1
Reynold et l’avenir
de
la Suisse (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’auteur de
2
Le grand service que nous aura rendu l’auteur
de
Conscience de la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédi
3
ervice que nous aura rendu l’auteur de Conscience
de
la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédiat de ce pays
4
rendu l’auteur de Conscience de la Suisse, c’est
d’
avoir osé porter sur l’avenir immédiat de ce pays un jugement pessimis
5
e, c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédiat
de
ce pays un jugement pessimiste. Les plus graves faiblesses, morales e
6
iblesses, morales et matérielles, dans le domaine
de
la « défense spirituelle » comme dans celui de la défense du territoi
7
ne de la « défense spirituelle » comme dans celui
de
la défense du territoire, proviennent chez nous d’une incapacité cong
8
e la défense du territoire, proviennent chez nous
d’
une incapacité congénitale à prévoir le pire, à l’admettre, et à se pr
9
ence. Nous n’avons pas encore su prendre le tempo
de
ce xxe siècle. C’est que nous sommes devenus un peuple de bourgeois.
10
siècle. C’est que nous sommes devenus un peuple
de
bourgeois. L’ère de la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de
11
nous sommes devenus un peuple de bourgeois. L’ère
de
la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de l’absence d’imaginat
12
de la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et
de
l’absence d’imagination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos
13
oisie, ère du « confort moderne » et de l’absence
d’
imagination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos cantons une e
14
imagination réaliste, prolonge encore dans la vie
de
nos cantons une existence condamnée ailleurs par des faits que je n’a
15
. La faiblesse du bourgeois réside dans son refus
de
prendre au sérieux ce qui l’étonne. « Trop beau pour être vrai », dis
16
t comme par en bas, traduit un seul et même refus
de
voir le monde tel qu’il est : pécheur et racheté, condamné et sauvé.
17
jouer à temps leurs calculs. Reynold a le courage
d’
envisager — de regarder en plein visage — ce qui nous ruine. Non qu’il
18
leurs calculs. Reynold a le courage d’envisager —
de
regarder en plein visage — ce qui nous ruine. Non qu’il soit pessimis
19
lement lucide. Il a su voir plus loin que le bout
de
la Suisse. Il a su voir l’Europe en pleine révolution. Il a montré l’
20
s, chez nous, que la vraie fin, même inconsciente
de
l’étatisme disciplinaire, dépourvu d’idéal directeur, n’était autre q
21
nconsciente de l’étatisme disciplinaire, dépourvu
d’
idéal directeur, n’était autre que la mise au pas du pays, sa mise en
22
faire du nationalisme, c’est faire l’autre moitié
de
ce tout. Mais enfin, l’important c’est que chacun commence par dire l
23
ence par dire la vérité dans son patois, et celui
de
Reynold est « de droite ». Le mien passa souvent pour être de « gauch
24
vérité dans son patois, et celui de Reynold est «
de
droite ». Le mien passa souvent pour être de « gauche », comme si je
25
st « de droite ». Le mien passa souvent pour être
de
« gauche », comme si je croyais encore aux vaines distinctions qui ch
26
Laissons tout cela et avançons ! La claire vision
d’
un but commun et d’un péril qui se désigne lui-même comme total (ou to
27
et avançons ! La claire vision d’un but commun et
d’
un péril qui se désigne lui-même comme total (ou totalitaire) doit bie
28
il y ait un « plus tard ». En campagne, le jour
de
la capitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold
29
tard ». En campagne, le jour de la capitulation
de
la Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’avenir de la S
30
pitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis
de
, « Reynold et l’avenir de la Suisse », Hommage à Gonzague de Reynold,
31
a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’avenir
de
la Suisse », Hommage à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librairie de l’
32
ommage à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librairie
de
l’Université, 1941, p. 123-125.
33
olle ! Mais lui les trouve et s’en revêt : voiles
de
nuit. Elle a passé tout près, ne l’a pas vu. C’est pourtant le désir
34
t la femme égarée qui ne voudrait aimer le Prince
de
ces Lieux ? — Mais on m’appelle, écoute, la voix venait du parc ? — E
35
s murs ne cachent plus que les abords désertiques
de
la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais dis
36
— Viens dans mes bras, ma fille. II. Le marché
de
l’aube — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le petit marcha
37
II. Le marché de l’aube — Choisis la pierre
de
tes vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche de prêtre orient
38
vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche
de
prêtre oriental. L’homme choisit la plus terne, il était triste et pr
39
adait que sa pierre était bonne, étant bien celle
de
ses vœux, la pierre se mit à luire davantage ; et davantage encore il
40
ontre la vie, plus il vivait. Un soir, émerveillé
de
la revoir, il dit : — Je suis un homme heureux, j’ai su choisir la pi
41
suis un homme heureux, j’ai su choisir la pierre
de
mes vœux, car seul j’ai deviné le cher secret de son éclat. Et mainte
42
de mes vœux, car seul j’ai deviné le cher secret
de
son éclat. Et maintenant, ma pierre, luis de ton propre éclat ! Qu’un
43
cret de son éclat. Et maintenant, ma pierre, luis
de
ton propre éclat ! Qu’une fois au moins je te contemple en mon repos.
44
ais la chaleur est bonne. Tout un hiver, il vécut
de
ce feu. Le printemps vint. — Aurai-je encore besoin du feu ? Je repre
45
ndrai ma pierre et me reposerai dans la fraîcheur
de
son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fait son temps,
46
ma vie. Pour la deuxième fois, il alla au marché
de
l’aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche d
47
il alla au marché de l’aube. — Choisis la pierre
de
tes vœux, lui dit l’homme à barbiche de prêtre, je me souviens de ta
48
la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche
de
prêtre, je me souviens de ta jeunesse. Il choisit la plus éclatante.
49
dit l’homme à barbiche de prêtre, je me souviens
de
ta jeunesse. Il choisit la plus éclatante. Et vois : quand il était h
50
e. Et vois : quand il était heureux, elle luisait
d’
une froide splendeur, et quand il était triste, elle était consolante.
51
es mains, la pierre du vœu triste et présomptueux
de
sa jeunesse. Et il pleurait. Une troisième fois, il se leva pour alle
52
e troisième fois, il se leva pour aller au marché
de
l’aube. — Tu n’as plus rien, lui dit le petit vieillard, je ne te ven
53
ge ? Voici, l’une des deux pierres sera ta pierre
de
Mort, si tu la choisis seule, et ne veux plus souffrir. III. Le co
54
Évidemment, je n’aurais pas dû entrer. On fait
de
ces bêtises, par négligence, croit-on. Bref, je suis entré, c’était j
55
ouges, comme lorsqu’on choisit une couleur au jeu
de
cartes, rouge ou noir. J’arrive à la salle de lecture. Il n’y avait q
56
jeu de cartes, rouge ou noir. J’arrive à la salle
de
lecture. Il n’y avait que des feuilles de papier blanc sur les tables
57
a salle de lecture. Il n’y avait que des feuilles
de
papier blanc sur les tables, et tout le monde lisait. Je dis : — Est-
58
e ici ? Quelqu’un l’a-t-il vue ? Ils me regardent
d’
un air vexé. Un valet s’approche rapidement et me dit à voix basse : —
59
is dit que : Fine day to day, c’eût été une sorte
de
question ou de réponse. Je pensais que le mieux serait de m’en aller
60
ne day to day, c’eût été une sorte de question ou
de
réponse. Je pensais que le mieux serait de m’en aller sans bruit. Mai
61
ion ou de réponse. Je pensais que le mieux serait
de
m’en aller sans bruit. Mais vous connaissez ces couloirs. Et je ne vo
62
? C’était la question par excellence ! Le résumé
de
toutes mes erreurs, si vous voulez. Je trouve la porte du bureau dire
63
t par-derrière, je ne puis l’expliquer autrement.
D’
une certaine manière, c’était mon propre, regard qui traversait ses ye
64
elle. (Je tenais sa main. Je sentis qu’elle avait
de
la fièvre.) Je suis là parce que tu es venu, tout simplement. Nous ét
65
Nous étions couchés chez nous. Je ne sais combien
de
temps cela va durer. Elle délire et j’ai cette balle dans le cœur. Et
66
r. Et voici que maintenant, je ne puis plus poser
de
questions. Car si vous me dites que c’est une vraie balle que j’ai da
67
les questions possibles et donc toute possibilité
de
réponse à quoi que ce soit. Laissez-moi donc seul. C’est mon ordre. E
68
royez pas, je vais tirer ! b. Rougemont Denis
de
, « Trois paraboles », Lettres françaises, Buenos Aires, 1 octobre 194
69
La leçon
de
l’armée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914, l’emper
70
rmée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre
de
1914, l’empereur Guillaume II fit une visite au gouvernement suisse.
71
en ; mais si nous vous attaquions avec un million
d’
hommes, que feriez-vous ? » — « Chacun de nous tirerait deux fois », r
72
million d’hommes, que feriez-vous ? » — « Chacun
de
nous tirerait deux fois », répondit calmement le soldat. Le Kaiser pr
73
des pays qui a le mieux résolu l’urgent problème
de
la défense de la démocratie, sans toutefois tomber dans une mobilisat
74
otalitaire. Voici les faits : Avec une population
de
4 millions et demi d’habitants, la Suisse a une armée de 600 000 homm
75
faits : Avec une population de 4 millions et demi
d’
habitants, la Suisse a une armée de 600 000 hommes. Un habitant sur 7
76
llions et demi d’habitants, la Suisse a une armée
de
600 000 hommes. Un habitant sur 7 est un soldat. La même proportion d
77
ême proportion donnerait aux États-Unis une armée
de
20 millions d’hommes. Mais nulle part les coutumes et les institution
78
donnerait aux États-Unis une armée de 20 millions
d’
hommes. Mais nulle part les coutumes et les institutions ne sont plus
79
rmée n’est plus populaire et ne fait aussi partie
de
la vie nationale qu’en Suisse. Depuis que les communes suisses se lib
80
munes suisses se libérèrent pour la première fois
de
la domination médiévale des seigneurs, leur armée a été un groupement
81
ale des seigneurs, leur armée a été un groupement
de
citoyens libres, possédant chacun ses propres armes et portant fièrem
82
n peut souvent voir un paysan, assis sur le seuil
de
sa porte, polissant et graissant son fusil après le tir du dimanche,
83
— se distinguait par ce fait : il avait le droit
de
porter des armes. Les Suisses considèrent leurs armes comme un symbol
84
Suisses considèrent leurs armes comme un symbole
de
leur liberté. Les libertés civiques et l’esprit militaire n’ont jamai
85
étaient libres. La possession par chaque citoyen
de
ses propres armes, montre d’une façon concrète que l’État lui fait co
86
n par chaque citoyen de ses propres armes, montre
d’
une façon concrète que l’État lui fait confiance. Imaginez ce qui arri
87
ques, si les soldats démobilisés avaient le droit
d’
emporter chez eux leurs armes et leurs munitions ! En France, après l’
88
offrit cent-mille francs aux soldats, en échange
de
leurs fusils, par crainte d’une révolution. Hitler fit désarmer ses p
89
soldats, en échange de leurs fusils, par crainte
d’
une révolution. Hitler fit désarmer ses propres troupes de choc, après
90
volution. Hitler fit désarmer ses propres troupes
de
choc, après l’épuration du 30 juin 1934, leur laissant seulement un p
91
t un poignard décoratif. La possession par chacun
de
ses propres armes a également une importance technique qui n’est null
92
i n’est nullement à négliger. C’est le seul moyen
d’
assurer une mobilisation ultrarapide. Et c’est la défense la plus adéq
93
le est devenue, ainsi, la méthode la plus moderne
de
défense. C’est la clé de l’organisation de l’armée suisse et le secre
94
méthode la plus moderne de défense. C’est la clé
de
l’organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’arm
95
oderne de défense. C’est la clé de l’organisation
de
l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’armée est un lien non
96
de l’organisation de l’armée suisse et le secret
de
sa popularité… L’armée est un lien non seulement entre les individus,
97
, mais aussi entre les classes. La Suisse n’a pas
d’
école réservée aux officiers. Tous les hommes de 20 ans, propres au se
98
s d’école réservée aux officiers. Tous les hommes
de
20 ans, propres au service militaire vont à la même école. Là le pays
99
t à la même école. Là le paysan a comme compagnon
de
chambre l’étudiant, l’ouvrier le fils de son patron. Pendant les troi
100
ompagnon de chambre l’étudiant, l’ouvrier le fils
de
son patron. Pendant les trois mois que dure l’entraînement, on a le t
101
trois mois que dure l’entraînement, on a le temps
de
reconnaître la valeur réelle et les faiblesses de son voisin, de se f
102
de reconnaître la valeur réelle et les faiblesses
de
son voisin, de se faire des amitiés. Une égalité complète existe dans
103
la valeur réelle et les faiblesses de son voisin,
de
se faire des amitiés. Une égalité complète existe dans les baraquemen
104
mes à la vie civile, bronzés, endurcis et chargés
d’
expérience que la vie paisible des villes ou des villages ne leur aura
105
a jeunesse suisse et la durée relativement courte
de
l’entraînement permet à chaque recrue de retrouver à son retour sa pl
106
t courte de l’entraînement permet à chaque recrue
de
retrouver à son retour sa place dans la vie civile. L’insuffisance te
107
la vie civile. L’insuffisance technique résultant
d’
une si brève période de service est compensée par un entraînement annu
108
isance technique résultant d’une si brève période
de
service est compensée par un entraînement annuel. La vie civile égale
109
nnuel. La vie civile également apporte au citadin
de
fréquents contacts avec les affaires militaires. Dans chaque village,
110
militaires. Dans chaque village, dans chaque club
de
tir, on voit des « cercles d’amis » pour officiers et sous-officiers.
111
e, dans chaque club de tir, on voit des « cercles
d’
amis » pour officiers et sous-officiers. L’officier suisse est, dans l
112
habitude veut qu’ils lui envoient leurs bons vœux
de
Nouvel An, auxquels il répond toujours. Plusieurs de ces hommes vont
113
Nouvel An, auxquels il répond toujours. Plusieurs
de
ces hommes vont vers lui pour lui demander un conseil ou pour les aid
114
ver du travail. Tous le considèrent comme le chef
d’
une famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de l’armée en Suisse a
115
. Tous le considèrent comme le chef d’une famille
de
200 hommes. Le Haut-Commandement de l’armée en Suisse a prévu dès 193
116
d’une famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement
de
l’armée en Suisse a prévu dès 1930 déjà, que la prochaine guerre ne s
117
que la prochaine guerre ne serait pas une guerre
de
« fronts », et qu’une défense en profondeur devait être organisée, co
118
les Suisses retournent à leur ancienne tradition
de
faire la guerre. Chaque canton a son propre système de défense, selon
119
ire la guerre. Chaque canton a son propre système
de
défense, selon sa topographie et ses ressources. Des petits corps d’a
120
a topographie et ses ressources. Des petits corps
d’
armée surgissent en certains points pour défendre les profondes vallée
121
s plans préétablis. Nous trouvons ainsi à la base
de
l’organisation militaire, les mêmes facteurs qui déterminent la struc
122
du pays : autonomie locale et entraide. La moitié
de
l’armée est composée de divisions mobiles régulières. Le reste consis
123
le et entraide. La moitié de l’armée est composée
de
divisions mobiles régulières. Le reste consiste en garnisons et en fo
124
incipaux passages des Alpes. Ce sont des brigades
de
montagne, constituées par des spécialistes du ski et de l’alpinisme,
125
tagne, constituées par des spécialistes du ski et
de
l’alpinisme, et des brigades indépendantes pour défendre les frontièr
126
ndantes pour défendre les frontières. Ces troupes
de
couverture connaissent les positions préparées à la frontière, parce
127
à la frontière, parce qu’elles les ont fortifiées
de
leurs propres mains. À la première alerte, les hommes endossent leurs
128
et les canons anti-tanks sont prêts. Les magasins
de
munitions et de vivres ont été cachés dans les rochers. En 1939, la d
129
ti-tanks sont prêts. Les magasins de munitions et
de
vivres ont été cachés dans les rochers. En 1939, la disposition de ce
130
cachés dans les rochers. En 1939, la disposition
de
ces troupes de couverture, qui précéda la mobilisation générale de ci
131
s rochers. En 1939, la disposition de ces troupes
de
couverture, qui précéda la mobilisation générale de cinq jours, se fi
132
couverture, qui précéda la mobilisation générale
de
cinq jours, se fit en quelques heures, le long de toutes les frontièr
133
quelques heures, le long de toutes les frontières
de
la Suisse. Les gardes-frontière prennent position à quelques kilomètr
134
frontière prennent position à quelques kilomètres
de
leurs propres maisons. Ils savent ce qu’ils défendent. Il n’est pas b
135
s savent ce qu’ils défendent. Il n’est pas besoin
de
leur faire des discours. L’un de ceux qui écrivit cet article fut mob
136
n’est pas besoin de leur faire des discours. L’un
de
ceux qui écrivit cet article fut mobilisé en 1939, à un poste-frontiè
137
s au-dessous, et parfois attraper le clair reflet
d’
une robe d’été et imaginer qu’il reconnaissait ses enfants. De telles
138
s, et parfois attraper le clair reflet d’une robe
d’
été et imaginer qu’il reconnaissait ses enfants. De telles choses comp
139
’été et imaginer qu’il reconnaissait ses enfants.
De
telles choses comptent dans la guerre. Mais une petite armée peut-ell
140
ux équipé ? Le premier acte du « blitzkrieg » est
d’
empêcher la mobilisation du pays que l’on veut envahir. Les partenaire
141
on du pays que l’on veut envahir. Les partenaires
de
l’Axe peuvent devenir les maîtres de l’air et désorganiser les commun
142
partenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres
de
l’air et désorganiser les communications ferroviaires. Mais l’armée s
143
Cela serait-il possible en Suisse ? Il y a autant
de
centres de résistance qu’il y a de cantons ou de villes, autant de ba
144
-il possible en Suisse ? Il y a autant de centres
de
résistance qu’il y a de cantons ou de villes, autant de bases de défe
145
Il y a autant de centres de résistance qu’il y a
de
cantons ou de villes, autant de bases de défense qu’il y a de défilés
146
de centres de résistance qu’il y a de cantons ou
de
villes, autant de bases de défense qu’il y a de défilés et de montagn
147
istance qu’il y a de cantons ou de villes, autant
de
bases de défense qu’il y a de défilés et de montagnes. Chaque village
148
u’il y a de cantons ou de villes, autant de bases
de
défense qu’il y a de défilés et de montagnes. Chaque village de la Su
149
u de villes, autant de bases de défense qu’il y a
de
défilés et de montagnes. Chaque village de la Suisse est devenu un fo
150
utant de bases de défense qu’il y a de défilés et
de
montagnes. Chaque village de la Suisse est devenu un fort, ses entrée
151
il y a de défilés et de montagnes. Chaque village
de
la Suisse est devenu un fort, ses entrées fermées par des barricades
152
es forteresses en miniature. Vous ouvrez la porte
de
quelque grenier et vous vous trouvez en face d’un canon anti-tank, pr
153
protégé par un mur en ciment. Une poussée rapide
de
divisions motorisées pourrait seulement se faire en évitant les villa
154
attaque en règle. Il ne serait nullement question
d’
avancer rapidement comme dans les plaines de Flandre ou en Pologne. Le
155
stion d’avancer rapidement comme dans les plaines
de
Flandre ou en Pologne. Les deux premières années de la victoire allem
156
Flandre ou en Pologne. Les deux premières années
de
la victoire allemande ont renforcé la volonté des Suisses de se défen
157
ire allemande ont renforcé la volonté des Suisses
de
se défendre. Le contact entre les hommes et le sol, entre l’armée et
158
iques, s’est vu raffermi par cette longue période
de
mobilisation. La Suisse fut épargnée au printemps 1940 uniquement par
159
lon. Ces tunnels sont puissamment minés. Beaucoup
d’
hommes ont juré de les faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe
160
ont puissamment minés. Beaucoup d’hommes ont juré
de
les faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe le sait, l’Axe co
161
mes ont juré de les faire sauter au premier signe
d’
invasion. L’Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense
162
L’Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse
de
défense. La ligne du Gothard a été déclarée comme ligne de retraite n
163
e. La ligne du Gothard a été déclarée comme ligne
de
retraite nationale. Certaines unités de l’armée doivent ralentir la p
164
mme ligne de retraite nationale. Certaines unités
de
l’armée doivent ralentir la pénétration des frontières, d’autres doiv
165
auveront du moins l’honneur du pays. Des extraits
d’
un récent discours prononcé à Berne par un colonel, devant un grand pu
166
nt un grand public, montre l’état d’esprit actuel
de
la Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui ne questionne jamais pour
167
qui ne défend pas son indépendance. Mais au-delà
de
tout calcul de gain ou de perte, il y a des valeurs morales. Il y a l
168
pas son indépendance. Mais au-delà de tout calcul
de
gain ou de perte, il y a des valeurs morales. Il y a l’idée fédéralis
169
épendance. Mais au-delà de tout calcul de gain ou
de
perte, il y a des valeurs morales. Il y a l’idée fédéraliste que nous
170
être adoré comme un Dieu. c. Rougemont Denis
de
, « La leçon de l’armée suisse », Journal suisse d’Égypte et du Proche
171
me un Dieu. c. Rougemont Denis de, « La leçon
de
l’armée suisse », Journal suisse d’Égypte et du Proche-Orient, Alexan
172
e, « La leçon de l’armée suisse », Journal suisse
d’
Égypte et du Proche-Orient, Alexandrie, 4 mars 1942, p. 1.
173
e polémique avec le mystère, il arrive à certains
de
s’oublier jusqu’à donner de l’amour une ou plusieurs définitions. Ah
174
il arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner
de
l’amour une ou plusieurs définitions. Ah ! puissions-nous aimer l’amo
175
rice anxieuse. Mais il est une manière imaginable
de
parler de l’amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de p
176
use. Mais il est une manière imaginable de parler
de
l’amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de phrases où
177
aginable de parler de l’amour sans malice : c’est
de
former quelques rythmes de phrases où l’indicible jette par moments u
178
ur sans malice : c’est de former quelques rythmes
de
phrases où l’indicible jette par moments une espèce d’émotion ou de g
179
rases où l’indicible jette par moments une espèce
d’
émotion ou de gêne, non qu’il soit dit ni même décrit par allusions ou
180
dicible jette par moments une espèce d’émotion ou
de
gêne, non qu’il soit dit ni même décrit par allusions ou par symboles
181
souveraine est annoncée par certain frémissement
de
l’assemblée des mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute élo
182
ce qui m’enflamme à parler. Rien ne peut être dit
de
l’amour même, mais rien non plus n’est dit que par l’amour, si toutef
183
nous apprend à sa manière que l’amour est le lieu
d’
un mutisme sacré. Angérone, déesse du Silence : on croit qu’elle avait
184
: on croit qu’elle avait sa statue dans le temple
de
la Volupté. Et certains pensent qu’elle est la même que la déesse Vol
185
e la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours
de
ce colloque. La Volupté n’est pas le plaisir même, mais l’imaginatio
186
gination active du désir qui lentement s’approche
de
son terme. Quand le désir s’empare d’un homme, il arrive qu’il le ren
187
s’approche de son terme. Quand le désir s’empare
d’
un homme, il arrive qu’il le rende muet. Il arrive même que le désir s
188
me. À tel point que l’homme ne retrouvera l’usage
de
la parole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté sera
189
. La volupté serait un phénomène analogue à celui
de
l’hypnose : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des
190
phénomène analogue à celui de l’hypnose : un état
de
l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet
191
alogue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou
de
l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet unique et d
192
Que cette hypnose soit en quelque mesure — celle
de
l’esprit — indépendante de l’instinct, c’est ce qu’induisent à suppos
193
quelque mesure — celle de l’esprit — indépendante
de
l’instinct, c’est ce qu’induisent à supposer les deux observations su
194
observations suivantes : l’extrême concentration
de
l’attention sur un objet non corporel, œuvre d’art ou pensée d’un ord
195
sur un objet non corporel, œuvre d’art ou pensée
d’
un ordre difficile, peut échouer comme par court-circuit dans le plais
196
le plaisir ; tandis qu’un débauché vulgaire gémit
d’
avoir perdu la volupté. L’homme du désir : il ne peut aimer qu’indéfi
197
e des yeux, dès qu’ils ont accepté tout le regard
de
l’autre : sentiment comparable au vertige. Le jugement peut rester li
198
ndes, elle dépasse le temps, s’approche des bords
d’
une immobilité sans fond où elle se penche… Maintenant un seul œil est
199
il vient à perdre toute expression, regard absolu
de
l’angoisse. Si l’un s’écarte à ce moment, les voici vacillants comme
200
arte à ce moment, les voici vacillants comme hors
d’
eux-mêmes. Alors il lui saisit la tête entre ses bras, et la contemple
201
ssance est interdite. Et c’est l’approche du viol
de
l’interdit qui impose aux amants leur silence, fascination de l’horre
202
t qui impose aux amants leur silence, fascination
de
l’horreur sacrée, attirance de l’effroi mortel. Dans le silence du dé
203
lence, fascination de l’horreur sacrée, attirance
de
l’effroi mortel. Dans le silence du désir, la possession a fait une b
204
du désir, la possession a fait une brusque rumeur
de
vagues affrontées et hostiles. Maintenant, l’onde lisse et basse d’un
205
es et hostiles. Maintenant, l’onde lisse et basse
d’
un temps nouveau nous environne. Ceux qui n’aiment point la femme qu’i
206
ment du plus violent amour qu’il nous est accordé
de
concevoir un absolu, mais sous la forme de l’inaccessible. Atteintes
207
ccordé de concevoir un absolu, mais sous la forme
de
l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance du désir,
208
me de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites
de
la puissance du désir, sur la solitude égarée du couple, Éros pose en
209
ne un désespoir glacial : vous n’irez pas au-delà
de
votre union. Ô silence des astres ! Fondues nos âmes ? Deux corps s’e
210
se divise en ses ombres. Ainsi passent les heures
d’
avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorphoses indici
211
nt les heures d’avant l’aube, dans le dépaysement
de
l’âme et les métamorphoses indicibles. Lui s’éveille parfois tout à f
212
tre, mais que cet être accède ensuite au commerce
de
ses semblables, qu’à son tour il les aime, les possède ! Ainsi par un
213
ur il les aime, les possède ! Ainsi par une suite
de
vertiges, multipliant la splendeur amoureuse, par mille étreintes suc
214
jouissance imaginaire et désespérément consciente
de
l’Être. L’aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénom
215
L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme
d’
un regard. Un corps auprès du mien respire, mémoire pesante de l’incom
216
Un corps auprès du mien respire, mémoire pesante
de
l’incommensurable nuit. Nous n’irons pas au-delà de nous-mêmes. Mais
217
l’incommensurable nuit. Nous n’irons pas au-delà
de
nous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étreinte, n’est-ce point le
218
as au-delà de nous-mêmes. Mais dans cette défaite
de
l’étreinte, n’est-ce point le souvenir du seul désert que désormais n
219
désert que désormais nous chercherons ? Au terme
de
la fuite, nous ne toucherons jamais qu’un impossible fascinant. Et no
220
scinant. Et nous vivrons dès lors dans le vertige
de
nous détruire au contact de cet infini, plus puissant que la joie et
221
lors dans le vertige de nous détruire au contact
de
cet infini, plus puissant que la joie et la douleur. Dans le vertige
222
issant que la joie et la douleur. Dans le vertige
de
revenir toucher cet absolu, sensible à celui seul qui l’éprouve jusqu
223
à l’épouvante : l’être que nous formons au sommet
de
l’amour, et qui meurt à l’instant où il naît. Tout notre platonisme
224
aît. Tout notre platonisme échoue dans l’instant
de
l’étreinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change de signe. On voi
225
treinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change
de
signe. On voit soudain que le désir était le dialogue des corps, tand
226
a que deux philosophies : celle du désir et celle
de
l’acte ; ou encore, il n’y a que deux doctrines : celle du silence et
227
a que deux doctrines : celle du silence et celle
de
la parole. La négation du désir amoureux par l’acte même qui l’accomp
228
i l’accomplit, c’est le signe physique, originel,
de
l’infinie contradiction que nous souffrons. Le désir divinise, l’acte
229
acte rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil
de
l’amour qui sera notre tâche sérieuse. Quittons ce temple où dorment
230
arlons le langage du Jour. d. Rougemont Denis
de
, « Angérone », VVV, New York, mars 1943, p. 69-70.
231
ions un peu, et pensions le connaître. La lecture
de
ses papiers posthumes nous le révèle bien différent. Il fallait certe
232
ue trahit son journal intime. Peut-être le secret
d’
une différence aussi curieuse est-il caché dans les passages de ces ca
233
nce aussi curieuse est-il caché dans les passages
de
ces cahiers que nous allons transcrire ici. De ces fragments de dates
234
es de ces cahiers que nous allons transcrire ici.
De
ces fragments de dates diverses, l’on ne verra point se dégager de co
235
que nous allons transcrire ici. De ces fragments
de
dates diverses, l’on ne verra point se dégager de conclusions tout à
236
de dates diverses, l’on ne verra point se dégager
de
conclusions tout à fait claires : il y a trop de contradictions. Mais
237
de conclusions tout à fait claires : il y a trop
de
contradictions. Mais c’est ce qui peut intéresser. Une attitude aussi
238
es lecteurs. Or il se peut que ce soit l’attitude
de
la plupart des écrivains modernes.) J’ai vécu pour la gloire — dit l
239
, si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir
de
lui être utile et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour les a
240
’amour du prochain, le désir de lui être utile et
de
mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour les autres, et mon existen
241
vous l’appelez, le prochain, cette grande source
d’
iniquité et de mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de K
242
z, le prochain, cette grande source d’iniquité et
de
mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rê
243
al ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans
de
Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et la
244
ais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves
de
combler de bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et la Paix.) Cette page m’
245
sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler
de
bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et la Paix.) Cette page m’avait sédui
246
épris du prochain. Le Prince André n’a pas trouvé
de
prochains, car il n’a cherché qu’un public. C’est le public qui donne
247
i a vraiment aimé son prochain, n’en n’a pas reçu
de
gloire et n’en demandait point. Aussi ne pense-t-elle pas qu’elle a «
248
le pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin
d’
un concert triomphal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je suis le s
249
e. Et ceux qui ne la briguent point risquent fort
de
se rendre antipathiques. Jamais la foule n’a jugé ridicule que l’on a
250
foule n’a jugé ridicule que l’on affiche un amour
de
la gloire même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne tient pou
251
glorieux que ceux qui prennent le soin de parler
de
leur gloire. Chateaubriand eut de la gloire, mais non Stendhal. Madam
252
soin de parler de leur gloire. Chateaubriand eut
de
la gloire, mais non Stendhal. Madame de Staël en eut, mais non Consta
253
tends que son pouvoir et sa grandeur ne dépendent
d’
aucune raison, et paraissent même n’en point souffrir. Fama crescit eu
254
entia famam. Toute gloire est donc aliénée. Celle
d’
un Chateaubriand n’est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui l
255
non point tel que me désire leur goût sentimental
de
« l’Art ». Mais comme tout se complique et se retourne ! Celui qui ve
256
Celui qui veut la gloire, est-ce qu’il manquerait
d’
orgueil ? Serait-il plus humble que moi ? Et l’orgueilleux que je suis
257
eilleux que je suis, ne donne-t-il pas une preuve
d’
amour à son audience en exigeant d’elle plus de noblesse ? Dire : je n
258
pas une preuve d’amour à son audience en exigeant
d’
elle plus de noblesse ? Dire : je néglige la gloire, c’est dire : je v
259
ve d’amour à son audience en exigeant d’elle plus
de
noblesse ? Dire : je néglige la gloire, c’est dire : je vous néglige,
260
vous néglige, vous qui donnez la gloire pour prix
d’
une complaisance. Mais c’est dire aussi : je vous aime, puisque je vou
261
veut la gloire telle que lui seul serait capable
de
se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de
262
erait capable de se la décerner ? L’idée moderne
de
la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui q
263
L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on,
de
la Renaissance. Glorieux est celui qui s’affirme en différant, bien p
264
réquents dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin
de
la gloire est donc né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le
265
xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né
d’
une sorte de maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du
266
.) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte
de
maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du prochain. L’
267
rte de maladie du sens social. C’est le contraire
de
l’amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’a plus souci
268
er. Il cherche des admirateurs, des confirmateurs
de
son être. C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou d’une comm
269
, des confirmateurs de son être. C’est que l’acte
de
s’écarter d’une communion ou d’une communauté, écarte aussi de soi, e
270
ateurs de son être. C’est que l’acte de s’écarter
d’
une communion ou d’une communauté, écarte aussi de soi, et l’on éprouv
271
C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou
d’
une communauté, écarte aussi de soi, et l’on éprouve alors le besoin d
272
d’une communion ou d’une communauté, écarte aussi
de
soi, et l’on éprouve alors le besoin de se faire confirmer. Un homme
273
rte aussi de soi, et l’on éprouve alors le besoin
de
se faire confirmer. Un homme en communion active avec les hommes qui
274
res. Ainsi les héros et les rois sont les auteurs
de
leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien. Et ce qu’ils donnent fa
275
; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire
d’
un homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Alexandre exe
276
c’est une rumeur, c’est une publicité, une espèce
d’
inflation provisoire. Elle n’est pas grande, mais exagérée, mobile, ne
277
ssentie comme flatteuse. C’est donc quelque chose
de
vulgaire. De fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne pui
278
flatteuse. C’est donc quelque chose de vulgaire.
De
fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne puisse démontrer
279
que chose de vulgaire. De fait, je ne connais pas
de
gloire moderne dont on ne puisse démontrer par quels moyens elle fut
280
quels moyens elle fut acquise : toujours au prix
d’
une vulgarité. (Zones de bassesse chez d’Annunzio ; c’est là, non pas
281
cquise : toujours au prix d’une vulgarité. (Zones
de
bassesse chez d’Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté de son œu
282
au prix d’une vulgarité. (Zones de bassesse chez
d’
Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté de son œuvre, que s’est co
283
hez d’Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté
de
son œuvre, que s’est constituée sa gloire.) Et cependant, je me suis
284
depuis toujours, moi seul. Un dieu n’a pas besoin
d’
adorateurs pour rayonner et se réjouir de son être. Oui, c’est bien là
285
s besoin d’adorateurs pour rayonner et se réjouir
de
son être. Oui, c’est bien là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloi
286
ouir de son être. Oui, c’est bien là le privilège
d’
un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que l’incognito ? Il y a là qu
287
st-ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a
de
la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’
288
se. Mais ne serait-ce pas aussi le meilleur moyen
de
sauver son incognito en se donnant l’air, précisément, d’y renoncer ?
289
r son incognito en se donnant l’air, précisément,
d’
y renoncer ? Autre avantage de la gloire : elle confère le droit d’êtr
290
l’air, précisément, d’y renoncer ? Autre avantage
de
la gloire : elle confère le droit d’être banal. Tant pis si beaucoup
291
tre avantage de la gloire : elle confère le droit
d’
être banal. Tant pis si beaucoup en abusent… Hypothèse : l’expérience
292
coup en abusent… Hypothèse : l’expérience intime
de
la gloire précède toujours sa manifestation. L’ambitieux ne vaut rie
293
peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire
de
la comparaison. Beaucoup d’hommes n’imaginent pas qu’on puisse avoue
294
reste sous l’empire de la comparaison. Beaucoup
d’
hommes n’imaginent pas qu’on puisse avouer sa vanité, ou bien ils croi
295
à feindre ? La plus sotte vanité étant assurément
d’
essayer de faire croire qu’on n’en a point. Si l’on condamne sa propre
296
? La plus sotte vanité étant assurément d’essayer
de
faire croire qu’on n’en a point. Si l’on condamne sa propre vanité, l
297
pre vanité, le mieux pour s’en débarrasser serait
d’
en parler ouvertement. Comme un menteur qui dirait : « Je vous avertis
298
, et je ne l’avoue jamais, — je fais le modeste —
d’
où vient cette pudeur ? Je ne veux pas la gloire pour vous éblouir, vo
299
ue je suis, et si vous appreniez un jour que j’ai
de
la gloire, que sauriez-vous alors d’essentiel que dès maintenant vous
300
our que j’ai de la gloire, que sauriez-vous alors
d’
essentiel que dès maintenant vous ne sachiez ? Ou c’est que vous vous
301
c que « gloire », dont la prononciation, pour peu
d’
emphase que j’y prête, me fait venir les larmes aux yeux ? Gloire et l
302
ord clamé, ou cet instant plutôt qui est au seuil
de
sa résolution fondamentale — quel est ce seuil, et que nous ouvrent,
303
ieu. Ce serait là, pourtant, ma vérité, la vérité
de
mon mensonge. Est-ce à cause que mon nom est : mensonge, que je voudr
304
s’oppose à ma gloire, et qui me sauve malgré moi
de
mon triomphe. Il n’y a qu’un seul Dieu, celui qui dit Je suis. Ce ser
305
a tout, et tout sera. Ainsi, ô Dieu, délivrez-moi
de
la gloire ! Mais cette prière m’émeut encore comme la gloire ! 1938
306
re comme la gloire ! 1938 e. Rougemont Denis
de
, « La gloire », VVV, New York, mars 1943, p. 71-73.
