1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédiat de ce pays un jugement pessimiste. Les plus graves faiblesses, morales et m
2 e. Nous n’avons pas encore su prendre le tempo de ce xxe siècle. C’est que nous sommes devenus un peuple de bourgeois. L’
3 geois réside dans son refus de prendre au sérieux ce qui l’étonne. « Trop beau pour être vrai », disait-il au siècle derni
4 fiance, cette double incrédulité à l’endroit de «  ce qui nous dépasse » par en haut comme par en bas, traduit un seul et m
5 urage d’envisager — de regarder en plein visage — ce qui nous ruine. Non qu’il soit pessimiste par tempérament — ce n’est
6 uine. Non qu’il soit pessimiste par tempérament — ce n’est pas l’impression qu’il donne, pas du tout — mais il est simplem
7 re du nationalisme, c’est faire l’autre moitié de ce tout. Mais enfin, l’important c’est que chacun commence par dire la v
8 and le temps presse, comme aujourd’hui, l’on voit ce qui compte, et c’est cela qui unit. Pour le reste, si sérieux soit-il
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
9 la chaleur est bonne. Tout un hiver, il vécut de ce feu. Le printemps vint. — Aurai-je encore besoin du feu ? Je reprendr
10 rd elle était là. Vous savez que c’est compliqué, ce bâtiment. Des couloirs et des escaliers partout, un labyrinthe. Je su
11 Puisque c’est absurde, pourquoi ménager quoi que ce soit ? C’était la question par excellence ! Le résumé de toutes mes e
12 je ne trouvais pas son regard, il me semblait que ce regard fuyait très loin dans ses yeux et me rejoignait par-derrière,
13 s me dites que la balle n’est pas plus réelle que ce qui s’est passé dans la maison, vous supprimez à la fois toutes les q
14 s et donc toute possibilité de réponse à quoi que ce soit. Laissez-moi donc seul. C’est mon ordre. Et si vous ne me croyez
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
15 lui qui n’était pas un serf, — se distinguait par ce fait : il avait le droit de porter des armes. Les Suisses considèrent
16 concrète que l’État lui fait confiance. Imaginez ce qui arriverait dans certains États modernes, en proie à des luttes so
17 pour défendre les principaux passages des Alpes. Ce sont des brigades de montagne, constituées par des spécialistes du sk
18 s kilomètres de leurs propres maisons. Ils savent ce qu’ils défendent. Il n’est pas besoin de leur faire des discours. L’u
19 0 uniquement parce que ses voisins comprirent que ce serait un « morceau dur à avaler », et parce qu’il était celui qui a,
20 Confédéré est celui qui ne questionne jamais pour ce qui a trait à la défense du sol quand cela est raisonnable. À ceux qu
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
21 avoir recours à ces remèdes, car définir l’amour ce n’est point le connaître, mais limiter sa part dans notre vie, et nul
22 is parler sans l’offenser dans sa grandeur, c’est ce qui m’enflamme à parler. Rien ne peut être dit de l’amour même, mais
23 a déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours de ce colloque. La Volupté n’est pas le plaisir même, mais l’imagination a
24 e même que le désir se manifeste tout d’abord par ce mutisme. À tel point que l’homme ne retrouvera l’usage de la parole q
25 e de l’esprit — indépendante de l’instinct, c’est ce qu’induisent à supposer les deux observations suivantes : l’extrême c
26 e penche… Maintenant un seul œil est visible dans ce visage décomposé en ombres et lueurs lentement mouvantes, — un seul œ
27 , regard absolu de l’angoisse. Si l’un s’écarte à ce moment, les voici vacillants comme hors d’eux-mêmes. Alors il lui sai
28  : il éloigne sans fin le terme. Tu n’entends que ce qui s’interrompt. Tu ne sais rien que tu ne perdes. Car ce n’est pas
29 interrompt. Tu ne sais rien que tu ne perdes. Car ce n’est pas le savoir que tu veux, mais la divine connaissance du prése
30 mes. Mais dans cette défaite de l’étreinte, n’est- ce point le souvenir du seul désert que désormais nous chercherons ? Au
31 e l’amour qui sera notre tâche sérieuse. Quittons ce temple où dorment deux idoles, et parlons le langage du Jour. d.
