délire, mais un prophèt
1260
. 7. Quatre « dialogues » paraîtront au début de
l’
ouvrage Doctrine fabuleuse , publié en 1947. j. Rougemont Denis de,
1261
L’
attitude personnaliste (octobre 1944)l La lecture des journaux clan
1262
L’attitude personnaliste (octobre 1944)l
La
lecture des journaux clandestins parus en France montre que les idées
1263
s journaux clandestins parus en France montre que
les
idées personnalistes avaient fait leur chemin dans l’élite de la Rési
1264
dées personnalistes avaient fait leur chemin dans
l’
élite de la Résistance. S’agit-il d’une influence directe, ou d’une pr
1265
nalistes avaient fait leur chemin dans l’élite de
la
Résistance. S’agit-il d’une influence directe, ou d’une prise de cons
1266
te, ou d’une prise de conscience spontanée devant
la
leçon des faits, nous le saurons un jour. Mais il est clair dès maint
1267
science spontanée devant la leçon des faits, nous
le
saurons un jour. Mais il est clair dès maintenant que les circonstanc
1268
ons un jour. Mais il est clair dès maintenant que
les
circonstances sont enfin devenues favorables pour une action plus lar
1269
ables pour une action plus large et constructive.
Les
événements eux-mêmes se sont chargés de faire la critique de tant d’i
1270
Les événements eux-mêmes se sont chargés de faire
la
critique de tant d’incohérences au sein desquelles le Français moyen
1271
ritique de tant d’incohérences au sein desquelles
le
Français moyen pensait pouvoir vivre impunément, jusqu’à ce que Hitle
1272
incohérences au sein desquelles le Français moyen
pensait
pouvoir vivre impunément, jusqu’à ce que Hitler vînt en prendre avant
1273
prendre avantage. Devant un monde à reconstruire,
les
grandes questions peuvent et doivent être reposées. Allons-nous rebât
1274
et doivent être reposées. Allons-nous rebâtir sur
les
valeurs d’une philosophie de l’Objet (qui était celle du capitalisme
1275
nous rebâtir sur les valeurs d’une philosophie de
l’
Objet (qui était celle du capitalisme et des divers « planisme »), ou
1276
isme »), ou bien allons-nous faire une société où
les
objets soient remis au service de l’homme qui crée et qui se veut res
1277
société où les objets soient remis au service de
l’
homme qui crée et qui se veut responsable ? Si nous choisissons la sec
1278
esponsable ? Si nous choisissons la seconde voie,
la
doctrine du personnalisme s’impose à l’attention sérieuse. Les jeunes
1279
nde voie, la doctrine du personnalisme s’impose à
l’
attention sérieuse. Les jeunes gens qui prenaient conscience de leur r
1280
du personnalisme s’impose à l’attention sérieuse.
Les
jeunes gens qui prenaient conscience de leur responsabilité intellect
1281
ue vers 1930, en France, se trouvaient confrontés
avec
les dilemmes suivants : droite ou gauche, capitalisme ou socialisme,
1282
rs 1930, en France, se trouvaient confrontés avec
les
dilemmes suivants : droite ou gauche, capitalisme ou socialisme, indi
1283
es leur paraissaient faux, périmés ou illusoires.
Les
forces politiques en apparence les plus opposées se trouvaient agir e
1284
ou illusoires. Les forces politiques en apparence
les
plus opposées se trouvaient agir en fait dans le même sens : elles te
1285
les plus opposées se trouvaient agir en fait dans
le
même sens : elles tendaient toutes à dépersonnaliser l’homme, à le ré
1286
e sens : elles tendaient toutes à dépersonnaliser
l’
homme, à le réduire à un agrégat de réflexes conditionnés par l’État,
1287
les tendaient toutes à dépersonnaliser l’homme, à
le
réduire à un agrégat de réflexes conditionnés par l’État, le Parti et
1288
réduire à un agrégat de réflexes conditionnés par
l’
État, le Parti et les statisticiens. Sur le plan philosophique, la sit
1289
à un agrégat de réflexes conditionnés par l’État,
le
Parti et les statisticiens. Sur le plan philosophique, la situation n
1290
de réflexes conditionnés par l’État, le Parti et
les
statisticiens. Sur le plan philosophique, la situation n’était pas me
1291
et les statisticiens. Sur le plan philosophique,
la
situation n’était pas meilleure. Là encore, la personne humaine se vo
1292
e, la situation n’était pas meilleure. Là encore,
la
personne humaine se voyait attaquée, disséquée, réduite de plus en pl
1293
it attaquée, disséquée, réduite de plus en plus à
l’
irresponsabilité. La psychologie freudienne ne voyait en elle qu’un îl
1294
ée, réduite de plus en plus à l’irresponsabilité.
La
psychologie freudienne ne voyait en elle qu’un îlot précaire perdu da
1295
ne voyait en elle qu’un îlot précaire perdu dans
l’
océan de l’inconscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à des dét
1296
en elle qu’un îlot précaire perdu dans l’océan de
l’
inconscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à des déterminismes
1297
océan de l’inconscient. D’autres s’appliquaient à
la
réduire à des déterminismes biologiques, ou sociologiques, ou économi
1298
ues, ou économiques. Que devenait dans tout cela,
le
droit imprescriptible d’un homme à dire je, à dire moi, à se considér
1299
oint des objets — fussent-ils aussi abstraits que
les
fameuses « forces économiques » — mais de l’homme, mesure de toutes c
1300
que les fameuses « forces économiques » — mais de
l’
homme, mesure de toutes choses. La grande question était donc : qu’est
1301
ues » — mais de l’homme, mesure de toutes choses.
La
grande question était donc : qu’est-ce que l’homme ? Sur quelle notio
1302
es. La grande question était donc : qu’est-ce que
l’
homme ? Sur quelle notion centrale de son humanité devons-nous recentr
1303
on centrale de son humanité devons-nous recentrer
le
monde ? Les institutions doivent être fondées sur une notion compréhe
1304
de son humanité devons-nous recentrer le monde ?
Les
institutions doivent être fondées sur une notion compréhensive de l’h
1305
vent être fondées sur une notion compréhensive de
l’
homme, sinon elles agissent contre l’homme. Or l’individu, sur lequel
1306
réhensive de l’homme, sinon elles agissent contre
l’
homme. Or l’individu, sur lequel voulait se fonder la démocratie d’un
1307
l’homme, sinon elles agissent contre l’homme. Or
l’
individu, sur lequel voulait se fonder la démocratie d’un siècle derni
1308
omme. Or l’individu, sur lequel voulait se fonder
la
démocratie d’un siècle dernier, et le soldat politique sur lequel a v
1309
t se fonder la démocratie d’un siècle dernier, et
le
soldat politique sur lequel a voulu se fonder le totalitarisme de ce
1310
le soldat politique sur lequel a voulu se fonder
le
totalitarisme de ce siècle, ne sont pas des hommes complets. L’indivi
1311
me de ce siècle, ne sont pas des hommes complets.
L’
individu n’a que des droits, le soldat politique que des devoirs. Le p
1312
s hommes complets. L’individu n’a que des droits,
le
soldat politique que des devoirs. Le premier est un pur concept, le s
1313
nd est un simple objet. À ces deux mutilations de
la
notion d’homme, les jeunes intellectuels français opposèrent la notio
1314
jet. À ces deux mutilations de la notion d’homme,
les
jeunes intellectuels français opposèrent la notion de personne. Quell
1315
mme, les jeunes intellectuels français opposèrent
la
notion de personne. Quelles que fussent les prémisses religieuses ou
1316
sèrent la notion de personne. Quelles que fussent
les
prémisses religieuses ou métaphysiques des diverses tendances personn
1317
endaient fort bien sur des formules de ce genre :
les
institutions doivent être au service de l’homme, et non l’inverse : —
1318
nre : les institutions doivent être au service de
l’
homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’être un mot creux qu
1319
utions doivent être au service de l’homme, et non
l’
inverse : — la liberté ne cesse d’être un mot creux que dans un ordre
1320
être au service de l’homme, et non l’inverse : —
la
liberté ne cesse d’être un mot creux que dans un ordre souple, qui re
1321
mot creux que dans un ordre souple, qui respecte
la
diversité des vocations ; — là où l’homme veut être total, l’État ne
1322
qui respecte la diversité des vocations ; — là où
l’
homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. Un certain n
1323
des vocations ; — là où l’homme veut être total,
l’
État ne sera jamais totalitaire. Un certain nombre de mots-clés se ret
1324
rtain nombre de mots-clés se retrouvent dans tous
les
ouvrages publiés par les personnalistes : vocation, risque, engagemen
1325
se retrouvent dans tous les ouvrages publiés par
les
personnalistes : vocation, risque, engagement, responsabilité, commun
1326
osophes s’étaient intitulés « personnalistes » ou
l’
avaient été avant la lettre : Leibnitz, Kant, Renouvier, ou de nos jou
1327
titulés « personnalistes » ou l’avaient été avant
la
lettre : Leibnitz, Kant, Renouvier, ou de nos jours un William Stern,
1328
n William Stern, un Keyserling, un C. G. Jung, et
l’
école californienne de The Personalist. Mais la caractéristique du mou
1329
et l’école californienne de The Personalist. Mais
la
caractéristique du mouvement personnaliste français fut, dès le début
1330
ique du mouvement personnaliste français fut, dès
le
début, de considérer sa doctrine comme le fondement immédiat d’une ac
1331
ut, dès le début, de considérer sa doctrine comme
le
fondement immédiat d’une action politique, d’une économie, d’un régim
1332
tique. C’est pourquoi je ne saurais mieux décrire
la
doctrine du personnalisme qu’en indiquant certaines des tentatives d’
1333
qu’en indiquant certaines des tentatives d’action
les
plus typiques qu’elle inspira avant cette guerre. Un service civil
1334
Les premiers manifestes et volumes publiés par
le
mouvement n’apportaient pas les blue-prints d’une société idéale, mai
1335
olumes publiés par le mouvement n’apportaient pas
les
blue-prints d’une société idéale, mais quelques principes d’action. C
1336
elques principes d’action. Car il s’agissait pour
les
personnalistes d’un changement spirituel d’abord, les changements ins
1337
personnalistes d’un changement spirituel d’abord,
les
changements institutionnels n’ayant de valeur à leurs yeux que s’ils
1338
traduisaient réellement une attitude nouvelle de
l’
homme aux prises avec le destin d’un siècle nouveau. Alors que la plup
1339
ement une attitude nouvelle de l’homme aux prises
avec
le destin d’un siècle nouveau. Alors que la plupart des révolutionnai
1340
une attitude nouvelle de l’homme aux prises avec
le
destin d’un siècle nouveau. Alors que la plupart des révolutionnaires
1341
ndiquer des réformes isolées ou matérielles comme
l’
abolition du Parlement, des salaires plus élevés, la nationalisation d
1342
abolition du Parlement, des salaires plus élevés,
la
nationalisation des grandes industries, les personnalistes affirmaien
1343
levés, la nationalisation des grandes industries,
les
personnalistes affirmaient la nécessité d’une révolution plus profond
1344
randes industries, les personnalistes affirmaient
la
nécessité d’une révolution plus profonde : révolution dans la manière
1345
d’une révolution plus profonde : révolution dans
la
manière de poser les problèmes, avant de prétendre leur donner telle
1346
us profonde : révolution dans la manière de poser
les
problèmes, avant de prétendre leur donner telle ou telle solution imm
1347
tion immédiate, utopique ou opportuniste. Prenons
le
problème du prolétariat. Le groupe de l’Ordre nouveau proposa l’insti
1348
opportuniste. Prenons le problème du prolétariat.
Le
groupe de l’Ordre nouveau proposa l’institution d’un service civil ob
1349
prolétariat. Le groupe de l’Ordre nouveau proposa
l’
institution d’un service civil obligatoire, répartissant sur l’ensembl
1350
d’un service civil obligatoire, répartissant sur
l’
ensemble de la population le travail industriel non différencié. Penda
1351
civil obligatoire, répartissant sur l’ensemble de
la
population le travail industriel non différencié. Pendant un an ou pl
1352
ire, répartissant sur l’ensemble de la population
le
travail industriel non différencié. Pendant un an ou plus, tous les c
1353
riel non différencié. Pendant un an ou plus, tous
les
citoyens travailleraient dans les usines, au lieu de faire une année
1354
n ou plus, tous les citoyens travailleraient dans
les
usines, au lieu de faire une année de caserne. Les avantages de ce se
1355
es usines, au lieu de faire une année de caserne.
Les
avantages de ce service civil seraient triples : 1) Justice sociale.
1356
vice civil seraient triples : 1) Justice sociale.
La
classe prolétarienne serait relevée de son fardeau à vie. 2) Économie
1357
serait relevée de son fardeau à vie. 2) Économie.
La
hantise du salaire ne serait plus le seul mobile du travailleur, et l
1358
2) Économie. La hantise du salaire ne serait plus
le
seul mobile du travailleur, et la masse de main-d’œuvre créée par le
1359
ne serait plus le seul mobile du travailleur, et
la
masse de main-d’œuvre créée par le service civil serait mise par l’Ét
1360
ravailleur, et la masse de main-d’œuvre créée par
le
service civil serait mise par l’État à la disposition des libres entr
1361
’œuvre créée par le service civil serait mise par
l’
État à la disposition des libres entreprises, syndicats ou coopérative
1362
éée par le service civil serait mise par l’État à
la
disposition des libres entreprises, syndicats ou coopératives, qui ju
1363
oopératives, qui justifieraient leur utilité pour
le
bien commun. 3) Perfectionnement technique. Nul n’aurait plus intérêt
1364
technique. Nul n’aurait plus intérêt à paralyser
l’
invention, puisqu’elle ne créerait plus de chômage technologique. Les
1365
u’elle ne créerait plus de chômage technologique.
Les
industriels hochèrent la tête. Ils ne croyaient pas qu’un simple civi
1366
chômage technologique. Les industriels hochèrent
la
tête. Ils ne croyaient pas qu’un simple civil pourrait du jour au len
1367
jour au lendemain se transformer en bon manœuvre.
Les
politiciens déclarèrent le projet utopique et d’ailleurs néfaste : il
1368
rmer en bon manœuvre. Les politiciens déclarèrent
le
projet utopique et d’ailleurs néfaste : il risquait de résoudre un co
1369
à rendre plus aigu. Conformément à leur doctrine,
les
personnalistes répondirent par un engagement personnel. Ils tentèrent
1370
tique, à petite échelle. Dans plusieurs usines de
la
région parisienne, ils se firent embaucher par groupes, comme manœuvr
1371
manufacture de brosses à dents, l’un d’eux battit
le
record de production de l’atelier. Il était éditeur de son métier, et
1372
nts, l’un d’eux battit le record de production de
l’
atelier. Il était éditeur de son métier, et si peu adroit de ses mains
1373
it éditeur de son métier, et si peu adroit de ses
mains
qu’il assurait être le seul officier de réserve français qui se fût j
1374
et si peu adroit de ses mains qu’il assurait être
le
seul officier de réserve français qui se fût jamais blessé avec son p
1375
cier de réserve français qui se fût jamais blessé
avec
son propre sabre ! Les pionniers du service civil donnèrent leur sala
1376
qui se fût jamais blessé avec son propre sabre !
Les
pionniers du service civil donnèrent leur salaire aux ouvriers qu’ils
1377
ette institution n’existait pas encore en France.
L’
expérience, dans l’ensemble, réussit brillamment. Je me suis étendu su
1378
existait pas encore en France. L’expérience, dans
l’
ensemble, réussit brillamment. Je me suis étendu sur cet exemple uniqu
1379
e suis étendu sur cet exemple unique pour décrire
le
climat de l’effort personnaliste. Il est clair que l’institution du s
1380
sur cet exemple unique pour décrire le climat de
l’
effort personnaliste. Il est clair que l’institution du service civil
1381
limat de l’effort personnaliste. Il est clair que
l’
institution du service civil supposait une refonte générale de l’écono
1382
u service civil supposait une refonte générale de
l’
économie, et notamment une discrimination très précise entre le travai
1383
t notamment une discrimination très précise entre
le
travail quantitatif (ou « parcellaire ») et le travail qualitatif ou
1384
re le travail quantitatif (ou « parcellaire ») et
le
travail qualitatif ou créateur. Le premier devait être entièrement so
1385
er devait être entièrement socialisé, et régi par
l’
État, qui assurerait d’autre part la distribution d’un minimum vital g
1386
, et régi par l’État, qui assurerait d’autre part
la
distribution d’un minimum vital gratuit pour tous. Le second devait r
1387
it rester libre, et d’autant plus qu’il recevrait
l’
aide gratuite du service civil. L’État lui-même se trouverait réduit a
1388
qu’il recevrait l’aide gratuite du service civil.
L’
État lui-même se trouverait réduit au rôle précis et limité d’agence d
1389
mité d’agence de statistique et de répartition de
la
main-d’œuvre et du bonus social, au profit des entreprises libres et
1390
entreprises libres et des groupes coopératifs.
La
notion de groupe L’un des traits marquants du mouvement personnali
1391
mouvement personnaliste, c’est son insistance sur
la
nécessité des groupes autonomes et organiques. Elle coïncide avec la
1392
es groupes autonomes et organiques. Elle coïncide
avec
la découverte la plus importante de notre siècle : celle de l’être-en
1393
oupes autonomes et organiques. Elle coïncide avec
la
découverte la plus importante de notre siècle : celle de l’être-en-re
1394
s et organiques. Elle coïncide avec la découverte
la
plus importante de notre siècle : celle de l’être-en-relations. Que c
1395
rte la plus importante de notre siècle : celle de
l’
être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de la physique ou celui
1396
: celle de l’être-en-relations. Que ce soit dans
le
domaine de la physique ou celui de la sociologie, en mathématiques, e
1397
être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de
la
physique ou celui de la sociologie, en mathématiques, en politique, e
1398
e soit dans le domaine de la physique ou celui de
la
sociologie, en mathématiques, en politique, en économie, les meilleur
1399
gie, en mathématiques, en politique, en économie,
les
meilleurs esprits de ce temps sont parvenus à des conclusions analogu
1400
ficacité, qu’au sein d’un groupe donné de forces.
L’
homme, par exemple, n’est réel que dans une communauté ni trop étroite
1401
xiste vraiment comme personne que dans un cadre à
la
mesure humaine, dans un groupe : entreprise ou commune, patrie locale
1402
ale ou cercle invisible d’esprits apparentés dans
le
monde entier. Mais cette image d’un univers composé de groupements au
1403
nstitutions. Nos nations sont restées au stade de
la
classification des corps simples par Mendeleïev, quand nous en sommes
1404
par Mendeleïev, quand nous en sommes au siècle de
la
physique quantique. La paresse d’esprit et l’inertie ont laissé se co
1405
ous en sommes au siècle de la physique quantique.
La
paresse d’esprit et l’inertie ont laissé se constituer au xxe siècle
1406
de la physique quantique. La paresse d’esprit et
l’
inertie ont laissé se constituer au xxe siècle des cadres démesurés,
1407
siècle des cadres démesurés, simplifiés jusqu’à
la
démence et rigides comme elle, qui pèsent lourdement sur nos activité
1408
me elle, qui pèsent lourdement sur nos activités.
L’
État centralisé et sa bureaucratie abstraite tendent à détruire les gr
1409
é et sa bureaucratie abstraite tendent à détruire
les
groupes organiques, à leur imposer en dépit du bon sens des frontière
1410
régime uniforme. C’est pourquoi, se plaçant dans
la
ligne des forces les plus actives, sinon les plus spectaculaires du s
1411
est pourquoi, se plaçant dans la ligne des forces
les
plus actives, sinon les plus spectaculaires du siècle, le personnalis
1412
dans la ligne des forces les plus actives, sinon
les
plus spectaculaires du siècle, le personnalisme se déclara fédéralist
1413
actives, sinon les plus spectaculaires du siècle,
le
personnalisme se déclara fédéraliste, ou « pluraliste ». Au centre un
1414
ou « pluraliste ». Au centre unique, étendant sur
l’
économie, la vie politique et les coutumes d’un pays le carcan géométr
1415
ste ». Au centre unique, étendant sur l’économie,
la
vie politique et les coutumes d’un pays le carcan géométrique de ses
1416
que, étendant sur l’économie, la vie politique et
les
coutumes d’un pays le carcan géométrique de ses décrets, le personnal
1417
nomie, la vie politique et les coutumes d’un pays
le
carcan géométrique de ses décrets, le personnalisme opposait les foye
1418
s d’un pays le carcan géométrique de ses décrets,
le
personnalisme opposait les foyers rayonnants de création locale : ent
1419
étrique de ses décrets, le personnalisme opposait
les
foyers rayonnants de création locale : entreprise et commune à la bas
1420
ants de création locale : entreprise et commune à
la
base, librement fédérées par bassins naturels, par-dessus les frontiè
1421
brement fédérées par bassins naturels, par-dessus
les
frontières nationales, au besoin. Je donnerai deux exemples des consé
1422
ctrinale. Dès 1937, l’Ordre nouveau avait dénoncé
l’
organisation hypercentralisée de l’armée française, copiée sur la cent
1423
avait dénoncé l’organisation hypercentralisée de
l’
armée française, copiée sur la centralisation politique de la nation.
1424
hypercentralisée de l’armée française, copiée sur
la
centralisation politique de la nation. La France avait des frontières
1425
nçaise, copiée sur la centralisation politique de
la
nation. La France avait des frontières rigides et un centre unique, P
1426
iée sur la centralisation politique de la nation.
La
France avait des frontières rigides et un centre unique, Paris. Entre
1427
ntières rigides et un centre unique, Paris. Entre
les
deux, le vide, l’espace abstrait. Les personnalistes proposaient au c
1428
gides et un centre unique, Paris. Entre les deux,
le
vide, l’espace abstrait. Les personnalistes proposaient au contraire
1429
un centre unique, Paris. Entre les deux, le vide,
l’
espace abstrait. Les personnalistes proposaient au contraire un systèm
1430
aris. Entre les deux, le vide, l’espace abstrait.
Les
personnalistes proposaient au contraire un système de foyers de résis
1431
système de foyers de résistance élevés dans toute
la
profondeur du pays, et une mobilisation fortement décentralisée. C’ét
1432
isation fortement décentralisée. C’était en somme
le
système militaire de la Suisse, traduisant un régime fédéraliste. Les
1433
ralisée. C’était en somme le système militaire de
la
Suisse, traduisant un régime fédéraliste. Les événements de 1940 et t
1434
e de la Suisse, traduisant un régime fédéraliste.
Les
événements de 1940 et toute l’évolution ultérieure de la guerre ont a
1435
gime fédéraliste. Les événements de 1940 et toute
l’
évolution ultérieure de la guerre ont amplement confirmé ces vues. L’U
1436
ements de 1940 et toute l’évolution ultérieure de
la
guerre ont amplement confirmé ces vues. L’Underground, dans plusieurs
1437
ure de la guerre ont amplement confirmé ces vues.
L’
Underground, dans plusieurs pays, en a glorieusement confirmé l’effica
1438
dans plusieurs pays, en a glorieusement confirmé
l’
efficacité. Les groupes personnalistes critiquaient également la press
1439
s pays, en a glorieusement confirmé l’efficacité.
Les
groupes personnalistes critiquaient également la presse en France. Vé
1440
Les groupes personnalistes critiquaient également
la
presse en France. Vénale, pauvre en informations, ou mensongère, elle
1441
ations, ou mensongère, elle ne reflétait plus que
l’
anarchie capitaliste, non le pays réel. Que faire contre ce mal, sans
1442
ne reflétait plus que l’anarchie capitaliste, non
le
pays réel. Que faire contre ce mal, sans capitaux énormes ? Les perso
1443
Que faire contre ce mal, sans capitaux énormes ?
Les
personnalistes organisèrent des « clubs de presse ». Dans chaque quar
1444
i transmettre des informations vraies (celles que
la
presse passait sous silence), lui révéler les secrets de la vénalité
1445
que la presse passait sous silence), lui révéler
les
secrets de la vénalité des grands journaux, et recueillir une documen
1446
passait sous silence), lui révéler les secrets de
la
vénalité des grands journaux, et recueillir une documentation locale
1447
ise et humaine. Un bulletin de liaison alimentait
les
clubs. Tout était préparé pour sa transmission en cas de crise révolu
1448
on en cas de crise révolutionnaire ou d’invasion,
Les
Clubs de presse personnalistes fournirent ainsi le premier modèle des
1449
si le premier modèle des publications fameuses de
l’
Underground. État présent et avenir du mouvement À la veille de
1450
ound. État présent et avenir du mouvement À
la
veille de la guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les impl
1451
présent et avenir du mouvement À la veille de
la
guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les implications de s
1452
avenir du mouvement À la veille de la guerre,
le
personnalisme avait réussi à dégager les implications de sa doctrine
1453
a guerre, le personnalisme avait réussi à dégager
les
implications de sa doctrine dans les plans les plus divers. Il était
1454
si à dégager les implications de sa doctrine dans
les
plans les plus divers. Il était prêt à déclencher une action en profo
1455
er les implications de sa doctrine dans les plans
les
plus divers. Il était prêt à déclencher une action en profondeur d’ab
1456
tins, brochures et tracts, répandaient ses idées.
Les
nazis avaient délégué leur représentant en France, Abetz, au soin d’o
1457
er de très près ce développement inquiétant. Mais
les
personnalistes mesuraient sans illusions les obstacles qui leur barra
1458
Mais les personnalistes mesuraient sans illusions
les
obstacles qui leur barraient encore la route. Ils souffraient tout d’
1459
illusions les obstacles qui leur barraient encore
la
route. Ils souffraient tout d’abord d’une qualité et d’un défaut bien
1460
ualité et d’un défaut bien typiquement français :
le
sérieux et l’excès d’idées neuves. Hors d’eux-mêmes s’opposaient à le
1461
défaut bien typiquement français : le sérieux et
l’
excès d’idées neuves. Hors d’eux-mêmes s’opposaient à leur action : le
1462
es. Hors d’eux-mêmes s’opposaient à leur action :
les
grands intérêts capitalistes, les politiciens démagogues, l’insoucian
1463
à leur action : les grands intérêts capitalistes,
les
politiciens démagogues, l’insouciance générale à la veille d’un désas
1464
ntérêts capitalistes, les politiciens démagogues,
l’
insouciance générale à la veille d’un désastre prévisible, les préjugé
1465
politiciens démagogues, l’insouciance générale à
la
veille d’un désastre prévisible, les préjugés de droite et de gauche,
1466
ce générale à la veille d’un désastre prévisible,
les
préjugés de droite et de gauche, le manque d’argent et de moyens de p
1467
prévisible, les préjugés de droite et de gauche,
le
manque d’argent et de moyens de pression collectifs. Il valait mieux
1468
pagande trop coûteuse pour rester pure. Au reste,
la
doctrine personnaliste impliquait un progrès organique, forcément len
1469
it de gagner des hommes, un à un, non des masses.
La
guerre et l’invasion obligèrent le mouvement à « disparaître ». Dans
1470
des hommes, un à un, non des masses. La guerre et
l’
invasion obligèrent le mouvement à « disparaître ». Dans l’intervalle
1471
on des masses. La guerre et l’invasion obligèrent
le
mouvement à « disparaître ». Dans l’intervalle entre l’armistice de j
1472
n obligèrent le mouvement à « disparaître ». Dans
l’
intervalle entre l’armistice de juin 1940 et la suppression de toute e
1473
vement à « disparaître ». Dans l’intervalle entre
l’
armistice de juin 1940 et la suppression de toute expression libre par
1474
ns l’intervalle entre l’armistice de juin 1940 et
la
suppression de toute expression libre par Vichy, la revue Esprit vi
1475
suppression de toute expression libre par Vichy,
la
revue Esprit vit son tirage quintupler en quelques mois. Puis elle
1476
pler en quelques mois. Puis elle fut interdite, à
la
suite d’un article contre Pétain, son directeur et plusieurs de ses r
1477
eux apte à inspirer ceux qui demandent un monde à
la
mesure de l’homme, non plus à celle des monstres nés de son anxiété,
1478
spirer ceux qui demandent un monde à la mesure de
l’
homme, non plus à celle des monstres nés de son anxiété, de sa paresse
1479
paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple :
le
bassin houiller et ferrugineux de la Sarre coupé en deux par une fron
1480
8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux de
la
Sarre coupé en deux par une frontière correspondant aux langues. l.
1481
espondant aux langues. l. Rougemont Denis de, «
L’
attitude personnaliste », Le Monde libre, New York, Montréal, octobre
1482
Rougemont Denis de, « L’attitude personnaliste »,
Le
Monde libre, New York, Montréal, octobre 1944, p. 69-72.
1483
démocrate et le second totalitaire. On peut aussi
les
nommer Pierre et Paul, ou moi et l’autre, ou nous et l’ennemi : car «
1484
mer Pierre et Paul, ou moi et l’autre, ou nous et
l’
ennemi : car « la seule chose qui importe est de gagner la guerre ». L
1485
l, ou moi et l’autre, ou nous et l’ennemi : car «
la
seule chose qui importe est de gagner la guerre ». Là-dessus, nous to
1486
: car « la seule chose qui importe est de gagner
la
guerre ». Là-dessus, nous tombons d’accord. Mais sur le sens des mots
1487
rre ». Là-dessus, nous tombons d’accord. Mais sur
le
sens des mots gagner la guerre, je trouve très peu d’accord autour de
1488
ombons d’accord. Mais sur le sens des mots gagner
la
guerre, je trouve très peu d’accord autour de moi. Si j’essayais de m
1489
ntendre d’abord ? Et de comprendre, s’il se peut,
la
question que cette guerre pose et ne peut résoudre. ⁂ Par dépit, par
1490
aucoup de penseurs ont estimé depuis cent ans que
les
réalités économiques étaient plus fortes que l’esprit et que ses choi
1491
les réalités économiques étaient plus fortes que
l’
esprit et que ses choix. Or ces réalités ne faisaient que traduire en
1492
ltats et non pas causes. Car il n’y a pas d’abord
la
loi de l’offre et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos dem
1493
on pas causes. Car il n’y a pas d’abord la loi de
l’
offre et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes, sel
1494
Car il n’y a pas d’abord la loi de l’offre et de
la
demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes, selon nos rêves e
1495
n nos rêves et nos passions. Il n’y a pas d’abord
les
machines puis une société qui doit subir leurs lois, mais il y a d’ab
1496
machines plutôt que d’avoir faim, ou de chercher
la
sagesse, ou de prier devant un symbole ancestral. Il n’y a pas d’abor
1497
devant un symbole ancestral. Il n’y a pas d’abord
les
faits et puis l’humanité qu’ils guident ou blessent, mais il y a d’ab
1498
ancestral. Il n’y a pas d’abord les faits et puis
l’
humanité qu’ils guident ou blessent, mais il y a d’abord l’humanité cr
1499
é qu’ils guident ou blessent, mais il y a d’abord
l’
humanité créatrice ou malade, et puis des faits qui expriment avec un
1500
atrice ou malade, et puis des faits qui expriment
avec
un peu de retard ce génie ou cette maladie. (Postérité, je rougis de
1501
ougis de tant de platitudes, mais de mon temps on
les
taxait de paradoxes.) Ainsi de la guerre actuelle : il importe de voi
1502
e mon temps on les taxait de paradoxes.) Ainsi de
la
guerre actuelle : il importe de voir qu’elle se passe d’abord en chac
1503
acun de nous, et qu’elle figure dans son ensemble
la
crise d’un conflit psychologique de proportions mondiales, de portée
1504
lle, intuitive, etc. et se réduit théoriquement à
la
raison commune, il arrive que les facultés exilées dans son inconscie
1505
théoriquement à la raison commune, il arrive que
les
facultés exilées dans son inconscient se révoltent soudain et l’attaq
1506
lées dans son inconscient se révoltent soudain et
l’
attaquent en force, par une espèce d’éruption volcanique nommée névros
1507
spèce d’éruption volcanique nommée névrose. Alors
l’
homme se croit menacé par ce qu’il appelle des esprits. Il est victime
1508
s. Des cauchemars envahissent sa vie quotidienne,
le
persécutent et lui rendent l’existence impossible. Il se persuade que
1509
sa vie quotidienne, le persécutent et lui rendent
l’
existence impossible. Il se persuade que des forces absolument distinc
1510
que des forces absolument distinctes de son être
l’
attaquent avec une férocité sans précédent. Il devient aliéné, c’est-à
1511
ces absolument distinctes de son être l’attaquent
avec
une férocité sans précédent. Il devient aliéné, c’est-à-dire qu’il de
1512
nt. Il devient aliéné, c’est-à-dire qu’il devient
la
proie d’un autre. Un médecin qu’il jugera très brutal et hostile lui
1513
’une part de lui-même. S’il comprend cela et s’il
le
croit, le malade guérira peut-être. Sinon, il faudra l’enfermer dans
1514
de lui-même. S’il comprend cela et s’il le croit,
le
malade guérira peut-être. Sinon, il faudra l’enfermer dans une camiso
1515
it, le malade guérira peut-être. Sinon, il faudra
l’
enfermer dans une camisole de force. Il ne fera plus de mal, mais il r
1516
e, on disait qu’un tel homme était possédé, et on
l’
exorcisait par des cérémonies souvent efficaces. Au xixe siècle, on d
1517
s. Au xixe siècle, on disait qu’il était fou, et
l’
on essayait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à la raison, p
1518
sait qu’il était fou, et l’on essayait d’abord de
le
raisonner, puis de le réduire à la raison, par des procédés contraign
1519
et l’on essayait d’abord de le raisonner, puis de
le
réduire à la raison, par des procédés contraignants. En cas d’échec,
1520
ait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à
la
raison, par des procédés contraignants. En cas d’échec, on le mettait
1521
ar des procédés contraignants. En cas d’échec, on
le
mettait derrière des barreaux. La guerre actuelle est une névrose col
1522
cas d’échec, on le mettait derrière des barreaux.
La
guerre actuelle est une névrose collective que nous sommes en train d
1523
ollective que nous sommes en train de traiter par
les
méthodes les plus propres à l’aggraver, après l’avoir provoquée : les
1524
nous sommes en train de traiter par les méthodes
les
plus propres à l’aggraver, après l’avoir provoquée : les méthodes du
1525
in de traiter par les méthodes les plus propres à
l’
aggraver, après l’avoir provoquée : les méthodes du siècle dernier, ra
1526
les méthodes les plus propres à l’aggraver, après
l’
avoir provoquée : les méthodes du siècle dernier, rationalistes ou pun
1527
s propres à l’aggraver, après l’avoir provoquée :
les
méthodes du siècle dernier, rationalistes ou punitives. Le malade, c’
1528
es du siècle dernier, rationalistes ou punitives.
Le
malade, c’est l’humanité. La partie consciente de l’humanité se voit
1529
ier, rationalistes ou punitives. Le malade, c’est
l’
humanité. La partie consciente de l’humanité se voit attaquée par des
1530
listes ou punitives. Le malade, c’est l’humanité.
La
partie consciente de l’humanité se voit attaquée par des figures de c
1531
malade, c’est l’humanité. La partie consciente de
l’
humanité se voit attaquée par des figures de cauchemar qui symbolisent
1532
e9. On a tenté de raisonner cet inconscient et de
le
forcer à se tenir tranquille. Privé de moyens de s’exprimer à sa mani
1533
uvé d’autre issue que dans une révolte explosive.
Le
cauchemar envahit la planète. L’humanité comme aliénée se flagella et
1534
dans une révolte explosive. Le cauchemar envahit
la
planète. L’humanité comme aliénée se flagella et se meurtrit : elle f
1535
volte explosive. Le cauchemar envahit la planète.
L’
humanité comme aliénée se flagella et se meurtrit : elle fait la guerr
1536
me aliénée se flagella et se meurtrit : elle fait
la
guerre. Exactement, elle se la fait. Elle ne tardera pas à tomber épu
1537
urtrit : elle fait la guerre. Exactement, elle se
la
fait. Elle ne tardera pas à tomber épuisée et à se passer la camisole
1538
le ne tardera pas à tomber épuisée et à se passer
la
camisole de force d’un régime d’ordre pour incurables : ce sera la pa
1539
rce d’un régime d’ordre pour incurables : ce sera
la
paix. La santé vaudrait mieux. ⁂ Ces remarques m’amènent à une propos
1540
régime d’ordre pour incurables : ce sera la paix.
La
santé vaudrait mieux. ⁂ Ces remarques m’amènent à une proposition que
1541
ans une série d’écrits à venir : il est temps que
la
pensée politique rejoigne la psychologie contemporaine. Depuis quatr
1542
r : il est temps que la pensée politique rejoigne
la
psychologie contemporaine. Depuis quatre ans, nous essayons de mener
1543
raine. Depuis quatre ans, nous essayons de mener
la
guerre psychologique10 à l’instar des nazis qui l’avaient inventée. A
1544
ous essayons de mener la guerre psychologique10 à
l’
instar des nazis qui l’avaient inventée. Au seuil de la paix, il est t
1545
a guerre psychologique10 à l’instar des nazis qui
l’
avaient inventée. Au seuil de la paix, il est temps de chercher au moi
1546
tar des nazis qui l’avaient inventée. Au seuil de
la
paix, il est temps de chercher au moins les principes d’une politique
1547
uil de la paix, il est temps de chercher au moins
les
principes d’une politique psychologique. Je ne parle pas de propagand
1548
: celle-ci n’est qu’une tactique de bombardement.
La
politique que j’imagine serait une cure. Mais avant de l’entreprendre
1549
ique que j’imagine serait une cure. Mais avant de
l’
entreprendre, il nous faudrait un diagnostic. Tentons d’en indiquer le
1550
es premiers éléments. Si cette génération n’a pas
le
courage de s’avouer plus profondément qu’aucune autre, il ne faut en
1551
analyse. C’est notre chance peut-être unique. 1.
La
guerre nous plaît. Toutes ses victimes le nient, et presque tous ceux
1552
ue. 1. La guerre nous plaît. Toutes ses victimes
le
nient, et presque tous ceux qu’elle fait vivre. Je dis que la guerre
1553
presque tous ceux qu’elle fait vivre. Je dis que
la
guerre nous plaît inconsciemment. Autrement, elle serait impossible.
1554
ait impossible. Tous, nous sommes contre, et nous
la
faisons tous : expliquez cela. — « Ce sont les autres. » Mais ils le
1555
ous la faisons tous : expliquez cela. — « Ce sont
les
autres. » Mais ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le dro
1556
xpliquez cela. — « Ce sont les autres. » Mais ils
le
disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit de le dire. » Somme
1557
s ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas
le
droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nou
1558
ent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit de
le
dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nous fait enquê
1559
nt pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de
l’
avoir, ce droit ? Avons-nous fait enquête avant de partir ? Sommes-nou
1560
nd cela serait, ce ne serait pas grand-chose. Car
la
guerre ne résulte pas d’une opération légale ou d’une enquête scienti
1561
à une perte de patience ou de maîtrise de soi, à
la
réaction automatique d’un mystérieux sens de l’honneur blessé. Flamme
1562
à la réaction automatique d’un mystérieux sens de
l’
honneur blessé. Flamme aveuglante, vague de sang, terreur froide, ou g
1563
de. Ne me parlez pas de droits, vous n’y avez pas
pensé
. Nous avons « fait notre devoir » et pas de question. Je dis que la g
1564
ait notre devoir » et pas de question. Je dis que
la
guerre nous plaît. Elle arrange bien des choses. Elle ajourne nos vra
1565
urne nos vrais conflits. Elle tire de nous ce que
la
paix n’en tirait plus. Elle offre l’avantage incomparable de sanction
1566
nous ce que la paix n’en tirait plus. Elle offre
l’
avantage incomparable de sanctionner notre acquittement par contumace.
1567
ionner notre acquittement par contumace. Elle est
le
grand non-lieu de millions d’hommes — le non-lieu —, ce vrai no man’s
1568
Elle est le grand non-lieu de millions d’hommes —
le
non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’on n’est plus responsable de s
1569
’hommes — le non-lieu —, ce vrai no man’s land où
l’
on n’est plus responsable de soi. La guerre ancienne était une chance
1570
man’s land où l’on n’est plus responsable de soi.
La
guerre ancienne était une chance offerte à l’instinct combatif ; c’ét
1571
oi. La guerre ancienne était une chance offerte à
l’
instinct combatif ; c’était l’affaire des mâles, le jeu des coqs ornés
1572
ne chance offerte à l’instinct combatif ; c’était
l’
affaire des mâles, le jeu des coqs ornés pour l’occasion de leurs plus
1573
’instinct combatif ; c’était l’affaire des mâles,
le
jeu des coqs ornés pour l’occasion de leurs plus belles plumes. La gu
1574
t l’affaire des mâles, le jeu des coqs ornés pour
l’
occasion de leurs plus belles plumes. La guerre actuelle a perdu ces a
1575
rnés pour l’occasion de leurs plus belles plumes.
La
guerre actuelle a perdu ces attraits. Tout le monde la fait, en salop
1576
erre actuelle a perdu ces attraits. Tout le monde
la
fait, en salopette, en kaki, ou en tablier. Dans la plupart des cas,
1577
, ou en tablier. Dans la plupart des cas, loin de
le
combler, elle déçoit l’instinct combatif : comptez qu’une fraction tr
1578
plupart des cas, loin de le combler, elle déçoit
l’
instinct combatif : comptez qu’une fraction très réduite de l’humanité
1579
ombatif : comptez qu’une fraction très réduite de
l’
humanité — presque totalement mobilisée — combat en fait sur les champ
1580
presque totalement mobilisée — combat en fait sur
les
champs de bataille. Seule une fraction de cette fraction connaît le c
1581
lle. Seule une fraction de cette fraction connaît
le
corps à corps, la bataille d’hommes. Qu’aimons-nous donc tous dans la
1582
ction de cette fraction connaît le corps à corps,
la
bataille d’hommes. Qu’aimons-nous donc tous dans la guerre, que nous
1583
bataille d’hommes. Qu’aimons-nous donc tous dans
la
guerre, que nous soyons civils ou combattants ? C’est l’état d’except
1584
re, que nous soyons civils ou combattants ? C’est
l’
état d’exception proclamé dans la nation entière et dans tous les doma
1585
battants ? C’est l’état d’exception proclamé dans
la
nation entière et dans tous les domaines. Ainsi la guerre devient pou
1586
tion proclamé dans la nation entière et dans tous
les
domaines. Ainsi la guerre devient pour nous l’équivalent de la fête c
1587
a nation entière et dans tous les domaines. Ainsi
la
guerre devient pour nous l’équivalent de la fête chez les peuples anc
1588
s les domaines. Ainsi la guerre devient pour nous
l’
équivalent de la fête chez les peuples anciens, elle en possède les at
1589
Ainsi la guerre devient pour nous l’équivalent de
la
fête chez les peuples anciens, elle en possède les attributs les plus
1590
re devient pour nous l’équivalent de la fête chez
les
peuples anciens, elle en possède les attributs les plus aisément reco
1591
la fête chez les peuples anciens, elle en possède
les
attributs les plus aisément reconnaissables : les lois sont suspendue
1592
es peuples anciens, elle en possède les attributs
les
plus aisément reconnaissables : les lois sont suspendues, les budgets
1593
les attributs les plus aisément reconnaissables :
les
lois sont suspendues, les budgets sans limites, les passions collecti
1594
ément reconnaissables : les lois sont suspendues,
les
budgets sans limites, les passions collectives déchaînées, le déguise
1595
s lois sont suspendues, les budgets sans limites,
les
passions collectives déchaînées, le déguisement de rigueur, le sacrif
1596
ans limites, les passions collectives déchaînées,
le
déguisement de rigueur, le sacrifice humain légal, et les valeurs mor
1597
ollectives déchaînées, le déguisement de rigueur,
le
sacrifice humain légal, et les valeurs morales changent de signe : tu
1598
isement de rigueur, le sacrifice humain légal, et
les
valeurs morales changent de signe : tu tueras, tu voleras, tu diras d
1599
tueras, tu voleras, tu diras de faux témoignages
avec
honneur. Je parle d’état d’exception comme on dirait état de siège, é
1600
comme on dirait état de siège, état de grâce. Et
les
trois ne sont point sans rapports. Comme la fête chez les primitifs,
1601
. Et les trois ne sont point sans rapports. Comme
la
fête chez les primitifs, la guerre est le « grand Temps » de l’humani
1602
s ne sont point sans rapports. Comme la fête chez
les
primitifs, la guerre est le « grand Temps » de l’humanité moderne. El
1603
sans rapports. Comme la fête chez les primitifs,
la
guerre est le « grand Temps » de l’humanité moderne. Elle nous fourni
1604
. Comme la fête chez les primitifs, la guerre est
le
« grand Temps » de l’humanité moderne. Elle nous fournit la seule exc
1605
es primitifs, la guerre est le « grand Temps » de
l’
humanité moderne. Elle nous fournit la seule excuse que notre esprit p
1606
Temps » de l’humanité moderne. Elle nous fournit
la
seule excuse que notre esprit puisse accepter pour suspendre le cours
1607
e que notre esprit puisse accepter pour suspendre
le
cours d’une existence de plus en plus conforme aux prévisions des gra
1608
il à ce siècle pour lui faire oublier son goût de
la
guerre ! Quel drame nouveau, pour remplacer, sur la scène vide, l’Enn
1609
guerre ! Quel drame nouveau, pour remplacer, sur
la
scène vide, l’Ennemi déchu ?) C’est pourquoi la paix nous angoisse au
1610
drame nouveau, pour remplacer, sur la scène vide,
l’
Ennemi déchu ?) C’est pourquoi la paix nous angoisse au moins autant q
1611
r la scène vide, l’Ennemi déchu ?) C’est pourquoi
la
paix nous angoisse au moins autant qu’elle nous attire. Pourtant vien
1612
oins autant qu’elle nous attire. Pourtant viendra
la
paix, bientôt. Et ce sera peut-être pour des siècles. (Il y aura trop
1613
y aura trop d’avions du même côté.) Mais comment
l’
homme compensera-t-il le manque de guerres ? Nous avons tout prévu con
1614
même côté.) Mais comment l’homme compensera-t-il
le
manque de guerres ? Nous avons tout prévu contre un futur Hitler, rie
1615
er, rien contre son absence, autant que je sache.
Le
seul type d’héroïsme que l’Occident ait su concevoir (depuis qu’on n’
1616
autant que je sache. Le seul type d’héroïsme que
l’
Occident ait su concevoir (depuis qu’on n’allume plus de bûchers pour
1617
evoir (depuis qu’on n’allume plus de bûchers pour
les
chrétiens et qu’ils tolèrent les hérétiques), c’est la mort sous les
1618
de bûchers pour les chrétiens et qu’ils tolèrent
les
hérétiques), c’est la mort sous les balles pour la Patrie ou pour le
1619
rétiens et qu’ils tolèrent les hérétiques), c’est
la
mort sous les balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a
1620
’ils tolèrent les hérétiques), c’est la mort sous
les
balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a plus de guerr
1621
s hérétiques), c’est la mort sous les balles pour
la
Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a plus de guerres, qui fera le
1622
st la mort sous les balles pour la Patrie ou pour
le
parti. Mais s’il n’y a plus de guerres, qui fera les héros ? Qui réve
1623
parti. Mais s’il n’y a plus de guerres, qui fera
les
héros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? Pour qui ? Pour quoi ?
1624
s de guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera
le
sens du sacrifice ? Pour qui ? Pour quoi ? Jamais l’humanité ne fut m
1625
sens du sacrifice ? Pour qui ? Pour quoi ? Jamais
l’
humanité ne fut moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut pl
1626
oi ? Jamais l’humanité ne fut moins préparée pour
la
paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue de respect pour les vertu
1627
jamais elle ne fut plus dépourvue de respect pour
les
vertus que l’esprit seul sait pousser jusqu’au paroxysme. Et comment
1628
fut plus dépourvue de respect pour les vertus que
l’
esprit seul sait pousser jusqu’au paroxysme. Et comment vivre, s’il n’
1629
Et comment vivre, s’il n’y a plus de paroxysmes ?
