1 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
1 La gloire (mars 1943)e (Nous le connaissions un peu, et pensions le connaîtr
2 itude aussi profondément ambiguë, vis-à-vis de la gloire , n’est pas sans entretenir les plus curieux malentendus entre un aute
3 upart des écrivains modernes.) J’ai vécu pour la gloire — dit le prince André — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’est aussi
4 loire — dit le prince André — et qu’est-ce que la gloire , si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir de lui être utile et
5 copiant, je n’y vois plus que sophismes. Non, la gloire , ce n’est pas l’amour mais au contraire le mépris du prochain. Le Pri
6 herché qu’un public. C’est le public qui donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le flatter. Tandis que la princesse
7 vraiment aimé son prochain, n’en n’a pas reçu de gloire et n’en demandait point. Aussi ne pense-t-elle pas qu’elle a « perdu
8 cela va sans dire. » C’est à cela qu’on donne la gloire . Et ceux qui ne la briguent point risquent fort de se rendre antipath
9 n’a jugé ridicule que l’on affiche un amour de la gloire même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne tient pour glorieux
10 x que ceux qui prennent le soin de parler de leur gloire . Chateaubriand eut de la gloire, mais non Stendhal. Madame de Staël e
11 de parler de leur gloire. Chateaubriand eut de la gloire , mais non Stendhal. Madame de Staël en eut, mais non Constant (comme
12 n’entraîne pas que l’on change le jugement sur la gloire . La gloire est donc un mythe : j’entends que son pouvoir et sa grande
13 pas que l’on change le jugement sur la gloire. La gloire est donc un mythe : j’entends que son pouvoir et sa grandeur ne dépen
14 ma crescit eundo : minuit praesentia famam. Toute gloire est donc aliénée. Celle d’un Chateaubriand n’est pas à lui, ni à son
15 t se complique et se retourne ! Celui qui veut la gloire , est-ce qu’il manquerait d’orgueil ? Serait-il plus humble que moi ?
16 nt d’elle plus de noblesse ? Dire : je néglige la gloire , c’est dire : je vous néglige, vous qui donnez la gloire pour prix d’
17 c’est dire : je vous néglige, vous qui donnez la gloire pour prix d’une complaisance. Mais c’est dire aussi : je vous aime, p
18 lgaires que vous n’êtes. Celui qui ne veut pas la gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut
19 foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul serait capable de se la décerner ? L’idée moderne
20 capable de se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui qui s’affir
21 — n’importe où. (Crimes commis pour s’acquérir la gloire , fréquents dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloire est
22 ts dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le contraire
23 de l’amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’a plus souci ni même conscience du voisin qu’il pourrait aider (c’e
24 qui l’entourent ne songerait pas à rechercher la gloire . Car la gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait l’excellence, à
25 t ne songerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait l’excellence, à son rang et se
26 observe ; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Alexandre
27 donne la foule qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Alexandre exemplaire, plus beau q
28 x que tous, n’était pas séparé mais au sommet. Sa gloire était dans son destin, gagée par une mesure universelle que ses actio
29 que ses actions comblaient exactement. Mais notre gloire ne saurait être mesurée : c’est une rumeur, c’est une publicité, une
30 chose de vulgaire. De fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne puisse démontrer par quels moyens elle fut acquise
31 s la beauté de son œuvre, que s’est constituée sa gloire .) Et cependant, je me suis surpris à désirer une gloire qui ne m’ennu
32 .) Et cependant, je me suis surpris à désirer une gloire qui ne m’ennuierait pas. Non point la leur, mais celle que je pourrai
33 c’est bien là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloire . Qu’est-ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur 
34 lqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne serait-ce pas aussi le m
35 précisément, d’y renoncer ? Autre avantage de la gloire  : elle confère le droit d’être banal. Tant pis si beaucoup en abusent
36 n abusent… Hypothèse : l’expérience intime de la gloire précède toujours sa manifestation. L’ambitieux ne vaut rien pour la
37 manifestation. L’ambitieux ne vaut rien pour la gloire . Il ne peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire de la compar
38 e. » Ce serait instructif et amusant. Je veux ma gloire , et je ne l’avoue jamais, — je fais le modeste — d’où vient cette pud
39 ste — d’où vient cette pudeur ? Je ne veux pas la gloire pour vous éblouir, vous que j’aime et qui me connaissez. Vous savez c
40 suis, et si vous appreniez un jour que j’ai de la gloire , que sauriez-vous alors d’essentiel que dès maintenant vous ne sachie
41 une erreur —, je veux cela. Qu’est-ce donc que «  gloire  », dont la prononciation, pour peu d’emphase que j’y prête, me fait v
42 ue j’y prête, me fait venir les larmes aux yeux ? Gloire et lumière, gloire ou mystère, gloire et mort lumineuse, gloire et ce
43 it venir les larmes aux yeux ? Gloire et lumière, gloire ou mystère, gloire et mort lumineuse, gloire et ce triomphal accord c
44 aux yeux ? Gloire et lumière, gloire ou mystère, gloire et mort lumineuse, gloire et ce triomphal accord clamé, ou cet instan
45 ère, gloire ou mystère, gloire et mort lumineuse, gloire et ce triomphal accord clamé, ou cet instant plutôt qui est au seuil
46 se que mon nom est : mensonge, que je voudrais la gloire et ne sais pas pourquoi ? Ou n’ose pas savoir pourquoi… Ce que je n’o
47 mon adversaire. C’est lui seul qui s’oppose à ma gloire , et qui me sauve malgré moi de mon triomphe. Il n’y a qu’un seul Dieu
48 , et tout sera. Ainsi, ô Dieu, délivrez-moi de la gloire  ! Mais cette prière m’émeut encore comme la gloire ! 1938 e. Rou
49 loire ! Mais cette prière m’émeut encore comme la gloire  ! 1938 e. Rougemont Denis de, « La gloire », VVV, New York, mars
50 la gloire ! 1938 e. Rougemont Denis de, « La gloire  », VVV, New York, mars 1943, p. 71-73.
2 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
51 oir d’été, après l’orage, avant la nuit, dans une gloire déchirante et délicieuse comme les secondes voix de Schumann. Un myth
3 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
52 t de toute la création, son terme monumental à la gloire du Dieu Tout-Puissant, — l’Amen du Temps qui s’agenouille et s’abîme