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
32 aires : il y a trop de contradictions. Mais c’est ce qui peut intéresser. Une attitude aussi profondément ambiguë, vis-à-v
33 ntre un auteur et ses lecteurs. Or il se peut que ce soit l’attitude de la plupart des écrivains modernes.) J’ai vécu pou
34 pour la gloire — dit le prince André — et qu’est- ce que la gloire, si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir de lui
35 le prince André — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir de lui être utile et de mér
36 e d’iniquité et de mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. (Tols
37 , je n’y vois plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’est pas l’amour mais au contraire le mépris du prochain. Le Prince
38 monde croit aimer La Chartreuse et Adolphe. Mais ce jugement sur le talent, changé du tout, n’entraîne pas que l’on chang
39 moi, je suis trop égoïste pour me laisser aller à ce jeu-là. Je me sentirais dépossédé. C’est que je veux être aimé pour m
40 ue et se retourne ! Celui qui veut la gloire, est- ce qu’il manquerait d’orgueil ? Serait-il plus humble que moi ? Et l’org
41 lle que la donne une foule à qui la flatte, n’est- ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul serait capable de se la d
42 ait pas à rechercher la gloire. Car la gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait l’excellence, à son rang et selon ses
43 leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien. Et ce qu’ils donnent fait toute la renommée du peuple. (Aujourd’hui c’est l
44 Aujourd’hui c’est l’inverse qu’on observe ; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique
45 privilège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est- ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le s
46 derne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne serait- ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son incognito en se donnant l’a
47 puisse avouer sa vanité, ou bien ils croient que ce serait naïf ; et si l’on avoue son orgueil, ils croient que c’est par
48 pour telle et telle raison aisément vérifiable. » Ce serait instructif et amusant. Je veux ma gloire, et je ne l’avoue ja
49 vous que j’aime et qui me connaissez. Vous savez ce que je suis, et si vous appreniez un jour que j’ai de la gloire, que
50 st que vous vous tromperiez, croyant par d’autres ce que vous ne croyez point par vous-mêmes — et je ne veux pas l’erreur.
51 mais non comme une erreur —, je veux cela. Qu’est- ce donc que « gloire », dont la prononciation, pour peu d’emphase que j’
52 e ou mystère, gloire et mort lumineuse, gloire et ce triomphal accord clamé, ou cet instant plutôt qui est au seuil de sa
53 au seuil de sa résolution fondamentale — quel est ce seuil, et que nous ouvrent, sur quel ciel, les symphonies ? Je n’ose
54 honies ? Je n’ose pas dire que je veux être Dieu. Ce serait là, pourtant, ma vérité, la vérité de mon mensonge. Est-ce à c
55 urtant, ma vérité, la vérité de mon mensonge. Est- ce à cause que mon nom est : mensonge, que je voudrais la gloire et ne s
56 sais pas pourquoi ? Ou n’ose pas savoir pourquoi… Ce que je n’ose pas savoir est angoisse. Angoisse est le nom du secret q
57 Il n’y a qu’un seul Dieu, celui qui dit Je suis. Ce sera Dieu, ou ce sera moi. Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Di
58 eul Dieu, celui qui dit Je suis. Ce sera Dieu, ou ce sera moi. Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Dieu, je ne serai r
59 suis. Ce sera Dieu, ou ce sera moi. Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Dieu, je ne serai rien. Si Dieu me tue, il ser
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
60 i dans notre Europe, et qui me sont révélées dans ce pays, parce que c’est leur contraire, ici, qui va de soi. Parmi la do
61 ’est elle qui risque de vieillir en premier lieu. Ce souci, cette arrière-pensée, sont étrangers à la littérature américai
62 n’existe pas, remarquait encore André Gide. Dans ce sens élargi du mot, mais en retirant à l’épithète toute qualité dépré
63 rtains secrets de la littérature contemporaine de ce pays. Secrets de style et de composition. La rhétorique française veu
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
64 ’avait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre nous, ce fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et voi
65 rre, les souvenirs de notre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’un coup, est encore plus proche : c’est l’an pass
66 l’an passé, c’est avant-hier, peut-être même est- ce — aujourd’hui ? Mais oui, peut-être vivons-nous, ici, dans ce Paris d
67 ’hui ? Mais oui, peut-être vivons-nous, ici, dans ce Paris de mars 1939, les derniers jours du bon vieux temps européen. J
68 encore, combien de semaines pourrons-nous goûter ce répit, et sentir que nous prolongeons une existence que nos fils appe
69 aines ne suffiront jamais à l’assurer : il y faut ce climat sentimental, cette espèce de naturel qui naît d’une entente ta
70 loi, en préservant, s’il se peut, dans nos cœurs, ce droit d’aimer, cette bonté humaine plus inutile que jamais, dominatri
71 uleversement des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montrer de quoi l’on est capable est si p
72 le droit de dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il
73 verte, où passe le bruit des autobus ; ou bien de ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans un silenc
74 venirs saccagés. S’il y avait une victoire enfin, ce serait un retour du passé. Vaudrait-il mieux qu’alors ? Saurions-nous
75 de sa perte ? Mais le passé ne reviendra jamais, ce bon vieux temps que je sentais présent — un an déjà ! comme dans les
76 En Amérique, novembre 1940 Périgny… C’était bien ce nom-là ? Un long village en bordure de la route. D’un côté, les maiso
77 ’apparaît si discrète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là n’est qu’amitié des tons et des lignes humaines, humilité sou
78 ’un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce village aux volets clos. Imaginant une idylle muette. Celui qui revie
79 aînaient sur les vergers. J’ai su, plus tard, que ce jour-là, j’avais fait mes adieux à la France. VII. — Mémoire de l’
