1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 l’étonne. « Trop beau pour être vrai », disait-il au siècle dernier ; et aujourd’hui : « Trop affreux pour être vrai. » Ce
2 sauvé. Qui ne croit pas en Dieu ne saurait croire au diable. Qui ne croit pas au pardon ne saurait mesurer les profondeurs
3 ieu ne saurait croire au diable. Qui ne croit pas au pardon ne saurait mesurer les profondeurs et les puissances du mal. E
4 urvu d’idéal directeur, n’était autre que la mise au pas du pays, sa mise en marche vers le nihilisme — ou l’annexion. « F
5 x-mêmes, il faut que leurs diversités se fédèrent au service du pays. Quand le temps presse, comme aujourd’hui, l’on voit
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
6 I. À la porte du jardin Il y a mille chambres au Palais, mille lits pour y rêver, mille pour y souffrir, il n’y a qu’u
7 les herbes sauvages fouettaient les jambes nues. Au fond du parc, près de la porte démolie, là où les murs ne cachent plu
8 t-il, dans ma vie. Pour la deuxième fois, il alla au marché de l’aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à
9 eurait. Une troisième fois, il se leva pour aller au marché de l’aube. — Tu n’as plus rien, lui dit le petit vieillard, je
10 ampes rouges, comme lorsqu’on choisit une couleur au jeu de cartes, rouge ou noir. J’arrive à la salle de lecture. Il n’y
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
11 e de 1914, l’empereur Guillaume II fit une visite au gouvernement suisse. Au cours des manœuvres militaires, il dit à un s
12 illaume II fit une visite au gouvernement suisse. Au cours des manœuvres militaires, il dit à un soldat : « Vous êtes 500 
13 rt ailleurs dans le monde. Cette habitude remonte au Moyen Âge germanique. À cette époque, l’« homme libre », — celui qui
14 aux officiers. Tous les hommes de 20 ans, propres au service militaire vont à la même école. Là le paysan a comme compagno
15 raînement annuel. La vie civile également apporte au citadin de fréquents contacts avec les affaires militaires. Dans chaq
16 e période de mobilisation. La Suisse fut épargnée au printemps 1940 uniquement parce que ses voisins comprirent que ce ser
17 s. Beaucoup d’hommes ont juré de les faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
18 tout le regard de l’autre : sentiment comparable au vertige. Le jugement peut rester libre, mais il semble que l’âme s’ex
19 en un seul être, mais que cet être accède ensuite au commerce de ses semblables, qu’à son tour il les aime, les possède !
20 r du seul désert que désormais nous chercherons ? Au terme de la fuite, nous ne toucherons jamais qu’un impossible fascina
21 vivrons dès lors dans le vertige de nous détruire au contact de cet infini, plus puissant que la joie et la douleur. Dans
22 uve jusqu’à l’épouvante : l’être que nous formons au sommet de l’amour, et qui meurt à l’instant où il naît. Tout notre p
23 conscience, et le sérieux, et la réalité des vies au jour. Nous sommes deux. Il n’y a que deux philosophies : celle du dé
24 inise, l’acte rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera notre tâche sérieuse. Quittons ce temple où
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
25 ateaubriand n’est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui la lui prête parce que d’abord l’auteur s’y est prêté. Qua
26 et plus heureux que tous, n’était pas séparé mais au sommet. Sa gloire était dans son destin, gagée par une mesure univers
27 trer par quels moyens elle fut acquise : toujours au prix d’une vulgarité. (Zones de bassesse chez d’Annunzio ; c’est là,
28 e vaut rien pour la gloire. Il ne peut aboutir qu’ au succès. Il reste sous l’empire de la comparaison. Beaucoup d’hommes
29 mphal accord clamé, ou cet instant plutôt qui est au seuil de sa résolution fondamentale — quel est ce seuil, et que nous
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
30 , mais d’abord pour qu’il frappe et qu’il agisse, au maximum, dans le plus court délai. Signe de santé d’une culture. Le j
31 ’un s’attache à la construction statique, l’autre au rythme. L’esprit français tend à dégager l’essentiel, l’esprit améric
32 rvations que l’on néglige de rapporter en détail. Au séminaire de Short Stories (histoires brèves, nouvelles) d’une grande
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
33 Paris, 17 mars 1939 Le Führer a passé la nuit au Hradschin Après Vienne, avec Prague, c’est une Europe qui vient de
