1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)a Le grand service que nous aura rendu l’auteur de
2 Le grand service que nous aura rendu l’auteur de Conscience de la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédi
3 ervice que nous aura rendu l’auteur de Conscience de la Suisse, c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédiat de ce pays
4 rendu l’auteur de Conscience de la Suisse, c’est d’ avoir osé porter sur l’avenir immédiat de ce pays un jugement pessimis
5 e, c’est d’avoir osé porter sur l’avenir immédiat de ce pays un jugement pessimiste. Les plus graves faiblesses, morales e
6 iblesses, morales et matérielles, dans le domaine de la « défense spirituelle » comme dans celui de la défense du territoi
7 ne de la « défense spirituelle » comme dans celui de la défense du territoire, proviennent chez nous d’une incapacité cong
8 e la défense du territoire, proviennent chez nous d’ une incapacité congénitale à prévoir le pire, à l’admettre, et à se pr
9 ence. Nous n’avons pas encore su prendre le tempo de ce xxe siècle. C’est que nous sommes devenus un peuple de bourgeois.
10 siècle. C’est que nous sommes devenus un peuple de bourgeois. L’ère de la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de
11 nous sommes devenus un peuple de bourgeois. L’ère de la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de l’absence d’imaginat
12 de la bourgeoisie, ère du « confort moderne » et de l’absence d’imagination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos
13 oisie, ère du « confort moderne » et de l’absence d’ imagination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos cantons une e
14 e d’imagination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos cantons une existence condamnée ailleurs par des faits que je
15 imagination réaliste, prolonge encore dans la vie de nos cantons une existence condamnée ailleurs par des faits que je n’a
16 . La faiblesse du bourgeois réside dans son refus de prendre au sérieux ce qui l’étonne. « Trop beau pour être vrai », dis
17 t comme par en bas, traduit un seul et même refus de voir le monde tel qu’il est : pécheur et racheté, condamné et sauvé.
18 jouer à temps leurs calculs. Reynold a le courage d’ envisager — de regarder en plein visage — ce qui nous ruine. Non qu’il
19 leurs calculs. Reynold a le courage d’envisager — de regarder en plein visage — ce qui nous ruine. Non qu’il soit pessimis
20 lement lucide. Il a su voir plus loin que le bout de la Suisse. Il a su voir l’Europe en pleine révolution. Il a montré l’
21 s, chez nous, que la vraie fin, même inconsciente de l’étatisme disciplinaire, dépourvu d’idéal directeur, n’était autre q
22 nconsciente de l’étatisme disciplinaire, dépourvu d’ idéal directeur, n’était autre que la mise au pas du pays, sa mise en
23 faire du nationalisme, c’est faire l’autre moitié de ce tout. Mais enfin, l’important c’est que chacun commence par dire l
24 ence par dire la vérité dans son patois, et celui de Reynold est « de droite ». Le mien passa souvent pour être de « gauch
25 vérité dans son patois, et celui de Reynold est «  de droite ». Le mien passa souvent pour être de « gauche », comme si je
26 st « de droite ». Le mien passa souvent pour être de « gauche », comme si je croyais encore aux vaines distinctions qui ch
27 Laissons tout cela et avançons ! La claire vision d’ un but commun et d’un péril qui se désigne lui-même comme total (ou to
28 et avançons ! La claire vision d’un but commun et d’ un péril qui se désigne lui-même comme total (ou totalitaire) doit bie
29 il y ait un « plus tard ». En campagne, le jour de la capitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold
30 tard ». En campagne, le jour de la capitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’avenir de la S
31 pitulation de la Hollande. a. Rougemont Denis de , « Reynold et l’avenir de la Suisse », Hommage à Gonzague de Reynold,
32 a. Rougemont Denis de, « Reynold et l’avenir de la Suisse », Hommage à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librairie de l’
33 ommage à Gonzague de Reynold, Fribourg, Librairie de l’Université, 1941, p. 123-125.
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
34 olle ! Mais lui les trouve et s’en revêt : voiles de nuit. Elle a passé tout près, ne l’a pas vu. C’est pourtant le désir
35 t la femme égarée qui ne voudrait aimer le Prince de ces Lieux ? — Mais on m’appelle, écoute, la voix venait du parc ? — E
36 s murs ne cachent plus que les abords désertiques de la ville, ils se sont vus ! Le jour naît dans la pluie. Le Palais dis
37 — Viens dans mes bras, ma fille. II. Le marché de l’aube — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le petit marcha
38 II. Le marché de l’aube — Choisis la pierre de tes vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche de prêtre orient
39 vœux, lui disait le petit marchand à la barbiche de prêtre oriental. L’homme choisit la plus terne, il était triste et pr
40 adait que sa pierre était bonne, étant bien celle de ses vœux, la pierre se mit à luire davantage ; et davantage encore il
41 age encore il l’aimait, plus il luttait contre la vie , plus il vivait. Un soir, émerveillé de la revoir, il dit : — Je suis
42 ontre la vie, plus il vivait. Un soir, émerveillé de la revoir, il dit : — Je suis un homme heureux, j’ai su choisir la pi
43 suis un homme heureux, j’ai su choisir la pierre de mes vœux, car seul j’ai deviné le cher secret de son éclat. Et mainte
44 de mes vœux, car seul j’ai deviné le cher secret de son éclat. Et maintenant, ma pierre, luis de ton propre éclat ! Qu’un
45 cret de son éclat. Et maintenant, ma pierre, luis de ton propre éclat ! Qu’une fois au moins je te contemple en mon repos.
46 ais la chaleur est bonne. Tout un hiver, il vécut de ce feu. Le printemps vint. — Aurai-je encore besoin du feu ? Je repre
47 ndrai ma pierre et me reposerai dans la fraîcheur de son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fait son temps,
48 — L’hiver a fait son temps, songea-t-il, dans ma vie . Pour la deuxième fois, il alla au marché de l’aube. — Choisis la pie
49 ma vie. Pour la deuxième fois, il alla au marché de l’aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche d
50 il alla au marché de l’aube. — Choisis la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche de prêtre, je me souviens de ta
51 la pierre de tes vœux, lui dit l’homme à barbiche de prêtre, je me souviens de ta jeunesse. Il choisit la plus éclatante.
52 dit l’homme à barbiche de prêtre, je me souviens de ta jeunesse. Il choisit la plus éclatante. Et vois : quand il était h
53 e. Et vois : quand il était heureux, elle luisait d’ une froide splendeur, et quand il était triste, elle était consolante.
54 es mains, la pierre du vœu triste et présomptueux de sa jeunesse. Et il pleurait. Une troisième fois, il se leva pour alle
55 e troisième fois, il se leva pour aller au marché de l’aube. — Tu n’as plus rien, lui dit le petit vieillard, je ne te ven
56 d, je ne te vendrai rien à crédit. Tu possèdes ta Vie , et tu possèdes aussi ton Bien. Veux-tu davantage ? Voici, l’une des
57 ge ? Voici, l’une des deux pierres sera ta pierre de Mort, si tu la choisis seule, et ne veux plus souffrir. III. Le co
58 Évidemment, je n’aurais pas dû entrer. On fait de ces bêtises, par négligence, croit-on. Bref, je suis entré, c’était j
59 ouges, comme lorsqu’on choisit une couleur au jeu de cartes, rouge ou noir. J’arrive à la salle de lecture. Il n’y avait q
60 jeu de cartes, rouge ou noir. J’arrive à la salle de lecture. Il n’y avait que des feuilles de papier blanc sur les tables
61 a salle de lecture. Il n’y avait que des feuilles de papier blanc sur les tables, et tout le monde lisait. Je dis : — Est-
62 e ici ? Quelqu’un l’a-t-il vue ? Ils me regardent d’ un air vexé. Un valet s’approche rapidement et me dit à voix basse : —
63 is dit que : Fine day to day, c’eût été une sorte de question ou de réponse. Je pensais que le mieux serait de m’en aller
64 ne day to day, c’eût été une sorte de question ou de réponse. Je pensais que le mieux serait de m’en aller sans bruit. Mai
65 ion ou de réponse. Je pensais que le mieux serait de m’en aller sans bruit. Mais vous connaissez ces couloirs. Et je ne vo
66  ? C’était la question par excellence ! Le résumé de toutes mes erreurs, si vous voulez. Je trouve la porte du bureau dire
67 t par-derrière, je ne puis l’expliquer autrement. D’ une certaine manière, c’était mon propre, regard qui traversait ses ye
68 elle. (Je tenais sa main. Je sentis qu’elle avait de la fièvre.) Je suis là parce que tu es venu, tout simplement. Nous ét
69 Nous étions couchés chez nous. Je ne sais combien de temps cela va durer. Elle délire et j’ai cette balle dans le cœur. Et
70 r. Et voici que maintenant, je ne puis plus poser de questions. Car si vous me dites que c’est une vraie balle que j’ai da
71 les questions possibles et donc toute possibilité de réponse à quoi que ce soit. Laissez-moi donc seul. C’est mon ordre. E
72 royez pas, je vais tirer ! b. Rougemont Denis de , « Trois paraboles », Lettres françaises, Buenos Aires, 1 octobre 194
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
73 La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914, l’emper
74 rmée suisse (4 mars 1942)c Peu avant la guerre de 1914, l’empereur Guillaume II fit une visite au gouvernement suisse.
75 en ; mais si nous vous attaquions avec un million d’ hommes, que feriez-vous ? » — « Chacun de nous tirerait deux fois », r
76 million d’hommes, que feriez-vous ? » — « Chacun de nous tirerait deux fois », répondit calmement le soldat. Le Kaiser pr
77 des pays qui a le mieux résolu l’urgent problème de la défense de la démocratie, sans toutefois tomber dans une mobilisat
78 otalitaire. Voici les faits : Avec une population de 4 millions et demi d’habitants, la Suisse a une armée de 600 000 homm
79 faits : Avec une population de 4 millions et demi d’ habitants, la Suisse a une armée de 600 000 hommes. Un habitant sur 7
80 llions et demi d’habitants, la Suisse a une armée de 600 000 hommes. Un habitant sur 7 est un soldat. La même proportion d
81 ême proportion donnerait aux États-Unis une armée de 20 millions d’hommes. Mais nulle part les coutumes et les institution
82 donnerait aux États-Unis une armée de 20 millions d’ hommes. Mais nulle part les coutumes et les institutions ne sont plus
83 rmée n’est plus populaire et ne fait aussi partie de la vie nationale qu’en Suisse. Depuis que les communes suisses se lib
84 ’est plus populaire et ne fait aussi partie de la vie nationale qu’en Suisse. Depuis que les communes suisses se libérèrent
85 munes suisses se libérèrent pour la première fois de la domination médiévale des seigneurs, leur armée a été un groupement
86 ale des seigneurs, leur armée a été un groupement de citoyens libres, possédant chacun ses propres armes et portant fièrem
87 n peut souvent voir un paysan, assis sur le seuil de sa porte, polissant et graissant son fusil après le tir du dimanche,
88 — se distinguait par ce fait : il avait le droit de porter des armes. Les Suisses considèrent leurs armes comme un symbol
89 Suisses considèrent leurs armes comme un symbole de leur liberté. Les libertés civiques et l’esprit militaire n’ont jamai
90 étaient libres. La possession par chaque citoyen de ses propres armes, montre d’une façon concrète que l’État lui fait co
91 n par chaque citoyen de ses propres armes, montre d’ une façon concrète que l’État lui fait confiance. Imaginez ce qui arri
92 ques, si les soldats démobilisés avaient le droit d’ emporter chez eux leurs armes et leurs munitions ! En France, après l’
93 offrit cent-mille francs aux soldats, en échange de leurs fusils, par crainte d’une révolution. Hitler fit désarmer ses p
94 soldats, en échange de leurs fusils, par crainte d’ une révolution. Hitler fit désarmer ses propres troupes de choc, après
95 volution. Hitler fit désarmer ses propres troupes de choc, après l’épuration du 30 juin 1934, leur laissant seulement un p
96 t un poignard décoratif. La possession par chacun de ses propres armes a également une importance technique qui n’est null
97 i n’est nullement à négliger. C’est le seul moyen d’ assurer une mobilisation ultrarapide. Et c’est la défense la plus adéq
98 le est devenue, ainsi, la méthode la plus moderne de défense. C’est la clé de l’organisation de l’armée suisse et le secre
99 méthode la plus moderne de défense. C’est la clé de l’organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’arm
100 oderne de défense. C’est la clé de l’organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’armée est un lien non
101 de l’organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’armée est un lien non seulement entre les individus,
102 , mais aussi entre les classes. La Suisse n’a pas d’ école réservée aux officiers. Tous les hommes de 20 ans, propres au se
103 s d’école réservée aux officiers. Tous les hommes de 20 ans, propres au service militaire vont à la même école. Là le pays
104 t à la même école. Là le paysan a comme compagnon de chambre l’étudiant, l’ouvrier le fils de son patron. Pendant les troi
105 ompagnon de chambre l’étudiant, l’ouvrier le fils de son patron. Pendant les trois mois que dure l’entraînement, on a le t
106 trois mois que dure l’entraînement, on a le temps de reconnaître la valeur réelle et les faiblesses de son voisin, de se f
107 de reconnaître la valeur réelle et les faiblesses de son voisin, de se faire des amitiés. Une égalité complète existe dans
108 la valeur réelle et les faiblesses de son voisin, de se faire des amitiés. Une égalité complète existe dans les baraquemen
109 Cet entraînement intensif renvoie les hommes à la vie civile, bronzés, endurcis et chargés d’expérience que la vie paisible
110 mes à la vie civile, bronzés, endurcis et chargés d’ expérience que la vie paisible des villes ou des villages ne leur aura
111 bronzés, endurcis et chargés d’expérience que la vie paisible des villes ou des villages ne leur aurait pas donné en dix a
112 a jeunesse suisse et la durée relativement courte de l’entraînement permet à chaque recrue de retrouver à son retour sa pl
113 t courte de l’entraînement permet à chaque recrue de retrouver à son retour sa place dans la vie civile. L’insuffisance te
114 recrue de retrouver à son retour sa place dans la vie civile. L’insuffisance technique résultant d’une si brève période de
115 la vie civile. L’insuffisance technique résultant d’ une si brève période de service est compensée par un entraînement annu
116 isance technique résultant d’une si brève période de service est compensée par un entraînement annuel. La vie civile égale
117 vice est compensée par un entraînement annuel. La vie civile également apporte au citadin de fréquents contacts avec les af
118 nnuel. La vie civile également apporte au citadin de fréquents contacts avec les affaires militaires. Dans chaque village,
119 militaires. Dans chaque village, dans chaque club de tir, on voit des « cercles d’amis » pour officiers et sous-officiers.
120 e, dans chaque club de tir, on voit des « cercles d’ amis » pour officiers et sous-officiers. L’officier suisse est, dans l
121 rs militaires. Un capitaine, par exemple, dans la vie civile, surveille sa compagnie : il sait toujours où ses hommes habit
122 habitude veut qu’ils lui envoient leurs bons vœux de Nouvel An, auxquels il répond toujours. Plusieurs de ces hommes vont
123 Nouvel An, auxquels il répond toujours. Plusieurs de ces hommes vont vers lui pour lui demander un conseil ou pour les aid
124 ver du travail. Tous le considèrent comme le chef d’ une famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de l’armée en Suisse a
125 . Tous le considèrent comme le chef d’une famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de l’armée en Suisse a prévu dès 193
126 d’une famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de l’armée en Suisse a prévu dès 1930 déjà, que la prochaine guerre ne s
127 que la prochaine guerre ne serait pas une guerre de « fronts », et qu’une défense en profondeur devait être organisée, co
128 les Suisses retournent à leur ancienne tradition de faire la guerre. Chaque canton a son propre système de défense, selon
129 ire la guerre. Chaque canton a son propre système de défense, selon sa topographie et ses ressources. Des petits corps d’a
130 a topographie et ses ressources. Des petits corps d’ armée surgissent en certains points pour défendre les profondes vallée
131 s plans préétablis. Nous trouvons ainsi à la base de l’organisation militaire, les mêmes facteurs qui déterminent la struc
132 du pays : autonomie locale et entraide. La moitié de l’armée est composée de divisions mobiles régulières. Le reste consis
133 le et entraide. La moitié de l’armée est composée de divisions mobiles régulières. Le reste consiste en garnisons et en fo
134 incipaux passages des Alpes. Ce sont des brigades de montagne, constituées par des spécialistes du ski et de l’alpinisme,
135 tagne, constituées par des spécialistes du ski et de l’alpinisme, et des brigades indépendantes pour défendre les frontièr
136 ndantes pour défendre les frontières. Ces troupes de couverture connaissent les positions préparées à la frontière, parce
137 à la frontière, parce qu’elles les ont fortifiées de leurs propres mains. À la première alerte, les hommes endossent leurs
138 et les canons anti-tanks sont prêts. Les magasins de munitions et de vivres ont été cachés dans les rochers. En 1939, la d
139 ti-tanks sont prêts. Les magasins de munitions et de vivres ont été cachés dans les rochers. En 1939, la disposition de ce
140 cachés dans les rochers. En 1939, la disposition de ces troupes de couverture, qui précéda la mobilisation générale de ci
141 s rochers. En 1939, la disposition de ces troupes de couverture, qui précéda la mobilisation générale de cinq jours, se fi
142 couverture, qui précéda la mobilisation générale de cinq jours, se fit en quelques heures, le long de toutes les frontièr
143 quelques heures, le long de toutes les frontières de la Suisse. Les gardes-frontière prennent position à quelques kilomètr
144 frontière prennent position à quelques kilomètres de leurs propres maisons. Ils savent ce qu’ils défendent. Il n’est pas b
145 s savent ce qu’ils défendent. Il n’est pas besoin de leur faire des discours. L’un de ceux qui écrivit cet article fut mob
146 n’est pas besoin de leur faire des discours. L’un de ceux qui écrivit cet article fut mobilisé en 1939, à un poste-frontiè
147 s au-dessous, et parfois attraper le clair reflet d’ une robe d’été et imaginer qu’il reconnaissait ses enfants. De telles
148 s, et parfois attraper le clair reflet d’une robe d’ été et imaginer qu’il reconnaissait ses enfants. De telles choses comp
149 ’été et imaginer qu’il reconnaissait ses enfants. De telles choses comptent dans la guerre. Mais une petite armée peut-ell
150 ux équipé ? Le premier acte du « blitzkrieg » est d’ empêcher la mobilisation du pays que l’on veut envahir. Les partenaire
151 on du pays que l’on veut envahir. Les partenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres de l’air et désorganiser les commun
152 partenaires de l’Axe peuvent devenir les maîtres de l’air et désorganiser les communications ferroviaires. Mais l’armée s
153 Cela serait-il possible en Suisse ? Il y a autant de centres de résistance qu’il y a de cantons ou de villes, autant de ba
154 -il possible en Suisse ? Il y a autant de centres de résistance qu’il y a de cantons ou de villes, autant de bases de défe
155 Il y a autant de centres de résistance qu’il y a de cantons ou de villes, autant de bases de défense qu’il y a de défilés
156 de centres de résistance qu’il y a de cantons ou de villes, autant de bases de défense qu’il y a de défilés et de montagn
157 istance qu’il y a de cantons ou de villes, autant de bases de défense qu’il y a de défilés et de montagnes. Chaque village
158 u’il y a de cantons ou de villes, autant de bases de défense qu’il y a de défilés et de montagnes. Chaque village de la Su
159 u de villes, autant de bases de défense qu’il y a de défilés et de montagnes. Chaque village de la Suisse est devenu un fo
160 utant de bases de défense qu’il y a de défilés et de montagnes. Chaque village de la Suisse est devenu un fort, ses entrée
161 il y a de défilés et de montagnes. Chaque village de la Suisse est devenu un fort, ses entrées fermées par des barricades
162 es forteresses en miniature. Vous ouvrez la porte de quelque grenier et vous vous trouvez en face d’un canon anti-tank, pr
163 protégé par un mur en ciment. Une poussée rapide de divisions motorisées pourrait seulement se faire en évitant les villa
164 attaque en règle. Il ne serait nullement question d’ avancer rapidement comme dans les plaines de Flandre ou en Pologne. Le
165 stion d’avancer rapidement comme dans les plaines de Flandre ou en Pologne. Les deux premières années de la victoire allem
166 Flandre ou en Pologne. Les deux premières années de la victoire allemande ont renforcé la volonté des Suisses de se défen
167 ire allemande ont renforcé la volonté des Suisses de se défendre. Le contact entre les hommes et le sol, entre l’armée et
168 iques, s’est vu raffermi par cette longue période de mobilisation. La Suisse fut épargnée au printemps 1940 uniquement par
169 lon. Ces tunnels sont puissamment minés. Beaucoup d’ hommes ont juré de les faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe
170 ont puissamment minés. Beaucoup d’hommes ont juré de les faire sauter au premier signe d’invasion. L’Axe le sait, l’Axe co
171 mes ont juré de les faire sauter au premier signe d’ invasion. L’Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense
172 L’Axe le sait, l’Axe connaît aussi le plan suisse de défense. La ligne du Gothard a été déclarée comme ligne de retraite n
173 e. La ligne du Gothard a été déclarée comme ligne de retraite nationale. Certaines unités de l’armée doivent ralentir la p
174 mme ligne de retraite nationale. Certaines unités de l’armée doivent ralentir la pénétration des frontières, d’autres doiv
175 auveront du moins l’honneur du pays. Des extraits d’ un récent discours prononcé à Berne par un colonel, devant un grand pu
176 nt un grand public, montre l’état d’esprit actuel de la Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui ne questionne jamais pour
177 qui ne défend pas son indépendance. Mais au-delà de tout calcul de gain ou de perte, il y a des valeurs morales. Il y a l
178 pas son indépendance. Mais au-delà de tout calcul de gain ou de perte, il y a des valeurs morales. Il y a l’idée fédéralis
179 épendance. Mais au-delà de tout calcul de gain ou de perte, il y a des valeurs morales. Il y a l’idée fédéraliste que nous
180 être adoré comme un Dieu. c. Rougemont Denis de , « La leçon de l’armée suisse », Journal suisse d’Égypte et du Proche
181 me un Dieu. c. Rougemont Denis de, « La leçon de l’armée suisse », Journal suisse d’Égypte et du Proche-Orient, Alexan
182 e, « La leçon de l’armée suisse », Journal suisse d’ Égypte et du Proche-Orient, Alexandrie, 4 mars 1942, p. 1.
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
183 e polémique avec le mystère, il arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’amour une ou plusieurs définitions. Ah 
184 il arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’amour une ou plusieurs définitions. Ah ! puissions-nous aimer l’amo
185 int le connaître, mais limiter sa part dans notre vie , et nul amour ne peut survivre à cette méfiance ou à cette avarice an
186 rice anxieuse. Mais il est une manière imaginable de parler de l’amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de p
187 use. Mais il est une manière imaginable de parler de l’amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de phrases où
188 aginable de parler de l’amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de phrases où l’indicible jette par moments u
189 ur sans malice : c’est de former quelques rythmes de phrases où l’indicible jette par moments une espèce d’émotion ou de g
190 rases où l’indicible jette par moments une espèce d’ émotion ou de gêne, non qu’il soit dit ni même décrit par allusions ou
191 dicible jette par moments une espèce d’émotion ou de gêne, non qu’il soit dit ni même décrit par allusions ou par symboles
192 souveraine est annoncée par certain frémissement de l’assemblée des mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute élo
193 ce qui m’enflamme à parler. Rien ne peut être dit de l’amour même, mais rien non plus n’est dit que par l’amour, si toutef
194 nous apprend à sa manière que l’amour est le lieu d’ un mutisme sacré. Angérone, déesse du Silence : on croit qu’elle avait
195 : on croit qu’elle avait sa statue dans le temple de la Volupté. Et certains pensent qu’elle est la même que la déesse Vol
196 e la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours de ce colloque. La Volupté n’est pas le plaisir même, mais l’imaginatio
197 gination active du désir qui lentement s’approche de son terme. Quand le désir s’empare d’un homme, il arrive qu’il le ren
198 s’approche de son terme. Quand le désir s’empare d’ un homme, il arrive qu’il le rende muet. Il arrive même que le désir s
199 me. À tel point que l’homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté sera
200 . La volupté serait un phénomène analogue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des
201 phénomène analogue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet
202 alogue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet unique et d
203 Que cette hypnose soit en quelque mesure — celle de l’esprit — indépendante de l’instinct, c’est ce qu’induisent à suppos
204 quelque mesure — celle de l’esprit — indépendante de l’instinct, c’est ce qu’induisent à supposer les deux observations su
205 observations suivantes : l’extrême concentration de l’attention sur un objet non corporel, œuvre d’art ou pensée d’un ord
206 sur un objet non corporel, œuvre d’art ou pensée d’ un ordre difficile, peut échouer comme par court-circuit dans le plais
207 le plaisir ; tandis qu’un débauché vulgaire gémit d’ avoir perdu la volupté. L’homme du désir : il ne peut aimer qu’indéfi
208 e des yeux, dès qu’ils ont accepté tout le regard de l’autre : sentiment comparable au vertige. Le jugement peut rester li
209 ndes, elle dépasse le temps, s’approche des bords d’ une immobilité sans fond où elle se penche… Maintenant un seul œil est
210 il vient à perdre toute expression, regard absolu de l’angoisse. Si l’un s’écarte à ce moment, les voici vacillants comme
211 arte à ce moment, les voici vacillants comme hors d’ eux-mêmes. Alors il lui saisit la tête entre ses bras, et la contemple
212 ssance est interdite. Et c’est l’approche du viol de l’interdit qui impose aux amants leur silence, fascination de l’horre
213 t qui impose aux amants leur silence, fascination de l’horreur sacrée, attirance de l’effroi mortel. Dans le silence du dé
214 lence, fascination de l’horreur sacrée, attirance de l’effroi mortel. Dans le silence du désir, la possession a fait une b
215 du désir, la possession a fait une brusque rumeur de vagues affrontées et hostiles. Maintenant, l’onde lisse et basse d’un
216 es et hostiles. Maintenant, l’onde lisse et basse d’ un temps nouveau nous environne. Ceux qui n’aiment point la femme qu’i
217 ment du plus violent amour qu’il nous est accordé de concevoir un absolu, mais sous la forme de l’inaccessible. Atteintes
218 ccordé de concevoir un absolu, mais sous la forme de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance du désir,
219 me de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance du désir, sur la solitude égarée du couple, Éros pose en
220 ne un désespoir glacial : vous n’irez pas au-delà de votre union. Ô silence des astres ! Fondues nos âmes ? Deux corps s’e
221 se divise en ses ombres. Ainsi passent les heures d’ avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorphoses indici
222 nt les heures d’avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorphoses indicibles. Lui s’éveille parfois tout à f
223 tre, mais que cet être accède ensuite au commerce de ses semblables, qu’à son tour il les aime, les possède ! Ainsi par un
224 ur il les aime, les possède ! Ainsi par une suite de vertiges, multipliant la splendeur amoureuse, par mille étreintes suc
225 jouissance imaginaire et désespérément consciente de l’Être. L’aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénom
226 L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’ un regard. Un corps auprès du mien respire, mémoire pesante de l’incom
227 Un corps auprès du mien respire, mémoire pesante de l’incommensurable nuit. Nous n’irons pas au-delà de nous-mêmes. Mais
228 l’incommensurable nuit. Nous n’irons pas au-delà de nous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étreinte, n’est-ce point le
229 as au-delà de nous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étreinte, n’est-ce point le souvenir du seul désert que désormais n
230 désert que désormais nous chercherons ? Au terme de la fuite, nous ne toucherons jamais qu’un impossible fascinant. Et no
231 scinant. Et nous vivrons dès lors dans le vertige de nous détruire au contact de cet infini, plus puissant que la joie et
232 lors dans le vertige de nous détruire au contact de cet infini, plus puissant que la joie et la douleur. Dans le vertige
233 issant que la joie et la douleur. Dans le vertige de revenir toucher cet absolu, sensible à celui seul qui l’éprouve jusqu
234 à l’épouvante : l’être que nous formons au sommet de l’amour, et qui meurt à l’instant où il naît. Tout notre platonisme
235 aît. Tout notre platonisme échoue dans l’instant de l’étreinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change de signe. On voi
236 treinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change de signe. On voit soudain que le désir était le dialogue des corps, tand
237 t la conscience, et le sérieux, et la réalité des vies au jour. Nous sommes deux. Il n’y a que deux philosophies : celle du
238 a que deux philosophies : celle du désir et celle de l’acte ; ou encore, il n’y a que deux doctrines : celle du silence et
239 a que deux doctrines : celle du silence et celle de la parole. La négation du désir amoureux par l’acte même qui l’accomp
240 i l’accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’infinie contradiction que nous souffrons. Le désir divinise, l’acte
241 acte rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera notre tâche sérieuse. Quittons ce temple où dorment
242 arlons le langage du Jour. d. Rougemont Denis de , « Angérone », VVV, New York, mars 1943, p. 69-70.
