1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 enir de la Suisse (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’auteur de Conscience de la Suisse, c’est d’avoir osé por
2 lui de la défense du territoire, proviennent chez nous d’une incapacité congénitale à prévoir le pire, à l’admettre, et à se
3 e, à l’admettre, et à se préparer en conséquence. Nous n’avons pas encore su prendre le tempo de ce xxe siècle. C’est que n
4 su prendre le tempo de ce xxe siècle. C’est que nous sommes devenus un peuple de bourgeois. L’ère de la bourgeoisie, ère d
5 gination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos cantons une existence condamnée ailleurs par des faits que je n’ai pa
6 cette double incrédulité à l’endroit de « ce qui nous dépasse » par en haut comme par en bas, traduit un seul et même refus
7 ’envisager — de regarder en plein visage — ce qui nous ruine. Non qu’il soit pessimiste par tempérament — ce n’est pas l’imp
8 e révolution. Il a montré l’un des premiers, chez nous , que la vraie fin, même inconsciente de l’étatisme disciplinaire, dép
9 se désigne lui-même comme total (ou totalitaire) doit bien suffire à fédérer nos vérités partielles en une force vivante. A
10 otal (ou totalitaire) doit bien suffire à fédérer nos vérités partielles en une force vivante. Allons-y viribus unitis ! Ca
11 les protestants seuls ne pourront rien faire chez nous . S’ils veulent rester eux-mêmes, il faut que leurs diversités se fédè
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
12 e coup de pistolet Évidemment, je n’aurais pas entrer. On fait de ces bêtises, par négligence, croit-on. Bref, je su
13 pas être mis à la porte ! Naturellement, j’aurais pousser la première porte venue, sans y penser, et je serais sorti co
14 et me regardait comme s’il n’avait rien entendu. Nous nous sommes dévisagés un certain temps ; je ne trouvais pas son regar
15 e regardait comme s’il n’avait rien entendu. Nous nous sommes dévisagés un certain temps ; je ne trouvais pas son regard, il
16 Je suis là parce que tu es venu, tout simplement. Nous étions couchés chez nous. Je ne sais combien de temps cela va durer.
17 s venu, tout simplement. Nous étions couchés chez nous . Je ne sais combien de temps cela va durer. Elle délire et j’ai cette
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
18 êtes 500 000 hommes, et vous tirez bien ; mais si nous vous attaquions avec un million d’hommes, que feriez-vous ? » — « Cha
19 llion d’hommes, que feriez-vous ? » — « Chacun de nous tirerait deux fois », répondit calmement le soldat. Le Kaiser préféra
20 es, il consacre quelques heures par semaine à ses devoirs militaires. Un capitaine, par exemple, dans la vie civile, surveille
21 re de « fronts », et qu’une défense en profondeur devait être organisée, constituée par des « nids » offrant une résistance lo
22 mandés aux voisins, suivant des plans préétablis. Nous trouvons ainsi à la base de l’organisation militaire, les mêmes facte
23 e retraite nationale. Certaines unités de l’armée doivent ralentir la pénétration des frontières, d’autres doivent défendre les
24 ralentir la pénétration des frontières, d’autres doivent défendre les vallées partant du Gothard. Les Suisses pourraient tenir
25 i la guerre, ni l’exil ne pourront être évités si nous gémissons sans lutter. » La liberté individuelle ne pourra survivre d
26 es valeurs morales. Il y a l’idée fédéraliste que nous devons conserver comme un héritage à nos descendants. Voilà pourquoi
27 leurs morales. Il y a l’idée fédéraliste que nous devons conserver comme un héritage à nos descendants. Voilà pourquoi nous cr
28 ste que nous devons conserver comme un héritage à nos descendants. Voilà pourquoi nous croyons en Dieu et non pas en un hom
29 mme un héritage à nos descendants. Voilà pourquoi nous croyons en Dieu et non pas en un homme qui prétend être adoré comme u
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
30 mour une ou plusieurs définitions. Ah ! puissions- nous aimer l’amour assez pour ne jamais avoir recours à ces remèdes, car d
31 est point le connaître, mais limiter sa part dans notre vie, et nul amour ne peut survivre à cette méfiance ou à cette avaric
32 utefois quelque chose est vraiment dite. La Fable nous apprend à sa manière que l’amour est le lieu d’un mutisme sacré. Angé
33 elle est la même que la déesse Volupie. Promenons- nous aux alentours de ce colloque. La Volupté n’est pas le plaisir même,
34 ntenant, l’onde lisse et basse d’un temps nouveau nous environne. Ceux qui n’aiment point la femme qu’ils viennent de posséd
35 ans l’accomplissement du plus violent amour qu’il nous est accordé de concevoir un absolu, mais sous la forme de l’inaccessi
36 là de votre union. Ô silence des astres ! Fondues nos âmes ? Deux corps s’endorment dans leur paix, et l’être enfin comblé
37 spire, mémoire pesante de l’incommensurable nuit. Nous n’irons pas au-delà de nous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étrei
38 ce point le souvenir du seul désert que désormais nous chercherons ? Au terme de la fuite, nous ne toucherons jamais qu’un i
39 ésormais nous chercherons ? Au terme de la fuite, nous ne toucherons jamais qu’un impossible fascinant. Et nous vivrons dès
40 toucherons jamais qu’un impossible fascinant. Et nous vivrons dès lors dans le vertige de nous détruire au contact de cet i
41 nant. Et nous vivrons dès lors dans le vertige de nous détruire au contact de cet infini, plus puissant que la joie et la do
42 ul qui l’éprouve jusqu’à l’épouvante : l’être que nous formons au sommet de l’amour, et qui meurt à l’instant où il naît. T
43 amour, et qui meurt à l’instant où il naît. Tout notre platonisme échoue dans l’instant de l’étreinte dénouée. Alors l’amour
44 e, et le sérieux, et la réalité des vies au jour. Nous sommes deux. Il n’y a que deux philosophies : celle du désir et cell
45 hysique, originel, de l’infinie contradiction que nous souffrons. Le désir divinise, l’acte rend à l’humain. L’amour rêvé me
46 . L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera notre tâche sérieuse. Quittons ce temple où dorment deux idoles, et parlons
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
47 La gloire (mars 1943)e ( Nous le connaissions un peu, et pensions le connaître. La lecture de ses p
48 le connaître. La lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien différent. Il fallait certes s’y attendre, et pourtant
49 est-il caché dans les passages de ces cahiers que nous allons transcrire ici. De ces fragments de dates diverses, l’on ne ve
50 de se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui qui s’affirme en
51 selle que ses actions comblaient exactement. Mais notre gloire ne saurait être mesurée : c’est une rumeur, c’est une publicit
52 solution fondamentale — quel est ce seuil, et que nous ouvrent, sur quel ciel, les symphonies ? Je n’ose pas dire que je veu
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
53 ience de bien des choses qui allaient de soi dans notre Europe, et qui me sont révélées dans ce pays, parce que c’est leur co
54 es cérémonies. Elle considère comme un poids mort nos formules de présentation ou de congé. Un article de magazine américai
55 e autre à l’expression du dynamisme aventureux de notre siècle. Entre la sensation et le sensationnel, elle fait preuve d’un
56 lle a le plus de chance d’avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je n’en sais rien. Mais je suis sûr que l’écrivain fr
57 x principes de toute civilisation, que polarisent nos deux littératures : tradition et actualité, mise en ordre et mise en
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
58 un âge, un climat de musiques, soudain se fixe en nos mémoires, s’idéalise. Un « bon vieux temps » de plus, tout près de no
59 ise. Un « bon vieux temps » de plus, tout près de nous … Le bon vieux temps, pour nos ancêtres, c’était très loin dans le pas
60 plus, tout près de nous… Le bon vieux temps, pour nos ancêtres, c’était très loin dans le passé, dans la légende, si loin q
61 , ne l’avait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre nous , ce fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et
62 e fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’un coup, est encore plus
63 est-ce — aujourd’hui ? Mais oui, peut-être vivons- nous , ici, dans ce Paris de mars 1939, les derniers jours du bon vieux tem
64 emps européen. Jours de sursis d’une liberté dont nous avions à peine conscience, parce qu’elle était notre manière toute na
65 us avions à peine conscience, parce qu’elle était notre manière toute naturelle de respirer et de penser, d’aller et venir, e
66 r et de penser, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs personnels… Combien de temps encore, combien de
67 er, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs personnels… Combien de temps encore, combien de semaines pou
68 ien de temps encore, combien de semaines pourrons- nous goûter ce répit, et sentir que nous prolongeons une existence que nos
69 ines pourrons-nous goûter ce répit, et sentir que nous prolongeons une existence que nos fils appelleront douceur de vivre ?