34 oix de Schumann. Un mythe nouveau prend son essor au sein même de la catastrophe. Tout un âge, un climat de musiques, soud
35 rs qu’il l’a mis en question, et qu’il nous force au réalisme à sa manière, le charme est détruit dans nos vies. Nous somm
36 Déshérités aussi, qui ne re­trouvent l’espoir qu’ au seuil des catastrophes générales. Et j’en connais qui ne parviennent
37 és apparemment désordonnées, de phrases entendues au passage, d’infinis croisements d’existences étrangères. Paris propose
38 puisés, sur un talus, ou pire encore ! ils en ont au réveil, affreux bonheur d’une illusion rapide, où suis-je ? Déjà tout
39 n cauchemar qui est vrai, nous allons en désordre au réveil. La mort, le désespoir en plein midi, — ou la reconnaissance d
40 encore continuer. J’ai vu la civilisation frappée au cœur, je l’ai vue chanceler, je sais qu’elle peut mourir. J’ai vu la
41 statrices du ve siècle de notre ère. Et je songe au bastion que mon pays élève autour du massif du Gothard, invincible et
42 r rouler que sur les routes écartées, d’une ferme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’apparaît si discr
43 d’une ferme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’apparaît si discrète, si pacifique et séculaire. Ce pa
44 s. Imaginant une idylle muette. Celui qui revient au pays après une longue absence et des déboires : il entre, ne trouve p
45 ur. Il reprend le chemin de son champ. En passant au carrefour, il s’est dit : « Peut-être est-elle à Mandres, c’est donc
46 e présent questionnait, répondait. La force était au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien d
47 otre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’u
48 . La force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée qui se liait aux autres… (Quand ta force devient
8 1944, Articles divers (1941-1946). Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)
49 eur le plus affreux de son Histoire qui le révèle au monde, aujourd’hui, dans sa véritable grandeur. Les journaux qui nous
50 x de Lorraine, Assignment in Brittany, et je cite au hasard, il y en a tant. Je les ai vus avec des amis, tantôt américain
51 enser tout ce que l’on veut de ces films, du pire au bien ; j’en retiens pour ma part qu’ils nous présentent enfin le peti
52 aturel de l’héroïsme populaire. Ce peuple en noir au regard vif s’est révélé face au danger. Il manquait d’armes, il lutte
9 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
53 se m’en apprenne davantage qu’une feinte aimable. Au reste nous sommes entre nous et vous n’abuserez pas de mes aveux… D’a
54 ique et ce langage clair et distinct qui convient au débat des idées. A. … qui convient au débat des idées claires ! Mais
55 i convient au débat des idées. A. … qui convient au débat des idées claires ! Mais il faudrait s’entendre tout d’abord su
56 nvention d’un tel langage, est que tout est donné au départ, et qu’il s’agit de ne rien introduire dans la chaîne des argu
57 a méfiance porte sur l’arrière-pensée qui présida au choix de ces données dites premières. Encore n’est-il pas exact de re
58 . Ouvrez un ouvrage de science : vous y trouverez au terme de chaque analyse un certain nombre de phrases traduisant les r
59 uable, il est sous-entendu qu’elles correspondent au langage du sens commun, aux images que pourrait se former du phénomèn
60 tre. » Voilà qui paraît clair, j’entends conforme au sens commun. Je distingue pourtant, derrière ce jugement, la plus étr
61 la tient pour tellement évidente que son rappel, au cours d’une discussion, figure presque une insolence. Cette maxime af
62 ! Commencer par le commencement ! Aller du simple au compliqué ! Que cela paraît plein de bon sens ! Le beau cliché, la be
63 qui sont à celle de l’apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de la Fin, mais signes seulement, ré
64 ’en faut pourtant pas davantage pour nous réduire au parler prophétique. C’est le même risque, et ce n’est pas la même gra
65 roir à Paris. 7. Quatre « dialogues » paraîtront au début de l’ouvrage Doctrine fabuleuse , publié en 1947. j. Rougemo
10 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
66 argés de faire la critique de tant d’incohérences au sein desquelles le Français moyen pensait pouvoir vivre impunément, j
67 nous faire une société où les objets soient remis au service de l’homme qui crée et qui se veut responsable ? Si nous choi
68 mules de ce genre : les institutions doivent être au service de l’homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’être u
