1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 Reynold et l’ avenir de la Suisse (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’
2 Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’auteur de Co
3 Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’auteur de Conscience de la Suisse
4 e (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’ auteur de Conscience de la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’aven
5 ice que nous aura rendu l’auteur de Conscience de la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédiat de ce pays un
6 cience de la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’ avenir immédiat de ce pays un jugement pessimiste. Les plus graves fai
7 venir immédiat de ce pays un jugement pessimiste. Les plus graves faiblesses, morales et matérielles, dans le domaine de la
8 s graves faiblesses, morales et matérielles, dans le domaine de la « défense spirituelle » comme dans celui de la défense
9 esses, morales et matérielles, dans le domaine de la « défense spirituelle » comme dans celui de la défense du territoire,
10 de la « défense spirituelle » comme dans celui de la défense du territoire, proviennent chez nous d’une incapacité congéni
11 chez nous d’une incapacité congénitale à prévoir le pire, à l’admettre, et à se préparer en conséquence. Nous n’avons pas
12 d’une incapacité congénitale à prévoir le pire, à l’ admettre, et à se préparer en conséquence. Nous n’avons pas encore su
13 n conséquence. Nous n’avons pas encore su prendre le tempo de ce xxe siècle. C’est que nous sommes devenus un peuple de b
14 t que nous sommes devenus un peuple de bourgeois. L’ ère de la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de l’absence d’im
15 s sommes devenus un peuple de bourgeois. L’ère de la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de l’absence d’imagination
16 la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de l’ absence d’imagination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos can
17 ence d’imagination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos cantons une existence condamnée ailleurs par des faits que
18 illeurs par des faits que je n’ai pas à rappeler. La faiblesse du bourgeois réside dans son refus de prendre au sérieux ce
19 éside dans son refus de prendre au sérieux ce qui l’ étonne. « Trop beau pour être vrai », disait-il au siècle dernier ; et
20 par en bas, traduit un seul et même refus de voir le monde tel qu’il est : pécheur et racheté, condamné et sauvé. Qui ne c
21 le. Qui ne croit pas au pardon ne saurait mesurer les profondeurs et les puissances du mal. Et c’est pourquoi les chrétiens
22 s au pardon ne saurait mesurer les profondeurs et les puissances du mal. Et c’est pourquoi les chrétiens seuls savent recon
23 deurs et les puissances du mal. Et c’est pourquoi les chrétiens seuls savent reconnaître les démons et déjouer à temps leur
24 t pourquoi les chrétiens seuls savent reconnaître les démons et déjouer à temps leurs calculs. Reynold a le courage d’envis
25 émons et déjouer à temps leurs calculs. Reynold a le courage d’envisager — de regarder en plein visage — ce qui nous ruine
26 il soit pessimiste par tempérament — ce n’est pas l’ impression qu’il donne, pas du tout — mais il est simplement lucide. I
27 est simplement lucide. Il a su voir plus loin que le bout de la Suisse. Il a su voir l’Europe en pleine révolution. Il a m
28 ent lucide. Il a su voir plus loin que le bout de la Suisse. Il a su voir l’Europe en pleine révolution. Il a montré l’un
29 plus loin que le bout de la Suisse. Il a su voir l’ Europe en pleine révolution. Il a montré l’un des premiers, chez nous,
30 on. Il a montré l’un des premiers, chez nous, que la vraie fin, même inconsciente de l’étatisme disciplinaire, dépourvu d’
31 chez nous, que la vraie fin, même inconsciente de l’ étatisme disciplinaire, dépourvu d’idéal directeur, n’était autre que
32 re, dépourvu d’idéal directeur, n’était autre que la mise au pas du pays, sa mise en marche vers le nihilisme — ou l’annex
33 ue la mise au pas du pays, sa mise en marche vers le nihilisme — ou l’annexion. « Faire du socialisme, écrit-il, c’est fai
34 du pays, sa mise en marche vers le nihilisme — ou l’ annexion. « Faire du socialisme, écrit-il, c’est faire la moitié du na
35 ion. « Faire du socialisme, écrit-il, c’est faire la moitié du national-socialisme. » Certes, on peut lui répondre que fai
36 ’est faire l’autre moitié de ce tout. Mais enfin, l’ important c’est que chacun commence par dire la vérité dans son patois
37 n, l’important c’est que chacun commence par dire la vérité dans son patois, et celui de Reynold est « de droite ». Le mie
38 s encore aux vaines distinctions qui chatouillent les politiciens ! Laissons tout cela et avançons ! La claire vision d’un
39 es politiciens ! Laissons tout cela et avançons ! La claire vision d’un but commun et d’un péril qui se désigne lui-même c
40 Allons-y viribus unitis ! Car cela est clair : ni les gauches ni les droites seules, ni les catholiques ni les protestants
41 s unitis ! Car cela est clair : ni les gauches ni les droites seules, ni les catholiques ni les protestants seuls ne pourro
42 clair : ni les gauches ni les droites seules, ni les catholiques ni les protestants seuls ne pourront rien faire chez nous
43 ches ni les droites seules, ni les catholiques ni les protestants seuls ne pourront rien faire chez nous. S’ils veulent res
44 diversités se fédèrent au service du pays. Quand le temps presse, comme aujourd’hui, l’on voit ce qui compte, et c’est ce
45 u pays. Quand le temps presse, comme aujourd’hui, l’ on voit ce qui compte, et c’est cela qui unit. Pour le reste, si série
46 voit ce qui compte, et c’est cela qui unit. Pour le reste, si sérieux soit-il, on en reparlera plus tard. Faisons d’abord
47 orte qu’il y ait un « plus tard ». En campagne, le jour de la capitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis de, « 
48 y ait un « plus tard ». En campagne, le jour de la capitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold et
49 d ». En campagne, le jour de la capitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’avenir de la Suis
50 Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’ avenir de la Suisse », Hommage à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librai
51 a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’avenir de la Suisse », Hommage à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librairie de l’Uni
52 age à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librairie de l’ Université, 1941, p. 123-125.
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
53 Trois paraboles (1er octobre 1941)b I. À la porte du jardin Il y a mille chambres au Palais, mille lits pour y
54 es, et sa pudeur est dévoilée, ô folle ! Mais lui les trouve et s’en revêt : voiles de nuit. Elle a passé tout près, ne l’a
55 evêt : voiles de nuit. Elle a passé tout près, ne l’ a pas vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’amour appelant
56 a passé tout près, ne l’a pas vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’amour appelant l’amour aux chambres vides,
57 près, ne l’a pas vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’amour appelant l’amour aux chambres vides, dans la sonor
58 as vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’ amour appelant l’amour aux chambres vides, dans la sonorité glaciale d
59 tant le désir qui les presse, et l’amour appelant l’ amour aux chambres vides, dans la sonorité glaciale des appartements d
60 l’amour appelant l’amour aux chambres vides, dans la sonorité glaciale des appartements du Pouvoir. Lui, la voyant passer,
61 norité glaciale des appartements du Pouvoir. Lui, la voyant passer, s’offusque, ou c’est le désir qui l’aveugle ? Elle est
62 voir. Lui, la voyant passer, s’offusque, ou c’est le désir qui l’aveugle ? Elle est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui con
63 voyant passer, s’offusque, ou c’est le désir qui l’ aveugle ? Elle est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui connais le maîtr
64 le est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui connais le maître du palais, dis-moi s’il vit, s’il règne encore aux solitudes.
65 e aux solitudes. Car sinon, tu m’entends, je suis le Prince ! Et quelle est la femme égarée qui ne voudrait aimer le Princ
66 , tu m’entends, je suis le Prince ! Et quelle est la femme égarée qui ne voudrait aimer le Prince de ces Lieux ? — Mais on
67 quelle est la femme égarée qui ne voudrait aimer le Prince de ces Lieux ? — Mais on m’appelle, écoute, la voix venait du
68 rince de ces Lieux ? — Mais on m’appelle, écoute, la voix venait du parc ? — Es-tu bien sûr que c’était une voix ? Ils y c
69 bien sûr que c’était une voix ? Ils y couraient. La nuit pleuvait dans les futaies épaisses, et les herbes sauvages fouet
70 une voix ? Ils y couraient. La nuit pleuvait dans les futaies épaisses, et les herbes sauvages fouettaient les jambes nues.
71 t. La nuit pleuvait dans les futaies épaisses, et les herbes sauvages fouettaient les jambes nues. Au fond du parc, près de
72 aies épaisses, et les herbes sauvages fouettaient les jambes nues. Au fond du parc, près de la porte démolie, là où les mur
73 ttaient les jambes nues. Au fond du parc, près de la porte démolie, là où les murs ne cachent plus que les abords désertiq
74 Au fond du parc, près de la porte démolie, là où les murs ne cachent plus que les abords désertiques de la ville, ils se s
75 porte démolie, là où les murs ne cachent plus que les abords désertiques de la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans l
76 urs ne cachent plus que les abords désertiques de la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais dispar
77 abords désertiques de la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais disparu, les jardins dévastés, il
78 de la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais disparu, les jardins dévastés, il est vêtu des voile
79 le, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais disparu, les jardins dévastés, il est vêtu des voiles, elle tr
80  ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais disparu, les jardins dévastés, il est vêtu des voiles, elle tremble nue. — Où se c
81 cacher encore ? dit-elle. — Dans tes voiles. — Tu les as pris. — Viens dans mes bras, ma fille. II. Le marché de l’aube
82 as pris. — Viens dans mes bras, ma fille. II. Le marché de l’aube — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le pe
83 iens dans mes bras, ma fille. II. Le marché de l’ aube — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le petit marchand
84 ma fille. II. Le marché de l’aube — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche de prê
85 be — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche de prêtre oriental. L’homme choisit la p
86 ierre de tes vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche de prêtre oriental. L’homme choisit la plus terne, il était
87 petit marchand à la barbiche de prêtre oriental. L’ homme choisit la plus terne, il était triste et présomptueux. À mesure
88 à la barbiche de prêtre oriental. L’homme choisit la plus terne, il était triste et présomptueux. À mesure qu’avec les ann
89 il était triste et présomptueux. À mesure qu’avec les années, il se persuadait que sa pierre était bonne, étant bien celle
90 pierre était bonne, étant bien celle de ses vœux, la pierre se mit à luire davantage ; et davantage encore il l’aimait, pl
91 se mit à luire davantage ; et davantage encore il l’ aimait, plus il luttait contre la vie, plus il vivait. Un soir, émerve
92 antage encore il l’aimait, plus il luttait contre la vie, plus il vivait. Un soir, émerveillé de la revoir, il dit : — Je
93 re la vie, plus il vivait. Un soir, émerveillé de la revoir, il dit : — Je suis un homme heureux, j’ai su choisir la pierr
94 dit : — Je suis un homme heureux, j’ai su choisir la pierre de mes vœux, car seul j’ai deviné le cher secret de son éclat.
95 oisir la pierre de mes vœux, car seul j’ai deviné le cher secret de son éclat. Et maintenant, ma pierre, luis de ton propr
96 je te contemple en mon repos. Elle s’éteignit. Il la jeta dans le brasier cendreux. Pendant la nuit — grande était sa doul
97 le en mon repos. Elle s’éteignit. Il la jeta dans le brasier cendreux. Pendant la nuit — grande était sa douleur — la pier
98 nit. Il la jeta dans le brasier cendreux. Pendant la nuit — grande était sa douleur — la pierre se mit à luire sous la cen
99 reux. Pendant la nuit — grande était sa douleur — la pierre se mit à luire sous la cendre, et le grand feu flamba soudain
100 était sa douleur — la pierre se mit à luire sous la cendre, et le grand feu flamba soudain toute la pièce. Il dit à sa pi
101 eur — la pierre se mit à luire sous la cendre, et le grand feu flamba soudain toute la pièce. Il dit à sa pierre : — Ô ma
102 s la cendre, et le grand feu flamba soudain toute la pièce. Il dit à sa pierre : — Ô ma pierre, luis dans le feu ! Je ne p
103 ce. Il dit à sa pierre : — Ô ma pierre, luis dans le feu ! Je ne puis te toucher, mais la chaleur est bonne. Tout un hiver
104 e, luis dans le feu ! Je ne puis te toucher, mais la chaleur est bonne. Tout un hiver, il vécut de ce feu. Le printemps vi
105 eur est bonne. Tout un hiver, il vécut de ce feu. Le printemps vint. — Aurai-je encore besoin du feu ? Je reprendrai ma pi
106 eu ? Je reprendrai ma pierre et me reposerai dans la fraîcheur de son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fa
107 t me reposerai dans la fraîcheur de son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fait son temps, songea-t-il, dan
108 ur de son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. —  L’ hiver a fait son temps, songea-t-il, dans ma vie. Pour la deuxième foi
109 vie. Pour la deuxième fois, il alla au marché de l’ aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche de p
110 ième fois, il alla au marché de l’aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche de prêtre, je me souvi
111 l’aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’ homme à barbiche de prêtre, je me souviens de ta jeunesse. Il choisit
112 prêtre, je me souviens de ta jeunesse. Il choisit la plus éclatante. Et vois : quand il était heureux, elle luisait d’une
113 tait l’autre qu’il prenait alors entre ses mains, la pierre du vœu triste et présomptueux de sa jeunesse. Et il pleurait.
114 roisième fois, il se leva pour aller au marché de l’ aube. — Tu n’as plus rien, lui dit le petit vieillard, je ne te vendra
115 au marché de l’aube. — Tu n’as plus rien, lui dit le petit vieillard, je ne te vendrai rien à crédit. Tu possèdes ta Vie,
116 ne des deux pierres sera ta pierre de Mort, si tu la choisis seule, et ne veux plus souffrir. III. Le coup de pistolet
117 choisis seule, et ne veux plus souffrir. III. Le coup de pistolet Évidemment, je n’aurais pas dû entrer. On fait de
118 des escaliers partout, un labyrinthe. Je suivais les tapis rouges, et les lampes rouges, comme lorsqu’on choisit une coule
119 t, un labyrinthe. Je suivais les tapis rouges, et les lampes rouges, comme lorsqu’on choisit une couleur au jeu de cartes,
120 uleur au jeu de cartes, rouge ou noir. J’arrive à la salle de lecture. Il n’y avait que des feuilles de papier blanc sur l
121 Il n’y avait que des feuilles de papier blanc sur les tables, et tout le monde lisait. Je dis : — Est-elle ici ? Quelqu’un
122 monde lisait. Je dis : — Est-elle ici ? Quelqu’un l’ a-t-il vue ? Ils me regardent d’un air vexé. Un valet s’approche rapid
123 lle y est évidemment. Mais je rappelle à Monsieur la règle du club : Ni Questions Ni Réponses. Je ne savais plus que dire,
124 e sorte de question ou de réponse. Je pensais que le mieux serait de m’en aller sans bruit. Mais vous connaissez ces coulo
125 sez ces couloirs. Et je ne voulais pas être mis à la porte ! Naturellement, j’aurais dû pousser la première porte venue, s
126 ser, et je serais sorti comme j’étais entré. Mais le fait est que je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà la fau
127 Mais le fait est que je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute. L’inévitable se produisit au bout de que
128 je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute. L’inévitable se produisit au bout de quelques heures. J’étais
129 à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute. L’ inévitable se produisit au bout de quelques heures. J’étais épuisé, j’
130 urde, pourquoi ménager quoi que ce soit ? C’était la question par excellence ! Le résumé de toutes mes erreurs, si vous vo
131 ue ce soit ? C’était la question par excellence ! Le résumé de toutes mes erreurs, si vous voulez. Je trouve la porte du b
132 de toutes mes erreurs, si vous voulez. Je trouve la porte du bureau directorial. J’entre comme un fou et je crie : — Pour
133 l. J’entre comme un fou et je crie : — Pourquoi ? Le directeur était assis face à la porte et me regardait comme s’il n’av
134 ie : — Pourquoi ? Le directeur était assis face à la porte et me regardait comme s’il n’avait rien entendu. Nous nous somm
135 es yeux et me rejoignait par-derrière, je ne puis l’ expliquer autrement. D’une certaine manière, c’était mon propre, regar
136 yeux et revenait sur ma nuque. À l’instant où je l’ ai compris, il a tiré. — Eh bien oui, je suis là, dit-elle. (Je tenais
137 e. (Je tenais sa main. Je sentis qu’elle avait de la fièvre.) Je suis là parce que tu es venu, tout simplement. Nous étion
138 la va durer. Elle délire et j’ai cette balle dans le cœur. Et voici que maintenant, je ne puis plus poser de questions. Ca
139 me dites que c’est une vraie balle que j’ai dans le cœur, il est évident que je suis mort. Et si vous me dites que la bal
140 évident que je suis mort. Et si vous me dites que la balle n’est pas plus réelle que ce qui s’est passé dans la maison, vo
141 n’est pas plus réelle que ce qui s’est passé dans la maison, vous supprimez à la fois toutes les questions possibles et do
142 é dans la maison, vous supprimez à la fois toutes les questions possibles et donc toute possibilité de réponse à quoi que c
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
143 La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914
144 La leçon de l’ armée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914, l’empereur
145 çon de l’armée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914, l’empereur Guillaume II fit une visite au gouvernemen
146 se (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914, l’ empereur Guillaume II fit une visite au gouvernement suisse. Au cours
147 de nous tirerait deux fois », répondit calmement le soldat. Le Kaiser préféra passer par la Belgique. La Suisse est l’un
148 rerait deux fois », répondit calmement le soldat. Le Kaiser préféra passer par la Belgique. La Suisse est l’un des pays qu
149 calmement le soldat. Le Kaiser préféra passer par la Belgique. La Suisse est l’un des pays qui a le mieux résolu l’urgent
150 soldat. Le Kaiser préféra passer par la Belgique. La Suisse est l’un des pays qui a le mieux résolu l’urgent problème de l
151 ar la Belgique. La Suisse est l’un des pays qui a le mieux résolu l’urgent problème de la défense de la démocratie, sans t
152 La Suisse est l’un des pays qui a le mieux résolu l’ urgent problème de la défense de la démocratie, sans toutefois tomber
153 s pays qui a le mieux résolu l’urgent problème de la défense de la démocratie, sans toutefois tomber dans une mobilisation
154 e mieux résolu l’urgent problème de la défense de la démocratie, sans toutefois tomber dans une mobilisation totalitaire.
155 s tomber dans une mobilisation totalitaire. Voici les faits : Avec une population de 4 millions et demi d’habitants, la Sui
156 une population de 4 millions et demi d’habitants, la Suisse a une armée de 600 000 hommes. Un habitant sur 7 est un soldat
157 600 000 hommes. Un habitant sur 7 est un soldat. La même proportion donnerait aux États-Unis une armée de 20 millions d’h
158 ne armée de 20 millions d’hommes. Mais nulle part les coutumes et les institutions ne sont plus démocratiques qu’en Suisse,
159 illions d’hommes. Mais nulle part les coutumes et les institutions ne sont plus démocratiques qu’en Suisse, et nulle part l
160 nt plus démocratiques qu’en Suisse, et nulle part l’ armée n’est plus populaire et ne fait aussi partie de la vie nationale
161 e n’est plus populaire et ne fait aussi partie de la vie nationale qu’en Suisse. Depuis que les communes suisses se libérè
162 rtie de la vie nationale qu’en Suisse. Depuis que les communes suisses se libérèrent pour la première fois de la domination
163 es suisses se libérèrent pour la première fois de la domination médiévale des seigneurs, leur armée a été un groupement de
164 insi qu’on peut souvent voir un paysan, assis sur le seuil de sa porte, polissant et graissant son fusil après le tir du d
165 sa porte, polissant et graissant son fusil après le tir du dimanche, — spectacle que vous ne verrez nulle part ailleurs d
166 tacle que vous ne verrez nulle part ailleurs dans le monde. Cette habitude remonte au Moyen Âge germanique. À cette époque
167 remonte au Moyen Âge germanique. À cette époque, l’ « homme libre », — celui qui n’était pas un serf, — se distinguait par
168 un serf, — se distinguait par ce fait : il avait le droit de porter des armes. Les Suisses considèrent leurs armes comme
169 ce fait : il avait le droit de porter des armes. Les Suisses considèrent leurs armes comme un symbole de leur liberté. Les
170 ent leurs armes comme un symbole de leur liberté. Les libertés civiques et l’esprit militaire n’ont jamais été en contradic
171 symbole de leur liberté. Les libertés civiques et l’ esprit militaire n’ont jamais été en contradiction. Depuis les temps l
172 litaire n’ont jamais été en contradiction. Depuis les temps les plus anciens, les Suisses étaient libres parce qu’ils étaie
173 ont jamais été en contradiction. Depuis les temps les plus anciens, les Suisses étaient libres parce qu’ils étaient forts,
174 contradiction. Depuis les temps les plus anciens, les Suisses étaient libres parce qu’ils étaient forts, et ils étaient for
175 et ils étaient forts parce qu’ils étaient libres. La possession par chaque citoyen de ses propres armes, montre d’une faço
176 es propres armes, montre d’une façon concrète que l’ État lui fait confiance. Imaginez ce qui arriverait dans certains État
177 en proie à des luttes sociales ou politiques, si les soldats démobilisés avaient le droit d’emporter chez eux leurs armes
178 ou politiques, si les soldats démobilisés avaient le droit d’emporter chez eux leurs armes et leurs munitions ! En France,
179 leurs armes et leurs munitions ! En France, après l’ Armistice, on offrit cent-mille francs aux soldats, en échange de leur
180 r fit désarmer ses propres troupes de choc, après l’ épuration du 30 juin 1934, leur laissant seulement un poignard décorat
181 4, leur laissant seulement un poignard décoratif. La possession par chacun de ses propres armes a également une importance
182 e technique qui n’est nullement à négliger. C’est le seul moyen d’assurer une mobilisation ultrarapide. Et c’est la défens
183 d’assurer une mobilisation ultrarapide. Et c’est la défense la plus adéquate contre les parachutistes. Une coutume médiév
184 une mobilisation ultrarapide. Et c’est la défense la plus adéquate contre les parachutistes. Une coutume médiévale est dev
185 pide. Et c’est la défense la plus adéquate contre les parachutistes. Une coutume médiévale est devenue, ainsi, la méthode l
186 tistes. Une coutume médiévale est devenue, ainsi, la méthode la plus moderne de défense. C’est la clé de l’organisation de
187 coutume médiévale est devenue, ainsi, la méthode la plus moderne de défense. C’est la clé de l’organisation de l’armée su
188 nsi, la méthode la plus moderne de défense. C’est la clé de l’organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité
189 thode la plus moderne de défense. C’est la clé de l’ organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’armée
190 rne de défense. C’est la clé de l’organisation de l’ armée suisse et le secret de sa popularité… L’armée est un lien non se
191 est la clé de l’organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’armée est un lien non seulement entre les
192 de l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’ armée est un lien non seulement entre les individus, mais aussi entre
193 pularité… L’armée est un lien non seulement entre les individus, mais aussi entre les classes. La Suisse n’a pas d’école ré
194 n seulement entre les individus, mais aussi entre les classes. La Suisse n’a pas d’école réservée aux officiers. Tous les h
195 ntre les individus, mais aussi entre les classes. La Suisse n’a pas d’école réservée aux officiers. Tous les hommes de 20
196 isse n’a pas d’école réservée aux officiers. Tous les hommes de 20 ans, propres au service militaire vont à la même école.
197 es de 20 ans, propres au service militaire vont à la même école. Là le paysan a comme compagnon de chambre l’étudiant, l’o
198 res au service militaire vont à la même école. Là le paysan a comme compagnon de chambre l’étudiant, l’ouvrier le fils de
199 école. Là le paysan a comme compagnon de chambre l’ étudiant, l’ouvrier le fils de son patron. Pendant les trois mois que
200 e paysan a comme compagnon de chambre l’étudiant, l’ ouvrier le fils de son patron. Pendant les trois mois que dure l’entra
201 comme compagnon de chambre l’étudiant, l’ouvrier le fils de son patron. Pendant les trois mois que dure l’entraînement, o
202 tudiant, l’ouvrier le fils de son patron. Pendant les trois mois que dure l’entraînement, on a le temps de reconnaître la v
203 ls de son patron. Pendant les trois mois que dure l’ entraînement, on a le temps de reconnaître la valeur réelle et les fai
204 dant les trois mois que dure l’entraînement, on a le temps de reconnaître la valeur réelle et les faiblesses de son voisin
205 dure l’entraînement, on a le temps de reconnaître la valeur réelle et les faiblesses de son voisin, de se faire des amitié
206 on a le temps de reconnaître la valeur réelle et les faiblesses de son voisin, de se faire des amitiés. Une égalité complè
207 ire des amitiés. Une égalité complète existe dans les baraquements. Cet entraînement intensif renvoie les hommes à la vie c
208 s baraquements. Cet entraînement intensif renvoie les hommes à la vie civile, bronzés, endurcis et chargés d’expérience que
209 s. Cet entraînement intensif renvoie les hommes à la vie civile, bronzés, endurcis et chargés d’expérience que la vie pais
210 le, bronzés, endurcis et chargés d’expérience que la vie paisible des villes ou des villages ne leur aurait pas donné en d
211 dix ans. Ces 3 mois sont un puissant tonique pour la jeunesse suisse et la durée relativement courte de l’entraînement per
212 nt un puissant tonique pour la jeunesse suisse et la durée relativement courte de l’entraînement permet à chaque recrue de
213 eunesse suisse et la durée relativement courte de l’ entraînement permet à chaque recrue de retrouver à son retour sa place
214 ue recrue de retrouver à son retour sa place dans la vie civile. L’insuffisance technique résultant d’une si brève période
215 trouver à son retour sa place dans la vie civile. L’ insuffisance technique résultant d’une si brève période de service est
216 service est compensée par un entraînement annuel. La vie civile également apporte au citadin de fréquents contacts avec le
217 ent apporte au citadin de fréquents contacts avec les affaires militaires. Dans chaque village, dans chaque club de tir, on
218 ercles d’amis » pour officiers et sous-officiers. L’ officier suisse est, dans la plupart des cas, un civil, comme tout le
219 art des cas, un civil, comme tout le monde. Entre les manœuvres annuelles, il consacre quelques heures par semaine à ses de
220 voirs militaires. Un capitaine, par exemple, dans la vie civile, surveille sa compagnie : il sait toujours où ses hommes h
221 pagnie : il sait toujours où ses hommes habitent. L’ habitude veut qu’ils lui envoient leurs bons vœux de Nouvel An, auxque
222 ont vers lui pour lui demander un conseil ou pour les aider à trouver du travail. Tous le considèrent comme le chef d’une f
223 seil ou pour les aider à trouver du travail. Tous le considèrent comme le chef d’une famille de 200 hommes. Le Haut-Comman
224 r à trouver du travail. Tous le considèrent comme le chef d’une famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de l’armée en
225 dèrent comme le chef d’une famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de l’armée en Suisse a prévu dès 1930 déjà, que la
226 ne famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de l’ armée en Suisse a prévu dès 1930 déjà, que la prochaine guerre ne sera
227 t de l’armée en Suisse a prévu dès 1930 déjà, que la prochaine guerre ne serait pas une guerre de « fronts », et qu’une dé
228 locale et soigneusement équipés. C’est ainsi que les Suisses retournent à leur ancienne tradition de faire la guerre. Chaq
229 ses retournent à leur ancienne tradition de faire la guerre. Chaque canton a son propre système de défense, selon sa topog
230 armée surgissent en certains points pour défendre les profondes vallées et pour barrer le paysage des gorges étroites. Si l
231 our défendre les profondes vallées et pour barrer le paysage des gorges étroites. Si l’ennemi est trop puissant, des renfo
232 et pour barrer le paysage des gorges étroites. Si l’ ennemi est trop puissant, des renforcements sont demandés aux voisins,
233 ivant des plans préétablis. Nous trouvons ainsi à la base de l’organisation militaire, les mêmes facteurs qui déterminent
234 lans préétablis. Nous trouvons ainsi à la base de l’ organisation militaire, les mêmes facteurs qui déterminent la structur
235 vons ainsi à la base de l’organisation militaire, les mêmes facteurs qui déterminent la structure politique du pays : auton
236 ion militaire, les mêmes facteurs qui déterminent la structure politique du pays : autonomie locale et entraide. La moitié
237 politique du pays : autonomie locale et entraide. La moitié de l’armée est composée de divisions mobiles régulières. Le re
238 pays : autonomie locale et entraide. La moitié de l’ armée est composée de divisions mobiles régulières. Le reste consiste
239 mée est composée de divisions mobiles régulières. Le reste consiste en garnisons et en forts pour défendre les principaux
240 e consiste en garnisons et en forts pour défendre les principaux passages des Alpes. Ce sont des brigades de montagne, cons
241 ne, constituées par des spécialistes du ski et de l’ alpinisme, et des brigades indépendantes pour défendre les frontières.
242 isme, et des brigades indépendantes pour défendre les frontières. Ces troupes de couverture connaissent les positions prépa
243 frontières. Ces troupes de couverture connaissent les positions préparées à la frontière, parce qu’elles les ont fortifiées
244 couverture connaissent les positions préparées à la frontière, parce qu’elles les ont fortifiées de leurs propres mains.
245 ositions préparées à la frontière, parce qu’elles les ont fortifiées de leurs propres mains. À la première alerte, les homm
246 ées de leurs propres mains. À la première alerte, les hommes endossent leurs uniformes et vont à leurs postes. Les machines
247 endossent leurs uniformes et vont à leurs postes. Les machines et les canons anti-tanks sont prêts. Les magasins de munitio
248 uniformes et vont à leurs postes. Les machines et les canons anti-tanks sont prêts. Les magasins de munitions et de vivres
249 Les machines et les canons anti-tanks sont prêts. Les magasins de munitions et de vivres ont été cachés dans les rochers. E
250 ins de munitions et de vivres ont été cachés dans les rochers. En 1939, la disposition de ces troupes de couverture, qui pr
251 vivres ont été cachés dans les rochers. En 1939, la disposition de ces troupes de couverture, qui précéda la mobilisation
252 osition de ces troupes de couverture, qui précéda la mobilisation générale de cinq jours, se fit en quelques heures, le lo
253 urs, se fit en quelques heures, le long de toutes les frontières de la Suisse. Les gardes-frontière prennent position à que
254 lques heures, le long de toutes les frontières de la Suisse. Les gardes-frontière prennent position à quelques kilomètres
255 s, le long de toutes les frontières de la Suisse. Les gardes-frontière prennent position à quelques kilomètres de leurs pro
256 amp, à 3000 pieds au-dessous, et parfois attraper le clair reflet d’une robe d’été et imaginer qu’il reconnaissait ses enf
257 ssait ses enfants. De telles choses comptent dans la guerre. Mais une petite armée peut-elle défendre avec succès un pays
258 Le premier acte du « blitzkrieg » est d’empêcher la mobilisation du pays que l’on veut envahir. Les partenaires de l’Axe
259 rieg » est d’empêcher la mobilisation du pays que l’ on veut envahir. Les partenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres
260 er la mobilisation du pays que l’on veut envahir. Les partenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres de l’air et désorgan
261 du pays que l’on veut envahir. Les partenaires de l’ Axe peuvent devenir les maîtres de l’air et désorganiser les communica
262 envahir. Les partenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres de l’air et désorganiser les communications ferroviaires. Mai
263 rtenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres de l’ air et désorganiser les communications ferroviaires. Mais l’armée suis
264 vent devenir les maîtres de l’air et désorganiser les communications ferroviaires. Mais l’armée suisse a été mobilisée depu
265 ésorganiser les communications ferroviaires. Mais l’ armée suisse a été mobilisée depuis 1939 et les distances sont si peti
266 ais l’armée suisse a été mobilisée depuis 1939 et les distances sont si petites que les troupes peuvent être déplacées sans
267 depuis 1939 et les distances sont si petites que les troupes peuvent être déplacées sans l’aide des voies ferrées. La seco
268 tites que les troupes peuvent être déplacées sans l’ aide des voies ferrées. La seconde phase du « blitzkrieg » est la trou
269 s ferrées. La seconde phase du « blitzkrieg » est la trouée du territoire derrière les lignes. Cela serait-il possible en
270 blitzkrieg » est la trouée du territoire derrière les lignes. Cela serait-il possible en Suisse ? Il y a autant de centres
271 y a de défilés et de montagnes. Chaque village de la Suisse est devenu un fort, ses entrées fermées par des barricades et
272 n fort, ses entrées fermées par des barricades et les maisons transformées en des forteresses en miniature. Vous ouvrez la
273 mées en des forteresses en miniature. Vous ouvrez la porte de quelque grenier et vous vous trouvez en face d’un canon anti
274 motorisées pourrait seulement se faire en évitant les villages et en passant à travers les forêts ou les pâturages. Mais le
275 e en évitant les villages et en passant à travers les forêts ou les pâturages. Mais les routes sont minées. Les fleuves, le
276 es villages et en passant à travers les forêts ou les pâturages. Mais les routes sont minées. Les fleuves, les vallées et l
277 ssant à travers les forêts ou les pâturages. Mais les routes sont minées. Les fleuves, les vallées et les gorges sont proté
278 ts ou les pâturages. Mais les routes sont minées. Les fleuves, les vallées et les gorges sont protégés par des canons caché
279 urages. Mais les routes sont minées. Les fleuves, les vallées et les gorges sont protégés par des canons cachés dans les pa
280 s routes sont minées. Les fleuves, les vallées et les gorges sont protégés par des canons cachés dans les parois rocheuses.
281 s gorges sont protégés par des canons cachés dans les parois rocheuses. Dans chaque « compartiment » du territoire suisse,
282 ans chaque « compartiment » du territoire suisse, l’ ennemi aurait à développer une attaque en règle. Il ne serait nullemen
283 ullement question d’avancer rapidement comme dans les plaines de Flandre ou en Pologne. Les deux premières années de la vic
284 comme dans les plaines de Flandre ou en Pologne. Les deux premières années de la victoire allemande ont renforcé la volont
285 andre ou en Pologne. Les deux premières années de la victoire allemande ont renforcé la volonté des Suisses de se défendre
286 ères années de la victoire allemande ont renforcé la volonté des Suisses de se défendre. Le contact entre les hommes et le
287 t renforcé la volonté des Suisses de se défendre. Le contact entre les hommes et le sol, entre l’armée et le peuple, entre
288 onté des Suisses de se défendre. Le contact entre les hommes et le sol, entre l’armée et le peuple, entre le présent et les
289 es de se défendre. Le contact entre les hommes et le sol, entre l’armée et le peuple, entre le présent et les traditions h
290 dre. Le contact entre les hommes et le sol, entre l’ armée et le peuple, entre le présent et les traditions historiques, s’
291 tact entre les hommes et le sol, entre l’armée et le peuple, entre le présent et les traditions historiques, s’est vu raff
292 mmes et le sol, entre l’armée et le peuple, entre le présent et les traditions historiques, s’est vu raffermi par cette lo
293 , entre l’armée et le peuple, entre le présent et les traditions historiques, s’est vu raffermi par cette longue période de
294 affermi par cette longue période de mobilisation. La Suisse fut épargnée au printemps 1940 uniquement parce que ses voisin
295 et parce qu’il était celui qui a, dans ses mains, le Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’Allemagne et l’Italie se font par
296 il était celui qui a, dans ses mains, le Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’Allemagne et l’Italie se font par le Gothard o
297 s ses mains, le Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’ Allemagne et l’Italie se font par le Gothard ou le Simplon. Ces tunnel
298 Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’Allemagne et l’ Italie se font par le Gothard ou le Simplon. Ces tunnels sont puissamm
299 trafic entre l’Allemagne et l’Italie se font par le Gothard ou le Simplon. Ces tunnels sont puissamment minés. Beaucoup d
300 l’Allemagne et l’Italie se font par le Gothard ou le Simplon. Ces tunnels sont puissamment minés. Beaucoup d’hommes ont ju
301 puissamment minés. Beaucoup d’hommes ont juré de les faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe le sait, l’Axe connaî
302 de les faire sauter au premier signe d’invasion. L’ Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne d
303 s faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne du Goth
304 auter au premier signe d’invasion. L’Axe le sait, l’ Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne du Gothard a été
305 ne d’invasion. L’Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne du Gothard a été déclarée comme lign
306 t, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne du Gothard a été déclarée comme ligne de retraite nationale. Ce
307 ligne de retraite nationale. Certaines unités de l’ armée doivent ralentir la pénétration des frontières, d’autres doivent
308 ale. Certaines unités de l’armée doivent ralentir la pénétration des frontières, d’autres doivent défendre les vallées par
309 tration des frontières, d’autres doivent défendre les vallées partant du Gothard. Les Suisses pourraient tenir, sans espére
310 doivent défendre les vallées partant du Gothard. Les Suisses pourraient tenir, sans espérer toutefois une victoire, mais i
311 utefois une victoire, mais ils sauveront du moins l’ honneur du pays. Des extraits d’un récent discours prononcé à Berne pa
312 ne par un colonel, devant un grand public, montre l’ état d’esprit actuel de la Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui ne
313 un grand public, montre l’état d’esprit actuel de la Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui ne questionne jamais pour ce
314 lic, montre l’état d’esprit actuel de la Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui ne questionne jamais pour ce qui a trait
315 ui qui ne questionne jamais pour ce qui a trait à la défense du sol quand cela est raisonnable. À ceux qui demandent : « P
316 : « Pourquoi ces sacrifices ? », il répond : « Ni la famine, ni la guerre, ni l’exil ne pourront être évités si nous gémis
317 es sacrifices ? », il répond : « Ni la famine, ni la guerre, ni l’exil ne pourront être évités si nous gémissons sans lutt
318 ? », il répond : « Ni la famine, ni la guerre, ni l’ exil ne pourront être évités si nous gémissons sans lutter. » La liber
319 ront être évités si nous gémissons sans lutter. » La liberté individuelle ne pourra survivre dans un État qui ne défend pa
320 n ou de perte, il y a des valeurs morales. Il y a l’ idée fédéraliste que nous devons conserver comme un héritage à nos des
321 adoré comme un Dieu. c. Rougemont Denis de, «  La leçon de l’armée suisse », Journal suisse d’Égypte et du Proche-Orien
322 un Dieu. c. Rougemont Denis de, « La leçon de l’ armée suisse », Journal suisse d’Égypte et du Proche-Orient, Alexandri
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
323 vigilantis est. Sénèque En pleine polémique avec le mystère, il arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’amour
324 arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’ amour une ou plusieurs définitions. Ah ! puissions-nous aimer l’amour
325 plusieurs définitions. Ah ! puissions-nous aimer l’ amour assez pour ne jamais avoir recours à ces remèdes, car définir l’
326 e jamais avoir recours à ces remèdes, car définir l’ amour ce n’est point le connaître, mais limiter sa part dans notre vie
327 à ces remèdes, car définir l’amour ce n’est point le connaître, mais limiter sa part dans notre vie, et nul amour ne peut
328 . Mais il est une manière imaginable de parler de l’ amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de phrases où l’i
329  : c’est de former quelques rythmes de phrases où l’ indicible jette par moments une espèce d’émotion ou de gêne, non qu’il
330 uveraine est annoncée par certain frémissement de l’ assemblée des mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute éloque
331 ain frémissement de l’assemblée des mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute éloquence est amoureuse, excitée par
332 sement de l’assemblée des mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute éloquence est amoureuse, excitée par l’amour q
333 oche. Toute éloquence est amoureuse, excitée par l’ amour qui la rend fleurissante. Mais l’amour même est chose du silence
334 éloquence est amoureuse, excitée par l’amour qui la rend fleurissante. Mais l’amour même est chose du silence. Cela dont
335 xcitée par l’amour qui la rend fleurissante. Mais l’ amour même est chose du silence. Cela dont je ne puis parler sans l’of
336 hose du silence. Cela dont je ne puis parler sans l’ offenser dans sa grandeur, c’est ce qui m’enflamme à parler. Rien ne p
337 qui m’enflamme à parler. Rien ne peut être dit de l’ amour même, mais rien non plus n’est dit que par l’amour, si toutefois
338 ’amour même, mais rien non plus n’est dit que par l’ amour, si toutefois quelque chose est vraiment dite. La Fable nous app
339 ur, si toutefois quelque chose est vraiment dite. La Fable nous apprend à sa manière que l’amour est le lieu d’un mutisme
340 ment dite. La Fable nous apprend à sa manière que l’ amour est le lieu d’un mutisme sacré. Angérone, déesse du Silence : on
341 a Fable nous apprend à sa manière que l’amour est le lieu d’un mutisme sacré. Angérone, déesse du Silence : on croit qu’el
342 u Silence : on croit qu’elle avait sa statue dans le temple de la Volupté. Et certains pensent qu’elle est la même que la
343 n croit qu’elle avait sa statue dans le temple de la Volupté. Et certains pensent qu’elle est la même que la déesse Volupi
344 le de la Volupté. Et certains pensent qu’elle est la même que la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours de ce colloq
345 upté. Et certains pensent qu’elle est la même que la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours de ce colloque. La Volu
346 ie. Promenons-nous aux alentours de ce colloque. La Volupté n’est pas le plaisir même, mais l’imagination active du désir
347 x alentours de ce colloque. La Volupté n’est pas le plaisir même, mais l’imagination active du désir qui lentement s’appr
348 oque. La Volupté n’est pas le plaisir même, mais l’ imagination active du désir qui lentement s’approche de son terme. Qua
349 ésir qui lentement s’approche de son terme. Quand le désir s’empare d’un homme, il arrive qu’il le rende muet. Il arrive m
350 and le désir s’empare d’un homme, il arrive qu’il le rende muet. Il arrive même que le désir se manifeste tout d’abord par
351 il arrive qu’il le rende muet. Il arrive même que le désir se manifeste tout d’abord par ce mutisme. À tel point que l’hom
352 este tout d’abord par ce mutisme. À tel point que l’ homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esp
353 ce mutisme. À tel point que l’homme ne retrouvera l’ usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volu
354 À tel point que l’homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté serait
355 ’homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté serait un phénomène analo
356 vera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où l’ esprit se libère. La volupté serait un phénomène analogue à celui de l
357 arole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté serait un phénomène analogue à celui de l’hypnose : un état d
358 a volupté serait un phénomène analogue à celui de l’ hypnose : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des fa
359 nomène analogue à celui de l’hypnose : un état de l’ âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet un
360 gue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou de l’ esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet unique et dans
361 se : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet unique et dans une seule pensée — l’
362 s vers un objet unique et dans une seule pensée — l’ identification, par la conquête chez l’un, par l’abandon chez l’autre.
363 et dans une seule pensée — l’identification, par la conquête chez l’un, par l’abandon chez l’autre. Que cette hypnose soi
364 l’identification, par la conquête chez l’un, par l’ abandon chez l’autre. Que cette hypnose soit en quelque mesure — celle
365 e cette hypnose soit en quelque mesure — celle de l’ esprit — indépendante de l’instinct, c’est ce qu’induisent à supposer
366 lque mesure — celle de l’esprit — indépendante de l’ instinct, c’est ce qu’induisent à supposer les deux observations suiva
367 e de l’instinct, c’est ce qu’induisent à supposer les deux observations suivantes : l’extrême concentration de l’attention
368 sent à supposer les deux observations suivantes : l’ extrême concentration de l’attention sur un objet non corporel, œuvre
369 servations suivantes : l’extrême concentration de l’ attention sur un objet non corporel, œuvre d’art ou pensée d’un ordre
370 ficile, peut échouer comme par court-circuit dans le plaisir ; tandis qu’un débauché vulgaire gémit d’avoir perdu la volup
371 andis qu’un débauché vulgaire gémit d’avoir perdu la volupté. L’homme du désir : il ne peut aimer qu’indéfiniment. Il n’a
372 ébauché vulgaire gémit d’avoir perdu la volupté. L’ homme du désir : il ne peut aimer qu’indéfiniment. Il n’aime que cela 
373 yeux. (Certaines heures, soirs, aubes, passages.) L’ ivresse naissante des amants, c’est le silence qui s’établit entre eux
374 passages.) L’ivresse naissante des amants, c’est le silence qui s’établit entre eux. L’approche des yeux, dès qu’ils ont
375 amants, c’est le silence qui s’établit entre eux. L’ approche des yeux, dès qu’ils ont accepté tout le regard de l’autre :
376 L’approche des yeux, dès qu’ils ont accepté tout le regard de l’autre : sentiment comparable au vertige. Le jugement peut
377 ard de l’autre : sentiment comparable au vertige. Le jugement peut rester libre, mais il semble que l’âme s’extériorise et
378 Le jugement peut rester libre, mais il semble que l’ âme s’extériorise et tombe sans fin dans le regard unique. Durant cert
379 le que l’âme s’extériorise et tombe sans fin dans le regard unique. Durant certaines secondes, elle dépasse le temps, s’ap
380 d unique. Durant certaines secondes, elle dépasse le temps, s’approche des bords d’une immobilité sans fond où elle se pen
381 s lentement mouvantes, — un seul œil par où toute l’ âme regarde et supplie avec une impérieuse tendresse. De plus près enc
382 ec une impérieuse tendresse. De plus près encore, l’ œil vient à perdre toute expression, regard absolu de l’angoisse. Si l
383 vient à perdre toute expression, regard absolu de l’ angoisse. Si l’un s’écarte à ce moment, les voici vacillants comme hor
384 solu de l’angoisse. Si l’un s’écarte à ce moment, les voici vacillants comme hors d’eux-mêmes. Alors il lui saisit la tête
385 lants comme hors d’eux-mêmes. Alors il lui saisit la tête entre ses bras, et la contemple. Et il la nomme dans sa pensée,
386 s. Alors il lui saisit la tête entre ses bras, et la contemple. Et il la nomme dans sa pensée, comme s’il doutait… Adolesc
387 it la tête entre ses bras, et la contemple. Et il la nomme dans sa pensée, comme s’il doutait… Adolescence ! Le charme du
388 ans sa pensée, comme s’il doutait… Adolescence ! Le charme du désir est celui du silence : il éloigne sans fin le terme.
389 désir est celui du silence : il éloigne sans fin le terme. Tu n’entends que ce qui s’interrompt. Tu ne sais rien que tu n
390 u ne sais rien que tu ne perdes. Car ce n’est pas le savoir que tu veux, mais la divine connaissance du présent. Or cette
391 des. Car ce n’est pas le savoir que tu veux, mais la divine connaissance du présent. Or cette connaissance est interdite.
392 nt. Or cette connaissance est interdite. Et c’est l’ approche du viol de l’interdit qui impose aux amants leur silence, fas
393 nce est interdite. Et c’est l’approche du viol de l’ interdit qui impose aux amants leur silence, fascination de l’horreur
394 ui impose aux amants leur silence, fascination de l’ horreur sacrée, attirance de l’effroi mortel. Dans le silence du désir
395 ce, fascination de l’horreur sacrée, attirance de l’ effroi mortel. Dans le silence du désir, la possession a fait une brus
396 orreur sacrée, attirance de l’effroi mortel. Dans le silence du désir, la possession a fait une brusque rumeur de vagues a
397 nce de l’effroi mortel. Dans le silence du désir, la possession a fait une brusque rumeur de vagues affrontées et hostiles
398 eur de vagues affrontées et hostiles. Maintenant, l’ onde lisse et basse d’un temps nouveau nous environne. Ceux qui n’aime
399 s nouveau nous environne. Ceux qui n’aiment point la femme qu’ils viennent de posséder, leur silence meurt à cette minute
400 avardent. Tristesse platonicienne C’est dans l’ accomplissement du plus violent amour qu’il nous est accordé de concev
401 ous est accordé de concevoir un absolu, mais sous la forme de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance
402 rdé de concevoir un absolu, mais sous la forme de l’ inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance du désir, su
403 sous la forme de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance du désir, sur la solitude égarée du couple, É
404 de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance du désir, sur la solitude égarée du couple, Éros pose en co
405 s enfin les limites de la puissance du désir, sur la solitude égarée du couple, Éros pose en couronne un désespoir glacial
406 âmes ? Deux corps s’endorment dans leur paix, et l’ être enfin comblé ne sait plus où se prendre. Il se ramène en soi, se
407 ne en soi, se divise en ses ombres. Ainsi passent les heures d’avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorpho
408 e en ses ombres. Ainsi passent les heures d’avant l’ aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorphoses indicibles. Lu
409 es. Ainsi passent les heures d’avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorphoses indicibles. Lui s’éveille p
410 les heures d’avant l’aube, dans le dépaysement de l’ âme et les métamorphoses indicibles. Lui s’éveille parfois tout à fait
411 s d’avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorphoses indicibles. Lui s’éveille parfois tout à fait, et ses y
412 i s’éveille parfois tout à fait, et ses yeux dans le noir imaginent. Une étreinte qui s’égalerait à l’Infini. Se fondre en
413 le noir imaginent. Une étreinte qui s’égalerait à l’ Infini. Se fondre en un seul être, mais que cet être accède ensuite au
414 e au commerce de ses semblables, qu’à son tour il les aime, les possède ! Ainsi par une suite de vertiges, multipliant la s
415 rce de ses semblables, qu’à son tour il les aime, les possède ! Ainsi par une suite de vertiges, multipliant la splendeur a
416 de ! Ainsi par une suite de vertiges, multipliant la splendeur amoureuse, par mille étreintes successives il s’élève à la
417 use, par mille étreintes successives il s’élève à la jouissance imaginaire et désespérément consciente de l’Être. L’aube p
418 issance imaginaire et désespérément consciente de l’ Être. L’aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme
419 imaginaire et désespérément consciente de l’Être. L’ aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’un reg
420 désespérément consciente de l’Être. L’aube point. L’ esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’un regard. Un corps
421 de l’Être. L’aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’un regard. Un corps auprès du mien respire, m
422 aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’un regard. Un corps auprès du mien respire, mémoire pesante
423 corps auprès du mien respire, mémoire pesante de l’ incommensurable nuit. Nous n’irons pas au-delà de nous-mêmes. Mais dan
424 au-delà de nous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’ étreinte, n’est-ce point le souvenir du seul désert que désormais nous
425 dans cette défaite de l’étreinte, n’est-ce point le souvenir du seul désert que désormais nous chercherons ? Au terme de
426 sert que désormais nous chercherons ? Au terme de la fuite, nous ne toucherons jamais qu’un impossible fascinant. Et nous
427 possible fascinant. Et nous vivrons dès lors dans le vertige de nous détruire au contact de cet infini, plus puissant que
428 ruire au contact de cet infini, plus puissant que la joie et la douleur. Dans le vertige de revenir toucher cet absolu, se
429 ntact de cet infini, plus puissant que la joie et la douleur. Dans le vertige de revenir toucher cet absolu, sensible à ce
430 ni, plus puissant que la joie et la douleur. Dans le vertige de revenir toucher cet absolu, sensible à celui seul qui l’ép
431 nir toucher cet absolu, sensible à celui seul qui l’ éprouve jusqu’à l’épouvante : l’être que nous formons au sommet de l’a
432 solu, sensible à celui seul qui l’éprouve jusqu’à l’ épouvante : l’être que nous formons au sommet de l’amour, et qui meurt
433 à celui seul qui l’éprouve jusqu’à l’épouvante : l’ être que nous formons au sommet de l’amour, et qui meurt à l’instant o
434 ’épouvante : l’être que nous formons au sommet de l’ amour, et qui meurt à l’instant où il naît. Tout notre platonisme éch
435 nt où il naît. Tout notre platonisme échoue dans l’ instant de l’étreinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change de sig
436 . Tout notre platonisme échoue dans l’instant de l’ étreinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change de signe. On voit s
437 choue dans l’instant de l’étreinte dénouée. Alors l’ amour, dirait-on, change de signe. On voit soudain que le désir était
438 , dirait-on, change de signe. On voit soudain que le désir était le dialogue des corps, tandis que le plaisir est solitair
439 ange de signe. On voit soudain que le désir était le dialogue des corps, tandis que le plaisir est solitaire, instant où l
440 le désir était le dialogue des corps, tandis que le plaisir est solitaire, instant où les amants sont le plus séparés, ar
441 , tandis que le plaisir est solitaire, instant où les amants sont le plus séparés, arrachés, retirés en soi. Alors paraisse
442 plaisir est solitaire, instant où les amants sont le plus séparés, arrachés, retirés en soi. Alors paraissent la conscienc
443 parés, arrachés, retirés en soi. Alors paraissent la conscience, et le sérieux, et la réalité des vies au jour. Nous somme
444 etirés en soi. Alors paraissent la conscience, et le sérieux, et la réalité des vies au jour. Nous sommes deux. Il n’y a
445 Alors paraissent la conscience, et le sérieux, et la réalité des vies au jour. Nous sommes deux. Il n’y a que deux philos
446 ue deux philosophies : celle du désir et celle de l’ acte ; ou encore, il n’y a que deux doctrines : celle du silence et ce
447 que deux doctrines : celle du silence et celle de la parole. La négation du désir amoureux par l’acte même qui l’accomplit
448 ctrines : celle du silence et celle de la parole. La négation du désir amoureux par l’acte même qui l’accomplit, c’est le
449 e de la parole. La négation du désir amoureux par l’ acte même qui l’accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’inf
450 La négation du désir amoureux par l’acte même qui l’ accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’infinie contradicti
451 r amoureux par l’acte même qui l’accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’infinie contradiction que nous souffro
452 ’accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’ infinie contradiction que nous souffrons. Le désir divinise, l’acte re
453 l, de l’infinie contradiction que nous souffrons. Le désir divinise, l’acte rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil d
454 tradiction que nous souffrons. Le désir divinise, l’ acte rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera
455 nous souffrons. Le désir divinise, l’acte rend à l’ humain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera notre tâche sé
456 frons. Le désir divinise, l’acte rend à l’humain. L’ amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera notre tâche sérieuse. Qu
457 e rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’ amour qui sera notre tâche sérieuse. Quittons ce temple où dorment deu
458 tons ce temple où dorment deux idoles, et parlons le langage du Jour. d. Rougemont Denis de, « Angérone », VVV, New Yo
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
459 La gloire (mars 1943)e (Nous le connaissions un peu, et pensions le c
460 La gloire (mars 1943)e (Nous le connaissions un peu, et pensions le connaître. La lecture de ses papi
461 43)e (Nous le connaissions un peu, et pensions le connaître. La lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien di
462 le connaissions un peu, et pensions le connaître. La lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien différent. Il fa
463 nnaître. La lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien différent. Il fallait certes s’y attendre, et pourtant l’
464 rent. Il fallait certes s’y attendre, et pourtant l’ on demeure surpris. C’est que tout, dans ses livres, — surtout les plu
465 rpris. C’est que tout, dans ses livres, — surtout les plus sincères — semblait exclure les préoccupations que trahit son jo
466 s, — surtout les plus sincères — semblait exclure les préoccupations que trahit son journal intime. Peut-être le secret d’u
467 upations que trahit son journal intime. Peut-être le secret d’une différence aussi curieuse est-il caché dans les passages
468 d’une différence aussi curieuse est-il caché dans les passages de ces cahiers que nous allons transcrire ici. De ces fragme
469 anscrire ici. De ces fragments de dates diverses, l’ on ne verra point se dégager de conclusions tout à fait claires : il y
470 attitude aussi profondément ambiguë, vis-à-vis de la gloire, n’est pas sans entretenir les plus curieux malentendus entre
471 vis-à-vis de la gloire, n’est pas sans entretenir les plus curieux malentendus entre un auteur et ses lecteurs. Or il se pe
472 auteur et ses lecteurs. Or il se peut que ce soit l’ attitude de la plupart des écrivains modernes.) J’ai vécu pour la glo
473 plupart des écrivains modernes.) J’ai vécu pour la gloire — dit le prince André — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’es
474 ivains modernes.) J’ai vécu pour la gloire — dit le prince André — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’est aussi l’amour
475 a gloire — dit le prince André — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir de lui être u
476 é — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’est aussi l’ amour du prochain, le désir de lui être utile et de mériter ses louang
477 la gloire, si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir de lui être utile et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu p
478 et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour les autres, et mon existence est perdue, perdue sans retour ; depuis que
479 is pour moi, je vis pour moi, je suis plus calme… Les autres, c’est le prochain, comme la princesse Marie et toi vous l’app
480 s pour moi, je suis plus calme… Les autres, c’est le prochain, comme la princesse Marie et toi vous l’appelez, le prochain
481 plus calme… Les autres, c’est le prochain, comme la princesse Marie et toi vous l’appelez, le prochain, cette grande sour
482 le prochain, comme la princesse Marie et toi vous l’ appelez, le prochain, cette grande source d’iniquité et de mal ! Le pr
483 , comme la princesse Marie et toi vous l’appelez, le prochain, cette grande source d’iniquité et de mal ! Le prochain, le
484 chain, cette grande source d’iniquité et de mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves de co
485 grande source d’iniquité et de mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bien
486 uité et de mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. (Tolstoï, La G
487 , que tu rêves de combler de bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et la Paix.) Cette page m’avait séduit par sa mauvaise humeur
488 s de combler de bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et la Paix.) Cette page m’avait séduit par sa mauvaise humeur. En la copia
489 te page m’avait séduit par sa mauvaise humeur. En la copiant, je n’y vois plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’est pas
490 la copiant, je n’y vois plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’est pas l’amour mais au contraire le mépris du prochain.
491 plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’est pas l’ amour mais au contraire le mépris du prochain. Le Prince André n’a pas
492 la gloire, ce n’est pas l’amour mais au contraire le mépris du prochain. Le Prince André n’a pas trouvé de prochains, car
493 l’amour mais au contraire le mépris du prochain. Le Prince André n’a pas trouvé de prochains, car il n’a cherché qu’un pu
494 prochains, car il n’a cherché qu’un public. C’est le public qui donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le flatt
495 a cherché qu’un public. C’est le public qui donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le flatter. Tandis que la pr
496 . C’est le public qui donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le flatter. Tandis que la princesse Marie, qui a v
497 donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le flatter. Tandis que la princesse Marie, qui a vraiment aimé son proch
498 qui le méprise assez pour le flatter. Tandis que la princesse Marie, qui a vraiment aimé son prochain, n’en n’a pas reçu
499 se-t-elle pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin d’un concert triomphal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je su
500 phal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je suis le serviteur du public, cela va sans dire. » C’est à cela qu’on donne la
501 ic, cela va sans dire. » C’est à cela qu’on donne la gloire. Et ceux qui ne la briguent point risquent fort de se rendre a
502 ’est à cela qu’on donne la gloire. Et ceux qui ne la briguent point risquent fort de se rendre antipathiques. Jamais la fo
503 risquent fort de se rendre antipathiques. Jamais la foule n’a jugé ridicule que l’on affiche un amour de la gloire même e
504 ipathiques. Jamais la foule n’a jugé ridicule que l’ on affiche un amour de la gloire même excessif pour le talent qu’on a.