80 ). La force était mémoire et allusion, elle était ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des adi
8 1944, Articles divers (1941-1946). Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)
81 ans tout cela le vrai peuple de la vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est le malheur le plus affreux de son His
82 à la « Marseillaise » finale. On peut penser tout ce que l’on veut de ces films, du pire au bien ; j’en retiens pour ma pa
83 Car il pense d’instinct, comme Talleyrand, que «  ce qui est exagéré n’est pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans l
84 nd, que « ce qui est exagéré n’est pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans les films que je citais, et dans les témo
85 ur tout dire, le naturel de l’héroïsme populaire. Ce peuple en noir au regard vif s’est révélé face au danger. Il manquait
86 gard sérieux de l’homme et de la femme du peuple, ce jugement précis et humain, bien plus insupportable que tous les cris
87 ils se savent battus. Depuis qu’ils ont rencontré ce regard… k. Rougemont Denis de, « Un peuple se révèle dans le malhe
9 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
88 ez pas argument d’une exagération de ma critique… Ce qui me gênait, je crois, c’est qu’à mon sens vous n’êtes pas encore a
89 e de vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’est pas jouer du violon. Tout d’un coup vous le prenez à double cor
90 n, un peu trop tôt — qui nous surprend… A. N’est- ce pas toujours ainsi ? Je veux dire : tout écrivain n’est-il pas d’abor
91 prises, ou bien vous nous parlez d’idées, et dans ce cas, il faut que nous pensions à chaque instant : « j’allais le dire 
92 arde contre votre obscurité ? A. C’est justement ce parti pris de clarté que je voudrais proposer maintenant à votre réfl
93 Que de précautions ! Vous êtes en train d’imiter ce héros de je ne sais quel album de Toepffer, qui feint de feindre afin
94 int de feindre afin de mieux dissimuler. — Qu’est- ce qu’être clair, à votre avis ? A. Dès que l’on pose cette question, i
95 des réponses ou plates ou mystérieuses. Ne serait- ce pas que la clarté n’est qu’une convention de langage ? J’entends : un
96 t par le souci de contrôler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode d’expression possible. C. Précisément je s
97 choisir entre un langage franchement poétique et ce langage clair et distinct qui convient au débat des idées. A. … qui
98 si vous le voulez, sur le plan du langage. N’est- ce pas la cohérence des raisons et à la fois l’exact ajustement de ces r
99 pas de fin qui lui soit transcendante. Il part de ce qu’il suppose clair et facile, et sa marche est une déduction. La con
100  » ? L’application d’une raison sans parti pris à ce monde tel qu’il est donné, n’a-t-elle pas pour effet immédiat de mult
101 ciens, chimistes et mathématiciens, pour formuler ce qu’ils appellent des lois. Bien. Mais comment obtiennent-ils ces form
102 urs cohérent sur des propriétés de la matière. Et ce discours n’est qu’un certain système d’images. S’il se distingue du p
103 es du langage, vidées de leurs sens particuliers. Ce procédé est sans danger quand il est appliqué par les savants, la sci
104 … La tricherie d’une déduction claire consiste en ce qu’elle prétend partir d’un nombre limité de faits acquis, quand le t
105 s pouviez me montrer chez Descartes un exemple de ce recours aux formes du langage courant. A. Prenons la 3e règle de sa
106 e au sens commun. Je distingue pourtant, derrière ce jugement, la plus étrange illusion de l’esprit : c’est une maxime pop
107 même pour une prévention fâcheuse la croyance que ce but existe en tout état de cause. Pour moi, c’est presque le contrair
108 — précisément — tout l’entre-deux, la pénombre de ce débat. Je vois maintenant deux espèces de langage. Ramenons-les pour
109 de contradiction. La seconde forme d’expression, ce serait celle dont j’essayais de vous faire pressentir la limite, en p
110 reconnaître une Amérique de vision. Et cette fin, ce terme, ce télos, tous les hiatus, toutes les obscurités, tous les par
111 e une Amérique de vision. Et cette fin, ce terme, ce télos, tous les hiatus, toutes les obscurités, tous les paralogismes
112 age doivent l’indiquer comme au-delà d’eux-mêmes… ce que ne sauraient faire des arguments toujours fondés sur ce qui les p
113 sauraient faire des arguments toujours fondés sur ce qui les précède. Voilà pourquoi le discours d’un prophète est le cont
114 Personne, bien sûr ! Personne n’a aucun droit de ce genre, si l’on nomme droit la garantie formelle d’un usage. Mais il a
115 e au parler prophétique. C’est le même risque, et ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands p
10 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
116 s moyen pensait pouvoir vivre impunément, jusqu’à ce que Hitler vînt en prendre avantage. Devant un monde à reconstruire,
117 es choses. La grande question était donc : qu’est- ce que l’homme ? Sur quelle notion centrale de son humanité devons-nous
118 sur lequel a voulu se fonder le totalitarisme de ce siècle, ne sont pas des hommes complets. L’individu n’a que des droit
119 tous s’entendaient fort bien sur des formules de ce genre : les institutions doivent être au service de l’homme, et non l
120 u de faire une année de caserne. Les avantages de ce service civil seraient triples : 1) Justice sociale. La classe prolét
121 notre siècle : celle de l’être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de la physique ou celui de la sociologie, en mat
122 politique, en économie, les meilleurs esprits de ce temps sont parvenus à des conclusions analogues : il n’est possible d
123 e capitaliste, non le pays réel. Que faire contre ce mal, sans capitaux énormes ? Les personnalistes organisèrent des « cl
124 en France, Abetz, au soin d’observer de très près ce développement inquiétant. Mais les personnalistes mesuraient sans ill
11 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
125 uis des faits qui expriment avec un peu de retard ce génie ou cette maladie. (Postérité, je rougis de tant de platitudes,
126 nommée névrose. Alors l’homme se croit menacé par ce qu’il appelle des esprits. Il est victime de terreurs inexplicables.