69 croyaient pas qu’un simple civil pourrait du jour au lendemain se transformer en bon manœuvre. Les politiciens déclarèrent
70 rvice civil. L’État lui-même se trouverait réduit au rôle précis et limité d’agence de statistique et de répartition de la
71 épartition de la main-d’œuvre et du bonus social, au profit des entreprises libres et des groupes coopératifs. La notio
72 e dans nos institutions. Nos nations sont restées au stade de la classification des corps simples par Mendeleïev, quand no
73 orps simples par Mendeleïev, quand nous en sommes au siècle de la physique quantique. La paresse d’esprit et l’inertie ont
74 se d’esprit et l’inertie ont laissé se constituer au xxe siècle des cadres démesurés, simplifiés jusqu’à la démence et ri
75 alisme se déclara fédéraliste, ou « pluraliste ». Au centre unique, étendant sur l’économie, la vie politique et les coutu
76 s naturels, par-dessus les frontières nationales, au besoin. Je donnerai deux exemples des conséquences pratiques découlan
77 aient délégué leur représentant en France, Abetz, au soin d’observer de très près ce développement inquiétant. Mais les pe
78 ns une propagande trop coûteuse pour rester pure. Au reste, la doctrine personnaliste impliquait un progrès organique, for
11 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
79 rce. Il ne fera plus de mal, mais il restera fou. Au Moyen Âge, on disait qu’un tel homme était possédé, et on l’exorcisai
80 ’exorcisait par des cérémonies souvent efficaces. Au xixe siècle, on disait qu’il était fou, et l’on essayait d’abord de
81 ue10 à l’instar des nazis qui l’avaient inventée. Au seuil de la paix, il est temps de chercher au moins les principes d’u
82 r les vertus que l’esprit seul sait pousser jusqu’ au paroxysme. Et comment vivre, s’il n’y a plus de paroxysmes ? La guerr
83 « C’est inconcevable ! » opineront-ils, les bras au ciel. Mais c’est très simple. Un homme qui meurt de faim mange n’impo
84 . » Et certes, en politique, il s’agira toujours, au mieux, de moindres maux. Mais la question est de savoir si le prétend
85 ns la morale sexuelle et la conception du mariage au siècle dernier ; ou lorsqu’il s’agissait d’apprécier le rôle du sacré
12 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
86 figures du paquet de 78 cartes tel qu’il existait au xiiie siècle. Ce nom fut attribué par la suite à l’ensemble du jeu.
87 our enseigner l’arithmétique. Et Gargantua jouait au « Tarau » selon Rabelais. Au xve siècle, l’invention de l’imprimerie
88 Et Gargantua jouait au « Tarau » selon Rabelais. Au xve siècle, l’invention de l’imprimerie multiplia les cartes en circ
89 e multiplia les cartes en circulation, mais jusqu’ au xviiie siècle, le tarot n’est guère connu que chez les princes et ch
90 r Boiteau, français, en 1854. Ce dernier attribue au tarot une origine hindoue ; et ce sont les gipsys, selon lui (et d’ai
91 la nuit des temps. Nous soutiendrons cette thèse au paragraphe 5. 2. Etteilla (1750-1810, environ) Nous lisons le j
92 la (Paris 1922) : Cet auteur, en rendant justice au génie et à la science de Court de Gébelin, terrassa ce que ce grave a
93 illa a placé le Fou à la fin du jeu, c’est-à-dire au nombre 78, et a mis au nombre 21 la figure qu’il nomme le Despote afr
94 a fin du jeu, c’est-à-dire au nombre 78, et a mis au nombre 21 la figure qu’il nomme le Despote africain, qui n’est autre
95 t le nom de Dieu — Jahvé). On voudrait conseiller au lecteur de détruire radicalement tout jeu de ce genre sur lequel il p
96 rosso modo, les autorités religieuses et sociales au Moyen Âge, et quelques-unes des situations élémentaires de l’existenc
97 n est rien. Tout est symbole dans le Tarot, jusqu’ au moindre détail, si le dessin est exact. Et ces symboles, à l’examen d
98 e comme sujet de méditations et de contemplation, au cours d’exercices poursuivis aux fins d’arriver à l’illumination. L’a
99 s brève indication peut suffire à faire entrevoir au lecteur l’importance réelle du tarot, indépendamment des usages pitto
100 u Sénat, meubles brisés, papiers épars, une table au tapis vert était seule restée debout. Les deux peintres s’étant appro
101 nous : il s’agissait de cartes allemandes portant au lieu des coupes, bâtons, deniers, épées : des cœurs, des cloches, des
102 st la passion subie sans résistance, la vie vécue au niveau animal. Rien n’a été appris ou gagné par la traversée du Jeu.
