1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 ui l’étonne. « Trop beau pour être vrai », disait- il au siècle dernier ; et aujourd’hui : « Trop affreux pour être vrai. »
2 uit un seul et même refus de voir le monde tel qu’ il est : pécheur et racheté, condamné et sauvé. Qui ne croit pas en Dieu
3 arder en plein visage — ce qui nous ruine. Non qu’ il soit pessimiste par tempérament — ce n’est pas l’impression qu’il don
4 te par tempérament — ce n’est pas l’impression qu’ il donne, pas du tout — mais il est simplement lucide. Il a su voir plus
5 pas l’impression qu’il donne, pas du tout — mais il est simplement lucide. Il a su voir plus loin que le bout de la Suiss
6 nne, pas du tout — mais il est simplement lucide. Il a su voir plus loin que le bout de la Suisse. Il a su voir l’Europe e
7 Il a su voir plus loin que le bout de la Suisse. Il a su voir l’Europe en pleine révolution. Il a montré l’un des premier
8 isse. Il a su voir l’Europe en pleine révolution. Il a montré l’un des premiers, chez nous, que la vraie fin, même inconsc
9 sme — ou l’annexion. « Faire du socialisme, écrit- il , c’est faire la moitié du national-socialisme. » Certes, on peut lui
10 estants seuls ne pourront rien faire chez nous. S’ ils veulent rester eux-mêmes, il faut que leurs diversités se fédèrent au
11 faire chez nous. S’ils veulent rester eux-mêmes, il faut que leurs diversités se fédèrent au service du pays. Quand le te
12 est cela qui unit. Pour le reste, si sérieux soit- il , on en reparlera plus tard. Faisons d’abord en sorte qu’il y ait un «
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
13 , mille lits pour y rêver, mille pour y souffrir, il n’y a qu’un Amant : tu t’égares, il s’enfuit. — « En vérité, vous vou
14 r y souffrir, il n’y a qu’un Amant : tu t’égares, il s’enfuit. — « En vérité, vous vous cherchiez d’abord. À force de vous
15 fuir, vous échangerez tout ! » Pour mieux courir, elle a jeté ses voiles, et sa pudeur est dévoilée, ô folle ! Mais lui les
16 is lui les trouve et s’en revêt : voiles de nuit. Elle a passé tout près, ne l’a pas vu. C’est pourtant le désir qui les pre
17 er, s’offusque, ou c’est le désir qui l’aveugle ? Elle est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui connais le maître du palais, d
18 — Toi qui connais le maître du palais, dis-moi s’ il vit, s’il règne encore aux solitudes. Car sinon, tu m’entends, je sui
19 connais le maître du palais, dis-moi s’il vit, s’ il règne encore aux solitudes. Car sinon, tu m’entends, je suis le Princ
20 du parc ? — Es-tu bien sûr que c’était une voix ? Ils y couraient. La nuit pleuvait dans les futaies épaisses, et les herbe
21 hent plus que les abords désertiques de la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais disparu, les jard
22 a pluie. Le Palais disparu, les jardins dévastés, il est vêtu des voiles, elle tremble nue. — Où se cacher encore ? dit-el
23 ru, les jardins dévastés, il est vêtu des voiles, elle tremble nue. — Où se cacher encore ? dit-elle. — Dans tes voiles. — T
24 es, elle tremble nue. — Où se cacher encore ? dit- elle . — Dans tes voiles. — Tu les as pris. — Viens dans mes bras, ma fille
25 e prêtre oriental. L’homme choisit la plus terne, il était triste et présomptueux. À mesure qu’avec les années, il se pers
26 ste et présomptueux. À mesure qu’avec les années, il se persuadait que sa pierre était bonne, étant bien celle de ses vœux
27 re se mit à luire davantage ; et davantage encore il l’aimait, plus il luttait contre la vie, plus il vivait. Un soir, éme
28 davantage ; et davantage encore il l’aimait, plus il luttait contre la vie, plus il vivait. Un soir, émerveillé de la revo
29 il l’aimait, plus il luttait contre la vie, plus il vivait. Un soir, émerveillé de la revoir, il dit : — Je suis un homme
30 plus il vivait. Un soir, émerveillé de la revoir, il dit : — Je suis un homme heureux, j’ai su choisir la pierre de mes vœ
31 u’une fois au moins je te contemple en mon repos. Elle s’éteignit. Il la jeta dans le brasier cendreux. Pendant la nuit — gr
32 ns je te contemple en mon repos. Elle s’éteignit. Il la jeta dans le brasier cendreux. Pendant la nuit — grande était sa d
33 e, et le grand feu flamba soudain toute la pièce. Il dit à sa pierre : — Ô ma pierre, luis dans le feu ! Je ne puis te tou
34 oucher, mais la chaleur est bonne. Tout un hiver, il vécut de ce feu. Le printemps vint. — Aurai-je encore besoin du feu ?
35 e et me reposerai dans la fraîcheur de son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fait son temps, songea-t-il,
36 serai dans la fraîcheur de son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fait son temps, songea-t-il, dans ma vie. P
37 tait brûlée. — L’hiver a fait son temps, songea-t- il , dans ma vie. Pour la deuxième fois, il alla au marché de l’aube. — C
38 songea-t-il, dans ma vie. Pour la deuxième fois, il alla au marché de l’aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’
39 arbiche de prêtre, je me souviens de ta jeunesse. Il choisit la plus éclatante. Et vois : quand il était heureux, elle lui
40 se. Il choisit la plus éclatante. Et vois : quand il était heureux, elle luisait d’une froide splendeur, et quand il était
41 plus éclatante. Et vois : quand il était heureux, elle luisait d’une froide splendeur, et quand il était triste, elle était
42 ux, elle luisait d’une froide splendeur, et quand il était triste, elle était consolante. Mais c’était l’autre qu’il prena
43 d’une froide splendeur, et quand il était triste, elle était consolante. Mais c’était l’autre qu’il prenait alors entre ses
44 e, elle était consolante. Mais c’était l’autre qu’ il prenait alors entre ses mains, la pierre du vœu triste et présomptueu
45 du vœu triste et présomptueux de sa jeunesse. Et il pleurait. Une troisième fois, il se leva pour aller au marché de l’au
46 sa jeunesse. Et il pleurait. Une troisième fois, il se leva pour aller au marché de l’aube. — Tu n’as plus rien, lui dit
47 suis entré, c’était juste pour voir si par hasard elle était là. Vous savez que c’est compliqué, ce bâtiment. Des couloirs e
48 s, rouge ou noir. J’arrive à la salle de lecture. Il n’y avait que des feuilles de papier blanc sur les tables, et tout le
49 s tables, et tout le monde lisait. Je dis : — Est- elle ici ? Quelqu’un l’a-t-il vue ? Ils me regardent d’un air vexé. Un val
50 lisait. Je dis : — Est-elle ici ? Quelqu’un l’a-t- il vue ? Ils me regardent d’un air vexé. Un valet s’approche rapidement
51 e dis : — Est-elle ici ? Quelqu’un l’a-t-il vue ? Ils me regardent d’un air vexé. Un valet s’approche rapidement et me dit
52 Monsieur est venu, et puisque Monsieur demande si elle est ici, elle y est évidemment. Mais je rappelle à Monsieur la règle
53 enu, et puisque Monsieur demande si elle est ici, elle y est évidemment. Mais je rappelle à Monsieur la règle du club : Ni Q
54 ait assis face à la porte et me regardait comme s’ il n’avait rien entendu. Nous nous sommes dévisagés un certain temps ; j
55 un certain temps ; je ne trouvais pas son regard, il me semblait que ce regard fuyait très loin dans ses yeux et me rejoig
56 ait sur ma nuque. À l’instant où je l’ai compris, il a tiré. — Eh bien oui, je suis là, dit-elle. (Je tenais sa main. Je s
57 ompris, il a tiré. — Eh bien oui, je suis là, dit- elle . (Je tenais sa main. Je sentis qu’elle avait de la fièvre.) Je suis l
58 is là, dit-elle. (Je tenais sa main. Je sentis qu’ elle avait de la fièvre.) Je suis là parce que tu es venu, tout simplement
59 nous. Je ne sais combien de temps cela va durer. Elle délire et j’ai cette balle dans le cœur. Et voici que maintenant, je
60 que c’est une vraie balle que j’ai dans le cœur, il est évident que je suis mort. Et si vous me dites que la balle n’est
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
61 nement suisse. Au cours des manœuvres militaires, il dit à un soldat : « Vous êtes 500 000 hommes, et vous tirez bien ; ma
62 était pas un serf, — se distinguait par ce fait : il avait le droit de porter des armes. Les Suisses considèrent leurs arm
63 plus anciens, les Suisses étaient libres parce qu’ ils étaient forts, et ils étaient forts parce qu’ils étaient libres. La p
64 ses étaient libres parce qu’ils étaient forts, et ils étaient forts parce qu’ils étaient libres. La possession par chaque c
65 ’ils étaient forts, et ils étaient forts parce qu’ ils étaient libres. La possession par chaque citoyen de ses propres armes
66 mme tout le monde. Entre les manœuvres annuelles, il consacre quelques heures par semaine à ses devoirs militaires. Un cap
67 ple, dans la vie civile, surveille sa compagnie : il sait toujours où ses hommes habitent. L’habitude veut qu’ils lui envo
68 ujours où ses hommes habitent. L’habitude veut qu’ ils lui envoient leurs bons vœux de Nouvel An, auxquels il répond toujour
69 i envoient leurs bons vœux de Nouvel An, auxquels il répond toujours. Plusieurs de ces hommes vont vers lui pour lui deman
70 les positions préparées à la frontière, parce qu’ elles les ont fortifiées de leurs propres mains. À la première alerte, les
71 n à quelques kilomètres de leurs propres maisons. Ils savent ce qu’ils défendent. Il n’est pas besoin de leur faire des dis
72 mètres de leurs propres maisons. Ils savent ce qu’ ils défendent. Il n’est pas besoin de leur faire des discours. L’un de ce
73 propres maisons. Ils savent ce qu’ils défendent. Il n’est pas besoin de leur faire des discours. L’un de ceux qui écrivit
74 t mobilisé en 1939, à un poste-frontière du Jura. Il pouvait voir, à travers ses jumelles, un champ, à 3000 pieds au-desso
75 r le clair reflet d’une robe d’été et imaginer qu’ il reconnaissait ses enfants. De telles choses comptent dans la guerre.
76 mptent dans la guerre. Mais une petite armée peut- elle défendre avec succès un pays contre un adversaire cinquante fois mieu
77 ée du territoire derrière les lignes. Cela serait- il possible en Suisse ? Il y a autant de centres de résistance qu’il y a
78 ’ennemi aurait à développer une attaque en règle. Il ne serait nullement question d’avancer rapidement comme dans les plai
79 e serait un « morceau dur à avaler », et parce qu’ il était celui qui a, dans ses mains, le Gothard. Les 4/5e du trafic ent
80 tenir, sans espérer toutefois une victoire, mais ils sauveront du moins l’honneur du pays. Des extraits d’un récent discou
81 ux qui demandent : « Pourquoi ces sacrifices ? », il répond : « Ni la famine, ni la guerre, ni l’exil ne pourront être évi
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
82 st. Sénèque En pleine polémique avec le mystère, il arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’amour une ou plusi
83 cette méfiance ou à cette avarice anxieuse. Mais il est une manière imaginable de parler de l’amour sans malice : c’est d
84 r moments une espèce d’émotion ou de gêne, non qu’ il soit dit ni même décrit par allusions ou par symboles, mais sa présen
85 sacré. Angérone, déesse du Silence : on croit qu’ elle avait sa statue dans le temple de la Volupté. Et certains pensent qu’
86 s le temple de la Volupté. Et certains pensent qu’ elle est la même que la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours de ce
87 de son terme. Quand le désir s’empare d’un homme, il arrive qu’il le rende muet. Il arrive même que le désir se manifeste
88 Quand le désir s’empare d’un homme, il arrive qu’ il le rende muet. Il arrive même que le désir se manifeste tout d’abord
89 empare d’un homme, il arrive qu’il le rende muet. Il arrive même que le désir se manifeste tout d’abord par ce mutisme. À
90 mit d’avoir perdu la volupté. L’homme du désir : il ne peut aimer qu’indéfiniment. Il n’aime que cela : regarder longtemp
91 omme du désir : il ne peut aimer qu’indéfiniment. Il n’aime que cela : regarder longtemps en silence, se perdre dans des y
92 s’établit entre eux. L’approche des yeux, dès qu’ ils ont accepté tout le regard de l’autre : sentiment comparable au verti
93 e au vertige. Le jugement peut rester libre, mais il semble que l’âme s’extériorise et tombe sans fin dans le regard uniqu
94 dans le regard unique. Durant certaines secondes, elle dépasse le temps, s’approche des bords d’une immobilité sans fond où
95 ’approche des bords d’une immobilité sans fond où elle se penche… Maintenant un seul œil est visible dans ce visage décompos
96 es voici vacillants comme hors d’eux-mêmes. Alors il lui saisit la tête entre ses bras, et la contemple. Et il la nomme da
97 aisit la tête entre ses bras, et la contemple. Et il la nomme dans sa pensée, comme s’il doutait… Adolescence ! Le charme
98 contemple. Et il la nomme dans sa pensée, comme s’ il doutait… Adolescence ! Le charme du désir est celui du silence : il
99 ence ! Le charme du désir est celui du silence : il éloigne sans fin le terme. Tu n’entends que ce qui s’interrompt. Tu n
100 us environne. Ceux qui n’aiment point la femme qu’ ils viennent de posséder, leur silence meurt à cette minute du plaisir. I
101 er, leur silence meurt à cette minute du plaisir. Ils fuient, bavardent. Tristesse platonicienne C’est dans l’accompli
102 t dans l’accomplissement du plus violent amour qu’ il nous est accordé de concevoir un absolu, mais sous la forme de l’inac
103 t l’être enfin comblé ne sait plus où se prendre. Il se ramène en soi, se divise en ses ombres. Ainsi passent les heures d
104 uite au commerce de ses semblables, qu’à son tour il les aime, les possède ! Ainsi par une suite de vertiges, multipliant
105 endeur amoureuse, par mille étreintes successives il s’élève à la jouissance imaginaire et désespérément consciente de l’Ê
106 au sommet de l’amour, et qui meurt à l’instant où il naît. Tout notre platonisme échoue dans l’instant de l’étreinte déno
107 t la réalité des vies au jour. Nous sommes deux. Il n’y a que deux philosophies : celle du désir et celle de l’acte ; ou
108  : celle du désir et celle de l’acte ; ou encore, il n’y a que deux doctrines : celle du silence et celle de la parole. La
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
109 papiers posthumes nous le révèle bien différent. Il fallait certes s’y attendre, et pourtant l’on demeure surpris. C’est
110 tre le secret d’une différence aussi curieuse est- il caché dans les passages de ces cahiers que nous allons transcrire ici
111 x malentendus entre un auteur et ses lecteurs. Or il se peut que ce soit l’attitude de la plupart des écrivains modernes.)