307
943)f g L’Amérique m’a fait prendre conscience
de
bien des choses qui allaient de soi dans notre Europe, et qui me sont
308
contraire, ici, qui va de soi. Parmi la douzaine
de
bouquins que j’ai pu emporter de Paris, il y avait le Journal d’André
309
armi la douzaine de bouquins que j’ai pu emporter
de
Paris, il y avait le Journal d’André Gide. Chaque fois que j’en relis
310
j’ai pu emporter de Paris, il y avait le Journal
d’
André Gide. Chaque fois que j’en relis quelques pages, je suis frappé
311
ges, je suis frappé par le souci qu’y montre Gide
d’
une écriture durable et d’une œuvre d’avenir. Il n’accepte de rompre a
312
souci qu’y montre Gide d’une écriture durable et
d’
une œuvre d’avenir. Il n’accepte de rompre avec une tradition que pour
313
montre Gide d’une écriture durable et d’une œuvre
d’
avenir. Il n’accepte de rompre avec une tradition que pour en fonder u
314
ure durable et d’une œuvre d’avenir. Il n’accepte
de
rompre avec une tradition que pour en fonder une nouvelle, qui se rév
315
ui se révélera sans doute conforme à la tradition
de
la langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’inclure l’actual
316
a langue, à son génie le plus vivace. Gide craint
d’
inclure l’actualité dans un ouvrage, parce que c’est elle qui risque d
317
dans un ouvrage, parce que c’est elle qui risque
de
vieillir en premier lieu. Ce souci, cette arrière-pensée, sont étrang
318
isse, au maximum, dans le plus court délai. Signe
de
santé d’une culture. Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain
319
maximum, dans le plus court délai. Signe de santé
d’
une culture. Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain n’existe
320
tive, on pourrait appeler journalistes bon nombre
d’
excellents auteurs américains. Ils n’y verraient, à juste titre, aucun
321
ournalisme un art par une révolution trop ignorée
de
l’Europe. Un art qui n’exclut pas une poésie très drue, et qui possèd
322
rès drue, et qui possède une rhétorique, un « art
de
persuader » étrangement efficace. La connaissance de ses règles techn
323
persuader » étrangement efficace. La connaissance
de
ses règles techniques permet de pénétrer certains secrets de la litté
324
. La connaissance de ses règles techniques permet
de
pénétrer certains secrets de la littérature contemporaine de ce pays.
325
es techniques permet de pénétrer certains secrets
de
la littérature contemporaine de ce pays. Secrets de style et de compo
326
certains secrets de la littérature contemporaine
de
ce pays. Secrets de style et de composition. La rhétorique française
327
la littérature contemporaine de ce pays. Secrets
de
style et de composition. La rhétorique française veut qu’un discours,
328
ure contemporaine de ce pays. Secrets de style et
de
composition. La rhétorique française veut qu’un discours, un essai ou
329
. Elle considère comme un poids mort nos formules
de
présentation ou de congé. Un article de magazine américain commence p
330
mme un poids mort nos formules de présentation ou
de
congé. Un article de magazine américain commence presque obligatoirem
331
formules de présentation ou de congé. Un article
de
magazine américain commence presque obligatoirement par une anecdote
332
ement par une anecdote étonnante, une énumération
de
faits bruts, ou quelques chiffres impressionnants. C’est la Catch Phr
333
h Phrase, la phrase-qui-attrape et qui vous jette
de
but en blanc dans l’humanité vive du sujet, saisi par son côté sensat
334
he à vous convaincre par la rigueur ou l’élégance
de
ses déductions, l’écrivain américain cherche à vous entraîner par la
335
vous entraîner par la dramatisation (Dramatizing)
de
sa matière. Le style français triomphe dans la litote et le raccourci
336
et le raccourci, le style américain dans l’effet
de
choc ou d’accumulation lyrique. L’un s’attache à la construction stat
337
ourci, le style américain dans l’effet de choc ou
d’
accumulation lyrique. L’un s’attache à la construction statique, l’aut
338
uch, sont régulièrement préférés par un directeur
de
revue américaine à la « formule heureuse » condensant et généralisant
339
et généralisant des observations que l’on néglige
de
rapporter en détail. Au séminaire de Short Stories (histoires brèves,
340
l’on néglige de rapporter en détail. Au séminaire
de
Short Stories (histoires brèves, nouvelles) d’une grande université a
341
re de Short Stories (histoires brèves, nouvelles)
d’
une grande université américaine, on enseigne aux étudiants à éviter t
342
éprouve au moment où ses semelles-crêpe marquent
d’
une empreinte poussiéreuse le moelleux tapis du hall d’entrée, etc. Ex
343
empreinte poussiéreuse le moelleux tapis du hall
d’
entrée, etc. Exemple caricatural d’un mode d’expression qui donnerait,
344
tapis du hall d’entrée, etc. Exemple caricatural
d’
un mode d’expression qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page
345
hall d’entrée, etc. Exemple caricatural d’un mode
d’
expression qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page de Faulkne
346
qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page
de
Faulkner, un poème ; avec moins de talent, un long roman. De cet ouvr
347
lent, une page de Faulkner, un poème ; avec moins
de
talent, un long roman. De cet ouvrage, la critique américaine ne dira
348
, un poème ; avec moins de talent, un long roman.
De
cet ouvrage, la critique américaine ne dira pas souvent : c’est bien
349
crit, mais plutôt : c’est effective, agissant. Et
d’
une idée l’on ne demandera pas seulement qu’elle soit juste, mais qu’e
350
cune autre à l’expression du dynamisme aventureux
de
notre siècle. Entre la sensation et le sensationnel, elle fait preuve
351
la sensation et le sensationnel, elle fait preuve
d’
un incomparable pouvoir d’émotion. Mais elle attend encore son style i
352
onnel, elle fait preuve d’un incomparable pouvoir
d’
émotion. Mais elle attend encore son style intellectuel. J’ai tenté de
353
attend encore son style intellectuel. J’ai tenté
de
définir deux attitudes. Comment juger ? De la littérature qui veut ag
354
tenté de définir deux attitudes. Comment juger ?
De
la littérature qui veut agir dans l’immédiat, ou de celle qui se préo
355
la littérature qui veut agir dans l’immédiat, ou
de
celle qui se préoccupe davantage de durer, laquelle a le plus de chan
356
’immédiat, ou de celle qui se préoccupe davantage
de
durer, laquelle a le plus de chance d’avenir dans le monde où nous al
357
préoccupe davantage de durer, laquelle a le plus
de
chance d’avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je n’en sais ri
358
davantage de durer, laquelle a le plus de chance
d’
avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je n’en sais rien. Mais j
359
’écrivain américain ont beaucoup à apprendre l’un
de
l’autre. Ils m’apparaissent complémentaires comme la virilité et la f
360
es plus féconds échanges entre ces deux principes
de
toute civilisation, que polarisent nos deux littératures : tradition
361
et actualité, mise en ordre et mise en mouvement.
De
leur alliance naît la Liberté. f. Rougemont Denis de, « Rhétorique
362
r alliance naît la Liberté. f. Rougemont Denis
de
, « Rhétorique américaine », Fontaine, Alger, juin–juillet 1943, p. 15
363
g. L’édition numérique se fonde sur la réédition
de
1945, p. 2-4.
364
Mémoire
de
l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)h
365
Mémoire de l’Europe : Fragments
d’
un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)h I. — Le bon vieux
366
qui vient de mourir. Europe du sentiment, patrie
de
nostalgie de tous ceux qu’a touchés le romantisme — encore un paradis
367
mourir. Europe du sentiment, patrie de nostalgie
de
tous ceux qu’a touchés le romantisme — encore un paradis perdu ! Mais
368
ils naissent à l’heure où on les perd. Souvenirs
de
Salzbourg et de Prague, Mozart et Rilke, et la Vienne de Schubert — à
369
l’heure où on les perd. Souvenirs de Salzbourg et
de
Prague, Mozart et Rilke, et la Vienne de Schubert — à l’heure où somb
370
vois s’élever rayonnants dans la lueur éternisée
d’
un soir d’été, après l’orage, avant la nuit, dans une gloire déchirant
371
ever rayonnants dans la lueur éternisée d’un soir
d’
été, après l’orage, avant la nuit, dans une gloire déchirante et délic
372
déchirante et délicieuse comme les secondes voix
de
Schumann. Un mythe nouveau prend son essor au sein même de la catastr
373
nn. Un mythe nouveau prend son essor au sein même
de
la catastrophe. Tout un âge, un climat de musiques, soudain se fixe e
374
in même de la catastrophe. Tout un âge, un climat
de
musiques, soudain se fixe en nos mémoires, s’idéalise. Un « bon vieux
375
, ce fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs
de
notre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’un coup, est encor
376
notre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout
d’
un coup, est encore plus proche : c’est l’an passé, c’est avant-hier,
377
is oui, peut-être vivons-nous, ici, dans ce Paris
de
mars 1939, les derniers jours du bon vieux temps européen. Jours de s
378
derniers jours du bon vieux temps européen. Jours
de
sursis d’une liberté dont nous avions à peine conscience, parce qu’el
379
ours du bon vieux temps européen. Jours de sursis
d’
une liberté dont nous avions à peine conscience, parce qu’elle était n
380
parce qu’elle était notre manière toute naturelle
de
respirer et de penser, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis,
381
tait notre manière toute naturelle de respirer et
de
penser, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs pe
382
manière toute naturelle de respirer et de penser,
d’
aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs personnels… C
383
le de respirer et de penser, d’aller et venir, et
d’
entretenir nos soucis, nos plaisirs personnels… Combien de temps encor
384
enir nos soucis, nos plaisirs personnels… Combien
de
temps encore, combien de semaines pourrons-nous goûter ce répit, et s
385
sirs personnels… Combien de temps encore, combien
de
semaines pourrons-nous goûter ce répit, et sentir que nous prolongeon
386
ns une existence que nos fils appelleront douceur
de
vivre ? Déjà nous éprouvons que le monde a glissé dans une ère étrang
387
sé dans une ère étrange et brutale, où ces formes
de
vie qui sont encore les nôtres ne peuvent plus apprivoiser le destin.
388
ais aussi bien chez les voisins qu’elles secouent
d’
un défi grossier. La liberté ne peut survivre à de tels chocs. Car ell
389
d’un défi grossier. La liberté ne peut survivre à
de
tels chocs. Car elle est vraiment comme un rêve, un rêve heureux où l
390
vec aisance, gardant parfois l’arrière-conscience
d’
un miracle. Elle est encore une œuvre d’art qui n’agit que par l’atmos
391
r : il y faut ce climat sentimental, cette espèce
de
naturel qui naît d’une entente tacite, d’une confiance, presque d’une
392
mat sentimental, cette espèce de naturel qui naît
d’
une entente tacite, d’une confiance, presque d’une insouciance… C’est
393
espèce de naturel qui naît d’une entente tacite,
d’
une confiance, presque d’une insouciance… C’est tout cela que vient de
394
ît d’une entente tacite, d’une confiance, presque
d’
une insouciance… C’est tout cela que vient de mettre en question l’usu
395
lle et goûte encore quelques instants les délices
d’
un rêve inachevé. Mais il sait bien que c’est fini. Brève dispense, le
396
ait bien que c’est fini. Brève dispense, le temps
d’
un peu se souvenir… Il faut se lever. Il faut entrer résolument dans l
397
réservant, s’il se peut, dans nos cœurs, ce droit
d’
aimer, cette bonté humaine plus inutile que jamais, dominatrice et baf
398
natrice et bafouée. II. — Le dernier printemps
de
la paix En Suisse, 2 mai 1939 Combien oseraient avouer que cette m
399
t avouer que cette menace leur rend enfin le goût
de
vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent de désir pour leurs biens qu’à la
400
in le goût de vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent
de
désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Déshérités aussi
401
prouvent de désir pour leurs biens qu’à la veille
de
les perdre. Déshérités aussi, qui ne retrouvent l’espoir qu’au seuil
402
n connais qui ne parviennent à leur régime normal
de
vie (comme un moteur prend son régime normal à tant à l’heure) que da
403
nt des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin
d’
être provoqué pour montrer de quoi l’on est capable est si profond, pe
404
s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montrer
de
quoi l’on est capable est si profond, peut-être si normal, que j’en v
405
rivain, Il est admis que ces gens-là ont le droit
de
dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de l
406
soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme
de
la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus cour
407
t général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue
de
cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courageux ? Ma
408
qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou
de
lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courageux ? Mais non. Ils so
409
t jamais… Paris, 12 mai 1939 Quatrième changement
de
domicile depuis le début de cette année. « Étranger et voyageur sur l
410
Quatrième changement de domicile depuis le début
de
cette année. « Étranger et voyageur sur la terre », ainsi pensais-je
411
ainsi pensais-je d’autres fois, dans ces périodes
de
nomadisme involontaire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état d
412
aire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état
de
mobilisation permanente, préventive… Militarisation de nos pensées, d
413
bilisation permanente, préventive… Militarisation
de
nos pensées, de nos images. Hier, dans l’autobus, une petite dame ass
414
nente, préventive… Militarisation de nos pensées,
de
nos images. Hier, dans l’autobus, une petite dame assise devant moi s
415
se devant moi s’écrie, voyant s’abattre une pluie
d’
orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’ét
416
ai 1939 La grande ville traversée dans la fatigue
d’
un soir pluvieux. Paris, souffrance des visages et des corps, exercice
417
ance des visages et des corps, exercice perpétuel
de
charité dans une atmosphère exténuante, hâte, érotisme, énervement. P
418
t la vérité n’apparaît que dans cet environnement
de
lueurs fuyantes, d’activités apparemment désordonnées, de phrases ent
419
ît que dans cet environnement de lueurs fuyantes,
d’
activités apparemment désordonnées, de phrases entendues au passage, d
420
s fuyantes, d’activités apparemment désordonnées,
de
phrases entendues au passage, d’infinis croisements d’existences étra
421
nt désordonnées, de phrases entendues au passage,
d’
infinis croisements d’existences étrangères. Paris propose une liberté
422
rases entendues au passage, d’infinis croisements
d’
existences étrangères. Paris propose une liberté et un danger, une rév
423
e une liberté et un danger, une révélation totale
de
l’humain dans tous ses risques matériels et spirituels, impossible ai
424
ques matériels et spirituels, impossible ailleurs
de
nos jours, et peut-être à toute autre époque. Imaginer là-dessus un l
425
ait avoué, horreur et charme, à travers la vision
d’
un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les mé
426
s rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant
de
cette église ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien de ce t
427
ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien
de
ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans un sil
428
r, où la Sainte-Cène est partagée dans un silence
de
catacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la foule et trave
429
eillent sur son passage, il n’y a plus nulle part
d’
indifférence possible ! Ici, le Christ reste le Scandale, l’Autre, l’A
430
’être touchant, bizarre ou monstrueux que chacun
de
nous dissimule. Alors, on verrait le réel, alors on cesserait de haïr
431
le. Alors, on verrait le réel, alors on cesserait
de
haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui g
432
n verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou
d’
être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au t
433
cesserait de haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou
de
s’inquiéter des rumeurs qui glissent au travers de propos superficiel
434
rficiellement passionnés… Et l’on cesserait aussi
de
redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là où chacun
435
militaire à la frontière Écouté la radio : opéra
de
Mozart. Et dans une seule bouffée, toutes ces nuits de Vienne, élégan
436
zart. Et dans une seule bouffée, toutes ces nuits
de
Vienne, élégantes passions égarées, musique aux jardins jusqu’à l’aub
437
ées, musique aux jardins jusqu’à l’aube… Un quart
de
tour, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est la fin d’un commun
438
rdins jusqu’à l’aube… Un quart de tour, nouvelles
de
la bataille des Flandres, c’est la fin d’un communiqué, régions perdu
439
uvelles de la bataille des Flandres, c’est la fin
d’
un communiqué, régions perdues encore, régions perdues dans le passé e
440
e rétrécissent vers la catastrophe. Il n’est plus
d’
autre issue que la nuit, mais viendra-t-elle après ma mort ou avec ell
441
ore presque aussi vaste que la terre, se rétrécit
de
jour en jour et d’heure en heure, à chaque fois que j’allume cet œil
442
aste que la terre, se rétrécit de jour en jour et
d’
heure en heure, à chaque fois que j’allume cet œil vert — pays perdus,
443
aurions-nous mieux le vivre, augmenté du souvenir
de
sa perte ? Mais le passé ne reviendra jamais, ce bon vieux temps que
444
ous devons vivre encore… À quoi pensent-ils, ceux
de
la bataille ? Ont-ils de ces retours soudains vers des moments de ten
445
À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont-ils
de
ces retours soudains vers des moments de tendresse banale ? Ils devie
446
Ont-ils de ces retours soudains vers des moments
de
tendresse banale ? Ils deviendraient fous de révolte… Ils en ont, ils
447
ents de tendresse banale ? Ils deviendraient fous
de
révolte… Ils en ont, ils en ont sûrement quand ils s’endorment épuisé
448
re encore ! ils en ont au réveil, affreux bonheur
d’
une illusion rapide, où suis-je ? Déjà tout recommence, sans relâche,
449
e désespoir en plein midi, — ou la reconnaissance
de
l’unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de la radio produisi
450
l’unique nécessaire ? IV. La vulgarisation
de
la radio produisit durant cette guerre une conséquence fort imprévue
451
nséquence fort imprévue : elle empêcha les hommes
de
se rendre compte de l’ampleur et de la rapidité des bouleversements q
452
vue : elle empêcha les hommes de se rendre compte
de
l’ampleur et de la rapidité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux
453
ha les hommes de se rendre compte de l’ampleur et
de
la rapidité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux mois de mai et d
454
ité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux mois
de
mai et de juin 1940, on entendait répéter constamment : « Je viens d’
455
uleversements qu’ils vivaient. Aux mois de mai et
de
juin 1940, on entendait répéter constamment : « Je viens d’écouter la
456
40, on entendait répéter constamment : « Je viens
d’
écouter la radio. Rien de nouveau, toujours les mêmes histoires, pas d
457
ien de nouveau, toujours les mêmes histoires, pas
de
décision… » Le monde était en train de changer de face d’un jour à l’
458
de décision… » Le monde était en train de changer
de
face d’un jour à l’autre, mais on le regardait d’heure en heure, de t
459
ion… » Le monde était en train de changer de face
d’
un jour à l’autre, mais on le regardait d’heure en heure, de trop près
460
de face d’un jour à l’autre, mais on le regardait
d’
heure en heure, de trop près, on ne le voyait pas… V. — Lisbonne
461
à l’autre, mais on le regardait d’heure en heure,
de
trop près, on ne le voyait pas… V. — Lisbonne 10 septembre 1940
462
mbre 1940 Blanche et bleue dans l’immense lumière
de
la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquants et ses rues d
463
ons pour l’Amérique. Mais ici, je fais le serment
d’
opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la Vie, toujo
464
ser une stricte mémoire à la candeur intarissable
de
la Vie, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore cont
465
candeur intarissable de la Vie, toujours pressée
d’
imaginer un monde où tout peut encore continuer. J’ai vu la civilisati
466
il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne
de
cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le dém
467
ait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et
d’
esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le
468
’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit, incapable
de
retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai
469
iaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières
de
la Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant des terres abandonné
470
andonnées du Nord, et que nos paysans s’efforcent
d’
arrêter avant qu’elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les
471
renaître les paniques dévastatrices du ve siècle
de
notre ère. Et je songe au bastion que mon pays élève autour du massif
472
rt, cœur mystérieux du continent, dernier symbole
d’
une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous,
473
ommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai
de
grâce ! VI. — Souvenir de la paix française En Amérique, novemb
474
dons pas notre délai de grâce ! VI. — Souvenir
de
la paix française En Amérique, novembre 1940 Périgny… C’était bien
475
était bien ce nom-là ? Un long village en bordure
de
la route. D’un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre el
476
nom-là ? Un long village en bordure de la route.
D’
un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles s’élevaie
477
te. D’un côté, les maisons dominaient une vallée,
de
l’autre elles s’élevaient à peine d’un étage au-dessus des champs de
478
une vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine
d’
un étage au-dessus des champs de roses et des blés, au bord du plateau
479
élevaient à peine d’un étage au-dessus des champs
de
roses et des blés, au bord du plateau de la Brie. Je montais vers Pér
480
s champs de roses et des blés, au bord du plateau
de
la Brie. Je montais vers Périgny par un sentier fort raide entre les
481
entier fort raide entre les ronces, aboutissant à
de
vieux escaliers. Une seule rangée de maisons à traverser, et l’on par
482
boutissant à de vieux escaliers. Une seule rangée
de
maisons à traverser, et l’on parvient à la grand-rue : comme elle est
483
à la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits
d’
ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge, patinée
484
même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une
de
ces voitures branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur les ro
485
nt ne pouvoir rouler que sur les routes écartées,
d’
une ferme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’appar
486
tin. Je longeais cette rue silencieuse, imaginant
d’
y vivre un jour dans une fermette aux volets pâles, sans adresse, au r
487
ne route prend à droite, vers la plaine, escortée
de
quelques maisons ; l’autre s’incline lentement vers la vallée, dans l
488
blés. J’étais là fasciné comme par la découverte
d’
un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce village aux volets
489
is là fasciné comme par la découverte d’un secret
de
pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce village aux volets clos. Imagi
490
e d’un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret
de
ce village aux volets clos. Imaginant une idylle muette. Celui qui re
491
tils sont là, contre le mur. Il reprend le chemin
de
son champ. En passant au carrefour, il s’est dit : « Peut-être est-el
492
: « Peut-être est-elle à Mandres, c’est donc jour
de
marché. » Il a écrit ces mots. Elle saura bien. Il a rejoint l’usage
493
a rejoint l’usage du pays, l’intimité des choses
de
toujours. Et le moindre signe suffît. Je suis redescendu vers la vall
494
e signe suffît. Je suis redescendu vers la vallée
de
l’Yerre, qui coule entre des saules et des peupliers blancs. Il faisa
495
iers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron
de
la route sentait plus fort que les champs de roses, et des nuages noi
496
dron de la route sentait plus fort que les champs
de
roses, et des nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai su, plus
497
is fait mes adieux à la France. VII. — Mémoire
de
l’Europe 1943 Je ne savais pas que tout était si près là-bas. J’ét
498
is parmi les signes. Sédiments séculaires, socles
de
nos patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’é
499
ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier
de
nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée
500
s qui tournaient doucement vers une place plantée
d’
arbres et déserte, aux rendez-vous manqués où je me retrouvais… « Je t
501
. J’aime ! » J’ai tout dit. L’Europe était patrie
d’
amour. Le silence attendait, l’absence était profonde, et chaque être
502
questionnait, répondait. La force était au secret
de
nos vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la con
503
ne obscure, ou bien dans la contemplation jalouse
d’
un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et not
504
e d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps
de
notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait
505
e était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin
d’
une journée qui se liait aux autres… (Quand ta force devient visible,
506
ceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté
d’
un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… Quand je me
507
é d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs
de
l’amour… Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe e
508
nt de morts dans la présence, elle ne cessera pas
d’
engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. h. Rougemont Denis de, « Mémo
509
elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise
d’
avenir. h. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’Europe », Revue de l
510
Elle a maîtrise d’avenir. h. Rougemont Denis
de
, « Mémoire de l’Europe », Revue de la pensée française, New York, sep
511
se d’avenir. h. Rougemont Denis de, « Mémoire
de
l’Europe », Revue de la pensée française, New York, septembre 1943, p
512
ougemont Denis de, « Mémoire de l’Europe », Revue
de
la pensée française, New York, septembre 1943, p. 22-29.
513
en France, ou ceux qui n’avaient vu que les lieux
de
plaisir de la capitale, connaissaient et jugeaient la France par ses
514
ou ceux qui n’avaient vu que les lieux de plaisir
de
la capitale, connaissaient et jugeaient la France par ses vedettes. À
515
s yeux, tout Français devait ressembler aux types
d’
humanité que représentaient dans le monde les acteurs à succès, les éc
516
ionaux. Le mot Français évoquait aussitôt l’image
d’
une moustache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie, d’un sourire c
517
t aussitôt l’image d’une moustache à la Menjou et
d’
une boutonnière fleurie, d’un sourire charmeur à la Charles Boyer, l’a
518
ustache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie,
d’
un sourire charmeur à la Charles Boyer, l’aimable scepticisme d’un Ana
519
harmeur à la Charles Boyer, l’aimable scepticisme
d’
un Anatole France, l’élégance d’une ligne parisienne, l’étiquette d’un
520
mable scepticisme d’un Anatole France, l’élégance
d’
une ligne parisienne, l’étiquette d’un bourgogne fameux présenté par l
521
e, l’élégance d’une ligne parisienne, l’étiquette
d’
un bourgogne fameux présenté par le maître d’hôtel. Tout cela c’était
522
ttes. Mais où était dans tout cela le vrai peuple
de
la vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est le malheur le pl
523
guère invisible, c’est le malheur le plus affreux
de
son Histoire qui le révèle au monde, aujourd’hui, dans sa véritable g
524
ur. Les journaux qui nous apportent des nouvelles
de
la résistance à l’intérieur du pays occupé nous parlent du peuple de
525
l’intérieur du pays occupé nous parlent du peuple
de
France ; les récits et les témoignages qui ont été publiés secrètemen
526
ui ont été publiés secrètement par les mouvements
de
résistance et qui parviennent sous nos yeux nous parlent du peuple de
527
parviennent sous nos yeux nous parlent du peuple
de
France ; et les films composés à Hollywood ou à Londres sur l’organis
528
posés à Hollywood ou à Londres sur l’organisation
de
la résistance à Paris ou en province, ne nous montrent encore que le
529
n province, ne nous montrent encore que le peuple
de
France, pour la première fois. Le peuple anonyme, le peuple unanime,
530
voici enfin devenu la vraie vedette, malgré lui,
de
la France et de sa résistance. J’ai vu à New York la plupart de ces f
531
enu la vraie vedette, malgré lui, de la France et
de
sa résistance. J’ai vu à New York la plupart de ces films qui emprunt
532
runtent leur sujet à certains épisodes véridiques
de
la lutte contre l’envahisseur. Paris calling, Croix de Lorraine, Assi
533
lutte contre l’envahisseur. Paris calling, Croix
de
Lorraine, Assignment in Brittany, et je cite au hasard, il y en a tan
534
p conventionnels, et finalement l’inévitable raid
de
commandos sauvait tout le monde comme dans les contes de fées. Mais j
535
andos sauvait tout le monde comme dans les contes
de
fées. Mais je regardais mes amis du coin de l’œil : en critiquant, il
536
ette pudeur. Quant aux Américains, ils exultaient
de
confiance, en crescendo, jusqu’à la « Marseillaise » finale. On peut
537
se » finale. On peut penser tout ce que l’on veut
de
ces films, du pire au bien ; j’en retiens pour ma part qu’ils nous pr
538
fin le petit peuple français comme le grand héros
de
la France. Soudain, l’étranger s’aperçoit d’une vérité aussi vieille
539
éros de la France. Soudain, l’étranger s’aperçoit
d’
une vérité aussi vieille que l’Europe mais constamment méconnue ou nié
540
t par la faute des élites parisiennes : le peuple
de
France est grave, ou plus exactement il est sérieux. Il n’est pas ava
541
t affecter la blague et le scepticisme plutôt que
de
paraître exagérer sa peine. Car il pense d’instinct, comme Talleyrand
542
t que de paraître exagérer sa peine. Car il pense
d’
instinct, comme Talleyrand, que « ce qui est exagéré n’est pas sérieux
543
ce sur la lutte contre les nazis, c’est l’absence
de
grands gestes théâtraux, la sourdine mise à l’éloquence traditionnell
544
mise à l’éloquence traditionnelle, le refus même
de
se complaire dans le lyrisme de la catastrophe ; c’est pour tout dire
545
le, le refus même de se complaire dans le lyrisme
de
la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’héroïsme popul
546
la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel
de
l’héroïsme populaire. Ce peuple en noir au regard vif s’est révélé fa
547
gard vif s’est révélé face au danger. Il manquait
d’
armes, il lutte avec sa dignité impénétrable aux tentations de la Brut
548
lutte avec sa dignité impénétrable aux tentations
de
la Brute. On avait dit aux jeunes nazis qu’ils allaient conquérir un
549
ux jeunes nazis qu’ils allaient conquérir un pays
de
bavards, de coquettes et de politiciens véreux. Après quelques semain
550
zis qu’ils allaient conquérir un pays de bavards,
de
coquettes et de politiciens véreux. Après quelques semaines en territ
551
ent conquérir un pays de bavards, de coquettes et
de
politiciens véreux. Après quelques semaines en territoire conquis, l’
552
e étrange et qui l’intimidait : le regard sérieux
de
l’homme et de la femme du peuple, ce jugement précis et humain, bien
553
ui l’intimidait : le regard sérieux de l’homme et
de
la femme du peuple, ce jugement précis et humain, bien plus insupport
554
humain, bien plus insupportable que tous les cris
de
haines. Ils ne savaient pas cela, les jeunes Allemands, on ne leur av
555
nds, on ne leur avait jamais parlé du vrai peuple
de
la vraie France. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec u
556
ls ont rencontré ce regard… k. Rougemont Denis
de
, « Un peuple se révèle dans le malheur », Fontaine, Alger, février 19
557
Ars prophetica, ou
D’
un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)j Un critique. J
558
a plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’est pas
de
louange préférable à celle-ci qu’on me fasse grief de mes écrits. J’y
559
ouange préférable à celle-ci qu’on me fasse grief
de
mes écrits. J’y voudrais voir la preuve d’une certaine grièveté qu’il
560
grief de mes écrits. J’y voudrais voir la preuve
d’
une certaine grièveté qu’ils présentent, comme cela se dit d’une bless
561
ine grièveté qu’ils présentent, comme cela se dit
d’
une blessure… Le critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument d’une
562
Le critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument
d’
une exagération de ma critique… Ce qui me gênait, je crois, c’est qu’à
563
oui… Mais ne tirez pas argument d’une exagération
de
ma critique… Ce qui me gênait, je crois, c’est qu’à mon sens vous n’ê
564
us n’allez pas me dire que c’est la bonne manière
de
se faire comprendre ? Le critique. On voudrait être sûr que vous vou
565
z pour quoi ? C. Assez pour n’être point la dupe
de
vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’est pas jouer du vi
566
t en français, ce n’est pas jouer du violon. Tout
d’
un coup vous le prenez à double corde, et l’on distingue mal les passa
567
et l’on distingue mal les passages, vous changez
de
ton et l’on voudrait savoir que vous le savez… Il me semble que vous
568
que vous le savez… Il me semble que vous manquez
de
méchanceté pour vos idées. Elles vous séduisent de loin et quand vous
569
e méchanceté pour vos idées. Elles vous séduisent
de
loin et quand vous nous les présentez, elles ont déjà votre complicit
570
es ont déjà votre complicité, je ne sais quel air
de
passion, un peu trop tôt — qui nous surprend… A. N’est-ce pas toujou
571
ces raisons sont les nôtres. Ou bien vous faites
de
la poésie, et alors vous jouez sur des surprises, ou bien vous nous p
572
jouez sur des surprises, ou bien vous nous parlez
d’
idées, et dans ce cas, il faut que nous pensions à chaque instant : «
573
lque tricherie. A. Voulez-vous que nous parlions
de
la clarté ? Je crois deviner que cela nous ramènera dans les environs
574
que cela nous ramènera dans les environs du sujet
de
mes deux précédents dialogues. C. Du moins serez-vous en garde contr
575
tre obscurité ? A. C’est justement ce parti pris
de
clarté que je voudrais proposer maintenant à votre réflexion méfiante
576
. Si vous le permettez, je m’offrirai le ridicule
de
défendre mon propre point de vue. Il se peut que cette maladresse m’e
577
ste nous sommes entre nous et vous n’abuserez pas
de
mes aveux… D’autant qu’ils seront probablement exagérés. C. Que de p
578
tant qu’ils seront probablement exagérés. C. Que
de
précautions ! Vous êtes en train d’imiter ce héros de je ne sais quel
579
récautions ! Vous êtes en train d’imiter ce héros
de
je ne sais quel album de Toepffer, qui feint de feindre afin de mieux
580
train d’imiter ce héros de je ne sais quel album
de
Toepffer, qui feint de feindre afin de mieux dissimuler. — Qu’est-ce
581
s de je ne sais quel album de Toepffer, qui feint
de
feindre afin de mieux dissimuler. — Qu’est-ce qu’être clair, à votre
582
rait-ce pas que la clarté n’est qu’une convention
de
langage ? J’entends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce de s
583
qu’une convention de langage ? J’entends : un mot
de
passe de la tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage… C. Hé
584
nvention de langage ? J’entends : un mot de passe
de
la tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage… C. Hé quoi ! v
585
ends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce
de
style garanti par l’usage… C. Hé quoi ! vous savez bien que tout not
586
qui se distingue du langage courant par le souci
de
contrôler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode d’expres
587
es conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode
d’
expression possible. C. Précisément je souhaitais de vous voir choisi
588
xpression possible. C. Précisément je souhaitais
de
vous voir choisir entre un langage franchement poétique et ce langage
589
faudrait s’entendre tout d’abord sur la nécessité
de
cette clarté. Pour ma part je ne saurais concevoir ni respecter d’aut
590
Pour ma part je ne saurais concevoir ni respecter
d’
autre nécessité en général que celle qu’impose la fin de toute pensée.
591
e nécessité en général que celle qu’impose la fin
de
toute pensée. C. Restons, si vous le voulez, sur le plan du langage.
592
rence des raisons et à la fois l’exact ajustement
de
ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’expression ? A.