103 le fond de cette carte, jusqu’à ce qu’il revienne au grand soleil ou « Père » dont il est « tombé ». Il sera représenté su
104 pèlerin-sage (selon la sagesse de l’Est) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à un fou, à un mendiant, à un hors-c
105 Si quelque étranger aux habits sales et déchirés, au regard bizarre, entrait chez vous et vous tapait gentiment sur l’épau
106 tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet de la roue, figure la loi universelle des transmutations matér
107 s tensions entre les éléments seront équilibrées. Au centre de la carte, un large cercle orangé indique que le Grand Œuvre
108 concentriques s’y inscrivent : Père, Mère, Fils. Au milieu, une roue à 8 rayons signifie la manifestation parfaite, résul
109 La division quaternaire du cosmos se retrouve ici au plus bas niveau de la conscience, encore solaire et collective (symbo
13 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
110 règles des échecs, déplacer un seul pion du noir au blanc devient un acte passionnant, qui peut concentrer votre esprit p
111 astes composés sont vitaux pour nos œuvres d’art. Au surplus, les figures de la rhétorique considérées dans toute la varié
112 s religions et des magies, spontanément réapparus au cours des âges et sur les points les plus divers de la planète. Les r
113 uillé de la Raison. La terreur dans les arts vint au siècle suivant. Elle aussi fit la chasse aux « ci-devants » : genres
114 ons de plus près ce passage de l’invention réelle au réalisme allégué. Le terroriste détruit ce qui soutenait l’envol de l
115 rand public. Elle rend compte de l’insignifiance, au sens littéral de ce terme, où devait choir fatalement le roman dès qu
116 qu’il présentait, portaient les sentiments jusqu’ au sublime, proposaient des types de vie haute, et réveillaient des forc
117 du rêve, et crus comme tels avec reconnaissance, au double sens de l’expression. Mais que se passe-t-il lorsque le romanc
118 d’âne va lui être conté. Mais si vous alliez dire au même enfant, avant de lui raconter la même histoire, que cela s’est p
119 té que les enfants réservent aux adultes futiles. Au siècle passé, les conteurs populaires et certains des meilleurs écriv
120 n ne voit pas dans la réalité, bref, tous recours au « hasard qui fait trop bien les choses ». J’extrais ces propositions
121 es romans traditionnels « préoccupés qu’ils sont, au nom des vieilles règles, de commencer et de finir le jeu avec les mêm
122 it de croire les conventions « conventionnelles » au sens dépréciatif de l’épithète. Ces légèretés ne pardonnent pas. Une
123 ateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient au raffinement ou à la complication croissante des règles. (Le lecteur d
124 e nos désastres réels, l’art de demain va revenir au jeu des amplifications, raccourcis et miracles qui constituaient la r
125 que les grandes œuvres narratives qui vont naître au lendemain de cette guerre, se rapprocheront des types de libre créati
14 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
126 feint que cela se produise à l’improviste, comme au coin d’un bois… Il me vient une image dont la netteté pourra faire ex
127 n peut en conclure pour ou contre vos théories. ⁂ Au début de 1933, au moment où Hitler arrivait au pouvoir, on m’offrit d
128 ⁂ Au début de 1933, au moment où Hitler arrivait au pouvoir, on m’offrit de donner des conférences à Budapest. Le préside
129 and banquier, ami des lettres. Il vint m’attendre au débarqué de l’avion et me conduisit à sa demeure. C’était l’heure du
130 décidé et j’articule : « — Vous n’avez rien mangé au déjeuner, madame. — Vous non plus… » Je poursuis non sans peine : « —
131 garder. Nous voici attablés devant des sandwiches au caviar rouge. Et le tour recommence. Même jeu qu’au déjeuner. Ni l’un
132 caviar rouge. Et le tour recommence. Même jeu qu’ au déjeuner. Ni l’un ni l’autre ne pouvons toucher à rien. Tout d’un cou
133 quoi d’ailleurs, j’étais inscrit, à cette époque, au parti communiste dissident. Je m’informe : l’avion part à 10 heures d
15 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
134 était Roosevelt qui les avait énoncées le premier au début de 1942 dans son discours sur l’état de l’Union : « freedom of
135 mment libérés, de même qu’en Russie soviétique et au Japon. On brûle encore, à l’occasion, quelques églises protestantes a