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
243 ions un peu, et pensions le connaître. La lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien différent. Il fallait certe
244 ue trahit son journal intime. Peut-être le secret d’ une différence aussi curieuse est-il caché dans les passages de ces ca
245 nce aussi curieuse est-il caché dans les passages de ces cahiers que nous allons transcrire ici. De ces fragments de dates
246 es de ces cahiers que nous allons transcrire ici. De ces fragments de dates diverses, l’on ne verra point se dégager de co
247 que nous allons transcrire ici. De ces fragments de dates diverses, l’on ne verra point se dégager de conclusions tout à
248 de dates diverses, l’on ne verra point se dégager de conclusions tout à fait claires : il y a trop de contradictions. Mais
249 de conclusions tout à fait claires : il y a trop de contradictions. Mais c’est ce qui peut intéresser. Une attitude aussi
250 es lecteurs. Or il se peut que ce soit l’attitude de la plupart des écrivains modernes.) J’ai vécu pour la gloire — dit l
251 , si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir de lui être utile et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour les a
252 ’amour du prochain, le désir de lui être utile et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour les autres, et mon existen
253 vous l’appelez, le prochain, cette grande source d’ iniquité et de mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de K
254 z, le prochain, cette grande source d’iniquité et de mal ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rê
255 al ! Le prochain, le sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et la
256 ais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et la Paix.) Cette page m’
257 sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. (Tolstoï, La Guerre et la Paix.) Cette page m’avait sédui
258 épris du prochain. Le Prince André n’a pas trouvé de prochains, car il n’a cherché qu’un public. C’est le public qui donne
259 i a vraiment aimé son prochain, n’en n’a pas reçu de gloire et n’en demandait point. Aussi ne pense-t-elle pas qu’elle a «
260 t. Aussi ne pense-t-elle pas qu’elle a « perdu sa vie  ». Liszt à la fin d’un concert triomphal, s’incline et prononce à mi-
261 le pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin d’ un concert triomphal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je suis le s
262 e. Et ceux qui ne la briguent point risquent fort de se rendre antipathiques. Jamais la foule n’a jugé ridicule que l’on a
263 foule n’a jugé ridicule que l’on affiche un amour de la gloire même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne tient pou
264 glorieux que ceux qui prennent le soin de parler de leur gloire. Chateaubriand eut de la gloire, mais non Stendhal. Madam
265 soin de parler de leur gloire. Chateaubriand eut de la gloire, mais non Stendhal. Madame de Staël en eut, mais non Consta
266 tends que son pouvoir et sa grandeur ne dépendent d’ aucune raison, et paraissent même n’en point souffrir. Fama crescit eu
267 entia famam. Toute gloire est donc aliénée. Celle d’ un Chateaubriand n’est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui l
268 non point tel que me désire leur goût sentimental de « l’Art ». Mais comme tout se complique et se retourne ! Celui qui ve
269 Celui qui veut la gloire, est-ce qu’il manquerait d’ orgueil ? Serait-il plus humble que moi ? Et l’orgueilleux que je suis
270 eilleux que je suis, ne donne-t-il pas une preuve d’ amour à son audience en exigeant d’elle plus de noblesse ? Dire : je n
271 pas une preuve d’amour à son audience en exigeant d’ elle plus de noblesse ? Dire : je néglige la gloire, c’est dire : je v
272 ve d’amour à son audience en exigeant d’elle plus de noblesse ? Dire : je néglige la gloire, c’est dire : je vous néglige,
273 vous néglige, vous qui donnez la gloire pour prix d’ une complaisance. Mais c’est dire aussi : je vous aime, puisque je vou
274 veut la gloire telle que lui seul serait capable de se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de
275 erait capable de se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui q
276 L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui qui s’affirme en différant, bien p
277 réquents dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le
278 xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né d’ une sorte de maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du
279 .) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du prochain. L’
280 rte de maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’a plus souci
281 er. Il cherche des admirateurs, des confirmateurs de son être. C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou d’une comm
282 , des confirmateurs de son être. C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou d’une communauté, écarte aussi de soi, e
283 ateurs de son être. C’est que l’acte de s’écarter d’ une communion ou d’une communauté, écarte aussi de soi, et l’on éprouv
284 C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou d’ une communauté, écarte aussi de soi, et l’on éprouve alors le besoin d
285 d’une communion ou d’une communauté, écarte aussi de soi, et l’on éprouve alors le besoin de se faire confirmer. Un homme
286 rte aussi de soi, et l’on éprouve alors le besoin de se faire confirmer. Un homme en communion active avec les hommes qui
287 res. Ainsi les héros et les rois sont les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien. Et ce qu’ils donnent fa
288  ; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire d’ un homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Alexandre exe
289 c’est une rumeur, c’est une publicité, une espèce d’ inflation provisoire. Elle n’est pas grande, mais exagérée, mobile, ne
290 ssentie comme flatteuse. C’est donc quelque chose de vulgaire. De fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne pui
291 flatteuse. C’est donc quelque chose de vulgaire. De fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne puisse démontrer
292 que chose de vulgaire. De fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne puisse démontrer par quels moyens elle fut
293 quels moyens elle fut acquise : toujours au prix d’ une vulgarité. (Zones de bassesse chez d’Annunzio ; c’est là, non pas
294 cquise : toujours au prix d’une vulgarité. (Zones de bassesse chez d’Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté de son œu
295 au prix d’une vulgarité. (Zones de bassesse chez d’ Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté de son œuvre, que s’est co
296 hez d’Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté de son œuvre, que s’est constituée sa gloire.) Et cependant, je me suis
297 depuis toujours, moi seul. Un dieu n’a pas besoin d’ adorateurs pour rayonner et se réjouir de son être. Oui, c’est bien là
298 s besoin d’adorateurs pour rayonner et se réjouir de son être. Oui, c’est bien là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloi
299 ouir de son être. Oui, c’est bien là le privilège d’ un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que l’incognito ? Il y a là qu
300 st-ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’
301 se. Mais ne serait-ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son incognito en se donnant l’air, précisément, d’y renoncer ?
302 r son incognito en se donnant l’air, précisément, d’ y renoncer ? Autre avantage de la gloire : elle confère le droit d’êtr
303 l’air, précisément, d’y renoncer ? Autre avantage de la gloire : elle confère le droit d’être banal. Tant pis si beaucoup
304 tre avantage de la gloire : elle confère le droit d’ être banal. Tant pis si beaucoup en abusent… Hypothèse : l’expérience
305 coup en abusent… Hypothèse : l’expérience intime de la gloire précède toujours sa manifestation. L’ambitieux ne vaut rie
306 peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire de la comparaison. Beaucoup d’hommes n’imaginent pas qu’on puisse avoue
307 reste sous l’empire de la comparaison. Beaucoup d’ hommes n’imaginent pas qu’on puisse avouer sa vanité, ou bien ils croi
308 à feindre ? La plus sotte vanité étant assurément d’ essayer de faire croire qu’on n’en a point. Si l’on condamne sa propre
309 ? La plus sotte vanité étant assurément d’essayer de faire croire qu’on n’en a point. Si l’on condamne sa propre vanité, l
310 pre vanité, le mieux pour s’en débarrasser serait d’ en parler ouvertement. Comme un menteur qui dirait : « Je vous avertis
311 , et je ne l’avoue jamais, — je fais le modeste — d’ où vient cette pudeur ? Je ne veux pas la gloire pour vous éblouir, vo
312 ue je suis, et si vous appreniez un jour que j’ai de la gloire, que sauriez-vous alors d’essentiel que dès maintenant vous
313 our que j’ai de la gloire, que sauriez-vous alors d’ essentiel que dès maintenant vous ne sachiez ? Ou c’est que vous vous
314 c que « gloire », dont la prononciation, pour peu d’ emphase que j’y prête, me fait venir les larmes aux yeux ? Gloire et l
315 ord clamé, ou cet instant plutôt qui est au seuil de sa résolution fondamentale — quel est ce seuil, et que nous ouvrent,
316 ieu. Ce serait là, pourtant, ma vérité, la vérité de mon mensonge. Est-ce à cause que mon nom est : mensonge, que je voudr
317 s’oppose à ma gloire, et qui me sauve malgré moi de mon triomphe. Il n’y a qu’un seul Dieu, celui qui dit Je suis. Ce ser
318 a tout, et tout sera. Ainsi, ô Dieu, délivrez-moi de la gloire ! Mais cette prière m’émeut encore comme la gloire ! 1938
319 re comme la gloire ! 1938 e. Rougemont Denis de , « La gloire », VVV, New York, mars 1943, p. 71-73.
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
320 943)f g L’Amérique m’a fait prendre conscience de bien des choses qui allaient de soi dans notre Europe, et qui me sont
321 contraire, ici, qui va de soi. Parmi la douzaine de bouquins que j’ai pu emporter de Paris, il y avait le Journal d’André
322 armi la douzaine de bouquins que j’ai pu emporter de Paris, il y avait le Journal d’André Gide. Chaque fois que j’en relis
323 j’ai pu emporter de Paris, il y avait le Journal d’ André Gide. Chaque fois que j’en relis quelques pages, je suis frappé
324 ges, je suis frappé par le souci qu’y montre Gide d’ une écriture durable et d’une œuvre d’avenir. Il n’accepte de rompre a
325 souci qu’y montre Gide d’une écriture durable et d’ une œuvre d’avenir. Il n’accepte de rompre avec une tradition que pour
326 montre Gide d’une écriture durable et d’une œuvre d’ avenir. Il n’accepte de rompre avec une tradition que pour en fonder u
327 ure durable et d’une œuvre d’avenir. Il n’accepte de rompre avec une tradition que pour en fonder une nouvelle, qui se rév
328 ui se révélera sans doute conforme à la tradition de la langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’inclure l’actual
329 a langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’ inclure l’actualité dans un ouvrage, parce que c’est elle qui risque d
330 dans un ouvrage, parce que c’est elle qui risque de vieillir en premier lieu. Ce souci, cette arrière-pensée, sont étrang
331 isse, au maximum, dans le plus court délai. Signe de santé d’une culture. Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain
332 maximum, dans le plus court délai. Signe de santé d’ une culture. Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain n’existe
333 tive, on pourrait appeler journalistes bon nombre d’ excellents auteurs américains. Ils n’y verraient, à juste titre, aucun
334 ournalisme un art par une révolution trop ignorée de l’Europe. Un art qui n’exclut pas une poésie très drue, et qui possèd
335 rès drue, et qui possède une rhétorique, un « art de persuader » étrangement efficace. La connaissance de ses règles techn
336 persuader » étrangement efficace. La connaissance de ses règles techniques permet de pénétrer certains secrets de la litté
337 . La connaissance de ses règles techniques permet de pénétrer certains secrets de la littérature contemporaine de ce pays.
338 es techniques permet de pénétrer certains secrets de la littérature contemporaine de ce pays. Secrets de style et de compo
339 certains secrets de la littérature contemporaine de ce pays. Secrets de style et de composition. La rhétorique française
340 la littérature contemporaine de ce pays. Secrets de style et de composition. La rhétorique française veut qu’un discours,
341 ure contemporaine de ce pays. Secrets de style et de composition. La rhétorique française veut qu’un discours, un essai ou
342 . Elle considère comme un poids mort nos formules de présentation ou de congé. Un article de magazine américain commence p
343 mme un poids mort nos formules de présentation ou de congé. Un article de magazine américain commence presque obligatoirem
344 formules de présentation ou de congé. Un article de magazine américain commence presque obligatoirement par une anecdote
345 ement par une anecdote étonnante, une énumération de faits bruts, ou quelques chiffres impressionnants. C’est la Catch Phr
346 h Phrase, la phrase-qui-attrape et qui vous jette de but en blanc dans l’humanité vive du sujet, saisi par son côté sensat
347 he à vous convaincre par la rigueur ou l’élégance de ses déductions, l’écrivain américain cherche à vous entraîner par la
348 vous entraîner par la dramatisation (Dramatizing) de sa matière. Le style français triomphe dans la litote et le raccourci
349 et le raccourci, le style américain dans l’effet de choc ou d’accumulation lyrique. L’un s’attache à la construction stat
350 ourci, le style américain dans l’effet de choc ou d’ accumulation lyrique. L’un s’attache à la construction statique, l’aut
351 uch, sont régulièrement préférés par un directeur de revue américaine à la « formule heureuse » condensant et généralisant
352 et généralisant des observations que l’on néglige de rapporter en détail. Au séminaire de Short Stories (histoires brèves,
353 l’on néglige de rapporter en détail. Au séminaire de Short Stories (histoires brèves, nouvelles) d’une grande université a
354 re de Short Stories (histoires brèves, nouvelles) d’ une grande université américaine, on enseigne aux étudiants à éviter t
355 éprouve au moment où ses semelles-crêpe marquent d’ une empreinte poussiéreuse le moelleux tapis du hall d’entrée, etc. Ex
356 empreinte poussiéreuse le moelleux tapis du hall d’ entrée, etc. Exemple caricatural d’un mode d’expression qui donnerait,
357 tapis du hall d’entrée, etc. Exemple caricatural d’ un mode d’expression qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page
358 s du hall d’entrée, etc. Exemple caricatural d’un mode d’expression qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page de Faul
359 hall d’entrée, etc. Exemple caricatural d’un mode d’ expression qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page de Faulkne
360 qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page de Faulkner, un poème ; avec moins de talent, un long roman. De cet ouvr
361 lent, une page de Faulkner, un poème ; avec moins de talent, un long roman. De cet ouvrage, la critique américaine ne dira
362 , un poème ; avec moins de talent, un long roman. De cet ouvrage, la critique américaine ne dira pas souvent : c’est bien
363 crit, mais plutôt : c’est effective, agissant. Et d’ une idée l’on ne demandera pas seulement qu’elle soit juste, mais qu’e
364 cune autre à l’expression du dynamisme aventureux de notre siècle. Entre la sensation et le sensationnel, elle fait preuve
365 la sensation et le sensationnel, elle fait preuve d’ un incomparable pouvoir d’émotion. Mais elle attend encore son style i
366 onnel, elle fait preuve d’un incomparable pouvoir d’ émotion. Mais elle attend encore son style intellectuel. J’ai tenté de
367 attend encore son style intellectuel. J’ai tenté de définir deux attitudes. Comment juger ? De la littérature qui veut ag
368 tenté de définir deux attitudes. Comment juger ? De la littérature qui veut agir dans l’immédiat, ou de celle qui se préo
369 la littérature qui veut agir dans l’immédiat, ou de celle qui se préoccupe davantage de durer, laquelle a le plus de chan
370 ’immédiat, ou de celle qui se préoccupe davantage de durer, laquelle a le plus de chance d’avenir dans le monde où nous al
371 préoccupe davantage de durer, laquelle a le plus de chance d’avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je n’en sais ri
372 davantage de durer, laquelle a le plus de chance d’ avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je n’en sais rien. Mais j
373 ’écrivain américain ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Ils m’apparaissent complémentaires comme la virilité et la f
374 es plus féconds échanges entre ces deux principes de toute civilisation, que polarisent nos deux littératures : tradition
375 et actualité, mise en ordre et mise en mouvement. De leur alliance naît la Liberté. f. Rougemont Denis de, « Rhétorique
376 r alliance naît la Liberté. f. Rougemont Denis de , « Rhétorique américaine », Fontaine, Alger, juin–juillet 1943, p. 15
377 g. L’édition numérique se fonde sur la réédition de 1945, p. 2-4.
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
378 Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)h
379 Mémoire de l’Europe : Fragments d’ un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)h I. — Le bon vieux
380 qui vient de mourir. Europe du sentiment, patrie de nostalgie de tous ceux qu’a touchés le romantisme — encore un paradis
381 mourir. Europe du sentiment, patrie de nostalgie de tous ceux qu’a touchés le romantisme — encore un paradis perdu ! Mais
382 ils naissent à l’heure où on les perd. Souvenirs de Salzbourg et de Prague, Mozart et Rilke, et la Vienne de Schubert — à
383 l’heure où on les perd. Souvenirs de Salzbourg et de Prague, Mozart et Rilke, et la Vienne de Schubert — à l’heure où somb
384 vois s’élever rayonnants dans la lueur éternisée d’ un soir d’été, après l’orage, avant la nuit, dans une gloire déchirant
385 ever rayonnants dans la lueur éternisée d’un soir d’ été, après l’orage, avant la nuit, dans une gloire déchirante et délic
386 déchirante et délicieuse comme les secondes voix de Schumann. Un mythe nouveau prend son essor au sein même de la catastr
387 nn. Un mythe nouveau prend son essor au sein même de la catastrophe. Tout un âge, un climat de musiques, soudain se fixe e
388 in même de la catastrophe. Tout un âge, un climat de musiques, soudain se fixe en nos mémoires, s’idéalise. Un « bon vieux
389 , ce fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’un coup, est encor
390 notre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’ un coup, est encore plus proche : c’est l’an passé, c’est avant-hier,
391 is oui, peut-être vivons-nous, ici, dans ce Paris de mars 1939, les derniers jours du bon vieux temps européen. Jours de s
392 derniers jours du bon vieux temps européen. Jours de sursis d’une liberté dont nous avions à peine conscience, parce qu’el
393 ours du bon vieux temps européen. Jours de sursis d’ une liberté dont nous avions à peine conscience, parce qu’elle était n
394 parce qu’elle était notre manière toute naturelle de respirer et de penser, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis,
395 tait notre manière toute naturelle de respirer et de penser, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs pe
396 manière toute naturelle de respirer et de penser, d’ aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs personnels… C
397 le de respirer et de penser, d’aller et venir, et d’ entretenir nos soucis, nos plaisirs personnels… Combien de temps encor
398 enir nos soucis, nos plaisirs personnels… Combien de temps encore, combien de semaines pourrons-nous goûter ce répit, et s
399 sirs personnels… Combien de temps encore, combien de semaines pourrons-nous goûter ce répit, et sentir que nous prolongeon
400 ns une existence que nos fils appelleront douceur de vivre ? Déjà nous éprouvons que le monde a glissé dans une ère étrang
401 sé dans une ère étrange et brutale, où ces formes de vie qui sont encore les nôtres ne peuvent plus apprivoiser le destin.
402 dans une ère étrange et brutale, où ces formes de vie qui sont encore les nôtres ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soi
403 ais aussi bien chez les voisins qu’elles secouent d’ un défi grossier. La liberté ne peut survivre à de tels chocs. Car ell
404 d’un défi grossier. La liberté ne peut survivre à de tels chocs. Car elle est vraiment comme un rêve, un rêve heureux où l
405 vec aisance, gardant parfois l’arrière-conscience d’ un miracle. Elle est encore une œuvre d’art qui n’agit que par l’atmos
406 r : il y faut ce climat sentimental, cette espèce de naturel qui naît d’une entente tacite, d’une confiance, presque d’une
407 mat sentimental, cette espèce de naturel qui naît d’ une entente tacite, d’une confiance, presque d’une insouciance… C’est
408 espèce de naturel qui naît d’une entente tacite, d’ une confiance, presque d’une insouciance… C’est tout cela que vient de
409 ît d’une entente tacite, d’une confiance, presque d’ une insouciance… C’est tout cela que vient de mettre en question l’usu
410 isme à sa manière, le charme est détruit dans nos vies . Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelques i
411 lle et goûte encore quelques instants les délices d’ un rêve inachevé. Mais il sait bien que c’est fini. Brève dispense, le
412 ait bien que c’est fini. Brève dispense, le temps d’ un peu se souvenir… Il faut se lever. Il faut entrer résolument dans l
413 réservant, s’il se peut, dans nos cœurs, ce droit d’ aimer, cette bonté humaine plus inutile que jamais, dominatrice et baf
414 natrice et bafouée. II. — Le dernier printemps de la paix En Suisse, 2 mai 1939 Combien oseraient avouer que cette m
415 t avouer que cette menace leur rend enfin le goût de vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent de désir pour leurs biens qu’à la
416 in le goût de vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent de désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Déshérités aussi
417 prouvent de désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Déshérités aussi, qui ne re­trouvent l’espoir qu’au seuil
418 n connais qui ne parviennent à leur régime normal de vie (comme un moteur prend son régime normal à tant à l’heure) que da
419 onnais qui ne parviennent à leur régime normal de vie (comme un moteur prend son régime normal à tant à l’heure) que dans l
420 nt des habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin d’ être provoqué pour montrer de quoi l’on est capable est si profond, pe
421 s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montrer de quoi l’on est capable est si profond, peut-être si normal, que j’en v
422 rivain, Il est admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de l
423 soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus cour
424 t général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courageux ? Ma
425 qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il penser qu’ils sont plus courageux ? Mais non. Ils so
426 t jamais… Paris, 12 mai 1939 Quatrième changement de domicile depuis le début de cette année. « Étranger et voyageur sur l
427 Quatrième changement de domicile depuis le début de cette année. « Étranger et voyageur sur la terre », ainsi pensais-je
428 ainsi pensais-je d’autres fois, dans ces périodes de nomadisme involontaire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état d
429 aire. Aujourd’hui, je songe plutôt à quelque état de mobilisation permanente, préventive… Militarisation de nos pensées, d
430 bilisation permanente, préventive… Militarisation de nos pensées, de nos images. Hier, dans l’autobus, une petite dame ass
431 nente, préventive… Militarisation de nos pensées, de nos images. Hier, dans l’autobus, une petite dame assise devant moi s
432 se devant moi s’écrie, voyant s’abattre une pluie d’ orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’ét
433 ai 1939 La grande ville traversée dans la fatigue d’ un soir pluvieux. Paris, souffrance des visages et des corps, exercice
434 ance des visages et des corps, exercice perpétuel de charité dans une atmosphère exténuante, hâte, érotisme, énervement. P
435 t la vérité n’apparaît que dans cet environnement de lueurs fuyantes, d’activités apparemment désordonnées, de phrases ent
436 ît que dans cet environnement de lueurs fuyantes, d’ activités apparemment désordonnées, de phrases entendues au passage, d
437 s fuyantes, d’activités apparemment désordonnées, de phrases entendues au passage, d’infinis croisements d’existences étra
438 nt désordonnées, de phrases entendues au passage, d’ infinis croisements d’existences étrangères. Paris propose une liberté
439 rases entendues au passage, d’infinis croisements d’ existences étrangères. Paris propose une liberté et un danger, une rév
440 e une liberté et un danger, une révélation totale de l’humain dans tous ses risques matériels et spirituels, impossible ai
441 ques matériels et spirituels, impossible ailleurs de nos jours, et peut-être à toute autre époque. Imaginer là-dessus un l
442 ait avoué, horreur et charme, à travers la vision d’ un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les mé
443 me, à travers la vision d’un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de
444 s rues, les cafés, les métros. Je le vois sortant de cette église ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien de ce t
445 ouverte, où passe le bruit des autobus ; ou bien de ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans un sil
446 r, où la Sainte-Cène est partagée dans un silence de catacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la foule et trave
447 eillent sur son passage, il n’y a plus nulle part d’ indifférence possible ! Ici, le Christ reste le Scandale, l’Autre, l’A
448 ’être tou­chant, bizarre ou monstrueux que chacun de nous dissimule. Alors, on verrait le réel, alors on cesserait de haïr
449 le. Alors, on verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui g
450 n verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou d’ être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au t
451 cesserait de haïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au travers de propos superficiel
452 rficiellement passionnés… Et l’on cesserait aussi de redouter la guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là où chacun
453 militaire à la frontière Écouté la radio : opéra de Mozart. Et dans une seule bouffée, toutes ces nuits de Vienne, élégan
454 zart. Et dans une seule bouffée, toutes ces nuits de Vienne, élégantes passions égarées, musique aux jardins jusqu’à l’aub
455 ées, musique aux jardins jusqu’à l’aube… Un quart de tour, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est la fin d’un commun
456 rdins jusqu’à l’aube… Un quart de tour, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est la fin d’un communiqué, régions perdu
457 uvelles de la bataille des Flandres, c’est la fin d’ un communiqué, régions perdues encore, régions perdues dans le passé e
458 e rétrécissent vers la catastrophe. Il n’est plus d’ autre issue que la nuit, mais viendra-t-elle après ma mort ou avec ell
459 ore presque aussi vaste que la terre, se rétrécit de jour en jour et d’heure en heure, à chaque fois que j’allume cet œil
460 aste que la terre, se rétrécit de jour en jour et d’ heure en heure, à chaque fois que j’allume cet œil vert — pays perdus,
461 aurions-nous mieux le vivre, augmenté du souvenir de sa perte ? Mais le passé ne reviendra jamais, ce bon vieux temps que
462 ous devons vivre encore… À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont-ils de ces retours soudains vers des moments de ten
463 À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont-ils de ces retours soudains vers des moments de tendresse banale ? Ils devie
464 Ont-ils de ces retours soudains vers des moments de tendresse banale ? Ils deviendraient fous de révolte… Ils en ont, ils
465 ents de tendresse banale ? Ils deviendraient fous de révolte… Ils en ont, ils en ont sûrement quand ils s’endorment épuisé
466 re encore ! ils en ont au réveil, affreux bonheur d’ une illusion rapide, où suis-je ? Déjà tout recommence, sans relâche,
467 e désespoir en plein midi, — ou la reconnaissance de l’unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de la radio produisi
468 l’unique nécessaire ? IV. La vulgarisation de la radio produisit durant cette guerre une conséquence fort imprévue 
469 nséquence fort imprévue : elle empêcha les hommes de se rendre compte de l’ampleur et de la rapidité des bouleversements q
470 vue : elle empêcha les hommes de se rendre compte de l’ampleur et de la rapidité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux
471 ha les hommes de se rendre compte de l’ampleur et de la rapidité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux mois de mai et d
472 ité des bouleversements qu’ils vivaient. Aux mois de mai et de juin 1940, on entendait répéter constamment : « Je viens d’
473 uleversements qu’ils vivaient. Aux mois de mai et de juin 1940, on entendait répéter constamment : « Je viens d’écouter la
474 40, on entendait répéter constamment : « Je viens d’ écouter la radio. Rien de nouveau, toujours les mêmes histoires, pas d
475 ien de nouveau, toujours les mêmes histoires, pas de décision… » Le monde était en train de changer de face d’un jour à l’
476 de décision… » Le monde était en train de changer de face d’un jour à l’autre, mais on le regardait d’heure en heure, de t
477 ion… » Le monde était en train de changer de face d’ un jour à l’autre, mais on le regardait d’heure en heure, de trop près
478 de face d’un jour à l’autre, mais on le regardait d’ heure en heure, de trop près, on ne le voyait pas… V. — Lisbonne
479 à l’autre, mais on le regardait d’heure en heure, de trop près, on ne le voyait pas… V. — Lisbonne 10 septembre 1940
480 mbre 1940 Blanche et bleue dans l’immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquants et ses rues d
481 ons pour l’Amérique. Mais ici, je fais le serment d’ opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la Vie, toujo
482 ser une stricte mémoire à la candeur intarissable de la Vie, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore cont
483 e stricte mémoire à la candeur intarissable de la Vie , toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore continuer.