La
guerre nous plaît. Nous le nions tous, et c’est normal. Mais je propo
1630
a plus de paroxysmes ? La guerre nous plaît. Nous
le
nions tous, et c’est normal. Mais je propose un test précis. Pourquoi
1631
est précis. Pourquoi tant de réticences à décider
le
désarmement général, total et définitif de tous les peuples, appuyé p
1632
e désarmement général, total et définitif de tous
les
peuples, appuyé par une interdiction absolue de fabriquer des armes e
1633
vois des moustaches qui tremblent avant même que
la
bouche ne s’ouvre. Et cependant, ils ne sont guère capables de me don
1634
ne sont guère capables de me donner sur-le-champ,
avec
calme, de bonnes raisons bien étudiées d’un tel refus. C’est un refus
1635
ter de défaitiste.) Une politique qui négligerait
le
fait que la guerre nous plaît pour des raisons profondes, cette polit
1636
tiste.) Une politique qui négligerait le fait que
la
guerre nous plaît pour des raisons profondes, cette politique serait
1637
r d’autre que d’astucieux traités de commerce que
la
prochaine guerre annulerait. 2. Hitler. — Nous pensons qu’Hitler est
1638
la prochaine guerre annulerait. 2. Hitler. — Nous
pensons
qu’Hitler est un monstre avec lequel nous n’avons rien de commun. Il
1639
. Hitler. — Nous pensons qu’Hitler est un monstre
avec
lequel nous n’avons rien de commun. Il s’agit de le détruire avant to
1640
lequel nous n’avons rien de commun. Il s’agit de
le
détruire avant toute autre tâche. Point de vue indispensable pour gag
1641
tre tâche. Point de vue indispensable pour gagner
la
guerre. Point de vue stérile et désastreux dès qu’il s’agit de la pai
1642
de vue stérile et désastreux dès qu’il s’agit de
la
paix. Hitler n’est pas en dehors de l’humanité, mais en elle. Bien pl
1643
s’agit de la paix. Hitler n’est pas en dehors de
l’
humanité, mais en elle. Bien plus, il n’est pas seulement devant nous,
1644
’abord qu’il se dresse contre nous. Et quand nous
l’
aurons tué, il nous occupera sans coup férir si nous n’admettons pas q
1645
nous n’admettons pas qu’il est une part de nous,
la
part du diable dans nos cœurs. Hitler se taira d’ici peu. Son aventur
1646
se taira d’ici peu. Son aventure prendra fin dans
la
catastrophe prévue. Et devant le cadavre gisant de l’homme qui fit tr
1647
prendra fin dans la catastrophe prévue. Et devant
le
cadavre gisant de l’homme qui fit trembler tout l’univers, voici que
1648
atastrophe prévue. Et devant le cadavre gisant de
l’
homme qui fit trembler tout l’univers, voici que nous nous écrierons a
1649
e cadavre gisant de l’homme qui fit trembler tout
l’
univers, voici que nous nous écrierons avec une stupéfaction mêlée de
1650
ler tout l’univers, voici que nous nous écrierons
avec
une stupéfaction mêlée de honte : — Comme il était petit ! Il n’était
1651
! Il n’était grand, comme Satan lui-même, que de
la
grandeur de nos misères secrètes. Dans la réalité psychologique du si
1652
que de la grandeur de nos misères secrètes. Dans
la
réalité psychologique du siècle, Hitler aura joué le rôle d’un person
1653
réalité psychologique du siècle, Hitler aura joué
le
rôle d’un personnage de rêve d’angoisse. Ce rêve collectif a modelé n
1654
modelé notre histoire, mais il était d’abord dans
l’
ombre de nos âmes. On a remarqué que dans un cauchemar, ce qui nous te
1655
auchemar, ce qui nous terrifie n’est pas toujours
l’
aspect du personnage en scène, qui peut être emprunté à la réalité la
1656
du personnage en scène, qui peut être emprunté à
la
réalité la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité de la passion h
1657
age en scène, qui peut être emprunté à la réalité
la
plus banale, mais c’est plutôt l’intensité de la passion hostile ou c
1658
té à la réalité la plus banale, mais c’est plutôt
l’
intensité de la passion hostile ou criminelle dont il nous paraît anim
1659
la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité de
la
passion hostile ou criminelle dont il nous paraît animé. Il se charge
1660
e terreur dont nous n’avions sans doute jamais eu
l’
expérience. Et pourtant c’est une part de nous-mêmes qui machine cette
1661
e, tout ce que nous refusions d’admettre en nous.
Le
cauchemar nous apprend qu’il ne suffit pas de refuser un instinct ou
1662
de refuser un instinct ou quelque tentation pour
les
supprimer. Il s’agit de les utiliser, ou de s’en guérir ; sinon soyon
1663
uelque tentation pour les supprimer. Il s’agit de
les
utiliser, ou de s’en guérir ; sinon soyons certains qu’ils vont reven
1664
en force, sous un déguisement séduisant, ou sous
la
forme d’un monstre archaïque. L’ogre à la petite moustache est l’un d
1665
duisant, ou sous la forme d’un monstre archaïque.
L’
ogre à la petite moustache est l’un de ces monstres. Nous en verrons b
1666
ou sous la forme d’un monstre archaïque. L’ogre à
la
petite moustache est l’un de ces monstres. Nous en verrons bien d’aut
1667
’autres, si nous nous contentons de lutter contre
les
signes extérieurs du mal, sans essayer d’en modifier les causes dans
1668
nes extérieurs du mal, sans essayer d’en modifier
les
causes dans nous-mêmes11. Mais ceci pose un problème nouveau : le pro
1669
ous-mêmes11. Mais ceci pose un problème nouveau :
le
problème de la religion. 3. Il faut une religion pour le peuple. Ente
1670
is ceci pose un problème nouveau : le problème de
la
religion. 3. Il faut une religion pour le peuple. Entendons : pour qu
1671
lème de la religion. 3. Il faut une religion pour
le
peuple. Entendons : pour qu’un peuple subsiste. Toute la sociologie m
1672
le. Entendons : pour qu’un peuple subsiste. Toute
la
sociologie moderne le prouve. À son défaut, Hitler l’aurait fait voir
1673
u’un peuple subsiste. Toute la sociologie moderne
le
prouve. À son défaut, Hitler l’aurait fait voir par le moyen de cette
1674
ociologie moderne le prouve. À son défaut, Hitler
l’
aurait fait voir par le moyen de cette religion synthétique (comme le
1675
ouve. À son défaut, Hitler l’aurait fait voir par
le
moyen de cette religion synthétique (comme le caoutchouc) qu’est le n
1676
par le moyen de cette religion synthétique (comme
le
caoutchouc) qu’est le national-socialisme. Je ne parle pas ici du chr
1677
religion synthétique (comme le caoutchouc) qu’est
le
national-socialisme. Je ne parle pas ici du christianisme, mais de la
1678
me. Je ne parle pas ici du christianisme, mais de
la
religion en général, comme phénomène humain, cause et produit de tout
1679
le d’un instinct aussi fondamental et naturel que
la
sexualité. Il est incontestable que le rationalisme12 a déprimé depui
1680
aturel que la sexualité. Il est incontestable que
le
rationalisme12 a déprimé depuis des siècles le sens religieux des Occ
1681
ue le rationalisme12 a déprimé depuis des siècles
le
sens religieux des Occidentaux. Car non content de combattre et d’éva
1682
entaux. Car non content de combattre et d’évacuer
les
coutumes religieuses périmées (c’était son droit et son devoir), il s
1683
coutumes nouvelles (en ceci protestant, mais sans
la
foi). Or les coutumes religieuses quelles qu’elles soient, sacrifices
1684
velles (en ceci protestant, mais sans la foi). Or
les
coutumes religieuses quelles qu’elles soient, sacrifices, fêtes, orgi
1685
ines morales ou mystiques, prières ou rites, sont
les
moyens qu’a trouvé l’homme pour capter ses puissances obscures et les
1686
es, prières ou rites, sont les moyens qu’a trouvé
l’
homme pour capter ses puissances obscures et les ordonner à des fins t
1687
vé l’homme pour capter ses puissances obscures et
les
ordonner à des fins tantôt pratiques, tantôt transcendantales. Canaux
1688
ales. Canaux exutoires ou écluses, elles assurent
la
circulation entre l’inconscient collectif et l’activité quotidienne.
1689
s ou écluses, elles assurent la circulation entre
l’
inconscient collectif et l’activité quotidienne. Condamnez-les et vous
1690
t la circulation entre l’inconscient collectif et
l’
activité quotidienne. Condamnez-les et vous créerez une sécheresse gén
1691
nt collectif et l’activité quotidienne. Condamnez-
les
et vous créerez une sécheresse générale, nécessairement suivie d’une
1692
cessairement suivie d’une rupture de digues et de
l’
interruption catastrophique des forces sombres de la cité. La raison p
1693
interruption catastrophique des forces sombres de
la
cité. La raison peut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas le
1694
ion catastrophique des forces sombres de la cité.
La
raison peut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas les enchaîn
1695
eut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas
les
enchaîner. Si elle détruit tous les moyens connus de les apprivoiser,
1696
e ne peut pas les enchaîner. Si elle détruit tous
les
moyens connus de les apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse
1697
haîner. Si elle détruit tous les moyens connus de
les
apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse de moyens nouveaux, e
1698
les moyens connus de les apprivoiser, et prohibe
la
recherche hasardeuse de moyens nouveaux, elle fait lever des monstres
1699
nt soudain, nous attaquaient, exigeaient que nous
les
adorions : leur révolte serait notre carence. Le rationalisme régnant
1700
les adorions : leur révolte serait notre carence.
Le
rationalisme régnant peut produire des avions en masse et par ce moye
1701
enir à bout d’Hitler ; mais il ne pourra prévenir
la
multiplication prochaine d’autres symptômes de la même névrose. Tout
1702
la multiplication prochaine d’autres symptômes de
la
même névrose. Tout porte à croire que nous allons entrer dans une ère
1703
r dans une ère de religions aberrantes. Ou, comme
le
dit une grande légende indienne, dans l’ère de l’Accroissement des Mo
1704
u, comme le dit une grande légende indienne, dans
l’
ère de l’Accroissement des Monstres. Les pires sottises et les thaumat
1705
le dit une grande légende indienne, dans l’ère de
l’
Accroissement des Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies le
1706
enne, dans l’ère de l’Accroissement des Monstres.
Les
pires sottises et les thaumaturgies les plus grossières sont destinée
1707
Accroissement des Monstres. Les pires sottises et
les
thaumaturgies les plus grossières sont destinées à susciter dans l’ap
1708
Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies
les
plus grossières sont destinées à susciter dans l’après-guerre l’entho
1709
es plus grossières sont destinées à susciter dans
l’
après-guerre l’enthousiasme éperdu des foules. Et les calculs politiqu
1710
res sont destinées à susciter dans l’après-guerre
l’
enthousiasme éperdu des foules. Et les calculs politiques les plus sai
1711
après-guerre l’enthousiasme éperdu des foules. Et
les
calculs politiques les plus sains des réalistes et des experts seront
1712
asme éperdu des foules. Et les calculs politiques
les
plus sains des réalistes et des experts seront vidés d’un coup par ce
1713
fond. Certains intellectuels incrimineront alors
l’
instinct religieux, cette « survivance ». Et nous lirons encore des jé
1714
vance ». Et nous lirons encore des jérémiades sur
le
déclin de l’esprit et l’abandon des grands principes. « C’est inconce
1715
ous lirons encore des jérémiades sur le déclin de
l’
esprit et l’abandon des grands principes. « C’est inconcevable ! » opi
1716
ncore des jérémiades sur le déclin de l’esprit et
l’
abandon des grands principes. « C’est inconcevable ! » opineront-ils,
1717
rincipes. « C’est inconcevable ! » opineront-ils,
les
bras au ciel. Mais c’est très simple. Un homme qui meurt de faim mang
1718
mporte quoi pour tromper sa faim, faute de mieux.
La
raison n’ose pas dire qu’il a tort d’avoir faim. Dira-t-elle qu’il a
1719
elle sera la première responsable, aussi vrai que
le
régime de la prohibition fut responsable des méfaits de l’alcool frel
1720
première responsable, aussi vrai que le régime de
la
prohibition fut responsable des méfaits de l’alcool frelaté, en Améri
1721
de la prohibition fut responsable des méfaits de
l’
alcool frelaté, en Amérique. ⁂ Je ne demande pas que des sorciers ni m
1722
pas que des sorciers ni même des prêtres dirigent
l’
État : c’est le péril qu’il faudrait conjurer. Mais je pense qu’il est
1723
ciers ni même des prêtres dirigent l’État : c’est
le
péril qu’il faudrait conjurer. Mais je pense qu’il est temps de renon
1724
: c’est le péril qu’il faudrait conjurer. Mais je
pense
qu’il est temps de renoncer à la vieille politique de l’équilibre des
1725
urer. Mais je pense qu’il est temps de renoncer à
la
vieille politique de l’équilibre des grandes puissances nationales et
1726
l est temps de renoncer à la vieille politique de
l’
équilibre des grandes puissances nationales et des trusts : elle ne pe
1727
tionales et des trusts : elle ne peut plus saisir
les
éléments de notre conflit. Il est temps de nous orienter vers une pol
1728
libre des grandes puissances psychologiques, dans
les
masses, à l’échelle du globe. Et s’il faut des experts autour du tapi
1729
des puissances psychologiques, dans les masses, à
l’
échelle du globe. Et s’il faut des experts autour du tapis vert, qu’on
1730
appelle des psychiatres plutôt que des banquiers.
L’
argent ne chasse pas les démons. 9. Instincts, forces considérées co
1731
plutôt que des banquiers. L’argent ne chasse pas
les
démons. 9. Instincts, forces considérées comme anarchiques, subvers
1732
esoins religieux qualifiés de superstitions. 10.
L’
expression psychological warfare est devenue courante dans les pays de
1733
n psychological warfare est devenue courante dans
les
pays de langue anglaise. 11. Type d’argument que l’on peut opposer à
1734
pays de langue anglaise. 11. Type d’argument que
l’
on peut opposer à ce qui précède, afin de tuer dans l’œuf toute tentat
1735
peut opposer à ce qui précède, afin de tuer dans
l’
œuf toute tentative d’analyse féconde : « Avouez tout de même que nos
1736
’agira toujours, au mieux, de moindres maux. Mais
la
question est de savoir si le prétendu moindre mal que l’on défend n’e
1737
moindres maux. Mais la question est de savoir si
le
prétendu moindre mal que l’on défend n’est pas simplement un premier
1738
tion est de savoir si le prétendu moindre mal que
l’
on défend n’est pas simplement un premier stade du pire. La chute sera
1739
nd n’est pas simplement un premier stade du pire.
La
chute serait-elle un moindre mal que la fracture qui en résulte ? La
1740
du pire. La chute serait-elle un moindre mal que
la
fracture qui en résulte ? La maladie mortelle, un moindre mal que la
1741
e un moindre mal que la fracture qui en résulte ?
La
maladie mortelle, un moindre mal que la mort qui la termine ? 12. Le
1742
résulte ? La maladie mortelle, un moindre mal que
la
mort qui la termine ? 12. Les méfaits de la psychologie rationaliste
1743
maladie mortelle, un moindre mal que la mort qui
la
termine ? 12. Les méfaits de la psychologie rationaliste ont été pat
1744
un moindre mal que la mort qui la termine ? 12.
Les
méfaits de la psychologie rationaliste ont été patents dans la morale
1745
que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits de
la
psychologie rationaliste ont été patents dans la morale sexuelle et l
1746
la psychologie rationaliste ont été patents dans
la
morale sexuelle et la conception du mariage au siècle dernier ; ou lo
1747
aliste ont été patents dans la morale sexuelle et
la
conception du mariage au siècle dernier ; ou lorsqu’il s’agissait d’a
1748
cle dernier ; ou lorsqu’il s’agissait d’apprécier
le
rôle du sacré, l’âme collective, la création artistique, l’importance
1749
orsqu’il s’agissait d’apprécier le rôle du sacré,
l’
âme collective, la création artistique, l’importance relative de l’arg
1750
t d’apprécier le rôle du sacré, l’âme collective,
la
création artistique, l’importance relative de l’argent et du travail,
1751
sacré, l’âme collective, la création artistique,
l’
importance relative de l’argent et du travail, les dogmes chrétiens, e
1752
la création artistique, l’importance relative de
l’
argent et du travail, les dogmes chrétiens, etc., etc. m. Rougemont
1753
l’importance relative de l’argent et du travail,
les
dogmes chrétiens, etc., etc. m. Rougemont Denis de, « Quelle guerre
1754
. Rougemont Denis de, « Quelle guerre cruelle »,
L’
Arche, Alger, octobre–novembre 1944, p. 69-78.
1755
)n 1. Origines Tarot, tarok ou taroc, est
le
nom donné par les Italiens à l’une des figures du paquet de 78 cartes
1756
es Tarot, tarok ou taroc, est le nom donné par
les
Italiens à l’une des figures du paquet de 78 cartes tel qu’il existai
1757
xistait au xiiie siècle. Ce nom fut attribué par
la
suite à l’ensemble du jeu. Un des premiers témoignages historiques qu
1758
xiiie siècle. Ce nom fut attribué par la suite à
l’
ensemble du jeu. Un des premiers témoignages historiques que l’on poss
1759
jeu. Un des premiers témoignages historiques que
l’
on possède sur le tarot remonte à 1393. Cette année-là, Jacquemin Grin
1760
iers témoignages historiques que l’on possède sur
le
tarot remonte à 1393. Cette année-là, Jacquemin Gringonneur, peintre
1761
, dessina et enlumina des cartes pour Charles VI,
le
roi fou, liant ainsi le tarot à l’un des moments les plus violemment
1762
s cartes pour Charles VI, le roi fou, liant ainsi
le
tarot à l’un des moments les plus violemment poétiques de l’histoire
1763
roi fou, liant ainsi le tarot à l’un des moments
les
plus violemment poétiques de l’histoire de France. Ces cartes à fond
1764
l’un des moments les plus violemment poétiques de
l’
histoire de France. Ces cartes à fond doré, à bord d’argent, ne porten
1765
nitiens. Dix-sept d’entre elles sont conservées à
la
Bibliothèque Nationale. D’un autre jeu, faussement attribué à Mantegn
1766
u se compose de cinq séries de 10 cartes, nommées
les
Conditions de la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Sy
1767
nq séries de 10 cartes, nommées les Conditions de
la
vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Mi
1768
s de 10 cartes, nommées les Conditions de la vie,
les
Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Michel-Ange
1769
tes, nommées les Conditions de la vie, les Muses,
les
Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Michel-Ange est suppos
1770
nditions de la vie, les Muses, les Arts libéraux,
les
Vertus, le Système céleste. Michel-Ange est supposé avoir inventé un
1771
la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus,
le
Système céleste. Michel-Ange est supposé avoir inventé un jeu de taro
1772
posé avoir inventé un jeu de tarot pour enseigner
l’
arithmétique. Et Gargantua jouait au « Tarau » selon Rabelais. Au xve
1773
uait au « Tarau » selon Rabelais. Au xve siècle,
l’
invention de l’imprimerie multiplia les cartes en circulation, mais ju
1774
» selon Rabelais. Au xve siècle, l’invention de
l’
imprimerie multiplia les cartes en circulation, mais jusqu’au xviiie
1775
ve siècle, l’invention de l’imprimerie multiplia
les
cartes en circulation, mais jusqu’au xviiie siècle, le tarot n’est g
1776
tes en circulation, mais jusqu’au xviiie siècle,
le
tarot n’est guère connu que chez les princes et chez les gipsys, tout
1777
iiie siècle, le tarot n’est guère connu que chez
les
princes et chez les gipsys, tout en haut de l’échelle sociale et tout
1778
ot n’est guère connu que chez les princes et chez
les
gipsys, tout en haut de l’échelle sociale et tout en bas, passe-temps
1779
z les princes et chez les gipsys, tout en haut de
l’
échelle sociale et tout en bas, passe-temps noble et magique ou rituel
1780
ou rituel de science maudite, et prêtant aux abus
les
plus puérils ou les plus démoniaques, bien entendu. L’origine du taro
1781
maudite, et prêtant aux abus les plus puérils ou
les
plus démoniaques, bien entendu. L’origine du tarot est obscure. Vers
1782
us puérils ou les plus démoniaques, bien entendu.
L’
origine du tarot est obscure. Vers le milieu du xviiie siècle, l’occu
1783
ien entendu. L’origine du tarot est obscure. Vers
le
milieu du xviiie siècle, l’occultiste suisse Court de Gébelin émit l
1784
ot est obscure. Vers le milieu du xviiie siècle,
l’
occultiste suisse Court de Gébelin émit l’hypothèse que le tarot dériv
1785
siècle, l’occultiste suisse Court de Gébelin émit
l’
hypothèse que le tarot dérivait du Livre de Toth, livre sacré de l’Égy
1786
iste suisse Court de Gébelin émit l’hypothèse que
le
tarot dérivait du Livre de Toth, livre sacré de l’Égypte. Mais il cru
1787
e tarot dérivait du Livre de Toth, livre sacré de
l’
Égypte. Mais il crut aussi en retrouver les équivalents dans une inscr
1788
acré de l’Égypte. Mais il crut aussi en retrouver
les
équivalents dans une inscription chinoise, datant de 1120, et dans le
1789
une inscription chinoise, datant de 1120, et dans
les
tablettes hindoues représentant les avatars de Vishnu. L’origine égyp
1790
1120, et dans les tablettes hindoues représentant
les
avatars de Vishnu. L’origine égyptienne du tarot est soutenue par Ett
1791
ttes hindoues représentant les avatars de Vishnu.
L’
origine égyptienne du tarot est soutenue par Etteilla, dont nous allon
1792
ttribue au tarot une origine hindoue ; et ce sont
les
gipsys, selon lui (et d’ailleurs aussi selon Lévi) qui l’auraient tra
1793
s, selon lui (et d’ailleurs aussi selon Lévi) qui
l’
auraient transmis à l’Europe. Mais on sait que le peuple tzigane ne vi
1794
leurs aussi selon Lévi) qui l’auraient transmis à
l’
Europe. Mais on sait que le peuple tzigane ne vint en Europe qu’en 141
1795
l’auraient transmis à l’Europe. Mais on sait que
le
peuple tzigane ne vint en Europe qu’en 1417 sous la conduite du « Duc
1796
peuple tzigane ne vint en Europe qu’en 1417 sous
la
conduite du « Duc d’Égypte » ; et qu’on lui suppose une ascendance hi
1797
cartes de tarot plus anciennes, comme on vient de
le
voir. Les origines du tarot, selon nous, se perdent littéralement dan
1798
tarot plus anciennes, comme on vient de le voir.
Les
origines du tarot, selon nous, se perdent littéralement dans la nuit
1799
tarot, selon nous, se perdent littéralement dans
la
nuit des temps. Nous soutiendrons cette thèse au paragraphe 5. 2.
1800
2. Etteilla (1750-1810, environ) Nous lisons
le
jugement suivant sur Etteilla dans un petit ouvrage intitulé Le Nouve
1801
ivant sur Etteilla dans un petit ouvrage intitulé
Le
Nouvel Etteilla (Paris 1922) : Cet auteur, en rendant justice au gén
1802
) : Cet auteur, en rendant justice au génie et à
la
science de Court de Gébelin, terrassa ce que ce grave antiquaire avai
1803
après un amateur qui, lui-même, n’avait pu copier
l’
art de tirer les cartes, dont il est question, que d’après sa cuisiniè
1804
r qui, lui-même, n’avait pu copier l’art de tirer
les
cartes, dont il est question, que d’après sa cuisinière. Il était pe
1805
nommait de son vrai nom, Alliette. Il redécouvrit
le
tarot pendant la seconde moitié du xviiie siècle. Sa prose est vague
1806
, ses interprétations sont hasardeuses, mais il a
le
mérite d’en avoir proposées. Ses disciples, dont le plus grand fut Él
1807
mérite d’en avoir proposées. Ses disciples, dont
le
plus grand fut Éliphas Lévi (l’abbé Alphonse Louis Constant), ne se p
1808
s disciples, dont le plus grand fut Éliphas Lévi (
l’
abbé Alphonse Louis Constant), ne se privent pas de dénoncer ses erreu
1809
clins aux mêmes complaisances interprétatives que
le
maître. La lecture de leurs textes est généralement exaspérante, à ca
1810
êmes complaisances interprétatives que le maître.
La
lecture de leurs textes est généralement exaspérante, à cause de leur
1811
oquement. En voici un exemple : Etteilla a placé
le
Fou à la fin du jeu, c’est-à-dire au nombre 78, et a mis au nombre 21
1812
En voici un exemple : Etteilla a placé le Fou à
la
fin du jeu, c’est-à-dire au nombre 78, et a mis au nombre 21 la figur
1813
c’est-à-dire au nombre 78, et a mis au nombre 21
la
figure qu’il nomme le Despote africain, qui n’est autre que l’arcane
1814
e 78, et a mis au nombre 21 la figure qu’il nomme
le
Despote africain, qui n’est autre que l’arcane 7, 1e Chariot… Mais en
1815
il nomme le Despote africain, qui n’est autre que
l’
arcane 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame n’a pas de nombre autre
1816
is en fait cette lame n’a pas de nombre autre que
le
zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin de l’alphabet hébreu…
1817
mbre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartient à
la
lettre Schin de l’alphabet hébreu… Le véritable 21 est aussi 22, ains
1818
éro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin de
l’
alphabet hébreu… Le véritable 21 est aussi 22, ainsi que nous le verro
1819
ppartient à la lettre Schin de l’alphabet hébreu…
Le
véritable 21 est aussi 22, ainsi que nous le verrons. Etteilla place
1820
reu… Le véritable 21 est aussi 22, ainsi que nous
le
verrons. Etteilla place le Fou sous le nombre 78 qui est enfin notre
1821
ssi 22, ainsi que nous le verrons. Etteilla place
le
Fou sous le nombre 78 qui est enfin notre zéro, et voici son intéress
1822
i que nous le verrons. Etteilla place le Fou sous
le
nombre 78 qui est enfin notre zéro, et voici son intéressante analyse
1823
on intéressante analyse de ce nombre. (Elie Alta,
Le
Tarot égyptien, ou Etteilla restitué, Vichy, 1922.) On peut juger d’
1824
. 0 = 78 = (77) = 21 = 22 = (20) = 0. Telles sont
les
brimades que doit subir le débutant dans l’étude du tarot. 3. Vari
1825
(20) = 0. Telles sont les brimades que doit subir
le
débutant dans l’étude du tarot. 3. Variations Selon les pays et
1826
sont les brimades que doit subir le débutant dans
l’
étude du tarot. 3. Variations Selon les pays et les temps : quan
1827
dans l’étude du tarot. 3. Variations Selon
les
pays et les temps : quant au dessin des cartes, et quant à leur inter
1828
e du tarot. 3. Variations Selon les pays et
les
temps : quant au dessin des cartes, et quant à leur interprétation, l
1829
essin des cartes, et quant à leur interprétation,
les
variations paraissent avoir été aussi nombreuses que les familles d’e
1830
iations paraissent avoir été aussi nombreuses que
les
familles d’esprits, les hérésies chrétiennes, ou les écoles marxistes
1831
été aussi nombreuses que les familles d’esprits,
les
hérésies chrétiennes, ou les écoles marxistes. Non moins valables. Ca
1832
familles d’esprits, les hérésies chrétiennes, ou
les
écoles marxistes. Non moins valables. Car le tarot représente le Mond
1833
ou les écoles marxistes. Non moins valables. Car
le
tarot représente le Monde : on peut le voir de plus d’une façon. A) P
1834
stes. Non moins valables. Car le tarot représente
le
Monde : on peut le voir de plus d’une façon. A) Pays. Citons Elie Alt
1835
ables. Car le tarot représente le Monde : on peut
le
voir de plus d’une façon. A) Pays. Citons Elie Alta : Etteilla a com
1836
lie Alta : Etteilla a composé un jeu dans lequel
les
figures des arcanes majeurs ont été déplacées ou transformées. Seuls
1837
majeurs ont été déplacées ou transformées. Seuls
les
arcanes mineurs sont exacts, mais malgré ces changements on peut se s
1838
e servir de son jeu. Il est préférable d’employer
les
suivants, mais en numérotant les arcanes mineurs : 1. Le tarot de Mar
1839
rable d’employer les suivants, mais en numérotant
les
arcanes mineurs : 1. Le tarot de Marseille où les arcanes majeurs son
1840
ants, mais en numérotant les arcanes mineurs : 1.
Le
tarot de Marseille où les arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot s
1841
les arcanes mineurs : 1. Le tarot de Marseille où
les
arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot suisse de Schaffhouse ; 3.
1842
Marseille où les arcanes majeurs sont exacts ; 2.
Le
tarot suisse de Schaffhouse ; 3. Le tarot italien où seulement deux a
1843
t exacts ; 2. Le tarot suisse de Schaffhouse ; 3.
Le
tarot italien où seulement deux arcanes sont différents : (a) Le pape
1844
n où seulement deux arcanes sont différents : (a)
Le
pape qui est remplacé par Jupiter, ce qui est la même chose, car Jupi
1845
Le pape qui est remplacé par Jupiter, ce qui est
la
même chose, car Jupiter étant symboliquement principe de vie, fait fo
1846
ement principe de vie, fait fonction de Dieu dans
l’
Humanité ; (b) La papesse, remplacée par Junon qui est l’espace ou san
1847
vie, fait fonction de Dieu dans l’Humanité ; (b)
La
papesse, remplacée par Junon qui est l’espace ou sanctuaire de la vie
1848
ité ; (b) La papesse, remplacée par Junon qui est
l’
espace ou sanctuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tar
1849
lacée par Junon qui est l’espace ou sanctuaire de
la
vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est e
1850
est l’espace ou sanctuaire de la vie, ce qui est
le
même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est entièrement défiguré
1851
tuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4.
Le
tarot de Francfort, qui est entièrement défiguré, mais qui peut égale
1852
is qui peut également servir en tenant compte que
les
Bâtons sont remplacés par les Carreaux ; les Épées par les Piques et
1853
n tenant compte que les Bâtons sont remplacés par
les
Carreaux ; les Épées par les Piques et les Deniers par les Trèfles. E
1854
que les Bâtons sont remplacés par les Carreaux ;
les
Épées par les Piques et les Deniers par les Trèfles. En France nous t
1855
s sont remplacés par les Carreaux ; les Épées par
les
Piques et les Deniers par les Trèfles. En France nous trouvons diffic
1856
és par les Carreaux ; les Épées par les Piques et
les
Deniers par les Trèfles. En France nous trouvons difficilement le tar
1857
aux ; les Épées par les Piques et les Deniers par
les
Trèfles. En France nous trouvons difficilement le tarot de Marseille.
1858
es Trèfles. En France nous trouvons difficilement
le
tarot de Marseille. La Maison Grimaud l’a remplacé par le tarot itali
1859
ous trouvons difficilement le tarot de Marseille.
La
Maison Grimaud l’a remplacé par le tarot italien ; celui de Schaffhou
1860
cilement le tarot de Marseille. La Maison Grimaud
l’
a remplacé par le tarot italien ; celui de Schaffhouse ne se trouve qu
1861
de Marseille. La Maison Grimaud l’a remplacé par
le
tarot italien ; celui de Schaffhouse ne se trouve qu’en Suisse, de mê
1862
d’entrée en France. Quant à celui d’Etteilla, on
le
trouve partout. (E. Alta, op. cit., p. 27). B) Dessin. La plupart de
1863
jeux qu’on trouve aujourd’hui en circulation (si
l’
on peut dire, car leur vente est interdite dans de nombreux pays), s’i
1864
x pays), s’inspirent de modèles du xviiie siècle
avec
plus ou moins de fidélité. Défaut courant : une simplification intemp
1865
n intempérante des symboles. Comparez par exemple
les
cartes que nous reproduisons à la suite de cet article, les unes selo
1866
que nous reproduisons à la suite de cet article,
les
unes selon Court de Gébelin, les autres selon des modèles plus ancien
1867
de cet article, les unes selon Court de Gébelin,
les
autres selon des modèles plus anciens, restitués par l’érudition. Et
1868
res selon des modèles plus anciens, restitués par
l’
érudition. Et depuis Court de Gébelin, la décadence s’est accentuée. O
1869
tués par l’érudition. Et depuis Court de Gébelin,
la
décadence s’est accentuée. On trouve même aujourd’hui des cartes de t
1870
igures redoublées (tête en haut et tête en bas) à
l’
instar du jeu de cartes moderne. C’est un abus inqualifiable, si l’on
1871
e cartes moderne. C’est un abus inqualifiable, si
l’
on sait que l’interprétation de chaque lame ou arcane majeur peut être
1872
ne. C’est un abus inqualifiable, si l’on sait que
l’
interprétation de chaque lame ou arcane majeur peut être profondément
1873
ajeur peut être profondément différente selon que
la
carte apparaît dans le jeu droite ou renversée. Il en résulte aussi q
1874
ément différente selon que la carte apparaît dans
le
jeu droite ou renversée. Il en résulte aussi que le manque de place,
1875
jeu droite ou renversée. Il en résulte aussi que
le
manque de place, dans le cas d’une figure doublée, oblige le dessinat
1876
Il en résulte aussi que le manque de place, dans
le
cas d’une figure doublée, oblige le dessinateur à expulser de la cart
1877
e place, dans le cas d’une figure doublée, oblige
le
dessinateur à expulser de la carte les symboles qu’il juge superflus
1878
gure doublée, oblige le dessinateur à expulser de
la
carte les symboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau de l’immort
1879
lée, oblige le dessinateur à expulser de la carte
les
symboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau de l’immortalité dans
1880
carte les symboles qu’il juge superflus (tel que
l’
oiseau de l’immortalité dans l’arcane 17, petit exemple, ou les lettre
1881
ymboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau de
l’
immortalité dans l’arcane 17, petit exemple, ou les lettres T-A-R-O et
1882
superflus (tel que l’oiseau de l’immortalité dans
l’
arcane 17, petit exemple, ou les lettres T-A-R-O et J-H-V-H dans l’arc
1883
l’immortalité dans l’arcane 17, petit exemple, ou
les
lettres T-A-R-O et J-H-V-H dans l’arcane 10, c’est-à-dire simplement
1884
t exemple, ou les lettres T-A-R-O et J-H-V-H dans
l’
arcane 10, c’est-à-dire simplement le sens de la lame — Taro ou Rota —
1885
J-H-V-H dans l’arcane 10, c’est-à-dire simplement
le
sens de la lame — Taro ou Rota — et le nom de Dieu — Jahvé). On voudr
1886
s l’arcane 10, c’est-à-dire simplement le sens de
la
lame — Taro ou Rota — et le nom de Dieu — Jahvé). On voudrait conseil
1887
simplement le sens de la lame — Taro ou Rota — et
le
nom de Dieu — Jahvé). On voudrait conseiller au lecteur de détruire r
1888
out jeu de ce genre sur lequel il pourrait mettre
la
main, si l’on ne craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tou
1889
jeu de ce genre sur lequel il pourrait mettre la
main
, si l’on ne craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tout acc
1890
e genre sur lequel il pourrait mettre la main, si
l’
on ne craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tout accidentel
1891
si l’on ne craignait de donner à ces contrefaçons
la
valeur tout accidentelle qui s’attache aux raretés monstrueuses. C) S
1892
fort diverses : il serait aisé (et désirable) de
les
multiplier à propos de ces mêmes cartes. Peut-être alors une certaine
1893
en nombre infini, ainsi qu’on en pourra juger par
l’
examen du tableau suivant. En effet, chacune des lames du tarot (arcan
1894
planète 2. un signe du zodiaque 3. une lettre de
l’
alphabet hébreu (sens exotérique et sens ésotérique) 4. un nombre (int
1895
et sens ésotérique) 4. un nombre (interprété par
la
Cabbale) 5. un élément (selon l’alchimie) 6. une couleur 7. une note
1896
(interprété par la Cabbale) 5. un élément (selon
l’
alchimie) 6. une couleur 7. une note de musique 8. un nom à quoi l’occ
1897
e couleur 7. une note de musique 8. un nom à quoi
l’
occultiste Lenain a cru pouvoir ajouter : 9. un jour 10. une heure 11.
1898
2. un génie 13. un verset des psaumes de David et
les
psychanalystes modernes : 14. une des quatre facultés (pensée, intuit
1899
n, sentiment, sensation) 15. un des archétypes de
l’
inconscient collectif. De plus, ces significations sont organisées en
1900
thmes, et non pas simplement juxtaposées. Prenons
l’
exemple des lettres. D’après Elie Alta (et donc Etteilla), « les Égypt
1901
lettres. D’après Elie Alta (et donc Etteilla), «
les
Égyptiens ont attaché à chaque carte des 22 atouts majeurs une lettre
1902
chaque carte des 22 atouts majeurs une lettre de
l’
alphabet hébreu… Ces lettres ont apporté avec elles les signatures cél
1903
tre de l’alphabet hébreu… Ces lettres ont apporté
avec
elles les signatures célestes. Il y a 7 lettres appelées doubles qui
1904
phabet hébreu… Ces lettres ont apporté avec elles
les
signatures célestes. Il y a 7 lettres appelées doubles qui figurent l
1905
s. Il y a 7 lettres appelées doubles qui figurent
le
monde des planètes ; puis 12 lettres dites simples qui figurent les 1
1906
ètes ; puis 12 lettres dites simples qui figurent
les
12 signes du zodiaque que parcourt le soleil pendant les 4 saisons. E
1907
i figurent les 12 signes du zodiaque que parcourt
le
soleil pendant les 4 saisons. Enfin il reste les 3 lettres dites les
1908
signes du zodiaque que parcourt le soleil pendant
les
4 saisons. Enfin il reste les 3 lettres dites les 3 Mères, qui sont a
1909
t le soleil pendant les 4 saisons. Enfin il reste
les
3 lettres dites les 3 Mères, qui sont attachées à nos trois cartes ma
1910
les 4 saisons. Enfin il reste les 3 lettres dites
les
3 Mères, qui sont attachées à nos trois cartes majeures : l’Homme (Le
1911
qui sont attachées à nos trois cartes majeures :
l’
Homme (Le Bateleur), le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec
1912
attachées à nos trois cartes majeures : l’Homme (
Le
Bateleur), le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec les carte
1913
os trois cartes majeures : l’Homme (Le Bateleur),
le
Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec les cartes modernes
1914
rtes majeures : l’Homme (Le Bateleur), le Fou, et
la
Mort. » 4. Correspondances avec les cartes modernes Les interpr
1915
eur), le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances
avec
les cartes modernes Les interprètes contemporains diffèrent d’une
1916
le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec
les
cartes modernes Les interprètes contemporains diffèrent d’une mani
1917
4. Correspondances avec les cartes modernes
Les
interprètes contemporains diffèrent d’une manière décourageante quant
1918
courageante quant au parallélisme à établir entre
les
quatre couleurs des tarots et les quatre couleurs du jeu de cartes mo
1919
à établir entre les quatre couleurs des tarots et
les
quatre couleurs du jeu de cartes moderne. Bornons-nous à livrer à l’é
1920
du jeu de cartes moderne. Bornons-nous à livrer à
l’
étude du lecteur les hypothèses suivantes : Selon A. E. White (Key to
1921
derne. Bornons-nous à livrer à l’étude du lecteur
les
hypothèses suivantes : Selon A. E. White (Key to the Tarot) : les Bât
1922
uivantes : Selon A. E. White (Key to the Tarot) :
les
Bâtons du Tarot = les Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœur
1923
White (Key to the Tarot) : les Bâtons du Tarot =
les
Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trè
1924
s Bâtons du Tarot = les Carreaux du jeu de cartes
les
Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques
1925
arot = les Carreaux du jeu de cartes les Coupes =
les
Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les t
1926
Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœurs
les
Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les tarots de Fr
1927
jeu de cartes les Coupes = les Cœurs les Épées =
les
Trèfles les Deniers = les Piques Selon les tarots de Francfort : Bâ
1928
les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles
les
Deniers = les Piques Selon les tarots de Francfort : Bâtons = Carrea
1929
les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers =
les
Piques Selon les tarots de Francfort : Bâtons = Carreaux Coupes = Cœ
1930
es = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon
les
tarots de Francfort : Bâtons = Carreaux Coupes = Cœurs Épées = Piques
1931
Épées = Pique = Terre Deniers = Cœur = Feu Selon
le
Dr Elizabeth Whitney (Tarot, private publication in Spring 1942) : Bâ
1932
nsée = Feu Il semblerait, à lire cette liste, que
les
arcanes représentent, grosso modo, les autorités religieuses et socia
1933
liste, que les arcanes représentent, grosso modo,
les
autorités religieuses et sociales au Moyen Âge, et quelques-unes des
1934
, et quelques-unes des situations élémentaires de
l’
existence, signifiées par allégories. Il n’en est rien. Tout est symbo
1935
légories. Il n’en est rien. Tout est symbole dans
le
Tarot, jusqu’au moindre détail, si le dessin est exact. Et ces symbol
1936
ymbole dans le Tarot, jusqu’au moindre détail, si
le
dessin est exact. Et ces symboles, à l’examen d’une attention qui con
1937
étail, si le dessin est exact. Et ces symboles, à
l’
examen d’une attention qui consent à se laisser docilement absorber, n
1938
ont tantôt hiératiques, tantôt dramatiques, comme
le
sont les symboles de nos « grands rêves ». De fait, chacun des arcane
1939
ôt hiératiques, tantôt dramatiques, comme le sont
les
symboles de nos « grands rêves ». De fait, chacun des arcanes majeurs
1940
grand rêve fixé, et peut être analysé à ce titre.
Les
figures de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nou
1941
, et peut être analysé à ce titre. Les figures de
la
papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent
1942
analysé à ce titre. Les figures de la papesse, de
l’
empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de vérit
1943
tre. Les figures de la papesse, de l’empereur, de
la
Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archétype
1944
s de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de
l’
Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archétypes de l’inconsci
1945
us apparaissent comme de véritables Archétypes de
l’
inconscient, dans leur immobilité insondable et infiniment allusive. C
1946
insondable et infiniment allusive. Cependant que
la
Roue de Fortune, le, Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée s
1947
iment allusive. Cependant que la Roue de Fortune,
le
, Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée sont de grands événem
1948
ant que la Roue de Fortune, le, Jugement dernier,
la
Lune ou la Tour décapitée sont de grands événements psychiques et cos
1949
Roue de Fortune, le, Jugement dernier, la Lune ou
la
Tour décapitée sont de grands événements psychiques et cosmiques, tan
1950
ssibles conclusions. Nous pouvons donc considérer
les
arcanes majeurs du tarot comme un véritable Alphabet de la grande poé
1951
s majeurs du tarot comme un véritable Alphabet de
la
grande poésie universelle. Leur attribuer un auteur, une date fixe, u
1952
un usage limité, serait méconnaître leur nature.
Les
arcanes sont issus de la nuit des Mères, et de l’Underground éternel.
1953
éconnaître leur nature. Les arcanes sont issus de
la
nuit des Mères, et de l’Underground éternel. Peut-être même faudrait-
1954
es arcanes sont issus de la nuit des Mères, et de
l’
Underground éternel. Peut-être même faudrait-il voir dans les lames le
1955
und éternel. Peut-être même faudrait-il voir dans
les
lames les plus anciennes les signes d’un langage secret, communiquant
1956
l. Peut-être même faudrait-il voir dans les lames
les
plus anciennes les signes d’un langage secret, communiquant sous la f
1957
audrait-il voir dans les lames les plus anciennes
les
signes d’un langage secret, communiquant sous la forme anodine d’un j
1958
les signes d’un langage secret, communiquant sous
la
forme anodine d’un jeu, les doctrines manichéennes de la secte des ca
1959
ret, communiquant sous la forme anodine d’un jeu,
les
doctrines manichéennes de la secte des cathares ou albigeois, persécu
1960
e anodine d’un jeu, les doctrines manichéennes de
la
secte des cathares ou albigeois, persécutée par l’inquisition. (La cr
1961
a secte des cathares ou albigeois, persécutée par
l’
inquisition. (La croisade contre les albigeois commença en 1209.) Les
1962
ares ou albigeois, persécutée par l’inquisition. (
La
croisade contre les albigeois commença en 1209.) Les troubadours cath
1963
persécutée par l’inquisition. (La croisade contre
les
albigeois commença en 1209.) Les troubadours cathares, initiateurs de
1964
croisade contre les albigeois commença en 1209.)
Les
troubadours cathares, initiateurs de toute la poésie occidentale, aur
1965
.) Les troubadours cathares, initiateurs de toute
la
poésie occidentale, auraient pris le maquis dans plusieurs pays, mais
1966
urs de toute la poésie occidentale, auraient pris
le
maquis dans plusieurs pays, mais n’auraient pas cessé de répandre leu
1967
ssé de répandre leur croyance et leur sagesse par
l’
entremise des tireurs de cartes. Cette hypothèse a été formulée par le
1968
urs de cartes. Cette hypothèse a été formulée par
le
grand indianiste Heinrich Zimmer, dont nous traduisons ci-après quelq
1969
uisons ci-après quelques pages remarquables sur «
Le
Fou ». 6. De l’usage des tarots Nous avons pris l’habitude de c
1970
lques pages remarquables sur « Le Fou ». 6. De
l’
usage des tarots Nous avons pris l’habitude de considérer les tarot
1971
». 6. De l’usage des tarots Nous avons pris
l’
habitude de considérer les tarots avant tout comme un moyen de divinat
1972
arots Nous avons pris l’habitude de considérer
les
tarots avant tout comme un moyen de divination de l’avenir. Si l’on e
1973
tarots avant tout comme un moyen de divination de
l’
avenir. Si l’on en croit les plus récents travaux, ceux en particulier
1974
tout comme un moyen de divination de l’avenir. Si
l’
on en croit les plus récents travaux, ceux en particulier du professeu
1975
moyen de divination de l’avenir. Si l’on en croit
les
plus récents travaux, ceux en particulier du professeur Tassin, de Co
1976
seur Tassin, de Columbia, et de Paul Foster Case,
le
tarot aurait été, originellement, une méthode de psychothérapie compa
1977
rité autant de thèmes de méditations prolongées —
la
cure ou yoga durait plusieurs années — et marqueraient les étapes d’u
1978
ou yoga durait plusieurs années — et marqueraient
les
étapes d’une « voie hermétique » aboutissant à la réalisation intime
1979
es étapes d’une « voie hermétique » aboutissant à
la
réalisation intime du Grand Œuvre des alchimistes. Il s’agirait de pa
1980
es. Il s’agirait de passer, à travers ce yoga, de
l’
illusion à la réalité, et des choses telles qu’elles nous apparaissent
1981
ait de passer, à travers ce yoga, de l’illusion à
la
réalité, et des choses telles qu’elles nous apparaissent aux choses t
1982
ous apparaissent aux choses telles qu’elles sont.
Les
22 arcanes décriraient l’histoire de l’homme qui part dans la vie com
1983
telles qu’elles sont. Les 22 arcanes décriraient
l’
histoire de l’homme qui part dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et
1984
es sont. Les 22 arcanes décriraient l’histoire de
l’
homme qui part dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à la
1985
s décriraient l’histoire de l’homme qui part dans
la
vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à la connaissance de soi et
1986
ns la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à
la
connaissance de soi et du Monde (arcane 21) en passant par tous les s
1987
e soi et du Monde (arcane 21) en passant par tous
les
stades du développement collectif, puis individuel, de la psyché huma
1988
s du développement collectif, puis individuel, de
la
psyché humaine. Chacune des cartes était utilisée par l’étudiant en
1989
é humaine. Chacune des cartes était utilisée par
l’
étudiant en occultisme comme sujet de méditations et de contemplation,
1990
cours d’exercices poursuivis aux fins d’arriver à
l’
illumination. L’avantage particulier de cette technique, comparée à d’
1991
s poursuivis aux fins d’arriver à l’illumination.
L’
avantage particulier de cette technique, comparée à d’autres, résidait
1992
tte technique, comparée à d’autres, résidait dans
le
fait qu’elle combinait plusieurs modes d’entraînement dans une seule
1993
nement dans une seule activité. Ainsi, tandis que
l’
étudiant apprenait les symboles, il s’exerçait inconsciemment à la con
1994
activité. Ainsi, tandis que l’étudiant apprenait
les
symboles, il s’exerçait inconsciemment à la concentration, à la visua
1995
nait les symboles, il s’exerçait inconsciemment à
la
concentration, à la visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et à l
1996
l s’exerçait inconsciemment à la concentration, à
la
visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’éval
1997
iemment à la concentration, à la visualisation, à
l’
exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’évaluation des couleurs
1998
centration, à la visualisation, à l’exactitude, à
l’
analyse et à la synthèse, à l’évaluation des couleurs et des formes, e
1999
a visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et à
la
synthèse, à l’évaluation des couleurs et des formes, et surtout il en
2000
, à l’exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à
l’
évaluation des couleurs et des formes, et surtout il entraînait cette
2001
ulté maîtresse qui établit des corrélations entre
les
idées abstraites. Le schème d’études était en général le suivant : l’
2002
blit des corrélations entre les idées abstraites.