593
de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin
de
l’expression ? A. Oui, dans un monde cartésien, c’est-à-dire dans le
594
à-dire dans le monde du discours. Car le Discours
de
la méthode ne définit en somme qu’une méthode du discours. La fin der
595
somme qu’une méthode du discours. La fin dernière
d’
un discours n’est autre que la cohérence, la vérité elle-même s’y trou
596
rité elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique
de
l’enchaînement des phrases. Autrement dit, le discours cartésien n’a
597
ses. Autrement dit, le discours cartésien n’a pas
de
fin qui lui soit transcendante. Il part de ce qu’il suppose clair et
598
’a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part
de
ce qu’il suppose clair et facile, et sa marche est une déduction. La
599
le, et sa marche est une déduction. La convention
d’
un tel langage, est que tout est donné au départ, et qu’il s’agit de n
600
est que tout est donné au départ, et qu’il s’agit
de
ne rien introduire dans la chaîne des arguments qui n’ait été d’abord
601
chiffré, et défini en termes simples. À mon tour
de
me défier d’une convention aussi commode. C. Il me semble qu’il faut
602
défini en termes simples. À mon tour de me défier
d’
une convention aussi commode. C. Il me semble qu’il faut y voir une g
603
’il faut y voir une garantie contre les illusions
de
la rhétorique flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter d’une all
604
que flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter
d’
une allure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper
605
ure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’il a le goût
de
se tromper et de tromper. A. Pour moi, je crains une duperie moins n
606
euse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper et
de
tromper. A. Pour moi, je crains une duperie moins naïve dans la mode
607
s n’est-il pas, comme l’a dit un Russe « le monde
de
l’imprécis et du non résolu » ? Ou comme l’écrit Descartes lui-même,
608
nde des choses « mal compassées » ? L’application
d’
une raison sans parti pris à ce monde tel qu’il est donné, n’a-t-elle
609
’il est donné, n’a-t-elle pas pour effet immédiat
de
multiplier le mystère et les absurdités logiques ? Voyez Kafka… Je me
610
i, je vous en prie ? — la clarté et la simplicité
d’
un certain nombre de postulats abstraits. Ma méfiance porte sur l’arri
611
— la clarté et la simplicité d’un certain nombre
de
postulats abstraits. Ma méfiance porte sur l’arrière-pensée qui prési
612
e porte sur l’arrière-pensée qui présida au choix
de
ces données dites premières. Encore n’est-il pas exact de recourir ic
613
onnées dites premières. Encore n’est-il pas exact
de
recourir ici à l’expression d’arrière-pensée. C’est sans doute une «
614
n’est-il pas exact de recourir ici à l’expression
d’
arrière-pensée. C’est sans doute une « arrière-image » qu’il faudrait
615
audrait dire. C. Ne serait-il pas trop cartésien
de
vous demander de préciser ? A. J’essaierai de le faire par un exempl
616
Ne serait-il pas trop cartésien de vous demander
de
préciser ? A. J’essaierai de le faire par un exemple. La méthode inv
617
en de vous demander de préciser ? A. J’essaierai
de
le faire par un exemple. La méthode inventée par Descartes est donc d
618
ode inventée par Descartes est donc devenue celle
de
la science. C’est elle dont usent nos physiciens, chimistes et mathém
619
dira-t-on. Je n’en crois rien. Ouvrez un ouvrage
de
science : vous y trouverez au terme de chaque analyse un certain nomb
620
un ouvrage de science : vous y trouverez au terme
de
chaque analyse un certain nombre de phrases traduisant les résultats
621
erez au terme de chaque analyse un certain nombre
de
phrases traduisant les résultats acquis. Or ces phrases ont été chois
622
ble exigence : d’une part elles doivent permettre
de
permettre de passer, par une espèce de symbolisme abstrait — si j’ose
623
: d’une part elles doivent permettre de permettre
de
passer, par une espèce de symbolisme abstrait — si j’ose dire — à la
624
permettre de permettre de passer, par une espèce
de
symbolisme abstrait — si j’ose dire — à la formule mathématique ; d’a
625
composent un discours cohérent sur des propriétés
de
la matière. Et ce discours n’est qu’un certain système d’images. S’il
626
tière. Et ce discours n’est qu’un certain système
d’
images. S’il se distingue du parler quotidien, c’est avant tout par ce
627
r cette cohérence, c’est-à-dire par cette volonté
d’
exclure les sens ordinairement contradictoires des mots. Ainsi les loi
628
si les lois formulées par la science, ces modèles
d’
expression claire, se réfèrent en réalité à des formes courantes du la
629
réalité à des formes courantes du langage, vidées
de
leurs sens particuliers. Ce procédé est sans danger quand il est appl
630
nce légale n’étant, c’est entendu, qu’une manière
de
parler du réel, et sans cesse corrigée par les faits. Mais où je crie
631
uits par la clarté axiomatique, prétendent partir
de
vérités élémentaires qui ne sont autres que des abstractions opérées
632
utres que des abstractions opérées sur nos formes
de
langage. Je voudrais dire cela plus simplement… La tricherie d’une dé
633
voudrais dire cela plus simplement… La tricherie
d’
une déduction claire consiste en ce qu’elle prétend partir d’un nombre
634
tion claire consiste en ce qu’elle prétend partir
d’
un nombre limité de faits acquis, quand le tout, quand la fin nous éch
635
e en ce qu’elle prétend partir d’un nombre limité
de
faits acquis, quand le tout, quand la fin nous échappent ! Comme s’il
636
pent ! Comme s’il était licite, et même possible,
de
partir de certains éléments et de les déclarer connus, quand on ignor
637
me s’il était licite, et même possible, de partir
de
certains éléments et de les déclarer connus, quand on ignore méthodiq
638
même possible, de partir de certains éléments et
de
les déclarer connus, quand on ignore méthodiquement l’ensemble dont i
639
vous pouviez me montrer chez Descartes un exemple
de
ce recours aux formes du langage courant. A. Prenons la 3e règle de
640
ormes du langage courant. A. Prenons la 3e règle
de
sa méthode : « Conduire par ordre mes pensées en commençant par les o
641
t, derrière ce jugement, la plus étrange illusion
de
l’esprit : c’est une maxime populaire. On la tient pour tellement évi
642
pour tellement évidente que son rappel, au cours
d’
une discussion, figure presque une insolence. Cette maxime affirme en
643
tte maxime affirme en effet la nécessité générale
de
« commencer par le commencement ». Descartes qui vient d’assimiler sa
644
mencer par le commencement ». Descartes qui vient
d’
assimiler sans sourciller la simplicité d’un objet avec l’aisance à le
645
i vient d’assimiler sans sourciller la simplicité
d’
un objet avec l’aisance à le connaître — c’est encore un tour du langa
646
le plus mauvais tour qu’on ait joué aux écrivains
d’
idées ! Commencer par le commencement ! Aller du simple au compliqué !
647
er du simple au compliqué ! Que cela paraît plein
de
bon sens ! Le beau cliché, la belle absurdité, la magnifique carte po
648
ans vous interrompre davantage aux développements
d’
une pensée qui m’est curieusement étrangère. Vous parliez d’une vision
649
ée qui m’est curieusement étrangère. Vous parliez
d’
une vision totale ?… A. L’expression vous apparaît privée de sens ? M
650
n totale ?… A. L’expression vous apparaît privée
de
sens ? Mesurez donc, une bonne fois, toute l’ampleur de ma déraison.
651
s ? Mesurez donc, une bonne fois, toute l’ampleur
de
ma déraison. Laissez-moi parler sans contrainte mon sabir eschatologi
652
rs l’inconnu, les yeux toujours fixés sur son jeu
d’
évidences. On conçoit dès lors qu’elle se meuve avec tellement de préc
653
conçoit dès lors qu’elle se meuve avec tellement
de
précautions, vérifiant à chaque pas le chemin parcouru : elle ignore
654
chaque pas le chemin parcouru : elle ignore tout
de
son but et tiendrait même pour une prévention fâcheuse la croyance qu
655
cheuse la croyance que ce but existe en tout état
de
cause. Pour moi, c’est presque le contraire. Voilà : — Je sais que je
656
utres, je les risque dans le noir, — dans la nuit
de
la foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir d’une vision renouve
657
la foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir
d’
une vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation de ma démarche, et
658
e vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation
de
ma démarche, et c’est pourquoi je vous disais qu’on ne peut la compre
659
bsurde à l’observateur raisonnable. C. Le propre
d’
une vision pareille, c’est qu’elle est incommunicable, j’imagine ? A.
660
vant les sept couleurs. C’est pourquoi le langage
de
la vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument inexplicabl
661
uleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou
de
la foi, s’il était pur, serait absolument inexplicable, et évident. I
662
er sans fin cette forme significative du tout, et
de
chaque partie dans le tout. Bien entendu, je ne puis avancer aucun ex
663
t. Bien entendu, je ne puis avancer aucun exemple
d’
une telle perfection. Mais il fallait indiquer cette limite pour éclai
664
er — précisément — tout l’entre-deux, la pénombre
de
ce débat. Je vois maintenant deux espèces de langage. Ramenons-les po
665
mbre de ce débat. Je vois maintenant deux espèces
de
langage. Ramenons-les pour simplifier à deux modes d’expression égale
666
angage. Ramenons-les pour simplifier à deux modes
d’
expression également rigoureuse et pourtant exclusifs l’un de l’autre.
667
n également rigoureuse et pourtant exclusifs l’un
de
l’autre. Le premier serait la loi scientifique. Ses conventions sont
668
ique. Ses conventions sont la clarté et l’absence
de
contradiction. La seconde forme d’expression, ce serait celle dont j’
669
é et l’absence de contradiction. La seconde forme
d’
expression, ce serait celle dont j’essayais de vous faire pressentir l
670
rme d’expression, ce serait celle dont j’essayais
de
vous faire pressentir la limite, en parlant d’un langage inexplicable
671
is de vous faire pressentir la limite, en parlant
d’
un langage inexplicable et pourtant évident. C’est peut-être le verbe
672
impliquer qui distinguera le mieux cette forme-là
de
la première, dont l’office est évidemment d’expliquer. Oui, cette opp
673
e-là de la première, dont l’office est évidemment
d’
expliquer. Oui, cette opposition va nous aider : impliquer le réel com
674
omme tel, et non pas expliquer certaines manières
de
le réduire aux exigences d’un discours cohérent — voilà sans doute le
675
er certaines manières de le réduire aux exigences
d’
un discours cohérent — voilà sans doute le rôle du langage parabolique
676
voilà sans doute le rôle du langage parabolique…
De
là vient son obscurité. Parler en paraboles, c’est tenter d’exprimer
677
son obscurité. Parler en paraboles, c’est tenter
d’
exprimer un fait ou des idées, en tenant compte du tout qui les englob
678
les englobe. Ou c’est encore se garder avec soin
de
les définir autrement qu’en vue de cette fin dernière vers quoi l’on
679
les faits ou les idées à quelques éléments isolés
de
mesure. Il s’organise tout naturellement en discours, en phrases liée
680
urellement en discours, en phrases liées par voie
de
conséquence. Mais si je parle en paraboles, je n’ai souci que d’une c
681
Mais si je parle en paraboles, je n’ai souci que
d’
une certaine orientation. C’est à partir du terme, encore une fois, qu
682
s’éclairent et se résolvent, et non pas à partir
d’
éléments que j’aurais distingués dès le départ. Une parabole se compre
683
rabole se comprend par la fin. Comme l’expédition
de
Colomb partant pour reconnaître une Amérique de vision. Et cette fin,
684
n de Colomb partant pour reconnaître une Amérique
de
vision. Et cette fin, ce terme, ce télos, tous les hiatus, toutes les
685
ismes du langage doivent l’indiquer comme au-delà
d’
eux-mêmes… ce que ne sauraient faire des arguments toujours fondés sur
686
ur ce qui les précède. Voilà pourquoi le discours
d’
un prophète est le contraire d’un discours. L’événement seul lui rendr
687
urquoi le discours d’un prophète est le contraire
d’
un discours. L’événement seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole
688
liquez-vous le plaisir que je prends à la lecture
de
certaines paraboles dont le sens eschatologique m’échappe, je le supp
689
une petite question, voulez-vous ? Qui a le droit
de
parler en paraboles, et d’être obscur à la manière des prophètes ? A
690
-vous ? Qui a le droit de parler en paraboles, et
d’
être obscur à la manière des prophètes ? A. Le droit ? Personne, bien
691
t ? Personne, bien sûr ! Personne n’a aucun droit
de
ce genre, si l’on nomme droit la garantie formelle d’un usage. Mais i
692
e genre, si l’on nomme droit la garantie formelle
d’
un usage. Mais il arrive assez souvent que l’on oublie les grandes et
693
on oublie les grandes et graves raisons qu’il y a
de
se taire, ou de parler seulement selon le droit et la décence, en tou
694
andes et graves raisons qu’il y a de se taire, ou
de
parler seulement selon le droit et la décence, en toute clarté. Il ar
695
es ou esprits relâchés, s’abandonnent aux hasards
de
tricheries qui les flattent. Ils appellent cela poésie. On peut toute
696
ie. On peut toutefois imaginer une autre attitude
de
l’être, et qui soit telle que la question du droit ne se pose plus. C
697
estion du droit ne se pose plus. C’est l’attitude
de
l’homme qui a vu quelque chose, ou simplement qui a cru voir, et qui
698
Une vision ne se transmet pas, c’est le contraire
d’
une carte postale. Il s’agit donc de disposer l’esprit dans une certai
699
le contraire d’une carte postale. Il s’agit donc
de
disposer l’esprit dans une certaine orientation au moyen de mots et d
700
dans une certaine orientation au moyen de mots et
de
phrases qui puissent, comme par une ironie, être compris en soi et da
701
sens dernier ne puisse être aperçu sous un angle
de
vision quelconque. Je dis que l’homme qui a vu quelque chose doit par
702
vouerez que dans ces conditions il faut une sorte
de
naïveté très singulière pour endosser le risque d’être obscur. Passe
703
e naïveté très singulière pour endosser le risque
d’
être obscur. Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin
704
e risque d’être obscur. Passe encore pour l’homme
de
Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa visio
705
ncore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin
de
notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des vis
706
qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur
de
sa vision le sauve. Mais il est des visions moins illustres, qui n’em
707
ut en bas, dans un fulgurant inventaire. Je parle
de
visions furtives qui sont à celle de l’apôtre comme le Petit Monde au
708
re. Je parle de visions furtives qui sont à celle
de
l’apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de
709
e Petit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et
de
la Fin, mais signes seulement, résumés, prises partielles et signific
710
’Apocalypse, comme Cuvier la préhistoire à partir
d’
une vertèbre isolée. Mais l’oubli vient avec le premier doute… Petites
711
avec le premier doute… Petites visions des hommes
de
peu de foi, visions de la fin de nos courtes passions : la possession
712
Petites visions des hommes de peu de foi, visions
de
la fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissan
713
sions des hommes de peu de foi, visions de la fin
de
nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance, — il n
714
ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles
de
Juda », les grands prophètes, ont été justifiés dans leur délire, mai
715
iés dans leur délire, mais un prophète des choses
d’
ici-bas, un prophète sans mission divine, quelle défense osera-t-il pr
716
ris. 7. Quatre « dialogues » paraîtront au début
de
l’ouvrage Doctrine fabuleuse , publié en 1947. j. Rougemont Denis
717
fabuleuse , publié en 1947. j. Rougemont Denis
de
, « Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair », Hém
718
7. j. Rougemont Denis de, « Ars prophetica, ou
D’
un langage qui ne veut pas être clair », Hémisphères, New York, hiver
719
sonnalistes avaient fait leur chemin dans l’élite
de
la Résistance. S’agit-il d’une influence directe, ou d’une prise de c
720
r chemin dans l’élite de la Résistance. S’agit-il
d’
une influence directe, ou d’une prise de conscience spontanée devant l
721
Résistance. S’agit-il d’une influence directe, ou
d’
une prise de conscience spontanée devant la leçon des faits, nous le s
722
ructive. Les événements eux-mêmes se sont chargés
de
faire la critique de tant d’incohérences au sein desquelles le França
723
ts eux-mêmes se sont chargés de faire la critique
de
tant d’incohérences au sein desquelles le Français moyen pensait pouv
724
êmes se sont chargés de faire la critique de tant
d’
incohérences au sein desquelles le Français moyen pensait pouvoir vivr
725
tre reposées. Allons-nous rebâtir sur les valeurs
d’
une philosophie de l’Objet (qui était celle du capitalisme et des dive
726
ns-nous rebâtir sur les valeurs d’une philosophie
de
l’Objet (qui était celle du capitalisme et des divers « planisme »),
727
une société où les objets soient remis au service
de
l’homme qui crée et qui se veut responsable ? Si nous choisissons la
728
érieuse. Les jeunes gens qui prenaient conscience
de
leur responsabilité intellectuelle et civique vers 1930, en France, s
729
épersonnaliser l’homme, à le réduire à un agrégat
de
réflexes conditionnés par l’État, le Parti et les statisticiens. Sur
730
it en elle qu’un îlot précaire perdu dans l’océan
de
l’inconscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à des déterminism
731
devenait dans tout cela, le droit imprescriptible
d’
un homme à dire je, à dire moi, à se considérer comme une cause effici
732
ts que les fameuses « forces économiques » — mais
de
l’homme, mesure de toutes choses. La grande question était donc : qu’
733
« forces économiques » — mais de l’homme, mesure
de
toutes choses. La grande question était donc : qu’est-ce que l’homme
734
u’est-ce que l’homme ? Sur quelle notion centrale
de
son humanité devons-nous recentrer le monde ? Les institutions doiven
735
doivent être fondées sur une notion compréhensive
de
l’homme, sinon elles agissent contre l’homme. Or l’individu, sur lequ
736
ividu, sur lequel voulait se fonder la démocratie
d’
un siècle dernier, et le soldat politique sur lequel a voulu se fonder
737
que sur lequel a voulu se fonder le totalitarisme
de
ce siècle, ne sont pas des hommes complets. L’individu n’a que des dr
738
econd est un simple objet. À ces deux mutilations
de
la notion d’homme, les jeunes intellectuels français opposèrent la no
739
simple objet. À ces deux mutilations de la notion
d’
homme, les jeunes intellectuels français opposèrent la notion de perso
740
eunes intellectuels français opposèrent la notion
de
personne. Quelles que fussent les prémisses religieuses ou métaphysiq
741
es, tous s’entendaient fort bien sur des formules
de
ce genre : les institutions doivent être au service de l’homme, et no
742
genre : les institutions doivent être au service
de
l’homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’être un mot creux
743
l’homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse
d’
être un mot creux que dans un ordre souple, qui respecte la diversité
744
tat ne sera jamais totalitaire. Un certain nombre
de
mots-clés se retrouvent dans tous les ouvrages publiés par les person
745
é avant la lettre : Leibnitz, Kant, Renouvier, ou
de
nos jours un William Stern, un Keyserling, un C. G. Jung, et l’école
746
yserling, un C. G. Jung, et l’école californienne
de
The Personalist. Mais la caractéristique du mouvement personnaliste f
747
uvement personnaliste français fut, dès le début,
de
considérer sa doctrine comme le fondement immédiat d’une action polit
748
onsidérer sa doctrine comme le fondement immédiat
d’
une action politique, d’une économie, d’un régime social, et même d’un
749
mme le fondement immédiat d’une action politique,
d’
une économie, d’un régime social, et même d’une esthétique. C’est pour
750
immédiat d’une action politique, d’une économie,
d’
un régime social, et même d’une esthétique. C’est pourquoi je ne saura
751
ique, d’une économie, d’un régime social, et même
d’
une esthétique. C’est pourquoi je ne saurais mieux décrire la doctrine
752
nnalisme qu’en indiquant certaines des tentatives
d’
action les plus typiques qu’elle inspira avant cette guerre. Un serv
753
ar le mouvement n’apportaient pas les blue-prints
d’
une société idéale, mais quelques principes d’action. Car il s’agissai
754
nts d’une société idéale, mais quelques principes
d’
action. Car il s’agissait pour les personnalistes d’un changement spir
755
action. Car il s’agissait pour les personnalistes
d’
un changement spirituel d’abord, les changements institutionnels n’aya
756
d’abord, les changements institutionnels n’ayant
de
valeur à leurs yeux que s’ils traduisaient réellement une attitude no
757
ils traduisaient réellement une attitude nouvelle
de
l’homme aux prises avec le destin d’un siècle nouveau. Alors que la p
758
ude nouvelle de l’homme aux prises avec le destin
d’
un siècle nouveau. Alors que la plupart des révolutionnaires de droite
759
ouveau. Alors que la plupart des révolutionnaires
de
droite ou de gauche édifiaient des plans abstraits et se bornaient pr
760
que la plupart des révolutionnaires de droite ou
de
gauche édifiaient des plans abstraits et se bornaient pratiquement à
761
ries, les personnalistes affirmaient la nécessité
d’
une révolution plus profonde : révolution dans la manière de poser les
762
lution plus profonde : révolution dans la manière
de
poser les problèmes, avant de prétendre leur donner telle ou telle so
763
te. Prenons le problème du prolétariat. Le groupe
de
l’Ordre nouveau proposa l’institution d’un service civil obligatoire,
764
e groupe de l’Ordre nouveau proposa l’institution
d’
un service civil obligatoire, répartissant sur l’ensemble de la popula
765
ce civil obligatoire, répartissant sur l’ensemble
de
la population le travail industriel non différencié. Pendant un an ou
766
aient dans les usines, au lieu de faire une année
de
caserne. Les avantages de ce service civil seraient triples : 1) Just
767
lieu de faire une année de caserne. Les avantages
de
ce service civil seraient triples : 1) Justice sociale. La classe pro
768
e sociale. La classe prolétarienne serait relevée
de
son fardeau à vie. 2) Économie. La hantise du salaire ne serait plus
769
t plus le seul mobile du travailleur, et la masse
de
main-d’œuvre créée par le service civil serait mise par l’État à la d
770
ralyser l’invention, puisqu’elle ne créerait plus
de
chômage technologique. Les industriels hochèrent la tête. Ils ne croy
771
ojet utopique et d’ailleurs néfaste : il risquait
de
résoudre un conflit que leur tactique cherchait au contraire à rendre
772
pratique, à petite échelle. Dans plusieurs usines
de
la région parisienne, ils se firent embaucher par groupes, comme manœ
773
res. Au bout de trois jours, dans une manufacture
de
brosses à dents, l’un d’eux battit le record de production de l’ateli
774
rs, dans une manufacture de brosses à dents, l’un
d’
eux battit le record de production de l’atelier. Il était éditeur de s
775
e de brosses à dents, l’un d’eux battit le record
de
production de l’atelier. Il était éditeur de son métier, et si peu ad
776
dents, l’un d’eux battit le record de production
de
l’atelier. Il était éditeur de son métier, et si peu adroit de ses ma
777
cord de production de l’atelier. Il était éditeur
de
son métier, et si peu adroit de ses mains qu’il assurait être le seul
778
Il était éditeur de son métier, et si peu adroit
de
ses mains qu’il assurait être le seul officier de réserve français qu
779
de ses mains qu’il assurait être le seul officier
de
réserve français qui se fût jamais blessé avec son propre sabre ! Les
780
« relevé », leur assurant ainsi quelques semaines
de
vacances payées, à un moment où cette institution n’existait pas enco
781
ndu sur cet exemple unique pour décrire le climat
de
l’effort personnaliste. Il est clair que l’institution du service civ
782
n du service civil supposait une refonte générale
de
l’économie, et notamment une discrimination très précise entre le tra
783
État, qui assurerait d’autre part la distribution
d’
un minimum vital gratuit pour tous. Le second devait rester libre, et
784
tuit pour tous. Le second devait rester libre, et
d’
autant plus qu’il recevrait l’aide gratuite du service civil. L’État l
785
ême se trouverait réduit au rôle précis et limité
d’
agence de statistique et de répartition de la main-d’œuvre et du bonus
786
ouverait réduit au rôle précis et limité d’agence
de
statistique et de répartition de la main-d’œuvre et du bonus social,
787
rôle précis et limité d’agence de statistique et
de
répartition de la main-d’œuvre et du bonus social, au profit des entr
788
limité d’agence de statistique et de répartition
de
la main-d’œuvre et du bonus social, au profit des entreprises libres
789
s libres et des groupes coopératifs. La notion
de
groupe L’un des traits marquants du mouvement personnaliste, c’est
790
le coïncide avec la découverte la plus importante
de
notre siècle : celle de l’être-en-relations. Que ce soit dans le doma
791
uverte la plus importante de notre siècle : celle
de
l’être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de la physique ou ce
792
l’être-en-relations. Que ce soit dans le domaine
de
la physique ou celui de la sociologie, en mathématiques, en politique
793
e ce soit dans le domaine de la physique ou celui
de
la sociologie, en mathématiques, en politique, en économie, les meill
794
en politique, en économie, les meilleurs esprits
de
ce temps sont parvenus à des conclusions analogues : il n’est possibl
795
s à des conclusions analogues : il n’est possible
de
parler de réalité, de mesure, ou d’efficacité, qu’au sein d’un groupe
796
nclusions analogues : il n’est possible de parler
de
réalité, de mesure, ou d’efficacité, qu’au sein d’un groupe donné de
797
alogues : il n’est possible de parler de réalité,
de
mesure, ou d’efficacité, qu’au sein d’un groupe donné de forces. L’ho
798
’est possible de parler de réalité, de mesure, ou
d’
efficacité, qu’au sein d’un groupe donné de forces. L’homme, par exemp
799
re, ou d’efficacité, qu’au sein d’un groupe donné
de
forces. L’homme, par exemple, n’est réel que dans une communauté ni t
800
yé dans une collectivité informe, il sera frustré
de
toute possibilité de se faire entendre ou d’agir personnellement. Il
801
ité informe, il sera frustré de toute possibilité
de
se faire entendre ou d’agir personnellement. Il n’existe vraiment com
802
stré de toute possibilité de se faire entendre ou
d’
agir personnellement. Il n’existe vraiment comme personne que dans un
803
ise ou commune, patrie locale ou cercle invisible
d’
esprits apparentés dans le monde entier. Mais cette image d’un univers
804
apparentés dans le monde entier. Mais cette image
d’
un univers composé de groupements autonomes en perpétuelle interaction
805
nde entier. Mais cette image d’un univers composé
de
groupements autonomes en perpétuelle interaction n’a pas encore été t
806
s institutions. Nos nations sont restées au stade
de
la classification des corps simples par Mendeleïev, quand nous en som
807
es par Mendeleïev, quand nous en sommes au siècle
de
la physique quantique. La paresse d’esprit et l’inertie ont laissé se
808
es au siècle de la physique quantique. La paresse
d’
esprit et l’inertie ont laissé se constituer au xxe siècle des cadres
809
sur l’économie, la vie politique et les coutumes
d’
un pays le carcan géométrique de ses décrets, le personnalisme opposai
810
e et les coutumes d’un pays le carcan géométrique
de
ses décrets, le personnalisme opposait les foyers rayonnants de créat
811
, le personnalisme opposait les foyers rayonnants
de
création locale : entreprise et commune à la base, librement fédérées
812
eux exemples des conséquences pratiques découlant
de
cette attitude doctrinale. Dès 1937, l’Ordre nouveau avait dénoncé l’
813
eau avait dénoncé l’organisation hypercentralisée
de
l’armée française, copiée sur la centralisation politique de la natio
814
française, copiée sur la centralisation politique
de
la nation. La France avait des frontières rigides et un centre unique
815
ersonnalistes proposaient au contraire un système
de
foyers de résistance élevés dans toute la profondeur du pays, et une
816
tes proposaient au contraire un système de foyers
de
résistance élevés dans toute la profondeur du pays, et une mobilisati
817
entralisée. C’était en somme le système militaire
de
la Suisse, traduisant un régime fédéraliste. Les événements de 1940 e
818
traduisant un régime fédéraliste. Les événements
de
1940 et toute l’évolution ultérieure de la guerre ont amplement confi
819
vénements de 1940 et toute l’évolution ultérieure
de
la guerre ont amplement confirmé ces vues. L’Underground, dans plusie
820
mes ? Les personnalistes organisèrent des « clubs
de
presse ». Dans chaque quartier de grande ville, dans chaque commune,
821
ent des « clubs de presse ». Dans chaque quartier
de
grande ville, dans chaque commune, des correspondants devaient groupe
822
se passait sous silence), lui révéler les secrets
de
la vénalité des grands journaux, et recueillir une documentation loca
823
umentation locale précise et humaine. Un bulletin
de
liaison alimentait les clubs. Tout était préparé pour sa transmission
824
s. Tout était préparé pour sa transmission en cas
de
crise révolutionnaire ou d’invasion, Les Clubs de presse personnalist
825
a transmission en cas de crise révolutionnaire ou
d’
invasion, Les Clubs de presse personnalistes fournirent ainsi le premi
826
de crise révolutionnaire ou d’invasion, Les Clubs
de
presse personnalistes fournirent ainsi le premier modèle des publicat
827
ainsi le premier modèle des publications fameuses
de
l’Underground. État présent et avenir du mouvement À la veille
828
tat présent et avenir du mouvement À la veille
de
la guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les implications d
829
onnalisme avait réussi à dégager les implications
de
sa doctrine dans les plans les plus divers. Il était prêt à déclenche
830
profondeur d’abord, puis publique. Une trentaine
de
volumes, deux revues, un hebdomadaire, des bulletins, brochures et tr
831
légué leur représentant en France, Abetz, au soin
d’
observer de très près ce développement inquiétant. Mais les personnali
832
représentant en France, Abetz, au soin d’observer
de
très près ce développement inquiétant. Mais les personnalistes mesura
833
ent encore la route. Ils souffraient tout d’abord
d’
une qualité et d’un défaut bien typiquement français : le sérieux et l
834
te. Ils souffraient tout d’abord d’une qualité et
d’
un défaut bien typiquement français : le sérieux et l’excès d’idées ne
835
bien typiquement français : le sérieux et l’excès
d’
idées neuves. Hors d’eux-mêmes s’opposaient à leur action : les grands
836
çais : le sérieux et l’excès d’idées neuves. Hors
d’
eux-mêmes s’opposaient à leur action : les grands intérêts capitaliste
837
ns démagogues, l’insouciance générale à la veille
d’
un désastre prévisible, les préjugés de droite et de gauche, le manque
838
la veille d’un désastre prévisible, les préjugés
de
droite et de gauche, le manque d’argent et de moyens de pression coll
839
un désastre prévisible, les préjugés de droite et
de
gauche, le manque d’argent et de moyens de pression collectifs. Il va
840
e, les préjugés de droite et de gauche, le manque
d’
argent et de moyens de pression collectifs. Il valait mieux attendre e
841
gés de droite et de gauche, le manque d’argent et
de
moyens de pression collectifs. Il valait mieux attendre encore un tem
842
ite et de gauche, le manque d’argent et de moyens
de
pression collectifs. Il valait mieux attendre encore un temps, plutôt
843
valait mieux attendre encore un temps, plutôt que
de
s’engager dans une propagande trop coûteuse pour rester pure. Au rest
844
progrès organique, forcément lent. Il s’agissait
de
gagner des hommes, un à un, non des masses. La guerre et l’invasion o
845
isparaître ». Dans l’intervalle entre l’armistice
de
juin 1940 et la suppression de toute expression libre par Vichy, la r
846
entre l’armistice de juin 1940 et la suppression
de
toute expression libre par Vichy, la revue Esprit vit son tirage qu
847
uelques mois. Puis elle fut interdite, à la suite
d’
un article contre Pétain, son directeur et plusieurs de ses rédacteurs
848
article contre Pétain, son directeur et plusieurs
de
ses rédacteurs emprisonnés. Nul autre mouvement ne me paraît mieux ap
849
inspirer ceux qui demandent un monde à la mesure
de
l’homme, non plus à celle des monstres nés de son anxiété, de sa pare
850
ure de l’homme, non plus à celle des monstres nés
de
son anxiété, de sa paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple : l
851
non plus à celle des monstres nés de son anxiété,
de
sa paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple : le bassin houille
852
des monstres nés de son anxiété, de sa paresse ou
de
son manque de foi. 8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux
853
és de son anxiété, de sa paresse ou de son manque
de
foi. 8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux de la Sarre co
854
8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux
de
la Sarre coupé en deux par une frontière correspondant aux langues.
855
e correspondant aux langues. l. Rougemont Denis
de
, « L’attitude personnaliste », Le Monde libre, New York, Montréal, oc
856
t l’ennemi : car « la seule chose qui importe est
de
gagner la guerre ». Là-dessus, nous tombons d’accord. Mais sur le sen
857
ve très peu d’accord autour de moi. Si j’essayais
de
m’entendre d’abord ? Et de comprendre, s’il se peut, la question que
858
de moi. Si j’essayais de m’entendre d’abord ? Et
de
comprendre, s’il se peut, la question que cette guerre pose et ne peu
859
résoudre. ⁂ Par dépit, par fatigue, ou par esprit
de
polémique, beaucoup de penseurs ont estimé depuis cent ans que les ré
860
t non pas causes. Car il n’y a pas d’abord la loi
de
l’offre et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes,
861
es. Car il n’y a pas d’abord la loi de l’offre et
de
la demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes, selon nos rêve
862
s, mais il y a d’abord des hommes qui choisissent
de
construire des machines plutôt que d’avoir faim, ou de chercher la sa
863
choisissent de construire des machines plutôt que
d’
avoir faim, ou de chercher la sagesse, ou de prier devant un symbole a
864
nstruire des machines plutôt que d’avoir faim, ou
de
chercher la sagesse, ou de prier devant un symbole ancestral. Il n’y
865
t que d’avoir faim, ou de chercher la sagesse, ou
de
prier devant un symbole ancestral. Il n’y a pas d’abord les faits et
866
ce génie ou cette maladie. (Postérité, je rougis
de
tant de platitudes, mais de mon temps on les taxait de paradoxes.) Ai
867
(Postérité, je rougis de tant de platitudes, mais
de
mon temps on les taxait de paradoxes.) Ainsi de la guerre actuelle :
868
nt de platitudes, mais de mon temps on les taxait
de
paradoxes.) Ainsi de la guerre actuelle : il importe de voir qu’elle
869
s de mon temps on les taxait de paradoxes.) Ainsi
de
la guerre actuelle : il importe de voir qu’elle se passe d’abord en c
870
adoxes.) Ainsi de la guerre actuelle : il importe
de
voir qu’elle se passe d’abord en chacun de nous, et qu’elle figure da
871
mporte de voir qu’elle se passe d’abord en chacun
de
nous, et qu’elle figure dans son ensemble la crise d’un conflit psych
872
ous, et qu’elle figure dans son ensemble la crise
d’
un conflit psychologique de proportions mondiales, de portée séculaire
873
son ensemble la crise d’un conflit psychologique
de
proportions mondiales, de portée séculaire. ⁂ Lorsqu’un individu refo
874
n conflit psychologique de proportions mondiales,
de
portée séculaire. ⁂ Lorsqu’un individu refoule pendant longtemps ses
875
t soudain et l’attaquent en force, par une espèce
d’
éruption volcanique nommée névrose. Alors l’homme se croit menacé par
876
par ce qu’il appelle des esprits. Il est victime
de
terreurs inexplicables. Des cauchemars envahissent sa vie quotidienne
877
se persuade que des forces absolument distinctes
de
son être l’attaquent avec une férocité sans précédent. Il devient ali
878
vient aliéné, c’est-à-dire qu’il devient la proie
d’
un autre. Un médecin qu’il jugera très brutal et hostile lui suggère a
879
alors que cet « autre » n’est en fait qu’une part
de
lui-même. S’il comprend cela et s’il le croit, le malade guérira peut
880
re. Sinon, il faudra l’enfermer dans une camisole
de
force. Il ne fera plus de mal, mais il restera fou. Au Moyen Âge, on
881
ermer dans une camisole de force. Il ne fera plus
de
mal, mais il restera fou. Au Moyen Âge, on disait qu’un tel homme éta
882
disait qu’il était fou, et l’on essayait d’abord
de
le raisonner, puis de le réduire à la raison, par des procédés contra
883
u, et l’on essayait d’abord de le raisonner, puis
de
le réduire à la raison, par des procédés contraignants. En cas d’éche
884
la raison, par des procédés contraignants. En cas
d’
échec, on le mettait derrière des barreaux. La guerre actuelle est une
885
Le malade, c’est l’humanité. La partie consciente
de
l’humanité se voit attaquée par des figures de cauchemar qui symbolis
886
te de l’humanité se voit attaquée par des figures
de
cauchemar qui symbolisent un inconscient trop longtemps opprimé, nié,
887
ngtemps opprimé, nié, laissé inculte9. On a tenté
de
raisonner cet inconscient et de le forcer à se tenir tranquille. Priv
888
ulte9. On a tenté de raisonner cet inconscient et
de
le forcer à se tenir tranquille. Privé de moyens de s’exprimer à sa m
889
ient et de le forcer à se tenir tranquille. Privé
de
moyens de s’exprimer à sa manière, affolé par nos arguments, il n’a p
890
le forcer à se tenir tranquille. Privé de moyens
de
s’exprimer à sa manière, affolé par nos arguments, il n’a plus trouvé
891
ère, affolé par nos arguments, il n’a plus trouvé
d’
autre issue que dans une révolte explosive. Le cauchemar envahit la pl
892
a pas à tomber épuisée et à se passer la camisole
de
force d’un régime d’ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé
893
omber épuisée et à se passer la camisole de force
d’
un régime d’ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé vaudrait
894
e et à se passer la camisole de force d’un régime
d’
ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé vaudrait mieux. ⁂ Ce
895
je voudrais défendre et illustrer dans une série
d’
écrits à venir : il est temps que la pensée politique rejoigne la psyc
896
contemporaine. Depuis quatre ans, nous essayons
de
mener la guerre psychologique10 à l’instar des nazis qui l’avaient in
897
instar des nazis qui l’avaient inventée. Au seuil
de
la paix, il est temps de chercher au moins les principes d’une politi
898
aient inventée. Au seuil de la paix, il est temps
de
chercher au moins les principes d’une politique psychologique. Je ne
899
, il est temps de chercher au moins les principes
d’
une politique psychologique. Je ne parle pas de propagande : celle-ci
900
es d’une politique psychologique. Je ne parle pas
de
propagande : celle-ci n’est qu’une tactique de bombardement. La polit
901
as de propagande : celle-ci n’est qu’une tactique
de
bombardement. La politique que j’imagine serait une cure. Mais avant
902
eprendre, il nous faudrait un diagnostic. Tentons
d’
en indiquer les premiers éléments. Si cette génération n’a pas le cour
903
éléments. Si cette génération n’a pas le courage
de
s’avouer plus profondément qu’aucune autre, il ne faut en attendre ri
904
ment qu’aucune autre, il ne faut en attendre rien
de
bon, ni rien de grand, ni rien de vrai. Essayons une autoanalyse. C’e
905
utre, il ne faut en attendre rien de bon, ni rien
de
grand, ni rien de vrai. Essayons une autoanalyse. C’est notre chance
906
n attendre rien de bon, ni rien de grand, ni rien
de
vrai. Essayons une autoanalyse. C’est notre chance peut-être unique.
