1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 se en marche vers le nihilisme — ou l’annexion. «  Faire du socialisme, écrit-il, c’est faire la moitié du national-socialisme
2 ’annexion. « Faire du socialisme, écrit-il, c’est faire la moitié du national-socialisme. » Certes, on peut lui répondre que
3 al-socialisme. » Certes, on peut lui répondre que faire du nationalisme, c’est faire l’autre moitié de ce tout. Mais enfin, l
4 eut lui répondre que faire du nationalisme, c’est faire l’autre moitié de ce tout. Mais enfin, l’important c’est que chacun c
5 oliques ni les protestants seuls ne pourront rien faire chez nous. S’ils veulent rester eux-mêmes, il faut que leurs diversit
6 e, si sérieux soit-il, on en reparlera plus tard. Faisons d’abord en sorte qu’il y ait un « plus tard ». En campagne, le jour
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
7 éclat. Il la prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fait son temps, songea-t-il, dans ma vie. Pour la deuxième fois, il alla a
8 olet Évidemment, je n’aurais pas dû entrer. On fait de ces bêtises, par négligence, croit-on. Bref, je suis entré, c’étai
9 , et je serais sorti comme j’étais entré. Mais le fait est que je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute. L
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
10 avant la guerre de 1914, l’empereur Guillaume II fit une visite au gouvernement suisse. Au cours des manœuvres militaires,
11 ous vous attaquions avec un million d’hommes, que feriez -vous ? » — « Chacun de nous tirerait deux fois », répondit calmement
12 et nulle part l’armée n’est plus populaire et ne fait aussi partie de la vie nationale qu’en Suisse. Depuis que les commune
13 qui n’était pas un serf, — se distinguait par ce fait  : il avait le droit de porter des armes. Les Suisses considèrent leur
14 armes, montre d’une façon concrète que l’État lui fait confiance. Imaginez ce qui arriverait dans certains États modernes, e
15 eurs fusils, par crainte d’une révolution. Hitler fit désarmer ses propres troupes de choc, après l’épuration du 30 juin 19
16 eur réelle et les faiblesses de son voisin, de se faire des amitiés. Une égalité complète existe dans les baraquements. Cet e
17 s Suisses retournent à leur ancienne tradition de faire la guerre. Chaque canton a son propre système de défense, selon sa to
18 récéda la mobilisation générale de cinq jours, se fit en quelques heures, le long de toutes les frontières de la Suisse. Le
19 ce qu’ils défendent. Il n’est pas besoin de leur faire des discours. L’un de ceux qui écrivit cet article fut mobilisé en 19
20 ide de divisions motorisées pourrait seulement se faire en évitant les villages et en passant à travers les forêts ou les pât
21 s 4/5e du trafic entre l’Allemagne et l’Italie se font par le Gothard ou le Simplon. Ces tunnels sont puissamment minés. Bea
22 ssamment minés. Beaucoup d’hommes ont juré de les faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe le sait, l’Axe connaît auss
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
23 certain frémissement de l’assemblée des mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute éloquence est amoureuse, excitée
24 mortel. Dans le silence du désir, la possession a fait une brusque rumeur de vagues affrontées et hostiles. Maintenant, l’on
25 orphoses indicibles. Lui s’éveille parfois tout à fait , et ses yeux dans le noir imaginent. Une étreinte qui s’égalerait à l
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
26 n ne verra point se dégager de conclusions tout à fait claires : il y a trop de contradictions. Mais c’est ce qui peut intér
27 ssi de soi, et l’on éprouve alors le besoin de se faire confirmer. Un homme en communion active avec les hommes qui l’entoure
28 onnent et ne demandent rien. Et ce qu’ils donnent fait toute la renommée du peuple. (Aujourd’hui c’est l’inverse qu’on obser
29 e qu’on observe ; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique était virile, comme le don.