Le
schème d’études était en général le suivant : l’étudiant commençait p
2003
s abstraites. Le schème d’études était en général
le
suivant : l’étudiant commençait par la contemplation d’une carte isol
2004
Le schème d’études était en général le suivant :
l’
étudiant commençait par la contemplation d’une carte isolée, puis il l
2005
en général le suivant : l’étudiant commençait par
la
contemplation d’une carte isolée, puis il la reliait graduellement à
2006
par la contemplation d’une carte isolée, puis il
la
reliait graduellement à d’autres cartes, disposées autour de la premi
2007
ication peut suffire à faire entrevoir au lecteur
l’
importance réelle du tarot, indépendamment des usages pittoresques, se
2008
des usages pittoresques, secondaires, dérivés, et
le
plus souvent charlatanesques, dont les modernes ont cru pouvoir se re
2009
dérivés, et le plus souvent charlatanesques, dont
les
modernes ont cru pouvoir se rendre maîtres. Terminons sur une anecdot
2010
ir se rendre maîtres. Terminons sur une anecdote.
Le
lendemain de la libération de Paris, le peintre Emlen Etting, attaché
2011
tres. Terminons sur une anecdote. Le lendemain de
la
libération de Paris, le peintre Emlen Etting, attaché aux forces amér
2012
anecdote. Le lendemain de la libération de Paris,
le
peintre Emlen Etting, attaché aux forces américaines, et son ami Andr
2013
André Lhote, furent les premiers à pénétrer dans
le
Palais du Luxembourg, abandonné la veille par les Allemands. Au milie
2014
pénétrer dans le Palais du Luxembourg, abandonné
la
veille par les Allemands. Au milieu du désordre indescriptible de la
2015
le Palais du Luxembourg, abandonné la veille par
les
Allemands. Au milieu du désordre indescriptible de la salle du Sénat,
2016
llemands. Au milieu du désordre indescriptible de
la
salle du Sénat, meubles brisés, papiers épars, une table au tapis ver
2017
ne table au tapis vert était seule restée debout.
Les
deux peintres s’étant approchés y virent « jetées comme par la main d
2018
res s’étant approchés y virent « jetées comme par
la
main du destin » une séquence de lames de tarot. Dernier message des
2019
s’étant approchés y virent « jetées comme par la
main
du destin » une séquence de lames de tarot. Dernier message des occup
2020
œurs, des cloches, des feuilles et des glands.
Le
Fou, arcane 0 a) Interprétation d’Elie Alta d’après Etteilla :
2021
Interprétation d’Elie Alta d’après Etteilla :
Le
grelot de la Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de not
2022
n d’Elie Alta d’après Etteilla : Le grelot de
la
Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de notre chaîne. La
2023
relot de la Folie s’adapte indistinctement à tous
les
anneaux de notre chaîne. La surface entière du globe (le 0) n’est que
2024
distinctement à tous les anneaux de notre chaîne.
La
surface entière du globe (le 0) n’est que le théâtre de nos extravaga
2025
aux de notre chaîne. La surface entière du globe (
le
0) n’est que le théâtre de nos extravagances. Retraçons d’ailleurs au
2026
îne. La surface entière du globe (le 0) n’est que
le
théâtre de nos extravagances. Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage l
2027
ravagances. Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage
l’
emblème d’un voyageur, qui symbolise l’homme. Cette vie n’est qu’un co
2028
ux du sage l’emblème d’un voyageur, qui symbolise
l’
homme. Cette vie n’est qu’un court trajet dont nous pouvons adoucir le
2029
’est qu’un court trajet dont nous pouvons adoucir
les
peines en nous comportant d’après les plus saines aspirations du rayo
2030
ons adoucir les peines en nous comportant d’après
les
plus saines aspirations du rayon divin qui nous anime. Synonymes : Dr
2031
es traditions : Vue sous un certain angle (si
l’
on place l’arcane à la fin du jeu) cette carte est une image de l’inco
2032
ns : Vue sous un certain angle (si l’on place
l’
arcane à la fin du jeu) cette carte est une image de l’inconscience, d
2033
e sous un certain angle (si l’on place l’arcane à
la
fin du jeu) cette carte est une image de l’inconscience, des occasion
2034
ane à la fin du jeu) cette carte est une image de
l’
inconscience, des occasions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou, da
2035
age de l’inconscience, des occasions manquées, de
la
vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résis
2036
ce, des occasions manquées, de la vie d’illusion.
Le
Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résistance, la vie vécue
2037
, de la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est
la
passion subie sans résistance, la vie vécue au niveau animal. Rien n’
2038
ns ce sens, est la passion subie sans résistance,
la
vie vécue au niveau animal. Rien n’a été appris ou gagné par la trave
2039
u niveau animal. Rien n’a été appris ou gagné par
la
traversée du Jeu. La vie a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui l’a v
2040
n’a été appris ou gagné par la traversée du Jeu.
La
vie a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme
2041
eu. La vie a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui
l’
a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l
2042
cet homme, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi
la
somme de ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. W
2043
omme de ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous
l’
angle de A. E. Waite, le Fou est un homme richement habillé, portant u
2044
sé est-elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. Waite,
le
Fou est un homme richement habillé, portant une rose à la main, et qu
2045
st un homme richement habillé, portant une rose à
la
main, et qui s’arrête au bord d’un précipice pour contempler l’espace
2046
un homme richement habillé, portant une rose à la
main
, et qui s’arrête au bord d’un précipice pour contempler l’espace au-d
2047
i s’arrête au bord d’un précipice pour contempler
l’
espace au-dessous et au-dessus de lui. L’abîme ne lui inspire pas de t
2048
ntempler l’espace au-dessous et au-dessus de lui.
L’
abîme ne lui inspire pas de terreur. Son visage est plein d’intelligen
2049
monde en voyage ici-bas. Sous cet aspect, il est
la
conscience individuelle libérée de l’illusion, et poursuivant sa rout
2050
ect, il est la conscience individuelle libérée de
l’
illusion, et poursuivant sa route sans craindre les dangers que court
2051
l’illusion, et poursuivant sa route sans craindre
les
dangers que court l’homme collectif ou purement instinctif. Plus peti
2052
vant sa route sans craindre les dangers que court
l’
homme collectif ou purement instinctif. Plus petit que le petit, plus
2053
collectif ou purement instinctif. Plus petit que
le
petit, plus grand que le grand, tenu pour néant par la raison et le m
2054
stinctif. Plus petit que le petit, plus grand que
le
grand, tenu pour néant par la raison et le monde, symbolisé par le ce
2055
tit, plus grand que le grand, tenu pour néant par
la
raison et le monde, symbolisé par le cercle, il est l’expression de l
2056
nd que le grand, tenu pour néant par la raison et
le
monde, symbolisé par le cercle, il est l’expression de la volonté d’i
2057
ur néant par la raison et le monde, symbolisé par
le
cercle, il est l’expression de la volonté d’individuation dans l’homm
2058
ison et le monde, symbolisé par le cercle, il est
l’
expression de la volonté d’individuation dans l’homme. Du point de vue
2059
, symbolisé par le cercle, il est l’expression de
la
volonté d’individuation dans l’homme. Du point de vue de l’égo, cette
2060
t l’expression de la volonté d’individuation dans
l’
homme. Du point de vue de l’égo, cette quête n’est que folie et non-se
2061
d’individuation dans l’homme. Du point de vue de
l’
égo, cette quête n’est que folie et non-sens. c) Interprétation mo
2062
rprétation moderne de B. McM. Hazard (résumé)
La
clef 0 doit exprimer un état de préparation, avant la conscience et l
2063
lef 0 doit exprimer un état de préparation, avant
la
conscience et l’individuation. Les symboles de la carte le confirment
2064
er un état de préparation, avant la conscience et
l’
individuation. Les symboles de la carte le confirment : le grand solei
2065
paration, avant la conscience et l’individuation.
Les
symboles de la carte le confirment : le grand soleil blanc, en haut à
2066
la conscience et l’individuation. Les symboles de
la
carte le confirment : le grand soleil blanc, en haut à droite, contie
2067
ence et l’individuation. Les symboles de la carte
le
confirment : le grand soleil blanc, en haut à droite, contient toutes
2068
duation. Les symboles de la carte le confirment :
le
grand soleil blanc, en haut à droite, contient toutes les couleurs du
2069
d soleil blanc, en haut à droite, contient toutes
les
couleurs du spectre encore indifférenciées ; la couleur jaune du fond
2070
les couleurs du spectre encore indifférenciées ;
la
couleur jaune du fond est celle de l’intellect, de l’air, de la respi
2071
érenciées ; la couleur jaune du fond est celle de
l’
intellect, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint com
2072
ouleur jaune du fond est celle de l’intellect, de
l’
air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternelle J
2073
ne du fond est celle de l’intellect, de l’air, de
la
respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternelle Jeunesse, p
2074
lle de l’intellect, de l’air, de la respiration ;
le
Fou lui-même est peint comme l’Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer d
2075
la respiration ; le Fou lui-même est peint comme
l’
Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer dans l’abîme de la manifestation
2076
comme l’Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer dans
l’
abîme de la manifestation terrestre. Il porte les deux symboles fémini
2077
rnelle Jeunesse, prête à pénétrer dans l’abîme de
la
manifestation terrestre. Il porte les deux symboles féminin et mascul
2078
s l’abîme de la manifestation terrestre. Il porte
les
deux symboles féminin et masculin : ses cheveux clairs dénotent la co
2079
féminin et masculin : ses cheveux clairs dénotent
la
conscience (par opposition à l’inconscient). Sa robe blanche (pureté)
2080
x clairs dénotent la conscience (par opposition à
l’
inconscient). Sa robe blanche (pureté) porte autour du col les lettres
2081
nt). Sa robe blanche (pureté) porte autour du col
les
lettres du grand tétragramme hébreu, le nom imprononçable de Dieu, J
2082
r du col les lettres du grand tétragramme hébreu,
le
nom imprononçable de Dieu, J H V H. Par-dessus cette robe, il porte l
2083
de Dieu, J H V H. Par-dessus cette robe, il porte
la
cape noire de l’ignorance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée
2084
Par-dessus cette robe, il porte la cape noire de
l’
ignorance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée de trèfles verts
2085
ape noire de l’ignorance, bordée de rouge — c’est
le
désir —, ornée de trèfles verts — la nature créatrice — et de disques
2086
ouge — c’est le désir —, ornée de trèfles verts —
la
nature créatrice — et de disques jaunes sur lesquels sont brodées des
2087
nt brodées des roues rouges à 8 rayons, annonçant
l’
accomplissement futur, l’intégration et la conscience individuelle. Le
2088
es à 8 rayons, annonçant l’accomplissement futur,
l’
intégration et la conscience individuelle. Les arcanes majeurs qui sui
2089
nonçant l’accomplissement futur, l’intégration et
la
conscience individuelle. Les arcanes majeurs qui suivent montrent ce
2090
tur, l’intégration et la conscience individuelle.
Les
arcanes majeurs qui suivent montrent ce qu’il adviendra du Fou à mesu
2091
qu’il adviendra du Fou à mesure qu’il traversera
les
collines, vallées et montagnes indiquées dans le fond de cette carte,
2092
les collines, vallées et montagnes indiquées dans
le
fond de cette carte, jusqu’à ce qu’il revienne au grand soleil ou « P
2093
dans une suite de symboles qui expriment d’abord
les
archétypes de l’homme collectif, puis les symboles plus subjectifs de
2094
symboles qui expriment d’abord les archétypes de
l’
homme collectif, puis les symboles plus subjectifs de l’homme individu
2095
d’abord les archétypes de l’homme collectif, puis
les
symboles plus subjectifs de l’homme individualisé. d) Interprétat
2096
e collectif, puis les symboles plus subjectifs de
l’
homme individualisé. d) Interprétation de Heinrich Zimmer (extrait
2097
posthume, non encore publié) Dernière carte de
la
série de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui l
2098
core publié) Dernière carte de la série de 78,
la
seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à une de
2099
ule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui
la
relie à une des couleurs… Cette figure solitaire montre un vagabond e
2100
ure solitaire montre un vagabond errant sans but,
avec
la démarche d’un fou… et un regard qui perce toutes choses sans s’arr
2101
olitaire montre un vagabond errant sans but, avec
la
démarche d’un fou… et un regard qui perce toutes choses sans s’arrête
2102
qui perce toutes choses sans s’arrêter à aucune. (
Le
Fou) exprime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse de l’Est) parv
2103
choses sans s’arrêter à aucune. (Le Fou) exprime
le
type du pèlerin-sage (selon la sagesse de l’Est) parvenu au terme de
2104
. (Le Fou) exprime le type du pèlerin-sage (selon
la
sagesse de l’Est) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à un fo
2105
rime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse de
l’
Est) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à un fou, à un mendia
2106
e (selon la sagesse de l’Est) parvenu au terme de
l’
initiation. Semblable à un fou, à un mendiant, à un hors-caste : car c
2107
n mendiant, à un hors-caste : car c’est ainsi que
le
saint, l’homme parfait, doit apparaître aux yeux des autres. Il s’est
2108
, à un hors-caste : car c’est ainsi que le saint,
l’
homme parfait, doit apparaître aux yeux des autres. Il s’est libéré de
2109
, des hiérarchies sociales. Il n’a plus besoin de
la
puissance terrestre (les épées) ; des sacrements, rites et prêtres de
2110
es. Il n’a plus besoin de la puissance terrestre (
les
épées) ; des sacrements, rites et prêtres des religions établies (les
2111
rements, rites et prêtres des religions établies (
les
coupes) ; des biens qu’on peut acheter et vendre (les deniers) ; du s
2112
coupes) ; des biens qu’on peut acheter et vendre (
les
deniers) ; du sol et du foyer (les bâtons). Il n’a plus d’attaches, n
2113
ter et vendre (les deniers) ; du sol et du foyer (
les
bâtons). Il n’a plus d’attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme.
2114
âtons). Il n’a plus d’attaches, ni de nom. Il est
la
carte anonyme. Il n’est qu’un fol errant. Comment a-t-il atteint le s
2115
Il n’est qu’un fol errant. Comment a-t-il atteint
le
stade suprême, bien au-dessus des rois, des reines, des as, des cheva
2116
s valets, au-dessus des 21 symboles qui décrivent
la
hiérarchie des essences et des sphères surhumaines ? En passant à tra
2117
re pris par un seul… Ayant accompli son être dans
la
coïncidence des contraires, pour lui l’univers ambiant perd son poids
2118
être dans la coïncidence des contraires, pour lui
l’
univers ambiant perd son poids. Sa réalité visible et tangible continu
2119
ter, mais elle a perdu son pouvoir magique. Voici
l’
expérience du Fou : le monde extérieur n’a pas plus de signification r
2120
son pouvoir magique. Voici l’expérience du Fou :
le
monde extérieur n’a pas plus de signification réelle que l’ego, dont
2121
xtérieur n’a pas plus de signification réelle que
l’
ego, dont il s’est débarrassé depuis longtemps. L’une et l’autre sont
2122
ébarrassé depuis longtemps. L’une et l’autre sont
les
illusions qui s’interposent entre l’homme et son essence divine innée
2123
’autre sont les illusions qui s’interposent entre
l’
homme et son essence divine innée… Le fol errant n’a ni famille, ni po
2124
posent entre l’homme et son essence divine innée…
Le
fol errant n’a ni famille, ni possessions, ni lieu où reposer sa tête
2125
ent frustré de rien de tout cela. Il est en union
avec
l’Univers, sa vraie maison. L’univers participe à sa nature même. D’a
2126
rustré de rien de tout cela. Il est en union avec
l’
Univers, sa vraie maison. L’univers participe à sa nature même. D’autr
2127
Il est en union avec l’Univers, sa vraie maison.
L’
univers participe à sa nature même. D’autre part, le divin, dans son e
2128
univers participe à sa nature même. D’autre part,
le
divin, dans son essence transcendantale, au-delà de tout changement o
2129
trouve être aussi son essence propre. Car il est
la
coincidentia oppositorum. La forme suprême de cette union est Dieu, d
2130
e propre. Car il est la coincidentia oppositorum.
La
forme suprême de cette union est Dieu, déployant constamment son esse
2131
est Dieu, déployant constamment son essence dans
les
aspects de l’univers et de ses créatures, et cependant restant le « D
2132
oyant constamment son essence dans les aspects de
l’
univers et de ses créatures, et cependant restant le « Dieu caché », d
2133
univers et de ses créatures, et cependant restant
le
« Dieu caché », deus absconditus, éternellement… Le fol errant voit e
2134
« Dieu caché », deus absconditus, éternellement…
Le
fol errant voit en toutes choses la manifestation de Dieu, c’est-à-di
2135
ternellement… Le fol errant voit en toutes choses
la
manifestation de Dieu, c’est-à-dire de lui-même, et en même temps il
2136
i-même, et en même temps il voit à travers toutes
les
choses : elles ne sont que néant, elles ne sont qu’un mirage, il les
2137
ne sont que néant, elles ne sont qu’un mirage, il
les
a dépassées… Il est le mendiant qui possède l’univers, et toutes ses
2138
ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il est
le
mendiant qui possède l’univers, et toutes ses richesses, qui ne sont
2139
l les a dépassées… Il est le mendiant qui possède
l’
univers, et toutes ses richesses, qui ne sont rien d’autre que le dépl
2140
outes ses richesses, qui ne sont rien d’autre que
le
déploiement de sa propre nature. Vous pourrez donc le traiter de fou.
2141
éploiement de sa propre nature. Vous pourrez donc
le
traiter de fou. Il l’est en effet, mais il n’est pas un lunatique que
2142
e nature. Vous pourrez donc le traiter de fou. Il
l’
est en effet, mais il n’est pas un lunatique quelconque, un idiot ou u
2143
e, entrait chez vous et vous tapait gentiment sur
l’
épaule en murmurant à votre oreille : « Je suis le Père, et le Fils, e
2144
l’épaule en murmurant à votre oreille : « Je suis
le
Père, et le Fils, et le Saint-Esprit ! » — la plupart d’entre vous, s
2145
murmurant à votre oreille : « Je suis le Père, et
le
Fils, et le Saint-Esprit ! » — la plupart d’entre vous, sans plus d’e
2146
votre oreille : « Je suis le Père, et le Fils, et
le
Saint-Esprit ! » — la plupart d’entre vous, sans plus d’enquête, le c
2147
» — la plupart d’entre vous, sans plus d’enquête,
le
conduiraient tranquillement à l’asile. C’est pourquoi le parfait init
2148
plus d’enquête, le conduiraient tranquillement à
l’
asile. C’est pourquoi le parfait initié ne condescend pas à desserrer
2149
uiraient tranquillement à l’asile. C’est pourquoi
le
parfait initié ne condescend pas à desserrer ses lèvres et à révéler
2150
ondescend pas à desserrer ses lèvres et à révéler
le
scandaleux secret de sa perfection. Dans la sagesse du Saint-Esprit i
2151
véler le scandaleux secret de sa perfection. Dans
la
sagesse du Saint-Esprit incarné, il passe, étranger, silencieux. Étan
2152
indre de n’être rien. Et de même, il convient que
la
séquence des arcanes, grâce aux symboles graphiques desquels nous son
2153
ux symboles graphiques desquels nous sont dévolus
l’
initiation et l’accomplissement, apparaisse simplement comme une série
2154
hiques desquels nous sont dévolus l’initiation et
l’
accomplissement, apparaisse simplement comme une série de cartes à jou
2155
ie de cartes à jouer plutôt bizarres et démodées…
Le
Parfait sous l’aspect d’un fol errant, a dépassé la possibilité d’êtr
2156
ouer plutôt bizarres et démodées… Le Parfait sous
l’
aspect d’un fol errant, a dépassé la possibilité d’être aucune des réa
2157
Parfait sous l’aspect d’un fol errant, a dépassé
la
possibilité d’être aucune des réalités particulières exprimées par le
2158
e aucune des réalités particulières exprimées par
les
quatre couleurs et les arcanes. C’est pourquoi, prenons garde, s’il n
2159
articulières exprimées par les quatre couleurs et
les
arcanes. C’est pourquoi, prenons garde, s’il nous advient jamais de r
2160
mploi, un vagabond cosmique. Prenons bien garde à
la
manière dont nous le traiterons ! Il se pourrait qu’il soit le Saint-
2161
smique. Prenons bien garde à la manière dont nous
le
traiterons ! Il se pourrait qu’il soit le Saint-Esprit incarné, le Ch
2162
nt nous le traiterons ! Il se pourrait qu’il soit
le
Saint-Esprit incarné, le Christ errant de nouveau parmi les hommes Et
2163
l se pourrait qu’il soit le Saint-Esprit incarné,
le
Christ errant de nouveau parmi les hommes Et de plus, s’il y condesce
2164
Esprit incarné, le Christ errant de nouveau parmi
les
hommes Et de plus, s’il y condescendait, il pourrait bien être capabl
2165
n être capable de nous révéler le dernier mot sur
les
symboles du tarot ! La Roue de Fortune, arcane 10 a) Interpr
2166
er le dernier mot sur les symboles du tarot !
La
Roue de Fortune, arcane 10 a) Interprétation d’Elie Alta, d’aprè
2167
nterprétation d’Elie Alta, d’après Etteilla :
La
lettre Iod se rapporte à la plupart des idées du nombre 10. Elle a le
2168
porte à la plupart des idées du nombre 10. Elle a
le
sens de main, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manife
2169
plupart des idées du nombre 10. Elle a le sens de
main
, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui v
2170
t des idées du nombre 10. Elle a le sens de main,
les
deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui va se
2171
es du nombre 10. Elle a le sens de main, les deux
mains
, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui va se produire, l
2172
ombre 10. Elle a le sens de main, les deux mains,
les
10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui va se produire, la pot
2173
in, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise
la
manifestation qui va se produire, la potentialité d’un événement. Idé
2174
le symbolise la manifestation qui va se produire,
la
potentialité d’un événement. Idée d’eau, de liquide. Astrologie. La
2175
n événement. Idée d’eau, de liquide. Astrologie.
La
Vierge, maison de Mercure. On y considère la santé, si l’absent se po
2176
gie. La Vierge, maison de Mercure. On y considère
la
santé, si l’absent se porte bien… On demande quant à la femme si elle
2177
e, maison de Mercure. On y considère la santé, si
l’
absent se porte bien… On demande quant à la femme si elle est impudiqu
2178
té, si l’absent se porte bien… On demande quant à
la
femme si elle est impudique. Figure. Elle représente une roue sur so
2179
autre côté un homme. Elle nous indique simplement
le
mouvement de la vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx
2180
mme. Elle nous indique simplement le mouvement de
la
vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet
2181
dique simplement le mouvement de la vie dans tous
les
règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet de la roue, figure
2182
de la vie dans tous les règnes, — leur destinée.
Le
sphinx placé au sommet de la roue, figure la loi universelle des tran
2183
es, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet de
la
roue, figure la loi universelle des transmutations matérielles ou phy
2184
née. Le sphinx placé au sommet de la roue, figure
la
loi universelle des transmutations matérielles ou physiques… Celui qu
2185
b) Interprétation de B. McM. Hasard (résumé) :
La
clef 10 termine le cycle collectif et inaugure le cycle individuel. A
2186
e B. McM. Hasard (résumé) : La clef 10 termine
le
cycle collectif et inaugure le cycle individuel. Aux 4 coins de la ca
2187
La clef 10 termine le cycle collectif et inaugure
le
cycle individuel. Aux 4 coins de la carte, les figures symboliques —
2188
f et inaugure le cycle individuel. Aux 4 coins de
la
carte, les figures symboliques — un homme, ou ange, un lion, un taure
2189
ure le cycle individuel. Aux 4 coins de la carte,
les
figures symboliques — un homme, ou ange, un lion, un taureau, un aigl
2190
ange, un lion, un taureau, un aigle — signifient
les
4 divisions du cosmos auxquelles faisaient allusion les 4 lettres I H
2191
divisions du cosmos auxquelles faisaient allusion
les
4 lettres I H V H brodées sur la robe du Fou, et représentent les 4 s
2192
saient allusion les 4 lettres I H V H brodées sur
la
robe du Fou, et représentent les 4 signes fixes du zodiaque. L’Ange (
2193
H V H brodées sur la robe du Fou, et représentent
les
4 signes fixes du zodiaque. L’Ange (Aquarius) est l’Air (Verseau, Gém
2194
, et représentent les 4 signes fixes du zodiaque.
L’
Ange (Aquarius) est l’Air (Verseau, Gémeaux, Balance) ; l’Aigle (Scorp
2195
4 signes fixes du zodiaque. L’Ange (Aquarius) est
l’
Air (Verseau, Gémeaux, Balance) ; l’Aigle (Scorpion) est l’Eau (Scorpi
2196
Aquarius) est l’Air (Verseau, Gémeaux, Balance) ;
l’
Aigle (Scorpion) est l’Eau (Scorpion, Poissons, Cancer) ; le Taureau (
2197
rseau, Gémeaux, Balance) ; l’Aigle (Scorpion) est
l’
Eau (Scorpion, Poissons, Cancer) ; le Taureau (Taureau) est la Terre (
2198
corpion) est l’Eau (Scorpion, Poissons, Cancer) ;
le
Taureau (Taureau) est la Terre (Taureau, Vierge, Capricorne) ; le Lio
2199
ion, Poissons, Cancer) ; le Taureau (Taureau) est
la
Terre (Taureau, Vierge, Capricorne) ; le Lion (Lion) est le Feu (Lion
2200
eau) est la Terre (Taureau, Vierge, Capricorne) ;
le
Lion (Lion) est le Feu (Lion, Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 pa
2201
Taureau, Vierge, Capricorne) ; le Lion (Lion) est
le
Feu (Lion, Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 parties de l’homme :
2202
est le Feu (Lion, Sagittaire, Bélier). Rappelons
les
4 parties de l’homme : Corps (Terre), Émotions (Eau), Intelligence (A
2203
, Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 parties de
l’
homme : Corps (Terre), Émotions (Eau), Intelligence (Air), Esprit (Feu
2204
Émotions (Eau), Intelligence (Air), Esprit (Feu),
les
4 emblèmes chérubiniques dans Ézéchiel, les 4 évangélistes et leurs e
2205
Feu), les 4 emblèmes chérubiniques dans Ézéchiel,
les
4 évangélistes et leurs emblèmes, les 4 rivières du Paradis, et le Té
2206
s Ézéchiel, les 4 évangélistes et leurs emblèmes,
les
4 rivières du Paradis, et le Tétragramme. Ces 4 symboles cosmiques so
2207
et leurs emblèmes, les 4 rivières du Paradis, et
le
Tétragramme. Ces 4 symboles cosmiques sont entourés de nuages de temp
2208
ques sont entourés de nuages de tempête suggérant
les
luttes nécessaires pour arriver à les harmoniser dans le Grand Œuvre.
2209
e suggérant les luttes nécessaires pour arriver à
les
harmoniser dans le Grand Œuvre. Cependant le fond bleu pâle du ciel i
2210
es nécessaires pour arriver à les harmoniser dans
le
Grand Œuvre. Cependant le fond bleu pâle du ciel indique que la paix
2211
r à les harmoniser dans le Grand Œuvre. Cependant
le
fond bleu pâle du ciel indique que la paix spirituelle s’établira fin
2212
. Cependant le fond bleu pâle du ciel indique que
la
paix spirituelle s’établira finalement quand les tensions entre les é
2213
e la paix spirituelle s’établira finalement quand
les
tensions entre les éléments seront équilibrées. Au centre de la carte
2214
le s’établira finalement quand les tensions entre
les
éléments seront équilibrées. Au centre de la carte, un large cercle o
2215
tre les éléments seront équilibrées. Au centre de
la
carte, un large cercle orangé indique que le Grand Œuvre est une acti
2216
e de la carte, un large cercle orangé indique que
le
Grand Œuvre est une activité solaire. Trois cercles concentriques s’y
2217
re, Fils. Au milieu, une roue à 8 rayons signifie
la
manifestation parfaite, résultant du mouvement de 2 roues de 4 rayons
2218
n sens inverse l’une de l’autre : équilibre entre
les
aspects positifs et négatifs des 4 instruments (bâtons, épées, coupes
2219
tons, épées, coupes, deniers), c’est-à-dire entre
l’
évolution et l’involution. L’une des roues porte les signes alchimique
2220
upes, deniers), c’est-à-dire entre l’évolution et
l’
involution. L’une des roues porte les signes alchimiques du Mercure (I
2221
’évolution et l’involution. L’une des roues porte
les
signes alchimiques du Mercure (Intellect) ; Sel (Corps) ; Soufre (Esp
2222
mais il se peut qu’elle en ait porté autrefois. À
l’
extrémité de chacun des rayons de la première roue est placée une des
2223
des lettres du mot T A R O, qui doit se lire dans
le
sens des aiguilles d’une montre. À l’extrémité de chacun des rayons d
2224
e lire dans le sens des aiguilles d’une montre. À
l’
extrémité de chacun des rayons de la seconde roue, sont les lettres Yo
2225
ité de chacun des rayons de la seconde roue, sont
les
lettres Yod, Heh, Vav, Heh, qui doivent être lues en sens inverse des
2226
rse des aiguilles d’une montre, étant hébraïques.
La
division quaternaire du cosmos se retrouve ici au plus bas niveau de
2227
e du cosmos se retrouve ici au plus bas niveau de
la
conscience, encore solaire et collective (symboles abstraits). Autour
2228
ire et collective (symboles abstraits). Autour de
la
roue, trois symboles concrets : le Serpent, le Sphinx, l’Anubis, repr
2229
ts). Autour de la roue, trois symboles concrets :
le
Serpent, le Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau de la conscience
2230
de la roue, trois symboles concrets : le Serpent,
le
Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau de la conscience collective
2231
trois symboles concrets : le Serpent, le Sphinx,
l’
Anubis, représentent le niveau de la conscience collective humaine. Le
2232
s : le Serpent, le Sphinx, l’Anubis, représentent
le
niveau de la conscience collective humaine. Le Serpent est jaune (act
2233
t, le Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau de
la
conscience collective humaine. Le Serpent est jaune (activité de l’in
2234
nt le niveau de la conscience collective humaine.
Le
Serpent est jaune (activité de l’intellect) dirigé vers le bas (invol
2235
ective humaine. Le Serpent est jaune (activité de
l’
intellect) dirigé vers le bas (involution dans la matière) et ondulant
2236
t est jaune (activité de l’intellect) dirigé vers
le
bas (involution dans la matière) et ondulant (action vibratoire de l’
2237
l’intellect) dirigé vers le bas (involution dans
la
matière) et ondulant (action vibratoire de l’intellect créateur). L’A
2238
ans la matière) et ondulant (action vibratoire de
l’
intellect créateur). L’Anubis, ou Hermanubis, mi-loup mi-homme, coloré
2239
lant (action vibratoire de l’intellect créateur).
L’
Anubis, ou Hermanubis, mi-loup mi-homme, coloré en rouge (désir), s’él
2240
oup mi-homme, coloré en rouge (désir), s’élève de
la
matière et évolue vers le Père : c’est l’homme qui s’éveille des prof
2241
uge (désir), s’élève de la matière et évolue vers
le
Père : c’est l’homme qui s’éveille des profondeurs, et qui commence à
2242
lève de la matière et évolue vers le Père : c’est
l’
homme qui s’éveille des profondeurs, et qui commence à monter vers l’a
2243
le des profondeurs, et qui commence à monter vers
l’
appel du Sphinx, symbole de l’homme parfait ou conscient et individual
2244
mence à monter vers l’appel du Sphinx, symbole de
l’
homme parfait ou conscient et individualisé. Le Sphinx est bleu (spiri
2245
de l’homme parfait ou conscient et individualisé.
Le
Sphinx est bleu (spiritualisé, re-né) et porte sur la tête des orneme
2246
phinx est bleu (spiritualisé, re-né) et porte sur
la
tête des ornements noirs et blancs : équilibre des contradictions. Il
2247
t blancs : équilibre des contradictions. Il tient
l’
épée de la discrimination. Son corps est mi-féminin, mi-léonin, hermap
2248
équilibre des contradictions. Il tient l’épée de
la
discrimination. Son corps est mi-féminin, mi-léonin, hermaphrodite, é
2249
liographie sommaire Antoine Court de Gébelin :
Le
Monde primitif (volume VIII) : Du jeu des tarots, Paris, 1781. Ettei
2250
s, Paris, 1781. Etteilla : Manière de se récréer
avec
le jeu de cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de
2251
ris, 1781. Etteilla : Manière de se récréer avec
le
jeu de cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de Tho
2252
de cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. —
Le
Livre de Thot. M. M. D’Odoucet : Science des signes, ou médecine de
2253
M. D’Odoucet : Science des signes, ou médecine de
l’
esprit, connue sous le nom d’art de tirer les cartes, Paris, 1793. Wil
2254
des signes, ou médecine de l’esprit, connue sous
le
nom d’art de tirer les cartes, Paris, 1793. William A. Chatto : Facts
2255
ne de l’esprit, connue sous le nom d’art de tirer
les
cartes, Paris, 1793. William A. Chatto : Facts and Speculations conce
2256
, London, 1848. Éliphas Lévi : Dogme et rituel de
la
haute magie, 1860 — Clefs majeures et clavicules de Salomon, 1895. —
2257
Clefs majeures et clavicules de Salomon, 1895. —
Le
Grand Arcane, 1898. — Transcendental Magic, New York, 1938. Romain Me
2258
: Tarot, Paris, 1870. Papus (Gérard Encausse) :
Le
Tarot divinatoire ou tarot des bohémiens, Paris, 1885. Arthur Edward
2259
arot, London, 1922. Elie Alta (Gervais Bouchet) :
Le
Tarot Égyptien, Vichy, 1922. Oswald Wirth : Le Tarot des imagiers du
2260
: Le Tarot Égyptien, Vichy, 1922. Oswald Wirth :
Le
Tarot des imagiers du Moyen Âge, 1927. Paul Foster Case : An introduc
2261
Les
règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)i La rhétorique est
2262
Les règles du jeu dans
l’
art romanesque (1944-1945)i La rhétorique est l’art de persuader. L
2263
gles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)i
La
rhétorique est l’art de persuader. L’ignorance ou l’abus en ont fait
2264
’art romanesque (1944-1945)i La rhétorique est
l’
art de persuader. L’ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’art
2265
4-1945)i La rhétorique est l’art de persuader.
L’
ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’art de parler pour ne ri
2266
rhétorique est l’art de persuader. L’ignorance ou
l’
abus en ont fait aujourd’hui l’art de parler pour ne rien dire. Rhétor
2267
er. L’ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui
l’
art de parler pour ne rien dire. Rhétorique est devenue synonyme d’élo
2268
t autre sens. Je voudrais désigner par rhétorique
l’
ensemble des règles du jeu dans l’art. Feraient partie de la rhétoriqu
2269
par rhétorique l’ensemble des règles du jeu dans
l’
art. Feraient partie de la rhétorique des éléments aussi divers que le
2270
des règles du jeu dans l’art. Feraient partie de
la
rhétorique des éléments aussi divers que les lois de composition d’un
2271
ie de la rhétorique des éléments aussi divers que
les
lois de composition d’un tableau, et sa limitation par le cadre ; les
2272
de composition d’un tableau, et sa limitation par
le
cadre ; les lois de l’harmonie et du contrepoint ; les genres musicau
2273
ion d’un tableau, et sa limitation par le cadre ;
les
lois de l’harmonie et du contrepoint ; les genres musicaux et littéra
2274
leau, et sa limitation par le cadre ; les lois de
l’
harmonie et du contrepoint ; les genres musicaux et littéraires ; les
2275
adre ; les lois de l’harmonie et du contrepoint ;
les
genres musicaux et littéraires ; les conventions de l’opéra et de la
2276
ontrepoint ; les genres musicaux et littéraires ;
les
conventions de l’opéra et de la danse ; les personnages constants du
2277
nres musicaux et littéraires ; les conventions de
l’
opéra et de la danse ; les personnages constants du théâtre ; les ouve
2278
et littéraires ; les conventions de l’opéra et de
la
danse ; les personnages constants du théâtre ; les ouvertures, levers
2279
res ; les conventions de l’opéra et de la danse ;
les
personnages constants du théâtre ; les ouvertures, levers de rideau,
2280
la danse ; les personnages constants du théâtre ;
les
ouvertures, levers de rideau, préfaces, finales, épilogues et points
2281
préfaces, finales, épilogues et points d’orgue ;
la
règle des trois unités ; les transitions, récitatifs, coups de théâtr
2282
s et points d’orgue ; la règle des trois unités ;
les
transitions, récitatifs, coups de théâtre et contrastes ménagés ; le
2283
itatifs, coups de théâtre et contrastes ménagés ;
le
nombre fixe des syllabes dans un vers et des vers dans un sonnet ; le
2284
yllabes dans un vers et des vers dans un sonnet ;
les
rimes et les césures, — bref, toutes les conventions acceptées en com
2285
un vers et des vers dans un sonnet ; les rimes et
les
césures, — bref, toutes les conventions acceptées en commun par les a
2286
sonnet ; les rimes et les césures, — bref, toutes
les
conventions acceptées en commun par les artistes et leur public. Tout
2287
f, toutes les conventions acceptées en commun par
les
artistes et leur public. Tout cela faisait l’Art, aux grandes époques
2288
ar les artistes et leur public. Tout cela faisait
l’
Art, aux grandes époques. Artiste était celui qui, de ces règles, sava
2289
elui qui, de ces règles, savait tirer sa liberté.
L’
inspiration passait par ces canaux et se communiquait par eux. Les règ
2290
assait par ces canaux et se communiquait par eux.
Les
règles étant connues, amateurs et critiques disposaient d’une mesure
2291
urs et critiques disposaient d’une mesure commune
avec
le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfacture d’une œuvre, et fai
2292
t critiques disposaient d’une mesure commune avec
le
créateur. Ils pouvaient estimer la bienfacture d’une œuvre, et faire
2293
e commune avec le créateur. Ils pouvaient estimer
la
bienfacture d’une œuvre, et faire la part de l’invention par déductio
2294
ient estimer la bienfacture d’une œuvre, et faire
la
part de l’invention par déduction de la coutume. Presque tous ces cri
2295
r la bienfacture d’une œuvre, et faire la part de
l’
invention par déduction de la coutume. Presque tous ces critères effac
2296
et faire la part de l’invention par déduction de
la
coutume. Presque tous ces critères effacés ou perdus, notre époque ne
2297
époque ne sait plus juger d’une œuvre. Elle tient
la
rhétorique et ses figures pour arbitraires, artificielles, non contra
2298
rtificielles, non contraignantes. (Et sans doute,
le
sont-elles devenues.) Mais dès l’instant où les règles d’un jeu cesse
2299
(Et sans doute, le sont-elles devenues.) Mais dès
l’
instant où les règles d’un jeu cessent d’être respectées comme absolue
2300
e, le sont-elles devenues.) Mais dès l’instant où
les
règles d’un jeu cessent d’être respectées comme absolues, qui pourrai
2301
respectées comme absolues, qui pourrait désigner
le
gagnant ? Tricher même n’a plus aucun charme. Si vous vous soumettez
2302
endant plusieurs minutes de recherches intenses ;
les
témoins avertis sauront immédiatement si vous avez bien ou mal fait,
2303
escient, si vous avez inventé quelque chose. Ôtez
les
règles, et ce même déplacement devient le type du geste indifférent.
2304
. Ôtez les règles, et ce même déplacement devient
le
type du geste indifférent. Dans le principe, et dans les hautes époqu
2305
cement devient le type du geste indifférent. Dans
le
principe, et dans les hautes époques, la rhétorique au sens large, et
2306
e du geste indifférent. Dans le principe, et dans
les
hautes époques, la rhétorique au sens large, et ses règles, sont stri
2307
nt. Dans le principe, et dans les hautes époques,
la
rhétorique au sens large, et ses règles, sont strictement non arbitra
2308
nt des relations constitutives de notre corps, de
la
psyché et du Cosmos. La régularité et l’alternance de la respiration,
2309
utives de notre corps, de la psyché et du Cosmos.
La
régularité et l’alternance de la respiration, des nuits et des saison
2310
orps, de la psyché et du Cosmos. La régularité et
l’
alternance de la respiration, des nuits et des saisons, sont nécessair
2311
hé et du Cosmos. La régularité et l’alternance de
la
respiration, des nuits et des saisons, sont nécessaires à notre vie,
2312
des saisons, sont nécessaires à notre vie, comme
les
cadences et les contrastes composés sont vitaux pour nos œuvres d’art
2313
nt nécessaires à notre vie, comme les cadences et
les
contrastes composés sont vitaux pour nos œuvres d’art. Au surplus, le
2314
és sont vitaux pour nos œuvres d’art. Au surplus,
les
figures de la rhétorique considérées dans toute la variété des arts,
2315
pour nos œuvres d’art. Au surplus, les figures de
la
rhétorique considérées dans toute la variété des arts, ne sont pas sa
2316
s figures de la rhétorique considérées dans toute
la
variété des arts, ne sont pas sans correspondances avec les formes ré
2317
ariété des arts, ne sont pas sans correspondances
avec
les formes régulières dont le rêve compose ses drames. Il se peut mêm
2318
é des arts, ne sont pas sans correspondances avec
les
formes régulières dont le rêve compose ses drames. Il se peut même qu
2319
s correspondances avec les formes régulières dont
le
rêve compose ses drames. Il se peut même que ces figures ne soient, à
2320
mes. Il se peut même que ces figures ne soient, à
l’
origine au moins, que l’affleurement ou que la fixation des archétypes
2321
ces figures ne soient, à l’origine au moins, que
l’
affleurement ou que la fixation des archétypes de l’inconscient, tels
2322
, à l’origine au moins, que l’affleurement ou que
la
fixation des archétypes de l’inconscient, tels qu’un Jung put les ret
2323
affleurement ou que la fixation des archétypes de
l’
inconscient, tels qu’un Jung put les retrouver dans les symboles des r
2324
archétypes de l’inconscient, tels qu’un Jung put
les
retrouver dans les symboles des religions et des magies, spontanément
2325
conscient, tels qu’un Jung put les retrouver dans
les
symboles des religions et des magies, spontanément réapparus au cours
2326
, spontanément réapparus au cours des âges et sur
les
points les plus divers de la planète. Les romantiques allemands l’ont
2327
ent réapparus au cours des âges et sur les points
les
plus divers de la planète. Les romantiques allemands l’ont soupçonné
2328
urs des âges et sur les points les plus divers de
la
planète. Les romantiques allemands l’ont soupçonné : Jean-Paul invoqu
2329
et sur les points les plus divers de la planète.
Les
romantiques allemands l’ont soupçonné : Jean-Paul invoque la « rhétor
2330
s divers de la planète. Les romantiques allemands
l’
ont soupçonné : Jean-Paul invoque la « rhétorique des rêves ». Mais c’
2331
ues allemands l’ont soupçonné : Jean-Paul invoque
la
« rhétorique des rêves ». Mais c’est Baudelaire qui touche le vrai po
2332
que des rêves ». Mais c’est Baudelaire qui touche
le
vrai point, lorsque, risquant un assemblage de mots qui devait paraît
2333
mblage de mots qui devait paraître, de son temps,
le
plus scandaleusement paradoxal, il n’hésite pas à nous parler des art
2334
iie siècle, trois phénomènes curieux sollicitent
l’
attention : l’enseignement de la rhétorique entre en décadence, cepend
2335
rois phénomènes curieux sollicitent l’attention :
l’
enseignement de la rhétorique entre en décadence, cependant que le jou
2336
rieux sollicitent l’attention : l’enseignement de
la
rhétorique entre en décadence, cependant que le journalisme fait son
2337
e la rhétorique entre en décadence, cependant que
le
journalisme fait son apparition, et que la réalité quotidienne s’intr
2338
nt que le journalisme fait son apparition, et que
la
réalité quotidienne s’introduit dans les romans. Conjonction lourde d
2339
n, et que la réalité quotidienne s’introduit dans
les
romans. Conjonction lourde de présages. Quelques années plus tard écl
2340
rde de présages. Quelques années plus tard éclate
la
Terreur, balayant les symboles sacrés, les rites sociaux et les cérém
2341
ques années plus tard éclate la Terreur, balayant
les
symboles sacrés, les rites sociaux et les cérémonies dont l’élite a p
2342
éclate la Terreur, balayant les symboles sacrés,
les
rites sociaux et les cérémonies dont l’élite a perdu le sens, pour in
2343
alayant les symboles sacrés, les rites sociaux et
les
cérémonies dont l’élite a perdu le sens, pour instaurer le culte dépo
2344
sacrés, les rites sociaux et les cérémonies dont
l’
élite a perdu le sens, pour instaurer le culte dépouillé de la Raison.
2345
es sociaux et les cérémonies dont l’élite a perdu
le
sens, pour instaurer le culte dépouillé de la Raison. La terreur dans
2346
nies dont l’élite a perdu le sens, pour instaurer
le
culte dépouillé de la Raison. La terreur dans les arts vint au siècle
2347
rdu le sens, pour instaurer le culte dépouillé de
la
Raison. La terreur dans les arts vint au siècle suivant. Elle aussi f
2348
, pour instaurer le culte dépouillé de la Raison.
La
terreur dans les arts vint au siècle suivant. Elle aussi fit la chass
2349
le culte dépouillé de la Raison. La terreur dans
les
arts vint au siècle suivant. Elle aussi fit la chasse aux « ci-devant
2350
s les arts vint au siècle suivant. Elle aussi fit
la
chasse aux « ci-devants » : genres établis, situations convenues, rim
2351
ition. Mais elle alla plus loin. Elle déclara que
la
rhétorique en tant que telle était mauvaise, insincère, et contraire
2352
e telle était mauvaise, insincère, et contraire à
l’
inspiration libre. Dans ses recettes magiques et artifices profonds, e
2353
ne vit que recettes et artifices, et commanda de
les
éliminer. De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’inspira
2354
De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à
l’
inspiration pure, comme la colombe de Kant qui s’imagine qu’elle voler
2355
s clichés1. Abandonné à l’inspiration pure, comme
la
colombe de Kant qui s’imagine qu’elle volerait mieux dans le vide, l’
2356
de Kant qui s’imagine qu’elle volerait mieux dans
le
vide, l’artiste crut qu’il irait loin… Il tomba dans « la réalité »,
2357
ui s’imagine qu’elle volerait mieux dans le vide,
l’
artiste crut qu’il irait loin… Il tomba dans « la réalité », coupa ses
2358
l’artiste crut qu’il irait loin… Il tomba dans «
la
réalité », coupa ses ailes et se fit romancier ou paysagiste d’après
2359
et se fit romancier ou paysagiste d’après nature.
Le
sociologue et le photographe l’observaient d’un œil ironique. La nai
2360
er ou paysagiste d’après nature. Le sociologue et
le
photographe l’observaient d’un œil ironique. La naissance, le triomp
2361
e d’après nature. Le sociologue et le photographe
l’
observaient d’un œil ironique. La naissance, le triomphe et le déclin
2362
le photographe l’observaient d’un œil ironique.
La
naissance, le triomphe et le déclin du roman comme genre littéraire,
2363
e l’observaient d’un œil ironique. La naissance,
le
triomphe et le déclin du roman comme genre littéraire, illustrent à m
2364
d’un œil ironique. La naissance, le triomphe et
le
déclin du roman comme genre littéraire, illustrent à merveille ces br
2365
illustrent à merveille ces brèves indications sur
l’
office de la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origi
2366
merveille ces brèves indications sur l’office de
la
rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origine du roman
2367
èves indications sur l’office de la rhétorique et
le
danger de l’écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte
2368
ons sur l’office de la rhétorique et le danger de
l’
écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte. La société
2369
fice de la rhétorique et le danger de l’écarter à
la
légère. L’origine du roman est dans le conte. La société primitive a
2370
rhétorique et le danger de l’écarter à la légère.
L’
origine du roman est dans le conte. La société primitive a des mythes,
2371
’écarter à la légère. L’origine du roman est dans
le
conte. La société primitive a des mythes, courts récits mémorables de
2372
la légère. L’origine du roman est dans le conte.
La
société primitive a des mythes, courts récits mémorables destinés à f
2373
its mémorables destinés à fixer des événements de
l’
âme ou du Cosmos dans un jeu de personnages et d’aventures très simple
2374
n jeu de personnages et d’aventures très simples.
Le
mythe se développe en légende, et la légende sacrée convoie un enseig
2375
rès simples. Le mythe se développe en légende, et
la
légende sacrée convoie un enseignement religieux. L’épopée perpétue e
2376
légende sacrée convoie un enseignement religieux.