484 candeur intarissable de la Vie, toujours pressée d’ imaginer un monde où tout peut encore continuer. J’ai vu la civilisati
485 il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le dém
486 ait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et d’ esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le
487 ’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai
488 iaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant des terres abandonné
489 andonnées du Nord, et que nos paysans s’efforcent d’ arrêter avant qu’elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les
490 renaître les paniques dévastatrices du ve siècle de notre ère. Et je songe au bastion que mon pays élève autour du massif
491 rt, cœur mystérieux du continent, dernier symbole d’ une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous,
492 ommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! VI. — Souvenir de la paix française En Amérique, novemb
493 dons pas notre délai de grâce ! VI. — Souvenir de la paix française En Amérique, novembre 1940 Périgny… C’était bien
494 était bien ce nom-là ? Un long village en bordure de la route. D’un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre el
495 nom-là ? Un long village en bordure de la route. D’ un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles s’élevaie
496 te. D’un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine d’un étage au-dessus des champs de
497 une vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine d’ un étage au-dessus des champs de roses et des blés, au bord du plateau
498 élevaient à peine d’un étage au-dessus des champs de roses et des blés, au bord du plateau de la Brie. Je montais vers Pér
499 s champs de roses et des blés, au bord du plateau de la Brie. Je montais vers Périgny par un sentier fort raide entre les
500 entier fort raide entre les ronces, aboutissant à de vieux escaliers. Une seule rangée de maisons à traverser, et l’on par
501 boutissant à de vieux escaliers. Une seule rangée de maisons à traverser, et l’on parvient à la grand-rue : comme elle est
502 à la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge, patinée
503 même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une de ces voitures branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur les ro
504 nt ne pouvoir rouler que sur les routes écartées, d’ une ferme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’appar
505 au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’apparaît si discrète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là n’est q
506 tin. Je longeais cette rue silencieuse, imaginant d’ y vivre un jour dans une fermette aux volets pâles, sans adresse, au r
507 ne route prend à droite, vers la plaine, escortée de quelques maisons ; l’autre s’incline lentement vers la vallée, dans l
508 blés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’ un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce village aux volets
509 is là fasciné comme par la découverte d’un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce village aux volets clos. Imagi
510 e d’un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce village aux volets clos. Imaginant une idylle muette. Celui qui re
511 tils sont là, contre le mur. Il reprend le chemin de son champ. En passant au carrefour, il s’est dit : « Peut-être est-el
512 : « Peut-être est-elle à Mandres, c’est donc jour de marché. » Il a écrit ces mots. Elle saura bien. Il a rejoint l’usage
513 a rejoint l’usage du pays, l’intimité des choses de toujours. Et le moindre signe suffît. Je suis redescendu vers la vall
514 e signe suffît. Je suis redescendu vers la vallée de l’Yerre, qui coule entre des saules et des peupliers blancs. Il faisa
515 iers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron de la route sentait plus fort que les champs de roses, et des nuages noi
516 dron de la route sentait plus fort que les champs de roses, et des nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai su, plus
517 is fait mes adieux à la France. VII. — Mémoire de l’Europe 1943 Je ne savais pas que tout était si près là-bas. J’ét
518 is parmi les signes. Sédiments séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’é
519 ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée
520 s qui tournaient doucement vers une place plantée d’ arbres et déserte, aux rendez-vous manqués où je me retrouvais… « Je t
521 . J’aime ! » J’ai tout dit. L’Europe était patrie d’ amour. Le silence attendait, l’absence était profonde, et chaque être
522 questionnait, répondait. La force était au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la con
523 nnait, répondait. La force était au secret de nos vies , nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la contemplatio
524 ne obscure, ou bien dans la contemplation jalouse d’ un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et not
525 e d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait
526 e était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’ une journée qui se liait aux autres… (Quand ta force devient visible,
527 , c’est comme le sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va). La force était mémoire et allusion, elle était ce vieil arb
528 ceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’ un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… Quand je me
529 é d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe e
530 la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant de passé, et garder tant de morts dans la présence, elle ne cess
531 nt de morts dans la présence, elle ne cessera pas d’ engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. h. Rougemont Denis de, « Mémo
532 elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’ avenir. h. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’Europe », Revue de l
533 Elle a maîtrise d’avenir. h. Rougemont Denis de , « Mémoire de l’Europe », Revue de la pensée française, New York, sep
534 se d’avenir. h. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’Europe », Revue de la pensée française, New York, septembre 1943, p
535 ougemont Denis de, « Mémoire de l’Europe », Revue de la pensée française, New York, septembre 1943, p. 22-29.
8 1944, Articles divers (1941-1946). Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)
536 en France, ou ceux qui n’avaient vu que les lieux de plaisir de la capitale, connaissaient et jugeaient la France par ses
537 ou ceux qui n’avaient vu que les lieux de plaisir de la capitale, connaissaient et jugeaient la France par ses vedettes. À
538 s yeux, tout Français devait ressembler aux types d’ humanité que représentaient dans le monde les acteurs à succès, les éc
539 ionaux. Le mot Français évoquait aussitôt l’image d’ une moustache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie, d’un sourire c
540 t aussitôt l’image d’une moustache à la Menjou et d’ une boutonnière fleurie, d’un sourire charmeur à la Charles Boyer, l’a
541 ustache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie, d’ un sourire charmeur à la Charles Boyer, l’aimable scepticisme d’un Ana
542 harmeur à la Charles Boyer, l’aimable scepticisme d’ un Anatole France, l’élégance d’une ligne parisienne, l’étiquette d’un
543 mable scepticisme d’un Anatole France, l’élégance d’ une ligne parisienne, l’étiquette d’un bourgogne fameux présenté par l
544 e, l’élégance d’une ligne parisienne, l’étiquette d’ un bourgogne fameux présenté par le maître d’hôtel. Tout cela c’était
545 ttes. Mais où était dans tout cela le vrai peuple de la vraie France ? Ce peuple naguère invisible, c’est le malheur le pl
546 guère invisible, c’est le malheur le plus affreux de son Histoire qui le révèle au monde, aujourd’hui, dans sa véritable g
547 ur. Les journaux qui nous apportent des nouvelles de la résistance à l’intérieur du pays occupé nous parlent du peuple de
548 l’intérieur du pays occupé nous parlent du peuple de France ; les récits et les témoignages qui ont été publiés secrètemen
549 ui ont été publiés secrètement par les mouvements de résistance et qui parviennent sous nos yeux nous parlent du peuple de
550 parviennent sous nos yeux nous parlent du peuple de France ; et les films composés à Hollywood ou à Londres sur l’organis
551 posés à Hollywood ou à Londres sur l’organisation de la résistance à Paris ou en province, ne nous montrent encore que le
552 n province, ne nous montrent encore que le peuple de France, pour la première fois. Le peuple anonyme, le peuple unanime,
553 voici enfin devenu la vraie vedette, malgré lui, de la France et de sa résistance. J’ai vu à New York la plupart de ces f
554 enu la vraie vedette, malgré lui, de la France et de sa résistance. J’ai vu à New York la plupart de ces films qui emprunt
555 runtent leur sujet à certains épisodes véridiques de la lutte contre l’envahisseur. Paris calling, Croix de Lorraine, Assi
556 lutte contre l’envahisseur. Paris calling, Croix de Lorraine, Assignment in Brittany, et je cite au hasard, il y en a tan
557 p conventionnels, et finalement l’inévitable raid de commandos sauvait tout le monde comme dans les contes de fées. Mais j
558 andos sauvait tout le monde comme dans les contes de fées. Mais je regardais mes amis du coin de l’œil : en critiquant, il
559 ette pudeur. Quant aux Américains, ils exultaient de confiance, en crescendo, jusqu’à la « Marseillaise » finale. On peut
560 se » finale. On peut penser tout ce que l’on veut de ces films, du pire au bien ; j’en retiens pour ma part qu’ils nous pr
561 fin le petit peuple français comme le grand héros de la France. Soudain, l’étranger s’aperçoit d’une vérité aussi vieille
562 éros de la France. Soudain, l’étranger s’aperçoit d’ une vérité aussi vieille que l’Europe mais constamment méconnue ou nié
563 t par la faute des élites parisiennes : le peuple de France est grave, ou plus exactement il est sérieux. Il n’est pas ava
564 ux, plus qu’aucun autre peuple dont j’aie vécu la vie . Seulement, il est sérieux sans pose, avec pudeur, préférant affecter
565 t affecter la blague et le scepticisme plutôt que de paraître exagérer sa peine. Car il pense d’instinct, comme Talleyrand
566 t que de paraître exagérer sa peine. Car il pense d’ instinct, comme Talleyrand, que « ce qui est exagéré n’est pas sérieux
567 ce sur la lutte contre les nazis, c’est l’absence de grands gestes théâtraux, la sourdine mise à l’éloquence traditionnell
568 mise à l’éloquence traditionnelle, le refus même de se complaire dans le lyrisme de la catastrophe ; c’est pour tout dire
569 le, le refus même de se complaire dans le lyrisme de la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’héroïsme popul
570 la catastrophe ; c’est pour tout dire, le naturel de l’héroïsme populaire. Ce peuple en noir au regard vif s’est révélé fa
571 gard vif s’est révélé face au danger. Il manquait d’ armes, il lutte avec sa dignité impénétrable aux tentations de la Brut
572 lutte avec sa dignité impénétrable aux tentations de la Brute. On avait dit aux jeunes nazis qu’ils allaient conquérir un
573 ux jeunes nazis qu’ils allaient conquérir un pays de bavards, de coquettes et de politiciens véreux. Après quelques semain
574 zis qu’ils allaient conquérir un pays de bavards, de coquettes et de politiciens véreux. Après quelques semaines en territ
575 ent conquérir un pays de bavards, de coquettes et de politiciens véreux. Après quelques semaines en territoire conquis, l’
576 e étrange et qui l’intimidait : le regard sérieux de l’homme et de la femme du peuple, ce jugement précis et humain, bien
577 ui l’intimidait : le regard sérieux de l’homme et de la femme du peuple, ce jugement précis et humain, bien plus insupport
578 humain, bien plus insupportable que tous les cris de haines. Ils ne savaient pas cela, les jeunes Allemands, on ne leur av
579 nds, on ne leur avait jamais parlé du vrai peuple de la vraie France. Ils ont continué à le piller et à le fusiller avec u
580 ls ont rencontré ce regard… k. Rougemont Denis de , « Un peuple se révèle dans le malheur », Fontaine, Alger, février 19
9 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
581 Ars prophetica, ou D’ un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)j Un critique. J
582 a plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’est pas de louange préférable à celle-ci qu’on me fasse grief de mes écrits. J’y
583 ouange préférable à celle-ci qu’on me fasse grief de mes écrits. J’y voudrais voir la preuve d’une certaine grièveté qu’il
584 grief de mes écrits. J’y voudrais voir la preuve d’ une certaine grièveté qu’ils présentent, comme cela se dit d’une bless
585 ine grièveté qu’ils présentent, comme cela se dit d’ une blessure… Le critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument d’une
586 Le critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument d’ une exagération de ma critique… Ce qui me gênait, je crois, c’est qu’à
587 oui… Mais ne tirez pas argument d’une exagération de ma critique… Ce qui me gênait, je crois, c’est qu’à mon sens vous n’ê
588 us n’allez pas me dire que c’est la bonne manière de se faire comprendre ? Le critique. On voudrait être sûr que vous vou
589 z pour quoi ? C. Assez pour n’être point la dupe de vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’est pas jouer du vi
590 t en français, ce n’est pas jouer du violon. Tout d’ un coup vous le prenez à double corde, et l’on distingue mal les passa
591 et l’on distingue mal les passages, vous changez de ton et l’on voudrait savoir que vous le savez… Il me semble que vous
592 que vous le savez… Il me semble que vous manquez de méchanceté pour vos idées. Elles vous séduisent de loin et quand vous
593 e méchanceté pour vos idées. Elles vous séduisent de loin et quand vous nous les présentez, elles ont déjà votre complicit
594 es ont déjà votre complicité, je ne sais quel air de passion, un peu trop tôt — qui nous surprend… A. N’est-ce pas toujou
595 ces raisons sont les nôtres. Ou bien vous faites de la poésie, et alors vous jouez sur des surprises, ou bien vous nous p
596 jouez sur des surprises, ou bien vous nous parlez d’ idées, et dans ce cas, il faut que nous pensions à chaque instant : « 
597 lque tricherie. A. Voulez-vous que nous parlions de la clarté ? Je crois deviner que cela nous ramènera dans les environs
598 que cela nous ramènera dans les environs du sujet de mes deux précédents dialogues. C. Du moins serez-vous en garde contr
599 tre obscurité ? A. C’est justement ce parti pris de clarté que je voudrais proposer maintenant à votre réflexion méfiante
600 . Si vous le permettez, je m’offrirai le ridicule de défendre mon propre point de vue. Il se peut que cette maladresse m’e
601 ste nous sommes entre nous et vous n’abuserez pas de mes aveux… D’autant qu’ils seront probablement exagérés. C. Que de p
602 tant qu’ils seront probablement exagérés. C. Que de précautions ! Vous êtes en train d’imiter ce héros de je ne sais quel
603 récautions ! Vous êtes en train d’imiter ce héros de je ne sais quel album de Toepffer, qui feint de feindre afin de mieux
604 train d’imiter ce héros de je ne sais quel album de Toepffer, qui feint de feindre afin de mieux dissimuler. — Qu’est-ce
605 s de je ne sais quel album de Toepffer, qui feint de feindre afin de mieux dissimuler. — Qu’est-ce qu’être clair, à votre
606 rait-ce pas que la clarté n’est qu’une convention de langage ? J’entends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce de s
607 qu’une convention de langage ? J’entends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage… C. Hé
608 nvention de langage ? J’entends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage… C. Hé quoi ! v
609 ends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage… C. Hé quoi ! vous savez bien que tout not
610 qui se distingue du langage courant par le souci de contrôler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode d’expres
611 ler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode d’expression possible. C. Précisément je souhaitais de vous voir cho
612 es conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode d’ expression possible. C. Précisément je souhaitais de vous voir choisi
613 xpression possible. C. Précisément je souhaitais de vous voir choisir entre un langage franchement poétique et ce langage
614 faudrait s’entendre tout d’abord sur la nécessité de cette clarté. Pour ma part je ne saurais concevoir ni respecter d’aut
615 Pour ma part je ne saurais concevoir ni respecter d’ autre nécessité en général que celle qu’impose la fin de toute pensée.
616 e nécessité en général que celle qu’impose la fin de toute pensée. C. Restons, si vous le voulez, sur le plan du langage.
617 rence des raisons et à la fois l’exact ajustement de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’expression ? A.
618 de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’expression ? A. Oui, dans un monde cartésien, c’est-à-dire dans le
619 à-dire dans le monde du discours. Car le Discours de la méthode ne définit en somme qu’une méthode du discours. La fin der
620 somme qu’une méthode du discours. La fin dernière d’ un discours n’est autre que la cohérence, la vérité elle-même s’y trou
621 rité elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de l’enchaînement des phrases. Autrement dit, le discours cartésien n’a
622 ses. Autrement dit, le discours cartésien n’a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part de ce qu’il suppose clair et
623 ’a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part de ce qu’il suppose clair et facile, et sa marche est une déduction. La
624 le, et sa marche est une déduction. La convention d’ un tel langage, est que tout est donné au départ, et qu’il s’agit de n
625 est que tout est donné au départ, et qu’il s’agit de ne rien introduire dans la chaîne des arguments qui n’ait été d’abord
626 chiffré, et défini en termes simples. À mon tour de me défier d’une convention aussi commode. C. Il me semble qu’il faut
627 défini en termes simples. À mon tour de me défier d’ une convention aussi commode. C. Il me semble qu’il faut y voir une g
628 ’il faut y voir une garantie contre les illusions de la rhétorique flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter d’une all
629 que flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter d’ une allure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper
630 ure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper et de tromper. A. Pour moi, je crains une duperie moins n
631 euse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper et de tromper. A. Pour moi, je crains une duperie moins naïve dans la mode
632 s n’est-il pas, comme l’a dit un Russe « le monde de l’imprécis et du non résolu » ? Ou comme l’écrit Descartes lui-même,
633 nde des choses « mal compassées » ? L’application d’ une raison sans parti pris à ce monde tel qu’il est donné, n’a-t-elle
634 ’il est donné, n’a-t-elle pas pour effet immédiat de multiplier le mystère et les absurdités logiques ? Voyez Kafka… Je me
635 i, je vous en prie ? — la clarté et la simplicité d’ un certain nombre de postulats abstraits. Ma méfiance porte sur l’arri
636 — la clarté et la simplicité d’un certain nombre de postulats abstraits. Ma méfiance porte sur l’arrière-pensée qui prési
637 e porte sur l’arrière-pensée qui présida au choix de ces données dites premières. Encore n’est-il pas exact de recourir ic
638 onnées dites premières. Encore n’est-il pas exact de recourir ici à l’expression d’arrière-pensée. C’est sans doute une « 
639 n’est-il pas exact de recourir ici à l’expression d’ arrière-pensée. C’est sans doute une « arrière-image » qu’il faudrait
640 audrait dire. C. Ne serait-il pas trop cartésien de vous demander de préciser ? A. J’essaierai de le faire par un exempl
641 Ne serait-il pas trop cartésien de vous demander de préciser ? A. J’essaierai de le faire par un exemple. La méthode inv
642 en de vous demander de préciser ? A. J’essaierai de le faire par un exemple. La méthode inventée par Descartes est donc d
643 ode inventée par Descartes est donc devenue celle de la science. C’est elle dont usent nos physiciens, chimistes et mathém
644 dira-t-on. Je n’en crois rien. Ouvrez un ouvrage de science : vous y trouverez au terme de chaque analyse un certain nomb
645 un ouvrage de science : vous y trouverez au terme de chaque analyse un certain nombre de phrases traduisant les résultats
646 erez au terme de chaque analyse un certain nombre de phrases traduisant les résultats acquis. Or ces phrases ont été chois
647 ble exigence : d’une part elles doivent permettre de permettre de passer, par une espèce de symbolisme abstrait — si j’ose
648 : d’une part elles doivent permettre de permettre de passer, par une espèce de symbolisme abstrait — si j’ose dire — à la
649 permettre de permettre de passer, par une espèce de symbolisme abstrait — si j’ose dire — à la formule mathématique ; d’a
650 composent un discours cohérent sur des propriétés de la matière. Et ce discours n’est qu’un certain système d’images. S’il
651 tière. Et ce discours n’est qu’un certain système d’ images. S’il se distingue du parler quotidien, c’est avant tout par ce
652 r cette cohérence, c’est-à-dire par cette volonté d’ exclure les sens ordinairement contradictoires des mots. Ainsi les loi
653 si les lois formulées par la science, ces modèles d’ expression claire, se réfèrent en réalité à des formes courantes du la
654 réalité à des formes courantes du langage, vidées de leurs sens particuliers. Ce procédé est sans danger quand il est appl
655 nce légale n’étant, c’est entendu, qu’une manière de parler du réel, et sans cesse corrigée par les faits. Mais où je crie
656 uits par la clarté axiomatique, prétendent partir de vérités élémentaires qui ne sont autres que des abstractions opérées
657 utres que des abstractions opérées sur nos formes de langage. Je voudrais dire cela plus simplement… La tricherie d’une dé
658 voudrais dire cela plus simplement… La tricherie d’ une déduction claire consiste en ce qu’elle prétend partir d’un nombre
659 tion claire consiste en ce qu’elle prétend partir d’ un nombre limité de faits acquis, quand le tout, quand la fin nous éch
660 e en ce qu’elle prétend partir d’un nombre limité de faits acquis, quand le tout, quand la fin nous échappent ! Comme s’il
661 pent ! Comme s’il était licite, et même possible, de partir de certains éléments et de les déclarer connus, quand on ignor
662 me s’il était licite, et même possible, de partir de certains éléments et de les déclarer connus, quand on ignore méthodiq
663 même possible, de partir de certains éléments et de les déclarer connus, quand on ignore méthodiquement l’ensemble dont i
664 vous pouviez me montrer chez Descartes un exemple de ce recours aux formes du langage courant. A. Prenons la 3e règle de
665 ormes du langage courant. A. Prenons la 3e règle de sa méthode : « Conduire par ordre mes pensées en commençant par les o
666 t, derrière ce jugement, la plus étrange illusion de l’esprit : c’est une maxime populaire. On la tient pour tellement évi
667 pour tellement évidente que son rappel, au cours d’ une discussion, figure presque une insolence. Cette maxime affirme en
668 tte maxime affirme en effet la nécessité générale de « commencer par le commencement ». Descartes qui vient d’assimiler sa
669 mencer par le commencement ». Descartes qui vient d’ assimiler sans sourciller la simplicité d’un objet avec l’aisance à le
670 i vient d’assimiler sans sourciller la simplicité d’ un objet avec l’aisance à le connaître — c’est encore un tour du langa
671 le plus mauvais tour qu’on ait joué aux écrivains d’ idées ! Commencer par le commencement ! Aller du simple au compliqué !
672 er du simple au compliqué ! Que cela paraît plein de bon sens ! Le beau cliché, la belle absurdité, la magnifique carte po
673 ans vous interrompre davantage aux développements d’ une pensée qui m’est curieusement étrangère. Vous parliez d’une vision
674 ée qui m’est curieusement étrangère. Vous parliez d’ une vision totale ?… A. L’expression vous apparaît privée de sens ? M
675 n totale ?… A. L’expression vous apparaît privée de sens ? Mesurez donc, une bonne fois, toute l’ampleur de ma déraison.
676 s ? Mesurez donc, une bonne fois, toute l’ampleur de ma déraison. Laissez-moi parler sans contrainte mon sabir eschatologi
677 rs l’inconnu, les yeux toujours fixés sur son jeu d’ évidences. On conçoit dès lors qu’elle se meuve avec tellement de préc
678 conçoit dès lors qu’elle se meuve avec tellement de précautions, vérifiant à chaque pas le chemin parcouru : elle ignore
679 chaque pas le chemin parcouru : elle ignore tout de son but et tiendrait même pour une prévention fâcheuse la croyance qu
680 cheuse la croyance que ce but existe en tout état de cause. Pour moi, c’est presque le contraire. Voilà : — Je sais que je
681 utres, je les risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir d’une vision renouve
682 la foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir d’ une vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation de ma démarche, et
683 e vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation de ma démarche, et c’est pourquoi je vous disais qu’on ne peut la compre
684 bsurde à l’observateur raisonnable. C. Le propre d’ une vision pareille, c’est qu’elle est incommunicable, j’imagine ? A.