112 Le Prince André n’a pas trouvé de prochains, car il n’a cherché qu’un public. C’est le public qui donne la gloire à celui
113 gloire et n’en demandait point. Aussi ne pense-t- elle pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin d’un concert triomphal
114 ’en demandait point. Aussi ne pense-t-elle pas qu’ elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin d’un concert triomphal, s’incline
115 se retourne ! Celui qui veut la gloire, est-ce qu’ il manquerait d’orgueil ? Serait-il plus humble que moi ? Et l’orgueille
116 loire, est-ce qu’il manquerait d’orgueil ? Serait- il plus humble que moi ? Et l’orgueilleux que je suis, ne donne-t-il pas
117 ue moi ? Et l’orgueilleux que je suis, ne donne-t- il pas une preuve d’amour à son audience en exigeant d’elle plus de nobl
118 s une preuve d’amour à son audience en exigeant d’ elle plus de noblesse ? Dire : je néglige la gloire, c’est dire : je vous
119 donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’ il veut la gloire telle que lui seul serait capable de se la décerner ?
120 re n’a plus souci ni même conscience du voisin qu’ il pourrait aider (c’est le prochain), mais seulement du voisin qu’il pe
121 (c’est le prochain), mais seulement du voisin qu’ il peut utiliser. Il cherche des admirateurs, des confirmateurs de son ê
122 n), mais seulement du voisin qu’il peut utiliser. Il cherche des admirateurs, des confirmateurs de son être. C’est que l’a
123 la gloire. Car la gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait l’excellence, à son rang et selon ses astres. Ainsi les h
124 héros et les rois sont les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien. Et ce qu’ils donnent fait toute la reno
125 éclat. Ils donnent et ne demandent rien. Et ce qu’ ils donnent fait toute la renommée du peuple. (Aujourd’hui c’est l’invers
126 une publicité, une espèce d’inflation provisoire. Elle n’est pas grande, mais exagérée, mobile, nerveuse, sentimentale. Et v
127 euse, sentimentale. Et voici qui est plus grave : elle est ressentie comme flatteuse. C’est donc quelque chose de vulgaire.
128 erne dont on ne puisse démontrer par quels moyens elle fut acquise : toujours au prix d’une vulgarité. (Zones de bassesse ch
129 ent, d’y renoncer ? Autre avantage de la gloire : elle confère le droit d’être banal. Tant pis si beaucoup en abusent… Hypo
130 tation. L’ambitieux ne vaut rien pour la gloire. Il ne peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire de la comparaiso
131 pour la gloire. Il ne peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire de la comparaison. Beaucoup d’hommes n’imaginent
132 ginent pas qu’on puisse avouer sa vanité, ou bien ils croient que ce serait naïf ; et si l’on avoue son orgueil, ils croien
133 ue ce serait naïf ; et si l’on avoue son orgueil, ils croient que c’est par vanité. Je suis homme : donc vaniteux, naïf, re
134 oire, et qui me sauve malgré moi de mon triomphe. Il n’y a qu’un seul Dieu, celui qui dit Je suis. Ce sera Dieu, ou ce ser
135 Si c’est Dieu, je ne serai rien. Si Dieu me tue, il sera tout, et tout sera. Ainsi, ô Dieu, délivrez-moi de la gloire ! M
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
136 e d’une écriture durable et d’une œuvre d’avenir. Il n’accepte de rompre avec une tradition que pour en fonder une nouvell
137 lure l’actualité dans un ouvrage, parce que c’est elle qui risque de vieillir en premier lieu. Ce souci, cette arrière-pensé
138 teintes du temps. On n’écrit pas un livre pour qu’ il dure, en Amérique, mais d’abord pour qu’il frappe et qu’il agisse, au
139 our qu’il dure, en Amérique, mais d’abord pour qu’ il frappe et qu’il agisse, au maximum, dans le plus court délai. Signe d
140 en Amérique, mais d’abord pour qu’il frappe et qu’ il agisse, au maximum, dans le plus court délai. Signe de santé d’une cu
141 istes bon nombre d’excellents auteurs américains. Ils n’y verraient, à juste titre, aucun reproche. Car l’Amérique a fait d
142 méricaine écarte ces prudences et ces cérémonies. Elle considère comme un poids mort nos formules de présentation ou de cong
143 a dans la banque. » Mais décrivez la sensation qu’ il éprouve au moment où ses semelles-crêpe marquent d’une empreinte pous
144 Et d’une idée l’on ne demandera pas seulement qu’ elle soit juste, mais qu’elle soit inspiring, stimulante. Tout cela donne
145 mandera pas seulement qu’elle soit juste, mais qu’ elle soit inspiring, stimulante. Tout cela donne une littérature plus apte
146 re siècle. Entre la sensation et le sensationnel, elle fait preuve d’un incomparable pouvoir d’émotion. Mais elle attend enc
147 preuve d’un incomparable pouvoir d’émotion. Mais elle attend encore son style intellectuel. J’ai tenté de définir deux atti
148 éricain ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Ils m’apparaissent complémentaires comme la virilité et la féminité, la c
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
149 ! Mais les vrais paradis seront toujours perdus : ils naissent à l’heure où on les perd. Souvenirs de Salzbourg et de Pragu
150 rté dont nous avions à peine conscience, parce qu’ elle était notre manière toute naturelle de respirer et de penser, d’aller
151 blent, soit qu’un sursaut nous dresse à résister, il faudra changer le rythme et rectifier la tenue, bander tous les resso
152 iliser les cœurs… C’est le crime des dictatures : elles ne tuent pas la liberté dans les pays seulement où elles sévissent, m
153 e tuent pas la liberté dans les pays seulement où elles sévissent, mais aussi bien chez les voisins qu’elles secouent d’un dé
154 es sévissent, mais aussi bien chez les voisins qu’ elles secouent d’un défi grossier. La liberté ne peut survivre à de tels ch
155 La liberté ne peut survivre à de tels chocs. Car elle est vraiment comme un rêve, un rêve heureux où l’on circule avec aisa
156 ardant parfois l’arrière-conscience d’un miracle. Elle est encore une œuvre d’art qui n’agit que par l’atmosphère, par le ch
157 qui n’agit que par l’atmosphère, par le charme qu’ elle fait régner. Des lois adroites et humaines ne suffiront jamais à l’as
158 tes et humaines ne suffiront jamais à l’assurer : il y faut ce climat sentimental, cette espèce de naturel qui naît d’une
159 uestion l’usurpateur du Hradschin. Et dès lors qu’ il l’a mis en question, et qu’il nous force au réalisme à sa manière, le
160 hin. Et dès lors qu’il l’a mis en question, et qu’ il nous force au réalisme à sa manière, le charme est détruit dans nos v
161 ues instants les délices d’un rêve inachevé. Mais il sait bien que c’est fini. Brève dispense, le temps d’un peu se souven
162 i. Brève dispense, le temps d’un peu se souvenir… Il faut se lever. Il faut entrer résolument dans le grand jour du siècle
163 le temps d’un peu se souvenir… Il faut se lever. Il faut entrer résolument dans le grand jour du siècle mécanique, accept
164 , accepter pour un temps sa loi, en préservant, s’ il se peut, dans nos cœurs, ce droit d’aimer, cette bonté humaine plus i
165 . Je puis l’avouer parce que je suis un écrivain, Il est admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour le soulagement
166 l’homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut- il penser qu’ils sont plus courageux ? Mais non. Ils sont tout seuls dev
167 a rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ ils sont plus courageux ? Mais non. Ils sont tout seuls devant leur papie
168 -il penser qu’ils sont plus courageux ? Mais non. Ils sont tout seuls devant leur papier blanc. Les réactions à leur parole
169 éactions à leur parole seront lointaines, ou même ils ne les connaîtront jamais… Paris, 12 mai 1939 Quatrième changement de
170 on spirituelle la plus extraordinaire du siècle ! Il est des êtres et des drames dont la vérité n’apparaît que dans cet en
171 dans un silence de catacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la foule et traversant les lieux publics avec cett
172 t les lieux publics avec cette grande Question qu’ il porte dans son être, et qui est aussi la grande réponse ; et les démo
173 onse ; et les démons s’éveillent sur son passage, il n’y a plus nulle part d’indifférence possible ! Ici, le Christ reste
174 sent réduits se rétrécissent vers la catastrophe. Il n’est plus d’autre issue que la nuit, mais viendra-t-elle après ma mo
175 st plus d’autre issue que la nuit, mais viendra-t- elle après ma mort ou avec elle ? Si c’est avant, où aller, où rester, où
176 a nuit, mais viendra-t-elle après ma mort ou avec elle  ? Si c’est avant, où aller, où rester, où demeurer quand tout s’en va
177 » C’est quelque part dans l’Évangile. Ou faudra-t- il enterrer nos secrets, pour d’autres qui peut-être ne viendront jamais
178 ire enfin, ce serait un retour du passé. Vaudrait- il mieux qu’alors ? Saurions-nous mieux le vivre, augmenté du souvenir d
179 i demain nous devons vivre encore… À quoi pensent- ils , ceux de la bataille ? Ont-ils de ces retours soudains vers des momen
180 re… À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont- ils de ces retours soudains vers des moments de tendresse banale ? Ils de
181 s soudains vers des moments de tendresse banale ? Ils deviendraient fous de révolte… Ils en ont, ils en ont sûrement quand
182 resse banale ? Ils deviendraient fous de révolte… Ils en ont, ils en ont sûrement quand ils s’endorment épuisés, sur un tal
183  ? Ils deviendraient fous de révolte… Ils en ont, ils en ont sûrement quand ils s’endorment épuisés, sur un talus, ou pire
184 de révolte… Ils en ont, ils en ont sûrement quand ils s’endorment épuisés, sur un talus, ou pire encore ! ils en ont au rév
185 endorment épuisés, sur un talus, ou pire encore ! ils en ont au réveil, affreux bonheur d’une illusion rapide, où suis-je ?
186 rant cette guerre une conséquence fort imprévue : elle empêcha les hommes de se rendre compte de l’ampleur et de la rapidité
187 ’ampleur et de la rapidité des bouleversements qu’ ils vivaient. Aux mois de mai et de juin 1940, on entendait répéter const
188 rappée au cœur, je l’ai vue chanceler, je sais qu’ elle peut mourir. J’ai vu la France, comme un homme qui vient de tomber su
189 qui se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t-il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’
190 se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t- il vivre ? A-t-il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cend
191 sait pas encore où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t- il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit,
192 où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t-il rêvé ? Serait- il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit, incapable de ret
193 et que nos paysans s’efforcent d’arrêter avant qu’ elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les paniques dévastatrices
194 té, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine d’un étage au-dessus des champs de roses et des b
195 raverser, et l’on parvient à la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent pas les façades nues, br
196 Rares sont les boutiques, et même les cafés. Et s’ il passe une auto, c’est une de ces voitures branlantes qui semblent ne
197 u pays après une longue absence et des déboires : il entre, ne trouve personne. Mais ses outils sont là, contre le mur. Il
198 personne. Mais ses outils sont là, contre le mur. Il reprend le chemin de son champ. En passant au carrefour, il s’est dit
199 le chemin de son champ. En passant au carrefour, il s’est dit : « Peut-être est-elle à Mandres, c’est donc jour de marché
200 sant au carrefour, il s’est dit : « Peut-être est- elle à Mandres, c’est donc jour de marché. » Il a écrit ces mots. Elle sau
201 est-elle à Mandres, c’est donc jour de marché. » Il a écrit ces mots. Elle saura bien. Il a rejoint l’usage du pays, l’in
202 c’est donc jour de marché. » Il a écrit ces mots. Elle saura bien. Il a rejoint l’usage du pays, l’intimité des choses de to
203 e marché. » Il a écrit ces mots. Elle saura bien. Il a rejoint l’usage du pays, l’intimité des choses de toujours. Et le m
204 i coule entre des saules et des peupliers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron de la route sentait plus fort que l
205 dans la contemplation jalouse d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et notre possession la pl
206 otre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fredonnée, sur le s
207 vie s’en va). La force était mémoire et allusion, elle était ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amèr
208 re et allusion, elle était ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mo
209 des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… Quand je me souviens — c’est l’Europe.
