1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 s aura rendu l’auteur de Conscience de la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédiat de ce pays un jugement pessi
2 pas encore su prendre le tempo de ce xxe siècle. C’est que nous sommes devenus un peuple de bourgeois. L’ère de la bourgeois
3 urer les profondeurs et les puissances du mal. Et c’est pourquoi les chrétiens seuls savent reconnaître les démons et déjouer
4 — ou l’annexion. « Faire du socialisme, écrit-il, c’est faire la moitié du national-socialisme. » Certes, on peut lui répondr
5 , on peut lui répondre que faire du nationalisme, c’est faire l’autre moitié de ce tout. Mais enfin, l’important c’est que ch
6 ’autre moitié de ce tout. Mais enfin, l’important c’est que chacun commence par dire la vérité dans son patois, et celui de R
7 e, comme aujourd’hui, l’on voit ce qui compte, et c’est cela qui unit. Pour le reste, si sérieux soit-il, on en reparlera plu
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
8 s de nuit. Elle a passé tout près, ne l’a pas vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’amour appelant l’amour aux cha
9 du Pouvoir. Lui, la voyant passer, s’offusque, ou c’est le désir qui l’aveugle ? Elle est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui
10 voir si par hasard elle était là. Vous savez que c’est compliqué, ce bâtiment. Des couloirs et des escaliers partout, un lab
11 ère cigarette était brûlée. Je me dis : — Puisque c’est absurde, pourquoi ménager quoi que ce soit ? C’était la question par
12 plus poser de questions. Car si vous me dites que c’est une vraie balle que j’ai dans le cœur, il est évident que je suis mor
13 éponse à quoi que ce soit. Laissez-moi donc seul. C’est mon ordre. Et si vous ne me croyez pas, je vais tirer ! b. Rougem
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
14 fusil, ses munitions et son équipement militaire. C’est ainsi qu’on peut souvent voir un paysan, assis sur le seuil de sa por
15 ortance technique qui n’est nullement à négliger. C’est le seul moyen d’assurer une mobilisation ultrarapide. Et c’est la déf
16 moyen d’assurer une mobilisation ultrarapide. Et c’est la défense la plus adéquate contre les parachutistes. Une coutume méd
17 ue, ainsi, la méthode la plus moderne de défense. C’est la clé de l’organisation de l’armée suisse et le secret de sa popular
18 t une résistance locale et soigneusement équipés. C’est ainsi que les Suisses retournent à leur ancienne tradition de faire l
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
19 ère imaginable de parler de l’amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de phrases où l’indicible jette par moment
20 ne puis parler sans l’offenser dans sa grandeur, c’est ce qui m’enflamme à parler. Rien ne peut être dit de l’amour même, ma
21 — celle de l’esprit — indépendante de l’instinct, c’est ce qu’induisent à supposer les deux observations suivantes : l’extrêm
22 aubes, passages.) L’ivresse naissante des amants, c’est le silence qui s’établit entre eux. L’approche des yeux, dès qu’ils o
23 présent. Or cette connaissance est interdite. Et c’est l’approche du viol de l’interdit qui impose aux amants leur silence,
24 s fuient, bavardent. Tristesse platonicienne C’est dans l’accomplissement du plus violent amour qu’il nous est accordé d
25 u désir amoureux par l’acte même qui l’accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’infinie contradiction que nous souf
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
26 s s’y attendre, et pourtant l’on demeure surpris. C’est que tout, dans ses livres, — surtout les plus sincères — semblait exc
27 ait claires : il y a trop de contradictions. Mais c’est ce qui peut intéresser. Une attitude aussi profondément ambiguë, vis-
28 je vis pour moi, je suis plus calme… Les autres, c’est le prochain, comme la princesse Marie et toi vous l’appelez, le proch
29 vé de prochains, car il n’a cherché qu’un public. C’est le public qui donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le fl
30 suis le serviteur du public, cela va sans dire. » C’est à cela qu’on donne la gloire. Et ceux qui ne la briguent point risque