505 le n’a jugé ridicule que l’on affiche un amour de la gloire même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne tient pour g
506 affiche un amour de la gloire même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne tient pour glorieux que ceux qui prennent
507 e la gloire même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne tient pour glorieux que ceux qui prennent le soin de parler
508 in de parler de leur gloire. Chateaubriand eut de la gloire, mais non Stendhal. Madame de Staël en eut, mais non Constant
509 onstant (comme écrivain). Or personne ne lit plus Les Martyrs ni Corinne, et tout le monde croit aimer La Chartreuse et Ado
510 Martyrs ni Corinne, et tout le monde croit aimer La Chartreuse et Adolphe. Mais ce jugement sur le talent, changé du tout
511 er La Chartreuse et Adolphe. Mais ce jugement sur le talent, changé du tout, n’entraîne pas que l’on change le jugement su
512 sur le talent, changé du tout, n’entraîne pas que l’ on change le jugement sur la gloire. La gloire est donc un mythe : j’e
513 t, changé du tout, n’entraîne pas que l’on change le jugement sur la gloire. La gloire est donc un mythe : j’entends que s
514 t, n’entraîne pas que l’on change le jugement sur la gloire. La gloire est donc un mythe : j’entends que son pouvoir et sa
515 ne pas que l’on change le jugement sur la gloire. La gloire est donc un mythe : j’entends que son pouvoir et sa grandeur n
516 est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui la lui prête parce que d’abord l’auteur s’y est prêté. Quant à moi, je s
517 mais au public qui la lui prête parce que d’abord l’ auteur s’y est prêté. Quant à moi, je suis trop égoïste pour me laisse
518 oint tel que me désire leur goût sentimental de «  l’ Art ». Mais comme tout se complique et se retourne ! Celui qui veut la
519 tout se complique et se retourne ! Celui qui veut la gloire, est-ce qu’il manquerait d’orgueil ? Serait-il plus humble que
520 it d’orgueil ? Serait-il plus humble que moi ? Et l’ orgueilleux que je suis, ne donne-t-il pas une preuve d’amour à son au
521 geant d’elle plus de noblesse ? Dire : je néglige la gloire, c’est dire : je vous néglige, vous qui donnez la gloire pour
522 re, c’est dire : je vous néglige, vous qui donnez la gloire pour prix d’une complaisance. Mais c’est dire aussi : je vous
523 vulgaires que vous n’êtes. Celui qui ne veut pas la gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’
524 n’êtes. Celui qui ne veut pas la gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut la gloire te
525 pas la gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul serait c
526 ne foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul serait capable de se la décerner ? L’idée
527 la gloire telle que lui seul serait capable de se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Ren
528 que lui seul serait capable de se la décerner ? L’ idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glori
529 it capable de se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui qui
530 ’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui qui s’affirme en différant, bien plus
531 différant, bien plus qu’en excellant. C’est donc l’ individu qui se distingue, — n’importe où. (Crimes commis pour s’acqué
532 e, — n’importe où. (Crimes commis pour s’acquérir la gloire, fréquents dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloi
533 commis pour s’acquérir la gloire, fréquents dans l’ Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte
534 gloire, fréquents dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte de maladie du sens social
535 uents dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le co
536 c né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’
537 de maladie du sens social. C’est le contraire de l’ amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’a plus souci ni
538 ocial. C’est le contraire de l’amour du prochain. L’ individu qui cherche la gloire n’a plus souci ni même conscience du vo
539 re de l’amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’a plus souci ni même conscience du voisin qu’il pourrait aid
540 conscience du voisin qu’il pourrait aider (c’est le prochain), mais seulement du voisin qu’il peut utiliser. Il cherche d
541 rateurs, des confirmateurs de son être. C’est que l’ acte de s’écarter d’une communion ou d’une communauté, écarte aussi de
542 nion ou d’une communauté, écarte aussi de soi, et l’ on éprouve alors le besoin de se faire confirmer. Un homme en communio
543 nauté, écarte aussi de soi, et l’on éprouve alors le besoin de se faire confirmer. Un homme en communion active avec les h
544 aire confirmer. Un homme en communion active avec les hommes qui l’entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car l
545 Un homme en communion active avec les hommes qui l’ entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire est c
546 mes qui l’entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait l’excell
547 rent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait l’excellence, à son ran
548 la gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait l’ excellence, à son rang et selon ses astres. Ainsi les héros et les roi
549 excellence, à son rang et selon ses astres. Ainsi les héros et les rois sont les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne d
550 son rang et selon ses astres. Ainsi les héros et les rois sont les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien
551 elon ses astres. Ainsi les héros et les rois sont les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien. Et ce qu’ils
552 e demandent rien. Et ce qu’ils donnent fait toute la renommée du peuple. (Aujourd’hui c’est l’inverse qu’on observe ; c’es
553 t toute la renommée du peuple. (Aujourd’hui c’est l’ inverse qu’on observe ; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire
554 ’est l’inverse qu’on observe ; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique était virile,
555 on observe ; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Ale
556 ue donne la foule qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Alexandre exemplaire, plus
557 ’un homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Alexandre exemplaire, plus beau que tous, plus fort et plus heur
558 bassesse chez d’Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté de son œuvre, que s’est constituée sa gloire.) Et cependant, j
559 rer une gloire qui ne m’ennuierait pas. Non point la leur, mais celle que je pourrais rejoindre, telle que je la connais d
560 ais celle que je pourrais rejoindre, telle que je la connais depuis toujours, moi seul. Un dieu n’a pas besoin d’adorateur
561 ner et se réjouir de son être. Oui, c’est bien là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que l’incognito ?
562 re. Oui, c’est bien là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a
563 ège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que l’ incognito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas
564 ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’inv
565  ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne sera
566 quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne serait-ce pas aus
567 le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’ inverse. Mais ne serait-ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son i
568 à peu près l’inverse. Mais ne serait-ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son incognito en se donnant l’air, préciséme
569 lleur moyen de sauver son incognito en se donnant l’ air, précisément, d’y renoncer ? Autre avantage de la gloire : elle co
570 ir, précisément, d’y renoncer ? Autre avantage de la gloire : elle confère le droit d’être banal. Tant pis si beaucoup en
571 ncer ? Autre avantage de la gloire : elle confère le droit d’être banal. Tant pis si beaucoup en abusent… Hypothèse : l’e
572 al. Tant pis si beaucoup en abusent… Hypothèse : l’ expérience intime de la gloire précède toujours sa manifestation. L’a
573 p en abusent… Hypothèse : l’expérience intime de la gloire précède toujours sa manifestation. L’ambitieux ne vaut rien p
574 de la gloire précède toujours sa manifestation. L’ ambitieux ne vaut rien pour la gloire. Il ne peut aboutir qu’au succès
575 sa manifestation. L’ambitieux ne vaut rien pour la gloire. Il ne peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire de la
576 e. Il ne peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’ empire de la comparaison. Beaucoup d’hommes n’imaginent pas qu’on pui
577 t aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire de la comparaison. Beaucoup d’hommes n’imaginent pas qu’on puisse avouer s
578 é, ou bien ils croient que ce serait naïf ; et si l’ on avoue son orgueil, ils croient que c’est par vanité. Je suis homme 
579 tors, orgueilleux, etc. Quel avantage à feindre ? La plus sotte vanité étant assurément d’essayer de faire croire qu’on n’
580 d’essayer de faire croire qu’on n’en a point. Si l’ on condamne sa propre vanité, le mieux pour s’en débarrasser serait d’
581 n’en a point. Si l’on condamne sa propre vanité, le mieux pour s’en débarrasser serait d’en parler ouvertement. Comme un
582 structif et amusant. Je veux ma gloire, et je ne l’ avoue jamais, — je fais le modeste — d’où vient cette pudeur ? Je ne v
583 eux ma gloire, et je ne l’avoue jamais, — je fais le modeste — d’où vient cette pudeur ? Je ne veux pas la gloire pour vou
584 odeste — d’où vient cette pudeur ? Je ne veux pas la gloire pour vous éblouir, vous que j’aime et qui me connaissez. Vous
585 je suis, et si vous appreniez un jour que j’ai de la gloire, que sauriez-vous alors d’essentiel que dès maintenant vous ne
586 e croyez point par vous-mêmes — et je ne veux pas l’ erreur. Ou bien veux-je cette erreur-là ? Certes — mais non comme une
587 je veux cela. Qu’est-ce donc que « gloire », dont la prononciation, pour peu d’emphase que j’y prête, me fait venir les la
588 , pour peu d’emphase que j’y prête, me fait venir les larmes aux yeux ? Gloire et lumière, gloire ou mystère, gloire et mor
589 est ce seuil, et que nous ouvrent, sur quel ciel, les symphonies ? Je n’ose pas dire que je veux être Dieu. Ce serait là, p
590 eux être Dieu. Ce serait là, pourtant, ma vérité, la vérité de mon mensonge. Est-ce à cause que mon nom est : mensonge, qu
591 cause que mon nom est : mensonge, que je voudrais la gloire et ne sais pas pourquoi ? Ou n’ose pas savoir pourquoi… Ce que
592 ue je n’ose pas savoir est angoisse. Angoisse est le nom du secret que je sers sans oser le servir, parce que je sais que
593 goisse est le nom du secret que je sers sans oser le servir, parce que je sais que son nom est mensonge, et que c’est moi
594 out, et tout sera. Ainsi, ô Dieu, délivrez-moi de la gloire ! Mais cette prière m’émeut encore comme la gloire ! 1938
595 a gloire ! Mais cette prière m’émeut encore comme la gloire ! 1938 e. Rougemont Denis de, « La gloire », VVV, New Yor
596 me la gloire ! 1938 e. Rougemont Denis de, «  La gloire », VVV, New York, mars 1943, p. 71-73.
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
597 Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)f g L’ Amérique m’a fait prendre conscience de bien des choses qui allaient d
598 e c’est leur contraire, ici, qui va de soi. Parmi la douzaine de bouquins que j’ai pu emporter de Paris, il y avait le Jou
599 ouquins que j’ai pu emporter de Paris, il y avait le Journal d’André Gide. Chaque fois que j’en relis quelques pages, je s
600 que j’en relis quelques pages, je suis frappé par le souci qu’y montre Gide d’une écriture durable et d’une œuvre d’avenir
601 e nouvelle, qui se révélera sans doute conforme à la tradition de la langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’inc
602 se révélera sans doute conforme à la tradition de la langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’inclure l’actualité
603 conforme à la tradition de la langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’inclure l’actualité dans un ouvrage, parce
604 à son génie le plus vivace. Gide craint d’inclure l’ actualité dans un ouvrage, parce que c’est elle qui risque de vieillir
605 Ce souci, cette arrière-pensée, sont étrangers à la littérature américaine, trop jeune pour craindre les atteintes du tem
606 littérature américaine, trop jeune pour craindre les atteintes du temps. On n’écrit pas un livre pour qu’il dure, en Améri
607 ur qu’il frappe et qu’il agisse, au maximum, dans le plus court délai. Signe de santé d’une culture. Le journaliste est l’
608 e plus court délai. Signe de santé d’une culture. Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain n’existe pas, remarquai
609 Signe de santé d’une culture. Le journaliste est l’ homme pour qui le lendemain n’existe pas, remarquait encore André Gide
610 ’une culture. Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain n’existe pas, remarquait encore André Gide. Dans ce sens él
611 e. Dans ce sens élargi du mot, mais en retirant à l’ épithète toute qualité dépréciative, on pourrait appeler journalistes
612 n’y verraient, à juste titre, aucun reproche. Car l’ Amérique a fait du journalisme un art par une révolution trop ignorée
613 nalisme un art par une révolution trop ignorée de l’ Europe. Un art qui n’exclut pas une poésie très drue, et qui possède u
614 ue, un « art de persuader » étrangement efficace. La connaissance de ses règles techniques permet de pénétrer certains sec
615 techniques permet de pénétrer certains secrets de la littérature contemporaine de ce pays. Secrets de style et de composit
616 e de ce pays. Secrets de style et de composition. La rhétorique française veut qu’un discours, un essai ou un simple artic
617 verbales, qui créent une atmosphère ou orientent l’ esprit. La rhétorique américaine écarte ces prudences et ces cérémonie
618 qui créent une atmosphère ou orientent l’esprit. La rhétorique américaine écarte ces prudences et ces cérémonies. Elle co
619 ruts, ou quelques chiffres impressionnants. C’est la Catch Phrase, la phrase-qui-attrape et qui vous jette de but en blanc
620 chiffres impressionnants. C’est la Catch Phrase, la phrase-qui-attrape et qui vous jette de but en blanc dans l’humanité
621 ui-attrape et qui vous jette de but en blanc dans l’ humanité vive du sujet, saisi par son côté sensationnel. L’article ens
622 é vive du sujet, saisi par son côté sensationnel. L’ article ensuite ne se déroulera pas suivant un plan logique, mais suiv
623 roulera pas suivant un plan logique, mais suivant la ligne de plus immédiate efficacité. Là où l’écrivain français cherche
624 vant la ligne de plus immédiate efficacité. Là où l’ écrivain français cherche à vous convaincre par la rigueur ou l’élégan
625 l’écrivain français cherche à vous convaincre par la rigueur ou l’élégance de ses déductions, l’écrivain américain cherche
626 nçais cherche à vous convaincre par la rigueur ou l’ élégance de ses déductions, l’écrivain américain cherche à vous entraî
627 e par la rigueur ou l’élégance de ses déductions, l’ écrivain américain cherche à vous entraîner par la dramatisation (Dram
628 l’écrivain américain cherche à vous entraîner par la dramatisation (Dramatizing) de sa matière. Le style français triomphe
629 par la dramatisation (Dramatizing) de sa matière. Le style français triomphe dans la litote et le raccourci, le style amér
630 g) de sa matière. Le style français triomphe dans la litote et le raccourci, le style américain dans l’effet de choc ou d’
631 ère. Le style français triomphe dans la litote et le raccourci, le style américain dans l’effet de choc ou d’accumulation
632 français triomphe dans la litote et le raccourci, le style américain dans l’effet de choc ou d’accumulation lyrique. L’un
633 a litote et le raccourci, le style américain dans l’ effet de choc ou d’accumulation lyrique. L’un s’attache à la construct
634 choc ou d’accumulation lyrique. L’un s’attache à la construction statique, l’autre au rythme. L’esprit français tend à dé
635 he à la construction statique, l’autre au rythme. L’ esprit français tend à dégager l’essentiel, l’esprit américain à l’eng
636 autre au rythme. L’esprit français tend à dégager l’ essentiel, l’esprit américain à l’engager dans le concret, à le sensib
637 me. L’esprit français tend à dégager l’essentiel, l’ esprit américain à l’engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’i
638 tend à dégager l’essentiel, l’esprit américain à l’ engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’illustrer. L’anecdote
639 l’essentiel, l’esprit américain à l’engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’illustrer. L’anecdote révélatrice, le
640 l’esprit américain à l’engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’illustrer. L’anecdote révélatrice, le Human Touch,
641 à l’engager dans le concret, à le sensibiliser, à l’ illustrer. L’anecdote révélatrice, le Human Touch, sont régulièrement
642 ans le concret, à le sensibiliser, à l’illustrer. L’ anecdote révélatrice, le Human Touch, sont régulièrement préférés par
643 sibiliser, à l’illustrer. L’anecdote révélatrice, le Human Touch, sont régulièrement préférés par un directeur de revue am
644 t préférés par un directeur de revue américaine à la « formule heureuse » condensant et généralisant des observations que
645 » condensant et généralisant des observations que l’ on néglige de rapporter en détail. Au séminaire de Short Stories (hist
646 expression « intellectuelle » du réel, à cultiver l’ expression concrète ou sensorielle. N’écrivez pas : « John entra dans
647 ou sensorielle. N’écrivez pas : « John entra dans la banque. » Mais décrivez la sensation qu’il éprouve au moment où ses s
648 as : « John entra dans la banque. » Mais décrivez la sensation qu’il éprouve au moment où ses semelles-crêpe marquent d’un
649 elles-crêpe marquent d’une empreinte poussiéreuse le moelleux tapis du hall d’entrée, etc. Exemple caricatural d’un mode d
650 c moins de talent, un long roman. De cet ouvrage, la critique américaine ne dira pas souvent : c’est bien écrit, mais plut
651 plutôt : c’est effective, agissant. Et d’une idée l’ on ne demandera pas seulement qu’elle soit juste, mais qu’elle soit in
652 donne une littérature plus apte qu’aucune autre à l’ expression du dynamisme aventureux de notre siècle. Entre la sensation
653 on du dynamisme aventureux de notre siècle. Entre la sensation et le sensationnel, elle fait preuve d’un incomparable pouv
654 aventureux de notre siècle. Entre la sensation et le sensationnel, elle fait preuve d’un incomparable pouvoir d’émotion. M
655 nté de définir deux attitudes. Comment juger ? De la littérature qui veut agir dans l’immédiat, ou de celle qui se préoccu
656 ment juger ? De la littérature qui veut agir dans l’ immédiat, ou de celle qui se préoccupe davantage de durer, laquelle a
657 e qui se préoccupe davantage de durer, laquelle a le plus de chance d’avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je n’en
658 durer, laquelle a le plus de chance d’avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je n’en sais rien. Mais je suis sûr que
659 entrer ? Je n’en sais rien. Mais je suis sûr que l’ écrivain français et l’écrivain américain ont beaucoup à apprendre l’u
660 rien. Mais je suis sûr que l’écrivain français et l’ écrivain américain ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Ils m’app
661 l’autre. Ils m’apparaissent complémentaires comme la virilité et la féminité, la couleur et le dessin, la poussée vitale e
662 apparaissent complémentaires comme la virilité et la féminité, la couleur et le dessin, la poussée vitale et la retenue fo
663 complémentaires comme la virilité et la féminité, la couleur et le dessin, la poussée vitale et la retenue formelle. Et j’
664 s comme la virilité et la féminité, la couleur et le dessin, la poussée vitale et la retenue formelle. Et j’entrevois les
665 virilité et la féminité, la couleur et le dessin, la poussée vitale et la retenue formelle. Et j’entrevois les plus fécond
666 té, la couleur et le dessin, la poussée vitale et la retenue formelle. Et j’entrevois les plus féconds échanges entre ces
667 sée vitale et la retenue formelle. Et j’entrevois les plus féconds échanges entre ces deux principes de toute civilisation,
668 ordre et mise en mouvement. De leur alliance naît la Liberté. f. Rougemont Denis de, « Rhétorique américaine », Fontain
669 Fontaine, Alger, juin–juillet 1943, p. 15-17. g. L’ édition numérique se fonde sur la réédition de 1945, p. 2-4.
670 3, p. 15-17. g. L’édition numérique se fonde sur la réédition de 1945, p. 2-4.
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
671 Mémoire de l’ Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)h
672 nal des Mauvais Temps (septembre 1943)h I. —  Le bon vieux temps présent Paris, 17 mars 1939 Le Führer a passé la
673 e bon vieux temps présent Paris, 17 mars 1939 Le Führer a passé la nuit au Hradschin Après Vienne, avec Prague, c’es
674 présent Paris, 17 mars 1939 Le Führer a passé la nuit au Hradschin Après Vienne, avec Prague, c’est une Europe qui v
675 nt, patrie de nostalgie de tous ceux qu’a touchés le romantisme — encore un paradis perdu ! Mais les vrais paradis seront
676 és le romantisme — encore un paradis perdu ! Mais les vrais paradis seront toujours perdus : ils naissent à l’heure où on l
677 s paradis seront toujours perdus : ils naissent à l’ heure où on les perd. Souvenirs de Salzbourg et de Prague, Mozart et R
678 nt toujours perdus : ils naissent à l’heure où on les perd. Souvenirs de Salzbourg et de Prague, Mozart et Rilke, et la Vie
679 rs de Salzbourg et de Prague, Mozart et Rilke, et la Vienne de Schubert — à l’heure où sombrent des nations sous l’uniform
680 ue, Mozart et Rilke, et la Vienne de Schubert — à l’ heure où sombrent des nations sous l’uniforme barbarie — je les vois s
681 Schubert — à l’heure où sombrent des nations sous l’ uniforme barbarie — je les vois s’élever rayonnants dans la lueur éter
682 ombrent des nations sous l’uniforme barbarie — je les vois s’élever rayonnants dans la lueur éternisée d’un soir d’été, apr
683 e barbarie — je les vois s’élever rayonnants dans la lueur éternisée d’un soir d’été, après l’orage, avant la nuit, dans u
684 ts dans la lueur éternisée d’un soir d’été, après l’ orage, avant la nuit, dans une gloire déchirante et délicieuse comme l
685 r éternisée d’un soir d’été, après l’orage, avant la nuit, dans une gloire déchirante et délicieuse comme les secondes voi
686 Un mythe nouveau prend son essor au sein même de la catastrophe. Tout un âge, un climat de musiques, soudain se fixe en n
687 n « bon vieux temps » de plus, tout près de nous… Le bon vieux temps, pour nos ancêtres, c’était très loin dans le passé,
688 temps, pour nos ancêtres, c’était très loin dans le passé, dans la légende, si loin que nul, en vérité, ne l’avait vu. Ma
689 s ancêtres, c’était très loin dans le passé, dans la légende, si loin que nul, en vérité, ne l’avait vu. Mais déjà, pour b
690 , dans la légende, si loin que nul, en vérité, ne l’ avait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre nous, ce fut simplement l’a
691 jà, pour beaucoup d’entre nous, ce fut simplement l’ avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et voici que ce Temps Pe
692 p d’entre nous, ce fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’un co
693 u, tout d’un coup, est encore plus proche : c’est l’ an passé, c’est avant-hier, peut-être même est-ce — aujourd’hui ? Mais
694 tre vivons-nous, ici, dans ce Paris de mars 1939, les derniers jours du bon vieux temps européen. Jours de sursis d’une lib
695 leront douceur de vivre ? Déjà nous éprouvons que le monde a glissé dans une ère étrange et brutale, où ces formes de vie
696 ont encore les nôtres ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous d
697 s ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résister, il
698 sursaut nous dresse à résister, il faudra changer le rythme et rectifier la tenue, bander tous les ressorts, mobiliser les
699 ésister, il faudra changer le rythme et rectifier la tenue, bander tous les ressorts, mobiliser les cœurs… C’est le crime
700 nger le rythme et rectifier la tenue, bander tous les ressorts, mobiliser les cœurs… C’est le crime des dictatures : elles
701 ier la tenue, bander tous les ressorts, mobiliser les cœurs… C’est le crime des dictatures : elles ne tuent pas la liberté
702 der tous les ressorts, mobiliser les cœurs… C’est le crime des dictatures : elles ne tuent pas la liberté dans les pays se
703 ’est le crime des dictatures : elles ne tuent pas la liberté dans les pays seulement où elles sévissent, mais aussi bien c
704 s dictatures : elles ne tuent pas la liberté dans les pays seulement où elles sévissent, mais aussi bien chez les voisins q
705 eulement où elles sévissent, mais aussi bien chez les voisins qu’elles secouent d’un défi grossier. La liberté ne peut surv
706 les voisins qu’elles secouent d’un défi grossier. La liberté ne peut survivre à de tels chocs. Car elle est vraiment comme
707 le est vraiment comme un rêve, un rêve heureux où l’ on circule avec aisance, gardant parfois l’arrière-conscience d’un mir
708 eux où l’on circule avec aisance, gardant parfois l’ arrière-conscience d’un miracle. Elle est encore une œuvre d’art qui n
709 lle est encore une œuvre d’art qui n’agit que par l’ atmosphère, par le charme qu’elle fait régner. Des lois adroites et hu
710 œuvre d’art qui n’agit que par l’atmosphère, par le charme qu’elle fait régner. Des lois adroites et humaines ne suffiron
711 s lois adroites et humaines ne suffiront jamais à l’ assurer : il y faut ce climat sentimental, cette espèce de naturel qui
712 … C’est tout cela que vient de mettre en question l’ usurpateur du Hradschin. Et dès lors qu’il l’a mis en question, et qu’
713 tion l’usurpateur du Hradschin. Et dès lors qu’il l’ a mis en question, et qu’il nous force au réalisme à sa manière, le ch
714 on, et qu’il nous force au réalisme à sa manière, le charme est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’é
715 i qui s’éveille et goûte encore quelques instants les délices d’un rêve inachevé. Mais il sait bien que c’est fini. Brève d
716 Mais il sait bien que c’est fini. Brève dispense, le temps d’un peu se souvenir… Il faut se lever. Il faut entrer résolume
717 Il faut se lever. Il faut entrer résolument dans le grand jour du siècle mécanique, accepter pour un temps sa loi, en pré
718 rice et bafouée. II. — Le dernier printemps de la paix En Suisse, 2 mai 1939 Combien oseraient avouer que cette mena
719 oseraient avouer que cette menace leur rend enfin le goût de vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent de désir pour leurs biens
720 és qui n’éprouvent de désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Déshérités aussi, qui ne re­trouvent l’espoir q
721 uvent de désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Déshérités aussi, qui ne re­trouvent l’espoir qu’au seuil des
722 les perdre. Déshérités aussi, qui ne re­trouvent l’ espoir qu’au seuil des catastrophes générales. Et j’en connais qui ne
723 (comme un moteur prend son régime normal à tant à l’ heure) que dans le drame et le bouleversement des habitudes où l’énerg
724 rend son régime normal à tant à l’heure) que dans le drame et le bouleversement des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce be
725 ime normal à tant à l’heure) que dans le drame et le bouleversement des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin d’être
726 ns le drame et le bouleversement des habitudes où l’ énergie s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montrer de quoi l’on
727 e. Ce besoin d’être provoqué pour montrer de quoi l’ on est capable est si profond, peut-être si normal, que j’en viens à m
728 -mêmes, dans notre inconscient collectif. Je puis l’ avouer parce que je suis un écrivain, Il est admis que ces gens-là ont
729 uis un écrivain, Il est admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’h
730 admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue de cynism
731 pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’ homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont p
732 lagement général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courage
733 on. Ils sont tout seuls devant leur papier blanc. Les réactions à leur parole seront lointaines, ou même ils ne les connaît
734 s à leur parole seront lointaines, ou même ils ne les connaîtront jamais… Paris, 12 mai 1939 Quatrième changement de domici
735 mai 1939 Quatrième changement de domicile depuis le début de cette année. « Étranger et voyageur sur la terre », ainsi pe
736 début de cette année. « Étranger et voyageur sur la terre », ainsi pensais-je d’autres fois, dans ces périodes de nomadis
737 isation de nos pensées, de nos images. Hier, dans l’ autobus, une petite dame assise devant moi s’écrie, voyant s’abattre u
738 i s’écrie, voyant s’abattre une pluie d’orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’était pourtant
739 qui ai oublié mon masque à gaz ! C’était pourtant l’ heure ! » 14 mai 1939 La grande ville traversée dans la fatigue d’un s
740 à gaz ! C’était pourtant l’heure ! » 14 mai 1939 La grande ville traversée dans la fatigue d’un soir pluvieux. Paris, sou
741 re ! » 14 mai 1939 La grande ville traversée dans la fatigue d’un soir pluvieux. Paris, souffrance des visages et des corp
742 otisme, énervement. Paris soudain considéré comme la situation spirituelle la plus extraordinaire du siècle ! Il est des ê
743 soudain considéré comme la situation spirituelle la plus extraordinaire du siècle ! Il est des êtres et des drames dont l
744 e du siècle ! Il est des êtres et des drames dont la vérité n’apparaît que dans cet environnement de lueurs fuyantes, d’ac
745 ne liberté et un danger, une révélation totale de l’ humain dans tous ses risques matériels et spirituels, impossible aille
746 ù tout serait avoué, horreur et charme, à travers la vision d’un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les caf
747 sion d’un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de cette église ouver
748 saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de cette église ouverte, où pas
749 ivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de cette église ouverte, où passe le bruit
750 onsacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de cette église ouverte, où passe le bruit des autobus ;
751 le vois sortant de cette église ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien de ce temple, un samedi soir, où la Saint
752 utobus ; ou bien de ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans un silence de catacombes. Centre du mon
753 tacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la foule et traversant les lieux publics avec cette grande Question qu’i
754 de ! Il s’en va, coudoyant la foule et traversant les lieux publics avec cette grande Question qu’il porte dans son être, e
755 stion qu’il porte dans son être, et qui est aussi la grande réponse ; et les démons s’éveillent sur son passage, il n’y a
756 son être, et qui est aussi la grande réponse ; et les démons s’éveillent sur son passage, il n’y a plus nulle part d’indiff
757 a plus nulle part d’indifférence possible ! Ici, le Christ reste le Scandale, l’Autre, l’Amour qui bouleverse le monde et
758 rt d’indifférence possible ! Ici, le Christ reste le Scandale, l’Autre, l’Amour qui bouleverse le monde et fait surgir des
759 ible ! Ici, le Christ reste le Scandale, l’Autre, l’ Amour qui bouleverse le monde et fait surgir des quotidiennes apparenc
760 este le Scandale, l’Autre, l’Amour qui bouleverse le monde et fait surgir des quotidiennes apparences l’être tou­chant, bi
761 monde et fait surgir des quotidiennes apparences l’ être tou­chant, bizarre ou monstrueux que chacun de nous dissimule. Al
762 x que chacun de nous dissimule. Alors, on verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s
763 l, alors on cesserait de haïr, ou d’être déçu par l’ amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au travers de propos
764 ravers de propos superficiellement passionnés… Et l’ on cesserait aussi de redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans
765 t passionnés… Et l’on cesserait aussi de redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là où chacun livre son v
766 esserait aussi de redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là où chacun livre son vrai combat. III. — P
767 e redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là où chacun livre son vrai combat. III. — Pendant la batail
768 ù chacun livre son vrai combat. III. — Pendant la bataille des Flandres En Suisse, 24 mai 1940. Poste militaire à la
769 dres En Suisse, 24 mai 1940. Poste militaire à la frontière Écouté la radio : opéra de Mozart. Et dans une seule bouffé
770 4 mai 1940. Poste militaire à la frontière Écouté la radio : opéra de Mozart. Et dans une seule bouffée, toutes ces nuits
771 tes passions égarées, musique aux jardins jusqu’à l’ aube… Un quart de tour, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est l
772 ns jusqu’à l’aube… Un quart de tour, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est la fin d’un communiqué, régions perdues
773 our, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est la fin d’un communiqué, régions perdues encore, régions perdues dans le
774 qué, régions perdues encore, régions perdues dans le passé et territoires envahis. Le passé, le présent réduits se rétréci
775 ons perdues dans le passé et territoires envahis. Le passé, le présent réduits se rétrécissent vers la catastrophe. Il n’e
776 s dans le passé et territoires envahis. Le passé, le présent réduits se rétrécissent vers la catastrophe. Il n’est plus d’
777 Le passé, le présent réduits se rétrécissent vers la catastrophe. Il n’est plus d’autre issue que la nuit, mais viendra-t-
778 s la catastrophe. Il n’est plus d’autre issue que la nuit, mais viendra-t-elle après ma mort ou avec elle ? Si c’est avant
779 personne ne peut agir. » C’est quelque part dans l’ Évangile. Ou faudra-t-il enterrer nos secrets, pour d’autres qui peut-
780 d’autres qui peut-être ne viendront jamais ? Car la carte des pays libres, hier encore presque aussi vaste que la terre,
781 pays libres, hier encore presque aussi vaste que la terre, se rétrécit de jour en jour et d’heure en heure, à chaque fois
782 Vaudrait-il mieux qu’alors ? Saurions-nous mieux le vivre, augmenté du souvenir de sa perte ? Mais le passé ne reviendra
783 le vivre, augmenté du souvenir de sa perte ? Mais le passé ne reviendra jamais, ce bon vieux temps que je sentais présent
784 que je sentais présent — un an déjà ! comme dans les chansons — même si la guerre était gagnée, même si demain nous devons
785 — un an déjà ! comme dans les chansons — même si la guerre était gagnée, même si demain nous devons vivre encore… À quoi
786 devons vivre encore… À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont-ils de ces retours soudains vers des moments de tendre
787 qui est vrai, nous allons en désordre au réveil. La mort, le désespoir en plein midi, — ou la reconnaissance de l’unique
788 vrai, nous allons en désordre au réveil. La mort, le désespoir en plein midi, — ou la reconnaissance de l’unique nécessair
789 réveil. La mort, le désespoir en plein midi, — ou la reconnaissance de l’unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de
790 ésespoir en plein midi, — ou la reconnaissance de l’ unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de la radio produisit d
791 reconnaissance de l’unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de la radio produisit durant cette guerre une conséquen
792 unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de la radio produisit durant cette guerre une conséquence fort imprévue : e
793 erre une conséquence fort imprévue : elle empêcha les hommes de se rendre compte de l’ampleur et de la rapidité des bouleve
794  : elle empêcha les hommes de se rendre compte de l’ ampleur et de la rapidité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux moi
795 les hommes de se rendre compte de l’ampleur et de la rapidité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux mois de mai et de j
796 endait répéter constamment : « Je viens d’écouter la radio. Rien de nouveau, toujours les mêmes histoires, pas de décision
797 ens d’écouter la radio. Rien de nouveau, toujours les mêmes histoires, pas de décision… » Le monde était en train de change
798 toujours les mêmes histoires, pas de décision… » Le monde était en train de changer de face d’un jour à l’autre, mais on
799 n de changer de face d’un jour à l’autre, mais on le regardait d’heure en heure, de trop près, on ne le voyait pas… V.
800 e regardait d’heure en heure, de trop près, on ne le voyait pas… V. — Lisbonne 10 septembre 1940 Blanche et bleue da
801 sbonne 10 septembre 1940 Blanche et bleue dans l’ immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claqu
802 e 1940 Blanche et bleue dans l’immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquants et ses rues débo
803 ses drapeaux claquants et ses rues débouchant sur le ciel, la ville aux sept collines oublie la guerre, oublie l’Europe. D
804 aux claquants et ses rues débouchant sur le ciel, la ville aux sept collines oublie la guerre, oublie l’Europe. Dans quatr
805 nt sur le ciel, la ville aux sept collines oublie la guerre, oublie l’Europe. Dans quatre jours, nous embarquons pour l’Am
806 ville aux sept collines oublie la guerre, oublie l’ Europe. Dans quatre jours, nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici,
807 l’Europe. Dans quatre jours, nous embarquons pour l’ Amérique. Mais ici, je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à
808 ous embarquons pour l’Amérique. Mais ici, je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la
809 e fais le serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la Vie, toujours pressée d’imaginer un monde
810 une stricte mémoire à la candeur intarissable de la Vie, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore continu
811 r un monde où tout peut encore continuer. J’ai vu la civilisation frappée au cœur, je l’ai vue chanceler, je sais qu’elle
812 nuer. J’ai vu la civilisation frappée au cœur, je l’ ai vue chanceler, je sais qu’elle peut mourir. J’ai vu la France, comm
813 e chanceler, je sais qu’elle peut mourir. J’ai vu la France, comme un homme qui vient de tomber sur la tête, qui se relève
814 la France, comme un homme qui vient de tomber sur la tête, qui se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t
815 vre ? A-t-il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’ Espagne de cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre en
816 sprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse,
817 de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion des he
818 ue et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant des terres abandonnées
819 rhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’ invasion des herbes sauvages venant des terres abandonnées du Nord, et
820 ’elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les paniques dévastatrices du ve siècle de notre ère. Et je songe au bas
821 ole d’une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut périr. Nous qui sommes encore ép
822 s pas notre délai de grâce ! VI. — Souvenir de la paix française En Amérique, novembre 1940 Périgny… C’était bien ce
823 it bien ce nom-là ? Un long village en bordure de la route. D’un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles
824 n long village en bordure de la route. D’un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine d
825 hamps de roses et des blés, au bord du plateau de la Brie. Je montais vers Périgny par un sentier fort raide entre les ron
826 tais vers Périgny par un sentier fort raide entre les ronces, aboutissant à de vieux escaliers. Une seule rangée de maisons
827 iers. Une seule rangée de maisons à traverser, et l’ on parvient à la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoise
828 rangée de maisons à traverser, et l’on parvient à la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent p
829 n parvient à la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge
830 est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge, patinées par les vents. Rares sont l
831 es ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’ âge, patinées par les vents. Rares sont les boutiques, et même les caf
832 les façades nues, brunies par l’âge, patinées par les vents. Rares sont les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe une
833 ies par l’âge, patinées par les vents. Rares sont les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une de ce
834 par les vents. Rares sont les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une de ces voitures branlantes q
835 branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur les routes écartées, d’une ferme au marché le plus proche. Nulle part au
836 ue sur les routes écartées, d’une ferme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’apparaît si discrète, si pa
837 rme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’apparaît si discrète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là n’e
838 ié des tons et des lignes humaines, humilité sous la douceur du ciel, retrait des âmes dans leur destin. Je longeais cette
839 ermette aux volets pâles, sans adresse, au ras de la plaine. Un peu avant la sortie du village, la rue bifurque : une rout
840 , sans adresse, au ras de la plaine. Un peu avant la sortie du village, la rue bifurque : une route prend à droite, vers l
841 de la plaine. Un peu avant la sortie du village, la rue bifurque : une route prend à droite, vers la plaine, escortée de
842 la rue bifurque : une route prend à droite, vers la plaine, escortée de quelques maisons ; l’autre s’incline lentement ve
843 elques maisons ; l’autre s’incline lentement vers la vallée, dans les vergers. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant s
844 l’autre s’incline lentement vers la vallée, dans les vergers. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant sur le chemin à pr
845 rs. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant sur le chemin à prendre. Et soudain, je vis à mes pieds, tracé à la craie su
846 prendre. Et soudain, je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entourant une inscription en lettre
847 soudain, je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entourant une inscription en lettres capitales b
848 x du village, silence des rues vides ouvertes sur le ciel et sur les blés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’un
849 ilence des rues vides ouvertes sur le ciel et sur les blés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’un secret de pudeu
850 iel et sur les blés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce vill
851 trouve personne. Mais ses outils sont là, contre le mur. Il reprend le chemin de son champ. En passant au carrefour, il s
852 ais ses outils sont là, contre le mur. Il reprend le chemin de son champ. En passant au carrefour, il s’est dit : « Peut-ê
853 l a écrit ces mots. Elle saura bien. Il a rejoint l’ usage du pays, l’intimité des choses de toujours. Et le moindre signe
854 s. Elle saura bien. Il a rejoint l’usage du pays, l’ intimité des choses de toujours. Et le moindre signe suffît. Je suis r
855 ge du pays, l’intimité des choses de toujours. Et le moindre signe suffît. Je suis redescendu vers la vallée de l’Yerre, q
856 le moindre signe suffît. Je suis redescendu vers la vallée de l’Yerre, qui coule entre des saules et des peupliers blancs
857 igne suffît. Je suis redescendu vers la vallée de l’ Yerre, qui coule entre des saules et des peupliers blancs. Il faisait
858 t des peupliers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron de la route sentait plus fort que les champs de roses, et des
859 s blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron de la route sentait plus fort que les champs de roses, et des nuages noirs
860 oux, le goudron de la route sentait plus fort que les champs de roses, et des nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai
861 amps de roses, et des nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai su, plus tard, que ce jour-là, j’avais fait mes adieux
862 s tard, que ce jour-là, j’avais fait mes adieux à la France. VII. — Mémoire de l’Europe 1943 Je ne savais pas que to
863 fait mes adieux à la France. VII. — Mémoire de l’ Europe 1943 Je ne savais pas que tout était si près là-bas. J’étais
864 étais baigné. J’étais fondé. Et je marchais parmi les signes. Sédiments séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l
865 séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l’ on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces
866 numents que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’ écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers un
867 etrouvais… « Je t’aime. J’aime ! » J’ai tout dit. L’ Europe était patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence était pro
868 ! » J’ai tout dit. L’Europe était patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence était profonde, et chaque être présent q
869 urope était patrie d’amour. Le silence attendait, l’ absence était profonde, et chaque être présent questionnait, répondait
870 , et chaque être présent questionnait, répondait. La force était au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obs
871 ée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la contemplation jalouse d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps
872 jà du temps de notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fre
873 ion la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée q
874 au silence. La force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée qui se liait aux autres… (Quand ta forc
875 res… (Quand ta force devient visible, c’est comme le sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va). La force était mémoire
876 le sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va). La force était mémoire et allusion, elle était ce vieil arbre tenace. El
877 ion, elle était ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en
878 t ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle
879 ait la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… Q
880 ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que
881 ’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’ amour… Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est
882 pudeurs de l’amour… Quand je me souviens — c’est l’ Europe. Parce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su
883 Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’ Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant
884 souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant de passé, et
885 n vie tant de passé, et garder tant de morts dans la présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir.
886 d’avenir. h. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’ Europe », Revue de la pensée française, New York, septembre 1943, p. 2
887 emont Denis de, « Mémoire de l’Europe », Revue de la pensée française, New York, septembre 1943, p. 22-29.
8 1944, Articles divers (1941-1946). Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)
888 Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)k Autrefois et naguère encore, avant l’occup
889 rier 1944)k Autrefois et naguère encore, avant l’ occupation allemande, les étrangers qui n’avaient pas voyagé en France
890 et naguère encore, avant l’occupation allemande, les étrangers qui n’avaient pas voyagé en France, ou ceux qui n’avaient v
891 as voyagé en France, ou ceux qui n’avaient vu que les lieux de plaisir de la capitale, connaissaient et jugeaient la France
892 ceux qui n’avaient vu que les lieux de plaisir de la capitale, connaissaient et jugeaient la France par ses vedettes. À le
893 laisir de la capitale, connaissaient et jugeaient la France par ses vedettes. À leurs yeux, tout Français devait ressemble
894 bler aux types d’humanité que représentaient dans le monde les acteurs à succès, les écrivains célèbres, les modèles des g
895 types d’humanité que représentaient dans le monde les acteurs à succès, les écrivains célèbres, les modèles des grands cout
896 eprésentaient dans le monde les acteurs à succès, les écrivains célèbres, les modèles des grands couturiers, ou même les ch
897 nde les acteurs à succès, les écrivains célèbres, les modèles des grands couturiers, ou même les chefs cuisiniers des palac
898 èbres, les modèles des grands couturiers, ou même les chefs cuisiniers des palaces internationaux. Le mot Français évoquait
899 les chefs cuisiniers des palaces internationaux. Le mot Français évoquait aussitôt l’image d’une moustache à la Menjou et
900 internationaux. Le mot Français évoquait aussitôt l’ image d’une moustache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie, d’un s
901 nçais évoquait aussitôt l’image d’une moustache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie, d’un sourire charmeur à la Charl
902 ’une boutonnière fleurie, d’un sourire charmeur à la Charles Boyer, l’aimable scepticisme d’un Anatole France, l’élégance
903 leurie, d’un sourire charmeur à la Charles Boyer, l’ aimable scepticisme d’un Anatole France, l’élégance d’une ligne parisi
904 Boyer, l’aimable scepticisme d’un Anatole France, l’ élégance d’une ligne parisienne, l’étiquette d’un bourgogne fameux pré
905 natole France, l’élégance d’une ligne parisienne, l’ étiquette d’un bourgogne fameux présenté par le maître d’hôtel. Tout c
906 e, l’étiquette d’un bourgogne fameux présenté par le maître d’hôtel. Tout cela c’était le cliché « France ». C’était charm
907 présenté par le maître d’hôtel. Tout cela c’était le cliché « France ». C’était charmant, c’était piquant, indéfinissablem
908 c’était piquant, indéfinissablement féminin comme le sont la plupart des vedettes. Mais où était dans tout cela le vrai pe
909 lupart des vedettes. Mais où était dans tout cela le vrai peuple de la vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est l
910 s. Mais où était dans tout cela le vrai peuple de la vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est le malheur le plus
911 vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est le malheur le plus affreux de son Histoire qui le révèle au monde, aujou
912 e ? Ce peuple naguère invisible, c’est le malheur le plus affreux de son Histoire qui le révèle au monde, aujourd’hui, dan
913 st le malheur le plus affreux de son Histoire qui le révèle au monde, aujourd’hui, dans sa véritable grandeur. Les journau
914 u monde, aujourd’hui, dans sa véritable grandeur. Les journaux qui nous apportent des nouvelles de la résistance à l’intéri
915 Les journaux qui nous apportent des nouvelles de la résistance à l’intérieur du pays occupé nous parlent du peuple de Fra
916 i nous apportent des nouvelles de la résistance à l’ intérieur du pays occupé nous parlent du peuple de France ; les récits
917 du pays occupé nous parlent du peuple de France ; les récits et les témoignages qui ont été publiés secrètement par les mou
918 nous parlent du peuple de France ; les récits et les témoignages qui ont été publiés secrètement par les mouvements de rés
919 s témoignages qui ont été publiés secrètement par les mouvements de résistance et qui parviennent sous nos yeux nous parlen
920 us nos yeux nous parlent du peuple de France ; et les films composés à Hollywood ou à Londres sur l’organisation de la rési
921 t les films composés à Hollywood ou à Londres sur l’ organisation de la résistance à Paris ou en province, ne nous montrent
922 és à Hollywood ou à Londres sur l’organisation de la résistance à Paris ou en province, ne nous montrent encore que le peu
923 Paris ou en province, ne nous montrent encore que le peuple de France, pour la première fois. Le peuple anonyme, le peuple
924 e que le peuple de France, pour la première fois. Le peuple anonyme, le peuple unanime, le peuple sans vedettes et le voic
925 France, pour la première fois. Le peuple anonyme, le peuple unanime, le peuple sans vedettes et le voici enfin devenu la v
926 mière fois. Le peuple anonyme, le peuple unanime, le peuple sans vedettes et le voici enfin devenu la vraie vedette, malgr
927 me, le peuple unanime, le peuple sans vedettes et le voici enfin devenu la vraie vedette, malgré lui, de la France et de s
928 le peuple sans vedettes et le voici enfin devenu la vraie vedette, malgré lui, de la France et de sa résistance. J’ai vu
929 ici enfin devenu la vraie vedette, malgré lui, de la France et de sa résistance. J’ai vu à New York la plupart de ces film
930 tent leur sujet à certains épisodes véridiques de la lutte contre l’envahisseur. Paris calling, Croix de Lorraine, Assignm
931 à certains épisodes véridiques de la lutte contre l’ envahisseur. Paris calling, Croix de Lorraine, Assignment in Brittany,
932 rittany, et je cite au hasard, il y en a tant. Je les ai vus avec des amis, tantôt américains, tantôt français. Les Françai
933 vec des amis, tantôt américains, tantôt français. Les Français critiquaient beaucoup. Le décor était inexact, les situation
934 tôt français. Les Français critiquaient beaucoup. Le décor était inexact, les situations pas toujours vraisemblables, les
935 is critiquaient beaucoup. Le décor était inexact, les situations pas toujours vraisemblables, les traîtres trop conventionn
936 xact, les situations pas toujours vraisemblables, les traîtres trop conventionnels, et finalement l’inévitable raid de comm
937 , les traîtres trop conventionnels, et finalement l’ inévitable raid de commandos sauvait tout le monde comme dans les cont
938 aid de commandos sauvait tout le monde comme dans les contes de fées. Mais je regardais mes amis du coin de l’œil : en crit
939 ls exultaient de confiance, en crescendo, jusqu’à la « Marseillaise » finale. On peut penser tout ce que l’on veut de ces
940 Marseillaise » finale. On peut penser tout ce que l’ on veut de ces films, du pire au bien ; j’en retiens pour ma part qu’i
941 retiens pour ma part qu’ils nous présentent enfin le petit peuple français comme le grand héros de la France. Soudain, l’é
942 s présentent enfin le petit peuple français comme le grand héros de la France. Soudain, l’étranger s’aperçoit d’une vérité
943 le petit peuple français comme le grand héros de la France. Soudain, l’étranger s’aperçoit d’une vérité aussi vieille que
944 nçais comme le grand héros de la France. Soudain, l’ étranger s’aperçoit d’une vérité aussi vieille que l’Europe mais const
945 tranger s’aperçoit d’une vérité aussi vieille que l’ Europe mais constamment méconnue ou niée, et souvent par la faute des
946 mais constamment méconnue ou niée, et souvent par la faute des élites parisiennes : le peuple de France est grave, ou plus
947 et souvent par la faute des élites parisiennes : le peuple de France est grave, ou plus exactement il est sérieux. Il n’e
948 t cela qu’en second lieu, et comme par luxe. Dans le fond et d’abord, il est sérieux, plus qu’aucun autre peuple dont j’ai
949 rieux, plus qu’aucun autre peuple dont j’aie vécu la vie. Seulement, il est sérieux sans pose, avec pudeur, préférant affe
950 érieux sans pose, avec pudeur, préférant affecter la blague et le scepticisme plutôt que de paraître exagérer sa peine. Ca
951 ose, avec pudeur, préférant affecter la blague et le scepticisme plutôt que de paraître exagérer sa peine. Car il pense d’
952 est exagéré n’est pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans les films que je citais, et dans les témoignages directs v
953 est pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans les films que je citais, et dans les témoignages directs venus de France
954 pe le plus, dans les films que je citais, et dans les témoignages directs venus de France sur la lutte contre les nazis, c’
955 dans les témoignages directs venus de France sur la lutte contre les nazis, c’est l’absence de grands gestes théâtraux, l
956 nages directs venus de France sur la lutte contre les nazis, c’est l’absence de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à
957 us de France sur la lutte contre les nazis, c’est l’ absence de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à l’éloquence tra
958 azis, c’est l’absence de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à l’éloquence traditionnelle, le refus même de se compl
959 ce de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à l’ éloquence traditionnelle, le refus même de se complaire dans le lyrism
960 x, la sourdine mise à l’éloquence traditionnelle, le refus même de se complaire dans le lyrisme de la catastrophe ; c’est
961 raditionnelle, le refus même de se complaire dans le lyrisme de la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’hér
962 le refus même de se complaire dans le lyrisme de la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’héroïsme populair
963 lyrisme de la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’héroïsme populaire. Ce peuple en noir au regard vif s’es
964 catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’ héroïsme populaire. Ce peuple en noir au regard vif s’est révélé face
965 te avec sa dignité impénétrable aux tentations de la Brute. On avait dit aux jeunes nazis qu’ils allaient conquérir un pay
966 x. Après quelques semaines en territoire conquis, l’ Allemand s’est senti dominé par une force étrange et qui l’intimidait 
967 d s’est senti dominé par une force étrange et qui l’ intimidait : le regard sérieux de l’homme et de la femme du peuple, ce
968 ominé par une force étrange et qui l’intimidait : le regard sérieux de l’homme et de la femme du peuple, ce jugement préci
969 trange et qui l’intimidait : le regard sérieux de l’ homme et de la femme du peuple, ce jugement précis et humain, bien plu
970 l’intimidait : le regard sérieux de l’homme et de la femme du peuple, ce jugement précis et humain, bien plus insupportabl
971 récis et humain, bien plus insupportable que tous les cris de haines. Ils ne savaient pas cela, les jeunes Allemands, on ne
972 ous les cris de haines. Ils ne savaient pas cela, les jeunes Allemands, on ne leur avait jamais parlé du vrai peuple de la
973 , on ne leur avait jamais parlé du vrai peuple de la vraie France. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec une
974 rai peuple de la vraie France. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec une rage panique ; ils continuent, mais
975 a vraie France. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec une rage panique ; ils continuent, mais ils se savent b
976 . Rougemont Denis de, « Un peuple se révèle dans le malheur », Fontaine, Alger, février 1944, p. 353-354.
9 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
977 j Un critique. J’ai lu vos deux dialogues sur la carte postale6, je les aime bien… Enfin il n’est pas exact que je les
978 i lu vos deux dialogues sur la carte postale6, je les aime bien… Enfin il n’est pas exact que je les aime bien. Ils m’irrit
979 je les aime bien… Enfin il n’est pas exact que je les aime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais je ne les oublie pas.7
980 ime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais je ne les oublie pas.7 L’auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre. Il
981 itent et m’agacent. Mais je ne les oublie pas.7 L’ auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre. Il me semble parfois
982 ’agacent. Mais je ne les oublie pas.7 L’auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’e
983 lie pas.7 L’auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’est pas de louange préférable
984 n me fasse grief de mes écrits. J’y voudrais voir la preuve d’une certaine grièveté qu’ils présentent, comme cela se dit d
985 ls présentent, comme cela se dit d’une blessure… Le critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument d’une exagération de m
986 u’à mon sens vous n’êtes pas encore assez clair. L’ auteur. Et pourquoi je vous prie, être clair ? Vous n’allez pas me dir
987 , être clair ? Vous n’allez pas me dire que c’est la bonne manière de se faire comprendre ? Le critique. On voudrait être
988 c’est la bonne manière de se faire comprendre ? Le critique. On voudrait être sûr que vous vous comprenez assez. L’aute
989 voudrait être sûr que vous vous comprenez assez. L’ auteur. Assez pour quoi ? C. Assez pour n’être point la dupe de vos p
990 ur. Assez pour quoi ? C. Assez pour n’être point la dupe de vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’est pas jou
991 ce n’est pas jouer du violon. Tout d’un coup vous le prenez à double corde, et l’on distingue mal les passages, vous chang
992 Tout d’un coup vous le prenez à double corde, et l’ on distingue mal les passages, vous changez de ton et l’on voudrait sa
993 s le prenez à double corde, et l’on distingue mal les passages, vous changez de ton et l’on voudrait savoir que vous le sav
994 istingue mal les passages, vous changez de ton et l’ on voudrait savoir que vous le savez… Il me semble que vous manquez de
995 s changez de ton et l’on voudrait savoir que vous le savez… Il me semble que vous manquez de méchanceté pour vos idées. El
996 . Elles vous séduisent de loin et quand vous nous les présentez, elles ont déjà votre complicité, je ne sais quel air de pa
997 avouable ? C. Certes, mais il faudrait composer les entrées. Il faudrait nous persuader que vos goûts sont bien des raiso
998 s raisons sont les nôtres. Ou bien vous faites de la poésie, et alors vous jouez sur des surprises, ou bien vous nous parl
999 t que nous pensions à chaque instant : « j’allais le dire ! » Mais ne mêlez pas tout, sinon l’on soupçonnera quelque trich
1000 ’allais le dire ! » Mais ne mêlez pas tout, sinon l’ on soupçonnera quelque tricherie. A. Voulez-vous que nous parlions de
1001 e tricherie. A. Voulez-vous que nous parlions de la clarté ? Je crois deviner que cela nous ramènera dans les environs du
1002 té ? Je crois deviner que cela nous ramènera dans les environs du sujet de mes deux précédents dialogues. C. Du moins sere
1003 er maintenant à votre réflexion méfiante. Si vous le permettez, je m’offrirai le ridicule de défendre mon propre point de
1004 ion méfiante. Si vous le permettez, je m’offrirai le ridicule de défendre mon propre point de vue. Il se peut que cette ma
1005 ’est-ce qu’être clair, à votre avis ? A. Dès que l’ on pose cette question, il me semble qu’on se voit condamné à des répo
1006 s ou plates ou mystérieuses. Ne serait-ce pas que la clarté n’est qu’une convention de langage ? J’entends : un mot de pas
1007 ntion de langage ? J’entends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage… C. Hé quoi ! vous
1008 e de la tribu, ou une espèce de style garanti par l’ usage… C. Hé quoi ! vous savez bien que tout notre langage est un sys
1009 ntifique, qui se distingue du langage courant par le souci de contrôler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode
1010 e contrôler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode d’expression possible. C. Précisément je souhaitais de vou
1011 es ! Mais il faudrait s’entendre tout d’abord sur la nécessité de cette clarté. Pour ma part je ne saurais concevoir ni re
1012 d’autre nécessité en général que celle qu’impose la fin de toute pensée. C. Restons, si vous le voulez, sur le plan du l
1013 pose la fin de toute pensée. C. Restons, si vous le voulez, sur le plan du langage. N’est-ce pas la cohérence des raisons
1014 s le voulez, sur le plan du langage. N’est-ce pas la cohérence des raisons et à la fois l’exact ajustement de ces raisons
1015 ’est-ce pas la cohérence des raisons et à la fois l’ exact ajustement de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de
1016 et à la fois l’exact ajustement de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’expression ? A. Oui, dans un mond
1017 tement de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’expression ? A. Oui, dans un monde cartésien, c’est-à-dire
1018 ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’ expression ? A. Oui, dans un monde cartésien, c’est-à-dire dans le mo
1019 . Oui, dans un monde cartésien, c’est-à-dire dans le monde du discours. Car le Discours de la méthode ne définit en somme
1020 sien, c’est-à-dire dans le monde du discours. Car le Discours de la méthode ne définit en somme qu’une méthode du discours
1021 ire dans le monde du discours. Car le Discours de la méthode ne définit en somme qu’une méthode du discours. La fin derniè
1022 e ne définit en somme qu’une méthode du discours. La fin dernière d’un discours n’est autre que la cohérence, la vérité el
1023 rs. La fin dernière d’un discours n’est autre que la cohérence, la vérité elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de
1024 nière d’un discours n’est autre que la cohérence, la vérité elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de l’enchaînement
1025 ence, la vérité elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de l’enchaînement des phrases. Autrement dit, le discours car
1026 é elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de l’ enchaînement des phrases. Autrement dit, le discours cartésien n’a pas
1027 que de l’enchaînement des phrases. Autrement dit, le discours cartésien n’a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part
1028 clair et facile, et sa marche est une déduction. La convention d’un tel langage, est que tout est donné au départ, et qu’
1029 épart, et qu’il s’agit de ne rien introduire dans la chaîne des arguments qui n’ait été d’abord jaugé, chiffré, et défini
1030 l me semble qu’il faut y voir une garantie contre les illusions de la rhétorique flamboyante. Le romantisme a pu s’impatien
1031 faut y voir une garantie contre les illusions de la rhétorique flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter d’une allure
1032 ontre les illusions de la rhétorique flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter d’une allure aussi scrupuleuse, mais c’
1033 ’une allure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper et de tromper. A. Pour moi, je crains une duperie
1034 Pour moi, je crains une duperie moins naïve dans la modestie cartésienne. Car enfin où prend-on dans le monde rien qui so
1035 modestie cartésienne. Car enfin où prend-on dans le monde rien qui soit « clair, simple et facile » en soi ? Le monde dan
1036 ien qui soit « clair, simple et facile » en soi ? Le monde dans lequel nous vivons et parlons n’est-il pas, comme l’a dit
1037 lequel nous vivons et parlons n’est-il pas, comme l’ a dit un Russe « le monde de l’imprécis et du non résolu » ? Ou comme
1038 et parlons n’est-il pas, comme l’a dit un Russe «  le monde de l’imprécis et du non résolu » ? Ou comme l’écrit Descartes l
1039 ’est-il pas, comme l’a dit un Russe « le monde de l’ imprécis et du non résolu » ? Ou comme l’écrit Descartes lui-même, le
1040 monde de l’imprécis et du non résolu » ? Ou comme l’ écrit Descartes lui-même, le monde des choses « mal compassées » ? L’a
1041 n résolu » ? Ou comme l’écrit Descartes lui-même, le monde des choses « mal compassées » ? L’application d’une raison sans
1042 ui-même, le monde des choses « mal compassées » ? L’ application d’une raison sans parti pris à ce monde tel qu’il est donn
1043 n’a-t-elle pas pour effet immédiat de multiplier le mystère et les absurdités logiques ? Voyez Kafka… Je me demande alors
1044 s pour effet immédiat de multiplier le mystère et les absurdités logiques ? Voyez Kafka… Je me demande alors si le cartésia
1045 és logiques ? Voyez Kafka… Je me demande alors si le cartésianisme ne nous a pas trompés une fois pour toutes, à l’origine
1046 sme ne nous a pas trompés une fois pour toutes, à l’ origine, en décrétant — au nom de quoi, je vous en prie ? — la clarté
1047 n décrétant — au nom de quoi, je vous en prie ? —  la clarté et la simplicité d’un certain nombre de postulats abstraits. M
1048 au nom de quoi, je vous en prie ? — la clarté et la simplicité d’un certain nombre de postulats abstraits. Ma méfiance po
1049 bre de postulats abstraits. Ma méfiance porte sur l’ arrière-pensée qui présida au choix de ces données dites premières. En
1050 ères. Encore n’est-il pas exact de recourir ici à l’ expression d’arrière-pensée. C’est sans doute une « arrière-image » qu
1051 de vous demander de préciser ? A. J’essaierai de le faire par un exemple. La méthode inventée par Descartes est donc deve
1052 ser ? A. J’essaierai de le faire par un exemple. La méthode inventée par Descartes est donc devenue celle de la science.