70 et sentir que nous prolongeons une existence que nos fils appelleront douceur de vivre ? Déjà nous éprouvons que le monde
71 que nos fils appelleront douceur de vivre ? Déjà nous éprouvons que le monde a glissé dans une ère étrange et brutale, où c
72 et brutale, où ces formes de vie qui sont encore les nôtres ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous accab
73 t plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résister, il faudra chang
74 que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résister, il faudra changer le rythme et rectifier la tenue,
75 . Et dès lors qu’il l’a mis en question, et qu’il nous force au réalisme à sa manière, le charme est détruit dans nos vies.
76 réalisme à sa manière, le charme est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelq
77 sa manière, le charme est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelques instant
78 n temps sa loi, en préservant, s’il se peut, dans nos cœurs, ce droit d’aimer, cette bonté humaine plus inutile que jamais,
79 si normal, que j’en viens à me demander si toutes nos crises ne seraient pas machinées par nous-mêmes, dans notre inconscie
80 es ne seraient pas machinées par nous-mêmes, dans notre inconscient collectif. Je puis l’avouer parce que je suis un écrivain
81 isation permanente, préventive… Militarisation de nos pensées, de nos images. Hier, dans l’autobus, une petite dame assise
82 te, préventive… Militarisation de nos pensées, de nos images. Hier, dans l’autobus, une petite dame assise devant moi s’écr
83 s matériels et spirituels, impossible ailleurs de nos jours, et peut-être à toute autre époque. Imaginer là-dessus un livre
84 re tou­chant, bizarre ou monstrueux que chacun de nous dissimule. Alors, on verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou
85 que part dans l’Évangile. Ou faudra-t-il enterrer nos secrets, pour d’autres qui peut-être ne viendront jamais ? Car la car
86 r du passé. Vaudrait-il mieux qu’alors ? Saurions- nous mieux le vivre, augmenté du souvenir de sa perte ? Mais le passé ne r
87 — même si la guerre était gagnée, même si demain nous devons vivre encore… À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont-il
88 me si la guerre était gagnée, même si demain nous devons vivre encore… À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont-ils de ce
89 -ci ça y est !… Vivant un cauchemar qui est vrai, nous allons en désordre au réveil. La mort, le désespoir en plein midi, — 
90 ie la guerre, oublie l’Europe. Dans quatre jours, nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici, je fais le serment d’opposer un
91 ges venant des terres abandonnées du Nord, et que nos paysans s’efforcent d’arrêter avant qu’elles n’étouffent leurs champs
92 aître les paniques dévastatrices du ve siècle de notre ère. Et je songe au bastion que mon pays élève autour du massif du Go
93 i ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons- nous , car tout peut périr. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas
94 us la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut périr. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce !
95 . Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! VI. — Souvenir de la paix française En Amériqu
96 parmi les signes. Sédiments séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho
97 voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée d’ar
98 stionnait, répondait. La force était au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la contemp
99 ’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au sil
100 il était vieux déjà du temps de notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force éta
101 e enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fredonnée, sur le seuil,
8 1944, Articles divers (1941-1946). Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)
102 nce par ses vedettes. À leurs yeux, tout Français devait ressembler aux types d’humanité que représentaient dans le monde les
103 hui, dans sa véritable grandeur. Les journaux qui nous apportent des nouvelles de la résistance à l’intérieur du pays occupé
104 les de la résistance à l’intérieur du pays occupé nous parlent du peuple de France ; les récits et les témoignages qui ont é
105 mouvements de résistance et qui parviennent sous nos yeux nous parlent du peuple de France ; et les films composés à Holly
106 ts de résistance et qui parviennent sous nos yeux nous parlent du peuple de France ; et les films composés à Hollywood ou à
107 ation de la résistance à Paris ou en province, ne nous montrent encore que le peuple de France, pour la première fois. Le pe
108 u pire au bien ; j’en retiens pour ma part qu’ils nous présentent enfin le petit peuple français comme le grand héros de la
9 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
109 idées. Elles vous séduisent de loin et quand vous nous les présentez, elles ont déjà votre complicité, je ne sais quel air d
110 e sais quel air de passion, un peu trop tôt — qui nous surprend… A. N’est-ce pas toujours ainsi ? Je veux dire : tout écriv
111 ais il faudrait composer les entrées. Il faudrait nous persuader que vos goûts sont bien des raisons, et que ces raisons son
112 ts sont bien des raisons, et que ces raisons sont les nôtres . Ou bien vous faites de la poésie, et alors vous jouez sur des surpri
113 alors vous jouez sur des surprises, ou bien vous nous parlez d’idées, et dans ce cas, il faut que nous pensions à chaque in
114 nous parlez d’idées, et dans ce cas, il faut que nous pensions à chaque instant : « j’allais le dire ! » Mais ne mêlez pas
115 oupçonnera quelque tricherie. A. Voulez-vous que nous parlions de la clarté ? Je crois deviner que cela nous ramènera dans
116 parlions de la clarté ? Je crois deviner que cela nous ramènera dans les environs du sujet de mes deux précédents dialogues.
117 pprenne davantage qu’une feinte aimable. Au reste nous sommes entre nous et vous n’abuserez pas de mes aveux… D’autant qu’il
118 qu’une feinte aimable. Au reste nous sommes entre nous et vous n’abuserez pas de mes aveux… D’autant qu’ils seront probablem
119 r l’usage… C. Hé quoi ! vous savez bien que tout notre langage est un système conventionnel ! A. Notre langage courant sans
120 t sans aucun doute. Et plus rigoureusement encore notre langage intellectuel et scientifique, qui se distingue du langage cou
121 simple et facile » en soi ? Le monde dans lequel nous vivons et parlons n’est-il pas, comme l’a dit un Russe « le monde de
122 Kafka… Je me demande alors si le cartésianisme ne nous a pas trompés une fois pour toutes, à l’origine, en décrétant — au no
123 evenue celle de la science. C’est elle dont usent nos physiciens, chimistes et mathématiciens, pour formuler ce qu’ils appe
124 en vertu d’une double exigence : d’une part elles doivent permettre de permettre de passer, par une espèce de symbolisme abstra
125 i ne sont autres que des abstractions opérées sur nos formes de langage. Je voudrais dire cela plus simplement… La tricheri
126 mité de faits acquis, quand le tout, quand la fin nous échappent ! Comme s’il était licite, et même possible, de partir de c
127 évidemment d’expliquer. Oui, cette opposition va nous aider : impliquer le réel comme tel, et non pas expliquer certaines m
128 les obscurités, tous les paralogismes du langage doivent l’indiquer comme au-delà d’eux-mêmes… ce que ne sauraient faire des a
129 conque. Je dis que l’homme qui a vu quelque chose doit parler la langue des prophètes et composer des paraboles. Si ses prop
130 re pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des visions m
131 ns des hommes de peu de foi, visions de la fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance, — il n’en
132 sance, — il n’en faut pourtant pas davantage pour nous réduire au parler prophétique. C’est le même risque, et ce n’est pas
10 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
133 e conscience spontanée devant la leçon des faits, nous le saurons un jour. Mais il est clair dès maintenant que les circonst
134 à reconstruire, les grandes questions peuvent et doivent être reposées. Allons-nous rebâtir sur les valeurs d’une philosophie
135 uestions peuvent et doivent être reposées. Allons- nous rebâtir sur les valeurs d’une philosophie de l’Objet (qui était celle
136 lisme et des divers « planisme »), ou bien allons- nous faire une société où les objets soient remis au service de l’homme qu
137 l’homme qui crée et qui se veut responsable ? Si nous choisissons la seconde voie, la doctrine du personnalisme s’impose à
138 omme ? Sur quelle notion centrale de son humanité devons -nous recentrer le monde ? Les institutions doivent être fondées sur u
139 Sur quelle notion centrale de son humanité devons- nous recentrer le monde ? Les institutions doivent être fondées sur une no
140 devons-nous recentrer le monde ? Les institutions doivent être fondées sur une notion compréhensive de l’homme, sinon elles agi
141 u n’a que des droits, le soldat politique que des devoirs . Le premier est un pur concept, le second est un simple objet. À ces
142 n sur des formules de ce genre : les institutions doivent être au service de l’homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse
143 vant la lettre : Leibnitz, Kant, Renouvier, ou de nos jours un William Stern, un Keyserling, un C. G. Jung, et l’école cali
144 et le travail qualitatif ou créateur. Le premier devait être entièrement socialisé, et régi par l’État, qui assurerait d’autr
145 n d’un minimum vital gratuit pour tous. Le second devait rester libre, et d’autant plus qu’il recevrait l’aide gratuite du ser
146 coïncide avec la découverte la plus importante de notre siècle : celle de l’être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de
147 elle interaction n’a pas encore été traduite dans nos institutions. Nos nations sont restées au stade de la classification
148 ’a pas encore été traduite dans nos institutions. Nos nations sont restées au stade de la classification des corps simples
149 ification des corps simples par Mendeleïev, quand nous en sommes au siècle de la physique quantique. La paresse d’esprit et
150 et rigides comme elle, qui pèsent lourdement sur nos activités. L’État centralisé et sa bureaucratie abstraite tendent à d
151 de ville, dans chaque commune, des correspondants devaient grouper un auditoire régulier, lui transmettre des informations vraie
11 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
152 les nommer Pierre et Paul, ou moi et l’autre, ou nous et l’ennemi : car « la seule chose qui importe est de gagner la guerr
153 qui importe est de gagner la guerre ». Là-dessus, nous tombons d’accord. Mais sur le sens des mots gagner la guerre, je trou
154 que traduire en quantités physiquement mesurables notre attitude spirituelle. Elles étaient résultats et non pas causes. Car
155 a loi de l’offre et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes, selon nos rêves et nos passions. Il n’y a pas
156 re et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes, selon nos rêves et nos passions. Il n’y a pas d’abord les m
157 il y a d’abord nos offres et nos demandes, selon nos rêves et nos passions. Il n’y a pas d’abord les machines puis une soc
158 rd nos offres et nos demandes, selon nos rêves et nos passions. Il n’y a pas d’abord les machines puis une société qui doit
159 y a pas d’abord les machines puis une société qui doit subir leurs lois, mais il y a d’abord des hommes qui choisissent de c
160 rte de voir qu’elle se passe d’abord en chacun de nous , et qu’elle figure dans son ensemble la crise d’un conflit psychologi
161 La guerre actuelle est une névrose collective que nous sommes en train de traiter par les méthodes les plus propres à l’aggr
162 de moyens de s’exprimer à sa manière, affolé par nos arguments, il n’a plus trouvé d’autre issue que dans une révolte expl
163 la psychologie contemporaine. Depuis quatre ans, nous essayons de mener la guerre psychologique10 à l’instar des nazis qui
164 serait une cure. Mais avant de l’entreprendre, il nous faudrait un diagnostic. Tentons d’en indiquer les premiers éléments.