L’
épopée perpétue ensuite le souvenir des héros de la tribu. Mais à mesu
2377
enseignement religieux. L’épopée perpétue ensuite
le
souvenir des héros de la tribu. Mais à mesure que les dieux prennent
2378
’épopée perpétue ensuite le souvenir des héros de
la
tribu. Mais à mesure que les dieux prennent figure d’hommes, que les
2379
souvenir des héros de la tribu. Mais à mesure que
les
dieux prennent figure d’hommes, que les statues se mettent à ressembl
2380
esure que les dieux prennent figure d’hommes, que
les
statues se mettent à ressembler aux hommes, que l’homme devient de pl
2381
s statues se mettent à ressembler aux hommes, que
l’
homme devient de plus en plus son propre centre et son sujet d’étonnem
2382
n propre centre et son sujet d’étonnement favori,
le
mythe se rapproche de l’histoire. Il gagne en intérêt tout ce qu’il p
2383
jet d’étonnement favori, le mythe se rapproche de
l’
histoire. Il gagne en intérêt tout ce qu’il perd en magie. Naît alors
2384
n intérêt tout ce qu’il perd en magie. Naît alors
le
récit en prose, illustration de vérités morales communes à l’élite d’
2385
prose, illustration de vérités morales communes à
l’
élite d’une société donnée. Nous avons fait, en quelques lignes, tout
2386
donnée. Nous avons fait, en quelques lignes, tout
le
chemin qui sépare les premiers chapitres de la genèse d’un roman comm
2387
ut le chemin qui sépare les premiers chapitres de
la
genèse d’un roman comme L’Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’un rê
2388
premiers chapitres de la genèse d’un roman comme
L’
Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’un rêve éveillé, donné pour tel
2389
tres de la genèse d’un roman comme L’Astrée. Mais
L’
Astrée n’est encore qu’un rêve éveillé, donné pour tel par son auteur.
2390
êve éveillé, donné pour tel par son auteur. C’est
avec
La Princesse de Clèves que l’on atteint la phase critique où la féeri
2391
veillé, donné pour tel par son auteur. C’est avec
La
Princesse de Clèves que l’on atteint la phase critique où la féerie c
2392
son auteur. C’est avec La Princesse de Clèves que
l’
on atteint la phase critique où la féerie cède à l’observation, la vér
2393
’est avec La Princesse de Clèves que l’on atteint
la
phase critique où la féerie cède à l’observation, la vérité créée, au
2394
e de Clèves que l’on atteint la phase critique où
la
féerie cède à l’observation, la vérité créée, aux données vraisemblab
2395
’on atteint la phase critique où la féerie cède à
l’
observation, la vérité créée, aux données vraisemblables. À cet instan
2396
phase critique où la féerie cède à l’observation,
la
vérité créée, aux données vraisemblables. À cet instant naît le roman
2397
e, aux données vraisemblables. À cet instant naît
le
roman moderne. À partir du xviiie siècle, le roman se sépare volonta
2398
aît le roman moderne. À partir du xviiie siècle,
le
roman se sépare volontairement du conte. Aussitôt, on le voit se gonf
2399
n se sépare volontairement du conte. Aussitôt, on
le
voit se gonfler de psychologie, de lyrisme, d’histoire, de politique,
2400
e, de politique, de documentation. Commence alors
l’
inflation romanesque, dont le plus grand spéculateur s’appelle Balzac.
2401
tion. Commence alors l’inflation romanesque, dont
le
plus grand spéculateur s’appelle Balzac. Avec lui, après lui plus enc
2402
dont le plus grand spéculateur s’appelle Balzac.
Avec
lui, après lui plus encore, le roman tourne à l’« étude » du réel, qu
2403
’appelle Balzac. Avec lui, après lui plus encore,
le
roman tourne à l’« étude » du réel, quand le conte, la légende, et mê
2404
vec lui, après lui plus encore, le roman tourne à
l’
« étude » du réel, quand le conte, la légende, et même l’épopée, étaie
2405
ore, le roman tourne à l’« étude » du réel, quand
le
conte, la légende, et même l’épopée, étaient créations pures de l’ima
2406
man tourne à l’« étude » du réel, quand le conte,
la
légende, et même l’épopée, étaient créations pures de l’imagination.
2407
de » du réel, quand le conte, la légende, et même
l’
épopée, étaient créations pures de l’imagination. Et l’on ne sait plus
2408
nde, et même l’épopée, étaient créations pures de
l’
imagination. Et l’on ne sait plus si le roman est une pseudo-science o
2409
pée, étaient créations pures de l’imagination. Et
l’
on ne sait plus si le roman est une pseudo-science ou un faux art. Reg
2410
s pures de l’imagination. Et l’on ne sait plus si
le
roman est une pseudo-science ou un faux art. Regardons de plus près c
2411
un faux art. Regardons de plus près ce passage de
l’
invention réelle au réalisme allégué. Le terroriste détruit ce qui sou
2412
assage de l’invention réelle au réalisme allégué.
Le
terroriste détruit ce qui soutenait l’envol de l’imagination libremen
2413
e allégué. Le terroriste détruit ce qui soutenait
l’
envol de l’imagination librement vraie : il détruit les figures conven
2414
Le terroriste détruit ce qui soutenait l’envol de
l’
imagination librement vraie : il détruit les figures convenues, les ri
2415
vol de l’imagination librement vraie : il détruit
les
figures convenues, les rites constants de l’illusion, dont le conteur
2416
brement vraie : il détruit les figures convenues,
les
rites constants de l’illusion, dont le conteur connaissait les pouvoi
2417
uit les figures convenues, les rites constants de
l’
illusion, dont le conteur connaissait les pouvoirs. Il ne lui reste po
2418
onvenues, les rites constants de l’illusion, dont
le
conteur connaissait les pouvoirs. Il ne lui reste pour appui que la r
2419
stants de l’illusion, dont le conteur connaissait
les
pouvoirs. Il ne lui reste pour appui que la réalité telle qu’il la vo
2420
sait les pouvoirs. Il ne lui reste pour appui que
la
réalité telle qu’il la voit. Mais cette réalité — c’est-à-dire : l’ex
2421
e lui reste pour appui que la réalité telle qu’il
la
voit. Mais cette réalité — c’est-à-dire : l’extérieur — ne peut fourn
2422
u’il la voit. Mais cette réalité — c’est-à-dire :
l’
extérieur — ne peut fournir que des objets à exprimer, non pas des moy
2423
primer, non pas des moyens d’expression. Mieux on
l’
imite et plus on s’écarte de l’art. Avec une incroyable étourderie, ce
2424
pression. Mieux on l’imite et plus on s’écarte de
l’
art. Avec une incroyable étourderie, certains demandent alors un « art
2425
n. Mieux on l’imite et plus on s’écarte de l’art.
Avec
une incroyable étourderie, certains demandent alors un « art vivant »
2426
tains demandent alors un « art vivant ». Comme si
les
règles d’un jeu devaient être vivantes ! Plus personne ne pourrait jo
2427
être vivantes ! Plus personne ne pourrait jouer2.
Le
jeu ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure de la fixité même de
2428
jouer2. Le jeu ne sera vivant et passionnant qu’à
la
mesure de la fixité même de ses règles indiscutées. L’art consistait
2429
u ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure de
la
fixité même de ses règles indiscutées. L’art consistait jadis à donne
2430
sure de la fixité même de ses règles indiscutées.
L’
art consistait jadis à donner sens aux propositions de la vie. Ses règ
2431
onsistait jadis à donner sens aux propositions de
la
vie. Ses règles émergeaient de la nature profonde, elles prolongeaien
2432
propositions de la vie. Ses règles émergeaient de
la
nature profonde, elles prolongeaient la nature naturante, au lieu de
2433
eaient de la nature profonde, elles prolongeaient
la
nature naturante, au lieu de copier la nature naturée. Et la psyché r
2434
longeaient la nature naturante, au lieu de copier
la
nature naturée. Et la psyché réinventait un réel significatif. Commen
2435
aturante, au lieu de copier la nature naturée. Et
la
psyché réinventait un réel significatif. Comment rejoindrait-on le se
2436
tait un réel significatif. Comment rejoindrait-on
le
sens profond des choses et des événements de la vie, en décalquant le
2437
n le sens profond des choses et des événements de
la
vie, en décalquant le désordre varié des objets ou des sentiments ? P
2438
choses et des événements de la vie, en décalquant
le
désordre varié des objets ou des sentiments ? Par l’extérieur on ne r
2439
désordre varié des objets ou des sentiments ? Par
l’
extérieur on ne rejoint que l’insignifiance observable. C’est ce qui v
2440
es sentiments ? Par l’extérieur on ne rejoint que
l’
insignifiance observable. C’est ce qui va se produire après Balzac. Le
2441
rvable. C’est ce qui va se produire après Balzac.
Le
roman pousse deux branches d’importance inégale. La première est la m
2442
ux branches d’importance inégale. La première est
la
monographie : Adolphe, Obermann, Dominique. Ces récits intéressent le
2443
lphe, Obermann, Dominique. Ces récits intéressent
le
lecteur s’il se retrouve dans le héros. La part de l’art y est réduit
2444
cits intéressent le lecteur s’il se retrouve dans
le
héros. La part de l’art y est réduite à celle du style. L’autre branc
2445
essent le lecteur s’il se retrouve dans le héros.
La
part de l’art y est réduite à celle du style. L’autre branche sera ce
2446
ecteur s’il se retrouve dans le héros. La part de
l’
art y est réduite à celle du style. L’autre branche sera celle du réal
2447
lle du réalisme social. C’est là que va triompher
la
terreur, se déchaîner la chasse impitoyable aux artifices de la fabul
2448
’est là que va triompher la terreur, se déchaîner
la
chasse impitoyable aux artifices de la fabulation. Maintenant, le rom
2449
déchaîner la chasse impitoyable aux artifices de
la
fabulation. Maintenant, le romancier prétend décrire. Il s’excuse d’i
2450
yable aux artifices de la fabulation. Maintenant,
le
romancier prétend décrire. Il s’excuse d’imaginer. Il ambitionne de c
2451
Il ambitionne de conformer son art aux « lois de
la
vie », non plus aux procédés du conte. « Le roman, dit M. Jaloux, ne
2452
is de la vie », non plus aux procédés du conte. «
Le
roman, dit M. Jaloux, ne connaît d’autres lois que les lois mêmes de
2453
oman, dit M. Jaloux, ne connaît d’autres lois que
les
lois mêmes de la vie. » Cette proposition des plus étranges est reçue
2454
x, ne connaît d’autres lois que les lois mêmes de
la
vie. » Cette proposition des plus étranges est reçue sans le moindre
2455
ette proposition des plus étranges est reçue sans
le
moindre étonnement par la critique moderne et par le grand public. El
2456
étranges est reçue sans le moindre étonnement par
la
critique moderne et par le grand public. Elle rend compte de l’insign
2457
moindre étonnement par la critique moderne et par
le
grand public. Elle rend compte de l’insignifiance, au sens littéral d
2458
derne et par le grand public. Elle rend compte de
l’
insignifiance, au sens littéral de ce terme, où devait choir fatalemen
2459
littéral de ce terme, où devait choir fatalement
le
roman dès qu’il refusa d’être fable. Tout l’intérêt du conte, effecti
2460
ment le roman dès qu’il refusa d’être fable. Tout
l’
intérêt du conte, effectivement, tenait aux conventions qu’il savait m
2461
ait aux conventions qu’il savait mettre en œuvre.
Le
conte multipliait les rencontres fortuites, les coïncidences opportun
2462
u’il savait mettre en œuvre. Le conte multipliait
les
rencontres fortuites, les coïncidences opportunes. Sa rapidité folle
2463
e. Le conte multipliait les rencontres fortuites,
les
coïncidences opportunes. Sa rapidité folle – par rapport à la vie rée
2464
ces opportunes. Sa rapidité folle – par rapport à
la
vie réelle – tenait l’auditeur en haleine ; son rythme était autorité
2465
dité folle – par rapport à la vie réelle – tenait
l’
auditeur en haleine ; son rythme était autorité. Les événements extrao
2466
’auditeur en haleine ; son rythme était autorité.
Les
événements extraordinaires qu’il présentait, portaient les sentiments
2467
ments extraordinaires qu’il présentait, portaient
les
sentiments jusqu’au sublime, proposaient des types de vie haute, et r
2468
vie haute, et réveillaient des forces endormies.
Le
conte était le libre déploiement des réalités mêmes de l’âme, qu’il d
2469
réveillaient des forces endormies. Le conte était
le
libre déploiement des réalités mêmes de l’âme, qu’il décrivait en per
2470
était le libre déploiement des réalités mêmes de
l’
âme, qu’il décrivait en personnages selon certains procédés et figures
2471
ins procédés et figures surgis des profondeurs de
l’
être, identiques à ceux du rêve, et crus comme tels avec reconnaissanc
2472
re, identiques à ceux du rêve, et crus comme tels
avec
reconnaissance, au double sens de l’expression. Mais que se passe-t-i
2473
comme tels avec reconnaissance, au double sens de
l’
expression. Mais que se passe-t-il lorsque le romancier nous fait savo
2474
s de l’expression. Mais que se passe-t-il lorsque
le
romancier nous fait savoir qu’il a mis dans son livre ce qui est, et
2475
ivre ce qui est, et non plus ce qu’il a inventé ?
L’
abandon de la rhétorique entraîne deux séries de conséquences qui se r
2476
st, et non plus ce qu’il a inventé ? L’abandon de
la
rhétorique entraîne deux séries de conséquences qui se révèlent égale
2477
uences qui se révèlent également ruineuses. 1°) —
Le
romancier moderne a perdu l’autorité magique du conteur. Il s’est pri
2478
ent ruineuses. 1°) — Le romancier moderne a perdu
l’
autorité magique du conteur. Il s’est privé volontairement du bénéfice
2479
r. Il s’est privé volontairement du bénéfice de «
l’
art de persuader » traditionnel. Quand, par exemple, le conteur débuta
2480
de persuader » traditionnel. Quand, par exemple,
le
conteur débutait par la formule « Il y avait une fois… », il créait a
2481
nnel. Quand, par exemple, le conteur débutait par
la
formule « Il y avait une fois… », il créait aussitôt chez l’auditeur
2482
« Il y avait une fois… », il créait aussitôt chez
l’
auditeur un état très particulier de réceptivité et de créance. On sav
2483
ofond, et significatif. On croyait tout : c’était
le
jeu. Le jeu ne tolère pas de scepticisme. Observez un enfant quand il
2484
t significatif. On croyait tout : c’était le jeu.
Le
jeu ne tolère pas de scepticisme. Observez un enfant quand il attend
2485
scepticisme. Observez un enfant quand il attend «
l’
histoire ». Dès que la formule consacrée tombe des lèvres de la grande
2486
un enfant quand il attend « l’histoire ». Dès que
la
formule consacrée tombe des lèvres de la grande personne, l’enfant ch
2487
Dès que la formule consacrée tombe des lèvres de
la
grande personne, l’enfant change de visage, l’état second paraît. C’e
2488
consacrée tombe des lèvres de la grande personne,
l’
enfant change de visage, l’état second paraît. C’est l’état passionné
2489
de la grande personne, l’enfant change de visage,
l’
état second paraît. C’est l’état passionné d’attente où naît l’illusio
2490
ant change de visage, l’état second paraît. C’est
l’
état passionné d’attente où naît l’illusion romanesque. Il a suffi des
2491
paraît. C’est l’état passionné d’attente où naît
l’
illusion romanesque. Il a suffi des mots rituels pour suspendre le sen
2492
esque. Il a suffi des mots rituels pour suspendre
le
sens critique, et voici le plaisir extrême : Peau d’âne va lui être c
2493
rituels pour suspendre le sens critique, et voici
le
plaisir extrême : Peau d’âne va lui être conté. Mais si vous alliez d
2494
alliez dire au même enfant, avant de lui raconter
la
même histoire, que cela s’est passé tout à l’heure, dans la rue, il f
2495
ter la même histoire, que cela s’est passé tout à
l’
heure, dans la rue, il ferait aussitôt mille objections. Il vous juger
2496
stoire, que cela s’est passé tout à l’heure, dans
la
rue, il ferait aussitôt mille objections. Il vous jugerait avec toute
2497
erait aussitôt mille objections. Il vous jugerait
avec
toute la sévérité que les enfants réservent aux adultes futiles. Au s
2498
tôt mille objections. Il vous jugerait avec toute
la
sévérité que les enfants réservent aux adultes futiles. Au siècle pas
2499
ions. Il vous jugerait avec toute la sévérité que
les
enfants réservent aux adultes futiles. Au siècle passé, les conteurs
2500
s réservent aux adultes futiles. Au siècle passé,
les
conteurs populaires et certains des meilleurs écrivains avaient encor
2501
oyageur vêtu d’un macfarlane gris chevauchait sur
la
route qui va de N… à X… » (Fenimore Cooper, j’imagine). Ou bien c’éta
2502
ne lente description des lieux, introduisant dans
l’
atmosphère du récit. (Le début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d
2503
lieux, introduisant dans l’atmosphère du récit. (
Le
début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d’avertissement retenaien
2504
oduisant dans l’atmosphère du récit. (Le début de
Le
Rouge et le Noir.) Ces procédés d’avertissement retenaient encore une
2505
s l’atmosphère du récit. (Le début de Le Rouge et
le
Noir.) Ces procédés d’avertissement retenaient encore une règle éléme
2506
retenaient encore une règle élémentaire : marquer
le
début du jeu par un signal convenu, isoler de la vie courante la part
2507
le début du jeu par un signal convenu, isoler de
la
vie courante la partie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionne d
2508
par un signal convenu, isoler de la vie courante
la
partie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionne d’imiter la vie,
2509
, isoler de la vie courante la partie jouée. Mais
le
romancier réaliste ambitionne d’imiter la vie, qui ne commence et ne
2510
e. Mais le romancier réaliste ambitionne d’imiter
la
vie, qui ne commence et ne finit jamais. Force lui est donc d’entrer
2511
de nacre, alluma une cigarette blonde et consulta
l’
indicateur. » Il s’agit de me faire croire que c’est vrai. Il faut don
2512
i aussi, ou quelque chose qui ressemble à cela. «
La
vraie vie », je la connais autant que cet auteur. Je me méfie, et bie
2513
chose qui ressemble à cela. « La vraie vie », je
la
connais autant que cet auteur. Je me méfie, et bientôt discute. Et pl
2514
auteur. Je me méfie, et bientôt discute. Et plus
l’
auteur paraît désireux de me convaincre — au lieu de s’abandonner à so
2515
d’images — plus j’exige un récit vraisemblable. À
la
limite, il serait impossible qu’un lecteur tombe jamais d’accord avec
2516
it impossible qu’un lecteur tombe jamais d’accord
avec
l’auteur. Car il n’est pas deux expériences humaines superposables. E
2517
possible qu’un lecteur tombe jamais d’accord avec
l’
auteur. Car il n’est pas deux expériences humaines superposables. Et j
2518
oncerais à la mienne pour faire crédit à celle de
l’
écrivain que si, d’abord, il renonçait à démontrer, et m’entraînait pa
2519
’un sens, valable et vérifiable en soi. 2°) — Par
la
suppression des cérémonies d’introduction et de sortie3, le romancier
2520
sion des cérémonies d’introduction et de sortie3,
le
romancier moderne veut créer l’illusion du réel quotidien. Pourtant i
2521
on et de sortie3, le romancier moderne veut créer
l’
illusion du réel quotidien. Pourtant il ne dispose que de mots, quoi q
2522
ots, quoi qu’il fasse. Ce dernier artifice paraît
le
gêner d’autant qu’il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome de l
2523
artifice paraît le gêner d’autant qu’il essaie de
le
faire oublier. D’où cet axiome de la critique moderne : un roman ne d
2524
il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome de
la
critique moderne : un roman ne doit pas être « écrit ». Tous ces effo
2525
t pas être « écrit ». Tous ces efforts trahissent
le
curieux embarras de ne pouvoir faire entrer dans un livre des personn
2526
er dans un livre des personnages grandeur nature.
La
volonté d’éliminer toutes les conventions narratives, pour peu d’exig
2527
ges grandeur nature. La volonté d’éliminer toutes
les
conventions narratives, pour peu d’exigence qu’on y mette, aboutit à
2528
ignifiant. Quelque chose qui n’en finit plus, car
la
vie ne met jamais de point final. Il y a jeu quand les conséquences s
2529
ie ne met jamais de point final. Il y a jeu quand
les
conséquences s’épuisent avec le dernier coup ; mais le sérieux de la
2530
nal. Il y a jeu quand les conséquences s’épuisent
avec
le dernier coup ; mais le sérieux de la vie est, par définition, le d
2531
nséquences s’épuisent avec le dernier coup ; mais
le
sérieux de la vie est, par définition, le domaine des conséquences in
2532
puisent avec le dernier coup ; mais le sérieux de
la
vie est, par définition, le domaine des conséquences indéfinies. L’hé
2533
; mais le sérieux de la vie est, par définition,
le
domaine des conséquences indéfinies. L’hésitation du romancier modern
2534
finition, le domaine des conséquences indéfinies.
L’
hésitation du romancier moderne à terminer son livre par une décision
2535
moderne à terminer son livre par une décision de
l’
esprit ou par un artifice de rhétorique, telle est la source impure du
2536
sprit ou par un artifice de rhétorique, telle est
la
source impure du roman-fleuve. La longueur des ouvrages de ce genre e
2537
ique, telle est la source impure du roman-fleuve.
La
longueur des ouvrages de ce genre est l’expression de l’embarras d’un
2538
-fleuve. La longueur des ouvrages de ce genre est
l’
expression de l’embarras d’un écrivain qui s’est privé des secours de
2539
ueur des ouvrages de ce genre est l’expression de
l’
embarras d’un écrivain qui s’est privé des secours de l’art. D’ailleur
2540
rras d’un écrivain qui s’est privé des secours de
l’
art. D’ailleurs cet allongement, trop souvent excessif pour l’intérêt
2541
leurs cet allongement, trop souvent excessif pour
l’
intérêt romanesque, sera toujours insuffisant pour égaler la durée rée
2542
romanesque, sera toujours insuffisant pour égaler
la
durée réelle d’une vie. Quelque chose de méthodiquement insignifiant.
2543
, c’est elle qu’on veut reproduire en multipliant
les
observations exactes et les personnages quelconques. Et c’est au nom
2544
oduire en multipliant les observations exactes et
les
personnages quelconques. Et c’est au nom de cette fidélité à la vie q
2545
quelconques. Et c’est au nom de cette fidélité à
la
vie que M. Jules Romains va s’interdire, dit-il — « les enchaînements
2546
e que M. Jules Romains va s’interdire, dit-il — «
les
enchaînements arbitraires et le picaresque », les rencontres qu’on ne
2547
dire, dit-il — « les enchaînements arbitraires et
le
picaresque », les rencontres qu’on ne voit pas dans la réalité, bref,
2548
les enchaînements arbitraires et le picaresque »,
les
rencontres qu’on ne voit pas dans la réalité, bref, tous recours au «
2549
caresque », les rencontres qu’on ne voit pas dans
la
réalité, bref, tous recours au « hasard qui fait trop bien les choses
2550
bref, tous recours au « hasard qui fait trop bien
les
choses ». J’extrais ces propositions de la préface aux Hommes de bonn
2551
bien les choses ». J’extrais ces propositions de
la
préface aux Hommes de bonne volonté, bon témoignage sur l’opinion moy
2552
e aux Hommes de bonne volonté, bon témoignage sur
l’
opinion moyenne du grand public contemporain, le morceau n’étant visib
2553
r l’opinion moyenne du grand public contemporain,
le
morceau n’étant visiblement qu’une captatio benevolentiae où l’auteur
2554
tant visiblement qu’une captatio benevolentiae où
l’
auteur se montre attentif à ne promettre rien qu’il ne sache attendu.
2555
tif à ne promettre rien qu’il ne sache attendu. «
Le
roman, écrit encore M. Romains, ne connaît pas de vraies servitudes.
2556
vraies servitudes. Ce qui diminue peut-être pour
le
roman comme genre les occasions d’acquérir un mérite esthétique supér
2557
e qui diminue peut-être pour le roman comme genre
les
occasions d’acquérir un mérite esthétique supérieur… mais ce qui en t
2558
mais ce qui en tout cas lui interdit de cultiver
les
conventions. » Ceci corrigerait donc cela ? M. Romains connaît bien s
2559
? M. Romains connaît bien son public. Il sait que
l’
absence de conventions sera tenue pour avantage, et compensera, aux ye
2560
ge, et compensera, aux yeux de ses contemporains,
l’
absence de mérite esthétique. (Alors que la première absence est en ré
2561
ue. (Alors que la première absence est en réalité
la
cause immédiate de la seconde.) Parlant encore de son propre roman, M
2562
encore de son propre roman, M. Romains ajoute : «
Le
lecteur se demandera : où cela va-t-il ? Des personnages se perdent…
2563
pour se justifier, n’en va-t-il pas de même dans
la
vie ? Les romans traditionnels « préoccupés qu’ils sont, au nom des v
2564
justifier, n’en va-t-il pas de même dans la vie ?
Les
romans traditionnels « préoccupés qu’ils sont, au nom des vieilles rè
2565
nom des vieilles règles, de commencer et de finir
le
jeu avec les mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre, ce déco
2566
vieilles règles, de commencer et de finir le jeu
avec
les mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre, ce décousu, ces
2567
lles règles, de commencer et de finir le jeu avec
les
mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre, ce décousu, ces inco
2568
s inconséquences du sort… Bien sûr. Mais pourquoi
les
romans devraient-ils exprimer tout cela ? Et d’ailleurs, comment le p
2569
t-ils exprimer tout cela ? Et d’ailleurs, comment
le
pourraient-ils ? Si longs qu’ils soient, ils seront toujours trop cou
2570
toujours trop courts pour imiter sans conventions
le
décousu de la vie réelle. Avouer l’ambition d’écrire un livre en se c
2571
courts pour imiter sans conventions le décousu de
la
vie réelle. Avouer l’ambition d’écrire un livre en se conformant aux
2572
s conventions le décousu de la vie réelle. Avouer
l’
ambition d’écrire un livre en se conformant aux « lois de la vie », c’
2573
d’écrire un livre en se conformant aux « lois de
la
vie », c’est doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’art.
2574
ux « lois de la vie », c’est doublement tricher :
avec
la vie, et surtout avec l’art. Cette tricherie généralisée doit amene
2575
lois de la vie », c’est doublement tricher : avec
la
vie, et surtout avec l’art. Cette tricherie généralisée doit amener,
2576
’est doublement tricher : avec la vie, et surtout
avec
l’art. Cette tricherie généralisée doit amener, nécessairement, la di
2577
doublement tricher : avec la vie, et surtout avec
l’
art. Cette tricherie généralisée doit amener, nécessairement, la disso
2578
richerie généralisée doit amener, nécessairement,
la
dissolution du roman dans le documentaire plus ou moins commenté. Où
2579
ner, nécessairement, la dissolution du roman dans
le
documentaire plus ou moins commenté. Où l’art, d’ailleurs, reparaîtra
2580
n dans le documentaire plus ou moins commenté. Où
l’
art, d’ailleurs, reparaîtra bientôt avec les conventions, plutôt frust
2581
ommenté. Où l’art, d’ailleurs, reparaîtra bientôt
avec
les conventions, plutôt frustes mais fixes, du découpage, du montage,
2582
té. Où l’art, d’ailleurs, reparaîtra bientôt avec
les
conventions, plutôt frustes mais fixes, du découpage, du montage, et
2583
ustes mais fixes, du découpage, du montage, et de
la
présentation dramatisée. Ces conditions, dans une vue commerciale, so
2584
commerciale, sont très jalousement maintenues par
les
« producers », éditeurs et directeurs de magazines à grand tirage. L
2585
teurs et directeurs de magazines à grand tirage.
Le
genre proprement romanesque s’éteindra dans le même temps que l’ère b
2586
. Le genre proprement romanesque s’éteindra dans
le
même temps que l’ère bourgeoise et pour avoir commis la même erreur :
2587
ment romanesque s’éteindra dans le même temps que
l’
ère bourgeoise et pour avoir commis la même erreur : qui était de croi
2588
e temps que l’ère bourgeoise et pour avoir commis
la
même erreur : qui était de croire les conventions « conventionnelles
2589
avoir commis la même erreur : qui était de croire
les
conventions « conventionnelles » au sens dépréciatif de l’épithète. C
2590
tions « conventionnelles » au sens dépréciatif de
l’
épithète. Ces légèretés ne pardonnent pas. Une contre-épreuve de notre
2591
épreuve de notre diagnostic nous sera fournie par
le
succès du roman policier. Je ne pense pas qu’on puisse expliquer ce s
2592
ra fournie par le succès du roman policier. Je ne
pense
pas qu’on puisse expliquer ce succès par un intérêt pour le crime, qu
2593
on puisse expliquer ce succès par un intérêt pour
le
crime, qui serait particulier à notre époque. Le roman policier est p
2594
le crime, qui serait particulier à notre époque.
Le
roman policier est populaire parce qu’il demeure le seul genre défini
2595
roman policier est populaire parce qu’il demeure
le
seul genre défini, obéissant aux lois d’une rhétorique précise. C’est
2596
nte. Ses personnages sont constants comme ceux de
la
Commedia dell’arte, ou ceux des cartes et des échecs : le détective é
2597
dia dell’arte, ou ceux des cartes et des échecs :
le
détective élégant, volontiers philosophe, l’agent de police bonne bru
2598
cs : le détective élégant, volontiers philosophe,
l’
agent de police bonne brute ou puits de sagesse populaire ; la femme à
2599
olice bonne brute ou puits de sagesse populaire ;
la
femme à bijoux, comtesse de palaces ; le valet de chambre silencieux
2600
ulaire ; la femme à bijoux, comtesse de palaces ;
le
valet de chambre silencieux et astucieux, etc. La situation, donnée d
2601
le valet de chambre silencieux et astucieux, etc.
La
situation, donnée d’entrée de jeu, se résout complètement à la fin du
2602
donnée d’entrée de jeu, se résout complètement à
la
fin du livre, et ne comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu de
2603
vre, et ne comporte qu’un nombre fini d’éléments.
Le
lieu de l’action est circonscrit : c’est généralement une maison dont
2604
comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu de
l’
action est circonscrit : c’est généralement une maison dont il semble
2605
e n’ait pu y entrer ni en sortir, et qui contient
le
problème sous forme de cadavre. Parfois, ce n’est qu’une chambre4. To
2606
u’une chambre4. Toutes ces conditions satisfont à
l’
excellente définition du jeu proposée par J. Huizinga5 : une action do
2607
u jeu proposée par J. Huizinga5 : une action dont
le
début et la fin sont nettement marqués, qui a lieu dans un espace net
2608
ée par J. Huizinga5 : une action dont le début et
la
fin sont nettement marqués, qui a lieu dans un espace nettement délim
2609
atiales et temporelles, à des règles indiscutées.
Le
roman policier passionne dans la mesure même où il tient compte des r
2610
les indiscutées. Le roman policier passionne dans
la
mesure même où il tient compte des règles, soit pour les appliquer av
2611
ure même où il tient compte des règles, soit pour
les
appliquer avec une perfection classique, soit pour y introduire quelq
2612
tient compte des règles, soit pour les appliquer
avec
une perfection classique, soit pour y introduire quelque ingénieuse v
2613
t pour y introduire quelque ingénieuse variation.
La
fixité même des règles fondamentales permet de mesurer l’invention de
2614
é même des règles fondamentales permet de mesurer
l’
invention de chaque auteur, et les progrès du genre. Une grande partie
2615
ermet de mesurer l’invention de chaque auteur, et
les
progrès du genre. Une grande partie de l’intérêt que l’amateur apport
2616
ur, et les progrès du genre. Une grande partie de
l’
intérêt que l’amateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient au r
2617
grès du genre. Une grande partie de l’intérêt que
l’
amateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient au raffinement ou
2618
rande partie de l’intérêt que l’amateur apporte à
la
lecture de ces ouvrages, tient au raffinement ou à la complication cr
2619
ecture de ces ouvrages, tient au raffinement ou à
la
complication croissante des règles. (Le lecteur de romans policiers d
2620
ment ou à la complication croissante des règles. (
Le
lecteur de romans policiers devient très vite un spécialiste.) Et cet
2621
du roman policier se sont fondés un peu partout.
La
vogue actuelle du roman historique pourrait être invoquée, elle aussi
2622
ique pourrait être invoquée, elle aussi, bien que
l’
exemple soit moins pur et moins frappant. Le roman historique garde le
2623
n que l’exemple soit moins pur et moins frappant.
Le
roman historique garde le bénéfice du cadre : son action circonscrite
2624
pur et moins frappant. Le roman historique garde
le
bénéfice du cadre : son action circonscrite par définition, est isolé
2625
par définition, est isolée du réel quotidien par
l’
éloignement dans le temps. Mais l’impureté du genre, c’est qu’il peut
2626
t isolée du réel quotidien par l’éloignement dans
le
temps. Mais l’impureté du genre, c’est qu’il peut se passer de la cré
2627
l quotidien par l’éloignement dans le temps. Mais
l’
impureté du genre, c’est qu’il peut se passer de la crédibilité intrin
2628
’impureté du genre, c’est qu’il peut se passer de
la
crédibilité intrinsèque du conte, par le recours à l’autorité tout ex
2629
asser de la crédibilité intrinsèque du conte, par
le
recours à l’autorité tout extérieure du fait accompli. Cette possibil
2630
rédibilité intrinsèque du conte, par le recours à
l’
autorité tout extérieure du fait accompli. Cette possibilité de triche
2631
cherie est voisine de celle qui consiste à forcer
la
vraisemblance par une accumulation de faits observables. Le roman mo
2632
lance par une accumulation de faits observables.
Le
roman mourra donc, comme sont mortes la tragédie classique et les chr
2633
rvables. Le roman mourra donc, comme sont mortes
la
tragédie classique et les chroniques en vers. Il mourra pour avoir ép
2634
donc, comme sont mortes la tragédie classique et
les
chroniques en vers. Il mourra pour avoir épuisé ses possibilités form
2635
s possibilités formelles, et pour avoir poursuivi
la
chimère d’une liberté sans condition. Quelques phénomènes extérieurs
2636
dès sa naissance, aux conceptions bourgeoises de
la
vie, soit qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisât q
2637
aux conceptions bourgeoises de la vie, soit qu’il
les
décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisât que leurs tabous comm
2638
il n’utilisât que leurs tabous comme ressorts de
l’
action, ou qu’enfin il se fît un prestige de les contredire et miner.
2639
de l’action, ou qu’enfin il se fît un prestige de
les
contredire et miner. Tout cela ne durera plus que le temps de liquide
2640
contredire et miner. Tout cela ne durera plus que
le
temps de liquider un héritage saccagé par la guerre actuelle et par l
2641
que le temps de liquider un héritage saccagé par
la
guerre actuelle et par l’avènement des masses. La révolution que nous
2642
un héritage saccagé par la guerre actuelle et par
l’
avènement des masses. La révolution que nous vivons déclassera la plup
2643
la guerre actuelle et par l’avènement des masses.
La
révolution que nous vivons déclassera la plupart des objets dont le r
2644
nous vivons déclassera la plupart des objets dont
le
roman faisait toute son « étude ». Mais le besoin de lire des fables
2645
s dont le roman faisait toute son « étude ». Mais
le
besoin de lire des fables ne s’éteindra pas pour si peu ; et moins en
2646
ne s’éteindra pas pour si peu ; et moins encore,
le
besoin d’en conter. L’imaginaire, délivré du souci d’une vraisemblanc
2647
si peu ; et moins encore, le besoin d’en conter.
L’
imaginaire, délivré du souci d’une vraisemblance insignifiante ou stat
2648
emblance insignifiante ou statistique, retrouvera
l’
usage proprement « fabuleux », le pouvoir créateur des formes fixes et
2649
ique, retrouvera l’usage proprement « fabuleux »,
le
pouvoir créateur des formes fixes et la dialectique des symboles. Le
2650
buleux », le pouvoir créateur des formes fixes et
la
dialectique des symboles. Le conteur, renonçant à imiter la vie, la r
2651
des formes fixes et la dialectique des symboles.
Le
conteur, renonçant à imiter la vie, la récréera ; et renonçant à prou
2652
ique des symboles. Le conteur, renonçant à imiter
la
vie, la récréera ; et renonçant à prouver qu’il dit vrai, aussitôt se
2653
symboles. Le conteur, renonçant à imiter la vie,
la
récréera ; et renonçant à prouver qu’il dit vrai, aussitôt se verra r
2654
ouver qu’il dit vrai, aussitôt se verra restituer
les
prestiges de la persuasion. Notre monde retentit d’événements incroya
2655
rai, aussitôt se verra restituer les prestiges de
la
persuasion. Notre monde retentit d’événements incroyables et pourtant
2656
ments incroyables et pourtant mortellement réels.
Les
faits les plus flagrants du siècle défient nos imaginations. Seul un
2657
oyables et pourtant mortellement réels. Les faits
les
plus flagrants du siècle défient nos imaginations. Seul un art délira
2658
Seul un art délirant de fantaisie a su préfigurer
le
rythme de nos catastrophes. Les dessins animés de Walt Disney jouaien
2659
ie a su préfigurer le rythme de nos catastrophes.
Les
dessins animés de Walt Disney jouaient dans le registre du fou rire p
2660
. Les dessins animés de Walt Disney jouaient dans
le
registre du fou rire populaire avec l’instinct sadique et le goût des
2661
y jouaient dans le registre du fou rire populaire
avec
l’instinct sadique et le goût des orgies de destruction que devait tr
2662
aient dans le registre du fou rire populaire avec
l’
instinct sadique et le goût des orgies de destruction que devait tradu
2663
du fou rire populaire avec l’instinct sadique et
le
goût des orgies de destruction que devait traduire, quelques années p
2664
n que devait traduire, quelques années plus tard,
la
guerre totale. Ne fût-ce que pour rester au niveau de nos épreuves et
2665
niveau de nos épreuves et de nos désastres réels,
l’
art de demain va revenir au jeu des amplifications, raccourcis et mira
2666
cations, raccourcis et miracles qui constituaient
la
rhétorique des contes. Il ne rejoindra le sens vrai de nos vies qu’en
2667
tuaient la rhétorique des contes. Il ne rejoindra
le
sens vrai de nos vies qu’en se livrant à la logique profonde des symb
2668
indra le sens vrai de nos vies qu’en se livrant à
la
logique profonde des symboles et des mythes de l’âme. Tout porte à te
2669
la logique profonde des symboles et des mythes de
l’
âme. Tout porte à tenir pour probable que les grandes œuvres narrative
2670
es de l’âme. Tout porte à tenir pour probable que
les
grandes œuvres narratives qui vont naître au lendemain de cette guerr
2671
Crusoe, ou Gulliver, monstrueux dessins animés où
l’
homme n’a pas cessé de reconnaître son image la plus convaincante. 1
2672
où l’homme n’a pas cessé de reconnaître son image
la
plus convaincante. 1. La dialectique de la Terreur et de la Rhétori
2673
reconnaître son image la plus convaincante. 1.
La
dialectique de la Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand
2674
mage la plus convaincante. 1. La dialectique de
la
Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean Pau
2675
aincante. 1. La dialectique de la Terreur et de
la
Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean Paulhan, publié en F
2676
alectique de la Terreur et de la Rhétorique forme
le
sujet du grand livre de Jean Paulhan, publié en France sous l’occupat
2677
rand livre de Jean Paulhan, publié en France sous
l’
occupation : Les Fleurs de Tarbes. 2. Ce cauchemar est fort bien décr
2678
ean Paulhan, publié en France sous l’occupation :
Les
Fleurs de Tarbes. 2. Ce cauchemar est fort bien décrit par Lewis Car
2679
hemar est fort bien décrit par Lewis Carroll dans
la
scène de la partie de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, l
2680
rt bien décrit par Lewis Carroll dans la scène de
la
partie de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, les maillets
2681
de la partie de croquet d’Alice in Wonderland où
les
arceaux, les maillets et les boules sont vivants et ne cessent de se
2682
de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux,
les
maillets et les boules sont vivants et ne cessent de se déplacer. 3.
2683
ice in Wonderland où les arceaux, les maillets et
les
boules sont vivants et ne cessent de se déplacer. 3. Coup de sifflet
2684
ent de se déplacer. 3. Coup de sifflet donné par
l’
arbitre, appel d’un des joueurs à son partenaire, disposition des pion
2685
; trois coups frappés d’avance, lever de rideau ;
l’
ouverture d’un opéra ; le cadre du tableau, etc. Des procédés identiqu
2686
vance, lever de rideau ; l’ouverture d’un opéra ;
le
cadre du tableau, etc. Des procédés identiques annoncent la terminais
2687
u tableau, etc. Des procédés identiques annoncent
la
terminaison du jeu, la rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites
2688
cédés identiques annoncent la terminaison du jeu,
la
rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites d’entrée et de sortie
2689
annoncent la terminaison du jeu, la rentrée dans
la
vie sérieuse. Idem : les rites d’entrée et de sortie relatifs à un es
2690
n du jeu, la rentrée dans la vie sérieuse. Idem :
les
rites d’entrée et de sortie relatifs à un espace ou à un temps sacré.
2691
ace ou à un temps sacré. 4. Voir Roger Caillois,
Le
Roman policier, Buenos Aires, 1941. 5. Voir J. Huizinga, Homo Ludens
2692
dens, Amsterdam, 1939. i. Rougemont Denis de, «
Les
règles du jeu dans l’art romanesque », Renaissance, New York, 1944–19
2693
i. Rougemont Denis de, « Les règles du jeu dans
l’
art romanesque », Renaissance, New York, 1944–1945, p. 275-283.
2694
Contribution à
l’
étude du coup de foudre (1946)o Un regard dans un regard et les voi
2695
de foudre (1946)o Un regard dans un regard et
les
voilà fixés, cloués sur place, comme le coq est cloué sur la ligne de
2696
egard et les voilà fixés, cloués sur place, comme
le
coq est cloué sur la ligne de craie tirée devant son bec. Ce serait t
2697
xés, cloués sur place, comme le coq est cloué sur
la
ligne de craie tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce n’étai
2698
en ne sert de n’y pas croire. C’est un fait, nous
l’
avons subi, et nous avons tous dit : je n’y puis rien. Avec autant de
2699
subi, et nous avons tous dit : je n’y puis rien.
Avec
autant de sincérité, nous semblait-il, qu’un croyant décrivant sa con
2700
et de prédestination. Mais s’il est vain de nier
le
fait, il ne l’est point de mettre en doute son caractère de destinée
2701
nation. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne
l’
est point de mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cette e
2702
de destinée fatale. Cette espèce de passivité que
l’
on allègue, ne serait-elle point un alibi ? Je ne parle que du vrai co
2703
celui qui est suivi d’incendie. Car pour ceux que
l’
on attend, que l’on appelle, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’
2704
vi d’incendie. Car pour ceux que l’on attend, que
l’
on appelle, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’aura d’un cœur or
2705
n appelle, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans
l’
aura d’un cœur orageux. Aux portières d’un train que l’on croise, entr
2706
a d’un cœur orageux. Aux portières d’un train que
l’
on croise, entre cieux stations de métro, dans la foule où se cherchen
2707
l’on croise, entre cieux stations de métro, dans
la
foule où se cherchent des yeux — ils se détournent aussitôt que frapp
2708
Mais non, si c’était vrai, j’aurais su t’arrêter.
Le
monde entier en eût été changé à l’instant même, sans que nul ne s’en
2709
. Je disais à ce romancier (l’un des meilleurs de
l’
Allemagne d’alors) : — Le mythe du coup de foudre est sans doute une a
2710
r (l’un des meilleurs de l’Allemagne d’alors) : —
Le
mythe du coup de foudre est sans doute une astucieuse invention de Do
2711
tant parlé, et vous autres après lui, que toutes
les
femmes qui vont le rencontrer y pensent, épiant les plus légers mouve
2712
autres après lui, que toutes les femmes qui vont
le
rencontrer y pensent, épiant les plus légers mouvements que cette app
2713
i, que toutes les femmes qui vont le rencontrer y
pensent
, épiant les plus légers mouvements que cette apparition fait naître e
2714
s femmes qui vont le rencontrer y pensent, épiant
les
plus légers mouvements que cette apparition fait naître en elles. Trè
2715
parition fait naître en elles. Très facile que de
les
persuader, une fois si bien intéressées ! Car rien ne flatte comme l’
2716
is si bien intéressées ! Car rien ne flatte comme
l’
idée que l’on va vivre à son tour une scène de roman. Oui, l’idée seul
2717
intéressées ! Car rien ne flatte comme l’idée que
l’
on va vivre à son tour une scène de roman. Oui, l’idée seule a fait to
2718
l’on va vivre à son tour une scène de roman. Oui,
l’
idée seule a fait tous ces ravages, et non pas quelque dieu, ni le Des
2719
ait tous ces ravages, et non pas quelque dieu, ni
le
Destin. Il n’y aurait jamais de coup de fondre sans ce désir que vous
2720
e acquise. Il faut encore une rencontre ménagée à
la
ressemblance du rêve : toute une cérémonie, avec ses rôles prescrits,
2721
à la ressemblance du rêve : toute une cérémonie,
avec
ses rôles prescrits, son ouverture déclarée par un héraut, sa lenteur
2722
e par un héraut, sa lenteur imposante interdisant
la
fuite. Admirez l’appareil inexorable qui circonvient les rencontres f
2723
a lenteur imposante interdisant la fuite. Admirez
l’
appareil inexorable qui circonvient les rencontres fameuses : Tristan
2724
te. Admirez l’appareil inexorable qui circonvient
les
rencontres fameuses : Tristan devant la cour d’Irlande est reçu par l
2725
convient les rencontres fameuses : Tristan devant
la
cour d’Irlande est reçu par la fille du roi selon l’usage et l’étique
2726
s : Tristan devant la cour d’Irlande est reçu par
la
fille du roi selon l’usage et l’étiquette. Siegfried et Brunehilde qu
2727
cour d’Irlande est reçu par la fille du roi selon
l’
usage et l’étiquette. Siegfried et Brunehilde qui s’avancent l’un vers
2728
nde est reçu par la fille du roi selon l’usage et
l’
étiquette. Siegfried et Brunehilde qui s’avancent l’un vers l’autre, d
2729
Brunehilde qui s’avancent l’un vers l’autre, dans
la
scène du hanap, ce sont des officiants… Tout se passe comme si les de
2730
p, ce sont des officiants… Tout se passe comme si
les
deux amants se trouvaient désignés non par un sort aveugle, mais au c
2731
és non par un sort aveugle, mais au contraire par
la
profonde convenance des rôles qu’ils tiennent dans la société, sous l
2732
rofonde convenance des rôles qu’ils tiennent dans
la
société, sous l’égide des plus intangibles hiérarchies. Et Don Juan t
2733
e des rôles qu’ils tiennent dans la société, sous
l’
égide des plus intangibles hiérarchies. Et Don Juan triche, une fois d
2734
mme au coin d’un bois… Il me vient une image dont
la
netteté pourra faire excuser le prosaïsme : le coup de foudre, en dép
2735
nt une image dont la netteté pourra faire excuser
le
prosaïsme : le coup de foudre, en dépit de son nom, ne souffre pas l’
2736
nt la netteté pourra faire excuser le prosaïsme :
le
coup de foudre, en dépit de son nom, ne souffre pas l’instantané, il
2737
up de foudre, en dépit de son nom, ne souffre pas
l’
instantané, il veut la pose… Tandis que je parlais ainsi, une espèce d
2738
de son nom, ne souffre pas l’instantané, il veut
la
pose… Tandis que je parlais ainsi, une espèce de gêne me vint, le sen
2739
que je parlais ainsi, une espèce de gêne me vint,
le
sentiment de mal tomber. Il me sembla que mes propos touchaient mon i
2740
on m’offrit de donner des conférences à Budapest.
Le
président de l’organisation qui m’invitait était un grand banquier, a
2741
onner des conférences à Budapest. Le président de
l’
organisation qui m’invitait était un grand banquier, ami des lettres.
2742
mi des lettres. Il vint m’attendre au débarqué de
l’
avion et me conduisit à sa demeure. C’était l’heure du déjeuner. Nous
2743
de l’avion et me conduisit à sa demeure. C’était
l’
heure du déjeuner. Nous causions depuis quelques instants dans sa bibl
2744
nous saluant d’une mélodieuse formule hongroise.