30 atteuse. C’est donc quelque chose de vulgaire. De fait , je ne connais pas de gloire moderne dont on ne puisse démontrer par
31 a plus sotte vanité étant assurément d’essayer de faire croire qu’on n’en a point. Si l’on condamne sa propre vanité, le mieu
32 Je veux ma gloire, et je ne l’avoue jamais, — je fais le modeste — d’où vient cette pudeur ? Je ne veux pas la gloire pour
33 ononciation, pour peu d’emphase que j’y prête, me fait venir les larmes aux yeux ? Gloire et lumière, gloire ou mystère, glo
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
34 éricaine (juin-juillet 1943)f g L’Amérique m’a fait prendre conscience de bien des choses qui allaient de soi dans notre
35 , à juste titre, aucun reproche. Car l’Amérique a fait du journalisme un art par une révolution trop ignorée de l’Europe. Un
36 ècle. Entre la sensation et le sensationnel, elle fait preuve d’un incomparable pouvoir d’émotion. Mais elle attend encore s
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
37 ’agit que par l’atmosphère, par le charme qu’elle fait régner. Des lois adroites et humaines ne suffiront jamais à l’assurer
38 it de dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’i
39 dale, l’Autre, l’Amour qui bouleverse le monde et fait surgir des quotidiennes apparences l’être tou­chant, bizarre ou monst
40 en va, et que penser si je ne puis — rien dire ou faire qui s’accorde à ces temps ? « Une nuit viendra, pendant laquelle pers
41 rs, nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici, je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de
42 oule entre des saules et des peupliers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron de la route sentait plus fort que les champ
43 gers. J’ai su, plus tard, que ce jour-là, j’avais fait mes adieux à la France. VII. — Mémoire de l’Europe 1943 Je ne s
8 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
44 llez pas me dire que c’est la bonne manière de se faire comprendre ? Le critique. On voudrait être sûr que vous vous compren
45 et que ces raisons sont les nôtres. Ou bien vous faites de la poésie, et alors vous jouez sur des surprises, ou bien vous nou
46 vous demander de préciser ? A. J’essaierai de le faire par un exemple. La méthode inventée par Descartes est donc devenue ce
47 pression, ce serait celle dont j’essayais de vous faire pressentir la limite, en parlant d’un langage inexplicable et pourtan
48 . Parler en paraboles, c’est tenter d’exprimer un fait ou des idées, en tenant compte du tout qui les englobe. Ou c’est enco
49 er comme au-delà d’eux-mêmes… ce que ne sauraient faire des arguments toujours fondés sur ce qui les précède. Voilà pourquoi
50 e comprendraient pas. Voici la réponse qu’elle me fit  : Jésus racontait des histoires pour qu’ils s’en souviennent mieux pl
51 u voir, et qui voudrait retrouver sa vision et la faire pressentir à d’autres hommes. Une vision ne se transmet pas, c’est le
9 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
52 rance montre que les idées personnalistes avaient fait leur chemin dans l’élite de la Résistance. S’agit-il d’une influence
53 tive. Les événements eux-mêmes se sont chargés de faire la critique de tant d’incohérences au sein desquelles le Français moy
54 et des divers « planisme »), ou bien allons-nous faire une société où les objets soient remis au service de l’homme qui crée
55 apparence les plus opposées se trouvaient agir en fait dans le même sens : elles tendaient toutes à dépersonnaliser l’homme,
56 oyens travailleraient dans les usines, au lieu de faire une année de caserne. Les avantages de ce service civil seraient trip
57 plusieurs usines de la région parisienne, ils se firent embaucher par groupes, comme manœuvres. Au bout de trois jours, dans
58 forme, il sera frustré de toute possibilité de se faire entendre ou d’agir personnellement. Il n’existe vraiment comme person
59 que l’anarchie capitaliste, non le pays réel. Que faire contre ce mal, sans capitaux énormes ? Les personnalistes organisèren
10 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
60 que l’esprit et que ses choix. Or ces réalités ne faisaient que traduire en quantités physiquement mesurables notre attitude spir