165 ni rien de vrai. Essayons une autoanalyse. C’est notre chance peut-être unique. 1. La guerre nous plaît. Toutes ses victime
166 ’est notre chance peut-être unique. 1. La guerre nous plaît. Toutes ses victimes le nient, et presque tous ceux qu’elle fai
167 ous ceux qu’elle fait vivre. Je dis que la guerre nous plaît inconsciemment. Autrement, elle serait impossible. Tous, nous s
168 iemment. Autrement, elle serait impossible. Tous, nous sommes contre, et nous la faisons tous : expliquez cela. — « Ce sont
169 e serait impossible. Tous, nous sommes contre, et nous la faisons tous : expliquez cela. — « Ce sont les autres. » Mais ils
170 don ! ils n’ont pas le droit de le dire. » Sommes- nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nous fait enquête avant de partir ?
171 . » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons- nous fait enquête avant de partir ? Sommes-nous en possession des pièces d
172 Avons-nous fait enquête avant de partir ? Sommes- nous en possession des pièces du procès ? Quand cela serait, ce ne serait
173 me parlez pas de droits, vous n’y avez pas pensé. Nous avons « fait notre devoir » et pas de question. Je dis que la guerre
174 roits, vous n’y avez pas pensé. Nous avons « fait notre devoir » et pas de question. Je dis que la guerre nous plaît. Elle ar
175 vous n’y avez pas pensé. Nous avons « fait notre devoir  » et pas de question. Je dis que la guerre nous plaît. Elle arrange b
176 devoir » et pas de question. Je dis que la guerre nous plaît. Elle arrange bien des choses. Elle ajourne nos vrais conflits.
177 plaît. Elle arrange bien des choses. Elle ajourne nos vrais conflits. Elle tire de nous ce que la paix n’en tirait plus. El
178 es. Elle ajourne nos vrais conflits. Elle tire de nous ce que la paix n’en tirait plus. Elle offre l’avantage incomparable d
179 Elle offre l’avantage incomparable de sanctionner notre acquittement par contumace. Elle est le grand non-lieu de millions d’
180 le corps à corps, la bataille d’hommes. Qu’aimons- nous donc tous dans la guerre, que nous soyons civils ou combattants ? C’e
181 mes. Qu’aimons-nous donc tous dans la guerre, que nous soyons civils ou combattants ? C’est l’état d’exception proclamé dans
182 s tous les domaines. Ainsi la guerre devient pour nous l’équivalent de la fête chez les peuples anciens, elle en possède les
183 st le « grand Temps » de l’humanité moderne. Elle nous fournit la seule excuse que notre esprit puisse accepter pour suspend
184 té moderne. Elle nous fournit la seule excuse que notre esprit puisse accepter pour suspendre le cours d’une existence de plu
185 ne vide, l’Ennemi déchu ?) C’est pourquoi la paix nous angoisse au moins autant qu’elle nous attire. Pourtant viendra la pai
186 uoi la paix nous angoisse au moins autant qu’elle nous attire. Pourtant viendra la paix, bientôt. Et ce sera peut-être pour
187 nt l’homme compensera-t-il le manque de guerres ? Nous avons tout prévu contre un futur Hitler, rien contre son absence, aut
188 vivre, s’il n’y a plus de paroxysmes ? La guerre nous plaît. Nous le nions tous, et c’est normal. Mais je propose un test p
189 n’y a plus de paroxysmes ? La guerre nous plaît. Nous le nions tous, et c’est normal. Mais je propose un test précis. Pourq
190 e politique qui négligerait le fait que la guerre nous plaît pour des raisons profondes, cette politique serait incapable de
191 que la prochaine guerre annulerait. 2. Hitler. — Nous pensons qu’Hitler est un monstre avec lequel nous n’avons rien de com
192 Nous pensons qu’Hitler est un monstre avec lequel nous n’avons rien de commun. Il s’agit de le détruire avant toute autre tâ
193 en elle. Bien plus, il n’est pas seulement devant nous , mais en nous. Il était en nous avons d’être contre nous. C’est en no
194 plus, il n’est pas seulement devant nous, mais en nous . Il était en nous avons d’être contre nous. C’est en nous-mêmes d’abo
195 seulement devant nous, mais en nous. Il était en nous avons d’être contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’il se dresse
196 ais en nous. Il était en nous avons d’être contre nous . C’est en nous-mêmes d’abord qu’il se dresse contre nous. Et quand no
197 ’est en nous-mêmes d’abord qu’il se dresse contre nous . Et quand nous l’aurons tué, il nous occupera sans coup férir si nous
198 mes d’abord qu’il se dresse contre nous. Et quand nous l’aurons tué, il nous occupera sans coup férir si nous n’admettons pa
199 resse contre nous. Et quand nous l’aurons tué, il nous occupera sans coup férir si nous n’admettons pas qu’il est une part d
200 l’aurons tué, il nous occupera sans coup férir si nous n’admettons pas qu’il est une part de nous, la part du diable dans no
201 rir si nous n’admettons pas qu’il est une part de nous , la part du diable dans nos cœurs. Hitler se taira d’ici peu. Son ave
202 u’il est une part de nous, la part du diable dans nos cœurs. Hitler se taira d’ici peu. Son aventure prendra fin dans la ca
203 ’homme qui fit trembler tout l’univers, voici que nous nous écrierons avec une stupéfaction mêlée de honte : — Comme il étai
204 e qui fit trembler tout l’univers, voici que nous nous écrierons avec une stupéfaction mêlée de honte : — Comme il était pet
205 rand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misères secrètes. Dans la réalité psychologique du siècle, Hitler aur
206 ge de rêve d’angoisse. Ce rêve collectif a modelé notre histoire, mais il était d’abord dans l’ombre de nos âmes. On a remarq
207 e histoire, mais il était d’abord dans l’ombre de nos âmes. On a remarqué que dans un cauchemar, ce qui nous terrifie n’est
208 âmes. On a remarqué que dans un cauchemar, ce qui nous terrifie n’est pas toujours l’aspect du personnage en scène, qui peut
209 nsité de la passion hostile ou criminelle dont il nous paraît animé. Il se charge à nos yeux d’une puissance de terreur dont
210 minelle dont il nous paraît animé. Il se charge à nos yeux d’une puissance de terreur dont nous n’avions sans doute jamais
211 charge à nos yeux d’une puissance de terreur dont nous n’avions sans doute jamais eu l’expérience. Et pourtant c’est une par
212 un geste, une forme, une atmosphère, tout ce que nous refusions d’admettre en nous. Le cauchemar nous apprend qu’il ne suff
213 osphère, tout ce que nous refusions d’admettre en nous . Le cauchemar nous apprend qu’il ne suffit pas de refuser un instinct
214 e nous refusions d’admettre en nous. Le cauchemar nous apprend qu’il ne suffit pas de refuser un instinct ou quelque tentati
215 e à la petite moustache est l’un de ces monstres. Nous en verrons bien d’autres, si nous nous contentons de lutter contre le
216 e ces monstres. Nous en verrons bien d’autres, si nous nous contentons de lutter contre les signes extérieurs du mal, sans e
217 monstres. Nous en verrons bien d’autres, si nous nous contentons de lutter contre les signes extérieurs du mal, sans essaye
218 es religieuses périmées (c’était son droit et son devoir ), il s’est méthodiquement refusé à laisser naître des coutumes nouvel
219 nouveaux, elle fait lever des monstres autour de nous . Imaginons une similitude assez exacte : si nos animaux domestiques s
220 nous. Imaginons une similitude assez exacte : si nos animaux domestiques se révoltaient soudain, nous attaquaient, exigeai
221 i nos animaux domestiques se révoltaient soudain, nous attaquaient, exigeaient que nous les adorions : leur révolte serait n