La
présentation faite, cette dame nous offrit la rituelle liqueur de pêc
2745
se. La présentation faite, cette dame nous offrit
la
rituelle liqueur de pêche dont on vide trois verres d’un seul trait,
2746
rois verres d’un seul trait, en se regardant dans
les
yeux. Je me sentis pâlir violemment. Nous passons à table. Mon hôte b
2747
utie n’importe quoi sur cette traversée en avion…
Le
banquier comprend très bien cela. Il parle beaucoup pour me réconfort
2748
a. Il parle beaucoup pour me réconforter, raconte
avec
vivacité comment il a organisé mes conférences, et quel public j’aura
2749
r un dîner : bref, vous vous rappelez ce qu’était
la
Hongrie, cette hospitalité incomparable, cette liberté lyrique dans l
2750
pitalité incomparable, cette liberté lyrique dans
les
relations… Mais rien n’y fait. Je ne puis avaler une seule bouchée. E
2751
ne puis avaler une seule bouchée. Est-ce vraiment
l’
effet de l’avion ? J’allais m’en persuader quand je m’aperçois, et cet
2752
ler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’effet de
l’
avion ? J’allais m’en persuader quand je m’aperçois, et cette fois-ci
2753
’aperçois, et cette fois-ci non sans terreur, que
la
femme du banquier, elle aussi, n’a presque pas touché aux mets servis
2754
le aussi, n’a presque pas touché aux mets servis.
Le
déjeuner se termine toutefois sans que mon hôte ait paru remarquer qu
2755
aise est contagieux. Il bavarde encore en prenant
le
café, puis s’excuse d’avoir à regagner sa banque : d’ailleurs sa femm
2756
femme me promènera dans Buda, et me fera visiter
le
Musée, — à ce soir ! Il s’en va, très satisfait de lui, et de moi aus
2757
s. Nous voici seuls. Silence. Silence encore dans
la
voiture qu’elle conduit avec une expression concentrée, presque rageu
2758
e. Silence encore dans la voiture qu’elle conduit
avec
une expression concentrée, presque rageuse. Nous traversons les grand
2759
sion concentrée, presque rageuse. Nous traversons
les
grandes artères de Pest, le pont des Chaînes sur les eaux jaunes du D
2760
use. Nous traversons les grandes artères de Pest,
le
pont des Chaînes sur les eaux jaunes du Danube, puis ces ruelles de B
2761
grandes artères de Pest, le pont des Chaînes sur
les
eaux jaunes du Danube, puis ces ruelles de Buda qui montent sur les f
2762
Danube, puis ces ruelles de Buda qui montent sur
les
flancs d’un énorme rocher en pleine ville, que domine la statue de sa
2763
cs d’un énorme rocher en pleine ville, que domine
la
statue de saint Geller, les bras en croix. Elle arrête la voiture prè
2764
eine ville, que domine la statue de saint Geller,
les
bras en croix. Elle arrête la voiture près d’une barrière de parc pub
2765
e de saint Geller, les bras en croix. Elle arrête
la
voiture près d’une barrière de parc public, descend, s’éloigne dans l
2766
barrière de parc public, descend, s’éloigne dans
la
neige bien gelée où ses pas, lentement s’enfoncent et se marquent. Je
2767
ses pas, lentement s’enfoncent et se marquent. Je
la
rejoins. Alors d’un geste elle désigne la ville à nos pieds : « — Mon
2768
ent. Je la rejoins. Alors d’un geste elle désigne
la
ville à nos pieds : « — Mon mari m’a demandé de vous montrer Budapest
2769
ire. Nous remontons en voiture et descendons vers
la
ville. Soudain, je me suis décidé et j’articule : « — Vous n’avez rie
2770
ttablés devant des sandwiches au caviar rouge. Et
le
tour recommence. Même jeu qu’au déjeuner. Ni l’un ni l’autre ne pouvo
2771
en. Tout d’un coup je me suis mis debout. Je fais
le
tour de la table, je m’arrête devant elle, les bras en arrière, comme
2772
un coup je me suis mis debout. Je fais le tour de
la
table, je m’arrête devant elle, les bras en arrière, comme cela — je
2773
ais le tour de la table, je m’arrête devant elle,
les
bras en arrière, comme cela — je me suis retenu de lui toucher l’épau
2774
re, comme cela — je me suis retenu de lui toucher
l’
épaule — et je m’entends prononcer : — Puisqu’il faut que cela soit, e
2775
ce fut ainsi, durant tout mon séjour à Budapest.
L’
après-midi, je vous le répète, nous ne parlions jamais. Le soir, j’ava
2776
tout mon séjour à Budapest. L’après-midi, je vous
le
répète, nous ne parlions jamais. Le soir, j’avais mes conférences ou
2777
midi, je vous le répète, nous ne parlions jamais.
Le
soir, j’avais mes conférences ou un dîner. Et je passais le reste de
2778
’avais mes conférences ou un dîner. Et je passais
le
reste de la nuit dans un bar, en compagnie d’un peintre réfugié, nomm
2779
onférences ou un dîner. Et je passais le reste de
la
nuit dans un bar, en compagnie d’un peintre réfugié, nommé Maria. Je
2780
n compagnie d’un peintre réfugié, nommé Maria. Je
l’
avais connu quelques années auparavant dans un groupe politique, à Ber
2781
groupe politique, à Berlin, que je fréquentais à
l’
insu de ma femme. J’étais dans un état d’exaltation extrême, à peu prè
2782
incapable de dormir, sauf quelques heures pendant
la
matinée. Nous parlions avec mon ami d’art, de religion, de politique,
2783
quelques heures pendant la matinée. Nous parlions
avec
mon ami d’art, de religion, de politique, des perspectives du nouveau
2784
, et pas du tout de mes après-midi. Bien entendu.
La
veille de mon départ, comme nous sortions du bar, Maria et moi, une é
2785
, Maria et moi, une édition du matin nous apprend
l’
incendie du Reichstag. Je décide de rentrer le jour même à Berlin, et
2786
end l’incendie du Reichstag. Je décide de rentrer
le
jour même à Berlin, et prends congé de mon ami qui se montrait fort i
2787
ue, au parti communiste dissident. Je m’informe :
l’
avion part à 10 heures du matin. Mais il faut que je la revoie une der
2788
on part à 10 heures du matin. Mais il faut que je
la
revoie une dernière fois. Je prendrai donc l’express du soir. J’arriv
2789
je la revoie une dernière fois. Je prendrai donc
l’
express du soir. J’arrive à Berlin le lendemain. Sur le seuil de notre
2790
rendrai donc l’express du soir. J’arrive à Berlin
le
lendemain. Sur le seuil de notre villa de Zehlendorf, ma femme m’atte
2791
ress du soir. J’arrive à Berlin le lendemain. Sur
le
seuil de notre villa de Zehlendorf, ma femme m’attend, grave et presq
2792
mme m’attend, grave et presque sévère. Moi, je ne
pensais
qu’à la situation politique. Nous nous mettons à table, je l’interrog
2793
grave et presque sévère. Moi, je ne pensais qu’à
la
situation politique. Nous nous mettons à table, je l’interroge avec n
2794
ituation politique. Nous nous mettons à table, je
l’
interroge avec nervosité sur les événements de l’avant-veille. Elle ré
2795
itique. Nous nous mettons à table, je l’interroge
avec
nervosité sur les événements de l’avant-veille. Elle répond à peine.
2796
ettons à table, je l’interroge avec nervosité sur
les
événements de l’avant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? — Av
2797
l’interroge avec nervosité sur les événements de
l’
avant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? — Avec qui m’as-tu tr
2798
vant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? —
Avec
qui m’as-tu trompée ? dit-elle enfin. Je la regarde longuement, bien
2799
? — Avec qui m’as-tu trompée ? dit-elle enfin. Je
la
regarde longuement, bien en face. Aucun doute n’est possible. Elle sa
2800
. Monsieur, je puis garder un secret d’État, vous
le
savez, mais je ne suis pas de ceux qui peuvent supporter un mensonge
2801
m’a tendu une lettre par avion, arrivée pour moi
le
matin même et qu’elle avait ouverte par crainte d’un malheur. Quelque
2802
malheur. Quelques lignes sur une feuille portant
l’
en-tête d’un bar de Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite
2803
nouvelles, je suis inquiet, je n’oublierai jamais
les
nuits extraordinaires que nous avons encore pu passer ensemble, à la
2804
aires que nous avons encore pu passer ensemble, à
la
veille de ce cataclysme. » La lettre était signée Maria. — Un vrai dr
2805
passer ensemble, à la veille de ce cataclysme. »
La
lettre était signée Maria. — Un vrai drame du destin ! fis-je après u
2806
Un vrai drame du destin ! fis-je après un moment.
Le
type même du Schicksalsdrama, comme vous dites… Mais le destin aveugl
2807
e même du Schicksalsdrama, comme vous dites… Mais
le
destin aveugle qui présida aux fastes de votre rencontre, ne perd-il
2808
encontre, ne perd-il pas un peu de son mystère si
l’
on songe que la femme du banquier était lectrice de romans — et sans d
2809
rd-il pas un peu de son mystère si l’on songe que
la
femme du banquier était lectrice de romans — et sans doute de vos pro
2810
ture ? o. Rougemont Denis de, « Contribution à
l’
étude du coup de foudre », Formes et Couleurs, Lausanne, 1946, p. 1-4.
2811
t mauvaise toute œuvre qui ne te saisit pas comme
avec
une main, qui ne te pousse pas hors de toi-même, dans le scandale ou
2812
e toute œuvre qui ne te saisit pas comme avec une
main
, qui ne te pousse pas hors de toi-même, dans le scandale ou dans la j
2813
main, qui ne te pousse pas hors de toi-même, dans
le
scandale ou dans la joie de ta vocation créatrice. Trop de penseurs i
2814
se pas hors de toi-même, dans le scandale ou dans
la
joie de ta vocation créatrice. Trop de penseurs inoffensifs secrètent
2815
romans, trop de scribes inoffensifs nous singent
la
fureur ou la révolte, l’indulgence ou la paix distinguée. Inoffensifs
2816
de scribes inoffensifs nous singent la fureur ou
la
révolte, l’indulgence ou la paix distinguée. Inoffensifs tous ceux do
2817
inoffensifs nous singent la fureur ou la révolte,
l’
indulgence ou la paix distinguée. Inoffensifs tous ceux dont l’œuvre n
2818
singent la fureur ou la révolte, l’indulgence ou
la
paix distinguée. Inoffensifs tous ceux dont l’œuvre n’est pas ce lieu
2819
ou la paix distinguée. Inoffensifs tous ceux dont
l’
œuvre n’est pas ce lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il ne
2820
où quelque chose qu’il ne peut plus fuir attaque
l’
auteur et tout ce qu’il reflète d’une ambiance domestiquée. Il est gra
2821
’une ambiance domestiquée. Il est grand temps que
la
pensée redevienne ce qu’elle est en réalité : dangereuse pour le pens
2822
ienne ce qu’elle est en réalité : dangereuse pour
le
penseur, et transformatrice du réel. « Là où je crée, là je suis vrai
2823
ux cette distinction : il y a des hommes qui sont
l’
orgueil de notre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de notre
2824
nt, d’autres qui enregistrent : il ne faudra plus
les
confondre. Il y a Pascal et Goethe, Dostoïevski et Kierkegaard, — il
2825
oethe, Dostoïevski et Kierkegaard, — il y a aussi
les
fins lettrés, les bons esprits, les professeurs, pour lesquels la pen
2826
et Kierkegaard, — il y a aussi les fins lettrés,
les
bons esprits, les professeurs, pour lesquels la pensée est un art d’a
2827
il y a aussi les fins lettrés, les bons esprits,
les
professeurs, pour lesquels la pensée est un art d’agrément, un hérita
2828
les bons esprits, les professeurs, pour lesquels
la
pensée est un art d’agrément, un héritage, une carrière libérale, ou
2829
libérale, ou un capital bien placé. Cerveaux sans
mains
! et qui jugent de haut, mais de loin, et toujours après coup, la mul
2830
nt de haut, mais de loin, et toujours après coup,
la
multitude des mains sans cerveau qui travaillent sans fin par le mond
2831
de loin, et toujours après coup, la multitude des
mains
sans cerveau qui travaillent sans fin par le monde, peinant peut-être
2832
s mains sans cerveau qui travaillent sans fin par
le
monde, peinant peut-être en pure perte, si ce n’est pour notre perte
2833
est pour notre perte à tous. Or, ces gens forment
l’
opinion, sans aucun doute, et ils le savent. Toute l’opinion du monde
2834
gens forment l’opinion, sans aucun doute, et ils
le
savent. Toute l’opinion du monde en est à peu près là, que la pensée
2835
pinion, sans aucun doute, et ils le savent. Toute
l’
opinion du monde en est à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’
2836
oute l’opinion du monde en est à peu près là, que
la
pensée ne peut venir qu’à la remorque d’événements qui n’ont cure de
2837
t à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’à
la
remorque d’événements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on co
2838
vénements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que
l’
on confond la pensée avec l’usage inoffensif de ce que des créateurs o
2839
n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on confond
la
pensée avec l’usage inoffensif de ce que des créateurs ont pensé, au
2840
e de ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée
avec
l’usage inoffensif de ce que des créateurs ont pensé, au prix de leur
2841
ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec
l’
usage inoffensif de ce que des créateurs ont pensé, au prix de leur vi
2842
ec l’usage inoffensif de ce que des créateurs ont
pensé
, au prix de leur vie souvent, et toujours par un acte initiateur et r
2843
ujours par un acte initiateur et révolutionnaire.
Les
uns pensent, dit-on, les autres agissent ! Mais la vraie condition de
2844
ar un acte initiateur et révolutionnaire. Les uns
pensent
, dit-on, les autres agissent ! Mais la vraie condition de l’homme, c’
2845
teur et révolutionnaire. Les uns pensent, dit-on,
les
autres agissent ! Mais la vraie condition de l’homme, c’est de penser
2846
s uns pensent, dit-on, les autres agissent ! Mais
la
vraie condition de l’homme, c’est de penser avec les mains. p. Rou
2847
les autres agissent ! Mais la vraie condition de
l’
homme, c’est de penser avec les mains. p. Rougemont Denis de, « Pen
2848
t Denis de, « Penser avec les mains », Cahiers de
la
saison, Genève, janvier 1946, p. 1.
2849
Les
quatre libertés (30 mars 1946)q Les Quatre Libertés ont figuré le
2850
Les quatre libertés (30 mars 1946)q
Les
Quatre Libertés ont figuré le but de guerre idéal des Nations unies,
2851
(30 mars 1946)q Les Quatre Libertés ont figuré
le
but de guerre idéal des Nations unies, comme elles restent l’idéal of
2852
erre idéal des Nations unies, comme elles restent
l’
idéal officiel de la paix. Mais j’ai remarqué qu’assez peu de personne
2853
ns unies, comme elles restent l’idéal officiel de
la
paix. Mais j’ai remarqué qu’assez peu de personnes sont capables de l
2854
marqué qu’assez peu de personnes sont capables de
les
énumérer. Il semble qu’on se soit battu « pour » quelque chose qui n’
2855
ait pas trop clair, ni bien facile à retenir dans
l’
esprit… Vous rappelez-vous ? C’était Roosevelt qui les avait énoncées
2856
sprit… Vous rappelez-vous ? C’était Roosevelt qui
les
avait énoncées le premier au début de 1942 dans son discours sur l’ét
2857
le premier au début de 1942 dans son discours sur
l’
état de l’Union : « freedom of speech, freedom of religion, freedom fr
2858
au début de 1942 dans son discours sur l’état de
l’
Union : « freedom of speech, freedom of religion, freedom from want, f
2859
r liberté de parole et de religion, libération de
la
misère et de la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre
2860
ole et de religion, libération de la misère et de
la
crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre, il est temps d
2861
de la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné
la
guerre, il est temps de nous demander quel est l’état présent des lib
2862
la guerre, il est temps de nous demander quel est
l’
état présent des libertés qui faisaient l’enjeu de la lutte. La deuxiè
2863
uel est l’état présent des libertés qui faisaient
l’
enjeu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, para
2864
tat présent des libertés qui faisaient l’enjeu de
la
lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, paraît en bonne
2865
eu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou de
la
religion, paraît en bonne voie de s’établir dans les pays récemment l
2866
religion, paraît en bonne voie de s’établir dans
les
pays récemment libérés, de même qu’en Russie soviétique et au Japon.
2867
Russie soviétique et au Japon. On brûle encore, à
l’
occasion, quelques églises protestantes au Mexique, mais dans l’ensemb
2868
elques églises protestantes au Mexique, mais dans
l’
ensemble la situation n’est pas mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce pr
2869
ses protestantes au Mexique, mais dans l’ensemble
la
situation n’est pas mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce progrès doit
2870
urs chefs. Quant aux trois autres libertés, voici
le
tableau : la liberté de parole se voit partout mise en échec par des
2871
ant aux trois autres libertés, voici le tableau :
la
liberté de parole se voit partout mise en échec par des censures offi
2872
hec par des censures officielles ou commerciales,
la
misère règne, la police règne, et les vainqueurs eux-mêmes vivent dan
2873
res officielles ou commerciales, la misère règne,
la
police règne, et les vainqueurs eux-mêmes vivent dans la peur les uns
2874
ommerciales, la misère règne, la police règne, et
les
vainqueurs eux-mêmes vivent dans la peur les uns des autres. Quant à
2875
ce règne, et les vainqueurs eux-mêmes vivent dans
la
peur les uns des autres. Quant à la Bombe, elle a multiplié par 20 00
2876
, et les vainqueurs eux-mêmes vivent dans la peur
les
uns des autres. Quant à la Bombe, elle a multiplié par 20 000 au moin
2877
s vivent dans la peur les uns des autres. Quant à
la
Bombe, elle a multiplié par 20 000 au moins la liberté de craindre le
2878
à la Bombe, elle a multiplié par 20 000 au moins
la
liberté de craindre le pire à chaque instant. Tout cela, nous disent,
2879
tiplié par 20 000 au moins la liberté de craindre
le
pire à chaque instant. Tout cela, nous disent, non sans raison, les g
2880
instant. Tout cela, nous disent, non sans raison,
les
gouvernants, n’est que le résultat déplorable, mais fatal, de la guer
2881
sent, non sans raison, les gouvernants, n’est que
le
résultat déplorable, mais fatal, de la guerre. (Étrange activité qui
2882
n’est que le résultat déplorable, mais fatal, de
la
guerre. (Étrange activité qui « fatalement » prolonge ou aggrave les
2883
e activité qui « fatalement » prolonge ou aggrave
les
tyrannies qu’elle avait pour seul but d’écraser. Mais ceci est une au
2884
e se passer d’au moins trois libertés sur quatre,
avec
l’espoir que ses enfants les recevront plus tard — données par qui ?
2885
passer d’au moins trois libertés sur quatre, avec
l’
espoir que ses enfants les recevront plus tard — données par qui ? Som
2886
ibertés sur quatre, avec l’espoir que ses enfants
les
recevront plus tard — données par qui ? Sommes-nous voués à l’esclava
2887
plus tard — données par qui ? Sommes-nous voués à
l’
esclavage d’État par nécessité matérielle ? On m’en voudra de ces ques
2888
porter que des réponses amères et humiliantes, si
l’
on reste au niveau des faits, des dures nécessités, des ruines. Or le
2889
u des faits, des dures nécessités, des ruines. Or
le
rappel des fameuses Quatre Libertés nous y rabat impitoyablement par
2890
Quatre Libertés nous y rabat impitoyablement par
la
comparaison qu’il nous oblige à faire de l’idéal et du présent. Je pr
2891
t par la comparaison qu’il nous oblige à faire de
l’
idéal et du présent. Je propose donc que nous changions ce qui peut êt
2892
immédiatement changé : notre idéal, en attendant
le
reste. Je propose que nous remplacions la revendication des quatre li
2893
tendant le reste. Je propose que nous remplacions
la
revendication des quatre libertés, pour le moment inaccessibles, par
2894
acions la revendication des quatre libertés, pour
le
moment inaccessibles, par une affirmation unique de Liberté indivisib
2895
ant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a que «
la
» liberté, ou non. Je le prouverai par une parabole. Je connais certa
2896
libertés. Il n’y a que « la » liberté, ou non. Je
le
prouverai par une parabole. Je connais certains hommes qui jouissent
2897
s voisins ; « deux » : ils reçoivent gratuitement
les
secours de la religion de leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à s
2898
eux » : ils reçoivent gratuitement les secours de
la
religion de leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccuper d
2899
quatre » ils sont solidement protégés contre tous
les
périls extérieurs. Ce sont les détenus des prisons américaines. (On l
2900
otégés contre tous les périls extérieurs. Ce sont
les
détenus des prisons américaines. (On leur donne même des séances de c
2901
caines. (On leur donne même des séances de cinéma
le
samedi soir.) La liberté ne peut pas être détaillée ni débitée en tra
2902
donne même des séances de cinéma le samedi soir.)
La
liberté ne peut pas être détaillée ni débitée en tranches : elle est
2903
plus être donnée. Elle exige d’être affirmée sur
le
champ, et coûte que coûte, quels que soient les obstacles. Il y aura
2904
ur le champ, et coûte que coûte, quels que soient
les
obstacles. Il y aura toujours des obstacles. Ceux qui ont peur d’être
2905
eur d’être libres en feront leurs prétextes comme
l’
ont fait les Allemands sous l’hitlérisme. La liberté fondamentale dont
2906
libres en feront leurs prétextes comme l’ont fait
les
Allemands sous l’hitlérisme. La liberté fondamentale dont tout dépend
2907
urs prétextes comme l’ont fait les Allemands sous
l’
hitlérisme. La liberté fondamentale dont tout dépend, c’est celle de s
2908
comme l’ont fait les Allemands sous l’hitlérisme.
La
liberté fondamentale dont tout dépend, c’est celle de se « réaliser p
2909
ser personnellement ». Or nous ne pourrons jamais
la
recevoir d’autrui. Sans elle les autres libertés ne comptent guère. P
2910
e pourrons jamais la recevoir d’autrui. Sans elle
les
autres libertés ne comptent guère. Par elle seule, elles peuvent être
2911
ar elle seule, elles peuvent être conquises. Nous
l’
affirmons et nous le démontrons par notre lutte contre toutes les « né
2912
peuvent être conquises. Nous l’affirmons et nous
le
démontrons par notre lutte contre toutes les « nécessités » qui s’y o
2913
nous le démontrons par notre lutte contre toutes
les
« nécessités » qui s’y opposent sans relâche. Et cette lutte est touj
2914
ne fait que commencer. Mais si nous décidons que
les
obstacles à l’exercice de notre liberté sont fatals, nécessaires et s
2915
mencer. Mais si nous décidons que les obstacles à
l’
exercice de notre liberté sont fatals, nécessaires et surhumains, auss
2916
fatals, nécessaires et surhumains, aussitôt nous
les
rendrons tels, aussitôt nous cesserons d’être libres. Et l’État aura
2917
s tels, aussitôt nous cesserons d’être libres. Et
l’
État aura tous les droits, puisque nous lui laisserons tous les devoir
2918
nous cesserons d’être libres. Et l’État aura tous
les
droits, puisque nous lui laisserons tous les devoirs. Ce qu’il nous f
2919
tous les droits, puisque nous lui laisserons tous
les
devoirs. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas d’abord un monde bien arran
2920
nous sommes libres, si nous sommes prêts à payer
le
prix de la liberté, qui sera toujours : payer de sa personne. Un homm
2921
s libres, si nous sommes prêts à payer le prix de
la
liberté, qui sera toujours : payer de sa personne. Un homme libre, c’
2922
sprit libre. » De qui tient-il sa liberté ? Ni de
l’
État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et sur
2923
De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de
la
Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas de le
2924
’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de
la
Démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vision
2925
a Démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il
la
tient de sa vision seule et de son courage de lutter pour la joindre.
2926
sa vision seule et de son courage de lutter pour
la
joindre. Lénine, sous le tsarisme, était plus libre qu’un fonctionnai
2927
n courage de lutter pour la joindre. Lénine, sous
le
tsarisme, était plus libre qu’un fonctionnaire sous Staline. Et Georg
2928
ait plus libre qu’un citoyen américain qui tourne
le
bouton de sa radio. Ils combattaient. q. Rougemont Denis de, « Les
2929
io. Ils combattaient. q. Rougemont Denis de, «
Les
quatre libertés », Le Figaro littéraire, Paris, 30 mars 1946, p. 1.
2930
q. Rougemont Denis de, « Les quatre libertés »,
Le
Figaro littéraire, Paris, 30 mars 1946, p. 1.
2931
Dialogues sur
la
bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)r Le xxe sièc
2932
Dialogues sur la bombe atomique :
La
pensée planétaire (30 mars 1946)r Le xxe siècle est en train de d
2933
tomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)r
Le
xxe siècle est en train de découvrir ce qu’on savait depuis un certa
2934
on n’avait jamais très bien compris, à savoir que
la
terre est ronde. D’où il résulte, entre autres conséquences, que si v
2935
utres conséquences, que si vous tirez devant vous
avec
une arme assez puissante, vous recevrez le projectile dans le dos, au
2936
vous avec une arme assez puissante, vous recevrez
le
projectile dans le dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelq
2937
assez puissante, vous recevrez le projectile dans
le
dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelque chose d’importan
2938
gnifie quelque chose d’important : c’est que tout
le
mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairem
2939
a bientôt nécessairement, si nos moyens passent à
l’
échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fu
2940
nt, si nos moyens passent à l’échelle planétaire.
La
flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des pr
2941
ssent à l’échelle planétaire. La flèche servait à
la
guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à
2942
ire. La flèche servait à la guerre des villages ;
le
fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ;
2943
che servait à la guerre des villages ; le fusil à
la
guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion
2944
s villages ; le fusil à la guerre des provinces ;
le
canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents
2945
; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à
la
guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la
2946
provinces ; le canon à la guerre des nations ; et
l’
avion à la guerre des continents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-ell
2947
; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à
la
guerre des continents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À la g
2948
ns ; et l’avion à la guerre des continents. Voici
la
Bombe, à quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire :
2949
inents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À
la
guerre planétaire, c’est-à-dire : à une guerre qui nous atteint tous,
2950
ous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes.
Les
dimensions de la communauté normale, pour une époque donnée, me parai
2951
e faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de
la
communauté normale, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir êtr
2952
que donnée, me paraissent pouvoir être mesurées à
la
portée des armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les prémic
2953
s armes connues dans cette époque. (Vous avez ici
les
prémices d’une théorie sociologique flambant neuve.) À l’arme planéta
2954
ces d’une théorie sociologique flambant neuve.) À
l’
arme planétaire correspond donc une communauté universelle, qui relègu
2955
pond donc une communauté universelle, qui relègue
les
nations au rang de simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques
2956
ues instants dans ce jeu gravitant des symboles :
la
Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée p
2957
ts dans ce jeu gravitant des symboles : la Terre,
le
Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et
2958
jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe,
la
Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout te
2959
tant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule,
la
Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme
2960
symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête,
la
Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme objet ron
2961
Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et
l’
Unité considérée partout et de tout temps comme objet rond, pomme, sph
2962
rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce soit
l’
Univers, ou l’Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le mi
2963
sphère ou sceptre d’or, que ce soit l’Univers, ou
l’
Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répon
2964
ptre d’or, que ce soit l’Univers, ou l’Empire, ou
l’
atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocos
2965
e ce soit l’Univers, ou l’Empire, ou l’atome. Ici
les
extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre s
2966
mpire, ou l’atome. Ici les extrêmes se reflètent.
Le
microcosme répond au macrocosme. Si notre siècle arrive à digérer et
2967
il aura fait une révolution bien plus grande que
la
Renaissance. Il semble que la dernière guerre, j’entends celle de 39-
2968
elle de 39-45, a beaucoup fait pour éveiller dans
les
nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette pl
2969
5, a beaucoup fait pour éveiller dans les nations
le
sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie
2970
dans les nations le sentiment de leur relativité.
La
guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montm
2971
ntmartre, intéressa pendant dix ans, directement,
la
vie courante des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’A
2972
habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de
l’
Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en subit
2973
ues Nord, Centre, Sud, et de l’Asie, c’est-à-dire
la
moitié du genre humain. L’autre moitié en subit les effets moins dire
2974
a moitié du genre humain. L’autre moitié en subit
les
effets moins directs, mais pourtant notables : les Français eussent m
2975
es effets moins directs, mais pourtant notables :
les
Français eussent mieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n
2976
Français eussent mieux mangé, en 1944 et 1945, si
les
cargos alliés n’avaient été trop occupés dans le Pacifique. Les Angla
2977
les cargos alliés n’avaient été trop occupés dans
le
Pacifique. Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solida
2978
iés n’avaient été trop occupés dans le Pacifique.
Les
Anglais eussent peut-être voté différemment. La solidarité pratique d
2979
Les Anglais eussent peut-être voté différemment.
La
solidarité pratique des différentes parties du globe est un fait dure
2980
ermédiaire, qui est celle du fait psychologique :
la
formation d’une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas d
2981
es, Londoniens, Madrilènes, Parisiens ou Romains,
avec
nos clans, nos écoles, nos partis et nos disputes centenaires ou quin
2982
tis et nos disputes centenaires ou quinquennales,
avec
nos allusions perfides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si l’
2983
fides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si
l’
on se déplace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien
2984
s d’avion. Ce n’est rien de traduire une langue :
les
problèmes nationaux restent intraduisibles pour qui ne peut y aller v
2985
ous n’apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour
le
paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leur
2986
n. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et
le
boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que l
2987
ne pourront plus boucler leurs comptes parce que
les
Noirs se seront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mine
2988
ront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et
les
mineurs du pays de Galles n’auront plus de viande pendant des mois, p
2989
auront plus de viande pendant des mois, parce que
les
péons d’Argentine se seront enfin organisés contre les grands estanci
2990
éons d’Argentine se seront enfin organisés contre
les
grands estancieros. Vous pourrez toujours essayer d’expliquer aux vic
2991
rrez toujours essayer d’expliquer aux victimes de
la
crise que ce n’est pas la faute du député local ni de « l’hypocrisie
2992
pliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas
la
faute du député local ni de « l’hypocrisie américaine ». Que faire ?
2993
que ce n’est pas la faute du député local ni de «
l’
hypocrisie américaine ». Que faire ? Tout le monde ne peut pas tout sa
2994
avoir, encore moins tout voir et tout comprendre.
Les
problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent p
2995
moins tout voir et tout comprendre. Les problèmes
les
plus angoissants de nos compagnons de planète restent pour nous terre
2996
quement inexplorées. Hic sunt leones inscrivaient
les
géographes du Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’
2997
nes inscrivaient les géographes du Moyen Âge dans
les
grandes marges de leurs cartes de l’Europe. Et pourtant nous sommes d
2998
en Âge dans les grandes marges de leurs cartes de
l’
Europe. Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ces l
2999
cessité qu’il faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt
la
presse et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, so
3000
faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse et
la
radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges
3001
ord sentir. Et qu’aussitôt la presse et la radio,
le
cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges rubriques
3002
aussitôt la presse et la radio, le cinéma surtout
l’
éveillent et la propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’
3003
sse et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et
la
propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est p
3004
entendez, mais de sens, de vision, d’ouverture de
l’
esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de poé
3005
i tous nos écrivains, ceux que je vois manifester
le
sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont pré
3006
rivains, ceux que je vois manifester le sentiment
le
plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux
3007
je vois manifester le sentiment le plus direct et
le
plus contagieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint
3008
sentiment le plus direct et le plus contagieux de
la
planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anaba
3009
ieux de la planète sont précisément deux poètes :
le
Saint-John Perse de l’Anabase et de l’Exil, et Paul Claudel, notre gr
3010
x poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de
l’
Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur pro
3011
rose et dans leurs longs versets, quel qu’en soit
le
sujet allégué, nous avons pour la première fois senti, sous le drapé
3012
gué, nous avons pour la première fois senti, sous
le
drapé d’un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, l
3013
sous le drapé d’un français riche et pur, battre
le
pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent des Amériques. Vous alliez me
3014
français riche et pur, battre le pouls mesuré de
l’
Asie, le cœur violent des Amériques. Vous alliez me dire que j’oubliai
3015
s riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie,
le
cœur violent des Amériques. Vous alliez me dire que j’oubliais ce gra
3016
j’oublie jamais celui qui le premier me parla de
la
Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime !… r. Rougemon
3017
time !… r. Rougemont Denis de, « Dialogues sur
la
bombe atomique : La pensée planétaire », Pour la Victoire, New York,
3018
ont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomique :
La
pensée planétaire », Pour la Victoire, New York, 30 mars 1946, p. 1-2
3019
la bombe atomique : La pensée planétaire », Pour
la
Victoire, New York, 30 mars 1946, p. 1-2.
3020
Dialogues sur
la
bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)s Parmi tous l
3021
Dialogues sur la bombe atomique :
La
paix ou la bombe (20 avril 1946)s Parmi tous les projets de contrô
3022
Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou
la
bombe (20 avril 1946)s Parmi tous les projets de contrôle de la Bo
3023
a paix ou la bombe (20 avril 1946)s Parmi tous
les
projets de contrôle de la Bombe que l’on a suggérés depuis six mois,
3024
l 1946)s Parmi tous les projets de contrôle de
la
Bombe que l’on a suggérés depuis six mois, j’en retiens deux : 1. Don
3025
armi tous les projets de contrôle de la Bombe que
l’
on a suggérés depuis six mois, j’en retiens deux : 1. Donner la Bombe
3026
és depuis six mois, j’en retiens deux : 1. Donner
la
Bombe aux petits pays pour qu’ils soient protégés contre les grands.
3027
ux petits pays pour qu’ils soient protégés contre
les
grands. Ces derniers fourniraient ainsi la preuve par neuf de leurs b
3028
ontre les grands. Ces derniers fourniraient ainsi
la
preuve par neuf de leurs bonnes intentions. 2. Donner la Bombe au gou
3029
ve par neuf de leurs bonnes intentions. 2. Donner
la
Bombe au gouvernement mondial, pour faire la police des nations. Deux
3030
nner la Bombe au gouvernement mondial, pour faire
la
police des nations. Deux chambres universelles seraient élues, l’une
3031
États, l’autre de députés des peuples. (Je prends
le
modèle courant. Il faudrait l’ajuster.) Le cabinet que ces chambres é
3032
euples. (Je prends le modèle courant. Il faudrait
l’
ajuster.) Le cabinet que ces chambres éliraient compterait les ministè
3033
prends le modèle courant. Il faudrait l’ajuster.)
Le
cabinet que ces chambres éliraient compterait les ministères suivants
3034
Le cabinet que ces chambres éliraient compterait
les
ministères suivants : Bombe et Répression des États, Échange des mati
3035
s recherches scientifiques, Défense des droits de
la
personne, Transports planétaires. (Rien que de raisonnable, comme vou
3036
planétaires. (Rien que de raisonnable, comme vous
le
voyez. On trouverait mieux, en s’appliquant.) Mais il n’y a que les i
3037
verait mieux, en s’appliquant.) Mais il n’y a que
les
idées pratiques et raisonnables que l’on traite de folies, à l’âge où
3038
n’y a que les idées pratiques et raisonnables que
l’
on traite de folies, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à l
3039
ques et raisonnables que l’on traite de folies, à
l’
âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande générale, la pr
3040
aisonnables que l’on traite de folies, à l’âge où
l’
on prépare dans le monde entier, à la demande générale, la prochaine e
3041
on traite de folies, à l’âge où l’on prépare dans
le
monde entier, à la demande générale, la prochaine et irrévocablement
3042
, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à
la
demande générale, la prochaine et irrévocablement dernière guerre civ
3043
pare dans le monde entier, à la demande générale,
la
prochaine et irrévocablement dernière guerre civile du genre humain.
3044
choueront. On en rira. On n’en rira même pas : on
les
négligera simplement. On passera aux affaires courantes : équilibrer
3045
t. On passera aux affaires courantes : équilibrer
les
budgets de guerre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne soit
3046
pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible dans
les
populations et chez beaucoup de bons esprits, mais une paralysie sans
3047
écédent s’est emparée des volontés. Vous-même, je
le
sens, je ne vous ai pas convaincue. Vous pensez que j’ai exagéré. Vou
3048
e, je le sens, je ne vous ai pas convaincue. Vous
pensez
que j’ai exagéré. Vous pensez que j’ai cédé au goût américain de la s
3049
as convaincue. Vous pensez que j’ai exagéré. Vous
pensez
que j’ai cédé au goût américain de la sensation, du biggest in the wo
3050
é. Vous pensez que j’ai cédé au goût américain de
la
sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays qu
3051
être construite. Exagérée sans doute et dépassant
la
mesure de ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce
3052
gérée sans doute et dépassant la mesure de ce que
l’
on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’homme l’a mis
3053
assant la mesure de ce que l’on connaissait avant
le
6 août, elle est là, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens de
3054
nnaissait avant le 6 août, elle est là, parce que
l’
homme l’a mise là. Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l
3055
t avant le 6 août, elle est là, parce que l’homme
l’
a mise là. Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l’esprit
3056
, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens de
la
mesure peut se rebeller comme l’esprit devant la mort… Mais admettons
3057
Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme
l’
esprit devant la mort… Mais admettons que j’ai exagéré : c’était fatal
3058
la mesure peut se rebeller comme l’esprit devant
la
mort… Mais admettons que j’ai exagéré : c’était fatal. Écrire, c’est
3059
t mettre en forme, donc condenser, donc augmenter
la
réalité de l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer
3060
rme, donc condenser, donc augmenter la réalité de
l’
objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits
3061
enser, donc augmenter la réalité de l’objet ou de
la
situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits ou phénomènes
3062
de la situation. C’est donc toujours « exagérer »
les
traits ou phénomènes que l’on veut dégager. Admettons que les armées
3063
oujours « exagérer » les traits ou phénomènes que
l’
on veut dégager. Admettons que les armées retiennent une bonne partie
3064
u phénomènes que l’on veut dégager. Admettons que
les
armées retiennent une bonne partie de leur utilité au service des nat
3065
’elles arrivent encore à se battre. Admettons que
la
Bombe soit moins puissante que les savants autorisés ne l’affirment.
3066
. Admettons que la Bombe soit moins puissante que
les
savants autorisés ne l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz-
3067
soit moins puissante que les savants autorisés ne
l’
affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres ac
3068
ons que notre globe dure longtemps encore, et que
la
guerre militaire y prospère d’autant mieux qu’elle sera dotée d’une a
3069
elle sera dotée d’une arme de plus. Admettons que
l’
on invente une parade à la Bombe, selon l’axiome des militaires, sans
3070
de plus. Admettons que l’on invente une parade à
la
Bombe, selon l’axiome des militaires, sans oublier que leur expérienc
3071
ons que l’on invente une parade à la Bombe, selon
l’
axiome des militaires, sans oublier que leur expérience démontre qu’on
3072
jamais qu’un certain pourcentage des coups tirés…
Pensez
-vous que les effets de la prochaine guerre seront très différents de
3073
tain pourcentage des coups tirés… Pensez-vous que
les
effets de la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai
3074
ge des coups tirés… Pensez-vous que les effets de
la
prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai prévus ? La
3075
seront très différents de ceux que j’ai prévus ?
La
souffrance sera pire, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin
3076
e ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera pire,
l’
agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins
3077
’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de
la
terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine, le
3078
ra pire, l’agonie de la terre un peu plus longue,
la
fin de l’humanité non moins certaine, le triomphe des « éléments d’or
3079
’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de
l’
humanité non moins certaine, le triomphe des « éléments d’ordre » auss
3080
longue, la fin de l’humanité non moins certaine,
le
triomphe des « éléments d’ordre » aussi énigmatique, et sans témoins.
3081
ce processus peut se poursuivre assez longtemps.
Les
choses ne se passeront peut-être pas de la manière soudaine et dramat
3082
emps. Les choses ne se passeront peut-être pas de
la
manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithèse m’in
3083
ière soudaine et dramatique qu’un certain goût de
l’
antithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de lig
3084
oût de l’antithèse m’incline parfois à souhaiter.
La
tragédie n’aura pas de lignes pures, parce que nos choix ne sont pas
3085
iront quelques vœux incolores. Il est évident que
les
nations souveraines s’en moqueront. Il est évident que l’une d’entre
3086
Il est évident que l’une d’entre elles, Bombe en
main
, essaiera d’imposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la
3087
ombe en main, essaiera d’imposer sa paix à toutes
les
autres. (Inutile même de la nommer.) Il est évident que les peuples s
3088
ser sa paix à toutes les autres. (Inutile même de
la
nommer.) Il est évident que les peuples se révolteront contre cette n
3089
. (Inutile même de la nommer.) Il est évident que
les
peuples se révolteront contre cette nation et son régime, tôt ou tard
3090
et son régime, tôt ou tard. Il est évident que si
l’
on continue à penser comme on pense aujourd’hui, cela finira dans l’ex
3091
ôt ou tard. Il est évident que si l’on continue à
penser
comme on pense aujourd’hui, cela finira dans l’explosion totale. Et i
3092
st évident que si l’on continue à penser comme on
pense
aujourd’hui, cela finira dans l’explosion totale. Et il est évident q
3093
nser comme on pense aujourd’hui, cela finira dans
l’
explosion totale. Et il est évident que la grande majorité des hommes
3094
ra dans l’explosion totale. Et il est évident que
la
grande majorité des hommes se refuse à ces évidences. On nous ressass
3095
. Est-ce qu’on lui demande si elle est prête pour
la
mort ? L’humanité, ce sont des gens comme vous et moi. Quand vous me
3096
u’on lui demande si elle est prête pour la mort ?
L’
humanité, ce sont des gens comme vous et moi. Quand vous me dites qu’e
3097
Quand vous me dites qu’elle n’est pas prête pour
la
paix, cela veut dire que vous d’abord, vous refusez de faire le choix
3098
veut dire que vous d’abord, vous refusez de faire
le
choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais en refus
3099
e vous d’abord, vous refusez de faire le choix de
la
paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais en refusant de chois
3100
yens vous déplaisent. Mais en refusant de choisir
la
paix, vous votez tacitement pour la mort, et vous en rendez responsab
3101
nt de choisir la paix, vous votez tacitement pour
la
mort, et vous en rendez responsable. Tout tient à chacun de nous. Et
3102
ous en sommes au point où il devient difficile de
le
cacher. Nos alibis ne trompent plus que nous-mêmes. Pour moi, je pour
3103
arrive. C’est ma santé. Dès mon premier écrit sur
les
choses politiques, j’ai posé le principe du pessimisme actif. Et comm
3104
remier écrit sur les choses politiques, j’ai posé
le
principe du pessimisme actif. Et comment ne m’y tiendrais-je pas, qua
3105
omment ne m’y tiendrais-je pas, quand je sais que
l’
enjeu n’est point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puis
3106
quand je sais que l’enjeu n’est point de ceux que
la
défaite, mais la désertion seule puisse me faire perdre ? Je me rappe
3107
l’enjeu n’est point de ceux que la défaite, mais
la
désertion seule puisse me faire perdre ? Je me rappelle cette voix, d
3108
de Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu de
la
nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu
3109
que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de
la
nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aussi.
3110
e la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? »
La
sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aussi. » Je n’ai p
3111
dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : «
Le
matin vient et la nuit aussi. » Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les
3112
? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et
la
nuit aussi. » Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bi
3113
la nuit aussi. » Je n’ai pas fini d’aimer ce cri.
Les
citations de la Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu
3114
Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de
la
Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu dans tout cela
3115
us réponde ? S’il permet que nous fassions sauter
la
Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà de ce « clin d’œil
3116
attend. s. Rougemont Denis de, « Dialogues sur
la
bombe atomique : La paix ou la bombe », Pour la Victoire, New York, 2
3117
ont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomique :
La
paix ou la bombe », Pour la Victoire, New York, 20 avril 1946, p. 1-2
3118
e, « Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou
la
bombe », Pour la Victoire, New York, 20 avril 1946, p. 1-2.
3119
r la bombe atomique : La paix ou la bombe », Pour
la
Victoire, New York, 20 avril 1946, p. 1-2.
3120
Dialogues sur
la
bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)t — Un dernier mot.
3121
1946)t — Un dernier mot. (Et dire que j’allais
l’
oublier !) La Bombe n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De
3122
n dernier mot. (Et dire que j’allais l’oublier !)
La
Bombe n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De quoi donc pa
3123
vous dans vos cinq dialogues précédents ? Faut-il
penser
que vous vous moquiez du monde ? — J’étais sérieux. Je prenais au sér
3124
monde ? — J’étais sérieux. Je prenais au sérieux
les
événements qui nous menacent à bout portant. La fin des armées, par e
3125
les événements qui nous menacent à bout portant.
La
fin des armées, par exemple. Mais cela ne serait rien encore, quoi qu
3126
mple. Mais cela ne serait rien encore, quoi qu’en
pensent
quelques généraux. Je parlais de la fin du monde… — Et maintenant vou
3127
oi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais de
la
fin du monde… — Et maintenant vous nous dites : aucun danger ! C’est
3128
vouer que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup
l’
ont pensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’H
3129
que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ont
pensé
, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’Hiroshima
3130
z. Savez-vous que beaucoup l’ont pensé, sans vous
le
dire ? Il est bien naturel que l’événement d’Hiroshima nous ait jetés
3131
ensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que
l’
événement d’Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans un état d
3132
ns repris nos sens. Certains pressentent déjà que
la
Bombe est en train de se dégonfler, pour ainsi dire. Après tout, nous
3133
onfler, pour ainsi dire. Après tout, nous devions
le
prévoir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des gaz. Tout l
3134
ns le prévoir, car nous avons vécu un précédent :
la
guerre des gaz. Tout le monde s’y préparait, vous rappelez-vous ? Dan
3135
e s’y préparait, vous rappelez-vous ? Dans toutes
les
capitales d’Europe, on voyait en 1939 les civils se promener avec leu
3136
toutes les capitales d’Europe, on voyait en 1939
les
civils se promener avec leur boîte à masque en bandoulière. Eh bien,
3137
’Europe, on voyait en 1939 les civils se promener
avec
leur boîte à masque en bandoulière. Eh bien, la guerre des gaz n’a pa
3138
avec leur boîte à masque en bandoulière. Eh bien,
la
guerre des gaz n’a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait une
3139
r bleue, et que personne, même pas Hitler, n’a eu
le
courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trou
3140
le courage de commencer. À plus forte raison pour
la
Bombe… — Je ne trouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’a
3141
us forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas
la
raison bien forte, en vérité. Hitler n’a pas eu recours aux gaz, c’es
3142
r n’a pas eu recours aux gaz, c’est entendu. Mais
pensez
-vous qu’une timidité subite l’ait arrêté, ou quelque amour tardif de
3143
entendu. Mais pensez-vous qu’une timidité subite
l’
ait arrêté, ou quelque amour tardif de notre humanité ? Simplement, il
3144
otre humanité ? Simplement, il a fait son calcul.
Les
Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire de cette arme était
3145
ait son calcul. Les Alliés pouvaient riposter, et
la
valeur militaire de cette arme était loin de compenser, même à ses ye
3146
te arme était loin de compenser, même à ses yeux,
le
risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est dif
3147
ême à ses yeux, le risque moral qu’il eût couru à
l’
employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle sup
3148
ux, le risque moral qu’il eût couru à l’employer.
Le
cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la p
3149
que moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de
la
Bombe est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité
3150
est différent. Je vous répète qu’elle supprimera
la
possibilité de riposter, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’
3151
té de riposter, c’est-à-dire jouera militairement
le
rôle d’une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l
3152
ôle d’une bataille décisive. Elle supprimera donc
les
scrupules de l’agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent en géné
3153
e décisive. Elle supprimera donc les scrupules de
l’
agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent en général d’une rapide
3154
nces fâcheuses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si
l’
emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. I
3155
es, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi de
la
Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc c
3156
s de punition à redouter. Il est donc clair qu’on
l’
emploiera, au risque de faire sauter la Terre. — Alors, pourquoi dites
3157
lair qu’on l’emploiera, au risque de faire sauter
la
Terre. — Alors, pourquoi dites-vous : la Bombe n’est pas dangereuse ?
3158
e sauter la Terre. — Alors, pourquoi dites-vous :
la
Bombe n’est pas dangereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe
3159
t pas dangereuse ? — Pour une raison très simple.
La
Bombe est un objet. Les objets ne sont jamais dangereux. Ce qui est d
3160
ur une raison très simple. La Bombe est un objet.
Les
objets ne sont jamais dangereux. Ce qui est dangereux, horriblement,
3161
gereux. Ce qui est dangereux, horriblement, c’est
l’
homme. C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare
3162
horriblement, c’est l’homme. C’est lui qui a fait
la
Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’employer. Quand je vois q
3163
fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à
l’
employer. Quand je vois qu’on nomme des comités pour la retenir ! Comm
3164
loyer. Quand je vois qu’on nomme des comités pour
la
retenir ! Comme si elle était tombée du ciel, animée de mauvaises int
3165
uvaises intentions ! C’est d’un comique démesuré.