127 le de force d’un régime d’ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé vaudrait mieux. ⁂ Ces remarques m’amènent à un
128 re, et nous la faisons tous : expliquez cela. — «  Ce sont les autres. » Mais ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont p
129 droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nous fait enquête avant de partir ? Sommes-nous en poss
130 session des pièces du procès ? Quand cela serait, ce ne serait pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas d’une opérati
131 lle ajourne nos vrais conflits. Elle tire de nous ce que la paix n’en tirait plus. Elle offre l’avantage incomparable de s
132 nd non-lieu de millions d’hommes — le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’on n’est plus responsable de soi. La guerre a
133 d’assurances. (Quelle fête immense faudrait-il à ce siècle pour lui faire oublier son goût de la guerre ! Quel drame nouv
134 ous attire. Pourtant viendra la paix, bientôt. Et ce sera peut-être pour des siècles. (Il y aura trop d’avions du même côt
135 s’en servir ? Je ne sais pas mieux que la plupart ce qui résulterait d’une décision de ce genre, mais je sais que la plupa
136 e la plupart ce qui résulterait d’une décision de ce genre, mais je sais que la plupart résistent à priori à cette idée. J
137 refus instinctif, comme ils disent. Et c’est tout ce que je voulais leur faire dire. (Il leur reste à me traiter de défait
138 joué le rôle d’un personnage de rêve d’angoisse. Ce rêve collectif a modelé notre histoire, mais il était d’abord dans l’
139 de nos âmes. On a remarqué que dans un cauchemar, ce qui nous terrifie n’est pas toujours l’aspect du personnage en scène,
140 nt dans un geste, une forme, une atmosphère, tout ce que nous refusions d’admettre en nous. Le cauchemar nous apprend qu’i
141 régnant peut produire des avions en masse et par ce moyen-là venir à bout d’Hitler ; mais il ne pourra prévenir la multip
142 ise. 11. Type d’argument que l’on peut opposer à ce qui précède, afin de tuer dans l’œuf toute tentative d’analyse fécond
12 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
143 de 78 cartes tel qu’il existait au xiiie siècle. Ce nom fut attribué par la suite à l’ensemble du jeu. Un des premiers té
144 jourd’hui quatre exemplaires de 50 cartes chacun. Ce jeu se compose de cinq séries de 10 cartes, nommées les Conditions de
145 ernier attribue au tarot une origine hindoue ; et ce sont les gipsys, selon lui (et d’ailleurs aussi selon Lévi) qui l’aur
146 nie et à la science de Court de Gébelin, terrassa ce que ce grave antiquaire avait transcrit dans son huitième volume du M
147 à la science de Court de Gébelin, terrassa ce que ce grave antiquaire avait transcrit dans son huitième volume du Monde pr
148 t cette lame n’a pas de nombre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin de l’alphabet hébreu… Le vérit
149 notre zéro, et voici son intéressante analyse de ce nombre. (Elie Alta, Le Tarot égyptien, ou Etteilla restitué, Vichy, 1
150 la restitué, Vichy, 1922.) On peut juger d’après ce texte (et son contexte) que selon Etteilla et son disciple Elie Alta,
151 rents : (a) Le pape qui est remplacé par Jupiter, ce qui est la même chose, car Jupiter étant symboliquement principe de v
152 r Junon qui est l’espace ou sanctuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est entièreme
153 r au lecteur de détruire radicalement tout jeu de ce genre sur lequel il pourrait mettre la main, si l’on ne craignait de
154 ition, un grand rêve fixé, et peut être analysé à ce titre. Les figures de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’
155 es alchimistes. Il s’agirait de passer, à travers ce yoga, de l’illusion à la réalité, et des choses telles qu’elles nous
156 ions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résistance, la vie vécue au niveau an
157 par la traversée du Jeu. La vie a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est
158 ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. Waite, le Fou