31 ser aller à ce jeu-là. Je me sentirais dépossédé. C’est que je veux être aimé pour moi-même, tel que je suis et non point tel
32 e plus de noblesse ? Dire : je néglige la gloire, c’est dire : je vous néglige, vous qui donnez la gloire pour prix d’une com
33 nnez la gloire pour prix d’une complaisance. Mais c’est dire aussi : je vous aime, puisque je vous veux moins vulgaires que v
34 ’affirme en différant, bien plus qu’en excellant. C’est donc l’individu qui se distingue, — n’importe où. (Crimes commis pour
35 st donc né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire
36 i même conscience du voisin qu’il pourrait aider ( c’est le prochain), mais seulement du voisin qu’il peut utiliser. Il cherch
37 e des admirateurs, des confirmateurs de son être. C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou d’une communauté, écarte a
38 nt fait toute la renommée du peuple. (Aujourd’hui c’est l’inverse qu’on observe ; c’est ce que donne la foule qui fait la glo
39 ple. (Aujourd’hui c’est l’inverse qu’on observe ; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antiq
40 ment. Mais notre gloire ne saurait être mesurée : c’est une rumeur, c’est une publicité, une espèce d’inflation provisoire. E
41 loire ne saurait être mesurée : c’est une rumeur, c’est une publicité, une espèce d’inflation provisoire. Elle n’est pas gran
42 plus grave : elle est ressentie comme flatteuse. C’est donc quelque chose de vulgaire. De fait, je ne connais pas de gloire
43 e vulgarité. (Zones de bassesse chez d’Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté de son œuvre, que s’est constituée sa gloi
44 urs pour rayonner et se réjouir de son être. Oui, c’est bien là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que l’
45 la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne serait-ce pas aussi le meilleur moyen d
46 f ; et si l’on avoue son orgueil, ils croient que c’est par vanité. Je suis homme : donc vaniteux, naïf, retors, orgueilleux,
47 essentiel que dès maintenant vous ne sachiez ? Ou c’est que vous vous tromperiez, croyant par d’autres ce que vous ne croyez
48 arce que je sais que son nom est mensonge, et que c’est moi qui ne suis rien. Ainsi Dieu est mon adversaire. C’est lui seul q
49 qui ne suis rien. Ainsi Dieu est mon adversaire. C’est lui seul qui s’oppose à ma gloire, et qui me sauve malgré moi de mon
50 qui dit Je suis. Ce sera Dieu, ou ce sera moi. Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Dieu, je ne serai rien. Si Dieu me tue
51 ou ce sera moi. Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Dieu, je ne serai rien. Si Dieu me tue, il sera tout, et tout sera. A
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
52 , et qui me sont révélées dans ce pays, parce que c’est leur contraire, ici, qui va de soi. Parmi la douzaine de bouquins que
53 d’inclure l’actualité dans un ouvrage, parce que c’est elle qui risque de vieillir en premier lieu. Ce souci, cette arrière-
54 aits bruts, ou quelques chiffres impressionnants. C’est la Catch Phrase, la phrase-qui-attrape et qui vous jette de but en bl
55 age, la critique américaine ne dira pas souvent : c’est bien écrit, mais plutôt : c’est effective, agissant. Et d’une idée l’
56 ira pas souvent : c’est bien écrit, mais plutôt : c’est effective, agissant. Et d’une idée l’on ne demandera pas seulement qu
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
57 la nuit au Hradschin Après Vienne, avec Prague, c’est une Europe qui vient de mourir. Europe du sentiment, patrie de nostal
58 s Perdu, tout d’un coup, est encore plus proche : c’est l’an passé, c’est avant-hier, peut-être même est-ce — aujourd’hui ? M
59 coup, est encore plus proche : c’est l’an passé, c’est avant-hier, peut-être même est-ce — aujourd’hui ? Mais oui, peut-être
60 e, bander tous les ressorts, mobiliser les cœurs… C’est le crime des dictatures : elles ne tuent pas la liberté dans les pays
61 cite, d’une confiance, presque d’une insouciance… C’est tout cela que vient de mettre en question l’usurpateur du Hradschin.