Le
contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans to
3166
ons ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de
la
Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans toute la presse,
3167
un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que
l’
on discute à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus be
3168
ue l’on discute à longueur de colonne, dans toute
la
presse, est la plus belle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bie
3169
à longueur de colonne, dans toute la presse, est
la
plus belle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on
3170
s toute la presse, est la plus belle absurdité de
l’
Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on parle ? Contrôler cet objet
3171
urdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi
l’
on parle ? Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’un coup
3172
cet objet inerte ? C’est comme si tout d’un coup
l’
on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases d
3173
tout d’un coup l’on se jetait sur une chaise pour
l’
empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tran
3174
ait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser
les
vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien,
3175
r d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse
la
Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bie
3176
stoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de
l’
homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de l’A
3177
mme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est
la
question de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis
3178
e question. — C’est la question de l’Autre. C’est
la
seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe nous menace et no
3179
stion de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus
l’
éviter depuis que la Bombe nous menace et nous tente à la fois. Et voi
3180
est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que
la
Bombe nous menace et nous tente à la fois. Et voilà bien le progrès l
3181
ous menace et nous tente à la fois. Et voilà bien
le
progrès le plus sensationnel du siècle. — Un progrès ? — Oui, j’appel
3182
et nous tente à la fois. Et voilà bien le progrès
le
plus sensationnel du siècle. — Un progrès ? — Oui, j’appelle ainsi to
3183
e face. t. Rougemont Denis de, « Dialogues sur
la
bombe atomique : Post-scriptum », Pour la Victoire, New York, 27 avri
3184
ues sur la bombe atomique : Post-scriptum », Pour
la
Victoire, New York, 27 avril 1946, p. 1-2.
3185
n). Que Bernanos s’est écrié : Mais partez donc !
la
Terre est vaste ! Que d’autres ont protesté que ce débat était antipa
3186
muniste, que sais-je. On m’écrit cela de Paris et
l’
on ajoute que je ferais bien de rentrer, sous peine de ne pas comprend
3187
bien de rentrer, sous peine de ne pas comprendre
la
réalité européenne en général, et française en particulier. Je pourra
3188
i devriez sortir, sous peine de ne pas comprendre
la
réalité mondiale. Après tout, il y a quarante millions de Français, s
3189
Français, sur deux-mille-millions d’habitants de
la
Planète, non moins réels, guère moins accablés de problèmes. Mais je
3190
de bon sens, et j’ai quelques raisons de prendre
la
France plus au sérieux, plus au tragique, que les chiffres stupides n
3191
la France plus au sérieux, plus au tragique, que
les
chiffres stupides n’y inviteraient. Je m’interroge. Je reprends la qu
3192
des n’y inviteraient. Je m’interroge. Je reprends
la
question dans les termes où elle est posée : faut-il partir ? (Peut-o
3193
ent. Je m’interroge. Je reprends la question dans
les
termes où elle est posée : faut-il partir ? (Peut-on partir serait un
3194
habite, pour quelques semaines encore, du côté où
les
jeunes Européens devraient aller s’il s’agissait pour eux de partir.
3195
aller s’il s’agissait pour eux de partir. Je vois
les
avantages de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesur
3196
sait pour eux de partir. Je vois les avantages de
l’
Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure de les imagine
3197
et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure de
les
imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’est qu’une solution, q
3198
en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à
l’
infini. Il n’est qu’une solution, qui est d’aller voir, et d’« essayer
3199
solution, qui est d’aller voir, et d’« essayer »
le
pays comme un nouveau costume. Et je me dis que le problème est mal p
3200
e pays comme un nouveau costume. Et je me dis que
le
problème est mal posé. Il ne s’agit ni de partir ni de rester, au sen
3201
facile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne
le
sont pas non plus, apparemment, puisqu’on pose le problème. Supposez
3202
le sont pas non plus, apparemment, puisqu’on pose
le
problème. Supposez que nous soyons libres de circuler à notre guise.
3203
’agit ni de choisir une terre et ses morts contre
le
Globe et ses vivants ; ni de choisir le nomadisme permanent et l’exil
3204
ts contre le Globe et ses vivants ; ni de choisir
le
nomadisme permanent et l’exil par principe ou dégoût. Il s’agit simpl
3205
vivants ; ni de choisir le nomadisme permanent et
l’
exil par principe ou dégoût. Il s’agit simplement de vivre au xxe siè
3206
és que nous avons créées ou laissé s’imposer ; de
la
rapidité des transports, par exemple. Combien peu d’hommes d’aujourd’
3207
r temps, et se trouvent pratiquement en mesure de
le
vivre ! Combien encore sont-ils du Moyen Âge, ou du bourgeois et lent
3208
change beaucoup plus vite que Jules Verne n’a pu
le
rêver. C’est cela, et c’est aussi le cauchemar des visas. Si cette fo
3209
Verne n’a pu le rêver. C’est cela, et c’est aussi
le
cauchemar des visas. Si cette folie furieuse et inutile ne régnait pa
3210
ette folie furieuse et inutile ne régnait pas sur
le
monde d’après-guerre, le problème partir ou rester se résoudrait en t
3211
utile ne régnait pas sur le monde d’après-guerre,
le
problème partir ou rester se résoudrait en termes simples : on verrai
3212
ples : on verrait vite que c’est un faux dilemme.
Le
fait est là : nous allons en dix heures de Lisbonne à New York, de Ne
3213
changeons de continent comme on part en week-end.
Le
mot partir a donc changé de sens. Il a perdu son aura dramatique. Plu
3214
erdu son aura dramatique. Plus question de couper
les
ponts, de brûler les pénates, et autres rites attestant devant les mâ
3215
que. Plus question de couper les ponts, de brûler
les
pénates, et autres rites attestant devant les mânes des ancêtres un c
3216
ler les pénates, et autres rites attestant devant
les
mânes des ancêtres un choix farouche, irrévocable. Se déplacer devien
3217
emps, comme on prend un billet d’aller et retour.
La
poésie des voyages a vécu, la tragédie des départs a vécu. Mais ce qu
3218
d’aller et retour. La poésie des voyages a vécu,
la
tragédie des départs a vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut naître par
3219
t naître parmi nous, c’est un amour plus large de
l’
humain, une conception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de la
3220
n amour plus large de l’humain, une conception de
la
fidélité qui ne soit plus exclusive de la curiosité, un accueil plus
3221
tion de la fidélité qui ne soit plus exclusive de
la
curiosité, un accueil plus ferme et plus souple de la diversité des ê
3222
uriosité, un accueil plus ferme et plus souple de
la
diversité des êtres et des coutumes. Aimez votre terre et quittez-la.
3223
res et des coutumes. Aimez votre terre et quittez-
la
. Quittez-la trois fois et revenez-y trois et quatre fois, selon l’ari
3224
outumes. Aimez votre terre et quittez-la. Quittez-
la
trois fois et revenez-y trois et quatre fois, selon l’arithmétique du
3225
ois fois et revenez-y trois et quatre fois, selon
l’
arithmétique du cœur. Le nomade n’aime pas sa terre, n’y revient donc
3226
ois et quatre fois, selon l’arithmétique du cœur.
Le
nomade n’aime pas sa terre, n’y revient donc jamais vraiment. Le pays
3227
e pas sa terre, n’y revient donc jamais vraiment.
Le
paysan n’aime que sa terre, ne l’aime donc pas de la meilleure manièr
3228
amais vraiment. Le paysan n’aime que sa terre, ne
l’
aime donc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et l
3229
paysan n’aime que sa terre, ne l’aime donc pas de
la
meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et la comparaison. Il f
3230
onc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout
le
reste, et la comparaison. Il faut s’ouvrir. Il faut aimer. Il faut ce
3231
meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et
la
comparaison. Il faut s’ouvrir. Il faut aimer. Il faut cesser de trouv
3232
l faut cesser de trouver cela nigaud, et de faire
le
coq de village tout hérissé, griffu, inefficace. Circulez donc, allez
3233
allez voir, et aimez. Puis choisissez. Revenez si
le
cœur vous en dit. Mais je sais bien qu’il y a les visas. N’acceptons
3234
le cœur vous en dit. Mais je sais bien qu’il y a
les
visas. N’acceptons pas que cet accident tardif de la démence national
3235
visas. N’acceptons pas que cet accident tardif de
la
démence nationaliste dénature le problème humain. Lançons une campagn
3236
cident tardif de la démence nationaliste dénature
le
problème humain. Lançons une campagne mondiale pour la suppression de
3237
oblème humain. Lançons une campagne mondiale pour
la
suppression des visas, de ces anachronismes scandaleux qui nous empêc
3238
nismes scandaleux qui nous empêchent de rejoindre
le
siècle, de l’habiter et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à
3239
eux qui nous empêchent de rejoindre le siècle, de
l’
habiter et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre
3240
ècle, de l’habiter et d’user de ses dons. Forçons
les
gouvernants à nous répondre : à quoi servent ces barrages de tampons
3241
servent ces barrages de tampons ? Comment peut-on
les
justifier ? Ils n’ont pas arrêté un seul espion, tout en causant la p
3242
n’ont pas arrêté un seul espion, tout en causant
la
perte des milliers d’innocents. Ils rendent vains les progrès matérie
3243
perte des milliers d’innocents. Ils rendent vains
les
progrès matériels dont notre basse époque pourrait encore s’enorgueil
3244
rait encore s’enorgueillir. Ils représentent dans
l’
esprit des modernes la Fatalité imbécile. Pourquoi donc les acceptons-
3245
llir. Ils représentent dans l’esprit des modernes
la
Fatalité imbécile. Pourquoi donc les acceptons-nous, comme des mouton
3246
des modernes la Fatalité imbécile. Pourquoi donc
les
acceptons-nous, comme des moutons, sans qu’une voix ne proteste ? u
3247
Rougemont Denis de, « Faut-il rentrer ? », Pour
la
Victoire, New York, 4 mai 1946, p. 1-2.
3248
« Selon Denis de Rougemont,
le
centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 m
3249
t rentré d’Amérique. Il nous en parle simplement,
avec
ce sens de l’équilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’em
3250
que. Il nous en parle simplement, avec ce sens de
l’
équilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le pr
3251
rle simplement, avec ce sens de l’équilibre et de
la
mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le prochain aussi, ce
3252
uilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent
l’
empreinte. Le prochain aussi, ce Vivre en Amérique que Stock publier
3253
la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte.
Le
prochain aussi, ce Vivre en Amérique que Stock publiera cet automne
3254
. Nous questionnons : Dites-nous quels sentiments
le
contact avec la civilisation américaine éveille chez un Européen ? En
3255
tionnons : Dites-nous quels sentiments le contact
avec
la civilisation américaine éveille chez un Européen ? En arrivant là-
3256
ons : Dites-nous quels sentiments le contact avec
la
civilisation américaine éveille chez un Européen ? En arrivant là-bas
3257
eille chez un Européen ? En arrivant là-bas, on a
l’
impression très nette de pénétrer dans une autre civilisation. Une imp
3258
eaucoup plus forte que celle qu’éveillent en nous
les
livres ou même le cinéma. Un sentiment qui dure : pour moi, il a duré
3259
que celle qu’éveillent en nous les livres ou même
le
cinéma. Un sentiment qui dure : pour moi, il a duré pendant six ans.
3260
duré pendant six ans. Ceci est surtout vrai pour
les
mœurs, leur détail. Les jugements moraux y sont très différents de ce
3261
eci est surtout vrai pour les mœurs, leur détail.
Les
jugements moraux y sont très différents de ceux de l’Europe. Là-bas,
3262
ugements moraux y sont très différents de ceux de
l’
Europe. Là-bas, certaines choses vont de soi ; chez nous, elles parais
3263
France, par exemple, il était bien vu de tricher
avec
le fisc ; on s’en vantait. En Amérique, la chose est mal vue. Les gen
3264
ce, par exemple, il était bien vu de tricher avec
le
fisc ; on s’en vantait. En Amérique, la chose est mal vue. Les gens t
3265
cher avec le fisc ; on s’en vantait. En Amérique,
la
chose est mal vue. Les gens trichent peut-être, mais je n’en suis pas
3266
s’en vantait. En Amérique, la chose est mal vue.
Les
gens trichent peut-être, mais je n’en suis pas persuadé. L’Américain
3267
ichent peut-être, mais je n’en suis pas persuadé.
L’
Américain s’achète une bonne conscience en payant son dû à l’État. J’a
3268
s’achète une bonne conscience en payant son dû à
l’
État. J’admire beaucoup son sens civique. Quand le citoyen est discipl
3269
l’État. J’admire beaucoup son sens civique. Quand
le
citoyen est discipliné, il n’a pas pour autant l’amour du règlement c
3270
le citoyen est discipliné, il n’a pas pour autant
l’
amour du règlement comme en Suisse… J’ai aussi été sensible à une sort
3271
aussi été sensible à une sorte de loufoquerie de
la
vie américaine. Parfois, on a l’impression que les gens sont un peu f
3272
e loufoquerie de la vie américaine. Parfois, on a
l’
impression que les gens sont un peu fous… Ils chantent dans la rue, vo
3273
la vie américaine. Parfois, on a l’impression que
les
gens sont un peu fous… Ils chantent dans la rue, vous posent les ques
3274
que les gens sont un peu fous… Ils chantent dans
la
rue, vous posent les questions les plus indiscrètes, entrent chez vou
3275
n peu fous… Ils chantent dans la rue, vous posent
les
questions les plus indiscrètes, entrent chez vous sans frapper, vous
3276
s chantent dans la rue, vous posent les questions
les
plus indiscrètes, entrent chez vous sans frapper, vous déclarent sans
3277
ez vous sans frapper, vous déclarent sans ambages
le
montant de leur revenu. Cinq minutes après avoir fait votre connaissa
3278
appellent par votre prénom et vous invitent pour
le
prochain week-end. Aux États-Unis, l’étranger est accueilli avec beau
3279
vitent pour le prochain week-end. Aux États-Unis,
l’
étranger est accueilli avec beaucoup de gentillesse. Les Américains lu
3280
eek-end. Aux États-Unis, l’étranger est accueilli
avec
beaucoup de gentillesse. Les Américains lui font crédit. En Europe, p
3281
anger est accueilli avec beaucoup de gentillesse.
Les
Américains lui font crédit. En Europe, par contre, les liaisons, si e
3282
méricains lui font crédit. En Europe, par contre,
les
liaisons, si elles sont plus rares, sont plus solides et profondes. O
3283
s camarade ; tout cela glisse, change, glisse… Et
l’
inverse ? Quels sont, chez l’Américain, les sentiments éveillés par la
3284
, change, glisse… Et l’inverse ? Quels sont, chez
l’
Américain, les sentiments éveillés par la civilisation européenne ? Il
3285
sse… Et l’inverse ? Quels sont, chez l’Américain,
les
sentiments éveillés par la civilisation européenne ? Il importe de di
3286
nt, chez l’Américain, les sentiments éveillés par
la
civilisation européenne ? Il importe de distinguer entre plusieurs cl
3287
lusieurs classes d’Américains. Ceux qui ont connu
l’
Europe et qui y ont vécu, se distinguent par une sorte de snobisme eur
3288
petite minorité qui affectionne particulièrement
la
France et la Suisse. L’Américain moyen, qui connaît notre continent p
3289
ité qui affectionne particulièrement la France et
la
Suisse. L’Américain moyen, qui connaît notre continent par les journa
3290
ectionne particulièrement la France et la Suisse.
L’
Américain moyen, qui connaît notre continent par les journaux, nous ju
3291
’Américain moyen, qui connaît notre continent par
les
journaux, nous juge assez mal, nous considère comme un pays très comp
3292
sont toujours sur leurs ergots ; des gens en qui
l’
on ne peut pas avoir une grande confiance… Ils voient l’Europe un peu
3293
e peut pas avoir une grande confiance… Ils voient
l’
Europe un peu comme nous voyions les Balkans avant la guerre. Et puis,
3294
ce… Ils voient l’Europe un peu comme nous voyions
les
Balkans avant la guerre. Et puis, ils ont un peu peur de nous ; ils c
3295
urope un peu comme nous voyions les Balkans avant
la
guerre. Et puis, ils ont un peu peur de nous ; ils craignent que nous
3296
urce permanente de désordres et de troubles. Tous
les
nationalismes européens les effraient. De même qu’il y a en Europe un
3297
et de troubles. Tous les nationalismes européens
les
effraient. De même qu’il y a en Europe un grand sentiment de supérior
3298
entiment de supériorité à cause de notre culture,
l’
inverse existe chez les Américains au point de vue du civisme et de la
3299
é à cause de notre culture, l’inverse existe chez
les
Américains au point de vue du civisme et de la politique. Ils ont le
3300
z les Américains au point de vue du civisme et de
la
politique. Ils ont le sentiment d’être decent. Leur opinion est que l
3301
int de vue du civisme et de la politique. Ils ont
le
sentiment d’être decent. Leur opinion est que les Européens ne sont,
3302
le sentiment d’être decent. Leur opinion est que
les
Européens ne sont, eux, pas très decent, qualité qu’un jeune citoyen
3303
sa parole et se tenir propre soi-même »… Quant à
la
masse du centre du pays, elle ne connaît rien de notre continent ; so
3304
e notre continent ; souvent, elle ignore même que
la
Suisse existe. Un GI m’a récemment déclaré : « La Suisse ? Quand est-
3305
la Suisse existe. Un GI m’a récemment déclaré : «
La
Suisse ? Quand est-ce que nous avons bien pu libérer ça ? C’est si pe
3306
i de précision, j’ajouterai que je ne connais que
l’
Amérique la moins éloignée de l’Europe. Si de New York vous passez dan
3307
ion, j’ajouterai que je ne connais que l’Amérique
la
moins éloignée de l’Europe. Si de New York vous passez dans le Middle
3308
je ne connais que l’Amérique la moins éloignée de
l’
Europe. Si de New York vous passez dans le Middlewest, ou en Californi
3309
gnée de l’Europe. Si de New York vous passez dans
le
Middlewest, ou en Californie, ou à La Nouvelle-Orléans, vous ne manqu
3310
passez dans le Middlewest, ou en Californie, ou à
La
Nouvelle-Orléans, vous ne manquez pas d’observer de fortes nuances da
3311
ne manquez pas d’observer de fortes nuances dans
la
civilisation. New York constitue un excellent poste d’observation, pa
3312
ue ses habitants y viennent de partout, de toutes
les
Amériques et de tous les continents. New York résume un peu les États
3313
nt de partout, de toutes les Amériques et de tous
les
continents. New York résume un peu les États-Unis… Mais un jugement d
3314
et de tous les continents. New York résume un peu
les
États-Unis… Mais un jugement d’ensemble est impossible. On peut à peu
3315
est impossible. On peut à peu près tout dire sur
l’
Amérique : ça sera toujours juste quelque part. Je ne cesse personnell
3316
s. Au contraire, ce pays est celui des contrastes
les
plus violents. ⁂ Pensez-vous qu’à l’issue de cette dernière guerre, o
3317
ays est celui des contrastes les plus violents. ⁂
Pensez
-vous qu’à l’issue de cette dernière guerre, on puisse affirmer que le
3318
contrastes les plus violents. ⁂ Pensez-vous qu’à
l’
issue de cette dernière guerre, on puisse affirmer que le centre de gr
3319
de cette dernière guerre, on puisse affirmer que
le
centre de gravité du monde s’est déplacé en Amérique ? Très nettement
3320
cé en Amérique ? Très nettement. Vue de New York,
l’
Europe constitue une espèce de glacis ou s’affrontent le monde anglo-s
3321
pe constitue une espèce de glacis ou s’affrontent
le
monde anglo-saxon et le monde russe. On a fortement l’impression de l
3322
de glacis ou s’affrontent le monde anglo-saxon et
le
monde russe. On a fortement l’impression de l’existence de deux pôles
3323
nde anglo-saxon et le monde russe. On a fortement
l’
impression de l’existence de deux pôles d’attraction : l’Amérique et l
3324
et le monde russe. On a fortement l’impression de
l’
existence de deux pôles d’attraction : l’Amérique et la Russie. Cette
3325
ssion de l’existence de deux pôles d’attraction :
l’
Amérique et la Russie. Cette impression est une réalité. Quant à notre
3326
stence de deux pôles d’attraction : l’Amérique et
la
Russie. Cette impression est une réalité. Quant à notre continent, il
3327
hamp de bataille en puissance. Cela change toutes
les
perspectives. Le problème France-Allemagne n’a aujourd’hui plus grand
3328
n puissance. Cela change toutes les perspectives.
Le
problème France-Allemagne n’a aujourd’hui plus grande importance ; il
3329
’a aujourd’hui plus grande importance ; il a cédé
le
pas au problème Amérique-URSS. Et que pensent les Américains des Russ
3330
l a cédé le pas au problème Amérique-URSS. Et que
pensent
les Américains des Russes ? L’opinion est extrêmement mélangée. En gé
3331
le pas au problème Amérique-URSS. Et que pensent
les
Américains des Russes ? L’opinion est extrêmement mélangée. En généra
3332
-URSS. Et que pensent les Américains des Russes ?
L’
opinion est extrêmement mélangée. En général, les hommes d’affaires vo
3333
? L’opinion est extrêmement mélangée. En général,
les
hommes d’affaires voudraient que ce monde lointain s’ouvre. Le présid
3334
ffaires voudraient que ce monde lointain s’ouvre.
Le
président de la Chambre de commerce américaine est allé en Russie ten
3335
nt que ce monde lointain s’ouvre. Le président de
la
Chambre de commerce américaine est allé en Russie tenir des discours
3336
ours capitalistes… D’autres gens voudraient faire
la
guerre à la Russie sans plus attendre, en se servant de la bombe atom
3337
istes… D’autres gens voudraient faire la guerre à
la
Russie sans plus attendre, en se servant de la bombe atomique, etc. M
3338
à la Russie sans plus attendre, en se servant de
la
bombe atomique, etc. Moscou, qui a toujours eu cette espèce de « comp
3339
e referme trop sur elle-même. Il est difficile de
la
comprendre de l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle
3340
est difficile de la comprendre de l’autre côté de
l’
Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ? La vie scientifique est très r
3341
de la comprendre de l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et
l’
Amérique intellectuelle ? La vie scientifique est très remarquable ; l
3342
côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ?
La
vie scientifique est très remarquable ; l’énergie atomique en est la
3343
elle ? La vie scientifique est très remarquable ;
l’
énergie atomique en est la preuve. La civilisation américaine devient
3344
est très remarquable ; l’énergie atomique en est
la
preuve. La civilisation américaine devient de plus en plus une civili
3345
emarquable ; l’énergie atomique en est la preuve.
La
civilisation américaine devient de plus en plus une civilisation scie
3346
s une civilisation scientifique, par opposition à
la
civilisation plus littéraire, philosophique ou juridique de l’Europe.
3347
on plus littéraire, philosophique ou juridique de
l’
Europe. Dans les écoles américaines, on enseigne aux enfants combien d
3348
ire, philosophique ou juridique de l’Europe. Dans
les
écoles américaines, on enseigne aux enfants combien de calories, de v
3349
saires à leur organisme. Tout le monde a, là-bas,
le
plus grand respect pour les experts en n’importe quoi. Au point de vu
3350
ut le monde a, là-bas, le plus grand respect pour
les
experts en n’importe quoi. Au point de vue littéraire et philosophiqu
3351
s rien de très neuf qui se soit développé pendant
la
guerre ou après. Entre 1918 et 1939, l’Amérique a connu une grande pé
3352
é pendant la guerre ou après. Entre 1918 et 1939,
l’
Amérique a connu une grande période littéraire. Je ne distingue actuel
3353
e ne distingue actuellement pas d’école nouvelle.
Les
jeunes écrivains gardent un œil ouvert sur l’Europe. C’est toujours d
3354
e. Les jeunes écrivains gardent un œil ouvert sur
l’
Europe. C’est toujours de là que vient l’initiative. Ce qu’ils ont de
3355
vert sur l’Europe. C’est toujours de là que vient
l’
initiative. Ce qu’ils ont de plus que nous, c’est un grand art du repo
3356
lus que nous, c’est un grand art du reportage, de
la
description. Ils ont indiscutablement créé le style du grand reportag
3357
de la description. Ils ont indiscutablement créé
le
style du grand reportage. Je connais quelques jeunes poètes, pas du t
3358
t un lyrisme très violent et très coloré… Quant à
l’
Amérique sociale… Socialement parlant, l’ouvrier américain est un bour
3359
Quant à l’Amérique sociale… Socialement parlant,
l’
ouvrier américain est un bourgeois. Il a sa voiture, sa maison ou un a
3360
ois. Il a sa voiture, sa maison ou un appartement
avec
salle de bains. Dans les grandes villes, on remarque de la misère. Ce
3361
aison ou un appartement avec salle de bains. Dans
les
grandes villes, on remarque de la misère. Certains quartiers sont trè
3362
de bains. Dans les grandes villes, on remarque de
la
misère. Certains quartiers sont très tristes. La conscience politique
3363
la misère. Certains quartiers sont très tristes.
La
conscience politique de la classe ouvrière, si vivante chez nous, est
3364
ers sont très tristes. La conscience politique de
la
classe ouvrière, si vivante chez nous, est presque inexistante là-bas
3365
ivante chez nous, est presque inexistante là-bas.
Les
grèves peuvent être violentes, mais cela ne veut pas dire que l’on so
3366
nt être violentes, mais cela ne veut pas dire que
l’
on soit de droite ou de gauche. On fait la grève pour des raisons pure
3367
ire que l’on soit de droite ou de gauche. On fait
la
grève pour des raisons purement pratiques et non au nom du marxisme…
3368
clusion, une « cure d’Amérique » est profitable à
l’
Européen ? Absolument ! Ce que je souhaite, c’est qu’on envoie le plus
3369
solument ! Ce que je souhaite, c’est qu’on envoie
le
plus grand nombre possible d’Européens outre-Atlantique pour y vivre
3370
sement. Je ne vois pas d’hostilité possible entre
les
deux continents — qui se complètent admirablement. Les différences so
3371
eux continents — qui se complètent admirablement.
Les
différences sont fortes, certes ; mais elles sont tout à fait concili
3372
tes ; mais elles sont tout à fait conciliables. À
l’
Amérique, nous pouvons apporter beaucoup de raffinement et un sens des
3373
raffinement et un sens des valeurs spirituelles.
Les
Américains nous apportent la franchise dans la vie, la liberté d’allu
3374
leurs spirituelles. Les Américains nous apportent
la
franchise dans la vie, la liberté d’allure et beaucoup de gentillesse
3375
. Les Américains nous apportent la franchise dans
la
vie, la liberté d’allure et beaucoup de gentillesse. Telle est la « l
3376
éricains nous apportent la franchise dans la vie,
la
liberté d’allure et beaucoup de gentillesse. Telle est la « leçon d’A
3377
té d’allure et beaucoup de gentillesse. Telle est
la
« leçon d’Amérique » que nous a donnée M. Denis de Rougemont. En conc
3378
our cent… w. Rougemont Denis de, « [Entretien]
Le
centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique », L’Il
3379
té du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique »,
L’
Illustré, Lausanne, 16 mai 1946, p. 5 et 23. x. Propos recueillis par
3380
os recueillis par Georges Gygax et introduits par
la
note suivante : « Un écrivain nous est revenu. Il nous est revenu de
3381
n écrivain nous est revenu. Il nous est revenu de
la
lointaine et si proche Amérique, emportant avec lui, pour nous le com
3382
de la lointaine et si proche Amérique, emportant
avec
lui, pour nous le communiquer avec la belle générosité des gens d’esp
3383
si proche Amérique, emportant avec lui, pour nous
le
communiquer avec la belle générosité des gens d’esprit, un riche mess
3384
que, emportant avec lui, pour nous le communiquer
avec
la belle générosité des gens d’esprit, un riche message gonflé de réa
3385
emportant avec lui, pour nous le communiquer avec
la
belle générosité des gens d’esprit, un riche message gonflé de réalit
3386
longtemps, puisqu’il se prépare déjà à repartir à
la
découverte de ce continent qui, à lui seul, constitue un monde. Quell
3387
lleuse exploration pour qui sait respecter, après
l’
avoir établi, le contact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il
3388
on pour qui sait respecter, après l’avoir établi,
le
contact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il ne s’accompagne
3389
sait respecter, après l’avoir établi, le contact
avec
le réel, contact de la pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contac
3390
respecter, après l’avoir établi, le contact avec
le
réel, contact de la pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contact d
3391
avoir établi, le contact avec le réel, contact de
la
pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contact des sens, conduit à l
3392
e s’accompagne pas du contact des sens, conduit à
l’
insondable gouffre de l’abstraction. M. de Rougemont, lui, a vécu l’Am
3393
ntact des sens, conduit à l’insondable gouffre de
l’
abstraction. M. de Rougemont, lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’est pas
3394
re de l’abstraction. M. de Rougemont, lui, a vécu
l’
Amérique. Il ne s’est pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’
3395
, lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’est pas borné à
la
survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est donné à so
3396
mérique. Il ne s’est pas borné à la survoler : il
l’
a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est donné à son expérience créa
3397
elle, il s’est donné à son expérience créatrice.
L’
auteur de Politique de la personne , de Penser avec les mains (quel
3398
n expérience créatrice. L’auteur de Politique de
la
personne , de Penser avec les mains (quel beau titre, solide, puiss
3399
), du Journal d’un intellectuel en chômage , de
L’
Amour et l’Occident , de tant d’autres œuvres auxquelles sa personnali
3400
nal d’un intellectuel en chômage , de L’Amour et
l’
Occident , de tant d’autres œuvres auxquelles sa personnalité a imprim
3401
u de vie, de foi et de vérité, doit être classé à
l’
opposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de la superficialit
3402
ssé à l’opposé absolu de tout ce qui porte en soi
le
germe de la superficialité. Et Dieu seul est capable de dessiner les
3403
sé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de
la
superficialité. Et Dieu seul est capable de dessiner les contours de
3404
erficialité. Et Dieu seul est capable de dessiner
les
contours de ce mot « superficiel », qui gouverne le monde ! Bien avan
3405
contours de ce mot « superficiel », qui gouverne
le
monde ! Bien avant la sanglante tragédie, Denis de Rougemont, dans so
3406
superficiel », qui gouverne le monde ! Bien avant
la
sanglante tragédie, Denis de Rougemont, dans son Journal d’Allemagne
3407
mont, dans son Journal d’Allemagne , définissait
le
national-socialisme, « phénomène à la fois mythique et mystique ». N’
3408
érité aux nations qui s’apprêtaient joyeusement à
la
chute dans l’abîme : « Personne et pensée ne sont point séparables, e
3409
ons qui s’apprêtaient joyeusement à la chute dans
l’
abîme : « Personne et pensée ne sont point séparables, et toutes deux
3410
e dans cet acte unique d’obéissance qui s’appelle
l’
amour du prochain »…
3411
Histoire de singes ou deux secrets de
l’
Europe (16 mai 1946)v Jeune Amérique, vieille Europe. Patrie de l’a
3412
46)v Jeune Amérique, vieille Europe. Patrie de
l’
avenir et patrie de la mémoire. Dynamisme allégé du poids des traditio
3413
, vieille Europe. Patrie de l’avenir et patrie de
la
mémoire. Dynamisme allégé du poids des traditions et querelles ancest
3414
querelles ancestrales qui tournent en rond. C’est
la
rumeur du xxe siècle. Elle a cours en Europe au moins autant qu’aill
3415
nous tenter d’abandon aux prétendues fatalités de
l’
Histoire. Mais il n’est point de fatalité pour l’homme qui ne recule p
3416
l’Histoire. Mais il n’est point de fatalité pour
l’
homme qui ne recule pas devant sa liberté, et qui accepte les risques
3417
i ne recule pas devant sa liberté, et qui accepte
les
risques de son choix. Laissons l’Histoire telle qu’on la simplifie en
3418
et qui accepte les risques de son choix. Laissons
l’
Histoire telle qu’on la simplifie en courbes ascendantes et descendant
3419
ues de son choix. Laissons l’Histoire telle qu’on
la
simplifie en courbes ascendantes et descendantes. Tout peut encore se
3420
eut encore se renverser, et plus d’une fois, dans
les
destins de collectivités aussi complexes que celles que je viens de c
3421
que je viens de citer. Je n’entends pas attaquer
les
jeunes puissances, ni faire l’apologie du vieillissement. Mais j’empr
3422
ends pas attaquer les jeunes puissances, ni faire
l’
apologie du vieillissement. Mais j’emprunterai à des recherches récent
3423
s : ils me paraissent propres à nous persuader de
la
fécondité de certaines valeurs que l’Europe a promues patiemment et q
3424
ersuader de la fécondité de certaines valeurs que
l’
Europe a promues patiemment et qu’elle illustre encore aux yeux du mon
3425
ustre encore aux yeux du monde. Je veux parler de
la
« mémoire » et de l’« expérience historique », qui est celle des épre
3426
du monde. Je veux parler de la « mémoire » et de
l’
« expérience historique », qui est celle des épreuves et des échecs. L
3427
ique », qui est celle des épreuves et des échecs.
L’
étude des singes et de leur attristante psychologie nous révèle que ce
3428
que ces faux ancêtres ne sont guère inférieurs à
l’
homme sous le rapport de l’intelligence ! Leur malheur est qu’ils n’on
3429
ont guère inférieurs à l’homme sous le rapport de
l’
intelligence ! Leur malheur est qu’ils n’ont aucune mémoire. Ils se vo
3430
ligés chaque matin de reconstruire leur monde, de
l’
apprendre à nouveau et de réinventer les gestes élémentaires. Ce trava
3431
monde, de l’apprendre à nouveau et de réinventer
les
gestes élémentaires. Ce travail de Sisyphe les épuise et les condamne
3432
er les gestes élémentaires. Ce travail de Sisyphe
les
épuise et les condamne à rester singes. Il les réduit à imiter, là où
3433
élémentaires. Ce travail de Sisyphe les épuise et
les
condamne à rester singes. Il les réduit à imiter, là où nous sommes c
3434
he les épuise et les condamne à rester singes. Il
les
réduit à imiter, là où nous sommes capables d’innover en tirant les l
3435
r, là où nous sommes capables d’innover en tirant
les
leçons d’expériences de la veille. Singe est celui qui doit refaire c
3436
s d’innover en tirant les leçons d’expériences de
la
veille. Singe est celui qui doit refaire chaque jour le chemin perdu
3437
lle. Singe est celui qui doit refaire chaque jour
le
chemin perdu pendant la nuit, faute de repères, faute d’un passé viva
3438
doit refaire chaque jour le chemin perdu pendant
la
nuit, faute de repères, faute d’un passé vivant, et faute de traditio
3439
magine qu’il invente sans cesse. Il ne croit qu’à
l’
actualité, aux nouvelles toutes chaudes, à la dernière tactique, et ne
3440
parabole du siècle. Cela se passe on Russie, dans
l’
école de Pavlov, auteur de célèbres travaux sur les réflexes condition
3441
l’école de Pavlov, auteur de célèbres travaux sur
les
réflexes conditionnés des chiens. Ses disciples ont passé des chiens
3442
sé des chiens aux singes. On prend dix singes, on
les
range dans une chambre, le long d’une des parois. À l’autre extrémité
3443
prend dix singes, on les range dans une chambre,
le
long d’une des parois. À l’autre extrémité de la pièce se dresse un g
3444
le long d’une des parois. À l’autre extrémité de
la
pièce se dresse un grand meuble à tiroirs. Dans les tiroirs on a mis
3445
a pièce se dresse un grand meuble à tiroirs. Dans
les
tiroirs on a mis des bananes. Sur un signal donné par une sirène, les
3446
des bananes. Sur un signal donné par une sirène,
les
singes sont lâchés dans la chambre. Ils découvrent bientôt les tiroir
3447
donné par une sirène, les singes sont lâchés dans
la
chambre. Ils découvrent bientôt les tiroirs, ils les ouvrent et dévor
3448
nt lâchés dans la chambre. Ils découvrent bientôt
les
tiroirs, ils les ouvrent et dévorent les bananes. On répète le manège
3449
chambre. Ils découvrent bientôt les tiroirs, ils
les
ouvrent et dévorent les bananes. On répète le manège un grand nombre
3450
bientôt les tiroirs, ils les ouvrent et dévorent
les
bananes. On répète le manège un grand nombre de fois, pour habituer l
3451
ls les ouvrent et dévorent les bananes. On répète
le
manège un grand nombre de fois, pour habituer les animaux à courir ve
3452
le manège un grand nombre de fois, pour habituer
les
animaux à courir vers le meuble au signal. Après un certain temps d’i
3453
de fois, pour habituer les animaux à courir vers
le
meuble au signal. Après un certain temps d’interruption, on ramène le
3454
Après un certain temps d’interruption, on ramène
les
sujets dans la même chambre. La sirène hurle, les singes se précipite
3455
n temps d’interruption, on ramène les sujets dans
la
même chambre. La sirène hurle, les singes se précipitent, arrachent l
3456
ption, on ramène les sujets dans la même chambre.
La
sirène hurle, les singes se précipitent, arrachent les tiroirs — et l
3457
les sujets dans la même chambre. La sirène hurle,
les
singes se précipitent, arrachent les tiroirs — et les trouvent vides.
3458
irène hurle, les singes se précipitent, arrachent
les
tiroirs — et les trouvent vides. La plupart de ces animaux montrent a
3459
singes se précipitent, arrachent les tiroirs — et
les
trouvent vides. La plupart de ces animaux montrent alors les signes e
3460
t vides. La plupart de ces animaux montrent alors
les
signes extérieurs de la crise de nerfs, du « nervous break down » le
3461
s animaux montrent alors les signes extérieurs de
la
crise de nerfs, du « nervous break down » le plus caractérisé ! L’Eur
3462
s de la crise de nerfs, du « nervous break down »
le
plus caractérisé ! L’Européen, que vingt siècles d’histoire accoutumè
3463
, du « nervous break down » le plus caractérisé !
L’
Européen, que vingt siècles d’histoire accoutumèrent à trouver le tiro
3464
vingt siècles d’histoire accoutumèrent à trouver
le
tiroir vide neuf fois sur dix, réagit d’une toute autre manière. Il v
3465
ix, réagit d’une toute autre manière. Il vient de
le
prouver pendant six ans. Il se souvient — non pas de ces épreuves-là
3466
ais de quelque chose de plus profond, qui définit
la
condition humaine. S’agirait-il d’une sorte de méfiance ? Disons plut
3467
de méfiance ? Disons plutôt d’une sobriété devant
le
destin. Il se souvient que tout peut arriver, même le pire. Il presse
3468
estin. Il se souvient que tout peut arriver, même
le
pire. Il pressent que le sort, la science, le monde moderne et sa pro
3469
tout peut arriver, même le pire. Il pressent que
le
sort, la science, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas les g
3470
t arriver, même le pire. Il pressent que le sort,
la
science, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas les garants in
3471
ême le pire. Il pressent que le sort, la science,
le
monde moderne et sa prospérité ne sont pas les garants infaillibles d
3472
ce, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas
les
garants infaillibles d’un bonheur qui lui serait dû. L’échec pour lui
3473
ants infaillibles d’un bonheur qui lui serait dû.
L’
échec pour lui — guerre, privations, retards — n’est pas une déception
3474
’est pas une déception totalement scandaleuse qui
le
laisserait tout béant sur l’absurde, car une obscure sagesse en lui s
3475
ment scandaleuse qui le laisserait tout béant sur
l’
absurde, car une obscure sagesse en lui s’y attendait ; elle le tenait
3476
r une obscure sagesse en lui s’y attendait ; elle
le
tenait prêt à subir en souplesse les mécomptes, à vrai dire normaux,
3477
endait ; elle le tenait prêt à subir en souplesse
les
mécomptes, à vrai dire normaux, de l’optimisme automatique conditionn
3478
souplesse les mécomptes, à vrai dire normaux, de
l’
optimisme automatique conditionné par la publicité et les sirènes du p
3479
rmaux, de l’optimisme automatique conditionné par
la
publicité et les sirènes du progrès. Et c’est pourquoi il tiendra le
3480
misme automatique conditionné par la publicité et
les
sirènes du progrès. Et c’est pourquoi il tiendra le coup. v. Rouge
3481
sirènes du progrès. Et c’est pourquoi il tiendra
le
coup. v. Rougemont Denis de, « Histoire de singes ou deux secrets
3482
Denis de, « Histoire de singes ou deux secrets de
l’
Europe », Servir, Lausanne, 16 mai 1946, p. 1.
3483
La
pensée planétaire (30 mai 1946)y Le xxe siècle est en train de dé
3484
La pensée planétaire (30 mai 1946)y
Le
xxe siècle est en train de découvrir ce qu’on savait depuis un certa
3485
on n’avait jamais très bien compris, à savoir que
la
terre est ronde. D’où il résulte, entre autres conséquences, que si v
3486
utres conséquences, que si vous tirez devant vous
avec
une arme assez puissante vous recevrez le projectile dans le dos, au
3487
vous avec une arme assez puissante vous recevrez
le
projectile dans le dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelq
3488
assez puissante vous recevrez le projectile dans
le
dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelque chose d’importan
3489
gnifie quelque chose d’important : c’est que tout
le
mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairem
3490
a bientôt nécessairement, si nos moyens passent à
l’
échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fu
3491
nt, si nos moyens passent à l’échelle planétaire.
La
flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des pr
3492
ssent à l’échelle planétaire. La flèche servait à
la
guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à
3493
ire. La flèche servait à la guerre des villages ;
le
fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ;
3494
che servait à la guerre des villages ; le fusil à
la
guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion
3495
s villages ; le fusil à la guerre des provinces ;
le
canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents
3496
; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à
la
guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la
3497
provinces ; le canon à la guerre des nations ; et
l’
avion à la guerre des continents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-ell
3498
; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à
la
guerre des continents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-elle ? À la g
3499
ns ; et l’avion à la guerre des continents. Voici
la
Bombe. À quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire à
3500
inents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-elle ? À
la
guerre planétaire, c’est-à-dire à une guerre qui nous atteint tous, e
3501
ous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes.
Les
dimensions de la communauté normale, pour une époque donnée, me parai
3502
e faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de
la
communauté normale, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir êtr
3503
que donnée, me paraissent pouvoir être mesurées à
la
portée des armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les prémic
3504
s armes connues dans cette époque. (Vous avez ici
les
prémices d’une théorie sociologique flambant neuve !) À l’arme planét
3505
es d’une théorie sociologique flambant neuve !) À
l’
arme planétaire correspond donc une communauté universelle, qui relègu
3506
pond donc une communauté universelle, qui relègue
les
nations au rang de simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques
3507
ues instants dans ce jeu gravitant des symboles :
la
Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée p
3508
ts dans ce jeu gravitant des symboles : la Terre,
le
Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et
3509
jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe,
la
Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout te
3510
tant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule,
la
Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme
3511
symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête,
la
Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme objet ron
3512
Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et
l’
Unité considérée partout et de tout temps comme objet rond, pomme, sph
3513
rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce soit
l’
Univers ou l’Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le micr
3514
sphère ou sceptre d’or, que ce soit l’Univers ou
l’
Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond
3515
ceptre d’or, que ce soit l’Univers ou l’Empire ou
l’
Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocos
3516
que ce soit l’Univers ou l’Empire ou l’Atome. Ici
les
extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre s
3517
Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent.
Le
microcosme répond au macrocosme. Si notre siècle arrive à digérer et
3518
il aura fait une révolution bien plus grande que
la
Renaissance. Il semble que la dernière guerre a beaucoup fait pour év
3519
ernière guerre a beaucoup fait pour éveiller dans
les
nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette pl
3520
re a beaucoup fait pour éveiller dans les nations
le
sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie
3521
dans les nations le sentiment de leur relativité.
La
guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montm
3522
ntmartre, intéressa pendant dix ans, directement,
la
vie courante des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’A
3523
habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de
l’
Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en subit
3524
ues Nord, Centre, Sud, et de l’Asie, c’est-à-dire
la
moitié du genre humain. L’autre moitié en subit les effets moins dire
3525
a moitié du genre humain. L’autre moitié en subit
les
effets moins directs, mais pourtant notables : les Français eussent m
3526
es effets moins directs, mais pourtant notables :
les
Français eussent mieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n
3527
Français eussent mieux mangé, en 1944 et 1945, si
les
cargos alliés n’avaient pas été trop occupés dans le Pacifique. Les A
3528
cargos alliés n’avaient pas été trop occupés dans
le
Pacifique. Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solida
3529
n’avaient pas été trop occupés dans le Pacifique.
Les
Anglais eussent peut-être voté différemment. La solidarité pratique d
3530
Les Anglais eussent peut-être voté différemment.
La
solidarité pratique des différentes parties du globe est un fait dure
3531
ermédiaire, qui est celle du fait psychologique :
la
formation d’une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas d
3532
es, Londoniens, Madrilènes, Parisiens ou Romains,
avec
nos clans, nos écoles, nos partis et nos disputes centenaires ou quin
3533
tis et nos disputes centenaires ou quinquennales,
avec
nos allusions perfides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si l’
3534
fides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si
l’
on se déplace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien
3535
s d’avion. Ce n’est rien de traduire une langue :
les
problèmes nationaux restent intraduisibles pour qui ne peut y aller v
3536
ous n’apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour
le
paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leur
3537
n. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et
le
boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que l
3538
ne pourront plus boucler leurs comptes parce que
les
Noirs se seront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mine
3539
ront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et
les
mineurs du pays de Galles n’auront plus de viande pendant des mois, p
3540
auront plus de viande pendant des mois, parce que
les
péons d’Argentine se seront enfin organisés contre les grands « estan
3541
éons d’Argentine se seront enfin organisés contre
les
grands « estancieros ». Vous pourrez toujours essayer d’expliquer aux
3542
rrez toujours essayer d’expliquer aux victimes de
la
crise que ce n’est pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie amér
3543
pliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas
la
faute des députés ni de l’« hypocrisie américaine »… Que faire ? Tout
3544
crise que ce n’est pas la faute des députés ni de
l’
« hypocrisie américaine »… Que faire ? Tout le monde ne peut pas tout
3545
out savoir, encore moins tout voir et comprendre.
Les
problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent p
3546
core moins tout voir et comprendre. Les problèmes
les
plus angoissants de nos compagnons de planète restent pour nous terre
3547
ent inexplorées. « Hic sunt leones » inscrivaient
les
géographes du Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’
3548
s » inscrivaient les géographes du Moyen Âge dans
les
grandes marges de leurs cartes de l’Europe, « ici vivent les lions ».
3549
en Âge dans les grandes marges de leurs cartes de
l’
Europe, « ici vivent les lions ». Et pourtant nous sommes destinés à d
3550
marges de leurs cartes de l’Europe, « ici vivent
les
lions ». Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ces
3551
cessité qu’il faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt
la
presse, et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, s
3552
faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse, et
la
radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges
3553
rd sentir. Et qu’aussitôt la presse, et la radio,
le
cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges rubriques
3554
ussitôt la presse, et la radio, le cinéma surtout
l’
éveillent et la propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’
3555
se, et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et
la
propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est p
3556
nde bien, mais de sens, de vision, d’ouverture de
l’
esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de poé
3557
estion de poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous
les
écrivains français, ceux que je vois manifester le sentiment le plus
3558
s écrivains français, ceux que je vois manifester
le
sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont pré
3559
rançais, ceux que je vois manifester le sentiment
le
plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux
3560
je vois manifester le sentiment le plus direct et
le
plus contagieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint
3561
sentiment le plus direct et le plus contagieux de
la
planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anaba
3562
ieux de la planète sont précisément deux poètes :
le
Saint-John Perse de l’Anabase et de l’Exil, et Paul Claudel, notre gr
3563
x poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de
l’
Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur pro
3564
rose et dans leurs longs versets, quel qu’en soit
le
sujet allégué, nous avons pour la première fois senti, sous le drapé
3565
gué, nous avons pour la première fois senti, sous
le
drapé d’un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, l
3566
sous le drapé d’un français riche et pur, battre
le
pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire de
3567
français riche et pur, battre le pouls mesuré de
l’
Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur de
3568
s riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie,
le
cœur violent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur de Boule q
3569
ue fut « Saint-Ex »13, le premier qui me parla de
la
Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime ? Sinon qu’il fut
3570
action, en vision créatrice. 13. Saint-Exupéry,
l’
auteur de Vol de Nuit et de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de,
3571
t de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de, «
La
pensée planétaire », Servir, Lausanne, 30 mai 1946, p. 1.