685 vant les sept couleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument inexplicabl
686 uleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument inexplicable, et évident. I
687 er sans fin cette forme significative du tout, et de chaque partie dans le tout. Bien entendu, je ne puis avancer aucun ex
688 t. Bien entendu, je ne puis avancer aucun exemple d’ une telle perfection. Mais il fallait indiquer cette limite pour éclai
689 er — précisément — tout l’entre-deux, la pénombre de ce débat. Je vois maintenant deux espèces de langage. Ramenons-les po
690 mbre de ce débat. Je vois maintenant deux espèces de langage. Ramenons-les pour simplifier à deux modes d’expression égale
691 s de langage. Ramenons-les pour simplifier à deux modes d’expression également rigoureuse et pourtant exclusifs l’un de l’aut
692 angage. Ramenons-les pour simplifier à deux modes d’ expression également rigoureuse et pourtant exclusifs l’un de l’autre.
693 n également rigoureuse et pourtant exclusifs l’un de l’autre. Le premier serait la loi scientifique. Ses conventions sont
694 ique. Ses conventions sont la clarté et l’absence de contradiction. La seconde forme d’expression, ce serait celle dont j’
695 é et l’absence de contradiction. La seconde forme d’ expression, ce serait celle dont j’essayais de vous faire pressentir l
696 rme d’expression, ce serait celle dont j’essayais de vous faire pressentir la limite, en parlant d’un langage inexplicable
697 is de vous faire pressentir la limite, en parlant d’ un langage inexplicable et pourtant évident. C’est peut-être le verbe
698 impliquer qui distinguera le mieux cette forme-là de la première, dont l’office est évidemment d’expliquer. Oui, cette opp
699 e-là de la première, dont l’office est évidemment d’ expliquer. Oui, cette opposition va nous aider : impliquer le réel com
700 omme tel, et non pas expliquer certaines manières de le réduire aux exigences d’un discours cohérent — voilà sans doute le
701 er certaines manières de le réduire aux exigences d’ un discours cohérent — voilà sans doute le rôle du langage parabolique
702 voilà sans doute le rôle du langage parabolique… De là vient son obscurité. Parler en paraboles, c’est tenter d’exprimer
703 son obscurité. Parler en paraboles, c’est tenter d’ exprimer un fait ou des idées, en tenant compte du tout qui les englob
704 les englobe. Ou c’est encore se garder avec soin de les définir autrement qu’en vue de cette fin dernière vers quoi l’on
705 les faits ou les idées à quelques éléments isolés de mesure. Il s’organise tout naturellement en discours, en phrases liée
706 urellement en discours, en phrases liées par voie de conséquence. Mais si je parle en paraboles, je n’ai souci que d’une c
707 Mais si je parle en paraboles, je n’ai souci que d’ une certaine orientation. C’est à partir du terme, encore une fois, qu
708 s’éclairent et se résolvent, et non pas à partir d’ éléments que j’aurais distingués dès le départ. Une parabole se compre
709 rabole se comprend par la fin. Comme l’expédition de Colomb partant pour reconnaître une Amérique de vision. Et cette fin,
710 n de Colomb partant pour reconnaître une Amérique de vision. Et cette fin, ce terme, ce télos, tous les hiatus, toutes les
711 ismes du langage doivent l’indiquer comme au-delà d’ eux-mêmes… ce que ne sauraient faire des arguments toujours fondés sur
712 ur ce qui les précède. Voilà pourquoi le discours d’ un prophète est le contraire d’un discours. L’événement seul lui rendr
713 urquoi le discours d’un prophète est le contraire d’ un discours. L’événement seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole
714 liquez-vous le plaisir que je prends à la lecture de certaines paraboles dont le sens eschatologique m’échappe, je le supp
715 une petite question, voulez-vous ? Qui a le droit de parler en paraboles, et d’être obscur à la manière des prophètes ? A
716 -vous ? Qui a le droit de parler en paraboles, et d’ être obscur à la manière des prophètes ? A. Le droit ? Personne, bien
717 t ? Personne, bien sûr ! Personne n’a aucun droit de ce genre, si l’on nomme droit la garantie formelle d’un usage. Mais i
718 e genre, si l’on nomme droit la garantie formelle d’ un usage. Mais il arrive assez souvent que l’on oublie les grandes et
719 on oublie les grandes et graves raisons qu’il y a de se taire, ou de parler seulement selon le droit et la décence, en tou
720 andes et graves raisons qu’il y a de se taire, ou de parler seulement selon le droit et la décence, en toute clarté. Il ar
721 es ou esprits relâchés, s’abandonnent aux hasards de tricheries qui les flattent. Ils appellent cela poésie. On peut toute
722 ie. On peut toutefois imaginer une autre attitude de l’être, et qui soit telle que la question du droit ne se pose plus. C
723 estion du droit ne se pose plus. C’est l’attitude de l’homme qui a vu quelque chose, ou simplement qui a cru voir, et qui
724 Une vision ne se transmet pas, c’est le contraire d’ une carte postale. Il s’agit donc de disposer l’esprit dans une certai
725 le contraire d’une carte postale. Il s’agit donc de disposer l’esprit dans une certaine orientation au moyen de mots et d
726 dans une certaine orientation au moyen de mots et de phrases qui puissent, comme par une ironie, être compris en soi et da
727 sens dernier ne puisse être aperçu sous un angle de vision quelconque. Je dis que l’homme qui a vu quelque chose doit par
728 vouerez que dans ces conditions il faut une sorte de naïveté très singulière pour endosser le risque d’être obscur. Passe
729 e naïveté très singulière pour endosser le risque d’ être obscur. Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin
730 e risque d’être obscur. Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa visio
731 ncore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des vis
732 qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des visions moins illustres, qui n’em
733 ut en bas, dans un fulgurant inventaire. Je parle de visions furtives qui sont à celle de l’apôtre comme le Petit Monde au
734 re. Je parle de visions furtives qui sont à celle de l’apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de
735 e Petit Monde au Grand Monde, — signes du Tout et de la Fin, mais signes seulement, résumés, prises partielles et signific
736 ’Apocalypse, comme Cuvier la préhistoire à partir d’ une vertèbre isolée. Mais l’oubli vient avec le premier doute… Petites
737 avec le premier doute… Petites visions des hommes de peu de foi, visions de la fin de nos courtes passions : la possession
738 Petites visions des hommes de peu de foi, visions de la fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissan
739 sions des hommes de peu de foi, visions de la fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance, — il n
740 ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prophètes, ont été justifiés dans leur délire, mai
741 iés dans leur délire, mais un prophète des choses d’ ici-bas, un prophète sans mission divine, quelle défense osera-t-il pr
742 ris. 7. Quatre « dialogues » paraîtront au début de l’ouvrage Doctrine fabuleuse , publié en 1947. j. Rougemont Denis
743 fabuleuse , publié en 1947. j. Rougemont Denis de , «  Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair », Hém
744 7. j. Rougemont Denis de, «  Ars prophetica, ou D’ un langage qui ne veut pas être clair », Hémisphères, New York, hiver
10 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
745 sonnalistes avaient fait leur chemin dans l’élite de la Résistance. S’agit-il d’une influence directe, ou d’une prise de c
746 r chemin dans l’élite de la Résistance. S’agit-il d’ une influence directe, ou d’une prise de conscience spontanée devant l
747 Résistance. S’agit-il d’une influence directe, ou d’ une prise de conscience spontanée devant la leçon des faits, nous le s
748 ructive. Les événements eux-mêmes se sont chargés de faire la critique de tant d’incohérences au sein desquelles le França
749 ts eux-mêmes se sont chargés de faire la critique de tant d’incohérences au sein desquelles le Français moyen pensait pouv
750 êmes se sont chargés de faire la critique de tant d’ incohérences au sein desquelles le Français moyen pensait pouvoir vivr
751 tre reposées. Allons-nous rebâtir sur les valeurs d’ une philosophie de l’Objet (qui était celle du capitalisme et des dive
752 ns-nous rebâtir sur les valeurs d’une philosophie de l’Objet (qui était celle du capitalisme et des divers « planisme »),
753 une société où les objets soient remis au service de l’homme qui crée et qui se veut responsable ? Si nous choisissons la
754 érieuse. Les jeunes gens qui prenaient conscience de leur responsabilité intellectuelle et civique vers 1930, en France, s
755 épersonnaliser l’homme, à le réduire à un agrégat de réflexes conditionnés par l’État, le Parti et les statisticiens. Sur
756 it en elle qu’un îlot précaire perdu dans l’océan de l’inconscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à des déterminism
757 devenait dans tout cela, le droit imprescriptible d’ un homme à dire je, à dire moi, à se considérer comme une cause effici
758 ts que les fameuses « forces économiques » — mais de l’homme, mesure de toutes choses. La grande question était donc : qu’
759 « forces économiques » — mais de l’homme, mesure de toutes choses. La grande question était donc : qu’est-ce que l’homme 
760 u’est-ce que l’homme ? Sur quelle notion centrale de son humanité devons-nous recentrer le monde ? Les institutions doiven
761 doivent être fondées sur une notion compréhensive de l’homme, sinon elles agissent contre l’homme. Or l’individu, sur lequ
762 ividu, sur lequel voulait se fonder la démocratie d’ un siècle dernier, et le soldat politique sur lequel a voulu se fonder
763 que sur lequel a voulu se fonder le totalitarisme de ce siècle, ne sont pas des hommes complets. L’individu n’a que des dr
764 econd est un simple objet. À ces deux mutilations de la notion d’homme, les jeunes intellectuels français opposèrent la no
765 simple objet. À ces deux mutilations de la notion d’ homme, les jeunes intellectuels français opposèrent la notion de perso
766 eunes intellectuels français opposèrent la notion de personne. Quelles que fussent les prémisses religieuses ou métaphysiq
767 es, tous s’entendaient fort bien sur des formules de ce genre : les institutions doivent être au service de l’homme, et no
768 genre : les institutions doivent être au service de l’homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’être un mot creux
769 l’homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’ être un mot creux que dans un ordre souple, qui respecte la diversité
770 tat ne sera jamais totalitaire. Un certain nombre de mots-clés se retrouvent dans tous les ouvrages publiés par les person
771 é avant la lettre : Leibnitz, Kant, Renouvier, ou de nos jours un William Stern, un Keyserling, un C. G. Jung, et l’école
772 yserling, un C. G. Jung, et l’école californienne de The Personalist. Mais la caractéristique du mouvement personnaliste f
773 uvement personnaliste français fut, dès le début, de considérer sa doctrine comme le fondement immédiat d’une action polit
774 onsidérer sa doctrine comme le fondement immédiat d’ une action politique, d’une économie, d’un régime social, et même d’un
775 mme le fondement immédiat d’une action politique, d’ une économie, d’un régime social, et même d’une esthétique. C’est pour
776 immédiat d’une action politique, d’une économie, d’ un régime social, et même d’une esthétique. C’est pourquoi je ne saura
777 ique, d’une économie, d’un régime social, et même d’ une esthétique. C’est pourquoi je ne saurais mieux décrire la doctrine
778 nnalisme qu’en indiquant certaines des tentatives d’ action les plus typiques qu’elle inspira avant cette guerre. Un serv
779 ar le mouvement n’apportaient pas les blue-prints d’ une société idéale, mais quelques principes d’action. Car il s’agissai
780 nts d’une société idéale, mais quelques principes d’ action. Car il s’agissait pour les personnalistes d’un changement spir
781 action. Car il s’agissait pour les personnalistes d’ un changement spirituel d’abord, les changements institutionnels n’aya
782 d’abord, les changements institutionnels n’ayant de valeur à leurs yeux que s’ils traduisaient réellement une attitude no
783 ils traduisaient réellement une attitude nouvelle de l’homme aux prises avec le destin d’un siècle nouveau. Alors que la p
784 ude nouvelle de l’homme aux prises avec le destin d’ un siècle nouveau. Alors que la plupart des révolutionnaires de droite
785 ouveau. Alors que la plupart des révolutionnaires de droite ou de gauche édifiaient des plans abstraits et se bornaient pr
786 que la plupart des révolutionnaires de droite ou de gauche édifiaient des plans abstraits et se bornaient pratiquement à
787 ries, les personnalistes affirmaient la nécessité d’ une révolution plus profonde : révolution dans la manière de poser les
788 lution plus profonde : révolution dans la manière de poser les problèmes, avant de prétendre leur donner telle ou telle so
789 te. Prenons le problème du prolétariat. Le groupe de l’Ordre nouveau proposa l’institution d’un service civil obligatoire,
790 e groupe de l’Ordre nouveau proposa l’institution d’ un service civil obligatoire, répartissant sur l’ensemble de la popula
791 ce civil obligatoire, répartissant sur l’ensemble de la population le travail industriel non différencié. Pendant un an ou
792 aient dans les usines, au lieu de faire une année de caserne. Les avantages de ce service civil seraient triples : 1) Just
793 lieu de faire une année de caserne. Les avantages de ce service civil seraient triples : 1) Justice sociale. La classe pro
794 e sociale. La classe prolétarienne serait relevée de son fardeau à vie. 2) Économie. La hantise du salaire ne serait plus
795 sse prolétarienne serait relevée de son fardeau à vie . 2) Économie. La hantise du salaire ne serait plus le seul mobile du
796 t plus le seul mobile du travailleur, et la masse de main-d’œuvre créée par le service civil serait mise par l’État à la d
797 ralyser l’invention, puisqu’elle ne créerait plus de chômage technologique. Les industriels hochèrent la tête. Ils ne croy
798 ojet utopique et d’ailleurs néfaste : il risquait de résoudre un conflit que leur tactique cherchait au contraire à rendre
799 pratique, à petite échelle. Dans plusieurs usines de la région parisienne, ils se firent embaucher par groupes, comme manœ
800 res. Au bout de trois jours, dans une manufacture de brosses à dents, l’un d’eux battit le record de production de l’ateli
801 rs, dans une manufacture de brosses à dents, l’un d’ eux battit le record de production de l’atelier. Il était éditeur de s
802 e de brosses à dents, l’un d’eux battit le record de production de l’atelier. Il était éditeur de son métier, et si peu ad
803 dents, l’un d’eux battit le record de production de l’atelier. Il était éditeur de son métier, et si peu adroit de ses ma
804 cord de production de l’atelier. Il était éditeur de son métier, et si peu adroit de ses mains qu’il assurait être le seul
805 Il était éditeur de son métier, et si peu adroit de ses mains qu’il assurait être le seul officier de réserve français qu
806 de ses mains qu’il assurait être le seul officier de réserve français qui se fût jamais blessé avec son propre sabre ! Les
807 « relevé », leur assurant ainsi quelques semaines de vacances payées, à un moment où cette institution n’existait pas enco
808 ndu sur cet exemple unique pour décrire le climat de l’effort personnaliste. Il est clair que l’institution du service civ
809 n du service civil supposait une refonte générale de l’économie, et notamment une discrimination très précise entre le tra
810 État, qui assurerait d’autre part la distribution d’ un minimum vital gratuit pour tous. Le second devait rester libre, et
811 tuit pour tous. Le second devait rester libre, et d’ autant plus qu’il recevrait l’aide gratuite du service civil. L’État l
812 ême se trouverait réduit au rôle précis et limité d’ agence de statistique et de répartition de la main-d’œuvre et du bonus
813 ouverait réduit au rôle précis et limité d’agence de statistique et de répartition de la main-d’œuvre et du bonus social,
814 rôle précis et limité d’agence de statistique et de répartition de la main-d’œuvre et du bonus social, au profit des entr
815 limité d’agence de statistique et de répartition de la main-d’œuvre et du bonus social, au profit des entreprises libres
816 s libres et des groupes coopératifs. La notion de groupe L’un des traits marquants du mouvement personnaliste, c’est
817 le coïncide avec la découverte la plus importante de notre siècle : celle de l’être-en-relations. Que ce soit dans le doma
818 uverte la plus importante de notre siècle : celle de l’être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de la physique ou ce
819 l’être-en-relations. Que ce soit dans le domaine de la physique ou celui de la sociologie, en mathématiques, en politique
820 e ce soit dans le domaine de la physique ou celui de la sociologie, en mathématiques, en politique, en économie, les meill
821 en politique, en économie, les meilleurs esprits de ce temps sont parvenus à des conclusions analogues : il n’est possibl
822 s à des conclusions analogues : il n’est possible de parler de réalité, de mesure, ou d’efficacité, qu’au sein d’un groupe
823 nclusions analogues : il n’est possible de parler de réalité, de mesure, ou d’efficacité, qu’au sein d’un groupe donné de
824 alogues : il n’est possible de parler de réalité, de mesure, ou d’efficacité, qu’au sein d’un groupe donné de forces. L’ho
825 ’est possible de parler de réalité, de mesure, ou d’ efficacité, qu’au sein d’un groupe donné de forces. L’homme, par exemp
826 re, ou d’efficacité, qu’au sein d’un groupe donné de forces. L’homme, par exemple, n’est réel que dans une communauté ni t
827 yé dans une collectivité informe, il sera frustré de toute possibilité de se faire entendre ou d’agir personnellement. Il
828 ité informe, il sera frustré de toute possibilité de se faire entendre ou d’agir personnellement. Il n’existe vraiment com
829 stré de toute possibilité de se faire entendre ou d’ agir personnellement. Il n’existe vraiment comme personne que dans un
830 ise ou commune, patrie locale ou cercle invisible d’ esprits apparentés dans le monde entier. Mais cette image d’un univers
831 apparentés dans le monde entier. Mais cette image d’ un univers composé de groupements autonomes en perpétuelle interaction
832 nde entier. Mais cette image d’un univers composé de groupements autonomes en perpétuelle interaction n’a pas encore été t
833 s institutions. Nos nations sont restées au stade de la classification des corps simples par Mendeleïev, quand nous en som
834 es par Mendeleïev, quand nous en sommes au siècle de la physique quantique. La paresse d’esprit et l’inertie ont laissé se
835 es au siècle de la physique quantique. La paresse d’ esprit et l’inertie ont laissé se constituer au xxe siècle des cadres
836  ». Au centre unique, étendant sur l’économie, la vie politique et les coutumes d’un pays le carcan géométrique de ses décr
837 sur l’économie, la vie politique et les coutumes d’ un pays le carcan géométrique de ses décrets, le personnalisme opposai
838 e et les coutumes d’un pays le carcan géométrique de ses décrets, le personnalisme opposait les foyers rayonnants de créat
839 , le personnalisme opposait les foyers rayonnants de création locale : entreprise et commune à la base, librement fédérées
840 eux exemples des conséquences pratiques découlant de cette attitude doctrinale. Dès 1937, l’Ordre nouveau avait dénoncé l’
841 eau avait dénoncé l’organisation hypercentralisée de l’armée française, copiée sur la centralisation politique de la natio
842 française, copiée sur la centralisation politique de la nation. La France avait des frontières rigides et un centre unique
843 ersonnalistes proposaient au contraire un système de foyers de résistance élevés dans toute la profondeur du pays, et une
844 tes proposaient au contraire un système de foyers de résistance élevés dans toute la profondeur du pays, et une mobilisati
845 entralisée. C’était en somme le système militaire de la Suisse, traduisant un régime fédéraliste. Les événements de 1940 e
846 traduisant un régime fédéraliste. Les événements de 1940 et toute l’évolution ultérieure de la guerre ont amplement confi
847 vénements de 1940 et toute l’évolution ultérieure de la guerre ont amplement confirmé ces vues. L’Underground, dans plusie
848 mes ? Les personnalistes organisèrent des « clubs de presse ». Dans chaque quartier de grande ville, dans chaque commune,
849 ent des « clubs de presse ». Dans chaque quartier de grande ville, dans chaque commune, des correspondants devaient groupe
850 se passait sous silence), lui révéler les secrets de la vénalité des grands journaux, et recueillir une documentation loca
851 umentation locale précise et humaine. Un bulletin de liaison alimentait les clubs. Tout était préparé pour sa transmission
852 s. Tout était préparé pour sa transmission en cas de crise révolutionnaire ou d’invasion, Les Clubs de presse personnalist
853 a transmission en cas de crise révolutionnaire ou d’ invasion, Les Clubs de presse personnalistes fournirent ainsi le premi
854 de crise révolutionnaire ou d’invasion, Les Clubs de presse personnalistes fournirent ainsi le premier modèle des publicat
855 ainsi le premier modèle des publications fameuses de l’Underground. État présent et avenir du mouvement À la veille
856 tat présent et avenir du mouvement À la veille de la guerre, le personnalisme avait réussi à dégager les implications d
857 onnalisme avait réussi à dégager les implications de sa doctrine dans les plans les plus divers. Il était prêt à déclenche
858 profondeur d’abord, puis publique. Une trentaine de volumes, deux revues, un hebdomadaire, des bulletins, brochures et tr
859 légué leur représentant en France, Abetz, au soin d’ observer de très près ce développement inquiétant. Mais les personnali
860 représentant en France, Abetz, au soin d’observer de très près ce développement inquiétant. Mais les personnalistes mesura
861 ent encore la route. Ils souffraient tout d’abord d’ une qualité et d’un défaut bien typiquement français : le sérieux et l
862 te. Ils souffraient tout d’abord d’une qualité et d’ un défaut bien typiquement français : le sérieux et l’excès d’idées ne
863 bien typiquement français : le sérieux et l’excès d’ idées neuves. Hors d’eux-mêmes s’opposaient à leur action : les grands
864 çais : le sérieux et l’excès d’idées neuves. Hors d’ eux-mêmes s’opposaient à leur action : les grands intérêts capitaliste
865 ns démagogues, l’insouciance générale à la veille d’ un désastre prévisible, les préjugés de droite et de gauche, le manque
866 la veille d’un désastre prévisible, les préjugés de droite et de gauche, le manque d’argent et de moyens de pression coll
867 un désastre prévisible, les préjugés de droite et de gauche, le manque d’argent et de moyens de pression collectifs. Il va
868 e, les préjugés de droite et de gauche, le manque d’ argent et de moyens de pression collectifs. Il valait mieux attendre e
869 gés de droite et de gauche, le manque d’argent et de moyens de pression collectifs. Il valait mieux attendre encore un tem
870 ite et de gauche, le manque d’argent et de moyens de pression collectifs. Il valait mieux attendre encore un temps, plutôt
871 valait mieux attendre encore un temps, plutôt que de s’engager dans une propagande trop coûteuse pour rester pure. Au rest
872 progrès organique, forcément lent. Il s’agissait de gagner des hommes, un à un, non des masses. La guerre et l’invasion o
873 isparaître ». Dans l’intervalle entre l’armistice de juin 1940 et la suppression de toute expression libre par Vichy, la r
874 entre l’armistice de juin 1940 et la suppression de toute expression libre par Vichy, la revue Esprit vit son tirage qu
875 uelques mois. Puis elle fut interdite, à la suite d’ un article contre Pétain, son directeur et plusieurs de ses rédacteurs
876 article contre Pétain, son directeur et plusieurs de ses rédacteurs emprisonnés. Nul autre mouvement ne me paraît mieux ap
877 inspirer ceux qui demandent un monde à la mesure de l’homme, non plus à celle des monstres nés de son anxiété, de sa pare
878 ure de l’homme, non plus à celle des monstres nés de son anxiété, de sa paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple : l
879 non plus à celle des monstres nés de son anxiété, de sa paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple : le bassin houille
880 des monstres nés de son anxiété, de sa paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux
881 és de son anxiété, de sa paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux de la Sarre co
882 8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux de la Sarre coupé en deux par une frontière correspondant aux langues.