61 tile lui suggère alors que cet « autre » n’est en fait qu’une part de lui-même. S’il comprend cela et s’il le croit, le mala
62 udra l’enfermer dans une camisole de force. Il ne fera plus de mal, mais il restera fou. Au Moyen Âge, on disait qu’un tel h
63 é comme aliénée se flagella et se meurtrit : elle fait la guerre. Exactement, elle se la fait. Elle ne tardera pas à tomber
64 rit : elle fait la guerre. Exactement, elle se la fait . Elle ne tardera pas à tomber épuisée et à se passer la camisole de f
65 s victimes le nient, et presque tous ceux qu’elle fait vivre. Je dis que la guerre nous plaît inconsciemment. Autrement, ell
66 impossible. Tous, nous sommes contre, et nous la faisons tous : expliquez cela. — « Ce sont les autres. » Mais ils le disent a
67 ommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nous fait enquête avant de partir ? Sommes-nous en possession des pièces du pro
68 de droits, vous n’y avez pas pensé. Nous avons «  fait notre devoir » et pas de question. Je dis que la guerre nous plaît. E
69 e actuelle a perdu ces attraits. Tout le monde la fait , en salopette, en kaki, ou en tablier. Dans la plupart des cas, loin
70 manité — presque totalement mobilisée — combat en fait sur les champs de bataille. Seule une fraction de cette fraction conn
71 lle fête immense faudrait-il à ce siècle pour lui faire oublier son goût de la guerre ! Quel drame nouveau, pour remplacer, s
72 ur le parti. Mais s’il n’y a plus de guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? Pour qui ? Pour quo
73 ils disent. Et c’est tout ce que je voulais leur faire dire. (Il leur reste à me traiter de défaitiste.) Une politique qui n
74 de défaitiste.) Une politique qui négligerait le fait que la guerre nous plaît pour des raisons profondes, cette politique
75 révue. Et devant le cadavre gisant de l’homme qui fit trembler tout l’univers, voici que nous nous écrierons avec une stupé
76 moderne le prouve. À son défaut, Hitler l’aurait fait voir par le moyen de cette religion synthétique (comme le caoutchouc)
77 la recherche hasardeuse de moyens nouveaux, elle fait lever des monstres autour de nous. Imaginons une similitude assez exa
11 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
78 i n’est autre que l’arcane 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame n’a pas de nombre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartie
79 car Jupiter étant symboliquement principe de vie, fait fonction de Dieu dans l’Humanité ; (b) La papesse, remplacée par Juno
80 le sont les symboles de nos « grands rêves ». De fait , chacun des arcanes majeurs est une apparition, un grand rêve fixé, e
81 technique, comparée à d’autres, résidait dans le fait qu’elle combinait plusieurs modes d’entraînement dans une seule activ
82 zard) Cette très brève indication peut suffire à faire entrevoir au lecteur l’importance réelle du tarot, indépendamment des
83 — signifient les 4 divisions du cosmos auxquelles faisaient allusion les 4 lettres I H V H brodées sur la robe du Fou, et représe
12 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
84 l’art de persuader. L’ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’art de parler pour ne rien dire. Rhétorique est devenue
85 commun par les artistes et leur public. Tout cela faisait l’Art, aux grandes époques. Artiste était celui qui, de ces règles, s
86 pouvaient estimer la bienfacture d’une œuvre, et faire la part de l’invention par déduction de la coutume. Presque tous ces
87 is sauront immédiatement si vous avez bien ou mal fait , si vous avez risqué à bon escient, si vous avez inventé quelque chos
88 entre en décadence, cependant que le journalisme fait son apparition, et que la réalité quotidienne s’introduit dans les ro
89 dans les arts vint au siècle suivant. Elle aussi fit la chasse aux « ci-devants » : genres établis, situations convenues,
90 et commanda de les éliminer. De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’inspiration pure, comme la colombe de Kan
91 tomba dans « la réalité », coupa ses ailes et se fit romancier ou paysagiste d’après nature. Le sociologue et le photograp
92 mmunes à l’élite d’une société donnée. Nous avons fait , en quelques lignes, tout le chemin qui sépare les premiers chapitres
