1
Reynold et l’avenir
de
la Suisse (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’auteur de
2
Le grand service que nous aura rendu l’auteur
de
Conscience de la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédi
3
ervice que nous aura rendu l’auteur de Conscience
de
la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédiat de ce pays
4
rendu l’auteur de Conscience de la Suisse, c’est
d’
avoir osé porter sur l’avenir immédiat de ce pays un jugement pessimis
5
e, c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédiat
de
ce pays un jugement pessimiste. Les plus graves faiblesses, morales e
6
iblesses, morales et matérielles, dans le domaine
de
la « défense spirituelle » comme dans celui de la défense du territoi
7
ne de la « défense spirituelle » comme dans celui
de
la défense du territoire, proviennent chez nous d’une incapacité cong
8
e la défense du territoire, proviennent chez nous
d’
une incapacité congénitale à prévoir le pire, à l’admettre, et à se pr
9
ence. Nous n’avons pas encore su prendre le tempo
de
ce xxe siècle. C’est que nous sommes devenus un peuple de bourgeois.
10
siècle. C’est que nous sommes devenus un peuple
de
bourgeois. L’ère de la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de
11
nous sommes devenus un peuple de bourgeois. L’ère
de
la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de l’absence d’imaginat
12
de la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et
de
l’absence d’imagination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos
13
oisie, ère du « confort moderne » et de l’absence
d’
imagination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos cantons une e
14
e d’imagination réaliste, prolonge encore dans la
vie
de nos cantons une existence condamnée ailleurs par des faits que je
15
imagination réaliste, prolonge encore dans la vie
de
nos cantons une existence condamnée ailleurs par des faits que je n’a
16
. La faiblesse du bourgeois réside dans son refus
de
prendre au sérieux ce qui l’étonne. « Trop beau pour être vrai », dis
17
t comme par en bas, traduit un seul et même refus
de
voir le monde tel qu’il est : pécheur et racheté, condamné et sauvé.
18
jouer à temps leurs calculs. Reynold a le courage
d’
envisager — de regarder en plein visage — ce qui nous ruine. Non qu’il
19
leurs calculs. Reynold a le courage d’envisager —
de
regarder en plein visage — ce qui nous ruine. Non qu’il soit pessimis
20
lement lucide. Il a su voir plus loin que le bout
de
la Suisse. Il a su voir l’Europe en pleine révolution. Il a montré l’
21
s, chez nous, que la vraie fin, même inconsciente
de
l’étatisme disciplinaire, dépourvu d’idéal directeur, n’était autre q
22
nconsciente de l’étatisme disciplinaire, dépourvu
d’
idéal directeur, n’était autre que la mise au pas du pays, sa mise en
23
faire du nationalisme, c’est faire l’autre moitié
de
ce tout. Mais enfin, l’important c’est que chacun commence par dire l
24
ence par dire la vérité dans son patois, et celui
de
Reynold est « de droite ». Le mien passa souvent pour être de « gauch
25
vérité dans son patois, et celui de Reynold est «
de
droite ». Le mien passa souvent pour être de « gauche », comme si je
26
st « de droite ». Le mien passa souvent pour être
de
« gauche », comme si je croyais encore aux vaines distinctions qui ch
27
Laissons tout cela et avançons ! La claire vision
d’
un but commun et d’un péril qui se désigne lui-même comme total (ou to
28
et avançons ! La claire vision d’un but commun et
d’
un péril qui se désigne lui-même comme total (ou totalitaire) doit bie
29
il y ait un « plus tard ». En campagne, le jour
de
la capitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold
30
tard ». En campagne, le jour de la capitulation
de
la Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’avenir de la S
31
pitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis
de
, « Reynold et l’avenir de la Suisse », Hommage à Gonzague de Reynold,
32
a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’avenir
de
la Suisse », Hommage à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librairie de l’
33
ommage à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librairie
de
l’Université, 1941, p. 123-125.
34
olle ! Mais lui les trouve et s’en revêt : voiles
de
nuit. Elle a passé tout près, ne l’a pas vu. C’est pourtant le désir
35
t la femme égarée qui ne voudrait aimer le Prince
de
ces Lieux ? — Mais on m’appelle, écoute, la voix venait du parc ? — E
36
s murs ne cachent plus que les abords désertiques
de
la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais dis
37
— Viens dans mes bras, ma fille. II. Le marché
de
l’aube — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le petit marcha
38
II. Le marché de l’aube — Choisis la pierre
de
tes vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche de prêtre orient
39
vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche
de
prêtre oriental. L’homme choisit la plus terne, il était triste et pr
40
adait que sa pierre était bonne, étant bien celle
de
ses vœux, la pierre se mit à luire davantage ; et davantage encore il
41
age encore il l’aimait, plus il luttait contre la
vie
, plus il vivait. Un soir, émerveillé de la revoir, il dit : — Je suis
42
ontre la vie, plus il vivait. Un soir, émerveillé
de
la revoir, il dit : — Je suis un homme heureux, j’ai su choisir la pi
43
suis un homme heureux, j’ai su choisir la pierre
de
mes vœux, car seul j’ai deviné le cher secret de son éclat. Et mainte
44
de mes vœux, car seul j’ai deviné le cher secret
de
son éclat. Et maintenant, ma pierre, luis de ton propre éclat ! Qu’un
45
cret de son éclat. Et maintenant, ma pierre, luis
de
ton propre éclat ! Qu’une fois au moins je te contemple en mon repos.
46
ais la chaleur est bonne. Tout un hiver, il vécut
de
ce feu. Le printemps vint. — Aurai-je encore besoin du feu ? Je repre
47
ndrai ma pierre et me reposerai dans la fraîcheur
de
son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fait son temps,
48
— L’hiver a fait son temps, songea-t-il, dans ma
vie
. Pour la deuxième fois, il alla au marché de l’aube. — Choisis la pie
49
ma vie. Pour la deuxième fois, il alla au marché
de
l’aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche d
50
il alla au marché de l’aube. — Choisis la pierre
de
tes vœux, lui dit l’homme à barbiche de prêtre, je me souviens de ta
51
la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche
de
prêtre, je me souviens de ta jeunesse. Il choisit la plus éclatante.
52
dit l’homme à barbiche de prêtre, je me souviens
de
ta jeunesse. Il choisit la plus éclatante. Et vois : quand il était h
53
e. Et vois : quand il était heureux, elle luisait
d’
une froide splendeur, et quand il était triste, elle était consolante.
54
es mains, la pierre du vœu triste et présomptueux
de
sa jeunesse. Et il pleurait. Une troisième fois, il se leva pour alle
55
e troisième fois, il se leva pour aller au marché
de
l’aube. — Tu n’as plus rien, lui dit le petit vieillard, je ne te ven
56
d, je ne te vendrai rien à crédit. Tu possèdes ta
Vie
, et tu possèdes aussi ton Bien. Veux-tu davantage ? Voici, l’une des
57
ge ? Voici, l’une des deux pierres sera ta pierre
de
Mort, si tu la choisis seule, et ne veux plus souffrir. III. Le co
58
Évidemment, je n’aurais pas dû entrer. On fait
de
ces bêtises, par négligence, croit-on. Bref, je suis entré, c’était j
59
ouges, comme lorsqu’on choisit une couleur au jeu
de
cartes, rouge ou noir. J’arrive à la salle de lecture. Il n’y avait q
60
jeu de cartes, rouge ou noir. J’arrive à la salle
de
lecture. Il n’y avait que des feuilles de papier blanc sur les tables
61
a salle de lecture. Il n’y avait que des feuilles
de
papier blanc sur les tables, et tout le monde lisait. Je dis : — Est-
62
e ici ? Quelqu’un l’a-t-il vue ? Ils me regardent
d’
un air vexé. Un valet s’approche rapidement et me dit à voix basse : —
63
is dit que : Fine day to day, c’eût été une sorte
de
question ou de réponse. Je pensais que le mieux serait de m’en aller
64
ne day to day, c’eût été une sorte de question ou
de
réponse. Je pensais que le mieux serait de m’en aller sans bruit. Mai
65
ion ou de réponse. Je pensais que le mieux serait
de
m’en aller sans bruit. Mais vous connaissez ces couloirs. Et je ne vo
66
? C’était la question par excellence ! Le résumé
de
toutes mes erreurs, si vous voulez. Je trouve la porte du bureau dire
67
t par-derrière, je ne puis l’expliquer autrement.
D’
une certaine manière, c’était mon propre, regard qui traversait ses ye
68
elle. (Je tenais sa main. Je sentis qu’elle avait
de
la fièvre.) Je suis là parce que tu es venu, tout simplement. Nous ét
69
Nous étions couchés chez nous. Je ne sais combien
de
temps cela va durer. Elle délire et j’ai cette balle dans le cœur. Et
70
r. Et voici que maintenant, je ne puis plus poser
de
questions. Car si vous me dites que c’est une vraie balle que j’ai da
71
les questions possibles et donc toute possibilité
de
réponse à quoi que ce soit. Laissez-moi donc seul. C’est mon ordre. E
72
royez pas, je vais tirer ! b. Rougemont Denis
de
, « Trois paraboles », Lettres françaises, Buenos Aires, 1 octobre 194
73
La leçon
de
l’armée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914, l’emper
74
rmée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre
de
1914, l’empereur Guillaume II fit une visite au gouvernement suisse.
75
en ; mais si nous vous attaquions avec un million
d’
hommes, que feriez-vous ? » — « Chacun de nous tirerait deux fois », r
76
million d’hommes, que feriez-vous ? » — « Chacun
de
nous tirerait deux fois », répondit calmement le soldat. Le Kaiser pr
77
des pays qui a le mieux résolu l’urgent problème
de
la défense de la démocratie, sans toutefois tomber dans une mobilisat
78
otalitaire. Voici les faits : Avec une population
de
4 millions et demi d’habitants, la Suisse a une armée de 600 000 homm
79
faits : Avec une population de 4 millions et demi
d’
habitants, la Suisse a une armée de 600 000 hommes. Un habitant sur 7
80
llions et demi d’habitants, la Suisse a une armée
de
600 000 hommes. Un habitant sur 7 est un soldat. La même proportion d
81
ême proportion donnerait aux États-Unis une armée
de
20 millions d’hommes. Mais nulle part les coutumes et les institution
82
donnerait aux États-Unis une armée de 20 millions
d’
hommes. Mais nulle part les coutumes et les institutions ne sont plus
83
rmée n’est plus populaire et ne fait aussi partie
de
la vie nationale qu’en Suisse. Depuis que les communes suisses se lib
84
’est plus populaire et ne fait aussi partie de la
vie
nationale qu’en Suisse. Depuis que les communes suisses se libérèrent
85
munes suisses se libérèrent pour la première fois
de
la domination médiévale des seigneurs, leur armée a été un groupement
86
ale des seigneurs, leur armée a été un groupement
de
citoyens libres, possédant chacun ses propres armes et portant fièrem
87
n peut souvent voir un paysan, assis sur le seuil
de
sa porte, polissant et graissant son fusil après le tir du dimanche,
88
— se distinguait par ce fait : il avait le droit
de
porter des armes. Les Suisses considèrent leurs armes comme un symbol
89
Suisses considèrent leurs armes comme un symbole
de
leur liberté. Les libertés civiques et l’esprit militaire n’ont jamai
90
étaient libres. La possession par chaque citoyen
de
ses propres armes, montre d’une façon concrète que l’État lui fait co
91
n par chaque citoyen de ses propres armes, montre
d’
une façon concrète que l’État lui fait confiance. Imaginez ce qui arri
92
ques, si les soldats démobilisés avaient le droit
d’
emporter chez eux leurs armes et leurs munitions ! En France, après l’
93
offrit cent-mille francs aux soldats, en échange
de
leurs fusils, par crainte d’une révolution. Hitler fit désarmer ses p
94
soldats, en échange de leurs fusils, par crainte
d’
une révolution. Hitler fit désarmer ses propres troupes de choc, après
95
volution. Hitler fit désarmer ses propres troupes
de
choc, après l’épuration du 30 juin 1934, leur laissant seulement un p
96
t un poignard décoratif. La possession par chacun
de
ses propres armes a également une importance technique qui n’est null
97
i n’est nullement à négliger. C’est le seul moyen
d’
assurer une mobilisation ultrarapide. Et c’est la défense la plus adéq
98
le est devenue, ainsi, la méthode la plus moderne
de
défense. C’est la clé de l’organisation de l’armée suisse et le secre
99
méthode la plus moderne de défense. C’est la clé
de
l’organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’arm
100
oderne de défense. C’est la clé de l’organisation
de
l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’armée est un lien non
101
de l’organisation de l’armée suisse et le secret
de
sa popularité… L’armée est un lien non seulement entre les individus,
102
, mais aussi entre les classes. La Suisse n’a pas
d’
école réservée aux officiers. Tous les hommes de 20 ans, propres au se
103
s d’école réservée aux officiers. Tous les hommes
de
20 ans, propres au service militaire vont à la même école. Là le pays
104
t à la même école. Là le paysan a comme compagnon
de
chambre l’étudiant, l’ouvrier le fils de son patron. Pendant les troi
105
ompagnon de chambre l’étudiant, l’ouvrier le fils
de
son patron. Pendant les trois mois que dure l’entraînement, on a le t
106
trois mois que dure l’entraînement, on a le temps
de
reconnaître la valeur réelle et les faiblesses de son voisin, de se f
107
de reconnaître la valeur réelle et les faiblesses
de
son voisin, de se faire des amitiés. Une égalité complète existe dans
108
la valeur réelle et les faiblesses de son voisin,
de
se faire des amitiés. Une égalité complète existe dans les baraquemen
109
Cet entraînement intensif renvoie les hommes à la
vie
civile, bronzés, endurcis et chargés d’expérience que la vie paisible
110
mes à la vie civile, bronzés, endurcis et chargés
d’
expérience que la vie paisible des villes ou des villages ne leur aura
111
bronzés, endurcis et chargés d’expérience que la
vie
paisible des villes ou des villages ne leur aurait pas donné en dix a
112
a jeunesse suisse et la durée relativement courte
de
l’entraînement permet à chaque recrue de retrouver à son retour sa pl
113
t courte de l’entraînement permet à chaque recrue
de
retrouver à son retour sa place dans la vie civile. L’insuffisance te
114
recrue de retrouver à son retour sa place dans la
vie
civile. L’insuffisance technique résultant d’une si brève période de
115
la vie civile. L’insuffisance technique résultant
d’
une si brève période de service est compensée par un entraînement annu
116
isance technique résultant d’une si brève période
de
service est compensée par un entraînement annuel. La vie civile égale
117
vice est compensée par un entraînement annuel. La
vie
civile également apporte au citadin de fréquents contacts avec les af
118
nnuel. La vie civile également apporte au citadin
de
fréquents contacts avec les affaires militaires. Dans chaque village,
119
militaires. Dans chaque village, dans chaque club
de
tir, on voit des « cercles d’amis » pour officiers et sous-officiers.
120
e, dans chaque club de tir, on voit des « cercles
d’
amis » pour officiers et sous-officiers. L’officier suisse est, dans l
121
rs militaires. Un capitaine, par exemple, dans la
vie
civile, surveille sa compagnie : il sait toujours où ses hommes habit
122
habitude veut qu’ils lui envoient leurs bons vœux
de
Nouvel An, auxquels il répond toujours. Plusieurs de ces hommes vont
123
Nouvel An, auxquels il répond toujours. Plusieurs
de
ces hommes vont vers lui pour lui demander un conseil ou pour les aid
124
ver du travail. Tous le considèrent comme le chef
d’
une famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de l’armée en Suisse a
125
. Tous le considèrent comme le chef d’une famille
de
200 hommes. Le Haut-Commandement de l’armée en Suisse a prévu dès 193
126
d’une famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement
de
l’armée en Suisse a prévu dès 1930 déjà, que la prochaine guerre ne s
127
que la prochaine guerre ne serait pas une guerre
de
« fronts », et qu’une défense en profondeur devait être organisée, co
128
les Suisses retournent à leur ancienne tradition
de
faire la guerre. Chaque canton a son propre système de défense, selon
129
ire la guerre. Chaque canton a son propre système
de
défense, selon sa topographie et ses ressources. Des petits corps d’a
130
a topographie et ses ressources. Des petits corps
d’
armée surgissent en certains points pour défendre les profondes vallée
131
s plans préétablis. Nous trouvons ainsi à la base
de
l’organisation militaire, les mêmes facteurs qui déterminent la struc
132
du pays : autonomie locale et entraide. La moitié
de
l’armée est composée de divisions mobiles régulières. Le reste consis
133
le et entraide. La moitié de l’armée est composée
de
divisions mobiles régulières. Le reste consiste en garnisons et en fo
134
incipaux passages des Alpes. Ce sont des brigades
de
montagne, constituées par des spécialistes du ski et de l’alpinisme,
135
tagne, constituées par des spécialistes du ski et
de
l’alpinisme, et des brigades indépendantes pour défendre les frontièr
136
ndantes pour défendre les frontières. Ces troupes
de
couverture connaissent les positions préparées à la frontière, parce
137
à la frontière, parce qu’elles les ont fortifiées
de
leurs propres mains. À la première alerte, les hommes endossent leurs
138
et les canons anti-tanks sont prêts. Les magasins
de
munitions et de vivres ont été cachés dans les rochers. En 1939, la d
139
ti-tanks sont prêts. Les magasins de munitions et
de
vivres ont été cachés dans les rochers. En 1939, la disposition de ce
140
cachés dans les rochers. En 1939, la disposition
de
ces troupes de couverture, qui précéda la mobilisation générale de ci
141
s rochers. En 1939, la disposition de ces troupes
de
couverture, qui précéda la mobilisation générale de cinq jours, se fi
142
couverture, qui précéda la mobilisation générale
de
cinq jours, se fit en quelques heures, le long de toutes les frontièr
143
quelques heures, le long de toutes les frontières
de
la Suisse. Les gardes-frontière prennent position à quelques kilomètr
144
frontière prennent position à quelques kilomètres
de
leurs propres maisons. Ils savent ce qu’ils défendent. Il n’est pas b
145
s savent ce qu’ils défendent. Il n’est pas besoin
de
leur faire des discours. L’un de ceux qui écrivit cet article fut mob
146
n’est pas besoin de leur faire des discours. L’un
de
ceux qui écrivit cet article fut mobilisé en 1939, à un poste-frontiè
147
s au-dessous, et parfois attraper le clair reflet
d’
une robe d’été et imaginer qu’il reconnaissait ses enfants. De telles
148
s, et parfois attraper le clair reflet d’une robe
d’
été et imaginer qu’il reconnaissait ses enfants. De telles choses comp
149
’été et imaginer qu’il reconnaissait ses enfants.
De
telles choses comptent dans la guerre. Mais une petite armée peut-ell
150
ux équipé ? Le premier acte du « blitzkrieg » est
d’
empêcher la mobilisation du pays que l’on veut envahir. Les partenaire
151
on du pays que l’on veut envahir. Les partenaires
de
l’Axe peuvent devenir les maîtres de l’air et désorganiser les commun
152
partenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres
de
l’air et désorganiser les communications ferroviaires. Mais l’armée s
153
Cela serait-il possible en Suisse ? Il y a autant
de
centres de résistance qu’il y a de cantons ou de villes, autant de ba
154
-il possible en Suisse ? Il y a autant de centres
de
résistance qu’il y a de cantons ou de villes, autant de bases de défe
155
Il y a autant de centres de résistance qu’il y a
de
cantons ou de villes, autant de bases de défense qu’il y a de défilés
156
de centres de résistance qu’il y a de cantons ou
de
villes, autant de bases de défense qu’il y a de défilés et de montagn
157
istance qu’il y a de cantons ou de villes, autant
de
bases de défense qu’il y a de défilés et de montagnes. Chaque village
158
u’il y a de cantons ou de villes, autant de bases
de
défense qu’il y a de défilés et de montagnes. Chaque village de la Su
159
u de villes, autant de bases de défense qu’il y a
de
défilés et de montagnes. Chaque village de la Suisse est devenu un fo
160
utant de bases de défense qu’il y a de défilés et
de
montagnes. Chaque village de la Suisse est devenu un fort, ses entrée
161
il y a de défilés et de montagnes. Chaque village
de
la Suisse est devenu un fort, ses entrées fermées par des barricades
162
es forteresses en miniature. Vous ouvrez la porte
de
quelque grenier et vous vous trouvez en face d’un canon anti-tank, pr
163
protégé par un mur en ciment. Une poussée rapide
de
divisions motorisées pourrait seulement se faire en évitant les villa
164
attaque en règle. Il ne serait nullement question
d’
avancer rapidement comme dans les plaines de Flandre ou en Pologne. Le
165
stion d’avancer rapidement comme dans les plaines
de
Flandre ou en Pologne. Les deux premières années de la victoire allem
166
Flandre ou en Pologne. Les deux premières années
de
la victoire allemande ont renforcé la volonté des Suisses de se défen
167
ire allemande ont renforcé la volonté des Suisses
de
se défendre. Le contact entre les hommes et le sol, entre l’armée et
168
iques, s’est vu raffermi par cette longue période
de
mobilisation. La Suisse fut épargnée au printemps 1940 uniquement par
169
lon. Ces tunnels sont puissamment minés. Beaucoup
d’
hommes ont juré de les faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe
170
ont puissamment minés. Beaucoup d’hommes ont juré
de
les faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe le sait, l’Axe co
171
mes ont juré de les faire sauter au premier signe
d’
invasion. L’Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense
172
L’Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse
de
défense. La ligne du Gothard a été déclarée comme ligne de retraite n
173
e. La ligne du Gothard a été déclarée comme ligne
de
retraite nationale. Certaines unités de l’armée doivent ralentir la p
174
mme ligne de retraite nationale. Certaines unités
de
l’armée doivent ralentir la pénétration des frontières, d’autres doiv
175
auveront du moins l’honneur du pays. Des extraits
d’
un récent discours prononcé à Berne par un colonel, devant un grand pu
176
nt un grand public, montre l’état d’esprit actuel
de
la Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui ne questionne jamais pour
177
qui ne défend pas son indépendance. Mais au-delà
de
tout calcul de gain ou de perte, il y a des valeurs morales. Il y a l
178
pas son indépendance. Mais au-delà de tout calcul
de
gain ou de perte, il y a des valeurs morales. Il y a l’idée fédéralis
179
épendance. Mais au-delà de tout calcul de gain ou
de
perte, il y a des valeurs morales. Il y a l’idée fédéraliste que nous
180
être adoré comme un Dieu. c. Rougemont Denis
de
, « La leçon de l’armée suisse », Journal suisse d’Égypte et du Proche
181
me un Dieu. c. Rougemont Denis de, « La leçon
de
l’armée suisse », Journal suisse d’Égypte et du Proche-Orient, Alexan
182
e, « La leçon de l’armée suisse », Journal suisse
d’
Égypte et du Proche-Orient, Alexandrie, 4 mars 1942, p. 1.
183
e polémique avec le mystère, il arrive à certains
de
s’oublier jusqu’à donner de l’amour une ou plusieurs définitions. Ah
184
il arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner
de
l’amour une ou plusieurs définitions. Ah ! puissions-nous aimer l’amo
185
int le connaître, mais limiter sa part dans notre
vie
, et nul amour ne peut survivre à cette méfiance ou à cette avarice an
186
rice anxieuse. Mais il est une manière imaginable
de
parler de l’amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de p
187
use. Mais il est une manière imaginable de parler
de
l’amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de phrases où
188
aginable de parler de l’amour sans malice : c’est
de
former quelques rythmes de phrases où l’indicible jette par moments u
189
ur sans malice : c’est de former quelques rythmes
de
phrases où l’indicible jette par moments une espèce d’émotion ou de g
190
rases où l’indicible jette par moments une espèce
d’
émotion ou de gêne, non qu’il soit dit ni même décrit par allusions ou
191
dicible jette par moments une espèce d’émotion ou
de
gêne, non qu’il soit dit ni même décrit par allusions ou par symboles
192
souveraine est annoncée par certain frémissement
de
l’assemblée des mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute élo
193
ce qui m’enflamme à parler. Rien ne peut être dit
de
l’amour même, mais rien non plus n’est dit que par l’amour, si toutef
194
nous apprend à sa manière que l’amour est le lieu
d’
un mutisme sacré. Angérone, déesse du Silence : on croit qu’elle avait
195
: on croit qu’elle avait sa statue dans le temple
de
la Volupté. Et certains pensent qu’elle est la même que la déesse Vol
196
e la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours
de
ce colloque. La Volupté n’est pas le plaisir même, mais l’imaginatio
197
gination active du désir qui lentement s’approche
de
son terme. Quand le désir s’empare d’un homme, il arrive qu’il le ren
198
s’approche de son terme. Quand le désir s’empare
d’
un homme, il arrive qu’il le rende muet. Il arrive même que le désir s
199
me. À tel point que l’homme ne retrouvera l’usage
de
la parole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté sera
200
. La volupté serait un phénomène analogue à celui
de
l’hypnose : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des
201
phénomène analogue à celui de l’hypnose : un état
de
l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet
202
alogue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou
de
l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet unique et d
203
Que cette hypnose soit en quelque mesure — celle
de
l’esprit — indépendante de l’instinct, c’est ce qu’induisent à suppos
204
quelque mesure — celle de l’esprit — indépendante
de
l’instinct, c’est ce qu’induisent à supposer les deux observations su
205
observations suivantes : l’extrême concentration
de
l’attention sur un objet non corporel, œuvre d’art ou pensée d’un ord
206
sur un objet non corporel, œuvre d’art ou pensée
d’
un ordre difficile, peut échouer comme par court-circuit dans le plais
207
le plaisir ; tandis qu’un débauché vulgaire gémit
d’
avoir perdu la volupté. L’homme du désir : il ne peut aimer qu’indéfi
208
e des yeux, dès qu’ils ont accepté tout le regard
de
l’autre : sentiment comparable au vertige. Le jugement peut rester li
209
ndes, elle dépasse le temps, s’approche des bords
d’
une immobilité sans fond où elle se penche… Maintenant un seul œil est
210
il vient à perdre toute expression, regard absolu
de
l’angoisse. Si l’un s’écarte à ce moment, les voici vacillants comme
211
arte à ce moment, les voici vacillants comme hors
d’
eux-mêmes. Alors il lui saisit la tête entre ses bras, et la contemple
212
ssance est interdite. Et c’est l’approche du viol
de
l’interdit qui impose aux amants leur silence, fascination de l’horre
213
t qui impose aux amants leur silence, fascination
de
l’horreur sacrée, attirance de l’effroi mortel. Dans le silence du dé
214
lence, fascination de l’horreur sacrée, attirance
de
l’effroi mortel. Dans le silence du désir, la possession a fait une b
215
du désir, la possession a fait une brusque rumeur
de
vagues affrontées et hostiles. Maintenant, l’onde lisse et basse d’un
216
es et hostiles. Maintenant, l’onde lisse et basse
d’
un temps nouveau nous environne. Ceux qui n’aiment point la femme qu’i
217
ment du plus violent amour qu’il nous est accordé
de
concevoir un absolu, mais sous la forme de l’inaccessible. Atteintes
218
ccordé de concevoir un absolu, mais sous la forme
de
l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance du désir,
219
me de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites
de
la puissance du désir, sur la solitude égarée du couple, Éros pose en
220
ne un désespoir glacial : vous n’irez pas au-delà
de
votre union. Ô silence des astres ! Fondues nos âmes ? Deux corps s’e
221
se divise en ses ombres. Ainsi passent les heures
d’
avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorphoses indici
222
nt les heures d’avant l’aube, dans le dépaysement
de
l’âme et les métamorphoses indicibles. Lui s’éveille parfois tout à f
223
tre, mais que cet être accède ensuite au commerce
de
ses semblables, qu’à son tour il les aime, les possède ! Ainsi par un
224
ur il les aime, les possède ! Ainsi par une suite
de
vertiges, multipliant la splendeur amoureuse, par mille étreintes suc
225
jouissance imaginaire et désespérément consciente
de
l’Être. L’aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénom
226
L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme
d’
un regard. Un corps auprès du mien respire, mémoire pesante de l’incom
227
Un corps auprès du mien respire, mémoire pesante
de
l’incommensurable nuit. Nous n’irons pas au-delà de nous-mêmes. Mais
228
l’incommensurable nuit. Nous n’irons pas au-delà
de
nous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étreinte, n’est-ce point le
229
as au-delà de nous-mêmes. Mais dans cette défaite
de
l’étreinte, n’est-ce point le souvenir du seul désert que désormais n
230
désert que désormais nous chercherons ? Au terme
de
la fuite, nous ne toucherons jamais qu’un impossible fascinant. Et no
231
scinant. Et nous vivrons dès lors dans le vertige
de
nous détruire au contact de cet infini, plus puissant que la joie et
232
lors dans le vertige de nous détruire au contact
de
cet infini, plus puissant que la joie et la douleur. Dans le vertige
233
issant que la joie et la douleur. Dans le vertige
de
revenir toucher cet absolu, sensible à celui seul qui l’éprouve jusqu
234
à l’épouvante : l’être que nous formons au sommet
de
l’amour, et qui meurt à l’instant où il naît. Tout notre platonisme
235
aît. Tout notre platonisme échoue dans l’instant
de
l’étreinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change de signe. On voi
236
treinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change
de
signe. On voit soudain que le désir était le dialogue des corps, tand
237
t la conscience, et le sérieux, et la réalité des
vies
au jour. Nous sommes deux. Il n’y a que deux philosophies : celle du
238
a que deux philosophies : celle du désir et celle
de
l’acte ; ou encore, il n’y a que deux doctrines : celle du silence et
239
a que deux doctrines : celle du silence et celle
de
la parole. La négation du désir amoureux par l’acte même qui l’accomp
240
i l’accomplit, c’est le signe physique, originel,
de
l’infinie contradiction que nous souffrons. Le désir divinise, l’acte
241
acte rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil
de
l’amour qui sera notre tâche sérieuse. Quittons ce temple où dorment
242
arlons le langage du Jour. d. Rougemont Denis
de
, « Angérone », VVV, New York, mars 1943, p. 69-70.
243
ions un peu, et pensions le connaître. La lecture
de
ses papiers posthumes nous le révèle bien différent. Il fallait certe
244
ue trahit son journal intime. Peut-être le secret
d’
une différence aussi curieuse est-il caché dans les passages de ces ca
245
nce aussi curieuse est-il caché dans les passages
de
ces cahiers que nous allons transcrire ici. De ces fragments de dates
246
es de ces cahiers que nous allons transcrire ici.
De
ces fragments de dates diverses, l’on ne verra point se dégager de co
247
que nous allons transcrire ici. De ces fragments
de
dates diverses, l’on ne verra point se dégager de conclusions tout à
248
de dates diverses, l’on ne verra point se dégager
de
conclusions tout à fait claires : il y a trop de contradictions. Mais
249
de conclusions tout à fait claires : il y a trop
de
contradictions. Mais c’est ce qui peut intéresser. Une attitude aussi
250
es lecteurs. Or il se peut que ce soit l’attitude
de
la plupart des écrivains modernes.) J’ai vécu pour la gloire — dit l
251
, si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir
de
lui être utile et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour les a
252
’amour du prochain, le désir de lui être utile et
de
mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour les autres, et mon existen
253
vous l’appelez, le prochain, cette grande source
d’
iniquité et de mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de K
254
z, le prochain, cette grande source d’iniquité et
de
mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rê
255
al ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans
de
Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et la
256
ais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves
de
combler de bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et la Paix.) Cette page m’
257
sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler
de
bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et la Paix.) Cette page m’avait sédui
258
épris du prochain. Le Prince André n’a pas trouvé
de
prochains, car il n’a cherché qu’un public. C’est le public qui donne
259
i a vraiment aimé son prochain, n’en n’a pas reçu
de
gloire et n’en demandait point. Aussi ne pense-t-elle pas qu’elle a «
260
t. Aussi ne pense-t-elle pas qu’elle a « perdu sa
vie
». Liszt à la fin d’un concert triomphal, s’incline et prononce à mi-
261
le pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin
d’
un concert triomphal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je suis le s
262
e. Et ceux qui ne la briguent point risquent fort
de
se rendre antipathiques. Jamais la foule n’a jugé ridicule que l’on a
263
foule n’a jugé ridicule que l’on affiche un amour
de
la gloire même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne tient pou
264
glorieux que ceux qui prennent le soin de parler
de
leur gloire. Chateaubriand eut de la gloire, mais non Stendhal. Madam
265
soin de parler de leur gloire. Chateaubriand eut
de
la gloire, mais non Stendhal. Madame de Staël en eut, mais non Consta
266
tends que son pouvoir et sa grandeur ne dépendent
d’
aucune raison, et paraissent même n’en point souffrir. Fama crescit eu
267
entia famam. Toute gloire est donc aliénée. Celle
d’
un Chateaubriand n’est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui l
268
non point tel que me désire leur goût sentimental
de
« l’Art ». Mais comme tout se complique et se retourne ! Celui qui ve
269
Celui qui veut la gloire, est-ce qu’il manquerait
d’
orgueil ? Serait-il plus humble que moi ? Et l’orgueilleux que je suis
270
eilleux que je suis, ne donne-t-il pas une preuve
d’
amour à son audience en exigeant d’elle plus de noblesse ? Dire : je n
271
pas une preuve d’amour à son audience en exigeant
d’
elle plus de noblesse ? Dire : je néglige la gloire, c’est dire : je v
272
ve d’amour à son audience en exigeant d’elle plus
de
noblesse ? Dire : je néglige la gloire, c’est dire : je vous néglige,
273
vous néglige, vous qui donnez la gloire pour prix
d’
une complaisance. Mais c’est dire aussi : je vous aime, puisque je vou
274
veut la gloire telle que lui seul serait capable
de
se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de
275
erait capable de se la décerner ? L’idée moderne
de
la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui q
276
L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on,
de
la Renaissance. Glorieux est celui qui s’affirme en différant, bien p
277
réquents dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin
de
la gloire est donc né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le
278
xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né
d’
une sorte de maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du
279
.) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte
de
maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du prochain. L’
280
rte de maladie du sens social. C’est le contraire
de
l’amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’a plus souci
281
er. Il cherche des admirateurs, des confirmateurs
de
son être. C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou d’une comm
282
, des confirmateurs de son être. C’est que l’acte
de
s’écarter d’une communion ou d’une communauté, écarte aussi de soi, e
283
ateurs de son être. C’est que l’acte de s’écarter
d’
une communion ou d’une communauté, écarte aussi de soi, et l’on éprouv
284
C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou
d’
une communauté, écarte aussi de soi, et l’on éprouve alors le besoin d
285
d’une communion ou d’une communauté, écarte aussi
de
soi, et l’on éprouve alors le besoin de se faire confirmer. Un homme
286
rte aussi de soi, et l’on éprouve alors le besoin
de
se faire confirmer. Un homme en communion active avec les hommes qui
287
res. Ainsi les héros et les rois sont les auteurs
de
leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien. Et ce qu’ils donnent fa
288
; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire
d’
un homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Alexandre exe
289
c’est une rumeur, c’est une publicité, une espèce
d’
inflation provisoire. Elle n’est pas grande, mais exagérée, mobile, ne
290
ssentie comme flatteuse. C’est donc quelque chose
de
vulgaire. De fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne pui
291
flatteuse. C’est donc quelque chose de vulgaire.
De
fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne puisse démontrer
292
que chose de vulgaire. De fait, je ne connais pas
de
gloire moderne dont on ne puisse démontrer par quels moyens elle fut
293
quels moyens elle fut acquise : toujours au prix
d’
une vulgarité. (Zones de bassesse chez d’Annunzio ; c’est là, non pas
294
cquise : toujours au prix d’une vulgarité. (Zones
de
bassesse chez d’Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté de son œu
295
au prix d’une vulgarité. (Zones de bassesse chez
d’
Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté de son œuvre, que s’est co
296
hez d’Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté
de
son œuvre, que s’est constituée sa gloire.) Et cependant, je me suis
297
depuis toujours, moi seul. Un dieu n’a pas besoin
d’
adorateurs pour rayonner et se réjouir de son être. Oui, c’est bien là
298
s besoin d’adorateurs pour rayonner et se réjouir
de
son être. Oui, c’est bien là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloi
299
ouir de son être. Oui, c’est bien là le privilège
d’
un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que l’incognito ? Il y a là qu
300
st-ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a
de
la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’
301
se. Mais ne serait-ce pas aussi le meilleur moyen
de
sauver son incognito en se donnant l’air, précisément, d’y renoncer ?
302
r son incognito en se donnant l’air, précisément,
d’
y renoncer ? Autre avantage de la gloire : elle confère le droit d’êtr
303
l’air, précisément, d’y renoncer ? Autre avantage
de
la gloire : elle confère le droit d’être banal. Tant pis si beaucoup
304
tre avantage de la gloire : elle confère le droit
d’
être banal. Tant pis si beaucoup en abusent… Hypothèse : l’expérience
305
coup en abusent… Hypothèse : l’expérience intime
de
la gloire précède toujours sa manifestation. L’ambitieux ne vaut rie
306
peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire
de
la comparaison. Beaucoup d’hommes n’imaginent pas qu’on puisse avoue
307
reste sous l’empire de la comparaison. Beaucoup
d’
hommes n’imaginent pas qu’on puisse avouer sa vanité, ou bien ils croi
308
à feindre ? La plus sotte vanité étant assurément
d’
essayer de faire croire qu’on n’en a point. Si l’on condamne sa propre
309
? La plus sotte vanité étant assurément d’essayer
de
faire croire qu’on n’en a point. Si l’on condamne sa propre vanité, l
310
pre vanité, le mieux pour s’en débarrasser serait
d’
en parler ouvertement. Comme un menteur qui dirait : « Je vous avertis
311
, et je ne l’avoue jamais, — je fais le modeste —
d’
où vient cette pudeur ? Je ne veux pas la gloire pour vous éblouir, vo
312
ue je suis, et si vous appreniez un jour que j’ai
de
la gloire, que sauriez-vous alors d’essentiel que dès maintenant vous
313
our que j’ai de la gloire, que sauriez-vous alors
d’
essentiel que dès maintenant vous ne sachiez ? Ou c’est que vous vous
314
c que « gloire », dont la prononciation, pour peu
d’
emphase que j’y prête, me fait venir les larmes aux yeux ? Gloire et l
315
ord clamé, ou cet instant plutôt qui est au seuil
de
sa résolution fondamentale — quel est ce seuil, et que nous ouvrent,
316
ieu. Ce serait là, pourtant, ma vérité, la vérité
de
mon mensonge. Est-ce à cause que mon nom est : mensonge, que je voudr
317
s’oppose à ma gloire, et qui me sauve malgré moi
de
mon triomphe. Il n’y a qu’un seul Dieu, celui qui dit Je suis. Ce ser
318
a tout, et tout sera. Ainsi, ô Dieu, délivrez-moi
de
la gloire ! Mais cette prière m’émeut encore comme la gloire ! 1938
319
re comme la gloire ! 1938 e. Rougemont Denis
de
, « La gloire », VVV, New York, mars 1943, p. 71-73.