883 e correspondant aux langues. l. Rougemont Denis de , « L’attitude personnaliste », Le Monde libre, New York, Montréal, oc
11 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
884 t l’ennemi : car « la seule chose qui importe est de gagner la guerre ». Là-dessus, nous tombons d’accord. Mais sur le sen
885 ve très peu d’accord autour de moi. Si j’essayais de m’entendre d’abord ? Et de comprendre, s’il se peut, la question que
886 de moi. Si j’essayais de m’entendre d’abord ? Et de comprendre, s’il se peut, la question que cette guerre pose et ne peu
887 résoudre. ⁂ Par dépit, par fatigue, ou par esprit de polémique, beaucoup de penseurs ont estimé depuis cent ans que les ré
888 t non pas causes. Car il n’y a pas d’abord la loi de l’offre et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes,
889 es. Car il n’y a pas d’abord la loi de l’offre et de la demande, il y a d’abord nos offres et nos demandes, selon nos rêve
890 s, mais il y a d’abord des hommes qui choisissent de construire des machines plutôt que d’avoir faim, ou de chercher la sa
891 choisissent de construire des machines plutôt que d’ avoir faim, ou de chercher la sagesse, ou de prier devant un symbole a
892 nstruire des machines plutôt que d’avoir faim, ou de chercher la sagesse, ou de prier devant un symbole ancestral. Il n’y
893 t que d’avoir faim, ou de chercher la sagesse, ou de prier devant un symbole ancestral. Il n’y a pas d’abord les faits et
894 ce génie ou cette maladie. (Postérité, je rougis de tant de platitudes, mais de mon temps on les taxait de paradoxes.) Ai
895 (Postérité, je rougis de tant de platitudes, mais de mon temps on les taxait de paradoxes.) Ainsi de la guerre actuelle :
896 nt de platitudes, mais de mon temps on les taxait de paradoxes.) Ainsi de la guerre actuelle : il importe de voir qu’elle
897 s de mon temps on les taxait de paradoxes.) Ainsi de la guerre actuelle : il importe de voir qu’elle se passe d’abord en c
898 adoxes.) Ainsi de la guerre actuelle : il importe de voir qu’elle se passe d’abord en chacun de nous, et qu’elle figure da
899 mporte de voir qu’elle se passe d’abord en chacun de nous, et qu’elle figure dans son ensemble la crise d’un conflit psych
900 ous, et qu’elle figure dans son ensemble la crise d’ un conflit psychologique de proportions mondiales, de portée séculaire
901 son ensemble la crise d’un conflit psychologique de proportions mondiales, de portée séculaire. ⁂ Lorsqu’un individu refo
902 n conflit psychologique de proportions mondiales, de portée séculaire. ⁂ Lorsqu’un individu refoule pendant longtemps ses
903 t soudain et l’attaquent en force, par une espèce d’ éruption volcanique nommée névrose. Alors l’homme se croit menacé par
904 par ce qu’il appelle des esprits. Il est victime de terreurs inexplicables. Des cauchemars envahissent sa vie quotidienne
905 se persuade que des forces absolument distinctes de son être l’attaquent avec une férocité sans précédent. Il devient ali
906 vient aliéné, c’est-à-dire qu’il devient la proie d’ un autre. Un médecin qu’il jugera très brutal et hostile lui suggère a
907 alors que cet « autre » n’est en fait qu’une part de lui-même. S’il comprend cela et s’il le croit, le malade guérira peut
908 re. Sinon, il faudra l’enfermer dans une camisole de force. Il ne fera plus de mal, mais il restera fou. Au Moyen Âge, on
909 ermer dans une camisole de force. Il ne fera plus de mal, mais il restera fou. Au Moyen Âge, on disait qu’un tel homme éta
910 disait qu’il était fou, et l’on essayait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à la raison, par des procédés contra
911 u, et l’on essayait d’abord de le raisonner, puis de le réduire à la raison, par des procédés contraignants. En cas d’éche
912 la raison, par des procédés contraignants. En cas d’ échec, on le mettait derrière des barreaux. La guerre actuelle est une
913 Le malade, c’est l’humanité. La partie consciente de l’humanité se voit attaquée par des figures de cauchemar qui symbolis
914 te de l’humanité se voit attaquée par des figures de cauchemar qui symbolisent un inconscient trop longtemps opprimé, nié,
915 ngtemps opprimé, nié, laissé inculte9. On a tenté de raisonner cet inconscient et de le forcer à se tenir tranquille. Priv
916 ulte9. On a tenté de raisonner cet inconscient et de le forcer à se tenir tranquille. Privé de moyens de s’exprimer à sa m
917 ient et de le forcer à se tenir tranquille. Privé de moyens de s’exprimer à sa manière, affolé par nos arguments, il n’a p
918 le forcer à se tenir tranquille. Privé de moyens de s’exprimer à sa manière, affolé par nos arguments, il n’a plus trouvé
919 ère, affolé par nos arguments, il n’a plus trouvé d’ autre issue que dans une révolte explosive. Le cauchemar envahit la pl
920 a pas à tomber épuisée et à se passer la camisole de force d’un régime d’ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé
921 omber épuisée et à se passer la camisole de force d’ un régime d’ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé vaudrait
922 e et à se passer la camisole de force d’un régime d’ ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé vaudrait mieux. ⁂ Ce
923 je voudrais défendre et illustrer dans une série d’ écrits à venir : il est temps que la pensée politique rejoigne la psyc
924 contemporaine. Depuis quatre ans, nous essayons de mener la guerre psychologique10 à l’instar des nazis qui l’avaient in
925 instar des nazis qui l’avaient inventée. Au seuil de la paix, il est temps de chercher au moins les principes d’une politi
926 aient inventée. Au seuil de la paix, il est temps de chercher au moins les principes d’une politique psychologique. Je ne
927 , il est temps de chercher au moins les principes d’ une politique psychologique. Je ne parle pas de propagande : celle-ci
928 es d’une politique psychologique. Je ne parle pas de propagande : celle-ci n’est qu’une tactique de bombardement. La polit
929 as de propagande : celle-ci n’est qu’une tactique de bombardement. La politique que j’imagine serait une cure. Mais avant
930 eprendre, il nous faudrait un diagnostic. Tentons d’ en indiquer les premiers éléments. Si cette génération n’a pas le cour
931 éléments. Si cette génération n’a pas le courage de s’avouer plus profondément qu’aucune autre, il ne faut en attendre ri
932 ment qu’aucune autre, il ne faut en attendre rien de bon, ni rien de grand, ni rien de vrai. Essayons une autoanalyse. C’e
933 utre, il ne faut en attendre rien de bon, ni rien de grand, ni rien de vrai. Essayons une autoanalyse. C’est notre chance
934 n attendre rien de bon, ni rien de grand, ni rien de vrai. Essayons une autoanalyse. C’est notre chance peut-être unique.
935 disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nous fait en
936 n’ont pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-nous fait enquête avant de partir ? Sommes-
937 ait pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas d’ une opération légale ou d’une enquête scientifique, mais elle ressembl
938 a guerre ne résulte pas d’une opération légale ou d’ une enquête scientifique, mais elle ressemble à une colère, à une pert
939 ue, mais elle ressemble à une colère, à une perte de patience ou de maîtrise de soi, à la réaction automatique d’un mystér
940 essemble à une colère, à une perte de patience ou de maîtrise de soi, à la réaction automatique d’un mystérieux sens de l’
941 ne colère, à une perte de patience ou de maîtrise de soi, à la réaction automatique d’un mystérieux sens de l’honneur bles
942 ou de maîtrise de soi, à la réaction automatique d’ un mystérieux sens de l’honneur blessé. Flamme aveuglante, vague de sa
943 i, à la réaction automatique d’un mystérieux sens de l’honneur blessé. Flamme aveuglante, vague de sang, terreur froide, o
944 ens de l’honneur blessé. Flamme aveuglante, vague de sang, terreur froide, ou goût du suicide. Ne me parlez pas de droits,
945 reur froide, ou goût du suicide. Ne me parlez pas de droits, vous n’y avez pas pensé. Nous avons « fait notre devoir » et
946 as pensé. Nous avons « fait notre devoir » et pas de question. Je dis que la guerre nous plaît. Elle arrange bien des chos
947 hoses. Elle ajourne nos vrais conflits. Elle tire de nous ce que la paix n’en tirait plus. Elle offre l’avantage incompara
948 n tirait plus. Elle offre l’avantage incomparable de sanctionner notre acquittement par contumace. Elle est le grand non-l
949 ttement par contumace. Elle est le grand non-lieu de millions d’hommes — le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’on n’es
950 contumace. Elle est le grand non-lieu de millions d’ hommes — le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’on n’est plus respo
951 vrai no man’s land où l’on n’est plus responsable de soi. La guerre ancienne était une chance offerte à l’instinct combati
952 des mâles, le jeu des coqs ornés pour l’occasion de leurs plus belles plumes. La guerre actuelle a perdu ces attraits. To
953 t combatif : comptez qu’une fraction très réduite de l’humanité — presque totalement mobilisée — combat en fait sur les ch
954 alement mobilisée — combat en fait sur les champs de bataille. Seule une fraction de cette fraction connaît le corps à cor
955 it sur les champs de bataille. Seule une fraction de cette fraction connaît le corps à corps, la bataille d’hommes. Qu’aim
956 te fraction connaît le corps à corps, la bataille d’ hommes. Qu’aimons-nous donc tous dans la guerre, que nous soyons civil
957 s. Ainsi la guerre devient pour nous l’équivalent de la fête chez les peuples anciens, elle en possède les attributs les p
958 s passions collectives déchaînées, le déguisement de rigueur, le sacrifice humain légal, et les valeurs morales changent d
959 ice humain légal, et les valeurs morales changent de signe : tu tueras, tu voleras, tu diras de faux témoignages avec honn
960 angent de signe : tu tueras, tu voleras, tu diras de faux témoignages avec honneur. Je parle d’état d’exception comme on d
961 diras de faux témoignages avec honneur. Je parle d’ état d’exception comme on dirait état de siège, état de grâce. Et les
962 z les primitifs, la guerre est le « grand Temps » de l’humanité moderne. Elle nous fournit la seule excuse que notre espri
963 re esprit puisse accepter pour suspendre le cours d’ une existence de plus en plus conforme aux prévisions des grandes comp
964 us conforme aux prévisions des grandes compagnies d’ assurances. (Quelle fête immense faudrait-il à ce siècle pour lui fair
965 it-il à ce siècle pour lui faire oublier son goût de la guerre ! Quel drame nouveau, pour remplacer, sur la scène vide, l’
966 sera peut-être pour des siècles. (Il y aura trop d’ avions du même côté.) Mais comment l’homme compensera-t-il le manque d
967 .) Mais comment l’homme compensera-t-il le manque de guerres ? Nous avons tout prévu contre un futur Hitler, rien contre s
968 re son absence, autant que je sache. Le seul type d’ héroïsme que l’Occident ait su concevoir (depuis qu’on n’allume plus d
969 dent ait su concevoir (depuis qu’on n’allume plus de bûchers pour les chrétiens et qu’ils tolèrent les hérétiques), c’est
970 la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’y a plus de guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? P
971 ur la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue de respect pour les vertus que l’esprit seul sait pousser jusqu’au parox
972 u’au paroxysme. Et comment vivre, s’il n’y a plus de paroxysmes ? La guerre nous plaît. Nous le nions tous, et c’est norma
973 écider le désarmement général, total et définitif de tous les peuples, appuyé par une interdiction absolue de fabriquer de
974 les peuples, appuyé par une interdiction absolue de fabriquer des armes et d’enseigner à s’en servir ? Je ne sais pas mie
975 ne interdiction absolue de fabriquer des armes et d’ enseigner à s’en servir ? Je ne sais pas mieux que la plupart ce qui r
976 sais pas mieux que la plupart ce qui résulterait d’ une décision de ce genre, mais je sais que la plupart résistent à prio
977 que la plupart ce qui résulterait d’une décision de ce genre, mais je sais que la plupart résistent à priori à cette idée
978 s’ouvre. Et cependant, ils ne sont guère capables de me donner sur-le-champ, avec calme, de bonnes raisons bien étudiées d
979 e capables de me donner sur-le-champ, avec calme, de bonnes raisons bien étudiées d’un tel refus. C’est un refus instincti
980 hamp, avec calme, de bonnes raisons bien étudiées d’ un tel refus. C’est un refus instinctif, comme ils disent. Et c’est to
981 lais leur faire dire. (Il leur reste à me traiter de défaitiste.) Une politique qui négligerait le fait que la guerre nous
982 isons profondes, cette politique serait incapable de rien conduire, ni de rien prévoir d’autre que d’astucieux traités de
983 e politique serait incapable de rien conduire, ni de rien prévoir d’autre que d’astucieux traités de commerce que la proch
984 it incapable de rien conduire, ni de rien prévoir d’ autre que d’astucieux traités de commerce que la prochaine guerre annu
985 de rien conduire, ni de rien prévoir d’autre que d’ astucieux traités de commerce que la prochaine guerre annulerait. 2. H
986 i de rien prévoir d’autre que d’astucieux traités de commerce que la prochaine guerre annulerait. 2. Hitler. — Nous penson
987 tler est un monstre avec lequel nous n’avons rien de commun. Il s’agit de le détruire avant toute autre tâche. Point de vu
988 vec lequel nous n’avons rien de commun. Il s’agit de le détruire avant toute autre tâche. Point de vue indispensable pour
989 int de vue stérile et désastreux dès qu’il s’agit de la paix. Hitler n’est pas en dehors de l’humanité, mais en elle. Bien
990 devant nous, mais en nous. Il était en nous avons d’ être contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’il se dresse contre n
991 férir si nous n’admettons pas qu’il est une part de nous, la part du diable dans nos cœurs. Hitler se taira d’ici peu. So
992 a catastrophe prévue. Et devant le cadavre gisant de l’homme qui fit trembler tout l’univers, voici que nous nous écrieron
993 e nous nous écrierons avec une stupéfaction mêlée de honte : — Comme il était petit ! Il n’était grand, comme Satan lui-mê
994 tit ! Il n’était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misères secrètes. Dans la réalité psychologique du
995 t grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misères secrètes. Dans la réalité psychologique du siècle, Hitler
996 psychologique du siècle, Hitler aura joué le rôle d’ un personnage de rêve d’angoisse. Ce rêve collectif a modelé notre his
997 siècle, Hitler aura joué le rôle d’un personnage de rêve d’angoisse. Ce rêve collectif a modelé notre histoire, mais il é
998 Hitler aura joué le rôle d’un personnage de rêve d’ angoisse. Ce rêve collectif a modelé notre histoire, mais il était d’a
999 otre histoire, mais il était d’abord dans l’ombre de nos âmes. On a remarqué que dans un cauchemar, ce qui nous terrifie n
1000 ité la plus banale, mais c’est plutôt l’intensité de la passion hostile ou criminelle dont il nous paraît animé. Il se cha
1001 ont il nous paraît animé. Il se charge à nos yeux d’ une puissance de terreur dont nous n’avions sans doute jamais eu l’exp
1002 ît animé. Il se charge à nos yeux d’une puissance de terreur dont nous n’avions sans doute jamais eu l’expérience. Et pour
1003 amais eu l’expérience. Et pourtant c’est une part de nous-mêmes qui machine cette brusque épouvante, ramassant dans un ges
1004 forme, une atmosphère, tout ce que nous refusions d’ admettre en nous. Le cauchemar nous apprend qu’il ne suffit pas de ref
1005 us. Le cauchemar nous apprend qu’il ne suffit pas de refuser un instinct ou quelque tentation pour les supprimer. Il s’agi
1006 u quelque tentation pour les supprimer. Il s’agit de les utiliser, ou de s’en guérir ; sinon soyons certains qu’ils vont r
1007 pour les supprimer. Il s’agit de les utiliser, ou de s’en guérir ; sinon soyons certains qu’ils vont revenir en force, sou
1008 , sous un déguisement séduisant, ou sous la forme d’ un monstre archaïque. L’ogre à la petite moustache est l’un de ces mon
1009 archaïque. L’ogre à la petite moustache est l’un de ces monstres. Nous en verrons bien d’autres, si nous nous contentons
1010 en verrons bien d’autres, si nous nous contentons de lutter contre les signes extérieurs du mal, sans essayer d’en modifie
1011 contre les signes extérieurs du mal, sans essayer d’ en modifier les causes dans nous-mêmes11. Mais ceci pose un problème n
1012 Mais ceci pose un problème nouveau : le problème de la religion. 3. Il faut une religion pour le peuple. Entendons : pour
1013 on défaut, Hitler l’aurait fait voir par le moyen de cette religion synthétique (comme le caoutchouc) qu’est le national-s
1014 lisme. Je ne parle pas ici du christianisme, mais de la religion en général, comme phénomène humain, cause et produit de t
1015 général, comme phénomène humain, cause et produit de toute communauté vivante. Je parle d’un instinct aussi fondamental et
1016 et produit de toute communauté vivante. Je parle d’ un instinct aussi fondamental et naturel que la sexualité. Il est inco
1017 des Occidentaux. Car non content de combattre et d’ évacuer les coutumes religieuses périmées (c’était son droit et son de
1018 ez une sécheresse générale, nécessairement suivie d’ une rupture de digues et de l’interruption catastrophique des forces s
1019 sse générale, nécessairement suivie d’une rupture de digues et de l’interruption catastrophique des forces sombres de la c
1020 nécessairement suivie d’une rupture de digues et de l’interruption catastrophique des forces sombres de la cité. La raiso
1021 l’interruption catastrophique des forces sombres de la cité. La raison peut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas
1022 enchaîner. Si elle détruit tous les moyens connus de les apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse de moyens nouveau
1023 s apprivoiser, et prohibe la recherche hasardeuse de moyens nouveaux, elle fait lever des monstres autour de nous. Imagino
1024 s avions en masse et par ce moyen-là venir à bout d’ Hitler ; mais il ne pourra prévenir la multiplication prochaine d’autr
1025 ir la multiplication prochaine d’autres symptômes de la même névrose. Tout porte à croire que nous allons entrer dans une
1026 orte à croire que nous allons entrer dans une ère de religions aberrantes. Ou, comme le dit une grande légende indienne, d
1027 me le dit une grande légende indienne, dans l’ère de l’Accroissement des Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies
1028 s sains des réalistes et des experts seront vidés d’ un coup par ces lames de fond. Certains intellectuels incrimineront al
1029 des experts seront vidés d’un coup par ces lames de fond. Certains intellectuels incrimineront alors l’instinct religieux
1030 t nous lirons encore des jérémiades sur le déclin de l’esprit et l’abandon des grands principes. « C’est inconcevable ! »
1031 ciel. Mais c’est très simple. Un homme qui meurt de faim mange n’importe quoi pour tromper sa faim, faute de mieux. La ra
1032 e de mieux. La raison n’ose pas dire qu’il a tort d’ avoir faim. Dira-t-elle qu’il a tort d’avoir soif de religion ? De tro
1033 ’il a tort d’avoir faim. Dira-t-elle qu’il a tort d’ avoir soif de religion ? De tromper cet instinct rendu furieux par des
1034 avoir faim. Dira-t-elle qu’il a tort d’avoir soif de religion ? De tromper cet instinct rendu furieux par des siècles de p
1035 ra-t-elle qu’il a tort d’avoir soif de religion ? De tromper cet instinct rendu furieux par des siècles de privation ? Ell
1036 romper cet instinct rendu furieux par des siècles de privation ? Elle dénoncera vainement des délires collectifs dont elle
1037 la première responsable, aussi vrai que le régime de la prohibition fut responsable des méfaits de l’alcool frelaté, en Am
1038 ime de la prohibition fut responsable des méfaits de l’alcool frelaté, en Amérique. ⁂ Je ne demande pas que des sorciers n
1039 faudrait conjurer. Mais je pense qu’il est temps de renoncer à la vieille politique de l’équilibre des grandes puissances
1040 u’il est temps de renoncer à la vieille politique de l’équilibre des grandes puissances nationales et des trusts : elle ne
1041 es trusts : elle ne peut plus saisir les éléments de notre conflit. Il est temps de nous orienter vers une politique d’équ
1042 aisir les éléments de notre conflit. Il est temps de nous orienter vers une politique d’équilibre des grandes puissances p
1043 Il est temps de nous orienter vers une politique d’ équilibre des grandes puissances psychologiques, dans les masses, à l’
1044 s, races inférieures, besoins religieux qualifiés de superstitions. 10. L’expression psychological warfare est devenue co
1045 ogical warfare est devenue courante dans les pays de langue anglaise. 11. Type d’argument que l’on peut opposer à ce qui
1046 rante dans les pays de langue anglaise. 11. Type d’ argument que l’on peut opposer à ce qui précède, afin de tuer dans l’œ
1047 précède, afin de tuer dans l’œuf toute tentative d’ analyse féconde : « Avouez tout de même que nos régimes actuels, si im
1048 tes, en politique, il s’agira toujours, au mieux, de moindres maux. Mais la question est de savoir si le prétendu moindre
1049 au mieux, de moindres maux. Mais la question est de savoir si le prétendu moindre mal que l’on défend n’est pas simplemen
1050 mal que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits de la psychologie rationaliste ont été patents dans la morale sexuelle e
1051 riage au siècle dernier ; ou lorsqu’il s’agissait d’ apprécier le rôle du sacré, l’âme collective, la création artistique,
1052 ve, la création artistique, l’importance relative de l’argent et du travail, les dogmes chrétiens, etc., etc. m. Rougemo
1053 dogmes chrétiens, etc., etc. m. Rougemont Denis de , « Quelle guerre cruelle », L’Arche, Alger, octobre–novembre 1944, p.
12 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
1054 né par les Italiens à l’une des figures du paquet de 78 cartes tel qu’il existait au xiiie siècle. Ce nom fut attribué pa
1055 à l’un des moments les plus violemment poétiques de l’histoire de France. Ces cartes à fond doré, à bord d’argent, ne por
1056 ments les plus violemment poétiques de l’histoire de France. Ces cartes à fond doré, à bord d’argent, ne portent ni inscri
1057 istoire de France. Ces cartes à fond doré, à bord d’ argent, ne portent ni inscriptions ni nombres, et s’inspirent de modèl
1058 ortent ni inscriptions ni nombres, et s’inspirent de modèles vénitiens. Dix-sept d’entre elles sont conservées à la Biblio
1059 lles sont conservées à la Bibliothèque Nationale. D’ un autre jeu, faussement attribué à Mantegna, et daté de 1400, subsist
1060 utre jeu, faussement attribué à Mantegna, et daté de 1400, subsistent aujourd’hui quatre exemplaires de 50 cartes chacun.
1061 e 1400, subsistent aujourd’hui quatre exemplaires de 50 cartes chacun. Ce jeu se compose de cinq séries de 10 cartes, nomm
1062 xemplaires de 50 cartes chacun. Ce jeu se compose de cinq séries de 10 cartes, nommées les Conditions de la vie, les Muses
1063 0 cartes chacun. Ce jeu se compose de cinq séries de 10 cartes, nommées les Conditions de la vie, les Muses, les Arts libé
1064 cinq séries de 10 cartes, nommées les Conditions de la vie, les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste.
1065 séries de 10 cartes, nommées les Conditions de la vie , les Muses, les Arts libéraux, les Vertus, le Système céleste. Michel
1066 ste. Michel-Ange est supposé avoir inventé un jeu de tarot pour enseigner l’arithmétique. Et Gargantua jouait au « Tarau »
1067 rau » selon Rabelais. Au xve siècle, l’invention de l’imprimerie multiplia les cartes en circulation, mais jusqu’au xviii
1068 chez les princes et chez les gipsys, tout en haut de l’échelle sociale et tout en bas, passe-temps noble et magique ou rit
1069 ut en bas, passe-temps noble et magique ou rituel de science maudite, et prêtant aux abus les plus puérils ou les plus dém
1070 lieu du xviiie siècle, l’occultiste suisse Court de Gébelin émit l’hypothèse que le tarot dérivait du Livre de Toth, livr
1071 n émit l’hypothèse que le tarot dérivait du Livre de Toth, livre sacré de l’Égypte. Mais il crut aussi en retrouver les éq
1072 e le tarot dérivait du Livre de Toth, livre sacré de l’Égypte. Mais il crut aussi en retrouver les équivalents dans une in
1073 équivalents dans une inscription chinoise, datant de 1120, et dans les tablettes hindoues représentant les avatars de Vish
1074 s les tablettes hindoues représentant les avatars de Vishnu. L’origine égyptienne du tarot est soutenue par Etteilla, dont
1075 utenue par Etteilla, dont nous allons parler, par d’ Odoucet son premier disciple, et par Éliphas Levi. Elle a été contesté
1076 ascendance hindoue. Or nous possédons des cartes de tarot plus anciennes, comme on vient de le voir. Les origines du taro
1077 teur, en rendant justice au génie et à la science de Court de Gébelin, terrassa ce que ce grave antiquaire avait transcrit
1078 rendant justice au génie et à la science de Court de Gébelin, terrassa ce que ce grave antiquaire avait transcrit dans son
1079 un amateur qui, lui-même, n’avait pu copier l’art de tirer les cartes, dont il est question, que d’après sa cuisinière. I
1080 sa cuisinière. Il était perruquier et se nommait de son vrai nom, Alliette. Il redécouvrit le tarot pendant la seconde mo
1081 rprétations sont hasardeuses, mais il a le mérite d’ en avoir proposées. Ses disciples, dont le plus grand fut Éliphas Lévi
1082 ’abbé Alphonse Louis Constant), ne se privent pas de dénoncer ses erreurs, mais se montrent enclins aux mêmes complaisance
1083 isances interprétatives que le maître. La lecture de leurs textes est généralement exaspérante, à cause de leur propension
1084 ne 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame n’a pas de nombre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin d
1085 e zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schin de l’alphabet hébreu… Le véritable 21 est aussi 22, ainsi que nous le ve
1086 fin notre zéro, et voici son intéressante analyse de ce nombre. (Elie Alta, Le Tarot égyptien, ou Etteilla restitué, Vichy
1087 ssent avoir été aussi nombreuses que les familles d’ esprits, les hérésies chrétiennes, ou les écoles marxistes. Non moins
1088 rot représente le Monde : on peut le voir de plus d’ une façon. A) Pays. Citons Elie Alta : Etteilla a composé un jeu dans
1089 ts, mais malgré ces changements on peut se servir de son jeu. Il est préférable d’employer les suivants, mais en numérotan
1090 s on peut se servir de son jeu. Il est préférable d’ employer les suivants, mais en numérotant les arcanes mineurs : 1. Le
1091 s en numérotant les arcanes mineurs : 1. Le tarot de Marseille où les arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot suisse de
1092 arcanes majeurs sont exacts ; 2. Le tarot suisse de Schaffhouse ; 3. Le tarot italien où seulement deux arcanes sont diff
1093 chose, car Jupiter étant symboliquement principe de vie, fait fonction de Dieu dans l’Humanité ; (b) La papesse, remplacé
1094 ose, car Jupiter étant symboliquement principe de vie , fait fonction de Dieu dans l’Humanité ; (b) La papesse, remplacée pa
1095 ant symboliquement principe de vie, fait fonction de Dieu dans l’Humanité ; (b) La papesse, remplacée par Junon qui est l’
1096 emplacée par Junon qui est l’espace ou sanctuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui es
1097 ée par Junon qui est l’espace ou sanctuaire de la vie , ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est entiè
1098 la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est entièrement défiguré, mais qui peut également serv
1099 s. En France nous trouvons difficilement le tarot de Marseille. La Maison Grimaud l’a remplacé par le tarot italien ; celu
1100 Grimaud l’a remplacé par le tarot italien ; celui de Schaffhouse ne se trouve qu’en Suisse, de même celui de Francfort en
1101 affhouse ne se trouve qu’en Suisse, de même celui de Francfort en Allemagne ; ils n’ont pas droit d’entrée en France. Quan
1102 i de Francfort en Allemagne ; ils n’ont pas droit d’ entrée en France. Quant à celui d’Etteilla, on le trouve partout. (E. 