210 ce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’ elle a su garder en vie tant de passé, et garder tant de morts dans la pré
211 passé, et garder tant de morts dans la présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. h. Rougemon
212 ans la présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. h. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’Europe
8 1944, Articles divers (1941-1946). Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)
213 ne, Assignment in Brittany, et je cite au hasard, il y en a tant. Je les ai vus avec des amis, tantôt américains, tantôt f
214 ardais mes amis du coin de l’œil : en critiquant, ils essuyaient une larme, et rien de plus français que cette pudeur. Quan
215 français que cette pudeur. Quant aux Américains, ils exultaient de confiance, en crescendo, jusqu’à la « Marseillaise » fi
216 s, du pire au bien ; j’en retiens pour ma part qu’ ils nous présentent enfin le petit peuple français comme le grand héros d
217 le peuple de France est grave, ou plus exactement il est sérieux. Il n’est pas avant tout charmant et spirituel, bien-disa
218 nce est grave, ou plus exactement il est sérieux. Il n’est pas avant tout charmant et spirituel, bien-disant, bon vivant e
219 t et spirituel, bien-disant, bon vivant et léger. Il n’est tout cela qu’en second lieu, et comme par luxe. Dans le fond et
220 lieu, et comme par luxe. Dans le fond et d’abord, il est sérieux, plus qu’aucun autre peuple dont j’aie vécu la vie. Seule
221 n autre peuple dont j’aie vécu la vie. Seulement, il est sérieux sans pose, avec pudeur, préférant affecter la blague et l
222 sme plutôt que de paraître exagérer sa peine. Car il pense d’instinct, comme Talleyrand, que « ce qui est exagéré n’est pa
223 n noir au regard vif s’est révélé face au danger. Il manquait d’armes, il lutte avec sa dignité impénétrable aux tentation
224 s’est révélé face au danger. Il manquait d’armes, il lutte avec sa dignité impénétrable aux tentations de la Brute. On ava
225 ons de la Brute. On avait dit aux jeunes nazis qu’ ils allaient conquérir un pays de bavards, de coquettes et de politiciens
226 n plus insupportable que tous les cris de haines. Ils ne savaient pas cela, les jeunes Allemands, on ne leur avait jamais p
227 t jamais parlé du vrai peuple de la vraie France. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec une rage panique ; ils
228 e piller et à le fusiller avec une rage panique ; ils continuent, mais ils se savent battus. Depuis qu’ils ont rencontré ce
229 ller avec une rage panique ; ils continuent, mais ils se savent battus. Depuis qu’ils ont rencontré ce regard… k. Rougem
230 continuent, mais ils se savent battus. Depuis qu’ ils ont rencontré ce regard… k. Rougemont Denis de, « Un peuple se rév
9 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
231 es sur la carte postale6, je les aime bien… Enfin il n’est pas exact que je les aime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Ma
232 n… Enfin il n’est pas exact que je les aime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais je ne les oublie pas.7 L’auteur. La m
233 auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’est pas de louange préférable à celle-ci qu
234 ffenses est la plus sûre. Il me semble parfois qu’ il n’est pas de louange préférable à celle-ci qu’on me fasse grief de me
235 oudrais voir la preuve d’une certaine grièveté qu’ ils présentent, comme cela se dit d’une blessure… Le critique. Oui, oui…
236 de ton et l’on voudrait savoir que vous le savez… Il me semble que vous manquez de méchanceté pour vos idées. Elles vous s
237 le que vous manquez de méchanceté pour vos idées. Elles vous séduisent de loin et quand vous nous les présentez, elles ont dé
238 duisent de loin et quand vous nous les présentez, elles ont déjà votre complicité, je ne sais quel air de passion, un peu tro
239 ujours ainsi ? Je veux dire : tout écrivain n’est- il pas d’abord séduit, ou au contraire vexé par ses images ou ses idées
240 — avant toute raison avouable ? C. Certes, mais il faudrait composer les entrées. Il faudrait nous persuader que vos goû
241 C. Certes, mais il faudrait composer les entrées. Il faudrait nous persuader que vos goûts sont bien des raisons, et que c
242 ou bien vous nous parlez d’idées, et dans ce cas, il faut que nous pensions à chaque instant : « j’allais le dire ! » Mais
243 le ridicule de défendre mon propre point de vue. Il se peut que cette maladresse m’en apprenne davantage qu’une feinte ai
244 et vous n’abuserez pas de mes aveux… D’autant qu’ ils seront probablement exagérés. C. Que de précautions ! Vous êtes en t
245 otre avis ? A. Dès que l’on pose cette question, il me semble qu’on se voit condamné à des réponses ou plates ou mystérie
246 … qui convient au débat des idées claires ! Mais il faudrait s’entendre tout d’abord sur la nécessité de cette clarté. Po
247 tésien n’a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part de ce qu’il suppose clair et facile, et sa marche est une déduct
248 fin qui lui soit transcendante. Il part de ce qu’ il suppose clair et facile, et sa marche est une déduction. La conventio
249 langage, est que tout est donné au départ, et qu’ il s’agit de ne rien introduire dans la chaîne des arguments qui n’ait é
250 de me défier d’une convention aussi commode. C. Il me semble qu’il faut y voir une garantie contre les illusions de la r
251 une convention aussi commode. C. Il me semble qu’ il faut y voir une garantie contre les illusions de la rhétorique flambo
252 ter d’une allure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’ il a le goût de se tromper et de tromper. A. Pour moi, je crains une du
253 Le monde dans lequel nous vivons et parlons n’est- il pas, comme l’a dit un Russe « le monde de l’imprécis et du non résolu
254 on d’une raison sans parti pris à ce monde tel qu’ il est donné, n’a-t-elle pas pour effet immédiat de multiplier le mystèr
255 parti pris à ce monde tel qu’il est donné, n’a-t- elle pas pour effet immédiat de multiplier le mystère et les absurdités lo
256 hoix de ces données dites premières. Encore n’est- il pas exact de recourir ici à l’expression d’arrière-pensée. C’est sans
257 pensée. C’est sans doute une « arrière-image » qu’ il faudrait dire. C. Ne serait-il pas trop cartésien de vous demander d
258 rrière-image » qu’il faudrait dire. C. Ne serait- il pas trop cartésien de vous demander de préciser ? A. J’essaierai de
259 artes est donc devenue celle de la science. C’est elle dont usent nos physiciens, chimistes et mathématiciens, pour formuler
260 chimistes et mathématiciens, pour formuler ce qu’ ils appellent des lois. Bien. Mais comment obtiennent-ils ces formules ?
261 appellent des lois. Bien. Mais comment obtiennent- ils ces formules ? Par l’examen des nombres qui résument leurs expérience
262 avant en vertu d’une double exigence : d’une part elles doivent permettre de permettre de passer, par une espèce de symbolism
263 que ; d’autre part, et voilà qui est remarquable, il est sous-entendu qu’elles correspondent au langage du sens commun, au
264 voilà qui est remarquable, il est sous-entendu qu’ elles correspondent au langage du sens commun, aux images que pourrait se f
265 discours n’est qu’un certain système d’images. S’ il se distingue du parler quotidien, c’est avant tout par cette cohérenc
266 ns particuliers. Ce procédé est sans danger quand il est appliqué par les savants, la science légale n’étant, c’est entend
267 richerie d’une déduction claire consiste en ce qu’ elle prétend partir d’un nombre limité de faits acquis, quand le tout, qua
268 nd le tout, quand la fin nous échappent ! Comme s’ il était licite, et même possible, de partir de certains éléments et de
269 s, quand on ignore méthodiquement l’ensemble dont ils dépendent et qui est leur seule mesure. C. J’avoue que je vous suivr
270 ue le plus simple est aussi le plus proche, et qu’ il faut commencer par là. C’est sans doute le plus mauvais tour qu’on ai
271 belle absurdité, la magnifique carte postale ! S’ il est une chose que l’expérience humaine me paraît avoir établie — je d
272 e — je dirais : pour l’éternité ! — c’est bien qu’ il faut toujours commencer par la fin, par la vision totale, par la révé
273 on cartésienne travaille sur des cartes postales. Elle dispose en bon ordre ses repères, et puis s’ébranle à reculons vers l
274 s sur son jeu d’évidences. On conçoit dès lors qu’ elle se meuve avec tellement de précautions, vérifiant à chaque pas le che
275 ions, vérifiant à chaque pas le chemin parcouru : elle ignore tout de son but et tiendrait même pour une prévention fâcheuse
276 ’on ne peut la comprendre qu’à partir de son but. Il est très juste qu’elle paraisse absurde à l’observateur raisonnable.
277 ndre qu’à partir de son but. Il est très juste qu’ elle paraisse absurde à l’observateur raisonnable. C. Le propre d’une vis
278 le. C. Le propre d’une vision pareille, c’est qu’ elle est incommunicable, j’imagine ? A. Il vaut mieux dire indescriptible
279 pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s’ il était pur, serait absolument inexplicable, et évident. Il n’y aurait
280 pur, serait absolument inexplicable, et évident. Il n’y aurait plus qu’à méditer sans fin cette forme significative du to
281 vancer aucun exemple d’une telle perfection. Mais il fallait indiquer cette limite pour éclairer — précisément — tout l’en
282 u les idées à quelques éléments isolés de mesure. Il s’organise tout naturellement en discours, en phrases liées par voie
283 parlait en paraboles à ses disciples, sachant qu’ ils ne comprendraient pas. Voici la réponse qu’elle me fit : Jésus racont
284 qu’ils ne comprendraient pas. Voici la réponse qu’ elle me fit : Jésus racontait des histoires pour qu’ils s’en souviennent m
285 le me fit : Jésus racontait des histoires pour qu’ ils s’en souviennent mieux plus tard. C’est comme les noix qui ont une co
286 coquille très dure. On peut les emporter sans qu’ elles se gâtent, et quand on a faim, on les ouvre. C. Encore une petite qu
287 nomme droit la garantie formelle d’un usage. Mais il arrive assez souvent que l’on oublie les grandes et graves raisons qu
288 nt selon le droit et la décence, en toute clarté. Il arrive que certains furieux, je ne sais quels extatiques ou esprits r
289 nnent aux hasards de tricheries qui les flattent. Ils appellent cela poésie. On peut toutefois imaginer une autre attitude
290 smet pas, c’est le contraire d’une carte postale. Il s’agit donc de disposer l’esprit dans une certaine orientation au moy
291 ties sont décevantes et ses paraboles sans fruit, il n’en est pas moins un prophète. Mais alors on le jugera selon sa fin.
292 n sa fin. Vous m’avouerez que dans ces conditions il faut une sorte de naïveté très singulière pour endosser le risque d’ê
293 Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des visions moins illustres, qui n’embrassent pas le monde de hau
294 sions : la possession, la beauté, la puissance, —  il n’en faut pourtant pas davantage pour nous réduire au parler prophéti
295 phète sans mission divine, quelle défense osera-t- il produire qui ne soit pas aussi son jugement ? 6. Ces deux dialogues
10 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
296 leur chemin dans l’élite de la Résistance. S’agit- il d’une influence directe, ou d’une prise de conscience spontanée devan
297 la leçon des faits, nous le saurons un jour. Mais il est clair dès maintenant que les circonstances sont enfin devenues fa
298 es se trouvaient agir en fait dans le même sens : elles tendaient toutes à dépersonnaliser l’homme, à le réduire à un agrégat
299 nsabilité. La psychologie freudienne ne voyait en elle qu’un îlot précaire perdu dans l’océan de l’inconscient. D’autres s’a
300 du responsable, c’est-à-dire comme une personne ? Il fallait repenser un monde en partant, non point des objets — fussent-
301 monde en partant, non point des objets — fussent- ils aussi abstraits que les fameuses « forces économiques » — mais de l’h
302 es sur une notion compréhensive de l’homme, sinon elles agissent contre l’homme. Or l’individu, sur lequel voulait se fonder
303 communautés organiques, pluralisme, fédéralisme. Ils définissent une attitude et une action. Certes, beaucoup de philosoph
304 ines des tentatives d’action les plus typiques qu’ elle inspira avant cette guerre. Un service civil industriel Les prem
305 été idéale, mais quelques principes d’action. Car il s’agissait pour les personnalistes d’un changement spirituel d’abord,
306 titutionnels n’ayant de valeur à leurs yeux que s’ ils traduisaient réellement une attitude nouvelle de l’homme aux prises a
307 rait plus intérêt à paralyser l’invention, puisqu’ elle ne créerait plus de chômage technologique. Les industriels hochèrent
308 technologique. Les industriels hochèrent la tête. Ils ne croyaient pas qu’un simple civil pourrait du jour au lendemain se
309 rèrent le projet utopique et d’ailleurs néfaste : il risquait de résoudre un conflit que leur tactique cherchait au contra
310 nalistes répondirent par un engagement personnel. Ils tentèrent un essai pratique, à petite échelle. Dans plusieurs usines
311 e. Dans plusieurs usines de la région parisienne, ils se firent embaucher par groupes, comme manœuvres. Au bout de trois jo
312 ’eux battit le record de production de l’atelier. Il était éditeur de son métier, et si peu adroit de ses mains qu’il assu
313 r de son métier, et si peu adroit de ses mains qu’ il assurait être le seul officier de réserve français qui se fût jamais
314 vice civil donnèrent leur salaire aux ouvriers qu’ ils avaient « relevé », leur assurant ainsi quelques semaines de vacances
315 pour décrire le climat de l’effort personnaliste. Il est clair que l’institution du service civil supposait une refonte gé
316 e second devait rester libre, et d’autant plus qu’ il recevrait l’aide gratuite du service civil. L’État lui-même se trouve
317 la nécessité des groupes autonomes et organiques. Elle coïncide avec la découverte la plus importante de notre siècle : cell
318 temps sont parvenus à des conclusions analogues : il n’est possible de parler de réalité, de mesure, ou d’efficacité, qu’a
319 communauté ni trop étroite ni trop vaste. Isolé, il se comporte comme un fou. Noyé dans une collectivité informe, il sera
320 comme un fou. Noyé dans une collectivité informe, il sera frustré de toute possibilité de se faire entendre ou d’agir pers
321 é de se faire entendre ou d’agir personnellement. Il n’existe vraiment comme personne que dans un cadre à la mesure humain
322 s, simplifiés jusqu’à la démence et rigides comme elle , qui pèsent lourdement sur nos activités. L’État centralisé et sa bur
323 e. Vénale, pauvre en informations, ou mensongère, elle ne reflétait plus que l’anarchie capitaliste, non le pays réel. Que f
324 ns de sa doctrine dans les plans les plus divers. Il était prêt à déclencher une action en profondeur d’abord, puis publiq
325 les obstacles qui leur barraient encore la route. Ils souffraient tout d’abord d’une qualité et d’un défaut bien typiquemen
326 que d’argent et de moyens de pression collectifs. Il valait mieux attendre encore un temps, plutôt que de s’engager dans u
327 impliquait un progrès organique, forcément lent. Il s’agissait de gagner des hommes, un à un, non des masses. La guerre e
328 vit son tirage quintupler en quelques mois. Puis elle fut interdite, à la suite d’un article contre Pétain, son directeur e
11 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
329 -novembre 1944)m Je trouve deux hommes en moi. Ils mènent cette guerre en moi-même. L’un n’est guère bon, mais l’autre e
330 ayais de m’entendre d’abord ? Et de comprendre, s’ il se peut, la question que cette guerre pose et ne peut résoudre. ⁂ Par
331 ysiquement mesurables notre attitude spirituelle. Elles étaient résultats et non pas causes. Car il n’y a pas d’abord la loi
332 e. Elles étaient résultats et non pas causes. Car il n’y a pas d’abord la loi de l’offre et de la demande, il y a d’abord
333 et nos demandes, selon nos rêves et nos passions. Il n’y a pas d’abord les machines puis une société qui doit subir leurs
334 sagesse, ou de prier devant un symbole ancestral. Il n’y a pas d’abord les faits et puis l’humanité qu’ils guident ou bles