159 iduelle. Les arcanes majeurs qui suivent montrent ce qu’il adviendra du Fou à mesure qu’il traversera les collines, vallée
160 es indiquées dans le fond de cette carte, jusqu’à ce qu’il revienne au grand soleil ou « Père » dont il est « tombé ». Il
161 quelconque, un idiot ou un simple d’esprit. C’est ce qu’il paraît. Si quelque étranger aux habits sales et déchirés, au re
13 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
162 s avez inventé quelque chose. Ôtez les règles, et ce même déplacement devient le type du geste indifférent. Dans le princi
163 rapproche de l’histoire. Il gagne en intérêt tout ce qu’il perd en magie. Naît alors le récit en prose, illustration de vé
164 do-science ou un faux art. Regardons de plus près ce passage de l’invention réelle au réalisme allégué. Le terroriste détr
165 réelle au réalisme allégué. Le terroriste détruit ce qui soutenait l’envol de l’imagination librement vraie : il détruit l
166 ne rejoint que l’insignifiance observable. C’est ce qui va se produire après Balzac. Le roman pousse deux branches d’impo
167 nd compte de l’insignifiance, au sens littéral de ce terme, où devait choir fatalement le roman dès qu’il refusa d’être fa
168 ncier nous fait savoir qu’il a mis dans son livre ce qui est, et non plus ce qu’il a inventé ? L’abandon de la rhétorique
169 u’il a mis dans son livre ce qui est, et non plus ce qu’il a inventé ? L’abandon de la rhétorique entraîne deux séries de
170 pure du roman-fleuve. La longueur des ouvrages de ce genre est l’expression de l’embarras d’un écrivain qui s’est privé de
171 M. Romains, ne connaît pas de vraies servitudes. Ce qui diminue peut-être pour le roman comme genre les occasions d’acqué
172 s d’acquérir un mérite esthétique supérieur… mais ce qui en tout cas lui interdit de cultiver les conventions. » Ceci corr
173 jeu avec les mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre, ce décousu, ces inconséquences du sort… Bien sûr. Mais pour
174 mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre, ce décousu, ces inconséquences du sort… Bien sûr. Mais pourquoi les roma
175 policier. Je ne pense pas qu’on puisse expliquer ce succès par un intérêt pour le crime, qui serait particulier à notre é
176 tient le problème sous forme de cadavre. Parfois, ce n’est qu’une chambre4. Toutes ces conditions satisfont à l’excellente
177 elques années plus tard, la guerre totale. Ne fût- ce que pour rester au niveau de nos épreuves et de nos désastres réels,
178 nce sous l’occupation : Les Fleurs de Tarbes. 2. Ce cauchemar est fort bien décrit par Lewis Carroll dans la scène de la
14 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
179 cloué sur la ligne de craie tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce n’était trop beau. Mais rien ne sert de n’y pa
180 raie tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce n’était trop beau. Mais rien ne sert de n’y pas croire. C’est un fait
181 ns que nul ne s’en doute. ⁂ J’étais sceptique, en ce temps-là. Je disais à ce romancier (l’un des meilleurs de l’Allemagne
182 ⁂ J’étais sceptique, en ce temps-là. Je disais à ce romancier (l’un des meilleurs de l’Allemagne d’alors) : — Le mythe du
183 stin. Il n’y aurait jamais de coup de fondre sans ce désir que vous entretenez par vos romans… Mais ce n’est pas assez que
184 ce désir que vous entretenez par vos romans… Mais ce n’est pas assez que d’une complaisance acquise. Il faut encore une re
185 ancent l’un vers l’autre, dans la scène du hanap, ce sont des officiants… Tout se passe comme si les deux amants se trouva
186 réponde par une confession. Je ne sais d’ailleurs ce qu’on peut en conclure pour ou contre vos théories. ⁂ Au début de 193
187 leur réserver un dîner : bref, vous vous rappelez ce qu’était la Hongrie, cette hospitalité incomparable, cette liberté ly
188 ’y fait. Je ne puis avaler une seule bouchée. Est- ce vraiment l’effet de l’avion ? J’allais m’en persuader quand je m’aper
189 ènera dans Buda, et me fera visiter le Musée, — à ce soir ! Il s’en va, très satisfait de lui, et de moi aussi, je crois.