907
disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit
de
le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nous fait en
908
n’ont pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs
de
l’avoir, ce droit ? Avons-nous fait enquête avant de partir ? Sommes-
909
ait pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas
d’
une opération légale ou d’une enquête scientifique, mais elle ressembl
910
a guerre ne résulte pas d’une opération légale ou
d’
une enquête scientifique, mais elle ressemble à une colère, à une pert
911
ue, mais elle ressemble à une colère, à une perte
de
patience ou de maîtrise de soi, à la réaction automatique d’un mystér
912
essemble à une colère, à une perte de patience ou
de
maîtrise de soi, à la réaction automatique d’un mystérieux sens de l’
913
ne colère, à une perte de patience ou de maîtrise
de
soi, à la réaction automatique d’un mystérieux sens de l’honneur bles
914
ou de maîtrise de soi, à la réaction automatique
d’
un mystérieux sens de l’honneur blessé. Flamme aveuglante, vague de sa
915
i, à la réaction automatique d’un mystérieux sens
de
l’honneur blessé. Flamme aveuglante, vague de sang, terreur froide, o
916
ens de l’honneur blessé. Flamme aveuglante, vague
de
sang, terreur froide, ou goût du suicide. Ne me parlez pas de droits,
917
reur froide, ou goût du suicide. Ne me parlez pas
de
droits, vous n’y avez pas pensé. Nous avons « fait notre devoir » et
918
as pensé. Nous avons « fait notre devoir » et pas
de
question. Je dis que la guerre nous plaît. Elle arrange bien des chos
919
hoses. Elle ajourne nos vrais conflits. Elle tire
de
nous ce que la paix n’en tirait plus. Elle offre l’avantage incompara
920
n tirait plus. Elle offre l’avantage incomparable
de
sanctionner notre acquittement par contumace. Elle est le grand non-l
921
ttement par contumace. Elle est le grand non-lieu
de
millions d’hommes — le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’on n’es
922
contumace. Elle est le grand non-lieu de millions
d’
hommes — le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’on n’est plus respo
923
vrai no man’s land où l’on n’est plus responsable
de
soi. La guerre ancienne était une chance offerte à l’instinct combati
924
des mâles, le jeu des coqs ornés pour l’occasion
de
leurs plus belles plumes. La guerre actuelle a perdu ces attraits. To
925
t combatif : comptez qu’une fraction très réduite
de
l’humanité — presque totalement mobilisée — combat en fait sur les ch
926
alement mobilisée — combat en fait sur les champs
de
bataille. Seule une fraction de cette fraction connaît le corps à cor
927
it sur les champs de bataille. Seule une fraction
de
cette fraction connaît le corps à corps, la bataille d’hommes. Qu’aim
928
te fraction connaît le corps à corps, la bataille
d’
hommes. Qu’aimons-nous donc tous dans la guerre, que nous soyons civil
929
s. Ainsi la guerre devient pour nous l’équivalent
de
la fête chez les peuples anciens, elle en possède les attributs les p
930
s passions collectives déchaînées, le déguisement
de
rigueur, le sacrifice humain légal, et les valeurs morales changent d
931
ice humain légal, et les valeurs morales changent
de
signe : tu tueras, tu voleras, tu diras de faux témoignages avec honn
932
angent de signe : tu tueras, tu voleras, tu diras
de
faux témoignages avec honneur. Je parle d’état d’exception comme on d
933
diras de faux témoignages avec honneur. Je parle
d’
état d’exception comme on dirait état de siège, état de grâce. Et les
934
z les primitifs, la guerre est le « grand Temps »
de
l’humanité moderne. Elle nous fournit la seule excuse que notre espri
935
re esprit puisse accepter pour suspendre le cours
d’
une existence de plus en plus conforme aux prévisions des grandes comp
936
us conforme aux prévisions des grandes compagnies
d’
assurances. (Quelle fête immense faudrait-il à ce siècle pour lui fair
937
it-il à ce siècle pour lui faire oublier son goût
de
la guerre ! Quel drame nouveau, pour remplacer, sur la scène vide, l’
938
sera peut-être pour des siècles. (Il y aura trop
d’
avions du même côté.) Mais comment l’homme compensera-t-il le manque d
939
.) Mais comment l’homme compensera-t-il le manque
de
guerres ? Nous avons tout prévu contre un futur Hitler, rien contre s
940
re son absence, autant que je sache. Le seul type
d’
héroïsme que l’Occident ait su concevoir (depuis qu’on n’allume plus d
941
dent ait su concevoir (depuis qu’on n’allume plus
de
bûchers pour les chrétiens et qu’ils tolèrent les hérétiques), c’est
942
la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a plus
de
guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? P
943
ur la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue
de
respect pour les vertus que l’esprit seul sait pousser jusqu’au parox
944
u’au paroxysme. Et comment vivre, s’il n’y a plus
de
paroxysmes ? La guerre nous plaît. Nous le nions tous, et c’est norma
945
écider le désarmement général, total et définitif
de
tous les peuples, appuyé par une interdiction absolue de fabriquer de
946
les peuples, appuyé par une interdiction absolue
de
fabriquer des armes et d’enseigner à s’en servir ? Je ne sais pas mie
947
ne interdiction absolue de fabriquer des armes et
d’
enseigner à s’en servir ? Je ne sais pas mieux que la plupart ce qui r
948
sais pas mieux que la plupart ce qui résulterait
d’
une décision de ce genre, mais je sais que la plupart résistent à prio
949
que la plupart ce qui résulterait d’une décision
de
ce genre, mais je sais que la plupart résistent à priori à cette idée
950
s’ouvre. Et cependant, ils ne sont guère capables
de
me donner sur-le-champ, avec calme, de bonnes raisons bien étudiées d
951
e capables de me donner sur-le-champ, avec calme,
de
bonnes raisons bien étudiées d’un tel refus. C’est un refus instincti
952
hamp, avec calme, de bonnes raisons bien étudiées
d’
un tel refus. C’est un refus instinctif, comme ils disent. Et c’est to
953
lais leur faire dire. (Il leur reste à me traiter
de
défaitiste.) Une politique qui négligerait le fait que la guerre nous
954
isons profondes, cette politique serait incapable
de
rien conduire, ni de rien prévoir d’autre que d’astucieux traités de
955
e politique serait incapable de rien conduire, ni
de
rien prévoir d’autre que d’astucieux traités de commerce que la proch
956
it incapable de rien conduire, ni de rien prévoir
d’
autre que d’astucieux traités de commerce que la prochaine guerre annu
957
de rien conduire, ni de rien prévoir d’autre que
d’
astucieux traités de commerce que la prochaine guerre annulerait. 2. H
958
i de rien prévoir d’autre que d’astucieux traités
de
commerce que la prochaine guerre annulerait. 2. Hitler. — Nous penson
959
tler est un monstre avec lequel nous n’avons rien
de
commun. Il s’agit de le détruire avant toute autre tâche. Point de vu
960
vec lequel nous n’avons rien de commun. Il s’agit
de
le détruire avant toute autre tâche. Point de vue indispensable pour
961
int de vue stérile et désastreux dès qu’il s’agit
de
la paix. Hitler n’est pas en dehors de l’humanité, mais en elle. Bien
962
devant nous, mais en nous. Il était en nous avons
d’
être contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’il se dresse contre n
963
férir si nous n’admettons pas qu’il est une part
de
nous, la part du diable dans nos cœurs. Hitler se taira d’ici peu. So
964
a catastrophe prévue. Et devant le cadavre gisant
de
l’homme qui fit trembler tout l’univers, voici que nous nous écrieron
965
e nous nous écrierons avec une stupéfaction mêlée
de
honte : — Comme il était petit ! Il n’était grand, comme Satan lui-mê
966
tit ! Il n’était grand, comme Satan lui-même, que
de
la grandeur de nos misères secrètes. Dans la réalité psychologique du
967
t grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur
de
nos misères secrètes. Dans la réalité psychologique du siècle, Hitler
968
psychologique du siècle, Hitler aura joué le rôle
d’
un personnage de rêve d’angoisse. Ce rêve collectif a modelé notre his
969
siècle, Hitler aura joué le rôle d’un personnage
de
rêve d’angoisse. Ce rêve collectif a modelé notre histoire, mais il é
970
Hitler aura joué le rôle d’un personnage de rêve
d’
angoisse. Ce rêve collectif a modelé notre histoire, mais il était d’a
971
otre histoire, mais il était d’abord dans l’ombre
de
nos âmes. On a remarqué que dans un cauchemar, ce qui nous terrifie n
972
ité la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité
de
la passion hostile ou criminelle dont il nous paraît animé. Il se cha
973
ont il nous paraît animé. Il se charge à nos yeux
d’
une puissance de terreur dont nous n’avions sans doute jamais eu l’exp
974
ît animé. Il se charge à nos yeux d’une puissance
de
terreur dont nous n’avions sans doute jamais eu l’expérience. Et pour
975
amais eu l’expérience. Et pourtant c’est une part
de
nous-mêmes qui machine cette brusque épouvante, ramassant dans un ges
976
forme, une atmosphère, tout ce que nous refusions
d’
admettre en nous. Le cauchemar nous apprend qu’il ne suffit pas de ref
977
us. Le cauchemar nous apprend qu’il ne suffit pas
de
refuser un instinct ou quelque tentation pour les supprimer. Il s’agi
978
u quelque tentation pour les supprimer. Il s’agit
de
les utiliser, ou de s’en guérir ; sinon soyons certains qu’ils vont r
979
pour les supprimer. Il s’agit de les utiliser, ou
de
s’en guérir ; sinon soyons certains qu’ils vont revenir en force, sou
980
, sous un déguisement séduisant, ou sous la forme
d’
un monstre archaïque. L’ogre à la petite moustache est l’un de ces mon
981
archaïque. L’ogre à la petite moustache est l’un
de
ces monstres. Nous en verrons bien d’autres, si nous nous contentons
982
en verrons bien d’autres, si nous nous contentons
de
lutter contre les signes extérieurs du mal, sans essayer d’en modifie
983
contre les signes extérieurs du mal, sans essayer
d’
en modifier les causes dans nous-mêmes11. Mais ceci pose un problème n
984
Mais ceci pose un problème nouveau : le problème
de
la religion. 3. Il faut une religion pour le peuple. Entendons : pour
985
on défaut, Hitler l’aurait fait voir par le moyen
de
cette religion synthétique (comme le caoutchouc) qu’est le national-s
986
lisme. Je ne parle pas ici du christianisme, mais
de
la religion en général, comme phénomène humain, cause et produit de t
987
général, comme phénomène humain, cause et produit
de
toute communauté vivante. Je parle d’un instinct aussi fondamental et
988
et produit de toute communauté vivante. Je parle
d’
un instinct aussi fondamental et naturel que la sexualité. Il est inco
989
des Occidentaux. Car non content de combattre et
d’
évacuer les coutumes religieuses périmées (c’était son droit et son de
990
ez une sécheresse générale, nécessairement suivie
d’
une rupture de digues et de l’interruption catastrophique des forces s
991
sse générale, nécessairement suivie d’une rupture
de
digues et de l’interruption catastrophique des forces sombres de la c
992
nécessairement suivie d’une rupture de digues et
de
l’interruption catastrophique des forces sombres de la cité. La raiso
993
l’interruption catastrophique des forces sombres
de
la cité. La raison peut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas
994
enchaîner. Si elle détruit tous les moyens connus
de
les apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse de moyens nouveau
995
s apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse
de
moyens nouveaux, elle fait lever des monstres autour de nous. Imagino
996
s avions en masse et par ce moyen-là venir à bout
d’
Hitler ; mais il ne pourra prévenir la multiplication prochaine d’autr
997
ir la multiplication prochaine d’autres symptômes
de
la même névrose. Tout porte à croire que nous allons entrer dans une
998
orte à croire que nous allons entrer dans une ère
de
religions aberrantes. Ou, comme le dit une grande légende indienne, d
999
me le dit une grande légende indienne, dans l’ère
de
l’Accroissement des Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies
1000
s sains des réalistes et des experts seront vidés
d’
un coup par ces lames de fond. Certains intellectuels incrimineront al
1001
des experts seront vidés d’un coup par ces lames
de
fond. Certains intellectuels incrimineront alors l’instinct religieux
1002
t nous lirons encore des jérémiades sur le déclin
de
l’esprit et l’abandon des grands principes. « C’est inconcevable ! »
1003
ciel. Mais c’est très simple. Un homme qui meurt
de
faim mange n’importe quoi pour tromper sa faim, faute de mieux. La ra
1004
e de mieux. La raison n’ose pas dire qu’il a tort
d’
avoir faim. Dira-t-elle qu’il a tort d’avoir soif de religion ? De tro
1005
’il a tort d’avoir faim. Dira-t-elle qu’il a tort
d’
avoir soif de religion ? De tromper cet instinct rendu furieux par des
1006
avoir faim. Dira-t-elle qu’il a tort d’avoir soif
de
religion ? De tromper cet instinct rendu furieux par des siècles de p
1007
ra-t-elle qu’il a tort d’avoir soif de religion ?
De
tromper cet instinct rendu furieux par des siècles de privation ? Ell
1008
romper cet instinct rendu furieux par des siècles
de
privation ? Elle dénoncera vainement des délires collectifs dont elle
1009
la première responsable, aussi vrai que le régime
de
la prohibition fut responsable des méfaits de l’alcool frelaté, en Am
1010
ime de la prohibition fut responsable des méfaits
de
l’alcool frelaté, en Amérique. ⁂ Je ne demande pas que des sorciers n
1011
faudrait conjurer. Mais je pense qu’il est temps
de
renoncer à la vieille politique de l’équilibre des grandes puissances
1012
u’il est temps de renoncer à la vieille politique
de
l’équilibre des grandes puissances nationales et des trusts : elle ne
1013
es trusts : elle ne peut plus saisir les éléments
de
notre conflit. Il est temps de nous orienter vers une politique d’équ
1014
aisir les éléments de notre conflit. Il est temps
de
nous orienter vers une politique d’équilibre des grandes puissances p
1015
Il est temps de nous orienter vers une politique
d’
équilibre des grandes puissances psychologiques, dans les masses, à l’
1016
s, races inférieures, besoins religieux qualifiés
de
superstitions. 10. L’expression psychological warfare est devenue co
1017
ogical warfare est devenue courante dans les pays
de
langue anglaise. 11. Type d’argument que l’on peut opposer à ce qui
1018
rante dans les pays de langue anglaise. 11. Type
d’
argument que l’on peut opposer à ce qui précède, afin de tuer dans l’œ
1019
précède, afin de tuer dans l’œuf toute tentative
d’
analyse féconde : « Avouez tout de même que nos régimes actuels, si im
1020
tes, en politique, il s’agira toujours, au mieux,
de
moindres maux. Mais la question est de savoir si le prétendu moindre
1021
au mieux, de moindres maux. Mais la question est
de
savoir si le prétendu moindre mal que l’on défend n’est pas simplemen
1022
mal que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits
de
la psychologie rationaliste ont été patents dans la morale sexuelle e
1023
riage au siècle dernier ; ou lorsqu’il s’agissait
d’
apprécier le rôle du sacré, l’âme collective, la création artistique,
1024
ve, la création artistique, l’importance relative
de
l’argent et du travail, les dogmes chrétiens, etc., etc. m. Rougemo
1025
dogmes chrétiens, etc., etc. m. Rougemont Denis
de
, « Quelle guerre cruelle », L’Arche, Alger, octobre–novembre 1944, p.
1026
né par les Italiens à l’une des figures du paquet
de
78 cartes tel qu’il existait au xiiie siècle. Ce nom fut attribué pa
1027
à l’un des moments les plus violemment poétiques
de
l’histoire de France. Ces cartes à fond doré, à bord d’argent, ne por
1028
ments les plus violemment poétiques de l’histoire
de
France. Ces cartes à fond doré, à bord d’argent, ne portent ni inscri
1029
istoire de France. Ces cartes à fond doré, à bord
d’
argent, ne portent ni inscriptions ni nombres, et s’inspirent de modèl
1030
ortent ni inscriptions ni nombres, et s’inspirent
de
modèles vénitiens. Dix-sept d’entre elles sont conservées à la Biblio
1031
lles sont conservées à la Bibliothèque Nationale.
D’
un autre jeu, faussement attribué à Mantegna, et daté de 1400, subsist
1032
utre jeu, faussement attribué à Mantegna, et daté
de
1400, subsistent aujourd’hui quatre exemplaires de 50 cartes chacun.
1033
e 1400, subsistent aujourd’hui quatre exemplaires
de
50 cartes chacun. Ce jeu se compose de cinq séries de 10 cartes, nomm
1034
xemplaires de 50 cartes chacun. Ce jeu se compose
de
cinq séries de 10 cartes, nommées les Conditions de la vie, les Muses
1035
0 cartes chacun. Ce jeu se compose de cinq séries
de
10 cartes, nommées les Conditions de la vie, les Muses, les Arts libé
1036
cinq séries de 10 cartes, nommées les Conditions
de
la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste.
1037
ste. Michel-Ange est supposé avoir inventé un jeu
de
tarot pour enseigner l’arithmétique. Et Gargantua jouait au « Tarau »
1038
rau » selon Rabelais. Au xve siècle, l’invention
de
l’imprimerie multiplia les cartes en circulation, mais jusqu’au xviii
1039
chez les princes et chez les gipsys, tout en haut
de
l’échelle sociale et tout en bas, passe-temps noble et magique ou rit
1040
ut en bas, passe-temps noble et magique ou rituel
de
science maudite, et prêtant aux abus les plus puérils ou les plus dém
1041
lieu du xviiie siècle, l’occultiste suisse Court
de
Gébelin émit l’hypothèse que le tarot dérivait du Livre de Toth, livr
1042
n émit l’hypothèse que le tarot dérivait du Livre
de
Toth, livre sacré de l’Égypte. Mais il crut aussi en retrouver les éq
1043
e le tarot dérivait du Livre de Toth, livre sacré
de
l’Égypte. Mais il crut aussi en retrouver les équivalents dans une in
1044
équivalents dans une inscription chinoise, datant
de
1120, et dans les tablettes hindoues représentant les avatars de Vish
1045
s les tablettes hindoues représentant les avatars
de
Vishnu. L’origine égyptienne du tarot est soutenue par Etteilla, dont
1046
utenue par Etteilla, dont nous allons parler, par
d’
Odoucet son premier disciple, et par Éliphas Levi. Elle a été contesté
1047
ascendance hindoue. Or nous possédons des cartes
de
tarot plus anciennes, comme on vient de le voir. Les origines du taro
1048
teur, en rendant justice au génie et à la science
de
Court de Gébelin, terrassa ce que ce grave antiquaire avait transcrit
1049
rendant justice au génie et à la science de Court
de
Gébelin, terrassa ce que ce grave antiquaire avait transcrit dans son
1050
un amateur qui, lui-même, n’avait pu copier l’art
de
tirer les cartes, dont il est question, que d’après sa cuisinière. I
1051
sa cuisinière. Il était perruquier et se nommait
de
son vrai nom, Alliette. Il redécouvrit le tarot pendant la seconde mo
1052
rprétations sont hasardeuses, mais il a le mérite
d’
en avoir proposées. Ses disciples, dont le plus grand fut Éliphas Lévi
1053
’abbé Alphonse Louis Constant), ne se privent pas
de
dénoncer ses erreurs, mais se montrent enclins aux mêmes complaisance
1054
isances interprétatives que le maître. La lecture
de
leurs textes est généralement exaspérante, à cause de leur propension
1055
ne 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame n’a pas
de
nombre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin d
1056
e zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin
de
l’alphabet hébreu… Le véritable 21 est aussi 22, ainsi que nous le ve
1057
fin notre zéro, et voici son intéressante analyse
de
ce nombre. (Elie Alta, Le Tarot égyptien, ou Etteilla restitué, Vichy
1058
ssent avoir été aussi nombreuses que les familles
d’
esprits, les hérésies chrétiennes, ou les écoles marxistes. Non moins
1059
rot représente le Monde : on peut le voir de plus
d’
une façon. A) Pays. Citons Elie Alta : Etteilla a composé un jeu dans
1060
ts, mais malgré ces changements on peut se servir
de
son jeu. Il est préférable d’employer les suivants, mais en numérotan
1061
s on peut se servir de son jeu. Il est préférable
d’
employer les suivants, mais en numérotant les arcanes mineurs : 1. Le
1062
s en numérotant les arcanes mineurs : 1. Le tarot
de
Marseille où les arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot suisse de
1063
arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot suisse
de
Schaffhouse ; 3. Le tarot italien où seulement deux arcanes sont diff
1064
chose, car Jupiter étant symboliquement principe
de
vie, fait fonction de Dieu dans l’Humanité ; (b) La papesse, remplacé
1065
ant symboliquement principe de vie, fait fonction
de
Dieu dans l’Humanité ; (b) La papesse, remplacée par Junon qui est l’
1066
emplacée par Junon qui est l’espace ou sanctuaire
de
la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui es
1067
la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot
de
Francfort, qui est entièrement défiguré, mais qui peut également serv
1068
s. En France nous trouvons difficilement le tarot
de
Marseille. La Maison Grimaud l’a remplacé par le tarot italien ; celu
1069
Grimaud l’a remplacé par le tarot italien ; celui
de
Schaffhouse ne se trouve qu’en Suisse, de même celui de Francfort en
1070
affhouse ne se trouve qu’en Suisse, de même celui
de
Francfort en Allemagne ; ils n’ont pas droit d’entrée en France. Quan
1071
i de Francfort en Allemagne ; ils n’ont pas droit
d’
entrée en France. Quant à celui d’Etteilla, on le trouve partout. (E.
1072
n’ont pas droit d’entrée en France. Quant à celui
d’
Etteilla, on le trouve partout. (E. Alta, op. cit., p. 27). B) Dessin
1073
l’on peut dire, car leur vente est interdite dans
de
nombreux pays), s’inspirent de modèles du xviiie siècle avec plus ou
1074
est interdite dans de nombreux pays), s’inspirent
de
modèles du xviiie siècle avec plus ou moins de fidélité. Défaut cour
1075
t de modèles du xviiie siècle avec plus ou moins
de
fidélité. Défaut courant : une simplification intempérante des symbol
1076
s à la suite de cet article, les unes selon Court
de
Gébelin, les autres selon des modèles plus anciens, restitués par l’é
1077
ciens, restitués par l’érudition. Et depuis Court
de
Gébelin, la décadence s’est accentuée. On trouve même aujourd’hui des
1078
accentuée. On trouve même aujourd’hui des cartes
de
tarot à figures redoublées (tête en haut et tête en bas) à l’instar d
1079
s (tête en haut et tête en bas) à l’instar du jeu
de
cartes moderne. C’est un abus inqualifiable, si l’on sait que l’inter
1080
inqualifiable, si l’on sait que l’interprétation
de
chaque lame ou arcane majeur peut être profondément différente selon
1081
e ou renversée. Il en résulte aussi que le manque
de
place, dans le cas d’une figure doublée, oblige le dessinateur à expu
1082
résulte aussi que le manque de place, dans le cas
d’
une figure doublée, oblige le dessinateur à expulser de la carte les s
1083
figure doublée, oblige le dessinateur à expulser
de
la carte les symboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau de l’imm
1084
s symboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau
de
l’immortalité dans l’arcane 17, petit exemple, ou les lettres T-A-R-O
1085
dans l’arcane 10, c’est-à-dire simplement le sens
de
la lame — Taro ou Rota — et le nom de Dieu — Jahvé). On voudrait cons
1086
ent le sens de la lame — Taro ou Rota — et le nom
de
Dieu — Jahvé). On voudrait conseiller au lecteur de détruire radicale
1087
Dieu — Jahvé). On voudrait conseiller au lecteur
de
détruire radicalement tout jeu de ce genre sur lequel il pourrait met
1088
ller au lecteur de détruire radicalement tout jeu
de
ce genre sur lequel il pourrait mettre la main, si l’on ne craignait
1089
il pourrait mettre la main, si l’on ne craignait
de
donner à ces contrefaçons la valeur tout accidentelle qui s’attache a
1090
des lames reproduites ci-après quelques exemples
d’
interprétations fort diverses : il serait aisé (et désirable) de les m
1091
ons fort diverses : il serait aisé (et désirable)
de
les multiplier à propos de ces mêmes cartes. Peut-être alors une cert
1092
une planète 2. un signe du zodiaque 3. une lettre
de
l’alphabet hébreu (sens exotérique et sens ésotérique) 4. un nombre (
1093
ent (selon l’alchimie) 6. une couleur 7. une note
de
musique 8. un nom à quoi l’occultiste Lenain a cru pouvoir ajouter :
1094
. un degré 12. un génie 13. un verset des psaumes
de
David et les psychanalystes modernes : 14. une des quatre facultés (p
1095
tion, sentiment, sensation) 15. un des archétypes
de
l’inconscient collectif. De plus, ces significations sont organisées
1096
é à chaque carte des 22 atouts majeurs une lettre
de
l’alphabet hébreu… Ces lettres ont apporté avec elles les signatures
1097
dernes Les interprètes contemporains diffèrent
d’
une manière décourageante quant au parallélisme à établir entre les qu
1098
couleurs des tarots et les quatre couleurs du jeu
de
cartes moderne. Bornons-nous à livrer à l’étude du lecteur les hypoth
1099
arot) : les Bâtons du Tarot = les Carreaux du jeu
de
cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers =
1100
èfles les Deniers = les Piques Selon les tarots
de
Francfort : Bâtons = Carreaux Coupes = Cœurs Épées = Piques Deniers =
1101
rs = Pique = Sensation = Terre Enfin, selon R. M.
de
Marinis (dans un ouvrage à paraître en 1945) : Bâtons = Trèfle = Sexu
1102
Âge, et quelques-unes des situations élémentaires
de
l’existence, signifiées par allégories. Il n’en est rien. Tout est sy
1103
le dessin est exact. Et ces symboles, à l’examen
d’
une attention qui consent à se laisser docilement absorber, ne tardent
1104
s, tantôt dramatiques, comme le sont les symboles
de
nos « grands rêves ». De fait, chacun des arcanes majeurs est une app
1105
mme le sont les symboles de nos « grands rêves ».
De
fait, chacun des arcanes majeurs est une apparition, un grand rêve fi
1106
ixé, et peut être analysé à ce titre. Les figures
de
la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaiss
1107
re analysé à ce titre. Les figures de la papesse,
de
l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de vé
1108
titre. Les figures de la papesse, de l’empereur,
de
la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archét
1109
ures de la papesse, de l’empereur, de la Justice,
de
l’Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archétypes de l’incon
1110
la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme
de
véritables Archétypes de l’inconscient, dans leur immobilité insondab
1111
nous apparaissent comme de véritables Archétypes
de
l’inconscient, dans leur immobilité insondable et infiniment allusive
1112
ble et infiniment allusive. Cependant que la Roue
de
Fortune, le, Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée sont de g
1113
gement dernier, la Lune ou la Tour décapitée sont
de
grands événements psychiques et cosmiques, tantôt clichés dans leur m
1114
ues et cosmiques, tantôt clichés dans leur moment
d’
extrême tension, tantôt largement résumés de leur naissance à leurs po
1115
oment d’extrême tension, tantôt largement résumés
de
leur naissance à leurs possibles conclusions. Nous pouvons donc consi
1116
anes majeurs du tarot comme un véritable Alphabet
de
la grande poésie universelle. Leur attribuer un auteur, une date fixe
1117
t méconnaître leur nature. Les arcanes sont issus
de
la nuit des Mères, et de l’Underground éternel. Peut-être même faudra
1118
. Les arcanes sont issus de la nuit des Mères, et
de
l’Underground éternel. Peut-être même faudrait-il voir dans les lames
1119
voir dans les lames les plus anciennes les signes
d’
un langage secret, communiquant sous la forme anodine d’un jeu, les do
1120
angage secret, communiquant sous la forme anodine
d’
un jeu, les doctrines manichéennes de la secte des cathares ou albigeo
1121
orme anodine d’un jeu, les doctrines manichéennes
de
la secte des cathares ou albigeois, persécutée par l’inquisition. (La
1122
a en 1209.) Les troubadours cathares, initiateurs
de
toute la poésie occidentale, auraient pris le maquis dans plusieurs p
1123
is dans plusieurs pays, mais n’auraient pas cessé
de
répandre leur croyance et leur sagesse par l’entremise des tireurs de
1124
yance et leur sagesse par l’entremise des tireurs
de
cartes. Cette hypothèse a été formulée par le grand indianiste Heinri
1125
quelques pages remarquables sur « Le Fou ». 6.
De
l’usage des tarots Nous avons pris l’habitude de considérer les ta
1126
l’usage des tarots Nous avons pris l’habitude
de
considérer les tarots avant tout comme un moyen de divination de l’av
1127
e considérer les tarots avant tout comme un moyen
de
divination de l’avenir. Si l’on en croit les plus récents travaux, ce
1128
es tarots avant tout comme un moyen de divination
de
l’avenir. Si l’on en croit les plus récents travaux, ceux en particul
1129
ravaux, ceux en particulier du professeur Tassin,
de
Columbia, et de Paul Foster Case, le tarot aurait été, originellement
1130
particulier du professeur Tassin, de Columbia, et
de
Paul Foster Case, le tarot aurait été, originellement, une méthode de
1131
le tarot aurait été, originellement, une méthode
de
psychothérapie comparable à notre psychanalyse. Ses lames seraient en
1132
psychanalyse. Ses lames seraient en vérité autant
de
thèmes de méditations prolongées — la cure ou yoga durait plusieurs a
1133
se. Ses lames seraient en vérité autant de thèmes
de
méditations prolongées — la cure ou yoga durait plusieurs années — et
1134
ait plusieurs années — et marqueraient les étapes
d’
une « voie hermétique » aboutissant à la réalisation intime du Grand Œ
1135
time du Grand Œuvre des alchimistes. Il s’agirait
de
passer, à travers ce yoga, de l’illusion à la réalité, et des choses
1136
istes. Il s’agirait de passer, à travers ce yoga,
de
l’illusion à la réalité, et des choses telles qu’elles nous apparaiss
1137
elles sont. Les 22 arcanes décriraient l’histoire
de
l’homme qui part dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à
1138
un Fol (arcane zéro) et aboutit à la connaissance
de
soi et du Monde (arcane 21) en passant par tous les stades du dévelop
1139
ades du développement collectif, puis individuel,
de
la psyché humaine. Chacune des cartes était utilisée par l’étudiant
1140
utilisée par l’étudiant en occultisme comme sujet
de
méditations et de contemplation, au cours d’exercices poursuivis aux
1141
diant en occultisme comme sujet de méditations et
de
contemplation, au cours d’exercices poursuivis aux fins d’arriver à l
1142
ujet de méditations et de contemplation, au cours
d’
exercices poursuivis aux fins d’arriver à l’illumination. L’avantage p
1143
plation, au cours d’exercices poursuivis aux fins
d’
arriver à l’illumination. L’avantage particulier de cette technique, c
1144
’arriver à l’illumination. L’avantage particulier
de
cette technique, comparée à d’autres, résidait dans le fait qu’elle c
1145
it dans le fait qu’elle combinait plusieurs modes
d’
entraînement dans une seule activité. Ainsi, tandis que l’étudiant app
1146
orrélations entre les idées abstraites. Le schème
d’
études était en général le suivant : l’étudiant commençait par la cont
1147
vant : l’étudiant commençait par la contemplation
d’
une carte isolée, puis il la reliait graduellement à d’autres cartes,
1148
maîtres. Terminons sur une anecdote. Le lendemain
de
la libération de Paris, le peintre Emlen Etting, attaché aux forces a
1149
s sur une anecdote. Le lendemain de la libération
de
Paris, le peintre Emlen Etting, attaché aux forces américaines, et so
1150
s Allemands. Au milieu du désordre indescriptible
de
la salle du Sénat, meubles brisés, papiers épars, une table au tapis
1151
jetées comme par la main du destin » une séquence
de
lames de tarot. Dernier message des occupants. Message suspect, ajout
1152
mme par la main du destin » une séquence de lames
de
tarot. Dernier message des occupants. Message suspect, ajouterons-nou
1153
Message suspect, ajouterons-nous : il s’agissait
de
cartes allemandes portant au lieu des coupes, bâtons, deniers, épées
1154
lands. Le Fou, arcane 0 a) Interprétation
d’
Elie Alta d’après Etteilla : Le grelot de la Folie s’adapte indist
1155
tion d’Elie Alta d’après Etteilla : Le grelot
de
la Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de notre chaîne.
1156
Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux
de
notre chaîne. La surface entière du globe (le 0) n’est que le théâtre
1157
face entière du globe (le 0) n’est que le théâtre
de
nos extravagances. Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage l’emblème d’
1158
. Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage l’emblème
d’
un voyageur, qui symbolise l’homme. Cette vie n’est qu’un court trajet
1159
distraction, nullité, vain. b) Interprétation
de
E. Whitney, d’après diverses traditions : Vue sous un certain ang
1160
arcane à la fin du jeu) cette carte est une image
de
l’inconscience, des occasions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou,
1161
image de l’inconscience, des occasions manquées,
de
la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans ré
1162
l’inconscience, des occasions manquées, de la vie
d’
illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résistance,
1163
e, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme
de
ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. Waite, le
1164
ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l’angle
de
A. E. Waite, le Fou est un homme richement habillé, portant une rose
1165
pour contempler l’espace au-dessous et au-dessus
de
lui. L’abîme ne lui inspire pas de terreur. Son visage est plein d’in
1166
s et au-dessus de lui. L’abîme ne lui inspire pas
de
terreur. Son visage est plein d’intelligence, de rêve et d’attente. C
1167
lui inspire pas de terreur. Son visage est plein
d’
intelligence, de rêve et d’attente. C’est un prince de l’autre monde e
1168
de terreur. Son visage est plein d’intelligence,
de
rêve et d’attente. C’est un prince de l’autre monde en voyage ici-bas
1169
. Son visage est plein d’intelligence, de rêve et
d’
attente. C’est un prince de l’autre monde en voyage ici-bas. Sous cet
1170
telligence, de rêve et d’attente. C’est un prince
de
l’autre monde en voyage ici-bas. Sous cet aspect, il est la conscienc
1171
aspect, il est la conscience individuelle libérée
de
l’illusion, et poursuivant sa route sans craindre les dangers que cou
1172
nde, symbolisé par le cercle, il est l’expression
de
la volonté d’individuation dans l’homme. Du point de vue de l’égo, ce
1173
par le cercle, il est l’expression de la volonté
d’
individuation dans l’homme. Du point de vue de l’égo, cette quête n’es
1174
nté d’individuation dans l’homme. Du point de vue
de
l’égo, cette quête n’est que folie et non-sens. c) Interprétation
1175
folie et non-sens. c) Interprétation moderne
de
B. McM. Hazard (résumé) La clef 0 doit exprimer un état de prépar
1176
zard (résumé) La clef 0 doit exprimer un état
de
préparation, avant la conscience et l’individuation. Les symboles de
1177
nt la conscience et l’individuation. Les symboles
de
la carte le confirment : le grand soleil blanc, en haut à droite, con
1178
ifférenciées ; la couleur jaune du fond est celle
de
l’intellect, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint
1179
a couleur jaune du fond est celle de l’intellect,
de
l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternell
1180
jaune du fond est celle de l’intellect, de l’air,
de
la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternelle Jeunesse
1181
Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer dans l’abîme
de
la manifestation terrestre. Il porte les deux symboles féminin et mas
1182
du grand tétragramme hébreu, le nom imprononçable
de
Dieu, J H V H. Par-dessus cette robe, il porte la cape noire de l’ign
1183
H. Par-dessus cette robe, il porte la cape noire
de
l’ignorance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée de trèfles ver
1184
be, il porte la cape noire de l’ignorance, bordée
de
rouge — c’est le désir —, ornée de trèfles verts — la nature créatric
1185
orance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée
de
trèfles verts — la nature créatrice — et de disques jaunes sur lesque
1186
ornée de trèfles verts — la nature créatrice — et
de
disques jaunes sur lesquels sont brodées des roues rouges à 8 rayons,
1187
ines, vallées et montagnes indiquées dans le fond
de
cette carte, jusqu’à ce qu’il revienne au grand soleil ou « Père » do
1188
t, ou animal, ou même abstraction, dans une suite
de
symboles qui expriment d’abord les archétypes de l’homme collectif, p
1189
de symboles qui expriment d’abord les archétypes
de
l’homme collectif, puis les symboles plus subjectifs de l’homme indiv
1190
omme collectif, puis les symboles plus subjectifs
de
l’homme individualisé. d) Interprétation de Heinrich Zimmer (extr
1191
s de l’homme individualisé. d) Interprétation
de
Heinrich Zimmer (extraite d’un ouvrage posthume, non encore publié)
1192
d) Interprétation de Heinrich Zimmer (extraite
d’
un ouvrage posthume, non encore publié) Dernière carte de la série
1193
ge posthume, non encore publié) Dernière carte
de
la série de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qu
1194
non encore publié) Dernière carte de la série
de
78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à
1195
arte de la série de 78, la seule qui ne porte pas
de
symboles ou de nombre qui la relie à une des couleurs… Cette figure s
1196
e de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou
de
nombre qui la relie à une des couleurs… Cette figure solitaire montre
1197
tre un vagabond errant sans but, avec la démarche
d’
un fou… et un regard qui perce toutes choses sans s’arrêter à aucune.