335 n’y a pas d’abord les faits et puis l’humanité qu’ ils guident ou blessent, mais il y a d’abord l’humanité créatrice ou mala
336 xait de paradoxes.) Ainsi de la guerre actuelle : il importe de voir qu’elle se passe d’abord en chacun de nous, et qu’ell
337 nsi de la guerre actuelle : il importe de voir qu’ elle se passe d’abord en chacun de nous, et qu’elle figure dans son ensemb
338 qu’elle se passe d’abord en chacun de nous, et qu’ elle figure dans son ensemble la crise d’un conflit psychologique de propo
339 . et se réduit théoriquement à la raison commune, il arrive que les facultés exilées dans son inconscient se révoltent sou
340 névrose. Alors l’homme se croit menacé par ce qu’ il appelle des esprits. Il est victime de terreurs inexplicables. Des ca
341 se croit menacé par ce qu’il appelle des esprits. Il est victime de terreurs inexplicables. Des cauchemars envahissent sa
342 ersécutent et lui rendent l’existence impossible. Il se persuade que des forces absolument distinctes de son être l’attaqu
343 tre l’attaquent avec une férocité sans précédent. Il devient aliéné, c’est-à-dire qu’il devient la proie d’un autre. Un mé
344 ans précédent. Il devient aliéné, c’est-à-dire qu’ il devient la proie d’un autre. Un médecin qu’il jugera très brutal et h
345 qu’il devient la proie d’un autre. Un médecin qu’ il jugera très brutal et hostile lui suggère alors que cet « autre » n’e
346  autre » n’est en fait qu’une part de lui-même. S’ il comprend cela et s’il le croit, le malade guérira peut-être. Sinon, i
347 qu’une part de lui-même. S’il comprend cela et s’ il le croit, le malade guérira peut-être. Sinon, il faudra l’enfermer da
348 ’il le croit, le malade guérira peut-être. Sinon, il faudra l’enfermer dans une camisole de force. Il ne fera plus de mal,
349 il faudra l’enfermer dans une camisole de force. Il ne fera plus de mal, mais il restera fou. Au Moyen Âge, on disait qu’
350 e camisole de force. Il ne fera plus de mal, mais il restera fou. Au Moyen Âge, on disait qu’un tel homme était possédé, e
351 souvent efficaces. Au xixe siècle, on disait qu’ il était fou, et l’on essayait d’abord de le raisonner, puis de le rédui
352 ’exprimer à sa manière, affolé par nos arguments, il n’a plus trouvé d’autre issue que dans une révolte explosive. Le cauc
353 manité comme aliénée se flagella et se meurtrit : elle fait la guerre. Exactement, elle se la fait. Elle ne tardera pas à to
354 et se meurtrit : elle fait la guerre. Exactement, elle se la fait. Elle ne tardera pas à tomber épuisée et à se passer la ca
355 elle fait la guerre. Exactement, elle se la fait. Elle ne tardera pas à tomber épuisée et à se passer la camisole de force d
356 re et illustrer dans une série d’écrits à venir : il est temps que la pensée politique rejoigne la psychologie contemporai
357 azis qui l’avaient inventée. Au seuil de la paix, il est temps de chercher au moins les principes d’une politique psycholo
358 ne serait une cure. Mais avant de l’entreprendre, il nous faudrait un diagnostic. Tentons d’en indiquer les premiers éléme
359 ge de s’avouer plus profondément qu’aucune autre, il ne faut en attendre rien de bon, ni rien de grand, ni rien de vrai. E
360 es ses victimes le nient, et presque tous ceux qu’ elle fait vivre. Je dis que la guerre nous plaît inconsciemment. Autrement
361 e la guerre nous plaît inconsciemment. Autrement, elle serait impossible. Tous, nous sommes contre, et nous la faisons tous 
362  : expliquez cela. — « Ce sont les autres. » Mais ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit de le dire. » So
363 autres. » Mais ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droi
364 ration légale ou d’une enquête scientifique, mais elle ressemble à une colère, à une perte de patience ou de maîtrise de soi
365 pas de question. Je dis que la guerre nous plaît. Elle arrange bien des choses. Elle ajourne nos vrais conflits. Elle tire d
366 guerre nous plaît. Elle arrange bien des choses. Elle ajourne nos vrais conflits. Elle tire de nous ce que la paix n’en tir
367 bien des choses. Elle ajourne nos vrais conflits. Elle tire de nous ce que la paix n’en tirait plus. Elle offre l’avantage i
368 lle tire de nous ce que la paix n’en tirait plus. Elle offre l’avantage incomparable de sanctionner notre acquittement par c
369 de sanctionner notre acquittement par contumace. Elle est le grand non-lieu de millions d’hommes — le non-lieu —, ce vrai n
370 ier. Dans la plupart des cas, loin de le combler, elle déçoit l’instinct combatif : comptez qu’une fraction très réduite de
371 l’équivalent de la fête chez les peuples anciens, elle en possède les attributs les plus aisément reconnaissables : les lois
372 rre est le « grand Temps » de l’humanité moderne. Elle nous fournit la seule excuse que notre esprit puisse accepter pour su
373 gnies d’assurances. (Quelle fête immense faudrait- il à ce siècle pour lui faire oublier son goût de la guerre ! Quel drame
374 pourquoi la paix nous angoisse au moins autant qu’ elle nous attire. Pourtant viendra la paix, bientôt. Et ce sera peut-être
375 du même côté.) Mais comment l’homme compensera-t- il le manque de guerres ? Nous avons tout prévu contre un futur Hitler,
376 n’allume plus de bûchers pour les chrétiens et qu’ ils tolèrent les hérétiques), c’est la mort sous les balles pour la Patri
377 es balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’ il n’y a plus de guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera le sens du
378 té ne fut moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue de respect pour les vertus que l’esprit seul sa
379 t pousser jusqu’au paroxysme. Et comment vivre, s’ il n’y a plus de paroxysmes ? La guerre nous plaît. Nous le nions tous,
380 vant même que la bouche ne s’ouvre. Et cependant, ils ne sont guère capables de me donner sur-le-champ, avec calme, de bonn
381 d’un tel refus. C’est un refus instinctif, comme ils disent. Et c’est tout ce que je voulais leur faire dire. (Il leur res
382 Et c’est tout ce que je voulais leur faire dire. ( Il leur reste à me traiter de défaitiste.) Une politique qui négligerait
383 monstre avec lequel nous n’avons rien de commun. Il s’agit de le détruire avant toute autre tâche. Point de vue indispens
384 guerre. Point de vue stérile et désastreux dès qu’ il s’agit de la paix. Hitler n’est pas en dehors de l’humanité, mais en
385 Hitler n’est pas en dehors de l’humanité, mais en elle . Bien plus, il n’est pas seulement devant nous, mais en nous. Il étai
386 en dehors de l’humanité, mais en elle. Bien plus, il n’est pas seulement devant nous, mais en nous. Il était en nous avons
387 il n’est pas seulement devant nous, mais en nous. Il était en nous avons d’être contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord q
388 ’être contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’ il se dresse contre nous. Et quand nous l’aurons tué, il nous occupera s
389 e dresse contre nous. Et quand nous l’aurons tué, il nous occupera sans coup férir si nous n’admettons pas qu’il est une p
390 cupera sans coup férir si nous n’admettons pas qu’ il est une part de nous, la part du diable dans nos cœurs. Hitler se tai
391 ns avec une stupéfaction mêlée de honte : — Comme il était petit ! Il n’était grand, comme Satan lui-même, que de la grand
392 faction mêlée de honte : — Comme il était petit ! Il n’était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misère
393 . Ce rêve collectif a modelé notre histoire, mais il était d’abord dans l’ombre de nos âmes. On a remarqué que dans un cau
394 ntensité de la passion hostile ou criminelle dont il nous paraît animé. Il se charge à nos yeux d’une puissance de terreur
395 hostile ou criminelle dont il nous paraît animé. Il se charge à nos yeux d’une puissance de terreur dont nous n’avions sa
396 d’admettre en nous. Le cauchemar nous apprend qu’ il ne suffit pas de refuser un instinct ou quelque tentation pour les su
397 instinct ou quelque tentation pour les supprimer. Il s’agit de les utiliser, ou de s’en guérir ; sinon soyons certains qu’
398 ser, ou de s’en guérir ; sinon soyons certains qu’ ils vont revenir en force, sous un déguisement séduisant, ou sous la form
399 problème nouveau : le problème de la religion. 3. Il faut une religion pour le peuple. Entendons : pour qu’un peuple subsi
400 ct aussi fondamental et naturel que la sexualité. Il est incontestable que le rationalisme12 a déprimé depuis des siècles
401 euses périmées (c’était son droit et son devoir), il s’est méthodiquement refusé à laisser naître des coutumes nouvelles (
402 s la foi). Or les coutumes religieuses quelles qu’ elles soient, sacrifices, fêtes, orgies ou jeûnes, disciplines morales ou m
403 ôt transcendantales. Canaux exutoires ou écluses, elles assurent la circulation entre l’inconscient collectif et l’activité q
404 cité. La raison peut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas les enchaîner. Si elle détruit tous les moyens connus de
405 er ces forces, elle ne peut pas les enchaîner. Si elle détruit tous les moyens connus de les apprivoiser, et prohibe la rech
406 ohibe la recherche hasardeuse de moyens nouveaux, elle fait lever des monstres autour de nous. Imaginons une similitude asse
407 e et par ce moyen-là venir à bout d’Hitler ; mais il ne pourra prévenir la multiplication prochaine d’autres symptômes de
408 nds principes. « C’est inconcevable ! » opineront- ils , les bras au ciel. Mais c’est très simple. Un homme qui meurt de faim
409 faim, faute de mieux. La raison n’ose pas dire qu’ il a tort d’avoir faim. Dira-t-elle qu’il a tort d’avoir soif de religio
410 n’ose pas dire qu’il a tort d’avoir faim. Dira-t- elle qu’il a tort d’avoir soif de religion ? De tromper cet instinct rendu
411 as dire qu’il a tort d’avoir faim. Dira-t-elle qu’ il a tort d’avoir soif de religion ? De tromper cet instinct rendu furie
412 inct rendu furieux par des siècles de privation ? Elle dénoncera vainement des délires collectifs dont elle sera la première
413 e dénoncera vainement des délires collectifs dont elle sera la première responsable, aussi vrai que le régime de la prohibit
414 e des prêtres dirigent l’État : c’est le péril qu’ il faudrait conjurer. Mais je pense qu’il est temps de renoncer à la vie
415 e péril qu’il faudrait conjurer. Mais je pense qu’ il est temps de renoncer à la vieille politique de l’équilibre des grand
416 des grandes puissances nationales et des trusts : elle ne peut plus saisir les éléments de notre conflit. Il est temps de no
417 e peut plus saisir les éléments de notre conflit. Il est temps de nous orienter vers une politique d’équilibre des grandes
418 ques, dans les masses, à l’échelle du globe. Et s’ il faut des experts autour du tapis vert, qu’on appelle des psychiatres
419 de même que nos régimes actuels, si imparfaits qu’ ils soient, sont un moindre mal. » Et certes, en politique, il s’agira to
420 , sont un moindre mal. » Et certes, en politique, il s’agira toujours, au mieux, de moindres maux. Mais la question est de
421 plement un premier stade du pire. La chute serait- elle un moindre mal que la fracture qui en résulte ? La maladie mortelle,
422 nception du mariage au siècle dernier ; ou lorsqu’ il s’agissait d’apprécier le rôle du sacré, l’âme collective, la créatio
12 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
423 à l’une des figures du paquet de 78 cartes tel qu’ il existait au xiiie siècle. Ce nom fut attribué par la suite à l’ensem
424 ’inspirent de modèles vénitiens. Dix-sept d’entre elles sont conservées à la Bibliothèque Nationale. D’un autre jeu, fausseme
425 t du Livre de Toth, livre sacré de l’Égypte. Mais il crut aussi en retrouver les équivalents dans une inscription chinoise
426 doucet son premier disciple, et par Éliphas Levi. Elle a été contestée par W. A. Chatto, anglais, en 1848, et par Boiteau, f
427 n’avait pu copier l’art de tirer les cartes, dont il est question, que d’après sa cuisinière. Il était perruquier et se n
428 dont il est question, que d’après sa cuisinière. Il était perruquier et se nommait de son vrai nom, Alliette. Il redécouv
429 rruquier et se nommait de son vrai nom, Alliette. Il redécouvrit le tarot pendant la seconde moitié du xviiie siècle. Sa
430 vague, ses interprétations sont hasardeuses, mais il a le mérite d’en avoir proposées. Ses disciples, dont le plus grand f
431 au nombre 78, et a mis au nombre 21 la figure qu’ il nomme le Despote africain, qui n’est autre que l’arcane 7, 1e Chariot
432 gré ces changements on peut se servir de son jeu. Il est préférable d’employer les suivants, mais en numérotant les arcane
433 Suisse, de même celui de Francfort en Allemagne ; ils n’ont pas droit d’entrée en France. Quant à celui d’Etteilla, on le t
434 a carte apparaît dans le jeu droite ou renversée. Il en résulte aussi que le manque de place, dans le cas d’une figure dou
435 essinateur à expulser de la carte les symboles qu’ il juge superflus (tel que l’oiseau de l’immortalité dans l’arcane 17, p
436 uire radicalement tout jeu de ce genre sur lequel il pourrait mettre la main, si l’on ne craignait de donner à ces contref
437 elques exemples d’interprétations fort diverses : il serait aisé (et désirable) de les multiplier à propos de ces mêmes ca
438 être alors une certaine cohérence transparaîtrait- elle lentement au travers de ces modifications kaléidoscopiques. Celles-ci
439 e l’alphabet hébreu… Ces lettres ont apporté avec elles les signatures célestes. Il y a 7 lettres appelées doubles qui figure
440 e parcourt le soleil pendant les 4 saisons. Enfin il reste les 3 lettres dites les 3 Mères, qui sont attachées à nos trois
441 = Air Deniers = Carreau = Création = Pensée = Feu Il semblerait, à lire cette liste, que les arcanes représentent, grosso
442 taires de l’existence, signifiées par allégories. Il n’en est rien. Tout est symbole dans le Tarot, jusqu’au moindre détai
443 tardent pas à révéler deux caractères généraux : ils sont tantôt hiératiques, tantôt dramatiques, comme le sont les symbol
444 de l’Underground éternel. Peut-être même faudrait- il voir dans les lames les plus anciennes les signes d’un langage secret
445 éalisation intime du Grand Œuvre des alchimistes. Il s’agirait de passer, à travers ce yoga, de l’illusion à la réalité, e
446 l’illusion à la réalité, et des choses telles qu’ elles nous apparaissent aux choses telles qu’elles sont. Les 22 arcanes déc
447 s qu’elles nous apparaissent aux choses telles qu’ elles sont. Les 22 arcanes décriraient l’histoire de l’homme qui part dans
448 ue, comparée à d’autres, résidait dans le fait qu’ elle combinait plusieurs modes d’entraînement dans une seule activité. Ain
449 si, tandis que l’étudiant apprenait les symboles, il s’exerçait inconsciemment à la concentration, à la visualisation, à l
450 évaluation des couleurs et des formes, et surtout il entraînait cette faculté maîtresse qui établit des corrélations entre
451 ait par la contemplation d’une carte isolée, puis il la reliait graduellement à d’autres cartes, disposées autour de la pr
452 des occupants. Message suspect, ajouterons-nous : il s’agissait de cartes allemandes portant au lieu des coupes, bâtons, d
453 st pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme de ce qu’ il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. Waite, le Fou est u
454 a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est- elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. Waite, le Fou est un homme richement h
455 l’autre monde en voyage ici-bas. Sous cet aspect, il est la conscience individuelle libérée de l’illusion, et poursuivant
456 r la raison et le monde, symbolisé par le cercle, il est l’expression de la volonté d’individuation dans l’homme. Du point
457 étrer dans l’abîme de la manifestation terrestre. Il porte les deux symboles féminin et masculin : ses cheveux clairs déno
458 nonçable de Dieu, J H V H. Par-dessus cette robe, il porte la cape noire de l’ignorance, bordée de rouge — c’est le désir
459 e. Les arcanes majeurs qui suivent montrent ce qu’ il adviendra du Fou à mesure qu’il traversera les collines, vallées et m