62 délices d’un rêve inachevé. Mais il sait bien que c’est fini. Brève dispense, le temps d’un peu se souvenir… Il faut se lever
63 t de tour, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est la fin d’un communiqué, régions perdues encore, régions perdues dans
64 is viendra-t-elle après ma mort ou avec elle ? Si c’est avant, où aller, où rester, où demeurer quand tout s’en va, et que pe
65 iendra, pendant laquelle personne ne peut agir. » C’est quelque part dans l’Évangile. Ou faudra-t-il enterrer nos secrets, po
66 ulant quoi, sans relâche ? voulant ma mort à moi. C’est sérieux, cette fois-ci ça y est !… Vivant un cauchemar qui est vrai,
67 iques, et même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une de ces voitures branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur
68 r, il s’est dit : « Peut-être est-elle à Mandres, c’est donc jour de marché. » Il a écrit ces mots. Elle saura bien. Il a rej
69 iait aux autres… (Quand ta force devient visible, c’est comme le sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va). La force étai
70 nd ta force devient visible, c’est comme le sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va). La force était mémoire et allusion
71 t les pudeurs de l’amour… Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a
8 1944, Articles divers (1941-1946). Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)
72 de la vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est le malheur le plus affreux de son Histoire qui le révèle au monde, au
73 ts venus de France sur la lutte contre les nazis, c’est l’absence de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à l’éloquence
74 se complaire dans le lyrisme de la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’héroïsme populaire. Ce peuple en noir
9 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
75 ation de ma critique… Ce qui me gênait, je crois, c’est qu’à mon sens vous n’êtes pas encore assez clair. L’auteur. Et pourq
76 s prie, être clair ? Vous n’allez pas me dire que c’est la bonne manière de se faire comprendre ? Le critique. On voudrait ê
77 ’impatienter d’une allure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper et de tromper. A. Pour moi, je crains
78 de recourir ici à l’expression d’arrière-pensée. C’est sans doute une « arrière-image » qu’il faudrait dire. C. Ne serait-i
79 r Descartes est donc devenue celle de la science. C’est elle dont usent nos physiciens, chimistes et mathématiciens, pour for
80 d’images. S’il se distingue du parler quotidien, c’est avant tout par cette cohérence, c’est-à-dire par cette volonté d’excl
81 liqué par les savants, la science légale n’étant, c’est entendu, qu’une manière de parler du réel, et sans cesse corrigée par
82 ée par les faits. Mais où je crie à la tricherie, c’est quand le philosophe ou l’essayiste, séduits par la clarté axiomatique
83 jugement, la plus étrange illusion de l’esprit : c’est une maxime populaire. On la tient pour tellement évidente que son rap
84 licité d’un objet avec l’aisance à le connaître — c’est encore un tour du langage — ne va pas reculer devant cet autre exploi
85 i le plus proche, et qu’il faut commencer par là. C’est sans doute le plus mauvais tour qu’on ait joué aux écrivains d’idées 
86 t avoir établie — je dirais : pour l’éternité ! —  c’est bien qu’il faut toujours commencer par la fin, par la vision totale,
87 ue ce but existe en tout état de cause. Pour moi, c’est presque le contraire. Voilà : — Je sais que je suis dans la nuit. Je
88 dans la confusion. Mais, si je marche cependant, c’est qu’à certains moments j’ai vu le but. — J’ai cru le voir… C’est une v
89 tains moments j’ai vu le but. — J’ai cru le voir… C’est une vision illuminante, instantanée, dont la trace ne tarde pas à s’é
90 . Voilà le sens, l’orientation de ma démarche, et c’est pourquoi je vous disais qu’on ne peut la comprendre qu’à partir de so
91 raisonnable. C. Le propre d’une vision pareille, c’est qu’elle est incommunicable, j’imagine ? A. Il vaut mieux dire indesc
92 ensation du blanc en décrivant les sept couleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s’il était pur, serait