1103 n’ont pas droit d’entrée en France. Quant à celui d’ Etteilla, on le trouve partout. (E. Alta, op. cit., p. 27). B) Dessin
1104 l’on peut dire, car leur vente est interdite dans de nombreux pays), s’inspirent de modèles du xviiie siècle avec plus ou
1105 est interdite dans de nombreux pays), s’inspirent de modèles du xviiie siècle avec plus ou moins de fidélité. Défaut cour
1106 t de modèles du xviiie siècle avec plus ou moins de fidélité. Défaut courant : une simplification intempérante des symbol
1107 s à la suite de cet article, les unes selon Court de Gébelin, les autres selon des modèles plus anciens, restitués par l’é
1108 ciens, restitués par l’érudition. Et depuis Court de Gébelin, la décadence s’est accentuée. On trouve même aujourd’hui des
1109 accentuée. On trouve même aujourd’hui des cartes de tarot à figures redoublées (tête en haut et tête en bas) à l’instar d
1110 s (tête en haut et tête en bas) à l’instar du jeu de cartes moderne. C’est un abus inqualifiable, si l’on sait que l’inter
1111 inqualifiable, si l’on sait que l’interprétation de chaque lame ou arcane majeur peut être profondément différente selon
1112 e ou renversée. Il en résulte aussi que le manque de place, dans le cas d’une figure doublée, oblige le dessinateur à expu
1113 résulte aussi que le manque de place, dans le cas d’ une figure doublée, oblige le dessinateur à expulser de la carte les s
1114 figure doublée, oblige le dessinateur à expulser de la carte les symboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau de l’imm
1115 s symboles qu’il juge superflus (tel que l’oiseau de l’immortalité dans l’arcane 17, petit exemple, ou les lettres T-A-R-O
1116 dans l’arcane 10, c’est-à-dire simplement le sens de la lame — Taro ou Rota — et le nom de Dieu — Jahvé). On voudrait cons
1117 ent le sens de la lame — Taro ou Rota — et le nom de Dieu — Jahvé). On voudrait conseiller au lecteur de détruire radicale
1118 Dieu — Jahvé). On voudrait conseiller au lecteur de détruire radicalement tout jeu de ce genre sur lequel il pourrait met
1119 ller au lecteur de détruire radicalement tout jeu de ce genre sur lequel il pourrait mettre la main, si l’on ne craignait
1120 il pourrait mettre la main, si l’on ne craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tout accidentelle qui s’attache a
1121 des lames reproduites ci-après quelques exemples d’ interprétations fort diverses : il serait aisé (et désirable) de les m
1122 ons fort diverses : il serait aisé (et désirable) de les multiplier à propos de ces mêmes cartes. Peut-être alors une cert
1123 une planète 2. un signe du zodiaque 3. une lettre de l’alphabet hébreu (sens exotérique et sens ésotérique) 4. un nombre (
1124 ent (selon l’alchimie) 6. une couleur 7. une note de musique 8. un nom à quoi l’occultiste Lenain a cru pouvoir ajouter :
1125 . un degré 12. un génie 13. un verset des psaumes de David et les psychanalystes modernes : 14. une des quatre facultés (p
1126 tion, sentiment, sensation) 15. un des archétypes de l’inconscient collectif. De plus, ces significations sont organisées
1127 é à chaque carte des 22 atouts majeurs une lettre de l’alphabet hébreu… Ces lettres ont apporté avec elles les signatures
1128 dernes Les interprètes contemporains diffèrent d’ une manière décourageante quant au parallélisme à établir entre les qu
1129 couleurs des tarots et les quatre couleurs du jeu de cartes moderne. Bornons-nous à livrer à l’étude du lecteur les hypoth
1130 arot) : les Bâtons du Tarot = les Carreaux du jeu de cartes les Coupes = les Cœurs les Épées = les Trèfles les Deniers =
1131 èfles les Deniers = les Piques Selon les tarots de Francfort : Bâtons = Carreaux Coupes = Cœurs Épées = Piques Deniers =
1132 rs = Pique = Sensation = Terre Enfin, selon R. M. de Marinis (dans un ouvrage à paraître en 1945) : Bâtons = Trèfle = Sexu
1133 Âge, et quelques-unes des situations élémentaires de l’existence, signifiées par allégories. Il n’en est rien. Tout est sy
1134 le dessin est exact. Et ces symboles, à l’examen d’ une attention qui consent à se laisser docilement absorber, ne tardent
1135 s, tantôt dramatiques, comme le sont les symboles de nos « grands rêves ». De fait, chacun des arcanes majeurs est une app
1136 mme le sont les symboles de nos « grands rêves ». De fait, chacun des arcanes majeurs est une apparition, un grand rêve fi
1137 ixé, et peut être analysé à ce titre. Les figures de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaiss
1138 re analysé à ce titre. Les figures de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de vé
1139 titre. Les figures de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archét
1140 ures de la papesse, de l’empereur, de la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archétypes de l’incon
1141 la Justice, de l’Ermite, nous apparaissent comme de véritables Archétypes de l’inconscient, dans leur immobilité insondab
1142 nous apparaissent comme de véritables Archétypes de l’inconscient, dans leur immobilité insondable et infiniment allusive
1143 ble et infiniment allusive. Cependant que la Roue de Fortune, le, Jugement dernier, la Lune ou la Tour décapitée sont de g
1144 gement dernier, la Lune ou la Tour décapitée sont de grands événements psychiques et cosmiques, tantôt clichés dans leur m
1145 ues et cosmiques, tantôt clichés dans leur moment d’ extrême tension, tantôt largement résumés de leur naissance à leurs po
1146 oment d’extrême tension, tantôt largement résumés de leur naissance à leurs possibles conclusions. Nous pouvons donc consi
1147 anes majeurs du tarot comme un véritable Alphabet de la grande poésie universelle. Leur attribuer un auteur, une date fixe
1148 t méconnaître leur nature. Les arcanes sont issus de la nuit des Mères, et de l’Underground éternel. Peut-être même faudra
1149 . Les arcanes sont issus de la nuit des Mères, et de l’Underground éternel. Peut-être même faudrait-il voir dans les lames
1150 voir dans les lames les plus anciennes les signes d’ un langage secret, communiquant sous la forme anodine d’un jeu, les do
1151 angage secret, communiquant sous la forme anodine d’ un jeu, les doctrines manichéennes de la secte des cathares ou albigeo
1152 orme anodine d’un jeu, les doctrines manichéennes de la secte des cathares ou albigeois, persécutée par l’inquisition. (La
1153 a en 1209.) Les troubadours cathares, initiateurs de toute la poésie occidentale, auraient pris le maquis dans plusieurs p
1154 is dans plusieurs pays, mais n’auraient pas cessé de répandre leur croyance et leur sagesse par l’entremise des tireurs de
1155 yance et leur sagesse par l’entremise des tireurs de cartes. Cette hypothèse a été formulée par le grand indianiste Heinri
1156 quelques pages remarquables sur « Le Fou ». 6. De l’usage des tarots Nous avons pris l’habitude de considérer les ta
1157 l’usage des tarots Nous avons pris l’habitude de considérer les tarots avant tout comme un moyen de divination de l’av
1158 e considérer les tarots avant tout comme un moyen de divination de l’avenir. Si l’on en croit les plus récents travaux, ce
1159 es tarots avant tout comme un moyen de divination de l’avenir. Si l’on en croit les plus récents travaux, ceux en particul
1160 ravaux, ceux en particulier du professeur Tassin, de Columbia, et de Paul Foster Case, le tarot aurait été, originellement
1161 particulier du professeur Tassin, de Columbia, et de Paul Foster Case, le tarot aurait été, originellement, une méthode de
1162 le tarot aurait été, originellement, une méthode de psychothérapie comparable à notre psychanalyse. Ses lames seraient en
1163 psychanalyse. Ses lames seraient en vérité autant de thèmes de méditations prolongées — la cure ou yoga durait plusieurs a
1164 se. Ses lames seraient en vérité autant de thèmes de méditations prolongées — la cure ou yoga durait plusieurs années — et
1165 ait plusieurs années — et marqueraient les étapes d’ une « voie hermétique » aboutissant à la réalisation intime du Grand Œ
1166 time du Grand Œuvre des alchimistes. Il s’agirait de passer, à travers ce yoga, de l’illusion à la réalité, et des choses
1167 istes. Il s’agirait de passer, à travers ce yoga, de l’illusion à la réalité, et des choses telles qu’elles nous apparaiss
1168 elles sont. Les 22 arcanes décriraient l’histoire de l’homme qui part dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à
1169 écriraient l’histoire de l’homme qui part dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à la connaissance de soi et du
1170 un Fol (arcane zéro) et aboutit à la connaissance de soi et du Monde (arcane 21) en passant par tous les stades du dévelop
1171 ades du développement collectif, puis individuel, de la psyché humaine. Chacune des cartes était utilisée par l’étudiant
1172 utilisée par l’étudiant en occultisme comme sujet de méditations et de contemplation, au cours d’exercices poursuivis aux
1173 diant en occultisme comme sujet de méditations et de contemplation, au cours d’exercices poursuivis aux fins d’arriver à l
1174 ujet de méditations et de contemplation, au cours d’ exercices poursuivis aux fins d’arriver à l’illumination. L’avantage p
1175 plation, au cours d’exercices poursuivis aux fins d’ arriver à l’illumination. L’avantage particulier de cette technique, c
1176 ’arriver à l’illumination. L’avantage particulier de cette technique, comparée à d’autres, résidait dans le fait qu’elle c
1177 résidait dans le fait qu’elle combinait plusieurs modes d’entraînement dans une seule activité. Ainsi, tandis que l’étudiant
1178 it dans le fait qu’elle combinait plusieurs modes d’ entraînement dans une seule activité. Ainsi, tandis que l’étudiant app
1179 orrélations entre les idées abstraites. Le schème d’ études était en général le suivant : l’étudiant commençait par la cont
1180 vant : l’étudiant commençait par la contemplation d’ une carte isolée, puis il la reliait graduellement à d’autres cartes,
1181 maîtres. Terminons sur une anecdote. Le lendemain de la libération de Paris, le peintre Emlen Etting, attaché aux forces a
1182 s sur une anecdote. Le lendemain de la libération de Paris, le peintre Emlen Etting, attaché aux forces américaines, et so
1183 s Allemands. Au milieu du désordre indescriptible de la salle du Sénat, meubles brisés, papiers épars, une table au tapis
1184 jetées comme par la main du destin » une séquence de lames de tarot. Dernier message des occupants. Message suspect, ajout
1185 mme par la main du destin » une séquence de lames de tarot. Dernier message des occupants. Message suspect, ajouterons-nou
1186 Message suspect, ajouterons-nous : il s’agissait de cartes allemandes portant au lieu des coupes, bâtons, deniers, épées 
1187 lands. Le Fou, arcane 0 a) Interprétation d’ Elie Alta d’après Etteilla : Le grelot de la Folie s’adapte indist
1188 tion d’Elie Alta d’après Etteilla : Le grelot de la Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de notre chaîne.
1189 Folie s’adapte indistinctement à tous les anneaux de notre chaîne. La surface entière du globe (le 0) n’est que le théâtre
1190 face entière du globe (le 0) n’est que le théâtre de nos extravagances. Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage l’emblème d’
1191 . Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage l’emblème d’ un voyageur, qui symbolise l’homme. Cette vie n’est qu’un court trajet
1192 blème d’un voyageur, qui symbolise l’homme. Cette vie n’est qu’un court trajet dont nous pouvons adoucir les peines en nous
1193 distraction, nullité, vain. b) Interprétation de E. Whitney, d’après diverses traditions : Vue sous un certain ang
1194 arcane à la fin du jeu) cette carte est une image de l’inconscience, des occasions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou,
1195 image de l’inconscience, des occasions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans ré
1196 de l’inconscience, des occasions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résistanc
1197 l’inconscience, des occasions manquées, de la vie d’ illusion. Le Fou, dans ce sens, est la passion subie sans résistance,
1198 ce sens, est la passion subie sans résistance, la vie vécue au niveau animal. Rien n’a été appris ou gagné par la traversée
1199 a été appris ou gagné par la traversée du Jeu. La vie a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme de c
1200 e, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. Waite, le
1201 ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sous l’angle de A. E. Waite, le Fou est un homme richement habillé, portant une rose
1202 pour contempler l’espace au-dessous et au-dessus de lui. L’abîme ne lui inspire pas de terreur. Son visage est plein d’in
1203 s et au-dessus de lui. L’abîme ne lui inspire pas de terreur. Son visage est plein d’intelligence, de rêve et d’attente. C
1204 lui inspire pas de terreur. Son visage est plein d’ intelligence, de rêve et d’attente. C’est un prince de l’autre monde e
1205 de terreur. Son visage est plein d’intelligence, de rêve et d’attente. C’est un prince de l’autre monde en voyage ici-bas
1206 . Son visage est plein d’intelligence, de rêve et d’ attente. C’est un prince de l’autre monde en voyage ici-bas. Sous cet
1207 telligence, de rêve et d’attente. C’est un prince de l’autre monde en voyage ici-bas. Sous cet aspect, il est la conscienc
1208 aspect, il est la conscience individuelle libérée de l’illusion, et poursuivant sa route sans craindre les dangers que cou
1209 nde, symbolisé par le cercle, il est l’expression de la volonté d’individuation dans l’homme. Du point de vue de l’égo, ce
1210 par le cercle, il est l’expression de la volonté d’ individuation dans l’homme. Du point de vue de l’égo, cette quête n’es
1211 nté d’individuation dans l’homme. Du point de vue de l’égo, cette quête n’est que folie et non-sens. c) Interprétation
1212 folie et non-sens. c) Interprétation moderne de B. McM. Hazard (résumé) La clef 0 doit exprimer un état de prépar
1213 zard (résumé) La clef 0 doit exprimer un état de préparation, avant la conscience et l’individuation. Les symboles de
1214 nt la conscience et l’individuation. Les symboles de la carte le confirment : le grand soleil blanc, en haut à droite, con
1215 ifférenciées ; la couleur jaune du fond est celle de l’intellect, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint
1216 a couleur jaune du fond est celle de l’intellect, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternell
1217 jaune du fond est celle de l’intellect, de l’air, de la respiration ; le Fou lui-même est peint comme l’Éternelle Jeunesse
1218 Éternelle Jeunesse, prête à pénétrer dans l’abîme de la manifestation terrestre. Il porte les deux symboles féminin et mas
1219 du grand tétragramme hébreu, le nom imprononçable de Dieu, J H V H. Par-dessus cette robe, il porte la cape noire de l’ign
1220 H. Par-dessus cette robe, il porte la cape noire de l’ignorance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée de trèfles ver
1221 be, il porte la cape noire de l’ignorance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée de trèfles verts — la nature créatric
1222 orance, bordée de rouge — c’est le désir —, ornée de trèfles verts — la nature créatrice — et de disques jaunes sur lesque
1223 ornée de trèfles verts — la nature créatrice — et de disques jaunes sur lesquels sont brodées des roues rouges à 8 rayons,
1224 ines, vallées et montagnes indiquées dans le fond de cette carte, jusqu’à ce qu’il revienne au grand soleil ou « Père » do
1225 t, ou animal, ou même abstraction, dans une suite de symboles qui expriment d’abord les archétypes de l’homme collectif, p
1226 de symboles qui expriment d’abord les archétypes de l’homme collectif, puis les symboles plus subjectifs de l’homme indiv
1227 omme collectif, puis les symboles plus subjectifs de l’homme individualisé. d) Interprétation de Heinrich Zimmer (extr
1228 s de l’homme individualisé. d) Interprétation de Heinrich Zimmer (extraite d’un ouvrage posthume, non encore publié)
1229 d) Interprétation de Heinrich Zimmer (extraite d’ un ouvrage posthume, non encore publié) Dernière carte de la série
1230 ge posthume, non encore publié) Dernière carte de la série de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qu
1231 non encore publié) Dernière carte de la série de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à
1232 arte de la série de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à une des couleurs… Cette figure s
1233 e de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à une des couleurs… Cette figure solitaire montre
1234 tre un vagabond errant sans but, avec la démarche d’ un fou… et un regard qui perce toutes choses sans s’arrêter à aucune.
1235 exprime le type du pèlerin-sage (selon la sagesse de l’Est) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à un fou, à un men
1236 sage (selon la sagesse de l’Est) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à un fou, à un mendiant, à un hors-caste : ca
1237 aux yeux des autres. Il s’est libéré des systèmes de castes, des hiérarchies sociales. Il n’a plus besoin de la puissance
1238 tes, des hiérarchies sociales. Il n’a plus besoin de la puissance terrestre (les épées) ; des sacrements, rites et prêtres
1239 s) ; du sol et du foyer (les bâtons). Il n’a plus d’ attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’un fol erran
1240 du foyer (les bâtons). Il n’a plus d’attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’un fol errant. Comment a-t-
1241 on poids. Sa réalité visible et tangible continue d’ exister, mais elle a perdu son pouvoir magique. Voici l’expérience du
1242 périence du Fou : le monde extérieur n’a pas plus de signification réelle que l’ego, dont il s’est débarrassé depuis longt
1243 reposer sa tête. Cependant, il ne se sent frustré de rien de tout cela. Il est en union avec l’Univers, sa vraie maison. L
1244 sa tête. Cependant, il ne se sent frustré de rien de tout cela. Il est en union avec l’Univers, sa vraie maison. L’univers
1245 divin, dans son essence transcendantale, au-delà de tout changement ou forme, se trouve être aussi son essence propre. Ca
1246 est la coincidentia oppositorum. La forme suprême de cette union est Dieu, déployant constamment son essence dans les aspe
1247 éployant constamment son essence dans les aspects de l’univers et de ses créatures, et cependant restant le « Dieu caché »
1248 ment son essence dans les aspects de l’univers et de ses créatures, et cependant restant le « Dieu caché », deus abscondit
1249 fol errant voit en toutes choses la manifestation de Dieu, c’est-à-dire de lui-même, et en même temps il voit à travers to
1250 tes choses la manifestation de Dieu, c’est-à-dire de lui-même, et en même temps il voit à travers toutes les choses : elle
1251 nivers, et toutes ses richesses, qui ne sont rien d’ autre que le déploiement de sa propre nature. Vous pourrez donc le tra
1252 sses, qui ne sont rien d’autre que le déploiement de sa propre nature. Vous pourrez donc le traiter de fou. Il l’est en ef
1253 de sa propre nature. Vous pourrez donc le traiter de fou. Il l’est en effet, mais il n’est pas un lunatique quelconque, un
1254 as un lunatique quelconque, un idiot ou un simple d’ esprit. C’est ce qu’il paraît. Si quelque étranger aux habits sales et
1255 t-Esprit ! » — la plupart d’entre vous, sans plus d’ enquête, le conduiraient tranquillement à l’asile. C’est pourquoi le p
1256 rrer ses lèvres et à révéler le scandaleux secret de sa perfection. Dans la sagesse du Saint-Esprit incarné, il passe, étr
1257 toutes choses, il ne lui reste plus qu’à feindre de n’être rien. Et de même, il convient que la séquence des arcanes, grâ
1258 plissement, apparaisse simplement comme une série de cartes à jouer plutôt bizarres et démodées… Le Parfait sous l’aspect
1259 ôt bizarres et démodées… Le Parfait sous l’aspect d’ un fol errant, a dépassé la possibilité d’être aucune des réalités par
1260 ’aspect d’un fol errant, a dépassé la possibilité d’ être aucune des réalités particulières exprimées par les quatre couleu
1261 pourquoi, prenons garde, s’il nous advient jamais de rencontrer quelqu’un qui ne soit rien, ni homme d’affaires, ni profes
1262 en, ni homme d’affaires, ni professeur, ni garçon d’ ascenseur, — quelqu’un qui ne professe aucune profession, un spirituel
1263 il y condescendait, il pourrait bien être capable de nous révéler le dernier mot sur les symboles du tarot ! La Roue d
1264 rnier mot sur les symboles du tarot ! La Roue de Fortune, arcane 10 a) Interprétation d’Elie Alta, d’après Etteil
1265 Roue de Fortune, arcane 10 a) Interprétation d’ Elie Alta, d’après Etteilla : La lettre Iod se rapporte à la plupa
1266 la plupart des idées du nombre 10. Elle a le sens de main, les deux mains, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation
1267 manifestation qui va se produire, la potentialité d’ un événement. Idée d’eau, de liquide. Astrologie. La Vierge, maison d
1268 se produire, la potentialité d’un événement. Idée d’ eau, de liquide. Astrologie. La Vierge, maison de Mercure. On y consi
1269 uire, la potentialité d’un événement. Idée d’eau, de liquide. Astrologie. La Vierge, maison de Mercure. On y considère la
1270 d’eau, de liquide. Astrologie. La Vierge, maison de Mercure. On y considère la santé, si l’absent se porte bien… On deman
1271 le représente une roue sur son axe, elle entraîne d’ un côté un singe, un lapin ou un diable, et de l’autre côté un homme.
1272 îne d’un côté un singe, un lapin ou un diable, et de l’autre côté un homme. Elle nous indique simplement le mouvement de l
1273 homme. Elle nous indique simplement le mouvement de la vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au somm
1274 . Elle nous indique simplement le mouvement de la vie dans tous les règnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet de l
1275 ègnes, — leur destinée. Le sphinx placé au sommet de la roue, figure la loi universelle des transmutations matérielles ou
1276 ce, végétation, production. b) Interprétation de B. McM. Hasard (résumé) : La clef 10 termine le cycle collectif et
1277 ctif et inaugure le cycle individuel. Aux 4 coins de la carte, les figures symboliques — un homme, ou ange, un lion, un ta
1278 ion, Sagittaire, Bélier). Rappelons les 4 parties de l’homme : Corps (Terre), Émotions (Eau), Intelligence (Air), Esprit (
1279 tragramme. Ces 4 symboles cosmiques sont entourés de nuages de tempête suggérant les luttes nécessaires pour arriver à les
1280 Ces 4 symboles cosmiques sont entourés de nuages de tempête suggérant les luttes nécessaires pour arriver à les harmonise
1281 entre les éléments seront équilibrées. Au centre de la carte, un large cercle orangé indique que le Grand Œuvre est une a
1282 la manifestation parfaite, résultant du mouvement de 2 roues de 4 rayons tournant en sens inverse l’une de l’autre : équil
1283 ation parfaite, résultant du mouvement de 2 roues de 4 rayons tournant en sens inverse l’une de l’autre : équilibre entre
1284 roues de 4 rayons tournant en sens inverse l’une de l’autre : équilibre entre les aspects positifs et négatifs des 4 inst
1285 Dissolution (Émotions). L’autre roue ne porte pas de signes, mais il se peut qu’elle en ait porté autrefois. À l’extrémité
1286 eut qu’elle en ait porté autrefois. À l’extrémité de chacun des rayons de la première roue est placée une des lettres du m
1287 rté autrefois. À l’extrémité de chacun des rayons de la première roue est placée une des lettres du mot T A R O, qui doit
1288  R O, qui doit se lire dans le sens des aiguilles d’ une montre. À l’extrémité de chacun des rayons de la seconde roue, son
1289 le sens des aiguilles d’une montre. À l’extrémité de chacun des rayons de la seconde roue, sont les lettres Yod, Heh, Vav,
1290 d’une montre. À l’extrémité de chacun des rayons de la seconde roue, sont les lettres Yod, Heh, Vav, Heh, qui doivent êtr
1291 i doivent être lues en sens inverse des aiguilles d’ une montre, étant hébraïques. La division quaternaire du cosmos se ret
1292 aire du cosmos se retrouve ici au plus bas niveau de la conscience, encore solaire et collective (symboles abstraits). Aut
1293 pent, le Sphinx, l’Anubis, représentent le niveau de la conscience collective humaine. Le Serpent est jaune (activité de l
1294 ollective humaine. Le Serpent est jaune (activité de l’intellect) dirigé vers le bas (involution dans la matière) et ondul
1295 n dans la matière) et ondulant (action vibratoire de l’intellect créateur). L’Anubis, ou Hermanubis, mi-loup mi-homme, col
1296 i-loup mi-homme, coloré en rouge (désir), s’élève de la matière et évolue vers le Père : c’est l’homme qui s’éveille des p
1297 commence à monter vers l’appel du Sphinx, symbole de l’homme parfait ou conscient et individualisé. Le Sphinx est bleu (sp
1298 s : équilibre des contradictions. Il tient l’épée de la discrimination. Son corps est mi-féminin, mi-léonin, hermaphrodite
1299 jeu des tarots, Paris, 1781. Etteilla : Manière de se récréer avec le jeu de cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985
1300 81. Etteilla : Manière de se récréer avec le jeu de cartes nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de Thot. M.
1301 nommées tarots, Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de Thot. M. M. D’Odoucet : Science des signes, ou médecine de l’esprit,
1302 Amsterdam, 1783-1985. — Le Livre de Thot. M. M. D’ Odoucet : Science des signes, ou médecine de l’esprit, connue sous le
1303 M. M. D’Odoucet : Science des signes, ou médecine de l’esprit, connue sous le nom d’art de tirer les cartes, Paris, 1793.
1304 gnes, ou médecine de l’esprit, connue sous le nom d’ art de tirer les cartes, Paris, 1793. William A. Chatto : Facts and Sp
1305 ou médecine de l’esprit, connue sous le nom d’art de tirer les cartes, Paris, 1793. William A. Chatto : Facts and Speculat
1306 rds, London, 1848. Éliphas Lévi : Dogme et rituel de la haute magie, 1860 — Clefs majeures et clavicules de Salomon, 1895.
1307 haute magie, 1860 — Clefs majeures et clavicules de Salomon, 1895. — Le Grand Arcane, 1898. — Transcendental Magic, New Y
1308 b of New York City, 1942.) n. Rougemont Denis de , « Présentation du tarot », Hémisphères, New York, 1945, p. 31-43.
13 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
1309 omanesque (1944-1945)i La rhétorique est l’art de persuader. L’ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’art de par
1310 ignorance ou l’abus en ont fait aujourd’hui l’art de parler pour ne rien dire. Rhétorique est devenue synonyme d’éloquence
1311 our ne rien dire. Rhétorique est devenue synonyme d’ éloquence creuse et de clichés. J’en parlerai dans un tout autre sens.