320
943)f g L’Amérique m’a fait prendre conscience
de
bien des choses qui allaient de soi dans notre Europe, et qui me sont
321
contraire, ici, qui va de soi. Parmi la douzaine
de
bouquins que j’ai pu emporter de Paris, il y avait le Journal d’André
322
armi la douzaine de bouquins que j’ai pu emporter
de
Paris, il y avait le Journal d’André Gide. Chaque fois que j’en relis
323
j’ai pu emporter de Paris, il y avait le Journal
d’
André Gide. Chaque fois que j’en relis quelques pages, je suis frappé
324
ges, je suis frappé par le souci qu’y montre Gide
d’
une écriture durable et d’une œuvre d’avenir. Il n’accepte de rompre a
325
souci qu’y montre Gide d’une écriture durable et
d’
une œuvre d’avenir. Il n’accepte de rompre avec une tradition que pour
326
montre Gide d’une écriture durable et d’une œuvre
d’
avenir. Il n’accepte de rompre avec une tradition que pour en fonder u
327
ure durable et d’une œuvre d’avenir. Il n’accepte
de
rompre avec une tradition que pour en fonder une nouvelle, qui se rév
328
ui se révélera sans doute conforme à la tradition
de
la langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’inclure l’actual
329
a langue, à son génie le plus vivace. Gide craint
d’
inclure l’actualité dans un ouvrage, parce que c’est elle qui risque d
330
dans un ouvrage, parce que c’est elle qui risque
de
vieillir en premier lieu. Ce souci, cette arrière-pensée, sont étrang
331
isse, au maximum, dans le plus court délai. Signe
de
santé d’une culture. Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain
332
maximum, dans le plus court délai. Signe de santé
d’
une culture. Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain n’existe
333
tive, on pourrait appeler journalistes bon nombre
d’
excellents auteurs américains. Ils n’y verraient, à juste titre, aucun
334
ournalisme un art par une révolution trop ignorée
de
l’Europe. Un art qui n’exclut pas une poésie très drue, et qui possèd
335
rès drue, et qui possède une rhétorique, un « art
de
persuader » étrangement efficace. La connaissance de ses règles techn
336
persuader » étrangement efficace. La connaissance
de
ses règles techniques permet de pénétrer certains secrets de la litté
337
. La connaissance de ses règles techniques permet
de
pénétrer certains secrets de la littérature contemporaine de ce pays.
338
es techniques permet de pénétrer certains secrets
de
la littérature contemporaine de ce pays. Secrets de style et de compo
339
certains secrets de la littérature contemporaine
de
ce pays. Secrets de style et de composition. La rhétorique française
340
la littérature contemporaine de ce pays. Secrets
de
style et de composition. La rhétorique française veut qu’un discours,
341
ure contemporaine de ce pays. Secrets de style et
de
composition. La rhétorique française veut qu’un discours, un essai ou
342
. Elle considère comme un poids mort nos formules
de
présentation ou de congé. Un article de magazine américain commence p
343
mme un poids mort nos formules de présentation ou
de
congé. Un article de magazine américain commence presque obligatoirem
344
formules de présentation ou de congé. Un article
de
magazine américain commence presque obligatoirement par une anecdote
345
ement par une anecdote étonnante, une énumération
de
faits bruts, ou quelques chiffres impressionnants. C’est la Catch Phr
346
h Phrase, la phrase-qui-attrape et qui vous jette
de
but en blanc dans l’humanité vive du sujet, saisi par son côté sensat
347
he à vous convaincre par la rigueur ou l’élégance
de
ses déductions, l’écrivain américain cherche à vous entraîner par la
348
vous entraîner par la dramatisation (Dramatizing)
de
sa matière. Le style français triomphe dans la litote et le raccourci
349
et le raccourci, le style américain dans l’effet
de
choc ou d’accumulation lyrique. L’un s’attache à la construction stat
350
ourci, le style américain dans l’effet de choc ou
d’
accumulation lyrique. L’un s’attache à la construction statique, l’aut
351
uch, sont régulièrement préférés par un directeur
de
revue américaine à la « formule heureuse » condensant et généralisant
352
et généralisant des observations que l’on néglige
de
rapporter en détail. Au séminaire de Short Stories (histoires brèves,
353
l’on néglige de rapporter en détail. Au séminaire
de
Short Stories (histoires brèves, nouvelles) d’une grande université a
354
re de Short Stories (histoires brèves, nouvelles)
d’
une grande université américaine, on enseigne aux étudiants à éviter t
355
éprouve au moment où ses semelles-crêpe marquent
d’
une empreinte poussiéreuse le moelleux tapis du hall d’entrée, etc. Ex
356
empreinte poussiéreuse le moelleux tapis du hall
d’
entrée, etc. Exemple caricatural d’un mode d’expression qui donnerait,
357
tapis du hall d’entrée, etc. Exemple caricatural
d’
un mode d’expression qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page
358
s du hall d’entrée, etc. Exemple caricatural d’un
mode
d’expression qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page de Faul
359
hall d’entrée, etc. Exemple caricatural d’un mode
d’
expression qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page de Faulkne
360
qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page
de
Faulkner, un poème ; avec moins de talent, un long roman. De cet ouvr
361
lent, une page de Faulkner, un poème ; avec moins
de
talent, un long roman. De cet ouvrage, la critique américaine ne dira
362
, un poème ; avec moins de talent, un long roman.
De
cet ouvrage, la critique américaine ne dira pas souvent : c’est bien
363
crit, mais plutôt : c’est effective, agissant. Et
d’
une idée l’on ne demandera pas seulement qu’elle soit juste, mais qu’e
364
cune autre à l’expression du dynamisme aventureux
de
notre siècle. Entre la sensation et le sensationnel, elle fait preuve
365
la sensation et le sensationnel, elle fait preuve
d’
un incomparable pouvoir d’émotion. Mais elle attend encore son style i
366
onnel, elle fait preuve d’un incomparable pouvoir
d’
émotion. Mais elle attend encore son style intellectuel. J’ai tenté de
367
attend encore son style intellectuel. J’ai tenté
de
définir deux attitudes. Comment juger ? De la littérature qui veut ag
368
tenté de définir deux attitudes. Comment juger ?
De
la littérature qui veut agir dans l’immédiat, ou de celle qui se préo
369
la littérature qui veut agir dans l’immédiat, ou
de
celle qui se préoccupe davantage de durer, laquelle a le plus de chan
370
’immédiat, ou de celle qui se préoccupe davantage
de
durer, laquelle a le plus de chance d’avenir dans le monde où nous al
371
préoccupe davantage de durer, laquelle a le plus
de
chance d’avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je n’en sais ri
372
davantage de durer, laquelle a le plus de chance
d’
avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je n’en sais rien. Mais j
373
’écrivain américain ont beaucoup à apprendre l’un
de
l’autre. Ils m’apparaissent complémentaires comme la virilité et la f
374
es plus féconds échanges entre ces deux principes
de
toute civilisation, que polarisent nos deux littératures : tradition
375
et actualité, mise en ordre et mise en mouvement.
De
leur alliance naît la Liberté. f. Rougemont Denis de, « Rhétorique
376
r alliance naît la Liberté. f. Rougemont Denis
de
, « Rhétorique américaine », Fontaine, Alger, juin–juillet 1943, p. 15
377
g. L’édition numérique se fonde sur la réédition
de
1945, p. 2-4.
378
Mémoire
de
l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)h
379
Mémoire de l’Europe : Fragments
d’
un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)h I. — Le bon vieux
380
qui vient de mourir. Europe du sentiment, patrie
de
nostalgie de tous ceux qu’a touchés le romantisme — encore un paradis
381
mourir. Europe du sentiment, patrie de nostalgie
de
tous ceux qu’a touchés le romantisme — encore un paradis perdu ! Mais
382
ils naissent à l’heure où on les perd. Souvenirs
de
Salzbourg et de Prague, Mozart et Rilke, et la Vienne de Schubert — à
383
l’heure où on les perd. Souvenirs de Salzbourg et
de
Prague, Mozart et Rilke, et la Vienne de Schubert — à l’heure où somb
384
vois s’élever rayonnants dans la lueur éternisée
d’
un soir d’été, après l’orage, avant la nuit, dans une gloire déchirant
385
ever rayonnants dans la lueur éternisée d’un soir
d’
été, après l’orage, avant la nuit, dans une gloire déchirante et délic
386
déchirante et délicieuse comme les secondes voix
de
Schumann. Un mythe nouveau prend son essor au sein même de la catastr
387
nn. Un mythe nouveau prend son essor au sein même
de
la catastrophe. Tout un âge, un climat de musiques, soudain se fixe e
388
in même de la catastrophe. Tout un âge, un climat
de
musiques, soudain se fixe en nos mémoires, s’idéalise. Un « bon vieux
389
, ce fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs
de
notre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’un coup, est encor
390
notre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout
d’
un coup, est encore plus proche : c’est l’an passé, c’est avant-hier,
391
is oui, peut-être vivons-nous, ici, dans ce Paris
de
mars 1939, les derniers jours du bon vieux temps européen. Jours de s
392
derniers jours du bon vieux temps européen. Jours
de
sursis d’une liberté dont nous avions à peine conscience, parce qu’el
393
ours du bon vieux temps européen. Jours de sursis
d’
une liberté dont nous avions à peine conscience, parce qu’elle était n
394
parce qu’elle était notre manière toute naturelle
de
respirer et de penser, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis,
395
tait notre manière toute naturelle de respirer et
de
penser, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs pe
396
manière toute naturelle de respirer et de penser,
d’
aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs personnels… C
397
le de respirer et de penser, d’aller et venir, et
d’
entretenir nos soucis, nos plaisirs personnels… Combien de temps encor
398
enir nos soucis, nos plaisirs personnels… Combien
de
temps encore, combien de semaines pourrons-nous goûter ce répit, et s
399
sirs personnels… Combien de temps encore, combien
de
semaines pourrons-nous goûter ce répit, et sentir que nous prolongeon
400
ns une existence que nos fils appelleront douceur
de
vivre ? Déjà nous éprouvons que le monde a glissé dans une ère étrang
401
sé dans une ère étrange et brutale, où ces formes
de
vie qui sont encore les nôtres ne peuvent plus apprivoiser le destin.
402
dans une ère étrange et brutale, où ces formes de
vie
qui sont encore les nôtres ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soi
403
ais aussi bien chez les voisins qu’elles secouent
d’
un défi grossier. La liberté ne peut survivre à de tels chocs. Car ell
404
d’un défi grossier. La liberté ne peut survivre à
de
tels chocs. Car elle est vraiment comme un rêve, un rêve heureux où l
405
vec aisance, gardant parfois l’arrière-conscience
d’
un miracle. Elle est encore une œuvre d’art qui n’agit que par l’atmos
406
r : il y faut ce climat sentimental, cette espèce
de
naturel qui naît d’une entente tacite, d’une confiance, presque d’une
407
mat sentimental, cette espèce de naturel qui naît
d’
une entente tacite, d’une confiance, presque d’une insouciance… C’est
408
espèce de naturel qui naît d’une entente tacite,
d’
une confiance, presque d’une insouciance… C’est tout cela que vient de
409
ît d’une entente tacite, d’une confiance, presque
d’
une insouciance… C’est tout cela que vient de mettre en question l’usu
410
isme à sa manière, le charme est détruit dans nos
vies
. Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelques i
411
lle et goûte encore quelques instants les délices
d’
un rêve inachevé. Mais il sait bien que c’est fini. Brève dispense, le
412
ait bien que c’est fini. Brève dispense, le temps
d’
un peu se souvenir… Il faut se lever. Il faut entrer résolument dans l
413
réservant, s’il se peut, dans nos cœurs, ce droit
d’
aimer, cette bonté humaine plus inutile que jamais, dominatrice et baf
414
natrice et bafouée. II. — Le dernier printemps
de
la paix En Suisse, 2 mai 1939 Combien oseraient avouer que cette m
415
t avouer que cette menace leur rend enfin le goût
de
vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent de désir pour leurs biens qu’à la
416
in le goût de vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent
de
désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Déshérités aussi
417
prouvent de désir pour leurs biens qu’à la veille
de
les perdre. Déshérités aussi, qui ne retrouvent l’espoir qu’au seuil
418
n connais qui ne parviennent à leur régime normal
de
vie (comme un moteur prend son régime normal à tant à l’heure) que da
419
onnais qui ne parviennent à leur régime normal de
vie
(comme un moteur prend son régime normal à tant à l’heure) que dans l
420
nt des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin
d’
être provoqué pour montrer de quoi l’on est capable est si profond, pe
421
s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montrer
de
quoi l’on est capable est si profond, peut-être si normal, que j’en v
422
rivain, Il est admis que ces gens-là ont le droit
de
dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de l
423
soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme
de
la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus cour
424
t général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue
de
cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courageux ? Ma
425
qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou
de
lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courageux ? Mais non. Ils so
426
t jamais… Paris, 12 mai 1939 Quatrième changement
de
domicile depuis le début de cette année. « Étranger et voyageur sur l
427
Quatrième changement de domicile depuis le début
de
cette année. « Étranger et voyageur sur la terre », ainsi pensais-je
428
ainsi pensais-je d’autres fois, dans ces périodes
de
nomadisme involontaire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état d
429
aire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état
de
mobilisation permanente, préventive… Militarisation de nos pensées, d
430
bilisation permanente, préventive… Militarisation
de
nos pensées, de nos images. Hier, dans l’autobus, une petite dame ass
431
nente, préventive… Militarisation de nos pensées,
de
nos images. Hier, dans l’autobus, une petite dame assise devant moi s
432
se devant moi s’écrie, voyant s’abattre une pluie
d’
orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’ét
433
ai 1939 La grande ville traversée dans la fatigue
d’
un soir pluvieux. Paris, souffrance des visages et des corps, exercice
434
ance des visages et des corps, exercice perpétuel
de
charité dans une atmosphère exténuante, hâte, érotisme, énervement. P
435
t la vérité n’apparaît que dans cet environnement
de
lueurs fuyantes, d’activités apparemment désordonnées, de phrases ent
436
ît que dans cet environnement de lueurs fuyantes,
d’
activités apparemment désordonnées, de phrases entendues au passage, d
437
s fuyantes, d’activités apparemment désordonnées,
de
phrases entendues au passage, d’infinis croisements d’existences étra
438
nt désordonnées, de phrases entendues au passage,
d’
infinis croisements d’existences étrangères. Paris propose une liberté
439
rases entendues au passage, d’infinis croisements
d’
existences étrangères. Paris propose une liberté et un danger, une rév
440
e une liberté et un danger, une révélation totale
de
l’humain dans tous ses risques matériels et spirituels, impossible ai
441
ques matériels et spirituels, impossible ailleurs
de
nos jours, et peut-être à toute autre époque. Imaginer là-dessus un l
442
ait avoué, horreur et charme, à travers la vision
d’
un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les mé
443
me, à travers la vision d’un saint qui vivrait sa
vie
consacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de
444
s rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant
de
cette église ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien de ce t
445
ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien
de
ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans un sil
446
r, où la Sainte-Cène est partagée dans un silence
de
catacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la foule et trave
447
eillent sur son passage, il n’y a plus nulle part
d’
indifférence possible ! Ici, le Christ reste le Scandale, l’Autre, l’A
448
’être touchant, bizarre ou monstrueux que chacun
de
nous dissimule. Alors, on verrait le réel, alors on cesserait de haïr
449
le. Alors, on verrait le réel, alors on cesserait
de
haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui g
450
n verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou
d’
être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au t
451
cesserait de haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou
de
s’inquiéter des rumeurs qui glissent au travers de propos superficiel
452
rficiellement passionnés… Et l’on cesserait aussi
de
redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là où chacun
453
militaire à la frontière Écouté la radio : opéra
de
Mozart. Et dans une seule bouffée, toutes ces nuits de Vienne, élégan
454
zart. Et dans une seule bouffée, toutes ces nuits
de
Vienne, élégantes passions égarées, musique aux jardins jusqu’à l’aub
455
ées, musique aux jardins jusqu’à l’aube… Un quart
de
tour, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est la fin d’un commun
456
rdins jusqu’à l’aube… Un quart de tour, nouvelles
de
la bataille des Flandres, c’est la fin d’un communiqué, régions perdu
457
uvelles de la bataille des Flandres, c’est la fin
d’
un communiqué, régions perdues encore, régions perdues dans le passé e
458
e rétrécissent vers la catastrophe. Il n’est plus
d’
autre issue que la nuit, mais viendra-t-elle après ma mort ou avec ell
459
ore presque aussi vaste que la terre, se rétrécit
de
jour en jour et d’heure en heure, à chaque fois que j’allume cet œil
460
aste que la terre, se rétrécit de jour en jour et
d’
heure en heure, à chaque fois que j’allume cet œil vert — pays perdus,
461
aurions-nous mieux le vivre, augmenté du souvenir
de
sa perte ? Mais le passé ne reviendra jamais, ce bon vieux temps que
462
ous devons vivre encore… À quoi pensent-ils, ceux
de
la bataille ? Ont-ils de ces retours soudains vers des moments de ten
463
À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont-ils
de
ces retours soudains vers des moments de tendresse banale ? Ils devie
464
Ont-ils de ces retours soudains vers des moments
de
tendresse banale ? Ils deviendraient fous de révolte… Ils en ont, ils
465
ents de tendresse banale ? Ils deviendraient fous
de
révolte… Ils en ont, ils en ont sûrement quand ils s’endorment épuisé
466
re encore ! ils en ont au réveil, affreux bonheur
d’
une illusion rapide, où suis-je ? Déjà tout recommence, sans relâche,
467
e désespoir en plein midi, — ou la reconnaissance
de
l’unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de la radio produisi
468
l’unique nécessaire ? IV. La vulgarisation
de
la radio produisit durant cette guerre une conséquence fort imprévue
469
nséquence fort imprévue : elle empêcha les hommes
de
se rendre compte de l’ampleur et de la rapidité des bouleversements q
470
vue : elle empêcha les hommes de se rendre compte
de
l’ampleur et de la rapidité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux
471
ha les hommes de se rendre compte de l’ampleur et
de
la rapidité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux mois de mai et d
472
ité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux mois
de
mai et de juin 1940, on entendait répéter constamment : « Je viens d’
473
uleversements qu’ils vivaient. Aux mois de mai et
de
juin 1940, on entendait répéter constamment : « Je viens d’écouter la
474
40, on entendait répéter constamment : « Je viens
d’
écouter la radio. Rien de nouveau, toujours les mêmes histoires, pas d
475
ien de nouveau, toujours les mêmes histoires, pas
de
décision… » Le monde était en train de changer de face d’un jour à l’
476
de décision… » Le monde était en train de changer
de
face d’un jour à l’autre, mais on le regardait d’heure en heure, de t
477
ion… » Le monde était en train de changer de face
d’
un jour à l’autre, mais on le regardait d’heure en heure, de trop près
478
de face d’un jour à l’autre, mais on le regardait
d’
heure en heure, de trop près, on ne le voyait pas… V. — Lisbonne
479
à l’autre, mais on le regardait d’heure en heure,
de
trop près, on ne le voyait pas… V. — Lisbonne 10 septembre 1940
480
mbre 1940 Blanche et bleue dans l’immense lumière
de
la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquants et ses rues d
481
ons pour l’Amérique. Mais ici, je fais le serment
d’
opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la Vie, toujo
482
ser une stricte mémoire à la candeur intarissable
de
la Vie, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore cont
483
e stricte mémoire à la candeur intarissable de la
Vie
, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore continuer.
484
candeur intarissable de la Vie, toujours pressée
d’
imaginer un monde où tout peut encore continuer. J’ai vu la civilisati
485
il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne
de
cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le dém
486
ait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et
d’
esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le
487
’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit, incapable
de
retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai
488
iaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières
de
la Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant des terres abandonné
489
andonnées du Nord, et que nos paysans s’efforcent
d’
arrêter avant qu’elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les
490
renaître les paniques dévastatrices du ve siècle
de
notre ère. Et je songe au bastion que mon pays élève autour du massif
491
rt, cœur mystérieux du continent, dernier symbole
d’
une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous,
492
ommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai
de
grâce ! VI. — Souvenir de la paix française En Amérique, novemb
493
dons pas notre délai de grâce ! VI. — Souvenir
de
la paix française En Amérique, novembre 1940 Périgny… C’était bien
494
était bien ce nom-là ? Un long village en bordure
de
la route. D’un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre el
495
nom-là ? Un long village en bordure de la route.
D’
un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles s’élevaie
496
te. D’un côté, les maisons dominaient une vallée,
de
l’autre elles s’élevaient à peine d’un étage au-dessus des champs de
497
une vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine
d’
un étage au-dessus des champs de roses et des blés, au bord du plateau
498
élevaient à peine d’un étage au-dessus des champs
de
roses et des blés, au bord du plateau de la Brie. Je montais vers Pér
499
s champs de roses et des blés, au bord du plateau
de
la Brie. Je montais vers Périgny par un sentier fort raide entre les
500
entier fort raide entre les ronces, aboutissant à
de
vieux escaliers. Une seule rangée de maisons à traverser, et l’on par
501
boutissant à de vieux escaliers. Une seule rangée
de
maisons à traverser, et l’on parvient à la grand-rue : comme elle est
502
à la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits
d’
ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge, patinée
503
même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une
de
ces voitures branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur les ro
504
nt ne pouvoir rouler que sur les routes écartées,
d’
une ferme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’appar
505
au marché le plus proche. Nulle part au monde la
vie
n’apparaît si discrète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là n’est q
506
tin. Je longeais cette rue silencieuse, imaginant
d’
y vivre un jour dans une fermette aux volets pâles, sans adresse, au r
507
ne route prend à droite, vers la plaine, escortée
de
quelques maisons ; l’autre s’incline lentement vers la vallée, dans l
508
blés. J’étais là fasciné comme par la découverte
d’
un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce village aux volets
509
is là fasciné comme par la découverte d’un secret
de
pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce village aux volets clos. Imagi
510
e d’un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret
de
ce village aux volets clos. Imaginant une idylle muette. Celui qui re
511
tils sont là, contre le mur. Il reprend le chemin
de
son champ. En passant au carrefour, il s’est dit : « Peut-être est-el
512
: « Peut-être est-elle à Mandres, c’est donc jour
de
marché. » Il a écrit ces mots. Elle saura bien. Il a rejoint l’usage
513
a rejoint l’usage du pays, l’intimité des choses
de
toujours. Et le moindre signe suffît. Je suis redescendu vers la vall
514
e signe suffît. Je suis redescendu vers la vallée
de
l’Yerre, qui coule entre des saules et des peupliers blancs. Il faisa
515
iers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron
de
la route sentait plus fort que les champs de roses, et des nuages noi
516
dron de la route sentait plus fort que les champs
de
roses, et des nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai su, plus
517
is fait mes adieux à la France. VII. — Mémoire
de
l’Europe 1943 Je ne savais pas que tout était si près là-bas. J’ét
518
is parmi les signes. Sédiments séculaires, socles
de
nos patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’é
519
ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier
de
nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée
520
s qui tournaient doucement vers une place plantée
d’
arbres et déserte, aux rendez-vous manqués où je me retrouvais… « Je t
521
. J’aime ! » J’ai tout dit. L’Europe était patrie
d’
amour. Le silence attendait, l’absence était profonde, et chaque être
522
questionnait, répondait. La force était au secret
de
nos vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la con
523
nnait, répondait. La force était au secret de nos
vies
, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la contemplatio
524
ne obscure, ou bien dans la contemplation jalouse
d’
un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et not
525
e d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps
de
notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait
526
e était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin
d’
une journée qui se liait aux autres… (Quand ta force devient visible,
527
, c’est comme le sang, c’est que tu es blessé, ta
vie
s’en va). La force était mémoire et allusion, elle était ce vieil arb
528
ceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté
d’
un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… Quand je me
529
é d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs
de
l’amour… Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe e
530
la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en
vie
tant de passé, et garder tant de morts dans la présence, elle ne cess
531
nt de morts dans la présence, elle ne cessera pas
d’
engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. h. Rougemont Denis de, « Mémo
532
elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise
d’
avenir. h. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’Europe », Revue de l
533
Elle a maîtrise d’avenir. h. Rougemont Denis
de
, « Mémoire de l’Europe », Revue de la pensée française, New York, sep
534
se d’avenir. h. Rougemont Denis de, « Mémoire
de
l’Europe », Revue de la pensée française, New York, septembre 1943, p
535
ougemont Denis de, « Mémoire de l’Europe », Revue
de
la pensée française, New York, septembre 1943, p. 22-29.
536
en France, ou ceux qui n’avaient vu que les lieux
de
plaisir de la capitale, connaissaient et jugeaient la France par ses
537
ou ceux qui n’avaient vu que les lieux de plaisir
de
la capitale, connaissaient et jugeaient la France par ses vedettes. À
538
s yeux, tout Français devait ressembler aux types
d’
humanité que représentaient dans le monde les acteurs à succès, les éc
539
ionaux. Le mot Français évoquait aussitôt l’image
d’
une moustache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie, d’un sourire c
540
t aussitôt l’image d’une moustache à la Menjou et
d’
une boutonnière fleurie, d’un sourire charmeur à la Charles Boyer, l’a
541
ustache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie,
d’
un sourire charmeur à la Charles Boyer, l’aimable scepticisme d’un Ana
542
harmeur à la Charles Boyer, l’aimable scepticisme
d’
un Anatole France, l’élégance d’une ligne parisienne, l’étiquette d’un
543
mable scepticisme d’un Anatole France, l’élégance
d’
une ligne parisienne, l’étiquette d’un bourgogne fameux présenté par l
544
e, l’élégance d’une ligne parisienne, l’étiquette
d’
un bourgogne fameux présenté par le maître d’hôtel. Tout cela c’était
545
ttes. Mais où était dans tout cela le vrai peuple
de
la vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est le malheur le pl
546
guère invisible, c’est le malheur le plus affreux
de
son Histoire qui le révèle au monde, aujourd’hui, dans sa véritable g
547
ur. Les journaux qui nous apportent des nouvelles
de
la résistance à l’intérieur du pays occupé nous parlent du peuple de
548
l’intérieur du pays occupé nous parlent du peuple
de
France ; les récits et les témoignages qui ont été publiés secrètemen
549
ui ont été publiés secrètement par les mouvements
de
résistance et qui parviennent sous nos yeux nous parlent du peuple de
550
parviennent sous nos yeux nous parlent du peuple
de
France ; et les films composés à Hollywood ou à Londres sur l’organis
551
posés à Hollywood ou à Londres sur l’organisation
de
la résistance à Paris ou en province, ne nous montrent encore que le
552
n province, ne nous montrent encore que le peuple
de
France, pour la première fois. Le peuple anonyme, le peuple unanime,
553
voici enfin devenu la vraie vedette, malgré lui,
de
la France et de sa résistance. J’ai vu à New York la plupart de ces f
554
enu la vraie vedette, malgré lui, de la France et
de
sa résistance. J’ai vu à New York la plupart de ces films qui emprunt
555
runtent leur sujet à certains épisodes véridiques
de
la lutte contre l’envahisseur. Paris calling, Croix de Lorraine, Assi
556
lutte contre l’envahisseur. Paris calling, Croix
de
Lorraine, Assignment in Brittany, et je cite au hasard, il y en a tan
557
p conventionnels, et finalement l’inévitable raid
de
commandos sauvait tout le monde comme dans les contes de fées. Mais j
558
andos sauvait tout le monde comme dans les contes
de
fées. Mais je regardais mes amis du coin de l’œil : en critiquant, il
559
ette pudeur. Quant aux Américains, ils exultaient
de
confiance, en crescendo, jusqu’à la « Marseillaise » finale. On peut
560
se » finale. On peut penser tout ce que l’on veut
de
ces films, du pire au bien ; j’en retiens pour ma part qu’ils nous pr
561
fin le petit peuple français comme le grand héros
de
la France. Soudain, l’étranger s’aperçoit d’une vérité aussi vieille
562
éros de la France. Soudain, l’étranger s’aperçoit
d’
une vérité aussi vieille que l’Europe mais constamment méconnue ou nié
563
t par la faute des élites parisiennes : le peuple
de
France est grave, ou plus exactement il est sérieux. Il n’est pas ava
564
ux, plus qu’aucun autre peuple dont j’aie vécu la
vie
. Seulement, il est sérieux sans pose, avec pudeur, préférant affecter
565
t affecter la blague et le scepticisme plutôt que
de
paraître exagérer sa peine. Car il pense d’instinct, comme Talleyrand
566
t que de paraître exagérer sa peine. Car il pense
d’
instinct, comme Talleyrand, que « ce qui est exagéré n’est pas sérieux
567
ce sur la lutte contre les nazis, c’est l’absence
de
grands gestes théâtraux, la sourdine mise à l’éloquence traditionnell
568
mise à l’éloquence traditionnelle, le refus même
de
se complaire dans le lyrisme de la catastrophe ; c’est pour tout dire
569
le, le refus même de se complaire dans le lyrisme
de
la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’héroïsme popul
570
la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel
de
l’héroïsme populaire. Ce peuple en noir au regard vif s’est révélé fa
571
gard vif s’est révélé face au danger. Il manquait
d’
armes, il lutte avec sa dignité impénétrable aux tentations de la Brut
572
lutte avec sa dignité impénétrable aux tentations
de
la Brute. On avait dit aux jeunes nazis qu’ils allaient conquérir un
573
ux jeunes nazis qu’ils allaient conquérir un pays
de
bavards, de coquettes et de politiciens véreux. Après quelques semain
574
zis qu’ils allaient conquérir un pays de bavards,
de
coquettes et de politiciens véreux. Après quelques semaines en territ
575
ent conquérir un pays de bavards, de coquettes et
de
politiciens véreux. Après quelques semaines en territoire conquis, l’
576
e étrange et qui l’intimidait : le regard sérieux
de
l’homme et de la femme du peuple, ce jugement précis et humain, bien
577
ui l’intimidait : le regard sérieux de l’homme et
de
la femme du peuple, ce jugement précis et humain, bien plus insupport
578
humain, bien plus insupportable que tous les cris
de
haines. Ils ne savaient pas cela, les jeunes Allemands, on ne leur av
579
nds, on ne leur avait jamais parlé du vrai peuple
de
la vraie France. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec u
580
ls ont rencontré ce regard… k. Rougemont Denis
de
, « Un peuple se révèle dans le malheur », Fontaine, Alger, février 19
581
Ars prophetica, ou
D’
un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)j Un critique. J
582
a plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’est pas
de
louange préférable à celle-ci qu’on me fasse grief de mes écrits. J’y
583
ouange préférable à celle-ci qu’on me fasse grief
de
mes écrits. J’y voudrais voir la preuve d’une certaine grièveté qu’il
584
grief de mes écrits. J’y voudrais voir la preuve
d’
une certaine grièveté qu’ils présentent, comme cela se dit d’une bless
585
ine grièveté qu’ils présentent, comme cela se dit
d’
une blessure… Le critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument d’une
586
Le critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument
d’
une exagération de ma critique… Ce qui me gênait, je crois, c’est qu’à
587
oui… Mais ne tirez pas argument d’une exagération
de
ma critique… Ce qui me gênait, je crois, c’est qu’à mon sens vous n’ê
588
us n’allez pas me dire que c’est la bonne manière
de
se faire comprendre ? Le critique. On voudrait être sûr que vous vou
589
z pour quoi ? C. Assez pour n’être point la dupe
de
vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’est pas jouer du vi
590
t en français, ce n’est pas jouer du violon. Tout
d’
un coup vous le prenez à double corde, et l’on distingue mal les passa
591
et l’on distingue mal les passages, vous changez
de
ton et l’on voudrait savoir que vous le savez… Il me semble que vous
592
que vous le savez… Il me semble que vous manquez
de
méchanceté pour vos idées. Elles vous séduisent de loin et quand vous
593
e méchanceté pour vos idées. Elles vous séduisent
de
loin et quand vous nous les présentez, elles ont déjà votre complicit
594
es ont déjà votre complicité, je ne sais quel air
de
passion, un peu trop tôt — qui nous surprend… A. N’est-ce pas toujou
595
ces raisons sont les nôtres. Ou bien vous faites
de
la poésie, et alors vous jouez sur des surprises, ou bien vous nous p
596
jouez sur des surprises, ou bien vous nous parlez
d’
idées, et dans ce cas, il faut que nous pensions à chaque instant : «
597
lque tricherie. A. Voulez-vous que nous parlions
de
la clarté ? Je crois deviner que cela nous ramènera dans les environs
598
que cela nous ramènera dans les environs du sujet
de
mes deux précédents dialogues. C. Du moins serez-vous en garde contr
599
tre obscurité ? A. C’est justement ce parti pris
de
clarté que je voudrais proposer maintenant à votre réflexion méfiante
600
. Si vous le permettez, je m’offrirai le ridicule
de
défendre mon propre point de vue. Il se peut que cette maladresse m’e
601
ste nous sommes entre nous et vous n’abuserez pas
de
mes aveux… D’autant qu’ils seront probablement exagérés. C. Que de p
602
tant qu’ils seront probablement exagérés. C. Que
de
précautions ! Vous êtes en train d’imiter ce héros de je ne sais quel
603
récautions ! Vous êtes en train d’imiter ce héros
de
je ne sais quel album de Toepffer, qui feint de feindre afin de mieux
604
train d’imiter ce héros de je ne sais quel album
de
Toepffer, qui feint de feindre afin de mieux dissimuler. — Qu’est-ce
605
s de je ne sais quel album de Toepffer, qui feint
de
feindre afin de mieux dissimuler. — Qu’est-ce qu’être clair, à votre
606
rait-ce pas que la clarté n’est qu’une convention
de
langage ? J’entends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce de s
607
qu’une convention de langage ? J’entends : un mot
de
passe de la tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage… C. Hé
608
nvention de langage ? J’entends : un mot de passe
de
la tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage… C. Hé quoi ! v
609
ends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce
de
style garanti par l’usage… C. Hé quoi ! vous savez bien que tout not
610
qui se distingue du langage courant par le souci
de
contrôler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode d’expres
611
ler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul
mode
d’expression possible. C. Précisément je souhaitais de vous voir cho
612
es conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode
d’
expression possible. C. Précisément je souhaitais de vous voir choisi
613
xpression possible. C. Précisément je souhaitais
de
vous voir choisir entre un langage franchement poétique et ce langage
614
faudrait s’entendre tout d’abord sur la nécessité
de
cette clarté. Pour ma part je ne saurais concevoir ni respecter d’aut
615
Pour ma part je ne saurais concevoir ni respecter
d’
autre nécessité en général que celle qu’impose la fin de toute pensée.
616
e nécessité en général que celle qu’impose la fin
de
toute pensée. C. Restons, si vous le voulez, sur le plan du langage.
617
rence des raisons et à la fois l’exact ajustement
de
ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’expression ? A.