1198
exprime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse
de
l’Est) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à un fou, à un men
1199
sage (selon la sagesse de l’Est) parvenu au terme
de
l’initiation. Semblable à un fou, à un mendiant, à un hors-caste : ca
1200
aux yeux des autres. Il s’est libéré des systèmes
de
castes, des hiérarchies sociales. Il n’a plus besoin de la puissance
1201
tes, des hiérarchies sociales. Il n’a plus besoin
de
la puissance terrestre (les épées) ; des sacrements, rites et prêtres
1202
s) ; du sol et du foyer (les bâtons). Il n’a plus
d’
attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’un fol erran
1203
du foyer (les bâtons). Il n’a plus d’attaches, ni
de
nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’un fol errant. Comment a-t-
1204
on poids. Sa réalité visible et tangible continue
d’
exister, mais elle a perdu son pouvoir magique. Voici l’expérience du
1205
périence du Fou : le monde extérieur n’a pas plus
de
signification réelle que l’ego, dont il s’est débarrassé depuis longt
1206
reposer sa tête. Cependant, il ne se sent frustré
de
rien de tout cela. Il est en union avec l’Univers, sa vraie maison. L
1207
sa tête. Cependant, il ne se sent frustré de rien
de
tout cela. Il est en union avec l’Univers, sa vraie maison. L’univers
1208
divin, dans son essence transcendantale, au-delà
de
tout changement ou forme, se trouve être aussi son essence propre. Ca
1209
est la coincidentia oppositorum. La forme suprême
de
cette union est Dieu, déployant constamment son essence dans les aspe
1210
éployant constamment son essence dans les aspects
de
l’univers et de ses créatures, et cependant restant le « Dieu caché »
1211
ment son essence dans les aspects de l’univers et
de
ses créatures, et cependant restant le « Dieu caché », deus abscondit
1212
fol errant voit en toutes choses la manifestation
de
Dieu, c’est-à-dire de lui-même, et en même temps il voit à travers to
1213
tes choses la manifestation de Dieu, c’est-à-dire
de
lui-même, et en même temps il voit à travers toutes les choses : elle
1214
nivers, et toutes ses richesses, qui ne sont rien
d’
autre que le déploiement de sa propre nature. Vous pourrez donc le tra
1215
sses, qui ne sont rien d’autre que le déploiement
de
sa propre nature. Vous pourrez donc le traiter de fou. Il l’est en ef
1216
de sa propre nature. Vous pourrez donc le traiter
de
fou. Il l’est en effet, mais il n’est pas un lunatique quelconque, un
1217
as un lunatique quelconque, un idiot ou un simple
d’
esprit. C’est ce qu’il paraît. Si quelque étranger aux habits sales et
1218
t-Esprit ! » — la plupart d’entre vous, sans plus
d’
enquête, le conduiraient tranquillement à l’asile. C’est pourquoi le p
1219
rrer ses lèvres et à révéler le scandaleux secret
de
sa perfection. Dans la sagesse du Saint-Esprit incarné, il passe, étr
1220
toutes choses, il ne lui reste plus qu’à feindre
de
n’être rien. Et de même, il convient que la séquence des arcanes, grâ
1221
plissement, apparaisse simplement comme une série
de
cartes à jouer plutôt bizarres et démodées… Le Parfait sous l’aspect
1222
ôt bizarres et démodées… Le Parfait sous l’aspect
d’
un fol errant, a dépassé la possibilité d’être aucune des réalités par
1223
’aspect d’un fol errant, a dépassé la possibilité
d’
être aucune des réalités particulières exprimées par les quatre couleu
1224
pourquoi, prenons garde, s’il nous advient jamais
de
rencontrer quelqu’un qui ne soit rien, ni homme d’affaires, ni profes
1225
en, ni homme d’affaires, ni professeur, ni garçon
d’
ascenseur, — quelqu’un qui ne professe aucune profession, un spirituel
1226
il y condescendait, il pourrait bien être capable
de
nous révéler le dernier mot sur les symboles du tarot ! La Roue d
1227
rnier mot sur les symboles du tarot ! La Roue
de
Fortune, arcane 10 a) Interprétation d’Elie Alta, d’après Etteil
1228
Roue de Fortune, arcane 10 a) Interprétation
d’
Elie Alta, d’après Etteilla : La lettre Iod se rapporte à la plupa
1229
la plupart des idées du nombre 10. Elle a le sens
de
main, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation
1230
manifestation qui va se produire, la potentialité
d’
un événement. Idée d’eau, de liquide. Astrologie. La Vierge, maison d
1231
se produire, la potentialité d’un événement. Idée
d’
eau, de liquide. Astrologie. La Vierge, maison de Mercure. On y consi
1232
uire, la potentialité d’un événement. Idée d’eau,
de
liquide. Astrologie. La Vierge, maison de Mercure. On y considère la
1233
d’eau, de liquide. Astrologie. La Vierge, maison
de
Mercure. On y considère la santé, si l’absent se porte bien… On deman
1234
le représente une roue sur son axe, elle entraîne
d’
un côté un singe, un lapin ou un diable, et de l’autre côté un homme.
1235
îne d’un côté un singe, un lapin ou un diable, et
de
l’autre côté un homme. Elle nous indique simplement le mouvement de l
1236
homme. Elle nous indique simplement le mouvement
de
la vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au somm
1237
ègnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet
de
la roue, figure la loi universelle des transmutations matérielles ou
1238
ce, végétation, production. b) Interprétation
de
B. McM. Hasard (résumé) : La clef 10 termine le cycle collectif et
1239
ctif et inaugure le cycle individuel. Aux 4 coins
de
la carte, les figures symboliques — un homme, ou ange, un lion, un ta
1240
ion, Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 parties
de
l’homme : Corps (Terre), Émotions (Eau), Intelligence (Air), Esprit (
1241
tragramme. Ces 4 symboles cosmiques sont entourés
de
nuages de tempête suggérant les luttes nécessaires pour arriver à les
1242
Ces 4 symboles cosmiques sont entourés de nuages
de
tempête suggérant les luttes nécessaires pour arriver à les harmonise
1243
entre les éléments seront équilibrées. Au centre
de
la carte, un large cercle orangé indique que le Grand Œuvre est une a
1244
la manifestation parfaite, résultant du mouvement
de
2 roues de 4 rayons tournant en sens inverse l’une de l’autre : équil
1245
ation parfaite, résultant du mouvement de 2 roues
de
4 rayons tournant en sens inverse l’une de l’autre : équilibre entre
1246
roues de 4 rayons tournant en sens inverse l’une
de
l’autre : équilibre entre les aspects positifs et négatifs des 4 inst
1247
Dissolution (Émotions). L’autre roue ne porte pas
de
signes, mais il se peut qu’elle en ait porté autrefois. À l’extrémité
1248
eut qu’elle en ait porté autrefois. À l’extrémité
de
chacun des rayons de la première roue est placée une des lettres du m
1249
rté autrefois. À l’extrémité de chacun des rayons
de
la première roue est placée une des lettres du mot T A R O, qui doit
1250
R O, qui doit se lire dans le sens des aiguilles
d’
une montre. À l’extrémité de chacun des rayons de la seconde roue, son
1251
le sens des aiguilles d’une montre. À l’extrémité
de
chacun des rayons de la seconde roue, sont les lettres Yod, Heh, Vav,
1252
d’une montre. À l’extrémité de chacun des rayons
de
la seconde roue, sont les lettres Yod, Heh, Vav, Heh, qui doivent êtr
1253
i doivent être lues en sens inverse des aiguilles
d’
une montre, étant hébraïques. La division quaternaire du cosmos se ret
1254
aire du cosmos se retrouve ici au plus bas niveau
de
la conscience, encore solaire et collective (symboles abstraits). Aut
1255
pent, le Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau
de
la conscience collective humaine. Le Serpent est jaune (activité de l
1256
ollective humaine. Le Serpent est jaune (activité
de
l’intellect) dirigé vers le bas (involution dans la matière) et ondul
1257
n dans la matière) et ondulant (action vibratoire
de
l’intellect créateur). L’Anubis, ou Hermanubis, mi-loup mi-homme, col
1258
i-loup mi-homme, coloré en rouge (désir), s’élève
de
la matière et évolue vers le Père : c’est l’homme qui s’éveille des p
1259
commence à monter vers l’appel du Sphinx, symbole
de
l’homme parfait ou conscient et individualisé. Le Sphinx est bleu (sp
1260
s : équilibre des contradictions. Il tient l’épée
de
la discrimination. Son corps est mi-féminin, mi-léonin, hermaphrodite
1261
jeu des tarots, Paris, 1781. Etteilla : Manière
de
se récréer avec le jeu de cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985
1262
81. Etteilla : Manière de se récréer avec le jeu
de
cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de Thot. M.
1263
nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre
de
Thot. M. M. D’Odoucet : Science des signes, ou médecine de l’esprit,
1264
Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de Thot. M. M.
D’
Odoucet : Science des signes, ou médecine de l’esprit, connue sous le
1265
M. M. D’Odoucet : Science des signes, ou médecine
de
l’esprit, connue sous le nom d’art de tirer les cartes, Paris, 1793.
1266
gnes, ou médecine de l’esprit, connue sous le nom
d’
art de tirer les cartes, Paris, 1793. William A. Chatto : Facts and Sp
1267
ou médecine de l’esprit, connue sous le nom d’art
de
tirer les cartes, Paris, 1793. William A. Chatto : Facts and Speculat
1268
rds, London, 1848. Éliphas Lévi : Dogme et rituel
de
la haute magie, 1860 — Clefs majeures et clavicules de Salomon, 1895.
1269
haute magie, 1860 — Clefs majeures et clavicules
de
Salomon, 1895. — Le Grand Arcane, 1898. — Transcendental Magic, New Y
1270
b of New York City, 1942.) n. Rougemont Denis
de
, « Présentation du tarot », Hémisphères, New York, 1945, p. 31-43.
1271
omanesque (1944-1945)i La rhétorique est l’art
de
persuader. L’ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’art de par
1272
ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’art
de
parler pour ne rien dire. Rhétorique est devenue synonyme d’éloquence
1273
our ne rien dire. Rhétorique est devenue synonyme
d’
éloquence creuse et de clichés. J’en parlerai dans un tout autre sens.
1274
orique est devenue synonyme d’éloquence creuse et
de
clichés. J’en parlerai dans un tout autre sens. Je voudrais désigner
1275
ble des règles du jeu dans l’art. Feraient partie
de
la rhétorique des éléments aussi divers que les lois de composition d
1276
rhétorique des éléments aussi divers que les lois
de
composition d’un tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois de
1277
éléments aussi divers que les lois de composition
d’
un tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois de l’harmonie et
1278
tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois
de
l’harmonie et du contrepoint ; les genres musicaux et littéraires ; l
1279
genres musicaux et littéraires ; les conventions
de
l’opéra et de la danse ; les personnages constants du théâtre ; les o
1280
ux et littéraires ; les conventions de l’opéra et
de
la danse ; les personnages constants du théâtre ; les ouvertures, lev
1281
ges constants du théâtre ; les ouvertures, levers
de
rideau, préfaces, finales, épilogues et points d’orgue ; la règle des
1282
de rideau, préfaces, finales, épilogues et points
d’
orgue ; la règle des trois unités ; les transitions, récitatifs, coups
1283
trois unités ; les transitions, récitatifs, coups
de
théâtre et contrastes ménagés ; le nombre fixe des syllabes dans un v
1284
rt, aux grandes époques. Artiste était celui qui,
de
ces règles, savait tirer sa liberté. L’inspiration passait par ces ca
1285
étant connues, amateurs et critiques disposaient
d’
une mesure commune avec le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfact
1286
le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfacture
d’
une œuvre, et faire la part de l’invention par déduction de la coutume
1287
imer la bienfacture d’une œuvre, et faire la part
de
l’invention par déduction de la coutume. Presque tous ces critères ef
1288
re, et faire la part de l’invention par déduction
de
la coutume. Presque tous ces critères effacés ou perdus, notre époque
1289
ffacés ou perdus, notre époque ne sait plus juger
d’
une œuvre. Elle tient la rhétorique et ses figures pour arbitraires, a
1290
elles devenues.) Mais dès l’instant où les règles
d’
un jeu cessent d’être respectées comme absolues, qui pourrait désigner
1291
Mais dès l’instant où les règles d’un jeu cessent
d’
être respectées comme absolues, qui pourrait désigner le gagnant ? Tri
1292
concentrer votre esprit pendant plusieurs minutes
de
recherches intenses ; les témoins avertis sauront immédiatement si vo
1293
res. Elles traduisent des relations constitutives
de
notre corps, de la psyché et du Cosmos. La régularité et l’alternance
1294
isent des relations constitutives de notre corps,
de
la psyché et du Cosmos. La régularité et l’alternance de la respirati
1295
syché et du Cosmos. La régularité et l’alternance
de
la respiration, des nuits et des saisons, sont nécessaires à notre vi
1296
s contrastes composés sont vitaux pour nos œuvres
d’
art. Au surplus, les figures de la rhétorique considérées dans toute l
1297
ux pour nos œuvres d’art. Au surplus, les figures
de
la rhétorique considérées dans toute la variété des arts, ne sont pas
1298
l’affleurement ou que la fixation des archétypes
de
l’inconscient, tels qu’un Jung put les retrouver dans les symboles de
1299
cours des âges et sur les points les plus divers
de
la planète. Les romantiques allemands l’ont soupçonné : Jean-Paul inv
1300
he le vrai point, lorsque, risquant un assemblage
de
mots qui devait paraître, de son temps, le plus scandaleusement parad
1301
squant un assemblage de mots qui devait paraître,
de
son temps, le plus scandaleusement paradoxal, il n’hésite pas à nous
1302
oxal, il n’hésite pas à nous parler des artifices
d’
une « rhétorique profonde ». Au milieu du xviiie siècle, trois phéno
1303
curieux sollicitent l’attention : l’enseignement
de
la rhétorique entre en décadence, cependant que le journalisme fait s
1304
e s’introduit dans les romans. Conjonction lourde
de
présages. Quelques années plus tard éclate la Terreur, balayant les s
1305
perdu le sens, pour instaurer le culte dépouillé
de
la Raison. La terreur dans les arts vint au siècle suivant. Elle auss
1306
rimes, unités, précautions oratoires et procédés
de
composition. Mais elle alla plus loin. Elle déclara que la rhétorique
1307
lle ne vit que recettes et artifices, et commanda
de
les éliminer. De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’ins
1308
cettes et artifices, et commanda de les éliminer.
De
ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’inspiration pure, co
1309
Abandonné à l’inspiration pure, comme la colombe
de
Kant qui s’imagine qu’elle volerait mieux dans le vide, l’artiste cru
1310
re. Le sociologue et le photographe l’observaient
d’
un œil ironique. La naissance, le triomphe et le déclin du roman comm
1311
t à merveille ces brèves indications sur l’office
de
la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origine du rom
1312
ations sur l’office de la rhétorique et le danger
de
l’écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte. La socié
1313
récits mémorables destinés à fixer des événements
de
l’âme ou du Cosmos dans un jeu de personnages et d’aventures très sim
1314
des événements de l’âme ou du Cosmos dans un jeu
de
personnages et d’aventures très simples. Le mythe se développe en lég
1315
l’âme ou du Cosmos dans un jeu de personnages et
d’
aventures très simples. Le mythe se développe en légende, et la légend
1316
. L’épopée perpétue ensuite le souvenir des héros
de
la tribu. Mais à mesure que les dieux prennent figure d’hommes, que l
1317
ribu. Mais à mesure que les dieux prennent figure
d’
hommes, que les statues se mettent à ressembler aux hommes, que l’homm
1318
nt de plus en plus son propre centre et son sujet
d’
étonnement favori, le mythe se rapproche de l’histoire. Il gagne en in
1319
sujet d’étonnement favori, le mythe se rapproche
de
l’histoire. Il gagne en intérêt tout ce qu’il perd en magie. Naît alo
1320
magie. Naît alors le récit en prose, illustration
de
vérités morales communes à l’élite d’une société donnée. Nous avons f
1321
llustration de vérités morales communes à l’élite
d’
une société donnée. Nous avons fait, en quelques lignes, tout le chemi
1322
tout le chemin qui sépare les premiers chapitres
de
la genèse d’un roman comme L’Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’un
1323
in qui sépare les premiers chapitres de la genèse
d’
un roman comme L’Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’un rêve éveillé
1324
irement du conte. Aussitôt, on le voit se gonfler
de
psychologie, de lyrisme, d’histoire, de politique, de documentation.
1325
. Aussitôt, on le voit se gonfler de psychologie,
de
lyrisme, d’histoire, de politique, de documentation. Commence alors l
1326
on le voit se gonfler de psychologie, de lyrisme,
d’
histoire, de politique, de documentation. Commence alors l’inflation r
1327
e gonfler de psychologie, de lyrisme, d’histoire,
de
politique, de documentation. Commence alors l’inflation romanesque, d
1328
sychologie, de lyrisme, d’histoire, de politique,
de
documentation. Commence alors l’inflation romanesque, dont le plus gr
1329
égende, et même l’épopée, étaient créations pures
de
l’imagination. Et l’on ne sait plus si le roman est une pseudo-scienc
1330
ou un faux art. Regardons de plus près ce passage
de
l’invention réelle au réalisme allégué. Le terroriste détruit ce qui
1331
é. Le terroriste détruit ce qui soutenait l’envol
de
l’imagination librement vraie : il détruit les figures convenues, les
1332
étruit les figures convenues, les rites constants
de
l’illusion, dont le conteur connaissait les pouvoirs. Il ne lui reste
1333
nir que des objets à exprimer, non pas des moyens
d’
expression. Mieux on l’imite et plus on s’écarte de l’art. Avec une in
1334
’expression. Mieux on l’imite et plus on s’écarte
de
l’art. Avec une incroyable étourderie, certains demandent alors un «
1335
dent alors un « art vivant ». Comme si les règles
d’
un jeu devaient être vivantes ! Plus personne ne pourrait jouer2. Le j
1336
jeu ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure
de
la fixité même de ses règles indiscutées. L’art consistait jadis à do
1337
t et passionnant qu’à la mesure de la fixité même
de
ses règles indiscutées. L’art consistait jadis à donner sens aux prop
1338
t consistait jadis à donner sens aux propositions
de
la vie. Ses règles émergeaient de la nature profonde, elles prolongea
1339
ux propositions de la vie. Ses règles émergeaient
de
la nature profonde, elles prolongeaient la nature naturante, au lieu
1340
t-on le sens profond des choses et des événements
de
la vie, en décalquant le désordre varié des objets ou des sentiments
1341
duire après Balzac. Le roman pousse deux branches
d’
importance inégale. La première est la monographie : Adolphe, Obermann
1342
e lecteur s’il se retrouve dans le héros. La part
de
l’art y est réduite à celle du style. L’autre branche sera celle du r
1343
se déchaîner la chasse impitoyable aux artifices
de
la fabulation. Maintenant, le romancier prétend décrire. Il s’excuse
1344
tenant, le romancier prétend décrire. Il s’excuse
d’
imaginer. Il ambitionne de conformer son art aux « lois de la vie », n
1345
nd décrire. Il s’excuse d’imaginer. Il ambitionne
de
conformer son art aux « lois de la vie », non plus aux procédés du co
1346
er. Il ambitionne de conformer son art aux « lois
de
la vie », non plus aux procédés du conte. « Le roman, dit M. Jaloux,
1347
loux, ne connaît d’autres lois que les lois mêmes
de
la vie. » Cette proposition des plus étranges est reçue sans le moind
1348
moderne et par le grand public. Elle rend compte
de
l’insignifiance, au sens littéral de ce terme, où devait choir fatale
1349
rend compte de l’insignifiance, au sens littéral
de
ce terme, où devait choir fatalement le roman dès qu’il refusa d’être
1350
devait choir fatalement le roman dès qu’il refusa
d’
être fable. Tout l’intérêt du conte, effectivement, tenait aux convent
1351
entiments jusqu’au sublime, proposaient des types
de
vie haute, et réveillaient des forces endormies. Le conte était le li
1352
nte était le libre déploiement des réalités mêmes
de
l’âme, qu’il décrivait en personnages selon certains procédés et figu
1353
rtains procédés et figures surgis des profondeurs
de
l’être, identiques à ceux du rêve, et crus comme tels avec reconnaiss
1354
us comme tels avec reconnaissance, au double sens
de
l’expression. Mais que se passe-t-il lorsque le romancier nous fait s
1355
i est, et non plus ce qu’il a inventé ? L’abandon
de
la rhétorique entraîne deux séries de conséquences qui se révèlent ég
1356
? L’abandon de la rhétorique entraîne deux séries
de
conséquences qui se révèlent également ruineuses. 1°) — Le romancier
1357
onteur. Il s’est privé volontairement du bénéfice
de
« l’art de persuader » traditionnel. Quand, par exemple, le conteur d
1358
s’est privé volontairement du bénéfice de « l’art
de
persuader » traditionnel. Quand, par exemple, le conteur débutait par
1359
aussitôt chez l’auditeur un état très particulier
de
réceptivité et de créance. On savait qu’un jeu commençait, amusant ou
1360
diteur un état très particulier de réceptivité et
de
créance. On savait qu’un jeu commençait, amusant ou profond, et signi
1361
oyait tout : c’était le jeu. Le jeu ne tolère pas
de
scepticisme. Observez un enfant quand il attend « l’histoire ». Dès q
1362
». Dès que la formule consacrée tombe des lèvres
de
la grande personne, l’enfant change de visage, l’état second paraît.
1363
des lèvres de la grande personne, l’enfant change
de
visage, l’état second paraît. C’est l’état passionné d’attente où naî
1364
age, l’état second paraît. C’est l’état passionné
d’
attente où naît l’illusion romanesque. Il a suffi des mots rituels pou
1365
sens critique, et voici le plaisir extrême : Peau
d’
âne va lui être conté. Mais si vous alliez dire au même enfant, avant
1366
ns des meilleurs écrivains avaient encore coutume
de
débuter par des phrases stéréotypées : « Par une belle matinée de nov
1367
es phrases stéréotypées : « Par une belle matinée
de
novembre, un voyageur vêtu d’un macfarlane gris chevauchait sur la ro
1368
r une belle matinée de novembre, un voyageur vêtu
d’
un macfarlane gris chevauchait sur la route qui va de N… à X… » (Fenim
1369
n macfarlane gris chevauchait sur la route qui va
de
N… à X… » (Fenimore Cooper, j’imagine). Ou bien c’était une lente des
1370
ntroduisant dans l’atmosphère du récit. (Le début
de
Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d’avertissement retenaient encore
1371
. (Le début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés
d’
avertissement retenaient encore une règle élémentaire : marquer le déb
1372
uer le début du jeu par un signal convenu, isoler
de
la vie courante la partie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionn
1373
rtie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionne
d’
imiter la vie, qui ne commence et ne finit jamais. Force lui est donc
1374
e commence et ne finit jamais. Force lui est donc
d’
entrer comme par hasard, au milieu d’une situation, d’une atmosphère,
1375
trer comme par hasard, au milieu d’une situation,
d’
une atmosphère, ou même d’une phrase, « N’importe où et n’importe comm
1376
milieu d’une situation, d’une atmosphère, ou même
d’
une phrase, « N’importe où et n’importe comment » — c’est à quoi vise
1377
uoi vise son effort. « Gontran sortit son briquet
de
nacre, alluma une cigarette blonde et consulta l’indicateur. » Il s’a
1378
ette blonde et consulta l’indicateur. » Il s’agit
de
me faire croire que c’est vrai. Il faut donc me fournir des preuves e
1379
bientôt discute. Et plus l’auteur paraît désireux
de
me convaincre — au lieu de s’abandonner à son rythme d’images — plus
1380
convaincre — au lieu de s’abandonner à son rythme
d’
images — plus j’exige un récit vraisemblable. À la limite, il serait i
1381
renoncerais à la mienne pour faire crédit à celle
de
l’écrivain que si, d’abord, il renonçait à démontrer, et m’entraînait
1382
e en soi. 2°) — Par la suppression des cérémonies
d’
introduction et de sortie3, le romancier moderne veut créer l’illusion
1383
r la suppression des cérémonies d’introduction et
de
sortie3, le romancier moderne veut créer l’illusion du réel quotidien
1384
ion du réel quotidien. Pourtant il ne dispose que
de
mots, quoi qu’il fasse. Ce dernier artifice paraît le gêner d’autant
1385
er artifice paraît le gêner d’autant qu’il essaie
de
le faire oublier. D’où cet axiome de la critique moderne : un roman n
1386
gêner d’autant qu’il essaie de le faire oublier.
D’
où cet axiome de la critique moderne : un roman ne doit pas être « écr
1387
qu’il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome
de
la critique moderne : un roman ne doit pas être « écrit ». Tous ces e
1388
. Tous ces efforts trahissent le curieux embarras
de
ne pouvoir faire entrer dans un livre des personnages grandeur nature
1389
livre des personnages grandeur nature. La volonté
d’
éliminer toutes les conventions narratives, pour peu d’exigence qu’on
1390
miner toutes les conventions narratives, pour peu
d’
exigence qu’on y mette, aboutit à faire du roman quelque chose d’inter
1391
n y mette, aboutit à faire du roman quelque chose
d’
interminable, et quelque chose de méthodiquement insignifiant. Quelque
1392
an quelque chose d’interminable, et quelque chose
de
méthodiquement insignifiant. Quelque chose qui n’en finit plus, car l
1393
ose qui n’en finit plus, car la vie ne met jamais
de
point final. Il y a jeu quand les conséquences s’épuisent avec le der
1394
s’épuisent avec le dernier coup ; mais le sérieux
de
la vie est, par définition, le domaine des conséquences indéfinies. L
1395
ier moderne à terminer son livre par une décision
de
l’esprit ou par un artifice de rhétorique, telle est la source impure
1396
e par une décision de l’esprit ou par un artifice
de
rhétorique, telle est la source impure du roman-fleuve. La longueur d
1397
impure du roman-fleuve. La longueur des ouvrages
de
ce genre est l’expression de l’embarras d’un écrivain qui s’est privé
1398
ongueur des ouvrages de ce genre est l’expression
de
l’embarras d’un écrivain qui s’est privé des secours de l’art. D’aill
1399
vrages de ce genre est l’expression de l’embarras
d’
un écrivain qui s’est privé des secours de l’art. D’ailleurs cet allon
1400
mbarras d’un écrivain qui s’est privé des secours
de
l’art. D’ailleurs cet allongement, trop souvent excessif pour l’intér
1401
toujours insuffisant pour égaler la durée réelle
d’
une vie. Quelque chose de méthodiquement insignifiant. Car la-vie-tell
1402
r égaler la durée réelle d’une vie. Quelque chose
de
méthodiquement insignifiant. Car la-vie-telle-qu’elle-est ne signifie
1403
rop bien les choses ». J’extrais ces propositions
de
la préface aux Hommes de bonne volonté, bon témoignage sur l’opinion
1404
extrais ces propositions de la préface aux Hommes
de
bonne volonté, bon témoignage sur l’opinion moyenne du grand public c
1405
Le roman, écrit encore M. Romains, ne connaît pas
de
vraies servitudes. Ce qui diminue peut-être pour le roman comme genre
1406
peut-être pour le roman comme genre les occasions
d’
acquérir un mérite esthétique supérieur… mais ce qui en tout cas lui i
1407
e supérieur… mais ce qui en tout cas lui interdit
de
cultiver les conventions. » Ceci corrigerait donc cela ? M. Romains c
1408
ns connaît bien son public. Il sait que l’absence
de
conventions sera tenue pour avantage, et compensera, aux yeux de ses
1409
pensera, aux yeux de ses contemporains, l’absence
de
mérite esthétique. (Alors que la première absence est en réalité la c
1410
remière absence est en réalité la cause immédiate
de
la seconde.) Parlant encore de son propre roman, M. Romains ajoute :
1411
la cause immédiate de la seconde.) Parlant encore
de
son propre roman, M. Romains ajoute : « Le lecteur se demandera : où
1412
éoccupés qu’ils sont, au nom des vieilles règles,
de
commencer et de finir le jeu avec les mêmes cartes », échouent à expr
1413
sont, au nom des vieilles règles, de commencer et
de
finir le jeu avec les mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre
1414
op courts pour imiter sans conventions le décousu
de
la vie réelle. Avouer l’ambition d’écrire un livre en se conformant a
1415
ns le décousu de la vie réelle. Avouer l’ambition
d’
écrire un livre en se conformant aux « lois de la vie », c’est doublem
1416
ion d’écrire un livre en se conformant aux « lois
de
la vie », c’est doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’a
1417
frustes mais fixes, du découpage, du montage, et
de
la présentation dramatisée. Ces conditions, dans une vue commerciale,
1418
ues par les « producers », éditeurs et directeurs
de
magazines à grand tirage. Le genre proprement romanesque s’éteindra
1419
e et pour avoir commis la même erreur : qui était
de
croire les conventions « conventionnelles » au sens dépréciatif de l’
1420
ventions « conventionnelles » au sens dépréciatif
de
l’épithète. Ces légèretés ne pardonnent pas. Une contre-épreuve de no
1421
s légèretés ne pardonnent pas. Une contre-épreuve
de
notre diagnostic nous sera fournie par le succès du roman policier. J
1422
demeure le seul genre défini, obéissant aux lois
d’
une rhétorique précise. C’est un jeu, et un jeu serré, qui ne tolère a
1423
gnante. Ses personnages sont constants comme ceux
de
la Commedia dell’arte, ou ceux des cartes et des échecs : le détectiv
1424
détective élégant, volontiers philosophe, l’agent
de
police bonne brute ou puits de sagesse populaire ; la femme à bijoux,
1425
hilosophe, l’agent de police bonne brute ou puits
de
sagesse populaire ; la femme à bijoux, comtesse de palaces ; le valet
1426
e sagesse populaire ; la femme à bijoux, comtesse
de
palaces ; le valet de chambre silencieux et astucieux, etc. La situat
1427
ilencieux et astucieux, etc. La situation, donnée
d’
entrée de jeu, se résout complètement à la fin du livre, et ne comport
1428
et astucieux, etc. La situation, donnée d’entrée
de
jeu, se résout complètement à la fin du livre, et ne comporte qu’un n
1429
la fin du livre, et ne comporte qu’un nombre fini
d’
éléments. Le lieu de l’action est circonscrit : c’est généralement une
1430
ne comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu
de
l’action est circonscrit : c’est généralement une maison dont il semb
1431
n. La fixité même des règles fondamentales permet
de
mesurer l’invention de chaque auteur, et les progrès du genre. Une gr
1432
ègles fondamentales permet de mesurer l’invention
de
chaque auteur, et les progrès du genre. Une grande partie de l’intérê
1433
uteur, et les progrès du genre. Une grande partie
de
l’intérêt que l’amateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient a
1434
e de l’intérêt que l’amateur apporte à la lecture
de
ces ouvrages, tient au raffinement ou à la complication croissante de
1435
a complication croissante des règles. (Le lecteur
de
romans policiers devient très vite un spécialiste.) Et cette rhétoriq
1436
spécialiste.) Et cette rhétorique ne manquera pas
d’
exercer son pouvoir créateur de communauté : des clubs de fanatiques d
1437
ue ne manquera pas d’exercer son pouvoir créateur
de
communauté : des clubs de fanatiques du roman policier se sont fondés
1438
er son pouvoir créateur de communauté : des clubs
de
fanatiques du roman policier se sont fondés un peu partout. La vogue
1439
s l’impureté du genre, c’est qu’il peut se passer
de
la crédibilité intrinsèque du conte, par le recours à l’autorité tout
1440
ut extérieure du fait accompli. Cette possibilité
de
tricherie est voisine de celle qui consiste à forcer la vraisemblance
1441
ompli. Cette possibilité de tricherie est voisine
de
celle qui consiste à forcer la vraisemblance par une accumulation de
1442
te à forcer la vraisemblance par une accumulation
de
faits observables. Le roman mourra donc, comme sont mortes la tragéd
1443
tés formelles, et pour avoir poursuivi la chimère
d’
une liberté sans condition. Quelques phénomènes extérieurs viendront p
1444
ié, dès sa naissance, aux conceptions bourgeoises
de
la vie, soit qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisâ
1445
ite il n’utilisât que leurs tabous comme ressorts
de
l’action, ou qu’enfin il se fît un prestige de les contredire et mine
1446
ts de l’action, ou qu’enfin il se fît un prestige
de
les contredire et miner. Tout cela ne durera plus que le temps de liq
1447
e et miner. Tout cela ne durera plus que le temps
de
liquider un héritage saccagé par la guerre actuelle et par l’avènemen
1448
roman faisait toute son « étude ». Mais le besoin
de
lire des fables ne s’éteindra pas pour si peu ; et moins encore, le b
1449
ndra pas pour si peu ; et moins encore, le besoin
d’
en conter. L’imaginaire, délivré du souci d’une vraisemblance insignif
1450
esoin d’en conter. L’imaginaire, délivré du souci
d’
une vraisemblance insignifiante ou statistique, retrouvera l’usage pro
1451
t vrai, aussitôt se verra restituer les prestiges
de
la persuasion. Notre monde retentit d’événements incroyables et pourt
1452
prestiges de la persuasion. Notre monde retentit
d’
événements incroyables et pourtant mortellement réels. Les faits les p
1453
le défient nos imaginations. Seul un art délirant
de
fantaisie a su préfigurer le rythme de nos catastrophes. Les dessins
1454
t délirant de fantaisie a su préfigurer le rythme
de
nos catastrophes. Les dessins animés de Walt Disney jouaient dans le
1455
le rythme de nos catastrophes. Les dessins animés
de
Walt Disney jouaient dans le registre du fou rire populaire avec l’in
1456
ire avec l’instinct sadique et le goût des orgies
de
destruction que devait traduire, quelques années plus tard, la guerre
1457
t-ce que pour rester au niveau de nos épreuves et
de
nos désastres réels, l’art de demain va revenir au jeu des amplificat
1458
de nos épreuves et de nos désastres réels, l’art
de
demain va revenir au jeu des amplifications, raccourcis et miracles q
1459
étorique des contes. Il ne rejoindra le sens vrai
de
nos vies qu’en se livrant à la logique profonde des symboles et des m
1460
à la logique profonde des symboles et des mythes
de
l’âme. Tout porte à tenir pour probable que les grandes œuvres narrat
1461
es œuvres narratives qui vont naître au lendemain
de
cette guerre, se rapprocheront des types de libre création, des parab
1462
emain de cette guerre, se rapprocheront des types
de
libre création, des paraboles que furent en d’autres temps Gargantua,
1463
onstrueux dessins animés où l’homme n’a pas cessé
de
reconnaître son image la plus convaincante. 1. La dialectique de la
1464
n image la plus convaincante. 1. La dialectique
de
la Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean
1465
onvaincante. 1. La dialectique de la Terreur et
de
la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean Paulhan, publié e
1466
et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre
de
Jean Paulhan, publié en France sous l’occupation : Les Fleurs de Tarb
1467
, publié en France sous l’occupation : Les Fleurs
de
Tarbes. 2. Ce cauchemar est fort bien décrit par Lewis Carroll dans
1468
fort bien décrit par Lewis Carroll dans la scène
de
la partie de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, les maille
1469
crit par Lewis Carroll dans la scène de la partie
de
croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, les maillets et les bou
1470
wis Carroll dans la scène de la partie de croquet
d’
Alice in Wonderland où les arceaux, les maillets et les boules sont vi
1471
maillets et les boules sont vivants et ne cessent
de
se déplacer. 3. Coup de sifflet donné par l’arbitre, appel d’un des
1472
nt vivants et ne cessent de se déplacer. 3. Coup
de
sifflet donné par l’arbitre, appel d’un des joueurs à son partenaire,
1473
r. 3. Coup de sifflet donné par l’arbitre, appel
d’
un des joueurs à son partenaire, disposition des pions ; trois coups f
1474
aire, disposition des pions ; trois coups frappés
d’
avance, lever de rideau ; l’ouverture d’un opéra ; le cadre du tableau
1475
n des pions ; trois coups frappés d’avance, lever
de
rideau ; l’ouverture d’un opéra ; le cadre du tableau, etc. Des procé
1476
s frappés d’avance, lever de rideau ; l’ouverture
d’
un opéra ; le cadre du tableau, etc. Des procédés identiques annoncent
1477
la rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites
d’
entrée et de sortie relatifs à un espace ou à un temps sacré. 4. Voir
1478
ans la vie sérieuse. Idem : les rites d’entrée et
de
sortie relatifs à un espace ou à un temps sacré. 4. Voir Roger Caill
1479
omo Ludens, Amsterdam, 1939. i. Rougemont Denis
de
, « Les règles du jeu dans l’art romanesque », Renaissance, New York,
1480
és sur place, comme le coq est cloué sur la ligne
de
craie tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce n’était trop be
1481
p bête si ce n’était trop beau. Mais rien ne sert
de
n’y pas croire. C’est un fait, nous l’avons subi, et nous avons tous
1482
us avons tous dit : je n’y puis rien. Avec autant
de
sincérité, nous semblait-il, qu’un croyant décrivant sa conversion en
1483
ant décrivant sa conversion en termes de grâce et
de
prédestination. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point
1484
de grâce et de prédestination. Mais s’il est vain
de
nier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son caractère de d
1485
s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point
de
mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cette espèce de pas
1486
l ne l’est point de mettre en doute son caractère
de
destinée fatale. Cette espèce de passivité que l’on allègue, ne serai
1487
te son caractère de destinée fatale. Cette espèce
de
passivité que l’on allègue, ne serait-elle point un alibi ? Je ne par
1488
lle point un alibi ? Je ne parle que du vrai coup
de
fondre, celui qui est suivi d’incendie. Car pour ceux que l’on attend
1489
e que du vrai coup de fondre, celui qui est suivi
d’
incendie. Car pour ceux que l’on attend, que l’on appelle, ils ne sont
1490
attend, que l’on appelle, ils ne sont qu’éclairs
de
chaleur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux portières d’un train que l
1491
le, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’aura
d’
un cœur orageux. Aux portières d’un train que l’on croise, entre cieux
1492
leur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux portières
d’
un train que l’on croise, entre cieux stations de métro, dans la foule
1493
d’un train que l’on croise, entre cieux stations
de
métro, dans la foule où se cherchent des yeux — ils se détournent aus
1494
-là. Je disais à ce romancier (l’un des meilleurs
de
l’Allemagne d’alors) : — Le mythe du coup de foudre est sans doute un
1495
à ce romancier (l’un des meilleurs de l’Allemagne
d’
alors) : — Le mythe du coup de foudre est sans doute une astucieuse in
1496
de foudre est sans doute une astucieuse invention
de
Don Juan pour impressionner ses victimes. Il en a tant parlé, et vous
1497
apparition fait naître en elles. Très facile que
de
les persuader, une fois si bien intéressées ! Car rien ne flatte comm
1498
mme l’idée que l’on va vivre à son tour une scène
de
roman. Oui, l’idée seule a fait tous ces ravages, et non pas quelque
1499
quelque dieu, ni le Destin. Il n’y aurait jamais
de
coup de fondre sans ce désir que vous entretenez par vos romans… Mais
1500
dieu, ni le Destin. Il n’y aurait jamais de coup
de
fondre sans ce désir que vous entretenez par vos romans… Mais ce n’es
1501
tenez par vos romans… Mais ce n’est pas assez que
d’
une complaisance acquise. Il faut encore une rencontre ménagée à la re
1502
les rencontres fameuses : Tristan devant la cour
d’
Irlande est reçu par la fille du roi selon l’usage et l’étiquette. Sie
1503
ue cela se produise à l’improviste, comme au coin
d’
un bois… Il me vient une image dont la netteté pourra faire excuser le
1504
la pose… Tandis que je parlais ainsi, une espèce
de
gêne me vint, le sentiment de mal tomber. Il me sembla que mes propos
1505
s ainsi, une espèce de gêne me vint, le sentiment
de
mal tomber. Il me sembla que mes propos touchaient mon interlocuteur
1506
embla que mes propos touchaient mon interlocuteur
d’
une manière un peu trop personnelle, et comment dire ? — qu’il savait
1507
conclure pour ou contre vos théories. ⁂ Au début
de
1933, au moment où Hitler arrivait au pouvoir, on m’offrit de donner
1508
moment où Hitler arrivait au pouvoir, on m’offrit
de
donner des conférences à Budapest. Le président de l’organisation qui
1509
e donner des conférences à Budapest. Le président
de
l’organisation qui m’invitait était un grand banquier, ami des lettre
1510
, ami des lettres. Il vint m’attendre au débarqué
de
l’avion et me conduisit à sa demeure. C’était l’heure du déjeuner. No
1511
depuis quelques instants dans sa bibliothèque, où
d’
un coup d’œil furtif j’avais remarqué mes livres, lorsque sa femme ent
1512
es livres, lorsque sa femme entra en nous saluant
d’
une mélodieuse formule hongroise. La présentation faite, cette dame no
1513
faite, cette dame nous offrit la rituelle liqueur
de
pêche dont on vide trois verres d’un seul trait, en se regardant dans
1514
tuelle liqueur de pêche dont on vide trois verres
d’
un seul trait, en se regardant dans les yeux. Je me sentis pâlir viole
1515
el public j’aurai, et quelles personnes me prient
de
leur réserver un dîner : bref, vous vous rappelez ce qu’était la Hong
1516
avaler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’effet
de
l’avion ? J’allais m’en persuader quand je m’aperçois, et cette fois-
1517
bavarde encore en prenant le café, puis s’excuse
d’
avoir à regagner sa banque : d’ailleurs sa femme me promènera dans Bud
1518
e Musée, — à ce soir ! Il s’en va, très satisfait
de
lui, et de moi aussi, je crois. Nous voici seuls. Silence. Silence en
1519
à ce soir ! Il s’en va, très satisfait de lui, et
de
moi aussi, je crois. Nous voici seuls. Silence. Silence encore dans l
1520
sque rageuse. Nous traversons les grandes artères
de
Pest, le pont des Chaînes sur les eaux jaunes du Danube, puis ces rue
1521
s sur les eaux jaunes du Danube, puis ces ruelles
de
Buda qui montent sur les flancs d’un énorme rocher en pleine ville, q
1522
is ces ruelles de Buda qui montent sur les flancs
d’
un énorme rocher en pleine ville, que domine la statue de saint Geller
1523
orme rocher en pleine ville, que domine la statue
de
saint Geller, les bras en croix. Elle arrête la voiture près d’une ba
1524
r, les bras en croix. Elle arrête la voiture près
d’
une barrière de parc public, descend, s’éloigne dans la neige bien gel
1525
croix. Elle arrête la voiture près d’une barrière
de
parc public, descend, s’éloigne dans la neige bien gelée où ses pas,
1526
s’enfoncent et se marquent. Je la rejoins. Alors
d’
un geste elle désigne la ville à nos pieds : « — Mon mari m’a demandé
1527
e la ville à nos pieds : « — Mon mari m’a demandé
de
vous montrer Budapest. Voilà, c’est Budapest. » Il n’y a rien d’autre
1528
Budapest. Voilà, c’est Budapest. » Il n’y a rien
d’
autre à dire. Nous remontons en voiture et descendons vers la ville. S
1529
se dans un restaurant ? — Bonne idée », fait-elle
d’
une voix basse, sans me regarder. Nous voici attablés devant des sandw
1530
i l’un ni l’autre ne pouvons toucher à rien. Tout
d’
un coup je me suis mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrêt
1531
d’un coup je me suis mis debout. Je fais le tour
de
la table, je m’arrête devant elle, les bras en arrière, comme cela —
1532
s bras en arrière, comme cela — je me suis retenu
de
lui toucher l’épaule — et je m’entends prononcer : — Puisqu’il faut q
1533
s conférences ou un dîner. Et je passais le reste
de
la nuit dans un bar, en compagnie d’un peintre réfugié, nommé Maria.