136 core, à l’occasion, quelques églises protestantes au Mexique, mais dans l’ensemble la situation n’est pas mauvaise. J’igno
137 e.) Ma génération est-elle donc condamnée à subir au double ou au triple tout ce qu’elle s’est épuisé à combattre ? Doit-e
138 tion est-elle donc condamnée à subir au double ou au triple tout ce qu’elle s’est épuisé à combattre ? Doit-elle accepter
139 des réponses amères et humiliantes, si l’on reste au niveau des faits, des dures nécessités, des ruines. Or le rappel des
16 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
140 issante, vous recevrez le projectile dans le dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelque chose d’important : c’es
141 e communauté universelle, qui relègue les nations au rang de simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques instants d
142 i les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre siècle arrive à digérer et intégrer cette pensée
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)
143 uf de leurs bonnes intentions. 2. Donner la Bombe au gouvernement mondial, pour faire la police des nations. Deux chambres
144 ensez que j’ai exagéré. Vous pensez que j’ai cédé au goût américain de la sensation, du biggest in the world. Et de vrai,
145 rmées retiennent une bonne partie de leur utilité au service des nations et de leur vertu d’ordre. Admettons qu’elles arri
146 e. Tout tient à chacun de nous. Et nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher. Nos alibis ne trompent pl
147 e rappelle cette voix, dans Isaïe, criant de Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-
18 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
148 t j’ai quelques raisons de prendre la France plus au sérieux, plus au tragique, que les chiffres stupides n’y inviteraient
149 aisons de prendre la France plus au sérieux, plus au tragique, que les chiffres stupides n’y inviteraient. Je m’interroge.
150 mal posé. Il ne s’agit ni de partir ni de rester, au sens pathétique de ces mots. Il s’agit simplement de circuler. Ce n’e
151 principe ou dégoût. Il s’agit simplement de vivre au xxe siècle, en tenant compte des réalités que nous avons créées ou l
152 en dix heures de Lisbonne à New York, de New York au Pacifique. Un très long voyage aujourd’hui nous ramènerait nécessaire
153 voyage aujourd’hui nous ramènerait nécessairement au point de départ, après un petit tour da planète. Nous changeons de co
19 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
154 guent par une sorte de snobisme européen, surtout au point de vue culture, où ils ont d’ailleurs raison. Ce groupe forme u
155 tre culture, l’inverse existe chez les Américains au point de vue du civisme et de la politique. Ils ont le sentiment d’êt
156 urd’hui plus grande importance ; il a cédé le pas au problème Amérique-URSS. Et que pensent les Américains des Russes ? L’
157 grand respect pour les experts en n’importe quoi. Au point de vue littéraire et philosophique, je ne vois rien de très neu
158 titre, solide, puissant, élégant comme une voile au vent), du Journal d’un intellectuel en chômage , de L’Amour et l’Oc
20 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
159 pour habituer les animaux à courir vers le meuble au signal. Après un certain temps d’interruption, on ramène les sujets d
21 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
160 uissante vous recevrez le projectile dans le dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelque chose d’important : c’es
161 e communauté universelle, qui relègue les nations au rang de simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques instants d
162 i les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre siècle arrive à digérer et intégrer cette pensée
22 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
163 endrait l’empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait pas avec moins d’envie le débauch
164 ement sa fin ? D’où vient qu’imperceptible encore au plus grand nombre, à tous les lettrés sans esprit, la pensée de la ca
165 ur agir. Ainsi le grand décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle n’est qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. U
166 de ligues, des mots qu’on n’ose plus employer qu’ au dessert. La richesse ? Voici qu’elle n’est plus à la portée des mains