618
de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin
de
l’expression ? A. Oui, dans un monde cartésien, c’est-à-dire dans le
619
à-dire dans le monde du discours. Car le Discours
de
la méthode ne définit en somme qu’une méthode du discours. La fin der
620
somme qu’une méthode du discours. La fin dernière
d’
un discours n’est autre que la cohérence, la vérité elle-même s’y trou
621
rité elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique
de
l’enchaînement des phrases. Autrement dit, le discours cartésien n’a
622
ses. Autrement dit, le discours cartésien n’a pas
de
fin qui lui soit transcendante. Il part de ce qu’il suppose clair et
623
’a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part
de
ce qu’il suppose clair et facile, et sa marche est une déduction. La
624
le, et sa marche est une déduction. La convention
d’
un tel langage, est que tout est donné au départ, et qu’il s’agit de n
625
est que tout est donné au départ, et qu’il s’agit
de
ne rien introduire dans la chaîne des arguments qui n’ait été d’abord
626
chiffré, et défini en termes simples. À mon tour
de
me défier d’une convention aussi commode. C. Il me semble qu’il faut
627
défini en termes simples. À mon tour de me défier
d’
une convention aussi commode. C. Il me semble qu’il faut y voir une g
628
’il faut y voir une garantie contre les illusions
de
la rhétorique flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter d’une all
629
que flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter
d’
une allure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper
630
ure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’il a le goût
de
se tromper et de tromper. A. Pour moi, je crains une duperie moins n
631
euse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper et
de
tromper. A. Pour moi, je crains une duperie moins naïve dans la mode
632
s n’est-il pas, comme l’a dit un Russe « le monde
de
l’imprécis et du non résolu » ? Ou comme l’écrit Descartes lui-même,
633
nde des choses « mal compassées » ? L’application
d’
une raison sans parti pris à ce monde tel qu’il est donné, n’a-t-elle
634
’il est donné, n’a-t-elle pas pour effet immédiat
de
multiplier le mystère et les absurdités logiques ? Voyez Kafka… Je me
635
i, je vous en prie ? — la clarté et la simplicité
d’
un certain nombre de postulats abstraits. Ma méfiance porte sur l’arri
636
— la clarté et la simplicité d’un certain nombre
de
postulats abstraits. Ma méfiance porte sur l’arrière-pensée qui prési
637
e porte sur l’arrière-pensée qui présida au choix
de
ces données dites premières. Encore n’est-il pas exact de recourir ic
638
onnées dites premières. Encore n’est-il pas exact
de
recourir ici à l’expression d’arrière-pensée. C’est sans doute une «
639
n’est-il pas exact de recourir ici à l’expression
d’
arrière-pensée. C’est sans doute une « arrière-image » qu’il faudrait
640
audrait dire. C. Ne serait-il pas trop cartésien
de
vous demander de préciser ? A. J’essaierai de le faire par un exempl
641
Ne serait-il pas trop cartésien de vous demander
de
préciser ? A. J’essaierai de le faire par un exemple. La méthode inv
642
en de vous demander de préciser ? A. J’essaierai
de
le faire par un exemple. La méthode inventée par Descartes est donc d
643
ode inventée par Descartes est donc devenue celle
de
la science. C’est elle dont usent nos physiciens, chimistes et mathém
644
dira-t-on. Je n’en crois rien. Ouvrez un ouvrage
de
science : vous y trouverez au terme de chaque analyse un certain nomb
645
un ouvrage de science : vous y trouverez au terme
de
chaque analyse un certain nombre de phrases traduisant les résultats
646
erez au terme de chaque analyse un certain nombre
de
phrases traduisant les résultats acquis. Or ces phrases ont été chois
647
ble exigence : d’une part elles doivent permettre
de
permettre de passer, par une espèce de symbolisme abstrait — si j’ose
648
: d’une part elles doivent permettre de permettre
de
passer, par une espèce de symbolisme abstrait — si j’ose dire — à la
649
permettre de permettre de passer, par une espèce
de
symbolisme abstrait — si j’ose dire — à la formule mathématique ; d’a
650
composent un discours cohérent sur des propriétés
de
la matière. Et ce discours n’est qu’un certain système d’images. S’il
651
tière. Et ce discours n’est qu’un certain système
d’
images. S’il se distingue du parler quotidien, c’est avant tout par ce
652
r cette cohérence, c’est-à-dire par cette volonté
d’
exclure les sens ordinairement contradictoires des mots. Ainsi les loi
653
si les lois formulées par la science, ces modèles
d’
expression claire, se réfèrent en réalité à des formes courantes du la
654
réalité à des formes courantes du langage, vidées
de
leurs sens particuliers. Ce procédé est sans danger quand il est appl
655
nce légale n’étant, c’est entendu, qu’une manière
de
parler du réel, et sans cesse corrigée par les faits. Mais où je crie
656
uits par la clarté axiomatique, prétendent partir
de
vérités élémentaires qui ne sont autres que des abstractions opérées
657
utres que des abstractions opérées sur nos formes
de
langage. Je voudrais dire cela plus simplement… La tricherie d’une dé
658
voudrais dire cela plus simplement… La tricherie
d’
une déduction claire consiste en ce qu’elle prétend partir d’un nombre
659
tion claire consiste en ce qu’elle prétend partir
d’
un nombre limité de faits acquis, quand le tout, quand la fin nous éch
660
e en ce qu’elle prétend partir d’un nombre limité
de
faits acquis, quand le tout, quand la fin nous échappent ! Comme s’il
661
pent ! Comme s’il était licite, et même possible,
de
partir de certains éléments et de les déclarer connus, quand on ignor
662
me s’il était licite, et même possible, de partir
de
certains éléments et de les déclarer connus, quand on ignore méthodiq
663
même possible, de partir de certains éléments et
de
les déclarer connus, quand on ignore méthodiquement l’ensemble dont i
664
vous pouviez me montrer chez Descartes un exemple
de
ce recours aux formes du langage courant. A. Prenons la 3e règle de
665
ormes du langage courant. A. Prenons la 3e règle
de
sa méthode : « Conduire par ordre mes pensées en commençant par les o
666
t, derrière ce jugement, la plus étrange illusion
de
l’esprit : c’est une maxime populaire. On la tient pour tellement évi
667
pour tellement évidente que son rappel, au cours
d’
une discussion, figure presque une insolence. Cette maxime affirme en
668
tte maxime affirme en effet la nécessité générale
de
« commencer par le commencement ». Descartes qui vient d’assimiler sa
669
mencer par le commencement ». Descartes qui vient
d’
assimiler sans sourciller la simplicité d’un objet avec l’aisance à le
670
i vient d’assimiler sans sourciller la simplicité
d’
un objet avec l’aisance à le connaître — c’est encore un tour du langa
671
le plus mauvais tour qu’on ait joué aux écrivains
d’
idées ! Commencer par le commencement ! Aller du simple au compliqué !
672
er du simple au compliqué ! Que cela paraît plein
de
bon sens ! Le beau cliché, la belle absurdité, la magnifique carte po
673
ans vous interrompre davantage aux développements
d’
une pensée qui m’est curieusement étrangère. Vous parliez d’une vision
674
ée qui m’est curieusement étrangère. Vous parliez
d’
une vision totale ?… A. L’expression vous apparaît privée de sens ? M
675
n totale ?… A. L’expression vous apparaît privée
de
sens ? Mesurez donc, une bonne fois, toute l’ampleur de ma déraison.
676
s ? Mesurez donc, une bonne fois, toute l’ampleur
de
ma déraison. Laissez-moi parler sans contrainte mon sabir eschatologi
677
rs l’inconnu, les yeux toujours fixés sur son jeu
d’
évidences. On conçoit dès lors qu’elle se meuve avec tellement de préc
678
conçoit dès lors qu’elle se meuve avec tellement
de
précautions, vérifiant à chaque pas le chemin parcouru : elle ignore
679
chaque pas le chemin parcouru : elle ignore tout
de
son but et tiendrait même pour une prévention fâcheuse la croyance qu
680
cheuse la croyance que ce but existe en tout état
de
cause. Pour moi, c’est presque le contraire. Voilà : — Je sais que je
681
utres, je les risque dans le noir, — dans la nuit
de
la foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir d’une vision renouve
682
la foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir
d’
une vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation de ma démarche, et
683
e vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation
de
ma démarche, et c’est pourquoi je vous disais qu’on ne peut la compre
684
bsurde à l’observateur raisonnable. C. Le propre
d’
une vision pareille, c’est qu’elle est incommunicable, j’imagine ? A.
685
vant les sept couleurs. C’est pourquoi le langage
de
la vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument inexplicabl
686
uleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou
de
la foi, s’il était pur, serait absolument inexplicable, et évident. I
687
er sans fin cette forme significative du tout, et
de
chaque partie dans le tout. Bien entendu, je ne puis avancer aucun ex
688
t. Bien entendu, je ne puis avancer aucun exemple
d’
une telle perfection. Mais il fallait indiquer cette limite pour éclai
689
er — précisément — tout l’entre-deux, la pénombre
de
ce débat. Je vois maintenant deux espèces de langage. Ramenons-les po
690
mbre de ce débat. Je vois maintenant deux espèces
de
langage. Ramenons-les pour simplifier à deux modes d’expression égale
691
s de langage. Ramenons-les pour simplifier à deux
modes
d’expression également rigoureuse et pourtant exclusifs l’un de l’aut
692
angage. Ramenons-les pour simplifier à deux modes
d’
expression également rigoureuse et pourtant exclusifs l’un de l’autre.
693
n également rigoureuse et pourtant exclusifs l’un
de
l’autre. Le premier serait la loi scientifique. Ses conventions sont
694
ique. Ses conventions sont la clarté et l’absence
de
contradiction. La seconde forme d’expression, ce serait celle dont j’
695
é et l’absence de contradiction. La seconde forme
d’
expression, ce serait celle dont j’essayais de vous faire pressentir l
696
rme d’expression, ce serait celle dont j’essayais
de
vous faire pressentir la limite, en parlant d’un langage inexplicable
697
is de vous faire pressentir la limite, en parlant
d’
un langage inexplicable et pourtant évident. C’est peut-être le verbe
698
impliquer qui distinguera le mieux cette forme-là
de
la première, dont l’office est évidemment d’expliquer. Oui, cette opp
699
e-là de la première, dont l’office est évidemment
d’
expliquer. Oui, cette opposition va nous aider : impliquer le réel com
700
omme tel, et non pas expliquer certaines manières
de
le réduire aux exigences d’un discours cohérent — voilà sans doute le
701
er certaines manières de le réduire aux exigences
d’
un discours cohérent — voilà sans doute le rôle du langage parabolique
702
voilà sans doute le rôle du langage parabolique…
De
là vient son obscurité. Parler en paraboles, c’est tenter d’exprimer
703
son obscurité. Parler en paraboles, c’est tenter
d’
exprimer un fait ou des idées, en tenant compte du tout qui les englob
704
les englobe. Ou c’est encore se garder avec soin
de
les définir autrement qu’en vue de cette fin dernière vers quoi l’on
705
les faits ou les idées à quelques éléments isolés
de
mesure. Il s’organise tout naturellement en discours, en phrases liée
706
urellement en discours, en phrases liées par voie
de
conséquence. Mais si je parle en paraboles, je n’ai souci que d’une c
707
Mais si je parle en paraboles, je n’ai souci que
d’
une certaine orientation. C’est à partir du terme, encore une fois, qu
708
s’éclairent et se résolvent, et non pas à partir
d’
éléments que j’aurais distingués dès le départ. Une parabole se compre
709
rabole se comprend par la fin. Comme l’expédition
de
Colomb partant pour reconnaître une Amérique de vision. Et cette fin,
710
n de Colomb partant pour reconnaître une Amérique
de
vision. Et cette fin, ce terme, ce télos, tous les hiatus, toutes les
711
ismes du langage doivent l’indiquer comme au-delà
d’
eux-mêmes… ce que ne sauraient faire des arguments toujours fondés sur
712
ur ce qui les précède. Voilà pourquoi le discours
d’
un prophète est le contraire d’un discours. L’événement seul lui rendr
713
urquoi le discours d’un prophète est le contraire
d’
un discours. L’événement seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole
714
liquez-vous le plaisir que je prends à la lecture
de
certaines paraboles dont le sens eschatologique m’échappe, je le supp
715
une petite question, voulez-vous ? Qui a le droit
de
parler en paraboles, et d’être obscur à la manière des prophètes ? A
716
-vous ? Qui a le droit de parler en paraboles, et
d’
être obscur à la manière des prophètes ? A. Le droit ? Personne, bien
717
t ? Personne, bien sûr ! Personne n’a aucun droit
de
ce genre, si l’on nomme droit la garantie formelle d’un usage. Mais i
718
e genre, si l’on nomme droit la garantie formelle
d’
un usage. Mais il arrive assez souvent que l’on oublie les grandes et
719
on oublie les grandes et graves raisons qu’il y a
de
se taire, ou de parler seulement selon le droit et la décence, en tou
720
andes et graves raisons qu’il y a de se taire, ou
de
parler seulement selon le droit et la décence, en toute clarté. Il ar
721
es ou esprits relâchés, s’abandonnent aux hasards
de
tricheries qui les flattent. Ils appellent cela poésie. On peut toute
722
ie. On peut toutefois imaginer une autre attitude
de
l’être, et qui soit telle que la question du droit ne se pose plus. C
723
estion du droit ne se pose plus. C’est l’attitude
de
l’homme qui a vu quelque chose, ou simplement qui a cru voir, et qui
724
Une vision ne se transmet pas, c’est le contraire
d’
une carte postale. Il s’agit donc de disposer l’esprit dans une certai
725
le contraire d’une carte postale. Il s’agit donc
de
disposer l’esprit dans une certaine orientation au moyen de mots et d
726
dans une certaine orientation au moyen de mots et
de
phrases qui puissent, comme par une ironie, être compris en soi et da
727
sens dernier ne puisse être aperçu sous un angle
de
vision quelconque. Je dis que l’homme qui a vu quelque chose doit par
728
vouerez que dans ces conditions il faut une sorte
de
naïveté très singulière pour endosser le risque d’être obscur. Passe
729
e naïveté très singulière pour endosser le risque
d’
être obscur. Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin
730
e risque d’être obscur. Passe encore pour l’homme
de
Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa visio
731
ncore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin
de
notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des vis
732
qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur
de
sa vision le sauve. Mais il est des visions moins illustres, qui n’em
733
ut en bas, dans un fulgurant inventaire. Je parle
de
visions furtives qui sont à celle de l’apôtre comme le Petit Monde au
734
re. Je parle de visions furtives qui sont à celle
de
l’apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de
735
e Petit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et
de
la Fin, mais signes seulement, résumés, prises partielles et signific
736
’Apocalypse, comme Cuvier la préhistoire à partir
d’
une vertèbre isolée. Mais l’oubli vient avec le premier doute… Petites
737
avec le premier doute… Petites visions des hommes
de
peu de foi, visions de la fin de nos courtes passions : la possession
738
Petites visions des hommes de peu de foi, visions
de
la fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissan
739
sions des hommes de peu de foi, visions de la fin
de
nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance, — il n
740
ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles
de
Juda », les grands prophètes, ont été justifiés dans leur délire, mai
741
iés dans leur délire, mais un prophète des choses
d’
ici-bas, un prophète sans mission divine, quelle défense osera-t-il pr
742
ris. 7. Quatre « dialogues » paraîtront au début
de
l’ouvrage Doctrine fabuleuse , publié en 1947. j. Rougemont Denis
743
fabuleuse , publié en 1947. j. Rougemont Denis
de
, « Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair », Hém
744
7. j. Rougemont Denis de, « Ars prophetica, ou
D’
un langage qui ne veut pas être clair », Hémisphères, New York, hiver
745
sonnalistes avaient fait leur chemin dans l’élite
de
la Résistance. S’agit-il d’une influence directe, ou d’une prise de c
746
r chemin dans l’élite de la Résistance. S’agit-il
d’
une influence directe, ou d’une prise de conscience spontanée devant l
747
Résistance. S’agit-il d’une influence directe, ou
d’
une prise de conscience spontanée devant la leçon des faits, nous le s
748
ructive. Les événements eux-mêmes se sont chargés
de
faire la critique de tant d’incohérences au sein desquelles le França
749
ts eux-mêmes se sont chargés de faire la critique
de
tant d’incohérences au sein desquelles le Français moyen pensait pouv
750
êmes se sont chargés de faire la critique de tant
d’
incohérences au sein desquelles le Français moyen pensait pouvoir vivr
751
tre reposées. Allons-nous rebâtir sur les valeurs
d’
une philosophie de l’Objet (qui était celle du capitalisme et des dive
752
ns-nous rebâtir sur les valeurs d’une philosophie
de
l’Objet (qui était celle du capitalisme et des divers « planisme »),
753
une société où les objets soient remis au service
de
l’homme qui crée et qui se veut responsable ? Si nous choisissons la
754
érieuse. Les jeunes gens qui prenaient conscience
de
leur responsabilité intellectuelle et civique vers 1930, en France, s
755
épersonnaliser l’homme, à le réduire à un agrégat
de
réflexes conditionnés par l’État, le Parti et les statisticiens. Sur
756
it en elle qu’un îlot précaire perdu dans l’océan
de
l’inconscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à des déterminism
757
devenait dans tout cela, le droit imprescriptible
d’
un homme à dire je, à dire moi, à se considérer comme une cause effici
758
ts que les fameuses « forces économiques » — mais
de
l’homme, mesure de toutes choses. La grande question était donc : qu’
759
« forces économiques » — mais de l’homme, mesure
de
toutes choses. La grande question était donc : qu’est-ce que l’homme
760
u’est-ce que l’homme ? Sur quelle notion centrale
de
son humanité devons-nous recentrer le monde ? Les institutions doiven
761
doivent être fondées sur une notion compréhensive
de
l’homme, sinon elles agissent contre l’homme. Or l’individu, sur lequ
762
ividu, sur lequel voulait se fonder la démocratie
d’
un siècle dernier, et le soldat politique sur lequel a voulu se fonder
763
que sur lequel a voulu se fonder le totalitarisme
de
ce siècle, ne sont pas des hommes complets. L’individu n’a que des dr
764
econd est un simple objet. À ces deux mutilations
de
la notion d’homme, les jeunes intellectuels français opposèrent la no
765
simple objet. À ces deux mutilations de la notion
d’
homme, les jeunes intellectuels français opposèrent la notion de perso
766
eunes intellectuels français opposèrent la notion
de
personne. Quelles que fussent les prémisses religieuses ou métaphysiq
767
es, tous s’entendaient fort bien sur des formules
de
ce genre : les institutions doivent être au service de l’homme, et no
768
genre : les institutions doivent être au service
de
l’homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’être un mot creux
769
l’homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse
d’
être un mot creux que dans un ordre souple, qui respecte la diversité
770
tat ne sera jamais totalitaire. Un certain nombre
de
mots-clés se retrouvent dans tous les ouvrages publiés par les person
771
é avant la lettre : Leibnitz, Kant, Renouvier, ou
de
nos jours un William Stern, un Keyserling, un C. G. Jung, et l’école
772
yserling, un C. G. Jung, et l’école californienne
de
The Personalist. Mais la caractéristique du mouvement personnaliste f
773
uvement personnaliste français fut, dès le début,
de
considérer sa doctrine comme le fondement immédiat d’une action polit
774
onsidérer sa doctrine comme le fondement immédiat
d’
une action politique, d’une économie, d’un régime social, et même d’un
775
mme le fondement immédiat d’une action politique,
d’
une économie, d’un régime social, et même d’une esthétique. C’est pour
776
immédiat d’une action politique, d’une économie,
d’
un régime social, et même d’une esthétique. C’est pourquoi je ne saura
777
ique, d’une économie, d’un régime social, et même
d’
une esthétique. C’est pourquoi je ne saurais mieux décrire la doctrine
778
nnalisme qu’en indiquant certaines des tentatives
d’
action les plus typiques qu’elle inspira avant cette guerre. Un serv
779
ar le mouvement n’apportaient pas les blue-prints
d’
une société idéale, mais quelques principes d’action. Car il s’agissai
780
nts d’une société idéale, mais quelques principes
d’
action. Car il s’agissait pour les personnalistes d’un changement spir
781
action. Car il s’agissait pour les personnalistes
d’
un changement spirituel d’abord, les changements institutionnels n’aya
782
d’abord, les changements institutionnels n’ayant
de
valeur à leurs yeux que s’ils traduisaient réellement une attitude no
783
ils traduisaient réellement une attitude nouvelle
de
l’homme aux prises avec le destin d’un siècle nouveau. Alors que la p
784
ude nouvelle de l’homme aux prises avec le destin
d’
un siècle nouveau. Alors que la plupart des révolutionnaires de droite
785
ouveau. Alors que la plupart des révolutionnaires
de
droite ou de gauche édifiaient des plans abstraits et se bornaient pr
786
que la plupart des révolutionnaires de droite ou
de
gauche édifiaient des plans abstraits et se bornaient pratiquement à
787
ries, les personnalistes affirmaient la nécessité
d’
une révolution plus profonde : révolution dans la manière de poser les
788
lution plus profonde : révolution dans la manière
de
poser les problèmes, avant de prétendre leur donner telle ou telle so
789
te. Prenons le problème du prolétariat. Le groupe
de
l’Ordre nouveau proposa l’institution d’un service civil obligatoire,
790
e groupe de l’Ordre nouveau proposa l’institution
d’
un service civil obligatoire, répartissant sur l’ensemble de la popula
791
ce civil obligatoire, répartissant sur l’ensemble
de
la population le travail industriel non différencié. Pendant un an ou
792
aient dans les usines, au lieu de faire une année
de
caserne. Les avantages de ce service civil seraient triples : 1) Just
793
lieu de faire une année de caserne. Les avantages
de
ce service civil seraient triples : 1) Justice sociale. La classe pro
794
e sociale. La classe prolétarienne serait relevée
de
son fardeau à vie. 2) Économie. La hantise du salaire ne serait plus
795
sse prolétarienne serait relevée de son fardeau à
vie
. 2) Économie. La hantise du salaire ne serait plus le seul mobile du
796
t plus le seul mobile du travailleur, et la masse
de
main-d’œuvre créée par le service civil serait mise par l’État à la d
797
ralyser l’invention, puisqu’elle ne créerait plus
de
chômage technologique. Les industriels hochèrent la tête. Ils ne croy
798
ojet utopique et d’ailleurs néfaste : il risquait
de
résoudre un conflit que leur tactique cherchait au contraire à rendre
799
pratique, à petite échelle. Dans plusieurs usines
de
la région parisienne, ils se firent embaucher par groupes, comme manœ
800
res. Au bout de trois jours, dans une manufacture
de
brosses à dents, l’un d’eux battit le record de production de l’ateli
801
rs, dans une manufacture de brosses à dents, l’un
d’
eux battit le record de production de l’atelier. Il était éditeur de s
802
e de brosses à dents, l’un d’eux battit le record
de
production de l’atelier. Il était éditeur de son métier, et si peu ad
803
dents, l’un d’eux battit le record de production
de
l’atelier. Il était éditeur de son métier, et si peu adroit de ses ma
804
cord de production de l’atelier. Il était éditeur
de
son métier, et si peu adroit de ses mains qu’il assurait être le seul
805
Il était éditeur de son métier, et si peu adroit
de
ses mains qu’il assurait être le seul officier de réserve français qu
806
de ses mains qu’il assurait être le seul officier
de
réserve français qui se fût jamais blessé avec son propre sabre ! Les
807
« relevé », leur assurant ainsi quelques semaines
de
vacances payées, à un moment où cette institution n’existait pas enco
808
ndu sur cet exemple unique pour décrire le climat
de
l’effort personnaliste. Il est clair que l’institution du service civ
809
n du service civil supposait une refonte générale
de
l’économie, et notamment une discrimination très précise entre le tra
810
État, qui assurerait d’autre part la distribution
d’
un minimum vital gratuit pour tous. Le second devait rester libre, et
811
tuit pour tous. Le second devait rester libre, et
d’
autant plus qu’il recevrait l’aide gratuite du service civil. L’État l
812
ême se trouverait réduit au rôle précis et limité
d’
agence de statistique et de répartition de la main-d’œuvre et du bonus
813
ouverait réduit au rôle précis et limité d’agence
de
statistique et de répartition de la main-d’œuvre et du bonus social,
814
rôle précis et limité d’agence de statistique et
de
répartition de la main-d’œuvre et du bonus social, au profit des entr
815
limité d’agence de statistique et de répartition
de
la main-d’œuvre et du bonus social, au profit des entreprises libres
816
s libres et des groupes coopératifs. La notion
de
groupe L’un des traits marquants du mouvement personnaliste, c’est
817
le coïncide avec la découverte la plus importante
de
notre siècle : celle de l’être-en-relations. Que ce soit dans le doma
818
uverte la plus importante de notre siècle : celle
de
l’être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de la physique ou ce
819
l’être-en-relations. Que ce soit dans le domaine
de
la physique ou celui de la sociologie, en mathématiques, en politique
820
e ce soit dans le domaine de la physique ou celui
de
la sociologie, en mathématiques, en politique, en économie, les meill
821
en politique, en économie, les meilleurs esprits
de
ce temps sont parvenus à des conclusions analogues : il n’est possibl
822
s à des conclusions analogues : il n’est possible
de
parler de réalité, de mesure, ou d’efficacité, qu’au sein d’un groupe
823
nclusions analogues : il n’est possible de parler
de
réalité, de mesure, ou d’efficacité, qu’au sein d’un groupe donné de
824
alogues : il n’est possible de parler de réalité,
de
mesure, ou d’efficacité, qu’au sein d’un groupe donné de forces. L’ho
825
’est possible de parler de réalité, de mesure, ou
d’
efficacité, qu’au sein d’un groupe donné de forces. L’homme, par exemp
826
re, ou d’efficacité, qu’au sein d’un groupe donné
de
forces. L’homme, par exemple, n’est réel que dans une communauté ni t
827
yé dans une collectivité informe, il sera frustré
de
toute possibilité de se faire entendre ou d’agir personnellement. Il
828
ité informe, il sera frustré de toute possibilité
de
se faire entendre ou d’agir personnellement. Il n’existe vraiment com
829
stré de toute possibilité de se faire entendre ou
d’
agir personnellement. Il n’existe vraiment comme personne que dans un
830
ise ou commune, patrie locale ou cercle invisible
d’
esprits apparentés dans le monde entier. Mais cette image d’un univers
831
apparentés dans le monde entier. Mais cette image
d’
un univers composé de groupements autonomes en perpétuelle interaction
832
nde entier. Mais cette image d’un univers composé
de
groupements autonomes en perpétuelle interaction n’a pas encore été t
833
s institutions. Nos nations sont restées au stade
de
la classification des corps simples par Mendeleïev, quand nous en som
834
es par Mendeleïev, quand nous en sommes au siècle
de
la physique quantique. La paresse d’esprit et l’inertie ont laissé se
835
es au siècle de la physique quantique. La paresse
d’
esprit et l’inertie ont laissé se constituer au xxe siècle des cadres
836
». Au centre unique, étendant sur l’économie, la
vie
politique et les coutumes d’un pays le carcan géométrique de ses décr
837
sur l’économie, la vie politique et les coutumes
d’
un pays le carcan géométrique de ses décrets, le personnalisme opposai
838
e et les coutumes d’un pays le carcan géométrique
de
ses décrets, le personnalisme opposait les foyers rayonnants de créat
839
, le personnalisme opposait les foyers rayonnants
de
création locale : entreprise et commune à la base, librement fédérées
840
eux exemples des conséquences pratiques découlant
de
cette attitude doctrinale. Dès 1937, l’Ordre nouveau avait dénoncé l’
841
eau avait dénoncé l’organisation hypercentralisée
de
l’armée française, copiée sur la centralisation politique de la natio
842
française, copiée sur la centralisation politique
de
la nation. La France avait des frontières rigides et un centre unique
843
ersonnalistes proposaient au contraire un système
de
foyers de résistance élevés dans toute la profondeur du pays, et une
844
tes proposaient au contraire un système de foyers
de
résistance élevés dans toute la profondeur du pays, et une mobilisati
845
entralisée. C’était en somme le système militaire
de
la Suisse, traduisant un régime fédéraliste. Les événements de 1940 e
846
traduisant un régime fédéraliste. Les événements
de
1940 et toute l’évolution ultérieure de la guerre ont amplement confi
847
vénements de 1940 et toute l’évolution ultérieure
de
la guerre ont amplement confirmé ces vues. L’Underground, dans plusie
848
mes ? Les personnalistes organisèrent des « clubs
de
presse ». Dans chaque quartier de grande ville, dans chaque commune,
849
ent des « clubs de presse ». Dans chaque quartier
de
grande ville, dans chaque commune, des correspondants devaient groupe
850
se passait sous silence), lui révéler les secrets
de
la vénalité des grands journaux, et recueillir une documentation loca
851
umentation locale précise et humaine. Un bulletin
de
liaison alimentait les clubs. Tout était préparé pour sa transmission
852
s. Tout était préparé pour sa transmission en cas
de
crise révolutionnaire ou d’invasion, Les Clubs de presse personnalist
853
a transmission en cas de crise révolutionnaire ou
d’
invasion, Les Clubs de presse personnalistes fournirent ainsi le premi
854
de crise révolutionnaire ou d’invasion, Les Clubs
de
presse personnalistes fournirent ainsi le premier modèle des publicat
855
ainsi le premier modèle des publications fameuses
de
l’Underground. État présent et avenir du mouvement À la veille
856
tat présent et avenir du mouvement À la veille
de
la guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les implications d
857
onnalisme avait réussi à dégager les implications
de
sa doctrine dans les plans les plus divers. Il était prêt à déclenche
858
profondeur d’abord, puis publique. Une trentaine
de
volumes, deux revues, un hebdomadaire, des bulletins, brochures et tr
859
légué leur représentant en France, Abetz, au soin
d’
observer de très près ce développement inquiétant. Mais les personnali
860
représentant en France, Abetz, au soin d’observer
de
très près ce développement inquiétant. Mais les personnalistes mesura
861
ent encore la route. Ils souffraient tout d’abord
d’
une qualité et d’un défaut bien typiquement français : le sérieux et l
862
te. Ils souffraient tout d’abord d’une qualité et
d’
un défaut bien typiquement français : le sérieux et l’excès d’idées ne
863
bien typiquement français : le sérieux et l’excès
d’
idées neuves. Hors d’eux-mêmes s’opposaient à leur action : les grands
864
çais : le sérieux et l’excès d’idées neuves. Hors
d’
eux-mêmes s’opposaient à leur action : les grands intérêts capitaliste
865
ns démagogues, l’insouciance générale à la veille
d’
un désastre prévisible, les préjugés de droite et de gauche, le manque
866
la veille d’un désastre prévisible, les préjugés
de
droite et de gauche, le manque d’argent et de moyens de pression coll
867
un désastre prévisible, les préjugés de droite et
de
gauche, le manque d’argent et de moyens de pression collectifs. Il va
868
e, les préjugés de droite et de gauche, le manque
d’
argent et de moyens de pression collectifs. Il valait mieux attendre e
869
gés de droite et de gauche, le manque d’argent et
de
moyens de pression collectifs. Il valait mieux attendre encore un tem
870
ite et de gauche, le manque d’argent et de moyens
de
pression collectifs. Il valait mieux attendre encore un temps, plutôt
871
valait mieux attendre encore un temps, plutôt que
de
s’engager dans une propagande trop coûteuse pour rester pure. Au rest
872
progrès organique, forcément lent. Il s’agissait
de
gagner des hommes, un à un, non des masses. La guerre et l’invasion o
873
isparaître ». Dans l’intervalle entre l’armistice
de
juin 1940 et la suppression de toute expression libre par Vichy, la r
874
entre l’armistice de juin 1940 et la suppression
de
toute expression libre par Vichy, la revue Esprit vit son tirage qu
875
uelques mois. Puis elle fut interdite, à la suite
d’
un article contre Pétain, son directeur et plusieurs de ses rédacteurs
876
article contre Pétain, son directeur et plusieurs
de
ses rédacteurs emprisonnés. Nul autre mouvement ne me paraît mieux ap
877
inspirer ceux qui demandent un monde à la mesure
de
l’homme, non plus à celle des monstres nés de son anxiété, de sa pare
878
ure de l’homme, non plus à celle des monstres nés
de
son anxiété, de sa paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple : l
879
non plus à celle des monstres nés de son anxiété,
de
sa paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple : le bassin houille
880
des monstres nés de son anxiété, de sa paresse ou
de
son manque de foi. 8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux
881
és de son anxiété, de sa paresse ou de son manque
de
foi. 8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux de la Sarre co
882
8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux
de
la Sarre coupé en deux par une frontière correspondant aux langues.
883
e correspondant aux langues. l. Rougemont Denis
de
, « L’attitude personnaliste », Le Monde libre, New York, Montréal, oc
884
t l’ennemi : car « la seule chose qui importe est
de
gagner la guerre ». Là-dessus, nous tombons d’accord. Mais sur le sen
885
ve très peu d’accord autour de moi. Si j’essayais
de
m’entendre d’abord ? Et de comprendre, s’il se peut, la question que
886
de moi. Si j’essayais de m’entendre d’abord ? Et
de
comprendre, s’il se peut, la question que cette guerre pose et ne peu
887
résoudre. ⁂ Par dépit, par fatigue, ou par esprit
de
polémique, beaucoup de penseurs ont estimé depuis cent ans que les ré
888
t non pas causes. Car il n’y a pas d’abord la loi
de
l’offre et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes,
889
es. Car il n’y a pas d’abord la loi de l’offre et
de
la demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes, selon nos rêve
890
s, mais il y a d’abord des hommes qui choisissent
de
construire des machines plutôt que d’avoir faim, ou de chercher la sa
891
choisissent de construire des machines plutôt que
d’
avoir faim, ou de chercher la sagesse, ou de prier devant un symbole a
892
nstruire des machines plutôt que d’avoir faim, ou
de
chercher la sagesse, ou de prier devant un symbole ancestral. Il n’y
893
t que d’avoir faim, ou de chercher la sagesse, ou
de
prier devant un symbole ancestral. Il n’y a pas d’abord les faits et
894
ce génie ou cette maladie. (Postérité, je rougis
de
tant de platitudes, mais de mon temps on les taxait de paradoxes.) Ai
895
(Postérité, je rougis de tant de platitudes, mais
de
mon temps on les taxait de paradoxes.) Ainsi de la guerre actuelle :
896
nt de platitudes, mais de mon temps on les taxait
de
paradoxes.) Ainsi de la guerre actuelle : il importe de voir qu’elle
897
s de mon temps on les taxait de paradoxes.) Ainsi
de
la guerre actuelle : il importe de voir qu’elle se passe d’abord en c
898
adoxes.) Ainsi de la guerre actuelle : il importe
de
voir qu’elle se passe d’abord en chacun de nous, et qu’elle figure da
899
mporte de voir qu’elle se passe d’abord en chacun
de
nous, et qu’elle figure dans son ensemble la crise d’un conflit psych
900
ous, et qu’elle figure dans son ensemble la crise
d’
un conflit psychologique de proportions mondiales, de portée séculaire
901
son ensemble la crise d’un conflit psychologique
de
proportions mondiales, de portée séculaire. ⁂ Lorsqu’un individu refo
902
n conflit psychologique de proportions mondiales,
de
portée séculaire. ⁂ Lorsqu’un individu refoule pendant longtemps ses
903
t soudain et l’attaquent en force, par une espèce
d’
éruption volcanique nommée névrose. Alors l’homme se croit menacé par
904
par ce qu’il appelle des esprits. Il est victime
de
terreurs inexplicables. Des cauchemars envahissent sa vie quotidienne
905
se persuade que des forces absolument distinctes
de
son être l’attaquent avec une férocité sans précédent. Il devient ali
906
vient aliéné, c’est-à-dire qu’il devient la proie
d’
un autre. Un médecin qu’il jugera très brutal et hostile lui suggère a
907
alors que cet « autre » n’est en fait qu’une part
de
lui-même. S’il comprend cela et s’il le croit, le malade guérira peut
908
re. Sinon, il faudra l’enfermer dans une camisole
de
force. Il ne fera plus de mal, mais il restera fou. Au Moyen Âge, on
909
ermer dans une camisole de force. Il ne fera plus
de
mal, mais il restera fou. Au Moyen Âge, on disait qu’un tel homme éta
910
disait qu’il était fou, et l’on essayait d’abord
de
le raisonner, puis de le réduire à la raison, par des procédés contra
911
u, et l’on essayait d’abord de le raisonner, puis
de
le réduire à la raison, par des procédés contraignants. En cas d’éche
912
la raison, par des procédés contraignants. En cas
d’
échec, on le mettait derrière des barreaux. La guerre actuelle est une
913
Le malade, c’est l’humanité. La partie consciente
de
l’humanité se voit attaquée par des figures de cauchemar qui symbolis
914
te de l’humanité se voit attaquée par des figures
de
cauchemar qui symbolisent un inconscient trop longtemps opprimé, nié,
915
ngtemps opprimé, nié, laissé inculte9. On a tenté
de
raisonner cet inconscient et de le forcer à se tenir tranquille. Priv
916
ulte9. On a tenté de raisonner cet inconscient et
de
le forcer à se tenir tranquille. Privé de moyens de s’exprimer à sa m
917
ient et de le forcer à se tenir tranquille. Privé
de
moyens de s’exprimer à sa manière, affolé par nos arguments, il n’a p
918
le forcer à se tenir tranquille. Privé de moyens
de
s’exprimer à sa manière, affolé par nos arguments, il n’a plus trouvé
919
ère, affolé par nos arguments, il n’a plus trouvé
d’
autre issue que dans une révolte explosive. Le cauchemar envahit la pl
920
a pas à tomber épuisée et à se passer la camisole
de
force d’un régime d’ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé
921
omber épuisée et à se passer la camisole de force
d’
un régime d’ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé vaudrait
922
e et à se passer la camisole de force d’un régime
d’
ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé vaudrait mieux. ⁂ Ce
923
je voudrais défendre et illustrer dans une série
d’
écrits à venir : il est temps que la pensée politique rejoigne la psyc
924
contemporaine. Depuis quatre ans, nous essayons
de
mener la guerre psychologique10 à l’instar des nazis qui l’avaient in
925
instar des nazis qui l’avaient inventée. Au seuil
de
la paix, il est temps de chercher au moins les principes d’une politi
926
aient inventée. Au seuil de la paix, il est temps
de
chercher au moins les principes d’une politique psychologique. Je ne
927
, il est temps de chercher au moins les principes
d’
une politique psychologique. Je ne parle pas de propagande : celle-ci
928
es d’une politique psychologique. Je ne parle pas
de
propagande : celle-ci n’est qu’une tactique de bombardement. La polit
929
as de propagande : celle-ci n’est qu’une tactique
de
bombardement. La politique que j’imagine serait une cure. Mais avant
930
eprendre, il nous faudrait un diagnostic. Tentons
d’
en indiquer les premiers éléments. Si cette génération n’a pas le cour
931
éléments. Si cette génération n’a pas le courage
de
s’avouer plus profondément qu’aucune autre, il ne faut en attendre ri
932
ment qu’aucune autre, il ne faut en attendre rien
de
bon, ni rien de grand, ni rien de vrai. Essayons une autoanalyse. C’e
933
utre, il ne faut en attendre rien de bon, ni rien
de
grand, ni rien de vrai. Essayons une autoanalyse. C’est notre chance
934
n attendre rien de bon, ni rien de grand, ni rien
de
vrai. Essayons une autoanalyse. C’est notre chance peut-être unique.