3572
La
fin du monde (juin 1946)aa Æternitas non est temporis successio s
3573
uccessio sine fine, sed nunc stans. Parmi toutes
les
libertés que la pensée se donne lorsque, se dégageant de notre condit
3574
e, sed nunc stans. Parmi toutes les libertés que
la
pensée se donne lorsque, se dégageant de notre condition, elle imagin
3575
condition, elle imagine des idées qui détruisent
l’
homme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l
3576
n, elle imagine des idées qui détruisent l’homme,
l’
on rencontre sans trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de
3577
uisent l’homme, l’on rencontre sans trop d’effroi
l’
idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détr
3578
omme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’idée de
l’
homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’id
3579
re sans trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ;
l’
idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qu
3580
op d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de
l’
homme qui pense cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qui pensez,
3581
l’idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui
pense
cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qui pensez, un jour ne sere
3582
l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ;
l’
idée que vous, et qui pensez, un jour ne serez plus, un jour serez un
3583
nse cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qui
pensez
, un jour ne serez plus, un jour serez un mort. Si « macabre » désigne
3584
serez un mort. Si « macabre » désigne assez bien
l’
étrangeté de la mort des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire
3585
Si « macabre » désigne assez bien l’étrangeté de
la
mort des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire de sa propre mo
3586
e mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens, de
la
méditation que je poursuis entre ces phrases, dans cette matinée blan
3587
’arrête avant midi, pour moi ? Je ne sens pas que
l’
idée soit tragique : elle m’appartient, je puis en disposer, feindre a
3588
qu’une ruse cousue de fil blanc de ma vitalité :
la
seule pensée que mon souffle puisse, dans quelques instants, s’arrête
3589
Et cela ne signifie point que nous n’ayons jamais
pensé
à notre mort avec une rapide angoisse — nous y pensons bien plus que
3590
point que nous n’ayons jamais pensé à notre mort
avec
une rapide angoisse — nous y pensons bien plus que nous n’osons le cr
3591
sé à notre mort avec une rapide angoisse — nous y
pensons
bien plus que nous n’osons le croire, sans doute ne pensons-nous qu’à
3592
oisse — nous y pensons bien plus que nous n’osons
le
croire, sans doute ne pensons-nous qu’à elle — mais nous n’avons jama
3593
en plus que nous n’osons le croire, sans doute ne
pensons
-nous qu’à elle — mais nous n’avons jamais pu penser notre mort. Conte
3594
sons-nous qu’à elle — mais nous n’avons jamais pu
penser
notre mort. Contester là-dessus serait fournir l’aveu d’une impuissan
3595
er notre mort. Contester là-dessus serait fournir
l’
aveu d’une impuissance à comprendre le mot penser dans son sens fort.
3596
ait fournir l’aveu d’une impuissance à comprendre
le
mot penser dans son sens fort. Car penser sa mort réellement, ce sera
3597
rnir l’aveu d’une impuissance à comprendre le mot
penser
dans son sens fort. Car penser sa mort réellement, ce serait aussitôt
3598
comprendre le mot penser dans son sens fort. Car
penser
sa mort réellement, ce serait aussitôt mourir. Peut-être avons-nous l
3599
e serait aussitôt mourir. Peut-être avons-nous là
le
seul critère d’une perfection intellectuelle, et l’on conçoit que son
3600
seul critère d’une perfection intellectuelle, et
l’
on conçoit que son application ne puisse être ni rapportée ni répétée.
3601
ragiques, c’est-à-dire sans appel. Ontologie de
la
fin Pour que nous apparaisse parfois l’étrangeté d’une telle situa
3602
gie de la fin Pour que nous apparaisse parfois
l’
étrangeté d’une telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’
3603
aisse parfois l’étrangeté d’une telle situation —
la
nôtre à tous — ne faut-il pas qu’une instance mystérieuse aimante not
3604
e mystérieuse aimante notre méditation et qu’elle
la
fixe sur cela que le naturel se refuse à prendre au sérieux ? Car si
3605
notre méditation et qu’elle la fixe sur cela que
le
naturel se refuse à prendre au sérieux ? Car si nous restons impuissa
3606
re au sérieux ? Car si nous restons impuissants à
penser
notre mort dans le vif, ce phénomène doit normalement être aperçu com
3607
nous restons impuissants à penser notre mort dans
le
vif, ce phénomène doit normalement être aperçu comme négligeable ; et
3608
aperçu comme négligeable ; et s’y attarder serait
le
fait d’une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’utopie deva
3609
’une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à
l’
utopie devant ma mort. De là vient que l’humanité, dans son ensemble,
3610
e crie à l’utopie devant ma mort. De là vient que
l’
humanité, dans son ensemble, résiste instinctivement à la pensée de la
3611
ité, dans son ensemble, résiste instinctivement à
la
pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bie
3612
ensemble, résiste instinctivement à la pensée de
la
Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’app
3613
pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de
la
« réaliser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à la rendre ab
3614
orces de la « réaliser », bien plus, s’applique à
la
disqualifier, à la rendre abstraite et lointaine, à la chasser à tout
3615
ser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à
la
rendre abstraite et lointaine, à la chasser à tout jamais dans un fut
3616
squalifier, à la rendre abstraite et lointaine, à
la
chasser à tout jamais dans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi
3617
er à tout jamais dans un futur indéfini. Ainsi de
l’
homme, ainsi de l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l’ho
3618
ans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi de
l’
humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l’homme meurt. Pourquo
3619
l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire,
l’
homme meurt. Pourquoi suis-je donc ici à remuer ces choses ? Il est vr
3620
ici à remuer ces choses ? Il est vrai que ce sont
les
seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que le t
3621
choses ? Il est vrai que ce sont les seules dont
l’
intérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que le temps va toujour
3622
i que ce sont les seules dont l’intérêt grandisse
avec
le temps, si l’on admet que le temps va toujours dans le même sens :
3623
ce sont les seules dont l’intérêt grandisse avec
le
temps, si l’on admet que le temps va toujours dans le même sens : ver
3624
seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, si
l’
on admet que le temps va toujours dans le même sens : vers sa fin. Mai
3625
ntérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que
le
temps va toujours dans le même sens : vers sa fin. Mais c’est une mau
3626
emps, si l’on admet que le temps va toujours dans
le
même sens : vers sa fin. Mais c’est une mauvaise raison. Depuis qu’il
3627
aise raison. Depuis qu’il court ainsi, mesuré par
les
saisons régulières, le temps nous endort bien plutôt qu’il ne nous av
3628
l court ainsi, mesuré par les saisons régulières,
le
temps nous endort bien plutôt qu’il ne nous avertit de son but. Si l’
3629
bien plutôt qu’il ne nous avertit de son but. Si
l’
homme savait un jour ce qu’il en est de son destin et de sa liberté, s
3630
est de son destin et de sa liberté, s’il voyait à
l’
œil nu, leur sens dernier et l’enjeu véritable de ses choix, à qui rev
3631
rté, s’il voyait à l’œil nu, leur sens dernier et
l’
enjeu véritable de ses choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ?
3632
l’enjeu véritable de ses choix, à qui reviendrait
l’
empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne ra
3633
choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À
l’
Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait pas avec moins d
3634
de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ?
Le
sage ne raillerait pas avec moins d’envie le débauché, dont il faudra
3635
ste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait pas
avec
moins d’envie le débauché, dont il faudrait encore plaindre l’arrière
3636
me ? Le sage ne raillerait pas avec moins d’envie
le
débauché, dont il faudrait encore plaindre l’arrière-pensée, l’impuis
3637
vie le débauché, dont il faudrait encore plaindre
l’
arrière-pensée, l’impuissance à choisir sans retour. Vivre est impur,
3638
ont il faudrait encore plaindre l’arrière-pensée,
l’
impuissance à choisir sans retour. Vivre est impur, qu’on sache ou non
3639
retour. Vivre est impur, qu’on sache ou non où va
la
vie, et c’est pourquoi les bonnes raisons n’expliquent pas notre réal
3640
u’on sache ou non où va la vie, et c’est pourquoi
les
bonnes raisons n’expliquent pas notre réalité, mais seulement ce qui
3641
pliquent pas notre réalité, mais seulement ce qui
la
condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a les meilleures raisons du mond
3642
éalité, mais seulement ce qui la condamne. Ainsi,
la
pensée de la Fin a les meilleures raisons du monde d’être pensée ; to
3643
seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de
la
Fin a les meilleures raisons du monde d’être pensée ; toutefois l’eff
3644
ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a
les
meilleures raisons du monde d’être pensée ; toutefois l’effort entier
3645
leures raisons du monde d’être pensée ; toutefois
l’
effort entier de notre vie la neutralise. D’où vient alors cette prise
3646
e pensée ; toutefois l’effort entier de notre vie
la
neutralise. D’où vient alors cette prise de conscience, d’une menace,
3647
prise de conscience, d’une menace, mais aussi de
l’
incapacité où se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ? D’où vi
3648
e menace, mais aussi de l’incapacité où se trouve
l’
homme à penser concrètement sa fin ? D’où vient qu’imperceptible encor
3649
mais aussi de l’incapacité où se trouve l’homme à
penser
concrètement sa fin ? D’où vient qu’imperceptible encore au plus gran
3650
imperceptible encore au plus grand nombre, à tous
les
lettrés sans esprit, la pensée de la catastrophe s’acclimate lentemen
3651
lus grand nombre, à tous les lettrés sans esprit,
la
pensée de la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sin
3652
bre, à tous les lettrés sans esprit, la pensée de
la
catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon de la Fin
3653
s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon de
la
Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’écrir
3654
, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de
la
Réalité qui m’a pressé d’écrire ces pages et qui pourrait suspendre i
3655
, me jetant dans mon jugement ? S’il nous vient à
l’
idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est l
3656
t dans mon jugement ? S’il nous vient à l’idée de
penser
notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise déjà q
3657
l nous vient à l’idée de penser notre mort, c’est
la
Mort en nous qui se pense, c’est la Crise déjà qui affleure, nous ave
3658
e penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se
pense
, c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’attes
3659
e mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est
la
Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’atteste. La
3660
c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de
la
Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en so
3661
ise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et
l’
atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en son temps, qu
3662
ffleure, nous avertit de la Fin, et l’atteste.
La
crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en son temps, qu’aux yeux de c
3663
s avertit de la Fin, et l’atteste. La crise
Le
Bas-Empire ne fut « bas », en son temps, qu’aux yeux de ceux qu’une r
3664
de ceux qu’une réalité nouvelle illuminait. Sans
la
vie, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mai
3665
ité nouvelle illuminait. Sans la vie, que dire de
la
mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle encor
3666
inait. Sans la vie, que dire de la mort ? Et sans
la
Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle encore confusément. Nou
3667
que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de
la
durée ? Mais tout se mêle encore confusément. Nous sommes là comme en
3668
ent. Nous sommes là comme en rêve, empêtrés, dans
le
sentiment d’une urgence que nous ne parvenons pas à distinguer avec d
3669
ne urgence que nous ne parvenons pas à distinguer
avec
des yeux bien dessillés. C’est assez pour l’angoisse et trop peu pour
3670
er avec des yeux bien dessillés. C’est assez pour
l’
angoisse et trop peu pour agir. Ainsi le grand décret de crise qui sév
3671
ssez pour l’angoisse et trop peu pour agir. Ainsi
le
grand décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle n’est qu’une pre
3672
siècle n’est qu’une première parole, ambiguë, de
la
Fin. Une première demande d’informer. Non pas encore l’Arrêt dernier,
3673
. Une première demande d’informer. Non pas encore
l’
Arrêt dernier, mais déjà ce ralentissement qui nous fait accéder à la
3674
is déjà ce ralentissement qui nous fait accéder à
la
conscience obscure d’un danger proche, — ce crépuscule qui est peut-ê
3675
e, — ce crépuscule qui est peut-être une aube, et
la
frange de cet éclat qui doit consumer toute chair. Dans cette lueur s
3676
cette lueur suspecte, risque un jour d’apparaître
la
face réelle de la Terre. Et déjà, par intermittence, certains, ont en
3677
te, risque un jour d’apparaître la face réelle de
la
Terre. Et déjà, par intermittence, certains, ont entrevu et tenté de
3678
mittence, certains, ont entrevu et tenté de juger
les
buts réels de notre marche séculaire. Que savons-nous du sens de notr
3679
ns de notre civilisation ? Quelle est sa fin, dès
l’
origine, quel est son rêve ? La grandeur ? Nous avons détruit toute me
3680
le est sa fin, dès l’origine, quel est son rêve ?
La
grandeur ? Nous avons détruit toute mesure, et plus rien n’est grand
3681
etit, mais toute chose sans répit nous provoque à
la
dépasser. La liberté ? Nous avons encombré la terre entière de barriè
3682
ute chose sans répit nous provoque à la dépasser.
La
liberté ? Nous avons encombré la terre entière de barrières destinées
3683
e à la dépasser. La liberté ? Nous avons encombré
la
terre entière de barrières destinées à protéger sa course. L’amour ?
3684
ière de barrières destinées à protéger sa course.
L’
amour ? La solidarité ? Ce sont des idéaux de ligues, des mots qu’on n
3685
rrières destinées à protéger sa course. L’amour ?
La
solidarité ? Ce sont des idéaux de ligues, des mots qu’on n’ose plus
3686
des mots qu’on n’ose plus employer qu’au dessert.
La
richesse ? Voici qu’elle n’est plus à la portée des mains humaines, e
3687
dessert. La richesse ? Voici qu’elle n’est plus à
la
portée des mains humaines, elle n’est plus qu’un symbole chiffré dési
3688
chesse ? Voici qu’elle n’est plus à la portée des
mains
humaines, elle n’est plus qu’un symbole chiffré désignant des puissan
3689
elle reste liée au rêve d’activité qui tourmente
l’
Occident depuis des siècles. Mais ce rêve, à son tour se trouble ; il
3690
se trouble ; il faiblit, il ne couvre plus toute
l’
étendue de la conscience humaine… Car notre volonté n’est plus de conq
3691
il faiblit, il ne couvre plus toute l’étendue de
la
conscience humaine… Car notre volonté n’est plus de conquérir, mais s
3692
n’est plus de conquérir, mais seulement d’assurer
la
vie du plus grand nombre contre les créations catastrophiques des Hér
3693
ment d’assurer la vie du plus grand nombre contre
les
créations catastrophiques des Héros ou des grands Névrosés. Un doute
3694
es de moralistes tardivement ressaisis, d’évaluer
les
conquêtes futures. Signe évident que nous les redoutons. (Si le temps
3695
uer les conquêtes futures. Signe évident que nous
les
redoutons. (Si le temps, désormais, travaillait contre nous ?) Et le
3696
utures. Signe évident que nous les redoutons. (Si
le
temps, désormais, travaillait contre nous ?) Et le monde entier s’org
3697
e temps, désormais, travaillait contre nous ?) Et
le
monde entier s’organise à ce niveau de vie moyenne qui paraît offrir
3698
se à ce niveau de vie moyenne qui paraît offrir à
la
mort, comme à tout acte créateur, le moins de chances. Un vaste systè
3699
aît offrir à la mort, comme à tout acte créateur,
le
moins de chances. Un vaste système d’assurances s’étend sur toutes no
3700
nos activités : plans et pactes, statistiques de
l’
imprévu, eugénisme et longévité, clercs au pas ou stérilisés, guerre h
3701
ngévité, clercs au pas ou stérilisés, guerre hors
la
loi, sécurité d’abord. Nous apprenons à vivre, et non plus à mourir :
3702
et effort est contre nature. Il naît au déclin de
la
vie, et fatalement se retourne contre elle. Nous voulons échapper au
3703
apper au temps, à sa menace, mais c’est peut-être
le
meilleur ou le seul moyen d’anticiper sa fin : la fin du temps, la Fi
3704
à sa menace, mais c’est peut-être le meilleur ou
le
seul moyen d’anticiper sa fin : la fin du temps, la Fin du Monde. Car
3705
le meilleur ou le seul moyen d’anticiper sa fin :
la
fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut que l’assurance mondial
3706
seul moyen d’anticiper sa fin : la fin du temps,
la
Fin du Monde. Car il se peut que l’assurance mondiale que nous tenton
3707
fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut que
l’
assurance mondiale que nous tentons d’organiser, aménage notre ruine c
3708
ganiser, aménage notre ruine collective : lorsque
la
terre entière soumise au seul pouvoir du chiffre dépendra d’une centr
3709
re dépendra d’une centrale unique, il suffira que
l’
Ange de la Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous
3710
a d’une centrale unique, il suffira que l’Ange de
la
Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous serons pr
3711
unique, il suffira que l’Ange de la Fin saisisse
les
commandes pour accomplir le Temps… Et nous serons pris au dépourvu, c
3712
e de la Fin saisisse les commandes pour accomplir
le
Temps… Et nous serons pris au dépourvu, comme nulle autre génération.
3713
vu, comme nulle autre génération. Car, tandis que
le
temps s’écoule, à mesure que sa fin s’approche, notre foi diminue, no
3714
proche, notre foi diminue, notre attente faiblit.
La
primitive Église, au début de notre ère, vivait dans la pensée de la
3715
mitive Église, au début de notre ère, vivait dans
la
pensée de la fin imminente. Mais parmi nous, qui avons cru pouvoir él
3716
, au début de notre ère, vivait dans la pensée de
la
fin imminente. Mais parmi nous, qui avons cru pouvoir éliminer cette
3717
tre vie, voici qu’un destin ironique se charge de
l’
approfondir. Non pas le temps, mais notre œuvre elle-même. Pour la pre
3718
stin ironique se charge de l’approfondir. Non pas
le
temps, mais notre œuvre elle-même. Pour la première fois dans l’histo
3719
notre œuvre elle-même. Pour la première fois dans
l’
histoire du monde, nous pouvons calculer le prix de revient d’une dest
3720
s dans l’histoire du monde, nous pouvons calculer
le
prix de revient d’une destruction de l’humanité : la somme de nos bud
3721
calculer le prix de revient d’une destruction de
l’
humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertissem
3722
prix de revient d’une destruction de l’humanité :
la
somme de nos budgets de Défense nationale. Avertissement Votre
3723
ionale. Avertissement Votre refuge est dans
la
masse et son Histoire. Vous vous dites en secret qu’elle ne peut pas
3724
lle ne possède pas de vie réelle, et ne peut donc
penser
sa fin, ni rien. Elle ne peut être en soi pensée, et l’homme en elle
3725
fin, ni rien. Elle ne peut être en soi pensée, et
l’
homme en elle reste à peu près dénué de réalité, jusqu’au jour où la F
3726
ste à peu près dénué de réalité, jusqu’au jour où
la
Fin le pense. Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce
3727
eu près dénué de réalité, jusqu’au jour où la Fin
le
pense. Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui es
3728
près dénué de réalité, jusqu’au jour où la Fin le
pense
. Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui est réel
3729
r où la Fin le pense. Et c’est là son tragique et
l’
humour de la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la prése
3730
le pense. Et c’est là son tragique et l’humour de
la
Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la présence éternell
3731
Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste
la
présence éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens d’éternité à
3732
l, tout ce qui manifeste la présence éternelle de
la
Fin, tout ce qui donne un sens d’éternité à vos singeries, vous l’app
3733
ui donne un sens d’éternité à vos singeries, vous
l’
appelez exagéré, démesuré. Écoutez-moi : s’il se trouvait que le monde
3734
éré, démesuré. Écoutez-moi : s’il se trouvait que
le
monde réellement fût perdu, quel que soit le désir que vous avez qu’i
3735
que le monde réellement fût perdu, quel que soit
le
désir que vous avez qu’il dure, et la persuasion où vous vous entrete
3736
el que soit le désir que vous avez qu’il dure, et
la
persuasion où vous vous entretenez qu’il durera toujours autant que v
3737
a toujours autant que vous ? S’il se trouvait que
la
vérité actuelle fût totalement démesurée ? Qui périrait dans la honte
3738
elle fût totalement démesurée ? Qui périrait dans
la
honte et la rage ? Ceux qui croient encore aux mesures et cherchent l
3739
alement démesurée ? Qui périrait dans la honte et
la
rage ? Ceux qui croient encore aux mesures et cherchent leur appui da
3740
t encore aux mesures et cherchent leur appui dans
l’
illusion tomberont en grand nombre dans le vide. Mais ceux qui auront
3741
ui dans l’illusion tomberont en grand nombre dans
le
vide. Mais ceux qui auront vu, et qui auront cru leurs yeux, retrouve
3742
, et qui auront cru leurs yeux, retrouveront dans
la
tempête la coutume des hautes pentes. Car celui seul qui accepte la m
3743
ront cru leurs yeux, retrouveront dans la tempête
la
coutume des hautes pentes. Car celui seul qui accepte la mort n’est p
3744
ume des hautes pentes. Car celui seul qui accepte
la
mort n’est pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’au
3745
tes. Car celui seul qui accepte la mort n’est pas
le
jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’auront plus à se déf
3746
ui accepte la mort n’est pas le jouet du vertige.
Le
temps vient où les hommes n’auront plus à se défendre, mais seulement
3747
n’est pas le jouet du vertige. Le temps vient où
les
hommes n’auront plus à se défendre, mais seulement à se révéler tels
3748
, où qu’ils soient. Plus d’évasions spirituelles.
L’
homme fuyant la Terre où le diable sévit, se réfugie sur les hauteurs
3749
ent. Plus d’évasions spirituelles. L’homme fuyant
la
Terre où le diable sévit, se réfugie sur les hauteurs et découvre que
3750
évasions spirituelles. L’homme fuyant la Terre où
le
diable sévit, se réfugie sur les hauteurs et découvre que Dieu y est
3751
uyant la Terre où le diable sévit, se réfugie sur
les
hauteurs et découvre que Dieu y est plus dangereux encore, d’une autr
3752
e, d’une autre sorte, fulgurante. Péripétie
La
scène du monde vient de passer à une vaste conversation de la mort, s
3753
monde vient de passer à une vaste conversation de
la
mort, sur les places et dans les grands cafés, aux lieux de populace
3754
e passer à une vaste conversation de la mort, sur
les
places et dans les grands cafés, aux lieux de populace et de parole r
3755
e conversation de la mort, sur les places et dans
les
grands cafés, aux lieux de populace et de parole rapide. Peut-être le
3756
lieux de populace et de parole rapide. Peut-être
le
soleil éteint se promène-t-il depuis quelques instants dans un ciel s
3757
si facilement glisser, tout se trouver changé, et
les
hommes poursuivre leur discours, pénétrant dans l’horreur sans mémoir
3758
s hommes poursuivre leur discours, pénétrant dans
l’
horreur sans mémoire ? Il faut croire, aujourd’hui, que cela se peut.
3759
peut. Cela s’est produit comme un rêve, ou comme
la
colère soudain là, ou le printemps, ou chaque soir la nuit. (Une prem
3760
comme un rêve, ou comme la colère soudain là, ou
le
printemps, ou chaque soir la nuit. (Une première lampe s’est allumée.
3761
olère soudain là, ou le printemps, ou chaque soir
la
nuit. (Une première lampe s’est allumée. Quelqu’un dit : « Elle est l
3762
dit : « Elle est là ».) Premier jugement, par
la
lumière La fin du monde, irréfutable, s’arrêtait un peu en avant,
3763
est là ».) Premier jugement, par la lumière
La
fin du monde, irréfutable, s’arrêtait un peu en avant, les regardait
3764
u monde, irréfutable, s’arrêtait un peu en avant,
les
regardait sans indulgence, puis se remettait à marcher, conservant la
3765
dulgence, puis se remettait à marcher, conservant
la
même proximité méprisante… Mais la majorité sut garder l’air de ne pa
3766
er, conservant la même proximité méprisante… Mais
la
majorité sut garder l’air de ne pas croire à sa mort proche, — cet ai
3767
proximité méprisante… Mais la majorité sut garder
l’
air de ne pas croire à sa mort proche, — cet air petit. On en reviendr
3768
indécence inexprimable. Depuis bientôt mille ans,
l’
An Mil était passé — « et toutes ses prières perdues ! » — mais ils sa
3769
qu’il n’était point permis d’imaginer. Celui dont
les
belles manières sont apprises souffre mal qu’on y passe outre, — et t
3770
asse outre, — et très peu d’entre eux possédaient
la
pleine assurance de l’être. L’Institut de l’opinion planétaire publia
3771
eu d’entre eux possédaient la pleine assurance de
l’
être. L’Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résultats
3772
re eux possédaient la pleine assurance de l’être.
L’
Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résultats d’une e
3773
ient la pleine assurance de l’être. L’Institut de
l’
opinion planétaire publia les premiers résultats d’une enquête-éclair
3774
d’une névrose collective, d’une poussée subite de
l’
instinct de mort. On proposait une cure des masses et la nationalisati
3775
inct de mort. On proposait une cure des masses et
la
nationalisation des écoles de psychanalyse. Un théologien répondit :
3776
coles de psychanalyse. Un théologien répondit : —
L’
affection de la chair, c’est la mort. Saint Paul l’a vu bien avant Fre
3777
nalyse. Un théologien répondit : — L’affection de
la
chair, c’est la mort. Saint Paul l’a vu bien avant Freud, et mieux. I
3778
ogien répondit : — L’affection de la chair, c’est
la
mort. Saint Paul l’a vu bien avant Freud, et mieux. Il entendait par
3779
’affection de la chair, c’est la mort. Saint Paul
l’
a vu bien avant Freud, et mieux. Il entendait par « chair » le tout de
3780
avant Freud, et mieux. Il entendait par « chair »
le
tout de l’homme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’est poi
3781
, et mieux. Il entendait par « chair » le tout de
l’
homme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’est point que nous
3782
âme comprises. Et ce n’est point que nous aimions
la
mort comme telle. Bien au contraire, ce qu’affectionne la chair, c’es
3783
comme telle. Bien au contraire, ce qu’affectionne
la
chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie
3784
u’affectionne la chair, c’est ce qui, croit-elle,
la
détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui con
3785
a chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne de
la
mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort
3786
ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est
la
vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. N
3787
détourne de la mort. C’est la vie telle que vous
la
cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous sommes tout simple
3788
la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à
la
mort et la mérite. Nous sommes tout simplement au jour du Jugement. I
3789
le que vous la cultivez, qui conduit à la mort et
la
mérite. Nous sommes tout simplement au jour du Jugement. Il sera port
3790
era porté aussi bien sur votre élan vital que sur
l’
élan mortel. Car il ne vient pas de nous, mais d’En Face. Ici le futur
3791
Car il ne vient pas de nous, mais d’En Face. Ici
le
futur nous attend, ce futur qui n’était pour nous qu’un recul devant
3792
ce futur qui n’était pour nous qu’un recul devant
le
présent. Ici le temps dit oui pour la première fois à l’instant qui l
3793
tait pour nous qu’un recul devant le présent. Ici
le
temps dit oui pour la première fois à l’instant qui le juge et l’acco
3794
mps dit oui pour la première fois à l’instant qui
le
juge et l’accomplit, — notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus
3795
pour la première fois à l’instant qui le juge et
l’
accomplit, — notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus de l’insta
3796
notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus de
l’
instant éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’acte de ce oui, se
3797
it pour nous qu’un refus de l’instant éternel. Et
l’
Histoire tout entière dans l’acte de ce oui, se manifeste au Jour de t
3798
’instant éternel. Et l’Histoire tout entière dans
l’
acte de ce oui, se manifeste au Jour de tous les jours. Comme il parla
3799
ns l’acte de ce oui, se manifeste au Jour de tous
les
jours. Comme il parlait encore, une lueur d’aube apparut et grandit a
3800
andit autour d’eux. Toutes choses replongées dans
la
stupeur originelle, toutes créatures livrées d’un seul coup à la viol
3801
inelle, toutes créatures livrées d’un seul coup à
la
violence de l’acte décisif, nous allons voir paraître enfin leur just
3802
créatures livrées d’un seul coup à la violence de
l’
acte décisif, nous allons voir paraître enfin leur justification, leur
3803
raître enfin leur justification, leur être. Voici
l’
instant où les hommes s’aperçoivent que leurs efforts et leurs soucis
3804
leur justification, leur être. Voici l’instant où
les
hommes s’aperçoivent que leurs efforts et leurs soucis se tournaient
3805
, vers une Absence douloureuse, — alors que c’est
la
seule Présence qui est terrible en sa splendeur et difficile à suppor
3806
errible en sa splendeur et difficile à supporter,
le
seul Amour apparaissant qui menace d’être insoutenable : il nous trou
3807
e insoutenable : il nous trouve sans préparation.
L’
on ne s’était défendu que de l’autre côté, du côté de ce monde mal fai
3808
de mal fait… Parut un soleil nouveau. Et ceux qui
le
voyaient prenaient un visage neuf, leurs yeux devenaient forts et s’a
3809
f, leurs yeux devenaient forts et s’attendaient à
l’
éclat d’une lueur encore plus vive. Par degré le Grand Jour éclatait,
3810
à l’éclat d’une lueur encore plus vive. Par degré
le
Grand Jour éclatait, toujours plus vaste et blanc dans l’univers enti
3811
Jour éclatait, toujours plus vaste et blanc dans
l’
univers entier. Ils se sont tout d’abord sentis gênés, balourds, ne sa
3812
ds, ne sachant trop quelle contenance prendre. Et
la
lumière ne cesse de grandir. Ils tombent déjà par rangs entiers, aveu
3813
r rangs entiers, aveuglés et cloués sur place par
l’
évidence de l’amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent de mar
3814
s, aveuglés et cloués sur place par l’évidence de
l’
amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent de marcher, riant de
3815
e joie aux paliers du matin, s’avançant vers Midi
avec
le naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent
3816
e aux paliers du matin, s’avançant vers Midi avec
le
naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent le
3817
vançant vers Midi avec le naturel de ceux qui ont
la
coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’agr
3818
idi avec le naturel de ceux qui ont la coutume de
la
Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’agrandissement de
3819
ui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent
les
derniers soleils et l’agrandissement de la lumière jusqu’aux limites
3820
Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et
l’
agrandissement de la lumière jusqu’aux limites de sa perfection, où to
3821
nrent les derniers soleils et l’agrandissement de
la
lumière jusqu’aux limites de sa perfection, où tout ce qui voit éclai
3822
laire aussi, où tout œil rend ce qu’il reçoit, où
le
grand jour est tout en tous. Ce premier Jugement fut la Salutation.
3823
nd jour est tout en tous. Ce premier Jugement fut
la
Salutation. Second jugement ou sommation Voici le principe du s
3824
utation. Second jugement ou sommation Voici
le
principe du second jugement. Chaque homme poussé à la limite de son e
3825
rincipe du second jugement. Chaque homme poussé à
la
limite de son expression, et chaque homme forcé à l’extrémité de son
3826
limite de son expression, et chaque homme forcé à
l’
extrémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout e
3827
aque homme forcé à l’extrémité de son choix, cria
le
« terme » de sa vie, la proféra tout entière dans ce cri, réponse uni
3828
rémité de son choix, cria le « terme » de sa vie,
la
proféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’éternelle sommat
3829
roféra tout entière dans ce cri, réponse unique à
l’
éternelle sommation, somme absolue de ses journées et de ses nuits, de
3830
ts, de sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée
l’
incomparable qualité de son péché et mesuré le degré d’être de son êtr
3831
rée l’incomparable qualité de son péché et mesuré
le
degré d’être de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivan
3832
é et mesuré le degré d’être de son être tel qu’il
l’
avait librement fait en le vivant. L’examen des raisons de survivre et
3833
e de son être tel qu’il l’avait librement fait en
le
vivant. L’examen des raisons de survivre et leur introduction au titr
3834
re tel qu’il l’avait librement fait en le vivant.
L’
examen des raisons de survivre et leur introduction au titre de l’éter
3835
sons de survivre et leur introduction au titre de
l’
éternité occupèrent moins de temps qu’on n’imagine. La procédure était
3836
ernité occupèrent moins de temps qu’on n’imagine.
La
procédure était, en effet, des plus simples. — Témoignez, disait-on,
3837
fet, des plus simples. — Témoignez, disait-on, de
la
vie que vous possédez. Quel est votre plus vrai désir ? Les sages rép
3838
e vous possédez. Quel est votre plus vrai désir ?
Les
sages répondaient : — Nul ne possède vraiment que ce qu’il peut donne
3839
était bien ce qu’on faisait. Ainsi tous connurent
la
mort, mais les uns renaissaient au sein de leur plus grande frayeur,
3840
qu’on faisait. Ainsi tous connurent la mort, mais
les
uns renaissaient au sein de leur plus grande frayeur, les autres sous
3841
renaissaient au sein de leur plus grande frayeur,
les
autres sous les traits consolés du Désir. La plupart hésitaient en pr
3842
sein de leur plus grande frayeur, les autres sous
les
traits consolés du Désir. La plupart hésitaient en présence de la ban
3843
és du Désir. La plupart hésitaient en présence de
la
banalité soudain flagrante de leurs vœux, et, finalement, murmuraient
3844
que moi. Ils renaîtraient plantes heureuses, par
l’
effet de quelque pitié. Un homme vint, comme viennent les somnambules,
3845
t de quelque pitié. Un homme vint, comme viennent
les
somnambules, le corps en paix, mais le visage affreusement nu. Il dés
3846
é. Un homme vint, comme viennent les somnambules,
le
corps en paix, mais le visage affreusement nu. Il désirait un palais
3847
viennent les somnambules, le corps en paix, mais
le
visage affreusement nu. Il désirait un palais vide à la mesure de sa
3848
age affreusement nu. Il désirait un palais vide à
la
mesure de sa tristesse. Il devint donc une tristesse errante, emprunt
3849
Il devint donc une tristesse errante, empruntant
la
forme des joies qu’il rencontrait ; et son désir ainsi fut exaucé. Un
3850
. Devint soleil. Et quel est celui qui s’approche
avec
son parapluie mal fermé sous le bras, et des lunettes bourrues au-des
3851
qui s’approche avec son parapluie mal fermé sous
le
bras, et des lunettes bourrues au-dessus du sourire de la plus ferven
3852
et des lunettes bourrues au-dessus du sourire de
la
plus fervente ironie ? Qu’est-ce qu’il grommelle sous son chapeau de
3853
aintenant, bien plus violent qu’il n’a jamais osé
l’
imaginer. Car, dit-il, au sein d’un tel choix, je m’approche insondabl
3854
ce qui s’imposa sur nous et jusqu’assez haut dans
les
cieux, en sorte que plus haut, régnant seul et purifié, l’on put ente
3855
en sorte que plus haut, régnant seul et purifié,
l’
on put entendre le choral d’une angélique hilarité. Et nous sûmes que
3856
haut, régnant seul et purifié, l’on put entendre
le
choral d’une angélique hilarité. Et nous sûmes que cet homme était tr
3857
omme était très grand.) Troisième jugement, ou
le
pardon Toute chose a son lieu, maintenant, toute chair a son temps
3858
acun de nous accède au destin qu’il s’est fait, à
la
parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans la c
3859
sion de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans
la
consommation de tout son être, au faîte inconcevable du désir comblé,
3860
aîte inconcevable du désir comblé, et comblé pour
l’
éternité. « Mais l’Esprit et l’Épouse disent : Viens. Et que celui qui
3861
u désir comblé, et comblé pour l’éternité. « Mais
l’
Esprit et l’Épouse disent : Viens. Et que celui qui entend dise : Vien
3862
lé, et comblé pour l’éternité. « Mais l’Esprit et
l’
Épouse disent : Viens. Et que celui qui entend dise : Viens ! à celui
3863
celui qui entend dise : Viens ! à celui qui porte
avec
soi la rétribution de nos œuvres » — elle est en Lui, non dans nos œu
3864
entend dise : Viens ! à celui qui porte avec soi
la
rétribution de nos œuvres » — elle est en Lui, non dans nos œuvres.
3865
— elle est en Lui, non dans nos œuvres. Commence
l’
œuvre du Pardon. « Et que celui qui a soif vienne, que celui qui veut
3866
i qui a soif vienne, que celui qui veut prenne de
l’
eau de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout est
3867
oif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de
la
vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout est gratuit.
3868
....................... Et c’est alors que toutes
les
voix des justes confondues clameront l’harmonie violente et bienheure
3869
e toutes les voix des justes confondues clameront
l’
harmonie violente et bienheureuse du mot sacrement de toute la créatio
3870
iolente et bienheureuse du mot sacrement de toute
la
création, son terme monumental à la gloire du Dieu Tout-Puissant, — l
3871
ment de toute la création, son terme monumental à
la
gloire du Dieu Tout-Puissant, — l’Amen du Temps qui s’agenouille et s
3872
e monumental à la gloire du Dieu Tout-Puissant, —
l’
Amen du Temps qui s’agenouille et s’abîme éternellement. 14. Søren
3873
après une caricature. aa. Rougemont Denis de, «
La
fin du monde », Fontaine, Paris, juin 1946, p. 7-16.
3874
Deux lettres sur
le
gouvernement mondial (4 juin 1946)z I. Problème curieux que pose
3875
(4 juin 1946)z I. Problème curieux que pose
le
gouvernement mondial Vous me dites que ce n’est point par mauvaise
3876
raît comme puni et humilié ; et sans ministère de
la
Guerre, il nous paraît dépourvu de sérieux. Or, le gouvernement mondi
3877
a Guerre, il nous paraît dépourvu de sérieux. Or,
le
gouvernement mondial devrait se passer de ces deux ministères, en ver
3878
ce nom, s’il ne trouvait personne en face de lui
avec
qui échanger des notes ? Personne à craindre, personne à menacer ? Pe
3879
personne à menacer ? Personne à qui répondre que
l’
honneur du pays est en jeu, qu’on ne cédera plus d’une ligne, etc. ? P
3880
t dire, pas de voisins, donc personne à qui faire
la
guerre ? À quoi cela ressemblerait-il ? Les nations et leurs gouverne
3881
faire la guerre ? À quoi cela ressemblerait-il ?
Les
nations et leurs gouvernements ne se posent qu’en s’opposant. C’est l
3882
ouvernements ne se posent qu’en s’opposant. C’est
la
menace extérieure qui « cimente leur unité », qui « galvanise leur én
3883
s sa langue « right or wrong, my country ! » Mais
le
gouvernement mondial, où trouvera-t-il cet Autre indispensable à son
3884
sable à son prestige ? Je parie que vous venez de
penser
à la planète Mars, et à une guerre possible contre les Martiens ? Ne
3885
on prestige ? Je parie que vous venez de penser à
la
planète Mars, et à une guerre possible contre les Martiens ? Ne me di
3886
la planète Mars, et à une guerre possible contre
les
Martiens ? Ne me dites pas non : votre première idée a été de suppose
3887
re de ses dix doigts… Pas de nations sans guerres
avec
d’autres nations. Je perdrais mon temps et le vôtre à fonder en logiq
3888
n temps et le vôtre à fonder en logique, et, dans
l’
Histoire, cette relation que le premier venu peut détecter dans sa con
3889
et sans autre instrument qu’un peu de sincérité.
Les
nations produisent les guerres, les guerres produisent les nations, e
3890
nt qu’un peu de sincérité. Les nations produisent
les
guerres, les guerres produisent les nations, et les unes sans les aut
3891
de sincérité. Les nations produisent les guerres,
les
guerres produisent les nations, et les unes sans les autres ne seraie
3892
ns produisent les guerres, les guerres produisent
les
nations, et les unes sans les autres ne seraient pas imaginables. Si
3893
s guerres, les guerres produisent les nations, et
les
unes sans les autres ne seraient pas imaginables. Si vous me dites ma
3894
guerres produisent les nations, et les unes sans
les
autres ne seraient pas imaginables. Si vous me dites maintenant que c
3895
s guerre possible — cela revient à dire que c’est
la
paix elle-même que vous ne voyez pas. Je dis vous, et je m’en excuse.
3896
dis vous, et je m’en excuse. Vous représentez ici
l’
humanité. Notre condition malheureuse veut que nous ne sachions imagin
3897
on malheureuse veut que nous ne sachions imaginer
le
bien que par contraste avec un mal dont nous souffrons. Autrement, le
3898
us ne sachions imaginer le bien que par contraste
avec
un mal dont nous souffrons. Autrement, le bien — ou la paix — n’est à
3899
raste avec un mal dont nous souffrons. Autrement,
le
bien — ou la paix — n’est à nos yeux qu’une fumée, une abstraction, c
3900
mal dont nous souffrons. Autrement, le bien — ou
la
paix — n’est à nos yeux qu’une fumée, une abstraction, c’est-à-dire,
3901
ée, une abstraction, c’est-à-dire, soyons francs,
le
comble de l’ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse »… À propo
3902
action, c’est-à-dire, soyons francs, le comble de
l’
ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse »… À propos de cette de
3903
tte dernière expression, avez-vous remarqué qu’on
l’
emploie de préférence pour dénigrer des projets de paix ? Pour qui son
3904
c si dangereux ? Avez-vous également remarqué que
les
militaires qui prennent la plume (comme ils disent) ont coutume de dé
3905
galement remarqué que les militaires qui prennent
la
plume (comme ils disent) ont coutume de dénoncer sous le nom d’« élém
3906
e (comme ils disent) ont coutume de dénoncer sous
le
nom d’« élément de désordre » les partisans de la paix en général ? C
3907
de dénoncer sous le nom d’« élément de désordre »
les
partisans de la paix en général ? Ces gens-là leur paraissent, évidem
3908
le nom d’« élément de désordre » les partisans de
la
paix en général ? Ces gens-là leur paraissent, évidemment, d’une mora
3909
bombardiers lourds, et quant à ceux qui donneront
le
signal de les utiliser au service des nations, gouvernants tout d’abo
3910
ourds, et quant à ceux qui donneront le signal de
les
utiliser au service des nations, gouvernants tout d’abord et généraux
3911
out d’abord et généraux ensuite, ils représentent
les
« éléments d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir l’état pré
3912
s d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir
l’
état présent de l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était le
3913
n pas douter. Il suffit de voir l’état présent de
l’
Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était le pire désordre imag
3914
tat présent de l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que
la
guerre était le pire désordre imaginable à notre époque ; et que ceux
3915
’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était
le
pire désordre imaginable à notre époque ; et que ceux qui la tenaient
3916
ordre imaginable à notre époque ; et que ceux qui
la
tenaient encore pour une nécessité, voire pour une vertu, étaient les
3917
pour une nécessité, voire pour une vertu, étaient
les
véritables éléments de désordre ; et que l’utopie la plus dangereuse
3918
ient les véritables éléments de désordre ; et que
l’
utopie la plus dangereuse était la théorie de la souveraineté sans lim
3919
véritables éléments de désordre ; et que l’utopie
la
plus dangereuse était la théorie de la souveraineté sans limites des
3920
sordre ; et que l’utopie la plus dangereuse était
la
théorie de la souveraineté sans limites des nations. C’était trop sim
3921
e l’utopie la plus dangereuse était la théorie de
la
souveraineté sans limites des nations. C’était trop simple. Un colone
3922
à qui vous fîtes imprudemment lire ma lettre sur
la
mort de la guerre militaire par suite de l’invention de la bombe atom
3923
fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort de
la
guerre militaire par suite de l’invention de la bombe atomique, m’écr
3924
e sur la mort de la guerre militaire par suite de
l’
invention de la bombe atomique, m’écrit que je suis un primaire. Il m’
3925
e la guerre militaire par suite de l’invention de
la
bombe atomique, m’écrit que je suis un primaire. Il m’assure que « à
3926
é que nous savions nous battre », ce qui est bien
la
preuve que j’ai tort, et d’ailleurs de n’importe quoi. Il ajoute que
3927
sa forme, est « nettement péjorative vis-à-vis de
l’
armée, de la cavalerie en particulier », bref que je suis un « élément
3928
t « nettement péjorative vis-à-vis de l’armée, de
la
cavalerie en particulier », bref que je suis un « élément de désordre
3929
reposant sa lettre je me suis écrié : « Vivement
la
Bombe ! Suprême élément d’ordre ! » Et ne croyez pas que je plaisanta
3930
rdre ! » Et ne croyez pas que je plaisantais. Car
la
Bombe seule peut nous débarrasser des armées, des souverainetés natio
3931
r des armées, des souverainetés nationales, et de
l’
anarchie qu’elles entretiennent sur la planète. Je dis que la Bombe pe
3932
ales, et de l’anarchie qu’elles entretiennent sur
la
planète. Je dis que la Bombe peut nous délivrer de deux manières : so
3933
qu’elles entretiennent sur la planète. Je dis que
la
Bombe peut nous délivrer de deux manières : soit en faisant sauter le
3934
élivrer de deux manières : soit en faisant sauter
le
tout, soit en nous forçant d’ici peu à fédérer les hommes au-delà des
3935
le tout, soit en nous forçant d’ici peu à fédérer
les
hommes au-delà des nations. Vous cherchiez l’Autre contre qui s’unir
3936
vous fallait une menace planétaire pour provoquer
l’
union sacrée du genre humain ? Eh bien, madame, si j’ose le dire : vou
3937
acrée du genre humain ? Eh bien, madame, si j’ose
le
dire : vous êtes servie. II. L’État-nation Non, je n’en veux pa
3938
dame, si j’ose le dire : vous êtes servie. II.
L’
État-nation Non, je n’en veux pas un instant à votre ami le colonel
3939
n Non, je n’en veux pas un instant à votre ami
le
colonel. Dites-lui que je respecte la cavalerie : elle a fait ses pre
3940
à votre ami le colonel. Dites-lui que je respecte
la
cavalerie : elle a fait ses preuves sous Murat. Mais revenons au xxe
3941
preuves sous Murat. Mais revenons au xxe siècle.
L’
idée que les nations puissent perdre leur souveraineté et leurs armées
3942
s Murat. Mais revenons au xxe siècle. L’idée que
les
nations puissent perdre leur souveraineté et leurs armées, vous attri
3943
eurs armées, vous attriste visiblement. Vous avez
l’
impression que la civilisation et la culture y perdraient quelque chos
3944
attriste visiblement. Vous avez l’impression que
la
civilisation et la culture y perdraient quelque chose de précieux. No
3945
nt. Vous avez l’impression que la civilisation et
la
culture y perdraient quelque chose de précieux. Nous serions tous fon
3946
e langues, de religions et de coutumes, et toutes
les
différences qui font le goût de la vie s’évanouiraient sous vos beaux
3947
t de coutumes, et toutes les différences qui font
le
goût de la vie s’évanouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je
3948
es, et toutes les différences qui font le goût de
la
vie s’évanouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je n’appelle
3949
s vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je n’appelle pas
le
chaos. Je cherche un moyen de l’éviter, ou plutôt d’en sortir un peu,
3950
Je n’appelle pas le chaos. Je cherche un moyen de
l’
éviter, ou plutôt d’en sortir un peu, car nous y sommes déjà bien enga
3951
peu, car nous y sommes déjà bien engagés. Ce sont
les
guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produisent les
3952
sommes déjà bien engagés. Ce sont les guerres qui
le
produisent. Et ce sont les nations qui produisent les guerres… Mais j
3953
Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce sont
les
nations qui produisent les guerres… Mais je vois que ce mot de nation
3954
produisent. Et ce sont les nations qui produisent
les
guerres… Mais je vois que ce mot de nation a créé entre nous une équi
3955
u mauvais, jusqu’ici, parce que c’est de beaucoup
le
plus courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a de précieux da
3956
ue c’est de beaucoup le plus courant. Essayons de
les
distinguer. Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fait le
3957
de les distinguer. Ce qu’il y a de précieux dans
les
nations, ce qui fait leur véritable originalité, n’est pas défini par
3958
effet, supprimez ces trois éléments qui composent
l’
idée moderne de nation, et les nations réelles subsisteront intactes,
3959
éments qui composent l’idée moderne de nation, et
les
nations réelles subsisteront intactes, comme membres du corps de l’hu
3960
subsisteront intactes, comme membres du corps de
l’
humanité, comme foyers de rayonnement, et comme communauté de gens app
3961
destin ou par choix. Croyez-vous sérieusement que
les
Français cesseront de parler français, de créer leur culture, et d’ha
3962
culture, et d’habiter paisiblement leur terre, si
la
France renonce un beau jour, en même temps que toutes les autres nati
3963
ce renonce un beau jour, en même temps que toutes
les
autres nations, à son armée, à ses douaniers et à son ministère des A
3964
t à son ministère des Affaires étrangères ? Et ne
pensez
-vous pas que si le gouvernement français n’a plus rien d’autre à fair
3965
ffaires étrangères ? Et ne pensez-vous pas que si
le
gouvernement français n’a plus rien d’autre à faire qu’administrer le
3966
çais n’a plus rien d’autre à faire qu’administrer
le
pays, il sera un meilleur gouvernement ? (Je vous pose ces questions
3967
vos craintes vagues.) Ce qui détruit aujourd’hui
les
nations, dans le sens valable et fécond de ce mot, c’est qu’elles ten
3968
es.) Ce qui détruit aujourd’hui les nations, dans
le
sens valable et fécond de ce mot, c’est qu’elles tendent à se confond
3969
de ce mot, c’est qu’elles tendent à se confondre
avec
l’État, et c’est la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés, de
3970
e mot, c’est qu’elles tendent à se confondre avec
l’
État, et c’est la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés, de se
3971
lles tendent à se confondre avec l’État, et c’est
la
volonté qu’ont les États-nations ainsi formés, de se rendre autarciqu
3972
confondre avec l’État, et c’est la volonté qu’ont
les
États-nations ainsi formés, de se rendre autarciques en vue d’une gue
3973
qu’ils redoutent ou souhaitent cette éventualité.