93 Mais que se passe-t-il lorsque le romancier nous fait savoir qu’il a mis dans son livre ce qui est, et non plus ce qu’il a
94 cela s’est passé tout à l’heure, dans la rue, il ferait aussitôt mille objections. Il vous jugerait avec toute la sévérité qu
95 londe et consulta l’indicateur. » Il s’agit de me faire croire que c’est vrai. Il faut donc me fournir des preuves et des obs
96 erposables. Et je ne renoncerais à la mienne pour faire crédit à celle de l’écrivain que si, d’abord, il renonçait à démontre
97 n. Pourtant il ne dispose que de mots, quoi qu’il fasse . Ce dernier artifice paraît le gêner d’autant qu’il essaie de le fair
98 ifice paraît le gêner d’autant qu’il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome de la critique moderne : un roman ne doit pa
99 orts trahissent le curieux embarras de ne pouvoir faire entrer dans un livre des personnages grandeur nature. La volonté d’él
100 ves, pour peu d’exigence qu’on y mette, aboutit à faire du roman quelque chose d’interminable, et quelque chose de méthodique
101 ns la réalité, bref, tous recours au « hasard qui fait trop bien les choses ». J’extrais ces propositions de la préface aux
102 e, par le recours à l’autorité tout extérieure du fait accompli. Cette possibilité de tricherie est voisine de celle qui con
103 ous comme ressorts de l’action, ou qu’enfin il se fît un prestige de les contredire et miner. Tout cela ne durera plus que
104 ns déclassera la plupart des objets dont le roman faisait toute son « étude ». Mais le besoin de lire des fables ne s’éteindra
13 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
105 au. Mais rien ne sert de n’y pas croire. C’est un fait , nous l’avons subi, et nous avons tous dit : je n’y puis rien. Avec a
106 de prédestination. Mais s’il est vain de nier le fait , il ne l’est point de mettre en doute son caractère de destinée fatal
107 t les plus légers mouvements que cette apparition fait naître en elles. Très facile que de les persuader, une fois si bien i
108 son tour une scène de roman. Oui, l’idée seule a fait tous ces ravages, et non pas quelque dieu, ni le Destin. Il n’y aurai
109 ois… Il me vient une image dont la netteté pourra faire excuser le prosaïsme : le coup de foudre, en dépit de son nom, ne sou
110 une mélodieuse formule hongroise. La présentation faite , cette dame nous offrit la rituelle liqueur de pêche dont on vide tro
111 liberté lyrique dans les relations… Mais rien n’y fait . Je ne puis avaler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’effet de l’av
112 d’ailleurs sa femme me promènera dans Buda, et me fera visiter le Musée, — à ce soir ! Il s’en va, très satisfait de lui, et
113 uelque chose dans un restaurant ? — Bonne idée », fait -elle d’une voix basse, sans me regarder. Nous voici attablés devant d
114 à rien. Tout d’un coup je me suis mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrête devant elle, les bras en arrière, co
115 e était signée Maria. — Un vrai drame du destin ! fis -je après un moment. Le type même du Schicksalsdrama, comme vous dites
14 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
116 demander quel est l’état présent des libertés qui faisaient l’enjeu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, p
117 oyablement par la comparaison qu’il nous oblige à faire de l’idéal et du présent. Je propose donc que nous changions ce qui p
118 bole. Je connais certains hommes qui jouissent en fait des quatre libertés susdites. « Une » : Ils peuvent dire tout ce qu’i
119 des obstacles. Ceux qui ont peur d’être libres en feront leurs prétextes comme l’ont fait les Allemands sous l’hitlérisme. La
120 être libres en feront leurs prétextes comme l’ont fait les Allemands sous l’hitlérisme. La liberté fondamentale dont tout dé
121 lutte est toujours possible. Cette Résistance ne fait que commencer. Mais si nous décidons que les obstacles à l’exercice d
15 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
122 hose d’important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairement, si nos moyens pa
123 une guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour u
124 ve à digérer et intégrer cette pensée-là, il aura fait une révolution bien plus grande que la Renaissance. Il semble que la
125 ière guerre, j’entends celle de 39-45, a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de leur relativité. La gu