935
disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit
de
le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nous fait en
936
n’ont pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs
de
l’avoir, ce droit ? Avons-nous fait enquête avant de partir ? Sommes-
937
ait pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas
d’
une opération légale ou d’une enquête scientifique, mais elle ressembl
938
a guerre ne résulte pas d’une opération légale ou
d’
une enquête scientifique, mais elle ressemble à une colère, à une pert
939
ue, mais elle ressemble à une colère, à une perte
de
patience ou de maîtrise de soi, à la réaction automatique d’un mystér
940
essemble à une colère, à une perte de patience ou
de
maîtrise de soi, à la réaction automatique d’un mystérieux sens de l’
941
ne colère, à une perte de patience ou de maîtrise
de
soi, à la réaction automatique d’un mystérieux sens de l’honneur bles
942
ou de maîtrise de soi, à la réaction automatique
d’
un mystérieux sens de l’honneur blessé. Flamme aveuglante, vague de sa
943
i, à la réaction automatique d’un mystérieux sens
de
l’honneur blessé. Flamme aveuglante, vague de sang, terreur froide, o
944
ens de l’honneur blessé. Flamme aveuglante, vague
de
sang, terreur froide, ou goût du suicide. Ne me parlez pas de droits,
945
reur froide, ou goût du suicide. Ne me parlez pas
de
droits, vous n’y avez pas pensé. Nous avons « fait notre devoir » et
946
as pensé. Nous avons « fait notre devoir » et pas
de
question. Je dis que la guerre nous plaît. Elle arrange bien des chos
947
hoses. Elle ajourne nos vrais conflits. Elle tire
de
nous ce que la paix n’en tirait plus. Elle offre l’avantage incompara
948
n tirait plus. Elle offre l’avantage incomparable
de
sanctionner notre acquittement par contumace. Elle est le grand non-l
949
ttement par contumace. Elle est le grand non-lieu
de
millions d’hommes — le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’on n’es
950
contumace. Elle est le grand non-lieu de millions
d’
hommes — le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’on n’est plus respo
951
vrai no man’s land où l’on n’est plus responsable
de
soi. La guerre ancienne était une chance offerte à l’instinct combati
952
des mâles, le jeu des coqs ornés pour l’occasion
de
leurs plus belles plumes. La guerre actuelle a perdu ces attraits. To
953
t combatif : comptez qu’une fraction très réduite
de
l’humanité — presque totalement mobilisée — combat en fait sur les ch
954
alement mobilisée — combat en fait sur les champs
de
bataille. Seule une fraction de cette fraction connaît le corps à cor
955
it sur les champs de bataille. Seule une fraction
de
cette fraction connaît le corps à corps, la bataille d’hommes. Qu’aim
956
te fraction connaît le corps à corps, la bataille
d’
hommes. Qu’aimons-nous donc tous dans la guerre, que nous soyons civil
957
s. Ainsi la guerre devient pour nous l’équivalent
de
la fête chez les peuples anciens, elle en possède les attributs les p
958
s passions collectives déchaînées, le déguisement
de
rigueur, le sacrifice humain légal, et les valeurs morales changent d
959
ice humain légal, et les valeurs morales changent
de
signe : tu tueras, tu voleras, tu diras de faux témoignages avec honn
960
angent de signe : tu tueras, tu voleras, tu diras
de
faux témoignages avec honneur. Je parle d’état d’exception comme on d
961
diras de faux témoignages avec honneur. Je parle
d’
état d’exception comme on dirait état de siège, état de grâce. Et les
962
z les primitifs, la guerre est le « grand Temps »
de
l’humanité moderne. Elle nous fournit la seule excuse que notre espri
963
re esprit puisse accepter pour suspendre le cours
d’
une existence de plus en plus conforme aux prévisions des grandes comp
964
us conforme aux prévisions des grandes compagnies
d’
assurances. (Quelle fête immense faudrait-il à ce siècle pour lui fair
965
it-il à ce siècle pour lui faire oublier son goût
de
la guerre ! Quel drame nouveau, pour remplacer, sur la scène vide, l’
966
sera peut-être pour des siècles. (Il y aura trop
d’
avions du même côté.) Mais comment l’homme compensera-t-il le manque d
967
.) Mais comment l’homme compensera-t-il le manque
de
guerres ? Nous avons tout prévu contre un futur Hitler, rien contre s
968
re son absence, autant que je sache. Le seul type
d’
héroïsme que l’Occident ait su concevoir (depuis qu’on n’allume plus d
969
dent ait su concevoir (depuis qu’on n’allume plus
de
bûchers pour les chrétiens et qu’ils tolèrent les hérétiques), c’est
970
la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a plus
de
guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? P
971
ur la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue
de
respect pour les vertus que l’esprit seul sait pousser jusqu’au parox
972
u’au paroxysme. Et comment vivre, s’il n’y a plus
de
paroxysmes ? La guerre nous plaît. Nous le nions tous, et c’est norma
973
écider le désarmement général, total et définitif
de
tous les peuples, appuyé par une interdiction absolue de fabriquer de
974
les peuples, appuyé par une interdiction absolue
de
fabriquer des armes et d’enseigner à s’en servir ? Je ne sais pas mie
975
ne interdiction absolue de fabriquer des armes et
d’
enseigner à s’en servir ? Je ne sais pas mieux que la plupart ce qui r
976
sais pas mieux que la plupart ce qui résulterait
d’
une décision de ce genre, mais je sais que la plupart résistent à prio
977
que la plupart ce qui résulterait d’une décision
de
ce genre, mais je sais que la plupart résistent à priori à cette idée
978
s’ouvre. Et cependant, ils ne sont guère capables
de
me donner sur-le-champ, avec calme, de bonnes raisons bien étudiées d
979
e capables de me donner sur-le-champ, avec calme,
de
bonnes raisons bien étudiées d’un tel refus. C’est un refus instincti
980
hamp, avec calme, de bonnes raisons bien étudiées
d’
un tel refus. C’est un refus instinctif, comme ils disent. Et c’est to
981
lais leur faire dire. (Il leur reste à me traiter
de
défaitiste.) Une politique qui négligerait le fait que la guerre nous
982
isons profondes, cette politique serait incapable
de
rien conduire, ni de rien prévoir d’autre que d’astucieux traités de
983
e politique serait incapable de rien conduire, ni
de
rien prévoir d’autre que d’astucieux traités de commerce que la proch
984
it incapable de rien conduire, ni de rien prévoir
d’
autre que d’astucieux traités de commerce que la prochaine guerre annu
985
de rien conduire, ni de rien prévoir d’autre que
d’
astucieux traités de commerce que la prochaine guerre annulerait. 2. H
986
i de rien prévoir d’autre que d’astucieux traités
de
commerce que la prochaine guerre annulerait. 2. Hitler. — Nous penson
987
tler est un monstre avec lequel nous n’avons rien
de
commun. Il s’agit de le détruire avant toute autre tâche. Point de vu
988
vec lequel nous n’avons rien de commun. Il s’agit
de
le détruire avant toute autre tâche. Point de vue indispensable pour
989
int de vue stérile et désastreux dès qu’il s’agit
de
la paix. Hitler n’est pas en dehors de l’humanité, mais en elle. Bien
990
devant nous, mais en nous. Il était en nous avons
d’
être contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’il se dresse contre n
991
férir si nous n’admettons pas qu’il est une part
de
nous, la part du diable dans nos cœurs. Hitler se taira d’ici peu. So
992
a catastrophe prévue. Et devant le cadavre gisant
de
l’homme qui fit trembler tout l’univers, voici que nous nous écrieron
993
e nous nous écrierons avec une stupéfaction mêlée
de
honte : — Comme il était petit ! Il n’était grand, comme Satan lui-mê
994
tit ! Il n’était grand, comme Satan lui-même, que
de
la grandeur de nos misères secrètes. Dans la réalité psychologique du
995
t grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur
de
nos misères secrètes. Dans la réalité psychologique du siècle, Hitler
996
psychologique du siècle, Hitler aura joué le rôle
d’
un personnage de rêve d’angoisse. Ce rêve collectif a modelé notre his
997
siècle, Hitler aura joué le rôle d’un personnage
de
rêve d’angoisse. Ce rêve collectif a modelé notre histoire, mais il é
998
Hitler aura joué le rôle d’un personnage de rêve
d’
angoisse. Ce rêve collectif a modelé notre histoire, mais il était d’a
999
otre histoire, mais il était d’abord dans l’ombre
de
nos âmes. On a remarqué que dans un cauchemar, ce qui nous terrifie n
1000
ité la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité
de
la passion hostile ou criminelle dont il nous paraît animé. Il se cha
1001
ont il nous paraît animé. Il se charge à nos yeux
d’
une puissance de terreur dont nous n’avions sans doute jamais eu l’exp
1002
ît animé. Il se charge à nos yeux d’une puissance
de
terreur dont nous n’avions sans doute jamais eu l’expérience. Et pour
1003
amais eu l’expérience. Et pourtant c’est une part
de
nous-mêmes qui machine cette brusque épouvante, ramassant dans un ges
1004
forme, une atmosphère, tout ce que nous refusions
d’
admettre en nous. Le cauchemar nous apprend qu’il ne suffit pas de ref
1005
us. Le cauchemar nous apprend qu’il ne suffit pas
de
refuser un instinct ou quelque tentation pour les supprimer. Il s’agi
1006
u quelque tentation pour les supprimer. Il s’agit
de
les utiliser, ou de s’en guérir ; sinon soyons certains qu’ils vont r
1007
pour les supprimer. Il s’agit de les utiliser, ou
de
s’en guérir ; sinon soyons certains qu’ils vont revenir en force, sou
1008
, sous un déguisement séduisant, ou sous la forme
d’
un monstre archaïque. L’ogre à la petite moustache est l’un de ces mon
1009
archaïque. L’ogre à la petite moustache est l’un
de
ces monstres. Nous en verrons bien d’autres, si nous nous contentons
1010
en verrons bien d’autres, si nous nous contentons
de
lutter contre les signes extérieurs du mal, sans essayer d’en modifie
1011
contre les signes extérieurs du mal, sans essayer
d’
en modifier les causes dans nous-mêmes11. Mais ceci pose un problème n
1012
Mais ceci pose un problème nouveau : le problème
de
la religion. 3. Il faut une religion pour le peuple. Entendons : pour
1013
on défaut, Hitler l’aurait fait voir par le moyen
de
cette religion synthétique (comme le caoutchouc) qu’est le national-s
1014
lisme. Je ne parle pas ici du christianisme, mais
de
la religion en général, comme phénomène humain, cause et produit de t
1015
général, comme phénomène humain, cause et produit
de
toute communauté vivante. Je parle d’un instinct aussi fondamental et
1016
et produit de toute communauté vivante. Je parle
d’
un instinct aussi fondamental et naturel que la sexualité. Il est inco
1017
des Occidentaux. Car non content de combattre et
d’
évacuer les coutumes religieuses périmées (c’était son droit et son de
1018
ez une sécheresse générale, nécessairement suivie
d’
une rupture de digues et de l’interruption catastrophique des forces s
1019
sse générale, nécessairement suivie d’une rupture
de
digues et de l’interruption catastrophique des forces sombres de la c
1020
nécessairement suivie d’une rupture de digues et
de
l’interruption catastrophique des forces sombres de la cité. La raiso
1021
l’interruption catastrophique des forces sombres
de
la cité. La raison peut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas
1022
enchaîner. Si elle détruit tous les moyens connus
de
les apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse de moyens nouveau
1023
s apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse
de
moyens nouveaux, elle fait lever des monstres autour de nous. Imagino
1024
s avions en masse et par ce moyen-là venir à bout
d’
Hitler ; mais il ne pourra prévenir la multiplication prochaine d’autr
1025
ir la multiplication prochaine d’autres symptômes
de
la même névrose. Tout porte à croire que nous allons entrer dans une
1026
orte à croire que nous allons entrer dans une ère
de
religions aberrantes. Ou, comme le dit une grande légende indienne, d
1027
me le dit une grande légende indienne, dans l’ère
de
l’Accroissement des Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies
1028
s sains des réalistes et des experts seront vidés
d’
un coup par ces lames de fond. Certains intellectuels incrimineront al
1029
des experts seront vidés d’un coup par ces lames
de
fond. Certains intellectuels incrimineront alors l’instinct religieux
1030
t nous lirons encore des jérémiades sur le déclin
de
l’esprit et l’abandon des grands principes. « C’est inconcevable ! »
1031
ciel. Mais c’est très simple. Un homme qui meurt
de
faim mange n’importe quoi pour tromper sa faim, faute de mieux. La ra
1032
e de mieux. La raison n’ose pas dire qu’il a tort
d’
avoir faim. Dira-t-elle qu’il a tort d’avoir soif de religion ? De tro
1033
’il a tort d’avoir faim. Dira-t-elle qu’il a tort
d’
avoir soif de religion ? De tromper cet instinct rendu furieux par des
1034
avoir faim. Dira-t-elle qu’il a tort d’avoir soif
de
religion ? De tromper cet instinct rendu furieux par des siècles de p
1035
ra-t-elle qu’il a tort d’avoir soif de religion ?
De
tromper cet instinct rendu furieux par des siècles de privation ? Ell
1036
romper cet instinct rendu furieux par des siècles
de
privation ? Elle dénoncera vainement des délires collectifs dont elle
1037
la première responsable, aussi vrai que le régime
de
la prohibition fut responsable des méfaits de l’alcool frelaté, en Am
1038
ime de la prohibition fut responsable des méfaits
de
l’alcool frelaté, en Amérique. ⁂ Je ne demande pas que des sorciers n
1039
faudrait conjurer. Mais je pense qu’il est temps
de
renoncer à la vieille politique de l’équilibre des grandes puissances
1040
u’il est temps de renoncer à la vieille politique
de
l’équilibre des grandes puissances nationales et des trusts : elle ne
1041
es trusts : elle ne peut plus saisir les éléments
de
notre conflit. Il est temps de nous orienter vers une politique d’équ
1042
aisir les éléments de notre conflit. Il est temps
de
nous orienter vers une politique d’équilibre des grandes puissances p
1043
Il est temps de nous orienter vers une politique
d’
équilibre des grandes puissances psychologiques, dans les masses, à l’
1044
s, races inférieures, besoins religieux qualifiés
de
superstitions. 10. L’expression psychological warfare est devenue co
1045
ogical warfare est devenue courante dans les pays
de
langue anglaise. 11. Type d’argument que l’on peut opposer à ce qui
1046
rante dans les pays de langue anglaise. 11. Type
d’
argument que l’on peut opposer à ce qui précède, afin de tuer dans l’œ
1047
précède, afin de tuer dans l’œuf toute tentative
d’
analyse féconde : « Avouez tout de même que nos régimes actuels, si im
1048
tes, en politique, il s’agira toujours, au mieux,
de
moindres maux. Mais la question est de savoir si le prétendu moindre
1049
au mieux, de moindres maux. Mais la question est
de
savoir si le prétendu moindre mal que l’on défend n’est pas simplemen
1050
mal que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits
de
la psychologie rationaliste ont été patents dans la morale sexuelle e
1051
riage au siècle dernier ; ou lorsqu’il s’agissait
d’
apprécier le rôle du sacré, l’âme collective, la création artistique,
1052
ve, la création artistique, l’importance relative
de
l’argent et du travail, les dogmes chrétiens, etc., etc. m. Rougemo
1053
dogmes chrétiens, etc., etc. m. Rougemont Denis
de
, « Quelle guerre cruelle », L’Arche, Alger, octobre–novembre 1944, p.
1054
né par les Italiens à l’une des figures du paquet
de
78 cartes tel qu’il existait au xiiie siècle. Ce nom fut attribué pa
1055
à l’un des moments les plus violemment poétiques
de
l’histoire de France. Ces cartes à fond doré, à bord d’argent, ne por
1056
ments les plus violemment poétiques de l’histoire
de
France. Ces cartes à fond doré, à bord d’argent, ne portent ni inscri
1057
istoire de France. Ces cartes à fond doré, à bord
d’
argent, ne portent ni inscriptions ni nombres, et s’inspirent de modèl
1058
ortent ni inscriptions ni nombres, et s’inspirent
de
modèles vénitiens. Dix-sept d’entre elles sont conservées à la Biblio
1059
lles sont conservées à la Bibliothèque Nationale.
D’
un autre jeu, faussement attribué à Mantegna, et daté de 1400, subsist
1060
utre jeu, faussement attribué à Mantegna, et daté
de
1400, subsistent aujourd’hui quatre exemplaires de 50 cartes chacun.
1061
e 1400, subsistent aujourd’hui quatre exemplaires
de
50 cartes chacun. Ce jeu se compose de cinq séries de 10 cartes, nomm
1062
xemplaires de 50 cartes chacun. Ce jeu se compose
de
cinq séries de 10 cartes, nommées les Conditions de la vie, les Muses
1063
0 cartes chacun. Ce jeu se compose de cinq séries
de
10 cartes, nommées les Conditions de la vie, les Muses, les Arts libé
1064
cinq séries de 10 cartes, nommées les Conditions
de
la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste.
1065
séries de 10 cartes, nommées les Conditions de la
vie
, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Michel
1066
ste. Michel-Ange est supposé avoir inventé un jeu
de
tarot pour enseigner l’arithmétique. Et Gargantua jouait au « Tarau »
1067
rau » selon Rabelais. Au xve siècle, l’invention
de
l’imprimerie multiplia les cartes en circulation, mais jusqu’au xviii
1068
chez les princes et chez les gipsys, tout en haut
de
l’échelle sociale et tout en bas, passe-temps noble et magique ou rit
1069
ut en bas, passe-temps noble et magique ou rituel
de
science maudite, et prêtant aux abus les plus puérils ou les plus dém
1070
lieu du xviiie siècle, l’occultiste suisse Court
de
Gébelin émit l’hypothèse que le tarot dérivait du Livre de Toth, livr
1071
n émit l’hypothèse que le tarot dérivait du Livre
de
Toth, livre sacré de l’Égypte. Mais il crut aussi en retrouver les éq
1072
e le tarot dérivait du Livre de Toth, livre sacré
de
l’Égypte. Mais il crut aussi en retrouver les équivalents dans une in
1073
équivalents dans une inscription chinoise, datant
de
1120, et dans les tablettes hindoues représentant les avatars de Vish
1074
s les tablettes hindoues représentant les avatars
de
Vishnu. L’origine égyptienne du tarot est soutenue par Etteilla, dont
1075
utenue par Etteilla, dont nous allons parler, par
d’
Odoucet son premier disciple, et par Éliphas Levi. Elle a été contesté
1076
ascendance hindoue. Or nous possédons des cartes
de
tarot plus anciennes, comme on vient de le voir. Les origines du taro
1077
teur, en rendant justice au génie et à la science
de
Court de Gébelin, terrassa ce que ce grave antiquaire avait transcrit
1078
rendant justice au génie et à la science de Court
de
Gébelin, terrassa ce que ce grave antiquaire avait transcrit dans son
1079
un amateur qui, lui-même, n’avait pu copier l’art
de
tirer les cartes, dont il est question, que d’après sa cuisinière. I
1080
sa cuisinière. Il était perruquier et se nommait
de
son vrai nom, Alliette. Il redécouvrit le tarot pendant la seconde mo
1081
rprétations sont hasardeuses, mais il a le mérite
d’
en avoir proposées. Ses disciples, dont le plus grand fut Éliphas Lévi
1082
’abbé Alphonse Louis Constant), ne se privent pas
de
dénoncer ses erreurs, mais se montrent enclins aux mêmes complaisance
1083
isances interprétatives que le maître. La lecture
de
leurs textes est généralement exaspérante, à cause de leur propension
1084
ne 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame n’a pas
de
nombre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin d
1085
e zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin
de
l’alphabet hébreu… Le véritable 21 est aussi 22, ainsi que nous le ve
1086
fin notre zéro, et voici son intéressante analyse
de
ce nombre. (Elie Alta, Le Tarot égyptien, ou Etteilla restitué, Vichy
1087
ssent avoir été aussi nombreuses que les familles
d’
esprits, les hérésies chrétiennes, ou les écoles marxistes. Non moins
1088
rot représente le Monde : on peut le voir de plus
d’
une façon. A) Pays. Citons Elie Alta : Etteilla a composé un jeu dans
1089
ts, mais malgré ces changements on peut se servir
de
son jeu. Il est préférable d’employer les suivants, mais en numérotan
1090
s on peut se servir de son jeu. Il est préférable
d’
employer les suivants, mais en numérotant les arcanes mineurs : 1. Le
1091
s en numérotant les arcanes mineurs : 1. Le tarot
de
Marseille où les arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot suisse de
1092
arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot suisse
de
Schaffhouse ; 3. Le tarot italien où seulement deux arcanes sont diff
1093
chose, car Jupiter étant symboliquement principe
de
vie, fait fonction de Dieu dans l’Humanité ; (b) La papesse, remplacé
1094
ose, car Jupiter étant symboliquement principe de
vie
, fait fonction de Dieu dans l’Humanité ; (b) La papesse, remplacée pa
1095
ant symboliquement principe de vie, fait fonction
de
Dieu dans l’Humanité ; (b) La papesse, remplacée par Junon qui est l’
1096
emplacée par Junon qui est l’espace ou sanctuaire
de
la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui es
1097
ée par Junon qui est l’espace ou sanctuaire de la
vie
, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est entiè
1098
la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot
de
Francfort, qui est entièrement défiguré, mais qui peut également serv
1099
s. En France nous trouvons difficilement le tarot
de
Marseille. La Maison Grimaud l’a remplacé par le tarot italien ; celu
1100
Grimaud l’a remplacé par le tarot italien ; celui
de
Schaffhouse ne se trouve qu’en Suisse, de même celui de Francfort en
1101
affhouse ne se trouve qu’en Suisse, de même celui
de
Francfort en Allemagne ; ils n’ont pas droit d’entrée en France. Quan
1102
i de Francfort en Allemagne ; ils n’ont pas droit
d’
entrée en France. Quant à celui d’Etteilla, on le trouve partout. (E.
1103
n’ont pas droit d’entrée en France. Quant à celui
d’
Etteilla, on le trouve partout. (E. Alta, op. cit., p. 27). B) Dessin
1104
l’on peut dire, car leur vente est interdite dans
de
nombreux pays), s’inspirent de modèles du xviiie siècle avec plus ou
1105
est interdite dans de nombreux pays), s’inspirent
de
modèles du xviiie siècle avec plus ou moins de fidélité. Défaut cour
1106
t de modèles du xviiie siècle avec plus ou moins
de
fidélité. Défaut courant : une simplification intempérante des symbol
1107
s à la suite de cet article, les unes selon Court
de
Gébelin, les autres selon des modèles plus anciens, restitués par l’é
1108
ciens, restitués par l’érudition. Et depuis Court
de
Gébelin, la décadence s’est accentuée. On trouve même aujourd’hui des
1109
accentuée. On trouve même aujourd’hui des cartes
de
tarot à figures redoublées (tête en haut et tête en bas) à l’instar d
1110
s (tête en haut et tête en bas) à l’instar du jeu
de
cartes moderne. C’est un abus inqualifiable, si l’on sait que l’inter
1111
inqualifiable, si l’on sait que l’interprétation
de
chaque lame ou arcane majeur peut être profondément différente selon
1112
e ou renversée. Il en résulte aussi que le manque
de
place, dans le cas d’une figure doublée, oblige le dessinateur à expu
1113
résulte aussi que le manque de place, dans le cas
d’
une figure doublée, oblige le dessinateur à expulser de la carte les s
1114
figure doublée, oblige le dessinateur à expulser
de
la carte les symboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau de l’imm
1115
s symboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau
de
l’immortalité dans l’arcane 17, petit exemple, ou les lettres T-A-R-O
1116
dans l’arcane 10, c’est-à-dire simplement le sens
de
la lame — Taro ou Rota — et le nom de Dieu — Jahvé). On voudrait cons
1117
ent le sens de la lame — Taro ou Rota — et le nom
de
Dieu — Jahvé). On voudrait conseiller au lecteur de détruire radicale
1118
Dieu — Jahvé). On voudrait conseiller au lecteur
de
détruire radicalement tout jeu de ce genre sur lequel il pourrait met
1119
ller au lecteur de détruire radicalement tout jeu
de
ce genre sur lequel il pourrait mettre la main, si l’on ne craignait
1120
il pourrait mettre la main, si l’on ne craignait
de
donner à ces contrefaçons la valeur tout accidentelle qui s’attache a
1121
des lames reproduites ci-après quelques exemples
d’
interprétations fort diverses : il serait aisé (et désirable) de les m
1122
ons fort diverses : il serait aisé (et désirable)
de
les multiplier à propos de ces mêmes cartes. Peut-être alors une cert
1123
une planète 2. un signe du zodiaque 3. une lettre
de
l’alphabet hébreu (sens exotérique et sens ésotérique) 4. un nombre (
1124
ent (selon l’alchimie) 6. une couleur 7. une note
de
musique 8. un nom à quoi l’occultiste Lenain a cru pouvoir ajouter :
1125
. un degré 12. un génie 13. un verset des psaumes
de
David et les psychanalystes modernes : 14. une des quatre facultés (p
1126
tion, sentiment, sensation) 15. un des archétypes
de
l’inconscient collectif. De plus, ces significations sont organisées
1127
é à chaque carte des 22 atouts majeurs une lettre
de
l’alphabet hébreu… Ces lettres ont apporté avec elles les signatures
1128
dernes Les interprètes contemporains diffèrent
d’
une manière décourageante quant au parallélisme à établir entre les qu
1129
couleurs des tarots et les quatre couleurs du jeu
de
cartes moderne. Bornons-nous à livrer à l’étude du lecteur les hypoth
1130
arot) : les Bâtons du Tarot = les Carreaux du jeu
de
cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers =
1131
èfles les Deniers = les Piques Selon les tarots
de
Francfort : Bâtons = Carreaux Coupes = Cœurs Épées = Piques Deniers =
1132
rs = Pique = Sensation = Terre Enfin, selon R. M.
de
Marinis (dans un ouvrage à paraître en 1945) : Bâtons = Trèfle = Sexu
1133
Âge, et quelques-unes des situations élémentaires
de
l’existence, signifiées par allégories. Il n’en est rien. Tout est sy
1134
le dessin est exact. Et ces symboles, à l’examen
d’
une attention qui consent à se laisser docilement absorber, ne tardent
1135
s, tantôt dramatiques, comme le sont les symboles
de
nos « grands rêves ». De fait, chacun des arcanes majeurs est une app
1136
mme le sont les symboles de nos « grands rêves ».
De
fait, chacun des arcanes majeurs est une apparition, un grand rêve fi
1137
ixé, et peut être analysé à ce titre. Les figures
de
la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaiss
1138
re analysé à ce titre. Les figures de la papesse,
de
l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de vé
1139
titre. Les figures de la papesse, de l’empereur,
de
la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archét
1140
ures de la papesse, de l’empereur, de la Justice,
de
l’Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archétypes de l’incon
1141
la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme
de
véritables Archétypes de l’inconscient, dans leur immobilité insondab
1142
nous apparaissent comme de véritables Archétypes
de
l’inconscient, dans leur immobilité insondable et infiniment allusive
1143
ble et infiniment allusive. Cependant que la Roue
de
Fortune, le, Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée sont de g
1144
gement dernier, la Lune ou la Tour décapitée sont
de
grands événements psychiques et cosmiques, tantôt clichés dans leur m
1145
ues et cosmiques, tantôt clichés dans leur moment
d’
extrême tension, tantôt largement résumés de leur naissance à leurs po
1146
oment d’extrême tension, tantôt largement résumés
de
leur naissance à leurs possibles conclusions. Nous pouvons donc consi
1147
anes majeurs du tarot comme un véritable Alphabet
de
la grande poésie universelle. Leur attribuer un auteur, une date fixe
1148
t méconnaître leur nature. Les arcanes sont issus
de
la nuit des Mères, et de l’Underground éternel. Peut-être même faudra
1149
. Les arcanes sont issus de la nuit des Mères, et
de
l’Underground éternel. Peut-être même faudrait-il voir dans les lames
1150
voir dans les lames les plus anciennes les signes
d’
un langage secret, communiquant sous la forme anodine d’un jeu, les do
1151
angage secret, communiquant sous la forme anodine
d’
un jeu, les doctrines manichéennes de la secte des cathares ou albigeo
1152
orme anodine d’un jeu, les doctrines manichéennes
de
la secte des cathares ou albigeois, persécutée par l’inquisition. (La
1153
a en 1209.) Les troubadours cathares, initiateurs
de
toute la poésie occidentale, auraient pris le maquis dans plusieurs p
1154
is dans plusieurs pays, mais n’auraient pas cessé
de
répandre leur croyance et leur sagesse par l’entremise des tireurs de
1155
yance et leur sagesse par l’entremise des tireurs
de
cartes. Cette hypothèse a été formulée par le grand indianiste Heinri
1156
quelques pages remarquables sur « Le Fou ». 6.
De
l’usage des tarots Nous avons pris l’habitude de considérer les ta
1157
l’usage des tarots Nous avons pris l’habitude
de
considérer les tarots avant tout comme un moyen de divination de l’av
1158
e considérer les tarots avant tout comme un moyen
de
divination de l’avenir. Si l’on en croit les plus récents travaux, ce
1159
es tarots avant tout comme un moyen de divination
de
l’avenir. Si l’on en croit les plus récents travaux, ceux en particul
1160
ravaux, ceux en particulier du professeur Tassin,
de
Columbia, et de Paul Foster Case, le tarot aurait été, originellement
1161
particulier du professeur Tassin, de Columbia, et
de
Paul Foster Case, le tarot aurait été, originellement, une méthode de
1162
le tarot aurait été, originellement, une méthode
de
psychothérapie comparable à notre psychanalyse. Ses lames seraient en
1163
psychanalyse. Ses lames seraient en vérité autant
de
thèmes de méditations prolongées — la cure ou yoga durait plusieurs a
1164
se. Ses lames seraient en vérité autant de thèmes
de
méditations prolongées — la cure ou yoga durait plusieurs années — et
1165
ait plusieurs années — et marqueraient les étapes
d’
une « voie hermétique » aboutissant à la réalisation intime du Grand Œ
1166
time du Grand Œuvre des alchimistes. Il s’agirait
de
passer, à travers ce yoga, de l’illusion à la réalité, et des choses
1167
istes. Il s’agirait de passer, à travers ce yoga,
de
l’illusion à la réalité, et des choses telles qu’elles nous apparaiss
1168
elles sont. Les 22 arcanes décriraient l’histoire
de
l’homme qui part dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à
1169
écriraient l’histoire de l’homme qui part dans la
vie
comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à la connaissance de soi et du
1170
un Fol (arcane zéro) et aboutit à la connaissance
de
soi et du Monde (arcane 21) en passant par tous les stades du dévelop
1171
ades du développement collectif, puis individuel,
de
la psyché humaine. Chacune des cartes était utilisée par l’étudiant
1172
utilisée par l’étudiant en occultisme comme sujet
de
méditations et de contemplation, au cours d’exercices poursuivis aux
1173
diant en occultisme comme sujet de méditations et
de
contemplation, au cours d’exercices poursuivis aux fins d’arriver à l
1174
ujet de méditations et de contemplation, au cours
d’
exercices poursuivis aux fins d’arriver à l’illumination. L’avantage p
1175
plation, au cours d’exercices poursuivis aux fins
d’
arriver à l’illumination. L’avantage particulier de cette technique, c
1176
’arriver à l’illumination. L’avantage particulier
de
cette technique, comparée à d’autres, résidait dans le fait qu’elle c
1177
résidait dans le fait qu’elle combinait plusieurs
modes
d’entraînement dans une seule activité. Ainsi, tandis que l’étudiant
1178
it dans le fait qu’elle combinait plusieurs modes
d’
entraînement dans une seule activité. Ainsi, tandis que l’étudiant app
1179
orrélations entre les idées abstraites. Le schème
d’
études était en général le suivant : l’étudiant commençait par la cont
1180
vant : l’étudiant commençait par la contemplation
d’
une carte isolée, puis il la reliait graduellement à d’autres cartes,
1181
maîtres. Terminons sur une anecdote. Le lendemain
de
la libération de Paris, le peintre Emlen Etting, attaché aux forces a
1182
s sur une anecdote. Le lendemain de la libération
de
Paris, le peintre Emlen Etting, attaché aux forces américaines, et so
1183
s Allemands. Au milieu du désordre indescriptible
de
la salle du Sénat, meubles brisés, papiers épars, une table au tapis
1184
jetées comme par la main du destin » une séquence
de
lames de tarot. Dernier message des occupants. Message suspect, ajout
1185
mme par la main du destin » une séquence de lames
de
tarot. Dernier message des occupants. Message suspect, ajouterons-nou
1186
Message suspect, ajouterons-nous : il s’agissait
de
cartes allemandes portant au lieu des coupes, bâtons, deniers, épées
1187
lands. Le Fou, arcane 0 a) Interprétation
d’
Elie Alta d’après Etteilla : Le grelot de la Folie s’adapte indist
1188
tion d’Elie Alta d’après Etteilla : Le grelot
de
la Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de notre chaîne.
1189
Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux
de
notre chaîne. La surface entière du globe (le 0) n’est que le théâtre
1190
face entière du globe (le 0) n’est que le théâtre
de
nos extravagances. Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage l’emblème d’
1191
. Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage l’emblème
d’
un voyageur, qui symbolise l’homme. Cette vie n’est qu’un court trajet
1192
blème d’un voyageur, qui symbolise l’homme. Cette
vie
n’est qu’un court trajet dont nous pouvons adoucir les peines en nous
1193
distraction, nullité, vain. b) Interprétation
de
E. Whitney, d’après diverses traditions : Vue sous un certain ang
1194
arcane à la fin du jeu) cette carte est une image
de
l’inconscience, des occasions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou,
1195
image de l’inconscience, des occasions manquées,
de
la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans ré
1196
de l’inconscience, des occasions manquées, de la
vie
d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résistanc
1197
l’inconscience, des occasions manquées, de la vie
d’
illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résistance,
1198
ce sens, est la passion subie sans résistance, la
vie
vécue au niveau animal. Rien n’a été appris ou gagné par la traversée
1199
a été appris ou gagné par la traversée du Jeu. La
vie
a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme de c
1200
e, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme
de
ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. Waite, le
1201
ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l’angle
de
A. E. Waite, le Fou est un homme richement habillé, portant une rose
1202
pour contempler l’espace au-dessous et au-dessus
de
lui. L’abîme ne lui inspire pas de terreur. Son visage est plein d’in
1203
s et au-dessus de lui. L’abîme ne lui inspire pas
de
terreur. Son visage est plein d’intelligence, de rêve et d’attente. C
1204
lui inspire pas de terreur. Son visage est plein
d’
intelligence, de rêve et d’attente. C’est un prince de l’autre monde e
1205
de terreur. Son visage est plein d’intelligence,
de
rêve et d’attente. C’est un prince de l’autre monde en voyage ici-bas
1206
. Son visage est plein d’intelligence, de rêve et
d’
attente. C’est un prince de l’autre monde en voyage ici-bas. Sous cet
1207
telligence, de rêve et d’attente. C’est un prince
de
l’autre monde en voyage ici-bas. Sous cet aspect, il est la conscienc
1208
aspect, il est la conscience individuelle libérée
de
l’illusion, et poursuivant sa route sans craindre les dangers que cou
1209
nde, symbolisé par le cercle, il est l’expression
de
la volonté d’individuation dans l’homme. Du point de vue de l’égo, ce
1210
par le cercle, il est l’expression de la volonté
d’
individuation dans l’homme. Du point de vue de l’égo, cette quête n’es
1211
nté d’individuation dans l’homme. Du point de vue
de
l’égo, cette quête n’est que folie et non-sens. c) Interprétation
1212
folie et non-sens. c) Interprétation moderne
de
B. McM. Hazard (résumé) La clef 0 doit exprimer un état de prépar
1213
zard (résumé) La clef 0 doit exprimer un état
de
préparation, avant la conscience et l’individuation. Les symboles de
1214
nt la conscience et l’individuation. Les symboles
de
la carte le confirment : le grand soleil blanc, en haut à droite, con
1215
ifférenciées ; la couleur jaune du fond est celle
de
l’intellect, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint
1216
a couleur jaune du fond est celle de l’intellect,
de
l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternell
1217
jaune du fond est celle de l’intellect, de l’air,
de
la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternelle Jeunesse
1218
Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer dans l’abîme
de
la manifestation terrestre. Il porte les deux symboles féminin et mas
1219
du grand tétragramme hébreu, le nom imprononçable
de
Dieu, J H V H. Par-dessus cette robe, il porte la cape noire de l’ign
1220
H. Par-dessus cette robe, il porte la cape noire
de
l’ignorance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée de trèfles ver
1221
be, il porte la cape noire de l’ignorance, bordée
de
rouge — c’est le désir —, ornée de trèfles verts — la nature créatric
1222
orance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée
de
trèfles verts — la nature créatrice — et de disques jaunes sur lesque
1223
ornée de trèfles verts — la nature créatrice — et
de
disques jaunes sur lesquels sont brodées des roues rouges à 8 rayons,
1224
ines, vallées et montagnes indiquées dans le fond
de
cette carte, jusqu’à ce qu’il revienne au grand soleil ou « Père » do
1225
t, ou animal, ou même abstraction, dans une suite
de
symboles qui expriment d’abord les archétypes de l’homme collectif, p
1226
de symboles qui expriment d’abord les archétypes
de
l’homme collectif, puis les symboles plus subjectifs de l’homme indiv
1227
omme collectif, puis les symboles plus subjectifs
de
l’homme individualisé. d) Interprétation de Heinrich Zimmer (extr
1228
s de l’homme individualisé. d) Interprétation
de
Heinrich Zimmer (extraite d’un ouvrage posthume, non encore publié)
1229
d) Interprétation de Heinrich Zimmer (extraite
d’
un ouvrage posthume, non encore publié) Dernière carte de la série
1230
ge posthume, non encore publié) Dernière carte
de
la série de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qu
1231
non encore publié) Dernière carte de la série
de
78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à
1232
arte de la série de 78, la seule qui ne porte pas
de
symboles ou de nombre qui la relie à une des couleurs… Cette figure s
1233
e de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou
de
nombre qui la relie à une des couleurs… Cette figure solitaire montre
1234
tre un vagabond errant sans but, avec la démarche
d’
un fou… et un regard qui perce toutes choses sans s’arrêter à aucune.