1312 orique est devenue synonyme d’éloquence creuse et de clichés. J’en parlerai dans un tout autre sens. Je voudrais désigner
1313 ble des règles du jeu dans l’art. Feraient partie de la rhétorique des éléments aussi divers que les lois de composition d
1314 rhétorique des éléments aussi divers que les lois de composition d’un tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois de
1315 éléments aussi divers que les lois de composition d’ un tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois de l’harmonie et
1316 tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois de l’harmonie et du contrepoint ; les genres musicaux et littéraires ; l
1317 genres musicaux et littéraires ; les conventions de l’opéra et de la danse ; les personnages constants du théâtre ; les o
1318 ux et littéraires ; les conventions de l’opéra et de la danse ; les personnages constants du théâtre ; les ouvertures, lev
1319 ges constants du théâtre ; les ouvertures, levers de rideau, préfaces, finales, épilogues et points d’orgue ; la règle des
1320 de rideau, préfaces, finales, épilogues et points d’ orgue ; la règle des trois unités ; les transitions, récitatifs, coups
1321 trois unités ; les transitions, récitatifs, coups de théâtre et contrastes ménagés ; le nombre fixe des syllabes dans un v
1322 rt, aux grandes époques. Artiste était celui qui, de ces règles, savait tirer sa liberté. L’inspiration passait par ces ca
1323 étant connues, amateurs et critiques disposaient d’ une mesure commune avec le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfact
1324 le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfacture d’ une œuvre, et faire la part de l’invention par déduction de la coutume
1325 imer la bienfacture d’une œuvre, et faire la part de l’invention par déduction de la coutume. Presque tous ces critères ef
1326 re, et faire la part de l’invention par déduction de la coutume. Presque tous ces critères effacés ou perdus, notre époque
1327 ffacés ou perdus, notre époque ne sait plus juger d’ une œuvre. Elle tient la rhétorique et ses figures pour arbitraires, a
1328 elles devenues.) Mais dès l’instant où les règles d’ un jeu cessent d’être respectées comme absolues, qui pourrait désigner
1329 Mais dès l’instant où les règles d’un jeu cessent d’ être respectées comme absolues, qui pourrait désigner le gagnant ? Tri
1330 concentrer votre esprit pendant plusieurs minutes de recherches intenses ; les témoins avertis sauront immédiatement si vo
1331 res. Elles traduisent des relations constitutives de notre corps, de la psyché et du Cosmos. La régularité et l’alternance
1332 isent des relations constitutives de notre corps, de la psyché et du Cosmos. La régularité et l’alternance de la respirati
1333 syché et du Cosmos. La régularité et l’alternance de la respiration, des nuits et des saisons, sont nécessaires à notre vi
1334 es nuits et des saisons, sont nécessaires à notre vie , comme les cadences et les contrastes composés sont vitaux pour nos œ
1335 s contrastes composés sont vitaux pour nos œuvres d’ art. Au surplus, les figures de la rhétorique considérées dans toute l
1336 ux pour nos œuvres d’art. Au surplus, les figures de la rhétorique considérées dans toute la variété des arts, ne sont pas
1337 l’affleurement ou que la fixation des archétypes de l’inconscient, tels qu’un Jung put les retrouver dans les symboles de
1338 cours des âges et sur les points les plus divers de la planète. Les romantiques allemands l’ont soupçonné : Jean-Paul inv
1339 he le vrai point, lorsque, risquant un assemblage de mots qui devait paraître, de son temps, le plus scandaleusement parad
1340 squant un assemblage de mots qui devait paraître, de son temps, le plus scandaleusement paradoxal, il n’hésite pas à nous
1341 oxal, il n’hésite pas à nous parler des artifices d’ une « rhétorique profonde ». Au milieu du xviiie siècle, trois phéno
1342 curieux sollicitent l’attention : l’enseignement de la rhétorique entre en décadence, cependant que le journalisme fait s
1343 e s’introduit dans les romans. Conjonction lourde de présages. Quelques années plus tard éclate la Terreur, balayant les s
1344 perdu le sens, pour instaurer le culte dépouillé de la Raison. La terreur dans les arts vint au siècle suivant. Elle auss
1345 rimes, unités, précautions oratoires et procédés de composition. Mais elle alla plus loin. Elle déclara que la rhétorique
1346 lle ne vit que recettes et artifices, et commanda de les éliminer. De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’ins
1347 cettes et artifices, et commanda de les éliminer. De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’inspiration pure, co
1348 Abandonné à l’inspiration pure, comme la colombe de Kant qui s’imagine qu’elle volerait mieux dans le vide, l’artiste cru
1349 re. Le sociologue et le photographe l’observaient d’ un œil ironique. La naissance, le triomphe et le déclin du roman comm
1350 t à merveille ces brèves indications sur l’office de la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origine du rom
1351 ations sur l’office de la rhétorique et le danger de l’écarter à la légère. L’origine du roman est dans le conte. La socié
1352 récits mémorables destinés à fixer des événements de l’âme ou du Cosmos dans un jeu de personnages et d’aventures très sim
1353 des événements de l’âme ou du Cosmos dans un jeu de personnages et d’aventures très simples. Le mythe se développe en lég
1354 l’âme ou du Cosmos dans un jeu de personnages et d’ aventures très simples. Le mythe se développe en légende, et la légend
1355 . L’épopée perpétue ensuite le souvenir des héros de la tribu. Mais à mesure que les dieux prennent figure d’hommes, que l
1356 ribu. Mais à mesure que les dieux prennent figure d’ hommes, que les statues se mettent à ressembler aux hommes, que l’homm
1357 nt de plus en plus son propre centre et son sujet d’ étonnement favori, le mythe se rapproche de l’histoire. Il gagne en in
1358 sujet d’étonnement favori, le mythe se rapproche de l’histoire. Il gagne en intérêt tout ce qu’il perd en magie. Naît alo
1359 magie. Naît alors le récit en prose, illustration de vérités morales communes à l’élite d’une société donnée. Nous avons f
1360 llustration de vérités morales communes à l’élite d’ une société donnée. Nous avons fait, en quelques lignes, tout le chemi
1361 tout le chemin qui sépare les premiers chapitres de la genèse d’un roman comme L’Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’un
1362 in qui sépare les premiers chapitres de la genèse d’ un roman comme L’Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’un rêve éveillé
1363 irement du conte. Aussitôt, on le voit se gonfler de psychologie, de lyrisme, d’histoire, de politique, de documentation.
1364 . Aussitôt, on le voit se gonfler de psychologie, de lyrisme, d’histoire, de politique, de documentation. Commence alors l
1365 on le voit se gonfler de psychologie, de lyrisme, d’ histoire, de politique, de documentation. Commence alors l’inflation r
1366 e gonfler de psychologie, de lyrisme, d’histoire, de politique, de documentation. Commence alors l’inflation romanesque, d
1367 sychologie, de lyrisme, d’histoire, de politique, de documentation. Commence alors l’inflation romanesque, dont le plus gr
1368 égende, et même l’épopée, étaient créations pures de l’imagination. Et l’on ne sait plus si le roman est une pseudo-scienc
1369 ou un faux art. Regardons de plus près ce passage de l’invention réelle au réalisme allégué. Le terroriste détruit ce qui
1370 é. Le terroriste détruit ce qui soutenait l’envol de l’imagination librement vraie : il détruit les figures convenues, les
1371 étruit les figures convenues, les rites constants de l’illusion, dont le conteur connaissait les pouvoirs. Il ne lui reste
1372 nir que des objets à exprimer, non pas des moyens d’ expression. Mieux on l’imite et plus on s’écarte de l’art. Avec une in
1373 ’expression. Mieux on l’imite et plus on s’écarte de l’art. Avec une incroyable étourderie, certains demandent alors un « 
1374 dent alors un « art vivant ». Comme si les règles d’ un jeu devaient être vivantes ! Plus personne ne pourrait jouer2. Le j
1375 jeu ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure de la fixité même de ses règles indiscutées. L’art consistait jadis à do
1376 t et passionnant qu’à la mesure de la fixité même de ses règles indiscutées. L’art consistait jadis à donner sens aux prop
1377 t consistait jadis à donner sens aux propositions de la vie. Ses règles émergeaient de la nature profonde, elles prolongea
1378 istait jadis à donner sens aux propositions de la vie . Ses règles émergeaient de la nature profonde, elles prolongeaient la
1379 ux propositions de la vie. Ses règles émergeaient de la nature profonde, elles prolongeaient la nature naturante, au lieu
1380 t-on le sens profond des choses et des événements de la vie, en décalquant le désordre varié des objets ou des sentiments 
1381 e sens profond des choses et des événements de la vie , en décalquant le désordre varié des objets ou des sentiments ? Par l
1382 duire après Balzac. Le roman pousse deux branches d’ importance inégale. La première est la monographie : Adolphe, Obermann
1383 e lecteur s’il se retrouve dans le héros. La part de l’art y est réduite à celle du style. L’autre branche sera celle du r
1384 se déchaîner la chasse impitoyable aux artifices de la fabulation. Maintenant, le romancier prétend décrire. Il s’excuse
1385 tenant, le romancier prétend décrire. Il s’excuse d’ imaginer. Il ambitionne de conformer son art aux « lois de la vie », n
1386 nd décrire. Il s’excuse d’imaginer. Il ambitionne de conformer son art aux « lois de la vie », non plus aux procédés du co
1387 er. Il ambitionne de conformer son art aux « lois de la vie », non plus aux procédés du conte. « Le roman, dit M. Jaloux,
1388 ambitionne de conformer son art aux « lois de la vie  », non plus aux procédés du conte. « Le roman, dit M. Jaloux, ne conn
1389 loux, ne connaît d’autres lois que les lois mêmes de la vie. » Cette proposition des plus étranges est reçue sans le moind
1390 ne connaît d’autres lois que les lois mêmes de la vie . » Cette proposition des plus étranges est reçue sans le moindre éton
1391 moderne et par le grand public. Elle rend compte de l’insignifiance, au sens littéral de ce terme, où devait choir fatale
1392 rend compte de l’insignifiance, au sens littéral de ce terme, où devait choir fatalement le roman dès qu’il refusa d’être
1393 devait choir fatalement le roman dès qu’il refusa d’ être fable. Tout l’intérêt du conte, effectivement, tenait aux convent
1394 opportunes. Sa rapidité folle – par rapport à la vie réelle – tenait l’auditeur en haleine ; son rythme était autorité. Le
1395 entiments jusqu’au sublime, proposaient des types de vie haute, et réveillaient des forces endormies. Le conte était le li
1396 iments jusqu’au sublime, proposaient des types de vie haute, et réveillaient des forces endormies. Le conte était le libre
1397 nte était le libre déploiement des réalités mêmes de l’âme, qu’il décrivait en personnages selon certains procédés et figu
1398 rtains procédés et figures surgis des profondeurs de l’être, identiques à ceux du rêve, et crus comme tels avec reconnaiss
1399 us comme tels avec reconnaissance, au double sens de l’expression. Mais que se passe-t-il lorsque le romancier nous fait s
1400 i est, et non plus ce qu’il a inventé ? L’abandon de la rhétorique entraîne deux séries de conséquences qui se révèlent ég
1401 ? L’abandon de la rhétorique entraîne deux séries de conséquences qui se révèlent également ruineuses. 1°) — Le romancier
1402 onteur. Il s’est privé volontairement du bénéfice de « l’art de persuader » traditionnel. Quand, par exemple, le conteur d
1403 s’est privé volontairement du bénéfice de « l’art de persuader » traditionnel. Quand, par exemple, le conteur débutait par
1404 aussitôt chez l’auditeur un état très particulier de réceptivité et de créance. On savait qu’un jeu commençait, amusant ou
1405 diteur un état très particulier de réceptivité et de créance. On savait qu’un jeu commençait, amusant ou profond, et signi
1406 oyait tout : c’était le jeu. Le jeu ne tolère pas de scepticisme. Observez un enfant quand il attend « l’histoire ». Dès q
1407  ». Dès que la formule consacrée tombe des lèvres de la grande personne, l’enfant change de visage, l’état second paraît.
1408 des lèvres de la grande personne, l’enfant change de visage, l’état second paraît. C’est l’état passionné d’attente où naî
1409 age, l’état second paraît. C’est l’état passionné d’ attente où naît l’illusion romanesque. Il a suffi des mots rituels pou
1410 sens critique, et voici le plaisir extrême : Peau d’ âne va lui être conté. Mais si vous alliez dire au même enfant, avant
1411 ns des meilleurs écrivains avaient encore coutume de débuter par des phrases stéréotypées : « Par une belle matinée de nov
1412 es phrases stéréotypées : « Par une belle matinée de novembre, un voyageur vêtu d’un macfarlane gris chevauchait sur la ro
1413 r une belle matinée de novembre, un voyageur vêtu d’ un macfarlane gris chevauchait sur la route qui va de N… à X… » (Fenim
1414 n macfarlane gris chevauchait sur la route qui va de N… à X… » (Fenimore Cooper, j’imagine). Ou bien c’était une lente des
1415 ntroduisant dans l’atmosphère du récit. (Le début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d’avertissement retenaient encore
1416 . (Le début de Le Rouge et le Noir.) Ces procédés d’ avertissement retenaient encore une règle élémentaire : marquer le déb
1417 uer le début du jeu par un signal convenu, isoler de la vie courante la partie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionn
1418 début du jeu par un signal convenu, isoler de la vie courante la partie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionne d’imi
1419 rtie jouée. Mais le romancier réaliste ambitionne d’ imiter la vie, qui ne commence et ne finit jamais. Force lui est donc
1420 Mais le romancier réaliste ambitionne d’imiter la vie , qui ne commence et ne finit jamais. Force lui est donc d’entrer comm
1421 e commence et ne finit jamais. Force lui est donc d’ entrer comme par hasard, au milieu d’une situation, d’une atmosphère,
1422 trer comme par hasard, au milieu d’une situation, d’ une atmosphère, ou même d’une phrase, « N’importe où et n’importe comm
1423 milieu d’une situation, d’une atmosphère, ou même d’ une phrase, « N’importe où et n’importe comment » — c’est à quoi vise
1424 uoi vise son effort. « Gontran sortit son briquet de nacre, alluma une cigarette blonde et consulta l’indicateur. » Il s’a
1425 ette blonde et consulta l’indicateur. » Il s’agit de me faire croire que c’est vrai. Il faut donc me fournir des preuves e
1426 ou quelque chose qui ressemble à cela. « La vraie vie  », je la connais autant que cet auteur. Je me méfie, et bientôt discu
1427 bientôt discute. Et plus l’auteur paraît désireux de me convaincre — au lieu de s’abandonner à son rythme d’images — plus
1428 convaincre — au lieu de s’abandonner à son rythme d’ images — plus j’exige un récit vraisemblable. À la limite, il serait i
1429 renoncerais à la mienne pour faire crédit à celle de l’écrivain que si, d’abord, il renonçait à démontrer, et m’entraînait
1430 e en soi. 2°) — Par la suppression des cérémonies d’ introduction et de sortie3, le romancier moderne veut créer l’illusion
1431 r la suppression des cérémonies d’introduction et de sortie3, le romancier moderne veut créer l’illusion du réel quotidien
1432 ion du réel quotidien. Pourtant il ne dispose que de mots, quoi qu’il fasse. Ce dernier artifice paraît le gêner d’autant
1433 er artifice paraît le gêner d’autant qu’il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome de la critique moderne : un roman n
1434 gêner d’autant qu’il essaie de le faire oublier. D’ où cet axiome de la critique moderne : un roman ne doit pas être « écr
1435 qu’il essaie de le faire oublier. D’où cet axiome de la critique moderne : un roman ne doit pas être « écrit ». Tous ces e
1436 . Tous ces efforts trahissent le curieux embarras de ne pouvoir faire entrer dans un livre des personnages grandeur nature
1437 livre des personnages grandeur nature. La volonté d’ éliminer toutes les conventions narratives, pour peu d’exigence qu’on
1438 miner toutes les conventions narratives, pour peu d’ exigence qu’on y mette, aboutit à faire du roman quelque chose d’inter
1439 n y mette, aboutit à faire du roman quelque chose d’ interminable, et quelque chose de méthodiquement insignifiant. Quelque
1440 an quelque chose d’interminable, et quelque chose de méthodiquement insignifiant. Quelque chose qui n’en finit plus, car l
1441 ifiant. Quelque chose qui n’en finit plus, car la vie ne met jamais de point final. Il y a jeu quand les conséquences s’épu
1442 ose qui n’en finit plus, car la vie ne met jamais de point final. Il y a jeu quand les conséquences s’épuisent avec le der
1443 s’épuisent avec le dernier coup ; mais le sérieux de la vie est, par définition, le domaine des conséquences indéfinies. L
1444 sent avec le dernier coup ; mais le sérieux de la vie est, par définition, le domaine des conséquences indéfinies. L’hésita
1445 ier moderne à terminer son livre par une décision de l’esprit ou par un artifice de rhétorique, telle est la source impure
1446 e par une décision de l’esprit ou par un artifice de rhétorique, telle est la source impure du roman-fleuve. La longueur d
1447 impure du roman-fleuve. La longueur des ouvrages de ce genre est l’expression de l’embarras d’un écrivain qui s’est privé
1448 ongueur des ouvrages de ce genre est l’expression de l’embarras d’un écrivain qui s’est privé des secours de l’art. D’aill
1449 vrages de ce genre est l’expression de l’embarras d’ un écrivain qui s’est privé des secours de l’art. D’ailleurs cet allon
1450 mbarras d’un écrivain qui s’est privé des secours de l’art. D’ailleurs cet allongement, trop souvent excessif pour l’intér
1451 toujours insuffisant pour égaler la durée réelle d’ une vie. Quelque chose de méthodiquement insignifiant. Car la-vie-tell
1452 urs insuffisant pour égaler la durée réelle d’une vie . Quelque chose de méthodiquement insignifiant. Car la-vie-telle-qu’el
1453 r égaler la durée réelle d’une vie. Quelque chose de méthodiquement insignifiant. Car la-vie-telle-qu’elle-est ne signifie
1454 elconques. Et c’est au nom de cette fidélité à la vie que M. Jules Romains va s’interdire, dit-il — « les enchaînements arb
1455 rop bien les choses ». J’extrais ces propositions de la préface aux Hommes de bonne volonté, bon témoignage sur l’opinion
1456 extrais ces propositions de la préface aux Hommes de bonne volonté, bon témoignage sur l’opinion moyenne du grand public c
1457 Le roman, écrit encore M. Romains, ne connaît pas de vraies servitudes. Ce qui diminue peut-être pour le roman comme genre
1458 peut-être pour le roman comme genre les occasions d’ acquérir un mérite esthétique supérieur… mais ce qui en tout cas lui i
1459 e supérieur… mais ce qui en tout cas lui interdit de cultiver les conventions. » Ceci corrigerait donc cela ? M. Romains c
1460 ns connaît bien son public. Il sait que l’absence de conventions sera tenue pour avantage, et compensera, aux yeux de ses
1461 pensera, aux yeux de ses contemporains, l’absence de mérite esthétique. (Alors que la première absence est en réalité la c
1462 remière absence est en réalité la cause immédiate de la seconde.) Parlant encore de son propre roman, M. Romains ajoute :
1463 la cause immédiate de la seconde.) Parlant encore de son propre roman, M. Romains ajoute : « Le lecteur se demandera : où
1464 ur se justifier, n’en va-t-il pas de même dans la vie  ? Les romans traditionnels « préoccupés qu’ils sont, au nom des vieil
1465 éoccupés qu’ils sont, au nom des vieilles règles, de commencer et de finir le jeu avec les mêmes cartes », échouent à expr
1466 sont, au nom des vieilles règles, de commencer et de finir le jeu avec les mêmes cartes », échouent à exprimer ce désordre
1467 op courts pour imiter sans conventions le décousu de la vie réelle. Avouer l’ambition d’écrire un livre en se conformant a
1468 rts pour imiter sans conventions le décousu de la vie réelle. Avouer l’ambition d’écrire un livre en se conformant aux « lo
1469 ns le décousu de la vie réelle. Avouer l’ambition d’ écrire un livre en se conformant aux « lois de la vie », c’est doublem
1470 ion d’écrire un livre en se conformant aux « lois de la vie », c’est doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’a
1471 écrire un livre en se conformant aux « lois de la vie  », c’est doublement tricher : avec la vie, et surtout avec l’art. Cet
1472 s de la vie », c’est doublement tricher : avec la vie , et surtout avec l’art. Cette tricherie généralisée doit amener, néce
1473 frustes mais fixes, du découpage, du montage, et de la présentation dramatisée. Ces conditions, dans une vue commerciale,
1474 ues par les « producers », éditeurs et directeurs de magazines à grand tirage. Le genre proprement romanesque s’éteindra
1475 e et pour avoir commis la même erreur : qui était de croire les conventions « conventionnelles » au sens dépréciatif de l’
1476 ventions « conventionnelles » au sens dépréciatif de l’épithète. Ces légèretés ne pardonnent pas. Une contre-épreuve de no
1477 s légèretés ne pardonnent pas. Une contre-épreuve de notre diagnostic nous sera fournie par le succès du roman policier. J
1478 demeure le seul genre défini, obéissant aux lois d’ une rhétorique précise. C’est un jeu, et un jeu serré, qui ne tolère a
1479 gnante. Ses personnages sont constants comme ceux de la Commedia dell’arte, ou ceux des cartes et des échecs : le détectiv
1480 détective élégant, volontiers philosophe, l’agent de police bonne brute ou puits de sagesse populaire ; la femme à bijoux,
1481 hilosophe, l’agent de police bonne brute ou puits de sagesse populaire ; la femme à bijoux, comtesse de palaces ; le valet
1482 e sagesse populaire ; la femme à bijoux, comtesse de palaces ; le valet de chambre silencieux et astucieux, etc. La situat
1483 ilencieux et astucieux, etc. La situation, donnée d’ entrée de jeu, se résout complètement à la fin du livre, et ne comport
1484 et astucieux, etc. La situation, donnée d’entrée de jeu, se résout complètement à la fin du livre, et ne comporte qu’un n
1485 la fin du livre, et ne comporte qu’un nombre fini d’ éléments. Le lieu de l’action est circonscrit : c’est généralement une
1486 ne comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu de l’action est circonscrit : c’est généralement une maison dont il semb
1487 n. La fixité même des règles fondamentales permet de mesurer l’invention de chaque auteur, et les progrès du genre. Une gr
1488 ègles fondamentales permet de mesurer l’invention de chaque auteur, et les progrès du genre. Une grande partie de l’intérê
1489 uteur, et les progrès du genre. Une grande partie de l’intérêt que l’amateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient a
1490 e de l’intérêt que l’amateur apporte à la lecture de ces ouvrages, tient au raffinement ou à la complication croissante de
1491 a complication croissante des règles. (Le lecteur de romans policiers devient très vite un spécialiste.) Et cette rhétoriq
1492 spécialiste.) Et cette rhétorique ne manquera pas d’ exercer son pouvoir créateur de communauté : des clubs de fanatiques d
1493 ue ne manquera pas d’exercer son pouvoir créateur de communauté : des clubs de fanatiques du roman policier se sont fondés
1494 er son pouvoir créateur de communauté : des clubs de fanatiques du roman policier se sont fondés un peu partout. La vogue
1495 s l’impureté du genre, c’est qu’il peut se passer de la crédibilité intrinsèque du conte, par le recours à l’autorité tout
1496 ut extérieure du fait accompli. Cette possibilité de tricherie est voisine de celle qui consiste à forcer la vraisemblance
1497 ompli. Cette possibilité de tricherie est voisine de celle qui consiste à forcer la vraisemblance par une accumulation de
1498 te à forcer la vraisemblance par une accumulation de faits observables. Le roman mourra donc, comme sont mortes la tragéd
1499 tés formelles, et pour avoir poursuivi la chimère d’ une liberté sans condition. Quelques phénomènes extérieurs viendront p
1500 ié, dès sa naissance, aux conceptions bourgeoises de la vie, soit qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisâ
1501 s sa naissance, aux conceptions bourgeoises de la vie , soit qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’utilisât que l
1502 ite il n’utilisât que leurs tabous comme ressorts de l’action, ou qu’enfin il se fît un prestige de les contredire et mine
1503 ts de l’action, ou qu’enfin il se fît un prestige de les contredire et miner. Tout cela ne durera plus que le temps de liq
1504 e et miner. Tout cela ne durera plus que le temps de liquider un héritage saccagé par la guerre actuelle et par l’avènemen
1505 roman faisait toute son « étude ». Mais le besoin de lire des fables ne s’éteindra pas pour si peu ; et moins encore, le b
1506 ndra pas pour si peu ; et moins encore, le besoin d’ en conter. L’imaginaire, délivré du souci d’une vraisemblance insignif
1507 esoin d’en conter. L’imaginaire, délivré du souci d’ une vraisemblance insignifiante ou statistique, retrouvera l’usage pro
1508 e des symboles. Le conteur, renonçant à imiter la vie , la récréera ; et renonçant à prouver qu’il dit vrai, aussitôt se ver
1509 t vrai, aussitôt se verra restituer les prestiges de la persuasion. Notre monde retentit d’événements incroyables et pourt
1510 prestiges de la persuasion. Notre monde retentit d’ événements incroyables et pourtant mortellement réels. Les faits les p
1511 le défient nos imaginations. Seul un art délirant de fantaisie a su préfigurer le rythme de nos catastrophes. Les dessins
1512 t délirant de fantaisie a su préfigurer le rythme de nos catastrophes. Les dessins animés de Walt Disney jouaient dans le
1513 le rythme de nos catastrophes. Les dessins animés de Walt Disney jouaient dans le registre du fou rire populaire avec l’in
1514 ire avec l’instinct sadique et le goût des orgies de destruction que devait traduire, quelques années plus tard, la guerre
1515 t-ce que pour rester au niveau de nos épreuves et de nos désastres réels, l’art de demain va revenir au jeu des amplificat
1516 de nos épreuves et de nos désastres réels, l’art de demain va revenir au jeu des amplifications, raccourcis et miracles q
1517 étorique des contes. Il ne rejoindra le sens vrai de nos vies qu’en se livrant à la logique profonde des symboles et des m
1518 e des contes. Il ne rejoindra le sens vrai de nos vies qu’en se livrant à la logique profonde des symboles et des mythes de
1519 à la logique profonde des symboles et des mythes de l’âme. Tout porte à tenir pour probable que les grandes œuvres narrat
1520 es œuvres narratives qui vont naître au lendemain de cette guerre, se rapprocheront des types de libre création, des parab
1521 emain de cette guerre, se rapprocheront des types de libre création, des paraboles que furent en d’autres temps Gargantua,
1522 onstrueux dessins animés où l’homme n’a pas cessé de reconnaître son image la plus convaincante. 1. La dialectique de la
1523 n image la plus convaincante. 1. La dialectique de la Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean
1524 onvaincante. 1. La dialectique de la Terreur et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean Paulhan, publié e
1525 et de la Rhétorique forme le sujet du grand livre de Jean Paulhan, publié en France sous l’occupation : Les Fleurs de Tarb