L’
État détruit nécessairement l’originalité d’une nation, lorsqu’il prét
3974
cette éventualité. L’État détruit nécessairement
l’
originalité d’une nation, lorsqu’il prétend réglementer ses énergies d
3975
socialiste ou capitaliste. Ce modèle est celui de
l’
État totalitaire, qui est l’état de guerre en permanence. Ainsi l’enne
3976
e modèle est celui de l’État totalitaire, qui est
l’
état de guerre en permanence. Ainsi l’ennemi des nations c’est l’État
3977
re, qui est l’état de guerre en permanence. Ainsi
l’
ennemi des nations c’est l’État ; et leur sauvegarde serait le gouvern
3978
e en permanence. Ainsi l’ennemi des nations c’est
l’
État ; et leur sauvegarde serait le gouvernement mondial. Ceux qui pen
3979
nations c’est l’État ; et leur sauvegarde serait
le
gouvernement mondial. Ceux qui pensent que c’est tout le contraire pr
3980
uvegarde serait le gouvernement mondial. Ceux qui
pensent
que c’est tout le contraire prennent le mot patrie dans le sens de na
3981
ernement mondial. Ceux qui pensent que c’est tout
le
contraire prennent le mot patrie dans le sens de nation, le mot natio
3982
qui pensent que c’est tout le contraire prennent
le
mot patrie dans le sens de nation, le mot nation dans le sens d’État,
3983
est tout le contraire prennent le mot patrie dans
le
sens de nation, le mot nation dans le sens d’État, le mot État dans l
3984
re prennent le mot patrie dans le sens de nation,
le
mot nation dans le sens d’État, le mot État dans le sens de souverain
3985
patrie dans le sens de nation, le mot nation dans
le
sens d’État, le mot État dans le sens de souverain, dont ils font fin
3986
ens de nation, le mot nation dans le sens d’État,
le
mot État dans le sens de souverain, dont ils font finalement un dieu,
3987
mot nation dans le sens d’État, le mot État dans
le
sens de souverain, dont ils font finalement un dieu, créant d’horribl
3988
question que de « nationaliser » tout ce qui peut
l’
être à l’intérieur des frontières, au lieu de multiplier les échanges
3989
que de « nationaliser » tout ce qui peut l’être à
l’
intérieur des frontières, au lieu de multiplier les échanges internati
3990
l’intérieur des frontières, au lieu de multiplier
les
échanges internationaux, comme le bon sens et l’économie l’indiquerai
3991
de multiplier les échanges internationaux, comme
le
bon sens et l’économie l’indiqueraient ? C’est parce que certains pay
3992
les échanges internationaux, comme le bon sens et
l’
économie l’indiqueraient ? C’est parce que certains pays ont préféré p
3993
s internationaux, comme le bon sens et l’économie
l’
indiqueraient ? C’est parce que certains pays ont préféré payer le pri
3994
? C’est parce que certains pays ont préféré payer
le
prix exorbitant de l’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état de
3995
ains pays ont préféré payer le prix exorbitant de
l’
autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état de faire la guerre, en s
3996
cie, plutôt que de se mettre hors d’état de faire
la
guerre, en se liant à des économies voisines. Mais remarquez l’hypocr
3997
se liant à des économies voisines. Mais remarquez
l’
hypocrisie du terme « nationaliser ». On n’ose pas dire « étatiser ».
3998
ut encore tirer parti du prestige qui s’attache à
l’
idée de nation… En fait, on étatise la nation. Que penser de ces États
3999
s’attache à l’idée de nation… En fait, on étatise
la
nation. Que penser de ces États-nations, de plus en plus nombreux, qu
4000
dée de nation… En fait, on étatise la nation. Que
penser
de ces États-nations, de plus en plus nombreux, qui se referment sur
4001
budget militaire, qui se bardent de protections à
la
frontière, comme autrefois, en attendant que la Bombe vienne volatili
4002
à la frontière, comme autrefois, en attendant que
la
Bombe vienne volatiliser leurs centres vifs en une seconde, négligean
4003
ser leurs centres vifs en une seconde, négligeant
les
armées purement décoratives ? Vous me direz que la France, par exempl
4004
s armées purement décoratives ? Vous me direz que
la
France, par exemple, est entrée dans la voie de l’étatisme parce qu’e
4005
direz que la France, par exemple, est entrée dans
la
voie de l’étatisme parce qu’elle veut la justice sociale, et que cela
4006
a France, par exemple, est entrée dans la voie de
l’
étatisme parce qu’elle veut la justice sociale, et que cela n’a rien à
4007
rée dans la voie de l’étatisme parce qu’elle veut
la
justice sociale, et que cela n’a rien à voir avec la préparation à la
4008
t la justice sociale, et que cela n’a rien à voir
avec
la préparation à la guerre. Sans doute, mais je parlais moins des mot
4009
justice sociale, et que cela n’a rien à voir avec
la
préparation à la guerre. Sans doute, mais je parlais moins des motifs
4010
et que cela n’a rien à voir avec la préparation à
la
guerre. Sans doute, mais je parlais moins des motifs que des effets i
4011
ais moins des motifs que des effets inéluctables.
Le
désir de justice sociale est une noble passion, la socialisation de l
4012
e désir de justice sociale est une noble passion,
la
socialisation de l’industrie est une mesure économique partiellement
4013
ociale est une noble passion, la socialisation de
l’
industrie est une mesure économique partiellement souhaitable, mais je
4014
e commun, à priori, que trois syllabes. Cependant
l’
on revendique la socialisation parce qu’elle contient ces trois syllab
4015
ri, que trois syllabes. Cependant l’on revendique
la
socialisation parce qu’elle contient ces trois syllabes sacrées, et l
4016
e qu’elle contient ces trois syllabes sacrées, et
l’
on traite de fasciste celui qui demande à voir. (La prochaine fois que
4017
’on traite de fasciste celui qui demande à voir. (
La
prochaine fois que vous oserez me dire que le Social Register de New
4018
r. (La prochaine fois que vous oserez me dire que
le
Social Register de New York n’est qu’un Bottin mondain, je vous dénon
4019
n’est qu’un Bottin mondain, je vous dénonce dans
L’
Humanité.) Vous sentez que je ne prends parti ni pour ni contre la soc
4020
s sentez que je ne prends parti ni pour ni contre
la
socialisation, je note seulement qu’on prend parti sans en savoir plu
4021
lus que moi, et à cause de trois syllabes. Et que
l’
on confond socialisation et nationalisation pour masquer le fait qu’il
4022
ond socialisation et nationalisation pour masquer
le
fait qu’il s’agit d’une étatisation. Je n’en ai qu’au cadre national.
4023
ntroduisez dans cette broyeuse automatique qu’est
l’
État-nation de la démocratie ou marxisme, des idées libérales ou du pl
4024
ette broyeuse automatique qu’est l’État-nation de
la
démocratie ou marxisme, des idées libérales ou du planisme, ou même u
4025
ales ou du planisme, ou même une belle passion de
la
justice sociale, le résultat sera le même : à l’autre bout, vous obti
4026
ou même une belle passion de la justice sociale,
le
résultat sera le même : à l’autre bout, vous obtiendrez du totalitari
4027
e passion de la justice sociale, le résultat sera
le
même : à l’autre bout, vous obtiendrez du totalitarisme en bâtons et
4028
en bâtons et une grêle de coups. Je suis sérieux.
Le
socialisme, non pas en soi, mais construit dans le cadre national con
4029
e socialisme, non pas en soi, mais construit dans
le
cadre national conduit nécessairement à l’État totalitaire, donc à l’
4030
t dans le cadre national conduit nécessairement à
l’
État totalitaire, donc à l’état de guerre larvé ou déclaré, qui est le
4031
nduit nécessairement à l’État totalitaire, donc à
l’
état de guerre larvé ou déclaré, qui est le pire des crimes sociaux. O
4032
donc à l’état de guerre larvé ou déclaré, qui est
le
pire des crimes sociaux. On ne sortira de ce cercle vicieux qu’en sup
4033
ce cercle vicieux qu’en supprimant ce qui permet
la
guerre, ou la provoque, c’est-à-dire en désintégrant le carcan des Ét
4034
ieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre, ou
la
provoque, c’est-à-dire en désintégrant le carcan des États-nations. P
4035
rre, ou la provoque, c’est-à-dire en désintégrant
le
carcan des États-nations. Par quel moyen ? En remettant le soin de di
4036
des États-nations. Par quel moyen ? En remettant
le
soin de diriger les affaires internationales à des hommes qui ne repr
4037
Par quel moyen ? En remettant le soin de diriger
les
affaires internationales à des hommes qui ne représentent pas les nat
4038
ernationales à des hommes qui ne représentent pas
les
nations, mais l’humanité. Car ceux-là seuls seront qualifiés pour arb
4039
hommes qui ne représentent pas les nations, mais
l’
humanité. Car ceux-là seuls seront qualifiés pour arbitrer. Autrement
4040
et le premier qui tire aura gagné, quel que soit
le
mordant de l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pa
4041
qui tire aura gagné, quel que soit le mordant de
l’
infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas d’adversaire
4042
agné, quel que soit le mordant de l’infanterie ou
la
bravoure de votre colonel. Il n’aura pas d’adversaires à combattre à
4043
pas d’adversaires à combattre à 2000 kilomètres à
la
ronde, sauf s’il saute à cheval par-dessus toute l’Allemagne ou l’océ
4044
ronde, sauf s’il saute à cheval par-dessus toute
l’
Allemagne ou l’océan. (Mettez-lui bien cela dans la tête.) z. Roug
4045
il saute à cheval par-dessus toute l’Allemagne ou
l’
océan. (Mettez-lui bien cela dans la tête.) z. Rougemont Denis de,
4046
’Allemagne ou l’océan. (Mettez-lui bien cela dans
la
tête.) z. Rougemont Denis de, « Deux lettres sur le gouvernement
4047
e.) z. Rougemont Denis de, « Deux lettres sur
le
gouvernement mondial », Mondes, Paris, 4 juin 1946, p. 1 et 3.
4048
L’
Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet
4049
L’Américain croit à
la
vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)ab Pendant
4050
L’Américain croit à la vie,
le
Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)ab Pendant que vous
4051
avez encore quelques Américains en France, et que
l’
Amérique encore me tient par tout ce que je viens d’y vivre en six ann
4052
rons-nous au petit jeu de société mondiale qu’est
la
comparaison des peuples deux à deux. Jeu plus sérieux d’ailleurs qu’i
4053
isser nos moyens matériels de transport distancer
la
conscience humaine, trop étroitement liée aux cadres nationaux. Com
4054
tionaux. Comment ils accueillent un étranger
Le
grand bourgeois de Paris et ses fils, lorsqu’ils rencontrent une tête
4055
tête nouvelle, ne sourient guère. Ils tendent une
main
précise, accompagnée d’un regard qui jauge cet adversaire ou ce parte
4056
venaient de tirer une invisible fermeture éclair.
L’
Américain s’ouvre, au contraire, comme sa bouche sur des dents éclatan
4057
mis À la deuxième rencontre, ou tout de suite,
l’
Américain vous dit votre prénom, vous raconte sa vie sentimentale et l
4058
votre prénom, vous raconte sa vie sentimentale et
l’
état de ses affaires, enfin vous invite pour un week-end. Pendant ving
4059
vous invite pour un week-end. Pendant vingt ans,
le
Français vous dira Monsieur, fera l’impossible pour vous cacher sa ri
4060
t vingt ans, le Français vous dira Monsieur, fera
l’
impossible pour vous cacher sa richesse s’il est riche, sa pauvreté s’
4061
agissantes. Personne n’a plus, et mieux écrit sur
l’
amitié que les moralistes français, de Montaigne à Paul Valéry. Tandis
4062
ersonne n’a plus, et mieux écrit sur l’amitié que
les
moralistes français, de Montaigne à Paul Valéry. Tandis qu’en Amériqu
4063
entir seul au monde en connaissant tout le monde.
La
rançon d’une intimité trop rapide et superficielle, c’est la facilité
4064
’une intimité trop rapide et superficielle, c’est
la
facilité avec laquelle cette intimité s’évapore. On se voit tous les
4065
é trop rapide et superficielle, c’est la facilité
avec
laquelle cette intimité s’évapore. On se voit tous les jours pendant
4066
aquelle cette intimité s’évapore. On se voit tous
les
jours pendant quelques semaines, puis plus du tout pendant un an. Et
4067
en, tout glisse et passe, il y a tant d’êtres sur
la
terre, tant de hasards, tant de manières de vivre, de bonnes et de ma
4068
, de bonnes et de mauvaises fortunes, par chance…
Le
sourire large des Américains dissimule leur vraie tragédie : la solit
4069
ge des Américains dissimule leur vraie tragédie :
la
solitude. Comment ils s’unissent et se divisentac En France, i
4070
s’unissent et se divisentac En France, il y a
les
catholiques et les laïques, c’est simple ; mais il y a d’autre part t
4071
visentac En France, il y a les catholiques et
les
laïques, c’est simple ; mais il y a d’autre part trente-six partis et
4072
dances et nuances politiques. En Amérique, il y a
les
républicains et les démocrates, c’est simple ; mais il y a d’autre pa
4073
litiques. En Amérique, il y a les républicains et
les
démocrates, c’est simple ; mais il y a d’autre part trente-six « stoc
4074
jadis ou naguère par des réfugiés religieux. Mais
les
Américains changent facilement d’église, selon leur domicile ou leur
4075
n leur domicile ou leur cercle d’amis, tandis que
le
Français donne l’impression qu’il ne changerait pas plus de parti que
4076
ew York, déclare que son pays vient de construire
l’
avion le plus rapide du monde. L’industrie française a tenu le coup, e
4077
déclare que son pays vient de construire l’avion
le
plus rapide du monde. L’industrie française a tenu le coup, elle se r
4078
nt de construire l’avion le plus rapide du monde.
L’
industrie française a tenu le coup, elle se remonte même si rapidement
4079
lus rapide du monde. L’industrie française a tenu
le
coup, elle se remonte même si rapidement qu’elle bat déjà l’américain
4080
le se remonte même si rapidement qu’elle bat déjà
l’
américaine sur le terrain le plus favorable à cette dernière. Mais tou
4081
e si rapidement qu’elle bat déjà l’américaine sur
le
terrain le plus favorable à cette dernière. Mais tout compte fait, l’
4082
ment qu’elle bat déjà l’américaine sur le terrain
le
plus favorable à cette dernière. Mais tout compte fait, l’avion le pl
4083
avorable à cette dernière. Mais tout compte fait,
l’
avion le plus rapide du monde n’existe qu’à un seul exemplaire. Et pen
4084
à cette dernière. Mais tout compte fait, l’avion
le
plus rapide du monde n’existe qu’à un seul exemplaire. Et pendant qu’
4085
’existe qu’à un seul exemplaire. Et pendant qu’on
le
construisait, l’Amérique a produit quelques milliers d’appareils plus
4086
eul exemplaire. Et pendant qu’on le construisait,
l’
Amérique a produit quelques milliers d’appareils plus lourds et plus l
4087
nt d’autre avantage que de fonctionner sur toutes
les
grandes lignes du monde. Curieuse impatience du génie français : il i
4088
: il invente sans relâche, et cent fois plus que
le
génie américain ; mais aussitôt il généralise son invention, son prot
4089
un stade atteint et dépassé, c’est comme si tous
les
avions de série étaient déjà faits ; il en est fatigué d’avance, et p
4090
jà faits ; il en est fatigué d’avance, et passe à
l’
invention suivante. Vue d’Amérique, l’Europe apparaît comme une petite
4091
et passe à l’invention suivante. Vue d’Amérique,
l’
Europe apparaît comme une petite région de la planète proprement stupé
4092
que, l’Europe apparaît comme une petite région de
la
planète proprement stupéfiante par la densité de ses inventions, tand
4093
e région de la planète proprement stupéfiante par
la
densité de ses inventions, tandis que l’Amérique vue d’Europe stupéfi
4094
ante par la densité de ses inventions, tandis que
l’
Amérique vue d’Europe stupéfie par sa production standardisée. C’est q
4095
tupéfie par sa production standardisée. C’est que
l’
Européen s’ennuie plus vite et supporte moins de s’ennuyer. Tandis que
4096
s vite et supporte moins de s’ennuyer. Tandis que
l’
Américain se contente plus longtemps des mêmes idées, des mêmes types
4097
s idées, des mêmes types d’appareils, parce qu’il
les
utilise vraiment, parce qu’il en vit, et qu’il ne spécule pas à leur
4098
spécule pas à leur sujet. Comment ils prennent
la
vie Le Français est profondément sérieux, c’est même à mon avis l’
4099
s à leur sujet. Comment ils prennent la vie
Le
Français est profondément sérieux, c’est même à mon avis l’espèce d’h
4100
s est profondément sérieux, c’est même à mon avis
l’
espèce d’homme la plus sérieuse de la planète. Cependant ses chansons,
4101
t sérieux, c’est même à mon avis l’espèce d’homme
la
plus sérieuse de la planète. Cependant ses chansons, son théâtre d’av
4102
e à mon avis l’espèce d’homme la plus sérieuse de
la
planète. Cependant ses chansons, son théâtre d’avant-guerre, ses roma
4103
s produits d’exportation, humains ou commerciaux,
le
font passer pour plus léger que l’air. Il a fallu le général de Gaull
4104
u commerciaux, le font passer pour plus léger que
l’
air. Il a fallu le général de Gaulle et les récits de la Résistance po
4105
font passer pour plus léger que l’air. Il a fallu
le
général de Gaulle et les récits de la Résistance pour que certains Am
4106
ger que l’air. Il a fallu le général de Gaulle et
les
récits de la Résistance pour que certains Américains pressentent enfi
4107
Il a fallu le général de Gaulle et les récits de
la
Résistance pour que certains Américains pressentent enfin que la Fran
4108
our que certains Américains pressentent enfin que
la
France est le pays du sérieux sobre, de l’intransigeance réaliste, de
4109
ns Américains pressentent enfin que la France est
le
pays du sérieux sobre, de l’intransigeance réaliste, des provinciaux
4110
in que la France est le pays du sérieux sobre, de
l’
intransigeance réaliste, des provinciaux vêtus de noir — « le noir, la
4111
eance réaliste, des provinciaux vêtus de noir — «
le
noir, la couleur nationale ! » s’écrie un personnage de Giraudoux — s
4112
liste, des provinciaux vêtus de noir — « le noir,
la
couleur nationale ! » s’écrie un personnage de Giraudoux — sans parle
4113
sonnage de Giraudoux — sans parler des débats sur
la
laïcité ou les écoles confessionnelles. L’Américain lui, passe encore
4114
audoux — sans parler des débats sur la laïcité ou
les
écoles confessionnelles. L’Américain lui, passe encore en Europe pour
4115
ts sur la laïcité ou les écoles confessionnelles.
L’
Américain lui, passe encore en Europe pour un Anglo-Saxon puritain du
4116
dix, bien plus près du Méridional par son goût de
l’
exagération — Tartarin serait bien épaté — son humeur communicative, e
4117
exuelle me paraît fort peu romantique. On compare
les
salaires en toute simplicité, on divorce pour des questions de cuisin
4118
ns de cuisine, on se console vite, on n’admet pas
la
jalousie. Le « réalisme terre-à-terre » des Américains dans ce domain
4119
, on se console vite, on n’admet pas la jalousie.
Le
« réalisme terre-à-terre » des Américains dans ce domaine, présente u
4120
icains dans ce domaine, présente un tel contraste
avec
les mœurs des Européens qu’on perd l’espoir de jamais faire comprendr
4121
s dans ce domaine, présente un tel contraste avec
les
mœurs des Européens qu’on perd l’espoir de jamais faire comprendre le
4122
contraste avec les mœurs des Européens qu’on perd
l’
espoir de jamais faire comprendre les uns aux autres. L’ordre des vale
4123
ns qu’on perd l’espoir de jamais faire comprendre
les
uns aux autres. L’ordre des valeurs morales me semble s’inverser lors
4124
ir de jamais faire comprendre les uns aux autres.
L’
ordre des valeurs morales me semble s’inverser lorsqu’on passe d’un co
4125
continent à l’autre. Un seul exemple : en Europe,
la
longue durée d’une liaison l’officialise presque ; en Amérique, c’est
4126
xemple : en Europe, la longue durée d’une liaison
l’
officialise presque ; en Amérique, c’est elle qui fait scandale. Se qu
4127
En Europe, terre des cathédrales, on demande à
Le
Corbusier de bâtir des églises en verre et en ciment : je me souviens
4128
gt églises en style aérodynamique construites par
les
Allemands avant Hitler, ou par les Suisses ou par les Hollandais. Mai
4129
onstruites par les Allemands avant Hitler, ou par
les
Suisses ou par les Hollandais. Mais en Amérique, on copie le gothique
4130
Allemands avant Hitler, ou par les Suisses ou par
les
Hollandais. Mais en Amérique, on copie le gothique, tant pour les égl
4131
ou par les Hollandais. Mais en Amérique, on copie
le
gothique, tant pour les églises que pour les universités. On pousse l
4132
Mais en Amérique, on copie le gothique, tant pour
les
églises que pour les universités. On pousse le raffinement jusqu’à co
4133
copie le gothique, tant pour les églises que pour
les
universités. On pousse le raffinement jusqu’à construire le chœur en
4134
r les églises que pour les universités. On pousse
le
raffinement jusqu’à construire le chœur en style roman, et la nef en
4135
ités. On pousse le raffinement jusqu’à construire
le
chœur en style roman, et la nef en style ogival ; jusqu’à reproduire
4136
nt jusqu’à construire le chœur en style roman, et
la
nef en style ogival ; jusqu’à reproduire les tours non terminées des
4137
n, et la nef en style ogival ; jusqu’à reproduire
les
tours non terminées des cathédrales européennes. Et les résidences lu
4138
urs non terminées des cathédrales européennes. Et
les
résidences luxueuses de la campagne ou de la ville sont régulièrement
4139
rales européennes. Et les résidences luxueuses de
la
campagne ou de la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de st
4140
Et les résidences luxueuses de la campagne ou de
la
ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor, de styl
4141
gne ou de la ville sont régulièrement — sauf dans
le
Sud — de style Tudor, de style Renaissance, de style hollandais ou es
4142
nce, de style hollandais ou espagnol… Par contre,
les
cottages américains ont infiniment plus d’originalité, de diversité e
4143
us d’originalité, de diversité et d’élégance, que
les
maisons bourgeoises en France. Quant aux gratte-ciel, l’ère en est bi
4144
ons bourgeoises en France. Quant aux gratte-ciel,
l’
ère en est bien passée. Sauf à New York, ils ne sont pas rentables.
4145
ntables. Comment ils sont scrupuleux ou non
L’
Américain ne pardonne pas une erreur de 2 cents dans un compte, mais s
4146
pays quand il bombarde, d’un siècle quand il cite
l’
histoire, d’un ordre spirituel quand il critique un livre. Ce qu’il ne
4147
critique un livre. Ce qu’il ne tolère pas, c’est
le
mensonge, et là précisément où le Français le considère comme allant
4148
lère pas, c’est le mensonge, et là précisément où
le
Français le considère comme allant de soi, j’entends vis-à-vis de l’É
4149
est le mensonge, et là précisément où le Français
le
considère comme allant de soi, j’entends vis-à-vis de l’État. Quand v
4150
idère comme allant de soi, j’entends vis-à-vis de
l’
État. Quand vous entrez en Amérique, on vous demande de remplir des qu
4151
tions de ce genre : « Buvez-vous ? Modérément ? À
l’
excès ? Fumez-vous ? Avez-vous d’autres vices ? Êtes-vous partisan de
4152
on vous laissera entrer. Mais si vous dites sous
la
foi du serment, que vous ne l’êtes pas, et que votre vie plus tard pr
4153
si vous dites sous la foi du serment, que vous ne
l’
êtes pas, et que votre vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’amende
4154
s pas, et que votre vie plus tard prouve que vous
l’
êtes, l’amende ou la peine de prison seront triplées. Tout repose ici
4155
t que votre vie plus tard prouve que vous l’êtes,
l’
amende ou la peine de prison seront triplées. Tout repose ici sur la p
4156
vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’amende ou
la
peine de prison seront triplées. Tout repose ici sur la parole donnée
4157
ne de prison seront triplées. Tout repose ici sur
la
parole donnée, seul fondement d’une réelle démocratie. Comment ils
4158
le démocratie. Comment ils se battent Voici
le
contraste le plus profond entre l’Ancien et le Nouveau Monde : leur m
4159
. Comment ils se battent Voici le contraste
le
plus profond entre l’Ancien et le Nouveau Monde : leur manière de réa
4160
ttent Voici le contraste le plus profond entre
l’
Ancien et le Nouveau Monde : leur manière de réagir à la souffrance. P
4161
ci le contraste le plus profond entre l’Ancien et
le
Nouveau Monde : leur manière de réagir à la souffrance. Prenons l’exe
4162
en et le Nouveau Monde : leur manière de réagir à
la
souffrance. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le Français, él
4163
: leur manière de réagir à la souffrance. Prenons
l’
exemple de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dul
4164
e de réagir à la souffrance. Prenons l’exemple de
la
mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dulce et decorum
4165
r à la souffrance. Prenons l’exemple de la mort à
la
guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dulce et decorum est pro p
4166
france. Prenons l’exemple de la mort à la guerre.
Le
Français, élevé dans l’idée que dulce et decorum est pro patria mori,
4167
e de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans
l’
idée que dulce et decorum est pro patria mori, accepte de se faire tue
4168
re tuer non point par fanatisme, religieux, comme
le
Japonais, ni par esprit quasi sportif comme l’Américain, mais par une
4169
me le Japonais, ni par esprit quasi sportif comme
l’
Américain, mais par une sorte de fatalisme inconscient. (Je ne parle p
4170
héros, mais du troupier moyen, sans opinion.) Il
pense
qu’il faut ce qu’il faut, et qu’il faut cela, et que c’est ainsi depu
4171
uis des siècles, et qu’on ne peut pas y échapper.
L’
Américain, bien au contraire, considère la souffrance et la mort comme
4172
happer. L’Américain, bien au contraire, considère
la
souffrance et la mort comme des accidents insensés, que rien au monde
4173
in, bien au contraire, considère la souffrance et
la
mort comme des accidents insensés, que rien au monde ne peut rendre a
4174
monde ne peut rendre acceptables ou justifiables.
L’
idée que la souffrance puisse devenir féconde ne l’effleure pas, tandi
4175
ut rendre acceptables ou justifiables. L’idée que
la
souffrance puisse devenir féconde ne l’effleure pas, tandis qu’elle r
4176
’idée que la souffrance puisse devenir féconde ne
l’
effleure pas, tandis qu’elle règne sur notre inconscient, résidu des p
4177
du des plus solennelles traditions religieuses de
l’
Occident. C’est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’ennemi
4178
ditions religieuses de l’Occident. C’est pourquoi
les
Français avancent sous le feu de l’ennemi, tandis que les Américains
4179
cident. C’est pourquoi les Français avancent sous
le
feu de l’ennemi, tandis que les Américains s’assurent d’abord — quitt
4180
est pourquoi les Français avancent sous le feu de
l’
ennemi, tandis que les Américains s’assurent d’abord — quitte à payer
4181
çais avancent sous le feu de l’ennemi, tandis que
les
Américains s’assurent d’abord — quitte à payer le prix qu’il faut en
4182
es Américains s’assurent d’abord — quitte à payer
le
prix qu’il faut en matériel — que les batteries d’en face ont été écr
4183
itte à payer le prix qu’il faut en matériel — que
les
batteries d’en face ont été écrasées. Cette folie apparente de l’Euro
4184
n face ont été écrasées. Cette folie apparente de
l’
Européen dénote un certain degré de spiritualité, car l’esprit se nour
4185
péen dénote un certain degré de spiritualité, car
l’
esprit se nourrit de sacrifices. Tandis que le bon sens américain trah
4186
car l’esprit se nourrit de sacrifices. Tandis que
le
bon sens américain trahit une certaine ignorance des conditions premi
4187
ne certaine ignorance des conditions premières de
la
vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même
4188
e des conditions premières de la vie spirituelle.
Les
uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même, et pour les autres,
4189
remières de la vie spirituelle. Les uns préfèrent
les
raisons de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’inverse.
4190
ituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à
la
vie même, et pour les autres, c’est l’inverse. Je compare et vous lai
4191
èrent les raisons de vivre à la vie même, et pour
les
autres, c’est l’inverse. Je compare et vous laisse juger. Ce n’est pa
4192
de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est
l’
inverse. Je compare et vous laisse juger. Ce n’est pas simple. Et cela
4193
e choquer ? Que voulez-vous, j’ai deux amours. Or
l’
amour rend parfois plus lucide que l’être aimé ne le souhaite. ab.
4194
x amours. Or l’amour rend parfois plus lucide que
l’
être aimé ne le souhaite. ab. Rougemont Denis de, « L’Américain cr
4195
amour rend parfois plus lucide que l’être aimé ne
le
souhaite. ab. Rougemont Denis de, « L’Américain croit à la vie, l
4196
imé ne le souhaite. ab. Rougemont Denis de, «
L’
Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre », Temps pr
4197
ab. Rougemont Denis de, « L’Américain croit à
la
vie, le Français aux raisons de vivre », Temps présent, Paris, 19 jui
4198
Rougemont Denis de, « L’Américain croit à la vie,
le
Français aux raisons de vivre », Temps présent, Paris, 19 juillet 194
4199
p. 1-2. ac. Sous-titre manifestement oublié par
la
rédaction, et rajouté par nous sur la base du texte paru dans Vivre
4200
oublié par la rédaction, et rajouté par nous sur
la
base du texte paru dans Vivre en Amérique (chapitre 4), livre édité
4201
e édité un an plus tard chez Stock. ad. Depuis «
L’
ordre des valeurs morales… » : lecture incertaine, aucune copie correc
4202
Réponse à
l’
enquête « Les travaux des écrivains » (24 août 1946)ae J’ai un cert
4203
Réponse à l’enquête «
Les
travaux des écrivains » (24 août 1946)ae J’ai un certain nombre d’
4204
rique . C’est un recueil de tous mes articles sur
les
États-Unis, parus dans Carrefour , Le Figaro , Le Littéraire et le
4205
cles sur les États-Unis, parus dans Carrefour ,
Le
Figaro , Le Littéraire et le Journal de Genève . Chez Gallimard : me
4206
États-Unis, parus dans Carrefour , Le Figaro ,
Le
Littéraire et le Journal de Genève . Chez Gallimard : mes Lettres s
4207
s dans Carrefour , Le Figaro , Le Littéraire et
le
Journal de Genève . Chez Gallimard : mes Lettres sur la bombe atomi
4208
nal de Genève . Chez Gallimard : mes Lettres sur
la
bombe atomique , qui paraissent simultanément dans huit pays et en se
4209
dans huit pays et en sept langues différentes.
La
Part du diable , dont deux versions différentes parurent à New York e
4210
n 1940 af et en 1944. Il s’agit, bien entendu, de
la
version définitive. Les Personnes du drame . Ce sont des essais sur
4211
s’agit, bien entendu, de la version définitive.
Les
Personnes du drame . Ce sont des essais sur Goethe, Kierkegaard, Kafk
4212
erkegaard, Kafka, Luther, Gide, Ramuz, Claudel et
les
romantiques allemands. Enfin, Doctrine fabuleuse . J’y travaille dep
4213
euse . J’y travaille depuis vingt ans et voudrais
la
voir sortir pour mon quarantième anniversaire. D’autre part, quelques
4214
és. Chez Albin Michel, Penser avec les mains et
le
Journal d’un intellectuel en chômage . Aux Éditions « Je sers » : P
4215
hômage . Aux Éditions « Je sers » : Politique de
la
personne , qui, publié il y a douze ans, obtint un vif succès en Holl
4216
ccès en Hollande, où il joua un certain rôle dans
la
naissance du parti travailliste. Je préfère ne point vous parler des
4217
e. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête]
Les
travaux des écrivains », Le Figaro littéraire, Paris, 24 août 1946, p
4218
ponse à une enquête] Les travaux des écrivains »,
Le
Figaro littéraire, Paris, 24 août 1946, p. 2. af. La première versio
4219
Mémoire de
l’
Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)ah Je ne s
4220
étais baigné. J’étais fondé. Et je marchais parmi
les
signes. Sédiments séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l
4221
séculaires, socles de nos patries ! Monuments que
l’
on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces
4222
numents que l’on ne voit plus, mais qui renvoient
l’
écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers un
4223
etrouvais… « Je t’aime. J’aime ! » J’ai tout dit.
L’
Europe était patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence était pro
4224
! » J’ai tout dit. L’Europe était patrie d’amour.
Le
silence attendait, l’absence était profonde, et chaque être présent q
4225
urope était patrie d’amour. Le silence attendait,
l’
absence était profonde, et chaque être présent questionnait, répondait
4226
, et chaque être présent questionnait, répondait.
La
force était au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obs
4227
ée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans
la
contemplation jalouse d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps
4228
jà du temps de notre enfance, et notre possession
la
plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fre
4229
ion la plus tenace, il nous réduisait au silence.
La
force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée q
4230
au silence. La force était chanson fredonnée, sur
le
seuil, au matin d’une journée qui se liait aux autres… (Quand ta forc
4231
res… (Quand ta force devient visible, c’est comme
le
sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va !) La force était mémoir
4232
e sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va !)
La
force était mémoire et allusion. Elle était ce vieil arbre tenace. El
4233
ion. Elle était ce vieil arbre tenace. Elle était
la
douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en
4234
t ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et
la
sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle
4235
ait la douceur et la sagesse amère des adieux, ou
la
gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… ⁂
4236
ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait
les
pudeurs de l’amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce qu
4237
’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de
l’
amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est
4238
udeurs de l’amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est
l’
Europe. Parce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su
4239
Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que
l’
Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant
4240
souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est
la
mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant de passé, et
4241
n vie tant de passé, et garder tant de morts dans
la
présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir.
4242
d’avenir. ah. Rougemont Denis de, « Mémoire de
l’
Europe (écrit en Amérique, en 1943) », Suisse contemporaine, Lausanne,
4243
1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que
l’
on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre
4244
eler une civilisation : ce que l’on entendait sur
le
paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)ag Lisbonne
4245
Lisbonne, 8 septembre 1940 Blanche et bleue dans
l’
immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claqu
4246
e 1940 Blanche et bleue dans l’immense lumière de
la
liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquant et ses rues débou
4247
dans l’immense lumière de la liberté atlantique,
avec
tous ses drapeaux claquant et ses rues débouchant sur le ciel, la vil
4248
ses drapeaux claquant et ses rues débouchant sur
le
ciel, la ville aux sent collines renie la guerre, oublie l’Europe. Da
4249
eaux claquant et ses rues débouchant sur le ciel,
la
ville aux sent collines renie la guerre, oublie l’Europe. Dans quelqu
4250
ant sur le ciel, la ville aux sent collines renie
la
guerre, oublie l’Europe. Dans quelques heures nous embarquons pour l’
4251
a ville aux sent collines renie la guerre, oublie
l’
Europe. Dans quelques heures nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici
4252
Europe. Dans quelques heures nous embarquons pour
l’
Amérique. Mais ici je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à
4253
nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici je fais
le
serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la
4254
e fais le serment d’opposer une stricte mémoire à
la
candeur intarissable de la vie, toujours pressée d’imaginer un monde
4255
une stricte mémoire à la candeur intarissable de
la
vie, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore continu
4256
iens de voir une civilisation frappée au cœur, je
l’
ai vue chanceler, j’ai vu qu’elle peut mourir. Durant cette traversée
4257
Genève aux Pyrénées, pendant deux jours, j’ai vu
la
France toute pareille à un homme qui vient de tomber sur la tête : il
4258
toute pareille à un homme qui vient de tomber sur
la
tête : il se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t
4259
vre ? A-t-il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu
l’
Espagne de cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre en
4260
sprit, incapable de retrouver son équilibre entre
le
démoniaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse,
4261
de retrouver son équilibre entre le démoniaque et
le
surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion des he
4262
ue et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de
la
Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant des terres abandonnées
4263
rhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse,
l’
invasion des herbes sauvages venant des terres abandonnées du Nord et
4264
’elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître
les
paniques dévastatrices du ve siècle de notre ère. Et je songe au bas
4265
ole d’une liberté qui ne peut plus vivre que sous
la
cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut périr. Nous qui sommes encore ép
4266
, ne perdons pas notre délai de grâce ! À bord de
l’
Exeter, 11 septembre 1940 Les derniers barrages traversés, la passerel
4267
de grâce ! À bord de l’Exeter, 11 septembre 1940
Les
derniers barrages traversés, la passerelle relevée, et nos papiers en
4268
1 septembre 1940 Les derniers barrages traversés,
la
passerelle relevée, et nos papiers enfin déposés chez le purser, nous
4269
erelle relevée, et nos papiers enfin déposés chez
le
purser, nous n’avons plus devant nous qu’un océan sans douanes ! Dix
4270
s, dix jours durant lesquels on peut imaginer que
la
police renoncera au viol de notre vie privée. Pourtant, certains des
4271
. Pourtant, certains des passagers gardent encore
l’
air de s’attendre au pire, tandis qu’ils font leur premier tour de pon
4272
rappellent sans doute ce Polonais, tiré, jeté par
la
police franquiste hors du train qui sifflait déjà pour le départ vers
4273
e franquiste hors du train qui sifflait déjà pour
le
départ vers la frontière — à deux-cents mètres — du Portugal et de la
4274
rs du train qui sifflait déjà pour le départ vers
la
frontière — à deux-cents mètres — du Portugal et de la liberté. Car t
4275
ontière — à deux-cents mètres — du Portugal et de
la
liberté. Car tel est le sadisme policier. Nous venons de passer, en q
4276
ètres — du Portugal et de la liberté. Car tel est
le
sadisme policier. Nous venons de passer, en quatre jours de voyage, s
4277
s différents de douane et de police. Secondés par
la
chance, nous n’y avons passé, si je compte bien, guère plus de 22 heu
4278
si je compte bien, guère plus de 22 heures, mais
le
total normal est d’au moins 30, m’affirme-t-on, et les « accidents »
4279
otal normal est d’au moins 30, m’affirme-t-on, et
les
« accidents » sont fréquents. Paradoxe du siècle où tout est fait pou
4280
Paradoxe du siècle où tout est fait pour réduire
l’
homme à l’anonyme, pour le priver du sentiment de sa vocation, de sa d
4281
du siècle où tout est fait pour réduire l’homme à
l’
anonyme, pour le priver du sentiment de sa vocation, de sa différence
4282
t est fait pour réduire l’homme à l’anonyme, pour
le
priver du sentiment de sa vocation, de sa différence personnelle, cep
4283
s il en proteste et moins il s’en assure. Plus il
la
chiffre et moins il la ressent. Et plus il la démontre à coups de doc
4284
ns il s’en assure. Plus il la chiffre et moins il
la
ressent. Et plus il la démontre à coups de documents, moins il se rec
4285
il la chiffre et moins il la ressent. Et plus il
la
démontre à coups de documents, moins il se reconnaît dans le portrait
4286
à coups de documents, moins il se reconnaît dans
le
portrait simplifié que la police en compose à toutes fins menaçantes.
4287
ns il se reconnaît dans le portrait simplifié que
la
police en compose à toutes fins menaçantes. Songeons aussi que ces pr
4288
aussi que ces procédés s’appliquent précisément à
l’
émigrant, à celui qui s’éloigne de ses bases, des réflexes de son mili
4289
eu, de tout ce qui allait de soi autour de lui et
l’
assurait quotidiennement, inconsciemment, qu’il était bien réel et bie
4290
lui-même… En mer, nuit du 12 au 13 septembre 1940
Les
derniers bateaux de la dernière ligne reliant l’Europe à l’Amérique o
4291
Les derniers bateaux de la dernière ligne reliant
l’
Europe à l’Amérique ont tous des noms en « Ex » : Exeter, Excalibur, E
4292
s bateaux de la dernière ligne reliant l’Europe à
l’
Amérique ont tous des noms en « Ex » : Exeter, Excalibur, Excambion. E
4293
eur exil. Mais moi, de quoi pourrais-je bien être
l’
ex ? Ni fugitif, ni juif, ni riche, ni détrôné, et ne pouvant me récla
4294
te des catastrophes, scandaleux personnage, comme
le
serait un témoin vivant même aux colloques des fantômes… Je crois bie
4295
est venue à cause d’une conversation entendue sur
le
pont cette nuit même. L’heure était fort tardive et propice aux aveux
4296
onversation entendue sur le pont cette nuit même.
L’
heure était fort tardive et propice aux aveux. V., ex-cagoulard, ayant
4297
ns verve comment ses camarades et lui-même, avant
la
guerre, organisaient des dépôts de mitraillettes dans certaines rues
4298
es rues stratégiques de Paris, T., ex-militant de
la
gauche, lui répondit avec un demi-sourire et sans retirer son mégot,
4299
Paris, T., ex-militant de la gauche, lui répondit
avec
un demi-sourire et sans retirer son mégot, que de l’autre côté on sav
4300
out cela, et qu’au surplus, on en faisait autant,
avec
des armes fournies par certains ministères. Si j’en crois ces deux ex
4301
de guerre civile n’auraient été troublés que par
l’
attaque intempestive des nazis. Contre ceux-là, il semblerait qu’on eû
4302
, il semblerait qu’on eût moins brillamment prévu
les
choses… De fait, les étrangers sont toujours surprenants. On ne s’ent
4303
eût moins brillamment prévu les choses… De fait,
les
étrangers sont toujours surprenants. On ne s’entend vraiment bien qu’
4304
ns du même peuple. 17 septembre 1940 Chaque soir,
les
passagers se pressent devant la porte de la cabine du capitaine, avec
4305
940 Chaque soir, les passagers se pressent devant
la
porte de la cabine du capitaine, avec l’espoir d’entendre la radio. T
4306
oir, les passagers se pressent devant la porte de
la
cabine du capitaine, avec l’espoir d’entendre la radio. Tout à l’heur
4307
essent devant la porte de la cabine du capitaine,
avec
l’espoir d’entendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais de me f
4308
t devant la porte de la cabine du capitaine, avec
l’
espoir d’entendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais de me fauf
4309
la cabine du capitaine, avec l’espoir d’entendre
la
radio. Tout à l’heure comme j’essayais de me faufiler, R. s’extrait d
4310
itaine, avec l’espoir d’entendre la radio. Tout à
l’
heure comme j’essayais de me faufiler, R. s’extrait du groupe, me cède
4311
, R. s’extrait du groupe, me cède sa place, et je
l’
entends dire à sa femme qui attendait un peu en arrière : « Rien de no
4312
eu en arrière : « Rien de nouveau, c’est toujours
les
mêmes petites histoires… » Depuis des mois, c’est ce que répètent dix
4313
des mois, c’est ce que répètent dix fois par jour
les
usagers de la radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais no
4314
ce que répètent dix fois par jour les usagers de
la
radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regardio
4315
pètent dix fois par jour les usagers de la radio.
Le
monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regardions de trop
4316
e monde a changé de face sous nos yeux, mais nous
le
regardions de trop près : d’heure en heure, nous n’avons rien vu. C’e
4317
coup, en nous retournant, que nous avons entrevu
l’
ampleur et la rapidité des événements. Il a dit : « Rien de nouveau, r
4318
s retournant, que nous avons entrevu l’ampleur et
la
rapidité des événements. Il a dit : « Rien de nouveau, rien d’importa
4319
n d’important… » Mais je crois avoir entendu dans
le
ronron nasillard qui sortait de la petite chambre : « 165 avions alle
4320
r entendu dans le ronron nasillard qui sortait de
la
petite chambre : « 165 avions allemands ont été abattus sur Londres.
4321
ont été abattus sur Londres. » Et c’est peut-être
la
nouvelle la plus importante de la guerre. Car tout tient aux Anglais,
4322
tus sur Londres. » Et c’est peut-être la nouvelle
la
plus importante de la guerre. Car tout tient aux Anglais, et si ce bu
4323
c’est peut-être la nouvelle la plus importante de
la
guerre. Car tout tient aux Anglais, et si ce bulletin dit vrai, les A
4324
ut tient aux Anglais, et si ce bulletin dit vrai,
les
Anglais tiennent. L’autre jour à Lisbonne une lady me disait : « Nous
4325
peuple qui ne sait pas quand il est battu. » J’ai
pensé
aux chefs français trop cartésiens qui ont admis la défaite sur sa dé
4326
aux chefs français trop cartésiens qui ont admis
la
défaite sur sa définition, — avant qu’elle fût définitive. 18 septemb
4327
fût définitive. 18 septembre 1940 Comment prévoir
l’
issue de cette guerre, lorsqu’on a remarqué qu’elle n’oppose plus que
4328
tre qui ne sait pas être vaincue, mais qui perd ?
Les
Allemands, en effet, même victorieux, se plaignent encore comme des v
4329
rieux, se plaignent encore comme des victimes. Et
les
Anglais, même battus, se comportent en propriétaires de droit divin d
4330
se comportent en propriétaires de droit divin de
la
victoire en général. La seule solution « possible » serait donc la vi
4331
étaires de droit divin de la victoire en général.
La
seule solution « possible » serait donc la victoire anglaise. 19 sept
4332
néral. La seule solution « possible » serait donc
la
victoire anglaise. 19 septembre 1940 Un journaliste américain, qui re
4333
stingage, près de moi, et me dit en crachant dans
l’
eau entre chaque phrase : « Il y a des gens, des Parisiens, qui trouve
4334
Il y a des gens, des Parisiens, qui trouvent que
les
Boches sont corrects… Well… Quand un gangster de Chicago vous prend v
4335
orrect, isn’t he ? » À mon tour, j’ai craché dans
l’
eau, pour marquer mon approbation. 20 septembre 1940, en rade de New Y
4336
New York Je me suis éveillé dans ma cabine moite
avec
le sentiment que tout était changé autour de moi. Eh oui ! des verdur
4337
York Je me suis éveillé dans ma cabine moite avec
le
sentiment que tout était changé autour de moi. Eh oui ! des verdures
4338
verdures proches défilaient au hublot ! Couru sur
le
pont. Nous sommes dans les passes de l’Hudson. Une brume de chaleur t
4339
t au hublot ! Couru sur le pont. Nous sommes dans
les
passes de l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit les rives.
4340
Couru sur le pont. Nous sommes dans les passes de
l’
Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit les rives. Je ne m’atten
4341
e l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit
les
rives. Je ne m’attendais pas à la nature américaine, à la voir la pre
4342
opicale bleuit les rives. Je ne m’attendais pas à
la
nature américaine, à la voir la première et de si près, avant les gra
4343
. Je ne m’attendais pas à la nature américaine, à
la
voir la première et de si près, avant les gratte-ciel, la statue… Je
4344
caine, à la voir la première et de si près, avant
les
gratte-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensation d’un paysage p
4345
la première et de si près, avant les gratte-ciel,
la
statue… Je n’ai jamais eu la sensation d’un paysage plus étranger, ma
4346
ant les gratte-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu
la
sensation d’un paysage plus étranger, mais plus étrangement accueilla
4347
iques. Et comme on aime une terre qui s’approche,
avec
l’immense sécurité du continent qu’on imagine au-delà de ces falaises
4348
. Et comme on aime une terre qui s’approche, avec
l’
immense sécurité du continent qu’on imagine au-delà de ces falaises or
4349
e forêts d’un vert sombre de luxueuse tapisserie…
La
rivière s’élargit et se peuple de mâts. Au sommet d’une falaise qui f
4350
emière rue américaine ! Nous approchons. Tournant
la
tête vers l’avant, un peu au-dessus de la poupe, je viens de voir un
4351
éricaine ! Nous approchons. Tournant la tête vers
l’
avant, un peu au-dessus de la poupe, je viens de voir un groupe de tou
4352
ournant la tête vers l’avant, un peu au-dessus de
la
poupe, je viens de voir un groupe de tours serrées, presque diaphanes
4353
n groupe de tours serrées, presque diaphanes dans
la
brume — Manhattan, comme une prémonition qui serait vérifiée à l’inst
4354
« En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation »,
Le
Figaro littéraire, Paris, 21 septembre 1946, p. 1 et 4.