167 puissances lointaines. Toutefois, elle reste liée au rêve d’activité qui tourmente l’Occident depuis des siècles. Mais ce
168 ques de l’imprévu, eugénisme et longévité, clercs au pas ou stérilisés, guerre hors la loi, sécurité d’abord. Nous appreno
169 à mourir : cet effort est contre nature. Il naît au déclin de la vie, et fatalement se retourne contre elle. Nous voulons
170 nt se retourne contre elle. Nous voulons échapper au temps, à sa menace, mais c’est peut-être le meilleur ou le seul moyen
171 ine collective : lorsque la terre entière soumise au seul pouvoir du chiffre dépendra d’une centrale unique, il suffira qu
172 ndes pour accomplir le Temps… Et nous serons pris au dépourvu, comme nulle autre génération. Car, tandis que le temps s’éc
173 inue, notre attente faiblit. La primitive Église, au début de notre ère, vivait dans la pensée de la fin imminente. Mais p
174 en elle reste à peu près dénué de réalité, jusqu’ au jour où la Fin le pense. Et c’est là son tragique et l’humour de la F
175 la mort et la mérite. Nous sommes tout simplement au jour du Jugement. Il sera porté aussi bien sur votre élan vital que s
176 tout entière dans l’acte de ce oui, se manifeste au Jour de tous les jours. Comme il parlait encore, une lueur d’aube app
177 amen des raisons de survivre et leur introduction au titre de l’éternité occupèrent moins de temps qu’on n’imagine. La pro
178 , tout esprit son essor. Et chacun de nous accède au destin qu’il s’est fait, à la parfaite possession de soi-même, à son
179 son ciel, dans la consommation de tout son être, au faîte inconcevable du désir comblé, et comblé pour l’éternité. « Mais
23 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
180 nt à ceux qui donneront le signal de les utiliser au service des nations, gouvernants tout d’abord et généraux ensuite, il
181 elle a fait ses preuves sous Murat. Mais revenons au xxe siècle. L’idée que les nations puissent perdre leur souveraineté
182 ait qu’il s’agit d’une étatisation. Je n’en ai qu’ au cadre national. Introduisez dans cette broyeuse automatique qu’est l’
24 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
183 ue je viens d’y vivre en six années, livrons-nous au petit jeu de société mondiale qu’est la comparaison des peuples deux
184 vie privée en général, et ne vous rencontrera qu’ au café. Mais en France des amitiés se nouent — terme intraduisible en a
185 rique, il vous arrive souvent de vous sentir seul au monde en connaissant tout le monde. La rançon d’une intimité trop rap
186 s vices ? Êtes-vous partisan de doctrines tendant au renversement des institutions américaines ? » Vous pouvez répondre qu
187 et la mort comme des accidents insensés, que rien au monde ne peut rendre acceptables ou justifiables. L’idée que la souff
25 1946, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)
188 e présent questionnait, répondait. La force était au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien d
189 otre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’u
190 . La force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée qui se liait aux autres… (Quand ta force devient
26 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
191 tinuer. Je viens de voir une civilisation frappée au cœur, je l’ai vue chanceler, j’ai vu qu’elle peut mourir. Durant cett
192 statrices du ve siècle de notre ère. Et je songe au bastion que mon pays élève, nuit et jour, autour du massif du Gothard
193 lesquels on peut imaginer que la police renoncera au viol de notre vie privée. Pourtant, certains des passagers gardent en
194 des passagers gardent encore l’air de s’attendre au pire, tandis qu’ils font leur premier tour de pont. Ils se rappellent
195 it bien réel et bien lui-même… En mer, nuit du 12 au 13 septembre 1940 Les derniers bateaux de la dernière ligne reliant l
196 t, que de l’autre côté on savait tout cela, et qu’ au surplus, on en faisait autant, avec des armes fournies par certains m
197 naliste américain, qui revient de Paris, s’appuie au bastingage, près de moi, et me dit en crachant dans l’eau entre chaqu
198 de moi. Eh oui ! des verdures proches défilaient au hublot ! Couru sur le pont. Nous sommes dans les passes de l’Hudson.
199 serie… La rivière s’élargit et se peuple de mâts. Au sommet d’une falaise qui fuit obliquement éclate une longue façade cl