1235
exprime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse
de
l’Est) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à un fou, à un men
1236
sage (selon la sagesse de l’Est) parvenu au terme
de
l’initiation. Semblable à un fou, à un mendiant, à un hors-caste : ca
1237
aux yeux des autres. Il s’est libéré des systèmes
de
castes, des hiérarchies sociales. Il n’a plus besoin de la puissance
1238
tes, des hiérarchies sociales. Il n’a plus besoin
de
la puissance terrestre (les épées) ; des sacrements, rites et prêtres
1239
s) ; du sol et du foyer (les bâtons). Il n’a plus
d’
attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’un fol erran
1240
du foyer (les bâtons). Il n’a plus d’attaches, ni
de
nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’un fol errant. Comment a-t-
1241
on poids. Sa réalité visible et tangible continue
d’
exister, mais elle a perdu son pouvoir magique. Voici l’expérience du
1242
périence du Fou : le monde extérieur n’a pas plus
de
signification réelle que l’ego, dont il s’est débarrassé depuis longt
1243
reposer sa tête. Cependant, il ne se sent frustré
de
rien de tout cela. Il est en union avec l’Univers, sa vraie maison. L
1244
sa tête. Cependant, il ne se sent frustré de rien
de
tout cela. Il est en union avec l’Univers, sa vraie maison. L’univers
1245
divin, dans son essence transcendantale, au-delà
de
tout changement ou forme, se trouve être aussi son essence propre. Ca
1246
est la coincidentia oppositorum. La forme suprême
de
cette union est Dieu, déployant constamment son essence dans les aspe
1247
éployant constamment son essence dans les aspects
de
l’univers et de ses créatures, et cependant restant le « Dieu caché »
1248
ment son essence dans les aspects de l’univers et
de
ses créatures, et cependant restant le « Dieu caché », deus abscondit
1249
fol errant voit en toutes choses la manifestation
de
Dieu, c’est-à-dire de lui-même, et en même temps il voit à travers to
1250
tes choses la manifestation de Dieu, c’est-à-dire
de
lui-même, et en même temps il voit à travers toutes les choses : elle
1251
nivers, et toutes ses richesses, qui ne sont rien
d’
autre que le déploiement de sa propre nature. Vous pourrez donc le tra
1252
sses, qui ne sont rien d’autre que le déploiement
de
sa propre nature. Vous pourrez donc le traiter de fou. Il l’est en ef
1253
de sa propre nature. Vous pourrez donc le traiter
de
fou. Il l’est en effet, mais il n’est pas un lunatique quelconque, un
1254
as un lunatique quelconque, un idiot ou un simple
d’
esprit. C’est ce qu’il paraît. Si quelque étranger aux habits sales et
1255
t-Esprit ! » — la plupart d’entre vous, sans plus
d’
enquête, le conduiraient tranquillement à l’asile. C’est pourquoi le p
1256
rrer ses lèvres et à révéler le scandaleux secret
de
sa perfection. Dans la sagesse du Saint-Esprit incarné, il passe, étr
1257
toutes choses, il ne lui reste plus qu’à feindre
de
n’être rien. Et de même, il convient que la séquence des arcanes, grâ
1258
plissement, apparaisse simplement comme une série
de
cartes à jouer plutôt bizarres et démodées… Le Parfait sous l’aspect
1259
ôt bizarres et démodées… Le Parfait sous l’aspect
d’
un fol errant, a dépassé la possibilité d’être aucune des réalités par
1260
’aspect d’un fol errant, a dépassé la possibilité
d’
être aucune des réalités particulières exprimées par les quatre couleu
1261
pourquoi, prenons garde, s’il nous advient jamais
de
rencontrer quelqu’un qui ne soit rien, ni homme d’affaires, ni profes
1262
en, ni homme d’affaires, ni professeur, ni garçon
d’
ascenseur, — quelqu’un qui ne professe aucune profession, un spirituel
1263
il y condescendait, il pourrait bien être capable
de
nous révéler le dernier mot sur les symboles du tarot ! La Roue d
1264
rnier mot sur les symboles du tarot ! La Roue
de
Fortune, arcane 10 a) Interprétation d’Elie Alta, d’après Etteil
1265
Roue de Fortune, arcane 10 a) Interprétation
d’
Elie Alta, d’après Etteilla : La lettre Iod se rapporte à la plupa
1266
la plupart des idées du nombre 10. Elle a le sens
de
main, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation
1267
manifestation qui va se produire, la potentialité
d’
un événement. Idée d’eau, de liquide. Astrologie. La Vierge, maison d
1268
se produire, la potentialité d’un événement. Idée
d’
eau, de liquide. Astrologie. La Vierge, maison de Mercure. On y consi
1269
uire, la potentialité d’un événement. Idée d’eau,
de
liquide. Astrologie. La Vierge, maison de Mercure. On y considère la
1270
d’eau, de liquide. Astrologie. La Vierge, maison
de
Mercure. On y considère la santé, si l’absent se porte bien… On deman
1271
le représente une roue sur son axe, elle entraîne
d’
un côté un singe, un lapin ou un diable, et de l’autre côté un homme.
1272
îne d’un côté un singe, un lapin ou un diable, et
de
l’autre côté un homme. Elle nous indique simplement le mouvement de l
1273
homme. Elle nous indique simplement le mouvement
de
la vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au somm
1274
. Elle nous indique simplement le mouvement de la
vie
dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet de l
1275
ègnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet
de
la roue, figure la loi universelle des transmutations matérielles ou
1276
ce, végétation, production. b) Interprétation
de
B. McM. Hasard (résumé) : La clef 10 termine le cycle collectif et
1277
ctif et inaugure le cycle individuel. Aux 4 coins
de
la carte, les figures symboliques — un homme, ou ange, un lion, un ta
1278
ion, Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 parties
de
l’homme : Corps (Terre), Émotions (Eau), Intelligence (Air), Esprit (
1279
tragramme. Ces 4 symboles cosmiques sont entourés
de
nuages de tempête suggérant les luttes nécessaires pour arriver à les
1280
Ces 4 symboles cosmiques sont entourés de nuages
de
tempête suggérant les luttes nécessaires pour arriver à les harmonise
1281
entre les éléments seront équilibrées. Au centre
de
la carte, un large cercle orangé indique que le Grand Œuvre est une a
1282
la manifestation parfaite, résultant du mouvement
de
2 roues de 4 rayons tournant en sens inverse l’une de l’autre : équil
1283
ation parfaite, résultant du mouvement de 2 roues
de
4 rayons tournant en sens inverse l’une de l’autre : équilibre entre
1284
roues de 4 rayons tournant en sens inverse l’une
de
l’autre : équilibre entre les aspects positifs et négatifs des 4 inst
1285
Dissolution (Émotions). L’autre roue ne porte pas
de
signes, mais il se peut qu’elle en ait porté autrefois. À l’extrémité
1286
eut qu’elle en ait porté autrefois. À l’extrémité
de
chacun des rayons de la première roue est placée une des lettres du m
1287
rté autrefois. À l’extrémité de chacun des rayons
de
la première roue est placée une des lettres du mot T A R O, qui doit
1288
R O, qui doit se lire dans le sens des aiguilles
d’
une montre. À l’extrémité de chacun des rayons de la seconde roue, son
1289
le sens des aiguilles d’une montre. À l’extrémité
de
chacun des rayons de la seconde roue, sont les lettres Yod, Heh, Vav,
1290
d’une montre. À l’extrémité de chacun des rayons
de
la seconde roue, sont les lettres Yod, Heh, Vav, Heh, qui doivent êtr
1291
i doivent être lues en sens inverse des aiguilles
d’
une montre, étant hébraïques. La division quaternaire du cosmos se ret
1292
aire du cosmos se retrouve ici au plus bas niveau
de
la conscience, encore solaire et collective (symboles abstraits). Aut
1293
pent, le Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau
de
la conscience collective humaine. Le Serpent est jaune (activité de l
1294
ollective humaine. Le Serpent est jaune (activité
de
l’intellect) dirigé vers le bas (involution dans la matière) et ondul
1295
n dans la matière) et ondulant (action vibratoire
de
l’intellect créateur). L’Anubis, ou Hermanubis, mi-loup mi-homme, col
1296
i-loup mi-homme, coloré en rouge (désir), s’élève
de
la matière et évolue vers le Père : c’est l’homme qui s’éveille des p
1297
commence à monter vers l’appel du Sphinx, symbole
de
l’homme parfait ou conscient et individualisé. Le Sphinx est bleu (sp
1298
s : équilibre des contradictions. Il tient l’épée
de
la discrimination. Son corps est mi-féminin, mi-léonin, hermaphrodite
1299
jeu des tarots, Paris, 1781. Etteilla : Manière
de
se récréer avec le jeu de cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985
1300
81. Etteilla : Manière de se récréer avec le jeu
de
cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de Thot. M.
1301
nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre
de
Thot. M. M. D’Odoucet : Science des signes, ou médecine de l’esprit,
1302
Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de Thot. M. M.
D’
Odoucet : Science des signes, ou médecine de l’esprit, connue sous le
1303
M. M. D’Odoucet : Science des signes, ou médecine
de
l’esprit, connue sous le nom d’art de tirer les cartes, Paris, 1793.
1304
gnes, ou médecine de l’esprit, connue sous le nom
d’
art de tirer les cartes, Paris, 1793. William A. Chatto : Facts and Sp
1305
ou médecine de l’esprit, connue sous le nom d’art
de
tirer les cartes, Paris, 1793. William A. Chatto : Facts and Speculat
1306
rds, London, 1848. Éliphas Lévi : Dogme et rituel
de
la haute magie, 1860 — Clefs majeures et clavicules de Salomon, 1895.
1307
haute magie, 1860 — Clefs majeures et clavicules
de
Salomon, 1895. — Le Grand Arcane, 1898. — Transcendental Magic, New Y
1308
b of New York City, 1942.) n. Rougemont Denis
de
, « Présentation du tarot », Hémisphères, New York, 1945, p. 31-43.
1309
omanesque (1944-1945)i La rhétorique est l’art
de
persuader. L’ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’art de par
1310
ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’art
de
parler pour ne rien dire. Rhétorique est devenue synonyme d’éloquence
1311
our ne rien dire. Rhétorique est devenue synonyme
d’
éloquence creuse et de clichés. J’en parlerai dans un tout autre sens.
1312
orique est devenue synonyme d’éloquence creuse et
de
clichés. J’en parlerai dans un tout autre sens. Je voudrais désigner
1313
ble des règles du jeu dans l’art. Feraient partie
de
la rhétorique des éléments aussi divers que les lois de composition d
1314
rhétorique des éléments aussi divers que les lois
de
composition d’un tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois de
1315
éléments aussi divers que les lois de composition
d’
un tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois de l’harmonie et
1316
tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois
de
l’harmonie et du contrepoint ; les genres musicaux et littéraires ; l
1317
genres musicaux et littéraires ; les conventions
de
l’opéra et de la danse ; les personnages constants du théâtre ; les o
1318
ux et littéraires ; les conventions de l’opéra et
de
la danse ; les personnages constants du théâtre ; les ouvertures, lev
1319
ges constants du théâtre ; les ouvertures, levers
de
rideau, préfaces, finales, épilogues et points d’orgue ; la règle des
1320
de rideau, préfaces, finales, épilogues et points
d’
orgue ; la règle des trois unités ; les transitions, récitatifs, coups
1321
trois unités ; les transitions, récitatifs, coups
de
théâtre et contrastes ménagés ; le nombre fixe des syllabes dans un v
1322
rt, aux grandes époques. Artiste était celui qui,
de
ces règles, savait tirer sa liberté. L’inspiration passait par ces ca
1323
étant connues, amateurs et critiques disposaient
d’
une mesure commune avec le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfact
1324
le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfacture
d’
une œuvre, et faire la part de l’invention par déduction de la coutume
1325
imer la bienfacture d’une œuvre, et faire la part
de
l’invention par déduction de la coutume. Presque tous ces critères ef
1326
re, et faire la part de l’invention par déduction
de
la coutume. Presque tous ces critères effacés ou perdus, notre époque
1327
ffacés ou perdus, notre époque ne sait plus juger
d’
une œuvre. Elle tient la rhétorique et ses figures pour arbitraires, a
1328
elles devenues.) Mais dès l’instant où les règles
d’
un jeu cessent d’être respectées comme absolues, qui pourrait désigner
1329
Mais dès l’instant où les règles d’un jeu cessent
d’
être respectées comme absolues, qui pourrait désigner le gagnant ? Tri
1330
concentrer votre esprit pendant plusieurs minutes
de
recherches intenses ; les témoins avertis sauront immédiatement si vo
1331
res. Elles traduisent des relations constitutives
de
notre corps, de la psyché et du Cosmos. La régularité et l’alternance
1332
isent des relations constitutives de notre corps,
de
la psyché et du Cosmos. La régularité et l’alternance de la respirati
1333
syché et du Cosmos. La régularité et l’alternance
de
la respiration, des nuits et des saisons, sont nécessaires à notre vi
1334
es nuits et des saisons, sont nécessaires à notre
vie
, comme les cadences et les contrastes composés sont vitaux pour nos œ
1335
s contrastes composés sont vitaux pour nos œuvres
d’
art. Au surplus, les figures de la rhétorique considérées dans toute l
1336
ux pour nos œuvres d’art. Au surplus, les figures
de
la rhétorique considérées dans toute la variété des arts, ne sont pas
1337
l’affleurement ou que la fixation des archétypes
de
l’inconscient, tels qu’un Jung put les retrouver dans les symboles de
1338
cours des âges et sur les points les plus divers
de
la planète. Les romantiques allemands l’ont soupçonné : Jean-Paul inv
1339
he le vrai point, lorsque, risquant un assemblage
de
mots qui devait paraître, de son temps, le plus scandaleusement parad
1340
squant un assemblage de mots qui devait paraître,
de
son temps, le plus scandaleusement paradoxal, il n’hésite pas à nous
1341
oxal, il n’hésite pas à nous parler des artifices
d’
une « rhétorique profonde ». Au milieu du xviiie siècle, trois phéno
1342
curieux sollicitent l’attention : l’enseignement
de
la rhétorique entre en décadence, cependant que le journalisme fait s
1343
e s’introduit dans les romans. Conjonction lourde
de
présages. Quelques années plus tard éclate la Terreur, balayant les s
1344
perdu le sens, pour instaurer le culte dépouillé
de
la Raison. La terreur dans les arts vint au siècle suivant. Elle auss
1345
rimes, unités, précautions oratoires et procédés
de
composition. Mais elle alla plus loin. Elle déclara que la rhétorique
1346
lle ne vit que recettes et artifices, et commanda
de
les éliminer. De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’ins
1347
cettes et artifices, et commanda de les éliminer.
De
ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’inspiration pure, co
1348
Abandonné à l’inspiration pure, comme la colombe
de
Kant qui s’imagine qu’elle volerait mieux dans le vide, l’artiste cru
1349
re. Le sociologue et le photographe l’observaient
d’
un œil ironique. La naissance, le triomphe et le déclin du roman comm
1350
t à merveille ces brèves indications sur l’office
de
la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origine du rom
1351
ations sur l’office de la rhétorique et le danger
de
l’écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte. La socié
1352
récits mémorables destinés à fixer des événements
de
l’âme ou du Cosmos dans un jeu de personnages et d’aventures très sim
1353
des événements de l’âme ou du Cosmos dans un jeu
de
personnages et d’aventures très simples. Le mythe se développe en lég
1354
l’âme ou du Cosmos dans un jeu de personnages et
d’
aventures très simples. Le mythe se développe en légende, et la légend
1355
. L’épopée perpétue ensuite le souvenir des héros
de
la tribu. Mais à mesure que les dieux prennent figure d’hommes, que l
1356
ribu. Mais à mesure que les dieux prennent figure
d’
hommes, que les statues se mettent à ressembler aux hommes, que l’homm
1357
nt de plus en plus son propre centre et son sujet
d’
étonnement favori, le mythe se rapproche de l’histoire. Il gagne en in
1358
sujet d’étonnement favori, le mythe se rapproche
de
l’histoire. Il gagne en intérêt tout ce qu’il perd en magie. Naît alo
1359
magie. Naît alors le récit en prose, illustration
de
vérités morales communes à l’élite d’une société donnée. Nous avons f
1360
llustration de vérités morales communes à l’élite
d’
une société donnée. Nous avons fait, en quelques lignes, tout le chemi
1361
tout le chemin qui sépare les premiers chapitres
de
la genèse d’un roman comme L’Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’un
1362
in qui sépare les premiers chapitres de la genèse
d’
un roman comme L’Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’un rêve éveillé
1363
irement du conte. Aussitôt, on le voit se gonfler
de
psychologie, de lyrisme, d’histoire, de politique, de documentation.
1364
. Aussitôt, on le voit se gonfler de psychologie,
de
lyrisme, d’histoire, de politique, de documentation. Commence alors l
1365
on le voit se gonfler de psychologie, de lyrisme,
d’
histoire, de politique, de documentation. Commence alors l’inflation r
1366
e gonfler de psychologie, de lyrisme, d’histoire,
de
politique, de documentation. Commence alors l’inflation romanesque, d
1367
sychologie, de lyrisme, d’histoire, de politique,
de
documentation. Commence alors l’inflation romanesque, dont le plus gr
1368
égende, et même l’épopée, étaient créations pures
de
l’imagination. Et l’on ne sait plus si le roman est une pseudo-scienc
1369
ou un faux art. Regardons de plus près ce passage
de
l’invention réelle au réalisme allégué. Le terroriste détruit ce qui
1370
é. Le terroriste détruit ce qui soutenait l’envol
de
l’imagination librement vraie : il détruit les figures convenues, les
1371
étruit les figures convenues, les rites constants
de
l’illusion, dont le conteur connaissait les pouvoirs. Il ne lui reste
1372
nir que des objets à exprimer, non pas des moyens
d’
expression. Mieux on l’imite et plus on s’écarte de l’art. Avec une in
1373
’expression. Mieux on l’imite et plus on s’écarte
de
l’art. Avec une incroyable étourderie, certains demandent alors un «
1374
dent alors un « art vivant ». Comme si les règles
d’
un jeu devaient être vivantes ! Plus personne ne pourrait jouer2. Le j
1375
jeu ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure
de
la fixité même de ses règles indiscutées. L’art consistait jadis à do
1376
t et passionnant qu’à la mesure de la fixité même
de
ses règles indiscutées. L’art consistait jadis à donner sens aux prop
1377
t consistait jadis à donner sens aux propositions
de
la vie. Ses règles émergeaient de la nature profonde, elles prolongea
1378
istait jadis à donner sens aux propositions de la
vie
. Ses règles émergeaient de la nature profonde, elles prolongeaient la
1379
ux propositions de la vie. Ses règles émergeaient
de
la nature profonde, elles prolongeaient la nature naturante, au lieu
1380
t-on le sens profond des choses et des événements
de
la vie, en décalquant le désordre varié des objets ou des sentiments
1381
e sens profond des choses et des événements de la
vie
, en décalquant le désordre varié des objets ou des sentiments ? Par l
1382
duire après Balzac. Le roman pousse deux branches
d’
importance inégale. La première est la monographie : Adolphe, Obermann
1383
e lecteur s’il se retrouve dans le héros. La part
de
l’art y est réduite à celle du style. L’autre branche sera celle du r
1384
se déchaîner la chasse impitoyable aux artifices
de
la fabulation. Maintenant, le romancier prétend décrire. Il s’excuse
1385
tenant, le romancier prétend décrire. Il s’excuse
d’
imaginer. Il ambitionne de conformer son art aux « lois de la vie », n
1386
nd décrire. Il s’excuse d’imaginer. Il ambitionne
de
conformer son art aux « lois de la vie », non plus aux procédés du co
1387
er. Il ambitionne de conformer son art aux « lois
de
la vie », non plus aux procédés du conte. « Le roman, dit M. Jaloux,
1388
ambitionne de conformer son art aux « lois de la
vie
», non plus aux procédés du conte. « Le roman, dit M. Jaloux, ne conn
1389
loux, ne connaît d’autres lois que les lois mêmes
de
la vie. » Cette proposition des plus étranges est reçue sans le moind
1390
ne connaît d’autres lois que les lois mêmes de la
vie
. » Cette proposition des plus étranges est reçue sans le moindre éton
1391
moderne et par le grand public. Elle rend compte
de
l’insignifiance, au sens littéral de ce terme, où devait choir fatale
1392
rend compte de l’insignifiance, au sens littéral
de
ce terme, où devait choir fatalement le roman dès qu’il refusa d’être
1393
devait choir fatalement le roman dès qu’il refusa
d’
être fable. Tout l’intérêt du conte, effectivement, tenait aux convent
1394
opportunes. Sa rapidité folle – par rapport à la
vie
réelle – tenait l’auditeur en haleine ; son rythme était autorité. Le
1395
entiments jusqu’au sublime, proposaient des types
de
vie haute, et réveillaient des forces endormies. Le conte était le li
1396
iments jusqu’au sublime, proposaient des types de
vie
haute, et réveillaient des forces endormies. Le conte était le libre
1397
nte était le libre déploiement des réalités mêmes
de
l’âme, qu’il décrivait en personnages selon certains procédés et figu
1398
rtains procédés et figures surgis des profondeurs
de
l’être, identiques à ceux du rêve, et crus comme tels avec reconnaiss
1399
us comme tels avec reconnaissance, au double sens
de
l’expression. Mais que se passe-t-il lorsque le romancier nous fait s
1400
i est, et non plus ce qu’il a inventé ? L’abandon
de
la rhétorique entraîne deux séries de conséquences qui se révèlent ég
1401
? L’abandon de la rhétorique entraîne deux séries
de
conséquences qui se révèlent également ruineuses. 1°) — Le romancier
1402
onteur. Il s’est privé volontairement du bénéfice
de
« l’art de persuader » traditionnel. Quand, par exemple, le conteur d
1403
s’est privé volontairement du bénéfice de « l’art
de
persuader » traditionnel. Quand, par exemple, le conteur débutait par
1404
aussitôt chez l’auditeur un état très particulier
de
réceptivité et de créance. On savait qu’un jeu commençait, amusant ou
1405
diteur un état très particulier de réceptivité et
de
créance. On savait qu’un jeu commençait, amusant ou profond, et signi
1406
oyait tout : c’était le jeu. Le jeu ne tolère pas
de
scepticisme. Observez un enfant quand il attend « l’histoire ». Dès q
1407
». Dès que la formule consacrée tombe des lèvres
de
la grande personne, l’enfant change de visage, l’état second paraît.
1408
des lèvres de la grande personne, l’enfant change
de
visage, l’état second paraît. C’est l’état passionné d’attente où naî
1409
age, l’état second paraît. C’est l’état passionné
d’
attente où naît l’illusion romanesque. Il a suffi des mots rituels pou
1410
sens critique, et voici le plaisir extrême : Peau
d’
âne va lui être conté. Mais si vous alliez dire au même enfant, avant
1411
ns des meilleurs écrivains avaient encore coutume
de
débuter par des phrases stéréotypées : « Par une belle matinée de nov
1412
es phrases stéréotypées : « Par une belle matinée
de
novembre, un voyageur vêtu d’un macfarlane gris chevauchait sur la ro
1413
r une belle matinée de novembre, un voyageur vêtu
d’
un macfarlane gris chevauchait sur la route qui va de N… à X… » (Fenim
1414
n macfarlane gris chevauchait sur la route qui va
de
N… à X… » (Fenimore Cooper, j’imagine). Ou bien c’était une lente des
1415
ntroduisant dans l’atmosphère du récit. (Le début
de
Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d’avertissement retenaient encore
1416
. (Le début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés
d’
avertissement retenaient encore une règle élémentaire : marquer le déb
1417
uer le début du jeu par un signal convenu, isoler
de
la vie courante la partie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionn
1418
début du jeu par un signal convenu, isoler de la
vie
courante la partie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionne d’imi
1419
rtie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionne
d’
imiter la vie, qui ne commence et ne finit jamais. Force lui est donc
1420
Mais le romancier réaliste ambitionne d’imiter la
vie
, qui ne commence et ne finit jamais. Force lui est donc d’entrer comm
1421
e commence et ne finit jamais. Force lui est donc
d’
entrer comme par hasard, au milieu d’une situation, d’une atmosphère,
1422
trer comme par hasard, au milieu d’une situation,
d’
une atmosphère, ou même d’une phrase, « N’importe où et n’importe comm
1423
milieu d’une situation, d’une atmosphère, ou même
d’
une phrase, « N’importe où et n’importe comment » — c’est à quoi vise
1424
uoi vise son effort. « Gontran sortit son briquet
de
nacre, alluma une cigarette blonde et consulta l’indicateur. » Il s’a
1425
ette blonde et consulta l’indicateur. » Il s’agit
de
me faire croire que c’est vrai. Il faut donc me fournir des preuves e
1426
ou quelque chose qui ressemble à cela. « La vraie
vie
», je la connais autant que cet auteur. Je me méfie, et bientôt discu
1427
bientôt discute. Et plus l’auteur paraît désireux
de
me convaincre — au lieu de s’abandonner à son rythme d’images — plus
1428
convaincre — au lieu de s’abandonner à son rythme
d’
images — plus j’exige un récit vraisemblable. À la limite, il serait i
1429
renoncerais à la mienne pour faire crédit à celle
de
l’écrivain que si, d’abord, il renonçait à démontrer, et m’entraînait
1430
e en soi. 2°) — Par la suppression des cérémonies
d’
introduction et de sortie3, le romancier moderne veut créer l’illusion
1431
r la suppression des cérémonies d’introduction et
de
sortie3, le romancier moderne veut créer l’illusion du réel quotidien
1432
ion du réel quotidien. Pourtant il ne dispose que
de
mots, quoi qu’il fasse. Ce dernier artifice paraît le gêner d’autant
1433
er artifice paraît le gêner d’autant qu’il essaie
de
le faire oublier. D’où cet axiome de la critique moderne : un roman n
1434
gêner d’autant qu’il essaie de le faire oublier.
D’
où cet axiome de la critique moderne : un roman ne doit pas être « écr
1435
qu’il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome
de
la critique moderne : un roman ne doit pas être « écrit ». Tous ces e
1436
. Tous ces efforts trahissent le curieux embarras
de
ne pouvoir faire entrer dans un livre des personnages grandeur nature
1437
livre des personnages grandeur nature. La volonté
d’
éliminer toutes les conventions narratives, pour peu d’exigence qu’on
1438
miner toutes les conventions narratives, pour peu
d’
exigence qu’on y mette, aboutit à faire du roman quelque chose d’inter
1439
n y mette, aboutit à faire du roman quelque chose
d’
interminable, et quelque chose de méthodiquement insignifiant. Quelque
1440
an quelque chose d’interminable, et quelque chose
de
méthodiquement insignifiant. Quelque chose qui n’en finit plus, car l
1441
ifiant. Quelque chose qui n’en finit plus, car la
vie
ne met jamais de point final. Il y a jeu quand les conséquences s’épu
1442
ose qui n’en finit plus, car la vie ne met jamais
de
point final. Il y a jeu quand les conséquences s’épuisent avec le der
1443
s’épuisent avec le dernier coup ; mais le sérieux
de
la vie est, par définition, le domaine des conséquences indéfinies. L
1444
sent avec le dernier coup ; mais le sérieux de la
vie
est, par définition, le domaine des conséquences indéfinies. L’hésita
1445
ier moderne à terminer son livre par une décision
de
l’esprit ou par un artifice de rhétorique, telle est la source impure
1446
e par une décision de l’esprit ou par un artifice
de
rhétorique, telle est la source impure du roman-fleuve. La longueur d
1447
impure du roman-fleuve. La longueur des ouvrages
de
ce genre est l’expression de l’embarras d’un écrivain qui s’est privé
1448
ongueur des ouvrages de ce genre est l’expression
de
l’embarras d’un écrivain qui s’est privé des secours de l’art. D’aill
1449
vrages de ce genre est l’expression de l’embarras
d’
un écrivain qui s’est privé des secours de l’art. D’ailleurs cet allon
1450
mbarras d’un écrivain qui s’est privé des secours
de
l’art. D’ailleurs cet allongement, trop souvent excessif pour l’intér
1451
toujours insuffisant pour égaler la durée réelle
d’
une vie. Quelque chose de méthodiquement insignifiant. Car la-vie-tell
1452
urs insuffisant pour égaler la durée réelle d’une
vie
. Quelque chose de méthodiquement insignifiant. Car la-vie-telle-qu’el
1453
r égaler la durée réelle d’une vie. Quelque chose
de
méthodiquement insignifiant. Car la-vie-telle-qu’elle-est ne signifie
1454
elconques. Et c’est au nom de cette fidélité à la
vie
que M. Jules Romains va s’interdire, dit-il — « les enchaînements arb
1455
rop bien les choses ». J’extrais ces propositions
de
la préface aux Hommes de bonne volonté, bon témoignage sur l’opinion
1456
extrais ces propositions de la préface aux Hommes
de
bonne volonté, bon témoignage sur l’opinion moyenne du grand public c
1457
Le roman, écrit encore M. Romains, ne connaît pas
de
vraies servitudes. Ce qui diminue peut-être pour le roman comme genre
1458
peut-être pour le roman comme genre les occasions
d’
acquérir un mérite esthétique supérieur… mais ce qui en tout cas lui i
1459
e supérieur… mais ce qui en tout cas lui interdit
de
cultiver les conventions. » Ceci corrigerait donc cela ? M. Romains c
1460
ns connaît bien son public. Il sait que l’absence
de
conventions sera tenue pour avantage, et compensera, aux yeux de ses
1461
pensera, aux yeux de ses contemporains, l’absence
de
mérite esthétique. (Alors que la première absence est en réalité la c
1462
remière absence est en réalité la cause immédiate
de
la seconde.) Parlant encore de son propre roman, M. Romains ajoute :
1463
la cause immédiate de la seconde.) Parlant encore
de
son propre roman, M. Romains ajoute : « Le lecteur se demandera : où
1464
ur se justifier, n’en va-t-il pas de même dans la
vie
? Les romans traditionnels « préoccupés qu’ils sont, au nom des vieil
1465
éoccupés qu’ils sont, au nom des vieilles règles,
de
commencer et de finir le jeu avec les mêmes cartes », échouent à expr
1466
sont, au nom des vieilles règles, de commencer et
de
finir le jeu avec les mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre
1467
op courts pour imiter sans conventions le décousu
de
la vie réelle. Avouer l’ambition d’écrire un livre en se conformant a
1468
rts pour imiter sans conventions le décousu de la
vie
réelle. Avouer l’ambition d’écrire un livre en se conformant aux « lo
1469
ns le décousu de la vie réelle. Avouer l’ambition
d’
écrire un livre en se conformant aux « lois de la vie », c’est doublem
1470
ion d’écrire un livre en se conformant aux « lois
de
la vie », c’est doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’a
1471
écrire un livre en se conformant aux « lois de la
vie
», c’est doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’art. Cet
1472
s de la vie », c’est doublement tricher : avec la
vie
, et surtout avec l’art. Cette tricherie généralisée doit amener, néce
1473
frustes mais fixes, du découpage, du montage, et
de
la présentation dramatisée. Ces conditions, dans une vue commerciale,
1474
ues par les « producers », éditeurs et directeurs
de
magazines à grand tirage. Le genre proprement romanesque s’éteindra
1475
e et pour avoir commis la même erreur : qui était
de
croire les conventions « conventionnelles » au sens dépréciatif de l’
1476
ventions « conventionnelles » au sens dépréciatif
de
l’épithète. Ces légèretés ne pardonnent pas. Une contre-épreuve de no
1477
s légèretés ne pardonnent pas. Une contre-épreuve
de
notre diagnostic nous sera fournie par le succès du roman policier. J
1478
demeure le seul genre défini, obéissant aux lois
d’
une rhétorique précise. C’est un jeu, et un jeu serré, qui ne tolère a
1479
gnante. Ses personnages sont constants comme ceux
de
la Commedia dell’arte, ou ceux des cartes et des échecs : le détectiv
1480
détective élégant, volontiers philosophe, l’agent
de
police bonne brute ou puits de sagesse populaire ; la femme à bijoux,
1481
hilosophe, l’agent de police bonne brute ou puits
de
sagesse populaire ; la femme à bijoux, comtesse de palaces ; le valet
1482
e sagesse populaire ; la femme à bijoux, comtesse
de
palaces ; le valet de chambre silencieux et astucieux, etc. La situat
1483
ilencieux et astucieux, etc. La situation, donnée
d’
entrée de jeu, se résout complètement à la fin du livre, et ne comport
1484
et astucieux, etc. La situation, donnée d’entrée
de
jeu, se résout complètement à la fin du livre, et ne comporte qu’un n
1485
la fin du livre, et ne comporte qu’un nombre fini
d’
éléments. Le lieu de l’action est circonscrit : c’est généralement une
1486
ne comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu
de
l’action est circonscrit : c’est généralement une maison dont il semb
1487
n. La fixité même des règles fondamentales permet
de
mesurer l’invention de chaque auteur, et les progrès du genre. Une gr
1488
ègles fondamentales permet de mesurer l’invention
de
chaque auteur, et les progrès du genre. Une grande partie de l’intérê
1489
uteur, et les progrès du genre. Une grande partie
de
l’intérêt que l’amateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient a
1490
e de l’intérêt que l’amateur apporte à la lecture
de
ces ouvrages, tient au raffinement ou à la complication croissante de
1491
a complication croissante des règles. (Le lecteur
de
romans policiers devient très vite un spécialiste.) Et cette rhétoriq
1492
spécialiste.) Et cette rhétorique ne manquera pas
d’
exercer son pouvoir créateur de communauté : des clubs de fanatiques d
1493
ue ne manquera pas d’exercer son pouvoir créateur
de
communauté : des clubs de fanatiques du roman policier se sont fondés
1494
er son pouvoir créateur de communauté : des clubs
de
fanatiques du roman policier se sont fondés un peu partout. La vogue
1495
s l’impureté du genre, c’est qu’il peut se passer
de
la crédibilité intrinsèque du conte, par le recours à l’autorité tout
1496
ut extérieure du fait accompli. Cette possibilité
de
tricherie est voisine de celle qui consiste à forcer la vraisemblance
1497
ompli. Cette possibilité de tricherie est voisine
de
celle qui consiste à forcer la vraisemblance par une accumulation de
1498
te à forcer la vraisemblance par une accumulation
de
faits observables. Le roman mourra donc, comme sont mortes la tragéd
1499
tés formelles, et pour avoir poursuivi la chimère
d’
une liberté sans condition. Quelques phénomènes extérieurs viendront p
1500
ié, dès sa naissance, aux conceptions bourgeoises
de
la vie, soit qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisâ
1501
s sa naissance, aux conceptions bourgeoises de la
vie
, soit qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisât que l
1502
ite il n’utilisât que leurs tabous comme ressorts
de
l’action, ou qu’enfin il se fît un prestige de les contredire et mine
1503
ts de l’action, ou qu’enfin il se fît un prestige
de
les contredire et miner. Tout cela ne durera plus que le temps de liq
1504
e et miner. Tout cela ne durera plus que le temps
de
liquider un héritage saccagé par la guerre actuelle et par l’avènemen
1505
roman faisait toute son « étude ». Mais le besoin
de
lire des fables ne s’éteindra pas pour si peu ; et moins encore, le b
1506
ndra pas pour si peu ; et moins encore, le besoin
d’
en conter. L’imaginaire, délivré du souci d’une vraisemblance insignif
1507
esoin d’en conter. L’imaginaire, délivré du souci
d’
une vraisemblance insignifiante ou statistique, retrouvera l’usage pro
1508
e des symboles. Le conteur, renonçant à imiter la
vie
, la récréera ; et renonçant à prouver qu’il dit vrai, aussitôt se ver
1509
t vrai, aussitôt se verra restituer les prestiges
de
la persuasion. Notre monde retentit d’événements incroyables et pourt
1510
prestiges de la persuasion. Notre monde retentit
d’
événements incroyables et pourtant mortellement réels. Les faits les p
1511
le défient nos imaginations. Seul un art délirant
de
fantaisie a su préfigurer le rythme de nos catastrophes. Les dessins
1512
t délirant de fantaisie a su préfigurer le rythme
de
nos catastrophes. Les dessins animés de Walt Disney jouaient dans le
1513
le rythme de nos catastrophes. Les dessins animés
de
Walt Disney jouaient dans le registre du fou rire populaire avec l’in
1514
ire avec l’instinct sadique et le goût des orgies
de
destruction que devait traduire, quelques années plus tard, la guerre
1515
t-ce que pour rester au niveau de nos épreuves et
de
nos désastres réels, l’art de demain va revenir au jeu des amplificat
1516
de nos épreuves et de nos désastres réels, l’art
de
demain va revenir au jeu des amplifications, raccourcis et miracles q
1517
étorique des contes. Il ne rejoindra le sens vrai
de
nos vies qu’en se livrant à la logique profonde des symboles et des m
1518
e des contes. Il ne rejoindra le sens vrai de nos
vies
qu’en se livrant à la logique profonde des symboles et des mythes de
1519
à la logique profonde des symboles et des mythes
de
l’âme. Tout porte à tenir pour probable que les grandes œuvres narrat
1520
es œuvres narratives qui vont naître au lendemain
de
cette guerre, se rapprocheront des types de libre création, des parab
1521
emain de cette guerre, se rapprocheront des types
de
libre création, des paraboles que furent en d’autres temps Gargantua,
1522
onstrueux dessins animés où l’homme n’a pas cessé
de
reconnaître son image la plus convaincante. 1. La dialectique de la
1523
n image la plus convaincante. 1. La dialectique
de
la Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean
1524
onvaincante. 1. La dialectique de la Terreur et
de
la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean Paulhan, publié e
1525
et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre
de
Jean Paulhan, publié en France sous l’occupation : Les Fleurs de Tarb
1526
, publié en France sous l’occupation : Les Fleurs
de
Tarbes. 2. Ce cauchemar est fort bien décrit par Lewis Carroll dans
1527
fort bien décrit par Lewis Carroll dans la scène
de
la partie de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, les maille
1528
crit par Lewis Carroll dans la scène de la partie
de
croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, les maillets et les bou
1529
wis Carroll dans la scène de la partie de croquet
d’
Alice in Wonderland où les arceaux, les maillets et les boules sont vi
1530
maillets et les boules sont vivants et ne cessent
de
se déplacer. 3. Coup de sifflet donné par l’arbitre, appel d’un des
1531
nt vivants et ne cessent de se déplacer. 3. Coup
de
sifflet donné par l’arbitre, appel d’un des joueurs à son partenaire,
1532
r. 3. Coup de sifflet donné par l’arbitre, appel
d’
un des joueurs à son partenaire, disposition des pions ; trois coups f
1533
aire, disposition des pions ; trois coups frappés
d’
avance, lever de rideau ; l’ouverture d’un opéra ; le cadre du tableau
1534
n des pions ; trois coups frappés d’avance, lever
de
rideau ; l’ouverture d’un opéra ; le cadre du tableau, etc. Des procé
1535
s frappés d’avance, lever de rideau ; l’ouverture
d’
un opéra ; le cadre du tableau, etc. Des procédés identiques annoncent
1536
noncent la terminaison du jeu, la rentrée dans la
vie
sérieuse. Idem : les rites d’entrée et de sortie relatifs à un espace
1537
la rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites
d’
entrée et de sortie relatifs à un espace ou à un temps sacré. 4. Voir
1538
ans la vie sérieuse. Idem : les rites d’entrée et
de
sortie relatifs à un espace ou à un temps sacré. 4. Voir Roger Caill
1539
omo Ludens, Amsterdam, 1939. i. Rougemont Denis
de
, « Les règles du jeu dans l’art romanesque », Renaissance, New York,
1540
és sur place, comme le coq est cloué sur la ligne
de
craie tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce n’était trop be
1541
p bête si ce n’était trop beau. Mais rien ne sert
de
n’y pas croire. C’est un fait, nous l’avons subi, et nous avons tous
1542
us avons tous dit : je n’y puis rien. Avec autant
de
sincérité, nous semblait-il, qu’un croyant décrivant sa conversion en
1543
ant décrivant sa conversion en termes de grâce et
de
prédestination. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point
1544
de grâce et de prédestination. Mais s’il est vain
de
nier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son caractère de d
1545
s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point
de
mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cette espèce de pas
1546
l ne l’est point de mettre en doute son caractère
de
destinée fatale. Cette espèce de passivité que l’on allègue, ne serai
1547
te son caractère de destinée fatale. Cette espèce
de
passivité que l’on allègue, ne serait-elle point un alibi ? Je ne par
1548
lle point un alibi ? Je ne parle que du vrai coup
de
fondre, celui qui est suivi d’incendie. Car pour ceux que l’on attend
1549
e que du vrai coup de fondre, celui qui est suivi
d’
incendie. Car pour ceux que l’on attend, que l’on appelle, ils ne sont
1550
attend, que l’on appelle, ils ne sont qu’éclairs
de
chaleur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux portières d’un train que l
1551
le, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’aura
d’
un cœur orageux. Aux portières d’un train que l’on croise, entre cieux
1552
leur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux portières
d’
un train que l’on croise, entre cieux stations de métro, dans la foule
1553
d’un train que l’on croise, entre cieux stations
de
métro, dans la foule où se cherchent des yeux — ils se détournent aus
1554
-là. Je disais à ce romancier (l’un des meilleurs
de
l’Allemagne d’alors) : — Le mythe du coup de foudre est sans doute un
1555
à ce romancier (l’un des meilleurs de l’Allemagne
d’
alors) : — Le mythe du coup de foudre est sans doute une astucieuse in
1556
de foudre est sans doute une astucieuse invention
de
Don Juan pour impressionner ses victimes. Il en a tant parlé, et vous
1557
apparition fait naître en elles. Très facile que
de
les persuader, une fois si bien intéressées ! Car rien ne flatte comm
1558
mme l’idée que l’on va vivre à son tour une scène
de
roman. Oui, l’idée seule a fait tous ces ravages, et non pas quelque
1559
quelque dieu, ni le Destin. Il n’y aurait jamais
de
coup de fondre sans ce désir que vous entretenez par vos romans… Mais
1560
dieu, ni le Destin. Il n’y aurait jamais de coup
de
fondre sans ce désir que vous entretenez par vos romans… Mais ce n’es
1561
tenez par vos romans… Mais ce n’est pas assez que
d’
une complaisance acquise. Il faut encore une rencontre ménagée à la re
1562
les rencontres fameuses : Tristan devant la cour
d’
Irlande est reçu par la fille du roi selon l’usage et l’étiquette. Sie
1563
ue cela se produise à l’improviste, comme au coin
d’
un bois… Il me vient une image dont la netteté pourra faire excuser le
1564
la pose… Tandis que je parlais ainsi, une espèce
de
gêne me vint, le sentiment de mal tomber. Il me sembla que mes propos
1565
s ainsi, une espèce de gêne me vint, le sentiment
de
mal tomber. Il me sembla que mes propos touchaient mon interlocuteur
1566
embla que mes propos touchaient mon interlocuteur
d’
une manière un peu trop personnelle, et comment dire ? — qu’il savait
1567
conclure pour ou contre vos théories. ⁂ Au début
de
1933, au moment où Hitler arrivait au pouvoir, on m’offrit de donner
1568
moment où Hitler arrivait au pouvoir, on m’offrit
de
donner des conférences à Budapest. Le président de l’organisation qui
1569
e donner des conférences à Budapest. Le président
de
l’organisation qui m’invitait était un grand banquier, ami des lettre
1570
, ami des lettres. Il vint m’attendre au débarqué
de
l’avion et me conduisit à sa demeure. C’était l’heure du déjeuner. No
1571
depuis quelques instants dans sa bibliothèque, où
d’
un coup d’œil furtif j’avais remarqué mes livres, lorsque sa femme ent
1572
es livres, lorsque sa femme entra en nous saluant
d’
une mélodieuse formule hongroise. La présentation faite, cette dame no
1573
faite, cette dame nous offrit la rituelle liqueur
de
pêche dont on vide trois verres d’un seul trait, en se regardant dans
1574
tuelle liqueur de pêche dont on vide trois verres
d’
un seul trait, en se regardant dans les yeux. Je me sentis pâlir viole
1575
el public j’aurai, et quelles personnes me prient
de
leur réserver un dîner : bref, vous vous rappelez ce qu’était la Hong
1576
avaler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’effet
de
l’avion ? J’allais m’en persuader quand je m’aperçois, et cette fois-
1577
bavarde encore en prenant le café, puis s’excuse
d’
avoir à regagner sa banque : d’ailleurs sa femme me promènera dans Bud
1578
e Musée, — à ce soir ! Il s’en va, très satisfait
de
lui, et de moi aussi, je crois. Nous voici seuls. Silence. Silence en
1579
à ce soir ! Il s’en va, très satisfait de lui, et
de
moi aussi, je crois. Nous voici seuls. Silence. Silence encore dans l
1580
sque rageuse. Nous traversons les grandes artères
de
Pest, le pont des Chaînes sur les eaux jaunes du Danube, puis ces rue
1581
s sur les eaux jaunes du Danube, puis ces ruelles
de
Buda qui montent sur les flancs d’un énorme rocher en pleine ville, q
1582
is ces ruelles de Buda qui montent sur les flancs
d’
un énorme rocher en pleine ville, que domine la statue de saint Geller
1583
orme rocher en pleine ville, que domine la statue
de
saint Geller, les bras en croix. Elle arrête la voiture près d’une ba
1584
r, les bras en croix. Elle arrête la voiture près
d’
une barrière de parc public, descend, s’éloigne dans la neige bien gel
1585
croix. Elle arrête la voiture près d’une barrière
de
parc public, descend, s’éloigne dans la neige bien gelée où ses pas,
1586
s’enfoncent et se marquent. Je la rejoins. Alors
d’
un geste elle désigne la ville à nos pieds : « — Mon mari m’a demandé
1587
e la ville à nos pieds : « — Mon mari m’a demandé
de
vous montrer Budapest. Voilà, c’est Budapest. » Il n’y a rien d’autre
1588
Budapest. Voilà, c’est Budapest. » Il n’y a rien
d’
autre à dire. Nous remontons en voiture et descendons vers la ville. S
1589
se dans un restaurant ? — Bonne idée », fait-elle
d’
une voix basse, sans me regarder. Nous voici attablés devant des sandw
1590
i l’un ni l’autre ne pouvons toucher à rien. Tout
d’
un coup je me suis mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrêt
1591
d’un coup je me suis mis debout. Je fais le tour
de
la table, je m’arrête devant elle, les bras en arrière, comme cela —
1592
s bras en arrière, comme cela — je me suis retenu
de
lui toucher l’épaule — et je m’entends prononcer : — Puisqu’il faut q
1593
s conférences ou un dîner. Et je passais le reste
de
la nuit dans un bar, en compagnie d’un peintre réfugié, nommé Maria.