1053 inventée par Descartes est donc devenue celle de la science. C’est elle dont usent nos physiciens, chimistes et mathémati
1054 n. Mais comment obtiennent-ils ces formules ? Par l’ examen des nombres qui résument leurs expériences, dira-t-on. Je n’en
1055 e analyse un certain nombre de phrases traduisant les résultats acquis. Or ces phrases ont été choisies par le savant en ve
1056 ltats acquis. Or ces phrases ont été choisies par le savant en vertu d’une double exigence : d’une part elles doivent perm
1057 espèce de symbolisme abstrait — si j’ose dire — à la formule mathématique ; d’autre part, et voilà qui est remarquable, il
1058 posent un discours cohérent sur des propriétés de la matière. Et ce discours n’est qu’un certain système d’images. S’il se
1059 hérence, c’est-à-dire par cette volonté d’exclure les sens ordinairement contradictoires des mots. Ainsi les lois formulées
1060 ens ordinairement contradictoires des mots. Ainsi les lois formulées par la science, ces modèles d’expression claire, se ré
1061 adictoires des mots. Ainsi les lois formulées par la science, ces modèles d’expression claire, se réfèrent en réalité à de
1062 procédé est sans danger quand il est appliqué par les savants, la science légale n’étant, c’est entendu, qu’une manière de
1063 ans danger quand il est appliqué par les savants, la science légale n’étant, c’est entendu, qu’une manière de parler du ré
1064 ère de parler du réel, et sans cesse corrigée par les faits. Mais où je crie à la tricherie, c’est quand le philosophe ou l
1065 s cesse corrigée par les faits. Mais où je crie à la tricherie, c’est quand le philosophe ou l’essayiste, séduits par la c
1066 aits. Mais où je crie à la tricherie, c’est quand le philosophe ou l’essayiste, séduits par la clarté axiomatique, prétend
1067 crie à la tricherie, c’est quand le philosophe ou l’ essayiste, séduits par la clarté axiomatique, prétendent partir de vér
1068 t quand le philosophe ou l’essayiste, séduits par la clarté axiomatique, prétendent partir de vérités élémentaires qui ne
1069 e langage. Je voudrais dire cela plus simplement… La tricherie d’une déduction claire consiste en ce qu’elle prétend parti
1070 partir d’un nombre limité de faits acquis, quand le tout, quand la fin nous échappent ! Comme s’il était licite, et même
1071 mbre limité de faits acquis, quand le tout, quand la fin nous échappent ! Comme s’il était licite, et même possible, de pa
1072 me possible, de partir de certains éléments et de les déclarer connus, quand on ignore méthodiquement l’ensemble dont ils d
1073 s déclarer connus, quand on ignore méthodiquement l’ ensemble dont ils dépendent et qui est leur seule mesure. C. J’avoue
1074 ecours aux formes du langage courant. A. Prenons la 3e règle de sa méthode : « Conduire par ordre mes pensées en commença
1075  Conduire par ordre mes pensées en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître. » Voilà qui pa
1076 ar ordre mes pensées en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître. » Voilà qui paraît clair,
1077 en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître. » Voilà qui paraît clair, j’entends conforme
1078 mun. Je distingue pourtant, derrière ce jugement, la plus étrange illusion de l’esprit : c’est une maxime populaire. On la
1079 derrière ce jugement, la plus étrange illusion de l’ esprit : c’est une maxime populaire. On la tient pour tellement éviden
1080 sion de l’esprit : c’est une maxime populaire. On la tient pour tellement évidente que son rappel, au cours d’une discussi
1081 sque une insolence. Cette maxime affirme en effet la nécessité générale de « commencer par le commencement ». Descartes qu
1082 en effet la nécessité générale de « commencer par le commencement ». Descartes qui vient d’assimiler sans sourciller la si
1083 . Descartes qui vient d’assimiler sans sourciller la simplicité d’un objet avec l’aisance à le connaître — c’est encore un
1084 ler sans sourciller la simplicité d’un objet avec l’ aisance à le connaître — c’est encore un tour du langage — ne va pas r
1085 rciller la simplicité d’un objet avec l’aisance à le connaître — c’est encore un tour du langage — ne va pas reculer devan
1086 pas reculer devant cet autre exploit : poser que le plus simple est aussi le plus proche, et qu’il faut commencer par là.
1087 utre exploit : poser que le plus simple est aussi le plus proche, et qu’il faut commencer par là. C’est sans doute le plus
1088 et qu’il faut commencer par là. C’est sans doute le plus mauvais tour qu’on ait joué aux écrivains d’idées ! Commencer pa
1089 on ait joué aux écrivains d’idées ! Commencer par le commencement ! Aller du simple au compliqué ! Que cela paraît plein d
1090 u compliqué ! Que cela paraît plein de bon sens ! Le beau cliché, la belle absurdité, la magnifique carte postale ! S’il e
1091 e cela paraît plein de bon sens ! Le beau cliché, la belle absurdité, la magnifique carte postale ! S’il est une chose que
1092 de bon sens ! Le beau cliché, la belle absurdité, la magnifique carte postale ! S’il est une chose que l’expérience humain
1093 magnifique carte postale ! S’il est une chose que l’ expérience humaine me paraît avoir établie — je dirais : pour l’éterni
1094 umaine me paraît avoir établie — je dirais : pour l’ éternité ! — c’est bien qu’il faut toujours commencer par la fin, par
1095  ! — c’est bien qu’il faut toujours commencer par la fin, par la vision totale, par la révélation des fins dernières. On n
1096 ien qu’il faut toujours commencer par la fin, par la vision totale, par la révélation des fins dernières. On ne peut conna
1097 s commencer par la fin, par la vision totale, par la révélation des fins dernières. On ne peut connaître les parties que p
1098 vélation des fins dernières. On ne peut connaître les parties que par le tout, et non l’inverse. C. J’observe une fois de
1099 rnières. On ne peut connaître les parties que par le tout, et non l’inverse. C. J’observe une fois de plus avec curiosité
1100 eut connaître les parties que par le tout, et non l’ inverse. C. J’observe une fois de plus avec curiosité le glissement q
1101 se. C. J’observe une fois de plus avec curiosité le glissement qui s’opère dans vos propos : je vois que vous allez passe
1102 trangère. Vous parliez d’une vision totale ?… A. L’ expression vous apparaît privée de sens ? Mesurez donc, une bonne fois
1103 vée de sens ? Mesurez donc, une bonne fois, toute l’ ampleur de ma déraison. Laissez-moi parler sans contrainte mon sabir e
1104 inte mon sabir eschatologique. Je disais donc que la déduction cartésienne travaille sur des cartes postales. Elle dispose
1105 re ses repères, et puis s’ébranle à reculons vers l’ inconnu, les yeux toujours fixés sur son jeu d’évidences. On conçoit d
1106 res, et puis s’ébranle à reculons vers l’inconnu, les yeux toujours fixés sur son jeu d’évidences. On conçoit dès lors qu’e
1107 tellement de précautions, vérifiant à chaque pas le chemin parcouru : elle ignore tout de son but et tiendrait même pour
1108 ut et tiendrait même pour une prévention fâcheuse la croyance que ce but existe en tout état de cause. Pour moi, c’est pre
1109 te en tout état de cause. Pour moi, c’est presque le contraire. Voilà : — Je sais que je suis dans la nuit. Je ne puis mar
1110 le contraire. Voilà : — Je sais que je suis dans la nuit. Je ne puis marcher que dans la confusion. Mais, si je marche ce
1111 je suis dans la nuit. Je ne puis marcher que dans la confusion. Mais, si je marche cependant, c’est qu’à certains moments
1112 he cependant, c’est qu’à certains moments j’ai vu le but. — J’ai cru le voir… C’est une vision illuminante, instantanée, d
1113 qu’à certains moments j’ai vu le but. — J’ai cru le voir… C’est une vision illuminante, instantanée, dont la trace ne tar
1114 … C’est une vision illuminante, instantanée, dont la trace ne tarde pas à s’évanouir dans mes yeux Cela suffit pourtant à
1115 yeux Cela suffit pourtant à guider quelques pas. Les autres, je les risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou du pr
1116 it pourtant à guider quelques pas. Les autres, je les risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou du pressentiment, so
1117 ider quelques pas. Les autres, je les risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou du pressentiment, soutenu par l’esp
1118 s. Les autres, je les risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir d’une vision
1119 es, je les risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir d’une vision renouvelée
1120 a nuit de la foi ou du pressentiment, soutenu par l’ espoir d’une vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation de ma dém
1121 utenu par l’espoir d’une vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation de ma démarche, et c’est pourquoi je vous disais
1122 l’espoir d’une vision renouvelée. Voilà le sens, l’ orientation de ma démarche, et c’est pourquoi je vous disais qu’on ne
1123 e, et c’est pourquoi je vous disais qu’on ne peut la comprendre qu’à partir de son but. Il est très juste qu’elle paraisse
1124 but. Il est très juste qu’elle paraisse absurde à l’ observateur raisonnable. C. Le propre d’une vision pareille, c’est qu
1125 paraisse absurde à l’observateur raisonnable. C. Le propre d’une vision pareille, c’est qu’elle est incommunicable, j’ima
1126 eux dire à sa plénitude instantanée qui décourage l’ analyse. Vous ne donnerez pas la sensation du blanc en décrivant les s
1127 née qui décourage l’analyse. Vous ne donnerez pas la sensation du blanc en décrivant les sept couleurs. C’est pourquoi le
1128 e donnerez pas la sensation du blanc en décrivant les sept couleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s
1129 nc en décrivant les sept couleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument
1130 t les sept couleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument inexplicable,
1131 urs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument inexplicable, et évident. Il n
1132 e significative du tout, et de chaque partie dans le tout. Bien entendu, je ne puis avancer aucun exemple d’une telle perf
1133 r cette limite pour éclairer — précisément — tout l’ entre-deux, la pénombre de ce débat. Je vois maintenant deux espèces d
1134 pour éclairer — précisément — tout l’entre-deux, la pénombre de ce débat. Je vois maintenant deux espèces de langage. Ram
1135 vois maintenant deux espèces de langage. Ramenons- les pour simplifier à deux modes d’expression également rigoureuse et pou
1136 tant exclusifs l’un de l’autre. Le premier serait la loi scientifique. Ses conventions sont la clarté et l’absence de cont
1137 serait la loi scientifique. Ses conventions sont la clarté et l’absence de contradiction. La seconde forme d’expression,
1138 i scientifique. Ses conventions sont la clarté et l’ absence de contradiction. La seconde forme d’expression, ce serait cel
1139 it celle dont j’essayais de vous faire pressentir la limite, en parlant d’un langage inexplicable et pourtant évident. C’e
1140 inexplicable et pourtant évident. C’est peut-être le verbe impliquer qui distinguera le mieux cette forme-là de la premièr
1141 ’est peut-être le verbe impliquer qui distinguera le mieux cette forme-là de la première, dont l’office est évidemment d’e
1142 uera le mieux cette forme-là de la première, dont l’ office est évidemment d’expliquer. Oui, cette opposition va nous aider
1143 . Oui, cette opposition va nous aider : impliquer le réel comme tel, et non pas expliquer certaines manières de le réduire
1144 e tel, et non pas expliquer certaines manières de le réduire aux exigences d’un discours cohérent — voilà sans doute le rô
1145 igences d’un discours cohérent — voilà sans doute le rôle du langage parabolique… De là vient son obscurité. Parler en par
1146 n fait ou des idées, en tenant compte du tout qui les englobe. Ou c’est encore se garder avec soin de les définir autrement
1147 s englobe. Ou c’est encore se garder avec soin de les définir autrement qu’en vue de cette fin dernière vers quoi l’on tend
1148 trement qu’en vue de cette fin dernière vers quoi l’ on tend. Le langage cartésien ou scientifique cherche à réduire les fa
1149 en vue de cette fin dernière vers quoi l’on tend. Le langage cartésien ou scientifique cherche à réduire les faits ou les
1150 ngage cartésien ou scientifique cherche à réduire les faits ou les idées à quelques éléments isolés de mesure. Il s’organis
1151 en ou scientifique cherche à réduire les faits ou les idées à quelques éléments isolés de mesure. Il s’organise tout nature
1152 on. C’est à partir du terme, encore une fois, que les contradictions s’éclairent et se résolvent, et non pas à partir d’élé
1153 s à partir d’éléments que j’aurais distingués dès le départ. Une parabole se comprend par la fin. Comme l’expédition de Co
1154 ngués dès le départ. Une parabole se comprend par la fin. Comme l’expédition de Colomb partant pour reconnaître une Amériq
1155 épart. Une parabole se comprend par la fin. Comme l’ expédition de Colomb partant pour reconnaître une Amérique de vision.
1156 de vision. Et cette fin, ce terme, ce télos, tous les hiatus, toutes les obscurités, tous les paralogismes du langage doive
1157 fin, ce terme, ce télos, tous les hiatus, toutes les obscurités, tous les paralogismes du langage doivent l’indiquer comme
1158 los, tous les hiatus, toutes les obscurités, tous les paralogismes du langage doivent l’indiquer comme au-delà d’eux-mêmes…
1159 curités, tous les paralogismes du langage doivent l’ indiquer comme au-delà d’eux-mêmes… ce que ne sauraient faire des argu
1160 nt faire des arguments toujours fondés sur ce qui les précède. Voilà pourquoi le discours d’un prophète est le contraire d’
1161 urs fondés sur ce qui les précède. Voilà pourquoi le discours d’un prophète est le contraire d’un discours. L’événement se
1162 ède. Voilà pourquoi le discours d’un prophète est le contraire d’un discours. L’événement seul lui rendra sa raison. Ainsi
1163 urs d’un prophète est le contraire d’un discours. L’ événement seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole est une énigme
1164 urs. L’événement seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole est une énigme dont le sens est dans la vision. C. Comment
1165 sa raison. Ainsi la parabole est une énigme dont le sens est dans la vision. C. Comment expliquez-vous le plaisir que je
1166 la parabole est une énigme dont le sens est dans la vision. C. Comment expliquez-vous le plaisir que je prends à la lect
1167 ns est dans la vision. C. Comment expliquez-vous le plaisir que je prends à la lecture de certaines paraboles dont le sen
1168 Comment expliquez-vous le plaisir que je prends à la lecture de certaines paraboles dont le sens eschatologique m’échappe,
1169 e prends à la lecture de certaines paraboles dont le sens eschatologique m’échappe, je le suppose, absolument ? A. Je dem
1170 raboles dont le sens eschatologique m’échappe, je le suppose, absolument ? A. Je demandais un jour à une petite-fille pou
1171 ples, sachant qu’ils ne comprendraient pas. Voici la réponse qu’elle me fit : Jésus racontait des histoires pour qu’ils s’
1172 ils s’en souviennent mieux plus tard. C’est comme les noix qui ont une coquille très dure. On peut les emporter sans qu’ell
1173 les noix qui ont une coquille très dure. On peut les emporter sans qu’elles se gâtent, et quand on a faim, on les ouvre.
1174 r sans qu’elles se gâtent, et quand on a faim, on les ouvre. C. Encore une petite question, voulez-vous ? Qui a le droit d
1175 . Encore une petite question, voulez-vous ? Qui a le droit de parler en paraboles, et d’être obscur à la manière des proph
1176 et d’être obscur à la manière des prophètes ? A. Le droit ? Personne, bien sûr ! Personne n’a aucun droit de ce genre, si
1177 en sûr ! Personne n’a aucun droit de ce genre, si l’ on nomme droit la garantie formelle d’un usage. Mais il arrive assez s
1178 n’a aucun droit de ce genre, si l’on nomme droit la garantie formelle d’un usage. Mais il arrive assez souvent que l’on o
1179 elle d’un usage. Mais il arrive assez souvent que l’ on oublie les grandes et graves raisons qu’il y a de se taire, ou de p
1180 age. Mais il arrive assez souvent que l’on oublie les grandes et graves raisons qu’il y a de se taire, ou de parler seuleme
1181 ’il y a de se taire, ou de parler seulement selon le droit et la décence, en toute clarté. Il arrive que certains furieux,
1182 e taire, ou de parler seulement selon le droit et la décence, en toute clarté. Il arrive que certains furieux, je ne sais
1183 chés, s’abandonnent aux hasards de tricheries qui les flattent. Ils appellent cela poésie. On peut toutefois imaginer une a
1184 On peut toutefois imaginer une autre attitude de l’ être, et qui soit telle que la question du droit ne se pose plus. C’es
1185 e autre attitude de l’être, et qui soit telle que la question du droit ne se pose plus. C’est l’attitude de l’homme qui a
1186 e que la question du droit ne se pose plus. C’est l’ attitude de l’homme qui a vu quelque chose, ou simplement qui a cru vo
1187 ion du droit ne se pose plus. C’est l’attitude de l’ homme qui a vu quelque chose, ou simplement qui a cru voir, et qui vou
1188 cru voir, et qui voudrait retrouver sa vision et la faire pressentir à d’autres hommes. Une vision ne se transmet pas, c’
1189 tres hommes. Une vision ne se transmet pas, c’est le contraire d’une carte postale. Il s’agit donc de disposer l’esprit da
1190 e d’une carte postale. Il s’agit donc de disposer l’ esprit dans une certaine orientation au moyen de mots et de phrases qu
1191 tre compris en soi et dans leur lettre, mais dont le sens dernier ne puisse être aperçu sous un angle de vision quelconque
1192 çu sous un angle de vision quelconque. Je dis que l’ homme qui a vu quelque chose doit parler la langue des prophètes et co
1193 is que l’homme qui a vu quelque chose doit parler la langue des prophètes et composer des paraboles. Si ses prophéties son
1194 il n’en est pas moins un prophète. Mais alors on le jugera selon sa fin. Vous m’avouerez que dans ces conditions il faut
1195 ne sorte de naïveté très singulière pour endosser le risque d’être obscur. Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait
1196 dosser le risque d’être obscur. Passe encore pour l’ homme de Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de
1197 Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est
1198 e Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des visions moins illustres
1199 la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des visions moins illustres, qui n’embrassent pas
1200 des visions moins illustres, qui n’embrassent pas le monde de haut en bas, dans un fulgurant inventaire. Je parle de visio
1201 Je parle de visions furtives qui sont à celle de l’ apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de la
1202 sions furtives qui sont à celle de l’apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de la Fin, mais signe
1203 etit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de la Fin, mais signes seulement, résumés, prises partielles et significati
1204 lles et significatives… Certes celui qui pourrait les fixer retrouverait toute l’Apocalypse, comme Cuvier la préhistoire à
1205 s celui qui pourrait les fixer retrouverait toute l’ Apocalypse, comme Cuvier la préhistoire à partir d’une vertèbre isolée
1206 xer retrouverait toute l’Apocalypse, comme Cuvier la préhistoire à partir d’une vertèbre isolée. Mais l’oubli vient avec l
1207 préhistoire à partir d’une vertèbre isolée. Mais l’ oubli vient avec le premier doute… Petites visions des hommes de peu d
1208 ites visions des hommes de peu de foi, visions de la fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance,
1209 foi, visions de la fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance, — il n’en faut pourtant pas dava
1210 e la fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance, — il n’en faut pourtant pas davantage pour nous
1211 nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance, — il n’en faut pourtant pas davantage pour nous réduire au
1212 ge pour nous réduire au parler prophétique. C’est le même risque, et ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles de J
1213 rophétique. C’est le même risque, et ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prophètes, ont
1214 le même risque, et ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prophètes, ont été justifiés dans
1215 as la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prophètes, ont été justifiés dans leur délire, mais un prophèt
1216 . 7. Quatre « dialogues » paraîtront au début de l’ ouvrage Doctrine fabuleuse , publié en 1947. j. Rougemont Denis de,
10 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
1217 L’ attitude personnaliste (octobre 1944)l La lecture des journaux clan
1218 L’attitude personnaliste (octobre 1944)l La lecture des journaux clandestins parus en France montre que les idées
1219 s journaux clandestins parus en France montre que les idées personnalistes avaient fait leur chemin dans l’élite de la Rési
1220 dées personnalistes avaient fait leur chemin dans l’ élite de la Résistance. S’agit-il d’une influence directe, ou d’une pr
1221 nalistes avaient fait leur chemin dans l’élite de la Résistance. S’agit-il d’une influence directe, ou d’une prise de cons
1222 te, ou d’une prise de conscience spontanée devant la leçon des faits, nous le saurons un jour. Mais il est clair dès maint
1223 science spontanée devant la leçon des faits, nous le saurons un jour. Mais il est clair dès maintenant que les circonstanc
1224 ons un jour. Mais il est clair dès maintenant que les circonstances sont enfin devenues favorables pour une action plus lar
1225 ables pour une action plus large et constructive. Les événements eux-mêmes se sont chargés de faire la critique de tant d’i
1226 Les événements eux-mêmes se sont chargés de faire la critique de tant d’incohérences au sein desquelles le Français moyen
1227 ritique de tant d’incohérences au sein desquelles le Français moyen pensait pouvoir vivre impunément, jusqu’à ce que Hitle
1228 prendre avantage. Devant un monde à reconstruire, les grandes questions peuvent et doivent être reposées. Allons-nous rebât
1229 et doivent être reposées. Allons-nous rebâtir sur les valeurs d’une philosophie de l’Objet (qui était celle du capitalisme
1230 nous rebâtir sur les valeurs d’une philosophie de l’ Objet (qui était celle du capitalisme et des divers « planisme »), ou
1231 isme »), ou bien allons-nous faire une société où les objets soient remis au service de l’homme qui crée et qui se veut res
1232 société où les objets soient remis au service de l’ homme qui crée et qui se veut responsable ? Si nous choisissons la sec
1233 esponsable ? Si nous choisissons la seconde voie, la doctrine du personnalisme s’impose à l’attention sérieuse. Les jeunes
1234 nde voie, la doctrine du personnalisme s’impose à l’ attention sérieuse. Les jeunes gens qui prenaient conscience de leur r
1235 du personnalisme s’impose à l’attention sérieuse. Les jeunes gens qui prenaient conscience de leur responsabilité intellect
1236 rs 1930, en France, se trouvaient confrontés avec les dilemmes suivants : droite ou gauche, capitalisme ou socialisme, indi
1237 es leur paraissaient faux, périmés ou illusoires. Les forces politiques en apparence les plus opposées se trouvaient agir e
1238 ou illusoires. Les forces politiques en apparence les plus opposées se trouvaient agir en fait dans le même sens : elles te
1239 les plus opposées se trouvaient agir en fait dans le même sens : elles tendaient toutes à dépersonnaliser l’homme, à le ré
1240 e sens : elles tendaient toutes à dépersonnaliser l’ homme, à le réduire à un agrégat de réflexes conditionnés par l’État,
1241 les tendaient toutes à dépersonnaliser l’homme, à le réduire à un agrégat de réflexes conditionnés par l’État, le Parti et
1242 réduire à un agrégat de réflexes conditionnés par l’ État, le Parti et les statisticiens. Sur le plan philosophique, la sit
1243 à un agrégat de réflexes conditionnés par l’État, le Parti et les statisticiens. Sur le plan philosophique, la situation n
1244 de réflexes conditionnés par l’État, le Parti et les statisticiens. Sur le plan philosophique, la situation n’était pas me
1245 et les statisticiens. Sur le plan philosophique, la situation n’était pas meilleure. Là encore, la personne humaine se vo
1246 e, la situation n’était pas meilleure. Là encore, la personne humaine se voyait attaquée, disséquée, réduite de plus en pl
1247 it attaquée, disséquée, réduite de plus en plus à l’ irresponsabilité. La psychologie freudienne ne voyait en elle qu’un îl
1248 ée, réduite de plus en plus à l’irresponsabilité. La psychologie freudienne ne voyait en elle qu’un îlot précaire perdu da
1249 ne voyait en elle qu’un îlot précaire perdu dans l’ océan de l’inconscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à des dét
1250 en elle qu’un îlot précaire perdu dans l’océan de l’ inconscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à des déterminismes
1251 océan de l’inconscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à des déterminismes biologiques, ou sociologiques, ou économi
1252 ues, ou économiques. Que devenait dans tout cela, le droit imprescriptible d’un homme à dire je, à dire moi, à se considér
1253 oint des objets — fussent-ils aussi abstraits que les fameuses « forces économiques » — mais de l’homme, mesure de toutes c
1254 que les fameuses « forces économiques » — mais de l’ homme, mesure de toutes choses. La grande question était donc : qu’est
1255 ues » — mais de l’homme, mesure de toutes choses. La grande question était donc : qu’est-ce que l’homme ? Sur quelle notio
1256 es. La grande question était donc : qu’est-ce que l’ homme ? Sur quelle notion centrale de son humanité devons-nous recentr
1257 on centrale de son humanité devons-nous recentrer le monde ? Les institutions doivent être fondées sur une notion compréhe
1258 de son humanité devons-nous recentrer le monde ? Les institutions doivent être fondées sur une notion compréhensive de l’h
1259 vent être fondées sur une notion compréhensive de l’ homme, sinon elles agissent contre l’homme. Or l’individu, sur lequel
1260 réhensive de l’homme, sinon elles agissent contre l’ homme. Or l’individu, sur lequel voulait se fonder la démocratie d’un
1261 l’homme, sinon elles agissent contre l’homme. Or l’ individu, sur lequel voulait se fonder la démocratie d’un siècle derni
1262 omme. Or l’individu, sur lequel voulait se fonder la démocratie d’un siècle dernier, et le soldat politique sur lequel a v
1263 t se fonder la démocratie d’un siècle dernier, et le soldat politique sur lequel a voulu se fonder le totalitarisme de ce
1264 le soldat politique sur lequel a voulu se fonder le totalitarisme de ce siècle, ne sont pas des hommes complets. L’indivi
1265 me de ce siècle, ne sont pas des hommes complets. L’ individu n’a que des droits, le soldat politique que des devoirs. Le p
1266 s hommes complets. L’individu n’a que des droits, le soldat politique que des devoirs. Le premier est un pur concept, le s
1267 nd est un simple objet. À ces deux mutilations de la notion d’homme, les jeunes intellectuels français opposèrent la notio
1268 jet. À ces deux mutilations de la notion d’homme, les jeunes intellectuels français opposèrent la notion de personne. Quell
1269 mme, les jeunes intellectuels français opposèrent la notion de personne. Quelles que fussent les prémisses religieuses ou
1270 sèrent la notion de personne. Quelles que fussent les prémisses religieuses ou métaphysiques des diverses tendances personn
1271 endaient fort bien sur des formules de ce genre : les institutions doivent être au service de l’homme, et non l’inverse : —
1272 nre : les institutions doivent être au service de l’ homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’être un mot creux qu
1273 utions doivent être au service de l’homme, et non l’ inverse : — la liberté ne cesse d’être un mot creux que dans un ordre
1274 être au service de l’homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’être un mot creux que dans un ordre souple, qui re
1275 mot creux que dans un ordre souple, qui respecte la diversité des vocations ; — là où l’homme veut être total, l’État ne
1276 qui respecte la diversité des vocations ; — là où l’ homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. Un certain n
1277 des vocations ; — là où l’homme veut être total, l’ État ne sera jamais totalitaire. Un certain nombre de mots-clés se ret
1278 rtain nombre de mots-clés se retrouvent dans tous les ouvrages publiés par les personnalistes : vocation, risque, engagemen
1279 se retrouvent dans tous les ouvrages publiés par les personnalistes : vocation, risque, engagement, responsabilité, commun
1280 osophes s’étaient intitulés « personnalistes » ou l’ avaient été avant la lettre : Leibnitz, Kant, Renouvier, ou de nos jou
1281 titulés « personnalistes » ou l’avaient été avant la lettre : Leibnitz, Kant, Renouvier, ou de nos jours un William Stern,
1282 n William Stern, un Keyserling, un C. G. Jung, et l’ école californienne de The Personalist. Mais la caractéristique du mou
1283 et l’école californienne de The Personalist. Mais la caractéristique du mouvement personnaliste français fut, dès le début
1284 ique du mouvement personnaliste français fut, dès le début, de considérer sa doctrine comme le fondement immédiat d’une ac
1285 ut, dès le début, de considérer sa doctrine comme le fondement immédiat d’une action politique, d’une économie, d’un régim
1286 tique. C’est pourquoi je ne saurais mieux décrire la doctrine du personnalisme qu’en indiquant certaines des tentatives d’
1287 qu’en indiquant certaines des tentatives d’action les plus typiques qu’elle inspira avant cette guerre. Un service civil
1288 Les premiers manifestes et volumes publiés par le mouvement n’apportaient pas les blue-prints d’une société idéale, mai
1289 olumes publiés par le mouvement n’apportaient pas les blue-prints d’une société idéale, mais quelques principes d’action. C
1290 elques principes d’action. Car il s’agissait pour les personnalistes d’un changement spirituel d’abord, les changements ins
1291 personnalistes d’un changement spirituel d’abord, les changements institutionnels n’ayant de valeur à leurs yeux que s’ils
1292 traduisaient réellement une attitude nouvelle de l’ homme aux prises avec le destin d’un siècle nouveau. Alors que la plup
1293 une attitude nouvelle de l’homme aux prises avec le destin d’un siècle nouveau. Alors que la plupart des révolutionnaires
1294 ndiquer des réformes isolées ou matérielles comme l’ abolition du Parlement, des salaires plus élevés, la nationalisation d
1295 abolition du Parlement, des salaires plus élevés, la nationalisation des grandes industries, les personnalistes affirmaien
1296 levés, la nationalisation des grandes industries, les personnalistes affirmaient la nécessité d’une révolution plus profond
1297 randes industries, les personnalistes affirmaient la nécessité d’une révolution plus profonde : révolution dans la manière
1298 d’une révolution plus profonde : révolution dans la manière de poser les problèmes, avant de prétendre leur donner telle
1299 us profonde : révolution dans la manière de poser les problèmes, avant de prétendre leur donner telle ou telle solution imm
1300 tion immédiate, utopique ou opportuniste. Prenons le problème du prolétariat. Le groupe de l’Ordre nouveau proposa l’insti
1301 opportuniste. Prenons le problème du prolétariat. Le groupe de l’Ordre nouveau proposa l’institution d’un service civil ob
1302 prolétariat. Le groupe de l’Ordre nouveau proposa l’ institution d’un service civil obligatoire, répartissant sur l’ensembl
1303 d’un service civil obligatoire, répartissant sur l’ ensemble de la population le travail industriel non différencié. Penda
1304 civil obligatoire, répartissant sur l’ensemble de la population le travail industriel non différencié. Pendant un an ou pl
1305 ire, répartissant sur l’ensemble de la population le travail industriel non différencié. Pendant un an ou plus, tous les c
1306 riel non différencié. Pendant un an ou plus, tous les citoyens travailleraient dans les usines, au lieu de faire une année
1307 n ou plus, tous les citoyens travailleraient dans les usines, au lieu de faire une année de caserne. Les avantages de ce se
1308 es usines, au lieu de faire une année de caserne. Les avantages de ce service civil seraient triples : 1) Justice sociale.
1309 vice civil seraient triples : 1) Justice sociale. La classe prolétarienne serait relevée de son fardeau à vie. 2) Économie
1310 serait relevée de son fardeau à vie. 2) Économie. La hantise du salaire ne serait plus le seul mobile du travailleur, et l
1311 2) Économie. La hantise du salaire ne serait plus le seul mobile du travailleur, et la masse de main-d’œuvre créée par le
1312 ne serait plus le seul mobile du travailleur, et la masse de main-d’œuvre créée par le service civil serait mise par l’Ét
1313 ravailleur, et la masse de main-d’œuvre créée par le service civil serait mise par l’État à la disposition des libres entr
1314 ’œuvre créée par le service civil serait mise par l’ État à la disposition des libres entreprises, syndicats ou coopérative
1315 éée par le service civil serait mise par l’État à la disposition des libres entreprises, syndicats ou coopératives, qui ju
1316 oopératives, qui justifieraient leur utilité pour le bien commun. 3) Perfectionnement technique. Nul n’aurait plus intérêt
1317 technique. Nul n’aurait plus intérêt à paralyser l’ invention, puisqu’elle ne créerait plus de chômage technologique. Les
1318 u’elle ne créerait plus de chômage technologique. Les industriels hochèrent la tête. Ils ne croyaient pas qu’un simple civi
1319 chômage technologique. Les industriels hochèrent la tête. Ils ne croyaient pas qu’un simple civil pourrait du jour au len
1320 jour au lendemain se transformer en bon manœuvre. Les politiciens déclarèrent le projet utopique et d’ailleurs néfaste : il
1321 rmer en bon manœuvre. Les politiciens déclarèrent le projet utopique et d’ailleurs néfaste : il risquait de résoudre un co
1322 à rendre plus aigu. Conformément à leur doctrine, les personnalistes répondirent par un engagement personnel. Ils tentèrent
1323 tique, à petite échelle. Dans plusieurs usines de la région parisienne, ils se firent embaucher par groupes, comme manœuvr
1324 manufacture de brosses à dents, l’un d’eux battit le record de production de l’atelier. Il était éditeur de son métier, et
1325 nts, l’un d’eux battit le record de production de l’ atelier. Il était éditeur de son métier, et si peu adroit de ses mains
1326 et si peu adroit de ses mains qu’il assurait être le seul officier de réserve français qui se fût jamais blessé avec son p
1327 qui se fût jamais blessé avec son propre sabre ! Les pionniers du service civil donnèrent leur salaire aux ouvriers qu’ils
1328 ette institution n’existait pas encore en France. L’ expérience, dans l’ensemble, réussit brillamment. Je me suis étendu su
1329 existait pas encore en France. L’expérience, dans l’ ensemble, réussit brillamment. Je me suis étendu sur cet exemple uniqu
1330 e suis étendu sur cet exemple unique pour décrire le climat de l’effort personnaliste. Il est clair que l’institution du s
1331 sur cet exemple unique pour décrire le climat de l’ effort personnaliste. Il est clair que l’institution du service civil
1332 limat de l’effort personnaliste. Il est clair que l’ institution du service civil supposait une refonte générale de l’écono
1333 u service civil supposait une refonte générale de l’ économie, et notamment une discrimination très précise entre le travai
1334 t notamment une discrimination très précise entre le travail quantitatif (ou « parcellaire ») et le travail qualitatif ou
1335 re le travail quantitatif (ou « parcellaire ») et le travail qualitatif ou créateur. Le premier devait être entièrement so
1336 er devait être entièrement socialisé, et régi par l’ État, qui assurerait d’autre part la distribution d’un minimum vital g
1337 , et régi par l’État, qui assurerait d’autre part la distribution d’un minimum vital gratuit pour tous. Le second devait r
1338 it rester libre, et d’autant plus qu’il recevrait l’ aide gratuite du service civil. L’État lui-même se trouverait réduit a
1339 qu’il recevrait l’aide gratuite du service civil. L’ État lui-même se trouverait réduit au rôle précis et limité d’agence d
1340 mité d’agence de statistique et de répartition de la main-d’œuvre et du bonus social, au profit des entreprises libres et
1341 entreprises libres et des groupes coopératifs. La notion de groupe L’un des traits marquants du mouvement personnali
1342 mouvement personnaliste, c’est son insistance sur la nécessité des groupes autonomes et organiques. Elle coïncide avec la
1343 oupes autonomes et organiques. Elle coïncide avec la découverte la plus importante de notre siècle : celle de l’être-en-re
1344 s et organiques. Elle coïncide avec la découverte la plus importante de notre siècle : celle de l’être-en-relations. Que c
1345 rte la plus importante de notre siècle : celle de l’ être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de la physique ou celui
1346  : celle de l’être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de la physique ou celui de la sociologie, en mathématiques, e
1347 être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de la physique ou celui de la sociologie, en mathématiques, en politique, e
1348 e soit dans le domaine de la physique ou celui de la sociologie, en mathématiques, en politique, en économie, les meilleur
1349 gie, en mathématiques, en politique, en économie, les meilleurs esprits de ce temps sont parvenus à des conclusions analogu
1350 ficacité, qu’au sein d’un groupe donné de forces. L’ homme, par exemple, n’est réel que dans une communauté ni trop étroite
1351 xiste vraiment comme personne que dans un cadre à la mesure humaine, dans un groupe : entreprise ou commune, patrie locale
1352 ale ou cercle invisible d’esprits apparentés dans le monde entier. Mais cette image d’un univers composé de groupements au
1353 nstitutions. Nos nations sont restées au stade de la classification des corps simples par Mendeleïev, quand nous en sommes
1354 par Mendeleïev, quand nous en sommes au siècle de la physique quantique. La paresse d’esprit et l’inertie ont laissé se co
1355 ous en sommes au siècle de la physique quantique. La paresse d’esprit et l’inertie ont laissé se constituer au xxe siècle
1356 de la physique quantique. La paresse d’esprit et l’ inertie ont laissé se constituer au xxe siècle des cadres démesurés,
1357 siècle des cadres démesurés, simplifiés jusqu’à la démence et rigides comme elle, qui pèsent lourdement sur nos activité
1358 me elle, qui pèsent lourdement sur nos activités. L’ État centralisé et sa bureaucratie abstraite tendent à détruire les gr
1359 é et sa bureaucratie abstraite tendent à détruire les groupes organiques, à leur imposer en dépit du bon sens des frontière
1360 régime uniforme. C’est pourquoi, se plaçant dans la ligne des forces les plus actives, sinon les plus spectaculaires du s
1361 est pourquoi, se plaçant dans la ligne des forces les plus actives, sinon les plus spectaculaires du siècle, le personnalis
1362 dans la ligne des forces les plus actives, sinon les plus spectaculaires du siècle, le personnalisme se déclara fédéralist
1363 actives, sinon les plus spectaculaires du siècle, le personnalisme se déclara fédéraliste, ou « pluraliste ». Au centre un
1364 ou « pluraliste ». Au centre unique, étendant sur l’ économie, la vie politique et les coutumes d’un pays le carcan géométr
1365 ste ». Au centre unique, étendant sur l’économie, la vie politique et les coutumes d’un pays le carcan géométrique de ses
1366 que, étendant sur l’économie, la vie politique et les coutumes d’un pays le carcan géométrique de ses décrets, le personnal
1367 nomie, la vie politique et les coutumes d’un pays le carcan géométrique de ses décrets, le personnalisme opposait les foye
1368 s d’un pays le carcan géométrique de ses décrets, le personnalisme opposait les foyers rayonnants de création locale : ent
1369 étrique de ses décrets, le personnalisme opposait les foyers rayonnants de création locale : entreprise et commune à la bas
1370 ants de création locale : entreprise et commune à la base, librement fédérées par bassins naturels, par-dessus les frontiè
1371 brement fédérées par bassins naturels, par-dessus les frontières nationales, au besoin. Je donnerai deux exemples des consé
1372 ctrinale. Dès 1937, l’Ordre nouveau avait dénoncé l’ organisation hypercentralisée de l’armée française, copiée sur la cent
1373 avait dénoncé l’organisation hypercentralisée de l’ armée française, copiée sur la centralisation politique de la nation.
1374 hypercentralisée de l’armée française, copiée sur la centralisation politique de la nation. La France avait des frontières
1375 nçaise, copiée sur la centralisation politique de la nation. La France avait des frontières rigides et un centre unique, P
1376 iée sur la centralisation politique de la nation. La France avait des frontières rigides et un centre unique, Paris. Entre
1377 ntières rigides et un centre unique, Paris. Entre les deux, le vide, l’espace abstrait. Les personnalistes proposaient au c
1378 gides et un centre unique, Paris. Entre les deux, le vide, l’espace abstrait. Les personnalistes proposaient au contraire
1379 un centre unique, Paris. Entre les deux, le vide, l’ espace abstrait. Les personnalistes proposaient au contraire un systèm
1380 aris. Entre les deux, le vide, l’espace abstrait. Les personnalistes proposaient au contraire un système de foyers de résis
1381 système de foyers de résistance élevés dans toute la profondeur du pays, et une mobilisation fortement décentralisée. C’ét
1382 isation fortement décentralisée. C’était en somme le système militaire de la Suisse, traduisant un régime fédéraliste. Les
1383 ralisée. C’était en somme le système militaire de la Suisse, traduisant un régime fédéraliste. Les événements de 1940 et t
1384 e de la Suisse, traduisant un régime fédéraliste. Les événements de 1940 et toute l’évolution ultérieure de la guerre ont a
1385 gime fédéraliste. Les événements de 1940 et toute l’ évolution ultérieure de la guerre ont amplement confirmé ces vues. L’U
1386 ements de 1940 et toute l’évolution ultérieure de la guerre ont amplement confirmé ces vues. L’Underground, dans plusieurs
1387 ure de la guerre ont amplement confirmé ces vues. L’ Underground, dans plusieurs pays, en a glorieusement confirmé l’effica
1388 dans plusieurs pays, en a glorieusement confirmé l’ efficacité. Les groupes personnalistes critiquaient également la press
1389 s pays, en a glorieusement confirmé l’efficacité. Les groupes personnalistes critiquaient également la presse en France. Vé
1390 Les groupes personnalistes critiquaient également la presse en France. Vénale, pauvre en informations, ou mensongère, elle
1391 ations, ou mensongère, elle ne reflétait plus que l’ anarchie capitaliste, non le pays réel. Que faire contre ce mal, sans
1392 ne reflétait plus que l’anarchie capitaliste, non le pays réel. Que faire contre ce mal, sans capitaux énormes ? Les perso
1393 Que faire contre ce mal, sans capitaux énormes ? Les personnalistes organisèrent des « clubs de presse ». Dans chaque quar
1394 i transmettre des informations vraies (celles que la presse passait sous silence), lui révéler les secrets de la vénalité
1395 que la presse passait sous silence), lui révéler les secrets de la vénalité des grands journaux, et recueillir une documen
1396 passait sous silence), lui révéler les secrets de la vénalité des grands journaux, et recueillir une documentation locale
1397 ise et humaine. Un bulletin de liaison alimentait les clubs. Tout était préparé pour sa transmission en cas de crise révolu
1398 on en cas de crise révolutionnaire ou d’invasion, Les Clubs de presse personnalistes fournirent ainsi le premier modèle des
1399 si le premier modèle des publications fameuses de l’ Underground. État présent et avenir du mouvement À la veille de
1400 ound. État présent et avenir du mouvement À la veille de la guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les impl
1401 présent et avenir du mouvement À la veille de la guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les implications de s
1402 avenir du mouvement À la veille de la guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les implications de sa doctrine
1403 a guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les implications de sa doctrine dans les plans les plus divers. Il était
1404 si à dégager les implications de sa doctrine dans les plans les plus divers. Il était prêt à déclencher une action en profo
1405 er les implications de sa doctrine dans les plans les plus divers. Il était prêt à déclencher une action en profondeur d’ab
1406 tins, brochures et tracts, répandaient ses idées. Les nazis avaient délégué leur représentant en France, Abetz, au soin d’o
1407 er de très près ce développement inquiétant. Mais les personnalistes mesuraient sans illusions les obstacles qui leur barra
1408 Mais les personnalistes mesuraient sans illusions les obstacles qui leur barraient encore la route. Ils souffraient tout d’
1409 illusions les obstacles qui leur barraient encore la route. Ils souffraient tout d’abord d’une qualité et d’un défaut bien
1410 ualité et d’un défaut bien typiquement français : le sérieux et l’excès d’idées neuves. Hors d’eux-mêmes s’opposaient à le
1411 défaut bien typiquement français : le sérieux et l’ excès d’idées neuves. Hors d’eux-mêmes s’opposaient à leur action : le
1412 es. Hors d’eux-mêmes s’opposaient à leur action : les grands intérêts capitalistes, les politiciens démagogues, l’insoucian
1413 à leur action : les grands intérêts capitalistes, les politiciens démagogues, l’insouciance générale à la veille d’un désas
1414 ntérêts capitalistes, les politiciens démagogues, l’ insouciance générale à la veille d’un désastre prévisible, les préjugé
1415 politiciens démagogues, l’insouciance générale à la veille d’un désastre prévisible, les préjugés de droite et de gauche,
1416 ce générale à la veille d’un désastre prévisible, les préjugés de droite et de gauche, le manque d’argent et de moyens de p
1417 prévisible, les préjugés de droite et de gauche, le manque d’argent et de moyens de pression collectifs. Il valait mieux
1418 pagande trop coûteuse pour rester pure. Au reste, la doctrine personnaliste impliquait un progrès organique, forcément len
1419 it de gagner des hommes, un à un, non des masses. La guerre et l’invasion obligèrent le mouvement à « disparaître ». Dans
1420 des hommes, un à un, non des masses. La guerre et l’ invasion obligèrent le mouvement à « disparaître ». Dans l’intervalle
1421 on des masses. La guerre et l’invasion obligèrent le mouvement à « disparaître ». Dans l’intervalle entre l’armistice de j
1422 n obligèrent le mouvement à « disparaître ». Dans l’ intervalle entre l’armistice de juin 1940 et la suppression de toute e
1423 vement à « disparaître ». Dans l’intervalle entre l’ armistice de juin 1940 et la suppression de toute expression libre par
1424 ns l’intervalle entre l’armistice de juin 1940 et la suppression de toute expression libre par Vichy, la revue Esprit vi
1425 suppression de toute expression libre par Vichy, la revue Esprit vit son tirage quintupler en quelques mois. Puis elle
1426 pler en quelques mois. Puis elle fut interdite, à la suite d’un article contre Pétain, son directeur et plusieurs de ses r
1427 eux apte à inspirer ceux qui demandent un monde à la mesure de l’homme, non plus à celle des monstres nés de son anxiété,
1428 spirer ceux qui demandent un monde à la mesure de l’ homme, non plus à celle des monstres nés de son anxiété, de sa paresse
1429 paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux de la Sarre coupé en deux par une fron
1430 8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux de la Sarre coupé en deux par une frontière correspondant aux langues. l.
1431 espondant aux langues. l. Rougemont Denis de, «  L’ attitude personnaliste », Le Monde libre, New York, Montréal, octobre
1432 Rougemont Denis de, « L’attitude personnaliste », Le Monde libre, New York, Montréal, octobre 1944, p. 69-72.
11 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
1433 démocrate et le second totalitaire. On peut aussi les nommer Pierre et Paul, ou moi et l’autre, ou nous et l’ennemi : car «
1434 mer Pierre et Paul, ou moi et l’autre, ou nous et l’ ennemi : car « la seule chose qui importe est de gagner la guerre ». L
1435 l, ou moi et l’autre, ou nous et l’ennemi : car «  la seule chose qui importe est de gagner la guerre ». Là-dessus, nous to
1436  : car « la seule chose qui importe est de gagner la guerre ». Là-dessus, nous tombons d’accord. Mais sur le sens des mots
1437 rre ». Là-dessus, nous tombons d’accord. Mais sur le sens des mots gagner la guerre, je trouve très peu d’accord autour de
1438 ombons d’accord. Mais sur le sens des mots gagner la guerre, je trouve très peu d’accord autour de moi. Si j’essayais de m
1439 ntendre d’abord ? Et de comprendre, s’il se peut, la question que cette guerre pose et ne peut résoudre. ⁂ Par dépit, par
1440 aucoup de penseurs ont estimé depuis cent ans que les réalités économiques étaient plus fortes que l’esprit et que ses choi
1441 les réalités économiques étaient plus fortes que l’ esprit et que ses choix. Or ces réalités ne faisaient que traduire en
1442 ltats et non pas causes. Car il n’y a pas d’abord la loi de l’offre et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos dem
1443 on pas causes. Car il n’y a pas d’abord la loi de l’ offre et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes, sel
1444 Car il n’y a pas d’abord la loi de l’offre et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes, selon nos rêves e
1445 n nos rêves et nos passions. Il n’y a pas d’abord les machines puis une société qui doit subir leurs lois, mais il y a d’ab
1446 machines plutôt que d’avoir faim, ou de chercher la sagesse, ou de prier devant un symbole ancestral. Il n’y a pas d’abor
1447 devant un symbole ancestral. Il n’y a pas d’abord les faits et puis l’humanité qu’ils guident ou blessent, mais il y a d’ab
1448 ancestral. Il n’y a pas d’abord les faits et puis l’ humanité qu’ils guident ou blessent, mais il y a d’abord l’humanité cr
1449 é qu’ils guident ou blessent, mais il y a d’abord l’ humanité créatrice ou malade, et puis des faits qui expriment avec un
1450 ougis de tant de platitudes, mais de mon temps on les taxait de paradoxes.) Ainsi de la guerre actuelle : il importe de voi
1451 e mon temps on les taxait de paradoxes.) Ainsi de la guerre actuelle : il importe de voir qu’elle se passe d’abord en chac
1452 acun de nous, et qu’elle figure dans son ensemble la crise d’un conflit psychologique de proportions mondiales, de portée
1453 lle, intuitive, etc. et se réduit théoriquement à la raison commune, il arrive que les facultés exilées dans son inconscie
1454 théoriquement à la raison commune, il arrive que les facultés exilées dans son inconscient se révoltent soudain et l’attaq
1455 lées dans son inconscient se révoltent soudain et l’ attaquent en force, par une espèce d’éruption volcanique nommée névros
1456 spèce d’éruption volcanique nommée névrose. Alors l’ homme se croit menacé par ce qu’il appelle des esprits. Il est victime
1457 s. Des cauchemars envahissent sa vie quotidienne, le persécutent et lui rendent l’existence impossible. Il se persuade que
1458 sa vie quotidienne, le persécutent et lui rendent l’ existence impossible. Il se persuade que des forces absolument distinc
1459 que des forces absolument distinctes de son être l’ attaquent avec une férocité sans précédent. Il devient aliéné, c’est-à
1460 nt. Il devient aliéné, c’est-à-dire qu’il devient la proie d’un autre. Un médecin qu’il jugera très brutal et hostile lui
1461 ’une part de lui-même. S’il comprend cela et s’il le croit, le malade guérira peut-être. Sinon, il faudra l’enfermer dans
1462 de lui-même. S’il comprend cela et s’il le croit, le malade guérira peut-être. Sinon, il faudra l’enfermer dans une camiso
1463 it, le malade guérira peut-être. Sinon, il faudra l’ enfermer dans une camisole de force. Il ne fera plus de mal, mais il r
1464 e, on disait qu’un tel homme était possédé, et on l’ exorcisait par des cérémonies souvent efficaces. Au xixe siècle, on d
1465 s. Au xixe siècle, on disait qu’il était fou, et l’ on essayait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à la raison, p
1466 sait qu’il était fou, et l’on essayait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à la raison, par des procédés contraign
1467 et l’on essayait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à la raison, par des procédés contraignants. En cas d’échec,
1468 ait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à la raison, par des procédés contraignants. En cas d’échec, on le mettait
1469 ar des procédés contraignants. En cas d’échec, on le mettait derrière des barreaux. La guerre actuelle est une névrose col
1470 cas d’échec, on le mettait derrière des barreaux. La guerre actuelle est une névrose collective que nous sommes en train d
1471 ollective que nous sommes en train de traiter par les méthodes les plus propres à l’aggraver, après l’avoir provoquée : les
1472 nous sommes en train de traiter par les méthodes les plus propres à l’aggraver, après l’avoir provoquée : les méthodes du
1473 in de traiter par les méthodes les plus propres à l’ aggraver, après l’avoir provoquée : les méthodes du siècle dernier, ra
1474 les méthodes les plus propres à l’aggraver, après l’ avoir provoquée : les méthodes du siècle dernier, rationalistes ou pun
1475 s propres à l’aggraver, après l’avoir provoquée : les méthodes du siècle dernier, rationalistes ou punitives. Le malade, c’
1476 es du siècle dernier, rationalistes ou punitives. Le malade, c’est l’humanité. La partie consciente de l’humanité se voit
1477 ier, rationalistes ou punitives. Le malade, c’est l’ humanité. La partie consciente de l’humanité se voit attaquée par des
1478 listes ou punitives. Le malade, c’est l’humanité. La partie consciente de l’humanité se voit attaquée par des figures de c
1479 malade, c’est l’humanité. La partie consciente de l’ humanité se voit attaquée par des figures de cauchemar qui symbolisent
1480 e9. On a tenté de raisonner cet inconscient et de le forcer à se tenir tranquille. Privé de moyens de s’exprimer à sa mani
1481 uvé d’autre issue que dans une révolte explosive. Le cauchemar envahit la planète. L’humanité comme aliénée se flagella et
1482 dans une révolte explosive. Le cauchemar envahit la planète. L’humanité comme aliénée se flagella et se meurtrit : elle f
1483 volte explosive. Le cauchemar envahit la planète. L’ humanité comme aliénée se flagella et se meurtrit : elle fait la guerr
1484 me aliénée se flagella et se meurtrit : elle fait la guerre. Exactement, elle se la fait. Elle ne tardera pas à tomber épu
1485 urtrit : elle fait la guerre. Exactement, elle se la fait. Elle ne tardera pas à tomber épuisée et à se passer la camisole
1486 le ne tardera pas à tomber épuisée et à se passer la camisole de force d’un régime d’ordre pour incurables : ce sera la pa
1487 rce d’un régime d’ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé vaudrait mieux. ⁂ Ces remarques m’amènent à une propos
1488 régime d’ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé vaudrait mieux. ⁂ Ces remarques m’amènent à une proposition que
1489 ans une série d’écrits à venir : il est temps que la pensée politique rejoigne la psychologie contemporaine. Depuis quatr
1490 r : il est temps que la pensée politique rejoigne la psychologie contemporaine. Depuis quatre ans, nous essayons de mener
1491 raine. Depuis quatre ans, nous essayons de mener la guerre psychologique10 à l’instar des nazis qui l’avaient inventée. A
1492 ous essayons de mener la guerre psychologique10 à l’ instar des nazis qui l’avaient inventée. Au seuil de la paix, il est t
1493 a guerre psychologique10 à l’instar des nazis qui l’ avaient inventée. Au seuil de la paix, il est temps de chercher au moi
1494 tar des nazis qui l’avaient inventée. Au seuil de la paix, il est temps de chercher au moins les principes d’une politique
1495 uil de la paix, il est temps de chercher au moins les principes d’une politique psychologique. Je ne parle pas de propagand
1496 : celle-ci n’est qu’une tactique de bombardement. La politique que j’imagine serait une cure. Mais avant de l’entreprendre
1497 ique que j’imagine serait une cure. Mais avant de l’ entreprendre, il nous faudrait un diagnostic. Tentons d’en indiquer le
1498 es premiers éléments. Si cette génération n’a pas le courage de s’avouer plus profondément qu’aucune autre, il ne faut en
1499 analyse. C’est notre chance peut-être unique. 1. La guerre nous plaît. Toutes ses victimes le nient, et presque tous ceux
1500 ue. 1. La guerre nous plaît. Toutes ses victimes le nient, et presque tous ceux qu’elle fait vivre. Je dis que la guerre
1501 presque tous ceux qu’elle fait vivre. Je dis que la guerre nous plaît inconsciemment. Autrement, elle serait impossible.
1502 ait impossible. Tous, nous sommes contre, et nous la faisons tous : expliquez cela. — « Ce sont les autres. » Mais ils le
1503 ous la faisons tous : expliquez cela. — « Ce sont les autres. » Mais ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le dro
1504 xpliquez cela. — « Ce sont les autres. » Mais ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit de le dire. » Somme
1505 s ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nou
1506 ent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nous fait enquê
1507 nt pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’ avoir, ce droit ? Avons-nous fait enquête avant de partir ? Sommes-nou
1508 nd cela serait, ce ne serait pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas d’une opération légale ou d’une enquête scienti
1509 à une perte de patience ou de maîtrise de soi, à la réaction automatique d’un mystérieux sens de l’honneur blessé. Flamme
1510 à la réaction automatique d’un mystérieux sens de l’ honneur blessé. Flamme aveuglante, vague de sang, terreur froide, ou g
1511 ait notre devoir » et pas de question. Je dis que la guerre nous plaît. Elle arrange bien des choses. Elle ajourne nos vra
1512 urne nos vrais conflits. Elle tire de nous ce que la paix n’en tirait plus. Elle offre l’avantage incomparable de sanction
1513 nous ce que la paix n’en tirait plus. Elle offre l’ avantage incomparable de sanctionner notre acquittement par contumace.
1514 ionner notre acquittement par contumace. Elle est le grand non-lieu de millions d’hommes — le non-lieu —, ce vrai no man’s
1515 Elle est le grand non-lieu de millions d’hommes —  le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’on n’est plus responsable de s
1516 ’hommes — le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’ on n’est plus responsable de soi. La guerre ancienne était une chance
1517 man’s land où l’on n’est plus responsable de soi. La guerre ancienne était une chance offerte à l’instinct combatif ; c’ét
1518 oi. La guerre ancienne était une chance offerte à l’ instinct combatif ; c’était l’affaire des mâles, le jeu des coqs ornés
1519 ne chance offerte à l’instinct combatif ; c’était l’ affaire des mâles, le jeu des coqs ornés pour l’occasion de leurs plus
1520 ’instinct combatif ; c’était l’affaire des mâles, le jeu des coqs ornés pour l’occasion de leurs plus belles plumes. La gu
1521 t l’affaire des mâles, le jeu des coqs ornés pour l’ occasion de leurs plus belles plumes. La guerre actuelle a perdu ces a
1522 rnés pour l’occasion de leurs plus belles plumes. La guerre actuelle a perdu ces attraits. Tout le monde la fait, en salop
1523 erre actuelle a perdu ces attraits. Tout le monde la fait, en salopette, en kaki, ou en tablier. Dans la plupart des cas,
1524 , ou en tablier. Dans la plupart des cas, loin de le combler, elle déçoit l’instinct combatif : comptez qu’une fraction tr
1525 plupart des cas, loin de le combler, elle déçoit l’ instinct combatif : comptez qu’une fraction très réduite de l’humanité
1526 ombatif : comptez qu’une fraction très réduite de l’ humanité — presque totalement mobilisée — combat en fait sur les champ
1527 presque totalement mobilisée — combat en fait sur les champs de bataille. Seule une fraction de cette fraction connaît le c
1528 lle. Seule une fraction de cette fraction connaît le corps à corps, la bataille d’hommes. Qu’aimons-nous donc tous dans la
1529 ction de cette fraction connaît le corps à corps, la bataille d’hommes. Qu’aimons-nous donc tous dans la guerre, que nous
1530 bataille d’hommes. Qu’aimons-nous donc tous dans la guerre, que nous soyons civils ou combattants ? C’est l’état d’except
1531 re, que nous soyons civils ou combattants ? C’est l’ état d’exception proclamé dans la nation entière et dans tous les doma
1532 battants ? C’est l’état d’exception proclamé dans la nation entière et dans tous les domaines. Ainsi la guerre devient pou
1533 tion proclamé dans la nation entière et dans tous les domaines. Ainsi la guerre devient pour nous l’équivalent de la fête c
1534 a nation entière et dans tous les domaines. Ainsi la guerre devient pour nous l’équivalent de la fête chez les peuples anc
1535 s les domaines. Ainsi la guerre devient pour nous l’ équivalent de la fête chez les peuples anciens, elle en possède les at
1536 Ainsi la guerre devient pour nous l’équivalent de la fête chez les peuples anciens, elle en possède les attributs les plus
1537 re devient pour nous l’équivalent de la fête chez les peuples anciens, elle en possède les attributs les plus aisément reco
1538 la fête chez les peuples anciens, elle en possède les attributs les plus aisément reconnaissables : les lois sont suspendue
1539 es peuples anciens, elle en possède les attributs les plus aisément reconnaissables : les lois sont suspendues, les budgets
1540 les attributs les plus aisément reconnaissables : les lois sont suspendues, les budgets sans limites, les passions collecti
1541 ément reconnaissables : les lois sont suspendues, les budgets sans limites, les passions collectives déchaînées, le déguise
1542 s lois sont suspendues, les budgets sans limites, les passions collectives déchaînées, le déguisement de rigueur, le sacrif
1543 ans limites, les passions collectives déchaînées, le déguisement de rigueur, le sacrifice humain légal, et les valeurs mor
1544 ollectives déchaînées, le déguisement de rigueur, le sacrifice humain légal, et les valeurs morales changent de signe : tu
1545 isement de rigueur, le sacrifice humain légal, et les valeurs morales changent de signe : tu tueras, tu voleras, tu diras d
1546 comme on dirait état de siège, état de grâce. Et les trois ne sont point sans rapports. Comme la fête chez les primitifs,
1547 . Et les trois ne sont point sans rapports. Comme la fête chez les primitifs, la guerre est le « grand Temps » de l’humani
1548 s ne sont point sans rapports. Comme la fête chez les primitifs, la guerre est le « grand Temps » de l’humanité moderne. El
1549 sans rapports. Comme la fête chez les primitifs, la guerre est le « grand Temps » de l’humanité moderne. Elle nous fourni
1550 . Comme la fête chez les primitifs, la guerre est le « grand Temps » de l’humanité moderne. Elle nous fournit la seule exc
1551 es primitifs, la guerre est le « grand Temps » de l’ humanité moderne. Elle nous fournit la seule excuse que notre esprit p
1552 Temps » de l’humanité moderne. Elle nous fournit la seule excuse que notre esprit puisse accepter pour suspendre le cours
1553 e que notre esprit puisse accepter pour suspendre le cours d’une existence de plus en plus conforme aux prévisions des gra
1554 il à ce siècle pour lui faire oublier son goût de la guerre ! Quel drame nouveau, pour remplacer, sur la scène vide, l’Enn
1555 guerre ! Quel drame nouveau, pour remplacer, sur la scène vide, l’Ennemi déchu ?) C’est pourquoi la paix nous angoisse au
1556 drame nouveau, pour remplacer, sur la scène vide, l’ Ennemi déchu ?) C’est pourquoi la paix nous angoisse au moins autant q
1557 r la scène vide, l’Ennemi déchu ?) C’est pourquoi la paix nous angoisse au moins autant qu’elle nous attire. Pourtant vien
1558 oins autant qu’elle nous attire. Pourtant viendra la paix, bientôt. Et ce sera peut-être pour des siècles. (Il y aura trop
1559 y aura trop d’avions du même côté.) Mais comment l’ homme compensera-t-il le manque de guerres ? Nous avons tout prévu con
1560 même côté.) Mais comment l’homme compensera-t-il le manque de guerres ? Nous avons tout prévu contre un futur Hitler, rie
1561 er, rien contre son absence, autant que je sache. Le seul type d’héroïsme que l’Occident ait su concevoir (depuis qu’on n’
1562 autant que je sache. Le seul type d’héroïsme que l’ Occident ait su concevoir (depuis qu’on n’allume plus de bûchers pour
1563 evoir (depuis qu’on n’allume plus de bûchers pour les chrétiens et qu’ils tolèrent les hérétiques), c’est la mort sous les
1564 de bûchers pour les chrétiens et qu’ils tolèrent les hérétiques), c’est la mort sous les balles pour la Patrie ou pour le
1565 rétiens et qu’ils tolèrent les hérétiques), c’est la mort sous les balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a
1566 ’ils tolèrent les hérétiques), c’est la mort sous les balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a plus de guerr
1567 s hérétiques), c’est la mort sous les balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a plus de guerres, qui fera le
1568 st la mort sous les balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a plus de guerres, qui fera les héros ? Qui réve
1569 parti. Mais s’il n’y a plus de guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? Pour qui ? Pour quoi ?