222 ltaient soudain, nous attaquaient, exigeaient que nous les adorions : leur révolte serait notre carence. Le rationalisme rég
223 aient que nous les adorions : leur révolte serait notre carence. Le rationalisme régnant peut produire des avions en masse et
224 tômes de la même névrose. Tout porte à croire que nous allons entrer dans une ère de religions aberrantes. Ou, comme le dit
225 rs l’instinct religieux, cette « survivance ». Et nous lirons encore des jérémiades sur le déclin de l’esprit et l’abandon d
226 trusts : elle ne peut plus saisir les éléments de notre conflit. Il est temps de nous orienter vers une politique d’équilibre
227 ir les éléments de notre conflit. Il est temps de nous orienter vers une politique d’équilibre des grandes puissances psycho
228 ive d’analyse féconde : « Avouez tout de même que nos régimes actuels, si imparfaits qu’ils soient, sont un moindre mal. »
12 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
229 yptienne du tarot est soutenue par Etteilla, dont nous allons parler, par d’Odoucet son premier disciple, et par Éliphas Lev
230 ; et qu’on lui suppose une ascendance hindoue. Or nous possédons des cartes de tarot plus anciennes, comme on vient de le vo
231 on vient de le voir. Les origines du tarot, selon nous , se perdent littéralement dans la nuit des temps. Nous soutiendrons c
232 se perdent littéralement dans la nuit des temps. Nous soutiendrons cette thèse au paragraphe 5. 2. Etteilla (1750-1810,
233 agraphe 5. 2. Etteilla (1750-1810, environ) Nous lisons le jugement suivant sur Etteilla dans un petit ouvrage intitul
234 t hébreu… Le véritable 21 est aussi 22, ainsi que nous le verrons. Etteilla place le Fou sous le nombre 78 qui est enfin not
235 illa place le Fou sous le nombre 78 qui est enfin notre zéro, et voici son intéressante analyse de ce nombre. (Elie Alta, Le
236 21 = 22 = (20) = 0. Telles sont les brimades que doit subir le débutant dans l’étude du tarot. 3. Variations Selon le
237 Piques et les Deniers par les Trèfles. En France nous trouvons difficilement le tarot de Marseille. La Maison Grimaud l’a r
238 des symboles. Comparez par exemple les cartes que nous reproduisons à la suite de cet article, les unes selon Court de Gébel
239 ache aux raretés monstrueuses. C) Significations. Nous donnons en regard des lames reproduites ci-après quelques exemples d’
240 3 lettres dites les 3 Mères, qui sont attachées à nos trois cartes majeures : l’Homme (Le Bateleur), le Fou, et la Mort. »
241 quatre couleurs du jeu de cartes moderne. Bornons- nous à livrer à l’étude du lecteur les hypothèses suivantes : Selon A. E.
242 tantôt dramatiques, comme le sont les symboles de nos « grands rêves ». De fait, chacun des arcanes majeurs est une apparit
243 pesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archétypes de l’inconscient, dans le
244 de leur naissance à leurs possibles conclusions. Nous pouvons donc considérer les arcanes majeurs du tarot comme un véritab
245 lée par le grand indianiste Heinrich Zimmer, dont nous traduisons ci-après quelques pages remarquables sur « Le Fou ». 6.
246 es sur « Le Fou ». 6. De l’usage des tarots Nous avons pris l’habitude de considérer les tarots avant tout comme un mo
247 ement, une méthode de psychothérapie comparable à notre psychanalyse. Ses lames seraient en vérité autant de thèmes de médita
248 usion à la réalité, et des choses telles qu’elles nous apparaissent aux choses telles qu’elles sont. Les 22 arcanes décrirai
249 essage des occupants. Message suspect, ajouterons- nous  : il s’agissait de cartes allemandes portant au lieu des coupes, bâto
250 ie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de notre chaîne. La surface entière du globe (le 0) n’est que le théâtre de no
251 e entière du globe (le 0) n’est que le théâtre de nos extravagances. Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage l’emblème d’un v
252 l’homme. Cette vie n’est qu’un court trajet dont nous pouvons adoucir les peines en nous comportant d’après les plus saines
253 rt trajet dont nous pouvons adoucir les peines en nous comportant d’après les plus saines aspirations du rayon divin qui nou
254 ès les plus saines aspirations du rayon divin qui nous anime. Synonymes : Droite. Folie, démence, extravagance, égarement iv
255 moderne de B. McM. Hazard (résumé) La clef 0 doit exprimer un état de préparation, avant la conscience et l’individuati
256  : car c’est ainsi que le saint, l’homme parfait, doit apparaître aux yeux des autres. Il s’est libéré des systèmes de caste
257 s arcanes, grâce aux symboles graphiques desquels nous sont dévolus l’initiation et l’accomplissement, apparaisse simplement
258 les arcanes. C’est pourquoi, prenons garde, s’il nous advient jamais de rencontrer quelqu’un qui ne soit rien, ni homme d’a
259 nd cosmique. Prenons bien garde à la manière dont nous le traiterons ! Il se pourrait qu’il soit le Saint-Esprit incarné, le
260 y condescendait, il pourrait bien être capable de nous révéler le dernier mot sur les symboles du tarot ! La Roue de For
261 n ou un diable, et de l’autre côté un homme. Elle nous indique simplement le mouvement de la vie dans tous les règnes, — leu
262 ue est placée une des lettres du mot T A R O, qui doit se lire dans le sens des aiguilles d’une montre. À l’extrémité de cha
263 de roue, sont les lettres Yod, Heh, Vav, Heh, qui doivent être lues en sens inverse des aiguilles d’une montre, étant hébraïque
13 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
264 ume. Presque tous ces critères effacés ou perdus, notre époque ne sait plus juger d’une œuvre. Elle tient la rhétorique et se
265 . Elles traduisent des relations constitutives de notre corps, de la psyché et du Cosmos. La régularité et l’alternance de la
266 ion, des nuits et des saisons, sont nécessaires à notre vie, comme les cadences et les contrastes composés sont vitaux pour n
267 ences et les contrastes composés sont vitaux pour nos œuvres d’art. Au surplus, les figures de la rhétorique considérées da
268 oint, lorsque, risquant un assemblage de mots qui devait paraître, de son temps, le plus scandaleusement paradoxal, il n’hésit
269 plus scandaleusement paradoxal, il n’hésite pas à nous parler des artifices d’une « rhétorique profonde ». Au milieu du xvi
270 morales communes à l’élite d’une société donnée. Nous avons fait, en quelques lignes, tout le chemin qui sépare les premier
271 s un « art vivant ». Comme si les règles d’un jeu devaient être vivantes ! Plus personne ne pourrait jouer2. Le jeu ne sera viva
272 l’insignifiance, au sens littéral de ce terme, où devait choir fatalement le roman dès qu’il refusa d’être fable. Tout l’intér
273 sion. Mais que se passe-t-il lorsque le romancier nous fait savoir qu’il a mis dans son livre ce qui est, et non plus ce qu’
274 ù cet axiome de la critique moderne : un roman ne doit pas être « écrit ». Tous ces efforts trahissent le curieux embarras d
275 t-il ? Des personnages se perdent… » Mais, répond notre auteur, comme pour se justifier, n’en va-t-il pas de même dans la vie
276 ences du sort… Bien sûr. Mais pourquoi les romans devraient -ils exprimer tout cela ? Et d’ailleurs, comment le pourraient-ils ? S
277 t surtout avec l’art. Cette tricherie généralisée doit amener, nécessairement, la dissolution du roman dans le documentaire