1594
ais le reste de la nuit dans un bar, en compagnie
d’
un peintre réfugié, nommé Maria. Je l’avais connu quelques années aupa
1595
politique, à Berlin, que je fréquentais à l’insu
de
ma femme. J’étais dans un état d’exaltation extrême, à peu près incap
1596
entais à l’insu de ma femme. J’étais dans un état
d’
exaltation extrême, à peu près incapable de dormir, sauf quelques heur
1597
n état d’exaltation extrême, à peu près incapable
de
dormir, sauf quelques heures pendant la matinée. Nous parlions avec m
1598
es pendant la matinée. Nous parlions avec mon ami
d’
art, de religion, de politique, des perspectives du nouveau régime, et
1599
ant la matinée. Nous parlions avec mon ami d’art,
de
religion, de politique, des perspectives du nouveau régime, et pas du
1600
e. Nous parlions avec mon ami d’art, de religion,
de
politique, des perspectives du nouveau régime, et pas du tout de mes
1601
es perspectives du nouveau régime, et pas du tout
de
mes après-midi. Bien entendu. La veille de mon départ, comme nous sor
1602
u tout de mes après-midi. Bien entendu. La veille
de
mon départ, comme nous sortions du bar, Maria et moi, une édition du
1603
n nous apprend l’incendie du Reichstag. Je décide
de
rentrer le jour même à Berlin, et prends congé de mon ami qui se mont
1604
de rentrer le jour même à Berlin, et prends congé
de
mon ami qui se montrait fort inquiet de mon sort. Il y avait de quoi
1605
nds congé de mon ami qui se montrait fort inquiet
de
mon sort. Il y avait de quoi d’ailleurs, j’étais inscrit, à cette épo
1606
se montrait fort inquiet de mon sort. Il y avait
de
quoi d’ailleurs, j’étais inscrit, à cette époque, au parti communiste
1607
oir. J’arrive à Berlin le lendemain. Sur le seuil
de
notre villa de Zehlendorf, ma femme m’attend, grave et presque sévère
1608
je l’interroge avec nervosité sur les événements
de
l’avant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? — Avec qui m’as-tu
1609
le. Elle sait. Monsieur, je puis garder un secret
d’
État, vous le savez, mais je ne suis pas de ceux qui peuvent supporter
1610
secret d’État, vous le savez, mais je ne suis pas
de
ceux qui peuvent supporter un mensonge dans leur vie intime. J’ai tou
1611
ceux qui peuvent supporter un mensonge dans leur
vie
intime. J’ai tout avoué sans me chercher d’excuse. Et comme elle se t
1612
leur vie intime. J’ai tout avoué sans me chercher
d’
excuse. Et comme elle se taisait encore, je lui ai demandé comment ell
1613
e matin même et qu’elle avait ouverte par crainte
d’
un malheur. Quelques lignes sur une feuille portant l’en-tête d’un bar
1614
Quelques lignes sur une feuille portant l’en-tête
d’
un bar de Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite de tes nou
1615
lignes sur une feuille portant l’en-tête d’un bar
de
Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite de tes nouvelles, j
1616
Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite
de
tes nouvelles, je suis inquiet, je n’oublierai jamais les nuits extra
1617
nous avons encore pu passer ensemble, à la veille
de
ce cataclysme. » La lettre était signée Maria. — Un vrai drame du des
1618
es… Mais le destin aveugle qui présida aux fastes
de
votre rencontre, ne perd-il pas un peu de son mystère si l’on songe q
1619
’on songe que la femme du banquier était lectrice
de
romans — et sans doute de vos propres romans ?… Et ce coup de foudre,
1620
banquier était lectrice de romans — et sans doute
de
vos propres romans ?… Et ce coup de foudre, n’est-il pas tombé d’un c
1621
omans ?… Et ce coup de foudre, n’est-il pas tombé
d’
un ciel qu’il convient de nommer Littérature ? o. Rougemont Denis d
1622
udre, n’est-il pas tombé d’un ciel qu’il convient
de
nommer Littérature ? o. Rougemont Denis de, « Contribution à l’étu
1623
ent de nommer Littérature ? o. Rougemont Denis
de
, « Contribution à l’étude du coup de foudre », Formes et Couleurs, La
1624
er avec les mains (janvier 1946)p Il est temps
de
proclamer vaine toute œuvre qui laisse son auteur intact, et son lect
1625
ors de toi-même, dans le scandale ou dans la joie
de
ta vocation créatrice. Trop de penseurs inoffensifs secrètent des phi
1626
le ou dans la joie de ta vocation créatrice. Trop
de
penseurs inoffensifs secrètent des philosophies correctes, trop de dr
1627
ensifs secrètent des philosophies correctes, trop
de
drames inoffensifs se nouent par jeu dans nos romans, trop de scribes
1628
offensifs se nouent par jeu dans nos romans, trop
de
scribes inoffensifs nous singent la fureur ou la révolte, l’indulgenc
1629
ffensifs tous ceux dont l’œuvre n’est pas ce lieu
de
combat sans merci où quelque chose qu’il ne peut plus fuir attaque l’
1630
us fuir attaque l’auteur et tout ce qu’il reflète
d’
une ambiance domestiquée. Il est grand temps que la pensée redevienne
1631
istinction : il y a des hommes qui sont l’orgueil
de
notre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de notre esprit. I
1632
otre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent
de
notre esprit. Il y a des hommes qui créent, d’autres qui enregistrent
1633
s professeurs, pour lesquels la pensée est un art
d’
agrément, un héritage, une carrière libérale, ou un capital bien placé
1634
l bien placé. Cerveaux sans mains ! et qui jugent
de
haut, mais de loin, et toujours après coup, la multitude des mains sa
1635
Cerveaux sans mains ! et qui jugent de haut, mais
de
loin, et toujours après coup, la multitude des mains sans cerveau qui
1636
là, que la pensée ne peut venir qu’à la remorque
d’
événements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on confond la pen
1637
enir qu’à la remorque d’événements qui n’ont cure
de
ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’usage inoffensif
1638
ue l’on confond la pensée avec l’usage inoffensif
de
ce que des créateurs ont pensé, au prix de leur vie souvent, et toujo
1639
e ce que des créateurs ont pensé, au prix de leur
vie
souvent, et toujours par un acte initiateur et révolutionnaire. Les u
1640
on, les autres agissent ! Mais la vraie condition
de
l’homme, c’est de penser avec les mains. p. Rougemont Denis de, «
1641
ssent ! Mais la vraie condition de l’homme, c’est
de
penser avec les mains. p. Rougemont Denis de, « Penser avec les ma
1642
t de penser avec les mains. p. Rougemont Denis
de
, « Penser avec les mains », Cahiers de la saison, Genève, janvier 194
1643
mont Denis de, « Penser avec les mains », Cahiers
de
la saison, Genève, janvier 1946, p. 1.
1644
s 1946)q Les Quatre Libertés ont figuré le but
de
guerre idéal des Nations unies, comme elles restent l’idéal officiel
1645
tions unies, comme elles restent l’idéal officiel
de
la paix. Mais j’ai remarqué qu’assez peu de personnes sont capables d
1646
remarqué qu’assez peu de personnes sont capables
de
les énumérer. Il semble qu’on se soit battu « pour » quelque chose qu
1647
sevelt qui les avait énoncées le premier au début
de
1942 dans son discours sur l’état de l’Union : « freedom of speech, f
1648
ier au début de 1942 dans son discours sur l’état
de
l’Union : « freedom of speech, freedom of religion, freedom from want
1649
un peu malaisément dans notre langue par liberté
de
parole et de religion, libération de la misère et de la crainte. Donc
1650
sément dans notre langue par liberté de parole et
de
religion, libération de la misère et de la crainte. Donc les Nations
1651
par liberté de parole et de religion, libération
de
la misère et de la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la gue
1652
parole et de religion, libération de la misère et
de
la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre, il est temp
1653
Nations unies ayant gagné la guerre, il est temps
de
nous demander quel est l’état présent des libertés qui faisaient l’en
1654
l’état présent des libertés qui faisaient l’enjeu
de
la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, paraît en bo
1655
enjeu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou
de
la religion, paraît en bonne voie de s’établir dans les pays récemmen
1656
du culte ou de la religion, paraît en bonne voie
de
s’établir dans les pays récemment libérés, de même qu’en Russie sovié
1657
ailleurs si ce progrès doit être attribué à moins
de
fanatisme de la part des masses religieuses, ou à plus d’indifférence
1658
isme de la part des masses religieuses, ou à plus
d’
indifférence de la part des masses « éclairées », comme disent leurs c
1659
is autres libertés, voici le tableau : la liberté
de
parole se voit partout mise en échec par des censures officielles ou
1660
, elle a multiplié par 20 000 au moins la liberté
de
craindre le pire à chaque instant. Tout cela, nous disent, non sans r
1661
ts, n’est que le résultat déplorable, mais fatal,
de
la guerre. (Étrange activité qui « fatalement » prolonge ou aggrave l
1662
aggrave les tyrannies qu’elle avait pour seul but
d’
écraser. Mais ceci est une autre histoire.) Ma génération est-elle don
1663
lle s’est épuisé à combattre ? Doit-elle accepter
de
se passer d’au moins trois libertés sur quatre, avec l’espoir que ses
1664
isé à combattre ? Doit-elle accepter de se passer
d’
au moins trois libertés sur quatre, avec l’espoir que ses enfants les
1665
données par qui ? Sommes-nous voués à l’esclavage
d’
État par nécessité matérielle ? On m’en voudra de ces questions, parce
1666
d’État par nécessité matérielle ? On m’en voudra
de
ces questions, parce qu’elles ne paraissent comporter que des réponse
1667
ment par la comparaison qu’il nous oblige à faire
de
l’idéal et du présent. Je propose donc que nous changions ce qui peut
1668
moment inaccessibles, par une affirmation unique
de
Liberté indivisible, qu’il ne dépend que de nous de saisir à l’instan
1669
nique de Liberté indivisible, qu’il ne dépend que
de
nous de saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a qu
1670
Liberté indivisible, qu’il ne dépend que de nous
de
saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a que « la »
1671
« deux » : ils reçoivent gratuitement les secours
de
la religion de leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccupe
1672
reçoivent gratuitement les secours de la religion
de
leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccuper de leur subsi
1673
hoix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccuper
de
leur subsistance ; « quatre » ils sont solidement protégés contre tou
1674
sons américaines. (On leur donne même des séances
de
cinéma le samedi soir.) La liberté ne peut pas être détaillée ni débi
1675
Elle ne peut pas non plus être donnée. Elle exige
d’
être affirmée sur le champ, et coûte que coûte, quels que soient les o
1676
y aura toujours des obstacles. Ceux qui ont peur
d’
être libres en feront leurs prétextes comme l’ont fait les Allemands s
1677
iberté fondamentale dont tout dépend, c’est celle
de
se « réaliser personnellement ». Or nous ne pourrons jamais la recevo
1678
llement ». Or nous ne pourrons jamais la recevoir
d’
autrui. Sans elle les autres libertés ne comptent guère. Par elle seul
1679
s si nous décidons que les obstacles à l’exercice
de
notre liberté sont fatals, nécessaires et surhumains, aussitôt nous l
1680
t nous les rendrons tels, aussitôt nous cesserons
d’
être libres. Et l’État aura tous les droits, puisque nous lui laissero
1681
mmes libres, si nous sommes prêts à payer le prix
de
la liberté, qui sera toujours : payer de sa personne. Un homme libre,
1682
le prix de la liberté, qui sera toujours : payer
de
sa personne. Un homme libre, c’est un homme courageux, non pas un hom
1683
omme courageux, non pas un homme qui aurait reçu (
de
qui ?) trois ou quatre ou trente-six libertés. On entend dire : « X…
1684
tés. On entend dire : « X… est un esprit libre. »
De
qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de la Révolution, ni des S
1685
n esprit libre. » De qui tient-il sa liberté ? Ni
de
l’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et
1686
. » De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni
de
la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas de
1687
e l’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni
de
la Démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vis
1688
des Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas
de
leurs experts. Il la tient de sa vision seule et de son courage de lu
1689
tie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient
de
sa vision seule et de son courage de lutter pour la joindre. Lénine,
1690
leurs experts. Il la tient de sa vision seule et
de
son courage de lutter pour la joindre. Lénine, sous le tsarisme, étai
1691
Il la tient de sa vision seule et de son courage
de
lutter pour la joindre. Lénine, sous le tsarisme, était plus libre qu
1692
ibre qu’un citoyen américain qui tourne le bouton
de
sa radio. Ils combattaient. q. Rougemont Denis de, « Les quatre li
1693
sa radio. Ils combattaient. q. Rougemont Denis
de
, « Les quatre libertés », Le Figaro littéraire, Paris, 30 mars 1946,
1694
ès bien compris, à savoir que la terre est ronde.
D’
où il résulte, entre autres conséquences, que si vous tirez devant vou
1695
rochain tour. Cette figure signifie quelque chose
d’
important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous
1696
s ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions
de
la communauté normale, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir
1697
es dans cette époque. (Vous avez ici les prémices
d’
une théorie sociologique flambant neuve.) À l’arme planétaire correspo
1698
auté universelle, qui relègue les nations au rang
de
simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques instants dans ce j
1699
Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et
de
tout temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce so
1700
temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre
d’
or, que ce soit l’Univers, ou l’Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes s
1701
Il semble que la dernière guerre, j’entends celle
de
39-45, a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de
1702
fait pour éveiller dans les nations le sentiment
de
leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonnie
1703
ations le sentiment de leur relativité. La guerre
de
Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montmartre, int
1704
elativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie
de
chansonniers du temps de Montmartre, intéressa pendant dix ans, direc
1705
hine, cette plaisanterie de chansonniers du temps
de
Montmartre, intéressa pendant dix ans, directement, la vie courante d
1706
artre, intéressa pendant dix ans, directement, la
vie
courante des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’Asie,
1707
des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et
de
l’Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en sub
1708
matérielle. Avant qu’elle puisse devenir un fait
de
droit, il nous faudra probablement passer par une étape intermédiaire
1709
ui est celle du fait psychologique : la formation
d’
une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous
1710
nscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas
de
doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existenc
1711
l’on se déplace un peu, disons à quelques heures
d’
avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux
1712
, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien
de
traduire une langue : les problèmes nationaux restent intraduisibles
1713
mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas
de
temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’
1714
u’un beau jour le paysan normand et le boutiquier
de
Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se se
1715
; et les mineurs du pays de Galles n’auront plus
de
viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentine se seront en
1716
s de viande pendant des mois, parce que les péons
d’
Argentine se seront enfin organisés contre les grands estancieros. Vou
1717
grands estancieros. Vous pourrez toujours essayer
d’
expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute du député
1718
pourrez toujours essayer d’expliquer aux victimes
de
la crise que ce n’est pas la faute du député local ni de « l’hypocris
1719
rise que ce n’est pas la faute du député local ni
de
« l’hypocrisie américaine ». Que faire ? Tout le monde ne peut pas to
1720
ut comprendre. Les problèmes les plus angoissants
de
nos compagnons de planète restent pour nous terres inconnues, et psyc
1721
problèmes les plus angoissants de nos compagnons
de
planète restent pour nous terres inconnues, et psychologiquement inex
1722
s géographes du Moyen Âge dans les grandes marges
de
leurs cartes de l’Europe. Et pourtant nous sommes destinés à découvri
1723
Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes
de
l’Europe. Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ce
1724
ient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas
de
Persans pour se demander : Comment peut-on être Français ?) Je parlai
1725
der : Comment peut-on être Français ?) Je parlais
d’
une conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’il faut d’abord senti
1726
cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous
de
larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est pas une question d’i
1727
opagent, sous de larges rubriques créant un appel
d’
air. Ce n’est pas une question d’information d’abord, vous m’entendez,
1728
créant un appel d’air. Ce n’est pas une question
d’
information d’abord, vous m’entendez, mais de sens, de vision, d’ouver
1729
tion d’information d’abord, vous m’entendez, mais
de
sens, de vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais
1730
formation d’abord, vous m’entendez, mais de sens,
de
vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d
1731
’abord, vous m’entendez, mais de sens, de vision,
d’
ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une
1732
m’entendez, mais de sens, de vision, d’ouverture
de
l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de
1733
t à peine, je dirais : c’est d’abord une question
de
poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous nos écrivains, ceux que je vo
1734
le sentiment le plus direct et le plus contagieux
de
la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’An
1735
deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et
de
l’Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur
1736
avons pour la première fois senti, sous le drapé
d’
un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur vi
1737
’un français riche et pur, battre le pouls mesuré
de
l’Asie, le cœur violent des Amériques. Vous alliez me dire que j’oubl
1738
ous alliez me dire que j’oubliais ce grand joueur
de
Boule que fut « Saint-Ex ». À Dieu ne plaise que j’oublie jamais celu
1739
que j’oublie jamais celui qui le premier me parla
de
la Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime !… r. Rouge
1740
celui qui le premier me parla de la Planète comme
d’
un amour et d’une souffrance intime !… r. Rougemont Denis de, « Dia
1741
remier me parla de la Planète comme d’un amour et
d’
une souffrance intime !… r. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la
1742
d’une souffrance intime !… r. Rougemont Denis
de
, « Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire », Pour la
1743
bombe (20 avril 1946)s Parmi tous les projets
de
contrôle de la Bombe que l’on a suggérés depuis six mois, j’en retien
1744
vril 1946)s Parmi tous les projets de contrôle
de
la Bombe que l’on a suggérés depuis six mois, j’en retiens deux : 1.
1745
es derniers fourniraient ainsi la preuve par neuf
de
leurs bonnes intentions. 2. Donner la Bombe au gouvernement mondial,
1746
hambres universelles seraient élues, l’une formée
de
délégués des États, l’autre de députés des peuples. (Je prends le mod
1747
lues, l’une formée de délégués des États, l’autre
de
députés des peuples. (Je prends le modèle courant. Il faudrait l’ajus
1748
des recherches scientifiques, Défense des droits
de
la personne, Transports planétaires. (Rien que de raisonnable, comme
1749
de la personne, Transports planétaires. (Rien que
de
raisonnable, comme vous le voyez. On trouverait mieux, en s’appliquan
1750
s idées pratiques et raisonnables que l’on traite
de
folies, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande gé
1751
a aux affaires courantes : équilibrer les budgets
de
guerre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible da
1752
géré. Vous pensez que j’ai cédé au goût américain
de
la sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays
1753
cain de la sensation, du biggest in the world. Et
de
vrai, c’est dans ce pays que la première Bombe vient d’être construit
1754
i, c’est dans ce pays que la première Bombe vient
d’
être construite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que
1755
ruite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure
de
ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’hom
1756
là, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens
de
la mesure peut se rebeller comme l’esprit devant la mort… Mais admett
1757
forme, donc condenser, donc augmenter la réalité
de
l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les trai
1758
ondenser, donc augmenter la réalité de l’objet ou
de
la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits ou phénomèn
1759
ettons que les armées retiennent une bonne partie
de
leur utilité au service des nations et de leur vertu d’ordre. Admetto
1760
partie de leur utilité au service des nations et
de
leur vertu d’ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre. A
1761
r utilité au service des nations et de leur vertu
d’
ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre. Admettons que l
1762
risés ne l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas
de
raz-de-marée, ni d’autres accidents d’ampleur continentale. Admettons
1763
’y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres accidents
d’
ampleur continentale. Admettons que notre globe dure longtemps encore,
1764
mps encore, et que la guerre militaire y prospère
d’
autant mieux qu’elle sera dotée d’une arme de plus. Admettons que l’on
1765
aire y prospère d’autant mieux qu’elle sera dotée
d’
une arme de plus. Admettons que l’on invente une parade à la Bombe, se
1766
ntage des coups tirés… Pensez-vous que les effets
de
la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai prévus ?
1767
ets de la prochaine guerre seront très différents
de
ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre
1768
e j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie
de
la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine,
1769
, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin
de
l’humanité non moins certaine, le triomphe des « éléments d’ordre » a
1770
té non moins certaine, le triomphe des « éléments
d’
ordre » aussi énigmatique, et sans témoins. Je reconnais volontiers qu
1771
ngtemps. Les choses ne se passeront peut-être pas
de
la manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithèse m
1772
manière soudaine et dramatique qu’un certain goût
de
l’antithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de
1773
cline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas
de
lignes pures, parce que nos choix ne sont pas si francs, et que nos c
1774
chefs savent à peine ce qu’ils jouent. Une espèce
d’
organisation mondiale ouvrira des bureaux confortables d’où sortiront
1775
isation mondiale ouvrira des bureaux confortables
d’
où sortiront quelques vœux incolores. Il est évident que les nations s
1776
que l’une d’entre elles, Bombe en main, essaiera
d’
imposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il e
1777
mposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même
de
la nommer.) Il est évident que les peuples se révolteront contre cett
1778
fuse à ces évidences. On nous ressasse à longueur
de
journée qu’elle « n’est pas prête pour un gouvernement mondial ». Est
1779
ix, cela veut dire que vous d’abord, vous refusez
de
faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais
1780
que vous d’abord, vous refusez de faire le choix
de
la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais en refusant de ch
1781
que ses moyens vous déplaisent. Mais en refusant
de
choisir la paix, vous votez tacitement pour la mort, et vous en rende
1782
t vous en rendez responsable. Tout tient à chacun
de
nous. Et nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher
1783
t nous en sommes au point où il devient difficile
de
le cacher. Nos alibis ne trompent plus que nous-mêmes. Pour moi, je p
1784
ais-je pas, quand je sais que l’enjeu n’est point
de
ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me faire perdre ?
1785
e ? Je me rappelle cette voix, dans Isaïe, criant
de
Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle,
1786
nt de Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répon
1787
e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aus
1788
matin vient et la nuit aussi. » Je n’ai pas fini
d’
aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me dire
1789
» Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations
de
la Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu dans tout ce
1790
Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà
de
ce « clin d’œil », il nous attend. s. Rougemont Denis de, « Dialog
1791
in d’œil », il nous attend. s. Rougemont Denis
de
, « Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe », Pour la V
1792
e n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ?
De
quoi donc parliez-vous dans vos cinq dialogues précédents ? Faut-il p
1793
quoi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais
de
la fin du monde… — Et maintenant vous nous dites : aucun danger ! C’e
1794
est là sans doute votre manière paradoxale, comme
de
coutume, d’avouer que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ont p
1795
doute votre manière paradoxale, comme de coutume,
d’
avouer que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ont pensé, sans v
1796
ous le dire ? Il est bien naturel que l’événement
d’
Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans un état d’esprit d’Ap
1797
it jetés pour quelque temps dans un état d’esprit
d’
Apocalypse. Mais dix mois ont passé, et rien ne se passe. Dieu soit lo
1798
t, vous rappelez-vous ? Dans toutes les capitales
d’
Europe, on voyait en 1939 les civils se promener avec leur boîte à mas
1799
que personne, même pas Hitler, n’a eu le courage
de
commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la r
1800
dité subite l’ait arrêté, ou quelque amour tardif
de
notre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaie
1801
Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire
de
cette arme était loin de compenser, même à ses yeux, le risque moral
1802
risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas
de
la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibil
1803
Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité
de
riposter, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’une bataille dé
1804
poster, c’est-à-dire jouera militairement le rôle
d’
une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresse
1805
ille décisive. Elle supprimera donc les scrupules
de
l’agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent en général d’une rap
1806
r éventuel. Car nos scrupules naissent en général
d’
une rapide évaluation des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes, de
1807
tion des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes,
de
nos actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punit
1808
euses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi
de
la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est don
1809
Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas
de
punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera, au risque d
1810
enir ! Comme si elle était tombée du ciel, animée
de
mauvaises intentions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la
1811
e du ciel, animée de mauvaises intentions ! C’est
d’
un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longu
1812
ntions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle
de
la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans toute la press
1813
contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur
de
colonne, dans toute la presse, est la plus belle absurdité de l’Histo
1814
dans toute la presse, est la plus belle absurdité
de
l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on parle ? Contrôler cet ob
1815
elle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien
de
quoi l’on parle ? Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’
1816
Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout
d’
un coup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser l
1817
oup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher
d’
aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, ell
1818
e chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases
de
Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est cla
1819
te dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas
d’
histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça
1820
’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle
de
l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de
1821
ça, c’est une autre question. — C’est la question
de
l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe
1822
nous oblige à y faire face. t. Rougemont Denis
de
, « Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum », Pour la Victoir
1823
, ou anticommuniste, que sais-je. On m’écrit cela
de
Paris et l’on ajoute que je ferais bien de rentrer, sous peine de ne
1824
t cela de Paris et l’on ajoute que je ferais bien
de
rentrer, sous peine de ne pas comprendre la réalité européenne en gén
1825
rançaise en particulier. Je pourrais me contenter
de
répondre : c’est plutôt vous qui devriez sortir, sous peine de ne pas
1826
té mondiale. Après tout, il y a quarante millions
de
Français, sur deux-mille-millions d’habitants de la Planète, non moin
1827
nte millions de Français, sur deux-mille-millions
d’
habitants de la Planète, non moins réels, guère moins accablés de prob
1828
de Français, sur deux-mille-millions d’habitants
de
la Planète, non moins réels, guère moins accablés de problèmes. Mais
1829
la Planète, non moins réels, guère moins accablés
de
problèmes. Mais je ne cherche pas à m’en tirer par une réplique, même
1830
e cherche pas à m’en tirer par une réplique, même
de
bon sens, et j’ai quelques raisons de prendre la France plus au série
1831
lique, même de bon sens, et j’ai quelques raisons
de
prendre la France plus au sérieux, plus au tragique, que les chiffres
1832
uropéens devraient aller s’il s’agissait pour eux
de
partir. Je vois les avantages de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’
1833
gissait pour eux de partir. Je vois les avantages
de
l’Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure de les imag
1834
ue et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure
de
les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’est qu’une solutio
1835
ait à l’infini. Il n’est qu’une solution, qui est
d’
aller voir, et d’« essayer » le pays comme un nouveau costume. Et je m
1836
l n’est qu’une solution, qui est d’aller voir, et
d’
« essayer » le pays comme un nouveau costume. Et je me dis que le prob
1837
dis que le problème est mal posé. Il ne s’agit ni
de
partir ni de rester, au sens pathétique de ces mots. Il s’agit simple
1838
oblème est mal posé. Il ne s’agit ni de partir ni
de
rester, au sens pathétique de ces mots. Il s’agit simplement de circu
1839
git ni de partir ni de rester, au sens pathétique
de
ces mots. Il s’agit simplement de circuler. Ce n’est pas très facile,
1840
sens pathétique de ces mots. Il s’agit simplement
de
circuler. Ce n’est pas très facile, pratiquement ? Mais partir, ou re
1841
pose le problème. Supposez que nous soyons libres
de
circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni
1842
ise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni
de
choisir une terre et ses morts contre le Globe et ses vivants ; ni de
1843
et ses morts contre le Globe et ses vivants ; ni
de
choisir le nomadisme permanent et l’exil par principe ou dégoût. Il s
1844
exil par principe ou dégoût. Il s’agit simplement
de
vivre au xxe siècle, en tenant compte des réalités que nous avons cr
1845
lités que nous avons créées ou laissé s’imposer ;
de
la rapidité des transports, par exemple. Combien peu d’hommes d’aujou
1846
rapidité des transports, par exemple. Combien peu
d’
hommes d’aujourd’hui vivent leur temps, et se trouvent pratiquement en
1847
des transports, par exemple. Combien peu d’hommes
d’
aujourd’hui vivent leur temps, et se trouvent pratiquement en mesure d
1848
leur temps, et se trouvent pratiquement en mesure
de
le vivre ! Combien encore sont-ils du Moyen Âge, ou du bourgeois et l
1849
bourgeois et lent xixe siècle ! Serait-ce manque
d’
imagination ? Certes, il en faut une dose non ordinaire pour se rendre
1850
ne dose non ordinaire pour se rendre contemporain
d’
un monde qui change beaucoup plus vite que Jules Verne n’a pu le rêver
1851
e furieuse et inutile ne régnait pas sur le monde
d’
après-guerre, le problème partir ou rester se résoudrait en termes sim
1852
lemme. Le fait est là : nous allons en dix heures
de
Lisbonne à New York, de New York au Pacifique. Un très long voyage au
1853
nous allons en dix heures de Lisbonne à New York,
de
New York au Pacifique. Un très long voyage aujourd’hui nous ramènerai
1854
jourd’hui nous ramènerait nécessairement au point
de
départ, après un petit tour da planète. Nous changeons de continent c
1855
t, après un petit tour da planète. Nous changeons
de
continent comme on part en week-end. Le mot partir a donc changé de s
1856
on part en week-end. Le mot partir a donc changé
de
sens. Il a perdu son aura dramatique. Plus question de couper les pon
1857
ns. Il a perdu son aura dramatique. Plus question
de
couper les ponts, de brûler les pénates, et autres rites attestant de
1858
ra dramatique. Plus question de couper les ponts,
de
brûler les pénates, et autres rites attestant devant les mânes des an
1859
nir après quelque temps, comme on prend un billet
d’
aller et retour. La poésie des voyages a vécu, la tragédie des départs
1860
peut naître parmi nous, c’est un amour plus large
de
l’humain, une conception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de
1861
t un amour plus large de l’humain, une conception
de
la fidélité qui ne soit plus exclusive de la curiosité, un accueil pl
1862
ception de la fidélité qui ne soit plus exclusive
de
la curiosité, un accueil plus ferme et plus souple de la diversité de
1863
a curiosité, un accueil plus ferme et plus souple
de
la diversité des êtres et des coutumes. Aimez votre terre et quittez-
1864
Le paysan n’aime que sa terre, ne l’aime donc pas
de
la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et la comparaison. I
1865
. Il faut s’ouvrir. Il faut aimer. Il faut cesser
de
trouver cela nigaud, et de faire le coq de village tout hérissé, grif
1866
aimer. Il faut cesser de trouver cela nigaud, et
de
faire le coq de village tout hérissé, griffu, inefficace. Circulez do
1867
cesser de trouver cela nigaud, et de faire le coq
de
village tout hérissé, griffu, inefficace. Circulez donc, allez voir,
1868
es visas. N’acceptons pas que cet accident tardif
de
la démence nationaliste dénature le problème humain. Lançons une camp
1869
campagne mondiale pour la suppression des visas,
de
ces anachronismes scandaleux qui nous empêchent de rejoindre le siècl
1870
e ces anachronismes scandaleux qui nous empêchent
de
rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user de ses dons. Forçons les
1871
daleux qui nous empêchent de rejoindre le siècle,
de
l’habiter et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répon
1872
empêchent de rejoindre le siècle, de l’habiter et
d’
user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi ser
1873
nt de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user
de
ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi servent ce
1874
nts à nous répondre : à quoi servent ces barrages
de
tampons ? Comment peut-on les justifier ? Ils n’ont pas arrêté un seu
1875
eul espion, tout en causant la perte des milliers
d’
innocents. Ils rendent vains les progrès matériels dont notre basse ép
1876
s qu’une voix ne proteste ? u. Rougemont Denis
de
, « Faut-il rentrer ? », Pour la Victoire, New York, 4 mai 1946, p. 1-
1877
« Selon Denis de Rougemont, le centre
de
gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)w
1878
mont, le centre de gravité du monde s’est déplacé
d’
Europe en Amérique » (16 mai 1946)w x M. de Rougemont est rentré d’
1879
» (16 mai 1946)w x M. de Rougemont est rentré
d’
Amérique. Il nous en parle simplement, avec ce sens de l’équilibre et
1880
érique. Il nous en parle simplement, avec ce sens
de
l’équilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le
1881
parle simplement, avec ce sens de l’équilibre et
de
la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le prochain aussi, c
1882
En arrivant là-bas, on a l’impression très nette
de
pénétrer dans une autre civilisation. Une impression beaucoup plus fo
1883
tail. Les jugements moraux y sont très différents
de
ceux de l’Europe. Là-bas, certaines choses vont de soi ; chez nous, e
1884
s jugements moraux y sont très différents de ceux
de
l’Europe. Là-bas, certaines choses vont de soi ; chez nous, elles par
1885
izarres. En France, par exemple, il était bien vu
de
tricher avec le fisc ; on s’en vantait. En Amérique, la chose est mal
1886
me en Suisse… J’ai aussi été sensible à une sorte
de
loufoquerie de la vie américaine. Parfois, on a l’impression que les
1887
’ai aussi été sensible à une sorte de loufoquerie
de
la vie américaine. Parfois, on a l’impression que les gens sont un pe
1888
ssi été sensible à une sorte de loufoquerie de la
vie
américaine. Parfois, on a l’impression que les gens sont un peu fous…
1889
s frapper, vous déclarent sans ambages le montant
de
leur revenu. Cinq minutes après avoir fait votre connaissance, ils vo
1890
illés par la civilisation européenne ? Il importe
de
distinguer entre plusieurs classes d’Américains. Ceux qui ont connu l
1891
Il importe de distinguer entre plusieurs classes
d’
Américains. Ceux qui ont connu l’Europe et qui y ont vécu, se distingu
1892
e et qui y ont vécu, se distinguent par une sorte
de
snobisme européen, surtout au point de vue culture, où ils ont d’aill
1893
mal, nous considère comme un pays très compliqué
de
gens assez méchants qui se disputent pour des choses mystérieuses, qu
1894
ans avant la guerre. Et puis, ils ont un peu peur
de
nous ; ils craignent que nous ne soyons une source permanente de déso
1895
raignent que nous ne soyons une source permanente
de
désordres et de troubles. Tous les nationalismes européens les effrai
1896
s ne soyons une source permanente de désordres et
de
troubles. Tous les nationalismes européens les effraient. De même qu’
1897
t. De même qu’il y a en Europe un grand sentiment
de
supériorité à cause de notre culture, l’inverse existe chez les Améri
1898
chez les Américains au point de vue du civisme et
de
la politique. Ils ont le sentiment d’être decent. Leur opinion est qu
1899
civisme et de la politique. Ils ont le sentiment
d’
être decent. Leur opinion est que les Européens ne sont, eux, pas très
1900
eux, pas très decent, qualité qu’un jeune citoyen
de
là-bas expliquait en ces termes : « Être decent, c’est tenir sa parol
1901
la masse du centre du pays, elle ne connaît rien
de
notre continent ; souvent, elle ignore même que la Suisse existe. Un
1902
bien pu libérer ça ? C’est si petit ! » Par souci
de
précision, j’ajouterai que je ne connais que l’Amérique la moins éloi
1903
ue je ne connais que l’Amérique la moins éloignée
de
l’Europe. Si de New York vous passez dans le Middlewest, ou en Califo
1904
que l’Amérique la moins éloignée de l’Europe. Si
de
New York vous passez dans le Middlewest, ou en Californie, ou à La No
1905
ie, ou à La Nouvelle-Orléans, vous ne manquez pas
d’
observer de fortes nuances dans la civilisation. New York constitue un
1906
Nouvelle-Orléans, vous ne manquez pas d’observer
de
fortes nuances dans la civilisation. New York constitue un excellent
1907
vilisation. New York constitue un excellent poste
d’
observation, parce que ses habitants y viennent de partout, de toutes
1908
n, parce que ses habitants y viennent de partout,
de
toutes les Amériques et de tous les continents. New York résume un pe
1909
y viennent de partout, de toutes les Amériques et
de
tous les continents. New York résume un peu les États-Unis… Mais un j
1910
rk résume un peu les États-Unis… Mais un jugement
d’
ensemble est impossible. On peut à peu près tout dire sur l’Amérique :
1911
s juste quelque part. Je ne cesse personnellement
de
me battre contre cette affirmation européenne selon laquelle tout est
1912
tes les plus violents. ⁂ Pensez-vous qu’à l’issue
de
cette dernière guerre, on puisse affirmer que le centre de gravité du
1913
dernière guerre, on puisse affirmer que le centre
de
gravité du monde s’est déplacé en Amérique ? Très nettement. Vue de N
1914
e s’est déplacé en Amérique ? Très nettement. Vue
de
New York, l’Europe constitue une espèce de glacis ou s’affrontent le
1915
t. Vue de New York, l’Europe constitue une espèce
de
glacis ou s’affrontent le monde anglo-saxon et le monde russe. On a f
1916
on et le monde russe. On a fortement l’impression
de
l’existence de deux pôles d’attraction : l’Amérique et la Russie. Cet
1917
russe. On a fortement l’impression de l’existence
de
deux pôles d’attraction : l’Amérique et la Russie. Cette impression e
1918
rtement l’impression de l’existence de deux pôles
d’
attraction : l’Amérique et la Russie. Cette impression est une réalité
1919
otre continent, il est considéré comme une espèce
de
champ de bataille en puissance. Cela change toutes les perspectives.