460 nt montrent ce qu’il adviendra du Fou à mesure qu’ il traversera les collines, vallées et montagnes indiquées dans le fond
461 iquées dans le fond de cette carte, jusqu’à ce qu’ il revienne au grand soleil ou « Père » dont il est « tombé ». Il sera r
462 e qu’il revienne au grand soleil ou « Père » dont il est « tombé ». Il sera représenté successivement comme homme, ou femm
463 u grand soleil ou « Père » dont il est « tombé ». Il sera représenté successivement comme homme, ou femme, ou objet, ou an
464 mme parfait, doit apparaître aux yeux des autres. Il s’est libéré des systèmes de castes, des hiérarchies sociales. Il n’a
465 des systèmes de castes, des hiérarchies sociales. Il n’a plus besoin de la puissance terrestre (les épées) ; des sacrement
466 (les deniers) ; du sol et du foyer (les bâtons). Il n’a plus d’attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’
467 (les bâtons). Il n’a plus d’attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’un fol errant. Comment a-t-il attei
468 s d’attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’un fol errant. Comment a-t-il atteint le stade suprême, bien
469 e anonyme. Il n’est qu’un fol errant. Comment a-t- il atteint le stade suprême, bien au-dessus des rois, des reines, des as
470 lité visible et tangible continue d’exister, mais elle a perdu son pouvoir magique. Voici l’expérience du Fou : le monde ext
471 pas plus de signification réelle que l’ego, dont il s’est débarrassé depuis longtemps. L’une et l’autre sont les illusion
472 ssessions, ni lieu où reposer sa tête. Cependant, il ne se sent frustré de rien de tout cela. Il est en union avec l’Unive
473 dant, il ne se sent frustré de rien de tout cela. Il est en union avec l’Univers, sa vraie maison. L’univers participe à s
474 rme, se trouve être aussi son essence propre. Car il est la coincidentia oppositorum. La forme suprême de cette union est
475 Dieu, c’est-à-dire de lui-même, et en même temps il voit à travers toutes les choses : elles ne sont que néant, elles ne
476 même temps il voit à travers toutes les choses : elles ne sont que néant, elles ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il
477 vers toutes les choses : elles ne sont que néant, elles ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il est le mendiant qui poss
478 es ne sont que néant, elles ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il est le mendiant qui possède l’univers, et toutes
479 , elles ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il est le mendiant qui possède l’univers, et toutes ses richesses, qui n
480 opre nature. Vous pourrez donc le traiter de fou. Il l’est en effet, mais il n’est pas un lunatique quelconque, un idiot o
481 z donc le traiter de fou. Il l’est en effet, mais il n’est pas un lunatique quelconque, un idiot ou un simple d’esprit. C’
482 nque, un idiot ou un simple d’esprit. C’est ce qu’ il paraît. Si quelque étranger aux habits sales et déchirés, au regard b
483 fection. Dans la sagesse du Saint-Esprit incarné, il passe, étranger, silencieux. Étant tout et toutes choses, il ne lui r
484 tranger, silencieux. Étant tout et toutes choses, il ne lui reste plus qu’à feindre de n’être rien. Et de même, il convien
485 ste plus qu’à feindre de n’être rien. Et de même, il convient que la séquence des arcanes, grâce aux symboles graphiques d
486 et les arcanes. C’est pourquoi, prenons garde, s’ il nous advient jamais de rencontrer quelqu’un qui ne soit rien, ni homm
487 bien garde à la manière dont nous le traiterons ! Il se pourrait qu’il soit le Saint-Esprit incarné, le Christ errant de n
488 nière dont nous le traiterons ! Il se pourrait qu’ il soit le Saint-Esprit incarné, le Christ errant de nouveau parmi les h
489 errant de nouveau parmi les hommes Et de plus, s’ il y condescendait, il pourrait bien être capable de nous révéler le der
490 armi les hommes Et de plus, s’il y condescendait, il pourrait bien être capable de nous révéler le dernier mot sur les sym
491 se rapporte à la plupart des idées du nombre 10. Elle a le sens de main, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la m
492 a le sens de main, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui va se produire, la potentialité d’un é
493 ent se porte bien… On demande quant à la femme si elle est impudique. Figure. Elle représente une roue sur son axe, elle en
494 quant à la femme si elle est impudique. Figure. Elle représente une roue sur son axe, elle entraîne d’un côté un singe, un
495 e. Figure. Elle représente une roue sur son axe, elle entraîne d’un côté un singe, un lapin ou un diable, et de l’autre côt
496 lapin ou un diable, et de l’autre côté un homme. Elle nous indique simplement le mouvement de la vie dans tous les règnes,
497 tions). L’autre roue ne porte pas de signes, mais il se peut qu’elle en ait porté autrefois. À l’extrémité de chacun des r
498 e roue ne porte pas de signes, mais il se peut qu’ elle en ait porté autrefois. À l’extrémité de chacun des rayons de la prem
499 s noirs et blancs : équilibre des contradictions. Il tient l’épée de la discrimination. Son corps est mi-féminin, mi-léoni
13 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
500 isposaient d’une mesure commune avec le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfacture d’une œuvre, et faire la part de l’i
501 dus, notre époque ne sait plus juger d’une œuvre. Elle tient la rhétorique et ses figures pour arbitraires, artificielles, n
502 lles, non contraignantes. (Et sans doute, le sont- elles devenues.) Mais dès l’instant où les règles d’un jeu cessent d’être r
503 et ses règles, sont strictement non arbitraires. Elles traduisent des relations constitutives de notre corps, de la psyché e
504 ormes régulières dont le rêve compose ses drames. Il se peut même que ces figures ne soient, à l’origine au moins, que l’a
505 de son temps, le plus scandaleusement paradoxal, il n’hésite pas à nous parler des artifices d’une « rhétorique profonde 
506 La terreur dans les arts vint au siècle suivant. Elle aussi fit la chasse aux « ci-devants » : genres établis, situations c
507 utions oratoires et procédés de composition. Mais elle alla plus loin. Elle déclara que la rhétorique en tant que telle étai
508 rocédés de composition. Mais elle alla plus loin. Elle déclara que la rhétorique en tant que telle était mauvaise, insincère
509 Dans ses recettes magiques et artifices profonds, elle ne vit que recettes et artifices, et commanda de les éliminer. De ses
510 ices, et commanda de les éliminer. De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’inspiration pure, comme la colombe de
511 n pure, comme la colombe de Kant qui s’imagine qu’ elle volerait mieux dans le vide, l’artiste crut qu’il irait loin… Il tomb
512 le volerait mieux dans le vide, l’artiste crut qu’ il irait loin… Il tomba dans « la réalité », coupa ses ailes et se fit r
513 ux dans le vide, l’artiste crut qu’il irait loin… Il tomba dans « la réalité », coupa ses ailes et se fit romancier ou pay
514 ment favori, le mythe se rapproche de l’histoire. Il gagne en intérêt tout ce qu’il perd en magie. Naît alors le récit en
515 che de l’histoire. Il gagne en intérêt tout ce qu’ il perd en magie. Naît alors le récit en prose, illustration de vérités
516 tenait l’envol de l’imagination librement vraie : il détruit les figures convenues, les rites constants de l’illusion, don
517 lusion, dont le conteur connaissait les pouvoirs. Il ne lui reste pour appui que la réalité telle qu’il la voit. Mais cett
518 l ne lui reste pour appui que la réalité telle qu’ il la voit. Mais cette réalité — c’est-à-dire : l’extérieur — ne peut fo
519 ie. Ses règles émergeaient de la nature profonde, elles prolongeaient la nature naturante, au lieu de copier la nature naturé
520 n, Dominique. Ces récits intéressent le lecteur s’ il se retrouve dans le héros. La part de l’art y est réduite à celle du
521 lation. Maintenant, le romancier prétend décrire. Il s’excuse d’imaginer. Il ambitionne de conformer son art aux « lois de
522 omancier prétend décrire. Il s’excuse d’imaginer. Il ambitionne de conformer son art aux « lois de la vie », non plus aux
523 t par la critique moderne et par le grand public. Elle rend compte de l’insignifiance, au sens littéral de ce terme, où deva
524 terme, où devait choir fatalement le roman dès qu’ il refusa d’être fable. Tout l’intérêt du conte, effectivement, tenait a
525 u conte, effectivement, tenait aux conventions qu’ il savait mettre en œuvre. Le conte multipliait les rencontres fortuites
526 était autorité. Les événements extraordinaires qu’ il présentait, portaient les sentiments jusqu’au sublime, proposaient de
527 libre déploiement des réalités mêmes de l’âme, qu’ il décrivait en personnages selon certains procédés et figures surgis de
528 double sens de l’expression. Mais que se passe-t- il lorsque le romancier nous fait savoir qu’il a mis dans son livre ce q
529 sse-t-il lorsque le romancier nous fait savoir qu’ il a mis dans son livre ce qui est, et non plus ce qu’il a inventé ? L’a
530 mis dans son livre ce qui est, et non plus ce qu’ il a inventé ? L’abandon de la rhétorique entraîne deux séries de conséq
531 er moderne a perdu l’autorité magique du conteur. Il s’est privé volontairement du bénéfice de « l’art de persuader » trad
532 débutait par la formule « Il y avait une fois… », il créait aussitôt chez l’auditeur un état très particulier de réceptivi
533 lère pas de scepticisme. Observez un enfant quand il attend « l’histoire ». Dès que la formule consacrée tombe des lèvres
534 assionné d’attente où naît l’illusion romanesque. Il a suffi des mots rituels pour suspendre le sens critique, et voici le
535 que cela s’est passé tout à l’heure, dans la rue, il ferait aussitôt mille objections. Il vous jugerait avec toute la sévé
536 dans la rue, il ferait aussitôt mille objections. Il vous jugerait avec toute la sévérité que les enfants réservent aux ad
537 une cigarette blonde et consulta l’indicateur. » Il s’agit de me faire croire que c’est vrai. Il faut donc me fournir des
538 r. » Il s’agit de me faire croire que c’est vrai. Il faut donc me fournir des preuves et des observations exactes. Mais à
539 plus j’exige un récit vraisemblable. À la limite, il serait impossible qu’un lecteur tombe jamais d’accord avec l’auteur.
540 lecteur tombe jamais d’accord avec l’auteur. Car il n’est pas deux expériences humaines superposables. Et je ne renoncera
541 ire crédit à celle de l’écrivain que si, d’abord, il renonçait à démontrer, et m’entraînait par d’autres charmes… Du conte
542 veut créer l’illusion du réel quotidien. Pourtant il ne dispose que de mots, quoi qu’il fasse. Ce dernier artifice paraît
543 dien. Pourtant il ne dispose que de mots, quoi qu’ il fasse. Ce dernier artifice paraît le gêner d’autant qu’il essaie de l
544 . Ce dernier artifice paraît le gêner d’autant qu’ il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome de la critique moderne :
545 e-qu’elle-est ne signifie presque rien. Or, c’est elle qu’on veut reproduire en multipliant les observations exactes et les
546 à la vie que M. Jules Romains va s’interdire, dit- il — « les enchaînements arbitraires et le picaresque », les rencontres
547 ’auteur se montre attentif à ne promettre rien qu’ il ne sache attendu. « Le roman, écrit encore M. Romains, ne connaît pas
548 t donc cela ? M. Romains connaît bien son public. Il sait que l’absence de conventions sera tenue pour avantage, et compen
549 ajoute : « Le lecteur se demandera : où cela va-t- il  ? Des personnages se perdent… » Mais, répond notre auteur, comme pour
550 notre auteur, comme pour se justifier, n’en va-t- il pas de même dans la vie ? Les romans traditionnels « préoccupés qu’il
551 la vie ? Les romans traditionnels « préoccupés qu’ ils sont, au nom des vieilles règles, de commencer et de finir le jeu ave
552 ort… Bien sûr. Mais pourquoi les romans devraient- ils exprimer tout cela ? Et d’ailleurs, comment le pourraient-ils ? Si lo
553 tout cela ? Et d’ailleurs, comment le pourraient- ils  ? Si longs qu’ils soient, ils seront toujours trop courts pour imiter
554 ailleurs, comment le pourraient-ils ? Si longs qu’ ils soient, ils seront toujours trop courts pour imiter sans conventions
555 mment le pourraient-ils ? Si longs qu’ils soient, ils seront toujours trop courts pour imiter sans conventions le décousu d
556 époque. Le roman policier est populaire parce qu’ il demeure le seul genre défini, obéissant aux lois d’une rhétorique pré
557 lois sont connues et communes : dès Conan Doyle, elles ont pris force contraignante. Ses personnages sont constants comme ce
558 circonscrit : c’est généralement une maison dont il semble que personne n’ait pu y entrer ni en sortir, et qui contient l
559 e roman policier passionne dans la mesure même où il tient compte des règles, soit pour les appliquer avec une perfection
560 uelle du roman historique pourrait être invoquée, elle aussi, bien que l’exemple soit moins pur et moins frappant. Le roman
561 dans le temps. Mais l’impureté du genre, c’est qu’ il peut se passer de la crédibilité intrinsèque du conte, par le recours
562 la tragédie classique et les chroniques en vers. Il mourra pour avoir épuisé ses possibilités formelles, et pour avoir po
563 e, aux conceptions bourgeoises de la vie, soit qu’ il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisât que leurs tabous
564 soit qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisât que leurs tabous comme ressorts de l’action, ou qu’enfin i
565 rs tabous comme ressorts de l’action, ou qu’enfin il se fît un prestige de les contredire et miner. Tout cela ne durera pl
566 r la vie, la récréera ; et renonçant à prouver qu’ il dit vrai, aussitôt se verra restituer les prestiges de la persuasion.
567 acles qui constituaient la rhétorique des contes. Il ne rejoindra le sens vrai de nos vies qu’en se livrant à la logique p
14 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
568 uis rien. Avec autant de sincérité, nous semblait- il , qu’un croyant décrivant sa conversion en termes de grâce et de préde
569 n en termes de grâce et de prédestination. Mais s’ il est vain de nier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son ca
570 édestination. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son caractère de destinée fatale. C
571 e espèce de passivité que l’on allègue, ne serait- elle point un alibi ? Je ne parle que du vrai coup de fondre, celui qui es
572 Car pour ceux que l’on attend, que l’on appelle, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux port
573 e métro, dans la foule où se cherchent des yeux — ils se détournent aussitôt que frappés et c’est toujours : « Ô toi que j’
574 tion de Don Juan pour impressionner ses victimes. Il en a tant parlé, et vous autres après lui, que toutes les femmes qui
575 rs mouvements que cette apparition fait naître en elles . Très facile que de les persuader, une fois si bien intéressées ! Car
576 s ravages, et non pas quelque dieu, ni le Destin. Il n’y aurait jamais de coup de fondre sans ce désir que vous entretenez
577 e n’est pas assez que d’une complaisance acquise. Il faut encore une rencontre ménagée à la ressemblance du rêve : toute u
578 contraire par la profonde convenance des rôles qu’ ils tiennent dans la société, sous l’égide des plus intangibles hiérarchi
579 hies. Et Don Juan triche, une fois de plus, quand il feint que cela se produise à l’improviste, comme au coin d’un bois… I
580 produise à l’improviste, comme au coin d’un bois… Il me vient une image dont la netteté pourra faire excuser le prosaïsme 
581 en dépit de son nom, ne souffre pas l’instantané, il veut la pose… Tandis que je parlais ainsi, une espèce de gêne me vint
582 pèce de gêne me vint, le sentiment de mal tomber. Il me sembla que mes propos touchaient mon interlocuteur d’une manière u
583 e un peu trop personnelle, et comment dire ? — qu’ il savait mieux que moi cette histoire que je lui contais. — Permettez,
584 tte histoire que je lui contais. — Permettez, dit- il gentiment, que je vous réponde par une confession. Je ne sais d’aille
585 nvitait était un grand banquier, ami des lettres. Il vint m’attendre au débarqué de l’avion et me conduisit à sa demeure.