190 e, et sans qu’un mot de plus ait été prononcé… Et ce fut ainsi, durant tout mon séjour à Budapest. L’après-midi, je vous l
191 s avons encore pu passer ensemble, à la veille de ce cataclysme. » La lettre était signée Maria. — Un vrai drame du destin
192 omans — et sans doute de vos propres romans ?… Et ce coup de foudre, n’est-il pas tombé d’un ciel qu’il convient de nommer
15 1946, Articles divers (1941-1946). Penser avec les mains (janvier 1946)
193 uée. Inoffensifs tous ceux dont l’œuvre n’est pas ce lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il ne peut plus fuir at
194 qu’il ne peut plus fuir attaque l’auteur et tout ce qu’il reflète d’une ambiance domestiquée. Il est grand temps que la p
195 quée. Il est grand temps que la pensée redevienne ce qu’elle est en réalité : dangereuse pour le penseur, et transformatri
196 par le monde, peinant peut-être en pure perte, si ce n’est pour notre perte à tous. Or, ces gens forment l’opinion, sans a
197 l’on confond la pensée avec l’usage inoffensif de ce que des créateurs ont pensé, au prix de leur vie souvent, et toujours
16 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
198 religion, freedom from want, freedom from fear », ce qui se traduit un peu malaisément dans notre langue par liberté de pa
199 uation n’est pas mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce progrès doit être attribué à moins de fanatisme de la part des masses
200 onc condamnée à subir au double ou au triple tout ce qu’elle s’est épuisé à combattre ? Doit-elle accepter de se passer d’
201 et du présent. Je propose donc que nous changions ce qui peut être immédiatement changé : notre idéal, en attendant le res
202 ibertés susdites. « Une » : Ils peuvent dire tout ce qu’ils veulent à leurs voisins ; « deux » : ils reçoivent gratuitemen
203 ement protégés contre tous les périls extérieurs. Ce sont les détenus des prisons américaines. (On leur donne même des séa
204 ts, puisque nous lui laisserons tous les devoirs. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas d’abord un monde bien arrangé autour de
205 laisserons tous les devoirs. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas d’abord un monde bien arrangé autour de nous. (Certaines pr
206 us. (Certaines prisons sont très bien arrangées). Ce qu’il nous faut pour être libres, uniquement et tout simplement, c’es
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
207 946)r Le xxe siècle est en train de découvrir ce qu’on savait depuis un certain temps mais qu’on n’avait jamais très b
208 es. Laissez-vous entraîner quelques instants dans ce jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, l
209 me objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce soit l’Univers, ou l’Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes se reflèten
210 déplace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent i
211 essayer d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute du député local ni de « l’hypocrisie américaine ».
212 , sous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est pas une question d’information d’abord, vous m’entendez, mais d
213 irais : c’est d’abord une question de poésie. Est- ce un hasard si, parmi tous nos écrivains, ceux que je vois manifester l
214 des Amériques. Vous alliez me dire que j’oubliais ce grand joueur de Boule que fut « Saint-Ex ». À Dieu ne plaise que j’ou
18 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)
215 ourantes : équilibrer les budgets de guerre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible dans les populatio
216 , du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays que la première Bombe vient d’être construite. Exagérée sans dou
217 te. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’homme
218 que, et sans témoins. Je reconnais volontiers que ce processus peut se poursuivre assez longtemps. Les choses ne se passer
219 nt pas si francs, et que nos chefs savent à peine ce qu’ils jouent. Une espèce d’organisation mondiale ouvrira des bureaux
220 est pas prête pour un gouvernement mondial ». Est- ce qu’on lui demande si elle est prête pour la mort ? L’humanité, ce son
221 ande si elle est prête pour la mort ? L’humanité, ce sont des gens comme vous et moi. Quand vous me dites qu’elle n’est pa
222 ient et la nuit aussi. » Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me direz : que
223 ue nous fassions sauter la Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà de ce « clin d’œil », il nous attend. s. R
224 re, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà de ce « clin d’œil », il nous attend. s. Rougemont Denis de, « Dialogues
19 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)
225 st un objet. Les objets ne sont jamais dangereux. Ce qui est dangereux, horriblement, c’est l’homme. C’est lui qui a fait
226 isse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça, c’est une a
227 iècle. — Un progrès ? — Oui, j’appelle ainsi tout ce qui nous rapproche des vraies questions, et nous oblige à y faire fac
20 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
228 a Terre est vaste ! Que d’autres ont protesté que ce débat était antipatriotique, ou anticommuniste, que sais-je. On m’écr
229 ue de ces mots. Il s’agit simplement de circuler. Ce n’est pas très facile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le s
230 ge, ou du bourgeois et lent xixe siècle ! Serait- ce manque d’imagination ? Certes, il en faut une dose non ordinaire pour
231 ages a vécu, la tragédie des départs a vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut naître parmi nous, c’est un amour plus large de
232 la tragédie des départs a vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut naître parmi nous, c’est un amour plus large de l’humain, un