1920
est extrêmement mélangée. En général, les hommes
d’
affaires voudraient que ce monde lointain s’ouvre. Le président de la
1921
aient que ce monde lointain s’ouvre. Le président
de
la Chambre de commerce américaine est allé en Russie tenir des discou
1922
onde lointain s’ouvre. Le président de la Chambre
de
commerce américaine est allé en Russie tenir des discours capitaliste
1923
rre à la Russie sans plus attendre, en se servant
de
la bombe atomique, etc. Moscou, qui a toujours eu cette espèce de « c
1924
ique, etc. Moscou, qui a toujours eu cette espèce
de
« complexe d’assiégement », se referme trop sur elle-même. Il est dif
1925
cou, qui a toujours eu cette espèce de « complexe
d’
assiégement », se referme trop sur elle-même. Il est difficile de la c
1926
, se referme trop sur elle-même. Il est difficile
de
la comprendre de l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectue
1927
sur elle-même. Il est difficile de la comprendre
de
l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ? La vie scie
1928
Il est difficile de la comprendre de l’autre côté
de
l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ? La vie scientifique est trè
1929
é de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ? La
vie
scientifique est très remarquable ; l’énergie atomique en est la preu
1930
ation plus littéraire, philosophique ou juridique
de
l’Europe. Dans les écoles américaines, on enseigne aux enfants combie
1931
oles américaines, on enseigne aux enfants combien
de
calories, de vitamines sont nécessaires à leur organisme. Tout le mon
1932
nes, on enseigne aux enfants combien de calories,
de
vitamines sont nécessaires à leur organisme. Tout le monde a, là-bas,
1933
vue littéraire et philosophique, je ne vois rien
de
très neuf qui se soit développé pendant la guerre ou après. Entre 191
1934
iode littéraire. Je ne distingue actuellement pas
d’
école nouvelle. Les jeunes écrivains gardent un œil ouvert sur l’Europ
1935
ardent un œil ouvert sur l’Europe. C’est toujours
de
là que vient l’initiative. Ce qu’ils ont de plus que nous, c’est un g
1936
e plus que nous, c’est un grand art du reportage,
de
la description. Ils ont indiscutablement créé le style du grand repor
1937
le de bains. Dans les grandes villes, on remarque
de
la misère. Certains quartiers sont très tristes. La conscience politi
1938
rtiers sont très tristes. La conscience politique
de
la classe ouvrière, si vivante chez nous, est presque inexistante là-
1939
olentes, mais cela ne veut pas dire que l’on soit
de
droite ou de gauche. On fait la grève pour des raisons purement prati
1940
cela ne veut pas dire que l’on soit de droite ou
de
gauche. On fait la grève pour des raisons purement pratiques et non a
1941
non au nom du marxisme… En conclusion, une « cure
d’
Amérique » est profitable à l’Européen ? Absolument ! Ce que je souhai
1942
c’est qu’on envoie le plus grand nombre possible
d’
Européens outre-Atlantique pour y vivre une ou deux années et inversem
1943
une ou deux années et inversement. Je ne vois pas
d’
hostilité possible entre les deux continents — qui se complètent admir
1944
es Américains nous apportent la franchise dans la
vie
, la liberté d’allure et beaucoup de gentillesse. Telle est la « leçon
1945
us apportent la franchise dans la vie, la liberté
d’
allure et beaucoup de gentillesse. Telle est la « leçon d’Amérique » q
1946
et beaucoup de gentillesse. Telle est la « leçon
d’
Amérique » que nous a donnée M. Denis de Rougemont. En conclusion, dis
1947
t qu’a cinquante pour cent… w. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe e
1948
w. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le centre
de
gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique », L’Illustré, La
1949
tien] Le centre de gravité du monde s’est déplacé
d’
Europe en Amérique », L’Illustré, Lausanne, 16 mai 1946, p. 5 et 23.
1950
« Un écrivain nous est revenu. Il nous est revenu
de
la lointaine et si proche Amérique, emportant avec lui, pour nous le
1951
le communiquer avec la belle générosité des gens
d’
esprit, un riche message gonflé de réalités souvent insoupçonnées. M.
1952
rosité des gens d’esprit, un riche message gonflé
de
réalités souvent insoupçonnées. M. Denis de Rougemont est rentré d’Am
1953
t insoupçonnées. M. Denis de Rougemont est rentré
d’
Amérique. Pas pour longtemps, puisqu’il se prépare déjà à repartir à l
1954
squ’il se prépare déjà à repartir à la découverte
de
ce continent qui, à lui seul, constitue un monde. Quelle merveilleuse
1955
l’avoir établi, le contact avec le réel, contact
de
la pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contact des sens, conduit
1956
contact des sens, conduit à l’insondable gouffre
de
l’abstraction. M. de Rougemont, lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’est p
1957
s’est donné à son expérience créatrice. L’auteur
de
Politique de la personne , de Penser avec les mains (quel beau tit
1958
son expérience créatrice. L’auteur de Politique
de
la personne , de Penser avec les mains (quel beau titre, solide, pu
1959
réatrice. L’auteur de Politique de la personne ,
de
Penser avec les mains (quel beau titre, solide, puissant, élégant c
1960
nt, élégant comme une voile au vent), du Journal
d’
un intellectuel en chômage , de L’Amour et l’Occident , de tant d’aut
1961
vent), du Journal d’un intellectuel en chômage ,
de
L’Amour et l’Occident , de tant d’autres œuvres auxquelles sa person
1962
llectuel en chômage , de L’Amour et l’Occident ,
de
tant d’autres œuvres auxquelles sa personnalité a imprimé son sceau d
1963
es auxquelles sa personnalité a imprimé son sceau
de
vie, de foi et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout
1964
auxquelles sa personnalité a imprimé son sceau de
vie
, de foi et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout ce q
1965
elles sa personnalité a imprimé son sceau de vie,
de
foi et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout ce qui p
1966
ersonnalité a imprimé son sceau de vie, de foi et
de
vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout ce qui porte en so
1967
et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu
de
tout ce qui porte en soi le germe de la superficialité. Et Dieu seul
1968
pposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe
de
la superficialité. Et Dieu seul est capable de dessiner les contours
1969
me de la superficialité. Et Dieu seul est capable
de
dessiner les contours de ce mot « superficiel », qui gouverne le mond
1970
Et Dieu seul est capable de dessiner les contours
de
ce mot « superficiel », qui gouverne le monde ! Bien avant la sanglan
1971
e tragédie, Denis de Rougemont, dans son Journal
d’
Allemagne , définissait le national-socialisme, « phénomène à la fois
1972
s deux ne sont possibles que dans cet acte unique
d’
obéissance qui s’appelle l’amour du prochain »…
1973
Histoire
de
singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)v Jeune Amérique,
1974
Histoire de singes ou deux secrets
de
l’Europe (16 mai 1946)v Jeune Amérique, vieille Europe. Patrie de
1975
1946)v Jeune Amérique, vieille Europe. Patrie
de
l’avenir et patrie de la mémoire. Dynamisme allégé du poids des tradi
1976
que, vieille Europe. Patrie de l’avenir et patrie
de
la mémoire. Dynamisme allégé du poids des traditions et querelles anc
1977
moins autant qu’ailleurs. Elle risquerait parfois
de
nous frapper d’une sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter d’
1978
ailleurs. Elle risquerait parfois de nous frapper
d’
une sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter d’abandon aux prét
1979
le risquerait parfois de nous frapper d’une sorte
de
mélancolie sceptique et de nous tenter d’abandon aux prétendues fatal
1980
us frapper d’une sorte de mélancolie sceptique et
de
nous tenter d’abandon aux prétendues fatalités de l’Histoire. Mais il
1981
e sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter
d’
abandon aux prétendues fatalités de l’Histoire. Mais il n’est point de
1982
de nous tenter d’abandon aux prétendues fatalités
de
l’Histoire. Mais il n’est point de fatalité pour l’homme qui ne recul
1983
dues fatalités de l’Histoire. Mais il n’est point
de
fatalité pour l’homme qui ne recule pas devant sa liberté, et qui acc
1984
pas devant sa liberté, et qui accepte les risques
de
son choix. Laissons l’Histoire telle qu’on la simplifie en courbes as
1985
cendantes. Tout peut encore se renverser, et plus
d’
une fois, dans les destins de collectivités aussi complexes que celles
1986
e renverser, et plus d’une fois, dans les destins
de
collectivités aussi complexes que celles que je viens de citer. Je n’
1987
rches récentes deux résultats qui prennent figure
de
paraboles : ils me paraissent propres à nous persuader de la fécondit
1988
oles : ils me paraissent propres à nous persuader
de
la fécondité de certaines valeurs que l’Europe a promues patiemment e
1989
raissent propres à nous persuader de la fécondité
de
certaines valeurs que l’Europe a promues patiemment et qu’elle illust
1990
illustre encore aux yeux du monde. Je veux parler
de
la « mémoire » et de l’« expérience historique », qui est celle des é
1991
eux du monde. Je veux parler de la « mémoire » et
de
l’« expérience historique », qui est celle des épreuves et des échecs
1992
des épreuves et des échecs. L’étude des singes et
de
leur attristante psychologie nous révèle que ces faux ancêtres ne son
1993
ucune mémoire. Ils se voient obligés chaque matin
de
reconstruire leur monde, de l’apprendre à nouveau et de réinventer le
1994
obligés chaque matin de reconstruire leur monde,
de
l’apprendre à nouveau et de réinventer les gestes élémentaires. Ce tr
1995
onstruire leur monde, de l’apprendre à nouveau et
de
réinventer les gestes élémentaires. Ce travail de Sisyphe les épuise
1996
de réinventer les gestes élémentaires. Ce travail
de
Sisyphe les épuise et les condamne à rester singes. Il les réduit à i
1997
l les réduit à imiter, là où nous sommes capables
d’
innover en tirant les leçons d’expériences de la veille. Singe est cel
1998
us sommes capables d’innover en tirant les leçons
d’
expériences de la veille. Singe est celui qui doit refaire chaque jour
1999
bles d’innover en tirant les leçons d’expériences
de
la veille. Singe est celui qui doit refaire chaque jour le chemin per
2000
in perdu pendant la nuit, faute de repères, faute
d’
un passé vivant, et faute de traditions instrumentales. Il s’imagine q
2001
es, à la dernière tactique, et ne fait que singer
d’
antiques découvertes. À propos de ces mêmes créatures, une expérience
2002
du siècle. Cela se passe on Russie, dans l’école
de
Pavlov, auteur de célèbres travaux sur les réflexes conditionnés des
2003
e passe on Russie, dans l’école de Pavlov, auteur
de
célèbres travaux sur les réflexes conditionnés des chiens. Ses discip
2004
ix singes, on les range dans une chambre, le long
d’
une des parois. À l’autre extrémité de la pièce se dresse un grand meu
2005
re, le long d’une des parois. À l’autre extrémité
de
la pièce se dresse un grand meuble à tiroirs. Dans les tiroirs on a m
2006
les bananes. On répète le manège un grand nombre
de
fois, pour habituer les animaux à courir vers le meuble au signal. Ap
2007
vers le meuble au signal. Après un certain temps
d’
interruption, on ramène les sujets dans la même chambre. La sirène hur
2008
ces animaux montrent alors les signes extérieurs
de
la crise de nerfs, du « nervous break down » le plus caractérisé ! L’
2009
montrent alors les signes extérieurs de la crise
de
nerfs, du « nervous break down » le plus caractérisé ! L’Européen, qu
2010
plus caractérisé ! L’Européen, que vingt siècles
d’
histoire accoutumèrent à trouver le tiroir vide neuf fois sur dix, réa
2011
trouver le tiroir vide neuf fois sur dix, réagit
d’
une toute autre manière. Il vient de le prouver pendant six ans. Il se
2012
prouver pendant six ans. Il se souvient — non pas
de
ces épreuves-là précisément, car on n’avait jamais rien vu de pareil
2013
ves-là précisément, car on n’avait jamais rien vu
de
pareil — mais de quelque chose de plus profond, qui définit la condit
2014
t, car on n’avait jamais rien vu de pareil — mais
de
quelque chose de plus profond, qui définit la condition humaine. S’ag
2015
d, qui définit la condition humaine. S’agirait-il
d’
une sorte de méfiance ? Disons plutôt d’une sobriété devant le destin.
2016
it la condition humaine. S’agirait-il d’une sorte
de
méfiance ? Disons plutôt d’une sobriété devant le destin. Il se souvi
2017
girait-il d’une sorte de méfiance ? Disons plutôt
d’
une sobriété devant le destin. Il se souvient que tout peut arriver, m
2018
a prospérité ne sont pas les garants infaillibles
d’
un bonheur qui lui serait dû. L’échec pour lui — guerre, privations, r
2019
en souplesse les mécomptes, à vrai dire normaux,
de
l’optimisme automatique conditionné par la publicité et les sirènes d
2020
ourquoi il tiendra le coup. v. Rougemont Denis
de
, « Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe », Servir, Lausanne
2021
dra le coup. v. Rougemont Denis de, « Histoire
de
singes ou deux secrets de l’Europe », Servir, Lausanne, 16 mai 1946,
2022
nt Denis de, « Histoire de singes ou deux secrets
de
l’Europe », Servir, Lausanne, 16 mai 1946, p. 1.
2023
ès bien compris, à savoir que la terre est ronde.
D’
où il résulte, entre autres conséquences, que si vous tirez devant vou
2024
rochain tour. Cette figure signifie quelque chose
d’
important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous
2025
s ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions
de
la communauté normale, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir
2026
es dans cette époque. (Vous avez ici les prémices
d’
une théorie sociologique flambant neuve !) À l’arme planétaire corresp
2027
auté universelle, qui relègue les nations au rang
de
simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques instants dans ce j
2028
Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et
de
tout temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce so
2029
temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre
d’
or, que ce soit l’Univers ou l’Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se
2030
fait pour éveiller dans les nations le sentiment
de
leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonnie
2031
ations le sentiment de leur relativité. La guerre
de
Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montmartre, int
2032
elativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie
de
chansonniers du temps de Montmartre, intéressa pendant dix ans, direc
2033
hine, cette plaisanterie de chansonniers du temps
de
Montmartre, intéressa pendant dix ans, directement, la vie courante d
2034
artre, intéressa pendant dix ans, directement, la
vie
courante des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’Asie,
2035
des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et
de
l’Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en sub
2036
matérielle. Avant qu’elle puisse devenir un fait
de
droit, il nous faudra probablement passer par une étape intermédiaire
2037
ui est celle du fait psychologique : la formation
d’
une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous
2038
nscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas
de
doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existenc
2039
l’on se déplace un peu, disons à quelques heures
d’
avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux
2040
, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien
de
traduire une langue : les problèmes nationaux restent intraduisibles
2041
mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas
de
temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’
2042
u’un beau jour le paysan normand et le boutiquier
de
Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se se
2043
; et les mineurs du pays de Galles n’auront plus
de
viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentine se seront en
2044
s de viande pendant des mois, parce que les péons
d’
Argentine se seront enfin organisés contre les grands « estancieros ».
2045
ds « estancieros ». Vous pourrez toujours essayer
d’
expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute des déput
2046
pourrez toujours essayer d’expliquer aux victimes
de
la crise que ce n’est pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie a
2047
la crise que ce n’est pas la faute des députés ni
de
l’« hypocrisie américaine »… Que faire ? Tout le monde ne peut pas to
2048
et comprendre. Les problèmes les plus angoissants
de
nos compagnons de planète restent pour nous terres inconnues, et psyc
2049
problèmes les plus angoissants de nos compagnons
de
planète restent pour nous terres inconnues, et psychologiquement inex
2050
s géographes du Moyen Âge dans les grandes marges
de
leurs cartes de l’Europe, « ici vivent les lions ». Et pourtant nous
2051
Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes
de
l’Europe, « ici vivent les lions ». Et pourtant nous sommes destinés
2052
ient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas
de
Persans pour se demander : Comment peut-on être Français ?) Je parlai
2053
der : Comment peut-on être Français ?) Je parlais
d’
une conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’il faut d’abord senti
2054
cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous
de
larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est pas une question d’i
2055
opagent, sous de larges rubriques créant un appel
d’
air. Ce n’est pas une question d’information d’abord, qu’on m’entende
2056
créant un appel d’air. Ce n’est pas une question
d’
information d’abord, qu’on m’entende bien, mais de sens, de vision, d’
2057
d’information d’abord, qu’on m’entende bien, mais
de
sens, de vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais
2058
tion d’abord, qu’on m’entende bien, mais de sens,
de
vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d
2059
d, qu’on m’entende bien, mais de sens, de vision,
d’
ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une
2060
ntende bien, mais de sens, de vision, d’ouverture
de
l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de
2061
t à peine, je dirais : c’est d’abord une question
de
poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous les écrivains français, ceux
2062
le sentiment le plus direct et le plus contagieux
de
la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’An
2063
deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et
de
l’Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur
2064
avons pour la première fois senti, sous le drapé
d’
un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur vi
2065
’un français riche et pur, battre le pouls mesuré
de
l’Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur
2066
’Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire
de
ce grand joueur de Boule que fut « Saint-Ex »13, le premier qui me pa
2067
ent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur
de
Boule que fut « Saint-Ex »13, le premier qui me parla de la Planète c
2068
e que fut « Saint-Ex »13, le premier qui me parla
de
la Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime ? Sinon qu’il
2069
»13, le premier qui me parla de la Planète comme
d’
un amour et d’une souffrance intime ? Sinon qu’il fut lui aussi un poè
2070
er qui me parla de la Planète comme d’un amour et
d’
une souffrance intime ? Sinon qu’il fut lui aussi un poète, en prose e
2071
n vision créatrice. 13. Saint-Exupéry, l’auteur
de
Vol de Nuit et de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de, « La pen
2072
n créatrice. 13. Saint-Exupéry, l’auteur de Vol
de
Nuit et de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de, « La pensée pla
2073
. 13. Saint-Exupéry, l’auteur de Vol de Nuit et
de
Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de, « La pensée planétaire »,
2074
Nuit et de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis
de
, « La pensée planétaire », Servir, Lausanne, 30 mai 1946, p. 1.
2075
rtés que la pensée se donne lorsque, se dégageant
de
notre condition, elle imagine des idées qui détruisent l’homme, l’on
2076
qui détruisent l’homme, l’on rencontre sans trop
d’
effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette i
2077
l’homme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’idée
de
l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l
2078
trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée
de
l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qui pense
2079
rt. Si « macabre » désigne assez bien l’étrangeté
de
la mort des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire de sa propre
2080
des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire
de
sa propre mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditati
2081
e saurait en aucun cas se dire de sa propre mort,
de
la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditation que je poursuis
2082
opre mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens,
de
la méditation que je poursuis entre ces phrases, dans cette matinée b
2083
nt, je puis en disposer, feindre assez facilement
d’
en rire. Elle n’est pas plus forte que moi. Peut-être même n’est-elle
2084
moi. Peut-être même n’est-elle qu’une ruse cousue
de
fil blanc de ma vitalité : la seule pensée que mon souffle puisse, da
2085
e même n’est-elle qu’une ruse cousue de fil blanc
de
ma vitalité : la seule pensée que mon souffle puisse, dans quelques i
2086
e mort. Contester là-dessus serait fournir l’aveu
d’
une impuissance à comprendre le mot penser dans son sens fort. Car pen
2087
t mourir. Peut-être avons-nous là le seul critère
d’
une perfection intellectuelle, et l’on conçoit que son application ne
2088
t tragiques, c’est-à-dire sans appel. Ontologie
de
la fin Pour que nous apparaisse parfois l’étrangeté d’une telle si
2089
n Pour que nous apparaisse parfois l’étrangeté
d’
une telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’une instance
2090
omme négligeable ; et s’y attarder serait le fait
d’
une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’utopie devant ma mo
2091
atuite. Ma nature crie à l’utopie devant ma mort.
De
là vient que l’humanité, dans son ensemble, résiste instinctivement à
2092
son ensemble, résiste instinctivement à la pensée
de
la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’
2093
ste instinctivement à la pensée de la Fin, refuse
de
toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’applique à la disq
2094
la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces
de
la « réaliser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à la rendre
2095
asser à tout jamais dans un futur indéfini. Ainsi
de
l’homme, ainsi de l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l
2096
s dans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi
de
l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l’homme meurt. Pour
2097
mps nous endort bien plutôt qu’il ne nous avertit
de
son but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est de son destin et d
2098
on but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est
de
son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’œil nu, leur sens dernie
2099
e savait un jour ce qu’il en est de son destin et
de
sa liberté, s’il voyait à l’œil nu, leur sens dernier et l’enjeu véri
2100
l’œil nu, leur sens dernier et l’enjeu véritable
de
ses choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste o
2101
éritable de ses choix, à qui reviendrait l’empire
de
ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait
2102
eune Homme ? Le sage ne raillerait pas avec moins
d’
envie le débauché, dont il faudrait encore plaindre l’arrière-pensée,
2103
our. Vivre est impur, qu’on sache ou non où va la
vie
, et c’est pourquoi les bonnes raisons n’expliquent pas notre réalité,
2104
is seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée
de
la Fin a les meilleures raisons du monde d’être pensée ; toutefois l’
2105
ensée de la Fin a les meilleures raisons du monde
d’
être pensée ; toutefois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’
2106
u monde d’être pensée ; toutefois l’effort entier
de
notre vie la neutralise. D’où vient alors cette prise de conscience,
2107
’être pensée ; toutefois l’effort entier de notre
vie
la neutralise. D’où vient alors cette prise de conscience, d’une mena
2108
efois l’effort entier de notre vie la neutralise.
D’
où vient alors cette prise de conscience, d’une menace, mais aussi de
2109
lise. D’où vient alors cette prise de conscience,
d’
une menace, mais aussi de l’incapacité où se trouve l’homme à penser c
2110
tte prise de conscience, d’une menace, mais aussi
de
l’incapacité où se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ? D’où
2111
se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ?
D’
où vient qu’imperceptible encore au plus grand nombre, à tous les lett
2112
nombre, à tous les lettrés sans esprit, la pensée
de
la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon de la F
2113
la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ?
D’
où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a
2114
he s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon
de
la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’éc
2115
’où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon
de
la Réalité qui m’a pressé d’écrire ces pages et qui pourrait suspendr
2116
nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé
d’
écrire ces pages et qui pourrait suspendre ici ma phrase, me jetant da
2117
tant dans mon jugement ? S’il nous vient à l’idée
de
penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise
2118
e, c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit
de
la Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en
2119
ceux qu’une réalité nouvelle illuminait. Sans la
vie
, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais to
2120
éalité nouvelle illuminait. Sans la vie, que dire
de
la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle en
2121
e, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire
de
la durée ? Mais tout se mêle encore confusément. Nous sommes là comme
2122
mes là comme en rêve, empêtrés, dans le sentiment
d’
une urgence que nous ne parvenons pas à distinguer avec des yeux bien
2123
isse et trop peu pour agir. Ainsi le grand décret
de
crise qui sévit au cœur de ce siècle n’est qu’une première parole, am
2124
Ainsi le grand décret de crise qui sévit au cœur
de
ce siècle n’est qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. Une premi
2125
ce siècle n’est qu’une première parole, ambiguë,
de
la Fin. Une première demande d’informer. Non pas encore l’Arrêt derni
2126
parole, ambiguë, de la Fin. Une première demande
d’
informer. Non pas encore l’Arrêt dernier, mais déjà ce ralentissement
2127
ent qui nous fait accéder à la conscience obscure
d’
un danger proche, — ce crépuscule qui est peut-être une aube, et la fr
2128
épuscule qui est peut-être une aube, et la frange
de
cet éclat qui doit consumer toute chair. Dans cette lueur suspecte, r
2129
chair. Dans cette lueur suspecte, risque un jour
d’
apparaître la face réelle de la Terre. Et déjà, par intermittence, cer
2130
pecte, risque un jour d’apparaître la face réelle
de
la Terre. Et déjà, par intermittence, certains, ont entrevu et tenté
2131
par intermittence, certains, ont entrevu et tenté
de
juger les buts réels de notre marche séculaire. Que savons-nous du se
2132
ins, ont entrevu et tenté de juger les buts réels
de
notre marche séculaire. Que savons-nous du sens de notre civilisation
2133
e notre marche séculaire. Que savons-nous du sens
de
notre civilisation ? Quelle est sa fin, dès l’origine, quel est son r
2134
La liberté ? Nous avons encombré la terre entière
de
barrières destinées à protéger sa course. L’amour ? La solidarité ? C
2135
rse. L’amour ? La solidarité ? Ce sont des idéaux
de
ligues, des mots qu’on n’ose plus employer qu’au dessert. La richesse
2136
es lointaines. Toutefois, elle reste liée au rêve
d’
activité qui tourmente l’Occident depuis des siècles. Mais ce rêve, à
2137
e ; il faiblit, il ne couvre plus toute l’étendue
de
la conscience humaine… Car notre volonté n’est plus de conquérir, mai
2138
conscience humaine… Car notre volonté n’est plus
de
conquérir, mais seulement d’assurer la vie du plus grand nombre contr
2139
e volonté n’est plus de conquérir, mais seulement
d’
assurer la vie du plus grand nombre contre les créations catastrophiqu
2140
st plus de conquérir, mais seulement d’assurer la
vie
du plus grand nombre contre les créations catastrophiques des Héros o
2141
epuis peu. Nous essayons, mais en phrases banales
de
moralistes tardivement ressaisis, d’évaluer les conquêtes futures. Si
2142
ases banales de moralistes tardivement ressaisis,
d’
évaluer les conquêtes futures. Signe évident que nous les redoutons. (
2143
r à la mort, comme à tout acte créateur, le moins
de
chances. Un vaste système d’assurances s’étend sur toutes nos activit
2144
e créateur, le moins de chances. Un vaste système
d’
assurances s’étend sur toutes nos activités : plans et pactes, statist
2145
tes nos activités : plans et pactes, statistiques
de
l’imprévu, eugénisme et longévité, clercs au pas ou stérilisés, guerr
2146
: cet effort est contre nature. Il naît au déclin
de
la vie, et fatalement se retourne contre elle. Nous voulons échapper
2147
effort est contre nature. Il naît au déclin de la
vie
, et fatalement se retourne contre elle. Nous voulons échapper au temp
2148
mais c’est peut-être le meilleur ou le seul moyen
d’
anticiper sa fin : la fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut qu
2149
se peut que l’assurance mondiale que nous tentons
d’
organiser, aménage notre ruine collective : lorsque la terre entière s
2150
tière soumise au seul pouvoir du chiffre dépendra
d’
une centrale unique, il suffira que l’Ange de la Fin saisisse les comm
2151
ndra d’une centrale unique, il suffira que l’Ange
de
la Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous serons
2152
re attente faiblit. La primitive Église, au début
de
notre ère, vivait dans la pensée de la fin imminente. Mais parmi nous
2153
ise, au début de notre ère, vivait dans la pensée
de
la fin imminente. Mais parmi nous, qui avons cru pouvoir éliminer cet
2154
ons cru pouvoir éliminer cette dimension tragique
de
notre vie, voici qu’un destin ironique se charge de l’approfondir. No
2155
ouvoir éliminer cette dimension tragique de notre
vie
, voici qu’un destin ironique se charge de l’approfondir. Non pas le t
2156
notre vie, voici qu’un destin ironique se charge
de
l’approfondir. Non pas le temps, mais notre œuvre elle-même. Pour la
2157
’histoire du monde, nous pouvons calculer le prix
de
revient d’une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de
2158
u monde, nous pouvons calculer le prix de revient
d’
une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nat
2159
ons calculer le prix de revient d’une destruction
de
l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertis
2160
evient d’une destruction de l’humanité : la somme
de
nos budgets de Défense nationale. Avertissement Votre refuge es
2161
struction de l’humanité : la somme de nos budgets
de
Défense nationale. Avertissement Votre refuge est dans la masse
2162
pas mourir, et il est vrai qu’elle ne possède pas
de
vie réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut être
2163
mourir, et il est vrai qu’elle ne possède pas de
vie
réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut être en
2164
pensée, et l’homme en elle reste à peu près dénué
de
réalité, jusqu’au jour où la Fin le pense. Et c’est là son tragique e
2165
in le pense. Et c’est là son tragique et l’humour
de
la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la présence étern
2166
réel, tout ce qui manifeste la présence éternelle
de
la Fin, tout ce qui donne un sens d’éternité à vos singeries, vous l’
2167
ce éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens
d’
éternité à vos singeries, vous l’appelez exagéré, démesuré. Écoutez-mo
2168
révéler tels qu’ils sont, où qu’ils soient. Plus
d’
évasions spirituelles. L’homme fuyant la Terre où le diable sévit, se
2169
et découvre que Dieu y est plus dangereux encore,
d’
une autre sorte, fulgurante. Péripétie La scène du monde vient d
2170
du monde vient de passer à une vaste conversation
de
la mort, sur les places et dans les grands cafés, aux lieux de popula
2171
ur les places et dans les grands cafés, aux lieux
de
populace et de parole rapide. Peut-être le soleil éteint se promène-t
2172
t dans les grands cafés, aux lieux de populace et
de
parole rapide. Peut-être le soleil éteint se promène-t-il depuis quel
2173
ité méprisante… Mais la majorité sut garder l’air
de
ne pas croire à sa mort proche, — cet air petit. On en reviendrait bi
2174
proche, — cet air petit. On en reviendrait bien,
de
cette fin du monde ! Car sinon tout apparaissait d’une indécence inex
2175
cette fin du monde ! Car sinon tout apparaissait
d’
une indécence inexprimable. Depuis bientôt mille ans, l’An Mil était p
2176
prix de cela justement qu’il n’était point permis
d’
imaginer. Celui dont les belles manières sont apprises souffre mal qu’
2177
s peu d’entre eux possédaient la pleine assurance
de
l’être. L’Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résult
2178
édaient la pleine assurance de l’être. L’Institut
de
l’opinion planétaire publia les premiers résultats d’une enquête-écla
2179
’opinion planétaire publia les premiers résultats
d’
une enquête-éclair : il s’agissait d’une névrose collective, d’une pou
2180
rs résultats d’une enquête-éclair : il s’agissait
d’
une névrose collective, d’une poussée subite de l’instinct de mort. On
2181
-éclair : il s’agissait d’une névrose collective,
d’
une poussée subite de l’instinct de mort. On proposait une cure des ma
2182
it d’une névrose collective, d’une poussée subite
de
l’instinct de mort. On proposait une cure des masses et la nationalis
2183
se collective, d’une poussée subite de l’instinct
de
mort. On proposait une cure des masses et la nationalisation des écol
2184
cure des masses et la nationalisation des écoles
de
psychanalyse. Un théologien répondit : — L’affection de la chair, c’e
2185
chanalyse. Un théologien répondit : — L’affection
de
la chair, c’est la mort. Saint Paul l’a vu bien avant Freud, et mieux
2186
eud, et mieux. Il entendait par « chair » le tout
de
l’homme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’est point que n
2187
e la chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne
de
la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mo
2188
qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la
vie
telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous
2189
l’élan mortel. Car il ne vient pas de nous, mais
d’
En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui n’était pour nous qu’u
2190
— notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus
de
l’instant éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’acte de ce oui,
2191
t éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’acte
de
ce oui, se manifeste au Jour de tous les jours. Comme il parlait enco
2192
tière dans l’acte de ce oui, se manifeste au Jour
de
tous les jours. Comme il parlait encore, une lueur d’aube apparut et
2193
ous les jours. Comme il parlait encore, une lueur
d’
aube apparut et grandit autour d’eux. Toutes choses replongées dans la
2194
ncore, une lueur d’aube apparut et grandit autour
d’
eux. Toutes choses replongées dans la stupeur originelle, toutes créat
2195
es créatures livrées d’un seul coup à la violence
de
l’acte décisif, nous allons voir paraître enfin leur justification, l
2196
supporter, le seul Amour apparaissant qui menace
d’
être insoutenable : il nous trouve sans préparation. L’on ne s’était d
2197
uve sans préparation. L’on ne s’était défendu que
de
l’autre côté, du côté de ce monde mal fait… Parut un soleil nouveau.