1570 s de guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? Pour qui ? Pour quoi ? Jamais l’humanité ne fut m
1571 sens du sacrifice ? Pour qui ? Pour quoi ? Jamais l’ humanité ne fut moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut pl
1572 oi ? Jamais l’humanité ne fut moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue de respect pour les vertu
1573 jamais elle ne fut plus dépourvue de respect pour les vertus que l’esprit seul sait pousser jusqu’au paroxysme. Et comment
1574 fut plus dépourvue de respect pour les vertus que l’ esprit seul sait pousser jusqu’au paroxysme. Et comment vivre, s’il n’
1575 Et comment vivre, s’il n’y a plus de paroxysmes ? La guerre nous plaît. Nous le nions tous, et c’est normal. Mais je propo
1576 a plus de paroxysmes ? La guerre nous plaît. Nous le nions tous, et c’est normal. Mais je propose un test précis. Pourquoi
1577 est précis. Pourquoi tant de réticences à décider le désarmement général, total et définitif de tous les peuples, appuyé p
1578 e désarmement général, total et définitif de tous les peuples, appuyé par une interdiction absolue de fabriquer des armes e
1579 vois des moustaches qui tremblent avant même que la bouche ne s’ouvre. Et cependant, ils ne sont guère capables de me don
1580 ter de défaitiste.) Une politique qui négligerait le fait que la guerre nous plaît pour des raisons profondes, cette polit
1581 tiste.) Une politique qui négligerait le fait que la guerre nous plaît pour des raisons profondes, cette politique serait
1582 r d’autre que d’astucieux traités de commerce que la prochaine guerre annulerait. 2. Hitler. — Nous pensons qu’Hitler est
1583 lequel nous n’avons rien de commun. Il s’agit de le détruire avant toute autre tâche. Point de vue indispensable pour gag
1584 tre tâche. Point de vue indispensable pour gagner la guerre. Point de vue stérile et désastreux dès qu’il s’agit de la pai
1585 de vue stérile et désastreux dès qu’il s’agit de la paix. Hitler n’est pas en dehors de l’humanité, mais en elle. Bien pl
1586 s’agit de la paix. Hitler n’est pas en dehors de l’ humanité, mais en elle. Bien plus, il n’est pas seulement devant nous,
1587 ’abord qu’il se dresse contre nous. Et quand nous l’ aurons tué, il nous occupera sans coup férir si nous n’admettons pas q
1588 nous n’admettons pas qu’il est une part de nous, la part du diable dans nos cœurs. Hitler se taira d’ici peu. Son aventur
1589 se taira d’ici peu. Son aventure prendra fin dans la catastrophe prévue. Et devant le cadavre gisant de l’homme qui fit tr
1590 prendra fin dans la catastrophe prévue. Et devant le cadavre gisant de l’homme qui fit trembler tout l’univers, voici que
1591 atastrophe prévue. Et devant le cadavre gisant de l’ homme qui fit trembler tout l’univers, voici que nous nous écrierons a
1592 e cadavre gisant de l’homme qui fit trembler tout l’ univers, voici que nous nous écrierons avec une stupéfaction mêlée de
1593  ! Il n’était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misères secrètes. Dans la réalité psychologique du si
1594 que de la grandeur de nos misères secrètes. Dans la réalité psychologique du siècle, Hitler aura joué le rôle d’un person
1595 réalité psychologique du siècle, Hitler aura joué le rôle d’un personnage de rêve d’angoisse. Ce rêve collectif a modelé n
1596 modelé notre histoire, mais il était d’abord dans l’ ombre de nos âmes. On a remarqué que dans un cauchemar, ce qui nous te
1597 auchemar, ce qui nous terrifie n’est pas toujours l’ aspect du personnage en scène, qui peut être emprunté à la réalité la
1598 du personnage en scène, qui peut être emprunté à la réalité la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité de la passion h
1599 age en scène, qui peut être emprunté à la réalité la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité de la passion hostile ou c
1600 té à la réalité la plus banale, mais c’est plutôt l’ intensité de la passion hostile ou criminelle dont il nous paraît anim
1601 la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité de la passion hostile ou criminelle dont il nous paraît animé. Il se charge
1602 e terreur dont nous n’avions sans doute jamais eu l’ expérience. Et pourtant c’est une part de nous-mêmes qui machine cette
1603 e, tout ce que nous refusions d’admettre en nous. Le cauchemar nous apprend qu’il ne suffit pas de refuser un instinct ou
1604 de refuser un instinct ou quelque tentation pour les supprimer. Il s’agit de les utiliser, ou de s’en guérir ; sinon soyon
1605 uelque tentation pour les supprimer. Il s’agit de les utiliser, ou de s’en guérir ; sinon soyons certains qu’ils vont reven
1606 en force, sous un déguisement séduisant, ou sous la forme d’un monstre archaïque. L’ogre à la petite moustache est l’un d
1607 duisant, ou sous la forme d’un monstre archaïque. L’ ogre à la petite moustache est l’un de ces monstres. Nous en verrons b
1608 ou sous la forme d’un monstre archaïque. L’ogre à la petite moustache est l’un de ces monstres. Nous en verrons bien d’aut
1609 ’autres, si nous nous contentons de lutter contre les signes extérieurs du mal, sans essayer d’en modifier les causes dans
1610 nes extérieurs du mal, sans essayer d’en modifier les causes dans nous-mêmes11. Mais ceci pose un problème nouveau : le pro
1611 ous-mêmes11. Mais ceci pose un problème nouveau : le problème de la religion. 3. Il faut une religion pour le peuple. Ente
1612 is ceci pose un problème nouveau : le problème de la religion. 3. Il faut une religion pour le peuple. Entendons : pour qu
1613 lème de la religion. 3. Il faut une religion pour le peuple. Entendons : pour qu’un peuple subsiste. Toute la sociologie m
1614 le. Entendons : pour qu’un peuple subsiste. Toute la sociologie moderne le prouve. À son défaut, Hitler l’aurait fait voir
1615 u’un peuple subsiste. Toute la sociologie moderne le prouve. À son défaut, Hitler l’aurait fait voir par le moyen de cette
1616 ociologie moderne le prouve. À son défaut, Hitler l’ aurait fait voir par le moyen de cette religion synthétique (comme le
1617 ouve. À son défaut, Hitler l’aurait fait voir par le moyen de cette religion synthétique (comme le caoutchouc) qu’est le n
1618 par le moyen de cette religion synthétique (comme le caoutchouc) qu’est le national-socialisme. Je ne parle pas ici du chr
1619 religion synthétique (comme le caoutchouc) qu’est le national-socialisme. Je ne parle pas ici du christianisme, mais de la
1620 me. Je ne parle pas ici du christianisme, mais de la religion en général, comme phénomène humain, cause et produit de tout
1621 le d’un instinct aussi fondamental et naturel que la sexualité. Il est incontestable que le rationalisme12 a déprimé depui
1622 aturel que la sexualité. Il est incontestable que le rationalisme12 a déprimé depuis des siècles le sens religieux des Occ
1623 ue le rationalisme12 a déprimé depuis des siècles le sens religieux des Occidentaux. Car non content de combattre et d’éva
1624 entaux. Car non content de combattre et d’évacuer les coutumes religieuses périmées (c’était son droit et son devoir), il s
1625 coutumes nouvelles (en ceci protestant, mais sans la foi). Or les coutumes religieuses quelles qu’elles soient, sacrifices
1626 velles (en ceci protestant, mais sans la foi). Or les coutumes religieuses quelles qu’elles soient, sacrifices, fêtes, orgi
1627 ines morales ou mystiques, prières ou rites, sont les moyens qu’a trouvé l’homme pour capter ses puissances obscures et les
1628 es, prières ou rites, sont les moyens qu’a trouvé l’ homme pour capter ses puissances obscures et les ordonner à des fins t
1629 vé l’homme pour capter ses puissances obscures et les ordonner à des fins tantôt pratiques, tantôt transcendantales. Canaux
1630 ales. Canaux exutoires ou écluses, elles assurent la circulation entre l’inconscient collectif et l’activité quotidienne.
1631 s ou écluses, elles assurent la circulation entre l’ inconscient collectif et l’activité quotidienne. Condamnez-les et vous
1632 t la circulation entre l’inconscient collectif et l’ activité quotidienne. Condamnez-les et vous créerez une sécheresse gén
1633 nt collectif et l’activité quotidienne. Condamnez- les et vous créerez une sécheresse générale, nécessairement suivie d’une
1634 cessairement suivie d’une rupture de digues et de l’ interruption catastrophique des forces sombres de la cité. La raison p
1635 interruption catastrophique des forces sombres de la cité. La raison peut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas le
1636 ion catastrophique des forces sombres de la cité. La raison peut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas les enchaîn
1637 eut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas les enchaîner. Si elle détruit tous les moyens connus de les apprivoiser,
1638 e ne peut pas les enchaîner. Si elle détruit tous les moyens connus de les apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse
1639 haîner. Si elle détruit tous les moyens connus de les apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse de moyens nouveaux, e
1640 les moyens connus de les apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse de moyens nouveaux, elle fait lever des monstres
1641 nt soudain, nous attaquaient, exigeaient que nous les adorions : leur révolte serait notre carence. Le rationalisme régnant
1642 les adorions : leur révolte serait notre carence. Le rationalisme régnant peut produire des avions en masse et par ce moye
1643 enir à bout d’Hitler ; mais il ne pourra prévenir la multiplication prochaine d’autres symptômes de la même névrose. Tout
1644 la multiplication prochaine d’autres symptômes de la même névrose. Tout porte à croire que nous allons entrer dans une ère
1645 r dans une ère de religions aberrantes. Ou, comme le dit une grande légende indienne, dans l’ère de l’Accroissement des Mo
1646 u, comme le dit une grande légende indienne, dans l’ ère de l’Accroissement des Monstres. Les pires sottises et les thaumat
1647 le dit une grande légende indienne, dans l’ère de l’ Accroissement des Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies le
1648 enne, dans l’ère de l’Accroissement des Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies les plus grossières sont destinée
1649 Accroissement des Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies les plus grossières sont destinées à susciter dans l’ap
1650 Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies les plus grossières sont destinées à susciter dans l’après-guerre l’entho
1651 es plus grossières sont destinées à susciter dans l’ après-guerre l’enthousiasme éperdu des foules. Et les calculs politiqu
1652 res sont destinées à susciter dans l’après-guerre l’ enthousiasme éperdu des foules. Et les calculs politiques les plus sai
1653 après-guerre l’enthousiasme éperdu des foules. Et les calculs politiques les plus sains des réalistes et des experts seront
1654 asme éperdu des foules. Et les calculs politiques les plus sains des réalistes et des experts seront vidés d’un coup par ce
1655 fond. Certains intellectuels incrimineront alors l’ instinct religieux, cette « survivance ». Et nous lirons encore des jé
1656 vance ». Et nous lirons encore des jérémiades sur le déclin de l’esprit et l’abandon des grands principes. « C’est inconce
1657 ous lirons encore des jérémiades sur le déclin de l’ esprit et l’abandon des grands principes. « C’est inconcevable ! » opi
1658 ncore des jérémiades sur le déclin de l’esprit et l’ abandon des grands principes. « C’est inconcevable ! » opineront-ils,
1659 rincipes. « C’est inconcevable ! » opineront-ils, les bras au ciel. Mais c’est très simple. Un homme qui meurt de faim mang
1660 mporte quoi pour tromper sa faim, faute de mieux. La raison n’ose pas dire qu’il a tort d’avoir faim. Dira-t-elle qu’il a
1661 elle sera la première responsable, aussi vrai que le régime de la prohibition fut responsable des méfaits de l’alcool frel
1662 première responsable, aussi vrai que le régime de la prohibition fut responsable des méfaits de l’alcool frelaté, en Améri
1663 de la prohibition fut responsable des méfaits de l’ alcool frelaté, en Amérique. ⁂ Je ne demande pas que des sorciers ni m
1664 pas que des sorciers ni même des prêtres dirigent l’ État : c’est le péril qu’il faudrait conjurer. Mais je pense qu’il est
1665 ciers ni même des prêtres dirigent l’État : c’est le péril qu’il faudrait conjurer. Mais je pense qu’il est temps de renon
1666 urer. Mais je pense qu’il est temps de renoncer à la vieille politique de l’équilibre des grandes puissances nationales et
1667 l est temps de renoncer à la vieille politique de l’ équilibre des grandes puissances nationales et des trusts : elle ne pe
1668 tionales et des trusts : elle ne peut plus saisir les éléments de notre conflit. Il est temps de nous orienter vers une pol
1669 libre des grandes puissances psychologiques, dans les masses, à l’échelle du globe. Et s’il faut des experts autour du tapi
1670 des puissances psychologiques, dans les masses, à l’ échelle du globe. Et s’il faut des experts autour du tapis vert, qu’on
1671 appelle des psychiatres plutôt que des banquiers. L’ argent ne chasse pas les démons. 9. Instincts, forces considérées co
1672 plutôt que des banquiers. L’argent ne chasse pas les démons. 9. Instincts, forces considérées comme anarchiques, subvers
1673 esoins religieux qualifiés de superstitions. 10. L’ expression psychological warfare est devenue courante dans les pays de
1674 n psychological warfare est devenue courante dans les pays de langue anglaise. 11. Type d’argument que l’on peut opposer à
1675 pays de langue anglaise. 11. Type d’argument que l’ on peut opposer à ce qui précède, afin de tuer dans l’œuf toute tentat
1676 peut opposer à ce qui précède, afin de tuer dans l’ œuf toute tentative d’analyse féconde : « Avouez tout de même que nos
1677 ’agira toujours, au mieux, de moindres maux. Mais la question est de savoir si le prétendu moindre mal que l’on défend n’e
1678 moindres maux. Mais la question est de savoir si le prétendu moindre mal que l’on défend n’est pas simplement un premier
1679 tion est de savoir si le prétendu moindre mal que l’ on défend n’est pas simplement un premier stade du pire. La chute sera
1680 nd n’est pas simplement un premier stade du pire. La chute serait-elle un moindre mal que la fracture qui en résulte ? La
1681 du pire. La chute serait-elle un moindre mal que la fracture qui en résulte ? La maladie mortelle, un moindre mal que la
1682 e un moindre mal que la fracture qui en résulte ? La maladie mortelle, un moindre mal que la mort qui la termine ? 12. Le
1683 résulte ? La maladie mortelle, un moindre mal que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits de la psychologie rationaliste
1684 maladie mortelle, un moindre mal que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits de la psychologie rationaliste ont été pat
1685 un moindre mal que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits de la psychologie rationaliste ont été patents dans la morale
1686 que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits de la psychologie rationaliste ont été patents dans la morale sexuelle et l
1687 la psychologie rationaliste ont été patents dans la morale sexuelle et la conception du mariage au siècle dernier ; ou lo
1688 aliste ont été patents dans la morale sexuelle et la conception du mariage au siècle dernier ; ou lorsqu’il s’agissait d’a
1689 cle dernier ; ou lorsqu’il s’agissait d’apprécier le rôle du sacré, l’âme collective, la création artistique, l’importance
1690 orsqu’il s’agissait d’apprécier le rôle du sacré, l’ âme collective, la création artistique, l’importance relative de l’arg
1691 t d’apprécier le rôle du sacré, l’âme collective, la création artistique, l’importance relative de l’argent et du travail,
1692 sacré, l’âme collective, la création artistique, l’ importance relative de l’argent et du travail, les dogmes chrétiens, e
1693 la création artistique, l’importance relative de l’ argent et du travail, les dogmes chrétiens, etc., etc. m. Rougemont
1694 l’importance relative de l’argent et du travail, les dogmes chrétiens, etc., etc. m. Rougemont Denis de, « Quelle guerre
1695 . Rougemont Denis de, « Quelle guerre cruelle », L’ Arche, Alger, octobre–novembre 1944, p. 69-78.
12 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
1696 )n 1. Origines Tarot, tarok ou taroc, est le nom donné par les Italiens à l’une des figures du paquet de 78 cartes
1697 es Tarot, tarok ou taroc, est le nom donné par les Italiens à l’une des figures du paquet de 78 cartes tel qu’il existai
1698 xistait au xiiie siècle. Ce nom fut attribué par la suite à l’ensemble du jeu. Un des premiers témoignages historiques qu
1699 xiiie siècle. Ce nom fut attribué par la suite à l’ ensemble du jeu. Un des premiers témoignages historiques que l’on poss
1700 jeu. Un des premiers témoignages historiques que l’ on possède sur le tarot remonte à 1393. Cette année-là, Jacquemin Grin
1701 iers témoignages historiques que l’on possède sur le tarot remonte à 1393. Cette année-là, Jacquemin Gringonneur, peintre
1702 , dessina et enlumina des cartes pour Charles VI, le roi fou, liant ainsi le tarot à l’un des moments les plus violemment
1703 s cartes pour Charles VI, le roi fou, liant ainsi le tarot à l’un des moments les plus violemment poétiques de l’histoire
1704 roi fou, liant ainsi le tarot à l’un des moments les plus violemment poétiques de l’histoire de France. Ces cartes à fond
1705 l’un des moments les plus violemment poétiques de l’ histoire de France. Ces cartes à fond doré, à bord d’argent, ne porten
1706 nitiens. Dix-sept d’entre elles sont conservées à la Bibliothèque Nationale. D’un autre jeu, faussement attribué à Mantegn
1707 u se compose de cinq séries de 10 cartes, nommées les Conditions de la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Sy
1708 nq séries de 10 cartes, nommées les Conditions de la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Mi
1709 s de 10 cartes, nommées les Conditions de la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Michel-Ange
1710 tes, nommées les Conditions de la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Michel-Ange est suppos
1711 nditions de la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Michel-Ange est supposé avoir inventé un
1712 la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Michel-Ange est supposé avoir inventé un jeu de taro
1713 posé avoir inventé un jeu de tarot pour enseigner l’ arithmétique. Et Gargantua jouait au « Tarau » selon Rabelais. Au xve
1714 uait au « Tarau » selon Rabelais. Au xve siècle, l’ invention de l’imprimerie multiplia les cartes en circulation, mais ju
1715  » selon Rabelais. Au xve siècle, l’invention de l’ imprimerie multiplia les cartes en circulation, mais jusqu’au xviiie
1716 ve siècle, l’invention de l’imprimerie multiplia les cartes en circulation, mais jusqu’au xviiie siècle, le tarot n’est g
1717 tes en circulation, mais jusqu’au xviiie siècle, le tarot n’est guère connu que chez les princes et chez les gipsys, tout
1718 iiie siècle, le tarot n’est guère connu que chez les princes et chez les gipsys, tout en haut de l’échelle sociale et tout
1719 ot n’est guère connu que chez les princes et chez les gipsys, tout en haut de l’échelle sociale et tout en bas, passe-temps
1720 z les princes et chez les gipsys, tout en haut de l’ échelle sociale et tout en bas, passe-temps noble et magique ou rituel
1721 ou rituel de science maudite, et prêtant aux abus les plus puérils ou les plus démoniaques, bien entendu. L’origine du taro
1722 maudite, et prêtant aux abus les plus puérils ou les plus démoniaques, bien entendu. L’origine du tarot est obscure. Vers
1723 us puérils ou les plus démoniaques, bien entendu. L’ origine du tarot est obscure. Vers le milieu du xviiie siècle, l’occu
1724 ien entendu. L’origine du tarot est obscure. Vers le milieu du xviiie siècle, l’occultiste suisse Court de Gébelin émit l
1725 ot est obscure. Vers le milieu du xviiie siècle, l’ occultiste suisse Court de Gébelin émit l’hypothèse que le tarot dériv
1726 siècle, l’occultiste suisse Court de Gébelin émit l’ hypothèse que le tarot dérivait du Livre de Toth, livre sacré de l’Égy
1727 iste suisse Court de Gébelin émit l’hypothèse que le tarot dérivait du Livre de Toth, livre sacré de l’Égypte. Mais il cru
1728 e tarot dérivait du Livre de Toth, livre sacré de l’ Égypte. Mais il crut aussi en retrouver les équivalents dans une inscr
1729 acré de l’Égypte. Mais il crut aussi en retrouver les équivalents dans une inscription chinoise, datant de 1120, et dans le
1730 une inscription chinoise, datant de 1120, et dans les tablettes hindoues représentant les avatars de Vishnu. L’origine égyp
1731 1120, et dans les tablettes hindoues représentant les avatars de Vishnu. L’origine égyptienne du tarot est soutenue par Ett
1732 ttes hindoues représentant les avatars de Vishnu. L’ origine égyptienne du tarot est soutenue par Etteilla, dont nous allon
1733 ttribue au tarot une origine hindoue ; et ce sont les gipsys, selon lui (et d’ailleurs aussi selon Lévi) qui l’auraient tra
1734 s, selon lui (et d’ailleurs aussi selon Lévi) qui l’ auraient transmis à l’Europe. Mais on sait que le peuple tzigane ne vi
1735 leurs aussi selon Lévi) qui l’auraient transmis à l’ Europe. Mais on sait que le peuple tzigane ne vint en Europe qu’en 141
1736 l’auraient transmis à l’Europe. Mais on sait que le peuple tzigane ne vint en Europe qu’en 1417 sous la conduite du « Duc
1737 peuple tzigane ne vint en Europe qu’en 1417 sous la conduite du « Duc d’Égypte » ; et qu’on lui suppose une ascendance hi
1738 cartes de tarot plus anciennes, comme on vient de le voir. Les origines du tarot, selon nous, se perdent littéralement dan
1739 tarot plus anciennes, comme on vient de le voir. Les origines du tarot, selon nous, se perdent littéralement dans la nuit
1740 tarot, selon nous, se perdent littéralement dans la nuit des temps. Nous soutiendrons cette thèse au paragraphe 5. 2.
1741 2. Etteilla (1750-1810, environ) Nous lisons le jugement suivant sur Etteilla dans un petit ouvrage intitulé Le Nouve
1742 ivant sur Etteilla dans un petit ouvrage intitulé Le Nouvel Etteilla (Paris 1922) : Cet auteur, en rendant justice au gén
1743 ) : Cet auteur, en rendant justice au génie et à la science de Court de Gébelin, terrassa ce que ce grave antiquaire avai
1744 après un amateur qui, lui-même, n’avait pu copier l’ art de tirer les cartes, dont il est question, que d’après sa cuisiniè
1745 r qui, lui-même, n’avait pu copier l’art de tirer les cartes, dont il est question, que d’après sa cuisinière. Il était pe
1746 nommait de son vrai nom, Alliette. Il redécouvrit le tarot pendant la seconde moitié du xviiie siècle. Sa prose est vague
1747 , ses interprétations sont hasardeuses, mais il a le mérite d’en avoir proposées. Ses disciples, dont le plus grand fut Él
1748 mérite d’en avoir proposées. Ses disciples, dont le plus grand fut Éliphas Lévi (l’abbé Alphonse Louis Constant), ne se p
1749 s disciples, dont le plus grand fut Éliphas Lévi ( l’ abbé Alphonse Louis Constant), ne se privent pas de dénoncer ses erreu
1750 clins aux mêmes complaisances interprétatives que le maître. La lecture de leurs textes est généralement exaspérante, à ca
1751 êmes complaisances interprétatives que le maître. La lecture de leurs textes est généralement exaspérante, à cause de leur
1752 oquement. En voici un exemple : Etteilla a placé le Fou à la fin du jeu, c’est-à-dire au nombre 78, et a mis au nombre 21
1753 En voici un exemple : Etteilla a placé le Fou à la fin du jeu, c’est-à-dire au nombre 78, et a mis au nombre 21 la figur
1754 c’est-à-dire au nombre 78, et a mis au nombre 21 la figure qu’il nomme le Despote africain, qui n’est autre que l’arcane
1755 e 78, et a mis au nombre 21 la figure qu’il nomme le Despote africain, qui n’est autre que l’arcane 7, 1e Chariot… Mais en
1756 il nomme le Despote africain, qui n’est autre que l’ arcane 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame n’a pas de nombre autre
1757 is en fait cette lame n’a pas de nombre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin de l’alphabet hébreu…
1758 mbre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin de l’alphabet hébreu… Le véritable 21 est aussi 22, ains
1759 éro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin de l’ alphabet hébreu… Le véritable 21 est aussi 22, ainsi que nous le verro
1760 ppartient à la lettre Schin de l’alphabet hébreu… Le véritable 21 est aussi 22, ainsi que nous le verrons. Etteilla place
1761 reu… Le véritable 21 est aussi 22, ainsi que nous le verrons. Etteilla place le Fou sous le nombre 78 qui est enfin notre
1762 ssi 22, ainsi que nous le verrons. Etteilla place le Fou sous le nombre 78 qui est enfin notre zéro, et voici son intéress
1763 i que nous le verrons. Etteilla place le Fou sous le nombre 78 qui est enfin notre zéro, et voici son intéressante analyse
1764 on intéressante analyse de ce nombre. (Elie Alta, Le Tarot égyptien, ou Etteilla restitué, Vichy, 1922.) On peut juger d’
1765 . 0 = 78 = (77) = 21 = 22 = (20) = 0. Telles sont les brimades que doit subir le débutant dans l’étude du tarot. 3. Vari
1766 (20) = 0. Telles sont les brimades que doit subir le débutant dans l’étude du tarot. 3. Variations Selon les pays et
1767 sont les brimades que doit subir le débutant dans l’ étude du tarot. 3. Variations Selon les pays et les temps : quan
1768 dans l’étude du tarot. 3. Variations Selon les pays et les temps : quant au dessin des cartes, et quant à leur inter
1769 e du tarot. 3. Variations Selon les pays et les temps : quant au dessin des cartes, et quant à leur interprétation, l
1770 essin des cartes, et quant à leur interprétation, les variations paraissent avoir été aussi nombreuses que les familles d’e
1771 iations paraissent avoir été aussi nombreuses que les familles d’esprits, les hérésies chrétiennes, ou les écoles marxistes
1772 été aussi nombreuses que les familles d’esprits, les hérésies chrétiennes, ou les écoles marxistes. Non moins valables. Ca
1773 familles d’esprits, les hérésies chrétiennes, ou les écoles marxistes. Non moins valables. Car le tarot représente le Mond
1774 ou les écoles marxistes. Non moins valables. Car le tarot représente le Monde : on peut le voir de plus d’une façon. A) P
1775 stes. Non moins valables. Car le tarot représente le Monde : on peut le voir de plus d’une façon. A) Pays. Citons Elie Alt
1776 ables. Car le tarot représente le Monde : on peut le voir de plus d’une façon. A) Pays. Citons Elie Alta : Etteilla a com
1777 lie Alta : Etteilla a composé un jeu dans lequel les figures des arcanes majeurs ont été déplacées ou transformées. Seuls
1778 majeurs ont été déplacées ou transformées. Seuls les arcanes mineurs sont exacts, mais malgré ces changements on peut se s
1779 e servir de son jeu. Il est préférable d’employer les suivants, mais en numérotant les arcanes mineurs : 1. Le tarot de Mar
1780 rable d’employer les suivants, mais en numérotant les arcanes mineurs : 1. Le tarot de Marseille où les arcanes majeurs son
1781 ants, mais en numérotant les arcanes mineurs : 1. Le tarot de Marseille où les arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot s
1782 les arcanes mineurs : 1. Le tarot de Marseille où les arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot suisse de Schaffhouse ; 3.
1783 Marseille où les arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot suisse de Schaffhouse ; 3. Le tarot italien où seulement deux a
1784 t exacts ; 2. Le tarot suisse de Schaffhouse ; 3. Le tarot italien où seulement deux arcanes sont différents : (a) Le pape
1785 n où seulement deux arcanes sont différents : (a) Le pape qui est remplacé par Jupiter, ce qui est la même chose, car Jupi
1786 Le pape qui est remplacé par Jupiter, ce qui est la même chose, car Jupiter étant symboliquement principe de vie, fait fo
1787 ement principe de vie, fait fonction de Dieu dans l’ Humanité ; (b) La papesse, remplacée par Junon qui est l’espace ou san
1788 vie, fait fonction de Dieu dans l’Humanité ; (b) La papesse, remplacée par Junon qui est l’espace ou sanctuaire de la vie
1789 ité ; (b) La papesse, remplacée par Junon qui est l’ espace ou sanctuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tar
1790 lacée par Junon qui est l’espace ou sanctuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est e
1791 est l’espace ou sanctuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est entièrement défiguré
1792 tuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est entièrement défiguré, mais qui peut égale
1793 is qui peut également servir en tenant compte que les Bâtons sont remplacés par les Carreaux ; les Épées par les Piques et
1794 n tenant compte que les Bâtons sont remplacés par les Carreaux ; les Épées par les Piques et les Deniers par les Trèfles. E
1795 que les Bâtons sont remplacés par les Carreaux ; les Épées par les Piques et les Deniers par les Trèfles. En France nous t
1796 s sont remplacés par les Carreaux ; les Épées par les Piques et les Deniers par les Trèfles. En France nous trouvons diffic
1797 és par les Carreaux ; les Épées par les Piques et les Deniers par les Trèfles. En France nous trouvons difficilement le tar
1798 aux ; les Épées par les Piques et les Deniers par les Trèfles. En France nous trouvons difficilement le tarot de Marseille.
1799 es Trèfles. En France nous trouvons difficilement le tarot de Marseille. La Maison Grimaud l’a remplacé par le tarot itali
1800 ous trouvons difficilement le tarot de Marseille. La Maison Grimaud l’a remplacé par le tarot italien ; celui de Schaffhou
1801 cilement le tarot de Marseille. La Maison Grimaud l’ a remplacé par le tarot italien ; celui de Schaffhouse ne se trouve qu
1802 de Marseille. La Maison Grimaud l’a remplacé par le tarot italien ; celui de Schaffhouse ne se trouve qu’en Suisse, de mê
1803 d’entrée en France. Quant à celui d’Etteilla, on le trouve partout. (E. Alta, op. cit., p. 27). B) Dessin. La plupart de
1804 jeux qu’on trouve aujourd’hui en circulation (si l’ on peut dire, car leur vente est interdite dans de nombreux pays), s’i
1805 n intempérante des symboles. Comparez par exemple les cartes que nous reproduisons à la suite de cet article, les unes selo
1806 que nous reproduisons à la suite de cet article, les unes selon Court de Gébelin, les autres selon des modèles plus ancien
1807 de cet article, les unes selon Court de Gébelin, les autres selon des modèles plus anciens, restitués par l’érudition. Et
1808 res selon des modèles plus anciens, restitués par l’ érudition. Et depuis Court de Gébelin, la décadence s’est accentuée. O
1809 tués par l’érudition. Et depuis Court de Gébelin, la décadence s’est accentuée. On trouve même aujourd’hui des cartes de t
1810 igures redoublées (tête en haut et tête en bas) à l’ instar du jeu de cartes moderne. C’est un abus inqualifiable, si l’on
1811 e cartes moderne. C’est un abus inqualifiable, si l’ on sait que l’interprétation de chaque lame ou arcane majeur peut être
1812 ne. C’est un abus inqualifiable, si l’on sait que l’ interprétation de chaque lame ou arcane majeur peut être profondément
1813 ajeur peut être profondément différente selon que la carte apparaît dans le jeu droite ou renversée. Il en résulte aussi q
1814 ément différente selon que la carte apparaît dans le jeu droite ou renversée. Il en résulte aussi que le manque de place,
1815 jeu droite ou renversée. Il en résulte aussi que le manque de place, dans le cas d’une figure doublée, oblige le dessinat
1816 Il en résulte aussi que le manque de place, dans le cas d’une figure doublée, oblige le dessinateur à expulser de la cart
1817 e place, dans le cas d’une figure doublée, oblige le dessinateur à expulser de la carte les symboles qu’il juge superflus
1818 gure doublée, oblige le dessinateur à expulser de la carte les symboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau de l’immort
1819 lée, oblige le dessinateur à expulser de la carte les symboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau de l’immortalité dans
1820 carte les symboles qu’il juge superflus (tel que l’ oiseau de l’immortalité dans l’arcane 17, petit exemple, ou les lettre
1821 ymboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau de l’ immortalité dans l’arcane 17, petit exemple, ou les lettres T-A-R-O et
1822 superflus (tel que l’oiseau de l’immortalité dans l’ arcane 17, petit exemple, ou les lettres T-A-R-O et J-H-V-H dans l’arc
1823 l’immortalité dans l’arcane 17, petit exemple, ou les lettres T-A-R-O et J-H-V-H dans l’arcane 10, c’est-à-dire simplement
1824 t exemple, ou les lettres T-A-R-O et J-H-V-H dans l’ arcane 10, c’est-à-dire simplement le sens de la lame — Taro ou Rota —
1825 J-H-V-H dans l’arcane 10, c’est-à-dire simplement le sens de la lame — Taro ou Rota — et le nom de Dieu — Jahvé). On voudr
1826 s l’arcane 10, c’est-à-dire simplement le sens de la lame — Taro ou Rota — et le nom de Dieu — Jahvé). On voudrait conseil
1827 simplement le sens de la lame — Taro ou Rota — et le nom de Dieu — Jahvé). On voudrait conseiller au lecteur de détruire r
1828 out jeu de ce genre sur lequel il pourrait mettre la main, si l’on ne craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tou
1829 e genre sur lequel il pourrait mettre la main, si l’ on ne craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tout accidentel
1830 si l’on ne craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tout accidentelle qui s’attache aux raretés monstrueuses. C) S
1831 fort diverses : il serait aisé (et désirable) de les multiplier à propos de ces mêmes cartes. Peut-être alors une certaine
1832 en nombre infini, ainsi qu’on en pourra juger par l’ examen du tableau suivant. En effet, chacune des lames du tarot (arcan
1833 planète 2. un signe du zodiaque 3. une lettre de l’ alphabet hébreu (sens exotérique et sens ésotérique) 4. un nombre (int
1834 et sens ésotérique) 4. un nombre (interprété par la Cabbale) 5. un élément (selon l’alchimie) 6. une couleur 7. une note
1835 (interprété par la Cabbale) 5. un élément (selon l’ alchimie) 6. une couleur 7. une note de musique 8. un nom à quoi l’occ
1836 e couleur 7. une note de musique 8. un nom à quoi l’ occultiste Lenain a cru pouvoir ajouter : 9. un jour 10. une heure 11.
1837 2. un génie 13. un verset des psaumes de David et les psychanalystes modernes : 14. une des quatre facultés (pensée, intuit
1838 n, sentiment, sensation) 15. un des archétypes de l’ inconscient collectif. De plus, ces significations sont organisées en
1839 thmes, et non pas simplement juxtaposées. Prenons l’ exemple des lettres. D’après Elie Alta (et donc Etteilla), « les Égypt
1840 lettres. D’après Elie Alta (et donc Etteilla), «  les Égyptiens ont attaché à chaque carte des 22 atouts majeurs une lettre
1841 chaque carte des 22 atouts majeurs une lettre de l’ alphabet hébreu… Ces lettres ont apporté avec elles les signatures cél
1842 phabet hébreu… Ces lettres ont apporté avec elles les signatures célestes. Il y a 7 lettres appelées doubles qui figurent l
1843 s. Il y a 7 lettres appelées doubles qui figurent le monde des planètes ; puis 12 lettres dites simples qui figurent les 1
1844 ètes ; puis 12 lettres dites simples qui figurent les 12 signes du zodiaque que parcourt le soleil pendant les 4 saisons. E
1845 i figurent les 12 signes du zodiaque que parcourt le soleil pendant les 4 saisons. Enfin il reste les 3 lettres dites les
1846 signes du zodiaque que parcourt le soleil pendant les 4 saisons. Enfin il reste les 3 lettres dites les 3 Mères, qui sont a
1847 t le soleil pendant les 4 saisons. Enfin il reste les 3 lettres dites les 3 Mères, qui sont attachées à nos trois cartes ma
1848 les 4 saisons. Enfin il reste les 3 lettres dites les 3 Mères, qui sont attachées à nos trois cartes majeures : l’Homme (Le
1849 qui sont attachées à nos trois cartes majeures : l’ Homme (Le Bateleur), le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec
1850 attachées à nos trois cartes majeures : l’Homme ( Le Bateleur), le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec les carte
1851 os trois cartes majeures : l’Homme (Le Bateleur), le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec les cartes modernes
1852 rtes majeures : l’Homme (Le Bateleur), le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec les cartes modernes Les interpr
1853 le Fou, et la Mort. » 4. Correspondances avec les cartes modernes Les interprètes contemporains diffèrent d’une mani
1854 4. Correspondances avec les cartes modernes Les interprètes contemporains diffèrent d’une manière décourageante quant
1855 courageante quant au parallélisme à établir entre les quatre couleurs des tarots et les quatre couleurs du jeu de cartes mo
1856 à établir entre les quatre couleurs des tarots et les quatre couleurs du jeu de cartes moderne. Bornons-nous à livrer à l’é
1857 du jeu de cartes moderne. Bornons-nous à livrer à l’ étude du lecteur les hypothèses suivantes : Selon A. E. White (Key to
1858 derne. Bornons-nous à livrer à l’étude du lecteur les hypothèses suivantes : Selon A. E. White (Key to the Tarot) : les Bât
1859 uivantes : Selon A. E. White (Key to the Tarot) : les Bâtons du Tarot = les Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœur
1860 White (Key to the Tarot) : les Bâtons du Tarot = les Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trè
1861 s Bâtons du Tarot = les Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques
1862 arot = les Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les t
1863 Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les tarots de Fr
1864 jeu de cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les tarots de Francfort : Bâ
1865 les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les tarots de Francfort : Bâtons = Carrea
1866 les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les tarots de Francfort : Bâtons = Carreaux Coupes = Cœ
1867 es = les Trèfles les Deniers = les Piques Selon les tarots de Francfort : Bâtons = Carreaux Coupes = Cœurs Épées = Piques
1868 Épées = Pique = Terre Deniers = Cœur = Feu Selon le Dr Elizabeth Whitney (Tarot, private publication in Spring 1942) : Bâ
1869 nsée = Feu Il semblerait, à lire cette liste, que les arcanes représentent, grosso modo, les autorités religieuses et socia
1870 liste, que les arcanes représentent, grosso modo, les autorités religieuses et sociales au Moyen Âge, et quelques-unes des
1871 , et quelques-unes des situations élémentaires de l’ existence, signifiées par allégories. Il n’en est rien. Tout est symbo
1872 légories. Il n’en est rien. Tout est symbole dans le Tarot, jusqu’au moindre détail, si le dessin est exact. Et ces symbol
1873 ymbole dans le Tarot, jusqu’au moindre détail, si le dessin est exact. Et ces symboles, à l’examen d’une attention qui con
1874 étail, si le dessin est exact. Et ces symboles, à l’ examen d’une attention qui consent à se laisser docilement absorber, n
1875 ont tantôt hiératiques, tantôt dramatiques, comme le sont les symboles de nos « grands rêves ». De fait, chacun des arcane
1876 ôt hiératiques, tantôt dramatiques, comme le sont les symboles de nos « grands rêves ». De fait, chacun des arcanes majeurs
1877 grand rêve fixé, et peut être analysé à ce titre. Les figures de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nou
1878 , et peut être analysé à ce titre. Les figures de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent
1879 analysé à ce titre. Les figures de la papesse, de l’ empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de vérit
1880 tre. Les figures de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archétype
1881 s de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’ Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archétypes de l’inconsci
1882 us apparaissent comme de véritables Archétypes de l’ inconscient, dans leur immobilité insondable et infiniment allusive. C
1883 insondable et infiniment allusive. Cependant que la Roue de Fortune, le, Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée s
1884 iment allusive. Cependant que la Roue de Fortune, le , Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée sont de grands événem
1885 ant que la Roue de Fortune, le, Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée sont de grands événements psychiques et cos
1886 Roue de Fortune, le, Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée sont de grands événements psychiques et cosmiques, tan
1887 ssibles conclusions. Nous pouvons donc considérer les arcanes majeurs du tarot comme un véritable Alphabet de la grande poé
1888 s majeurs du tarot comme un véritable Alphabet de la grande poésie universelle. Leur attribuer un auteur, une date fixe, u
1889 un usage limité, serait méconnaître leur nature. Les arcanes sont issus de la nuit des Mères, et de l’Underground éternel.
1890 éconnaître leur nature. Les arcanes sont issus de la nuit des Mères, et de l’Underground éternel. Peut-être même faudrait-
1891 es arcanes sont issus de la nuit des Mères, et de l’ Underground éternel. Peut-être même faudrait-il voir dans les lames le
1892 und éternel. Peut-être même faudrait-il voir dans les lames les plus anciennes les signes d’un langage secret, communiquant
1893 l. Peut-être même faudrait-il voir dans les lames les plus anciennes les signes d’un langage secret, communiquant sous la f
1894 audrait-il voir dans les lames les plus anciennes les signes d’un langage secret, communiquant sous la forme anodine d’un j
1895 les signes d’un langage secret, communiquant sous la forme anodine d’un jeu, les doctrines manichéennes de la secte des ca
1896 ret, communiquant sous la forme anodine d’un jeu, les doctrines manichéennes de la secte des cathares ou albigeois, persécu
1897 e anodine d’un jeu, les doctrines manichéennes de la secte des cathares ou albigeois, persécutée par l’inquisition. (La cr
1898 a secte des cathares ou albigeois, persécutée par l’ inquisition. (La croisade contre les albigeois commença en 1209.) Les
1899 ares ou albigeois, persécutée par l’inquisition. ( La croisade contre les albigeois commença en 1209.) Les troubadours cath
1900 persécutée par l’inquisition. (La croisade contre les albigeois commença en 1209.) Les troubadours cathares, initiateurs de
1901 croisade contre les albigeois commença en 1209.) Les troubadours cathares, initiateurs de toute la poésie occidentale, aur
1902 .) Les troubadours cathares, initiateurs de toute la poésie occidentale, auraient pris le maquis dans plusieurs pays, mais
1903 urs de toute la poésie occidentale, auraient pris le maquis dans plusieurs pays, mais n’auraient pas cessé de répandre leu
1904 ssé de répandre leur croyance et leur sagesse par l’ entremise des tireurs de cartes. Cette hypothèse a été formulée par le
1905 urs de cartes. Cette hypothèse a été formulée par le grand indianiste Heinrich Zimmer, dont nous traduisons ci-après quelq
1906 uisons ci-après quelques pages remarquables sur «  Le Fou ». 6. De l’usage des tarots Nous avons pris l’habitude de c
1907 lques pages remarquables sur « Le Fou ». 6. De l’ usage des tarots Nous avons pris l’habitude de considérer les tarot
1908 ». 6. De l’usage des tarots Nous avons pris l’ habitude de considérer les tarots avant tout comme un moyen de divinat
1909 arots Nous avons pris l’habitude de considérer les tarots avant tout comme un moyen de divination de l’avenir. Si l’on e
1910 tarots avant tout comme un moyen de divination de l’ avenir. Si l’on en croit les plus récents travaux, ceux en particulier
1911 tout comme un moyen de divination de l’avenir. Si l’ on en croit les plus récents travaux, ceux en particulier du professeu
1912 moyen de divination de l’avenir. Si l’on en croit les plus récents travaux, ceux en particulier du professeur Tassin, de Co
1913 seur Tassin, de Columbia, et de Paul Foster Case, le tarot aurait été, originellement, une méthode de psychothérapie compa
1914 rité autant de thèmes de méditations prolongées — la cure ou yoga durait plusieurs années — et marqueraient les étapes d’u
1915 ou yoga durait plusieurs années — et marqueraient les étapes d’une « voie hermétique » aboutissant à la réalisation intime
1916 es étapes d’une « voie hermétique » aboutissant à la réalisation intime du Grand Œuvre des alchimistes. Il s’agirait de pa
1917 es. Il s’agirait de passer, à travers ce yoga, de l’ illusion à la réalité, et des choses telles qu’elles nous apparaissent
1918 ait de passer, à travers ce yoga, de l’illusion à la réalité, et des choses telles qu’elles nous apparaissent aux choses t
1919 ous apparaissent aux choses telles qu’elles sont. Les 22 arcanes décriraient l’histoire de l’homme qui part dans la vie com
1920 telles qu’elles sont. Les 22 arcanes décriraient l’ histoire de l’homme qui part dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et
1921 es sont. Les 22 arcanes décriraient l’histoire de l’ homme qui part dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à la
1922 s décriraient l’histoire de l’homme qui part dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à la connaissance de soi et
1923 ns la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à la connaissance de soi et du Monde (arcane 21) en passant par tous les s
1924 e soi et du Monde (arcane 21) en passant par tous les stades du développement collectif, puis individuel, de la psyché huma
1925 s du développement collectif, puis individuel, de la psyché humaine. Chacune des cartes était utilisée par l’étudiant en
1926 é humaine. Chacune des cartes était utilisée par l’ étudiant en occultisme comme sujet de méditations et de contemplation,
1927 cours d’exercices poursuivis aux fins d’arriver à l’ illumination. L’avantage particulier de cette technique, comparée à d’
1928 s poursuivis aux fins d’arriver à l’illumination. L’ avantage particulier de cette technique, comparée à d’autres, résidait
1929 tte technique, comparée à d’autres, résidait dans le fait qu’elle combinait plusieurs modes d’entraînement dans une seule
1930 nement dans une seule activité. Ainsi, tandis que l’ étudiant apprenait les symboles, il s’exerçait inconsciemment à la con
1931 activité. Ainsi, tandis que l’étudiant apprenait les symboles, il s’exerçait inconsciemment à la concentration, à la visua
1932 nait les symboles, il s’exerçait inconsciemment à la concentration, à la visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et à l
1933 l s’exerçait inconsciemment à la concentration, à la visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’éval
1934 iemment à la concentration, à la visualisation, à l’ exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’évaluation des couleurs
1935 centration, à la visualisation, à l’exactitude, à l’ analyse et à la synthèse, à l’évaluation des couleurs et des formes, e
1936 a visualisation, à l’exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’évaluation des couleurs et des formes, et surtout il en
1937 , à l’exactitude, à l’analyse et à la synthèse, à l’ évaluation des couleurs et des formes, et surtout il entraînait cette
1938 ulté maîtresse qui établit des corrélations entre les idées abstraites. Le schème d’études était en général le suivant : l’
1939 blit des corrélations entre les idées abstraites. Le schème d’études était en général le suivant : l’étudiant commençait p
1940 s abstraites. Le schème d’études était en général le suivant : l’étudiant commençait par la contemplation d’une carte isol
1941 Le schème d’études était en général le suivant : l’ étudiant commençait par la contemplation d’une carte isolée, puis il l
1942 en général le suivant : l’étudiant commençait par la contemplation d’une carte isolée, puis il la reliait graduellement à
1943 par la contemplation d’une carte isolée, puis il la reliait graduellement à d’autres cartes, disposées autour de la premi
1944 ication peut suffire à faire entrevoir au lecteur l’ importance réelle du tarot, indépendamment des usages pittoresques, se
1945 des usages pittoresques, secondaires, dérivés, et le plus souvent charlatanesques, dont les modernes ont cru pouvoir se re
1946 dérivés, et le plus souvent charlatanesques, dont les modernes ont cru pouvoir se rendre maîtres. Terminons sur une anecdot
1947 ir se rendre maîtres. Terminons sur une anecdote. Le lendemain de la libération de Paris, le peintre Emlen Etting, attaché
1948 tres. Terminons sur une anecdote. Le lendemain de la libération de Paris, le peintre Emlen Etting, attaché aux forces amér
1949 anecdote. Le lendemain de la libération de Paris, le peintre Emlen Etting, attaché aux forces américaines, et son ami Andr
1950 André Lhote, furent les premiers à pénétrer dans le Palais du Luxembourg, abandonné la veille par les Allemands. Au milie
1951 pénétrer dans le Palais du Luxembourg, abandonné la veille par les Allemands. Au milieu du désordre indescriptible de la
1952 le Palais du Luxembourg, abandonné la veille par les Allemands. Au milieu du désordre indescriptible de la salle du Sénat,
1953 llemands. Au milieu du désordre indescriptible de la salle du Sénat, meubles brisés, papiers épars, une table au tapis ver
1954 ne table au tapis vert était seule restée debout. Les deux peintres s’étant approchés y virent « jetées comme par la main d
1955 res s’étant approchés y virent « jetées comme par la main du destin » une séquence de lames de tarot. Dernier message des
1956 œurs, des cloches, des feuilles et des glands. Le Fou, arcane 0 a) Interprétation d’Elie Alta d’après Etteilla :
1957 Interprétation d’Elie Alta d’après Etteilla : Le grelot de la Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de not
1958 n d’Elie Alta d’après Etteilla : Le grelot de la Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de notre chaîne. La
1959 relot de la Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de notre chaîne. La surface entière du globe (le 0) n’est que
1960 distinctement à tous les anneaux de notre chaîne. La surface entière du globe (le 0) n’est que le théâtre de nos extravaga
1961 aux de notre chaîne. La surface entière du globe ( le 0) n’est que le théâtre de nos extravagances. Retraçons d’ailleurs au
1962 îne. La surface entière du globe (le 0) n’est que le théâtre de nos extravagances. Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage l
1963 ravagances. Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage l’ emblème d’un voyageur, qui symbolise l’homme. Cette vie n’est qu’un co
1964 ux du sage l’emblème d’un voyageur, qui symbolise l’ homme. Cette vie n’est qu’un court trajet dont nous pouvons adoucir le
1965 ’est qu’un court trajet dont nous pouvons adoucir les peines en nous comportant d’après les plus saines aspirations du rayo
1966 ons adoucir les peines en nous comportant d’après les plus saines aspirations du rayon divin qui nous anime. Synonymes : Dr
1967 es traditions : Vue sous un certain angle (si l’ on place l’arcane à la fin du jeu) cette carte est une image de l’inco
1968 ns : Vue sous un certain angle (si l’on place l’ arcane à la fin du jeu) cette carte est une image de l’inconscience, d
1969 e sous un certain angle (si l’on place l’arcane à la fin du jeu) cette carte est une image de l’inconscience, des occasion
1970 ane à la fin du jeu) cette carte est une image de l’ inconscience, des occasions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou, da
1971 age de l’inconscience, des occasions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résis
1972 ce, des occasions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résistance, la vie vécue
1973 , de la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résistance, la vie vécue au niveau animal. Rien n’
1974 ns ce sens, est la passion subie sans résistance, la vie vécue au niveau animal. Rien n’a été appris ou gagné par la trave
1975 u niveau animal. Rien n’a été appris ou gagné par la traversée du Jeu. La vie a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui l’a v
1976 n’a été appris ou gagné par la traversée du Jeu. La vie a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme
1977 eu. La vie a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui l’ a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l
1978 cet homme, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. W
1979 omme de ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l’ angle de A. E. Waite, le Fou est un homme richement habillé, portant u
1980 sé est-elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. Waite, le Fou est un homme richement habillé, portant une rose à la main, et qu
1981 st un homme richement habillé, portant une rose à la main, et qui s’arrête au bord d’un précipice pour contempler l’espace
1982 i s’arrête au bord d’un précipice pour contempler l’ espace au-dessous et au-dessus de lui. L’abîme ne lui inspire pas de t
1983 ntempler l’espace au-dessous et au-dessus de lui. L’ abîme ne lui inspire pas de terreur. Son visage est plein d’intelligen
1984 monde en voyage ici-bas. Sous cet aspect, il est la conscience individuelle libérée de l’illusion, et poursuivant sa rout
1985 ect, il est la conscience individuelle libérée de l’ illusion, et poursuivant sa route sans craindre les dangers que court
1986 l’illusion, et poursuivant sa route sans craindre les dangers que court l’homme collectif ou purement instinctif. Plus peti
1987 vant sa route sans craindre les dangers que court l’ homme collectif ou purement instinctif. Plus petit que le petit, plus
1988 collectif ou purement instinctif. Plus petit que le petit, plus grand que le grand, tenu pour néant par la raison et le m
1989 stinctif. Plus petit que le petit, plus grand que le grand, tenu pour néant par la raison et le monde, symbolisé par le ce
1990 tit, plus grand que le grand, tenu pour néant par la raison et le monde, symbolisé par le cercle, il est l’expression de l
1991 nd que le grand, tenu pour néant par la raison et le monde, symbolisé par le cercle, il est l’expression de la volonté d’i
1992 ur néant par la raison et le monde, symbolisé par le cercle, il est l’expression de la volonté d’individuation dans l’homm
1993 ison et le monde, symbolisé par le cercle, il est l’ expression de la volonté d’individuation dans l’homme. Du point de vue
1994 , symbolisé par le cercle, il est l’expression de la volonté d’individuation dans l’homme. Du point de vue de l’égo, cette
1995 t l’expression de la volonté d’individuation dans l’ homme. Du point de vue de l’égo, cette quête n’est que folie et non-se
1996 d’individuation dans l’homme. Du point de vue de l’ égo, cette quête n’est que folie et non-sens. c) Interprétation mo
1997 rprétation moderne de B. McM. Hazard (résumé) La clef 0 doit exprimer un état de préparation, avant la conscience et l
1998 lef 0 doit exprimer un état de préparation, avant la conscience et l’individuation. Les symboles de la carte le confirment
1999 er un état de préparation, avant la conscience et l’ individuation. Les symboles de la carte le confirment : le grand solei
2000 paration, avant la conscience et l’individuation. Les symboles de la carte le confirment : le grand soleil blanc, en haut à
2001 la conscience et l’individuation. Les symboles de la carte le confirment : le grand soleil blanc, en haut à droite, contie
2002 ence et l’individuation. Les symboles de la carte le confirment : le grand soleil blanc, en haut à droite, contient toutes
2003 duation. Les symboles de la carte le confirment : le grand soleil blanc, en haut à droite, contient toutes les couleurs du
2004 d soleil blanc, en haut à droite, contient toutes les couleurs du spectre encore indifférenciées ; la couleur jaune du fond
2005 les couleurs du spectre encore indifférenciées ; la couleur jaune du fond est celle de l’intellect, de l’air, de la respi
2006 érenciées ; la couleur jaune du fond est celle de l’ intellect, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint com
2007 ouleur jaune du fond est celle de l’intellect, de l’ air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternelle J
2008 ne du fond est celle de l’intellect, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternelle Jeunesse, p
2009 lle de l’intellect, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer d
2010 la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’ Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer dans l’abîme de la manifestation
2011 comme l’Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer dans l’ abîme de la manifestation terrestre. Il porte les deux symboles fémini
2012 rnelle Jeunesse, prête à pénétrer dans l’abîme de la manifestation terrestre. Il porte les deux symboles féminin et mascul
2013 s l’abîme de la manifestation terrestre. Il porte les deux symboles féminin et masculin : ses cheveux clairs dénotent la co
2014 féminin et masculin : ses cheveux clairs dénotent la conscience (par opposition à l’inconscient). Sa robe blanche (pureté)
2015 x clairs dénotent la conscience (par opposition à l’ inconscient). Sa robe blanche (pureté) porte autour du col les lettres
2016 nt). Sa robe blanche (pureté) porte autour du col les lettres du grand tétragramme hébreu, le nom imprononçable de Dieu, J
2017 r du col les lettres du grand tétragramme hébreu, le nom imprononçable de Dieu, J H V H. Par-dessus cette robe, il porte l
2018 de Dieu, J H V H. Par-dessus cette robe, il porte la cape noire de l’ignorance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée
2019 Par-dessus cette robe, il porte la cape noire de l’ ignorance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée de trèfles verts
2020 ape noire de l’ignorance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée de trèfles verts — la nature créatrice — et de disques
2021 ouge — c’est le désir —, ornée de trèfles verts — la nature créatrice — et de disques jaunes sur lesquels sont brodées des
2022 nt brodées des roues rouges à 8 rayons, annonçant l’ accomplissement futur, l’intégration et la conscience individuelle. Le
2023 es à 8 rayons, annonçant l’accomplissement futur, l’ intégration et la conscience individuelle. Les arcanes majeurs qui sui
2024 nonçant l’accomplissement futur, l’intégration et la conscience individuelle. Les arcanes majeurs qui suivent montrent ce
2025 tur, l’intégration et la conscience individuelle. Les arcanes majeurs qui suivent montrent ce qu’il adviendra du Fou à mesu
2026 qu’il adviendra du Fou à mesure qu’il traversera les collines, vallées et montagnes indiquées dans le fond de cette carte,
2027 les collines, vallées et montagnes indiquées dans le fond de cette carte, jusqu’à ce qu’il revienne au grand soleil ou « P
2028 dans une suite de symboles qui expriment d’abord les archétypes de l’homme collectif, puis les symboles plus subjectifs de
2029 symboles qui expriment d’abord les archétypes de l’ homme collectif, puis les symboles plus subjectifs de l’homme individu
2030 d’abord les archétypes de l’homme collectif, puis les symboles plus subjectifs de l’homme individualisé. d) Interprétat
2031 e collectif, puis les symboles plus subjectifs de l’ homme individualisé. d) Interprétation de Heinrich Zimmer (extrait
2032 posthume, non encore publié) Dernière carte de la série de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui l
2033 core publié) Dernière carte de la série de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à une de
2034 ule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à une des couleurs… Cette figure solitaire montre un vagabond e
2035 olitaire montre un vagabond errant sans but, avec la démarche d’un fou… et un regard qui perce toutes choses sans s’arrête
2036 qui perce toutes choses sans s’arrêter à aucune. ( Le Fou) exprime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse de l’Est) parv
2037 choses sans s’arrêter à aucune. (Le Fou) exprime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse de l’Est) parvenu au terme de
2038 . (Le Fou) exprime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse de l’Est) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à un fo
2039 rime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse de l’ Est) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à un fou, à un mendia
2040 e (selon la sagesse de l’Est) parvenu au terme de l’ initiation. Semblable à un fou, à un mendiant, à un hors-caste : car c
2041 n mendiant, à un hors-caste : car c’est ainsi que le saint, l’homme parfait, doit apparaître aux yeux des autres. Il s’est
2042 , à un hors-caste : car c’est ainsi que le saint, l’ homme parfait, doit apparaître aux yeux des autres. Il s’est libéré de
2043 , des hiérarchies sociales. Il n’a plus besoin de la puissance terrestre (les épées) ; des sacrements, rites et prêtres de
2044 es. Il n’a plus besoin de la puissance terrestre ( les épées) ; des sacrements, rites et prêtres des religions établies (les
2045 rements, rites et prêtres des religions établies ( les coupes) ; des biens qu’on peut acheter et vendre (les deniers) ; du s
2046 coupes) ; des biens qu’on peut acheter et vendre ( les deniers) ; du sol et du foyer (les bâtons). Il n’a plus d’attaches, n
2047 ter et vendre (les deniers) ; du sol et du foyer ( les bâtons). Il n’a plus d’attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme.