21 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
233 tré d’Amérique. Il nous en parle simplement, avec ce sens de l’équilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’empre
234 ouvrages portent l’empreinte. Le prochain aussi, ce Vivre en Amérique que Stock publiera cet automne. Nous questionnons
235 int de vue culture, où ils ont d’ailleurs raison. Ce groupe forme une petite minorité qui affectionne particulièrement la
236 I m’a récemment déclaré : « La Suisse ? Quand est- ce que nous avons bien pu libérer ça ? C’est si petit ! » Par souci de p
237 lle tout est pareil aux États-Unis. Au contraire, ce pays est celui des contrastes les plus violents. ⁂ Pensez-vous qu’à l
238 En général, les hommes d’affaires voudraient que ce monde lointain s’ouvre. Le président de la Chambre de commerce améric
239 ope. C’est toujours de là que vient l’initiative. Ce qu’ils ont de plus que nous, c’est un grand art du reportage, de la d
240 ique » est profitable à l’Européen ? Absolument ! Ce que je souhaite, c’est qu’on envoie le plus grand nombre possible d’E
241 ’il se prépare déjà à repartir à la découverte de ce continent qui, à lui seul, constitue un monde. Quelle merveilleuse ex
242 érité, doit être classé à l’opposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de la superficialité. Et Dieu seul est capa
243 Dieu seul est capable de dessiner les contours de ce mot « superficiel », qui gouverne le monde ! Bien avant la sanglante
244 phénomène à la fois mythique et mystique ». N’est- ce pas lui qui a lancé cette fulgurante vérité aux nations qui s’apprêta
22 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
245 nouveau et de réinventer les gestes élémentaires. Ce travail de Sisyphe les épuise et les condamne à rester singes. Il les
23 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
246 946)y Le xxe siècle est en train de découvrir ce qu’on savait depuis un certain temps mais qu’on n’avait jamais très b
247 es. Laissez-vous entraîner quelques instants dans ce jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, l
248 me objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce soit l’Univers ou l’Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent.
249 déplace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent i
250 essayer d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie américaine »… Que
251 , sous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est pas une question d’information d’abord, qu’on m’entende bien, m
252 irais : c’est d’abord une question de poésie. Est- ce un hasard si, parmi tous les écrivains français, ceux que je vois man
253 ie, le cœur violent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur de Boule que fut « Saint-Ex »13, le premier qui me parla
24 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
254 ans son sens fort. Car penser sa mort réellement, ce serait aussitôt mourir. Peut-être avons-nous là le seul critère d’une
255 tons impuissants à penser notre mort dans le vif, ce phénomène doit normalement être aperçu comme négligeable ; et s’y att
256 je donc ici à remuer ces choses ? Il est vrai que ce sont les seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, si l’on admet
257 ous avertit de son but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’œil nu,
258 table de ses choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait pas
259 ns n’expliquent pas notre réalité, mais seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a les meilleures raisons
260 nsi le grand décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle n’est qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. Une première
261 former. Non pas encore l’Arrêt dernier, mais déjà ce ralentissement qui nous fait accéder à la conscience obscure d’un dan
262 der à la conscience obscure d’un danger proche, —  ce crépuscule qui est peut-être une aube, et la frange de cet éclat qui
263 s à protéger sa course. L’amour ? La solidarité ? Ce sont des idéaux de ligues, des mots qu’on n’ose plus employer qu’au d
264 qui tourmente l’Occident depuis des siècles. Mais ce rêve, à son tour se trouble ; il faiblit, il ne couvre plus toute l’é
265 it contre nous ?) Et le monde entier s’organise à ce niveau de vie moyenne qui paraît offrir à la mort, comme à tout acte
266 c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la présence éternelle de la Fin,
267 et l’humour de la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la présence éternelle de la Fin, tout ce qui donne un s
268 i manifeste la présence éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens d’éternité à vos singeries, vous l’appelez exagéré,
269 sortirait pour voir ? Seul, d’ici, je m’étonne : ce monde peut si facilement glisser, tout se trouver changé, et les homm
270 l’homme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’est point que nous aimions la mort comme telle. Bien au contraire,
271 s aimions la mort comme telle. Bien au contraire, ce qu’affectionne la chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne de la
272 n au contraire, ce qu’affectionne la chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie telle que vous
273 e nous, mais d’En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui n’était pour nous qu’un recul devant le présent. Ici le tem
274 ternel. Et l’Histoire tout entière dans l’acte de ce oui, se manifeste au Jour de tous les jours. Comme il parlait encore,
275 leurs efforts et leurs soucis se tournaient vers ce qui n’est rien, vers une Absence douloureuse, — alors que c’est la se
276 e s’était défendu que de l’autre côté, du côté de ce monde mal fait… Parut un soleil nouveau. Et ceux qui le voyaient pren