278 égèretés ne pardonnent pas. Une contre-épreuve de notre diagnostic nous sera fournie par le succès du roman policier. Je ne p
279 nnent pas. Une contre-épreuve de notre diagnostic nous sera fournie par le succès du roman policier. Je ne pense pas qu’on p
280 n intérêt pour le crime, qui serait particulier à notre époque. Le roman policier est populaire parce qu’il demeure le seul g
281 et par l’avènement des masses. La révolution que nous vivons déclassera la plupart des objets dont le roman faisait toute s
282 e verra restituer les prestiges de la persuasion. Notre monde retentit d’événements incroyables et pourtant mortellement réel
283 s. Les faits les plus flagrants du siècle défient nos imaginations. Seul un art délirant de fantaisie a su préfigurer le ry
284 élirant de fantaisie a su préfigurer le rythme de nos catastrophes. Les dessins animés de Walt Disney jouaient dans le regi
285 sadique et le goût des orgies de destruction que devait traduire, quelques années plus tard, la guerre totale. Ne fût-ce que
286 re totale. Ne fût-ce que pour rester au niveau de nos épreuves et de nos désastres réels, l’art de demain va revenir au jeu
287 e que pour rester au niveau de nos épreuves et de nos désastres réels, l’art de demain va revenir au jeu des amplifications
288 rique des contes. Il ne rejoindra le sens vrai de nos vies qu’en se livrant à la logique profonde des symboles et des mythe
14 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
289 is rien ne sert de n’y pas croire. C’est un fait, nous l’avons subi, et nous avons tous dit : je n’y puis rien. Avec autant
290 pas croire. C’est un fait, nous l’avons subi, et nous avons tous dit : je n’y puis rien. Avec autant de sincérité, nous sem
291 dit : je n’y puis rien. Avec autant de sincérité, nous semblait-il, qu’un croyant décrivant sa conversion en termes de grâce
292 duisit à sa demeure. C’était l’heure du déjeuner. Nous causions depuis quelques instants dans sa bibliothèque, où d’un coup
293 is remarqué mes livres, lorsque sa femme entra en nous saluant d’une mélodieuse formule hongroise. La présentation faite, ce
294 mule hongroise. La présentation faite, cette dame nous offrit la rituelle liqueur de pêche dont on vide trois verres d’un se
295 ant dans les yeux. Je me sentis pâlir violemment. Nous passons à table. Mon hôte bientôt s’inquiète : « — Vous êtes pâle et
296 très satisfait de lui, et de moi aussi, je crois. Nous voici seuls. Silence. Silence encore dans la voiture qu’elle conduit
297 avec une expression concentrée, presque rageuse. Nous traversons les grandes artères de Pest, le pont des Chaînes sur les e
298 rejoins. Alors d’un geste elle désigne la ville à nos pieds : « — Mon mari m’a demandé de vous montrer Budapest. Voilà, c’e
299 , c’est Budapest. » Il n’y a rien d’autre à dire. Nous remontons en voiture et descendons vers la ville. Soudain, je me suis
300 s non plus… » Je poursuis non sans peine : « — Si nous allions prendre quelque chose dans un restaurant ? — Bonne idée », fa
301  », fait-elle d’une voix basse, sans me regarder. Nous voici attablés devant des sandwiches au caviar rouge. Et le tour reco
302 eh bien… que cela soit ! Elle se lève et me suit. Nous allons chez elle. Un vertige, un sombre délire, et sans qu’un mot de
303 jour à Budapest. L’après-midi, je vous le répète, nous ne parlions jamais. Le soir, j’avais mes conférences ou un dîner. Et
304 dormir, sauf quelques heures pendant la matinée. Nous parlions avec mon ami d’art, de religion, de politique, des perspecti
305 idi. Bien entendu. La veille de mon départ, comme nous sortions du bar, Maria et moi, une édition du matin nous apprend l’in
306 rtions du bar, Maria et moi, une édition du matin nous apprend l’incendie du Reichstag. Je décide de rentrer le jour même à
307 . J’arrive à Berlin le lendemain. Sur le seuil de notre villa de Zehlendorf, ma femme m’attend, grave et presque sévère. Moi,
308 . Moi, je ne pensais qu’à la situation politique. Nous nous mettons à table, je l’interroge avec nervosité sur les événement
309 , je ne pensais qu’à la situation politique. Nous nous mettons à table, je l’interroge avec nervosité sur les événements de
310 n’oublierai jamais les nuits extraordinaires que nous avons encore pu passer ensemble, à la veille de ce cataclysme. » La l
15 1946, Articles divers (1941-1946). Penser avec les mains (janvier 1946)
311 trop de drames inoffensifs se nouent par jeu dans nos romans, trop de scribes inoffensifs nous singent la fureur ou la révo
312 jeu dans nos romans, trop de scribes inoffensifs nous singent la fureur ou la révolte, l’indulgence ou la paix distinguée.
313 je suis vrai », écrivait Rilke. Et c’est pourquoi nous prendrons au sérieux cette distinction : il y a des hommes qui sont l
314 inction : il y a des hommes qui sont l’orgueil de notre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de notre esprit. Il y a
315 e esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de notre esprit. Il y a des hommes qui créent, d’autres qui enregistrent : il
316 peinant peut-être en pure perte, si ce n’est pour notre perte à tous. Or, ces gens forment l’opinion, sans aucun doute, et il
16 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
317 fear », ce qui se traduit un peu malaisément dans notre langue par liberté de parole et de religion, libération de la misère
318 ions unies ayant gagné la guerre, il est temps de nous demander quel est l’état présent des libertés qui faisaient l’enjeu d
319 t pas mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce progrès doit être attribué à moins de fanatisme de la part des masses religieuses,
320 de craindre le pire à chaque instant. Tout cela, nous disent, non sans raison, les gouvernants, n’est que le résultat déplo
321 triple tout ce qu’elle s’est épuisé à combattre ? Doit -elle accepter de se passer d’au moins trois libertés sur quatre, avec
322 es recevront plus tard — données par qui ? Sommes- nous voués à l’esclavage d’État par nécessité matérielle ? On m’en voudra
323 ruines. Or le rappel des fameuses Quatre Libertés nous y rabat impitoyablement par la comparaison qu’il nous oblige à faire
324 y rabat impitoyablement par la comparaison qu’il nous oblige à faire de l’idéal et du présent. Je propose donc que nous cha
325 ire de l’idéal et du présent. Je propose donc que nous changions ce qui peut être immédiatement changé : notre idéal, en att
326 changions ce qui peut être immédiatement changé : notre idéal, en attendant le reste. Je propose que nous remplacions la reve
327 otre idéal, en attendant le reste. Je propose que nous remplacions la revendication des quatre libertés, pour le moment inac
328 ue de Liberté indivisible, qu’il ne dépend que de nous de saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a que « l
329 ’est celle de se « réaliser personnellement ». Or nous ne pourrons jamais la recevoir d’autrui. Sans elle les autres liberté
330 re. Par elle seule, elles peuvent être conquises. Nous l’affirmons et nous le démontrons par notre lutte contre toutes les «
331 elles peuvent être conquises. Nous l’affirmons et nous le démontrons par notre lutte contre toutes les « nécessités » qui s’
332 uises. Nous l’affirmons et nous le démontrons par notre lutte contre toutes les « nécessités » qui s’y opposent sans relâche.