93 nt d’un langage inexplicable et pourtant évident. C’est peut-être le verbe impliquer qui distinguera le mieux cette forme-là
94 … De là vient son obscurité. Parler en paraboles, c’est tenter d’exprimer un fait ou des idées, en tenant compte du tout qui
95 ées, en tenant compte du tout qui les englobe. Ou c’est encore se garder avec soin de les définir autrement qu’en vue de cett
96 es, je n’ai souci que d’une certaine orientation. C’est à partir du terme, encore une fois, que les contradictions s’éclairen
97 res pour qu’ils s’en souviennent mieux plus tard. C’est comme les noix qui ont une coquille très dure. On peut les emporter s
98 t telle que la question du droit ne se pose plus. C’est l’attitude de l’homme qui a vu quelque chose, ou simplement qui a cru
99 à d’autres hommes. Une vision ne se transmet pas, c’est le contraire d’une carte postale. Il s’agit donc de disposer l’esprit
100 avantage pour nous réduire au parler prophétique. C’est le même risque, et ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles d
10 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
101 ie, d’un régime social, et même d’une esthétique. C’est pourquoi je ne saurais mieux décrire la doctrine du personnalisme qu’
102 des traits marquants du mouvement personnaliste, c’est son insistance sur la nécessité des groupes autonomes et organiques.
103 ens des frontières communes8, un régime uniforme. C’est pourquoi, se plaçant dans la ligne des forces les plus actives, sinon
11 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
104 e dernier, rationalistes ou punitives. Le malade, c’est l’humanité. La partie consciente de l’humanité se voit attaquée par d
105 grand, ni rien de vrai. Essayons une autoanalyse. C’est notre chance peut-être unique. 1. La guerre nous plaît. Toutes ses v
106 a guerre, que nous soyons civils ou combattants ? C’est l’état d’exception proclamé dans la nation entière et dans tous les d
107 r remplacer, sur la scène vide, l’Ennemi déchu ?) C’est pourquoi la paix nous angoisse au moins autant qu’elle nous attire. P
108 les chrétiens et qu’ils tolèrent les hérétiques), c’est la mort sous les balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’
109 es ? La guerre nous plaît. Nous le nions tous, et c’est normal. Mais je propose un test précis. Pourquoi tant de réticences à
110 , de bonnes raisons bien étudiées d’un tel refus. C’est un refus instinctif, comme ils disent. Et c’est tout ce que je voulai
111 . C’est un refus instinctif, comme ils disent. Et c’est tout ce que je voulais leur faire dire. (Il leur reste à me traiter d
112 nous. Il était en nous avons d’être contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’il se dresse contre nous. Et quand nous l’au
113 t être emprunté à la réalité la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité de la passion hostile ou criminelle dont il nous p
114 ns sans doute jamais eu l’expérience. Et pourtant c’est une part de nous-mêmes qui machine cette brusque épouvante, ramassant
115 de l’esprit et l’abandon des grands principes. «  C’est inconcevable ! » opineront-ils, les bras au ciel. Mais c’est très sim
116 cevable ! » opineront-ils, les bras au ciel. Mais c’est très simple. Un homme qui meurt de faim mange n’importe quoi pour tro
117 es sorciers ni même des prêtres dirigent l’État : c’est le péril qu’il faudrait conjurer. Mais je pense qu’il est temps de re
12 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
118 tête en bas) à l’instar du jeu de cartes moderne. C’est un abus inqualifiable, si l’on sait que l’interprétation de chaque la
119 e est plein d’intelligence, de rêve et d’attente. C’est un prince de l’autre monde en voyage ici-bas. Sous cet aspect, il est
120 e la cape noire de l’ignorance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée de trèfles verts — la nature créatrice — et de disq
121 le à un fou, à un mendiant, à un hors-caste : car c’est ainsi que le saint, l’homme parfait, doit apparaître aux yeux des aut
122 tique quelconque, un idiot ou un simple d’esprit. C’est ce qu’il paraît. Si quelque étranger aux habits sales et déchirés, au
123 nquête, le conduiraient tranquillement à l’asile. C’est pourquoi le parfait initié ne condescend pas à desserrer ses lèvres e