126 pratique des différentes parties du globe est un fait durement établi au niveau de notre existence matérielle. Avant qu’ell
127 tence matérielle. Avant qu’elle puisse devenir un fait de droit, il nous faudra probablement passer par une étape intermédia
128 ser par une étape intermédiaire, qui est celle du fait psychologique : la formation d’une conscience planétaire. Nous retard
129 puté local ni de « l’hypocrisie américaine ». Que faire  ? Tout le monde ne peut pas tout savoir, encore moins tout voir et to
16 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)
130 2. Donner la Bombe au gouvernement mondial, pour faire la police des nations. Deux chambres universelles seraient élues, l’u
131 cela veut dire que vous d’abord, vous refusez de faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais en re
132 que la défaite, mais la désertion seule puisse me faire perdre ? Je me rappelle cette voix, dans Isaïe, criant de Séir au pro
133 de la Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu dans tout cela ? Dangereuse question : imaginez qu’il vous répon
134 maginez qu’il vous réponde ? S’il permet que nous fassions sauter la Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà de ce « c
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)
135 amour tardif de notre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire de
136 Il est donc clair qu’on l’emploiera, au risque de faire sauter la Terre. — Alors, pourquoi dites-vous : la Bombe n’est pas da
137 eux, horriblement, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’employer. Quand je voi
138 Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu’on n
18 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
139 e. On m’écrit cela de Paris et l’on ajoute que je ferais bien de rentrer, sous peine de ne pas comprendre la réalité européenn
140 s : on verrait vite que c’est un faux dilemme. Le fait est là : nous allons en dix heures de Lisbonne à New York, de New Yor
141 mer. Il faut cesser de trouver cela nigaud, et de faire le coq de village tout hérissé, griffu, inefficace. Circulez donc, al
19 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
142 montant de leur revenu. Cinq minutes après avoir fait votre connaissance, ils vous appellent par votre prénom et vous invit
143 avec beaucoup de gentillesse. Les Américains lui font crédit. En Europe, par contre, les liaisons, si elles sont plus rares
144 s discours capitalistes… D’autres gens voudraient faire la guerre à la Russie sans plus attendre, en se servant de la bombe a
145 ues jeunes poètes, pas du tout intellectuels, qui font un lyrisme très violent et très coloré… Quant à l’Amérique sociale… S
146 pas dire que l’on soit de droite ou de gauche. On fait la grève pour des raisons purement pratiques et non au nom du marxism
147 nces sont fortes, certes ; mais elles sont tout à fait conciliables. À l’Amérique, nous pouvons apporter beaucoup de raffine
20 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
148 n’entends pas attaquer les jeunes puissances, ni faire l’apologie du vieillissement. Mais j’emprunterai à des recherches réc
149 les toutes chaudes, à la dernière tactique, et ne fait que singer d’antiques découvertes. À propos de ces mêmes créatures, u
21 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
150 hose d’important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairement, si nos moyens pa
151 une guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour u
152 ve à digérer et intégrer cette pensée-là, il aura fait une révolution bien plus grande que la Renaissance. Il semble que la
153 ance. Il semble que la dernière guerre a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de leur relativité. La gu
154 pratique des différentes parties du globe est un fait durement établi au niveau de notre existence matérielle. Avant qu’ell
155 tence matérielle. Avant qu’elle puisse devenir un fait de droit, il nous faudra probablement passer par une étape intermédia
156 ser par une étape intermédiaire, qui est celle du fait psychologique : la formation d’une conscience planétaire. Nous retard
157 es députés ni de l’« hypocrisie américaine »… Que faire  ? Tout le monde ne peut pas tout savoir, encore moins tout voir et co