2048 âtons). Il n’a plus d’attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’un fol errant. Comment a-t-il atteint le s
2049 Il n’est qu’un fol errant. Comment a-t-il atteint le stade suprême, bien au-dessus des rois, des reines, des as, des cheva
2050 s valets, au-dessus des 21 symboles qui décrivent la hiérarchie des essences et des sphères surhumaines ? En passant à tra
2051 re pris par un seul… Ayant accompli son être dans la coïncidence des contraires, pour lui l’univers ambiant perd son poids
2052 être dans la coïncidence des contraires, pour lui l’ univers ambiant perd son poids. Sa réalité visible et tangible continu
2053 ter, mais elle a perdu son pouvoir magique. Voici l’ expérience du Fou : le monde extérieur n’a pas plus de signification r
2054 son pouvoir magique. Voici l’expérience du Fou : le monde extérieur n’a pas plus de signification réelle que l’ego, dont
2055 xtérieur n’a pas plus de signification réelle que l’ ego, dont il s’est débarrassé depuis longtemps. L’une et l’autre sont
2056 ébarrassé depuis longtemps. L’une et l’autre sont les illusions qui s’interposent entre l’homme et son essence divine innée
2057 ’autre sont les illusions qui s’interposent entre l’ homme et son essence divine innée… Le fol errant n’a ni famille, ni po
2058 posent entre l’homme et son essence divine innée… Le fol errant n’a ni famille, ni possessions, ni lieu où reposer sa tête
2059 rustré de rien de tout cela. Il est en union avec l’ Univers, sa vraie maison. L’univers participe à sa nature même. D’autr
2060 Il est en union avec l’Univers, sa vraie maison. L’ univers participe à sa nature même. D’autre part, le divin, dans son e
2061 univers participe à sa nature même. D’autre part, le divin, dans son essence transcendantale, au-delà de tout changement o
2062 trouve être aussi son essence propre. Car il est la coincidentia oppositorum. La forme suprême de cette union est Dieu, d
2063 e propre. Car il est la coincidentia oppositorum. La forme suprême de cette union est Dieu, déployant constamment son esse
2064 est Dieu, déployant constamment son essence dans les aspects de l’univers et de ses créatures, et cependant restant le « D
2065 oyant constamment son essence dans les aspects de l’ univers et de ses créatures, et cependant restant le « Dieu caché », d
2066 univers et de ses créatures, et cependant restant le « Dieu caché », deus absconditus, éternellement… Le fol errant voit e
2067 « Dieu caché », deus absconditus, éternellement… Le fol errant voit en toutes choses la manifestation de Dieu, c’est-à-di
2068 ternellement… Le fol errant voit en toutes choses la manifestation de Dieu, c’est-à-dire de lui-même, et en même temps il
2069 i-même, et en même temps il voit à travers toutes les choses : elles ne sont que néant, elles ne sont qu’un mirage, il les
2070 ne sont que néant, elles ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il est le mendiant qui possède l’univers, et toutes ses
2071 ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il est le mendiant qui possède l’univers, et toutes ses richesses, qui ne sont
2072 l les a dépassées… Il est le mendiant qui possède l’ univers, et toutes ses richesses, qui ne sont rien d’autre que le dépl
2073 outes ses richesses, qui ne sont rien d’autre que le déploiement de sa propre nature. Vous pourrez donc le traiter de fou.
2074 éploiement de sa propre nature. Vous pourrez donc le traiter de fou. Il l’est en effet, mais il n’est pas un lunatique que
2075 e nature. Vous pourrez donc le traiter de fou. Il l’ est en effet, mais il n’est pas un lunatique quelconque, un idiot ou u
2076 e, entrait chez vous et vous tapait gentiment sur l’ épaule en murmurant à votre oreille : « Je suis le Père, et le Fils, e
2077 l’épaule en murmurant à votre oreille : « Je suis le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit ! » — la plupart d’entre vous, s
2078 murmurant à votre oreille : « Je suis le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit ! » — la plupart d’entre vous, sans plus d’e
2079 votre oreille : « Je suis le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit ! » — la plupart d’entre vous, sans plus d’enquête, le c
2080 » — la plupart d’entre vous, sans plus d’enquête, le conduiraient tranquillement à l’asile. C’est pourquoi le parfait init
2081 plus d’enquête, le conduiraient tranquillement à l’ asile. C’est pourquoi le parfait initié ne condescend pas à desserrer
2082 uiraient tranquillement à l’asile. C’est pourquoi le parfait initié ne condescend pas à desserrer ses lèvres et à révéler
2083 ondescend pas à desserrer ses lèvres et à révéler le scandaleux secret de sa perfection. Dans la sagesse du Saint-Esprit i
2084 véler le scandaleux secret de sa perfection. Dans la sagesse du Saint-Esprit incarné, il passe, étranger, silencieux. Étan
2085 indre de n’être rien. Et de même, il convient que la séquence des arcanes, grâce aux symboles graphiques desquels nous son
2086 ux symboles graphiques desquels nous sont dévolus l’ initiation et l’accomplissement, apparaisse simplement comme une série
2087 hiques desquels nous sont dévolus l’initiation et l’ accomplissement, apparaisse simplement comme une série de cartes à jou
2088 ie de cartes à jouer plutôt bizarres et démodées… Le Parfait sous l’aspect d’un fol errant, a dépassé la possibilité d’êtr
2089 ouer plutôt bizarres et démodées… Le Parfait sous l’ aspect d’un fol errant, a dépassé la possibilité d’être aucune des réa
2090 Parfait sous l’aspect d’un fol errant, a dépassé la possibilité d’être aucune des réalités particulières exprimées par le
2091 e aucune des réalités particulières exprimées par les quatre couleurs et les arcanes. C’est pourquoi, prenons garde, s’il n
2092 articulières exprimées par les quatre couleurs et les arcanes. C’est pourquoi, prenons garde, s’il nous advient jamais de r
2093 mploi, un vagabond cosmique. Prenons bien garde à la manière dont nous le traiterons ! Il se pourrait qu’il soit le Saint-
2094 smique. Prenons bien garde à la manière dont nous le traiterons ! Il se pourrait qu’il soit le Saint-Esprit incarné, le Ch
2095 nt nous le traiterons ! Il se pourrait qu’il soit le Saint-Esprit incarné, le Christ errant de nouveau parmi les hommes Et
2096 l se pourrait qu’il soit le Saint-Esprit incarné, le Christ errant de nouveau parmi les hommes Et de plus, s’il y condesce
2097 Esprit incarné, le Christ errant de nouveau parmi les hommes Et de plus, s’il y condescendait, il pourrait bien être capabl
2098 n être capable de nous révéler le dernier mot sur les symboles du tarot ! La Roue de Fortune, arcane 10 a) Interpr
2099 er le dernier mot sur les symboles du tarot ! La Roue de Fortune, arcane 10 a) Interprétation d’Elie Alta, d’aprè
2100 nterprétation d’Elie Alta, d’après Etteilla : La lettre Iod se rapporte à la plupart des idées du nombre 10. Elle a le
2101 porte à la plupart des idées du nombre 10. Elle a le sens de main, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manife
2102 t des idées du nombre 10. Elle a le sens de main, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui va se
2103 ombre 10. Elle a le sens de main, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui va se produire, la pot
2104 in, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui va se produire, la potentialité d’un événement. Idé
2105 le symbolise la manifestation qui va se produire, la potentialité d’un événement. Idée d’eau, de liquide. Astrologie. La
2106 n événement. Idée d’eau, de liquide. Astrologie. La Vierge, maison de Mercure. On y considère la santé, si l’absent se po
2107 gie. La Vierge, maison de Mercure. On y considère la santé, si l’absent se porte bien… On demande quant à la femme si elle
2108 e, maison de Mercure. On y considère la santé, si l’ absent se porte bien… On demande quant à la femme si elle est impudiqu
2109 té, si l’absent se porte bien… On demande quant à la femme si elle est impudique. Figure. Elle représente une roue sur so
2110 autre côté un homme. Elle nous indique simplement le mouvement de la vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx
2111 mme. Elle nous indique simplement le mouvement de la vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet
2112 dique simplement le mouvement de la vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet de la roue, figure
2113 de la vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet de la roue, figure la loi universelle des tran
2114 es, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet de la roue, figure la loi universelle des transmutations matérielles ou phy
2115 née. Le sphinx placé au sommet de la roue, figure la loi universelle des transmutations matérielles ou physiques… Celui qu
2116 b) Interprétation de B. McM. Hasard (résumé) : La clef 10 termine le cycle collectif et inaugure le cycle individuel. A
2117 e B. McM. Hasard (résumé) : La clef 10 termine le cycle collectif et inaugure le cycle individuel. Aux 4 coins de la ca
2118 La clef 10 termine le cycle collectif et inaugure le cycle individuel. Aux 4 coins de la carte, les figures symboliques —
2119 f et inaugure le cycle individuel. Aux 4 coins de la carte, les figures symboliques — un homme, ou ange, un lion, un taure
2120 ure le cycle individuel. Aux 4 coins de la carte, les figures symboliques — un homme, ou ange, un lion, un taureau, un aigl
2121 ange, un lion, un taureau, un aigle — signifient les 4 divisions du cosmos auxquelles faisaient allusion les 4 lettres I H
2122 divisions du cosmos auxquelles faisaient allusion les 4 lettres I H V H brodées sur la robe du Fou, et représentent les 4 s
2123 saient allusion les 4 lettres I H V H brodées sur la robe du Fou, et représentent les 4 signes fixes du zodiaque. L’Ange (
2124 H V H brodées sur la robe du Fou, et représentent les 4 signes fixes du zodiaque. L’Ange (Aquarius) est l’Air (Verseau, Gém
2125 , et représentent les 4 signes fixes du zodiaque. L’ Ange (Aquarius) est l’Air (Verseau, Gémeaux, Balance) ; l’Aigle (Scorp
2126 4 signes fixes du zodiaque. L’Ange (Aquarius) est l’ Air (Verseau, Gémeaux, Balance) ; l’Aigle (Scorpion) est l’Eau (Scorpi
2127 Aquarius) est l’Air (Verseau, Gémeaux, Balance) ; l’ Aigle (Scorpion) est l’Eau (Scorpion, Poissons, Cancer) ; le Taureau (
2128 rseau, Gémeaux, Balance) ; l’Aigle (Scorpion) est l’ Eau (Scorpion, Poissons, Cancer) ; le Taureau (Taureau) est la Terre (
2129 corpion) est l’Eau (Scorpion, Poissons, Cancer) ; le Taureau (Taureau) est la Terre (Taureau, Vierge, Capricorne) ; le Lio
2130 ion, Poissons, Cancer) ; le Taureau (Taureau) est la Terre (Taureau, Vierge, Capricorne) ; le Lion (Lion) est le Feu (Lion
2131 eau) est la Terre (Taureau, Vierge, Capricorne) ; le Lion (Lion) est le Feu (Lion, Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 pa
2132 Taureau, Vierge, Capricorne) ; le Lion (Lion) est le Feu (Lion, Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 parties de l’homme :
2133 est le Feu (Lion, Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 parties de l’homme : Corps (Terre), Émotions (Eau), Intelligence (A
2134 , Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 parties de l’ homme : Corps (Terre), Émotions (Eau), Intelligence (Air), Esprit (Feu
2135 Émotions (Eau), Intelligence (Air), Esprit (Feu), les 4 emblèmes chérubiniques dans Ézéchiel, les 4 évangélistes et leurs e
2136 Feu), les 4 emblèmes chérubiniques dans Ézéchiel, les 4 évangélistes et leurs emblèmes, les 4 rivières du Paradis, et le Té
2137 s Ézéchiel, les 4 évangélistes et leurs emblèmes, les 4 rivières du Paradis, et le Tétragramme. Ces 4 symboles cosmiques so
2138 et leurs emblèmes, les 4 rivières du Paradis, et le Tétragramme. Ces 4 symboles cosmiques sont entourés de nuages de temp
2139 ques sont entourés de nuages de tempête suggérant les luttes nécessaires pour arriver à les harmoniser dans le Grand Œuvre.
2140 e suggérant les luttes nécessaires pour arriver à les harmoniser dans le Grand Œuvre. Cependant le fond bleu pâle du ciel i
2141 es nécessaires pour arriver à les harmoniser dans le Grand Œuvre. Cependant le fond bleu pâle du ciel indique que la paix
2142 r à les harmoniser dans le Grand Œuvre. Cependant le fond bleu pâle du ciel indique que la paix spirituelle s’établira fin
2143 . Cependant le fond bleu pâle du ciel indique que la paix spirituelle s’établira finalement quand les tensions entre les é
2144 e la paix spirituelle s’établira finalement quand les tensions entre les éléments seront équilibrées. Au centre de la carte
2145 le s’établira finalement quand les tensions entre les éléments seront équilibrées. Au centre de la carte, un large cercle o
2146 tre les éléments seront équilibrées. Au centre de la carte, un large cercle orangé indique que le Grand Œuvre est une acti
2147 e de la carte, un large cercle orangé indique que le Grand Œuvre est une activité solaire. Trois cercles concentriques s’y
2148 re, Fils. Au milieu, une roue à 8 rayons signifie la manifestation parfaite, résultant du mouvement de 2 roues de 4 rayons
2149 n sens inverse l’une de l’autre : équilibre entre les aspects positifs et négatifs des 4 instruments (bâtons, épées, coupes
2150 tons, épées, coupes, deniers), c’est-à-dire entre l’ évolution et l’involution. L’une des roues porte les signes alchimique
2151 upes, deniers), c’est-à-dire entre l’évolution et l’ involution. L’une des roues porte les signes alchimiques du Mercure (I
2152 ’évolution et l’involution. L’une des roues porte les signes alchimiques du Mercure (Intellect) ; Sel (Corps) ; Soufre (Esp
2153 mais il se peut qu’elle en ait porté autrefois. À l’ extrémité de chacun des rayons de la première roue est placée une des
2154 des lettres du mot T A R O, qui doit se lire dans le sens des aiguilles d’une montre. À l’extrémité de chacun des rayons d
2155 e lire dans le sens des aiguilles d’une montre. À l’ extrémité de chacun des rayons de la seconde roue, sont les lettres Yo
2156 ité de chacun des rayons de la seconde roue, sont les lettres Yod, Heh, Vav, Heh, qui doivent être lues en sens inverse des
2157 rse des aiguilles d’une montre, étant hébraïques. La division quaternaire du cosmos se retrouve ici au plus bas niveau de
2158 e du cosmos se retrouve ici au plus bas niveau de la conscience, encore solaire et collective (symboles abstraits). Autour
2159 ire et collective (symboles abstraits). Autour de la roue, trois symboles concrets : le Serpent, le Sphinx, l’Anubis, repr
2160 ts). Autour de la roue, trois symboles concrets : le Serpent, le Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau de la conscience
2161 de la roue, trois symboles concrets : le Serpent, le Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau de la conscience collective
2162 trois symboles concrets : le Serpent, le Sphinx, l’ Anubis, représentent le niveau de la conscience collective humaine. Le
2163 s : le Serpent, le Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau de la conscience collective humaine. Le Serpent est jaune (act
2164 t, le Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau de la conscience collective humaine. Le Serpent est jaune (activité de l’in
2165 nt le niveau de la conscience collective humaine. Le Serpent est jaune (activité de l’intellect) dirigé vers le bas (invol
2166 ective humaine. Le Serpent est jaune (activité de l’ intellect) dirigé vers le bas (involution dans la matière) et ondulant
2167 t est jaune (activité de l’intellect) dirigé vers le bas (involution dans la matière) et ondulant (action vibratoire de l’
2168 l’intellect) dirigé vers le bas (involution dans la matière) et ondulant (action vibratoire de l’intellect créateur). L’A
2169 ans la matière) et ondulant (action vibratoire de l’ intellect créateur). L’Anubis, ou Hermanubis, mi-loup mi-homme, coloré
2170 lant (action vibratoire de l’intellect créateur). L’ Anubis, ou Hermanubis, mi-loup mi-homme, coloré en rouge (désir), s’él
2171 oup mi-homme, coloré en rouge (désir), s’élève de la matière et évolue vers le Père : c’est l’homme qui s’éveille des prof
2172 uge (désir), s’élève de la matière et évolue vers le Père : c’est l’homme qui s’éveille des profondeurs, et qui commence à
2173 lève de la matière et évolue vers le Père : c’est l’ homme qui s’éveille des profondeurs, et qui commence à monter vers l’a
2174 le des profondeurs, et qui commence à monter vers l’ appel du Sphinx, symbole de l’homme parfait ou conscient et individual
2175 mence à monter vers l’appel du Sphinx, symbole de l’ homme parfait ou conscient et individualisé. Le Sphinx est bleu (spiri
2176 de l’homme parfait ou conscient et individualisé. Le Sphinx est bleu (spiritualisé, re-né) et porte sur la tête des orneme
2177 phinx est bleu (spiritualisé, re-né) et porte sur la tête des ornements noirs et blancs : équilibre des contradictions. Il
2178 t blancs : équilibre des contradictions. Il tient l’ épée de la discrimination. Son corps est mi-féminin, mi-léonin, hermap
2179 équilibre des contradictions. Il tient l’épée de la discrimination. Son corps est mi-féminin, mi-léonin, hermaphrodite, é
2180 liographie sommaire Antoine Court de Gébelin : Le Monde primitif (volume VIII) : Du jeu des tarots, Paris, 1781. Ettei
2181 ris, 1781. Etteilla : Manière de se récréer avec le jeu de cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de Tho
2182 de cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de Thot. M. M. D’Odoucet : Science des signes, ou médecine de
2183 M. D’Odoucet : Science des signes, ou médecine de l’ esprit, connue sous le nom d’art de tirer les cartes, Paris, 1793. Wil
2184 des signes, ou médecine de l’esprit, connue sous le nom d’art de tirer les cartes, Paris, 1793. William A. Chatto : Facts
2185 ne de l’esprit, connue sous le nom d’art de tirer les cartes, Paris, 1793. William A. Chatto : Facts and Speculations conce
2186 , London, 1848. Éliphas Lévi : Dogme et rituel de la haute magie, 1860 — Clefs majeures et clavicules de Salomon, 1895. —
2187 Clefs majeures et clavicules de Salomon, 1895. — Le Grand Arcane, 1898. — Transcendental Magic, New York, 1938. Romain Me
2188  : Tarot, Paris, 1870. Papus (Gérard Encausse) : Le Tarot divinatoire ou tarot des bohémiens, Paris, 1885. Arthur Edward
2189 arot, London, 1922. Elie Alta (Gervais Bouchet) : Le Tarot Égyptien, Vichy, 1922. Oswald Wirth : Le Tarot des imagiers du
2190  : Le Tarot Égyptien, Vichy, 1922. Oswald Wirth : Le Tarot des imagiers du Moyen Âge, 1927. Paul Foster Case : An introduc
13 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
2191 Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)i La rhétorique est
2192 Les règles du jeu dans l’ art romanesque (1944-1945)i La rhétorique est l’art de persuader. L
2193 gles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)i La rhétorique est l’art de persuader. L’ignorance ou l’abus en ont fait
2194 ’art romanesque (1944-1945)i La rhétorique est l’ art de persuader. L’ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’art
2195 4-1945)i La rhétorique est l’art de persuader. L’ ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’art de parler pour ne ri
2196 rhétorique est l’art de persuader. L’ignorance ou l’ abus en ont fait aujourd’hui l’art de parler pour ne rien dire. Rhétor
2197 er. L’ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’ art de parler pour ne rien dire. Rhétorique est devenue synonyme d’élo
2198 t autre sens. Je voudrais désigner par rhétorique l’ ensemble des règles du jeu dans l’art. Feraient partie de la rhétoriqu
2199 par rhétorique l’ensemble des règles du jeu dans l’ art. Feraient partie de la rhétorique des éléments aussi divers que le
2200 des règles du jeu dans l’art. Feraient partie de la rhétorique des éléments aussi divers que les lois de composition d’un
2201 ie de la rhétorique des éléments aussi divers que les lois de composition d’un tableau, et sa limitation par le cadre ; les
2202 de composition d’un tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois de l’harmonie et du contrepoint ; les genres musicau
2203 ion d’un tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois de l’harmonie et du contrepoint ; les genres musicaux et littéra
2204 leau, et sa limitation par le cadre ; les lois de l’ harmonie et du contrepoint ; les genres musicaux et littéraires ; les
2205 adre ; les lois de l’harmonie et du contrepoint ; les genres musicaux et littéraires ; les conventions de l’opéra et de la
2206 ontrepoint ; les genres musicaux et littéraires ; les conventions de l’opéra et de la danse ; les personnages constants du
2207 nres musicaux et littéraires ; les conventions de l’ opéra et de la danse ; les personnages constants du théâtre ; les ouve
2208 et littéraires ; les conventions de l’opéra et de la danse ; les personnages constants du théâtre ; les ouvertures, levers
2209 res ; les conventions de l’opéra et de la danse ; les personnages constants du théâtre ; les ouvertures, levers de rideau,
2210 la danse ; les personnages constants du théâtre ; les ouvertures, levers de rideau, préfaces, finales, épilogues et points
2211 préfaces, finales, épilogues et points d’orgue ; la règle des trois unités ; les transitions, récitatifs, coups de théâtr
2212 s et points d’orgue ; la règle des trois unités ; les transitions, récitatifs, coups de théâtre et contrastes ménagés ; le
2213 itatifs, coups de théâtre et contrastes ménagés ; le nombre fixe des syllabes dans un vers et des vers dans un sonnet ; le
2214 yllabes dans un vers et des vers dans un sonnet ; les rimes et les césures, — bref, toutes les conventions acceptées en com
2215 un vers et des vers dans un sonnet ; les rimes et les césures, — bref, toutes les conventions acceptées en commun par les a
2216 sonnet ; les rimes et les césures, — bref, toutes les conventions acceptées en commun par les artistes et leur public. Tout
2217 f, toutes les conventions acceptées en commun par les artistes et leur public. Tout cela faisait l’Art, aux grandes époques
2218 ar les artistes et leur public. Tout cela faisait l’ Art, aux grandes époques. Artiste était celui qui, de ces règles, sava
2219 elui qui, de ces règles, savait tirer sa liberté. L’ inspiration passait par ces canaux et se communiquait par eux. Les règ
2220 assait par ces canaux et se communiquait par eux. Les règles étant connues, amateurs et critiques disposaient d’une mesure
2221 t critiques disposaient d’une mesure commune avec le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfacture d’une œuvre, et faire
2222 e commune avec le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfacture d’une œuvre, et faire la part de l’invention par déductio
2223 ient estimer la bienfacture d’une œuvre, et faire la part de l’invention par déduction de la coutume. Presque tous ces cri
2224 r la bienfacture d’une œuvre, et faire la part de l’ invention par déduction de la coutume. Presque tous ces critères effac
2225 et faire la part de l’invention par déduction de la coutume. Presque tous ces critères effacés ou perdus, notre époque ne
2226 époque ne sait plus juger d’une œuvre. Elle tient la rhétorique et ses figures pour arbitraires, artificielles, non contra
2227 rtificielles, non contraignantes. (Et sans doute, le sont-elles devenues.) Mais dès l’instant où les règles d’un jeu cesse
2228 (Et sans doute, le sont-elles devenues.) Mais dès l’ instant où les règles d’un jeu cessent d’être respectées comme absolue
2229 e, le sont-elles devenues.) Mais dès l’instant où les règles d’un jeu cessent d’être respectées comme absolues, qui pourrai
2230 respectées comme absolues, qui pourrait désigner le gagnant ? Tricher même n’a plus aucun charme. Si vous vous soumettez
2231 endant plusieurs minutes de recherches intenses ; les témoins avertis sauront immédiatement si vous avez bien ou mal fait,
2232 escient, si vous avez inventé quelque chose. Ôtez les règles, et ce même déplacement devient le type du geste indifférent.
2233 . Ôtez les règles, et ce même déplacement devient le type du geste indifférent. Dans le principe, et dans les hautes époqu
2234 cement devient le type du geste indifférent. Dans le principe, et dans les hautes époques, la rhétorique au sens large, et
2235 e du geste indifférent. Dans le principe, et dans les hautes époques, la rhétorique au sens large, et ses règles, sont stri
2236 nt. Dans le principe, et dans les hautes époques, la rhétorique au sens large, et ses règles, sont strictement non arbitra
2237 nt des relations constitutives de notre corps, de la psyché et du Cosmos. La régularité et l’alternance de la respiration,
2238 utives de notre corps, de la psyché et du Cosmos. La régularité et l’alternance de la respiration, des nuits et des saison
2239 orps, de la psyché et du Cosmos. La régularité et l’ alternance de la respiration, des nuits et des saisons, sont nécessair
2240 hé et du Cosmos. La régularité et l’alternance de la respiration, des nuits et des saisons, sont nécessaires à notre vie,
2241 des saisons, sont nécessaires à notre vie, comme les cadences et les contrastes composés sont vitaux pour nos œuvres d’art
2242 nt nécessaires à notre vie, comme les cadences et les contrastes composés sont vitaux pour nos œuvres d’art. Au surplus, le
2243 és sont vitaux pour nos œuvres d’art. Au surplus, les figures de la rhétorique considérées dans toute la variété des arts,
2244 pour nos œuvres d’art. Au surplus, les figures de la rhétorique considérées dans toute la variété des arts, ne sont pas sa
2245 s figures de la rhétorique considérées dans toute la variété des arts, ne sont pas sans correspondances avec les formes ré
2246 é des arts, ne sont pas sans correspondances avec les formes régulières dont le rêve compose ses drames. Il se peut même qu
2247 s correspondances avec les formes régulières dont le rêve compose ses drames. Il se peut même que ces figures ne soient, à
2248 mes. Il se peut même que ces figures ne soient, à l’ origine au moins, que l’affleurement ou que la fixation des archétypes
2249 ces figures ne soient, à l’origine au moins, que l’ affleurement ou que la fixation des archétypes de l’inconscient, tels
2250 , à l’origine au moins, que l’affleurement ou que la fixation des archétypes de l’inconscient, tels qu’un Jung put les ret
2251 affleurement ou que la fixation des archétypes de l’ inconscient, tels qu’un Jung put les retrouver dans les symboles des r
2252 archétypes de l’inconscient, tels qu’un Jung put les retrouver dans les symboles des religions et des magies, spontanément
2253 conscient, tels qu’un Jung put les retrouver dans les symboles des religions et des magies, spontanément réapparus au cours
2254 , spontanément réapparus au cours des âges et sur les points les plus divers de la planète. Les romantiques allemands l’ont
2255 ent réapparus au cours des âges et sur les points les plus divers de la planète. Les romantiques allemands l’ont soupçonné 
2256 urs des âges et sur les points les plus divers de la planète. Les romantiques allemands l’ont soupçonné : Jean-Paul invoqu
2257 et sur les points les plus divers de la planète. Les romantiques allemands l’ont soupçonné : Jean-Paul invoque la « rhétor
2258 s divers de la planète. Les romantiques allemands l’ ont soupçonné : Jean-Paul invoque la « rhétorique des rêves ». Mais c’
2259 ues allemands l’ont soupçonné : Jean-Paul invoque la « rhétorique des rêves ». Mais c’est Baudelaire qui touche le vrai po
2260 que des rêves ». Mais c’est Baudelaire qui touche le vrai point, lorsque, risquant un assemblage de mots qui devait paraît
2261 mblage de mots qui devait paraître, de son temps, le plus scandaleusement paradoxal, il n’hésite pas à nous parler des art
2262 iie siècle, trois phénomènes curieux sollicitent l’ attention : l’enseignement de la rhétorique entre en décadence, cepend
2263 rois phénomènes curieux sollicitent l’attention : l’ enseignement de la rhétorique entre en décadence, cependant que le jou
2264 rieux sollicitent l’attention : l’enseignement de la rhétorique entre en décadence, cependant que le journalisme fait son
2265 e la rhétorique entre en décadence, cependant que le journalisme fait son apparition, et que la réalité quotidienne s’intr
2266 nt que le journalisme fait son apparition, et que la réalité quotidienne s’introduit dans les romans. Conjonction lourde d
2267 n, et que la réalité quotidienne s’introduit dans les romans. Conjonction lourde de présages. Quelques années plus tard écl
2268 rde de présages. Quelques années plus tard éclate la Terreur, balayant les symboles sacrés, les rites sociaux et les cérém
2269 ques années plus tard éclate la Terreur, balayant les symboles sacrés, les rites sociaux et les cérémonies dont l’élite a p
2270 éclate la Terreur, balayant les symboles sacrés, les rites sociaux et les cérémonies dont l’élite a perdu le sens, pour in
2271 alayant les symboles sacrés, les rites sociaux et les cérémonies dont l’élite a perdu le sens, pour instaurer le culte dépo
2272 sacrés, les rites sociaux et les cérémonies dont l’ élite a perdu le sens, pour instaurer le culte dépouillé de la Raison.
2273 es sociaux et les cérémonies dont l’élite a perdu le sens, pour instaurer le culte dépouillé de la Raison. La terreur dans
2274 nies dont l’élite a perdu le sens, pour instaurer le culte dépouillé de la Raison. La terreur dans les arts vint au siècle
2275 rdu le sens, pour instaurer le culte dépouillé de la Raison. La terreur dans les arts vint au siècle suivant. Elle aussi f
2276 , pour instaurer le culte dépouillé de la Raison. La terreur dans les arts vint au siècle suivant. Elle aussi fit la chass
2277 le culte dépouillé de la Raison. La terreur dans les arts vint au siècle suivant. Elle aussi fit la chasse aux « ci-devant
2278 s les arts vint au siècle suivant. Elle aussi fit la chasse aux « ci-devants » : genres établis, situations convenues, rim
2279 ition. Mais elle alla plus loin. Elle déclara que la rhétorique en tant que telle était mauvaise, insincère, et contraire
2280 e telle était mauvaise, insincère, et contraire à l’ inspiration libre. Dans ses recettes magiques et artifices profonds, e
2281 ne vit que recettes et artifices, et commanda de les éliminer. De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’inspira
2282 De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’ inspiration pure, comme la colombe de Kant qui s’imagine qu’elle voler
2283 s clichés1. Abandonné à l’inspiration pure, comme la colombe de Kant qui s’imagine qu’elle volerait mieux dans le vide, l’
2284 de Kant qui s’imagine qu’elle volerait mieux dans le vide, l’artiste crut qu’il irait loin… Il tomba dans « la réalité »,
2285 ui s’imagine qu’elle volerait mieux dans le vide, l’ artiste crut qu’il irait loin… Il tomba dans « la réalité », coupa ses
2286 l’artiste crut qu’il irait loin… Il tomba dans «  la réalité », coupa ses ailes et se fit romancier ou paysagiste d’après
2287 et se fit romancier ou paysagiste d’après nature. Le sociologue et le photographe l’observaient d’un œil ironique. La nai
2288 er ou paysagiste d’après nature. Le sociologue et le photographe l’observaient d’un œil ironique. La naissance, le triomp
2289 e d’après nature. Le sociologue et le photographe l’ observaient d’un œil ironique. La naissance, le triomphe et le déclin
2290 le photographe l’observaient d’un œil ironique. La naissance, le triomphe et le déclin du roman comme genre littéraire,
2291 e l’observaient d’un œil ironique. La naissance, le triomphe et le déclin du roman comme genre littéraire, illustrent à m
2292 d’un œil ironique. La naissance, le triomphe et le déclin du roman comme genre littéraire, illustrent à merveille ces br
2293 illustrent à merveille ces brèves indications sur l’ office de la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origi
2294 merveille ces brèves indications sur l’office de la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origine du roman
2295 èves indications sur l’office de la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte
2296 ons sur l’office de la rhétorique et le danger de l’ écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte. La société
2297 fice de la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte. La société primitive a
2298 rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’ origine du roman est dans le conte. La société primitive a des mythes,
2299 ’écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte. La société primitive a des mythes, courts récits mémorables de
2300 la légère. L’origine du roman est dans le conte. La société primitive a des mythes, courts récits mémorables destinés à f
2301 its mémorables destinés à fixer des événements de l’ âme ou du Cosmos dans un jeu de personnages et d’aventures très simple
2302 n jeu de personnages et d’aventures très simples. Le mythe se développe en légende, et la légende sacrée convoie un enseig
2303 rès simples. Le mythe se développe en légende, et la légende sacrée convoie un enseignement religieux. L’épopée perpétue e
2304 légende sacrée convoie un enseignement religieux. L’ épopée perpétue ensuite le souvenir des héros de la tribu. Mais à mesu
2305 enseignement religieux. L’épopée perpétue ensuite le souvenir des héros de la tribu. Mais à mesure que les dieux prennent
2306 ’épopée perpétue ensuite le souvenir des héros de la tribu. Mais à mesure que les dieux prennent figure d’hommes, que les
2307 souvenir des héros de la tribu. Mais à mesure que les dieux prennent figure d’hommes, que les statues se mettent à ressembl
2308 esure que les dieux prennent figure d’hommes, que les statues se mettent à ressembler aux hommes, que l’homme devient de pl
2309 s statues se mettent à ressembler aux hommes, que l’ homme devient de plus en plus son propre centre et son sujet d’étonnem
2310 n propre centre et son sujet d’étonnement favori, le mythe se rapproche de l’histoire. Il gagne en intérêt tout ce qu’il p
2311 jet d’étonnement favori, le mythe se rapproche de l’ histoire. Il gagne en intérêt tout ce qu’il perd en magie. Naît alors
2312 n intérêt tout ce qu’il perd en magie. Naît alors le récit en prose, illustration de vérités morales communes à l’élite d’
2313 prose, illustration de vérités morales communes à l’ élite d’une société donnée. Nous avons fait, en quelques lignes, tout
2314 donnée. Nous avons fait, en quelques lignes, tout le chemin qui sépare les premiers chapitres de la genèse d’un roman comm
2315 ut le chemin qui sépare les premiers chapitres de la genèse d’un roman comme L’Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’un rê
2316 premiers chapitres de la genèse d’un roman comme L’ Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’un rêve éveillé, donné pour tel
2317 tres de la genèse d’un roman comme L’Astrée. Mais L’ Astrée n’est encore qu’un rêve éveillé, donné pour tel par son auteur.
2318 veillé, donné pour tel par son auteur. C’est avec La Princesse de Clèves que l’on atteint la phase critique où la féerie c
2319 son auteur. C’est avec La Princesse de Clèves que l’ on atteint la phase critique où la féerie cède à l’observation, la vér
2320 ’est avec La Princesse de Clèves que l’on atteint la phase critique où la féerie cède à l’observation, la vérité créée, au
2321 e de Clèves que l’on atteint la phase critique où la féerie cède à l’observation, la vérité créée, aux données vraisemblab
2322 ’on atteint la phase critique où la féerie cède à l’ observation, la vérité créée, aux données vraisemblables. À cet instan
2323 phase critique où la féerie cède à l’observation, la vérité créée, aux données vraisemblables. À cet instant naît le roman
2324 e, aux données vraisemblables. À cet instant naît le roman moderne. À partir du xviiie siècle, le roman se sépare volonta
2325 aît le roman moderne. À partir du xviiie siècle, le roman se sépare volontairement du conte. Aussitôt, on le voit se gonf
2326 n se sépare volontairement du conte. Aussitôt, on le voit se gonfler de psychologie, de lyrisme, d’histoire, de politique,
2327 e, de politique, de documentation. Commence alors l’ inflation romanesque, dont le plus grand spéculateur s’appelle Balzac.
2328 tion. Commence alors l’inflation romanesque, dont le plus grand spéculateur s’appelle Balzac. Avec lui, après lui plus enc
2329 ’appelle Balzac. Avec lui, après lui plus encore, le roman tourne à l’« étude » du réel, quand le conte, la légende, et mê
2330 vec lui, après lui plus encore, le roman tourne à l’ « étude » du réel, quand le conte, la légende, et même l’épopée, étaie
2331 ore, le roman tourne à l’« étude » du réel, quand le conte, la légende, et même l’épopée, étaient créations pures de l’ima
2332 man tourne à l’« étude » du réel, quand le conte, la légende, et même l’épopée, étaient créations pures de l’imagination.
2333 de » du réel, quand le conte, la légende, et même l’ épopée, étaient créations pures de l’imagination. Et l’on ne sait plus
2334 nde, et même l’épopée, étaient créations pures de l’ imagination. Et l’on ne sait plus si le roman est une pseudo-science o
2335 pée, étaient créations pures de l’imagination. Et l’ on ne sait plus si le roman est une pseudo-science ou un faux art. Reg
2336 s pures de l’imagination. Et l’on ne sait plus si le roman est une pseudo-science ou un faux art. Regardons de plus près c
2337 un faux art. Regardons de plus près ce passage de l’ invention réelle au réalisme allégué. Le terroriste détruit ce qui sou
2338 assage de l’invention réelle au réalisme allégué. Le terroriste détruit ce qui soutenait l’envol de l’imagination libremen
2339 e allégué. Le terroriste détruit ce qui soutenait l’ envol de l’imagination librement vraie : il détruit les figures conven
2340 Le terroriste détruit ce qui soutenait l’envol de l’ imagination librement vraie : il détruit les figures convenues, les ri
2341 vol de l’imagination librement vraie : il détruit les figures convenues, les rites constants de l’illusion, dont le conteur
2342 brement vraie : il détruit les figures convenues, les rites constants de l’illusion, dont le conteur connaissait les pouvoi
2343 uit les figures convenues, les rites constants de l’ illusion, dont le conteur connaissait les pouvoirs. Il ne lui reste po
2344 onvenues, les rites constants de l’illusion, dont le conteur connaissait les pouvoirs. Il ne lui reste pour appui que la r
2345 stants de l’illusion, dont le conteur connaissait les pouvoirs. Il ne lui reste pour appui que la réalité telle qu’il la vo
2346 sait les pouvoirs. Il ne lui reste pour appui que la réalité telle qu’il la voit. Mais cette réalité — c’est-à-dire : l’ex
2347 e lui reste pour appui que la réalité telle qu’il la voit. Mais cette réalité — c’est-à-dire : l’extérieur — ne peut fourn
2348 u’il la voit. Mais cette réalité — c’est-à-dire : l’ extérieur — ne peut fournir que des objets à exprimer, non pas des moy
2349 primer, non pas des moyens d’expression. Mieux on l’ imite et plus on s’écarte de l’art. Avec une incroyable étourderie, ce
2350 pression. Mieux on l’imite et plus on s’écarte de l’ art. Avec une incroyable étourderie, certains demandent alors un « art
2351 tains demandent alors un « art vivant ». Comme si les règles d’un jeu devaient être vivantes ! Plus personne ne pourrait jo
2352 être vivantes ! Plus personne ne pourrait jouer2. Le jeu ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure de la fixité même de
2353 jouer2. Le jeu ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure de la fixité même de ses règles indiscutées. L’art consistait
2354 u ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure de la fixité même de ses règles indiscutées. L’art consistait jadis à donne
2355 sure de la fixité même de ses règles indiscutées. L’ art consistait jadis à donner sens aux propositions de la vie. Ses règ
2356 onsistait jadis à donner sens aux propositions de la vie. Ses règles émergeaient de la nature profonde, elles prolongeaien
2357 propositions de la vie. Ses règles émergeaient de la nature profonde, elles prolongeaient la nature naturante, au lieu de
2358 eaient de la nature profonde, elles prolongeaient la nature naturante, au lieu de copier la nature naturée. Et la psyché r
2359 longeaient la nature naturante, au lieu de copier la nature naturée. Et la psyché réinventait un réel significatif. Commen
2360 aturante, au lieu de copier la nature naturée. Et la psyché réinventait un réel significatif. Comment rejoindrait-on le se
2361 tait un réel significatif. Comment rejoindrait-on le sens profond des choses et des événements de la vie, en décalquant le
2362 n le sens profond des choses et des événements de la vie, en décalquant le désordre varié des objets ou des sentiments ? P
2363 choses et des événements de la vie, en décalquant le désordre varié des objets ou des sentiments ? Par l’extérieur on ne r
2364 désordre varié des objets ou des sentiments ? Par l’ extérieur on ne rejoint que l’insignifiance observable. C’est ce qui v
2365 es sentiments ? Par l’extérieur on ne rejoint que l’ insignifiance observable. C’est ce qui va se produire après Balzac. Le
2366 rvable. C’est ce qui va se produire après Balzac. Le roman pousse deux branches d’importance inégale. La première est la m
2367 ux branches d’importance inégale. La première est la monographie : Adolphe, Obermann, Dominique. Ces récits intéressent le
2368 lphe, Obermann, Dominique. Ces récits intéressent le lecteur s’il se retrouve dans le héros. La part de l’art y est réduit
2369 cits intéressent le lecteur s’il se retrouve dans le héros. La part de l’art y est réduite à celle du style. L’autre branc
2370 essent le lecteur s’il se retrouve dans le héros. La part de l’art y est réduite à celle du style. L’autre branche sera ce
2371 ecteur s’il se retrouve dans le héros. La part de l’ art y est réduite à celle du style. L’autre branche sera celle du réal
2372 lle du réalisme social. C’est là que va triompher la terreur, se déchaîner la chasse impitoyable aux artifices de la fabul
2373 ’est là que va triompher la terreur, se déchaîner la chasse impitoyable aux artifices de la fabulation. Maintenant, le rom
2374 déchaîner la chasse impitoyable aux artifices de la fabulation. Maintenant, le romancier prétend décrire. Il s’excuse d’i
2375 yable aux artifices de la fabulation. Maintenant, le romancier prétend décrire. Il s’excuse d’imaginer. Il ambitionne de c
2376 Il ambitionne de conformer son art aux « lois de la vie », non plus aux procédés du conte. « Le roman, dit M. Jaloux, ne
2377 is de la vie », non plus aux procédés du conte. «  Le roman, dit M. Jaloux, ne connaît d’autres lois que les lois mêmes de
2378 oman, dit M. Jaloux, ne connaît d’autres lois que les lois mêmes de la vie. » Cette proposition des plus étranges est reçue
2379 x, ne connaît d’autres lois que les lois mêmes de la vie. » Cette proposition des plus étranges est reçue sans le moindre
2380 ette proposition des plus étranges est reçue sans le moindre étonnement par la critique moderne et par le grand public. El
2381 étranges est reçue sans le moindre étonnement par la critique moderne et par le grand public. Elle rend compte de l’insign
2382 moindre étonnement par la critique moderne et par le grand public. Elle rend compte de l’insignifiance, au sens littéral d
2383 derne et par le grand public. Elle rend compte de l’ insignifiance, au sens littéral de ce terme, où devait choir fatalemen
2384 littéral de ce terme, où devait choir fatalement le roman dès qu’il refusa d’être fable. Tout l’intérêt du conte, effecti
2385 ment le roman dès qu’il refusa d’être fable. Tout l’ intérêt du conte, effectivement, tenait aux conventions qu’il savait m
2386 ait aux conventions qu’il savait mettre en œuvre. Le conte multipliait les rencontres fortuites, les coïncidences opportun
2387 u’il savait mettre en œuvre. Le conte multipliait les rencontres fortuites, les coïncidences opportunes. Sa rapidité folle
2388 e. Le conte multipliait les rencontres fortuites, les coïncidences opportunes. Sa rapidité folle – par rapport à la vie rée
2389 ces opportunes. Sa rapidité folle – par rapport à la vie réelle – tenait l’auditeur en haleine ; son rythme était autorité
2390 dité folle – par rapport à la vie réelle – tenait l’ auditeur en haleine ; son rythme était autorité. Les événements extrao
2391 ’auditeur en haleine ; son rythme était autorité. Les événements extraordinaires qu’il présentait, portaient les sentiments
2392 ments extraordinaires qu’il présentait, portaient les sentiments jusqu’au sublime, proposaient des types de vie haute, et r
2393 vie haute, et réveillaient des forces endormies. Le conte était le libre déploiement des réalités mêmes de l’âme, qu’il d
2394 réveillaient des forces endormies. Le conte était le libre déploiement des réalités mêmes de l’âme, qu’il décrivait en per
2395 était le libre déploiement des réalités mêmes de l’ âme, qu’il décrivait en personnages selon certains procédés et figures
2396 ins procédés et figures surgis des profondeurs de l’ être, identiques à ceux du rêve, et crus comme tels avec reconnaissanc
2397 comme tels avec reconnaissance, au double sens de l’ expression. Mais que se passe-t-il lorsque le romancier nous fait savo
2398 s de l’expression. Mais que se passe-t-il lorsque le romancier nous fait savoir qu’il a mis dans son livre ce qui est, et
2399 ivre ce qui est, et non plus ce qu’il a inventé ? L’ abandon de la rhétorique entraîne deux séries de conséquences qui se r
2400 st, et non plus ce qu’il a inventé ? L’abandon de la rhétorique entraîne deux séries de conséquences qui se révèlent égale
2401 uences qui se révèlent également ruineuses. 1°) — Le romancier moderne a perdu l’autorité magique du conteur. Il s’est pri
2402 ent ruineuses. 1°) — Le romancier moderne a perdu l’ autorité magique du conteur. Il s’est privé volontairement du bénéfice
2403 r. Il s’est privé volontairement du bénéfice de «  l’ art de persuader » traditionnel. Quand, par exemple, le conteur débuta
2404 de persuader » traditionnel. Quand, par exemple, le conteur débutait par la formule « Il y avait une fois… », il créait a
2405 nnel. Quand, par exemple, le conteur débutait par la formule « Il y avait une fois… », il créait aussitôt chez l’auditeur
2406 « Il y avait une fois… », il créait aussitôt chez l’ auditeur un état très particulier de réceptivité et de créance. On sav
2407 ofond, et significatif. On croyait tout : c’était le jeu. Le jeu ne tolère pas de scepticisme. Observez un enfant quand il
2408 t significatif. On croyait tout : c’était le jeu. Le jeu ne tolère pas de scepticisme. Observez un enfant quand il attend
2409 scepticisme. Observez un enfant quand il attend «  l’ histoire ». Dès que la formule consacrée tombe des lèvres de la grande
2410 un enfant quand il attend « l’histoire ». Dès que la formule consacrée tombe des lèvres de la grande personne, l’enfant ch
2411 Dès que la formule consacrée tombe des lèvres de la grande personne, l’enfant change de visage, l’état second paraît. C’e
2412 consacrée tombe des lèvres de la grande personne, l’ enfant change de visage, l’état second paraît. C’est l’état passionné
2413 de la grande personne, l’enfant change de visage, l’ état second paraît. C’est l’état passionné d’attente où naît l’illusio
2414 ant change de visage, l’état second paraît. C’est l’ état passionné d’attente où naît l’illusion romanesque. Il a suffi des
2415 paraît. C’est l’état passionné d’attente où naît l’ illusion romanesque. Il a suffi des mots rituels pour suspendre le sen
2416 esque. Il a suffi des mots rituels pour suspendre le sens critique, et voici le plaisir extrême : Peau d’âne va lui être c
2417 rituels pour suspendre le sens critique, et voici le plaisir extrême : Peau d’âne va lui être conté. Mais si vous alliez d
2418 alliez dire au même enfant, avant de lui raconter la même histoire, que cela s’est passé tout à l’heure, dans la rue, il f
2419 ter la même histoire, que cela s’est passé tout à l’ heure, dans la rue, il ferait aussitôt mille objections. Il vous juger
2420 stoire, que cela s’est passé tout à l’heure, dans la rue, il ferait aussitôt mille objections. Il vous jugerait avec toute
2421 tôt mille objections. Il vous jugerait avec toute la sévérité que les enfants réservent aux adultes futiles. Au siècle pas
2422 ions. Il vous jugerait avec toute la sévérité que les enfants réservent aux adultes futiles. Au siècle passé, les conteurs
2423 s réservent aux adultes futiles. Au siècle passé, les conteurs populaires et certains des meilleurs écrivains avaient encor
2424 oyageur vêtu d’un macfarlane gris chevauchait sur la route qui va de N… à X… » (Fenimore Cooper, j’imagine). Ou bien c’éta
2425 ne lente description des lieux, introduisant dans l’ atmosphère du récit. (Le début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d
2426 lieux, introduisant dans l’atmosphère du récit. ( Le début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d’avertissement retenaien
2427 oduisant dans l’atmosphère du récit. (Le début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d’avertissement retenaient encore une
2428 s l’atmosphère du récit. (Le début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d’avertissement retenaient encore une règle éléme
2429 retenaient encore une règle élémentaire : marquer le début du jeu par un signal convenu, isoler de la vie courante la part
2430 le début du jeu par un signal convenu, isoler de la vie courante la partie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionne d
2431 par un signal convenu, isoler de la vie courante la partie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionne d’imiter la vie,
2432 , isoler de la vie courante la partie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionne d’imiter la vie, qui ne commence et ne
2433 e. Mais le romancier réaliste ambitionne d’imiter la vie, qui ne commence et ne finit jamais. Force lui est donc d’entrer
2434 de nacre, alluma une cigarette blonde et consulta l’ indicateur. » Il s’agit de me faire croire que c’est vrai. Il faut don
2435 i aussi, ou quelque chose qui ressemble à cela. «  La vraie vie », je la connais autant que cet auteur. Je me méfie, et bie
2436 chose qui ressemble à cela. « La vraie vie », je la connais autant que cet auteur. Je me méfie, et bientôt discute. Et pl
2437 auteur. Je me méfie, et bientôt discute. Et plus l’ auteur paraît désireux de me convaincre — au lieu de s’abandonner à so
2438 d’images — plus j’exige un récit vraisemblable. À la limite, il serait impossible qu’un lecteur tombe jamais d’accord avec
2439 possible qu’un lecteur tombe jamais d’accord avec l’ auteur. Car il n’est pas deux expériences humaines superposables. Et j
2440 oncerais à la mienne pour faire crédit à celle de l’ écrivain que si, d’abord, il renonçait à démontrer, et m’entraînait pa
2441 ’un sens, valable et vérifiable en soi. 2°) — Par la suppression des cérémonies d’introduction et de sortie3, le romancier
2442 sion des cérémonies d’introduction et de sortie3, le romancier moderne veut créer l’illusion du réel quotidien. Pourtant i
2443 on et de sortie3, le romancier moderne veut créer l’ illusion du réel quotidien. Pourtant il ne dispose que de mots, quoi q
2444 ots, quoi qu’il fasse. Ce dernier artifice paraît le gêner d’autant qu’il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome de l
2445 artifice paraît le gêner d’autant qu’il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome de la critique moderne : un roman ne d
2446 il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome de la critique moderne : un roman ne doit pas être « écrit ». Tous ces effo
2447 t pas être « écrit ». Tous ces efforts trahissent le curieux embarras de ne pouvoir faire entrer dans un livre des personn
2448 er dans un livre des personnages grandeur nature. La volonté d’éliminer toutes les conventions narratives, pour peu d’exig
2449 ges grandeur nature. La volonté d’éliminer toutes les conventions narratives, pour peu d’exigence qu’on y mette, aboutit à
2450 ignifiant. Quelque chose qui n’en finit plus, car la vie ne met jamais de point final. Il y a jeu quand les conséquences s
2451 ie ne met jamais de point final. Il y a jeu quand les conséquences s’épuisent avec le dernier coup ; mais le sérieux de la
2452 nséquences s’épuisent avec le dernier coup ; mais le sérieux de la vie est, par définition, le domaine des conséquences in
2453 puisent avec le dernier coup ; mais le sérieux de la vie est, par définition, le domaine des conséquences indéfinies. L’hé
2454  ; mais le sérieux de la vie est, par définition, le domaine des conséquences indéfinies. L’hésitation du romancier modern
2455 finition, le domaine des conséquences indéfinies. L’ hésitation du romancier moderne à terminer son livre par une décision
2456 moderne à terminer son livre par une décision de l’ esprit ou par un artifice de rhétorique, telle est la source impure du
2457 sprit ou par un artifice de rhétorique, telle est la source impure du roman-fleuve. La longueur des ouvrages de ce genre e
2458 ique, telle est la source impure du roman-fleuve. La longueur des ouvrages de ce genre est l’expression de l’embarras d’un
2459 -fleuve. La longueur des ouvrages de ce genre est l’ expression de l’embarras d’un écrivain qui s’est privé des secours de
2460 ueur des ouvrages de ce genre est l’expression de l’ embarras d’un écrivain qui s’est privé des secours de l’art. D’ailleur
2461 rras d’un écrivain qui s’est privé des secours de l’ art. D’ailleurs cet allongement, trop souvent excessif pour l’intérêt
2462 leurs cet allongement, trop souvent excessif pour l’ intérêt romanesque, sera toujours insuffisant pour égaler la durée rée
2463 romanesque, sera toujours insuffisant pour égaler la durée réelle d’une vie. Quelque chose de méthodiquement insignifiant.
2464 , c’est elle qu’on veut reproduire en multipliant les observations exactes et les personnages quelconques. Et c’est au nom
2465 oduire en multipliant les observations exactes et les personnages quelconques. Et c’est au nom de cette fidélité à la vie q
2466 quelconques. Et c’est au nom de cette fidélité à la vie que M. Jules Romains va s’interdire, dit-il — « les enchaînements
2467 e que M. Jules Romains va s’interdire, dit-il — «  les enchaînements arbitraires et le picaresque », les rencontres qu’on ne
2468 dire, dit-il — « les enchaînements arbitraires et le picaresque », les rencontres qu’on ne voit pas dans la réalité, bref,
2469 les enchaînements arbitraires et le picaresque », les rencontres qu’on ne voit pas dans la réalité, bref, tous recours au «
2470 caresque », les rencontres qu’on ne voit pas dans la réalité, bref, tous recours au « hasard qui fait trop bien les choses
2471 bref, tous recours au « hasard qui fait trop bien les choses ». J’extrais ces propositions de la préface aux Hommes de bonn
2472 bien les choses ». J’extrais ces propositions de la préface aux Hommes de bonne volonté, bon témoignage sur l’opinion moy
2473 e aux Hommes de bonne volonté, bon témoignage sur l’ opinion moyenne du grand public contemporain, le morceau n’étant visib
2474 r l’opinion moyenne du grand public contemporain, le morceau n’étant visiblement qu’une captatio benevolentiae où l’auteur
2475 tant visiblement qu’une captatio benevolentiae où l’ auteur se montre attentif à ne promettre rien qu’il ne sache attendu.
2476 tif à ne promettre rien qu’il ne sache attendu. «  Le roman, écrit encore M. Romains, ne connaît pas de vraies servitudes.
2477 vraies servitudes. Ce qui diminue peut-être pour le roman comme genre les occasions d’acquérir un mérite esthétique supér
2478 e qui diminue peut-être pour le roman comme genre les occasions d’acquérir un mérite esthétique supérieur… mais ce qui en t
2479 mais ce qui en tout cas lui interdit de cultiver les conventions. » Ceci corrigerait donc cela ? M. Romains connaît bien s
2480 ? M. Romains connaît bien son public. Il sait que l’ absence de conventions sera tenue pour avantage, et compensera, aux ye
2481 ge, et compensera, aux yeux de ses contemporains, l’ absence de mérite esthétique. (Alors que la première absence est en ré
2482 ue. (Alors que la première absence est en réalité la cause immédiate de la seconde.) Parlant encore de son propre roman, M
2483 encore de son propre roman, M. Romains ajoute : «  Le lecteur se demandera : où cela va-t-il ? Des personnages se perdent… 
2484 pour se justifier, n’en va-t-il pas de même dans la vie ? Les romans traditionnels « préoccupés qu’ils sont, au nom des v
2485 justifier, n’en va-t-il pas de même dans la vie ? Les romans traditionnels « préoccupés qu’ils sont, au nom des vieilles rè
2486 nom des vieilles règles, de commencer et de finir le jeu avec les mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre, ce déco
2487 lles règles, de commencer et de finir le jeu avec les mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre, ce décousu, ces inco
2488 s inconséquences du sort… Bien sûr. Mais pourquoi les romans devraient-ils exprimer tout cela ? Et d’ailleurs, comment le p
2489 t-ils exprimer tout cela ? Et d’ailleurs, comment le pourraient-ils ? Si longs qu’ils soient, ils seront toujours trop cou
2490 toujours trop courts pour imiter sans conventions le décousu de la vie réelle. Avouer l’ambition d’écrire un livre en se c
2491 courts pour imiter sans conventions le décousu de la vie réelle. Avouer l’ambition d’écrire un livre en se conformant aux
2492 s conventions le décousu de la vie réelle. Avouer l’ ambition d’écrire un livre en se conformant aux « lois de la vie », c’
2493 d’écrire un livre en se conformant aux « lois de la vie », c’est doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’art.
2494 lois de la vie », c’est doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’art. Cette tricherie généralisée doit amener,
2495 doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’ art. Cette tricherie généralisée doit amener, nécessairement, la disso
2496 richerie généralisée doit amener, nécessairement, la dissolution du roman dans le documentaire plus ou moins commenté. Où
2497 ner, nécessairement, la dissolution du roman dans le documentaire plus ou moins commenté. Où l’art, d’ailleurs, reparaîtra
2498 n dans le documentaire plus ou moins commenté. Où l’ art, d’ailleurs, reparaîtra bientôt avec les conventions, plutôt frust
2499 té. Où l’art, d’ailleurs, reparaîtra bientôt avec les conventions, plutôt frustes mais fixes, du découpage, du montage, et
2500 ustes mais fixes, du découpage, du montage, et de la présentation dramatisée. Ces conditions, dans une vue commerciale, so
2501 commerciale, sont très jalousement maintenues par les « producers », éditeurs et directeurs de magazines à grand tirage. L
2502 teurs et directeurs de magazines à grand tirage. Le genre proprement romanesque s’éteindra dans le même temps que l’ère b
2503 . Le genre proprement romanesque s’éteindra dans le même temps que l’ère bourgeoise et pour avoir commis la même erreur :
2504 ment romanesque s’éteindra dans le même temps que l’ ère bourgeoise et pour avoir commis la même erreur : qui était de croi
2505 e temps que l’ère bourgeoise et pour avoir commis la même erreur : qui était de croire les conventions « conventionnelles 
2506 avoir commis la même erreur : qui était de croire les conventions « conventionnelles » au sens dépréciatif de l’épithète. C
2507 tions « conventionnelles » au sens dépréciatif de l’ épithète. Ces légèretés ne pardonnent pas. Une contre-épreuve de notre
2508 épreuve de notre diagnostic nous sera fournie par le succès du roman policier. Je ne pense pas qu’on puisse expliquer ce s
2509 on puisse expliquer ce succès par un intérêt pour le crime, qui serait particulier à notre époque. Le roman policier est p
2510 le crime, qui serait particulier à notre époque. Le roman policier est populaire parce qu’il demeure le seul genre défini
2511 roman policier est populaire parce qu’il demeure le seul genre défini, obéissant aux lois d’une rhétorique précise. C’est
2512 nte. Ses personnages sont constants comme ceux de la Commedia dell’arte, ou ceux des cartes et des échecs : le détective é
2513 dia dell’arte, ou ceux des cartes et des échecs : le détective élégant, volontiers philosophe, l’agent de police bonne bru
2514 cs : le détective élégant, volontiers philosophe, l’ agent de police bonne brute ou puits de sagesse populaire ; la femme à
2515 olice bonne brute ou puits de sagesse populaire ; la femme à bijoux, comtesse de palaces ; le valet de chambre silencieux
2516 ulaire ; la femme à bijoux, comtesse de palaces ; le valet de chambre silencieux et astucieux, etc. La situation, donnée d
2517 le valet de chambre silencieux et astucieux, etc. La situation, donnée d’entrée de jeu, se résout complètement à la fin du
2518 donnée d’entrée de jeu, se résout complètement à la fin du livre, et ne comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu de
2519 vre, et ne comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu de l’action est circonscrit : c’est généralement une maison dont
2520 comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu de l’ action est circonscrit : c’est généralement une maison dont il semble
2521 e n’ait pu y entrer ni en sortir, et qui contient le problème sous forme de cadavre. Parfois, ce n’est qu’une chambre4. To
2522 u’une chambre4. Toutes ces conditions satisfont à l’ excellente définition du jeu proposée par J. Huizinga5 : une action do
2523 u jeu proposée par J. Huizinga5 : une action dont le début et la fin sont nettement marqués, qui a lieu dans un espace net
2524 ée par J. Huizinga5 : une action dont le début et la fin sont nettement marqués, qui a lieu dans un espace nettement délim
2525 atiales et temporelles, à des règles indiscutées. Le roman policier passionne dans la mesure même où il tient compte des r
2526 les indiscutées. Le roman policier passionne dans la mesure même où il tient compte des règles, soit pour les appliquer av
2527 ure même où il tient compte des règles, soit pour les appliquer avec une perfection classique, soit pour y introduire quelq
2528 t pour y introduire quelque ingénieuse variation. La fixité même des règles fondamentales permet de mesurer l’invention de
2529 é même des règles fondamentales permet de mesurer l’ invention de chaque auteur, et les progrès du genre. Une grande partie
2530 ermet de mesurer l’invention de chaque auteur, et les progrès du genre. Une grande partie de l’intérêt que l’amateur apport
2531 ur, et les progrès du genre. Une grande partie de l’ intérêt que l’amateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient au r
2532 grès du genre. Une grande partie de l’intérêt que l’ amateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient au raffinement ou
2533 rande partie de l’intérêt que l’amateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient au raffinement ou à la complication cr
2534 ecture de ces ouvrages, tient au raffinement ou à la complication croissante des règles. (Le lecteur de romans policiers d
2535 ment ou à la complication croissante des règles. ( Le lecteur de romans policiers devient très vite un spécialiste.) Et cet
2536 du roman policier se sont fondés un peu partout. La vogue actuelle du roman historique pourrait être invoquée, elle aussi
2537 ique pourrait être invoquée, elle aussi, bien que l’ exemple soit moins pur et moins frappant. Le roman historique garde le
2538 n que l’exemple soit moins pur et moins frappant. Le roman historique garde le bénéfice du cadre : son action circonscrite
2539 pur et moins frappant. Le roman historique garde le bénéfice du cadre : son action circonscrite par définition, est isolé
2540 par définition, est isolée du réel quotidien par l’ éloignement dans le temps. Mais l’impureté du genre, c’est qu’il peut
2541 t isolée du réel quotidien par l’éloignement dans le temps. Mais l’impureté du genre, c’est qu’il peut se passer de la cré
2542 l quotidien par l’éloignement dans le temps. Mais l’ impureté du genre, c’est qu’il peut se passer de la crédibilité intrin
2543 ’impureté du genre, c’est qu’il peut se passer de la crédibilité intrinsèque du conte, par le recours à l’autorité tout ex
2544 asser de la crédibilité intrinsèque du conte, par le recours à l’autorité tout extérieure du fait accompli. Cette possibil
2545 rédibilité intrinsèque du conte, par le recours à l’ autorité tout extérieure du fait accompli. Cette possibilité de triche
2546 cherie est voisine de celle qui consiste à forcer la vraisemblance par une accumulation de faits observables. Le roman mo
2547 lance par une accumulation de faits observables. Le roman mourra donc, comme sont mortes la tragédie classique et les chr
2548 rvables. Le roman mourra donc, comme sont mortes la tragédie classique et les chroniques en vers. Il mourra pour avoir ép
2549 donc, comme sont mortes la tragédie classique et les chroniques en vers. Il mourra pour avoir épuisé ses possibilités form
2550 s possibilités formelles, et pour avoir poursuivi la chimère d’une liberté sans condition. Quelques phénomènes extérieurs
2551 dès sa naissance, aux conceptions bourgeoises de la vie, soit qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisât q
2552 aux conceptions bourgeoises de la vie, soit qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisât que leurs tabous comm
2553 il n’utilisât que leurs tabous comme ressorts de l’ action, ou qu’enfin il se fît un prestige de les contredire et miner.