1534
ais le reste de la nuit dans un bar, en compagnie
d’
un peintre réfugié, nommé Maria. Je l’avais connu quelques années aupa
1535
politique, à Berlin, que je fréquentais à l’insu
de
ma femme. J’étais dans un état d’exaltation extrême, à peu près incap
1536
entais à l’insu de ma femme. J’étais dans un état
d’
exaltation extrême, à peu près incapable de dormir, sauf quelques heur
1537
n état d’exaltation extrême, à peu près incapable
de
dormir, sauf quelques heures pendant la matinée. Nous parlions avec m
1538
es pendant la matinée. Nous parlions avec mon ami
d’
art, de religion, de politique, des perspectives du nouveau régime, et
1539
ant la matinée. Nous parlions avec mon ami d’art,
de
religion, de politique, des perspectives du nouveau régime, et pas du
1540
e. Nous parlions avec mon ami d’art, de religion,
de
politique, des perspectives du nouveau régime, et pas du tout de mes
1541
es perspectives du nouveau régime, et pas du tout
de
mes après-midi. Bien entendu. La veille de mon départ, comme nous sor
1542
u tout de mes après-midi. Bien entendu. La veille
de
mon départ, comme nous sortions du bar, Maria et moi, une édition du
1543
n nous apprend l’incendie du Reichstag. Je décide
de
rentrer le jour même à Berlin, et prends congé de mon ami qui se mont
1544
de rentrer le jour même à Berlin, et prends congé
de
mon ami qui se montrait fort inquiet de mon sort. Il y avait de quoi
1545
nds congé de mon ami qui se montrait fort inquiet
de
mon sort. Il y avait de quoi d’ailleurs, j’étais inscrit, à cette épo
1546
se montrait fort inquiet de mon sort. Il y avait
de
quoi d’ailleurs, j’étais inscrit, à cette époque, au parti communiste
1547
oir. J’arrive à Berlin le lendemain. Sur le seuil
de
notre villa de Zehlendorf, ma femme m’attend, grave et presque sévère
1548
je l’interroge avec nervosité sur les événements
de
l’avant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? — Avec qui m’as-tu
1549
le. Elle sait. Monsieur, je puis garder un secret
d’
État, vous le savez, mais je ne suis pas de ceux qui peuvent supporter
1550
secret d’État, vous le savez, mais je ne suis pas
de
ceux qui peuvent supporter un mensonge dans leur vie intime. J’ai tou
1551
leur vie intime. J’ai tout avoué sans me chercher
d’
excuse. Et comme elle se taisait encore, je lui ai demandé comment ell
1552
e matin même et qu’elle avait ouverte par crainte
d’
un malheur. Quelques lignes sur une feuille portant l’en-tête d’un bar
1553
Quelques lignes sur une feuille portant l’en-tête
d’
un bar de Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite de tes nou
1554
lignes sur une feuille portant l’en-tête d’un bar
de
Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite de tes nouvelles, j
1555
Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite
de
tes nouvelles, je suis inquiet, je n’oublierai jamais les nuits extra
1556
nous avons encore pu passer ensemble, à la veille
de
ce cataclysme. » La lettre était signée Maria. — Un vrai drame du des
1557
es… Mais le destin aveugle qui présida aux fastes
de
votre rencontre, ne perd-il pas un peu de son mystère si l’on songe q
1558
’on songe que la femme du banquier était lectrice
de
romans — et sans doute de vos propres romans ?… Et ce coup de foudre,
1559
banquier était lectrice de romans — et sans doute
de
vos propres romans ?… Et ce coup de foudre, n’est-il pas tombé d’un c
1560
omans ?… Et ce coup de foudre, n’est-il pas tombé
d’
un ciel qu’il convient de nommer Littérature ? o. Rougemont Denis d
1561
udre, n’est-il pas tombé d’un ciel qu’il convient
de
nommer Littérature ? o. Rougemont Denis de, « Contribution à l’étu
1562
ent de nommer Littérature ? o. Rougemont Denis
de
, « Contribution à l’étude du coup de foudre », Formes et Couleurs, La
1563
er avec les mains (janvier 1946)p Il est temps
de
proclamer vaine toute œuvre qui laisse son auteur intact, et son lect
1564
ors de toi-même, dans le scandale ou dans la joie
de
ta vocation créatrice. Trop de penseurs inoffensifs secrètent des phi
1565
le ou dans la joie de ta vocation créatrice. Trop
de
penseurs inoffensifs secrètent des philosophies correctes, trop de dr
1566
ensifs secrètent des philosophies correctes, trop
de
drames inoffensifs se nouent par jeu dans nos romans, trop de scribes
1567
offensifs se nouent par jeu dans nos romans, trop
de
scribes inoffensifs nous singent la fureur ou la révolte, l’indulgenc
1568
ffensifs tous ceux dont l’œuvre n’est pas ce lieu
de
combat sans merci où quelque chose qu’il ne peut plus fuir attaque l’
1569
us fuir attaque l’auteur et tout ce qu’il reflète
d’
une ambiance domestiquée. Il est grand temps que la pensée redevienne
1570
istinction : il y a des hommes qui sont l’orgueil
de
notre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de notre esprit. I
1571
otre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent
de
notre esprit. Il y a des hommes qui créent, d’autres qui enregistrent
1572
s professeurs, pour lesquels la pensée est un art
d’
agrément, un héritage, une carrière libérale, ou un capital bien placé
1573
l bien placé. Cerveaux sans mains ! et qui jugent
de
haut, mais de loin, et toujours après coup, la multitude des mains sa
1574
Cerveaux sans mains ! et qui jugent de haut, mais
de
loin, et toujours après coup, la multitude des mains sans cerveau qui
1575
là, que la pensée ne peut venir qu’à la remorque
d’
événements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on confond la pen
1576
enir qu’à la remorque d’événements qui n’ont cure
de
ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’usage inoffensif
1577
ue l’on confond la pensée avec l’usage inoffensif
de
ce que des créateurs ont pensé, au prix de leur vie souvent, et toujo
1578
on, les autres agissent ! Mais la vraie condition
de
l’homme, c’est de penser avec les mains. p. Rougemont Denis de, «
1579
ssent ! Mais la vraie condition de l’homme, c’est
de
penser avec les mains. p. Rougemont Denis de, « Penser avec les ma
1580
t de penser avec les mains. p. Rougemont Denis
de
, « Penser avec les mains », Cahiers de la saison, Genève, janvier 194
1581
mont Denis de, « Penser avec les mains », Cahiers
de
la saison, Genève, janvier 1946, p. 1.
1582
s 1946)q Les Quatre Libertés ont figuré le but
de
guerre idéal des Nations unies, comme elles restent l’idéal officiel
1583
tions unies, comme elles restent l’idéal officiel
de
la paix. Mais j’ai remarqué qu’assez peu de personnes sont capables d
1584
remarqué qu’assez peu de personnes sont capables
de
les énumérer. Il semble qu’on se soit battu « pour » quelque chose qu
1585
sevelt qui les avait énoncées le premier au début
de
1942 dans son discours sur l’état de l’Union : « freedom of speech, f
1586
ier au début de 1942 dans son discours sur l’état
de
l’Union : « freedom of speech, freedom of religion, freedom from want
1587
un peu malaisément dans notre langue par liberté
de
parole et de religion, libération de la misère et de la crainte. Donc
1588
sément dans notre langue par liberté de parole et
de
religion, libération de la misère et de la crainte. Donc les Nations
1589
par liberté de parole et de religion, libération
de
la misère et de la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la gue
1590
parole et de religion, libération de la misère et
de
la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre, il est temp
1591
Nations unies ayant gagné la guerre, il est temps
de
nous demander quel est l’état présent des libertés qui faisaient l’en
1592
l’état présent des libertés qui faisaient l’enjeu
de
la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, paraît en bo
1593
enjeu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou
de
la religion, paraît en bonne voie de s’établir dans les pays récemmen
1594
du culte ou de la religion, paraît en bonne voie
de
s’établir dans les pays récemment libérés, de même qu’en Russie sovié
1595
ailleurs si ce progrès doit être attribué à moins
de
fanatisme de la part des masses religieuses, ou à plus d’indifférence
1596
isme de la part des masses religieuses, ou à plus
d’
indifférence de la part des masses « éclairées », comme disent leurs c
1597
is autres libertés, voici le tableau : la liberté
de
parole se voit partout mise en échec par des censures officielles ou
1598
, elle a multiplié par 20 000 au moins la liberté
de
craindre le pire à chaque instant. Tout cela, nous disent, non sans r
1599
ts, n’est que le résultat déplorable, mais fatal,
de
la guerre. (Étrange activité qui « fatalement » prolonge ou aggrave l
1600
aggrave les tyrannies qu’elle avait pour seul but
d’
écraser. Mais ceci est une autre histoire.) Ma génération est-elle don
1601
lle s’est épuisé à combattre ? Doit-elle accepter
de
se passer d’au moins trois libertés sur quatre, avec l’espoir que ses
1602
isé à combattre ? Doit-elle accepter de se passer
d’
au moins trois libertés sur quatre, avec l’espoir que ses enfants les
1603
données par qui ? Sommes-nous voués à l’esclavage
d’
État par nécessité matérielle ? On m’en voudra de ces questions, parce
1604
d’État par nécessité matérielle ? On m’en voudra
de
ces questions, parce qu’elles ne paraissent comporter que des réponse
1605
ment par la comparaison qu’il nous oblige à faire
de
l’idéal et du présent. Je propose donc que nous changions ce qui peut
1606
moment inaccessibles, par une affirmation unique
de
Liberté indivisible, qu’il ne dépend que de nous de saisir à l’instan
1607
nique de Liberté indivisible, qu’il ne dépend que
de
nous de saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a qu
1608
Liberté indivisible, qu’il ne dépend que de nous
de
saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a que « la »
1609
« deux » : ils reçoivent gratuitement les secours
de
la religion de leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccupe
1610
reçoivent gratuitement les secours de la religion
de
leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccuper de leur subsi
1611
hoix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccuper
de
leur subsistance ; « quatre » ils sont solidement protégés contre tou
1612
sons américaines. (On leur donne même des séances
de
cinéma le samedi soir.) La liberté ne peut pas être détaillée ni débi
1613
Elle ne peut pas non plus être donnée. Elle exige
d’
être affirmée sur le champ, et coûte que coûte, quels que soient les o
1614
y aura toujours des obstacles. Ceux qui ont peur
d’
être libres en feront leurs prétextes comme l’ont fait les Allemands s
1615
iberté fondamentale dont tout dépend, c’est celle
de
se « réaliser personnellement ». Or nous ne pourrons jamais la recevo
1616
llement ». Or nous ne pourrons jamais la recevoir
d’
autrui. Sans elle les autres libertés ne comptent guère. Par elle seul
1617
s si nous décidons que les obstacles à l’exercice
de
notre liberté sont fatals, nécessaires et surhumains, aussitôt nous l
1618
t nous les rendrons tels, aussitôt nous cesserons
d’
être libres. Et l’État aura tous les droits, puisque nous lui laissero
1619
mmes libres, si nous sommes prêts à payer le prix
de
la liberté, qui sera toujours : payer de sa personne. Un homme libre,
1620
le prix de la liberté, qui sera toujours : payer
de
sa personne. Un homme libre, c’est un homme courageux, non pas un hom
1621
omme courageux, non pas un homme qui aurait reçu (
de
qui ?) trois ou quatre ou trente-six libertés. On entend dire : « X…
1622
tés. On entend dire : « X… est un esprit libre. »
De
qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de la Révolution, ni des S
1623
n esprit libre. » De qui tient-il sa liberté ? Ni
de
l’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et
1624
. » De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni
de
la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas de
1625
e l’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni
de
la Démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vis
1626
des Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas
de
leurs experts. Il la tient de sa vision seule et de son courage de lu
1627
tie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient
de
sa vision seule et de son courage de lutter pour la joindre. Lénine,
1628
leurs experts. Il la tient de sa vision seule et
de
son courage de lutter pour la joindre. Lénine, sous le tsarisme, étai
1629
Il la tient de sa vision seule et de son courage
de
lutter pour la joindre. Lénine, sous le tsarisme, était plus libre qu
1630
ibre qu’un citoyen américain qui tourne le bouton
de
sa radio. Ils combattaient. q. Rougemont Denis de, « Les quatre li
1631
sa radio. Ils combattaient. q. Rougemont Denis
de
, « Les quatre libertés », Le Figaro littéraire, Paris, 30 mars 1946,
1632
ès bien compris, à savoir que la terre est ronde.
D’
où il résulte, entre autres conséquences, que si vous tirez devant vou
1633
rochain tour. Cette figure signifie quelque chose
d’
important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous
1634
s ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions
de
la communauté normale, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir
1635
es dans cette époque. (Vous avez ici les prémices
d’
une théorie sociologique flambant neuve.) À l’arme planétaire correspo
1636
auté universelle, qui relègue les nations au rang
de
simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques instants dans ce j
1637
Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et
de
tout temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce so
1638
temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre
d’
or, que ce soit l’Univers, ou l’Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes s
1639
Il semble que la dernière guerre, j’entends celle
de
39-45, a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de
1640
fait pour éveiller dans les nations le sentiment
de
leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonnie
1641
ations le sentiment de leur relativité. La guerre
de
Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montmartre, int
1642
elativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie
de
chansonniers du temps de Montmartre, intéressa pendant dix ans, direc
1643
hine, cette plaisanterie de chansonniers du temps
de
Montmartre, intéressa pendant dix ans, directement, la vie courante d
1644
des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et
de
l’Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en sub
1645
matérielle. Avant qu’elle puisse devenir un fait
de
droit, il nous faudra probablement passer par une étape intermédiaire
1646
ui est celle du fait psychologique : la formation
d’
une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous
1647
nscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas
de
doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existenc
1648
l’on se déplace un peu, disons à quelques heures
d’
avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux
1649
, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien
de
traduire une langue : les problèmes nationaux restent intraduisibles
1650
mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas
de
temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’
1651
u’un beau jour le paysan normand et le boutiquier
de
Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se se
1652
; et les mineurs du pays de Galles n’auront plus
de
viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentine se seront en
1653
s de viande pendant des mois, parce que les péons
d’
Argentine se seront enfin organisés contre les grands estancieros. Vou
1654
grands estancieros. Vous pourrez toujours essayer
d’
expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute du député
1655
pourrez toujours essayer d’expliquer aux victimes
de
la crise que ce n’est pas la faute du député local ni de « l’hypocris
1656
rise que ce n’est pas la faute du député local ni
de
« l’hypocrisie américaine ». Que faire ? Tout le monde ne peut pas to
1657
ut comprendre. Les problèmes les plus angoissants
de
nos compagnons de planète restent pour nous terres inconnues, et psyc
1658
problèmes les plus angoissants de nos compagnons
de
planète restent pour nous terres inconnues, et psychologiquement inex
1659
s géographes du Moyen Âge dans les grandes marges
de
leurs cartes de l’Europe. Et pourtant nous sommes destinés à découvri
1660
Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes
de
l’Europe. Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ce
1661
ient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas
de
Persans pour se demander : Comment peut-on être Français ?) Je parlai
1662
der : Comment peut-on être Français ?) Je parlais
d’
une conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’il faut d’abord senti
1663
cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous
de
larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est pas une question d’i
1664
opagent, sous de larges rubriques créant un appel
d’
air. Ce n’est pas une question d’information d’abord, vous m’entendez,
1665
créant un appel d’air. Ce n’est pas une question
d’
information d’abord, vous m’entendez, mais de sens, de vision, d’ouver
1666
tion d’information d’abord, vous m’entendez, mais
de
sens, de vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais
1667
formation d’abord, vous m’entendez, mais de sens,
de
vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d
1668
’abord, vous m’entendez, mais de sens, de vision,
d’
ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une
1669
m’entendez, mais de sens, de vision, d’ouverture
de
l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de
1670
t à peine, je dirais : c’est d’abord une question
de
poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous nos écrivains, ceux que je vo
1671
le sentiment le plus direct et le plus contagieux
de
la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’An
1672
deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et
de
l’Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur
1673
avons pour la première fois senti, sous le drapé
d’
un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur vi
1674
’un français riche et pur, battre le pouls mesuré
de
l’Asie, le cœur violent des Amériques. Vous alliez me dire que j’oubl
1675
ous alliez me dire que j’oubliais ce grand joueur
de
Boule que fut « Saint-Ex ». À Dieu ne plaise que j’oublie jamais celu
1676
que j’oublie jamais celui qui le premier me parla
de
la Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime !… r. Rouge
1677
celui qui le premier me parla de la Planète comme
d’
un amour et d’une souffrance intime !… r. Rougemont Denis de, « Dia
1678
remier me parla de la Planète comme d’un amour et
d’
une souffrance intime !… r. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la
1679
d’une souffrance intime !… r. Rougemont Denis
de
, « Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire », Pour la
1680
bombe (20 avril 1946)s Parmi tous les projets
de
contrôle de la Bombe que l’on a suggérés depuis six mois, j’en retien
1681
vril 1946)s Parmi tous les projets de contrôle
de
la Bombe que l’on a suggérés depuis six mois, j’en retiens deux : 1.
1682
es derniers fourniraient ainsi la preuve par neuf
de
leurs bonnes intentions. 2. Donner la Bombe au gouvernement mondial,
1683
hambres universelles seraient élues, l’une formée
de
délégués des États, l’autre de députés des peuples. (Je prends le mod
1684
lues, l’une formée de délégués des États, l’autre
de
députés des peuples. (Je prends le modèle courant. Il faudrait l’ajus
1685
des recherches scientifiques, Défense des droits
de
la personne, Transports planétaires. (Rien que de raisonnable, comme
1686
de la personne, Transports planétaires. (Rien que
de
raisonnable, comme vous le voyez. On trouverait mieux, en s’appliquan
1687
s idées pratiques et raisonnables que l’on traite
de
folies, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande gé
1688
a aux affaires courantes : équilibrer les budgets
de
guerre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible da
1689
géré. Vous pensez que j’ai cédé au goût américain
de
la sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays
1690
cain de la sensation, du biggest in the world. Et
de
vrai, c’est dans ce pays que la première Bombe vient d’être construit
1691
i, c’est dans ce pays que la première Bombe vient
d’
être construite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que
1692
ruite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure
de
ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’hom
1693
là, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens
de
la mesure peut se rebeller comme l’esprit devant la mort… Mais admett
1694
forme, donc condenser, donc augmenter la réalité
de
l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les trai
1695
ondenser, donc augmenter la réalité de l’objet ou
de
la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits ou phénomèn
1696
ettons que les armées retiennent une bonne partie
de
leur utilité au service des nations et de leur vertu d’ordre. Admetto
1697
partie de leur utilité au service des nations et
de
leur vertu d’ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre. A
1698
r utilité au service des nations et de leur vertu
d’
ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre. Admettons que l
1699
risés ne l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas
de
raz-de-marée, ni d’autres accidents d’ampleur continentale. Admettons
1700
’y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres accidents
d’
ampleur continentale. Admettons que notre globe dure longtemps encore,
1701
mps encore, et que la guerre militaire y prospère
d’
autant mieux qu’elle sera dotée d’une arme de plus. Admettons que l’on
1702
aire y prospère d’autant mieux qu’elle sera dotée
d’
une arme de plus. Admettons que l’on invente une parade à la Bombe, se
1703
ntage des coups tirés… Pensez-vous que les effets
de
la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai prévus ?
1704
ets de la prochaine guerre seront très différents
de
ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre
1705
e j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie
de
la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine,
1706
, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin
de
l’humanité non moins certaine, le triomphe des « éléments d’ordre » a
1707
té non moins certaine, le triomphe des « éléments
d’
ordre » aussi énigmatique, et sans témoins. Je reconnais volontiers qu
1708
ngtemps. Les choses ne se passeront peut-être pas
de
la manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithèse m
1709
manière soudaine et dramatique qu’un certain goût
de
l’antithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de
1710
cline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas
de
lignes pures, parce que nos choix ne sont pas si francs, et que nos c
1711
chefs savent à peine ce qu’ils jouent. Une espèce
d’
organisation mondiale ouvrira des bureaux confortables d’où sortiront
1712
isation mondiale ouvrira des bureaux confortables
d’
où sortiront quelques vœux incolores. Il est évident que les nations s
1713
que l’une d’entre elles, Bombe en main, essaiera
d’
imposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il e
1714
mposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même
de
la nommer.) Il est évident que les peuples se révolteront contre cett
1715
fuse à ces évidences. On nous ressasse à longueur
de
journée qu’elle « n’est pas prête pour un gouvernement mondial ». Est
1716
ix, cela veut dire que vous d’abord, vous refusez
de
faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais
1717
que vous d’abord, vous refusez de faire le choix
de
la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais en refusant de ch
1718
que ses moyens vous déplaisent. Mais en refusant
de
choisir la paix, vous votez tacitement pour la mort, et vous en rende
1719
t vous en rendez responsable. Tout tient à chacun
de
nous. Et nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher
1720
t nous en sommes au point où il devient difficile
de
le cacher. Nos alibis ne trompent plus que nous-mêmes. Pour moi, je p
1721
ais-je pas, quand je sais que l’enjeu n’est point
de
ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me faire perdre ?
1722
e ? Je me rappelle cette voix, dans Isaïe, criant
de
Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle,
1723
nt de Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répon
1724
e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aus
1725
matin vient et la nuit aussi. » Je n’ai pas fini
d’
aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me dire
1726
» Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations
de
la Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu dans tout ce
1727
Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà
de
ce « clin d’œil », il nous attend. s. Rougemont Denis de, « Dialog
1728
in d’œil », il nous attend. s. Rougemont Denis
de
, « Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe », Pour la V
1729
e n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ?
De
quoi donc parliez-vous dans vos cinq dialogues précédents ? Faut-il p
1730
quoi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais
de
la fin du monde… — Et maintenant vous nous dites : aucun danger ! C’e
1731
est là sans doute votre manière paradoxale, comme
de
coutume, d’avouer que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ont p
1732
doute votre manière paradoxale, comme de coutume,
d’
avouer que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ont pensé, sans v
1733
ous le dire ? Il est bien naturel que l’événement
d’
Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans un état d’esprit d’Ap
1734
it jetés pour quelque temps dans un état d’esprit
d’
Apocalypse. Mais dix mois ont passé, et rien ne se passe. Dieu soit lo
1735
t, vous rappelez-vous ? Dans toutes les capitales
d’
Europe, on voyait en 1939 les civils se promener avec leur boîte à mas
1736
que personne, même pas Hitler, n’a eu le courage
de
commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la r
1737
dité subite l’ait arrêté, ou quelque amour tardif
de
notre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaie
1738
Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire
de
cette arme était loin de compenser, même à ses yeux, le risque moral
1739
risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas
de
la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibil
1740
Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité
de
riposter, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’une bataille dé
1741
poster, c’est-à-dire jouera militairement le rôle
d’
une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresse
1742
ille décisive. Elle supprimera donc les scrupules
de
l’agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent en général d’une rap
1743
r éventuel. Car nos scrupules naissent en général
d’
une rapide évaluation des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes, de
1744
tion des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes,
de
nos actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punit
1745
euses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi
de
la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est don
1746
Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas
de
punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera, au risque d
1747
enir ! Comme si elle était tombée du ciel, animée
de
mauvaises intentions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la
1748
e du ciel, animée de mauvaises intentions ! C’est
d’
un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longu
1749
ntions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle
de
la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans toute la press
1750
contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur
de
colonne, dans toute la presse, est la plus belle absurdité de l’Histo
1751
dans toute la presse, est la plus belle absurdité
de
l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on parle ? Contrôler cet ob
1752
elle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien
de
quoi l’on parle ? Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’
1753
Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout
d’
un coup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser l
1754
oup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher
d’
aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, ell
1755
e chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases
de
Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est cla
1756
te dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas
d’
histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça
1757
’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle
de
l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de
1758
ça, c’est une autre question. — C’est la question
de
l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe
1759
nous oblige à y faire face. t. Rougemont Denis
de
, « Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum », Pour la Victoir
1760
, ou anticommuniste, que sais-je. On m’écrit cela
de
Paris et l’on ajoute que je ferais bien de rentrer, sous peine de ne
1761
t cela de Paris et l’on ajoute que je ferais bien
de
rentrer, sous peine de ne pas comprendre la réalité européenne en gén
1762
rançaise en particulier. Je pourrais me contenter
de
répondre : c’est plutôt vous qui devriez sortir, sous peine de ne pas
1763
té mondiale. Après tout, il y a quarante millions
de
Français, sur deux-mille-millions d’habitants de la Planète, non moin
1764
nte millions de Français, sur deux-mille-millions
d’
habitants de la Planète, non moins réels, guère moins accablés de prob
1765
de Français, sur deux-mille-millions d’habitants
de
la Planète, non moins réels, guère moins accablés de problèmes. Mais
1766
la Planète, non moins réels, guère moins accablés
de
problèmes. Mais je ne cherche pas à m’en tirer par une réplique, même
1767
e cherche pas à m’en tirer par une réplique, même
de
bon sens, et j’ai quelques raisons de prendre la France plus au série
1768
lique, même de bon sens, et j’ai quelques raisons
de
prendre la France plus au sérieux, plus au tragique, que les chiffres
1769
uropéens devraient aller s’il s’agissait pour eux
de
partir. Je vois les avantages de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’
1770
gissait pour eux de partir. Je vois les avantages
de
l’Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure de les imag
1771
ue et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure
de
les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’est qu’une solutio
1772
ait à l’infini. Il n’est qu’une solution, qui est
d’
aller voir, et d’« essayer » le pays comme un nouveau costume. Et je m
1773
l n’est qu’une solution, qui est d’aller voir, et
d’
« essayer » le pays comme un nouveau costume. Et je me dis que le prob
1774
dis que le problème est mal posé. Il ne s’agit ni
de
partir ni de rester, au sens pathétique de ces mots. Il s’agit simple
1775
oblème est mal posé. Il ne s’agit ni de partir ni
de
rester, au sens pathétique de ces mots. Il s’agit simplement de circu
1776
git ni de partir ni de rester, au sens pathétique
de
ces mots. Il s’agit simplement de circuler. Ce n’est pas très facile,
1777
sens pathétique de ces mots. Il s’agit simplement
de
circuler. Ce n’est pas très facile, pratiquement ? Mais partir, ou re
1778
pose le problème. Supposez que nous soyons libres
de
circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni
1779
ise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni
de
choisir une terre et ses morts contre le Globe et ses vivants ; ni de
1780
et ses morts contre le Globe et ses vivants ; ni
de
choisir le nomadisme permanent et l’exil par principe ou dégoût. Il s
1781
exil par principe ou dégoût. Il s’agit simplement
de
vivre au xxe siècle, en tenant compte des réalités que nous avons cr
1782
lités que nous avons créées ou laissé s’imposer ;
de
la rapidité des transports, par exemple. Combien peu d’hommes d’aujou
1783
rapidité des transports, par exemple. Combien peu
d’
hommes d’aujourd’hui vivent leur temps, et se trouvent pratiquement en
1784
des transports, par exemple. Combien peu d’hommes
d’
aujourd’hui vivent leur temps, et se trouvent pratiquement en mesure d
1785
leur temps, et se trouvent pratiquement en mesure
de
le vivre ! Combien encore sont-ils du Moyen Âge, ou du bourgeois et l
1786
bourgeois et lent xixe siècle ! Serait-ce manque
d’
imagination ? Certes, il en faut une dose non ordinaire pour se rendre
1787
ne dose non ordinaire pour se rendre contemporain
d’
un monde qui change beaucoup plus vite que Jules Verne n’a pu le rêver
1788
e furieuse et inutile ne régnait pas sur le monde
d’
après-guerre, le problème partir ou rester se résoudrait en termes sim
1789
lemme. Le fait est là : nous allons en dix heures
de
Lisbonne à New York, de New York au Pacifique. Un très long voyage au
1790
nous allons en dix heures de Lisbonne à New York,
de
New York au Pacifique. Un très long voyage aujourd’hui nous ramènerai
1791
jourd’hui nous ramènerait nécessairement au point
de
départ, après un petit tour da planète. Nous changeons de continent c
1792
t, après un petit tour da planète. Nous changeons
de
continent comme on part en week-end. Le mot partir a donc changé de s
1793
on part en week-end. Le mot partir a donc changé
de
sens. Il a perdu son aura dramatique. Plus question de couper les pon
1794
ns. Il a perdu son aura dramatique. Plus question
de
couper les ponts, de brûler les pénates, et autres rites attestant de
1795
ra dramatique. Plus question de couper les ponts,
de
brûler les pénates, et autres rites attestant devant les mânes des an
1796
nir après quelque temps, comme on prend un billet
d’
aller et retour. La poésie des voyages a vécu, la tragédie des départs
1797
peut naître parmi nous, c’est un amour plus large
de
l’humain, une conception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de
1798
t un amour plus large de l’humain, une conception
de
la fidélité qui ne soit plus exclusive de la curiosité, un accueil pl
1799
ception de la fidélité qui ne soit plus exclusive
de
la curiosité, un accueil plus ferme et plus souple de la diversité de
1800
a curiosité, un accueil plus ferme et plus souple
de
la diversité des êtres et des coutumes. Aimez votre terre et quittez-
1801
Le paysan n’aime que sa terre, ne l’aime donc pas
de
la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et la comparaison. I
1802
. Il faut s’ouvrir. Il faut aimer. Il faut cesser
de
trouver cela nigaud, et de faire le coq de village tout hérissé, grif
1803
aimer. Il faut cesser de trouver cela nigaud, et
de
faire le coq de village tout hérissé, griffu, inefficace. Circulez do
1804
cesser de trouver cela nigaud, et de faire le coq
de
village tout hérissé, griffu, inefficace. Circulez donc, allez voir,
1805
es visas. N’acceptons pas que cet accident tardif
de
la démence nationaliste dénature le problème humain. Lançons une camp
1806
campagne mondiale pour la suppression des visas,
de
ces anachronismes scandaleux qui nous empêchent de rejoindre le siècl
1807
e ces anachronismes scandaleux qui nous empêchent
de
rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user de ses dons. Forçons les
1808
daleux qui nous empêchent de rejoindre le siècle,
de
l’habiter et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répon
1809
empêchent de rejoindre le siècle, de l’habiter et
d’
user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi ser
1810
nt de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user
de
ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi servent ce
1811
nts à nous répondre : à quoi servent ces barrages
de
tampons ? Comment peut-on les justifier ? Ils n’ont pas arrêté un seu
1812
eul espion, tout en causant la perte des milliers
d’
innocents. Ils rendent vains les progrès matériels dont notre basse ép
1813
s qu’une voix ne proteste ? u. Rougemont Denis
de
, « Faut-il rentrer ? », Pour la Victoire, New York, 4 mai 1946, p. 1-
1814
« Selon Denis de Rougemont, le centre
de
gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)w
1815
mont, le centre de gravité du monde s’est déplacé
d’
Europe en Amérique » (16 mai 1946)w x M. de Rougemont est rentré d’
1816
» (16 mai 1946)w x M. de Rougemont est rentré
d’
Amérique. Il nous en parle simplement, avec ce sens de l’équilibre et
1817
érique. Il nous en parle simplement, avec ce sens
de
l’équilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le
1818
parle simplement, avec ce sens de l’équilibre et
de
la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le prochain aussi, c
1819
En arrivant là-bas, on a l’impression très nette
de
pénétrer dans une autre civilisation. Une impression beaucoup plus fo
1820
tail. Les jugements moraux y sont très différents
de
ceux de l’Europe. Là-bas, certaines choses vont de soi ; chez nous, e
1821
s jugements moraux y sont très différents de ceux
de
l’Europe. Là-bas, certaines choses vont de soi ; chez nous, elles par
1822
izarres. En France, par exemple, il était bien vu
de
tricher avec le fisc ; on s’en vantait. En Amérique, la chose est mal
1823
me en Suisse… J’ai aussi été sensible à une sorte
de
loufoquerie de la vie américaine. Parfois, on a l’impression que les
1824
’ai aussi été sensible à une sorte de loufoquerie
de
la vie américaine. Parfois, on a l’impression que les gens sont un pe
1825
s frapper, vous déclarent sans ambages le montant
de
leur revenu. Cinq minutes après avoir fait votre connaissance, ils vo
1826
illés par la civilisation européenne ? Il importe
de
distinguer entre plusieurs classes d’Américains. Ceux qui ont connu l
1827
Il importe de distinguer entre plusieurs classes
d’
Américains. Ceux qui ont connu l’Europe et qui y ont vécu, se distingu
1828
e et qui y ont vécu, se distinguent par une sorte
de
snobisme européen, surtout au point de vue culture, où ils ont d’aill
1829
mal, nous considère comme un pays très compliqué
de
gens assez méchants qui se disputent pour des choses mystérieuses, qu
1830
ans avant la guerre. Et puis, ils ont un peu peur
de
nous ; ils craignent que nous ne soyons une source permanente de déso
1831
raignent que nous ne soyons une source permanente
de
désordres et de troubles. Tous les nationalismes européens les effrai
1832
s ne soyons une source permanente de désordres et
de
troubles. Tous les nationalismes européens les effraient. De même qu’
1833
t. De même qu’il y a en Europe un grand sentiment
de
supériorité à cause de notre culture, l’inverse existe chez les Améri
1834
chez les Américains au point de vue du civisme et
de
la politique. Ils ont le sentiment d’être decent. Leur opinion est qu
1835
civisme et de la politique. Ils ont le sentiment
d’
être decent. Leur opinion est que les Européens ne sont, eux, pas très
1836
eux, pas très decent, qualité qu’un jeune citoyen
de
là-bas expliquait en ces termes : « Être decent, c’est tenir sa parol
1837
la masse du centre du pays, elle ne connaît rien
de
notre continent ; souvent, elle ignore même que la Suisse existe. Un
1838
bien pu libérer ça ? C’est si petit ! » Par souci
de
précision, j’ajouterai que je ne connais que l’Amérique la moins éloi
1839
ue je ne connais que l’Amérique la moins éloignée
de
l’Europe. Si de New York vous passez dans le Middlewest, ou en Califo
1840
que l’Amérique la moins éloignée de l’Europe. Si
de
New York vous passez dans le Middlewest, ou en Californie, ou à La No
1841
ie, ou à La Nouvelle-Orléans, vous ne manquez pas
d’
observer de fortes nuances dans la civilisation. New York constitue un
1842
Nouvelle-Orléans, vous ne manquez pas d’observer
de
fortes nuances dans la civilisation. New York constitue un excellent
1843
vilisation. New York constitue un excellent poste
d’
observation, parce que ses habitants y viennent de partout, de toutes
1844
n, parce que ses habitants y viennent de partout,
de
toutes les Amériques et de tous les continents. New York résume un pe
1845
y viennent de partout, de toutes les Amériques et
de
tous les continents. New York résume un peu les États-Unis… Mais un j
1846
rk résume un peu les États-Unis… Mais un jugement
d’
ensemble est impossible. On peut à peu près tout dire sur l’Amérique :
1847
s juste quelque part. Je ne cesse personnellement
de
me battre contre cette affirmation européenne selon laquelle tout est
1848
tes les plus violents. ⁂ Pensez-vous qu’à l’issue
de
cette dernière guerre, on puisse affirmer que le centre de gravité du
1849
dernière guerre, on puisse affirmer que le centre
de
gravité du monde s’est déplacé en Amérique ? Très nettement. Vue de N
1850
e s’est déplacé en Amérique ? Très nettement. Vue
de
New York, l’Europe constitue une espèce de glacis ou s’affrontent le
1851
t. Vue de New York, l’Europe constitue une espèce
de
glacis ou s’affrontent le monde anglo-saxon et le monde russe. On a f
1852
on et le monde russe. On a fortement l’impression
de
l’existence de deux pôles d’attraction : l’Amérique et la Russie. Cet
1853
russe. On a fortement l’impression de l’existence
de
deux pôles d’attraction : l’Amérique et la Russie. Cette impression e
1854
rtement l’impression de l’existence de deux pôles
d’
attraction : l’Amérique et la Russie. Cette impression est une réalité
1855
otre continent, il est considéré comme une espèce
de
champ de bataille en puissance. Cela change toutes les perspectives.