586 ée en avion… Le banquier comprend très bien cela. Il parle beaucoup pour me réconforter, raconte avec vivacité comment il
587 our me réconforter, raconte avec vivacité comment il a organisé mes conférences, et quel public j’aurai, et quelles person
588 is-ci non sans terreur, que la femme du banquier, elle aussi, n’a presque pas touché aux mets servis. Le déjeuner se termine
589 it paru remarquer que mon malaise est contagieux. Il bavarde encore en prenant le café, puis s’excuse d’avoir à regagner s
590 Buda, et me fera visiter le Musée, — à ce soir ! Il s’en va, très satisfait de lui, et de moi aussi, je crois. Nous voici
591 seuls. Silence. Silence encore dans la voiture qu’ elle conduit avec une expression concentrée, presque rageuse. Nous travers
592 ine la statue de saint Geller, les bras en croix. Elle arrête la voiture près d’une barrière de parc public, descend, s’éloi
593 t et se marquent. Je la rejoins. Alors d’un geste elle désigne la ville à nos pieds : « — Mon mari m’a demandé de vous montr
594 e vous montrer Budapest. Voilà, c’est Budapest. » Il n’y a rien d’autre à dire. Nous remontons en voiture et descendons ve
595 e chose dans un restaurant ? — Bonne idée », fait- elle d’une voix basse, sans me regarder. Nous voici attablés devant des sa
596 . Je fais le tour de la table, je m’arrête devant elle , les bras en arrière, comme cela — je me suis retenu de lui toucher l
597 r l’épaule — et je m’entends prononcer : — Puisqu’ il faut que cela soit, eh bien… que cela soit ! Elle se lève et me suit.
598 u’il faut que cela soit, eh bien… que cela soit ! Elle se lève et me suit. Nous allons chez elle. Un vertige, un sombre déli
599 soit ! Elle se lève et me suit. Nous allons chez elle . Un vertige, un sombre délire, et sans qu’un mot de plus ait été pron
600 informe : l’avion part à 10 heures du matin. Mais il faut que je la revoie une dernière fois. Je prendrai donc l’express d
601 c nervosité sur les événements de l’avant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? — Avec qui m’as-tu trompée ? dit-elle e
602 de l’avant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t- il  ? — Avec qui m’as-tu trompée ? dit-elle enfin. Je la regarde longueme
603 e. Qu’y a-t-il ? — Avec qui m’as-tu trompée ? dit- elle enfin. Je la regarde longuement, bien en face. Aucun doute n’est poss
604 uement, bien en face. Aucun doute n’est possible. Elle sait. Monsieur, je puis garder un secret d’État, vous le savez, mais
605 ai tout avoué sans me chercher d’excuse. Et comme elle se taisait encore, je lui ai demandé comment elle avait su. Alors ell
606 elle se taisait encore, je lui ai demandé comment elle avait su. Alors elle m’a tendu une lettre par avion, arrivée pour moi
607 e, je lui ai demandé comment elle avait su. Alors elle m’a tendu une lettre par avion, arrivée pour moi le matin même et qu’
608 e par avion, arrivée pour moi le matin même et qu’ elle avait ouverte par crainte d’un malheur. Quelques lignes sur une feuil
609 ui présida aux fastes de votre rencontre, ne perd- il pas un peu de son mystère si l’on songe que la femme du banquier étai
610 vos propres romans ?… Et ce coup de foudre, n’est- il pas tombé d’un ciel qu’il convient de nommer Littérature ? o. Roug
611 e coup de foudre, n’est-il pas tombé d’un ciel qu’ il convient de nommer Littérature ? o. Rougemont Denis de, « Contribu
15 1946, Articles divers (1941-1946). Penser avec les mains (janvier 1946)
612 Penser avec les mains (janvier 1946)p Il est temps de proclamer vaine toute œuvre qui laisse son auteur intact
613 ce lieu de combat sans merci où quelque chose qu’ il ne peut plus fuir attaque l’auteur et tout ce qu’il reflète d’une amb
614 ne peut plus fuir attaque l’auteur et tout ce qu’ il reflète d’une ambiance domestiquée. Il est grand temps que la pensée
615 tout ce qu’il reflète d’une ambiance domestiquée. Il est grand temps que la pensée redevienne ce qu’elle est en réalité :
616 Il est grand temps que la pensée redevienne ce qu’ elle est en réalité : dangereuse pour le penseur, et transformatrice du ré
617 es hommes qui créent, d’autres qui enregistrent : il ne faudra plus les confondre. Il y a Pascal et Goethe, Dostoïevski et
618 ces gens forment l’opinion, sans aucun doute, et ils le savent. Toute l’opinion du monde en est à peu près là, que la pens
16 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
619 é le but de guerre idéal des Nations unies, comme elles restent l’idéal officiel de la paix. Mais j’ai remarqué qu’assez peu
620 z peu de personnes sont capables de les énumérer. Il semble qu’on se soit battu « pour » quelque chose qui n’était pas tro
621 te. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre, il est temps de nous demander quel est l’état présent des libertés qui f
622 ans la peur les uns des autres. Quant à la Bombe, elle a multiplié par 20 000 au moins la liberté de craindre le pire à chaq
623 fatalement » prolonge ou aggrave les tyrannies qu’ elle avait pour seul but d’écraser. Mais ceci est une autre histoire.) Ma
624 s ceci est une autre histoire.) Ma génération est- elle donc condamnée à subir au double ou au triple tout ce qu’elle s’est é
625 ndamnée à subir au double ou au triple tout ce qu’ elle s’est épuisé à combattre ? Doit-elle accepter de se passer d’au moins
626 e tout ce qu’elle s’est épuisé à combattre ? Doit- elle accepter de se passer d’au moins trois libertés sur quatre, avec l’es
627 ielle ? On m’en voudra de ces questions, parce qu’ elles ne paraissent comporter que des réponses amères et humiliantes, si l’
628 ous y rabat impitoyablement par la comparaison qu’ il nous oblige à faire de l’idéal et du présent. Je propose donc que nou
629 une affirmation unique de Liberté indivisible, qu’ il ne dépend que de nous de saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre libe
630 u’il ne dépend que de nous de saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a que « la » liberté, ou non. Je le
631 saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a que « la » liberté, ou non. Je le prouverai par une parabole. J
632 t en fait des quatre libertés susdites. « Une » : Ils peuvent dire tout ce qu’ils veulent à leurs voisins ; « deux » : ils
633 s susdites. « Une » : Ils peuvent dire tout ce qu’ ils veulent à leurs voisins ; « deux » : ils reçoivent gratuitement les s
634 ut ce qu’ils veulent à leurs voisins ; « deux » : ils reçoivent gratuitement les secours de la religion de leur choix ; « t
635 ecours de la religion de leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccuper de leur subsistance ; « quatre » ils sont
636 à se préoccuper de leur subsistance ; « quatre » ils sont solidement protégés contre tous les périls extérieurs. Ce sont l
637 peut pas être détaillée ni débitée en tranches : elle est vivante. Elle ne peut pas non plus être donnée. Elle exige d’être
638 aillée ni débitée en tranches : elle est vivante. Elle ne peut pas non plus être donnée. Elle exige d’être affirmée sur le c
639 t vivante. Elle ne peut pas non plus être donnée. Elle exige d’être affirmée sur le champ, et coûte que coûte, quels que soi
640 ous ne pourrons jamais la recevoir d’autrui. Sans elle les autres libertés ne comptent guère. Par elle seule, elles peuvent
641 s elle les autres libertés ne comptent guère. Par elle seule, elles peuvent être conquises. Nous l’affirmons et nous le démo
642 utres libertés ne comptent guère. Par elle seule, elles peuvent être conquises. Nous l’affirmons et nous le démontrons par no
643 isque nous lui laisserons tous les devoirs. Ce qu’ il nous faut, ce n’est pas d’abord un monde bien arrangé autour de nous.
644 ertaines prisons sont très bien arrangées). Ce qu’ il nous faut pour être libres, uniquement et tout simplement, c’est du c
645 d dire : « X… est un esprit libre. » De qui tient- il sa liberté ? Ni de l’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de
646 e la Démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vision seule et de son courage de lutter pour la joind
647 toyen américain qui tourne le bouton de sa radio. Ils combattaient. q. Rougemont Denis de, « Les quatre libertés », Le F
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
648 en compris, à savoir que la terre est ronde. D’où il résulte, entre autres conséquences, que si vous tirez devant vous ave
649 des continents. Voici la Bombe, à quoi servira-t- elle  ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire : à une guerre qui nous attein
650 cle arrive à digérer et intégrer cette pensée-là, il aura fait une révolution bien plus grande que la Renaissance. Il semb
651 e révolution bien plus grande que la Renaissance. Il semble que la dernière guerre, j’entends celle de 39-45, a beaucoup f
652 au niveau de notre existence matérielle. Avant qu’ elle puisse devenir un fait de droit, il nous faudra probablement passer p
653 e. Avant qu’elle puisse devenir un fait de droit, il nous faudra probablement passer par une étape intermédiaire, qui est
654 tion d’une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons
655 lleurs nous prenaient nous aussi pour des lions. ( Il ne manque pas de Persans pour se demander : Comment peut-on être Fran
656 ’une conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’ il faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse et la radio, le cinéma
18 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)
657 deux : 1. Donner la Bombe aux petits pays pour qu’ ils soient protégés contre les grands. Ces derniers fourniraient ainsi la
658 éputés des peuples. (Je prends le modèle courant. Il faudrait l’ajuster.) Le cabinet que ces chambres éliraient compterait
659 oyez. On trouverait mieux, en s’appliquant.) Mais il n’y a que les idées pratiques et raisonnables que l’on traite de foli
660 dernière guerre civile du genre humain. Que va-t- il se passer ? Ces projets échoueront. On en rira. On n’en rira même pas
661 esure de ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens de la mesure peu
662 es nations et de leur vertu d’ordre. Admettons qu’ elles arrivent encore à se battre. Admettons que la Bombe soit moins puissa
663 es savants autorisés ne l’affirment. Admettons qu’ il n’y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres accidents d’ampleur continen
664 la guerre militaire y prospère d’autant mieux qu’ elle sera dotée d’une arme de plus. Admettons que l’on invente une parade
665 si francs, et que nos chefs savent à peine ce qu’ ils jouent. Une espèce d’organisation mondiale ouvrira des bureaux confor
666 fortables d’où sortiront quelques vœux incolores. Il est évident que les nations souveraines s’en moqueront. Il est éviden
667 ident que les nations souveraines s’en moqueront. Il est évident que l’une d’entre elles, Bombe en main, essaiera d’impose
668 s’en moqueront. Il est évident que l’une d’entre elles , Bombe en main, essaiera d’imposer sa paix à toutes les autres. (Inut
669 à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il est évident que les peuples se révolteront contre cette nation et son
670 t contre cette nation et son régime, tôt ou tard. Il est évident que si l’on continue à penser comme on pense aujourd’hui,
671 ourd’hui, cela finira dans l’explosion totale. Et il est évident que la grande majorité des hommes se refuse à ces évidenc
672 dences. On nous ressasse à longueur de journée qu’ elle « n’est pas prête pour un gouvernement mondial ». Est-ce qu’on lui de
673 uvernement mondial ». Est-ce qu’on lui demande si elle est prête pour la mort ? L’humanité, ce sont des gens comme vous et m
674 es gens comme vous et moi. Quand vous me dites qu’ elle n’est pas prête pour la paix, cela veut dire que vous d’abord, vous r
675 t à chacun de nous. Et nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher. Nos alibis ne trompent plus que nous-
676 mêmes. Pour moi, je poursuivrai ma lutte, quoi qu’ il arrive. C’est ma santé. Dès mon premier écrit sur les choses politiqu
677 ans tout cela ? Dangereuse question : imaginez qu’ il vous réponde ? S’il permet que nous fassions sauter la Terre, elle sa
678 ereuse question : imaginez qu’il vous réponde ? S’ il permet que nous fassions sauter la Terre, elle sautera et ce sera trè
679  ? S’il permet que nous fassions sauter la Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà de ce « clin d’œil », il nous a
680 ce sera très bien. Au-delà de ce « clin d’œil », il nous attend. s. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomi
19 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)
681 ez-vous dans vos cinq dialogues précédents ? Faut- il penser que vous vous moquiez du monde ? — J’étais sérieux. Je prenais
682 ous que beaucoup l’ont pensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’Hiroshima nous ait jetés pour quel
683 lque amour tardif de notre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaient riposter, et la valeur milita
684 de compenser, même à ses yeux, le risque moral qu’ il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous rép
685 cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’ elle supprimera la possibilité de riposter, c’est-à-dire jouera militairem
686 ra militairement le rôle d’une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresseur éventuel. Car nos scrupu
687 e nos actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera
688 est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera, au risque de faire sauter la Terre.
689 u’on nomme des comités pour la retenir ! Comme si elle était tombée du ciel, animée de mauvaises intentions ! C’est d’un com
690 vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse.
691 Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas
692 Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’ il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre q
20 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
693 Faut- il rentrer ? (4 mai 1946)u On me dit que Mauriac a écrit : Faut-il pa
694 ai 1946)u On me dit que Mauriac a écrit : Faut- il partir ? (pensant aux jeunes Français, répondant non). Que Bernanos s
695 rroge. Je reprends la question dans les termes où elle est posée : faut-il partir ? (Peut-on partir serait une tout autre af
696 question dans les termes où elle est posée : faut- il partir ? (Peut-on partir serait une tout autre affaire.) Il se trouve
697 ? (Peut-on partir serait une tout autre affaire.) Il se trouve que j’habite, pour quelques semaines encore, du côté où les
698 du côté où les jeunes Européens devraient aller s’ il s’agissait pour eux de partir. Je vois les avantages de l’Amérique et
699 avantages de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’ ils ne sont en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il
700 de les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’est qu’une solution, qui est d’aller voir, et d’« essayer » le pays
701 stume. Et je me dis que le problème est mal posé. Il ne s’agit ni de partir ni de rester, au sens pathétique de ces mots.