2554 de l’action, ou qu’enfin il se fît un prestige de les contredire et miner. Tout cela ne durera plus que le temps de liquide
2555 contredire et miner. Tout cela ne durera plus que le temps de liquider un héritage saccagé par la guerre actuelle et par l
2556 que le temps de liquider un héritage saccagé par la guerre actuelle et par l’avènement des masses. La révolution que nous
2557 un héritage saccagé par la guerre actuelle et par l’ avènement des masses. La révolution que nous vivons déclassera la plup
2558 la guerre actuelle et par l’avènement des masses. La révolution que nous vivons déclassera la plupart des objets dont le r
2559 nous vivons déclassera la plupart des objets dont le roman faisait toute son « étude ». Mais le besoin de lire des fables
2560 s dont le roman faisait toute son « étude ». Mais le besoin de lire des fables ne s’éteindra pas pour si peu ; et moins en
2561 ne s’éteindra pas pour si peu ; et moins encore, le besoin d’en conter. L’imaginaire, délivré du souci d’une vraisemblanc
2562 si peu ; et moins encore, le besoin d’en conter. L’ imaginaire, délivré du souci d’une vraisemblance insignifiante ou stat
2563 emblance insignifiante ou statistique, retrouvera l’ usage proprement « fabuleux », le pouvoir créateur des formes fixes et
2564 ique, retrouvera l’usage proprement « fabuleux », le pouvoir créateur des formes fixes et la dialectique des symboles. Le
2565 buleux », le pouvoir créateur des formes fixes et la dialectique des symboles. Le conteur, renonçant à imiter la vie, la r
2566 des formes fixes et la dialectique des symboles. Le conteur, renonçant à imiter la vie, la récréera ; et renonçant à prou
2567 ique des symboles. Le conteur, renonçant à imiter la vie, la récréera ; et renonçant à prouver qu’il dit vrai, aussitôt se
2568 symboles. Le conteur, renonçant à imiter la vie, la récréera ; et renonçant à prouver qu’il dit vrai, aussitôt se verra r
2569 ouver qu’il dit vrai, aussitôt se verra restituer les prestiges de la persuasion. Notre monde retentit d’événements incroya
2570 rai, aussitôt se verra restituer les prestiges de la persuasion. Notre monde retentit d’événements incroyables et pourtant
2571 ments incroyables et pourtant mortellement réels. Les faits les plus flagrants du siècle défient nos imaginations. Seul un
2572 oyables et pourtant mortellement réels. Les faits les plus flagrants du siècle défient nos imaginations. Seul un art délira
2573 Seul un art délirant de fantaisie a su préfigurer le rythme de nos catastrophes. Les dessins animés de Walt Disney jouaien
2574 ie a su préfigurer le rythme de nos catastrophes. Les dessins animés de Walt Disney jouaient dans le registre du fou rire p
2575 . Les dessins animés de Walt Disney jouaient dans le registre du fou rire populaire avec l’instinct sadique et le goût des
2576 aient dans le registre du fou rire populaire avec l’ instinct sadique et le goût des orgies de destruction que devait tradu
2577 du fou rire populaire avec l’instinct sadique et le goût des orgies de destruction que devait traduire, quelques années p
2578 n que devait traduire, quelques années plus tard, la guerre totale. Ne fût-ce que pour rester au niveau de nos épreuves et
2579 niveau de nos épreuves et de nos désastres réels, l’ art de demain va revenir au jeu des amplifications, raccourcis et mira
2580 cations, raccourcis et miracles qui constituaient la rhétorique des contes. Il ne rejoindra le sens vrai de nos vies qu’en
2581 tuaient la rhétorique des contes. Il ne rejoindra le sens vrai de nos vies qu’en se livrant à la logique profonde des symb
2582 indra le sens vrai de nos vies qu’en se livrant à la logique profonde des symboles et des mythes de l’âme. Tout porte à te
2583 la logique profonde des symboles et des mythes de l’ âme. Tout porte à tenir pour probable que les grandes œuvres narrative
2584 es de l’âme. Tout porte à tenir pour probable que les grandes œuvres narratives qui vont naître au lendemain de cette guerr
2585 Crusoe, ou Gulliver, monstrueux dessins animés où l’ homme n’a pas cessé de reconnaître son image la plus convaincante. 1
2586 où l’homme n’a pas cessé de reconnaître son image la plus convaincante. 1. La dialectique de la Terreur et de la Rhétori
2587 reconnaître son image la plus convaincante. 1. La dialectique de la Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand
2588 mage la plus convaincante. 1. La dialectique de la Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean Pau
2589 aincante. 1. La dialectique de la Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean Paulhan, publié en F
2590 alectique de la Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean Paulhan, publié en France sous l’occupat
2591 rand livre de Jean Paulhan, publié en France sous l’ occupation : Les Fleurs de Tarbes. 2. Ce cauchemar est fort bien décr
2592 ean Paulhan, publié en France sous l’occupation : Les Fleurs de Tarbes. 2. Ce cauchemar est fort bien décrit par Lewis Car
2593 hemar est fort bien décrit par Lewis Carroll dans la scène de la partie de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, l
2594 rt bien décrit par Lewis Carroll dans la scène de la partie de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, les maillets
2595 de la partie de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, les maillets et les boules sont vivants et ne cessent de se
2596 de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, les maillets et les boules sont vivants et ne cessent de se déplacer. 3.
2597 ice in Wonderland où les arceaux, les maillets et les boules sont vivants et ne cessent de se déplacer. 3. Coup de sifflet
2598 ent de se déplacer. 3. Coup de sifflet donné par l’ arbitre, appel d’un des joueurs à son partenaire, disposition des pion
2599 ; trois coups frappés d’avance, lever de rideau ; l’ ouverture d’un opéra ; le cadre du tableau, etc. Des procédés identiqu
2600 vance, lever de rideau ; l’ouverture d’un opéra ; le cadre du tableau, etc. Des procédés identiques annoncent la terminais
2601 u tableau, etc. Des procédés identiques annoncent la terminaison du jeu, la rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites
2602 cédés identiques annoncent la terminaison du jeu, la rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites d’entrée et de sortie
2603 annoncent la terminaison du jeu, la rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites d’entrée et de sortie relatifs à un es
2604 n du jeu, la rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites d’entrée et de sortie relatifs à un espace ou à un temps sacré.
2605 ace ou à un temps sacré. 4. Voir Roger Caillois, Le Roman policier, Buenos Aires, 1941. 5. Voir J. Huizinga, Homo Ludens
2606 dens, Amsterdam, 1939. i. Rougemont Denis de, «  Les règles du jeu dans l’art romanesque », Renaissance, New York, 1944–19
2607 i. Rougemont Denis de, « Les règles du jeu dans l’ art romanesque », Renaissance, New York, 1944–1945, p. 275-283.
14 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
2608 Contribution à l’ étude du coup de foudre (1946)o Un regard dans un regard et les voi
2609 de foudre (1946)o Un regard dans un regard et les voilà fixés, cloués sur place, comme le coq est cloué sur la ligne de
2610 egard et les voilà fixés, cloués sur place, comme le coq est cloué sur la ligne de craie tirée devant son bec. Ce serait t
2611 xés, cloués sur place, comme le coq est cloué sur la ligne de craie tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce n’étai
2612 en ne sert de n’y pas croire. C’est un fait, nous l’ avons subi, et nous avons tous dit : je n’y puis rien. Avec autant de
2613 et de prédestination. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son caractère de destinée
2614 nation. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’ est point de mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cette e
2615 de destinée fatale. Cette espèce de passivité que l’ on allègue, ne serait-elle point un alibi ? Je ne parle que du vrai co
2616 celui qui est suivi d’incendie. Car pour ceux que l’ on attend, que l’on appelle, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’
2617 vi d’incendie. Car pour ceux que l’on attend, que l’ on appelle, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’aura d’un cœur or
2618 n appelle, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’ aura d’un cœur orageux. Aux portières d’un train que l’on croise, entr
2619 a d’un cœur orageux. Aux portières d’un train que l’ on croise, entre cieux stations de métro, dans la foule où se cherchen
2620 l’on croise, entre cieux stations de métro, dans la foule où se cherchent des yeux — ils se détournent aussitôt que frapp
2621 Mais non, si c’était vrai, j’aurais su t’arrêter. Le monde entier en eût été changé à l’instant même, sans que nul ne s’en
2622 . Je disais à ce romancier (l’un des meilleurs de l’ Allemagne d’alors) : — Le mythe du coup de foudre est sans doute une a
2623 r (l’un des meilleurs de l’Allemagne d’alors) : — Le mythe du coup de foudre est sans doute une astucieuse invention de Do
2624 tant parlé, et vous autres après lui, que toutes les femmes qui vont le rencontrer y pensent, épiant les plus légers mouve
2625 autres après lui, que toutes les femmes qui vont le rencontrer y pensent, épiant les plus légers mouvements que cette app
2626 s femmes qui vont le rencontrer y pensent, épiant les plus légers mouvements que cette apparition fait naître en elles. Trè
2627 parition fait naître en elles. Très facile que de les persuader, une fois si bien intéressées ! Car rien ne flatte comme l’
2628 is si bien intéressées ! Car rien ne flatte comme l’ idée que l’on va vivre à son tour une scène de roman. Oui, l’idée seul
2629 intéressées ! Car rien ne flatte comme l’idée que l’ on va vivre à son tour une scène de roman. Oui, l’idée seule a fait to
2630 l’on va vivre à son tour une scène de roman. Oui, l’ idée seule a fait tous ces ravages, et non pas quelque dieu, ni le Des
2631 ait tous ces ravages, et non pas quelque dieu, ni le Destin. Il n’y aurait jamais de coup de fondre sans ce désir que vous
2632 e acquise. Il faut encore une rencontre ménagée à la ressemblance du rêve : toute une cérémonie, avec ses rôles prescrits,
2633 e par un héraut, sa lenteur imposante interdisant la fuite. Admirez l’appareil inexorable qui circonvient les rencontres f
2634 a lenteur imposante interdisant la fuite. Admirez l’ appareil inexorable qui circonvient les rencontres fameuses : Tristan
2635 te. Admirez l’appareil inexorable qui circonvient les rencontres fameuses : Tristan devant la cour d’Irlande est reçu par l
2636 convient les rencontres fameuses : Tristan devant la cour d’Irlande est reçu par la fille du roi selon l’usage et l’étique
2637 s : Tristan devant la cour d’Irlande est reçu par la fille du roi selon l’usage et l’étiquette. Siegfried et Brunehilde qu
2638 cour d’Irlande est reçu par la fille du roi selon l’ usage et l’étiquette. Siegfried et Brunehilde qui s’avancent l’un vers
2639 nde est reçu par la fille du roi selon l’usage et l’ étiquette. Siegfried et Brunehilde qui s’avancent l’un vers l’autre, d
2640 Brunehilde qui s’avancent l’un vers l’autre, dans la scène du hanap, ce sont des officiants… Tout se passe comme si les de
2641 p, ce sont des officiants… Tout se passe comme si les deux amants se trouvaient désignés non par un sort aveugle, mais au c
2642 és non par un sort aveugle, mais au contraire par la profonde convenance des rôles qu’ils tiennent dans la société, sous l
2643 rofonde convenance des rôles qu’ils tiennent dans la société, sous l’égide des plus intangibles hiérarchies. Et Don Juan t
2644 e des rôles qu’ils tiennent dans la société, sous l’ égide des plus intangibles hiérarchies. Et Don Juan triche, une fois d
2645 mme au coin d’un bois… Il me vient une image dont la netteté pourra faire excuser le prosaïsme : le coup de foudre, en dép
2646 nt une image dont la netteté pourra faire excuser le prosaïsme : le coup de foudre, en dépit de son nom, ne souffre pas l’
2647 nt la netteté pourra faire excuser le prosaïsme : le coup de foudre, en dépit de son nom, ne souffre pas l’instantané, il
2648 up de foudre, en dépit de son nom, ne souffre pas l’ instantané, il veut la pose… Tandis que je parlais ainsi, une espèce d
2649 de son nom, ne souffre pas l’instantané, il veut la pose… Tandis que je parlais ainsi, une espèce de gêne me vint, le sen
2650 que je parlais ainsi, une espèce de gêne me vint, le sentiment de mal tomber. Il me sembla que mes propos touchaient mon i
2651 on m’offrit de donner des conférences à Budapest. Le président de l’organisation qui m’invitait était un grand banquier, a
2652 onner des conférences à Budapest. Le président de l’ organisation qui m’invitait était un grand banquier, ami des lettres.
2653 mi des lettres. Il vint m’attendre au débarqué de l’ avion et me conduisit à sa demeure. C’était l’heure du déjeuner. Nous
2654 de l’avion et me conduisit à sa demeure. C’était l’ heure du déjeuner. Nous causions depuis quelques instants dans sa bibl
2655 nous saluant d’une mélodieuse formule hongroise. La présentation faite, cette dame nous offrit la rituelle liqueur de pêc
2656 se. La présentation faite, cette dame nous offrit la rituelle liqueur de pêche dont on vide trois verres d’un seul trait,
2657 rois verres d’un seul trait, en se regardant dans les yeux. Je me sentis pâlir violemment. Nous passons à table. Mon hôte b
2658 utie n’importe quoi sur cette traversée en avion… Le banquier comprend très bien cela. Il parle beaucoup pour me réconfort
2659 r un dîner : bref, vous vous rappelez ce qu’était la Hongrie, cette hospitalité incomparable, cette liberté lyrique dans l
2660 pitalité incomparable, cette liberté lyrique dans les relations… Mais rien n’y fait. Je ne puis avaler une seule bouchée. E
2661 ne puis avaler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’ effet de l’avion ? J’allais m’en persuader quand je m’aperçois, et cet
2662 ler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’effet de l’ avion ? J’allais m’en persuader quand je m’aperçois, et cette fois-ci
2663 ’aperçois, et cette fois-ci non sans terreur, que la femme du banquier, elle aussi, n’a presque pas touché aux mets servis
2664 le aussi, n’a presque pas touché aux mets servis. Le déjeuner se termine toutefois sans que mon hôte ait paru remarquer qu
2665 aise est contagieux. Il bavarde encore en prenant le café, puis s’excuse d’avoir à regagner sa banque : d’ailleurs sa femm
2666 femme me promènera dans Buda, et me fera visiter le Musée, — à ce soir ! Il s’en va, très satisfait de lui, et de moi aus
2667 s. Nous voici seuls. Silence. Silence encore dans la voiture qu’elle conduit avec une expression concentrée, presque rageu
2668 sion concentrée, presque rageuse. Nous traversons les grandes artères de Pest, le pont des Chaînes sur les eaux jaunes du D
2669 use. Nous traversons les grandes artères de Pest, le pont des Chaînes sur les eaux jaunes du Danube, puis ces ruelles de B
2670 grandes artères de Pest, le pont des Chaînes sur les eaux jaunes du Danube, puis ces ruelles de Buda qui montent sur les f
2671 Danube, puis ces ruelles de Buda qui montent sur les flancs d’un énorme rocher en pleine ville, que domine la statue de sa
2672 cs d’un énorme rocher en pleine ville, que domine la statue de saint Geller, les bras en croix. Elle arrête la voiture prè
2673 eine ville, que domine la statue de saint Geller, les bras en croix. Elle arrête la voiture près d’une barrière de parc pub
2674 e de saint Geller, les bras en croix. Elle arrête la voiture près d’une barrière de parc public, descend, s’éloigne dans l
2675 barrière de parc public, descend, s’éloigne dans la neige bien gelée où ses pas, lentement s’enfoncent et se marquent. Je
2676 ses pas, lentement s’enfoncent et se marquent. Je la rejoins. Alors d’un geste elle désigne la ville à nos pieds : « — Mon
2677 ent. Je la rejoins. Alors d’un geste elle désigne la ville à nos pieds : « — Mon mari m’a demandé de vous montrer Budapest
2678 ire. Nous remontons en voiture et descendons vers la ville. Soudain, je me suis décidé et j’articule : « — Vous n’avez rie
2679 ttablés devant des sandwiches au caviar rouge. Et le tour recommence. Même jeu qu’au déjeuner. Ni l’un ni l’autre ne pouvo
2680 en. Tout d’un coup je me suis mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrête devant elle, les bras en arrière, comme
2681 un coup je me suis mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrête devant elle, les bras en arrière, comme cela — je
2682 ais le tour de la table, je m’arrête devant elle, les bras en arrière, comme cela — je me suis retenu de lui toucher l’épau
2683 re, comme cela — je me suis retenu de lui toucher l’ épaule — et je m’entends prononcer : — Puisqu’il faut que cela soit, e
2684 ce fut ainsi, durant tout mon séjour à Budapest. L’ après-midi, je vous le répète, nous ne parlions jamais. Le soir, j’ava
2685 tout mon séjour à Budapest. L’après-midi, je vous le répète, nous ne parlions jamais. Le soir, j’avais mes conférences ou
2686 midi, je vous le répète, nous ne parlions jamais. Le soir, j’avais mes conférences ou un dîner. Et je passais le reste de
2687 ’avais mes conférences ou un dîner. Et je passais le reste de la nuit dans un bar, en compagnie d’un peintre réfugié, nomm
2688 onférences ou un dîner. Et je passais le reste de la nuit dans un bar, en compagnie d’un peintre réfugié, nommé Maria. Je
2689 n compagnie d’un peintre réfugié, nommé Maria. Je l’ avais connu quelques années auparavant dans un groupe politique, à Ber
2690 groupe politique, à Berlin, que je fréquentais à l’ insu de ma femme. J’étais dans un état d’exaltation extrême, à peu prè
2691 incapable de dormir, sauf quelques heures pendant la matinée. Nous parlions avec mon ami d’art, de religion, de politique,
2692 , et pas du tout de mes après-midi. Bien entendu. La veille de mon départ, comme nous sortions du bar, Maria et moi, une é
2693 , Maria et moi, une édition du matin nous apprend l’ incendie du Reichstag. Je décide de rentrer le jour même à Berlin, et
2694 end l’incendie du Reichstag. Je décide de rentrer le jour même à Berlin, et prends congé de mon ami qui se montrait fort i
2695 ue, au parti communiste dissident. Je m’informe : l’ avion part à 10 heures du matin. Mais il faut que je la revoie une der
2696 on part à 10 heures du matin. Mais il faut que je la revoie une dernière fois. Je prendrai donc l’express du soir. J’arriv
2697 je la revoie une dernière fois. Je prendrai donc l’ express du soir. J’arrive à Berlin le lendemain. Sur le seuil de notre
2698 rendrai donc l’express du soir. J’arrive à Berlin le lendemain. Sur le seuil de notre villa de Zehlendorf, ma femme m’atte
2699 ress du soir. J’arrive à Berlin le lendemain. Sur le seuil de notre villa de Zehlendorf, ma femme m’attend, grave et presq
2700 grave et presque sévère. Moi, je ne pensais qu’à la situation politique. Nous nous mettons à table, je l’interroge avec n
2701 ituation politique. Nous nous mettons à table, je l’ interroge avec nervosité sur les événements de l’avant-veille. Elle ré
2702 ettons à table, je l’interroge avec nervosité sur les événements de l’avant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? — Av
2703 l’interroge avec nervosité sur les événements de l’ avant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? — Avec qui m’as-tu tr
2704 ? — Avec qui m’as-tu trompée ? dit-elle enfin. Je la regarde longuement, bien en face. Aucun doute n’est possible. Elle sa
2705 . Monsieur, je puis garder un secret d’État, vous le savez, mais je ne suis pas de ceux qui peuvent supporter un mensonge
2706 m’a tendu une lettre par avion, arrivée pour moi le matin même et qu’elle avait ouverte par crainte d’un malheur. Quelque
2707 malheur. Quelques lignes sur une feuille portant l’ en-tête d’un bar de Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite
2708 nouvelles, je suis inquiet, je n’oublierai jamais les nuits extraordinaires que nous avons encore pu passer ensemble, à la
2709 aires que nous avons encore pu passer ensemble, à la veille de ce cataclysme. » La lettre était signée Maria. — Un vrai dr
2710 passer ensemble, à la veille de ce cataclysme. » La lettre était signée Maria. — Un vrai drame du destin ! fis-je après u
2711 Un vrai drame du destin ! fis-je après un moment. Le type même du Schicksalsdrama, comme vous dites… Mais le destin aveugl
2712 e même du Schicksalsdrama, comme vous dites… Mais le destin aveugle qui présida aux fastes de votre rencontre, ne perd-il
2713 encontre, ne perd-il pas un peu de son mystère si l’ on songe que la femme du banquier était lectrice de romans — et sans d
2714 rd-il pas un peu de son mystère si l’on songe que la femme du banquier était lectrice de romans — et sans doute de vos pro
2715 ture ? o. Rougemont Denis de, « Contribution à l’ étude du coup de foudre », Formes et Couleurs, Lausanne, 1946, p. 1-4.
15 1946, Articles divers (1941-1946). Penser avec les mains (janvier 1946)
2716 main, qui ne te pousse pas hors de toi-même, dans le scandale ou dans la joie de ta vocation créatrice. Trop de penseurs i
2717 se pas hors de toi-même, dans le scandale ou dans la joie de ta vocation créatrice. Trop de penseurs inoffensifs secrètent
2718 romans, trop de scribes inoffensifs nous singent la fureur ou la révolte, l’indulgence ou la paix distinguée. Inoffensifs
2719 de scribes inoffensifs nous singent la fureur ou la révolte, l’indulgence ou la paix distinguée. Inoffensifs tous ceux do
2720 inoffensifs nous singent la fureur ou la révolte, l’ indulgence ou la paix distinguée. Inoffensifs tous ceux dont l’œuvre n
2721 singent la fureur ou la révolte, l’indulgence ou la paix distinguée. Inoffensifs tous ceux dont l’œuvre n’est pas ce lieu
2722 ou la paix distinguée. Inoffensifs tous ceux dont l’ œuvre n’est pas ce lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il ne
2723 où quelque chose qu’il ne peut plus fuir attaque l’ auteur et tout ce qu’il reflète d’une ambiance domestiquée. Il est gra
2724 ’une ambiance domestiquée. Il est grand temps que la pensée redevienne ce qu’elle est en réalité : dangereuse pour le pens
2725 ienne ce qu’elle est en réalité : dangereuse pour le penseur, et transformatrice du réel. « Là où je crée, là je suis vrai
2726 ux cette distinction : il y a des hommes qui sont l’ orgueil de notre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de notre
2727 nt, d’autres qui enregistrent : il ne faudra plus les confondre. Il y a Pascal et Goethe, Dostoïevski et Kierkegaard, — il
2728 oethe, Dostoïevski et Kierkegaard, — il y a aussi les fins lettrés, les bons esprits, les professeurs, pour lesquels la pen
2729 et Kierkegaard, — il y a aussi les fins lettrés, les bons esprits, les professeurs, pour lesquels la pensée est un art d’a
2730  il y a aussi les fins lettrés, les bons esprits, les professeurs, pour lesquels la pensée est un art d’agrément, un hérita
2731 les bons esprits, les professeurs, pour lesquels la pensée est un art d’agrément, un héritage, une carrière libérale, ou
2732 nt de haut, mais de loin, et toujours après coup, la multitude des mains sans cerveau qui travaillent sans fin par le mond
2733 s mains sans cerveau qui travaillent sans fin par le monde, peinant peut-être en pure perte, si ce n’est pour notre perte
2734 est pour notre perte à tous. Or, ces gens forment l’ opinion, sans aucun doute, et ils le savent. Toute l’opinion du monde
2735 gens forment l’opinion, sans aucun doute, et ils le savent. Toute l’opinion du monde en est à peu près là, que la pensée
2736 pinion, sans aucun doute, et ils le savent. Toute l’ opinion du monde en est à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’
2737 oute l’opinion du monde en est à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’à la remorque d’événements qui n’ont cure de
2738 t à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’à la remorque d’événements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on co
2739 vénements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’ on confond la pensée avec l’usage inoffensif de ce que des créateurs o
2740 n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’usage inoffensif de ce que des créateurs ont pensé, au
2741 ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’ usage inoffensif de ce que des créateurs ont pensé, au prix de leur vi
2742 ujours par un acte initiateur et révolutionnaire. Les uns pensent, dit-on, les autres agissent ! Mais la vraie condition de
2743 teur et révolutionnaire. Les uns pensent, dit-on, les autres agissent ! Mais la vraie condition de l’homme, c’est de penser
2744 s uns pensent, dit-on, les autres agissent ! Mais la vraie condition de l’homme, c’est de penser avec les mains. p. Rou
2745 les autres agissent ! Mais la vraie condition de l’ homme, c’est de penser avec les mains. p. Rougemont Denis de, « Pen
2746 t Denis de, « Penser avec les mains », Cahiers de la saison, Genève, janvier 1946, p. 1.
16 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
2747 Les quatre libertés (30 mars 1946)q Les Quatre Libertés ont figuré le
2748 Les quatre libertés (30 mars 1946)q Les Quatre Libertés ont figuré le but de guerre idéal des Nations unies,
2749 (30 mars 1946)q Les Quatre Libertés ont figuré le but de guerre idéal des Nations unies, comme elles restent l’idéal of
2750 erre idéal des Nations unies, comme elles restent l’ idéal officiel de la paix. Mais j’ai remarqué qu’assez peu de personne
2751 ns unies, comme elles restent l’idéal officiel de la paix. Mais j’ai remarqué qu’assez peu de personnes sont capables de l
2752 marqué qu’assez peu de personnes sont capables de les énumérer. Il semble qu’on se soit battu « pour » quelque chose qui n’
2753 ait pas trop clair, ni bien facile à retenir dans l’ esprit… Vous rappelez-vous ? C’était Roosevelt qui les avait énoncées
2754 sprit… Vous rappelez-vous ? C’était Roosevelt qui les avait énoncées le premier au début de 1942 dans son discours sur l’ét
2755 le premier au début de 1942 dans son discours sur l’ état de l’Union : « freedom of speech, freedom of religion, freedom fr
2756 au début de 1942 dans son discours sur l’état de l’ Union : « freedom of speech, freedom of religion, freedom from want, f
2757 r liberté de parole et de religion, libération de la misère et de la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre
2758 ole et de religion, libération de la misère et de la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre, il est temps d
2759 de la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre, il est temps de nous demander quel est l’état présent des lib
2760 la guerre, il est temps de nous demander quel est l’ état présent des libertés qui faisaient l’enjeu de la lutte. La deuxiè
2761 uel est l’état présent des libertés qui faisaient l’ enjeu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, para
2762 tat présent des libertés qui faisaient l’enjeu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, paraît en bonne
2763 eu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, paraît en bonne voie de s’établir dans les pays récemment l
2764 religion, paraît en bonne voie de s’établir dans les pays récemment libérés, de même qu’en Russie soviétique et au Japon.
2765 Russie soviétique et au Japon. On brûle encore, à l’ occasion, quelques églises protestantes au Mexique, mais dans l’ensemb
2766 elques églises protestantes au Mexique, mais dans l’ ensemble la situation n’est pas mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce pr
2767 ses protestantes au Mexique, mais dans l’ensemble la situation n’est pas mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce progrès doit
2768 urs chefs. Quant aux trois autres libertés, voici le tableau : la liberté de parole se voit partout mise en échec par des
2769 ant aux trois autres libertés, voici le tableau : la liberté de parole se voit partout mise en échec par des censures offi
2770 hec par des censures officielles ou commerciales, la misère règne, la police règne, et les vainqueurs eux-mêmes vivent dan
2771 res officielles ou commerciales, la misère règne, la police règne, et les vainqueurs eux-mêmes vivent dans la peur les uns
2772 ommerciales, la misère règne, la police règne, et les vainqueurs eux-mêmes vivent dans la peur les uns des autres. Quant à
2773 ce règne, et les vainqueurs eux-mêmes vivent dans la peur les uns des autres. Quant à la Bombe, elle a multiplié par 20 00
2774 , et les vainqueurs eux-mêmes vivent dans la peur les uns des autres. Quant à la Bombe, elle a multiplié par 20 000 au moin
2775 s vivent dans la peur les uns des autres. Quant à la Bombe, elle a multiplié par 20 000 au moins la liberté de craindre le
2776 à la Bombe, elle a multiplié par 20 000 au moins la liberté de craindre le pire à chaque instant. Tout cela, nous disent,
2777 tiplié par 20 000 au moins la liberté de craindre le pire à chaque instant. Tout cela, nous disent, non sans raison, les g
2778 instant. Tout cela, nous disent, non sans raison, les gouvernants, n’est que le résultat déplorable, mais fatal, de la guer
2779 sent, non sans raison, les gouvernants, n’est que le résultat déplorable, mais fatal, de la guerre. (Étrange activité qui
2780 n’est que le résultat déplorable, mais fatal, de la guerre. (Étrange activité qui « fatalement » prolonge ou aggrave les
2781 e activité qui « fatalement » prolonge ou aggrave les tyrannies qu’elle avait pour seul but d’écraser. Mais ceci est une au
2782 passer d’au moins trois libertés sur quatre, avec l’ espoir que ses enfants les recevront plus tard — données par qui ? Som
2783 ibertés sur quatre, avec l’espoir que ses enfants les recevront plus tard — données par qui ? Sommes-nous voués à l’esclava
2784 plus tard — données par qui ? Sommes-nous voués à l’ esclavage d’État par nécessité matérielle ? On m’en voudra de ces ques
2785 porter que des réponses amères et humiliantes, si l’ on reste au niveau des faits, des dures nécessités, des ruines. Or le
2786 u des faits, des dures nécessités, des ruines. Or le rappel des fameuses Quatre Libertés nous y rabat impitoyablement par
2787 Quatre Libertés nous y rabat impitoyablement par la comparaison qu’il nous oblige à faire de l’idéal et du présent. Je pr
2788 t par la comparaison qu’il nous oblige à faire de l’ idéal et du présent. Je propose donc que nous changions ce qui peut êt
2789 immédiatement changé : notre idéal, en attendant le reste. Je propose que nous remplacions la revendication des quatre li
2790 tendant le reste. Je propose que nous remplacions la revendication des quatre libertés, pour le moment inaccessibles, par
2791 acions la revendication des quatre libertés, pour le moment inaccessibles, par une affirmation unique de Liberté indivisib
2792 ant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a que «  la  » liberté, ou non. Je le prouverai par une parabole. Je connais certa
2793 libertés. Il n’y a que « la » liberté, ou non. Je le prouverai par une parabole. Je connais certains hommes qui jouissent
2794 s voisins ; « deux » : ils reçoivent gratuitement les secours de la religion de leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à s
2795 eux » : ils reçoivent gratuitement les secours de la religion de leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccuper d
2796 quatre » ils sont solidement protégés contre tous les périls extérieurs. Ce sont les détenus des prisons américaines. (On l
2797 otégés contre tous les périls extérieurs. Ce sont les détenus des prisons américaines. (On leur donne même des séances de c
2798 caines. (On leur donne même des séances de cinéma le samedi soir.) La liberté ne peut pas être détaillée ni débitée en tra
2799 donne même des séances de cinéma le samedi soir.) La liberté ne peut pas être détaillée ni débitée en tranches : elle est
2800 plus être donnée. Elle exige d’être affirmée sur le champ, et coûte que coûte, quels que soient les obstacles. Il y aura
2801 ur le champ, et coûte que coûte, quels que soient les obstacles. Il y aura toujours des obstacles. Ceux qui ont peur d’être
2802 eur d’être libres en feront leurs prétextes comme l’ ont fait les Allemands sous l’hitlérisme. La liberté fondamentale dont
2803 libres en feront leurs prétextes comme l’ont fait les Allemands sous l’hitlérisme. La liberté fondamentale dont tout dépend
2804 urs prétextes comme l’ont fait les Allemands sous l’ hitlérisme. La liberté fondamentale dont tout dépend, c’est celle de s
2805 comme l’ont fait les Allemands sous l’hitlérisme. La liberté fondamentale dont tout dépend, c’est celle de se « réaliser p
2806 ser personnellement ». Or nous ne pourrons jamais la recevoir d’autrui. Sans elle les autres libertés ne comptent guère. P
2807 e pourrons jamais la recevoir d’autrui. Sans elle les autres libertés ne comptent guère. Par elle seule, elles peuvent être
2808 ar elle seule, elles peuvent être conquises. Nous l’ affirmons et nous le démontrons par notre lutte contre toutes les « né
2809 peuvent être conquises. Nous l’affirmons et nous le démontrons par notre lutte contre toutes les « nécessités » qui s’y o
2810 nous le démontrons par notre lutte contre toutes les « nécessités » qui s’y opposent sans relâche. Et cette lutte est touj
2811 ne fait que commencer. Mais si nous décidons que les obstacles à l’exercice de notre liberté sont fatals, nécessaires et s
2812 mencer. Mais si nous décidons que les obstacles à l’ exercice de notre liberté sont fatals, nécessaires et surhumains, auss
2813 fatals, nécessaires et surhumains, aussitôt nous les rendrons tels, aussitôt nous cesserons d’être libres. Et l’État aura
2814 s tels, aussitôt nous cesserons d’être libres. Et l’ État aura tous les droits, puisque nous lui laisserons tous les devoir
2815 nous cesserons d’être libres. Et l’État aura tous les droits, puisque nous lui laisserons tous les devoirs. Ce qu’il nous f
2816 tous les droits, puisque nous lui laisserons tous les devoirs. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas d’abord un monde bien arran
2817 nous sommes libres, si nous sommes prêts à payer le prix de la liberté, qui sera toujours : payer de sa personne. Un homm
2818 s libres, si nous sommes prêts à payer le prix de la liberté, qui sera toujours : payer de sa personne. Un homme libre, c’
2819 sprit libre. » De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’ État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et sur
2820 De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas de le
2821 ’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vision
2822 a Démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vision seule et de son courage de lutter pour la joindre.
2823 sa vision seule et de son courage de lutter pour la joindre. Lénine, sous le tsarisme, était plus libre qu’un fonctionnai
2824 n courage de lutter pour la joindre. Lénine, sous le tsarisme, était plus libre qu’un fonctionnaire sous Staline. Et Georg
2825 ait plus libre qu’un citoyen américain qui tourne le bouton de sa radio. Ils combattaient. q. Rougemont Denis de, « Les
2826 io. Ils combattaient. q. Rougemont Denis de, «  Les quatre libertés », Le Figaro littéraire, Paris, 30 mars 1946, p. 1.
2827 q. Rougemont Denis de, « Les quatre libertés », Le Figaro littéraire, Paris, 30 mars 1946, p. 1.
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
2828 Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)r Le xxe sièc
2829 Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)r Le xxe siècle est en train de d
2830 tomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)r Le xxe siècle est en train de découvrir ce qu’on savait depuis un certa
2831 on n’avait jamais très bien compris, à savoir que la terre est ronde. D’où il résulte, entre autres conséquences, que si v
2832 vous avec une arme assez puissante, vous recevrez le projectile dans le dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelq
2833 assez puissante, vous recevrez le projectile dans le dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelque chose d’importan
2834 gnifie quelque chose d’important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairem
2835 a bientôt nécessairement, si nos moyens passent à l’ échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fu
2836 nt, si nos moyens passent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des pr
2837 ssent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à
2838 ire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ;
2839 che servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion
2840 s villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents
2841 ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la
2842 provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’ avion à la guerre des continents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-ell
2843 ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À la g
2844 ns ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire :
2845 inents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire : à une guerre qui nous atteint tous,
2846 ous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour une époque donnée, me parai
2847 e faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir êtr
2848 que donnée, me paraissent pouvoir être mesurées à la portée des armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les prémic
2849 s armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les prémices d’une théorie sociologique flambant neuve.) À l’arme planéta
2850 ces d’une théorie sociologique flambant neuve.) À l’ arme planétaire correspond donc une communauté universelle, qui relègu
2851 pond donc une communauté universelle, qui relègue les nations au rang de simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques
2852 ues instants dans ce jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée p
2853 ts dans ce jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et
2854 jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout te
2855 tant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme
2856 symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme objet ron
2857 Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’ Unité considérée partout et de tout temps comme objet rond, pomme, sph
2858 rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce soit l’ Univers, ou l’Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le mi
2859 sphère ou sceptre d’or, que ce soit l’Univers, ou l’ Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répon
2860 ptre d’or, que ce soit l’Univers, ou l’Empire, ou l’ atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocos
2861 e ce soit l’Univers, ou l’Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre s
2862 mpire, ou l’atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre siècle arrive à digérer et
2863 il aura fait une révolution bien plus grande que la Renaissance. Il semble que la dernière guerre, j’entends celle de 39-
2864 elle de 39-45, a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette pl
2865 5, a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie
2866 dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montm
2867 ntmartre, intéressa pendant dix ans, directement, la vie courante des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’A
2868 habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’ Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en subit
2869 ues Nord, Centre, Sud, et de l’Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en subit les effets moins dire
2870 a moitié du genre humain. L’autre moitié en subit les effets moins directs, mais pourtant notables : les Français eussent m
2871 es effets moins directs, mais pourtant notables : les Français eussent mieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n
2872 Français eussent mieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n’avaient été trop occupés dans le Pacifique. Les Angla
2873 les cargos alliés n’avaient été trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solida
2874 iés n’avaient été trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solidarité pratique d
2875 Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solidarité pratique des différentes parties du globe est un fait dure
2876 ermédiaire, qui est celle du fait psychologique : la formation d’une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas d
2877 fides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si l’ on se déplace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien
2878 s d’avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent intraduisibles pour qui ne peut y aller v
2879 ous n’apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leur
2880 n. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que l
2881 ne pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se seront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mine
2882 ront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mineurs du pays de Galles n’auront plus de viande pendant des mois, p
2883 auront plus de viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentine se seront enfin organisés contre les grands estanci
2884 éons d’Argentine se seront enfin organisés contre les grands estancieros. Vous pourrez toujours essayer d’expliquer aux vic
2885 rrez toujours essayer d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute du député local ni de « l’hypocrisie
2886 pliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute du député local ni de « l’hypocrisie américaine ». Que faire ?
2887 que ce n’est pas la faute du député local ni de «  l’ hypocrisie américaine ». Que faire ? Tout le monde ne peut pas tout sa
2888 avoir, encore moins tout voir et tout comprendre. Les problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent p
2889 moins tout voir et tout comprendre. Les problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent pour nous terre
2890 quement inexplorées. Hic sunt leones inscrivaient les géographes du Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’
2891 nes inscrivaient les géographes du Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’Europe. Et pourtant nous sommes d
2892 en Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’ Europe. Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ces l
2893 cessité qu’il faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, so
2894 faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges
2895 ord sentir. Et qu’aussitôt la presse et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges rubriques
2896 aussitôt la presse et la radio, le cinéma surtout l’ éveillent et la propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’
2897 sse et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est p
2898 entendez, mais de sens, de vision, d’ouverture de l’ esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de poé
2899 i tous nos écrivains, ceux que je vois manifester le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont pré
2900 rivains, ceux que je vois manifester le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux
2901 je vois manifester le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint
2902 sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anaba
2903 ieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de l’Exil, et Paul Claudel, notre gr
2904 x poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de l’ Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur pro
2905 rose et dans leurs longs versets, quel qu’en soit le sujet allégué, nous avons pour la première fois senti, sous le drapé
2906 gué, nous avons pour la première fois senti, sous le drapé d’un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, l
2907 sous le drapé d’un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent des Amériques. Vous alliez me
2908 français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’ Asie, le cœur violent des Amériques. Vous alliez me dire que j’oubliai
2909 s riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent des Amériques. Vous alliez me dire que j’oubliais ce gra
2910 j’oublie jamais celui qui le premier me parla de la Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime !… r. Rougemon
2911 time !… r. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire », Pour la Victoire, New York,
2912 ont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire », Pour la Victoire, New York, 30 mars 1946, p. 1-2
2913 la bombe atomique : La pensée planétaire », Pour la Victoire, New York, 30 mars 1946, p. 1-2.
18 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)
2914 Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)s Parmi tous l
2915 Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)s Parmi tous les projets de contrô
2916 Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)s Parmi tous les projets de contrôle de la Bo
2917 a paix ou la bombe (20 avril 1946)s Parmi tous les projets de contrôle de la Bombe que l’on a suggérés depuis six mois,
2918 l 1946)s Parmi tous les projets de contrôle de la Bombe que l’on a suggérés depuis six mois, j’en retiens deux : 1. Don
2919 armi tous les projets de contrôle de la Bombe que l’ on a suggérés depuis six mois, j’en retiens deux : 1. Donner la Bombe
2920 és depuis six mois, j’en retiens deux : 1. Donner la Bombe aux petits pays pour qu’ils soient protégés contre les grands.
2921 ux petits pays pour qu’ils soient protégés contre les grands. Ces derniers fourniraient ainsi la preuve par neuf de leurs b
2922 ontre les grands. Ces derniers fourniraient ainsi la preuve par neuf de leurs bonnes intentions. 2. Donner la Bombe au gou
2923 ve par neuf de leurs bonnes intentions. 2. Donner la Bombe au gouvernement mondial, pour faire la police des nations. Deux
2924 nner la Bombe au gouvernement mondial, pour faire la police des nations. Deux chambres universelles seraient élues, l’une
2925 États, l’autre de députés des peuples. (Je prends le modèle courant. Il faudrait l’ajuster.) Le cabinet que ces chambres é
2926 euples. (Je prends le modèle courant. Il faudrait l’ ajuster.) Le cabinet que ces chambres éliraient compterait les ministè
2927 prends le modèle courant. Il faudrait l’ajuster.) Le cabinet que ces chambres éliraient compterait les ministères suivants
2928 Le cabinet que ces chambres éliraient compterait les ministères suivants : Bombe et Répression des États, Échange des mati
2929 s recherches scientifiques, Défense des droits de la personne, Transports planétaires. (Rien que de raisonnable, comme vou
2930 planétaires. (Rien que de raisonnable, comme vous le voyez. On trouverait mieux, en s’appliquant.) Mais il n’y a que les i
2931 verait mieux, en s’appliquant.) Mais il n’y a que les idées pratiques et raisonnables que l’on traite de folies, à l’âge où
2932 n’y a que les idées pratiques et raisonnables que l’ on traite de folies, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à l
2933 ques et raisonnables que l’on traite de folies, à l’ âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande générale, la pr
2934 aisonnables que l’on traite de folies, à l’âge où l’ on prépare dans le monde entier, à la demande générale, la prochaine e
2935 on traite de folies, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande générale, la prochaine et irrévocablement
2936 , à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande générale, la prochaine et irrévocablement dernière guerre civ
2937 pare dans le monde entier, à la demande générale, la prochaine et irrévocablement dernière guerre civile du genre humain.
2938 choueront. On en rira. On n’en rira même pas : on les négligera simplement. On passera aux affaires courantes : équilibrer
2939 t. On passera aux affaires courantes : équilibrer les budgets de guerre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne soit
2940 pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible dans les populations et chez beaucoup de bons esprits, mais une paralysie sans
2941 écédent s’est emparée des volontés. Vous-même, je le sens, je ne vous ai pas convaincue. Vous pensez que j’ai exagéré. Vou
2942 é. Vous pensez que j’ai cédé au goût américain de la sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays qu
2943 être construite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce
2944 gérée sans doute et dépassant la mesure de ce que l’ on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’homme l’a mis
2945 assant la mesure de ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens de
2946 nnaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’ homme l’a mise là. Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l
2947 t avant le 6 août, elle est là, parce que l’homme l’ a mise là. Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l’esprit
2948 , parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l’esprit devant la mort… Mais admettons
2949 Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l’ esprit devant la mort… Mais admettons que j’ai exagéré : c’était fatal
2950 la mesure peut se rebeller comme l’esprit devant la mort… Mais admettons que j’ai exagéré : c’était fatal. Écrire, c’est
2951 t mettre en forme, donc condenser, donc augmenter la réalité de l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer
2952 rme, donc condenser, donc augmenter la réalité de l’ objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits
2953 enser, donc augmenter la réalité de l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits ou phénomènes
2954 de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits ou phénomènes que l’on veut dégager. Admettons que les armées
2955 oujours « exagérer » les traits ou phénomènes que l’ on veut dégager. Admettons que les armées retiennent une bonne partie
2956 u phénomènes que l’on veut dégager. Admettons que les armées retiennent une bonne partie de leur utilité au service des nat
2957 ’elles arrivent encore à se battre. Admettons que la Bombe soit moins puissante que les savants autorisés ne l’affirment.
2958 . Admettons que la Bombe soit moins puissante que les savants autorisés ne l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz-
2959 soit moins puissante que les savants autorisés ne l’ affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres ac
2960 ons que notre globe dure longtemps encore, et que la guerre militaire y prospère d’autant mieux qu’elle sera dotée d’une a
2961 elle sera dotée d’une arme de plus. Admettons que l’ on invente une parade à la Bombe, selon l’axiome des militaires, sans
2962 de plus. Admettons que l’on invente une parade à la Bombe, selon l’axiome des militaires, sans oublier que leur expérienc
2963 ons que l’on invente une parade à la Bombe, selon l’ axiome des militaires, sans oublier que leur expérience démontre qu’on
2964 tain pourcentage des coups tirés… Pensez-vous que les effets de la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai
2965 ge des coups tirés… Pensez-vous que les effets de la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai prévus ? La
2966 seront très différents de ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin
2967 e ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’ agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins
2968 ’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine, le
2969 ra pire, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine, le triomphe des « éléments d’or
2970 ’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’ humanité non moins certaine, le triomphe des « éléments d’ordre » auss
2971 longue, la fin de l’humanité non moins certaine, le triomphe des « éléments d’ordre » aussi énigmatique, et sans témoins.
2972 ce processus peut se poursuivre assez longtemps. Les choses ne se passeront peut-être pas de la manière soudaine et dramat
2973 emps. Les choses ne se passeront peut-être pas de la manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithèse m’in
2974 ière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’ antithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de lig
2975 oût de l’antithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de lignes pures, parce que nos choix ne sont pas
2976 iront quelques vœux incolores. Il est évident que les nations souveraines s’en moqueront. Il est évident que l’une d’entre
2977 ombe en main, essaiera d’imposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il est évident que les peuples s
2978 ser sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il est évident que les peuples se révolteront contre cette n
2979 . (Inutile même de la nommer.) Il est évident que les peuples se révolteront contre cette nation et son régime, tôt ou tard
2980 et son régime, tôt ou tard. Il est évident que si l’ on continue à penser comme on pense aujourd’hui, cela finira dans l’ex
2981 nser comme on pense aujourd’hui, cela finira dans l’ explosion totale. Et il est évident que la grande majorité des hommes
2982 ra dans l’explosion totale. Et il est évident que la grande majorité des hommes se refuse à ces évidences. On nous ressass
2983 . Est-ce qu’on lui demande si elle est prête pour la mort ? L’humanité, ce sont des gens comme vous et moi. Quand vous me
2984 u’on lui demande si elle est prête pour la mort ? L’ humanité, ce sont des gens comme vous et moi. Quand vous me dites qu’e
2985 Quand vous me dites qu’elle n’est pas prête pour la paix, cela veut dire que vous d’abord, vous refusez de faire le choix
2986 veut dire que vous d’abord, vous refusez de faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais en refus
2987 e vous d’abord, vous refusez de faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais en refusant de chois
2988 yens vous déplaisent. Mais en refusant de choisir la paix, vous votez tacitement pour la mort, et vous en rendez responsab
2989 nt de choisir la paix, vous votez tacitement pour la mort, et vous en rendez responsable. Tout tient à chacun de nous. Et
2990 ous en sommes au point où il devient difficile de le cacher. Nos alibis ne trompent plus que nous-mêmes. Pour moi, je pour
2991 arrive. C’est ma santé. Dès mon premier écrit sur les choses politiques, j’ai posé le principe du pessimisme actif. Et comm
2992 remier écrit sur les choses politiques, j’ai posé le principe du pessimisme actif. Et comment ne m’y tiendrais-je pas, qua
2993 omment ne m’y tiendrais-je pas, quand je sais que l’ enjeu n’est point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puis
2994 quand je sais que l’enjeu n’est point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me faire perdre ? Je me rappe
2995 l’enjeu n’est point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me faire perdre ? Je me rappelle cette voix, d
2996 de Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu 
2997 que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aussi.
2998 e la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aussi. » Je n’ai p
2999 dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : «  Le matin vient et la nuit aussi. » Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les
3000 ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aussi. » Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bi
3001 la nuit aussi. » Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu
3002 Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu dans tout cela 
3003 us réponde ? S’il permet que nous fassions sauter la Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà de ce « clin d’œil 
3004 attend. s. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe », Pour la Victoire, New York, 2
3005 ont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe », Pour la Victoire, New York, 20 avril 1946, p. 1-2
3006 e, « Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe », Pour la Victoire, New York, 20 avril 1946, p. 1-2.
3007 r la bombe atomique : La paix ou la bombe », Pour la Victoire, New York, 20 avril 1946, p. 1-2.
19 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)
3008 Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)t — Un dernier mot.
3009 1946)t — Un dernier mot. (Et dire que j’allais l’ oublier !) La Bombe n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De
3010 n dernier mot. (Et dire que j’allais l’oublier !) La Bombe n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De quoi donc pa
3011 monde ? — J’étais sérieux. Je prenais au sérieux les événements qui nous menacent à bout portant. La fin des armées, par e
3012 les événements qui nous menacent à bout portant. La fin des armées, par exemple. Mais cela ne serait rien encore, quoi qu
3013 oi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais de la fin du monde… — Et maintenant vous nous dites : aucun danger ! C’est
3014 vouer que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ ont pensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’H
3015 z. Savez-vous que beaucoup l’ont pensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’Hiroshima nous ait jetés
3016 ensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’ événement d’Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans un état d
3017 ns repris nos sens. Certains pressentent déjà que la Bombe est en train de se dégonfler, pour ainsi dire. Après tout, nous
3018 onfler, pour ainsi dire. Après tout, nous devions le prévoir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des gaz. Tout l
3019 ns le prévoir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des gaz. Tout le monde s’y préparait, vous rappelez-vous ? Dan
3020 e s’y préparait, vous rappelez-vous ? Dans toutes les capitales d’Europe, on voyait en 1939 les civils se promener avec leu
3021 toutes les capitales d’Europe, on voyait en 1939 les civils se promener avec leur boîte à masque en bandoulière. Eh bien,
3022 avec leur boîte à masque en bandoulière. Eh bien, la guerre des gaz n’a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait une
3023 r bleue, et que personne, même pas Hitler, n’a eu le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trou
3024 le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’a
3025 us forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’a pas eu recours aux gaz, c’es
3026 entendu. Mais pensez-vous qu’une timidité subite l’ ait arrêté, ou quelque amour tardif de notre humanité ? Simplement, il
3027 otre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire de cette arme était
3028 ait son calcul. Les Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire de cette arme était loin de compenser, même à ses ye
3029 te arme était loin de compenser, même à ses yeux, le risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est dif
3030 ême à ses yeux, le risque moral qu’il eût couru à l’ employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle sup
3031 ux, le risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la p
3032 que moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité
3033 est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité de riposter, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’
3034 té de riposter, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l
3035 ôle d’une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent en géné
3036 e décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’ agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent en général d’une rapide
3037 nces fâcheuses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’ emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. I
3038 es, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc c
3039 s de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’ emploiera, au risque de faire sauter la Terre. — Alors, pourquoi dites
3040 lair qu’on l’emploiera, au risque de faire sauter la Terre. — Alors, pourquoi dites-vous : la Bombe n’est pas dangereuse ?
3041 e sauter la Terre. — Alors, pourquoi dites-vous : la Bombe n’est pas dangereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe
3042 t pas dangereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe est un objet. Les objets ne sont jamais dangereux. Ce qui est d
3043 ur une raison très simple. La Bombe est un objet. Les objets ne sont jamais dangereux. Ce qui est dangereux, horriblement,
3044 gereux. Ce qui est dangereux, horriblement, c’est l’ homme. C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare
3045 horriblement, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’employer. Quand je vois q
3046 fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’ employer. Quand je vois qu’on nomme des comités pour la retenir ! Comm
3047 loyer. Quand je vois qu’on nomme des comités pour la retenir ! Comme si elle était tombée du ciel, animée de mauvaises int
3048 uvaises intentions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans to
3049 ons ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans toute la presse,
3050 un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’ on discute à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus be
3051 ue l’on discute à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus belle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bie
3052 à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus belle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on
3053 s toute la presse, est la plus belle absurdité de l’ Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on parle ? Contrôler cet objet
3054 urdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’ on parle ? Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’un coup
3055 cet objet inerte ? C’est comme si tout d’un coup l’ on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases d
3056 tout d’un coup l’on se jetait sur une chaise pour l’ empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tran
3057 ait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien,
3058 r d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bie
3059 stoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’ homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de l’A
3060 mme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis
3061 e question. — C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe nous menace et no
3062 stion de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’ éviter depuis que la Bombe nous menace et nous tente à la fois. Et voi
3063 est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe nous menace et nous tente à la fois. Et voilà bien le progrès l
3064 ous menace et nous tente à la fois. Et voilà bien le progrès le plus sensationnel du siècle. — Un progrès ? — Oui, j’appel
3065 et nous tente à la fois. Et voilà bien le progrès le plus sensationnel du siècle. — Un progrès ? — Oui, j’appelle ainsi to
3066 e face. t. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum », Pour la Victoire, New York, 27 avri
3067 ues sur la bombe atomique : Post-scriptum », Pour la Victoire, New York, 27 avril 1946, p. 1-2.
20 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
3068 n). Que Bernanos s’est écrié : Mais partez donc ! la Terre est vaste ! Que d’autres ont protesté que ce débat était antipa
3069 muniste, que sais-je. On m’écrit cela de Paris et l’ on ajoute que je ferais bien de rentrer, sous peine de ne pas comprend
3070 bien de rentrer, sous peine de ne pas comprendre la réalité européenne en général, et française en particulier. Je pourra
3071 i devriez sortir, sous peine de ne pas comprendre la réalité mondiale. Après tout, il y a quarante millions de Français, s
3072 Français, sur deux-mille-millions d’habitants de la Planète, non moins réels, guère moins accablés de problèmes. Mais je
3073 de bon sens, et j’ai quelques raisons de prendre la France plus au sérieux, plus au tragique, que les chiffres stupides n
3074 la France plus au sérieux, plus au tragique, que les chiffres stupides n’y inviteraient. Je m’interroge. Je reprends la qu
3075 des n’y inviteraient. Je m’interroge. Je reprends la question dans les termes où elle est posée : faut-il partir ? (Peut-o
3076 ent. Je m’interroge. Je reprends la question dans les termes où elle est posée : faut-il partir ? (Peut-on partir serait un
3077 habite, pour quelques semaines encore, du côté où les jeunes Européens devraient aller s’il s’agissait pour eux de partir.
3078 aller s’il s’agissait pour eux de partir. Je vois les avantages de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesur
3079 sait pour eux de partir. Je vois les avantages de l’ Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure de les imagine
3080 et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’est qu’une solution, q
3081 en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’ infini. Il n’est qu’une solution, qui est d’aller voir, et d’« essayer
3082 solution, qui est d’aller voir, et d’« essayer » le pays comme un nouveau costume. Et je me dis que le problème est mal p
3083 e pays comme un nouveau costume. Et je me dis que le problème est mal posé. Il ne s’agit ni de partir ni de rester, au sen
3084 facile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le sont pas non plus, apparemment, puisqu’on pose le problème. Supposez
3085 le sont pas non plus, apparemment, puisqu’on pose le problème. Supposez que nous soyons libres de circuler à notre guise.
3086 ’agit ni de choisir une terre et ses morts contre le Globe et ses vivants ; ni de choisir le nomadisme permanent et l’exil
3087 ts contre le Globe et ses vivants ; ni de choisir le nomadisme permanent et l’exil par principe ou dégoût. Il s’agit simpl
3088 vivants ; ni de choisir le nomadisme permanent et l’ exil par principe ou dégoût. Il s’agit simplement de vivre au xxe siè
3089 és que nous avons créées ou laissé s’imposer ; de la rapidité des transports, par exemple. Combien peu d’hommes d’aujourd’
3090 r temps, et se trouvent pratiquement en mesure de le vivre ! Combien encore sont-ils du Moyen Âge, ou du bourgeois et lent
3091 change beaucoup plus vite que Jules Verne n’a pu le rêver. C’est cela, et c’est aussi le cauchemar des visas. Si cette fo
3092 Verne n’a pu le rêver. C’est cela, et c’est aussi le cauchemar des visas. Si cette folie furieuse et inutile ne régnait pa
3093 ette folie furieuse et inutile ne régnait pas sur le monde d’après-guerre, le problème partir ou rester se résoudrait en t
3094 utile ne régnait pas sur le monde d’après-guerre, le problème partir ou rester se résoudrait en termes simples : on verrai
3095 ples : on verrait vite que c’est un faux dilemme. Le fait est là : nous allons en dix heures de Lisbonne à New York, de Ne
3096 changeons de continent comme on part en week-end. Le mot partir a donc changé de sens. Il a perdu son aura dramatique. Plu
3097 erdu son aura dramatique. Plus question de couper les ponts, de brûler les pénates, et autres rites attestant devant les mâ
3098 que. Plus question de couper les ponts, de brûler les pénates, et autres rites attestant devant les mânes des ancêtres un c
3099 ler les pénates, et autres rites attestant devant les mânes des ancêtres un choix farouche, irrévocable. Se déplacer devien
3100 emps, comme on prend un billet d’aller et retour. La poésie des voyages a vécu, la tragédie des départs a vécu. Mais ce qu
3101 d’aller et retour. La poésie des voyages a vécu, la tragédie des départs a vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut naître par
3102 t naître parmi nous, c’est un amour plus large de l’ humain, une conception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de la
3103 n amour plus large de l’humain, une conception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de la curiosité, un accueil plus
3104 tion de la fidélité qui ne soit plus exclusive de la curiosité, un accueil plus ferme et plus souple de la diversité des ê
3105 uriosité, un accueil plus ferme et plus souple de la diversité des êtres et des coutumes. Aimez votre terre et quittez-la.