333 . Cette Résistance ne fait que commencer. Mais si nous décidons que les obstacles à l’exercice de notre liberté sont fatals,
334 i nous décidons que les obstacles à l’exercice de notre liberté sont fatals, nécessaires et surhumains, aussitôt nous les ren
335 sont fatals, nécessaires et surhumains, aussitôt nous les rendrons tels, aussitôt nous cesserons d’être libres. Et l’État a
336 umains, aussitôt nous les rendrons tels, aussitôt nous cesserons d’être libres. Et l’État aura tous les droits, puisque nous
337 e libres. Et l’État aura tous les droits, puisque nous lui laisserons tous les devoirs. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas d’a
338 les droits, puisque nous lui laisserons tous les devoirs . Ce qu’il nous faut, ce n’est pas d’abord un monde bien arrangé autou
339 ue nous lui laisserons tous les devoirs. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas d’abord un monde bien arrangé autour de nous. (Cer
340 n’est pas d’abord un monde bien arrangé autour de nous . (Certaines prisons sont très bien arrangées). Ce qu’il nous faut pou
341 aines prisons sont très bien arrangées). Ce qu’il nous faut pour être libres, uniquement et tout simplement, c’est du courag
342 quement et tout simplement, c’est du courage. Car nous sommes libres, si nous sommes prêts à payer le prix de la liberté, qu
343 ent, c’est du courage. Car nous sommes libres, si nous sommes prêts à payer le prix de la liberté, qui sera toujours : payer
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
344 que chose d’important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairement, si nos m
345 ortant : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairement, si nos moyens passent
346 st que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairement, si nos moyens passent à l’échelle p
347 voisins nous atteindra bientôt nécessairement, si nos moyens passent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre
348 uerre planétaire, c’est-à-dire : à une guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimens
349 dire : à une guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté norm
350 reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre siècle arrive à digérer et intégrer cette pensée-là, il aura fait une
351 du globe est un fait durement établi au niveau de notre existence matérielle. Avant qu’elle puisse devenir un fait de droit,
352 Avant qu’elle puisse devenir un fait de droit, il nous faudra probablement passer par une étape intermédiaire, qui est celle
353 gique : la formation d’une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. No
354 lanétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existences provincia
355 ardons, il n’y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existences provinciales, Londoniens, M
356 a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existences provinciales, Londoniens, Madrilènes, Pari
357 nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existences provinciales, Londoniens, Madrilènes, Parisiens ou Romains
358 ondoniens, Madrilènes, Parisiens ou Romains, avec nos clans, nos écoles, nos partis et nos disputes centenaires ou quinquen
359 Madrilènes, Parisiens ou Romains, avec nos clans, nos écoles, nos partis et nos disputes centenaires ou quinquennales, avec
360 Parisiens ou Romains, avec nos clans, nos écoles, nos partis et nos disputes centenaires ou quinquennales, avec nos allusio
361 omains, avec nos clans, nos écoles, nos partis et nos disputes centenaires ou quinquennales, avec nos allusions perfides ou
362 t nos disputes centenaires ou quinquennales, avec nos allusions perfides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si l’on s
363 ibles pour qui ne peut y aller voir et sentir. Et notre époque n’est pas celle des voyages, mais seulement celle des « missio
364 t rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le
365 comprendre. Les problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent pour nous terres inconnues, et psycholo
366 issants de nos compagnons de planète restent pour nous terres inconnues, et psychologiquement inexplorées. Hic sunt leones i
367 s marges de leurs cartes de l’Europe. Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ces lions sont des hommes, qu
368 our que ces lions sont des hommes, qui d’ailleurs nous prenaient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas de Persans pou
369 ns sont des hommes, qui d’ailleurs nous prenaient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas de Persans pour se demander :
370 estion de poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous nos écrivains, ceux que je vois manifester le sentiment le plus direct et
371 Perse de l’Anabase et de l’Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur prose et dans leurs longs verse
372 longs versets, quel qu’en soit le sujet allégué, nous avons pour la première fois senti, sous le drapé d’un français riche
18 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)
373 s accidents d’ampleur continentale. Admettons que notre globe dure longtemps encore, et que la guerre militaire y prospère d’
374 La tragédie n’aura pas de lignes pures, parce que nos choix ne sont pas si francs, et que nos chefs savent à peine ce qu’il
375 parce que nos choix ne sont pas si francs, et que nos chefs savent à peine ce qu’ils jouent. Une espèce d’organisation mond
376 majorité des hommes se refuse à ces évidences. On nous ressasse à longueur de journée qu’elle « n’est pas prête pour un gouv
377 ous en rendez responsable. Tout tient à chacun de nous . Et nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher. Nos
378 ndez responsable. Tout tient à chacun de nous. Et nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher. Nos alibis n
379 es au point où il devient difficile de le cacher. Nos alibis ne trompent plus que nous-mêmes. Pour moi, je poursuivrai ma l
380 n : imaginez qu’il vous réponde ? S’il permet que nous fassions sauter la Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà
381 sera très bien. Au-delà de ce « clin d’œil », il nous attend. s. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomique :
19 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)
382 sérieux. Je prenais au sérieux les événements qui nous menacent à bout portant. La fin des armées, par exemple. Mais cela ne
383 parlais de la fin du monde… — Et maintenant vous nous dites : aucun danger ! C’est là sans doute votre manière paradoxale,
384 ? Il est bien naturel que l’événement d’Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans un état d’esprit d’Apocalypse. Mais
385 s ont passé, et rien ne se passe. Dieu soit loué, nous avons repris nos sens. Certains pressentent déjà que la Bombe est en
386 en ne se passe. Dieu soit loué, nous avons repris nos sens. Certains pressentent déjà que la Bombe est en train de se dégon
387 ain de se dégonfler, pour ainsi dire. Après tout, nous devions le prévoir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des
388 e se dégonfler, pour ainsi dire. Après tout, nous devions le prévoir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des gaz. Tou
389 si dire. Après tout, nous devions le prévoir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des gaz. Tout le monde s’y prépar
390 é subite l’ait arrêté, ou quelque amour tardif de notre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaient rip
391 a donc les scrupules de l’agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent en général d’une rapide évaluation des conséquence
392 n des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition
393 le se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle d
394 on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre questi
395 ule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe nous menace et nous tente à la fois. Et voilà bien le progrès le plus sens
396 plus l’éviter depuis que la Bombe nous menace et nous tente à la fois. Et voilà bien le progrès le plus sensationnel du siè
397 — Un progrès ? — Oui, j’appelle ainsi tout ce qui nous rapproche des vraies questions, et nous oblige à y faire face. t.
398 ut ce qui nous rapproche des vraies questions, et nous oblige à y faire face. t. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la b
20 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
399 me contenter de répondre : c’est plutôt vous qui devriez sortir, sous peine de ne pas comprendre la réalité mondiale. Après to
400 semaines encore, du côté où les jeunes Européens devraient aller s’il s’agissait pour eux de partir. Je vois les avantages de l’
401 remment, puisqu’on pose le problème. Supposez que nous soyons libres de circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter :
402 me. Supposez que nous soyons libres de circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni de choisir une te
403 au xxe siècle, en tenant compte des réalités que nous avons créées ou laissé s’imposer ; de la rapidité des transports, par
404 vite que c’est un faux dilemme. Le fait est là : nous allons en dix heures de Lisbonne à New York, de New York au Pacifique
405 ork au Pacifique. Un très long voyage aujourd’hui nous ramènerait nécessairement au point de départ, après un petit tour da
406 point de départ, après un petit tour da planète. Nous changeons de continent comme on part en week-end. Le mot partir a don
407 vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut naître parmi nous , c’est un amour plus large de l’humain, une conception de la fidélité
408 on des visas, de ces anachronismes scandaleux qui nous empêchent de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user de ses dons.
409 et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi servent ces barrages de tampons ? Comment peut-on l
410 nts. Ils rendent vains les progrès matériels dont notre basse époque pourrait encore s’enorgueillir. Ils représentent dans l’
411 la Fatalité imbécile. Pourquoi donc les acceptons- nous , comme des moutons, sans qu’une voix ne proteste ? u. Rougemont De
21 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
412 )w x M. de Rougemont est rentré d’Amérique. Il nous en parle simplement, avec ce sens de l’équilibre et de la mesure dont
413 ivre en Amérique que Stock publiera cet automne. Nous questionnons : Dites-nous quels sentiments le contact avec la civilis
414 k publiera cet automne. Nous questionnons : Dites- nous quels sentiments le contact avec la civilisation américaine éveille c
415 ion beaucoup plus forte que celle qu’éveillent en nous les livres ou même le cinéma. Un sentiment qui dure : pour moi, il a
416 rope. Là-bas, certaines choses vont de soi ; chez nous , elles paraissent bizarres. En France, par exemple, il était bien vu
417 icain s’achète une bonne conscience en payant son à l’État. J’admire beaucoup son sens civique. Quand le citoyen est di