702 tir ni de rester, au sens pathétique de ces mots. Il s’agit simplement de circuler. Ce n’est pas très facile, pratiquement
703 culer à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni de choisir une terre et ses morts contre le Globe et ses
704 disme permanent et l’exil par principe ou dégoût. Il s’agit simplement de vivre au xxe siècle, en tenant compte des réali
705 ement en mesure de le vivre ! Combien encore sont- ils du Moyen Âge, ou du bourgeois et lent xixe siècle ! Serait-ce manque
706 siècle ! Serait-ce manque d’imagination ? Certes, il en faut une dose non ordinaire pour se rendre contemporain d’un monde
707 en week-end. Le mot partir a donc changé de sens. Il a perdu son aura dramatique. Plus question de couper les ponts, de br
708 re, ne l’aime donc pas de la meilleure manière, s’ il refuse tout le reste, et la comparaison. Il faut s’ouvrir. Il faut ai
709 re, s’il refuse tout le reste, et la comparaison. Il faut s’ouvrir. Il faut aimer. Il faut cesser de trouver cela nigaud,
710 ut le reste, et la comparaison. Il faut s’ouvrir. Il faut aimer. Il faut cesser de trouver cela nigaud, et de faire le coq
711 la comparaison. Il faut s’ouvrir. Il faut aimer. Il faut cesser de trouver cela nigaud, et de faire le coq de village tou
712 ages de tampons ? Comment peut-on les justifier ? Ils n’ont pas arrêté un seul espion, tout en causant la perte des millier
713 out en causant la perte des milliers d’innocents. Ils rendent vains les progrès matériels dont notre basse époque pourrait
714 otre basse époque pourrait encore s’enorgueillir. Ils représentent dans l’esprit des modernes la Fatalité imbécile. Pourquo
715 ix ne proteste ? u. Rougemont Denis de, « Faut- il rentrer ? », Pour la Victoire, New York, 4 mai 1946, p. 1-2.
21 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
716 946)w x M. de Rougemont est rentré d’Amérique. Il nous en parle simplement, avec ce sens de l’équilibre et de la mesure
717 même le cinéma. Un sentiment qui dure : pour moi, il a duré pendant six ans. Ceci est surtout vrai pour les mœurs, leur dé
718 Là-bas, certaines choses vont de soi ; chez nous, elles paraissent bizarres. En France, par exemple, il était bien vu de tric
719 lles paraissent bizarres. En France, par exemple, il était bien vu de tricher avec le fisc ; on s’en vantait. En Amérique,
720 on sens civique. Quand le citoyen est discipliné, il n’a pas pour autant l’amour du règlement comme en Suisse… J’ai aussi
721 on a l’impression que les gens sont un peu fous… Ils chantent dans la rue, vous posent les questions les plus indiscrètes,
722 Cinq minutes après avoir fait votre connaissance, ils vous appellent par votre prénom et vous invitent pour le prochain wee
723 t crédit. En Europe, par contre, les liaisons, si elles sont plus rares, sont plus solides et profondes. Outre-Atlantique, on
724 timents éveillés par la civilisation européenne ? Il importe de distinguer entre plusieurs classes d’Américains. Ceux qui
725 sme européen, surtout au point de vue culture, où ils ont d’ailleurs raison. Ce groupe forme une petite minorité qui affect
726 qui l’on ne peut pas avoir une grande confiance… Ils voient l’Europe un peu comme nous voyions les Balkans avant la guerre
727 ous voyions les Balkans avant la guerre. Et puis, ils ont un peu peur de nous ; ils craignent que nous ne soyons une source
728 la guerre. Et puis, ils ont un peu peur de nous ; ils craignent que nous ne soyons une source permanente de désordres et de
729 ns au point de vue du civisme et de la politique. Ils ont le sentiment d’être decent. Leur opinion est que les Européens ne
730 e soi-même »… Quant à la masse du centre du pays, elle ne connaît rien de notre continent ; souvent, elle ignore même que la
731 lle ne connaît rien de notre continent ; souvent, elle ignore même que la Suisse existe. Un GI m’a récemment déclaré : « La
732 ression est une réalité. Quant à notre continent, il est considéré comme une espèce de champ de bataille en puissance. Cel
733 llemagne n’a aujourd’hui plus grande importance ; il a cédé le pas au problème Amérique-URSS. Et que pensent les Américain
734 e d’assiégement », se referme trop sur elle-même. Il est difficile de la comprendre de l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amé
735 ’est toujours de là que vient l’initiative. Ce qu’ ils ont de plus que nous, c’est un grand art du reportage, de la descript
736 est un grand art du reportage, de la description. Ils ont indiscutablement créé le style du grand reportage. Je connais que
737 nt parlant, l’ouvrier américain est un bourgeois. Il a sa voiture, sa maison ou un appartement avec salle de bains. Dans l
738 ement. Les différences sont fortes, certes ; mais elles sont tout à fait conciliables. À l’Amérique, nous pouvons apporter be
739 usion, disons que lorsque Talleyrand affirmait qu’ il avait trouvé aux États-Unis « trente-deux religions et un seul plat »
740 s-Unis « trente-deux religions et un seul plat », il n’avait tort qu’a cinquante pour cent… w. Rougemont Denis de, « [E
741 la note suivante : « Un écrivain nous est revenu. Il nous est revenu de la lointaine et si proche Amérique, emportant avec
742 est rentré d’Amérique. Pas pour longtemps, puisqu’ il se prépare déjà à repartir à la découverte de ce continent qui, à lui
743 contact avec le réel, contact de la pensée qui, s’ il ne s’accompagne pas du contact des sens, conduit à l’insondable gouff
744 raction. M. de Rougemont, lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’est pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à e
745 l’Amérique. Il ne s’est pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est donné à son expérience c
746 s’est pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est donné à son expérience créatrice. L’auteu
747 à la survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle , il s’est donné à son expérience créatrice. L’auteur de Politique de
748 survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est donné à son expérience créatrice. L’auteur de Politique de la
22 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
749 tournent en rond. C’est la rumeur du xxe siècle. Elle a cours en Europe au moins autant qu’ailleurs. Elle risquerait parfoi
750 le a cours en Europe au moins autant qu’ailleurs. Elle risquerait parfois de nous frapper d’une sorte de mélancolie sceptiqu
751 ndon aux prétendues fatalités de l’Histoire. Mais il n’est point de fatalité pour l’homme qui ne recule pas devant sa libe
752 deux résultats qui prennent figure de paraboles : ils me paraissent propres à nous persuader de la fécondité de certaines v
753 s valeurs que l’Europe a promues patiemment et qu’ elle illustre encore aux yeux du monde. Je veux parler de la « mémoire » e
754 e rapport de l’intelligence ! Leur malheur est qu’ ils n’ont aucune mémoire. Ils se voient obligés chaque matin de reconstru
755 e ! Leur malheur est qu’ils n’ont aucune mémoire. Ils se voient obligés chaque matin de reconstruire leur monde, de l’appre
756 syphe les épuise et les condamne à rester singes. Il les réduit à imiter, là où nous sommes capables d’innover en tirant l
757 sé vivant, et faute de traditions instrumentales. Il s’imagine qu’il invente sans cesse. Il ne croit qu’à l’actualité, aux
758 ute de traditions instrumentales. Il s’imagine qu’ il invente sans cesse. Il ne croit qu’à l’actualité, aux nouvelles toute
759 umentales. Il s’imagine qu’il invente sans cesse. Il ne croit qu’à l’actualité, aux nouvelles toutes chaudes, à la dernièr
760 e sirène, les singes sont lâchés dans la chambre. Ils découvrent bientôt les tiroirs, ils les ouvrent et dévorent les banan
761 s la chambre. Ils découvrent bientôt les tiroirs, ils les ouvrent et dévorent les bananes. On répète le manège un grand nom
762 f fois sur dix, réagit d’une toute autre manière. Il vient de le prouver pendant six ans. Il se souvient — non pas de ces
763 manière. Il vient de le prouver pendant six ans. Il se souvient — non pas de ces épreuves-là précisément, car on n’avait
764 fond, qui définit la condition humaine. S’agirait- il d’une sorte de méfiance ? Disons plutôt d’une sobriété devant le dest
765  ? Disons plutôt d’une sobriété devant le destin. Il se souvient que tout peut arriver, même le pire. Il pressent que le s
766 se souvient que tout peut arriver, même le pire. Il pressent que le sort, la science, le monde moderne et sa prospérité n
767 e, car une obscure sagesse en lui s’y attendait ; elle le tenait prêt à subir en souplesse les mécomptes, à vrai dire normau
768 cité et les sirènes du progrès. Et c’est pourquoi il tiendra le coup. v. Rougemont Denis de, « Histoire de singes ou de
23 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
769 en compris, à savoir que la terre est ronde. D’où il résulte, entre autres conséquences, que si vous tirez devant vous ave
770 des continents. Voici la Bombe. À quoi servira-t- elle  ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire à une guerre qui nous atteint
771 cle arrive à digérer et intégrer cette pensée-là, il aura fait une révolution bien plus grande que la Renaissance. Il semb
772 e révolution bien plus grande que la Renaissance. Il semble que la dernière guerre a beaucoup fait pour éveiller dans les
773 au niveau de notre existence matérielle. Avant qu’ elle puisse devenir un fait de droit, il nous faudra probablement passer p
774 e. Avant qu’elle puisse devenir un fait de droit, il nous faudra probablement passer par une étape intermédiaire, qui est
775 tion d’une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons
776 lleurs nous prenaient nous aussi pour des lions. ( Il ne manque pas de Persans pour se demander : Comment peut-on être Fran
777 ’une conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’ il faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse, et la radio, le cinéma
778 d’un amour et d’une souffrance intime ? Sinon qu’ il fut lui aussi un poète, en prose et en action, en vision créatrice.
24 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
779 e donne lorsque, se dégageant de notre condition, elle imagine des idées qui détruisent l’homme, l’on rencontre sans trop d’
780 r moi ? Je ne sens pas que l’idée soit tragique : elle m’appartient, je puis en disposer, feindre assez facilement d’en rire
781 en disposer, feindre assez facilement d’en rire. Elle n’est pas plus forte que moi. Peut-être même n’est-elle qu’une ruse c
782 ’est pas plus forte que moi. Peut-être même n’est- elle qu’une ruse cousue de fil blanc de ma vitalité : la seule pensée que
783 ’osons le croire, sans doute ne pensons-nous qu’à elle — mais nous n’avons jamais pu penser notre mort. Contester là-dessus
784 tée. Perfection et Mort en ceci se confondent, qu’ elles sont absolument tragiques, c’est-à-dire sans appel. Ontologie de la
785 d’une telle situation — la nôtre à tous — ne faut- il pas qu’une instance mystérieuse aimante notre méditation et qu’elle l
786 stance mystérieuse aimante notre méditation et qu’ elle la fixe sur cela que le naturel se refuse à prendre au sérieux ? Car
787 . Pourquoi suis-je donc ici à remuer ces choses ? Il est vrai que ce sont les seules dont l’intérêt grandisse avec le temp
788 sa fin. Mais c’est une mauvaise raison. Depuis qu’ il court ainsi, mesuré par les saisons régulières, le temps nous endort
789 s régulières, le temps nous endort bien plutôt qu’ il ne nous avertit de son but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est
790 ertit de son but. Si l’homme savait un jour ce qu’ il en est de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’œil nu, leur s
791 ce qu’il en est de son destin et de sa liberté, s’ il voyait à l’œil nu, leur sens dernier et l’enjeu véritable de ses choi
792 illerait pas avec moins d’envie le débauché, dont il faudrait encore plaindre l’arrière-pensée, l’impuissance à choisir sa
793 re ici ma phrase, me jetant dans mon jugement ? S’ il nous vient à l’idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui s
794 us employer qu’au dessert. La richesse ? Voici qu’ elle n’est plus à la portée des mains humaines, elle n’est plus qu’un symb
795 u’elle n’est plus à la portée des mains humaines, elle n’est plus qu’un symbole chiffré désignant des puissances lointaines.
796 é désignant des puissances lointaines. Toutefois, elle reste liée au rêve d’activité qui tourmente l’Occident depuis des siè
797 es siècles. Mais ce rêve, à son tour se trouble ; il faiblit, il ne couvre plus toute l’étendue de la conscience humaine…
798 Mais ce rêve, à son tour se trouble ; il faiblit, il ne couvre plus toute l’étendue de la conscience humaine… Car notre vo
799 non plus à mourir : cet effort est contre nature. Il naît au déclin de la vie, et fatalement se retourne contre elle. Nous
800 éclin de la vie, et fatalement se retourne contre elle . Nous voulons échapper au temps, à sa menace, mais c’est peut-être le
801 er sa fin : la fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut que l’assurance mondiale que nous tentons d’organiser, aménag
802 ouvoir du chiffre dépendra d’une centrale unique, il suffira que l’Ange de la Fin saisisse les commandes pour accomplir le
803 sse et son Histoire. Vous vous dites en secret qu’ elle ne peut pas mourir, et il est vrai qu’elle ne possède pas de vie réel
804 us dites en secret qu’elle ne peut pas mourir, et il est vrai qu’elle ne possède pas de vie réelle, et ne peut donc penser
805 ret qu’elle ne peut pas mourir, et il est vrai qu’ elle ne possède pas de vie réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien.
806 e réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut être en soi pensée, et l’homme en elle reste à peu près dénué
807 n. Elle ne peut être en soi pensée, et l’homme en elle reste à peu près dénué de réalité, jusqu’au jour où la Fin le pense.
808 vous l’appelez exagéré, démesuré. Écoutez-moi : s’ il se trouvait que le monde réellement fût perdu, quel que soit le désir
809 ût perdu, quel que soit le désir que vous avez qu’ il dure, et la persuasion où vous vous entretenez qu’il durera toujours
810 dure, et la persuasion où vous vous entretenez qu’ il durera toujours autant que vous ? S’il se trouvait que la vérité actu
811 retenez qu’il durera toujours autant que vous ? S’ il se trouvait que la vérité actuelle fût totalement démesurée ? Qui pér
812 se défendre, mais seulement à se révéler tels qu’ ils sont, où qu’ils soient. Plus d’évasions spirituelles. L’homme fuyant
813 is seulement à se révéler tels qu’ils sont, où qu’ ils soient. Plus d’évasions spirituelles. L’homme fuyant la Terre où le d
814 e rapide. Peut-être le soleil éteint se promène-t- il depuis quelques instants dans un ciel sale. Qui sortirait pour voir ?