3106 res et des coutumes. Aimez votre terre et quittez- la . Quittez-la trois fois et revenez-y trois et quatre fois, selon l’ari
3107 outumes. Aimez votre terre et quittez-la. Quittez- la trois fois et revenez-y trois et quatre fois, selon l’arithmétique du
3108 ois fois et revenez-y trois et quatre fois, selon l’ arithmétique du cœur. Le nomade n’aime pas sa terre, n’y revient donc
3109 ois et quatre fois, selon l’arithmétique du cœur. Le nomade n’aime pas sa terre, n’y revient donc jamais vraiment. Le pays
3110 e pas sa terre, n’y revient donc jamais vraiment. Le paysan n’aime que sa terre, ne l’aime donc pas de la meilleure manièr
3111 amais vraiment. Le paysan n’aime que sa terre, ne l’ aime donc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et l
3112 paysan n’aime que sa terre, ne l’aime donc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et la comparaison. Il f
3113 onc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et la comparaison. Il faut s’ouvrir. Il faut aimer. Il faut ce
3114 meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et la comparaison. Il faut s’ouvrir. Il faut aimer. Il faut cesser de trouv
3115 l faut cesser de trouver cela nigaud, et de faire le coq de village tout hérissé, griffu, inefficace. Circulez donc, allez
3116 allez voir, et aimez. Puis choisissez. Revenez si le cœur vous en dit. Mais je sais bien qu’il y a les visas. N’acceptons
3117 le cœur vous en dit. Mais je sais bien qu’il y a les visas. N’acceptons pas que cet accident tardif de la démence national
3118 visas. N’acceptons pas que cet accident tardif de la démence nationaliste dénature le problème humain. Lançons une campagn
3119 cident tardif de la démence nationaliste dénature le problème humain. Lançons une campagne mondiale pour la suppression de
3120 oblème humain. Lançons une campagne mondiale pour la suppression des visas, de ces anachronismes scandaleux qui nous empêc
3121 nismes scandaleux qui nous empêchent de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à
3122 eux qui nous empêchent de rejoindre le siècle, de l’ habiter et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre
3123 ècle, de l’habiter et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi servent ces barrages de tampons 
3124 servent ces barrages de tampons ? Comment peut-on les justifier ? Ils n’ont pas arrêté un seul espion, tout en causant la p
3125 n’ont pas arrêté un seul espion, tout en causant la perte des milliers d’innocents. Ils rendent vains les progrès matérie
3126 perte des milliers d’innocents. Ils rendent vains les progrès matériels dont notre basse époque pourrait encore s’enorgueil
3127 rait encore s’enorgueillir. Ils représentent dans l’ esprit des modernes la Fatalité imbécile. Pourquoi donc les acceptons-
3128 llir. Ils représentent dans l’esprit des modernes la Fatalité imbécile. Pourquoi donc les acceptons-nous, comme des mouton
3129 des modernes la Fatalité imbécile. Pourquoi donc les acceptons-nous, comme des moutons, sans qu’une voix ne proteste ? u
3130 Rougemont Denis de, « Faut-il rentrer ? », Pour la Victoire, New York, 4 mai 1946, p. 1-2.
21 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
3131 « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 m
3132 que. Il nous en parle simplement, avec ce sens de l’ équilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le pr
3133 rle simplement, avec ce sens de l’équilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le prochain aussi, ce
3134 uilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’ empreinte. Le prochain aussi, ce Vivre en Amérique que Stock publier
3135 la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le prochain aussi, ce Vivre en Amérique que Stock publiera cet automne
3136 . Nous questionnons : Dites-nous quels sentiments le contact avec la civilisation américaine éveille chez un Européen ? En
3137 ons : Dites-nous quels sentiments le contact avec la civilisation américaine éveille chez un Européen ? En arrivant là-bas
3138 eille chez un Européen ? En arrivant là-bas, on a l’ impression très nette de pénétrer dans une autre civilisation. Une imp
3139 eaucoup plus forte que celle qu’éveillent en nous les livres ou même le cinéma. Un sentiment qui dure : pour moi, il a duré
3140 que celle qu’éveillent en nous les livres ou même le cinéma. Un sentiment qui dure : pour moi, il a duré pendant six ans.
3141 duré pendant six ans. Ceci est surtout vrai pour les mœurs, leur détail. Les jugements moraux y sont très différents de ce
3142 eci est surtout vrai pour les mœurs, leur détail. Les jugements moraux y sont très différents de ceux de l’Europe. Là-bas,
3143 ugements moraux y sont très différents de ceux de l’ Europe. Là-bas, certaines choses vont de soi ; chez nous, elles parais
3144 ce, par exemple, il était bien vu de tricher avec le fisc ; on s’en vantait. En Amérique, la chose est mal vue. Les gens t
3145 cher avec le fisc ; on s’en vantait. En Amérique, la chose est mal vue. Les gens trichent peut-être, mais je n’en suis pas
3146 s’en vantait. En Amérique, la chose est mal vue. Les gens trichent peut-être, mais je n’en suis pas persuadé. L’Américain
3147 ichent peut-être, mais je n’en suis pas persuadé. L’ Américain s’achète une bonne conscience en payant son dû à l’État. J’a
3148 s’achète une bonne conscience en payant son dû à l’ État. J’admire beaucoup son sens civique. Quand le citoyen est discipl
3149 l’État. J’admire beaucoup son sens civique. Quand le citoyen est discipliné, il n’a pas pour autant l’amour du règlement c
3150 le citoyen est discipliné, il n’a pas pour autant l’ amour du règlement comme en Suisse… J’ai aussi été sensible à une sort
3151 aussi été sensible à une sorte de loufoquerie de la vie américaine. Parfois, on a l’impression que les gens sont un peu f
3152 e loufoquerie de la vie américaine. Parfois, on a l’ impression que les gens sont un peu fous… Ils chantent dans la rue, vo
3153 la vie américaine. Parfois, on a l’impression que les gens sont un peu fous… Ils chantent dans la rue, vous posent les ques
3154 que les gens sont un peu fous… Ils chantent dans la rue, vous posent les questions les plus indiscrètes, entrent chez vou
3155 n peu fous… Ils chantent dans la rue, vous posent les questions les plus indiscrètes, entrent chez vous sans frapper, vous
3156 s chantent dans la rue, vous posent les questions les plus indiscrètes, entrent chez vous sans frapper, vous déclarent sans
3157 ez vous sans frapper, vous déclarent sans ambages le montant de leur revenu. Cinq minutes après avoir fait votre connaissa
3158 appellent par votre prénom et vous invitent pour le prochain week-end. Aux États-Unis, l’étranger est accueilli avec beau
3159 vitent pour le prochain week-end. Aux États-Unis, l’ étranger est accueilli avec beaucoup de gentillesse. Les Américains lu
3160 anger est accueilli avec beaucoup de gentillesse. Les Américains lui font crédit. En Europe, par contre, les liaisons, si e
3161 méricains lui font crédit. En Europe, par contre, les liaisons, si elles sont plus rares, sont plus solides et profondes. O
3162 s camarade ; tout cela glisse, change, glisse… Et l’ inverse ? Quels sont, chez l’Américain, les sentiments éveillés par la
3163 , change, glisse… Et l’inverse ? Quels sont, chez l’ Américain, les sentiments éveillés par la civilisation européenne ? Il
3164 sse… Et l’inverse ? Quels sont, chez l’Américain, les sentiments éveillés par la civilisation européenne ? Il importe de di
3165 nt, chez l’Américain, les sentiments éveillés par la civilisation européenne ? Il importe de distinguer entre plusieurs cl
3166 lusieurs classes d’Américains. Ceux qui ont connu l’ Europe et qui y ont vécu, se distinguent par une sorte de snobisme eur
3167 petite minorité qui affectionne particulièrement la France et la Suisse. L’Américain moyen, qui connaît notre continent p
3168 ité qui affectionne particulièrement la France et la Suisse. L’Américain moyen, qui connaît notre continent par les journa
3169 ectionne particulièrement la France et la Suisse. L’ Américain moyen, qui connaît notre continent par les journaux, nous ju
3170 ’Américain moyen, qui connaît notre continent par les journaux, nous juge assez mal, nous considère comme un pays très comp
3171 sont toujours sur leurs ergots ; des gens en qui l’ on ne peut pas avoir une grande confiance… Ils voient l’Europe un peu
3172 e peut pas avoir une grande confiance… Ils voient l’ Europe un peu comme nous voyions les Balkans avant la guerre. Et puis,
3173 ce… Ils voient l’Europe un peu comme nous voyions les Balkans avant la guerre. Et puis, ils ont un peu peur de nous ; ils c
3174 urope un peu comme nous voyions les Balkans avant la guerre. Et puis, ils ont un peu peur de nous ; ils craignent que nous
3175 urce permanente de désordres et de troubles. Tous les nationalismes européens les effraient. De même qu’il y a en Europe un
3176 et de troubles. Tous les nationalismes européens les effraient. De même qu’il y a en Europe un grand sentiment de supérior
3177 entiment de supériorité à cause de notre culture, l’ inverse existe chez les Américains au point de vue du civisme et de la
3178 é à cause de notre culture, l’inverse existe chez les Américains au point de vue du civisme et de la politique. Ils ont le
3179 z les Américains au point de vue du civisme et de la politique. Ils ont le sentiment d’être decent. Leur opinion est que l
3180 int de vue du civisme et de la politique. Ils ont le sentiment d’être decent. Leur opinion est que les Européens ne sont,
3181 le sentiment d’être decent. Leur opinion est que les Européens ne sont, eux, pas très decent, qualité qu’un jeune citoyen
3182 sa parole et se tenir propre soi-même »… Quant à la masse du centre du pays, elle ne connaît rien de notre continent ; so
3183 e notre continent ; souvent, elle ignore même que la Suisse existe. Un GI m’a récemment déclaré : « La Suisse ? Quand est-
3184 la Suisse existe. Un GI m’a récemment déclaré : «  La Suisse ? Quand est-ce que nous avons bien pu libérer ça ? C’est si pe
3185 i de précision, j’ajouterai que je ne connais que l’ Amérique la moins éloignée de l’Europe. Si de New York vous passez dan
3186 ion, j’ajouterai que je ne connais que l’Amérique la moins éloignée de l’Europe. Si de New York vous passez dans le Middle
3187 je ne connais que l’Amérique la moins éloignée de l’ Europe. Si de New York vous passez dans le Middlewest, ou en Californi
3188 gnée de l’Europe. Si de New York vous passez dans le Middlewest, ou en Californie, ou à La Nouvelle-Orléans, vous ne manqu
3189 passez dans le Middlewest, ou en Californie, ou à La Nouvelle-Orléans, vous ne manquez pas d’observer de fortes nuances da
3190 ne manquez pas d’observer de fortes nuances dans la civilisation. New York constitue un excellent poste d’observation, pa
3191 ue ses habitants y viennent de partout, de toutes les Amériques et de tous les continents. New York résume un peu les États
3192 nt de partout, de toutes les Amériques et de tous les continents. New York résume un peu les États-Unis… Mais un jugement d
3193 et de tous les continents. New York résume un peu les États-Unis… Mais un jugement d’ensemble est impossible. On peut à peu
3194 est impossible. On peut à peu près tout dire sur l’ Amérique : ça sera toujours juste quelque part. Je ne cesse personnell
3195 s. Au contraire, ce pays est celui des contrastes les plus violents. ⁂ Pensez-vous qu’à l’issue de cette dernière guerre, o
3196 contrastes les plus violents. ⁂ Pensez-vous qu’à l’ issue de cette dernière guerre, on puisse affirmer que le centre de gr
3197 de cette dernière guerre, on puisse affirmer que le centre de gravité du monde s’est déplacé en Amérique ? Très nettement
3198 cé en Amérique ? Très nettement. Vue de New York, l’ Europe constitue une espèce de glacis ou s’affrontent le monde anglo-s
3199 pe constitue une espèce de glacis ou s’affrontent le monde anglo-saxon et le monde russe. On a fortement l’impression de l
3200 de glacis ou s’affrontent le monde anglo-saxon et le monde russe. On a fortement l’impression de l’existence de deux pôles
3201 nde anglo-saxon et le monde russe. On a fortement l’ impression de l’existence de deux pôles d’attraction : l’Amérique et l
3202 et le monde russe. On a fortement l’impression de l’ existence de deux pôles d’attraction : l’Amérique et la Russie. Cette
3203 ssion de l’existence de deux pôles d’attraction : l’ Amérique et la Russie. Cette impression est une réalité. Quant à notre
3204 stence de deux pôles d’attraction : l’Amérique et la Russie. Cette impression est une réalité. Quant à notre continent, il
3205 hamp de bataille en puissance. Cela change toutes les perspectives. Le problème France-Allemagne n’a aujourd’hui plus grand
3206 n puissance. Cela change toutes les perspectives. Le problème France-Allemagne n’a aujourd’hui plus grande importance ; il
3207 ’a aujourd’hui plus grande importance ; il a cédé le pas au problème Amérique-URSS. Et que pensent les Américains des Russ
3208 le pas au problème Amérique-URSS. Et que pensent les Américains des Russes ? L’opinion est extrêmement mélangée. En généra
3209 -URSS. Et que pensent les Américains des Russes ? L’ opinion est extrêmement mélangée. En général, les hommes d’affaires vo
3210 ? L’opinion est extrêmement mélangée. En général, les hommes d’affaires voudraient que ce monde lointain s’ouvre. Le présid
3211 ffaires voudraient que ce monde lointain s’ouvre. Le président de la Chambre de commerce américaine est allé en Russie ten
3212 nt que ce monde lointain s’ouvre. Le président de la Chambre de commerce américaine est allé en Russie tenir des discours
3213 ours capitalistes… D’autres gens voudraient faire la guerre à la Russie sans plus attendre, en se servant de la bombe atom
3214 istes… D’autres gens voudraient faire la guerre à la Russie sans plus attendre, en se servant de la bombe atomique, etc. M
3215 à la Russie sans plus attendre, en se servant de la bombe atomique, etc. Moscou, qui a toujours eu cette espèce de « comp
3216 e referme trop sur elle-même. Il est difficile de la comprendre de l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle
3217 est difficile de la comprendre de l’autre côté de l’ Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ? La vie scientifique est très r
3218 de la comprendre de l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’ Amérique intellectuelle ? La vie scientifique est très remarquable ; l
3219 côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ? La vie scientifique est très remarquable ; l’énergie atomique en est la
3220 elle ? La vie scientifique est très remarquable ; l’ énergie atomique en est la preuve. La civilisation américaine devient
3221 est très remarquable ; l’énergie atomique en est la preuve. La civilisation américaine devient de plus en plus une civili
3222 emarquable ; l’énergie atomique en est la preuve. La civilisation américaine devient de plus en plus une civilisation scie
3223 s une civilisation scientifique, par opposition à la civilisation plus littéraire, philosophique ou juridique de l’Europe.
3224 on plus littéraire, philosophique ou juridique de l’ Europe. Dans les écoles américaines, on enseigne aux enfants combien d
3225 ire, philosophique ou juridique de l’Europe. Dans les écoles américaines, on enseigne aux enfants combien de calories, de v
3226 saires à leur organisme. Tout le monde a, là-bas, le plus grand respect pour les experts en n’importe quoi. Au point de vu
3227 ut le monde a, là-bas, le plus grand respect pour les experts en n’importe quoi. Au point de vue littéraire et philosophiqu
3228 s rien de très neuf qui se soit développé pendant la guerre ou après. Entre 1918 et 1939, l’Amérique a connu une grande pé
3229 é pendant la guerre ou après. Entre 1918 et 1939, l’ Amérique a connu une grande période littéraire. Je ne distingue actuel
3230 e ne distingue actuellement pas d’école nouvelle. Les jeunes écrivains gardent un œil ouvert sur l’Europe. C’est toujours d
3231 e. Les jeunes écrivains gardent un œil ouvert sur l’ Europe. C’est toujours de là que vient l’initiative. Ce qu’ils ont de
3232 vert sur l’Europe. C’est toujours de là que vient l’ initiative. Ce qu’ils ont de plus que nous, c’est un grand art du repo
3233 lus que nous, c’est un grand art du reportage, de la description. Ils ont indiscutablement créé le style du grand reportag
3234 de la description. Ils ont indiscutablement créé le style du grand reportage. Je connais quelques jeunes poètes, pas du t
3235 t un lyrisme très violent et très coloré… Quant à l’ Amérique sociale… Socialement parlant, l’ouvrier américain est un bour
3236 Quant à l’Amérique sociale… Socialement parlant, l’ ouvrier américain est un bourgeois. Il a sa voiture, sa maison ou un a
3237 aison ou un appartement avec salle de bains. Dans les grandes villes, on remarque de la misère. Certains quartiers sont trè
3238 de bains. Dans les grandes villes, on remarque de la misère. Certains quartiers sont très tristes. La conscience politique
3239 la misère. Certains quartiers sont très tristes. La conscience politique de la classe ouvrière, si vivante chez nous, est
3240 ers sont très tristes. La conscience politique de la classe ouvrière, si vivante chez nous, est presque inexistante là-bas
3241 ivante chez nous, est presque inexistante là-bas. Les grèves peuvent être violentes, mais cela ne veut pas dire que l’on so
3242 nt être violentes, mais cela ne veut pas dire que l’ on soit de droite ou de gauche. On fait la grève pour des raisons pure
3243 ire que l’on soit de droite ou de gauche. On fait la grève pour des raisons purement pratiques et non au nom du marxisme…
3244 clusion, une « cure d’Amérique » est profitable à l’ Européen ? Absolument ! Ce que je souhaite, c’est qu’on envoie le plus
3245 solument ! Ce que je souhaite, c’est qu’on envoie le plus grand nombre possible d’Européens outre-Atlantique pour y vivre
3246 sement. Je ne vois pas d’hostilité possible entre les deux continents — qui se complètent admirablement. Les différences so
3247 eux continents — qui se complètent admirablement. Les différences sont fortes, certes ; mais elles sont tout à fait concili
3248 tes ; mais elles sont tout à fait conciliables. À l’ Amérique, nous pouvons apporter beaucoup de raffinement et un sens des
3249 raffinement et un sens des valeurs spirituelles. Les Américains nous apportent la franchise dans la vie, la liberté d’allu
3250 leurs spirituelles. Les Américains nous apportent la franchise dans la vie, la liberté d’allure et beaucoup de gentillesse
3251 . Les Américains nous apportent la franchise dans la vie, la liberté d’allure et beaucoup de gentillesse. Telle est la « l
3252 éricains nous apportent la franchise dans la vie, la liberté d’allure et beaucoup de gentillesse. Telle est la « leçon d’A
3253 té d’allure et beaucoup de gentillesse. Telle est la « leçon d’Amérique » que nous a donnée M. Denis de Rougemont. En conc
3254 our cent… w. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique », L’Il
3255 té du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique », L’ Illustré, Lausanne, 16 mai 1946, p. 5 et 23. x. Propos recueillis par
3256 os recueillis par Georges Gygax et introduits par la note suivante : « Un écrivain nous est revenu. Il nous est revenu de
3257 n écrivain nous est revenu. Il nous est revenu de la lointaine et si proche Amérique, emportant avec lui, pour nous le com
3258 si proche Amérique, emportant avec lui, pour nous le communiquer avec la belle générosité des gens d’esprit, un riche mess
3259 emportant avec lui, pour nous le communiquer avec la belle générosité des gens d’esprit, un riche message gonflé de réalit
3260 longtemps, puisqu’il se prépare déjà à repartir à la découverte de ce continent qui, à lui seul, constitue un monde. Quell
3261 lleuse exploration pour qui sait respecter, après l’ avoir établi, le contact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il
3262 on pour qui sait respecter, après l’avoir établi, le contact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il ne s’accompagne
3263 respecter, après l’avoir établi, le contact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contact d
3264 avoir établi, le contact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contact des sens, conduit à l
3265 e s’accompagne pas du contact des sens, conduit à l’ insondable gouffre de l’abstraction. M. de Rougemont, lui, a vécu l’Am
3266 ntact des sens, conduit à l’insondable gouffre de l’ abstraction. M. de Rougemont, lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’est pas
3267 re de l’abstraction. M. de Rougemont, lui, a vécu l’ Amérique. Il ne s’est pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’
3268 , lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’est pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est donné à so
3269 mérique. Il ne s’est pas borné à la survoler : il l’ a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est donné à son expérience créa
3270 elle, il s’est donné à son expérience créatrice. L’ auteur de Politique de la personne , de Penser avec les mains (quel
3271 n expérience créatrice. L’auteur de Politique de la personne , de Penser avec les mains (quel beau titre, solide, puiss
3272 ), du Journal d’un intellectuel en chômage , de L’ Amour et l’Occident , de tant d’autres œuvres auxquelles sa personnali
3273 nal d’un intellectuel en chômage , de L’Amour et l’ Occident , de tant d’autres œuvres auxquelles sa personnalité a imprim
3274 u de vie, de foi et de vérité, doit être classé à l’ opposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de la superficialit
3275 ssé à l’opposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de la superficialité. Et Dieu seul est capable de dessiner les
3276 sé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de la superficialité. Et Dieu seul est capable de dessiner les contours de
3277 erficialité. Et Dieu seul est capable de dessiner les contours de ce mot « superficiel », qui gouverne le monde ! Bien avan
3278 contours de ce mot « superficiel », qui gouverne le monde ! Bien avant la sanglante tragédie, Denis de Rougemont, dans so
3279 superficiel », qui gouverne le monde ! Bien avant la sanglante tragédie, Denis de Rougemont, dans son Journal d’Allemagne
3280 mont, dans son Journal d’Allemagne , définissait le national-socialisme, « phénomène à la fois mythique et mystique ». N’
3281 érité aux nations qui s’apprêtaient joyeusement à la chute dans l’abîme : « Personne et pensée ne sont point séparables, e
3282 ons qui s’apprêtaient joyeusement à la chute dans l’ abîme : « Personne et pensée ne sont point séparables, et toutes deux
3283 e dans cet acte unique d’obéissance qui s’appelle l’ amour du prochain »…
22 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
3284 Histoire de singes ou deux secrets de l’ Europe (16 mai 1946)v Jeune Amérique, vieille Europe. Patrie de l’a
3285 46)v Jeune Amérique, vieille Europe. Patrie de l’ avenir et patrie de la mémoire. Dynamisme allégé du poids des traditio
3286 , vieille Europe. Patrie de l’avenir et patrie de la mémoire. Dynamisme allégé du poids des traditions et querelles ancest
3287 querelles ancestrales qui tournent en rond. C’est la rumeur du xxe siècle. Elle a cours en Europe au moins autant qu’aill
3288 nous tenter d’abandon aux prétendues fatalités de l’ Histoire. Mais il n’est point de fatalité pour l’homme qui ne recule p
3289 l’Histoire. Mais il n’est point de fatalité pour l’ homme qui ne recule pas devant sa liberté, et qui accepte les risques
3290 i ne recule pas devant sa liberté, et qui accepte les risques de son choix. Laissons l’Histoire telle qu’on la simplifie en
3291 et qui accepte les risques de son choix. Laissons l’ Histoire telle qu’on la simplifie en courbes ascendantes et descendant
3292 ues de son choix. Laissons l’Histoire telle qu’on la simplifie en courbes ascendantes et descendantes. Tout peut encore se
3293 eut encore se renverser, et plus d’une fois, dans les destins de collectivités aussi complexes que celles que je viens de c
3294 que je viens de citer. Je n’entends pas attaquer les jeunes puissances, ni faire l’apologie du vieillissement. Mais j’empr
3295 ends pas attaquer les jeunes puissances, ni faire l’ apologie du vieillissement. Mais j’emprunterai à des recherches récent
3296 s : ils me paraissent propres à nous persuader de la fécondité de certaines valeurs que l’Europe a promues patiemment et q
3297 ersuader de la fécondité de certaines valeurs que l’ Europe a promues patiemment et qu’elle illustre encore aux yeux du mon
3298 ustre encore aux yeux du monde. Je veux parler de la « mémoire » et de l’« expérience historique », qui est celle des épre
3299 du monde. Je veux parler de la « mémoire » et de l’ « expérience historique », qui est celle des épreuves et des échecs. L
3300 ique », qui est celle des épreuves et des échecs. L’ étude des singes et de leur attristante psychologie nous révèle que ce
3301 que ces faux ancêtres ne sont guère inférieurs à l’ homme sous le rapport de l’intelligence ! Leur malheur est qu’ils n’on
3302 ont guère inférieurs à l’homme sous le rapport de l’ intelligence ! Leur malheur est qu’ils n’ont aucune mémoire. Ils se vo
3303 ligés chaque matin de reconstruire leur monde, de l’ apprendre à nouveau et de réinventer les gestes élémentaires. Ce trava
3304 monde, de l’apprendre à nouveau et de réinventer les gestes élémentaires. Ce travail de Sisyphe les épuise et les condamne
3305 er les gestes élémentaires. Ce travail de Sisyphe les épuise et les condamne à rester singes. Il les réduit à imiter, là où
3306 élémentaires. Ce travail de Sisyphe les épuise et les condamne à rester singes. Il les réduit à imiter, là où nous sommes c
3307 he les épuise et les condamne à rester singes. Il les réduit à imiter, là où nous sommes capables d’innover en tirant les l
3308 r, là où nous sommes capables d’innover en tirant les leçons d’expériences de la veille. Singe est celui qui doit refaire c
3309 s d’innover en tirant les leçons d’expériences de la veille. Singe est celui qui doit refaire chaque jour le chemin perdu
3310 lle. Singe est celui qui doit refaire chaque jour le chemin perdu pendant la nuit, faute de repères, faute d’un passé viva
3311 doit refaire chaque jour le chemin perdu pendant la nuit, faute de repères, faute d’un passé vivant, et faute de traditio
3312 magine qu’il invente sans cesse. Il ne croit qu’à l’ actualité, aux nouvelles toutes chaudes, à la dernière tactique, et ne
3313 parabole du siècle. Cela se passe on Russie, dans l’ école de Pavlov, auteur de célèbres travaux sur les réflexes condition
3314 l’école de Pavlov, auteur de célèbres travaux sur les réflexes conditionnés des chiens. Ses disciples ont passé des chiens
3315 sé des chiens aux singes. On prend dix singes, on les range dans une chambre, le long d’une des parois. À l’autre extrémité
3316 prend dix singes, on les range dans une chambre, le long d’une des parois. À l’autre extrémité de la pièce se dresse un g
3317 le long d’une des parois. À l’autre extrémité de la pièce se dresse un grand meuble à tiroirs. Dans les tiroirs on a mis
3318 a pièce se dresse un grand meuble à tiroirs. Dans les tiroirs on a mis des bananes. Sur un signal donné par une sirène, les
3319 des bananes. Sur un signal donné par une sirène, les singes sont lâchés dans la chambre. Ils découvrent bientôt les tiroir
3320 donné par une sirène, les singes sont lâchés dans la chambre. Ils découvrent bientôt les tiroirs, ils les ouvrent et dévor
3321 nt lâchés dans la chambre. Ils découvrent bientôt les tiroirs, ils les ouvrent et dévorent les bananes. On répète le manège
3322 chambre. Ils découvrent bientôt les tiroirs, ils les ouvrent et dévorent les bananes. On répète le manège un grand nombre
3323 bientôt les tiroirs, ils les ouvrent et dévorent les bananes. On répète le manège un grand nombre de fois, pour habituer l
3324 ls les ouvrent et dévorent les bananes. On répète le manège un grand nombre de fois, pour habituer les animaux à courir ve
3325 le manège un grand nombre de fois, pour habituer les animaux à courir vers le meuble au signal. Après un certain temps d’i
3326 de fois, pour habituer les animaux à courir vers le meuble au signal. Après un certain temps d’interruption, on ramène le
3327 Après un certain temps d’interruption, on ramène les sujets dans la même chambre. La sirène hurle, les singes se précipite
3328 n temps d’interruption, on ramène les sujets dans la même chambre. La sirène hurle, les singes se précipitent, arrachent l
3329 ption, on ramène les sujets dans la même chambre. La sirène hurle, les singes se précipitent, arrachent les tiroirs — et l
3330 les sujets dans la même chambre. La sirène hurle, les singes se précipitent, arrachent les tiroirs — et les trouvent vides.
3331 irène hurle, les singes se précipitent, arrachent les tiroirs — et les trouvent vides. La plupart de ces animaux montrent a
3332 singes se précipitent, arrachent les tiroirs — et les trouvent vides. La plupart de ces animaux montrent alors les signes e
3333 t vides. La plupart de ces animaux montrent alors les signes extérieurs de la crise de nerfs, du « nervous break down » le
3334 s animaux montrent alors les signes extérieurs de la crise de nerfs, du « nervous break down » le plus caractérisé ! L’Eur
3335 s de la crise de nerfs, du « nervous break down » le plus caractérisé ! L’Européen, que vingt siècles d’histoire accoutumè
3336 , du « nervous break down » le plus caractérisé ! L’ Européen, que vingt siècles d’histoire accoutumèrent à trouver le tiro
3337 vingt siècles d’histoire accoutumèrent à trouver le tiroir vide neuf fois sur dix, réagit d’une toute autre manière. Il v
3338 ix, réagit d’une toute autre manière. Il vient de le prouver pendant six ans. Il se souvient — non pas de ces épreuves-là
3339 ais de quelque chose de plus profond, qui définit la condition humaine. S’agirait-il d’une sorte de méfiance ? Disons plut
3340 de méfiance ? Disons plutôt d’une sobriété devant le destin. Il se souvient que tout peut arriver, même le pire. Il presse
3341 estin. Il se souvient que tout peut arriver, même le pire. Il pressent que le sort, la science, le monde moderne et sa pro
3342 tout peut arriver, même le pire. Il pressent que le sort, la science, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas les g
3343 t arriver, même le pire. Il pressent que le sort, la science, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas les garants in
3344 ême le pire. Il pressent que le sort, la science, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas les garants infaillibles d
3345 ce, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas les garants infaillibles d’un bonheur qui lui serait dû. L’échec pour lui
3346 ants infaillibles d’un bonheur qui lui serait dû. L’ échec pour lui — guerre, privations, retards — n’est pas une déception
3347 ’est pas une déception totalement scandaleuse qui le laisserait tout béant sur l’absurde, car une obscure sagesse en lui s
3348 ment scandaleuse qui le laisserait tout béant sur l’ absurde, car une obscure sagesse en lui s’y attendait ; elle le tenait
3349 r une obscure sagesse en lui s’y attendait ; elle le tenait prêt à subir en souplesse les mécomptes, à vrai dire normaux,
3350 endait ; elle le tenait prêt à subir en souplesse les mécomptes, à vrai dire normaux, de l’optimisme automatique conditionn
3351 souplesse les mécomptes, à vrai dire normaux, de l’ optimisme automatique conditionné par la publicité et les sirènes du p
3352 rmaux, de l’optimisme automatique conditionné par la publicité et les sirènes du progrès. Et c’est pourquoi il tiendra le
3353 misme automatique conditionné par la publicité et les sirènes du progrès. Et c’est pourquoi il tiendra le coup. v. Rouge
3354 sirènes du progrès. Et c’est pourquoi il tiendra le coup. v. Rougemont Denis de, « Histoire de singes ou deux secrets
3355 Denis de, « Histoire de singes ou deux secrets de l’ Europe », Servir, Lausanne, 16 mai 1946, p. 1.
23 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
3356 La pensée planétaire (30 mai 1946)y Le xxe siècle est en train de dé
3357 La pensée planétaire (30 mai 1946)y Le xxe siècle est en train de découvrir ce qu’on savait depuis un certa
3358 on n’avait jamais très bien compris, à savoir que la terre est ronde. D’où il résulte, entre autres conséquences, que si v
3359 vous avec une arme assez puissante vous recevrez le projectile dans le dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelq
3360 assez puissante vous recevrez le projectile dans le dos, au prochain tour. Cette figure signifie quelque chose d’importan
3361 gnifie quelque chose d’important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous atteindra bientôt nécessairem
3362 a bientôt nécessairement, si nos moyens passent à l’ échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fu
3363 nt, si nos moyens passent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des pr
3364 ssent à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à
3365 ire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ;
3366 che servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion
3367 s villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents
3368 ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la
3369 provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’ avion à la guerre des continents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-ell
3370 ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-elle ? À la g
3371 ns ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire à
3372 inents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire à une guerre qui nous atteint tous, e
3373 ous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour une époque donnée, me parai
3374 e faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir êtr
3375 que donnée, me paraissent pouvoir être mesurées à la portée des armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les prémic
3376 s armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les prémices d’une théorie sociologique flambant neuve !) À l’arme planét
3377 es d’une théorie sociologique flambant neuve !) À l’ arme planétaire correspond donc une communauté universelle, qui relègu
3378 pond donc une communauté universelle, qui relègue les nations au rang de simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques
3379 ues instants dans ce jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée p
3380 ts dans ce jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et
3381 jeu gravitant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout te
3382 tant des symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme
3383 symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme objet ron
3384 Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’ Unité considérée partout et de tout temps comme objet rond, pomme, sph
3385 rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce soit l’ Univers ou l’Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le micr
3386 sphère ou sceptre d’or, que ce soit l’Univers ou l’ Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond
3387 ceptre d’or, que ce soit l’Univers ou l’Empire ou l’ Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocos
3388 que ce soit l’Univers ou l’Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre s
3389 Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le microcosme répond au macrocosme. Si notre siècle arrive à digérer et
3390 il aura fait une révolution bien plus grande que la Renaissance. Il semble que la dernière guerre a beaucoup fait pour év
3391 ernière guerre a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette pl
3392 re a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie
3393 dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montm
3394 ntmartre, intéressa pendant dix ans, directement, la vie courante des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’A
3395 habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’ Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en subit
3396 ues Nord, Centre, Sud, et de l’Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en subit les effets moins dire
3397 a moitié du genre humain. L’autre moitié en subit les effets moins directs, mais pourtant notables : les Français eussent m
3398 es effets moins directs, mais pourtant notables : les Français eussent mieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n
3399 Français eussent mieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n’avaient pas été trop occupés dans le Pacifique. Les A
3400 cargos alliés n’avaient pas été trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solida
3401 n’avaient pas été trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solidarité pratique d
3402 Les Anglais eussent peut-être voté différemment. La solidarité pratique des différentes parties du globe est un fait dure
3403 ermédiaire, qui est celle du fait psychologique : la formation d’une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas d
3404 fides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si l’ on se déplace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien
3405 s d’avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent intraduisibles pour qui ne peut y aller v
3406 ous n’apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leur
3407 n. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que l
3408 ne pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se seront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mine
3409 ront révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mineurs du pays de Galles n’auront plus de viande pendant des mois, p
3410 auront plus de viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentine se seront enfin organisés contre les grands « estan
3411 éons d’Argentine se seront enfin organisés contre les grands « estancieros ». Vous pourrez toujours essayer d’expliquer aux
3412 rrez toujours essayer d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie amér
3413 pliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie américaine »… Que faire ? Tout
3414 crise que ce n’est pas la faute des députés ni de l’ « hypocrisie américaine »… Que faire ? Tout le monde ne peut pas tout
3415 out savoir, encore moins tout voir et comprendre. Les problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent p
3416 core moins tout voir et comprendre. Les problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent pour nous terre
3417 ent inexplorées. « Hic sunt leones » inscrivaient les géographes du Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’
3418 s » inscrivaient les géographes du Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’Europe, « ici vivent les lions ».
3419 en Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’ Europe, « ici vivent les lions ». Et pourtant nous sommes destinés à d
3420 marges de leurs cartes de l’Europe, « ici vivent les lions ». Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ces
3421 cessité qu’il faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse, et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, s
3422 faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse, et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges
3423 rd sentir. Et qu’aussitôt la presse, et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges rubriques
3424 ussitôt la presse, et la radio, le cinéma surtout l’ éveillent et la propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’
3425 se, et la radio, le cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est p
3426 nde bien, mais de sens, de vision, d’ouverture de l’ esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de poé
3427 estion de poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous les écrivains français, ceux que je vois manifester le sentiment le plus
3428 s écrivains français, ceux que je vois manifester le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont pré
3429 rançais, ceux que je vois manifester le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux
3430 je vois manifester le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint
3431 sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anaba
3432 ieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de l’Exil, et Paul Claudel, notre gr
3433 x poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de l’ Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur pro
3434 rose et dans leurs longs versets, quel qu’en soit le sujet allégué, nous avons pour la première fois senti, sous le drapé
3435 gué, nous avons pour la première fois senti, sous le drapé d’un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, l
3436 sous le drapé d’un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire de
3437 français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’ Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur de
3438 s riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur de Boule q
3439 ue fut « Saint-Ex »13, le premier qui me parla de la Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime ? Sinon qu’il fut
3440 action, en vision créatrice. 13. Saint-Exupéry, l’ auteur de Vol de Nuit et de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de,
3441 t de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de, «  La pensée planétaire », Servir, Lausanne, 30 mai 1946, p. 1.
24 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
3442 La fin du monde (juin 1946)aa Æternitas non est temporis successio s
3443 uccessio sine fine, sed nunc stans. Parmi toutes les libertés que la pensée se donne lorsque, se dégageant de notre condit
3444 e, sed nunc stans. Parmi toutes les libertés que la pensée se donne lorsque, se dégageant de notre condition, elle imagin
3445 condition, elle imagine des idées qui détruisent l’ homme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l
3446 n, elle imagine des idées qui détruisent l’homme, l’ on rencontre sans trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de
3447 uisent l’homme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’ idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détr
3448 omme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’idée de l’ homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’id
3449 re sans trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’ idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qu
3450 op d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de l’ homme qui pense cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qui pensez,
3451 l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’ idée que vous, et qui pensez, un jour ne serez plus, un jour serez un
3452 serez un mort. Si « macabre » désigne assez bien l’ étrangeté de la mort des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire
3453 Si « macabre » désigne assez bien l’étrangeté de la mort des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire de sa propre mo
3454 e mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditation que je poursuis entre ces phrases, dans cette matinée blan
3455 ’arrête avant midi, pour moi ? Je ne sens pas que l’ idée soit tragique : elle m’appartient, je puis en disposer, feindre a
3456 qu’une ruse cousue de fil blanc de ma vitalité : la seule pensée que mon souffle puisse, dans quelques instants, s’arrête
3457 oisse — nous y pensons bien plus que nous n’osons le croire, sans doute ne pensons-nous qu’à elle — mais nous n’avons jama
3458 er notre mort. Contester là-dessus serait fournir l’ aveu d’une impuissance à comprendre le mot penser dans son sens fort.
3459 ait fournir l’aveu d’une impuissance à comprendre le mot penser dans son sens fort. Car penser sa mort réellement, ce sera
3460 e serait aussitôt mourir. Peut-être avons-nous là le seul critère d’une perfection intellectuelle, et l’on conçoit que son
3461 seul critère d’une perfection intellectuelle, et l’ on conçoit que son application ne puisse être ni rapportée ni répétée.
3462 ragiques, c’est-à-dire sans appel. Ontologie de la fin Pour que nous apparaisse parfois l’étrangeté d’une telle situa
3463 gie de la fin Pour que nous apparaisse parfois l’ étrangeté d’une telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’
3464 aisse parfois l’étrangeté d’une telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’une instance mystérieuse aimante not
3465 e mystérieuse aimante notre méditation et qu’elle la fixe sur cela que le naturel se refuse à prendre au sérieux ? Car si
3466 notre méditation et qu’elle la fixe sur cela que le naturel se refuse à prendre au sérieux ? Car si nous restons impuissa
3467 nous restons impuissants à penser notre mort dans le vif, ce phénomène doit normalement être aperçu comme négligeable ; et
3468 aperçu comme négligeable ; et s’y attarder serait le fait d’une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’utopie deva
3469 ’une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’ utopie devant ma mort. De là vient que l’humanité, dans son ensemble,
3470 e crie à l’utopie devant ma mort. De là vient que l’ humanité, dans son ensemble, résiste instinctivement à la pensée de la
3471 ité, dans son ensemble, résiste instinctivement à la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bie
3472 ensemble, résiste instinctivement à la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’app
3473 pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à la rendre ab
3474 orces de la « réaliser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à la rendre abstraite et lointaine, à la chasser à tout
3475 ser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à la rendre abstraite et lointaine, à la chasser à tout jamais dans un fut
3476 squalifier, à la rendre abstraite et lointaine, à la chasser à tout jamais dans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi
3477 er à tout jamais dans un futur indéfini. Ainsi de l’ homme, ainsi de l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l’ho
3478 ans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi de l’ humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l’homme meurt. Pourquo
3479 l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l’ homme meurt. Pourquoi suis-je donc ici à remuer ces choses ? Il est vr
3480 ici à remuer ces choses ? Il est vrai que ce sont les seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que le t
3481 choses ? Il est vrai que ce sont les seules dont l’ intérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que le temps va toujour
3482 ce sont les seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que le temps va toujours dans le même sens : ver
3483 seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, si l’ on admet que le temps va toujours dans le même sens : vers sa fin. Mai
3484 ntérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que le temps va toujours dans le même sens : vers sa fin. Mais c’est une mau
3485 emps, si l’on admet que le temps va toujours dans le même sens : vers sa fin. Mais c’est une mauvaise raison. Depuis qu’il
3486 aise raison. Depuis qu’il court ainsi, mesuré par les saisons régulières, le temps nous endort bien plutôt qu’il ne nous av
3487 l court ainsi, mesuré par les saisons régulières, le temps nous endort bien plutôt qu’il ne nous avertit de son but. Si l’
3488 bien plutôt qu’il ne nous avertit de son but. Si l’ homme savait un jour ce qu’il en est de son destin et de sa liberté, s
3489 est de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’ œil nu, leur sens dernier et l’enjeu véritable de ses choix, à qui rev
3490 rté, s’il voyait à l’œil nu, leur sens dernier et l’ enjeu véritable de ses choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ?
3491 l’enjeu véritable de ses choix, à qui reviendrait l’ empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne ra
3492 choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À l’ Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait pas avec moins d
3493 de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait pas avec moins d’envie le débauché, dont il faudra
3494 me ? Le sage ne raillerait pas avec moins d’envie le débauché, dont il faudrait encore plaindre l’arrière-pensée, l’impuis
3495 vie le débauché, dont il faudrait encore plaindre l’ arrière-pensée, l’impuissance à choisir sans retour. Vivre est impur,
3496 ont il faudrait encore plaindre l’arrière-pensée, l’ impuissance à choisir sans retour. Vivre est impur, qu’on sache ou non
3497 retour. Vivre est impur, qu’on sache ou non où va la vie, et c’est pourquoi les bonnes raisons n’expliquent pas notre réal
3498 u’on sache ou non où va la vie, et c’est pourquoi les bonnes raisons n’expliquent pas notre réalité, mais seulement ce qui
3499 pliquent pas notre réalité, mais seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a les meilleures raisons du mond
3500 éalité, mais seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a les meilleures raisons du monde d’être pensée ; to
3501 seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a les meilleures raisons du monde d’être pensée ; toutefois l’eff
3502 ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a les meilleures raisons du monde d’être pensée ; toutefois l’effort entier
3503 leures raisons du monde d’être pensée ; toutefois l’ effort entier de notre vie la neutralise. D’où vient alors cette prise
3504 e pensée ; toutefois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’où vient alors cette prise de conscience, d’une menace,
3505 prise de conscience, d’une menace, mais aussi de l’ incapacité où se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ? D’où vi
3506 e menace, mais aussi de l’incapacité où se trouve l’ homme à penser concrètement sa fin ? D’où vient qu’imperceptible encor
3507 imperceptible encore au plus grand nombre, à tous les lettrés sans esprit, la pensée de la catastrophe s’acclimate lentemen
3508 lus grand nombre, à tous les lettrés sans esprit, la pensée de la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sin
3509 bre, à tous les lettrés sans esprit, la pensée de la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon de la Fin
3510 s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’écrir
3511 , sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’écrire ces pages et qui pourrait suspendre i
3512 , me jetant dans mon jugement ? S’il nous vient à l’ idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est l
3513 l nous vient à l’idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise déjà qui affleure, nous ave
3514 e mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’atteste. La
3515 c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en so
3516 ise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’ atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en son temps, qu
3517 ffleure, nous avertit de la Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en son temps, qu’aux yeux de c
3518 s avertit de la Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en son temps, qu’aux yeux de ceux qu’une r
3519 de ceux qu’une réalité nouvelle illuminait. Sans la vie, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mai
3520 ité nouvelle illuminait. Sans la vie, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle encor
3521 inait. Sans la vie, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle encore confusément. Nou
3522 que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle encore confusément. Nous sommes là comme en
3523 ent. Nous sommes là comme en rêve, empêtrés, dans le sentiment d’une urgence que nous ne parvenons pas à distinguer avec d
3524 er avec des yeux bien dessillés. C’est assez pour l’ angoisse et trop peu pour agir. Ainsi le grand décret de crise qui sév
3525 ssez pour l’angoisse et trop peu pour agir. Ainsi le grand décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle n’est qu’une pre
3526 siècle n’est qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. Une première demande d’informer. Non pas encore l’Arrêt dernier,
3527 . Une première demande d’informer. Non pas encore l’ Arrêt dernier, mais déjà ce ralentissement qui nous fait accéder à la
3528 is déjà ce ralentissement qui nous fait accéder à la conscience obscure d’un danger proche, — ce crépuscule qui est peut-ê
3529 e, — ce crépuscule qui est peut-être une aube, et la frange de cet éclat qui doit consumer toute chair. Dans cette lueur s
3530 cette lueur suspecte, risque un jour d’apparaître la face réelle de la Terre. Et déjà, par intermittence, certains, ont en
3531 te, risque un jour d’apparaître la face réelle de la Terre. Et déjà, par intermittence, certains, ont entrevu et tenté de
3532 mittence, certains, ont entrevu et tenté de juger les buts réels de notre marche séculaire. Que savons-nous du sens de notr
3533 ns de notre civilisation ? Quelle est sa fin, dès l’ origine, quel est son rêve ? La grandeur ? Nous avons détruit toute me
3534 le est sa fin, dès l’origine, quel est son rêve ? La grandeur ? Nous avons détruit toute mesure, et plus rien n’est grand
3535 etit, mais toute chose sans répit nous provoque à la dépasser. La liberté ? Nous avons encombré la terre entière de barriè
3536 ute chose sans répit nous provoque à la dépasser. La liberté ? Nous avons encombré la terre entière de barrières destinées
3537 e à la dépasser. La liberté ? Nous avons encombré la terre entière de barrières destinées à protéger sa course. L’amour ?
3538 ière de barrières destinées à protéger sa course. L’ amour ? La solidarité ? Ce sont des idéaux de ligues, des mots qu’on n
3539 rrières destinées à protéger sa course. L’amour ? La solidarité ? Ce sont des idéaux de ligues, des mots qu’on n’ose plus
3540 des mots qu’on n’ose plus employer qu’au dessert. La richesse ? Voici qu’elle n’est plus à la portée des mains humaines, e
3541 dessert. La richesse ? Voici qu’elle n’est plus à la portée des mains humaines, elle n’est plus qu’un symbole chiffré dési
3542 elle reste liée au rêve d’activité qui tourmente l’ Occident depuis des siècles. Mais ce rêve, à son tour se trouble ; il
3543 se trouble ; il faiblit, il ne couvre plus toute l’ étendue de la conscience humaine… Car notre volonté n’est plus de conq
3544 il faiblit, il ne couvre plus toute l’étendue de la conscience humaine… Car notre volonté n’est plus de conquérir, mais s
3545 n’est plus de conquérir, mais seulement d’assurer la vie du plus grand nombre contre les créations catastrophiques des Hér
3546 ment d’assurer la vie du plus grand nombre contre les créations catastrophiques des Héros ou des grands Névrosés. Un doute
3547 es de moralistes tardivement ressaisis, d’évaluer les conquêtes futures. Signe évident que nous les redoutons. (Si le temps
3548 uer les conquêtes futures. Signe évident que nous les redoutons. (Si le temps, désormais, travaillait contre nous ?) Et le
3549 utures. Signe évident que nous les redoutons. (Si le temps, désormais, travaillait contre nous ?) Et le monde entier s’org
3550 e temps, désormais, travaillait contre nous ?) Et le monde entier s’organise à ce niveau de vie moyenne qui paraît offrir
3551 se à ce niveau de vie moyenne qui paraît offrir à la mort, comme à tout acte créateur, le moins de chances. Un vaste systè
3552 aît offrir à la mort, comme à tout acte créateur, le moins de chances. Un vaste système d’assurances s’étend sur toutes no
3553 nos activités : plans et pactes, statistiques de l’ imprévu, eugénisme et longévité, clercs au pas ou stérilisés, guerre h
3554 ngévité, clercs au pas ou stérilisés, guerre hors la loi, sécurité d’abord. Nous apprenons à vivre, et non plus à mourir :
3555 et effort est contre nature. Il naît au déclin de la vie, et fatalement se retourne contre elle. Nous voulons échapper au
3556 apper au temps, à sa menace, mais c’est peut-être le meilleur ou le seul moyen d’anticiper sa fin : la fin du temps, la Fi
3557 à sa menace, mais c’est peut-être le meilleur ou le seul moyen d’anticiper sa fin : la fin du temps, la Fin du Monde. Car
3558 le meilleur ou le seul moyen d’anticiper sa fin : la fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut que l’assurance mondial
3559 seul moyen d’anticiper sa fin : la fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut que l’assurance mondiale que nous tenton
3560 fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut que l’ assurance mondiale que nous tentons d’organiser, aménage notre ruine c
3561 ganiser, aménage notre ruine collective : lorsque la terre entière soumise au seul pouvoir du chiffre dépendra d’une centr
3562 re dépendra d’une centrale unique, il suffira que l’ Ange de la Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous
3563 a d’une centrale unique, il suffira que l’Ange de la Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous serons pr
3564 unique, il suffira que l’Ange de la Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous serons pris au dépourvu, c
3565 e de la Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous serons pris au dépourvu, comme nulle autre génération.
3566 vu, comme nulle autre génération. Car, tandis que le temps s’écoule, à mesure que sa fin s’approche, notre foi diminue, no
3567 proche, notre foi diminue, notre attente faiblit. La primitive Église, au début de notre ère, vivait dans la pensée de la
3568 mitive Église, au début de notre ère, vivait dans la pensée de la fin imminente. Mais parmi nous, qui avons cru pouvoir él
3569 , au début de notre ère, vivait dans la pensée de la fin imminente. Mais parmi nous, qui avons cru pouvoir éliminer cette
3570 tre vie, voici qu’un destin ironique se charge de l’ approfondir. Non pas le temps, mais notre œuvre elle-même. Pour la pre
3571 stin ironique se charge de l’approfondir. Non pas le temps, mais notre œuvre elle-même. Pour la première fois dans l’histo
3572 notre œuvre elle-même. Pour la première fois dans l’ histoire du monde, nous pouvons calculer le prix de revient d’une dest
3573 s dans l’histoire du monde, nous pouvons calculer le prix de revient d’une destruction de l’humanité : la somme de nos bud
3574 calculer le prix de revient d’une destruction de l’ humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertissem
3575 prix de revient d’une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertissement Votre
3576 ionale. Avertissement Votre refuge est dans la masse et son Histoire. Vous vous dites en secret qu’elle ne peut pas
3577 fin, ni rien. Elle ne peut être en soi pensée, et l’ homme en elle reste à peu près dénué de réalité, jusqu’au jour où la F
3578 ste à peu près dénué de réalité, jusqu’au jour où la Fin le pense. Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce
3579 eu près dénué de réalité, jusqu’au jour où la Fin le pense. Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui es
3580 r où la Fin le pense. Et c’est là son tragique et l’ humour de la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la prése
3581 le pense. Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la présence éternell
3582 Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la présence éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens d’éternité à
3583 l, tout ce qui manifeste la présence éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens d’éternité à vos singeries, vous l’app
3584 ui donne un sens d’éternité à vos singeries, vous l’ appelez exagéré, démesuré. Écoutez-moi : s’il se trouvait que le monde
3585 éré, démesuré. Écoutez-moi : s’il se trouvait que le monde réellement fût perdu, quel que soit le désir que vous avez qu’i
3586 que le monde réellement fût perdu, quel que soit le désir que vous avez qu’il dure, et la persuasion où vous vous entrete
3587 el que soit le désir que vous avez qu’il dure, et la persuasion où vous vous entretenez qu’il durera toujours autant que v
3588 a toujours autant que vous ? S’il se trouvait que la vérité actuelle fût totalement démesurée ? Qui périrait dans la honte
3589 elle fût totalement démesurée ? Qui périrait dans la honte et la rage ? Ceux qui croient encore aux mesures et cherchent l
3590 alement démesurée ? Qui périrait dans la honte et la rage ? Ceux qui croient encore aux mesures et cherchent leur appui da
3591 t encore aux mesures et cherchent leur appui dans l’ illusion tomberont en grand nombre dans le vide. Mais ceux qui auront
3592 ui dans l’illusion tomberont en grand nombre dans le vide. Mais ceux qui auront vu, et qui auront cru leurs yeux, retrouve
3593 , et qui auront cru leurs yeux, retrouveront dans la tempête la coutume des hautes pentes. Car celui seul qui accepte la m
3594 ront cru leurs yeux, retrouveront dans la tempête la coutume des hautes pentes. Car celui seul qui accepte la mort n’est p
3595 ume des hautes pentes. Car celui seul qui accepte la mort n’est pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’au
3596 tes. Car celui seul qui accepte la mort n’est pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’auront plus à se déf
3597 ui accepte la mort n’est pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’auront plus à se défendre, mais seulement
3598 n’est pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’auront plus à se défendre, mais seulement à se révéler tels
3599 , où qu’ils soient. Plus d’évasions spirituelles. L’ homme fuyant la Terre où le diable sévit, se réfugie sur les hauteurs
3600 ent. Plus d’évasions spirituelles. L’homme fuyant la Terre où le diable sévit, se réfugie sur les hauteurs et découvre que
3601 évasions spirituelles. L’homme fuyant la Terre où le diable sévit, se réfugie sur les hauteurs et découvre que Dieu y est
3602 uyant la Terre où le diable sévit, se réfugie sur les hauteurs et découvre que Dieu y est plus dangereux encore, d’une autr
3603 e, d’une autre sorte, fulgurante. Péripétie La scène du monde vient de passer à une vaste conversation de la mort, s
3604 monde vient de passer à une vaste conversation de la mort, sur les places et dans les grands cafés, aux lieux de populace
3605 e passer à une vaste conversation de la mort, sur les places et dans les grands cafés, aux lieux de populace et de parole r
3606 e conversation de la mort, sur les places et dans les grands cafés, aux lieux de populace et de parole rapide. Peut-être le
3607 lieux de populace et de parole rapide. Peut-être le soleil éteint se promène-t-il depuis quelques instants dans un ciel s
3608 si facilement glisser, tout se trouver changé, et les hommes poursuivre leur discours, pénétrant dans l’horreur sans mémoir
3609 s hommes poursuivre leur discours, pénétrant dans l’ horreur sans mémoire ? Il faut croire, aujourd’hui, que cela se peut.
3610 peut. Cela s’est produit comme un rêve, ou comme la colère soudain là, ou le printemps, ou chaque soir la nuit. (Une prem
3611 comme un rêve, ou comme la colère soudain là, ou le printemps, ou chaque soir la nuit. (Une première lampe s’est allumée.
3612 olère soudain là, ou le printemps, ou chaque soir la nuit. (Une première lampe s’est allumée. Quelqu’un dit : « Elle est l
3613 dit : « Elle est là ».) Premier jugement, par la lumière La fin du monde, irréfutable, s’arrêtait un peu en avant,
3614 est là ».) Premier jugement, par la lumière La fin du monde, irréfutable, s’arrêtait un peu en avant, les regardait
3615 u monde, irréfutable, s’arrêtait un peu en avant, les regardait sans indulgence, puis se remettait à marcher, conservant la
3616 dulgence, puis se remettait à marcher, conservant la même proximité méprisante… Mais la majorité sut garder l’air de ne pa
3617 er, conservant la même proximité méprisante… Mais la majorité sut garder l’air de ne pas croire à sa mort proche, — cet ai
3618 proximité méprisante… Mais la majorité sut garder l’ air de ne pas croire à sa mort proche, — cet air petit. On en reviendr
3619 indécence inexprimable. Depuis bientôt mille ans, l’ An Mil était passé — « et toutes ses prières perdues ! » — mais ils sa
3620 qu’il n’était point permis d’imaginer. Celui dont les belles manières sont apprises souffre mal qu’on y passe outre, — et t
3621 asse outre, — et très peu d’entre eux possédaient la pleine assurance de l’être. L’Institut de l’opinion planétaire publia
3622 eu d’entre eux possédaient la pleine assurance de l’ être. L’Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résultats
3623 re eux possédaient la pleine assurance de l’être. L’ Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résultats d’une e
3624 ient la pleine assurance de l’être. L’Institut de l’ opinion planétaire publia les premiers résultats d’une enquête-éclair 
3625 d’une névrose collective, d’une poussée subite de l’ instinct de mort. On proposait une cure des masses et la nationalisati
3626 inct de mort. On proposait une cure des masses et la nationalisation des écoles de psychanalyse. Un théologien répondit :
3627 coles de psychanalyse. Un théologien répondit : — L’ affection de la chair, c’est la mort. Saint Paul l’a vu bien avant Fre
3628 nalyse. Un théologien répondit : — L’affection de la chair, c’est la mort. Saint Paul l’a vu bien avant Freud, et mieux. I
3629 ogien répondit : — L’affection de la chair, c’est la mort. Saint Paul l’a vu bien avant Freud, et mieux. Il entendait par
3630 ’affection de la chair, c’est la mort. Saint Paul l’ a vu bien avant Freud, et mieux. Il entendait par « chair » le tout de
3631 avant Freud, et mieux. Il entendait par « chair » le tout de l’homme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’est poi
3632 , et mieux. Il entendait par « chair » le tout de l’ homme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’est point que nous
3633 âme comprises. Et ce n’est point que nous aimions la mort comme telle. Bien au contraire, ce qu’affectionne la chair, c’es
3634 comme telle. Bien au contraire, ce qu’affectionne la chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie
3635 u’affectionne la chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui con
3636 a chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort
3637 ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. N
3638 détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous sommes tout simple
3639 la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous sommes tout simplement au jour du Jugement. I
3640 le que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous sommes tout simplement au jour du Jugement. Il sera port
3641 era porté aussi bien sur votre élan vital que sur l’ élan mortel. Car il ne vient pas de nous, mais d’En Face. Ici le futur
3642 Car il ne vient pas de nous, mais d’En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui n’était pour nous qu’un recul devant
3643 ce futur qui n’était pour nous qu’un recul devant le présent. Ici le temps dit oui pour la première fois à l’instant qui l
3644 tait pour nous qu’un recul devant le présent. Ici le temps dit oui pour la première fois à l’instant qui le juge et l’acco
3645 mps dit oui pour la première fois à l’instant qui le juge et l’accomplit, — notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus
3646 pour la première fois à l’instant qui le juge et l’ accomplit, — notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus de l’insta
3647 notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus de l’ instant éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’acte de ce oui, se
3648 it pour nous qu’un refus de l’instant éternel. Et l’ Histoire tout entière dans l’acte de ce oui, se manifeste au Jour de t
3649 ’instant éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’ acte de ce oui, se manifeste au Jour de tous les jours. Comme il parla
3650 ns l’acte de ce oui, se manifeste au Jour de tous les jours. Comme il parlait encore, une lueur d’aube apparut et grandit a
3651 andit autour d’eux. Toutes choses replongées dans la stupeur originelle, toutes créatures livrées d’un seul coup à la viol
3652 inelle, toutes créatures livrées d’un seul coup à la violence de l’acte décisif, nous allons voir paraître enfin leur just
3653 créatures livrées d’un seul coup à la violence de l’ acte décisif, nous allons voir paraître enfin leur justification, leur
3654 raître enfin leur justification, leur être. Voici l’ instant où les hommes s’aperçoivent que leurs efforts et leurs soucis
3655 leur justification, leur être. Voici l’instant où les hommes s’aperçoivent que leurs efforts et leurs soucis se tournaient
3656 , vers une Absence douloureuse, — alors que c’est la seule Présence qui est terrible en sa splendeur et difficile à suppor
3657 errible en sa splendeur et difficile à supporter, le seul Amour apparaissant qui menace d’être insoutenable : il nous trou
3658 e insoutenable : il nous trouve sans préparation. L’ on ne s’était défendu que de l’autre côté, du côté de ce monde mal fai
3659 de mal fait… Parut un soleil nouveau. Et ceux qui le voyaient prenaient un visage neuf, leurs yeux devenaient forts et s’a
3660 f, leurs yeux devenaient forts et s’attendaient à l’ éclat d’une lueur encore plus vive. Par degré le Grand Jour éclatait,
3661 à l’éclat d’une lueur encore plus vive. Par degré le Grand Jour éclatait, toujours plus vaste et blanc dans l’univers enti
3662 Jour éclatait, toujours plus vaste et blanc dans l’ univers entier. Ils se sont tout d’abord sentis gênés, balourds, ne sa
3663 ds, ne sachant trop quelle contenance prendre. Et la lumière ne cesse de grandir. Ils tombent déjà par rangs entiers, aveu
3664 r rangs entiers, aveuglés et cloués sur place par l’ évidence de l’amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent de mar
3665 s, aveuglés et cloués sur place par l’évidence de l’ amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent de marcher, riant de
3666 e aux paliers du matin, s’avançant vers Midi avec le naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent le
3667 vançant vers Midi avec le naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’agr
3668 idi avec le naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’agrandissement de
3669 ui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’agrandissement de la lumière jusqu’aux limites
3670 Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’ agrandissement de la lumière jusqu’aux limites de sa perfection, où to
3671 nrent les derniers soleils et l’agrandissement de la lumière jusqu’aux limites de sa perfection, où tout ce qui voit éclai
3672 laire aussi, où tout œil rend ce qu’il reçoit, où le grand jour est tout en tous. Ce premier Jugement fut la Salutation.