1856
est extrêmement mélangée. En général, les hommes
d’
affaires voudraient que ce monde lointain s’ouvre. Le président de la
1857
aient que ce monde lointain s’ouvre. Le président
de
la Chambre de commerce américaine est allé en Russie tenir des discou
1858
onde lointain s’ouvre. Le président de la Chambre
de
commerce américaine est allé en Russie tenir des discours capitaliste
1859
rre à la Russie sans plus attendre, en se servant
de
la bombe atomique, etc. Moscou, qui a toujours eu cette espèce de « c
1860
ique, etc. Moscou, qui a toujours eu cette espèce
de
« complexe d’assiégement », se referme trop sur elle-même. Il est dif
1861
cou, qui a toujours eu cette espèce de « complexe
d’
assiégement », se referme trop sur elle-même. Il est difficile de la c
1862
, se referme trop sur elle-même. Il est difficile
de
la comprendre de l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectue
1863
sur elle-même. Il est difficile de la comprendre
de
l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ? La vie scie
1864
Il est difficile de la comprendre de l’autre côté
de
l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ? La vie scientifique est trè
1865
ation plus littéraire, philosophique ou juridique
de
l’Europe. Dans les écoles américaines, on enseigne aux enfants combie
1866
oles américaines, on enseigne aux enfants combien
de
calories, de vitamines sont nécessaires à leur organisme. Tout le mon
1867
nes, on enseigne aux enfants combien de calories,
de
vitamines sont nécessaires à leur organisme. Tout le monde a, là-bas,
1868
vue littéraire et philosophique, je ne vois rien
de
très neuf qui se soit développé pendant la guerre ou après. Entre 191
1869
iode littéraire. Je ne distingue actuellement pas
d’
école nouvelle. Les jeunes écrivains gardent un œil ouvert sur l’Europ
1870
ardent un œil ouvert sur l’Europe. C’est toujours
de
là que vient l’initiative. Ce qu’ils ont de plus que nous, c’est un g
1871
e plus que nous, c’est un grand art du reportage,
de
la description. Ils ont indiscutablement créé le style du grand repor
1872
le de bains. Dans les grandes villes, on remarque
de
la misère. Certains quartiers sont très tristes. La conscience politi
1873
rtiers sont très tristes. La conscience politique
de
la classe ouvrière, si vivante chez nous, est presque inexistante là-
1874
olentes, mais cela ne veut pas dire que l’on soit
de
droite ou de gauche. On fait la grève pour des raisons purement prati
1875
cela ne veut pas dire que l’on soit de droite ou
de
gauche. On fait la grève pour des raisons purement pratiques et non a
1876
non au nom du marxisme… En conclusion, une « cure
d’
Amérique » est profitable à l’Européen ? Absolument ! Ce que je souhai
1877
c’est qu’on envoie le plus grand nombre possible
d’
Européens outre-Atlantique pour y vivre une ou deux années et inversem
1878
une ou deux années et inversement. Je ne vois pas
d’
hostilité possible entre les deux continents — qui se complètent admir
1879
us apportent la franchise dans la vie, la liberté
d’
allure et beaucoup de gentillesse. Telle est la « leçon d’Amérique » q
1880
et beaucoup de gentillesse. Telle est la « leçon
d’
Amérique » que nous a donnée M. Denis de Rougemont. En conclusion, dis
1881
t qu’a cinquante pour cent… w. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe e
1882
w. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le centre
de
gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique », L’Illustré, La
1883
tien] Le centre de gravité du monde s’est déplacé
d’
Europe en Amérique », L’Illustré, Lausanne, 16 mai 1946, p. 5 et 23.
1884
« Un écrivain nous est revenu. Il nous est revenu
de
la lointaine et si proche Amérique, emportant avec lui, pour nous le
1885
le communiquer avec la belle générosité des gens
d’
esprit, un riche message gonflé de réalités souvent insoupçonnées. M.
1886
rosité des gens d’esprit, un riche message gonflé
de
réalités souvent insoupçonnées. M. Denis de Rougemont est rentré d’Am
1887
t insoupçonnées. M. Denis de Rougemont est rentré
d’
Amérique. Pas pour longtemps, puisqu’il se prépare déjà à repartir à l
1888
squ’il se prépare déjà à repartir à la découverte
de
ce continent qui, à lui seul, constitue un monde. Quelle merveilleuse
1889
l’avoir établi, le contact avec le réel, contact
de
la pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contact des sens, conduit
1890
contact des sens, conduit à l’insondable gouffre
de
l’abstraction. M. de Rougemont, lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’est p
1891
s’est donné à son expérience créatrice. L’auteur
de
Politique de la personne , de Penser avec les mains (quel beau tit
1892
son expérience créatrice. L’auteur de Politique
de
la personne , de Penser avec les mains (quel beau titre, solide, pu
1893
réatrice. L’auteur de Politique de la personne ,
de
Penser avec les mains (quel beau titre, solide, puissant, élégant c
1894
nt, élégant comme une voile au vent), du Journal
d’
un intellectuel en chômage , de L’Amour et l’Occident , de tant d’aut
1895
vent), du Journal d’un intellectuel en chômage ,
de
L’Amour et l’Occident , de tant d’autres œuvres auxquelles sa person
1896
llectuel en chômage , de L’Amour et l’Occident ,
de
tant d’autres œuvres auxquelles sa personnalité a imprimé son sceau d
1897
es auxquelles sa personnalité a imprimé son sceau
de
vie, de foi et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout
1898
elles sa personnalité a imprimé son sceau de vie,
de
foi et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout ce qui p
1899
ersonnalité a imprimé son sceau de vie, de foi et
de
vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout ce qui porte en so
1900
et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu
de
tout ce qui porte en soi le germe de la superficialité. Et Dieu seul
1901
pposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe
de
la superficialité. Et Dieu seul est capable de dessiner les contours
1902
me de la superficialité. Et Dieu seul est capable
de
dessiner les contours de ce mot « superficiel », qui gouverne le mond
1903
Et Dieu seul est capable de dessiner les contours
de
ce mot « superficiel », qui gouverne le monde ! Bien avant la sanglan
1904
e tragédie, Denis de Rougemont, dans son Journal
d’
Allemagne , définissait le national-socialisme, « phénomène à la fois
1905
s deux ne sont possibles que dans cet acte unique
d’
obéissance qui s’appelle l’amour du prochain »…
1906
Histoire
de
singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)v Jeune Amérique,
1907
Histoire de singes ou deux secrets
de
l’Europe (16 mai 1946)v Jeune Amérique, vieille Europe. Patrie de
1908
1946)v Jeune Amérique, vieille Europe. Patrie
de
l’avenir et patrie de la mémoire. Dynamisme allégé du poids des tradi
1909
que, vieille Europe. Patrie de l’avenir et patrie
de
la mémoire. Dynamisme allégé du poids des traditions et querelles anc
1910
moins autant qu’ailleurs. Elle risquerait parfois
de
nous frapper d’une sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter d’
1911
ailleurs. Elle risquerait parfois de nous frapper
d’
une sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter d’abandon aux prét
1912
le risquerait parfois de nous frapper d’une sorte
de
mélancolie sceptique et de nous tenter d’abandon aux prétendues fatal
1913
us frapper d’une sorte de mélancolie sceptique et
de
nous tenter d’abandon aux prétendues fatalités de l’Histoire. Mais il
1914
e sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter
d’
abandon aux prétendues fatalités de l’Histoire. Mais il n’est point de
1915
de nous tenter d’abandon aux prétendues fatalités
de
l’Histoire. Mais il n’est point de fatalité pour l’homme qui ne recul
1916
dues fatalités de l’Histoire. Mais il n’est point
de
fatalité pour l’homme qui ne recule pas devant sa liberté, et qui acc
1917
pas devant sa liberté, et qui accepte les risques
de
son choix. Laissons l’Histoire telle qu’on la simplifie en courbes as
1918
cendantes. Tout peut encore se renverser, et plus
d’
une fois, dans les destins de collectivités aussi complexes que celles
1919
e renverser, et plus d’une fois, dans les destins
de
collectivités aussi complexes que celles que je viens de citer. Je n’
1920
rches récentes deux résultats qui prennent figure
de
paraboles : ils me paraissent propres à nous persuader de la fécondit
1921
oles : ils me paraissent propres à nous persuader
de
la fécondité de certaines valeurs que l’Europe a promues patiemment e
1922
raissent propres à nous persuader de la fécondité
de
certaines valeurs que l’Europe a promues patiemment et qu’elle illust
1923
illustre encore aux yeux du monde. Je veux parler
de
la « mémoire » et de l’« expérience historique », qui est celle des é
1924
eux du monde. Je veux parler de la « mémoire » et
de
l’« expérience historique », qui est celle des épreuves et des échecs
1925
des épreuves et des échecs. L’étude des singes et
de
leur attristante psychologie nous révèle que ces faux ancêtres ne son
1926
ucune mémoire. Ils se voient obligés chaque matin
de
reconstruire leur monde, de l’apprendre à nouveau et de réinventer le
1927
obligés chaque matin de reconstruire leur monde,
de
l’apprendre à nouveau et de réinventer les gestes élémentaires. Ce tr
1928
onstruire leur monde, de l’apprendre à nouveau et
de
réinventer les gestes élémentaires. Ce travail de Sisyphe les épuise
1929
de réinventer les gestes élémentaires. Ce travail
de
Sisyphe les épuise et les condamne à rester singes. Il les réduit à i
1930
l les réduit à imiter, là où nous sommes capables
d’
innover en tirant les leçons d’expériences de la veille. Singe est cel
1931
us sommes capables d’innover en tirant les leçons
d’
expériences de la veille. Singe est celui qui doit refaire chaque jour
1932
bles d’innover en tirant les leçons d’expériences
de
la veille. Singe est celui qui doit refaire chaque jour le chemin per
1933
in perdu pendant la nuit, faute de repères, faute
d’
un passé vivant, et faute de traditions instrumentales. Il s’imagine q
1934
es, à la dernière tactique, et ne fait que singer
d’
antiques découvertes. À propos de ces mêmes créatures, une expérience
1935
du siècle. Cela se passe on Russie, dans l’école
de
Pavlov, auteur de célèbres travaux sur les réflexes conditionnés des
1936
e passe on Russie, dans l’école de Pavlov, auteur
de
célèbres travaux sur les réflexes conditionnés des chiens. Ses discip
1937
ix singes, on les range dans une chambre, le long
d’
une des parois. À l’autre extrémité de la pièce se dresse un grand meu
1938
re, le long d’une des parois. À l’autre extrémité
de
la pièce se dresse un grand meuble à tiroirs. Dans les tiroirs on a m
1939
les bananes. On répète le manège un grand nombre
de
fois, pour habituer les animaux à courir vers le meuble au signal. Ap
1940
vers le meuble au signal. Après un certain temps
d’
interruption, on ramène les sujets dans la même chambre. La sirène hur
1941
ces animaux montrent alors les signes extérieurs
de
la crise de nerfs, du « nervous break down » le plus caractérisé ! L’
1942
montrent alors les signes extérieurs de la crise
de
nerfs, du « nervous break down » le plus caractérisé ! L’Européen, qu
1943
plus caractérisé ! L’Européen, que vingt siècles
d’
histoire accoutumèrent à trouver le tiroir vide neuf fois sur dix, réa
1944
trouver le tiroir vide neuf fois sur dix, réagit
d’
une toute autre manière. Il vient de le prouver pendant six ans. Il se
1945
prouver pendant six ans. Il se souvient — non pas
de
ces épreuves-là précisément, car on n’avait jamais rien vu de pareil
1946
ves-là précisément, car on n’avait jamais rien vu
de
pareil — mais de quelque chose de plus profond, qui définit la condit
1947
t, car on n’avait jamais rien vu de pareil — mais
de
quelque chose de plus profond, qui définit la condition humaine. S’ag
1948
d, qui définit la condition humaine. S’agirait-il
d’
une sorte de méfiance ? Disons plutôt d’une sobriété devant le destin.
1949
it la condition humaine. S’agirait-il d’une sorte
de
méfiance ? Disons plutôt d’une sobriété devant le destin. Il se souvi
1950
girait-il d’une sorte de méfiance ? Disons plutôt
d’
une sobriété devant le destin. Il se souvient que tout peut arriver, m
1951
a prospérité ne sont pas les garants infaillibles
d’
un bonheur qui lui serait dû. L’échec pour lui — guerre, privations, r
1952
en souplesse les mécomptes, à vrai dire normaux,
de
l’optimisme automatique conditionné par la publicité et les sirènes d
1953
ourquoi il tiendra le coup. v. Rougemont Denis
de
, « Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe », Servir, Lausanne
1954
dra le coup. v. Rougemont Denis de, « Histoire
de
singes ou deux secrets de l’Europe », Servir, Lausanne, 16 mai 1946,
1955
nt Denis de, « Histoire de singes ou deux secrets
de
l’Europe », Servir, Lausanne, 16 mai 1946, p. 1.
1956
ès bien compris, à savoir que la terre est ronde.
D’
où il résulte, entre autres conséquences, que si vous tirez devant vou
1957
rochain tour. Cette figure signifie quelque chose
d’
important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous
1958
s ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions
de
la communauté normale, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir
1959
es dans cette époque. (Vous avez ici les prémices
d’
une théorie sociologique flambant neuve !) À l’arme planétaire corresp
1960
auté universelle, qui relègue les nations au rang
de
simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques instants dans ce j
1961
Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et
de
tout temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce so
1962
temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre
d’
or, que ce soit l’Univers ou l’Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se
1963
fait pour éveiller dans les nations le sentiment
de
leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonnie
1964
ations le sentiment de leur relativité. La guerre
de
Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montmartre, int
1965
elativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie
de
chansonniers du temps de Montmartre, intéressa pendant dix ans, direc
1966
hine, cette plaisanterie de chansonniers du temps
de
Montmartre, intéressa pendant dix ans, directement, la vie courante d
1967
des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et
de
l’Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en sub
1968
matérielle. Avant qu’elle puisse devenir un fait
de
droit, il nous faudra probablement passer par une étape intermédiaire
1969
ui est celle du fait psychologique : la formation
d’
une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous
1970
nscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas
de
doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existenc
1971
l’on se déplace un peu, disons à quelques heures
d’
avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux
1972
, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien
de
traduire une langue : les problèmes nationaux restent intraduisibles
1973
mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas
de
temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’
1974
u’un beau jour le paysan normand et le boutiquier
de
Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se se
1975
; et les mineurs du pays de Galles n’auront plus
de
viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentine se seront en
1976
s de viande pendant des mois, parce que les péons
d’
Argentine se seront enfin organisés contre les grands « estancieros ».
1977
ds « estancieros ». Vous pourrez toujours essayer
d’
expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute des déput
1978
pourrez toujours essayer d’expliquer aux victimes
de
la crise que ce n’est pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie a
1979
la crise que ce n’est pas la faute des députés ni
de
l’« hypocrisie américaine »… Que faire ? Tout le monde ne peut pas to
1980
et comprendre. Les problèmes les plus angoissants
de
nos compagnons de planète restent pour nous terres inconnues, et psyc
1981
problèmes les plus angoissants de nos compagnons
de
planète restent pour nous terres inconnues, et psychologiquement inex
1982
s géographes du Moyen Âge dans les grandes marges
de
leurs cartes de l’Europe, « ici vivent les lions ». Et pourtant nous
1983
Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes
de
l’Europe, « ici vivent les lions ». Et pourtant nous sommes destinés
1984
ient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas
de
Persans pour se demander : Comment peut-on être Français ?) Je parlai
1985
der : Comment peut-on être Français ?) Je parlais
d’
une conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’il faut d’abord senti
1986
cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous
de
larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est pas une question d’i
1987
opagent, sous de larges rubriques créant un appel
d’
air. Ce n’est pas une question d’information d’abord, qu’on m’entende
1988
créant un appel d’air. Ce n’est pas une question
d’
information d’abord, qu’on m’entende bien, mais de sens, de vision, d’
1989
d’information d’abord, qu’on m’entende bien, mais
de
sens, de vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais
1990
tion d’abord, qu’on m’entende bien, mais de sens,
de
vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d
1991
d, qu’on m’entende bien, mais de sens, de vision,
d’
ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une
1992
ntende bien, mais de sens, de vision, d’ouverture
de
l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de
1993
t à peine, je dirais : c’est d’abord une question
de
poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous les écrivains français, ceux
1994
le sentiment le plus direct et le plus contagieux
de
la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’An
1995
deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et
de
l’Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur
1996
avons pour la première fois senti, sous le drapé
d’
un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur vi
1997
’un français riche et pur, battre le pouls mesuré
de
l’Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur
1998
’Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire
de
ce grand joueur de Boule que fut « Saint-Ex »13, le premier qui me pa
1999
ent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur
de
Boule que fut « Saint-Ex »13, le premier qui me parla de la Planète c
2000
e que fut « Saint-Ex »13, le premier qui me parla
de
la Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime ? Sinon qu’il
2001
»13, le premier qui me parla de la Planète comme
d’
un amour et d’une souffrance intime ? Sinon qu’il fut lui aussi un poè
2002
er qui me parla de la Planète comme d’un amour et
d’
une souffrance intime ? Sinon qu’il fut lui aussi un poète, en prose e
2003
n vision créatrice. 13. Saint-Exupéry, l’auteur
de
Vol de Nuit et de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de, « La pen
2004
n créatrice. 13. Saint-Exupéry, l’auteur de Vol
de
Nuit et de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de, « La pensée pla
2005
. 13. Saint-Exupéry, l’auteur de Vol de Nuit et
de
Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de, « La pensée planétaire »,
2006
Nuit et de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis
de
, « La pensée planétaire », Servir, Lausanne, 30 mai 1946, p. 1.
2007
rtés que la pensée se donne lorsque, se dégageant
de
notre condition, elle imagine des idées qui détruisent l’homme, l’on
2008
qui détruisent l’homme, l’on rencontre sans trop
d’
effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette i
2009
l’homme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’idée
de
l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l
2010
trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée
de
l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qui pense
2011
rt. Si « macabre » désigne assez bien l’étrangeté
de
la mort des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire de sa propre
2012
des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire
de
sa propre mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditati
2013
e saurait en aucun cas se dire de sa propre mort,
de
la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditation que je poursuis
2014
opre mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens,
de
la méditation que je poursuis entre ces phrases, dans cette matinée b
2015
nt, je puis en disposer, feindre assez facilement
d’
en rire. Elle n’est pas plus forte que moi. Peut-être même n’est-elle
2016
moi. Peut-être même n’est-elle qu’une ruse cousue
de
fil blanc de ma vitalité : la seule pensée que mon souffle puisse, da
2017
e même n’est-elle qu’une ruse cousue de fil blanc
de
ma vitalité : la seule pensée que mon souffle puisse, dans quelques i
2018
e mort. Contester là-dessus serait fournir l’aveu
d’
une impuissance à comprendre le mot penser dans son sens fort. Car pen
2019
t mourir. Peut-être avons-nous là le seul critère
d’
une perfection intellectuelle, et l’on conçoit que son application ne
2020
t tragiques, c’est-à-dire sans appel. Ontologie
de
la fin Pour que nous apparaisse parfois l’étrangeté d’une telle si
2021
n Pour que nous apparaisse parfois l’étrangeté
d’
une telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’une instance
2022
omme négligeable ; et s’y attarder serait le fait
d’
une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’utopie devant ma mo
2023
atuite. Ma nature crie à l’utopie devant ma mort.
De
là vient que l’humanité, dans son ensemble, résiste instinctivement à
2024
son ensemble, résiste instinctivement à la pensée
de
la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’
2025
ste instinctivement à la pensée de la Fin, refuse
de
toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’applique à la disq
2026
la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces
de
la « réaliser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à la rendre
2027
asser à tout jamais dans un futur indéfini. Ainsi
de
l’homme, ainsi de l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l
2028
s dans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi
de
l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l’homme meurt. Pour
2029
mps nous endort bien plutôt qu’il ne nous avertit
de
son but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est de son destin et d
2030
on but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est
de
son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’œil nu, leur sens dernie
2031
e savait un jour ce qu’il en est de son destin et
de
sa liberté, s’il voyait à l’œil nu, leur sens dernier et l’enjeu véri
2032
l’œil nu, leur sens dernier et l’enjeu véritable
de
ses choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste o
2033
éritable de ses choix, à qui reviendrait l’empire
de
ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait
2034
eune Homme ? Le sage ne raillerait pas avec moins
d’
envie le débauché, dont il faudrait encore plaindre l’arrière-pensée,
2035
is seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée
de
la Fin a les meilleures raisons du monde d’être pensée ; toutefois l’
2036
ensée de la Fin a les meilleures raisons du monde
d’
être pensée ; toutefois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’
2037
u monde d’être pensée ; toutefois l’effort entier
de
notre vie la neutralise. D’où vient alors cette prise de conscience,
2038
efois l’effort entier de notre vie la neutralise.
D’
où vient alors cette prise de conscience, d’une menace, mais aussi de
2039
lise. D’où vient alors cette prise de conscience,
d’
une menace, mais aussi de l’incapacité où se trouve l’homme à penser c
2040
tte prise de conscience, d’une menace, mais aussi
de
l’incapacité où se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ? D’où
2041
se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ?
D’
où vient qu’imperceptible encore au plus grand nombre, à tous les lett
2042
nombre, à tous les lettrés sans esprit, la pensée
de
la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon de la F
2043
la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ?
D’
où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a
2044
he s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon
de
la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’éc
2045
’où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon
de
la Réalité qui m’a pressé d’écrire ces pages et qui pourrait suspendr
2046
nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé
d’
écrire ces pages et qui pourrait suspendre ici ma phrase, me jetant da
2047
tant dans mon jugement ? S’il nous vient à l’idée
de
penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise
2048
e, c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit
de
la Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en
2049
éalité nouvelle illuminait. Sans la vie, que dire
de
la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle en
2050
e, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire
de
la durée ? Mais tout se mêle encore confusément. Nous sommes là comme
2051
mes là comme en rêve, empêtrés, dans le sentiment
d’
une urgence que nous ne parvenons pas à distinguer avec des yeux bien
2052
isse et trop peu pour agir. Ainsi le grand décret
de
crise qui sévit au cœur de ce siècle n’est qu’une première parole, am
2053
Ainsi le grand décret de crise qui sévit au cœur
de
ce siècle n’est qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. Une premi
2054
ce siècle n’est qu’une première parole, ambiguë,
de
la Fin. Une première demande d’informer. Non pas encore l’Arrêt derni
2055
parole, ambiguë, de la Fin. Une première demande
d’
informer. Non pas encore l’Arrêt dernier, mais déjà ce ralentissement
2056
ent qui nous fait accéder à la conscience obscure
d’
un danger proche, — ce crépuscule qui est peut-être une aube, et la fr
2057
épuscule qui est peut-être une aube, et la frange
de
cet éclat qui doit consumer toute chair. Dans cette lueur suspecte, r
2058
chair. Dans cette lueur suspecte, risque un jour
d’
apparaître la face réelle de la Terre. Et déjà, par intermittence, cer
2059
pecte, risque un jour d’apparaître la face réelle
de
la Terre. Et déjà, par intermittence, certains, ont entrevu et tenté
2060
par intermittence, certains, ont entrevu et tenté
de
juger les buts réels de notre marche séculaire. Que savons-nous du se
2061
ins, ont entrevu et tenté de juger les buts réels
de
notre marche séculaire. Que savons-nous du sens de notre civilisation
2062
e notre marche séculaire. Que savons-nous du sens
de
notre civilisation ? Quelle est sa fin, dès l’origine, quel est son r
2063
La liberté ? Nous avons encombré la terre entière
de
barrières destinées à protéger sa course. L’amour ? La solidarité ? C
2064
rse. L’amour ? La solidarité ? Ce sont des idéaux
de
ligues, des mots qu’on n’ose plus employer qu’au dessert. La richesse
2065
es lointaines. Toutefois, elle reste liée au rêve
d’
activité qui tourmente l’Occident depuis des siècles. Mais ce rêve, à
2066
e ; il faiblit, il ne couvre plus toute l’étendue
de
la conscience humaine… Car notre volonté n’est plus de conquérir, mai
2067
conscience humaine… Car notre volonté n’est plus
de
conquérir, mais seulement d’assurer la vie du plus grand nombre contr
2068
e volonté n’est plus de conquérir, mais seulement
d’
assurer la vie du plus grand nombre contre les créations catastrophiqu
2069
epuis peu. Nous essayons, mais en phrases banales
de
moralistes tardivement ressaisis, d’évaluer les conquêtes futures. Si
2070
ases banales de moralistes tardivement ressaisis,
d’
évaluer les conquêtes futures. Signe évident que nous les redoutons. (
2071
r à la mort, comme à tout acte créateur, le moins
de
chances. Un vaste système d’assurances s’étend sur toutes nos activit
2072
e créateur, le moins de chances. Un vaste système
d’
assurances s’étend sur toutes nos activités : plans et pactes, statist
2073
tes nos activités : plans et pactes, statistiques
de
l’imprévu, eugénisme et longévité, clercs au pas ou stérilisés, guerr
2074
: cet effort est contre nature. Il naît au déclin
de
la vie, et fatalement se retourne contre elle. Nous voulons échapper
2075
mais c’est peut-être le meilleur ou le seul moyen
d’
anticiper sa fin : la fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut qu
2076
se peut que l’assurance mondiale que nous tentons
d’
organiser, aménage notre ruine collective : lorsque la terre entière s
2077
tière soumise au seul pouvoir du chiffre dépendra
d’
une centrale unique, il suffira que l’Ange de la Fin saisisse les comm
2078
ndra d’une centrale unique, il suffira que l’Ange
de
la Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous serons
2079
re attente faiblit. La primitive Église, au début
de
notre ère, vivait dans la pensée de la fin imminente. Mais parmi nous
2080
ise, au début de notre ère, vivait dans la pensée
de
la fin imminente. Mais parmi nous, qui avons cru pouvoir éliminer cet
2081
ons cru pouvoir éliminer cette dimension tragique
de
notre vie, voici qu’un destin ironique se charge de l’approfondir. No
2082
notre vie, voici qu’un destin ironique se charge
de
l’approfondir. Non pas le temps, mais notre œuvre elle-même. Pour la
2083
’histoire du monde, nous pouvons calculer le prix
de
revient d’une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de
2084
u monde, nous pouvons calculer le prix de revient
d’
une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nat
2085
ons calculer le prix de revient d’une destruction
de
l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertis
2086
evient d’une destruction de l’humanité : la somme
de
nos budgets de Défense nationale. Avertissement Votre refuge es
2087
struction de l’humanité : la somme de nos budgets
de
Défense nationale. Avertissement Votre refuge est dans la masse
2088
pas mourir, et il est vrai qu’elle ne possède pas
de
vie réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut être
2089
pensée, et l’homme en elle reste à peu près dénué
de
réalité, jusqu’au jour où la Fin le pense. Et c’est là son tragique e
2090
in le pense. Et c’est là son tragique et l’humour
de
la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la présence étern
2091
réel, tout ce qui manifeste la présence éternelle
de
la Fin, tout ce qui donne un sens d’éternité à vos singeries, vous l’
2092
ce éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens
d’
éternité à vos singeries, vous l’appelez exagéré, démesuré. Écoutez-mo
2093
révéler tels qu’ils sont, où qu’ils soient. Plus
d’
évasions spirituelles. L’homme fuyant la Terre où le diable sévit, se
2094
et découvre que Dieu y est plus dangereux encore,
d’
une autre sorte, fulgurante. Péripétie La scène du monde vient d
2095
du monde vient de passer à une vaste conversation
de
la mort, sur les places et dans les grands cafés, aux lieux de popula
2096
ur les places et dans les grands cafés, aux lieux
de
populace et de parole rapide. Peut-être le soleil éteint se promène-t
2097
t dans les grands cafés, aux lieux de populace et
de
parole rapide. Peut-être le soleil éteint se promène-t-il depuis quel
2098
ité méprisante… Mais la majorité sut garder l’air
de
ne pas croire à sa mort proche, — cet air petit. On en reviendrait bi
2099
proche, — cet air petit. On en reviendrait bien,
de
cette fin du monde ! Car sinon tout apparaissait d’une indécence inex
2100
cette fin du monde ! Car sinon tout apparaissait
d’
une indécence inexprimable. Depuis bientôt mille ans, l’An Mil était p
2101
prix de cela justement qu’il n’était point permis
d’
imaginer. Celui dont les belles manières sont apprises souffre mal qu’
2102
s peu d’entre eux possédaient la pleine assurance
de
l’être. L’Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résult
2103
édaient la pleine assurance de l’être. L’Institut
de
l’opinion planétaire publia les premiers résultats d’une enquête-écla
2104
’opinion planétaire publia les premiers résultats
d’
une enquête-éclair : il s’agissait d’une névrose collective, d’une pou
2105
rs résultats d’une enquête-éclair : il s’agissait
d’
une névrose collective, d’une poussée subite de l’instinct de mort. On
2106
-éclair : il s’agissait d’une névrose collective,
d’
une poussée subite de l’instinct de mort. On proposait une cure des ma
2107
it d’une névrose collective, d’une poussée subite
de
l’instinct de mort. On proposait une cure des masses et la nationalis
2108
se collective, d’une poussée subite de l’instinct
de
mort. On proposait une cure des masses et la nationalisation des écol
2109
cure des masses et la nationalisation des écoles
de
psychanalyse. Un théologien répondit : — L’affection de la chair, c’e
2110
chanalyse. Un théologien répondit : — L’affection
de
la chair, c’est la mort. Saint Paul l’a vu bien avant Freud, et mieux
2111
eud, et mieux. Il entendait par « chair » le tout
de
l’homme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’est point que n
2112
e la chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne
de
la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mo
2113
l’élan mortel. Car il ne vient pas de nous, mais
d’
En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui n’était pour nous qu’u
2114
— notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus
de
l’instant éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’acte de ce oui,
2115
t éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’acte
de
ce oui, se manifeste au Jour de tous les jours. Comme il parlait enco
2116
tière dans l’acte de ce oui, se manifeste au Jour
de
tous les jours. Comme il parlait encore, une lueur d’aube apparut et
2117
ous les jours. Comme il parlait encore, une lueur
d’
aube apparut et grandit autour d’eux. Toutes choses replongées dans la
2118
ncore, une lueur d’aube apparut et grandit autour
d’
eux. Toutes choses replongées dans la stupeur originelle, toutes créat
2119
es créatures livrées d’un seul coup à la violence
de
l’acte décisif, nous allons voir paraître enfin leur justification, l
2120
supporter, le seul Amour apparaissant qui menace
d’
être insoutenable : il nous trouve sans préparation. L’on ne s’était d
2121
uve sans préparation. L’on ne s’était défendu que
de
l’autre côté, du côté de ce monde mal fait… Parut un soleil nouveau.