124 exprimées par les quatre couleurs et les arcanes. C’est pourquoi, prenons garde, s’il nous advient jamais de rencontrer quelq
125 ), s’élève de la matière et évolue vers le Père : c’est l’homme qui s’éveille des profondeurs, et qui commence à monter vers
13 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
126 an-Paul invoque la « rhétorique des rêves ». Mais c’est Baudelaire qui touche le vrai point, lorsque, risquant un assemblage
127 u’un rêve éveillé, donné pour tel par son auteur. C’est avec La Princesse de Clèves que l’on atteint la phase critique où la
128 eur on ne rejoint que l’insignifiance observable. C’est ce qui va se produire après Balzac. Le roman pousse deux branches d’i
129 e. L’autre branche sera celle du réalisme social. C’est là que va triompher la terreur, se déchaîner la chasse impitoyable au
130 l’enfant change de visage, l’état second paraît. C’est l’état passionné d’attente où naît l’illusion romanesque. Il a suffi
131 e phrase, « N’importe où et n’importe comment » — c’est à quoi vise son effort. « Gontran sortit son briquet de nacre, alluma
132 l’indicateur. » Il s’agit de me faire croire que c’est vrai. Il faut donc me fournir des preuves et des observations exactes
133 e-telle-qu’elle-est ne signifie presque rien. Or, c’est elle qu’on veut reproduire en multipliant les observations exactes et
134 ations exactes et les personnages quelconques. Et c’est au nom de cette fidélité à la vie que M. Jules Romains va s’interdire
135 un livre en se conformant aux « lois de la vie », c’est doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’art. Cette triche
136 ini, obéissant aux lois d’une rhétorique précise. C’est un jeu, et un jeu serré, qui ne tolère aucune faiblesse, aucune trich
137 d’éléments. Le lieu de l’action est circonscrit : c’est généralement une maison dont il semble que personne n’ait pu y entrer
138 ignement dans le temps. Mais l’impureté du genre, c’est qu’il peut se passer de la crédibilité intrinsèque du conte, par le r
14 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
139 t trop beau. Mais rien ne sert de n’y pas croire. C’est un fait, nous l’avons subi, et nous avons tous dit : je n’y puis rien
140 yeux — ils se détournent aussitôt que frappés et c’est toujours : « Ô toi que j’eusse aimée ! » Mais non, si c’était vrai, j
141 mari m’a demandé de vous montrer Budapest. Voilà, c’est Budapest. » Il n’y a rien d’autre à dire. Nous remontons en voiture e
15 1946, Articles divers (1941-1946). Penser avec les mains (janvier 1946)
142 où je crée, là je suis vrai », écrivait Rilke. Et c’est pourquoi nous prendrons au sérieux cette distinction : il y a des hom
143 morque d’événements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’usage inoffensif de ce que des créa
144 es agissent ! Mais la vraie condition de l’homme, c’est de penser avec les mains. p. Rougemont Denis de, « Penser avec les
16 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
145 érisme. La liberté fondamentale dont tout dépend, c’est celle de se « réaliser personnellement ». Or nous ne pourrons jamais
146 pour être libres, uniquement et tout simplement, c’est du courage. Car nous sommes libres, si nous sommes prêts à payer le p
147 toujours : payer de sa personne. Un homme libre, c’est un homme courageux, non pas un homme qui aurait reçu (de qui ?) trois
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
148 Cette figure signifie quelque chose d’important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt
149 ène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan
150 ançais ?) Je parlais d’une conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’il faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse et l
151 verture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous nos é
18 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)
152 a sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays que la première Bombe vient d’être construite. Exagérée
153 mettons que j’ai exagéré : c’était fatal. Écrire, c’est mettre en forme, donc condenser, donc augmenter la réalité de l’objet