277 mière jusqu’aux limites de sa perfection, où tout ce qui voit éclaire aussi, où tout œil rend ce qu’il reçoit, où le grand
278 tout ce qui voit éclaire aussi, où tout œil rend ce qu’il reçoit, où le grand jour est tout en tous. Ce premier Jugement
279 qu’il reçoit, où le grand jour est tout en tous. Ce premier Jugement fut la Salutation. Second jugement ou sommation
280 « terme » de sa vie, la proféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’éternelle sommation, somme absolue de ses jou
281 sages répondaient : — Nul ne possède vraiment que ce qu’il peut donner. Demandez-moi plutôt pour quoi je veux mourir. Et c
282 plutôt pour quoi je veux mourir. Et c’était bien ce qu’on faisait. Ainsi tous connurent la mort, mais les uns renaissaien
283 us du sourire de la plus fervente ironie ? Qu’est- ce qu’il grommelle sous son chapeau de paille ?14 « Qu’il voudrait subsi
284 eau de paille ?14 « Qu’il voudrait subsister dans ce moment du choix qu’on lui impose maintenant, bien plus violent qu’il
285 me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’un vertige à ce discours d’une furieuse démesure, mais il y eut alors comme un silenc
25 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
286 pose le gouvernement mondial Vous me dites que ce n’est point par mauvaise volonté, mais que vous avez grand-peine à vo
287 on. De plus, comment imaginer un pouvoir digne de ce nom, s’il ne trouvait personne en face de lui avec qui échanger des n
288 e. Et cela pour essayer de vous mieux représenter ce qu’un pouvoir planétaire pourrait bien faire de ses dix doigts… Pas d
289 t-à-dire, soyons francs, le comble de l’ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse »… À propos de cette dernière expre
290 ers, avons prouvé que nous savions nous battre », ce qui est bien la preuve que j’ai tort, et d’ailleurs de n’importe quoi
291 r », bref que je suis un « élément de désordre ». Ce colonel m’a donné une idée. En reposant sa lettre je me suis écrié :
292 rtir un peu, car nous y sommes déjà bien engagés. Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produi
293 ngagés. Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produisent les guerres… Mais je vois que ce mot
294 ions qui produisent les guerres… Mais je vois que ce mot de nation a créé entre nous une équivoque. Il a deux sens bien di
295 coup le plus courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fait leur véritable or
296 nguer. Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fait leur véritable originalité, n’est pas défini par leur souver
297 simplistes pour répondre à vos craintes vagues.) Ce qui détruit aujourd’hui les nations, dans le sens valable et fécond d
298 ui les nations, dans le sens valable et fécond de ce mot, c’est qu’elles tendent à se confondre avec l’État, et c’est la v
299 tine ou anglo-saxonne, socialiste ou capitaliste. Ce modèle est celui de l’État totalitaire, qui est l’état de guerre en p
300 oi n’est-il question que de « nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’intérieur des frontières, au lieu de multiplier l
301 est le pire des crimes sociaux. On ne sortira de ce cercle vicieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre, ou la provoq
302 ne sortira de ce cercle vicieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre, ou la provoque, c’est-à-dire en désintégrant le
303 à seuls seront qualifiés pour arbitrer. Autrement ce n’est qu’un jeu de force, et le premier qui tire aura gagné, quel que
26 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
304 rance, et que l’Amérique encore me tient par tout ce que je viens d’y vivre en six années, livrons-nous au petit jeu de so
305 compagnée d’un regard qui jauge cet adversaire ou ce partenaire possible. Qui va prendre avantage sur l’autre ? Ainsi se p
306 on se rencontre par hasard, on ne se demande pas ce qu’on est devenu, on rit, on boit, on ne s’étonne de rien, tout gliss
307 Le « réalisme terre-à-terre » des Américains dans ce domaine, présente un tel contraste avec les mœurs des Européens qu’on
308 d’un ordre spirituel quand il critique un livre. Ce qu’il ne tolère pas, c’est le mensonge, et là précisément où le Franç
309 ir des questionnaires comportant des questions de ce genre : « Buvez-vous ? Modérément ? À l’excès ? Fumez-vous ? Avez-vou
310 roupier moyen, sans opinion.) Il pense qu’il faut ce qu’il faut, et qu’il faut cela, et que c’est ainsi depuis des siècles
311 c’est l’inverse. Je compare et vous laisse juger. Ce n’est pas simple. Et cela va peut-être choquer ? Que voulez-vous, j’a
27 1946, Articles divers (1941-1946). Réponse à l’enquête « Les travaux des écrivains » (24 août 1946)
312 ombre d’ouvrages qui vont paraître en même temps, ce qu’explique aisément ma longue absence de six ans. D’abord, chez Stoc
313 la version définitive. Les Personnes du drame . Ce sont des essais sur Goethe, Kierkegaard, Kafka, Luther, Gide, Ramuz,
28 1946, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)
314 !) La force était mémoire et allusion. Elle était ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des adi
29 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
315 En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 sep
316 remier tour de pont. Ils se rappellent sans doute ce Polonais, tiré, jeté par la police franquiste hors du train qui siffl
317 de ses bases, des réflexes de son milieu, de tout ce qui allait de soi autour de lui et l’assurait quotidiennement, incons
318 mêmes petites histoires… » Depuis des mois, c’est ce que répètent dix fois par jour les usagers de la radio. Le monde a ch
319 e de la guerre. Car tout tient aux Anglais, et si ce bulletin dit vrai, les Anglais tiennent. L’autre jour à Lisbonne une