2198
yeux devenaient forts et s’attendaient à l’éclat
d’
une lueur encore plus vive. Par degré le Grand Jour éclatait, toujours
2199
quelle contenance prendre. Et la lumière ne cesse
de
grandir. Ils tombent déjà par rangs entiers, aveuglés et cloués sur p
2200
iers, aveuglés et cloués sur place par l’évidence
de
l’amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent de marcher, riant
2201
amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent
de
marcher, riant de joie aux paliers du matin, s’avançant vers Midi ave
2202
elques-uns cependant continuent de marcher, riant
de
joie aux paliers du matin, s’avançant vers Midi avec le naturel de ce
2203
rs du matin, s’avançant vers Midi avec le naturel
de
ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers
2204
s Midi avec le naturel de ceux qui ont la coutume
de
la Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’agrandissement
2205
utinrent les derniers soleils et l’agrandissement
de
la lumière jusqu’aux limites de sa perfection, où tout ce qui voit éc
2206
l’agrandissement de la lumière jusqu’aux limites
de
sa perfection, où tout ce qui voit éclaire aussi, où tout œil rend ce
2207
second jugement. Chaque homme poussé à la limite
de
son expression, et chaque homme forcé à l’extrémité de son choix, cri
2208
n expression, et chaque homme forcé à l’extrémité
de
son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout entière dans
2209
rcé à l’extrémité de son choix, cria le « terme »
de
sa vie, la proféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’étern
2210
l’extrémité de son choix, cria le « terme » de sa
vie
, la proféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’éternelle so
2211
nse unique à l’éternelle sommation, somme absolue
de
ses journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son
2212
nelle sommation, somme absolue de ses journées et
de
ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses ref
2213
n, somme absolue de ses journées et de ses nuits,
de
ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses ave
2214
e ses journées et de ses nuits, de ses pensées et
de
ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa t
2215
et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes,
de
son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est
2216
, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir,
de
ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut
2217
es et de ses gestes, de son savoir, de ses refus,
de
ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée l’inc
2218
de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements,
de
sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée l’incomparable qualité de
2219
est ainsi que fut déclarée l’incomparable qualité
de
son péché et mesuré le degré d’être de son être tel qu’il l’avait lib
2220
omparable qualité de son péché et mesuré le degré
d’
être de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’exam
2221
le qualité de son péché et mesuré le degré d’être
de
son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’examen des
2222
librement fait en le vivant. L’examen des raisons
de
survivre et leur introduction au titre de l’éternité occupèrent moins
2223
raisons de survivre et leur introduction au titre
de
l’éternité occupèrent moins de temps qu’on n’imagine. La procédure ét
2224
roduction au titre de l’éternité occupèrent moins
de
temps qu’on n’imagine. La procédure était, en effet, des plus simples
2225
effet, des plus simples. — Témoignez, disait-on,
de
la vie que vous possédez. Quel est votre plus vrai désir ? Les sages
2226
, des plus simples. — Témoignez, disait-on, de la
vie
que vous possédez. Quel est votre plus vrai désir ? Les sages réponda
2227
ient en présence de la banalité soudain flagrante
de
leurs vœux, et, finalement, murmuraient d’une voix faible : — Vous sa
2228
grante de leurs vœux, et, finalement, murmuraient
d’
une voix faible : — Vous savez sans doute mieux que moi. Ils renaîtrai
2229
. Ils renaîtraient plantes heureuses, par l’effet
de
quelque pitié. Un homme vint, comme viennent les somnambules, le corp
2230
sement nu. Il désirait un palais vide à la mesure
de
sa tristesse. Il devint donc une tristesse errante, empruntant la for
2231
as, et des lunettes bourrues au-dessus du sourire
de
la plus fervente ironie ? Qu’est-ce qu’il grommelle sous son chapeau
2232
onie ? Qu’est-ce qu’il grommelle sous son chapeau
de
paille ?14 « Qu’il voudrait subsister dans ce moment du choix qu’on l
2233
sein d’un tel choix, je m’approche insondablement
de
Celui qui d’un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’un vertige
2234
choix, je m’approche insondablement de Celui qui
d’
un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’un vertige à ce discours
2235
qui d’un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis
d’
un vertige à ce discours d’une furieuse démesure, mais il y eut alors
2236
Nous fûmes tous saisis d’un vertige à ce discours
d’
une furieuse démesure, mais il y eut alors comme un silence qui s’impo
2237
nant seul et purifié, l’on put entendre le choral
d’
une angélique hilarité. Et nous sûmes que cet homme était très grand.)
2238
air a son temps, tout esprit son essor. Et chacun
de
nous accède au destin qu’il s’est fait, à la parfaite possession de s
2239
destin qu’il s’est fait, à la parfaite possession
de
soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans la consommation de tout son
2240
, à son enfer ou à son ciel, dans la consommation
de
tout son être, au faîte inconcevable du désir comblé, et comblé pour
2241
Viens ! à celui qui porte avec soi la rétribution
de
nos œuvres » — elle est en Lui, non dans nos œuvres. Commence l’œuvr
2242
elui qui a soif vienne, que celui qui veut prenne
de
l’eau de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout e
2243
a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau
de
la vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout est gratui
2244
vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la
vie
, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout est gratuit. ....
2245
armonie violente et bienheureuse du mot sacrement
de
toute la création, son terme monumental à la gloire du Dieu Tout-Puis
2246
rd, d’après une caricature. aa. Rougemont Denis
de
, « La fin du monde », Fontaine, Paris, juin 1946, p. 7-16.
2247
ficulté que nous éprouvons tous. Un cabinet privé
de
ministère des Affaires étrangères nous paraît comme puni et humilié ;
2248
paraît comme puni et humilié ; et sans ministère
de
la Guerre, il nous paraît dépourvu de sérieux. Or, le gouvernement mo
2249
s ministère de la Guerre, il nous paraît dépourvu
de
sérieux. Or, le gouvernement mondial devrait se passer de ces deux mi
2250
ux. Or, le gouvernement mondial devrait se passer
de
ces deux ministères, en vertu de sa définition. De plus, comment imag
2251
ition. De plus, comment imaginer un pouvoir digne
de
ce nom, s’il ne trouvait personne en face de lui avec qui échanger de
2252
’honneur du pays est en jeu, qu’on ne cédera plus
d’
une ligne, etc. ? Pour tout dire, pas de voisins, donc personne à qui
2253
dera plus d’une ligne, etc. ? Pour tout dire, pas
de
voisins, donc personne à qui faire la guerre ? À quoi cela ressembler
2254
e », et qui provoque ces magnifiques mouvements «
d’
union sacrée » où chacun s’écria dans sa langue « right or wrong, my c
2255
? Ne me dites pas non : votre première idée a été
de
supposer une guerre. Et cela pour essayer de vous mieux représenter c
2256
été de supposer une guerre. Et cela pour essayer
de
vous mieux représenter ce qu’un pouvoir planétaire pourrait bien fair
2257
r ce qu’un pouvoir planétaire pourrait bien faire
de
ses dix doigts… Pas de nations sans guerres avec d’autres nations. Je
2258
étaire pourrait bien faire de ses dix doigts… Pas
de
nations sans guerres avec d’autres nations. Je perdrais mon temps et
2259
vous ne voyez pas — car il supposerait une sorte
de
nation unique, sans voisins, donc sans guerre possible — cela revient
2260
straction, c’est-à-dire, soyons francs, le comble
de
l’ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse »… À propos de cette
2261
re expression, avez-vous remarqué qu’on l’emploie
de
préférence pour dénigrer des projets de paix ? Pour qui sont-ils donc
2262
l’emploie de préférence pour dénigrer des projets
de
paix ? Pour qui sont-ils donc si dangereux ? Avez-vous également rema
2263
prennent la plume (comme ils disent) ont coutume
de
dénoncer sous le nom d’« élément de désordre » les partisans de la pa
2264
e ils disent) ont coutume de dénoncer sous le nom
d’
« élément de désordre » les partisans de la paix en général ? Ces gens
2265
) ont coutume de dénoncer sous le nom d’« élément
de
désordre » les partisans de la paix en général ? Ces gens-là leur par
2266
us le nom d’« élément de désordre » les partisans
de
la paix en général ? Ces gens-là leur paraissent, évidemment, d’une m
2267
énéral ? Ces gens-là leur paraissent, évidemment,
d’
une moralité douteuse. Quant aux lance-flammes et aux bombardiers lour
2268
s lourds, et quant à ceux qui donneront le signal
de
les utiliser au service des nations, gouvernants tout d’abord et géné
2269
généraux ensuite, ils représentent les « éléments
d’
ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir l’état présent de l’Euro
2270
éléments d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit
de
voir l’état présent de l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre é
2271
n’en pas douter. Il suffit de voir l’état présent
de
l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était le pire désordre i
2272
e pour une vertu, étaient les véritables éléments
de
désordre ; et que l’utopie la plus dangereuse était la théorie de la
2273
que l’utopie la plus dangereuse était la théorie
de
la souveraineté sans limites des nations. C’était trop simple. Un col
2274
ites des nations. C’était trop simple. Un colonel
de
cavalerie à qui vous fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort de
2275
ous fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort
de
la guerre militaire par suite de l’invention de la bombe atomique, m’
2276
t de la guerre militaire par suite de l’invention
de
la bombe atomique, m’écrit que je suis un primaire. Il m’assure que «
2277
i est bien la preuve que j’ai tort, et d’ailleurs
de
n’importe quoi. Il ajoute que ma lettre, dans sa forme, est « netteme
2278
est « nettement péjorative vis-à-vis de l’armée,
de
la cavalerie en particulier », bref que je suis un « élément de désor
2279
e en particulier », bref que je suis un « élément
de
désordre ». Ce colonel m’a donné une idée. En reposant sa lettre je m
2280
uis écrié : « Vivement la Bombe ! Suprême élément
d’
ordre ! » Et ne croyez pas que je plaisantais. Car la Bombe seule peut
2281
sser des armées, des souverainetés nationales, et
de
l’anarchie qu’elles entretiennent sur la planète. Je dis que la Bombe
2282
a planète. Je dis que la Bombe peut nous délivrer
de
deux manières : soit en faisant sauter le tout, soit en nous forçant
2283
lisation et la culture y perdraient quelque chose
de
précieux. Nous serions tous fondus dans un magma informe de races, de
2284
x. Nous serions tous fondus dans un magma informe
de
races, de langues, de religions et de coutumes, et toutes les différe
2285
rions tous fondus dans un magma informe de races,
de
langues, de religions et de coutumes, et toutes les différences qui f
2286
ondus dans un magma informe de races, de langues,
de
religions et de coutumes, et toutes les différences qui font le goût
2287
gma informe de races, de langues, de religions et
de
coutumes, et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évan
2288
tumes, et toutes les différences qui font le goût
de
la vie s’évanouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je n’appel
2289
et toutes les différences qui font le goût de la
vie
s’évanouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je n’appelle pas
2290
s. Je n’appelle pas le chaos. Je cherche un moyen
de
l’éviter, ou plutôt d’en sortir un peu, car nous y sommes déjà bien e
2291
chaos. Je cherche un moyen de l’éviter, ou plutôt
d’
en sortir un peu, car nous y sommes déjà bien engagés. Ce sont les gue
2292
i produisent les guerres… Mais je vois que ce mot
de
nation a créé entre nous une équivoque. Il a deux sens bien différent
2293
parlé que du mauvais, jusqu’ici, parce que c’est
de
beaucoup le plus courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a de
2294
e que c’est de beaucoup le plus courant. Essayons
de
les distinguer. Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fai
2295
courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a
de
précieux dans les nations, ce qui fait leur véritable originalité, n’
2296
z ces trois éléments qui composent l’idée moderne
de
nation, et les nations réelles subsisteront intactes, comme membres d
2297
les subsisteront intactes, comme membres du corps
de
l’humanité, comme foyers de rayonnement, et comme communauté de gens
2298
omme membres du corps de l’humanité, comme foyers
de
rayonnement, et comme communauté de gens apparentés, soit par leurs t
2299
comme foyers de rayonnement, et comme communauté
de
gens apparentés, soit par leurs traditions, soit par leurs idéaux, c’
2300
oyez-vous sérieusement que les Français cesseront
de
parler français, de créer leur culture, et d’habiter paisiblement leu
2301
nt que les Français cesseront de parler français,
de
créer leur culture, et d’habiter paisiblement leur terre, si la Franc
2302
ont de parler français, de créer leur culture, et
d’
habiter paisiblement leur terre, si la France renonce un beau jour, en
2303
pas que si le gouvernement français n’a plus rien
d’
autre à faire qu’administrer le pays, il sera un meilleur gouvernement
2304
d’hui les nations, dans le sens valable et fécond
de
ce mot, c’est qu’elles tendent à se confondre avec l’État, et c’est l
2305
la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés,
de
se rendre autarciques en vue d’une guerre possible, soit qu’ils redou
2306
ons ainsi formés, de se rendre autarciques en vue
d’
une guerre possible, soit qu’ils redoutent ou souhaitent cette éventua
2307
lité. L’État détruit nécessairement l’originalité
d’
une nation, lorsqu’il prétend réglementer ses énergies d’après un modè
2308
ergies d’après un modèle uniforme, qu’il s’agisse
d’
une nation latine ou anglo-saxonne, socialiste ou capitaliste. Ce modè
2309
e, socialiste ou capitaliste. Ce modèle est celui
de
l’État totalitaire, qui est l’état de guerre en permanence. Ainsi l’e
2310
e est celui de l’État totalitaire, qui est l’état
de
guerre en permanence. Ainsi l’ennemi des nations c’est l’État ; et le
2311
le contraire prennent le mot patrie dans le sens
de
nation, le mot nation dans le sens d’État, le mot État dans le sens d
2312
ans le sens de nation, le mot nation dans le sens
d’
État, le mot État dans le sens de souverain, dont ils font finalement
2313
ion dans le sens d’État, le mot État dans le sens
de
souverain, dont ils font finalement un dieu, créant d’horribles confu
2314
uverain, dont ils font finalement un dieu, créant
d’
horribles confusions d’idées, qui se terminent en carnages périodiques
2315
finalement un dieu, créant d’horribles confusions
d’
idées, qui se terminent en carnages périodiques. Autre exemple. Pourqu
2316
es. Autre exemple. Pourquoi n’est-il question que
de
« nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’intérieur des frontières
2317
ertains pays ont préféré payer le prix exorbitant
de
l’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état de faire la guerre, e
2318
ayer le prix exorbitant de l’autarcie, plutôt que
de
se mettre hors d’état de faire la guerre, en se liant à des économies
2319
itant de l’autarcie, plutôt que de se mettre hors
d’
état de faire la guerre, en se liant à des économies voisines. Mais re
2320
e l’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état
de
faire la guerre, en se liant à des économies voisines. Mais remarquez
2321
re tirer parti du prestige qui s’attache à l’idée
de
nation… En fait, on étatise la nation. Que penser de ces États-nation
2322
nation… En fait, on étatise la nation. Que penser
de
ces États-nations, de plus en plus nombreux, qui se referment sur eux
2323
êmes et sur leur budget militaire, qui se bardent
de
protections à la frontière, comme autrefois, en attendant que la Bomb
2324
e la France, par exemple, est entrée dans la voie
de
l’étatisme parce qu’elle veut la justice sociale, et que cela n’a rie
2325
des motifs que des effets inéluctables. Le désir
de
justice sociale est une noble passion, la socialisation de l’industri
2326
e sociale est une noble passion, la socialisation
de
l’industrie est une mesure économique partiellement souhaitable, mais
2327
e partiellement souhaitable, mais je ne leur vois
de
commun, à priori, que trois syllabes. Cependant l’on revendique la so
2328
ntient ces trois syllabes sacrées, et l’on traite
de
fasciste celui qui demande à voir. (La prochaine fois que vous oserez
2329
nationalisation pour masquer le fait qu’il s’agit
d’
une étatisation. Je n’en ai qu’au cadre national. Introduisez dans cet
2330
s cette broyeuse automatique qu’est l’État-nation
de
la démocratie ou marxisme, des idées libérales ou du planisme, ou mêm
2331
bérales ou du planisme, ou même une belle passion
de
la justice sociale, le résultat sera le même : à l’autre bout, vous o
2332
btiendrez du totalitarisme en bâtons et une grêle
de
coups. Je suis sérieux. Le socialisme, non pas en soi, mais construit
2333
écessairement à l’État totalitaire, donc à l’état
de
guerre larvé ou déclaré, qui est le pire des crimes sociaux. On ne so
2334
qui est le pire des crimes sociaux. On ne sortira
de
ce cercle vicieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre, ou la pro
2335
ts-nations. Par quel moyen ? En remettant le soin
de
diriger les affaires internationales à des hommes qui ne représentent
2336
ifiés pour arbitrer. Autrement ce n’est qu’un jeu
de
force, et le premier qui tire aura gagné, quel que soit le mordant de
2337
ier qui tire aura gagné, quel que soit le mordant
de
l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas d’adversa
2338
ue soit le mordant de l’infanterie ou la bravoure
de
votre colonel. Il n’aura pas d’adversaires à combattre à 2000 kilomèt
2339
ie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas
d’
adversaires à combattre à 2000 kilomètres à la ronde, sauf s’il saute
2340
i bien cela dans la tête.) z. Rougemont Denis
de
, « Deux lettres sur le gouvernement mondial », Mondes, Paris, 4 juin
2341
L’Américain croit à la
vie
, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)ab Pendant que
2342
Américain croit à la vie, le Français aux raisons
de
vivre (19 juillet 1946)ab Pendant que vous avez encore quelques Am
2343
Amérique encore me tient par tout ce que je viens
d’
y vivre en six années, livrons-nous au petit jeu de société mondiale q
2344
’y vivre en six années, livrons-nous au petit jeu
de
société mondiale qu’est la comparaison des peuples deux à deux. Jeu p
2345
grandes questions du siècle est sans doute celle
de
ne point laisser nos moyens matériels de transport distancer la consc
2346
te celle de ne point laisser nos moyens matériels
de
transport distancer la conscience humaine, trop étroitement liée aux
2347
ils accueillent un étranger Le grand bourgeois
de
Paris et ses fils, lorsqu’ils rencontrent une tête nouvelle, ne souri
2348
guère. Ils tendent une main précise, accompagnée
d’
un regard qui jauge cet adversaire ou ce partenaire possible. Qui va p
2349
r enfin libre cours à ses puissances instinctives
de
cordialité et d’hospitalité. Comment ils deviennent amis À la d
2350
rs à ses puissances instinctives de cordialité et
d’
hospitalité. Comment ils deviennent amis À la deuxième rencontre
2351
’Américain vous dit votre prénom, vous raconte sa
vie
sentimentale et l’état de ses affaires, enfin vous invite pour un wee
2352
rénom, vous raconte sa vie sentimentale et l’état
de
ses affaires, enfin vous invite pour un week-end. Pendant vingt ans,
2353
x écrit sur l’amitié que les moralistes français,
de
Montaigne à Paul Valéry. Tandis qu’en Amérique, il vous arrive souven
2354
ry. Tandis qu’en Amérique, il vous arrive souvent
de
vous sentir seul au monde en connaissant tout le monde. La rançon d’u
2355
au monde en connaissant tout le monde. La rançon
d’
une intimité trop rapide et superficielle, c’est la facilité avec laqu
2356
qu’on est devenu, on rit, on boit, on ne s’étonne
de
rien, tout glisse et passe, il y a tant d’êtres sur la terre, tant de
2357
étonne de rien, tout glisse et passe, il y a tant
d’
êtres sur la terre, tant de hasards, tant de manières de vivre, de bon
2358
s sur la terre, tant de hasards, tant de manières
de
vivre, de bonnes et de mauvaises fortunes, par chance… Le sourire lar
2359
erre, tant de hasards, tant de manières de vivre,
de
bonnes et de mauvaises fortunes, par chance… Le sourire large des Amé
2360
hasards, tant de manières de vivre, de bonnes et
de
mauvaises fortunes, par chance… Le sourire large des Américains dissi
2361
; mais il y a d’autre part trente-six « stocks »
d’
immigrants, et trente-six églises différentes, sous-églises, sectes et
2362
eligieux. Mais les Américains changent facilement
d’
église, selon leur domicile ou leur cercle d’amis, tandis que le Franç
2363
ment d’église, selon leur domicile ou leur cercle
d’
amis, tandis que le Français donne l’impression qu’il ne changerait pa
2364
s donne l’impression qu’il ne changerait pas plus
de
parti que de passé. Comment ils inventent Un ingénieur français
2365
ression qu’il ne changerait pas plus de parti que
de
passé. Comment ils inventent Un ingénieur français, débarquant
2366
struisait, l’Amérique a produit quelques milliers
d’
appareils plus lourds et plus lents, qui n’ont d’autre avantage que de
2367
d’appareils plus lourds et plus lents, qui n’ont
d’
autre avantage que de fonctionner sur toutes les grandes lignes du mon
2368
rds et plus lents, qui n’ont d’autre avantage que
de
fonctionner sur toutes les grandes lignes du monde. Curieuse impatien
2369
tteint et dépassé, c’est comme si tous les avions
de
série étaient déjà faits ; il en est fatigué d’avance, et passe à l’i
2370
s de série étaient déjà faits ; il en est fatigué
d’
avance, et passe à l’invention suivante. Vue d’Amérique, l’Europe appa
2371
ué d’avance, et passe à l’invention suivante. Vue
d’
Amérique, l’Europe apparaît comme une petite région de la planète prop
2372
érique, l’Europe apparaît comme une petite région
de
la planète proprement stupéfiante par la densité de ses inventions, t
2373
la planète proprement stupéfiante par la densité
de
ses inventions, tandis que l’Amérique vue d’Europe stupéfie par sa pr
2374
sité de ses inventions, tandis que l’Amérique vue
d’
Europe stupéfie par sa production standardisée. C’est que l’Européen s
2375
e l’Européen s’ennuie plus vite et supporte moins
de
s’ennuyer. Tandis que l’Américain se contente plus longtemps des même
2376
e plus longtemps des mêmes idées, des mêmes types
d’
appareils, parce qu’il les utilise vraiment, parce qu’il en vit, et qu
2377
cule pas à leur sujet. Comment ils prennent la
vie
Le Français est profondément sérieux, c’est même à mon avis l’espè
2378
fondément sérieux, c’est même à mon avis l’espèce
d’
homme la plus sérieuse de la planète. Cependant ses chansons, son théâ
2379
même à mon avis l’espèce d’homme la plus sérieuse
de
la planète. Cependant ses chansons, son théâtre d’avant-guerre, ses r
2380
e la planète. Cependant ses chansons, son théâtre
d’
avant-guerre, ses romans à succès et ses produits d’exportation, humai
2381
avant-guerre, ses romans à succès et ses produits
d’
exportation, humains ou commerciaux, le font passer pour plus léger qu
2382
ir. Il a fallu le général de Gaulle et les récits
de
la Résistance pour que certains Américains pressentent enfin que la F
2383
enfin que la France est le pays du sérieux sobre,
de
l’intransigeance réaliste, des provinciaux vêtus de noir — « le noir,
2384
l’intransigeance réaliste, des provinciaux vêtus
de
noir — « le noir, la couleur nationale ! » s’écrie un personnage de G
2385
r, la couleur nationale ! » s’écrie un personnage
de
Giraudoux — sans parler des débats sur la laïcité ou les écoles confe
2386
ur dix, bien plus près du Méridional par son goût
de
l’exagération — Tartarin serait bien épaté — son humeur communicative
2387
son insouciance lyrique. Ses chansons déchirantes
de
sentimentalisme ne traduisent que ses rêveries, dans un style emprunt
2388
eries, dans un style emprunté aux nègres. Mais sa
vie
amoureuse et sexuelle me paraît fort peu romantique. On compare les s
2389
n toute simplicité, on divorce pour des questions
de
cuisine, on se console vite, on n’admet pas la jalousie. Le « réalism
2390
avec les mœurs des Européens qu’on perd l’espoir
de
jamais faire comprendre les uns aux autres. L’ordre des valeurs moral
2391
eurs morales me semble s’inverser lorsqu’on passe
d’
un continent à l’autre. Un seul exemple : en Europe, la longue durée d
2392
tre. Un seul exemple : en Europe, la longue durée
d’
une liaison l’officialise presque ; en Amérique, c’est elle qui fait s
2393
terre des cathédrales, on demande à Le Corbusier
de
bâtir des églises en verre et en ciment : je me souviens du temple pr
2394
t en ciment : je me souviens du temple protestant
de
Drancy, et de vingt églises en style aérodynamique construites par le
2395
je me souviens du temple protestant de Drancy, et
de
vingt églises en style aérodynamique construites par les Allemands av
2396
hédrales européennes. Et les résidences luxueuses
de
la campagne ou de la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de
2397
es. Et les résidences luxueuses de la campagne ou
de
la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor, de s
2398
la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud —
de
style Tudor, de style Renaissance, de style hollandais ou espagnol… P
2399
égulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor,
de
style Renaissance, de style hollandais ou espagnol… Par contre, les c
2400
ns le Sud — de style Tudor, de style Renaissance,
de
style hollandais ou espagnol… Par contre, les cottages américains ont
2401
ntre, les cottages américains ont infiniment plus
d’
originalité, de diversité et d’élégance, que les maisons bourgeoises e
2402
ges américains ont infiniment plus d’originalité,
de
diversité et d’élégance, que les maisons bourgeoises en France. Quant
2403
nt infiniment plus d’originalité, de diversité et
d’
élégance, que les maisons bourgeoises en France. Quant aux gratte-ciel
2404
ou non L’Américain ne pardonne pas une erreur
de
2 cents dans un compte, mais se trompe joyeusement d’un pays quand il
2405
cents dans un compte, mais se trompe joyeusement
d’
un pays quand il bombarde, d’un siècle quand il cite l’histoire, d’un
2406
e trompe joyeusement d’un pays quand il bombarde,
d’
un siècle quand il cite l’histoire, d’un ordre spirituel quand il crit
2407
l bombarde, d’un siècle quand il cite l’histoire,
d’
un ordre spirituel quand il critique un livre. Ce qu’il ne tolère pas,
2408
cisément où le Français le considère comme allant
de
soi, j’entends vis-à-vis de l’État. Quand vous entrez en Amérique, on
2409
t. Quand vous entrez en Amérique, on vous demande
de
remplir des questionnaires comportant des questions de ce genre : « B
2410
mplir des questionnaires comportant des questions
de
ce genre : « Buvez-vous ? Modérément ? À l’excès ? Fumez-vous ? Avez-
2411
s ? Avez-vous d’autres vices ? Êtes-vous partisan
de
doctrines tendant au renversement des institutions américaines ? » Vo
2412
du serment, que vous ne l’êtes pas, et que votre
vie
plus tard prouve que vous l’êtes, l’amende ou la peine de prison sero
2413
tard prouve que vous l’êtes, l’amende ou la peine
de
prison seront triplées. Tout repose ici sur la parole donnée, seul fo
2414
t repose ici sur la parole donnée, seul fondement
d’
une réelle démocratie. Comment ils se battent Voici le contraste
2415
entre l’Ancien et le Nouveau Monde : leur manière
de
réagir à la souffrance. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le
2416
ière de réagir à la souffrance. Prenons l’exemple
de
la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dulce et deco
2417
que dulce et decorum est pro patria mori, accepte
de
se faire tuer non point par fanatisme, religieux, comme le Japonais,
2418
asi sportif comme l’Américain, mais par une sorte
de
fatalisme inconscient. (Je ne parle pas du héros, mais du troupier mo
2419
ésidu des plus solennelles traditions religieuses
de
l’Occident. C’est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’enn
2420
C’est pourquoi les Français avancent sous le feu
de
l’ennemi, tandis que les Américains s’assurent d’abord — quitte à pay
2421
e prix qu’il faut en matériel — que les batteries
d’
en face ont été écrasées. Cette folie apparente de l’Européen dénote u
2422
d’en face ont été écrasées. Cette folie apparente
de
l’Européen dénote un certain degré de spiritualité, car l’esprit se n
2423
e apparente de l’Européen dénote un certain degré
de
spiritualité, car l’esprit se nourrit de sacrifices. Tandis que le bo
2424
in degré de spiritualité, car l’esprit se nourrit
de
sacrifices. Tandis que le bon sens américain trahit une certaine igno
2425
t une certaine ignorance des conditions premières
de
la vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie m
2426
certaine ignorance des conditions premières de la
vie
spirituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même, et
2427
la vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons
de
vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’inverse. Je compare
2428
elle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la
vie
même, et pour les autres, c’est l’inverse. Je compare et vous laisse
2429
être aimé ne le souhaite. ab. Rougemont Denis
de
, « L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre », Te
2430
ab. Rougemont Denis de, « L’Américain croit à la
vie
, le Français aux raisons de vivre », Temps présent, Paris, 19 juillet
2431
Américain croit à la vie, le Français aux raisons
de
vivre », Temps présent, Paris, 19 juillet 1946, p. 1-2. ac. Sous-tit
2432
ains » (24 août 1946)ae J’ai un certain nombre
d’
ouvrages qui vont paraître en même temps, ce qu’explique aisément ma l
2433
temps, ce qu’explique aisément ma longue absence
de
six ans. D’abord, chez Stock : Vivre en Amérique . C’est un recueil
2434
hez Stock : Vivre en Amérique . C’est un recueil
de
tous mes articles sur les États-Unis, parus dans Carrefour , Le Fig
2435
efour , Le Figaro , Le Littéraire et le Journal
de
Genève . Chez Gallimard : mes Lettres sur la bombe atomique , qui pa
2436
k en 1940 af et en 1944. Il s’agit, bien entendu,
de
la version définitive. Les Personnes du drame . Ce sont des essais
2437
e anniversaire. D’autre part, quelques rééditions
d’
ouvrages qui, à cause de leur faible tirage et des circonstances où il
2438
in Michel, Penser avec les mains et le Journal
d’
un intellectuel en chômage . Aux Éditions « Je sers » : Politique de
2439
n chômage . Aux Éditions « Je sers » : Politique
de
la personne , qui, publié il y a douze ans, obtint un vif succès en H
2440
J’en ai environ dix-huit ! ae. Rougemont Denis
de
, « [Réponse à une enquête] Les travaux des écrivains », Le Figaro lit
2441
ris, 24 août 1946, p. 2. af. La première version
de
cet ouvrage est parue en 1942, et non en 1940.
2442
Mémoire
de
l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)ah Je n
2443
is parmi les signes. Sédiments séculaires, socles
de
nos patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’é
2444
ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier
de
nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée
2445
s qui tournaient doucement vers une place plantée
d’
arbres et déserte, aux rendez-vous manqués où je me retrouvais… « Je t
2446
. J’aime ! » J’ai tout dit. L’Europe était patrie
d’
amour. Le silence attendait, l’absence était profonde, et chaque être
2447
questionnait, répondait. La force était au secret
de
nos vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la con
2448
nnait, répondait. La force était au secret de nos
vies
, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la contemplatio
2449
ne obscure, ou bien dans la contemplation jalouse
d’
un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et not
2450
e d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps
de
notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait
2451
e était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin
d’
une journée qui se liait aux autres… (Quand ta force devient visible,
2452
, c’est comme le sang, c’est que tu es blessé, ta
vie
s’en va !) La force était mémoire et allusion. Elle était ce vieil ar
2453
ceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté
d’
un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… ⁂ Quand je m
2454
é d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs
de
l’amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe
2455
la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en
vie
tant de passé, et garder tant de morts dans la présence, elle ne cess
2456
nt de morts dans la présence, elle ne cessera pas
d’
engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. ah. Rougemont Denis de, « Mémo
2457
elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise
d’
avenir. ah. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’Europe (écrit en Amé
2458
Elle a maîtrise d’avenir. ah. Rougemont Denis
de
, « Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) », Suisse contemp
2459
se d’avenir. ah. Rougemont Denis de, « Mémoire
de
l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) », Suisse contemporaine, Lausan
2460
mbre 1940 Blanche et bleue dans l’immense lumière
de
la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquant et ses rues dé
2461
uons pour l’Amérique. Mais ici je fais le serment
d’
opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la vie, toujo
2462
ser une stricte mémoire à la candeur intarissable
de
la vie, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore cont
2463
e stricte mémoire à la candeur intarissable de la
vie
, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore continuer.
2464
candeur intarissable de la vie, toujours pressée
d’
imaginer un monde où tout peut encore continuer. Je viens de voir une
2465
le peut mourir. Durant cette traversée en autocar
de
Genève aux Pyrénées, pendant deux jours, j’ai vu la France toute pare
2466
il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne
de
cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le dém
2467
ait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et
d’
esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le
2468
’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit, incapable
de
retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai
2469
iaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières
de
la Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant des terres abandonné
2470
bandonnées du Nord et que nos paysans s’efforcent
d’
arrêter avant qu’elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les
2471
renaître les paniques dévastatrices du ve siècle
de
notre ère. Et je songe au bastion que mon pays élève, nuit et jour, a
2472
rd, cœur mystérieux du continent, dernier symbole
d’
une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous,
2473
ommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai
de
grâce ! À bord de l’Exeter, 11 septembre 1940 Les derniers barrages t
2474
on peut imaginer que la police renoncera au viol
de
notre vie privée. Pourtant, certains des passagers gardent encore l’a
2475
tant, certains des passagers gardent encore l’air
de
s’attendre au pire, tandis qu’ils font leur premier tour de pont. Ils
2476
dre au pire, tandis qu’ils font leur premier tour
de
pont. Ils se rappellent sans doute ce Polonais, tiré, jeté par la pol
2477
frontière — à deux-cents mètres — du Portugal et
de
la liberté. Car tel est le sadisme policier. Nous venons de passer, e
2478
policier. Nous venons de passer, en quatre jours
de
voyage, sept contrôles différents de douane et de police. Secondés pa
2479
quatre jours de voyage, sept contrôles différents
de
douane et de police. Secondés par la chance, nous n’y avons passé, si
2480
de voyage, sept contrôles différents de douane et
de
police. Secondés par la chance, nous n’y avons passé, si je compte bi
2481
us n’y avons passé, si je compte bien, guère plus
de
22 heures, mais le total normal est d’au moins 30, m’affirme-t-on, et
2482
guère plus de 22 heures, mais le total normal est
d’
au moins 30, m’affirme-t-on, et les « accidents » sont fréquents. Para
2483
l’homme à l’anonyme, pour le priver du sentiment
de
sa vocation, de sa différence personnelle, cependant qu’on lui demand
2484
nyme, pour le priver du sentiment de sa vocation,
de
sa différence personnelle, cependant qu’on lui demande à chaque pas d
2485
onnelle, cependant qu’on lui demande à chaque pas
de
prouver son identité. Or plus il en proteste et moins il s’en assure.
2486
ins il la ressent. Et plus il la démontre à coups
de
documents, moins il se reconnaît dans le portrait simplifié que la po
2487
t précisément à l’émigrant, à celui qui s’éloigne
de
ses bases, des réflexes de son milieu, de tout ce qui allait de soi a
2488
à celui qui s’éloigne de ses bases, des réflexes
de
son milieu, de tout ce qui allait de soi autour de lui et l’assurait
2489
éloigne de ses bases, des réflexes de son milieu,
de
tout ce qui allait de soi autour de lui et l’assurait quotidiennement
2490
t du 12 au 13 septembre 1940 Les derniers bateaux
de
la dernière ligne reliant l’Europe à l’Amérique ont tous des noms en
2491
lionnaires, ex-princes, vers leur exil. Mais moi,
de
quoi pourrais-je bien être l’ex ? Ni fugitif, ni juif, ni riche, ni d
2492
riche, ni détrôné, et ne pouvant me réclamer que
d’
une « mission de conférences » (prétexte évidemment peu convaincant) j
2493
né, et ne pouvant me réclamer que d’une « mission
de
conférences » (prétexte évidemment peu convaincant) je fais figure d’
2494
étexte évidemment peu convaincant) je fais figure
d’
ex-voyageur normal. Touriste des catastrophes, scandaleux personnage,
2495
Je crois bien que cette image m’est venue à cause
d’
une conversation entendue sur le pont cette nuit même. L’heure était f
2496
ui-même, avant la guerre, organisaient des dépôts
de
mitraillettes dans certaines rues stratégiques de Paris, T., ex-milit
2497
de mitraillettes dans certaines rues stratégiques
de
Paris, T., ex-militant de la gauche, lui répondit avec un demi-sourir
2498
aines rues stratégiques de Paris, T., ex-militant
de
la gauche, lui répondit avec un demi-sourire et sans retirer son mégo
2499
ec un demi-sourire et sans retirer son mégot, que
de
l’autre côté on savait tout cela, et qu’au surplus, on en faisait aut
2500
deux ex-adversaires, leurs astucieux préparatifs
de
guerre civile n’auraient été troublés que par l’attaque intempestive
2501
ait qu’on eût moins brillamment prévu les choses…
De
fait, les étrangers sont toujours surprenants. On ne s’entend vraimen
2502
e soir, les passagers se pressent devant la porte
de
la cabine du capitaine, avec l’espoir d’entendre la radio. Tout à l’h
2503
la porte de la cabine du capitaine, avec l’espoir
d’
entendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais de me faufiler, R.
2504
ntendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais
de
me faufiler, R. s’extrait du groupe, me cède sa place, et je l’entend
2505
est ce que répètent dix fois par jour les usagers
de
la radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regar
2506
r jour les usagers de la radio. Le monde a changé
de
face sous nos yeux, mais nous le regardions de trop près : d’heure en
2507
gé de face sous nos yeux, mais nous le regardions
de
trop près : d’heure en heure, nous n’avons rien vu. C’est après coup,
2508
nos yeux, mais nous le regardions de trop près :
d’
heure en heure, nous n’avons rien vu. C’est après coup, en nous retour
2509
es événements. Il a dit : « Rien de nouveau, rien
d’
important… » Mais je crois avoir entendu dans le ronron nasillard qui
2510
voir entendu dans le ronron nasillard qui sortait
de
la petite chambre : « 165 avions allemands ont été abattus sur Londre
2511
Et c’est peut-être la nouvelle la plus importante
de
la guerre. Car tout tient aux Anglais, et si ce bulletin dit vrai, le
2512
nitive. 18 septembre 1940 Comment prévoir l’issue
de
cette guerre, lorsqu’on a remarqué qu’elle n’oppose plus que deux nat
2513
lais, même battus, se comportent en propriétaires
de
droit divin de la victoire en général. La seule solution « possible »
2514
us, se comportent en propriétaires de droit divin
de
la victoire en général. La seule solution « possible » serait donc la
2515
tembre 1940 Un journaliste américain, qui revient
de
Paris, s’appuie au bastingage, près de moi, et me dit en crachant dan
2516
les Boches sont corrects… Well… Quand un gangster
de
Chicago vous prend votre portefeuille, il vous donne quelquefois cinq
2517
rquer mon approbation. 20 septembre 1940, en rade
de
New York Je me suis éveillé dans ma cabine moite avec le sentiment qu
2518
! Couru sur le pont. Nous sommes dans les passes
de
l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit les rives. Je ne m’at
2519
ous sommes dans les passes de l’Hudson. Une brume
de
chaleur tropicale bleuit les rives. Je ne m’attendais pas à la nature
2520
à la nature américaine, à la voir la première et
de
si près, avant les gratte-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensa
2521
e-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensation
d’
un paysage plus étranger, mais plus étrangement accueillant. Tous ces
2522
mense sécurité du continent qu’on imagine au-delà
de
ces falaises orangées, frangées de forêts d’un vert sombre de luxueus
2523
magine au-delà de ces falaises orangées, frangées
de
forêts d’un vert sombre de luxueuse tapisserie… La rivière s’élargit
2524
delà de ces falaises orangées, frangées de forêts
d’
un vert sombre de luxueuse tapisserie… La rivière s’élargit et se peup
2525
ses orangées, frangées de forêts d’un vert sombre
de
luxueuse tapisserie… La rivière s’élargit et se peuple de mâts. Au so
2526
use tapisserie… La rivière s’élargit et se peuple
de
mâts. Au sommet d’une falaise qui fuit obliquement éclate une longue
2527
rivière s’élargit et se peuple de mâts. Au sommet
d’
une falaise qui fuit obliquement éclate une longue façade claire et ne
2528
. Tournant la tête vers l’avant, un peu au-dessus
de
la poupe, je viens de voir un groupe de tours serrées, presque diapha
2529
au-dessus de la poupe, je viens de voir un groupe
de
tours serrées, presque diaphanes dans la brume — Manhattan, comme une
2530
érifiée à l’instant même ! ag. Rougemont Denis
de
, « En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation », Le Figaro littérair