154 gmenter la réalité de l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits ou phénomènes que l’on veut dég
155 moi, je poursuivrai ma lutte, quoi qu’il arrive. C’est ma santé. Dès mon premier écrit sur les choses politiques, j’ai posé
19 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)
156 — Et maintenant vous nous dites : aucun danger ! C’est là sans doute votre manière paradoxale, comme de coutume, d’avouer qu
157 te, en vérité. Hitler n’a pas eu recours aux gaz, c’est entendu. Mais pensez-vous qu’une timidité subite l’ait arrêté, ou que
158 is dangereux. Ce qui est dangereux, horriblement, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prép
159 e qui est dangereux, horriblement, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’employe
160 c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’employer. Quand je vois qu’on nomme des c
161 tombée du ciel, animée de mauvaises intentions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à lo
162 de quoi l’on parle ? Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’un coup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher
163 on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu’on ne nous racon
164 raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est
165 us faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de l’Autre. C’est la seule. O
166 e l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depu
167 e autre question. — C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe nous menace et
20 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
168 rticulier. Je pourrais me contenter de répondre : c’est plutôt vous qui devriez sortir, sous peine de ne pas comprendre la ré
169 aucoup plus vite que Jules Verne n’a pu le rêver. C’est cela, et c’est aussi le cauchemar des visas. Si cette folie furieuse
170 e que Jules Verne n’a pu le rêver. C’est cela, et c’est aussi le cauchemar des visas. Si cette folie furieuse et inutile ne r
171 ésoudrait en termes simples : on verrait vite que c’est un faux dilemme. Le fait est là : nous allons en dix heures de Lisbon
172 Mais ce qui naît, ce qui peut naître parmi nous, c’est un amour plus large de l’humain, une conception de la fidélité qui ne
21 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
173 là-bas expliquait en ces termes : « Être decent, c’est tenir sa parole et se tenir propre soi-même »… Quant à la masse du ce
174 Quand est-ce que nous avons bien pu libérer ça ? C’est si petit ! » Par souci de précision, j’ajouterai que je ne connais qu
175 nes écrivains gardent un œil ouvert sur l’Europe. C’est toujours de là que vient l’initiative. Ce qu’ils ont de plus que nous
176 ent l’initiative. Ce qu’ils ont de plus que nous, c’est un grand art du reportage, de la description. Ils ont indiscutablemen
177 e à l’Européen ? Absolument ! Ce que je souhaite, c’est qu’on envoie le plus grand nombre possible d’Européens outre-Atlantiq
22 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
178 ns et querelles ancestrales qui tournent en rond. C’est la rumeur du xxe siècle. Elle a cours en Europe au moins autant qu’a
179 né par la publicité et les sirènes du progrès. Et c’est pourquoi il tiendra le coup. v. Rougemont Denis de, « Histoire de
23 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
180 Cette figure signifie quelque chose d’important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt
181 ène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan
182 ançais ?) Je parlais d’une conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’il faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse, et
183 verture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous les é
24 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
184 va toujours dans le même sens : vers sa fin. Mais c’est une mauvaise raison. Depuis qu’il court ainsi, mesuré par les saisons
185 re est impur, qu’on sache ou non où va la vie, et c’est pourquoi les bonnes raisons n’expliquent pas notre réalité, mais seul
186  ? S’il nous vient à l’idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise déjà qui affleure, nous
187 r notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’atteste.