22 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
158 rçu comme négligeable ; et s’y attarder serait le fait d’une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’utopie devant ma
159 rêt dernier, mais déjà ce ralentissement qui nous fait accéder à la conscience obscure d’un danger proche, — ce crépuscule q
160 — mais ils savaient que rien ne peut finir tout à fait et à jamais qu’au prix de cela justement qu’il n’était point permis d
161 endu que de l’autre côté, du côté de ce monde mal fait … Parut un soleil nouveau. Et ceux qui le voyaient prenaient un visage
162 ré d’être de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’examen des raisons de survivre et leur introduction a
163 our quoi je veux mourir. Et c’était bien ce qu’on faisait . Ainsi tous connurent la mort, mais les uns renaissaient au sein de l
164 r. Et chacun de nous accède au destin qu’il s’est fait , à la parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dan
23 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
165 ur tout dire, pas de voisins, donc personne à qui faire la guerre ? À quoi cela ressemblerait-il ? Les nations et leurs gouve
166 ésenter ce qu’un pouvoir planétaire pourrait bien faire de ses dix doigts… Pas de nations sans guerres avec d’autres nations.
167 t trop simple. Un colonel de cavalerie à qui vous fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort de la guerre militaire par su
168 mbe peut nous délivrer de deux manières : soit en faisant sauter le tout, soit en nous forçant d’ici peu à fédérer les hommes a
169 . Dites-lui que je respecte la cavalerie : elle a fait ses preuves sous Murat. Mais revenons au xxe siècle. L’idée que les
170 ons et de coutumes, et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évanouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous.
171 Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fait leur véritable originalité, n’est pas défini par leur souveraineté ab
172 le gouvernement français n’a plus rien d’autre à faire qu’administrer le pays, il sera un meilleur gouvernement ? (Je vous p
173 , le mot État dans le sens de souverain, dont ils font finalement un dieu, créant d’horribles confusions d’idées, qui se ter
174 ’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état de faire la guerre, en se liant à des économies voisines. Mais remarquez l’hyp
175 du prestige qui s’attache à l’idée de nation… En fait , on étatise la nation. Que penser de ces États-nations, de plus en pl
176 socialisation et nationalisation pour masquer le fait qu’il s’agit d’une étatisation. Je n’en ai qu’au cadre national. Intr
24 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
177 endant vingt ans, le Français vous dira Monsieur, fera l’impossible pour vous cacher sa richesse s’il est riche, sa pauvreté
178 plus favorable à cette dernière. Mais tout compte fait , l’avion le plus rapide du monde n’existe qu’à un seul exemplaire. Et
179 roduits d’exportation, humains ou commerciaux, le font passer pour plus léger que l’air. Il a fallu le général de Gaulle et
180 mœurs des Européens qu’on perd l’espoir de jamais faire comprendre les uns aux autres. L’ordre des valeurs morales me semble
181 officialise presque ; en Amérique, c’est elle qui fait scandale. Se quitter bons amis après [illisible] est régulier. S’atta
182 lce et decorum est pro patria mori, accepte de se faire tuer non point par fanatisme, religieux, comme le Japonais, ni par es
25 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
183 ures nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de
184 encore l’air de s’attendre au pire, tandis qu’ils font leur premier tour de pont. Ils se rappellent sans doute ce Polonais,
185  » sont fréquents. Paradoxe du siècle où tout est fait pour réduire l’homme à l’anonyme, pour le priver du sentiment de sa v
186 rences » (prétexte évidemment peu convaincant) je fais figure d’ex-voyageur normal. Touriste des catastrophes, scandaleux pe
187 côté on savait tout cela, et qu’au surplus, on en faisait autant, avec des armes fournies par certains ministères. Si j’en croi
188 qu’on eût moins brillamment prévu les choses… De fait , les étrangers sont toujours surprenants. On ne s’entend vraiment bie