3673 nd jour est tout en tous. Ce premier Jugement fut la Salutation. Second jugement ou sommation Voici le principe du s
3674 utation. Second jugement ou sommation Voici le principe du second jugement. Chaque homme poussé à la limite de son e
3675 rincipe du second jugement. Chaque homme poussé à la limite de son expression, et chaque homme forcé à l’extrémité de son
3676 limite de son expression, et chaque homme forcé à l’ extrémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout e
3677 aque homme forcé à l’extrémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout entière dans ce cri, réponse uni
3678 rémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’éternelle sommat
3679 roféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’ éternelle sommation, somme absolue de ses journées et de ses nuits, de
3680 ts, de sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée l’ incomparable qualité de son péché et mesuré le degré d’être de son êtr
3681 rée l’incomparable qualité de son péché et mesuré le degré d’être de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivan
3682 é et mesuré le degré d’être de son être tel qu’il l’ avait librement fait en le vivant. L’examen des raisons de survivre et
3683 e de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’examen des raisons de survivre et leur introduction au titr
3684 re tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’ examen des raisons de survivre et leur introduction au titre de l’éter
3685 sons de survivre et leur introduction au titre de l’ éternité occupèrent moins de temps qu’on n’imagine. La procédure était
3686 ernité occupèrent moins de temps qu’on n’imagine. La procédure était, en effet, des plus simples. — Témoignez, disait-on,
3687 fet, des plus simples. — Témoignez, disait-on, de la vie que vous possédez. Quel est votre plus vrai désir ? Les sages rép
3688 e vous possédez. Quel est votre plus vrai désir ? Les sages répondaient : — Nul ne possède vraiment que ce qu’il peut donne
3689 était bien ce qu’on faisait. Ainsi tous connurent la mort, mais les uns renaissaient au sein de leur plus grande frayeur,
3690 qu’on faisait. Ainsi tous connurent la mort, mais les uns renaissaient au sein de leur plus grande frayeur, les autres sous
3691 renaissaient au sein de leur plus grande frayeur, les autres sous les traits consolés du Désir. La plupart hésitaient en pr
3692 sein de leur plus grande frayeur, les autres sous les traits consolés du Désir. La plupart hésitaient en présence de la ban
3693 és du Désir. La plupart hésitaient en présence de la banalité soudain flagrante de leurs vœux, et, finalement, murmuraient
3694 que moi. Ils renaîtraient plantes heureuses, par l’ effet de quelque pitié. Un homme vint, comme viennent les somnambules,
3695 t de quelque pitié. Un homme vint, comme viennent les somnambules, le corps en paix, mais le visage affreusement nu. Il dés
3696 é. Un homme vint, comme viennent les somnambules, le corps en paix, mais le visage affreusement nu. Il désirait un palais
3697 viennent les somnambules, le corps en paix, mais le visage affreusement nu. Il désirait un palais vide à la mesure de sa
3698 age affreusement nu. Il désirait un palais vide à la mesure de sa tristesse. Il devint donc une tristesse errante, emprunt
3699 Il devint donc une tristesse errante, empruntant la forme des joies qu’il rencontrait ; et son désir ainsi fut exaucé. Un
3700 qui s’approche avec son parapluie mal fermé sous le bras, et des lunettes bourrues au-dessus du sourire de la plus ferven
3701 et des lunettes bourrues au-dessus du sourire de la plus fervente ironie ? Qu’est-ce qu’il grommelle sous son chapeau de
3702 aintenant, bien plus violent qu’il n’a jamais osé l’ imaginer. Car, dit-il, au sein d’un tel choix, je m’approche insondabl
3703 ce qui s’imposa sur nous et jusqu’assez haut dans les cieux, en sorte que plus haut, régnant seul et purifié, l’on put ente
3704 en sorte que plus haut, régnant seul et purifié, l’ on put entendre le choral d’une angélique hilarité. Et nous sûmes que
3705 haut, régnant seul et purifié, l’on put entendre le choral d’une angélique hilarité. Et nous sûmes que cet homme était tr
3706 omme était très grand.) Troisième jugement, ou le pardon Toute chose a son lieu, maintenant, toute chair a son temps
3707 acun de nous accède au destin qu’il s’est fait, à la parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans la c
3708 sion de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans la consommation de tout son être, au faîte inconcevable du désir comblé,
3709 aîte inconcevable du désir comblé, et comblé pour l’ éternité. « Mais l’Esprit et l’Épouse disent : Viens. Et que celui qui
3710 u désir comblé, et comblé pour l’éternité. « Mais l’ Esprit et l’Épouse disent : Viens. Et que celui qui entend dise : Vien
3711 lé, et comblé pour l’éternité. « Mais l’Esprit et l’ Épouse disent : Viens. Et que celui qui entend dise : Viens ! à celui
3712 entend dise : Viens ! à celui qui porte avec soi la rétribution de nos œuvres » — elle est en Lui, non dans nos œuvres.
3713 — elle est en Lui, non dans nos œuvres. Commence l’ œuvre du Pardon. « Et que celui qui a soif vienne, que celui qui veut
3714 i qui a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’ eau de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout est
3715 oif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout est gratuit.
3716 ....................... Et c’est alors que toutes les voix des justes confondues clameront l’harmonie violente et bienheure
3717 e toutes les voix des justes confondues clameront l’ harmonie violente et bienheureuse du mot sacrement de toute la créatio
3718 iolente et bienheureuse du mot sacrement de toute la création, son terme monumental à la gloire du Dieu Tout-Puissant, — l
3719 ment de toute la création, son terme monumental à la gloire du Dieu Tout-Puissant, — l’Amen du Temps qui s’agenouille et s
3720 e monumental à la gloire du Dieu Tout-Puissant, —  l’ Amen du Temps qui s’agenouille et s’abîme éternellement. 14. Søren
3721 après une caricature. aa. Rougemont Denis de, «  La fin du monde », Fontaine, Paris, juin 1946, p. 7-16.
25 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
3722 Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)z I. Problème curieux que pose
3723 (4 juin 1946)z I. Problème curieux que pose le gouvernement mondial Vous me dites que ce n’est point par mauvaise
3724 raît comme puni et humilié ; et sans ministère de la Guerre, il nous paraît dépourvu de sérieux. Or, le gouvernement mondi
3725 a Guerre, il nous paraît dépourvu de sérieux. Or, le gouvernement mondial devrait se passer de ces deux ministères, en ver
3726 personne à menacer ? Personne à qui répondre que l’ honneur du pays est en jeu, qu’on ne cédera plus d’une ligne, etc. ? P
3727 t dire, pas de voisins, donc personne à qui faire la guerre ? À quoi cela ressemblerait-il ? Les nations et leurs gouverne
3728 faire la guerre ? À quoi cela ressemblerait-il ? Les nations et leurs gouvernements ne se posent qu’en s’opposant. C’est l
3729 ouvernements ne se posent qu’en s’opposant. C’est la menace extérieure qui « cimente leur unité », qui « galvanise leur én
3730 s sa langue « right or wrong, my country ! » Mais le gouvernement mondial, où trouvera-t-il cet Autre indispensable à son
3731 on prestige ? Je parie que vous venez de penser à la planète Mars, et à une guerre possible contre les Martiens ? Ne me di
3732 la planète Mars, et à une guerre possible contre les Martiens ? Ne me dites pas non : votre première idée a été de suppose
3733 n temps et le vôtre à fonder en logique, et, dans l’ Histoire, cette relation que le premier venu peut détecter dans sa con
3734 et sans autre instrument qu’un peu de sincérité. Les nations produisent les guerres, les guerres produisent les nations, e
3735 nt qu’un peu de sincérité. Les nations produisent les guerres, les guerres produisent les nations, et les unes sans les aut
3736 de sincérité. Les nations produisent les guerres, les guerres produisent les nations, et les unes sans les autres ne seraie
3737 ns produisent les guerres, les guerres produisent les nations, et les unes sans les autres ne seraient pas imaginables. Si
3738 s guerres, les guerres produisent les nations, et les unes sans les autres ne seraient pas imaginables. Si vous me dites ma
3739 guerres produisent les nations, et les unes sans les autres ne seraient pas imaginables. Si vous me dites maintenant que c
3740 s guerre possible — cela revient à dire que c’est la paix elle-même que vous ne voyez pas. Je dis vous, et je m’en excuse.
3741 dis vous, et je m’en excuse. Vous représentez ici l’ humanité. Notre condition malheureuse veut que nous ne sachions imagin
3742 on malheureuse veut que nous ne sachions imaginer le bien que par contraste avec un mal dont nous souffrons. Autrement, le
3743 raste avec un mal dont nous souffrons. Autrement, le bien — ou la paix — n’est à nos yeux qu’une fumée, une abstraction, c
3744 mal dont nous souffrons. Autrement, le bien — ou la paix — n’est à nos yeux qu’une fumée, une abstraction, c’est-à-dire,
3745 ée, une abstraction, c’est-à-dire, soyons francs, le comble de l’ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse »… À propo
3746 action, c’est-à-dire, soyons francs, le comble de l’ ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse »… À propos de cette de
3747 tte dernière expression, avez-vous remarqué qu’on l’ emploie de préférence pour dénigrer des projets de paix ? Pour qui son
3748 c si dangereux ? Avez-vous également remarqué que les militaires qui prennent la plume (comme ils disent) ont coutume de dé
3749 galement remarqué que les militaires qui prennent la plume (comme ils disent) ont coutume de dénoncer sous le nom d’« élém
3750 e (comme ils disent) ont coutume de dénoncer sous le nom d’« élément de désordre » les partisans de la paix en général ? C
3751 de dénoncer sous le nom d’« élément de désordre » les partisans de la paix en général ? Ces gens-là leur paraissent, évidem
3752 le nom d’« élément de désordre » les partisans de la paix en général ? Ces gens-là leur paraissent, évidemment, d’une mora
3753 bombardiers lourds, et quant à ceux qui donneront le signal de les utiliser au service des nations, gouvernants tout d’abo
3754 ourds, et quant à ceux qui donneront le signal de les utiliser au service des nations, gouvernants tout d’abord et généraux
3755 out d’abord et généraux ensuite, ils représentent les « éléments d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir l’état pré
3756 s d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir l’ état présent de l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était le
3757 n pas douter. Il suffit de voir l’état présent de l’ Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était le pire désordre imag
3758 tat présent de l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était le pire désordre imaginable à notre époque ; et que ceux
3759 ’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était le pire désordre imaginable à notre époque ; et que ceux qui la tenaient
3760 ordre imaginable à notre époque ; et que ceux qui la tenaient encore pour une nécessité, voire pour une vertu, étaient les
3761 pour une nécessité, voire pour une vertu, étaient les véritables éléments de désordre ; et que l’utopie la plus dangereuse
3762 ient les véritables éléments de désordre ; et que l’ utopie la plus dangereuse était la théorie de la souveraineté sans lim
3763 véritables éléments de désordre ; et que l’utopie la plus dangereuse était la théorie de la souveraineté sans limites des
3764 sordre ; et que l’utopie la plus dangereuse était la théorie de la souveraineté sans limites des nations. C’était trop sim
3765 e l’utopie la plus dangereuse était la théorie de la souveraineté sans limites des nations. C’était trop simple. Un colone
3766 à qui vous fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort de la guerre militaire par suite de l’invention de la bombe atom
3767 fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort de la guerre militaire par suite de l’invention de la bombe atomique, m’écr
3768 e sur la mort de la guerre militaire par suite de l’ invention de la bombe atomique, m’écrit que je suis un primaire. Il m’
3769 e la guerre militaire par suite de l’invention de la bombe atomique, m’écrit que je suis un primaire. Il m’assure que « à
3770 é que nous savions nous battre », ce qui est bien la preuve que j’ai tort, et d’ailleurs de n’importe quoi. Il ajoute que
3771 sa forme, est « nettement péjorative vis-à-vis de l’ armée, de la cavalerie en particulier », bref que je suis un « élément
3772 t « nettement péjorative vis-à-vis de l’armée, de la cavalerie en particulier », bref que je suis un « élément de désordre
3773 reposant sa lettre je me suis écrié : « Vivement la Bombe ! Suprême élément d’ordre ! » Et ne croyez pas que je plaisanta
3774 rdre ! » Et ne croyez pas que je plaisantais. Car la Bombe seule peut nous débarrasser des armées, des souverainetés natio
3775 r des armées, des souverainetés nationales, et de l’ anarchie qu’elles entretiennent sur la planète. Je dis que la Bombe pe
3776 ales, et de l’anarchie qu’elles entretiennent sur la planète. Je dis que la Bombe peut nous délivrer de deux manières : so
3777 qu’elles entretiennent sur la planète. Je dis que la Bombe peut nous délivrer de deux manières : soit en faisant sauter le
3778 élivrer de deux manières : soit en faisant sauter le tout, soit en nous forçant d’ici peu à fédérer les hommes au-delà des
3779 le tout, soit en nous forçant d’ici peu à fédérer les hommes au-delà des nations. Vous cherchiez l’Autre contre qui s’unir 
3780 vous fallait une menace planétaire pour provoquer l’ union sacrée du genre humain ? Eh bien, madame, si j’ose le dire : vou
3781 acrée du genre humain ? Eh bien, madame, si j’ose le dire : vous êtes servie. II. L’État-nation Non, je n’en veux pa
3782 dame, si j’ose le dire : vous êtes servie. II. L’ État-nation Non, je n’en veux pas un instant à votre ami le colonel
3783 n Non, je n’en veux pas un instant à votre ami le colonel. Dites-lui que je respecte la cavalerie : elle a fait ses pre
3784 à votre ami le colonel. Dites-lui que je respecte la cavalerie : elle a fait ses preuves sous Murat. Mais revenons au xxe
3785 preuves sous Murat. Mais revenons au xxe siècle. L’ idée que les nations puissent perdre leur souveraineté et leurs armées
3786 s Murat. Mais revenons au xxe siècle. L’idée que les nations puissent perdre leur souveraineté et leurs armées, vous attri
3787 eurs armées, vous attriste visiblement. Vous avez l’ impression que la civilisation et la culture y perdraient quelque chos
3788 attriste visiblement. Vous avez l’impression que la civilisation et la culture y perdraient quelque chose de précieux. No
3789 nt. Vous avez l’impression que la civilisation et la culture y perdraient quelque chose de précieux. Nous serions tous fon
3790 e langues, de religions et de coutumes, et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évanouiraient sous vos beaux
3791 t de coutumes, et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évanouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je
3792 es, et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évanouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je n’appelle
3793 s vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je n’appelle pas le chaos. Je cherche un moyen de l’éviter, ou plutôt d’en sortir un peu,
3794 Je n’appelle pas le chaos. Je cherche un moyen de l’ éviter, ou plutôt d’en sortir un peu, car nous y sommes déjà bien enga
3795 peu, car nous y sommes déjà bien engagés. Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produisent les
3796 sommes déjà bien engagés. Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produisent les guerres… Mais j
3797 Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produisent les guerres… Mais je vois que ce mot de nation
3798 produisent. Et ce sont les nations qui produisent les guerres… Mais je vois que ce mot de nation a créé entre nous une équi
3799 u mauvais, jusqu’ici, parce que c’est de beaucoup le plus courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a de précieux da
3800 ue c’est de beaucoup le plus courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fait le
3801 de les distinguer. Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fait leur véritable originalité, n’est pas défini par
3802 effet, supprimez ces trois éléments qui composent l’ idée moderne de nation, et les nations réelles subsisteront intactes,
3803 éments qui composent l’idée moderne de nation, et les nations réelles subsisteront intactes, comme membres du corps de l’hu
3804 subsisteront intactes, comme membres du corps de l’ humanité, comme foyers de rayonnement, et comme communauté de gens app
3805 destin ou par choix. Croyez-vous sérieusement que les Français cesseront de parler français, de créer leur culture, et d’ha
3806 culture, et d’habiter paisiblement leur terre, si la France renonce un beau jour, en même temps que toutes les autres nati
3807 ce renonce un beau jour, en même temps que toutes les autres nations, à son armée, à ses douaniers et à son ministère des A
3808 ffaires étrangères ? Et ne pensez-vous pas que si le gouvernement français n’a plus rien d’autre à faire qu’administrer le
3809 çais n’a plus rien d’autre à faire qu’administrer le pays, il sera un meilleur gouvernement ? (Je vous pose ces questions
3810 vos craintes vagues.) Ce qui détruit aujourd’hui les nations, dans le sens valable et fécond de ce mot, c’est qu’elles ten
3811 es.) Ce qui détruit aujourd’hui les nations, dans le sens valable et fécond de ce mot, c’est qu’elles tendent à se confond
3812 e mot, c’est qu’elles tendent à se confondre avec l’ État, et c’est la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés, de se
3813 lles tendent à se confondre avec l’État, et c’est la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés, de se rendre autarciqu
3814 confondre avec l’État, et c’est la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés, de se rendre autarciques en vue d’une gue
3815 qu’ils redoutent ou souhaitent cette éventualité. L’ État détruit nécessairement l’originalité d’une nation, lorsqu’il prét
3816 cette éventualité. L’État détruit nécessairement l’ originalité d’une nation, lorsqu’il prétend réglementer ses énergies d
3817 socialiste ou capitaliste. Ce modèle est celui de l’ État totalitaire, qui est l’état de guerre en permanence. Ainsi l’enne
3818 e modèle est celui de l’État totalitaire, qui est l’ état de guerre en permanence. Ainsi l’ennemi des nations c’est l’État 
3819 re, qui est l’état de guerre en permanence. Ainsi l’ ennemi des nations c’est l’État ; et leur sauvegarde serait le gouvern
3820 e en permanence. Ainsi l’ennemi des nations c’est l’ État ; et leur sauvegarde serait le gouvernement mondial. Ceux qui pen
3821 nations c’est l’État ; et leur sauvegarde serait le gouvernement mondial. Ceux qui pensent que c’est tout le contraire pr
3822 ernement mondial. Ceux qui pensent que c’est tout le contraire prennent le mot patrie dans le sens de nation, le mot natio
3823 qui pensent que c’est tout le contraire prennent le mot patrie dans le sens de nation, le mot nation dans le sens d’État,
3824 est tout le contraire prennent le mot patrie dans le sens de nation, le mot nation dans le sens d’État, le mot État dans l
3825 re prennent le mot patrie dans le sens de nation, le mot nation dans le sens d’État, le mot État dans le sens de souverain
3826 patrie dans le sens de nation, le mot nation dans le sens d’État, le mot État dans le sens de souverain, dont ils font fin
3827 ens de nation, le mot nation dans le sens d’État, le mot État dans le sens de souverain, dont ils font finalement un dieu,
3828 mot nation dans le sens d’État, le mot État dans le sens de souverain, dont ils font finalement un dieu, créant d’horribl
3829 question que de « nationaliser » tout ce qui peut l’ être à l’intérieur des frontières, au lieu de multiplier les échanges
3830 que de « nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’ intérieur des frontières, au lieu de multiplier les échanges internati
3831 l’intérieur des frontières, au lieu de multiplier les échanges internationaux, comme le bon sens et l’économie l’indiquerai
3832 de multiplier les échanges internationaux, comme le bon sens et l’économie l’indiqueraient ? C’est parce que certains pay
3833 les échanges internationaux, comme le bon sens et l’ économie l’indiqueraient ? C’est parce que certains pays ont préféré p
3834 s internationaux, comme le bon sens et l’économie l’ indiqueraient ? C’est parce que certains pays ont préféré payer le pri
3835 ? C’est parce que certains pays ont préféré payer le prix exorbitant de l’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état de
3836 ains pays ont préféré payer le prix exorbitant de l’ autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état de faire la guerre, en s
3837 cie, plutôt que de se mettre hors d’état de faire la guerre, en se liant à des économies voisines. Mais remarquez l’hypocr
3838 se liant à des économies voisines. Mais remarquez l’ hypocrisie du terme « nationaliser ». On n’ose pas dire « étatiser ».
3839 ut encore tirer parti du prestige qui s’attache à l’ idée de nation… En fait, on étatise la nation. Que penser de ces États
3840 s’attache à l’idée de nation… En fait, on étatise la nation. Que penser de ces États-nations, de plus en plus nombreux, qu
3841 budget militaire, qui se bardent de protections à la frontière, comme autrefois, en attendant que la Bombe vienne volatili
3842 à la frontière, comme autrefois, en attendant que la Bombe vienne volatiliser leurs centres vifs en une seconde, négligean
3843 ser leurs centres vifs en une seconde, négligeant les armées purement décoratives ? Vous me direz que la France, par exempl
3844 s armées purement décoratives ? Vous me direz que la France, par exemple, est entrée dans la voie de l’étatisme parce qu’e
3845 direz que la France, par exemple, est entrée dans la voie de l’étatisme parce qu’elle veut la justice sociale, et que cela
3846 a France, par exemple, est entrée dans la voie de l’ étatisme parce qu’elle veut la justice sociale, et que cela n’a rien à
3847 rée dans la voie de l’étatisme parce qu’elle veut la justice sociale, et que cela n’a rien à voir avec la préparation à la
3848 justice sociale, et que cela n’a rien à voir avec la préparation à la guerre. Sans doute, mais je parlais moins des motifs
3849 et que cela n’a rien à voir avec la préparation à la guerre. Sans doute, mais je parlais moins des motifs que des effets i
3850 ais moins des motifs que des effets inéluctables. Le désir de justice sociale est une noble passion, la socialisation de l
3851 e désir de justice sociale est une noble passion, la socialisation de l’industrie est une mesure économique partiellement
3852 ociale est une noble passion, la socialisation de l’ industrie est une mesure économique partiellement souhaitable, mais je
3853 e commun, à priori, que trois syllabes. Cependant l’ on revendique la socialisation parce qu’elle contient ces trois syllab
3854 ri, que trois syllabes. Cependant l’on revendique la socialisation parce qu’elle contient ces trois syllabes sacrées, et l
3855 e qu’elle contient ces trois syllabes sacrées, et l’ on traite de fasciste celui qui demande à voir. (La prochaine fois que
3856 ’on traite de fasciste celui qui demande à voir. ( La prochaine fois que vous oserez me dire que le Social Register de New
3857 r. (La prochaine fois que vous oserez me dire que le Social Register de New York n’est qu’un Bottin mondain, je vous dénon
3858 n’est qu’un Bottin mondain, je vous dénonce dans L’ Humanité.) Vous sentez que je ne prends parti ni pour ni contre la soc
3859 s sentez que je ne prends parti ni pour ni contre la socialisation, je note seulement qu’on prend parti sans en savoir plu
3860 lus que moi, et à cause de trois syllabes. Et que l’ on confond socialisation et nationalisation pour masquer le fait qu’il
3861 ond socialisation et nationalisation pour masquer le fait qu’il s’agit d’une étatisation. Je n’en ai qu’au cadre national.
3862 ntroduisez dans cette broyeuse automatique qu’est l’ État-nation de la démocratie ou marxisme, des idées libérales ou du pl
3863 ette broyeuse automatique qu’est l’État-nation de la démocratie ou marxisme, des idées libérales ou du planisme, ou même u
3864 ales ou du planisme, ou même une belle passion de la justice sociale, le résultat sera le même : à l’autre bout, vous obti
3865 ou même une belle passion de la justice sociale, le résultat sera le même : à l’autre bout, vous obtiendrez du totalitari
3866 e passion de la justice sociale, le résultat sera le même : à l’autre bout, vous obtiendrez du totalitarisme en bâtons et
3867 en bâtons et une grêle de coups. Je suis sérieux. Le socialisme, non pas en soi, mais construit dans le cadre national con
3868 e socialisme, non pas en soi, mais construit dans le cadre national conduit nécessairement à l’État totalitaire, donc à l’
3869 t dans le cadre national conduit nécessairement à l’ État totalitaire, donc à l’état de guerre larvé ou déclaré, qui est le
3870 nduit nécessairement à l’État totalitaire, donc à l’ état de guerre larvé ou déclaré, qui est le pire des crimes sociaux. O
3871 donc à l’état de guerre larvé ou déclaré, qui est le pire des crimes sociaux. On ne sortira de ce cercle vicieux qu’en sup
3872 ce cercle vicieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre, ou la provoque, c’est-à-dire en désintégrant le carcan des Ét
3873 ieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre, ou la provoque, c’est-à-dire en désintégrant le carcan des États-nations. P
3874 rre, ou la provoque, c’est-à-dire en désintégrant le carcan des États-nations. Par quel moyen ? En remettant le soin de di
3875 des États-nations. Par quel moyen ? En remettant le soin de diriger les affaires internationales à des hommes qui ne repr
3876 Par quel moyen ? En remettant le soin de diriger les affaires internationales à des hommes qui ne représentent pas les nat
3877 ernationales à des hommes qui ne représentent pas les nations, mais l’humanité. Car ceux-là seuls seront qualifiés pour arb
3878 hommes qui ne représentent pas les nations, mais l’ humanité. Car ceux-là seuls seront qualifiés pour arbitrer. Autrement
3879 et le premier qui tire aura gagné, quel que soit le mordant de l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pa
3880 qui tire aura gagné, quel que soit le mordant de l’ infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas d’adversaire
3881 agné, quel que soit le mordant de l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas d’adversaires à combattre à
3882 pas d’adversaires à combattre à 2000 kilomètres à la ronde, sauf s’il saute à cheval par-dessus toute l’Allemagne ou l’océ
3883 ronde, sauf s’il saute à cheval par-dessus toute l’ Allemagne ou l’océan. (Mettez-lui bien cela dans la tête.) z. Roug
3884 il saute à cheval par-dessus toute l’Allemagne ou l’ océan. (Mettez-lui bien cela dans la tête.) z. Rougemont Denis de,
3885 ’Allemagne ou l’océan. (Mettez-lui bien cela dans la tête.) z. Rougemont Denis de, « Deux lettres sur le gouvernement
3886 e.) z. Rougemont Denis de, « Deux lettres sur le gouvernement mondial », Mondes, Paris, 4 juin 1946, p. 1 et 3.
26 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
3887 L’ Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet
3888 L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)ab Pendant
3889 L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)ab Pendant que vous
3890 avez encore quelques Américains en France, et que l’ Amérique encore me tient par tout ce que je viens d’y vivre en six ann
3891 rons-nous au petit jeu de société mondiale qu’est la comparaison des peuples deux à deux. Jeu plus sérieux d’ailleurs qu’i
3892 isser nos moyens matériels de transport distancer la conscience humaine, trop étroitement liée aux cadres nationaux. Com
3893 tionaux. Comment ils accueillent un étranger Le grand bourgeois de Paris et ses fils, lorsqu’ils rencontrent une tête
3894 venaient de tirer une invisible fermeture éclair. L’ Américain s’ouvre, au contraire, comme sa bouche sur des dents éclatan
3895 mis À la deuxième rencontre, ou tout de suite, l’ Américain vous dit votre prénom, vous raconte sa vie sentimentale et l
3896 votre prénom, vous raconte sa vie sentimentale et l’ état de ses affaires, enfin vous invite pour un week-end. Pendant ving
3897 vous invite pour un week-end. Pendant vingt ans, le Français vous dira Monsieur, fera l’impossible pour vous cacher sa ri
3898 t vingt ans, le Français vous dira Monsieur, fera l’ impossible pour vous cacher sa richesse s’il est riche, sa pauvreté s’
3899 agissantes. Personne n’a plus, et mieux écrit sur l’ amitié que les moralistes français, de Montaigne à Paul Valéry. Tandis
3900 ersonne n’a plus, et mieux écrit sur l’amitié que les moralistes français, de Montaigne à Paul Valéry. Tandis qu’en Amériqu
3901 entir seul au monde en connaissant tout le monde. La rançon d’une intimité trop rapide et superficielle, c’est la facilité
3902 ’une intimité trop rapide et superficielle, c’est la facilité avec laquelle cette intimité s’évapore. On se voit tous les
3903 aquelle cette intimité s’évapore. On se voit tous les jours pendant quelques semaines, puis plus du tout pendant un an. Et
3904 en, tout glisse et passe, il y a tant d’êtres sur la terre, tant de hasards, tant de manières de vivre, de bonnes et de ma
3905 , de bonnes et de mauvaises fortunes, par chance… Le sourire large des Américains dissimule leur vraie tragédie : la solit
3906 ge des Américains dissimule leur vraie tragédie : la solitude. Comment ils s’unissent et se divisentac En France, i
3907 s’unissent et se divisentac En France, il y a les catholiques et les laïques, c’est simple ; mais il y a d’autre part t
3908 visentac En France, il y a les catholiques et les laïques, c’est simple ; mais il y a d’autre part trente-six partis et
3909 dances et nuances politiques. En Amérique, il y a les républicains et les démocrates, c’est simple ; mais il y a d’autre pa
3910 litiques. En Amérique, il y a les républicains et les démocrates, c’est simple ; mais il y a d’autre part trente-six « stoc
3911 jadis ou naguère par des réfugiés religieux. Mais les Américains changent facilement d’église, selon leur domicile ou leur
3912 n leur domicile ou leur cercle d’amis, tandis que le Français donne l’impression qu’il ne changerait pas plus de parti que
3913 ew York, déclare que son pays vient de construire l’ avion le plus rapide du monde. L’industrie française a tenu le coup, e
3914 déclare que son pays vient de construire l’avion le plus rapide du monde. L’industrie française a tenu le coup, elle se r
3915 nt de construire l’avion le plus rapide du monde. L’ industrie française a tenu le coup, elle se remonte même si rapidement
3916 lus rapide du monde. L’industrie française a tenu le coup, elle se remonte même si rapidement qu’elle bat déjà l’américain
3917 le se remonte même si rapidement qu’elle bat déjà l’ américaine sur le terrain le plus favorable à cette dernière. Mais tou
3918 e si rapidement qu’elle bat déjà l’américaine sur le terrain le plus favorable à cette dernière. Mais tout compte fait, l’
3919 ment qu’elle bat déjà l’américaine sur le terrain le plus favorable à cette dernière. Mais tout compte fait, l’avion le pl
3920 avorable à cette dernière. Mais tout compte fait, l’ avion le plus rapide du monde n’existe qu’à un seul exemplaire. Et pen
3921 à cette dernière. Mais tout compte fait, l’avion le plus rapide du monde n’existe qu’à un seul exemplaire. Et pendant qu’
3922 ’existe qu’à un seul exemplaire. Et pendant qu’on le construisait, l’Amérique a produit quelques milliers d’appareils plus
3923 eul exemplaire. Et pendant qu’on le construisait, l’ Amérique a produit quelques milliers d’appareils plus lourds et plus l
3924 nt d’autre avantage que de fonctionner sur toutes les grandes lignes du monde. Curieuse impatience du génie français : il i
3925  : il invente sans relâche, et cent fois plus que le génie américain ; mais aussitôt il généralise son invention, son prot
3926 un stade atteint et dépassé, c’est comme si tous les avions de série étaient déjà faits ; il en est fatigué d’avance, et p
3927 jà faits ; il en est fatigué d’avance, et passe à l’ invention suivante. Vue d’Amérique, l’Europe apparaît comme une petite
3928 et passe à l’invention suivante. Vue d’Amérique, l’ Europe apparaît comme une petite région de la planète proprement stupé
3929 que, l’Europe apparaît comme une petite région de la planète proprement stupéfiante par la densité de ses inventions, tand
3930 e région de la planète proprement stupéfiante par la densité de ses inventions, tandis que l’Amérique vue d’Europe stupéfi
3931 ante par la densité de ses inventions, tandis que l’ Amérique vue d’Europe stupéfie par sa production standardisée. C’est q
3932 tupéfie par sa production standardisée. C’est que l’ Européen s’ennuie plus vite et supporte moins de s’ennuyer. Tandis que
3933 s vite et supporte moins de s’ennuyer. Tandis que l’ Américain se contente plus longtemps des mêmes idées, des mêmes types
3934 s idées, des mêmes types d’appareils, parce qu’il les utilise vraiment, parce qu’il en vit, et qu’il ne spécule pas à leur
3935 spécule pas à leur sujet. Comment ils prennent la vie Le Français est profondément sérieux, c’est même à mon avis l’
3936 s à leur sujet. Comment ils prennent la vie Le Français est profondément sérieux, c’est même à mon avis l’espèce d’h
3937 s est profondément sérieux, c’est même à mon avis l’ espèce d’homme la plus sérieuse de la planète. Cependant ses chansons,
3938 t sérieux, c’est même à mon avis l’espèce d’homme la plus sérieuse de la planète. Cependant ses chansons, son théâtre d’av
3939 e à mon avis l’espèce d’homme la plus sérieuse de la planète. Cependant ses chansons, son théâtre d’avant-guerre, ses roma
3940 s produits d’exportation, humains ou commerciaux, le font passer pour plus léger que l’air. Il a fallu le général de Gaull
3941 u commerciaux, le font passer pour plus léger que l’ air. Il a fallu le général de Gaulle et les récits de la Résistance po
3942 font passer pour plus léger que l’air. Il a fallu le général de Gaulle et les récits de la Résistance pour que certains Am
3943 ger que l’air. Il a fallu le général de Gaulle et les récits de la Résistance pour que certains Américains pressentent enfi
3944 Il a fallu le général de Gaulle et les récits de la Résistance pour que certains Américains pressentent enfin que la Fran
3945 our que certains Américains pressentent enfin que la France est le pays du sérieux sobre, de l’intransigeance réaliste, de
3946 ns Américains pressentent enfin que la France est le pays du sérieux sobre, de l’intransigeance réaliste, des provinciaux
3947 in que la France est le pays du sérieux sobre, de l’ intransigeance réaliste, des provinciaux vêtus de noir — « le noir, la
3948 eance réaliste, des provinciaux vêtus de noir — «  le noir, la couleur nationale ! » s’écrie un personnage de Giraudoux — s
3949 liste, des provinciaux vêtus de noir — « le noir, la couleur nationale ! » s’écrie un personnage de Giraudoux — sans parle
3950 sonnage de Giraudoux — sans parler des débats sur la laïcité ou les écoles confessionnelles. L’Américain lui, passe encore
3951 audoux — sans parler des débats sur la laïcité ou les écoles confessionnelles. L’Américain lui, passe encore en Europe pour
3952 ts sur la laïcité ou les écoles confessionnelles. L’ Américain lui, passe encore en Europe pour un Anglo-Saxon puritain du
3953 dix, bien plus près du Méridional par son goût de l’ exagération — Tartarin serait bien épaté — son humeur communicative, e
3954 exuelle me paraît fort peu romantique. On compare les salaires en toute simplicité, on divorce pour des questions de cuisin
3955 ns de cuisine, on se console vite, on n’admet pas la jalousie. Le « réalisme terre-à-terre » des Américains dans ce domain
3956 , on se console vite, on n’admet pas la jalousie. Le « réalisme terre-à-terre » des Américains dans ce domaine, présente u
3957 s dans ce domaine, présente un tel contraste avec les mœurs des Européens qu’on perd l’espoir de jamais faire comprendre le
3958 contraste avec les mœurs des Européens qu’on perd l’ espoir de jamais faire comprendre les uns aux autres. L’ordre des vale
3959 ns qu’on perd l’espoir de jamais faire comprendre les uns aux autres. L’ordre des valeurs morales me semble s’inverser lors
3960 ir de jamais faire comprendre les uns aux autres. L’ ordre des valeurs morales me semble s’inverser lorsqu’on passe d’un co
3961 continent à l’autre. Un seul exemple : en Europe, la longue durée d’une liaison l’officialise presque ; en Amérique, c’est
3962 xemple : en Europe, la longue durée d’une liaison l’ officialise presque ; en Amérique, c’est elle qui fait scandale. Se qu
3963 En Europe, terre des cathédrales, on demande à Le Corbusier de bâtir des églises en verre et en ciment : je me souviens
3964 gt églises en style aérodynamique construites par les Allemands avant Hitler, ou par les Suisses ou par les Hollandais. Mai
3965 onstruites par les Allemands avant Hitler, ou par les Suisses ou par les Hollandais. Mais en Amérique, on copie le gothique
3966 Allemands avant Hitler, ou par les Suisses ou par les Hollandais. Mais en Amérique, on copie le gothique, tant pour les égl
3967 ou par les Hollandais. Mais en Amérique, on copie le gothique, tant pour les églises que pour les universités. On pousse l
3968 Mais en Amérique, on copie le gothique, tant pour les églises que pour les universités. On pousse le raffinement jusqu’à co
3969 copie le gothique, tant pour les églises que pour les universités. On pousse le raffinement jusqu’à construire le chœur en
3970 r les églises que pour les universités. On pousse le raffinement jusqu’à construire le chœur en style roman, et la nef en
3971 ités. On pousse le raffinement jusqu’à construire le chœur en style roman, et la nef en style ogival ; jusqu’à reproduire
3972 nt jusqu’à construire le chœur en style roman, et la nef en style ogival ; jusqu’à reproduire les tours non terminées des
3973 n, et la nef en style ogival ; jusqu’à reproduire les tours non terminées des cathédrales européennes. Et les résidences lu
3974 urs non terminées des cathédrales européennes. Et les résidences luxueuses de la campagne ou de la ville sont régulièrement
3975 rales européennes. Et les résidences luxueuses de la campagne ou de la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de st
3976 Et les résidences luxueuses de la campagne ou de la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor, de styl
3977 gne ou de la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor, de style Renaissance, de style hollandais ou es
3978 nce, de style hollandais ou espagnol… Par contre, les cottages américains ont infiniment plus d’originalité, de diversité e
3979 us d’originalité, de diversité et d’élégance, que les maisons bourgeoises en France. Quant aux gratte-ciel, l’ère en est bi
3980 ons bourgeoises en France. Quant aux gratte-ciel, l’ ère en est bien passée. Sauf à New York, ils ne sont pas rentables.
3981 ntables. Comment ils sont scrupuleux ou non L’ Américain ne pardonne pas une erreur de 2 cents dans un compte, mais s
3982 pays quand il bombarde, d’un siècle quand il cite l’ histoire, d’un ordre spirituel quand il critique un livre. Ce qu’il ne
3983 critique un livre. Ce qu’il ne tolère pas, c’est le mensonge, et là précisément où le Français le considère comme allant
3984 lère pas, c’est le mensonge, et là précisément où le Français le considère comme allant de soi, j’entends vis-à-vis de l’É
3985 est le mensonge, et là précisément où le Français le considère comme allant de soi, j’entends vis-à-vis de l’État. Quand v
3986 idère comme allant de soi, j’entends vis-à-vis de l’ État. Quand vous entrez en Amérique, on vous demande de remplir des qu
3987 tions de ce genre : « Buvez-vous ? Modérément ? À l’ excès ? Fumez-vous ? Avez-vous d’autres vices ? Êtes-vous partisan de
3988 on vous laissera entrer. Mais si vous dites sous la foi du serment, que vous ne l’êtes pas, et que votre vie plus tard pr
3989 si vous dites sous la foi du serment, que vous ne l’ êtes pas, et que votre vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’amende
3990 s pas, et que votre vie plus tard prouve que vous l’ êtes, l’amende ou la peine de prison seront triplées. Tout repose ici
3991 t que votre vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’ amende ou la peine de prison seront triplées. Tout repose ici sur la p
3992 vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’amende ou la peine de prison seront triplées. Tout repose ici sur la parole donnée
3993 ne de prison seront triplées. Tout repose ici sur la parole donnée, seul fondement d’une réelle démocratie. Comment ils
3994 le démocratie. Comment ils se battent Voici le contraste le plus profond entre l’Ancien et le Nouveau Monde : leur m
3995 . Comment ils se battent Voici le contraste le plus profond entre l’Ancien et le Nouveau Monde : leur manière de réa
3996 ttent Voici le contraste le plus profond entre l’ Ancien et le Nouveau Monde : leur manière de réagir à la souffrance. P
3997 ci le contraste le plus profond entre l’Ancien et le Nouveau Monde : leur manière de réagir à la souffrance. Prenons l’exe
3998 en et le Nouveau Monde : leur manière de réagir à la souffrance. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le Français, él
3999 : leur manière de réagir à la souffrance. Prenons l’ exemple de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dul
4000 e de réagir à la souffrance. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dulce et decorum
4001 r à la souffrance. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dulce et decorum est pro p
4002 france. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dulce et decorum est pro patria mori,
4003 e de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’ idée que dulce et decorum est pro patria mori, accepte de se faire tue
4004 re tuer non point par fanatisme, religieux, comme le Japonais, ni par esprit quasi sportif comme l’Américain, mais par une
4005 me le Japonais, ni par esprit quasi sportif comme l’ Américain, mais par une sorte de fatalisme inconscient. (Je ne parle p
4006 uis des siècles, et qu’on ne peut pas y échapper. L’ Américain, bien au contraire, considère la souffrance et la mort comme
4007 happer. L’Américain, bien au contraire, considère la souffrance et la mort comme des accidents insensés, que rien au monde
4008 in, bien au contraire, considère la souffrance et la mort comme des accidents insensés, que rien au monde ne peut rendre a
4009 monde ne peut rendre acceptables ou justifiables. L’ idée que la souffrance puisse devenir féconde ne l’effleure pas, tandi
4010 ut rendre acceptables ou justifiables. L’idée que la souffrance puisse devenir féconde ne l’effleure pas, tandis qu’elle r
4011 ’idée que la souffrance puisse devenir féconde ne l’ effleure pas, tandis qu’elle règne sur notre inconscient, résidu des p
4012 du des plus solennelles traditions religieuses de l’ Occident. C’est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’ennemi
4013 ditions religieuses de l’Occident. C’est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’ennemi, tandis que les Américains
4014 cident. C’est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’ennemi, tandis que les Américains s’assurent d’abord — quitt
4015 est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’ ennemi, tandis que les Américains s’assurent d’abord — quitte à payer
4016 çais avancent sous le feu de l’ennemi, tandis que les Américains s’assurent d’abord — quitte à payer le prix qu’il faut en
4017 es Américains s’assurent d’abord — quitte à payer le prix qu’il faut en matériel — que les batteries d’en face ont été écr
4018 itte à payer le prix qu’il faut en matériel — que les batteries d’en face ont été écrasées. Cette folie apparente de l’Euro
4019 n face ont été écrasées. Cette folie apparente de l’ Européen dénote un certain degré de spiritualité, car l’esprit se nour
4020 péen dénote un certain degré de spiritualité, car l’ esprit se nourrit de sacrifices. Tandis que le bon sens américain trah
4021 car l’esprit se nourrit de sacrifices. Tandis que le bon sens américain trahit une certaine ignorance des conditions premi
4022 ne certaine ignorance des conditions premières de la vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même
4023 e des conditions premières de la vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même, et pour les autres,
4024 remières de la vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’inverse.
4025 ituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’inverse. Je compare et vous lai
4026 èrent les raisons de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’inverse. Je compare et vous laisse juger. Ce n’est pa
4027 de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’ inverse. Je compare et vous laisse juger. Ce n’est pas simple. Et cela
4028 e choquer ? Que voulez-vous, j’ai deux amours. Or l’ amour rend parfois plus lucide que l’être aimé ne le souhaite. ab.
4029 x amours. Or l’amour rend parfois plus lucide que l’ être aimé ne le souhaite. ab. Rougemont Denis de, « L’Américain cr
4030 amour rend parfois plus lucide que l’être aimé ne le souhaite. ab. Rougemont Denis de, « L’Américain croit à la vie, l
4031 imé ne le souhaite. ab. Rougemont Denis de, «  L’ Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre », Temps pr
4032 ab. Rougemont Denis de, « L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre », Temps présent, Paris, 19 jui
4033 Rougemont Denis de, « L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre », Temps présent, Paris, 19 juillet 194
4034 p. 1-2. ac. Sous-titre manifestement oublié par la rédaction, et rajouté par nous sur la base du texte paru dans Vivre
4035 oublié par la rédaction, et rajouté par nous sur la base du texte paru dans Vivre en Amérique (chapitre 4), livre édité
4036 e édité un an plus tard chez Stock. ad. Depuis «  L’ ordre des valeurs morales… » : lecture incertaine, aucune copie correc
27 1946, Articles divers (1941-1946). Réponse à l’enquête « Les travaux des écrivains » (24 août 1946)
4037 Réponse à l’ enquête « Les travaux des écrivains » (24 août 1946)ae J’ai un cert
4038 Réponse à l’enquête «  Les travaux des écrivains » (24 août 1946)ae J’ai un certain nombre d’
4039 rique . C’est un recueil de tous mes articles sur les États-Unis, parus dans Carrefour , Le Figaro , Le Littéraire et le
4040 cles sur les États-Unis, parus dans Carrefour , Le Figaro , Le Littéraire et le Journal de Genève . Chez Gallimard : me
4041 États-Unis, parus dans Carrefour , Le Figaro , Le Littéraire et le Journal de Genève . Chez Gallimard : mes Lettres s
4042 s dans Carrefour , Le Figaro , Le Littéraire et le Journal de Genève . Chez Gallimard : mes Lettres sur la bombe atomi
4043 nal de Genève . Chez Gallimard : mes Lettres sur la bombe atomique , qui paraissent simultanément dans huit pays et en se
4044 dans huit pays et en sept langues différentes. La Part du diable , dont deux versions différentes parurent à New York e
4045 n 1940 af et en 1944. Il s’agit, bien entendu, de la version définitive. Les Personnes du drame . Ce sont des essais sur
4046 s’agit, bien entendu, de la version définitive. Les Personnes du drame . Ce sont des essais sur Goethe, Kierkegaard, Kafk
4047 erkegaard, Kafka, Luther, Gide, Ramuz, Claudel et les romantiques allemands. Enfin, Doctrine fabuleuse . J’y travaille dep
4048 euse . J’y travaille depuis vingt ans et voudrais la voir sortir pour mon quarantième anniversaire. D’autre part, quelques
4049 és. Chez Albin Michel, Penser avec les mains et le Journal d’un intellectuel en chômage . Aux Éditions « Je sers » : P
4050 hômage . Aux Éditions « Je sers » : Politique de la personne , qui, publié il y a douze ans, obtint un vif succès en Holl
4051 ccès en Hollande, où il joua un certain rôle dans la naissance du parti travailliste. Je préfère ne point vous parler des
4052 e. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Les travaux des écrivains », Le Figaro littéraire, Paris, 24 août 1946, p
4053 ponse à une enquête] Les travaux des écrivains », Le Figaro littéraire, Paris, 24 août 1946, p. 2. af. La première versio
28 1946, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)
4054 Mémoire de l’ Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)ah Je ne s
4055 étais baigné. J’étais fondé. Et je marchais parmi les signes. Sédiments séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l
4056 séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l’ on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces
4057 numents que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’ écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers un
4058 etrouvais… « Je t’aime. J’aime ! » J’ai tout dit. L’ Europe était patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence était pro
4059 ! » J’ai tout dit. L’Europe était patrie d’amour. Le silence attendait, l’absence était profonde, et chaque être présent q
4060 urope était patrie d’amour. Le silence attendait, l’ absence était profonde, et chaque être présent questionnait, répondait
4061 , et chaque être présent questionnait, répondait. La force était au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obs
4062 ée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la contemplation jalouse d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps
4063 jà du temps de notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fre
4064 ion la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée q
4065 au silence. La force était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée qui se liait aux autres… (Quand ta forc
4066 res… (Quand ta force devient visible, c’est comme le sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va !) La force était mémoir
4067 e sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va !) La force était mémoire et allusion. Elle était ce vieil arbre tenace. El
4068 ion. Elle était ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en
4069 t ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle
4070 ait la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… ⁂
4071 ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce qu
4072 ’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’ amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est
4073 udeurs de l’amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est l’ Europe. Parce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su
4074 Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’ Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant
4075 souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant de passé, et
4076 n vie tant de passé, et garder tant de morts dans la présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir.
4077 d’avenir. ah. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’ Europe (écrit en Amérique, en 1943) », Suisse contemporaine, Lausanne,
29 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
4078 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’ on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre
4079 eler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)ag Lisbonne
4080 Lisbonne, 8 septembre 1940 Blanche et bleue dans l’ immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claqu
4081 e 1940 Blanche et bleue dans l’immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquant et ses rues débou
4082 ses drapeaux claquant et ses rues débouchant sur le ciel, la ville aux sent collines renie la guerre, oublie l’Europe. Da
4083 eaux claquant et ses rues débouchant sur le ciel, la ville aux sent collines renie la guerre, oublie l’Europe. Dans quelqu
4084 ant sur le ciel, la ville aux sent collines renie la guerre, oublie l’Europe. Dans quelques heures nous embarquons pour l’
4085 a ville aux sent collines renie la guerre, oublie l’ Europe. Dans quelques heures nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici
4086 Europe. Dans quelques heures nous embarquons pour l’ Amérique. Mais ici je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à
4087 nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici je fais le serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la
4088 e fais le serment d’opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la vie, toujours pressée d’imaginer un monde
4089 une stricte mémoire à la candeur intarissable de la vie, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore continu
4090 iens de voir une civilisation frappée au cœur, je l’ ai vue chanceler, j’ai vu qu’elle peut mourir. Durant cette traversée
4091 Genève aux Pyrénées, pendant deux jours, j’ai vu la France toute pareille à un homme qui vient de tomber sur la tête : il
4092 toute pareille à un homme qui vient de tomber sur la tête : il se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t
4093 vre ? A-t-il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’ Espagne de cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre en
4094 sprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse,
4095 de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion des he
4096 ue et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant des terres abandonnées
4097 rhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’ invasion des herbes sauvages venant des terres abandonnées du Nord et
4098 ’elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les paniques dévastatrices du ve siècle de notre ère. Et je songe au bas
4099 ole d’une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut périr. Nous qui sommes encore ép
4100 , ne perdons pas notre délai de grâce ! À bord de l’ Exeter, 11 septembre 1940 Les derniers barrages traversés, la passerel
4101 de grâce ! À bord de l’Exeter, 11 septembre 1940 Les derniers barrages traversés, la passerelle relevée, et nos papiers en
4102 1 septembre 1940 Les derniers barrages traversés, la passerelle relevée, et nos papiers enfin déposés chez le purser, nous
4103 erelle relevée, et nos papiers enfin déposés chez le purser, nous n’avons plus devant nous qu’un océan sans douanes ! Dix
4104 s, dix jours durant lesquels on peut imaginer que la police renoncera au viol de notre vie privée. Pourtant, certains des
4105 . Pourtant, certains des passagers gardent encore l’ air de s’attendre au pire, tandis qu’ils font leur premier tour de pon
4106 rappellent sans doute ce Polonais, tiré, jeté par la police franquiste hors du train qui sifflait déjà pour le départ vers
4107 e franquiste hors du train qui sifflait déjà pour le départ vers la frontière — à deux-cents mètres — du Portugal et de la
4108 rs du train qui sifflait déjà pour le départ vers la frontière — à deux-cents mètres — du Portugal et de la liberté. Car t
4109 ontière — à deux-cents mètres — du Portugal et de la liberté. Car tel est le sadisme policier. Nous venons de passer, en q
4110 ètres — du Portugal et de la liberté. Car tel est le sadisme policier. Nous venons de passer, en quatre jours de voyage, s
4111 s différents de douane et de police. Secondés par la chance, nous n’y avons passé, si je compte bien, guère plus de 22 heu
4112 si je compte bien, guère plus de 22 heures, mais le total normal est d’au moins 30, m’affirme-t-on, et les « accidents »
4113 otal normal est d’au moins 30, m’affirme-t-on, et les « accidents » sont fréquents. Paradoxe du siècle où tout est fait pou
4114 Paradoxe du siècle où tout est fait pour réduire l’ homme à l’anonyme, pour le priver du sentiment de sa vocation, de sa d
4115 du siècle où tout est fait pour réduire l’homme à l’ anonyme, pour le priver du sentiment de sa vocation, de sa différence
4116 t est fait pour réduire l’homme à l’anonyme, pour le priver du sentiment de sa vocation, de sa différence personnelle, cep
4117 s il en proteste et moins il s’en assure. Plus il la chiffre et moins il la ressent. Et plus il la démontre à coups de doc
4118 ns il s’en assure. Plus il la chiffre et moins il la ressent. Et plus il la démontre à coups de documents, moins il se rec
4119 il la chiffre et moins il la ressent. Et plus il la démontre à coups de documents, moins il se reconnaît dans le portrait
4120 à coups de documents, moins il se reconnaît dans le portrait simplifié que la police en compose à toutes fins menaçantes.
4121 ns il se reconnaît dans le portrait simplifié que la police en compose à toutes fins menaçantes. Songeons aussi que ces pr
4122 aussi que ces procédés s’appliquent précisément à l’ émigrant, à celui qui s’éloigne de ses bases, des réflexes de son mili
4123 eu, de tout ce qui allait de soi autour de lui et l’ assurait quotidiennement, inconsciemment, qu’il était bien réel et bie
4124 lui-même… En mer, nuit du 12 au 13 septembre 1940 Les derniers bateaux de la dernière ligne reliant l’Europe à l’Amérique o
4125 Les derniers bateaux de la dernière ligne reliant l’ Europe à l’Amérique ont tous des noms en « Ex » : Exeter, Excalibur, E
4126 s bateaux de la dernière ligne reliant l’Europe à l’ Amérique ont tous des noms en « Ex » : Exeter, Excalibur, Excambion. E
4127 eur exil. Mais moi, de quoi pourrais-je bien être l’ ex ? Ni fugitif, ni juif, ni riche, ni détrôné, et ne pouvant me récla
4128 te des catastrophes, scandaleux personnage, comme le serait un témoin vivant même aux colloques des fantômes… Je crois bie
4129 est venue à cause d’une conversation entendue sur le pont cette nuit même. L’heure était fort tardive et propice aux aveux
4130 onversation entendue sur le pont cette nuit même. L’ heure était fort tardive et propice aux aveux. V., ex-cagoulard, ayant
4131 ns verve comment ses camarades et lui-même, avant la guerre, organisaient des dépôts de mitraillettes dans certaines rues
4132 es rues stratégiques de Paris, T., ex-militant de la gauche, lui répondit avec un demi-sourire et sans retirer son mégot,
4133 de guerre civile n’auraient été troublés que par l’ attaque intempestive des nazis. Contre ceux-là, il semblerait qu’on eû
4134 , il semblerait qu’on eût moins brillamment prévu les choses… De fait, les étrangers sont toujours surprenants. On ne s’ent
4135 eût moins brillamment prévu les choses… De fait, les étrangers sont toujours surprenants. On ne s’entend vraiment bien qu’
4136 ns du même peuple. 17 septembre 1940 Chaque soir, les passagers se pressent devant la porte de la cabine du capitaine, avec
4137 940 Chaque soir, les passagers se pressent devant la porte de la cabine du capitaine, avec l’espoir d’entendre la radio. T
4138 oir, les passagers se pressent devant la porte de la cabine du capitaine, avec l’espoir d’entendre la radio. Tout à l’heur
4139 t devant la porte de la cabine du capitaine, avec l’ espoir d’entendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais de me fauf
4140 la cabine du capitaine, avec l’espoir d’entendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais de me faufiler, R. s’extrait d
4141 itaine, avec l’espoir d’entendre la radio. Tout à l’ heure comme j’essayais de me faufiler, R. s’extrait du groupe, me cède
4142 , R. s’extrait du groupe, me cède sa place, et je l’ entends dire à sa femme qui attendait un peu en arrière : « Rien de no
4143 eu en arrière : « Rien de nouveau, c’est toujours les mêmes petites histoires… » Depuis des mois, c’est ce que répètent dix
4144 des mois, c’est ce que répètent dix fois par jour les usagers de la radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais no
4145 ce que répètent dix fois par jour les usagers de la radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regardio
4146 pètent dix fois par jour les usagers de la radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regardions de trop
4147 e monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regardions de trop près : d’heure en heure, nous n’avons rien vu. C’e
4148 coup, en nous retournant, que nous avons entrevu l’ ampleur et la rapidité des événements. Il a dit : « Rien de nouveau, r
4149 s retournant, que nous avons entrevu l’ampleur et la rapidité des événements. Il a dit : « Rien de nouveau, rien d’importa
4150 n d’important… » Mais je crois avoir entendu dans le ronron nasillard qui sortait de la petite chambre : « 165 avions alle
4151 r entendu dans le ronron nasillard qui sortait de la petite chambre : « 165 avions allemands ont été abattus sur Londres. 
4152 ont été abattus sur Londres. » Et c’est peut-être la nouvelle la plus importante de la guerre. Car tout tient aux Anglais,
4153 tus sur Londres. » Et c’est peut-être la nouvelle la plus importante de la guerre. Car tout tient aux Anglais, et si ce bu
4154 c’est peut-être la nouvelle la plus importante de la guerre. Car tout tient aux Anglais, et si ce bulletin dit vrai, les A
4155 ut tient aux Anglais, et si ce bulletin dit vrai, les Anglais tiennent. L’autre jour à Lisbonne une lady me disait : « Nous
4156 aux chefs français trop cartésiens qui ont admis la défaite sur sa définition, — avant qu’elle fût définitive. 18 septemb
4157 fût définitive. 18 septembre 1940 Comment prévoir l’ issue de cette guerre, lorsqu’on a remarqué qu’elle n’oppose plus que
4158 tre qui ne sait pas être vaincue, mais qui perd ? Les Allemands, en effet, même victorieux, se plaignent encore comme des v
4159 rieux, se plaignent encore comme des victimes. Et les Anglais, même battus, se comportent en propriétaires de droit divin d
4160 se comportent en propriétaires de droit divin de la victoire en général. La seule solution « possible » serait donc la vi
4161 étaires de droit divin de la victoire en général. La seule solution « possible » serait donc la victoire anglaise. 19 sept
4162 néral. La seule solution « possible » serait donc la victoire anglaise. 19 septembre 1940 Un journaliste américain, qui re
4163 stingage, près de moi, et me dit en crachant dans l’ eau entre chaque phrase : « Il y a des gens, des Parisiens, qui trouve
4164  Il y a des gens, des Parisiens, qui trouvent que les Boches sont corrects… Well… Quand un gangster de Chicago vous prend v
4165 orrect, isn’t he ? » À mon tour, j’ai craché dans l’ eau, pour marquer mon approbation. 20 septembre 1940, en rade de New Y
4166 York Je me suis éveillé dans ma cabine moite avec le sentiment que tout était changé autour de moi. Eh oui ! des verdures
4167 verdures proches défilaient au hublot ! Couru sur le pont. Nous sommes dans les passes de l’Hudson. Une brume de chaleur t
4168 t au hublot ! Couru sur le pont. Nous sommes dans les passes de l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit les rives.
4169 Couru sur le pont. Nous sommes dans les passes de l’ Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit les rives. Je ne m’atten
4170 e l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit les rives. Je ne m’attendais pas à la nature américaine, à la voir la pre
4171 opicale bleuit les rives. Je ne m’attendais pas à la nature américaine, à la voir la première et de si près, avant les gra
4172 . Je ne m’attendais pas à la nature américaine, à la voir la première et de si près, avant les gratte-ciel, la statue… Je
4173 caine, à la voir la première et de si près, avant les gratte-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensation d’un paysage p
4174 la première et de si près, avant les gratte-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensation d’un paysage plus étranger, ma
4175 ant les gratte-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensation d’un paysage plus étranger, mais plus étrangement accueilla
4176 . Et comme on aime une terre qui s’approche, avec l’ immense sécurité du continent qu’on imagine au-delà de ces falaises or
4177 e forêts d’un vert sombre de luxueuse tapisserie… La rivière s’élargit et se peuple de mâts. Au sommet d’une falaise qui f
4178 emière rue américaine ! Nous approchons. Tournant la tête vers l’avant, un peu au-dessus de la poupe, je viens de voir un
4179 éricaine ! Nous approchons. Tournant la tête vers l’ avant, un peu au-dessus de la poupe, je viens de voir un groupe de tou
4180 ournant la tête vers l’avant, un peu au-dessus de la poupe, je viens de voir un groupe de tours serrées, presque diaphanes
4181 n groupe de tours serrées, presque diaphanes dans la brume — Manhattan, comme une prémonition qui serait vérifiée à l’inst
4182 « En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation », Le Figaro littéraire, Paris, 21 septembre 1946, p. 1 et 4.