188 ns pas à distinguer avec des yeux bien dessillés. C’est assez pour l’angoisse et trop peu pour agir. Ainsi le grand décret de
189 Nous voulons échapper au temps, à sa menace, mais c’est peut-être le meilleur ou le seul moyen d’anticiper sa fin : la fin du
190 de réalité, jusqu’au jour où la Fin le pense. Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce
191 théologien répondit : — L’affection de la chair, c’est la mort. Saint Paul l’a vu bien avant Freud, et mieux. Il entendait p
192 e. Bien au contraire, ce qu’affectionne la chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie telle que vo
193 c’est ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite
194 t rien, vers une Absence douloureuse, — alors que c’est la seule Présence qui est terrible en sa splendeur et difficile à sup
195 ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée l’incomparable qualité de son péché et mesuré
196 .............................................. Et c’est alors que toutes les voix des justes confondues clameront l’harmonie
25 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
197 eurs gouvernements ne se posent qu’en s’opposant. C’est la menace extérieure qui « cimente leur unité », qui « galvanise leur
198 pas imaginables. Si vous me dites maintenant que c’est mon gouvernement mondial que vous ne voyez pas — car il supposerait u
199 nc sans guerre possible — cela revient à dire que c’est la paix elle-même que vous ne voyez pas. Je dis vous, et je m’en excu
200 e n’ai parlé que du mauvais, jusqu’ici, parce que c’est de beaucoup le plus courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a
201 ations, dans le sens valable et fécond de ce mot, c’est qu’elles tendent à se confondre avec l’État, et c’est la volonté qu’o
202 t qu’elles tendent à se confondre avec l’État, et c’est la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés, de se rendre autarc
203 guerre en permanence. Ainsi l’ennemi des nations c’est l’État ; et leur sauvegarde serait le gouvernement mondial. Ceux qui
204 ait le gouvernement mondial. Ceux qui pensent que c’est tout le contraire prennent le mot patrie dans le sens de nation, le m
205 comme le bon sens et l’économie l’indiqueraient ? C’est parce que certains pays ont préféré payer le prix exorbitant de l’aut
26 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
206 nçon d’une intimité trop rapide et superficielle, c’est la facilité avec laquelle cette intimité s’évapore. On se voit tous l
207 En France, il y a les catholiques et les laïques, c’est simple ; mais il y a d’autre part trente-six partis et sous-partis, t
208 rique, il y a les républicains et les démocrates, c’est simple ; mais il y a d’autre part trente-six « stocks » d’immigrants,
209 itôt il généralise son invention, son prototype ; c’est à ses yeux un stade atteint et dépassé, c’est comme si tous les avion
210 e ; c’est à ses yeux un stade atteint et dépassé, c’est comme si tous les avions de série étaient déjà faits ; il en est fati
211 d’Europe stupéfie par sa production standardisée. C’est que l’Européen s’ennuie plus vite et supporte moins de s’ennuyer. Tan
212 t la vie Le Français est profondément sérieux, c’est même à mon avis l’espèce d’homme la plus sérieuse de la planète. Cepe
213 ’une liaison l’officialise presque ; en Amérique, c’est elle qui fait scandale. Se quitter bons amis après [illisible] est ré
214 and il critique un livre. Ce qu’il ne tolère pas, c’est le mensonge, et là précisément où le Français le considère comme alla
215 il faut ce qu’il faut, et qu’il faut cela, et que c’est ainsi depuis des siècles, et qu’on ne peut pas y échapper. L’Américai
216 solennelles traditions religieuses de l’Occident. C’est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’ennemi, tandis que le
217 isons de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’inverse. Je compare et vous laisse juger. Ce n’est pas simple. Et c
27 1946, Articles divers (1941-1946). Réponse à l’enquête « Les travaux des écrivains » (24 août 1946)
218 x ans. D’abord, chez Stock : Vivre en Amérique . C’est un recueil de tous mes articles sur les États-Unis, parus dans Carre
28 1946, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)
219 iait aux autres… (Quand ta force devient visible, c’est comme le sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va !) La force éta
220 nd ta force devient visible, c’est comme le sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va !) La force était mémoire et allusio
221 les pudeurs de l’amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a
29 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
222 attendait un peu en arrière : « Rien de nouveau, c’est toujours les mêmes petites histoires… » Depuis des mois, c’est ce que
223 s les mêmes petites histoires… » Depuis des mois, c’est ce que répètent dix fois par jour les usagers de la radio. Le monde a
224 op près : d’heure en heure, nous n’avons rien vu. C’est après coup, en nous retournant, que nous avons entrevu l’ampleur et l
225 vions allemands ont été abattus sur Londres. » Et c’est peut-être la nouvelle la plus importante de la guerre. Car tout tient