418 ance et la Suisse. L’Américain moyen, qui connaît notre continent par les journaux, nous juge assez mal, nous considère comme
419 en, qui connaît notre continent par les journaux, nous juge assez mal, nous considère comme un pays très compliqué de gens a
420 continent par les journaux, nous juge assez mal, nous considère comme un pays très compliqué de gens assez méchants qui se
421 rande confiance… Ils voient l’Europe un peu comme nous voyions les Balkans avant la guerre. Et puis, ils ont un peu peur de
422 avant la guerre. Et puis, ils ont un peu peur de nous  ; ils craignent que nous ne soyons une source permanente de désordres
423 , ils ont un peu peur de nous ; ils craignent que nous ne soyons une source permanente de désordres et de troubles. Tous les
424 rope un grand sentiment de supériorité à cause de notre culture, l’inverse existe chez les Américains au point de vue du civi
425 masse du centre du pays, elle ne connaît rien de notre continent ; souvent, elle ignore même que la Suisse existe. Un GI m’a
426 écemment déclaré : « La Suisse ? Quand est-ce que nous avons bien pu libérer ça ? C’est si petit ! » Par souci de précision,
427 Russie. Cette impression est une réalité. Quant à notre continent, il est considéré comme une espèce de champ de bataille en
428 que vient l’initiative. Ce qu’ils ont de plus que nous , c’est un grand art du reportage, de la description. Ils ont indiscut
429 politique de la classe ouvrière, si vivante chez nous , est presque inexistante là-bas. Les grèves peuvent être violentes, m
430 lles sont tout à fait conciliables. À l’Amérique, nous pouvons apporter beaucoup de raffinement et un sens des valeurs spiri
431 un sens des valeurs spirituelles. Les Américains nous apportent la franchise dans la vie, la liberté d’allure et beaucoup d
432 entillesse. Telle est la « leçon d’Amérique » que nous a donnée M. Denis de Rougemont. En conclusion, disons que lorsque Tal
433 t introduits par la note suivante : « Un écrivain nous est revenu. Il nous est revenu de la lointaine et si proche Amérique,
434 note suivante : « Un écrivain nous est revenu. Il nous est revenu de la lointaine et si proche Amérique, emportant avec lui,
435 e et si proche Amérique, emportant avec lui, pour nous le communiquer avec la belle générosité des gens d’esprit, un riche m
436 a imprimé son sceau de vie, de foi et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de
22 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
437 ns autant qu’ailleurs. Elle risquerait parfois de nous frapper d’une sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter d’aband
438 frapper d’une sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter d’abandon aux prétendues fatalités de l’Histoire. Mais il n’es
439 figure de paraboles : ils me paraissent propres à nous persuader de la fécondité de certaines valeurs que l’Europe a promues
440 ude des singes et de leur attristante psychologie nous révèle que ces faux ancêtres ne sont guère inférieurs à l’homme sous
441 ne à rester singes. Il les réduit à imiter, là où nous sommes capables d’innover en tirant les leçons d’expériences de la ve
442 s d’expériences de la veille. Singe est celui qui doit refaire chaque jour le chemin perdu pendant la nuit, faute de repères
443 ces mêmes créatures, une expérience récente peut nous fournir une seconde parabole du siècle. Cela se passe on Russie, dans
444 garants infaillibles d’un bonheur qui lui serait . L’échec pour lui — guerre, privations, retards — n’est pas une décep
23 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
445 que chose d’important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairement, si nos m
446 ortant : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairement, si nos moyens passent
447 st que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairement, si nos moyens passent à l’échelle p
448 voisins nous atteindra bientôt nécessairement, si nos moyens passent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre
449 guerre planétaire, c’est-à-dire à une guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimens
450 à-dire à une guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté norm
451 reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre siècle arrive à digérer et intégrer cette pensée-là, il aura fait une
452 du globe est un fait durement établi au niveau de notre existence matérielle. Avant qu’elle puisse devenir un fait de droit,
453 Avant qu’elle puisse devenir un fait de droit, il nous faudra probablement passer par une étape intermédiaire, qui est celle
454 gique : la formation d’une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. No
455 lanétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existences provincia
456 ardons, il n’y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existences provinciales, Londoniens, M
457 a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existences provinciales, Londoniens, Madrilènes, Pari
458 nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existences provinciales, Londoniens, Madrilènes, Parisiens ou Romains
459 ondoniens, Madrilènes, Parisiens ou Romains, avec nos clans, nos écoles, nos partis et nos disputes centenaires ou quinquen
460 Madrilènes, Parisiens ou Romains, avec nos clans, nos écoles, nos partis et nos disputes centenaires ou quinquennales, avec
461 Parisiens ou Romains, avec nos clans, nos écoles, nos partis et nos disputes centenaires ou quinquennales, avec nos allusio
462 omains, avec nos clans, nos écoles, nos partis et nos disputes centenaires ou quinquennales, avec nos allusions perfides ou
463 t nos disputes centenaires ou quinquennales, avec nos allusions perfides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si l’on s
464 ibles pour qui ne peut y aller voir et sentir. Et notre époque n’est pas celle des voyages, mais seulement celle des « missio
465 t rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le
466 comprendre. Les problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent pour nous terres inconnues, et psycholo
467 issants de nos compagnons de planète restent pour nous terres inconnues, et psychologiquement inexplorées. « Hic sunt leones
468 e l’Europe, « ici vivent les lions ». Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ces lions sont des hommes, qu
469 our que ces lions sont des hommes, qui d’ailleurs nous prenaient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas de Persans pou
470 ns sont des hommes, qui d’ailleurs nous prenaient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas de Persans pour se demander :
471 Perse de l’Anabase et de l’Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur prose et dans leurs longs verse
472 longs versets, quel qu’en soit le sujet allégué, nous avons pour la première fois senti, sous le drapé d’un français riche
24 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
473 s que la pensée se donne lorsque, se dégageant de notre condition, elle imagine des idées qui détruisent l’homme, l’on rencon
474 ère ma respiration. Et cela ne signifie point que nous n’ayons jamais pensé à notre mort avec une rapide angoisse — nous y p
475 ne signifie point que nous n’ayons jamais pensé à notre mort avec une rapide angoisse — nous y pensons bien plus que nous n’o
476 ais pensé à notre mort avec une rapide angoisse — nous y pensons bien plus que nous n’osons le croire, sans doute ne pensons
477 ne rapide angoisse — nous y pensons bien plus que nous n’osons le croire, sans doute ne pensons-nous qu’à elle — mais nous n
478 que nous n’osons le croire, sans doute ne pensons- nous qu’à elle — mais nous n’avons jamais pu penser notre mort. Contester
479 oire, sans doute ne pensons-nous qu’à elle — mais nous n’avons jamais pu penser notre mort. Contester là-dessus serait fourn
480 us qu’à elle — mais nous n’avons jamais pu penser notre mort. Contester là-dessus serait fournir l’aveu d’une impuissance à c
481 ement, ce serait aussitôt mourir. Peut-être avons- nous là le seul critère d’une perfection intellectuelle, et l’on conçoit q
482 ire sans appel. Ontologie de la fin Pour que nous apparaisse parfois l’étrangeté d’une telle situation — la nôtre à tou
483 se parfois l’étrangeté d’une telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’une instance mystérieuse aimante notre méd
484 e faut-il pas qu’une instance mystérieuse aimante notre méditation et qu’elle la fixe sur cela que le naturel se refuse à pre
485 e naturel se refuse à prendre au sérieux ? Car si nous restons impuissants à penser notre mort dans le vif, ce phénomène doi
486 érieux ? Car si nous restons impuissants à penser notre mort dans le vif, ce phénomène doit normalement être aperçu comme nég
487 nts à penser notre mort dans le vif, ce phénomène doit normalement être aperçu comme négligeable ; et s’y attarder serait le
488 insi, mesuré par les saisons régulières, le temps nous endort bien plutôt qu’il ne nous avertit de son but. Si l’homme savai
489 lières, le temps nous endort bien plutôt qu’il ne nous avertit de son but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est de son
490 ’est pourquoi les bonnes raisons n’expliquent pas notre réalité, mais seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fi
491 onde d’être pensée ; toutefois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’où vient alors cette prise de conscience, d’une
492 sée de la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous  ? D’où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qu
493 ement parmi nous ? D’où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’écrire ces pages et qui
494 ici ma phrase, me jetant dans mon jugement ? S’il nous vient à l’idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pen
495 mon jugement ? S’il nous vient à l’idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise déjà qui aff
496 t à l’idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fi
497 s qui se pense, c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut
498 la durée ? Mais tout se mêle encore confusément. Nous sommes là comme en rêve, empêtrés, dans le sentiment d’une urgence qu
499 ve, empêtrés, dans le sentiment d’une urgence que nous ne parvenons pas à distinguer avec des yeux bien dessillés. C’est ass
500 l’Arrêt dernier, mais déjà ce ralentissement qui nous fait accéder à la conscience obscure d’un danger proche, — ce crépusc
501 peut-être une aube, et la frange de cet éclat qui doit consumer toute chair. Dans cette lueur suspecte, risque un jour d’app
502 , ont entrevu et tenté de juger les buts réels de notre marche séculaire. Que savons-nous du sens de notre civilisation ? Que
503 buts réels de notre marche séculaire. Que savons- nous du sens de notre civilisation ? Quelle est sa fin, dès l’origine, que
504 otre marche séculaire. Que savons-nous du sens de notre civilisation ? Quelle est sa fin, dès l’origine, quel est son rêve ?