815 discours, pénétrant dans l’horreur sans mémoire ? Il faut croire, aujourd’hui, que cela se peut. Cela s’est produit comme
816 e première lampe s’est allumée. Quelqu’un dit : «  Elle est là ».) Premier jugement, par la lumière La fin du monde, ir
817 assé — « et toutes ses prières perdues ! » — mais ils savaient que rien ne peut finir tout à fait et à jamais qu’au prix de
818 fait et à jamais qu’au prix de cela justement qu’ il n’était point permis d’imaginer. Celui dont les belles manières sont
819 lia les premiers résultats d’une enquête-éclair : il s’agissait d’une névrose collective, d’une poussée subite de l’instin
820 rt. Saint Paul l’a vu bien avant Freud, et mieux. Il entendait par « chair » le tout de l’homme, intelligence et belle âme
821 , ce qu’affectionne la chair, c’est ce qui, croit- elle , la détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui
822 Nous sommes tout simplement au jour du Jugement. Il sera porté aussi bien sur votre élan vital que sur l’élan mortel. Car
823 n sur votre élan vital que sur l’élan mortel. Car il ne vient pas de nous, mais d’En Face. Ici le futur nous attend, ce fu
824 ui, se manifeste au Jour de tous les jours. Comme il parlait encore, une lueur d’aube apparut et grandit autour d’eux. Tou
825 our apparaissant qui menace d’être insoutenable : il nous trouve sans préparation. L’on ne s’était défendu que de l’autre
826 ujours plus vaste et blanc dans l’univers entier. Ils se sont tout d’abord sentis gênés, balourds, ne sachant trop quelle c
827 nance prendre. Et la lumière ne cesse de grandir. Ils tombent déjà par rangs entiers, aveuglés et cloués sur place par l’év
828 ce qui voit éclaire aussi, où tout œil rend ce qu’ il reçoit, où le grand jour est tout en tous. Ce premier Jugement fut la
829 éché et mesuré le degré d’être de son être tel qu’ il l’avait librement fait en le vivant. L’examen des raisons de survivre
830 répondaient : — Nul ne possède vraiment que ce qu’ il peut donner. Demandez-moi plutôt pour quoi je veux mourir. Et c’était
831 x faible : — Vous savez sans doute mieux que moi. Ils renaîtraient plantes heureuses, par l’effet de quelque pitié. Un homm
832 le corps en paix, mais le visage affreusement nu. Il désirait un palais vide à la mesure de sa tristesse. Il devint donc u
833 irait un palais vide à la mesure de sa tristesse. Il devint donc une tristesse errante, empruntant la forme des joies qu’i
834 istesse errante, empruntant la forme des joies qu’ il rencontrait ; et son désir ainsi fut exaucé. Un autre voulait vivre a
835 sourire de la plus fervente ironie ? Qu’est-ce qu’ il grommelle sous son chapeau de paille ?14 « Qu’il voudrait subsister d
836 ’il grommelle sous son chapeau de paille ?14 « Qu’ il voudrait subsister dans ce moment du choix qu’on lui impose maintenan
837 qu’on lui impose maintenant, bien plus violent qu’ il n’a jamais osé l’imaginer. Car, dit-il, au sein d’un tel choix, je m’
838 violent qu’il n’a jamais osé l’imaginer. Car, dit- il , au sein d’un tel choix, je m’approche insondablement de Celui qui d’
839 son essor. Et chacun de nous accède au destin qu’ il s’est fait, à la parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à so
840 i porte avec soi la rétribution de nos œuvres » — elle est en Lui, non dans nos œuvres. Commence l’œuvre du Pardon. « Et qu
25 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
841 puni et humilié ; et sans ministère de la Guerre, il nous paraît dépourvu de sérieux. Or, le gouvernement mondial devrait
842 s, comment imaginer un pouvoir digne de ce nom, s’ il ne trouvait personne en face de lui avec qui échanger des notes ? Per
843 à qui faire la guerre ? À quoi cela ressemblerait- il  ? Les nations et leurs gouvernements ne se posent qu’en s’opposant. C
844 y ! » Mais le gouvernement mondial, où trouvera-t- il cet Autre indispensable à son prestige ? Je parie que vous venez de p
845 gouvernement mondial que vous ne voyez pas — car il supposerait une sorte de nation unique, sans voisins, donc sans guerr
846 pour dénigrer des projets de paix ? Pour qui sont- ils donc si dangereux ? Avez-vous également remarqué que les militaires q
847 é que les militaires qui prennent la plume (comme ils disent) ont coutume de dénoncer sous le nom d’« élément de désordre »
848 ns, gouvernants tout d’abord et généraux ensuite, ils représentent les « éléments d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit d
849 tent les « éléments d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir l’état présent de l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que l
850 bombe atomique, m’écrit que je suis un primaire. Il m’assure que « à chaque guerre nous, cavaliers, avons prouvé que nous
851 e que j’ai tort, et d’ailleurs de n’importe quoi. Il ajoute que ma lettre, dans sa forme, est « nettement péjorative vis-à
852 des souverainetés nationales, et de l’anarchie qu’ elles entretiennent sur la planète. Je dis que la Bombe peut nous délivrer
853 tions. Vous cherchiez l’Autre contre qui s’unir ? Il vous fallait une menace planétaire pour provoquer l’union sacrée du g
854 colonel. Dites-lui que je respecte la cavalerie : elle a fait ses preuves sous Murat. Mais revenons au xxe siècle. L’idée q
855 ce mot de nation a créé entre nous une équivoque. Il a deux sens bien différents. Je n’ai parlé que du mauvais, jusqu’ici,
856 plus rien d’autre à faire qu’administrer le pays, il sera un meilleur gouvernement ? (Je vous pose ces questions simpliste
857 ans le sens valable et fécond de ce mot, c’est qu’ elles tendent à se confondre avec l’État, et c’est la volonté qu’ont les Ét
858 autarciques en vue d’une guerre possible, soit qu’ ils redoutent ou souhaitent cette éventualité. L’État détruit nécessairem
859 nécessairement l’originalité d’une nation, lorsqu’ il prétend réglementer ses énergies d’après un modèle uniforme, qu’il s’
860 enter ses énergies d’après un modèle uniforme, qu’ il s’agisse d’une nation latine ou anglo-saxonne, socialiste ou capitali
861 État, le mot État dans le sens de souverain, dont ils font finalement un dieu, créant d’horribles confusions d’idées, qui s
862 rnages périodiques. Autre exemple. Pourquoi n’est- il question que de « nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’intérieu
863 e, est entrée dans la voie de l’étatisme parce qu’ elle veut la justice sociale, et que cela n’a rien à voir avec la préparat
864 pendant l’on revendique la socialisation parce qu’ elle contient ces trois syllabes sacrées, et l’on traite de fasciste celui
865 sation et nationalisation pour masquer le fait qu’ il s’agit d’une étatisation. Je n’en ai qu’au cadre national. Introduise
866 de l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas d’adversaires à combattre à 2000 kilomètres à la ronde, sa
867 à combattre à 2000 kilomètres à la ronde, sauf s’ il saute à cheval par-dessus toute l’Allemagne ou l’océan. (Mettez-lui b
26 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
868 uples deux à deux. Jeu plus sérieux d’ailleurs qu’ il n’y paraît. Car l’une des grandes questions du siècle est sans doute
869 étroitement liée aux cadres nationaux. Comment ils accueillent un étranger Le grand bourgeois de Paris et ses fils, l
870 Le grand bourgeois de Paris et ses fils, lorsqu’ ils rencontrent une tête nouvelle, ne sourient guère. Ils tendent une mai
871 rencontrent une tête nouvelle, ne sourient guère. Ils tendent une main précise, accompagnée d’un regard qui jauge cet adver
872 rendre avantage sur l’autre ? Ainsi se présentent- ils , comme s’ils venaient de tirer une invisible fermeture éclair. L’Amér
873 ge sur l’autre ? Ainsi se présentent-ils, comme s’ ils venaient de tirer une invisible fermeture éclair. L’Américain s’ouvre
874 me sa bouche sur des dents éclatantes, et comme s’ il n’avait attendu que votre arrivée, justement, pour donner enfin libre
875 ctives de cordialité et d’hospitalité. Comment ils deviennent amis À la deuxième rencontre, ou tout de suite, l’Améri
876 fera l’impossible pour vous cacher sa richesse s’ il est riche, sa pauvreté s’il est pauvre, sa vie privée en général, et
877 cacher sa richesse s’il est riche, sa pauvreté s’ il est pauvre, sa vie privée en général, et ne vous rencontrera qu’au ca
878 e Montaigne à Paul Valéry. Tandis qu’en Amérique, il vous arrive souvent de vous sentir seul au monde en connaissant tout
879 ule leur vraie tragédie : la solitude. Comment ils s’unissent et se divisentac En France, il y a les catholiques et
880 mis, tandis que le Français donne l’impression qu’ il ne changerait pas plus de parti que de passé. Comment ils inventen
881 gerait pas plus de parti que de passé. Comment ils inventent Un ingénieur français, débarquant à New York, déclare qu
882 e du monde. L’industrie française a tenu le coup, elle se remonte même si rapidement qu’elle bat déjà l’américaine sur le te
883 nu le coup, elle se remonte même si rapidement qu’ elle bat déjà l’américaine sur le terrain le plus favorable à cette derniè
884 du monde. Curieuse impatience du génie français : il invente sans relâche, et cent fois plus que le génie américain ; mais
885 fois plus que le génie américain ; mais aussitôt il généralise son invention, son prototype ; c’est à ses yeux un stade a
886 si tous les avions de série étaient déjà faits ; il en est fatigué d’avance, et passe à l’invention suivante. Vue d’Améri
887 êmes idées, des mêmes types d’appareils, parce qu’ il les utilise vraiment, parce qu’il en vit, et qu’il ne spécule pas à l
888 reils, parce qu’il les utilise vraiment, parce qu’ il en vit, et qu’il ne spécule pas à leur sujet. Comment ils prennent
889 l les utilise vraiment, parce qu’il en vit, et qu’ il ne spécule pas à leur sujet. Comment ils prennent la vie Le Fra
890 et qu’il ne spécule pas à leur sujet. Comment ils prennent la vie Le Français est profondément sérieux, c’est même à
891 rciaux, le font passer pour plus léger que l’air. Il a fallu le général de Gaulle et les récits de la Résistance pour que
892 Anglo-Saxon puritain du type dynamique, alors qu’ il est en réalité, et neuf fois sur dix, bien plus près du Méridional pa
893 iaison l’officialise presque ; en Amérique, c’est elle qui fait scandale. Se quitter bons amis après [illisible] est régulie
894 [illisible], voilà qui est immoral…ad Comment ils construisent En Europe, terre des cathédrales, on demande à Le Cor
895 -ciel, l’ère en est bien passée. Sauf à New York, ils ne sont pas rentables. Comment ils sont scrupuleux ou non L’Amé
896 à New York, ils ne sont pas rentables. Comment ils sont scrupuleux ou non L’Américain ne pardonne pas une erreur de 2
897 ompte, mais se trompe joyeusement d’un pays quand il bombarde, d’un siècle quand il cite l’histoire, d’un ordre spirituel
898 nt d’un pays quand il bombarde, d’un siècle quand il cite l’histoire, d’un ordre spirituel quand il critique un livre. Ce
899 nd il cite l’histoire, d’un ordre spirituel quand il critique un livre. Ce qu’il ne tolère pas, c’est le mensonge, et là p
900 ordre spirituel quand il critique un livre. Ce qu’ il ne tolère pas, c’est le mensonge, et là précisément où le Français le
901 eul fondement d’une réelle démocratie. Comment ils se battent Voici le contraste le plus profond entre l’Ancien et le
902 du héros, mais du troupier moyen, sans opinion.) Il pense qu’il faut ce qu’il faut, et qu’il faut cela, et que c’est ains
903 ais du troupier moyen, sans opinion.) Il pense qu’ il faut ce qu’il faut, et qu’il faut cela, et que c’est ainsi depuis des
904 r moyen, sans opinion.) Il pense qu’il faut ce qu’ il faut, et qu’il faut cela, et que c’est ainsi depuis des siècles, et q
905 pinion.) Il pense qu’il faut ce qu’il faut, et qu’ il faut cela, et que c’est ainsi depuis des siècles, et qu’on ne peut pa
906 isse devenir féconde ne l’effleure pas, tandis qu’ elle règne sur notre inconscient, résidu des plus solennelles traditions r
907 ns s’assurent d’abord — quitte à payer le prix qu’ il faut en matériel — que les batteries d’en face ont été écrasées. Cett
27 1946, Articles divers (1941-1946). Réponse à l’enquête « Les travaux des écrivains » (24 août 1946)
908 rentes parurent à New York en 1940 af et en 1944. Il s’agit, bien entendu, de la version définitive. Les Personnes du dr
909 use de leur faible tirage et des circonstances où ils parurent, sont restés pratiquement ignorés. Chez Albin Michel, Pense
910 a douze ans, obtint un vif succès en Hollande, où il joua un certain rôle dans la naissance du parti travailliste. Je préf
28 1946, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)
911 dans la contemplation jalouse d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et notre possession la pl
912 otre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fredonnée, sur le s
913 ie s’en va !) La force était mémoire et allusion. Elle était ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amèr
914 re et allusion. Elle était ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mo
915 des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est l’Europe
916 ce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’ elle a su garder en vie tant de passé, et garder tant de morts dans la pré
917 passé, et garder tant de morts dans la présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. ah. Rougemon
918 ans la présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. ah. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’Europe
29 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
919 rappée au cœur, je l’ai vue chanceler, j’ai vu qu’ elle peut mourir. Durant cette traversée en autocar de Genève aux Pyrénées
920 ille à un homme qui vient de tomber sur la tête : il se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t-il vivre 
921 : il se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t-il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’
922 se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t- il vivre ? A-t-il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cend
923 sait pas encore où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t- il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit,
924 où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t-il rêvé ? Serait- il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit, incapable de ret
925 et que nos paysans s’efforcent d’arrêter avant qu’ elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les paniques dévastatrices
926 ent encore l’air de s’attendre au pire, tandis qu’ ils font leur premier tour de pont. Ils se rappellent sans doute ce Polon
927 re, tandis qu’ils font leur premier tour de pont. Ils se rappellent sans doute ce Polonais, tiré, jeté par la police franqu
928 nde à chaque pas de prouver son identité. Or plus il en proteste et moins il s’en assure. Plus il la chiffre et moins il l
929 ver son identité. Or plus il en proteste et moins il s’en assure. Plus il la chiffre et moins il la ressent. Et plus il la
930 plus il en proteste et moins il s’en assure. Plus il la chiffre et moins il la ressent. Et plus il la démontre à coups de
931 moins il s’en assure. Plus il la chiffre et moins il la ressent. Et plus il la démontre à coups de documents, moins il se
932 lus il la chiffre et moins il la ressent. Et plus il la démontre à coups de documents, moins il se reconnaît dans le portr
933 t plus il la démontre à coups de documents, moins il se reconnaît dans le portrait simplifié que la police en compose à to
934 et l’assurait quotidiennement, inconsciemment, qu’ il était bien réel et bien lui-même… En mer, nuit du 12 au 13 septembre
935 noms en « Ex » : Exeter, Excalibur, Excambion. Et ils ne transportent, en effet, que des ex-quelque chose, ex-ministres, ex
936 l’attaque intempestive des nazis. Contre ceux-là, il semblerait qu’on eût moins brillamment prévu les choses… De fait, les
937 entrevu l’ampleur et la rapidité des événements. Il a dit : « Rien de nouveau, rien d’important… » Mais je crois avoir en
938 e que nous sommes un peuple qui ne sait pas quand il est battu. » J’ai pensé aux chefs français trop cartésiens qui ont ad
939 nt admis la défaite sur sa définition, — avant qu’ elle fût définitive. 18 septembre 1940 Comment prévoir l’issue de cette gu
940 l’issue de cette guerre, lorsqu’on a remarqué qu’ elle n’oppose plus que deux nations : l’une qui ne sait pas vaincre, mais
941 angster de Chicago vous prend votre portefeuille, il vous donne quelquefois cinq sous pour rentrer en métro… Il est correc
942 onne quelquefois cinq sous pour rentrer en métro… Il est correct, isn’t he ? » À mon tour, j’ai craché dans l’eau, pour ma
943 maisons coloniales espacées, si intimes semble-t- il derrière leurs grands portiques. Et comme on aime une terre qui s’app