2122
yeux devenaient forts et s’attendaient à l’éclat
d’
une lueur encore plus vive. Par degré le Grand Jour éclatait, toujours
2123
quelle contenance prendre. Et la lumière ne cesse
de
grandir. Ils tombent déjà par rangs entiers, aveuglés et cloués sur p
2124
iers, aveuglés et cloués sur place par l’évidence
de
l’amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent de marcher, riant
2125
amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent
de
marcher, riant de joie aux paliers du matin, s’avançant vers Midi ave
2126
elques-uns cependant continuent de marcher, riant
de
joie aux paliers du matin, s’avançant vers Midi avec le naturel de ce
2127
rs du matin, s’avançant vers Midi avec le naturel
de
ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers
2128
s Midi avec le naturel de ceux qui ont la coutume
de
la Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’agrandissement
2129
utinrent les derniers soleils et l’agrandissement
de
la lumière jusqu’aux limites de sa perfection, où tout ce qui voit éc
2130
l’agrandissement de la lumière jusqu’aux limites
de
sa perfection, où tout ce qui voit éclaire aussi, où tout œil rend ce
2131
second jugement. Chaque homme poussé à la limite
de
son expression, et chaque homme forcé à l’extrémité de son choix, cri
2132
n expression, et chaque homme forcé à l’extrémité
de
son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout entière dans
2133
rcé à l’extrémité de son choix, cria le « terme »
de
sa vie, la proféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’étern
2134
nse unique à l’éternelle sommation, somme absolue
de
ses journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son
2135
nelle sommation, somme absolue de ses journées et
de
ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses ref
2136
n, somme absolue de ses journées et de ses nuits,
de
ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses ave
2137
e ses journées et de ses nuits, de ses pensées et
de
ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa t
2138
et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes,
de
son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est
2139
, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir,
de
ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut
2140
es et de ses gestes, de son savoir, de ses refus,
de
ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée l’inc
2141
de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements,
de
sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée l’incomparable qualité de
2142
est ainsi que fut déclarée l’incomparable qualité
de
son péché et mesuré le degré d’être de son être tel qu’il l’avait lib
2143
omparable qualité de son péché et mesuré le degré
d’
être de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’exam
2144
le qualité de son péché et mesuré le degré d’être
de
son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’examen des
2145
librement fait en le vivant. L’examen des raisons
de
survivre et leur introduction au titre de l’éternité occupèrent moins
2146
raisons de survivre et leur introduction au titre
de
l’éternité occupèrent moins de temps qu’on n’imagine. La procédure ét
2147
roduction au titre de l’éternité occupèrent moins
de
temps qu’on n’imagine. La procédure était, en effet, des plus simples
2148
effet, des plus simples. — Témoignez, disait-on,
de
la vie que vous possédez. Quel est votre plus vrai désir ? Les sages
2149
ient en présence de la banalité soudain flagrante
de
leurs vœux, et, finalement, murmuraient d’une voix faible : — Vous sa
2150
grante de leurs vœux, et, finalement, murmuraient
d’
une voix faible : — Vous savez sans doute mieux que moi. Ils renaîtrai
2151
. Ils renaîtraient plantes heureuses, par l’effet
de
quelque pitié. Un homme vint, comme viennent les somnambules, le corp
2152
sement nu. Il désirait un palais vide à la mesure
de
sa tristesse. Il devint donc une tristesse errante, empruntant la for
2153
as, et des lunettes bourrues au-dessus du sourire
de
la plus fervente ironie ? Qu’est-ce qu’il grommelle sous son chapeau
2154
onie ? Qu’est-ce qu’il grommelle sous son chapeau
de
paille ?14 « Qu’il voudrait subsister dans ce moment du choix qu’on l
2155
sein d’un tel choix, je m’approche insondablement
de
Celui qui d’un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’un vertige
2156
choix, je m’approche insondablement de Celui qui
d’
un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’un vertige à ce discours
2157
qui d’un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis
d’
un vertige à ce discours d’une furieuse démesure, mais il y eut alors
2158
Nous fûmes tous saisis d’un vertige à ce discours
d’
une furieuse démesure, mais il y eut alors comme un silence qui s’impo
2159
nant seul et purifié, l’on put entendre le choral
d’
une angélique hilarité. Et nous sûmes que cet homme était très grand.)
2160
air a son temps, tout esprit son essor. Et chacun
de
nous accède au destin qu’il s’est fait, à la parfaite possession de s
2161
destin qu’il s’est fait, à la parfaite possession
de
soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans la consommation de tout son
2162
, à son enfer ou à son ciel, dans la consommation
de
tout son être, au faîte inconcevable du désir comblé, et comblé pour
2163
Viens ! à celui qui porte avec soi la rétribution
de
nos œuvres » — elle est en Lui, non dans nos œuvres. Commence l’œuvr
2164
elui qui a soif vienne, que celui qui veut prenne
de
l’eau de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout e
2165
a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau
de
la vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout est gratui
2166
armonie violente et bienheureuse du mot sacrement
de
toute la création, son terme monumental à la gloire du Dieu Tout-Puis
2167
rd, d’après une caricature. aa. Rougemont Denis
de
, « La fin du monde », Fontaine, Paris, juin 1946, p. 7-16.
2168
ficulté que nous éprouvons tous. Un cabinet privé
de
ministère des Affaires étrangères nous paraît comme puni et humilié ;
2169
paraît comme puni et humilié ; et sans ministère
de
la Guerre, il nous paraît dépourvu de sérieux. Or, le gouvernement mo
2170
s ministère de la Guerre, il nous paraît dépourvu
de
sérieux. Or, le gouvernement mondial devrait se passer de ces deux mi
2171
ux. Or, le gouvernement mondial devrait se passer
de
ces deux ministères, en vertu de sa définition. De plus, comment imag
2172
ition. De plus, comment imaginer un pouvoir digne
de
ce nom, s’il ne trouvait personne en face de lui avec qui échanger de
2173
’honneur du pays est en jeu, qu’on ne cédera plus
d’
une ligne, etc. ? Pour tout dire, pas de voisins, donc personne à qui
2174
dera plus d’une ligne, etc. ? Pour tout dire, pas
de
voisins, donc personne à qui faire la guerre ? À quoi cela ressembler
2175
e », et qui provoque ces magnifiques mouvements «
d’
union sacrée » où chacun s’écria dans sa langue « right or wrong, my c
2176
? Ne me dites pas non : votre première idée a été
de
supposer une guerre. Et cela pour essayer de vous mieux représenter c
2177
été de supposer une guerre. Et cela pour essayer
de
vous mieux représenter ce qu’un pouvoir planétaire pourrait bien fair
2178
r ce qu’un pouvoir planétaire pourrait bien faire
de
ses dix doigts… Pas de nations sans guerres avec d’autres nations. Je
2179
étaire pourrait bien faire de ses dix doigts… Pas
de
nations sans guerres avec d’autres nations. Je perdrais mon temps et
2180
vous ne voyez pas — car il supposerait une sorte
de
nation unique, sans voisins, donc sans guerre possible — cela revient
2181
straction, c’est-à-dire, soyons francs, le comble
de
l’ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse »… À propos de cette
2182
re expression, avez-vous remarqué qu’on l’emploie
de
préférence pour dénigrer des projets de paix ? Pour qui sont-ils donc
2183
l’emploie de préférence pour dénigrer des projets
de
paix ? Pour qui sont-ils donc si dangereux ? Avez-vous également rema
2184
prennent la plume (comme ils disent) ont coutume
de
dénoncer sous le nom d’« élément de désordre » les partisans de la pa
2185
e ils disent) ont coutume de dénoncer sous le nom
d’
« élément de désordre » les partisans de la paix en général ? Ces gens
2186
) ont coutume de dénoncer sous le nom d’« élément
de
désordre » les partisans de la paix en général ? Ces gens-là leur par
2187
us le nom d’« élément de désordre » les partisans
de
la paix en général ? Ces gens-là leur paraissent, évidemment, d’une m
2188
énéral ? Ces gens-là leur paraissent, évidemment,
d’
une moralité douteuse. Quant aux lance-flammes et aux bombardiers lour
2189
s lourds, et quant à ceux qui donneront le signal
de
les utiliser au service des nations, gouvernants tout d’abord et géné
2190
généraux ensuite, ils représentent les « éléments
d’
ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir l’état présent de l’Euro
2191
éléments d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit
de
voir l’état présent de l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre é
2192
n’en pas douter. Il suffit de voir l’état présent
de
l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était le pire désordre i
2193
e pour une vertu, étaient les véritables éléments
de
désordre ; et que l’utopie la plus dangereuse était la théorie de la
2194
que l’utopie la plus dangereuse était la théorie
de
la souveraineté sans limites des nations. C’était trop simple. Un col
2195
ites des nations. C’était trop simple. Un colonel
de
cavalerie à qui vous fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort de
2196
ous fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort
de
la guerre militaire par suite de l’invention de la bombe atomique, m’
2197
t de la guerre militaire par suite de l’invention
de
la bombe atomique, m’écrit que je suis un primaire. Il m’assure que «
2198
i est bien la preuve que j’ai tort, et d’ailleurs
de
n’importe quoi. Il ajoute que ma lettre, dans sa forme, est « netteme
2199
est « nettement péjorative vis-à-vis de l’armée,
de
la cavalerie en particulier », bref que je suis un « élément de désor
2200
e en particulier », bref que je suis un « élément
de
désordre ». Ce colonel m’a donné une idée. En reposant sa lettre je m
2201
uis écrié : « Vivement la Bombe ! Suprême élément
d’
ordre ! » Et ne croyez pas que je plaisantais. Car la Bombe seule peut
2202
sser des armées, des souverainetés nationales, et
de
l’anarchie qu’elles entretiennent sur la planète. Je dis que la Bombe
2203
a planète. Je dis que la Bombe peut nous délivrer
de
deux manières : soit en faisant sauter le tout, soit en nous forçant
2204
lisation et la culture y perdraient quelque chose
de
précieux. Nous serions tous fondus dans un magma informe de races, de
2205
x. Nous serions tous fondus dans un magma informe
de
races, de langues, de religions et de coutumes, et toutes les différe
2206
rions tous fondus dans un magma informe de races,
de
langues, de religions et de coutumes, et toutes les différences qui f
2207
ondus dans un magma informe de races, de langues,
de
religions et de coutumes, et toutes les différences qui font le goût
2208
gma informe de races, de langues, de religions et
de
coutumes, et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évan
2209
tumes, et toutes les différences qui font le goût
de
la vie s’évanouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je n’appel
2210
s. Je n’appelle pas le chaos. Je cherche un moyen
de
l’éviter, ou plutôt d’en sortir un peu, car nous y sommes déjà bien e
2211
chaos. Je cherche un moyen de l’éviter, ou plutôt
d’
en sortir un peu, car nous y sommes déjà bien engagés. Ce sont les gue
2212
i produisent les guerres… Mais je vois que ce mot
de
nation a créé entre nous une équivoque. Il a deux sens bien différent
2213
parlé que du mauvais, jusqu’ici, parce que c’est
de
beaucoup le plus courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a de
2214
e que c’est de beaucoup le plus courant. Essayons
de
les distinguer. Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fai
2215
courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a
de
précieux dans les nations, ce qui fait leur véritable originalité, n’
2216
z ces trois éléments qui composent l’idée moderne
de
nation, et les nations réelles subsisteront intactes, comme membres d
2217
les subsisteront intactes, comme membres du corps
de
l’humanité, comme foyers de rayonnement, et comme communauté de gens
2218
omme membres du corps de l’humanité, comme foyers
de
rayonnement, et comme communauté de gens apparentés, soit par leurs t
2219
comme foyers de rayonnement, et comme communauté
de
gens apparentés, soit par leurs traditions, soit par leurs idéaux, c’
2220
oyez-vous sérieusement que les Français cesseront
de
parler français, de créer leur culture, et d’habiter paisiblement leu
2221
nt que les Français cesseront de parler français,
de
créer leur culture, et d’habiter paisiblement leur terre, si la Franc
2222
ont de parler français, de créer leur culture, et
d’
habiter paisiblement leur terre, si la France renonce un beau jour, en
2223
pas que si le gouvernement français n’a plus rien
d’
autre à faire qu’administrer le pays, il sera un meilleur gouvernement
2224
d’hui les nations, dans le sens valable et fécond
de
ce mot, c’est qu’elles tendent à se confondre avec l’État, et c’est l
2225
la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés,
de
se rendre autarciques en vue d’une guerre possible, soit qu’ils redou
2226
ons ainsi formés, de se rendre autarciques en vue
d’
une guerre possible, soit qu’ils redoutent ou souhaitent cette éventua
2227
lité. L’État détruit nécessairement l’originalité
d’
une nation, lorsqu’il prétend réglementer ses énergies d’après un modè
2228
ergies d’après un modèle uniforme, qu’il s’agisse
d’
une nation latine ou anglo-saxonne, socialiste ou capitaliste. Ce modè
2229
e, socialiste ou capitaliste. Ce modèle est celui
de
l’État totalitaire, qui est l’état de guerre en permanence. Ainsi l’e
2230
e est celui de l’État totalitaire, qui est l’état
de
guerre en permanence. Ainsi l’ennemi des nations c’est l’État ; et le
2231
le contraire prennent le mot patrie dans le sens
de
nation, le mot nation dans le sens d’État, le mot État dans le sens d
2232
ans le sens de nation, le mot nation dans le sens
d’
État, le mot État dans le sens de souverain, dont ils font finalement
2233
ion dans le sens d’État, le mot État dans le sens
de
souverain, dont ils font finalement un dieu, créant d’horribles confu
2234
uverain, dont ils font finalement un dieu, créant
d’
horribles confusions d’idées, qui se terminent en carnages périodiques
2235
finalement un dieu, créant d’horribles confusions
d’
idées, qui se terminent en carnages périodiques. Autre exemple. Pourqu
2236
es. Autre exemple. Pourquoi n’est-il question que
de
« nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’intérieur des frontières
2237
ertains pays ont préféré payer le prix exorbitant
de
l’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état de faire la guerre, e
2238
ayer le prix exorbitant de l’autarcie, plutôt que
de
se mettre hors d’état de faire la guerre, en se liant à des économies
2239
itant de l’autarcie, plutôt que de se mettre hors
d’
état de faire la guerre, en se liant à des économies voisines. Mais re
2240
e l’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état
de
faire la guerre, en se liant à des économies voisines. Mais remarquez
2241
re tirer parti du prestige qui s’attache à l’idée
de
nation… En fait, on étatise la nation. Que penser de ces États-nation
2242
nation… En fait, on étatise la nation. Que penser
de
ces États-nations, de plus en plus nombreux, qui se referment sur eux
2243
êmes et sur leur budget militaire, qui se bardent
de
protections à la frontière, comme autrefois, en attendant que la Bomb
2244
e la France, par exemple, est entrée dans la voie
de
l’étatisme parce qu’elle veut la justice sociale, et que cela n’a rie
2245
des motifs que des effets inéluctables. Le désir
de
justice sociale est une noble passion, la socialisation de l’industri
2246
e sociale est une noble passion, la socialisation
de
l’industrie est une mesure économique partiellement souhaitable, mais
2247
e partiellement souhaitable, mais je ne leur vois
de
commun, à priori, que trois syllabes. Cependant l’on revendique la so
2248
ntient ces trois syllabes sacrées, et l’on traite
de
fasciste celui qui demande à voir. (La prochaine fois que vous oserez
2249
nationalisation pour masquer le fait qu’il s’agit
d’
une étatisation. Je n’en ai qu’au cadre national. Introduisez dans cet
2250
s cette broyeuse automatique qu’est l’État-nation
de
la démocratie ou marxisme, des idées libérales ou du planisme, ou mêm
2251
bérales ou du planisme, ou même une belle passion
de
la justice sociale, le résultat sera le même : à l’autre bout, vous o
2252
btiendrez du totalitarisme en bâtons et une grêle
de
coups. Je suis sérieux. Le socialisme, non pas en soi, mais construit
2253
écessairement à l’État totalitaire, donc à l’état
de
guerre larvé ou déclaré, qui est le pire des crimes sociaux. On ne so
2254
qui est le pire des crimes sociaux. On ne sortira
de
ce cercle vicieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre, ou la pro
2255
ts-nations. Par quel moyen ? En remettant le soin
de
diriger les affaires internationales à des hommes qui ne représentent
2256
ifiés pour arbitrer. Autrement ce n’est qu’un jeu
de
force, et le premier qui tire aura gagné, quel que soit le mordant de
2257
ier qui tire aura gagné, quel que soit le mordant
de
l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas d’adversa
2258
ue soit le mordant de l’infanterie ou la bravoure
de
votre colonel. Il n’aura pas d’adversaires à combattre à 2000 kilomèt
2259
ie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas
d’
adversaires à combattre à 2000 kilomètres à la ronde, sauf s’il saute
2260
i bien cela dans la tête.) z. Rougemont Denis
de
, « Deux lettres sur le gouvernement mondial », Mondes, Paris, 4 juin
2261
Américain croit à la vie, le Français aux raisons
de
vivre (19 juillet 1946)ab Pendant que vous avez encore quelques Am
2262
Amérique encore me tient par tout ce que je viens
d’
y vivre en six années, livrons-nous au petit jeu de société mondiale q
2263
’y vivre en six années, livrons-nous au petit jeu
de
société mondiale qu’est la comparaison des peuples deux à deux. Jeu p
2264
grandes questions du siècle est sans doute celle
de
ne point laisser nos moyens matériels de transport distancer la consc
2265
te celle de ne point laisser nos moyens matériels
de
transport distancer la conscience humaine, trop étroitement liée aux
2266
ils accueillent un étranger Le grand bourgeois
de
Paris et ses fils, lorsqu’ils rencontrent une tête nouvelle, ne souri
2267
guère. Ils tendent une main précise, accompagnée
d’
un regard qui jauge cet adversaire ou ce partenaire possible. Qui va p
2268
r enfin libre cours à ses puissances instinctives
de
cordialité et d’hospitalité. Comment ils deviennent amis À la d
2269
rs à ses puissances instinctives de cordialité et
d’
hospitalité. Comment ils deviennent amis À la deuxième rencontre
2270
rénom, vous raconte sa vie sentimentale et l’état
de
ses affaires, enfin vous invite pour un week-end. Pendant vingt ans,
2271
x écrit sur l’amitié que les moralistes français,
de
Montaigne à Paul Valéry. Tandis qu’en Amérique, il vous arrive souven
2272
ry. Tandis qu’en Amérique, il vous arrive souvent
de
vous sentir seul au monde en connaissant tout le monde. La rançon d’u
2273
au monde en connaissant tout le monde. La rançon
d’
une intimité trop rapide et superficielle, c’est la facilité avec laqu
2274
qu’on est devenu, on rit, on boit, on ne s’étonne
de
rien, tout glisse et passe, il y a tant d’êtres sur la terre, tant de
2275
étonne de rien, tout glisse et passe, il y a tant
d’
êtres sur la terre, tant de hasards, tant de manières de vivre, de bon
2276
s sur la terre, tant de hasards, tant de manières
de
vivre, de bonnes et de mauvaises fortunes, par chance… Le sourire lar
2277
erre, tant de hasards, tant de manières de vivre,
de
bonnes et de mauvaises fortunes, par chance… Le sourire large des Amé
2278
hasards, tant de manières de vivre, de bonnes et
de
mauvaises fortunes, par chance… Le sourire large des Américains dissi
2279
; mais il y a d’autre part trente-six « stocks »
d’
immigrants, et trente-six églises différentes, sous-églises, sectes et
2280
eligieux. Mais les Américains changent facilement
d’
église, selon leur domicile ou leur cercle d’amis, tandis que le Franç
2281
ment d’église, selon leur domicile ou leur cercle
d’
amis, tandis que le Français donne l’impression qu’il ne changerait pa
2282
s donne l’impression qu’il ne changerait pas plus
de
parti que de passé. Comment ils inventent Un ingénieur français
2283
ression qu’il ne changerait pas plus de parti que
de
passé. Comment ils inventent Un ingénieur français, débarquant
2284
struisait, l’Amérique a produit quelques milliers
d’
appareils plus lourds et plus lents, qui n’ont d’autre avantage que de
2285
d’appareils plus lourds et plus lents, qui n’ont
d’
autre avantage que de fonctionner sur toutes les grandes lignes du mon
2286
rds et plus lents, qui n’ont d’autre avantage que
de
fonctionner sur toutes les grandes lignes du monde. Curieuse impatien
2287
tteint et dépassé, c’est comme si tous les avions
de
série étaient déjà faits ; il en est fatigué d’avance, et passe à l’i
2288
s de série étaient déjà faits ; il en est fatigué
d’
avance, et passe à l’invention suivante. Vue d’Amérique, l’Europe appa
2289
ué d’avance, et passe à l’invention suivante. Vue
d’
Amérique, l’Europe apparaît comme une petite région de la planète prop
2290
érique, l’Europe apparaît comme une petite région
de
la planète proprement stupéfiante par la densité de ses inventions, t
2291
la planète proprement stupéfiante par la densité
de
ses inventions, tandis que l’Amérique vue d’Europe stupéfie par sa pr
2292
sité de ses inventions, tandis que l’Amérique vue
d’
Europe stupéfie par sa production standardisée. C’est que l’Européen s
2293
e l’Européen s’ennuie plus vite et supporte moins
de
s’ennuyer. Tandis que l’Américain se contente plus longtemps des même
2294
e plus longtemps des mêmes idées, des mêmes types
d’
appareils, parce qu’il les utilise vraiment, parce qu’il en vit, et qu
2295
fondément sérieux, c’est même à mon avis l’espèce
d’
homme la plus sérieuse de la planète. Cependant ses chansons, son théâ
2296
même à mon avis l’espèce d’homme la plus sérieuse
de
la planète. Cependant ses chansons, son théâtre d’avant-guerre, ses r
2297
e la planète. Cependant ses chansons, son théâtre
d’
avant-guerre, ses romans à succès et ses produits d’exportation, humai
2298
avant-guerre, ses romans à succès et ses produits
d’
exportation, humains ou commerciaux, le font passer pour plus léger qu
2299
ir. Il a fallu le général de Gaulle et les récits
de
la Résistance pour que certains Américains pressentent enfin que la F
2300
enfin que la France est le pays du sérieux sobre,
de
l’intransigeance réaliste, des provinciaux vêtus de noir — « le noir,
2301
l’intransigeance réaliste, des provinciaux vêtus
de
noir — « le noir, la couleur nationale ! » s’écrie un personnage de G
2302
r, la couleur nationale ! » s’écrie un personnage
de
Giraudoux — sans parler des débats sur la laïcité ou les écoles confe
2303
ur dix, bien plus près du Méridional par son goût
de
l’exagération — Tartarin serait bien épaté — son humeur communicative
2304
son insouciance lyrique. Ses chansons déchirantes
de
sentimentalisme ne traduisent que ses rêveries, dans un style emprunt
2305
n toute simplicité, on divorce pour des questions
de
cuisine, on se console vite, on n’admet pas la jalousie. Le « réalism
2306
avec les mœurs des Européens qu’on perd l’espoir
de
jamais faire comprendre les uns aux autres. L’ordre des valeurs moral
2307
eurs morales me semble s’inverser lorsqu’on passe
d’
un continent à l’autre. Un seul exemple : en Europe, la longue durée d
2308
tre. Un seul exemple : en Europe, la longue durée
d’
une liaison l’officialise presque ; en Amérique, c’est elle qui fait s
2309
terre des cathédrales, on demande à Le Corbusier
de
bâtir des églises en verre et en ciment : je me souviens du temple pr
2310
t en ciment : je me souviens du temple protestant
de
Drancy, et de vingt églises en style aérodynamique construites par le
2311
je me souviens du temple protestant de Drancy, et
de
vingt églises en style aérodynamique construites par les Allemands av
2312
hédrales européennes. Et les résidences luxueuses
de
la campagne ou de la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de
2313
es. Et les résidences luxueuses de la campagne ou
de
la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor, de s
2314
la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud —
de
style Tudor, de style Renaissance, de style hollandais ou espagnol… P
2315
égulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor,
de
style Renaissance, de style hollandais ou espagnol… Par contre, les c
2316
ns le Sud — de style Tudor, de style Renaissance,
de
style hollandais ou espagnol… Par contre, les cottages américains ont
2317
ntre, les cottages américains ont infiniment plus
d’
originalité, de diversité et d’élégance, que les maisons bourgeoises e
2318
ges américains ont infiniment plus d’originalité,
de
diversité et d’élégance, que les maisons bourgeoises en France. Quant
2319
nt infiniment plus d’originalité, de diversité et
d’
élégance, que les maisons bourgeoises en France. Quant aux gratte-ciel
2320
ou non L’Américain ne pardonne pas une erreur
de
2 cents dans un compte, mais se trompe joyeusement d’un pays quand il
2321
cents dans un compte, mais se trompe joyeusement
d’
un pays quand il bombarde, d’un siècle quand il cite l’histoire, d’un
2322
e trompe joyeusement d’un pays quand il bombarde,
d’
un siècle quand il cite l’histoire, d’un ordre spirituel quand il crit
2323
l bombarde, d’un siècle quand il cite l’histoire,
d’
un ordre spirituel quand il critique un livre. Ce qu’il ne tolère pas,
2324
cisément où le Français le considère comme allant
de
soi, j’entends vis-à-vis de l’État. Quand vous entrez en Amérique, on
2325
t. Quand vous entrez en Amérique, on vous demande
de
remplir des questionnaires comportant des questions de ce genre : « B
2326
mplir des questionnaires comportant des questions
de
ce genre : « Buvez-vous ? Modérément ? À l’excès ? Fumez-vous ? Avez-
2327
s ? Avez-vous d’autres vices ? Êtes-vous partisan
de
doctrines tendant au renversement des institutions américaines ? » Vo
2328
tard prouve que vous l’êtes, l’amende ou la peine
de
prison seront triplées. Tout repose ici sur la parole donnée, seul fo
2329
t repose ici sur la parole donnée, seul fondement
d’
une réelle démocratie. Comment ils se battent Voici le contraste
2330
entre l’Ancien et le Nouveau Monde : leur manière
de
réagir à la souffrance. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le
2331
ière de réagir à la souffrance. Prenons l’exemple
de
la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dulce et deco
2332
que dulce et decorum est pro patria mori, accepte
de
se faire tuer non point par fanatisme, religieux, comme le Japonais,
2333
asi sportif comme l’Américain, mais par une sorte
de
fatalisme inconscient. (Je ne parle pas du héros, mais du troupier mo
2334
ésidu des plus solennelles traditions religieuses
de
l’Occident. C’est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’enn
2335
C’est pourquoi les Français avancent sous le feu
de
l’ennemi, tandis que les Américains s’assurent d’abord — quitte à pay
2336
e prix qu’il faut en matériel — que les batteries
d’
en face ont été écrasées. Cette folie apparente de l’Européen dénote u
2337
d’en face ont été écrasées. Cette folie apparente
de
l’Européen dénote un certain degré de spiritualité, car l’esprit se n
2338
e apparente de l’Européen dénote un certain degré
de
spiritualité, car l’esprit se nourrit de sacrifices. Tandis que le bo
2339
in degré de spiritualité, car l’esprit se nourrit
de
sacrifices. Tandis que le bon sens américain trahit une certaine igno
2340
t une certaine ignorance des conditions premières
de
la vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie m
2341
la vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons
de
vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’inverse. Je compare
2342
être aimé ne le souhaite. ab. Rougemont Denis
de
, « L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre », Te
2343
Américain croit à la vie, le Français aux raisons
de
vivre », Temps présent, Paris, 19 juillet 1946, p. 1-2. ac. Sous-tit
2344
ains » (24 août 1946)ae J’ai un certain nombre
d’
ouvrages qui vont paraître en même temps, ce qu’explique aisément ma l
2345
temps, ce qu’explique aisément ma longue absence
de
six ans. D’abord, chez Stock : Vivre en Amérique . C’est un recueil
2346
hez Stock : Vivre en Amérique . C’est un recueil
de
tous mes articles sur les États-Unis, parus dans Carrefour , Le Fig
2347
efour , Le Figaro , Le Littéraire et le Journal
de
Genève . Chez Gallimard : mes Lettres sur la bombe atomique , qui pa
2348
k en 1940 af et en 1944. Il s’agit, bien entendu,
de
la version définitive. Les Personnes du drame . Ce sont des essais
2349
e anniversaire. D’autre part, quelques rééditions
d’
ouvrages qui, à cause de leur faible tirage et des circonstances où il
2350
in Michel, Penser avec les mains et le Journal
d’
un intellectuel en chômage . Aux Éditions « Je sers » : Politique de
2351
n chômage . Aux Éditions « Je sers » : Politique
de
la personne , qui, publié il y a douze ans, obtint un vif succès en H
2352
J’en ai environ dix-huit ! ae. Rougemont Denis
de
, « [Réponse à une enquête] Les travaux des écrivains », Le Figaro lit
2353
ris, 24 août 1946, p. 2. af. La première version
de
cet ouvrage est parue en 1942, et non en 1940.
2354
Mémoire
de
l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)ah Je n
2355
is parmi les signes. Sédiments séculaires, socles
de
nos patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’é
2356
ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier
de
nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée
2357
s qui tournaient doucement vers une place plantée
d’
arbres et déserte, aux rendez-vous manqués où je me retrouvais… « Je t
2358
. J’aime ! » J’ai tout dit. L’Europe était patrie
d’
amour. Le silence attendait, l’absence était profonde, et chaque être
2359
questionnait, répondait. La force était au secret
de
nos vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la con
2360
ne obscure, ou bien dans la contemplation jalouse
d’
un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et not
2361
e d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps
de
notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait
2362
e était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin
d’
une journée qui se liait aux autres… (Quand ta force devient visible,
2363
ceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté
d’
un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… ⁂ Quand je m
2364
é d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs
de
l’amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe
2365
nt de morts dans la présence, elle ne cessera pas
d’
engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. ah. Rougemont Denis de, « Mémo
2366
elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise
d’
avenir. ah. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’Europe (écrit en Amé
2367
Elle a maîtrise d’avenir. ah. Rougemont Denis
de
, « Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) », Suisse contemp
2368
se d’avenir. ah. Rougemont Denis de, « Mémoire
de
l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) », Suisse contemporaine, Lausan
2369
mbre 1940 Blanche et bleue dans l’immense lumière
de
la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquant et ses rues dé
2370
uons pour l’Amérique. Mais ici je fais le serment
d’
opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la vie, toujo
2371
ser une stricte mémoire à la candeur intarissable
de
la vie, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore cont
2372
candeur intarissable de la vie, toujours pressée
d’
imaginer un monde où tout peut encore continuer. Je viens de voir une
2373
le peut mourir. Durant cette traversée en autocar
de
Genève aux Pyrénées, pendant deux jours, j’ai vu la France toute pare
2374
il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne
de
cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le dém
2375
ait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et
d’
esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le
2376
’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit, incapable
de
retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai
2377
iaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières
de
la Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant des terres abandonné
2378
bandonnées du Nord et que nos paysans s’efforcent
d’
arrêter avant qu’elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les
2379
renaître les paniques dévastatrices du ve siècle
de
notre ère. Et je songe au bastion que mon pays élève, nuit et jour, a
2380
rd, cœur mystérieux du continent, dernier symbole
d’
une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous,
2381
ommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai
de
grâce ! À bord de l’Exeter, 11 septembre 1940 Les derniers barrages t
2382
on peut imaginer que la police renoncera au viol
de
notre vie privée. Pourtant, certains des passagers gardent encore l’a
2383
tant, certains des passagers gardent encore l’air
de
s’attendre au pire, tandis qu’ils font leur premier tour de pont. Ils
2384
dre au pire, tandis qu’ils font leur premier tour
de
pont. Ils se rappellent sans doute ce Polonais, tiré, jeté par la pol
2385
frontière — à deux-cents mètres — du Portugal et
de
la liberté. Car tel est le sadisme policier. Nous venons de passer, e
2386
policier. Nous venons de passer, en quatre jours
de
voyage, sept contrôles différents de douane et de police. Secondés pa
2387
quatre jours de voyage, sept contrôles différents
de
douane et de police. Secondés par la chance, nous n’y avons passé, si
2388
de voyage, sept contrôles différents de douane et
de
police. Secondés par la chance, nous n’y avons passé, si je compte bi
2389
us n’y avons passé, si je compte bien, guère plus
de
22 heures, mais le total normal est d’au moins 30, m’affirme-t-on, et
2390
guère plus de 22 heures, mais le total normal est
d’
au moins 30, m’affirme-t-on, et les « accidents » sont fréquents. Para
2391
l’homme à l’anonyme, pour le priver du sentiment
de
sa vocation, de sa différence personnelle, cependant qu’on lui demand
2392
nyme, pour le priver du sentiment de sa vocation,
de
sa différence personnelle, cependant qu’on lui demande à chaque pas d
2393
onnelle, cependant qu’on lui demande à chaque pas
de
prouver son identité. Or plus il en proteste et moins il s’en assure.
2394
ins il la ressent. Et plus il la démontre à coups
de
documents, moins il se reconnaît dans le portrait simplifié que la po
2395
t précisément à l’émigrant, à celui qui s’éloigne
de
ses bases, des réflexes de son milieu, de tout ce qui allait de soi a
2396
à celui qui s’éloigne de ses bases, des réflexes
de
son milieu, de tout ce qui allait de soi autour de lui et l’assurait
2397
éloigne de ses bases, des réflexes de son milieu,
de
tout ce qui allait de soi autour de lui et l’assurait quotidiennement
2398
t du 12 au 13 septembre 1940 Les derniers bateaux
de
la dernière ligne reliant l’Europe à l’Amérique ont tous des noms en
2399
lionnaires, ex-princes, vers leur exil. Mais moi,
de
quoi pourrais-je bien être l’ex ? Ni fugitif, ni juif, ni riche, ni d
2400
riche, ni détrôné, et ne pouvant me réclamer que
d’
une « mission de conférences » (prétexte évidemment peu convaincant) j
2401
né, et ne pouvant me réclamer que d’une « mission
de
conférences » (prétexte évidemment peu convaincant) je fais figure d’
2402
étexte évidemment peu convaincant) je fais figure
d’
ex-voyageur normal. Touriste des catastrophes, scandaleux personnage,
2403
Je crois bien que cette image m’est venue à cause
d’
une conversation entendue sur le pont cette nuit même. L’heure était f
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ui-même, avant la guerre, organisaient des dépôts
de
mitraillettes dans certaines rues stratégiques de Paris, T., ex-milit
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de mitraillettes dans certaines rues stratégiques
de
Paris, T., ex-militant de la gauche, lui répondit avec un demi-sourir
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aines rues stratégiques de Paris, T., ex-militant
de
la gauche, lui répondit avec un demi-sourire et sans retirer son mégo
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ec un demi-sourire et sans retirer son mégot, que
de
l’autre côté on savait tout cela, et qu’au surplus, on en faisait aut
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deux ex-adversaires, leurs astucieux préparatifs
de
guerre civile n’auraient été troublés que par l’attaque intempestive
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ait qu’on eût moins brillamment prévu les choses…
De
fait, les étrangers sont toujours surprenants. On ne s’entend vraimen
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e soir, les passagers se pressent devant la porte
de
la cabine du capitaine, avec l’espoir d’entendre la radio. Tout à l’h
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la porte de la cabine du capitaine, avec l’espoir
d’
entendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais de me faufiler, R.
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ntendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais
de
me faufiler, R. s’extrait du groupe, me cède sa place, et je l’entend
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est ce que répètent dix fois par jour les usagers
de
la radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regar
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r jour les usagers de la radio. Le monde a changé
de
face sous nos yeux, mais nous le regardions de trop près : d’heure en
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gé de face sous nos yeux, mais nous le regardions
de
trop près : d’heure en heure, nous n’avons rien vu. C’est après coup,
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nos yeux, mais nous le regardions de trop près :
d’
heure en heure, nous n’avons rien vu. C’est après coup, en nous retour
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es événements. Il a dit : « Rien de nouveau, rien
d’
important… » Mais je crois avoir entendu dans le ronron nasillard qui
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voir entendu dans le ronron nasillard qui sortait
de
la petite chambre : « 165 avions allemands ont été abattus sur Londre
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Et c’est peut-être la nouvelle la plus importante
de
la guerre. Car tout tient aux Anglais, et si ce bulletin dit vrai, le
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nitive. 18 septembre 1940 Comment prévoir l’issue
de
cette guerre, lorsqu’on a remarqué qu’elle n’oppose plus que deux nat
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lais, même battus, se comportent en propriétaires
de
droit divin de la victoire en général. La seule solution « possible »
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us, se comportent en propriétaires de droit divin
de
la victoire en général. La seule solution « possible » serait donc la
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tembre 1940 Un journaliste américain, qui revient
de
Paris, s’appuie au bastingage, près de moi, et me dit en crachant dan
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les Boches sont corrects… Well… Quand un gangster
de
Chicago vous prend votre portefeuille, il vous donne quelquefois cinq
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rquer mon approbation. 20 septembre 1940, en rade
de
New York Je me suis éveillé dans ma cabine moite avec le sentiment qu
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! Couru sur le pont. Nous sommes dans les passes
de
l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit les rives. Je ne m’at
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ous sommes dans les passes de l’Hudson. Une brume
de
chaleur tropicale bleuit les rives. Je ne m’attendais pas à la nature
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à la nature américaine, à la voir la première et
de
si près, avant les gratte-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensa
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e-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensation
d’
un paysage plus étranger, mais plus étrangement accueillant. Tous ces
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mense sécurité du continent qu’on imagine au-delà
de
ces falaises orangées, frangées de forêts d’un vert sombre de luxueus
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magine au-delà de ces falaises orangées, frangées
de
forêts d’un vert sombre de luxueuse tapisserie… La rivière s’élargit
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delà de ces falaises orangées, frangées de forêts
d’
un vert sombre de luxueuse tapisserie… La rivière s’élargit et se peup
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ses orangées, frangées de forêts d’un vert sombre
de
luxueuse tapisserie… La rivière s’élargit et se peuple de mâts. Au so
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use tapisserie… La rivière s’élargit et se peuple
de
mâts. Au sommet d’une falaise qui fuit obliquement éclate une longue
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rivière s’élargit et se peuple de mâts. Au sommet
d’
une falaise qui fuit obliquement éclate une longue façade claire et ne
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. Tournant la tête vers l’avant, un peu au-dessus
de
la poupe, je viens de voir un groupe de tours serrées, presque diapha
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au-dessus de la poupe, je viens de voir un groupe
de
tours serrées, presque diaphanes dans la brume — Manhattan, comme une
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érifiée à l’instant même ! ag. Rougemont Denis
de
, « En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation », Le Figaro littérair