505 dès l’origine, quel est son rêve ? La grandeur ? Nous avons détruit toute mesure, et plus rien n’est grand ni petit, mais t
506 n’est grand ni petit, mais toute chose sans répit nous provoque à la dépasser. La liberté ? Nous avons encombré la terre ent
507 s répit nous provoque à la dépasser. La liberté ? Nous avons encombré la terre entière de barrières destinées à protéger sa
508 lus toute l’étendue de la conscience humaine… Car notre volonté n’est plus de conquérir, mais seulement d’assurer la vie du p
509 Héros ou des grands Névrosés. Un doute règne sur nous , depuis peu. Nous essayons, mais en phrases banales de moralistes tar
510 ds Névrosés. Un doute règne sur nous, depuis peu. Nous essayons, mais en phrases banales de moralistes tardivement ressaisis
511 ’évaluer les conquêtes futures. Signe évident que nous les redoutons. (Si le temps, désormais, travaillait contre nous ?) Et
512 tons. (Si le temps, désormais, travaillait contre nous  ?) Et le monde entier s’organise à ce niveau de vie moyenne qui paraî
513 Un vaste système d’assurances s’étend sur toutes nos activités : plans et pactes, statistiques de l’imprévu, eugénisme et
514 stérilisés, guerre hors la loi, sécurité d’abord. Nous apprenons à vivre, et non plus à mourir : cet effort est contre natur
515 de la vie, et fatalement se retourne contre elle. Nous voulons échapper au temps, à sa menace, mais c’est peut-être le meill
516 onde. Car il se peut que l’assurance mondiale que nous tentons d’organiser, aménage notre ruine collective : lorsque la terr
517 ce mondiale que nous tentons d’organiser, aménage notre ruine collective : lorsque la terre entière soumise au seul pouvoir d
518 aisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous serons pris au dépourvu, comme nulle autre génération. Car, tandis qu
519 e temps s’écoule, à mesure que sa fin s’approche, notre foi diminue, notre attente faiblit. La primitive Église, au début de
520 mesure que sa fin s’approche, notre foi diminue, notre attente faiblit. La primitive Église, au début de notre ère, vivait d
521 attente faiblit. La primitive Église, au début de notre ère, vivait dans la pensée de la fin imminente. Mais parmi nous, qui
522 it dans la pensée de la fin imminente. Mais parmi nous , qui avons cru pouvoir éliminer cette dimension tragique de notre vie
523 cru pouvoir éliminer cette dimension tragique de notre vie, voici qu’un destin ironique se charge de l’approfondir. Non pas
524 e charge de l’approfondir. Non pas le temps, mais notre œuvre elle-même. Pour la première fois dans l’histoire du monde, nous
525 . Pour la première fois dans l’histoire du monde, nous pouvons calculer le prix de revient d’une destruction de l’humanité :
526 ent d’une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertissement Votre refuge est da
527 nce et belle âme comprises. Et ce n’est point que nous aimions la mort comme telle. Bien au contraire, ce qu’affectionne la
528 la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous sommes tout simplement au jour du Jugement. Il sera porté aussi bien
529 tal que sur l’élan mortel. Car il ne vient pas de nous , mais d’En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui n’était pour
530 e vient pas de nous, mais d’En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui n’était pour nous qu’un recul devant le présent.
531 i le futur nous attend, ce futur qui n’était pour nous qu’un recul devant le présent. Ici le temps dit oui pour la première
532 re fois à l’instant qui le juge et l’accomplit, —  notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus de l’instant éternel. Et l’H
533 e et l’accomplit, — notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus de l’instant éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’a
534 s d’un seul coup à la violence de l’acte décisif, nous allons voir paraître enfin leur justification, leur être. Voici l’ins
535 apparaissant qui menace d’être insoutenable : il nous trouve sans préparation. L’on ne s’était défendu que de l’autre côté,
536 nsondablement de Celui qui d’un choix me créa. » ( Nous fûmes tous saisis d’un vertige à ce discours d’une furieuse démesure,
537 il y eut alors comme un silence qui s’imposa sur nous et jusqu’assez haut dans les cieux, en sorte que plus haut, régnant s
538 t entendre le choral d’une angélique hilarité. Et nous sûmes que cet homme était très grand.) Troisième jugement, ou le p
539 a son temps, tout esprit son essor. Et chacun de nous accède au destin qu’il s’est fait, à la parfaite possession de soi-mê
540 ns ! à celui qui porte avec soi la rétribution de nos œuvres » — elle est en Lui, non dans nos œuvres. Commence l’œuvre du
541 ution de nos œuvres » — elle est en Lui, non dans nos œuvres. Commence l’œuvre du Pardon. « Et que celui qui a soif vienne
25 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
542 nt j’explique, pour ma part, cette difficulté que nous éprouvons tous. Un cabinet privé de ministère des Affaires étrangères
543 abinet privé de ministère des Affaires étrangères nous paraît comme puni et humilié ; et sans ministère de la Guerre, il nou
544 i et humilié ; et sans ministère de la Guerre, il nous paraît dépourvu de sérieux. Or, le gouvernement mondial devrait se pa
545 dépourvu de sérieux. Or, le gouvernement mondial devrait se passer de ces deux ministères, en vertu de sa définition. De plus,
546 je m’en excuse. Vous représentez ici l’humanité. Notre condition malheureuse veut que nous ne sachions imaginer le bien que
547 l’humanité. Notre condition malheureuse veut que nous ne sachions imaginer le bien que par contraste avec un mal dont nous
548 aginer le bien que par contraste avec un mal dont nous souffrons. Autrement, le bien — ou la paix — n’est à nos yeux qu’une
549 ffrons. Autrement, le bien — ou la paix — n’est à nos yeux qu’une fumée, une abstraction, c’est-à-dire, soyons francs, le c
550 que la guerre était le pire désordre imaginable à notre époque ; et que ceux qui la tenaient encore pour une nécessité, voire
551 is un primaire. Il m’assure que « à chaque guerre nous , cavaliers, avons prouvé que nous savions nous battre », ce qui est b
552 à chaque guerre nous, cavaliers, avons prouvé que nous savions nous battre », ce qui est bien la preuve que j’ai tort, et d’
553 re nous, cavaliers, avons prouvé que nous savions nous battre », ce qui est bien la preuve que j’ai tort, et d’ailleurs de n
554 z pas que je plaisantais. Car la Bombe seule peut nous débarrasser des armées, des souverainetés nationales, et de l’anarchi
555 tiennent sur la planète. Je dis que la Bombe peut nous délivrer de deux manières : soit en faisant sauter le tout, soit en n
556 anières : soit en faisant sauter le tout, soit en nous forçant d’ici peu à fédérer les hommes au-delà des nations. Vous cher
557 a culture y perdraient quelque chose de précieux. Nous serions tous fondus dans un magma informe de races, de langues, de re
558 en de l’éviter, ou plutôt d’en sortir un peu, car nous y sommes déjà bien engagés. Ce sont les guerres qui le produisent. Et
559 s… Mais je vois que ce mot de nation a créé entre nous une équivoque. Il a deux sens bien différents. Je n’ai parlé que du m
26 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
560 ce que je viens d’y vivre en six années, livrons- nous au petit jeu de société mondiale qu’est la comparaison des peuples de
561 u siècle est sans doute celle de ne point laisser nos moyens matériels de transport distancer la conscience humaine, trop é
562 conde ne l’effleure pas, tandis qu’elle règne sur notre inconscient, résidu des plus solennelles traditions religieuses de l’
563 festement oublié par la rédaction, et rajouté par nous sur la base du texte paru dans Vivre en Amérique (chapitre 4), livr
27 1946, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)
564 parmi les signes. Sédiments séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho
565 voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée d’ar
566 stionnait, répondait. La force était au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la contemp
567 ’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au sil
568 il était vieux déjà du temps de notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force éta
569 e enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fredonnée, sur le seuil,
28 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
570 la guerre, oublie l’Europe. Dans quelques heures nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici je fais le serment d’opposer une
571 ages venant des terres abandonnées du Nord et que nos paysans s’efforcent d’arrêter avant qu’elles n’étouffent leurs champs
572 aître les paniques dévastatrices du ve siècle de notre ère. Et je songe au bastion que mon pays élève, nuit et jour, autour
573 i ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons- nous , car tout peut périr. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas
574 us la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut périr. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! À b
575 . Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! À bord de l’Exeter, 11 septembre 1940 Les derniers b
576 ers barrages traversés, la passerelle relevée, et nos papiers enfin déposés chez le purser, nous n’avons plus devant nous q
577 vée, et nos papiers enfin déposés chez le purser, nous n’avons plus devant nous qu’un océan sans douanes ! Dix jours vierges
578 déposés chez le purser, nous n’avons plus devant nous qu’un océan sans douanes ! Dix jours vierges, dix jours durant lesque
579 peut imaginer que la police renoncera au viol de notre vie privée. Pourtant, certains des passagers gardent encore l’air de
580 t de la liberté. Car tel est le sadisme policier. Nous venons de passer, en quatre jours de voyage, sept contrôles différent
581 s de douane et de police. Secondés par la chance, nous n’y avons passé, si je compte bien, guère plus de 22 heures, mais le
582 agers de la radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regardions de trop près : d’heure en heure, nous n
583 io. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regardions de trop près : d’heure en heure, nous n’avons rien vu.
584 us le regardions de trop près : d’heure en heure, nous n’avons rien vu. C’est après coup, en nous retournant, que nous avons
585 heure, nous n’avons rien vu. C’est après coup, en nous retournant, que nous avons entrevu l’ampleur et la rapidité des événe
586 ien vu. C’est après coup, en nous retournant, que nous avons entrevu l’ampleur et la rapidité des événements. Il a dit : « R
587 t. L’autre jour à Lisbonne une lady me disait : «  Nous ne serons jamais battus, parce que nous sommes un peuple qui ne sait
588 isait : « Nous ne serons jamais battus, parce que nous sommes un peuple qui ne sait pas quand il est battu. » J’ai pensé aux
589 proches défilaient au hublot ! Couru sur le pont. Nous sommes dans les passes de l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bl
590 de claire et neuve : la première rue américaine ! Nous approchons. Tournant la tête vers l’avant, un peu au-dessus de la pou