1526 , publié en France sous l’occupation : Les Fleurs de Tarbes. 2. Ce cauchemar est fort bien décrit par Lewis Carroll dans
1527 fort bien décrit par Lewis Carroll dans la scène de la partie de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, les maille
1528 crit par Lewis Carroll dans la scène de la partie de croquet d’Alice in Wonderland où les arceaux, les maillets et les bou
1529 wis Carroll dans la scène de la partie de croquet d’ Alice in Wonderland où les arceaux, les maillets et les boules sont vi
1530 maillets et les boules sont vivants et ne cessent de se déplacer. 3. Coup de sifflet donné par l’arbitre, appel d’un des
1531 nt vivants et ne cessent de se déplacer. 3. Coup de sifflet donné par l’arbitre, appel d’un des joueurs à son partenaire,
1532 r. 3. Coup de sifflet donné par l’arbitre, appel d’ un des joueurs à son partenaire, disposition des pions ; trois coups f
1533 aire, disposition des pions ; trois coups frappés d’ avance, lever de rideau ; l’ouverture d’un opéra ; le cadre du tableau
1534 n des pions ; trois coups frappés d’avance, lever de rideau ; l’ouverture d’un opéra ; le cadre du tableau, etc. Des procé
1535 s frappés d’avance, lever de rideau ; l’ouverture d’ un opéra ; le cadre du tableau, etc. Des procédés identiques annoncent
1536 noncent la terminaison du jeu, la rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites d’entrée et de sortie relatifs à un espace
1537 la rentrée dans la vie sérieuse. Idem : les rites d’ entrée et de sortie relatifs à un espace ou à un temps sacré. 4. Voir
1538 ans la vie sérieuse. Idem : les rites d’entrée et de sortie relatifs à un espace ou à un temps sacré. 4. Voir Roger Caill
1539 omo Ludens, Amsterdam, 1939. i. Rougemont Denis de , « Les règles du jeu dans l’art romanesque », Renaissance, New York,
14 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
1540 és sur place, comme le coq est cloué sur la ligne de craie tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce n’était trop be
1541 p bête si ce n’était trop beau. Mais rien ne sert de n’y pas croire. C’est un fait, nous l’avons subi, et nous avons tous
1542 us avons tous dit : je n’y puis rien. Avec autant de sincérité, nous semblait-il, qu’un croyant décrivant sa conversion en
1543 ant décrivant sa conversion en termes de grâce et de prédestination. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point
1544 de grâce et de prédestination. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son caractère de d
1545 s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cette espèce de pas
1546 l ne l’est point de mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cette espèce de passivité que l’on allègue, ne serai
1547 te son caractère de destinée fatale. Cette espèce de passivité que l’on allègue, ne serait-elle point un alibi ? Je ne par
1548 lle point un alibi ? Je ne parle que du vrai coup de fondre, celui qui est suivi d’incendie. Car pour ceux que l’on attend
1549 e que du vrai coup de fondre, celui qui est suivi d’ incendie. Car pour ceux que l’on attend, que l’on appelle, ils ne sont
1550 attend, que l’on appelle, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux portières d’un train que l
1551 le, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’aura d’ un cœur orageux. Aux portières d’un train que l’on croise, entre cieux
1552 leur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux portières d’ un train que l’on croise, entre cieux stations de métro, dans la foule
1553 d’un train que l’on croise, entre cieux stations de métro, dans la foule où se cherchent des yeux — ils se détournent aus
1554 -là. Je disais à ce romancier (l’un des meilleurs de l’Allemagne d’alors) : — Le mythe du coup de foudre est sans doute un
1555 à ce romancier (l’un des meilleurs de l’Allemagne d’ alors) : — Le mythe du coup de foudre est sans doute une astucieuse in
1556 de foudre est sans doute une astucieuse invention de Don Juan pour impressionner ses victimes. Il en a tant parlé, et vous
1557 apparition fait naître en elles. Très facile que de les persuader, une fois si bien intéressées ! Car rien ne flatte comm
1558 mme l’idée que l’on va vivre à son tour une scène de roman. Oui, l’idée seule a fait tous ces ravages, et non pas quelque
1559 quelque dieu, ni le Destin. Il n’y aurait jamais de coup de fondre sans ce désir que vous entretenez par vos romans… Mais
1560 dieu, ni le Destin. Il n’y aurait jamais de coup de fondre sans ce désir que vous entretenez par vos romans… Mais ce n’es
1561 tenez par vos romans… Mais ce n’est pas assez que d’ une complaisance acquise. Il faut encore une rencontre ménagée à la re
1562 les rencontres fameuses : Tristan devant la cour d’ Irlande est reçu par la fille du roi selon l’usage et l’étiquette. Sie
1563 ue cela se produise à l’improviste, comme au coin d’ un bois… Il me vient une image dont la netteté pourra faire excuser le
1564 la pose… Tandis que je parlais ainsi, une espèce de gêne me vint, le sentiment de mal tomber. Il me sembla que mes propos
1565 s ainsi, une espèce de gêne me vint, le sentiment de mal tomber. Il me sembla que mes propos touchaient mon interlocuteur
1566 embla que mes propos touchaient mon interlocuteur d’ une manière un peu trop personnelle, et comment dire ? — qu’il savait
1567 conclure pour ou contre vos théories. ⁂ Au début de 1933, au moment où Hitler arrivait au pouvoir, on m’offrit de donner
1568 moment où Hitler arrivait au pouvoir, on m’offrit de donner des conférences à Budapest. Le président de l’organisation qui
1569 e donner des conférences à Budapest. Le président de l’organisation qui m’invitait était un grand banquier, ami des lettre
1570 , ami des lettres. Il vint m’attendre au débarqué de l’avion et me conduisit à sa demeure. C’était l’heure du déjeuner. No
1571 depuis quelques instants dans sa bibliothèque, où d’ un coup d’œil furtif j’avais remarqué mes livres, lorsque sa femme ent
1572 es livres, lorsque sa femme entra en nous saluant d’ une mélodieuse formule hongroise. La présentation faite, cette dame no
1573 faite, cette dame nous offrit la rituelle liqueur de pêche dont on vide trois verres d’un seul trait, en se regardant dans
1574 tuelle liqueur de pêche dont on vide trois verres d’ un seul trait, en se regardant dans les yeux. Je me sentis pâlir viole
1575 el public j’aurai, et quelles personnes me prient de leur réserver un dîner : bref, vous vous rappelez ce qu’était la Hong
1576 avaler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’effet de l’avion ? J’allais m’en persuader quand je m’aperçois, et cette fois-
1577 bavarde encore en prenant le café, puis s’excuse d’ avoir à regagner sa banque : d’ailleurs sa femme me promènera dans Bud
1578 e Musée, — à ce soir ! Il s’en va, très satisfait de lui, et de moi aussi, je crois. Nous voici seuls. Silence. Silence en
1579 à ce soir ! Il s’en va, très satisfait de lui, et de moi aussi, je crois. Nous voici seuls. Silence. Silence encore dans l
1580 sque rageuse. Nous traversons les grandes artères de Pest, le pont des Chaînes sur les eaux jaunes du Danube, puis ces rue
1581 s sur les eaux jaunes du Danube, puis ces ruelles de Buda qui montent sur les flancs d’un énorme rocher en pleine ville, q
1582 is ces ruelles de Buda qui montent sur les flancs d’ un énorme rocher en pleine ville, que domine la statue de saint Geller
1583 orme rocher en pleine ville, que domine la statue de saint Geller, les bras en croix. Elle arrête la voiture près d’une ba
1584 r, les bras en croix. Elle arrête la voiture près d’ une barrière de parc public, descend, s’éloigne dans la neige bien gel
1585 croix. Elle arrête la voiture près d’une barrière de parc public, descend, s’éloigne dans la neige bien gelée où ses pas,
1586 s’enfoncent et se marquent. Je la rejoins. Alors d’ un geste elle désigne la ville à nos pieds : « — Mon mari m’a demandé
1587 e la ville à nos pieds : « — Mon mari m’a demandé de vous montrer Budapest. Voilà, c’est Budapest. » Il n’y a rien d’autre
1588 Budapest. Voilà, c’est Budapest. » Il n’y a rien d’ autre à dire. Nous remontons en voiture et descendons vers la ville. S
1589 se dans un restaurant ? — Bonne idée », fait-elle d’ une voix basse, sans me regarder. Nous voici attablés devant des sandw
1590 i l’un ni l’autre ne pouvons toucher à rien. Tout d’ un coup je me suis mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrêt
1591 d’un coup je me suis mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrête devant elle, les bras en arrière, comme cela —
1592 s bras en arrière, comme cela — je me suis retenu de lui toucher l’épaule — et je m’entends prononcer : — Puisqu’il faut q
1593 s conférences ou un dîner. Et je passais le reste de la nuit dans un bar, en compagnie d’un peintre réfugié, nommé Maria.
1594 ais le reste de la nuit dans un bar, en compagnie d’ un peintre réfugié, nommé Maria. Je l’avais connu quelques années aupa
1595 politique, à Berlin, que je fréquentais à l’insu de ma femme. J’étais dans un état d’exaltation extrême, à peu près incap
1596 entais à l’insu de ma femme. J’étais dans un état d’ exaltation extrême, à peu près incapable de dormir, sauf quelques heur
1597 n état d’exaltation extrême, à peu près incapable de dormir, sauf quelques heures pendant la matinée. Nous parlions avec m
1598 es pendant la matinée. Nous parlions avec mon ami d’ art, de religion, de politique, des perspectives du nouveau régime, et
1599 ant la matinée. Nous parlions avec mon ami d’art, de religion, de politique, des perspectives du nouveau régime, et pas du
1600 e. Nous parlions avec mon ami d’art, de religion, de politique, des perspectives du nouveau régime, et pas du tout de mes
1601 es perspectives du nouveau régime, et pas du tout de mes après-midi. Bien entendu. La veille de mon départ, comme nous sor
1602 u tout de mes après-midi. Bien entendu. La veille de mon départ, comme nous sortions du bar, Maria et moi, une édition du
1603 n nous apprend l’incendie du Reichstag. Je décide de rentrer le jour même à Berlin, et prends congé de mon ami qui se mont
1604 de rentrer le jour même à Berlin, et prends congé de mon ami qui se montrait fort inquiet de mon sort. Il y avait de quoi
1605 nds congé de mon ami qui se montrait fort inquiet de mon sort. Il y avait de quoi d’ailleurs, j’étais inscrit, à cette épo
1606 se montrait fort inquiet de mon sort. Il y avait de quoi d’ailleurs, j’étais inscrit, à cette époque, au parti communiste
1607 oir. J’arrive à Berlin le lendemain. Sur le seuil de notre villa de Zehlendorf, ma femme m’attend, grave et presque sévère
1608 je l’interroge avec nervosité sur les événements de l’avant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? — Avec qui m’as-tu
1609 le. Elle sait. Monsieur, je puis garder un secret d’ État, vous le savez, mais je ne suis pas de ceux qui peuvent supporter
1610 secret d’État, vous le savez, mais je ne suis pas de ceux qui peuvent supporter un mensonge dans leur vie intime. J’ai tou
1611 ceux qui peuvent supporter un mensonge dans leur vie intime. J’ai tout avoué sans me chercher d’excuse. Et comme elle se t
1612 leur vie intime. J’ai tout avoué sans me chercher d’ excuse. Et comme elle se taisait encore, je lui ai demandé comment ell
1613 e matin même et qu’elle avait ouverte par crainte d’ un malheur. Quelques lignes sur une feuille portant l’en-tête d’un bar
1614 Quelques lignes sur une feuille portant l’en-tête d’ un bar de Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite de tes nou
1615 lignes sur une feuille portant l’en-tête d’un bar de Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite de tes nouvelles, j
1616 Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite de tes nouvelles, je suis inquiet, je n’oublierai jamais les nuits extra
1617 nous avons encore pu passer ensemble, à la veille de ce cataclysme. » La lettre était signée Maria. — Un vrai drame du des
1618 es… Mais le destin aveugle qui présida aux fastes de votre rencontre, ne perd-il pas un peu de son mystère si l’on songe q
1619 ’on songe que la femme du banquier était lectrice de romans — et sans doute de vos propres romans ?… Et ce coup de foudre,
1620 banquier était lectrice de romans — et sans doute de vos propres romans ?… Et ce coup de foudre, n’est-il pas tombé d’un c
1621 omans ?… Et ce coup de foudre, n’est-il pas tombé d’ un ciel qu’il convient de nommer Littérature ? o. Rougemont Denis d
1622 udre, n’est-il pas tombé d’un ciel qu’il convient de nommer Littérature ? o. Rougemont Denis de, « Contribution à l’étu
1623 ent de nommer Littérature ? o. Rougemont Denis de , « Contribution à l’étude du coup de foudre », Formes et Couleurs, La
15 1946, Articles divers (1941-1946). Penser avec les mains (janvier 1946)
1624 er avec les mains (janvier 1946)p Il est temps de proclamer vaine toute œuvre qui laisse son auteur intact, et son lect
1625 ors de toi-même, dans le scandale ou dans la joie de ta vocation créatrice. Trop de penseurs inoffensifs secrètent des phi
1626 le ou dans la joie de ta vocation créatrice. Trop de penseurs inoffensifs secrètent des philosophies correctes, trop de dr
1627 ensifs secrètent des philosophies correctes, trop de drames inoffensifs se nouent par jeu dans nos romans, trop de scribes
1628 offensifs se nouent par jeu dans nos romans, trop de scribes inoffensifs nous singent la fureur ou la révolte, l’indulgenc
1629 ffensifs tous ceux dont l’œuvre n’est pas ce lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il ne peut plus fuir attaque l’
1630 us fuir attaque l’auteur et tout ce qu’il reflète d’ une ambiance domestiquée. Il est grand temps que la pensée redevienne
1631 istinction : il y a des hommes qui sont l’orgueil de notre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de notre esprit. I
1632 otre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de notre esprit. Il y a des hommes qui créent, d’autres qui enregistrent
1633 s professeurs, pour lesquels la pensée est un art d’ agrément, un héritage, une carrière libérale, ou un capital bien placé
1634 l bien placé. Cerveaux sans mains ! et qui jugent de haut, mais de loin, et toujours après coup, la multitude des mains sa
1635 Cerveaux sans mains ! et qui jugent de haut, mais de loin, et toujours après coup, la multitude des mains sans cerveau qui
1636 là, que la pensée ne peut venir qu’à la remorque d’ événements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on confond la pen
1637 enir qu’à la remorque d’événements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’usage inoffensif
1638 ue l’on confond la pensée avec l’usage inoffensif de ce que des créateurs ont pensé, au prix de leur vie souvent, et toujo
1639 e ce que des créateurs ont pensé, au prix de leur vie souvent, et toujours par un acte initiateur et révolutionnaire. Les u
1640 on, les autres agissent ! Mais la vraie condition de l’homme, c’est de penser avec les mains. p. Rougemont Denis de, « 
1641 ssent ! Mais la vraie condition de l’homme, c’est de penser avec les mains. p. Rougemont Denis de, « Penser avec les ma
1642 t de penser avec les mains. p. Rougemont Denis de , « Penser avec les mains », Cahiers de la saison, Genève, janvier 194
1643 mont Denis de, « Penser avec les mains », Cahiers de la saison, Genève, janvier 1946, p. 1.
16 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
1644 s 1946)q Les Quatre Libertés ont figuré le but de guerre idéal des Nations unies, comme elles restent l’idéal officiel
1645 tions unies, comme elles restent l’idéal officiel de la paix. Mais j’ai remarqué qu’assez peu de personnes sont capables d
1646 remarqué qu’assez peu de personnes sont capables de les énumérer. Il semble qu’on se soit battu « pour » quelque chose qu
1647 sevelt qui les avait énoncées le premier au début de 1942 dans son discours sur l’état de l’Union : « freedom of speech, f
1648 ier au début de 1942 dans son discours sur l’état de l’Union : « freedom of speech, freedom of religion, freedom from want
1649 un peu malaisément dans notre langue par liberté de parole et de religion, libération de la misère et de la crainte. Donc
1650 sément dans notre langue par liberté de parole et de religion, libération de la misère et de la crainte. Donc les Nations
1651 par liberté de parole et de religion, libération de la misère et de la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la gue
1652 parole et de religion, libération de la misère et de la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre, il est temp
1653 Nations unies ayant gagné la guerre, il est temps de nous demander quel est l’état présent des libertés qui faisaient l’en
1654 l’état présent des libertés qui faisaient l’enjeu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, paraît en bo
1655 enjeu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, paraît en bonne voie de s’établir dans les pays récemmen
1656 du culte ou de la religion, paraît en bonne voie de s’établir dans les pays récemment libérés, de même qu’en Russie sovié
1657 ailleurs si ce progrès doit être attribué à moins de fanatisme de la part des masses religieuses, ou à plus d’indifférence
1658 isme de la part des masses religieuses, ou à plus d’ indifférence de la part des masses « éclairées », comme disent leurs c
1659 is autres libertés, voici le tableau : la liberté de parole se voit partout mise en échec par des censures officielles ou
1660 , elle a multiplié par 20 000 au moins la liberté de craindre le pire à chaque instant. Tout cela, nous disent, non sans r
1661 ts, n’est que le résultat déplorable, mais fatal, de la guerre. (Étrange activité qui « fatalement » prolonge ou aggrave l
1662 aggrave les tyrannies qu’elle avait pour seul but d’ écraser. Mais ceci est une autre histoire.) Ma génération est-elle don
1663 lle s’est épuisé à combattre ? Doit-elle accepter de se passer d’au moins trois libertés sur quatre, avec l’espoir que ses
1664 isé à combattre ? Doit-elle accepter de se passer d’ au moins trois libertés sur quatre, avec l’espoir que ses enfants les
1665 données par qui ? Sommes-nous voués à l’esclavage d’ État par nécessité matérielle ? On m’en voudra de ces questions, parce
1666 d’État par nécessité matérielle ? On m’en voudra de ces questions, parce qu’elles ne paraissent comporter que des réponse
1667 ment par la comparaison qu’il nous oblige à faire de l’idéal et du présent. Je propose donc que nous changions ce qui peut
1668 moment inaccessibles, par une affirmation unique de Liberté indivisible, qu’il ne dépend que de nous de saisir à l’instan
1669 nique de Liberté indivisible, qu’il ne dépend que de nous de saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a qu
1670 Liberté indivisible, qu’il ne dépend que de nous de saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a que « la »
1671 « deux » : ils reçoivent gratuitement les secours de la religion de leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccupe
1672 reçoivent gratuitement les secours de la religion de leur choix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccuper de leur subsi
1673 hoix ; « trois » : ils n’ont plus à se préoccuper de leur subsistance ; « quatre » ils sont solidement protégés contre tou
1674 sons américaines. (On leur donne même des séances de cinéma le samedi soir.) La liberté ne peut pas être détaillée ni débi
1675 Elle ne peut pas non plus être donnée. Elle exige d’ être affirmée sur le champ, et coûte que coûte, quels que soient les o
1676 y aura toujours des obstacles. Ceux qui ont peur d’ être libres en feront leurs prétextes comme l’ont fait les Allemands s
1677 iberté fondamentale dont tout dépend, c’est celle de se « réaliser personnellement ». Or nous ne pourrons jamais la recevo
1678 llement ». Or nous ne pourrons jamais la recevoir d’ autrui. Sans elle les autres libertés ne comptent guère. Par elle seul
1679 s si nous décidons que les obstacles à l’exercice de notre liberté sont fatals, nécessaires et surhumains, aussitôt nous l
1680 t nous les rendrons tels, aussitôt nous cesserons d’ être libres. Et l’État aura tous les droits, puisque nous lui laissero
1681 mmes libres, si nous sommes prêts à payer le prix de la liberté, qui sera toujours : payer de sa personne. Un homme libre,
1682 le prix de la liberté, qui sera toujours : payer de sa personne. Un homme libre, c’est un homme courageux, non pas un hom
1683 omme courageux, non pas un homme qui aurait reçu ( de qui ?) trois ou quatre ou trente-six libertés. On entend dire : « X…
1684 tés. On entend dire : « X… est un esprit libre. » De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de la Révolution, ni des S
1685 n esprit libre. » De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et
1686 . » De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas de
1687 e l’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vis
1688 des Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vision seule et de son courage de lu
1689 tie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vision seule et de son courage de lutter pour la joindre. Lénine,
1690 leurs experts. Il la tient de sa vision seule et de son courage de lutter pour la joindre. Lénine, sous le tsarisme, étai
1691 Il la tient de sa vision seule et de son courage de lutter pour la joindre. Lénine, sous le tsarisme, était plus libre qu
1692 ibre qu’un citoyen américain qui tourne le bouton de sa radio. Ils combattaient. q. Rougemont Denis de, « Les quatre li
1693 sa radio. Ils combattaient. q. Rougemont Denis de , « Les quatre libertés », Le Figaro littéraire, Paris, 30 mars 1946,
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
1694 ès bien compris, à savoir que la terre est ronde. D’ où il résulte, entre autres conséquences, que si vous tirez devant vou
1695 rochain tour. Cette figure signifie quelque chose d’ important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous
1696 s ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir
1697 es dans cette époque. (Vous avez ici les prémices d’ une théorie sociologique flambant neuve.) À l’arme planétaire correspo
1698 auté universelle, qui relègue les nations au rang de simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques instants dans ce j
1699 Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce so
1700 temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’ or, que ce soit l’Univers, ou l’Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes s
1701 Il semble que la dernière guerre, j’entends celle de 39-45, a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de
1702 fait pour éveiller dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonnie
1703 ations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montmartre, int
1704 elativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montmartre, intéressa pendant dix ans, direc
1705 hine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montmartre, intéressa pendant dix ans, directement, la vie courante d
1706 artre, intéressa pendant dix ans, directement, la vie courante des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’Asie,
1707 des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en sub
1708 matérielle. Avant qu’elle puisse devenir un fait de droit, il nous faudra probablement passer par une étape intermédiaire
1709 ui est celle du fait psychologique : la formation d’ une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous
1710 nscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existenc
1711 l’on se déplace un peu, disons à quelques heures d’ avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux
1712 , disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent intraduisibles
1713 mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’
1714 u’un beau jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se se
1715  ; et les mineurs du pays de Galles n’auront plus de viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentine se seront en
1716 s de viande pendant des mois, parce que les péons d’ Argentine se seront enfin organisés contre les grands estancieros. Vou
1717 grands estancieros. Vous pourrez toujours essayer d’ expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute du député
1718 pourrez toujours essayer d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute du député local ni de « l’hypocris
1719 rise que ce n’est pas la faute du député local ni de « l’hypocrisie américaine ». Que faire ? Tout le monde ne peut pas to
1720 ut comprendre. Les problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent pour nous terres inconnues, et psyc
1721 problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent pour nous terres inconnues, et psychologiquement inex
1722 s géographes du Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’Europe. Et pourtant nous sommes destinés à découvri
1723 Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’Europe. Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ce
1724 ient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas de Persans pour se demander : Comment peut-on être Français ?) Je parlai
1725 der : Comment peut-on être Français ?) Je parlais d’ une conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’il faut d’abord senti
1726 cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est pas une question d’i
1727 opagent, sous de larges rubriques créant un appel d’ air. Ce n’est pas une question d’information d’abord, vous m’entendez,
1728 créant un appel d’air. Ce n’est pas une question d’ information d’abord, vous m’entendez, mais de sens, de vision, d’ouver
1729 tion d’information d’abord, vous m’entendez, mais de sens, de vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais 
1730 formation d’abord, vous m’entendez, mais de sens, de vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d
1731 ’abord, vous m’entendez, mais de sens, de vision, d’ ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une
1732 m’entendez, mais de sens, de vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de
1733 t à peine, je dirais : c’est d’abord une question de poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous nos écrivains, ceux que je vo
1734 le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’An
1735 deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de l’Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur
1736 avons pour la première fois senti, sous le drapé d’ un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur vi
1737 ’un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent des Amériques. Vous alliez me dire que j’oubl
1738 ous alliez me dire que j’oubliais ce grand joueur de Boule que fut « Saint-Ex ». À Dieu ne plaise que j’oublie jamais celu
1739 que j’oublie jamais celui qui le premier me parla de la Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime !… r. Rouge
1740 celui qui le premier me parla de la Planète comme d’ un amour et d’une souffrance intime !… r. Rougemont Denis de, « Dia
1741 remier me parla de la Planète comme d’un amour et d’ une souffrance intime !… r. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la
1742 d’une souffrance intime !… r. Rougemont Denis de , « Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire », Pour la
18 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)
1743 bombe (20 avril 1946)s Parmi tous les projets de contrôle de la Bombe que l’on a suggérés depuis six mois, j’en retien
1744 vril 1946)s Parmi tous les projets de contrôle de la Bombe que l’on a suggérés depuis six mois, j’en retiens deux : 1.
1745 es derniers fourniraient ainsi la preuve par neuf de leurs bonnes intentions. 2. Donner la Bombe au gouvernement mondial,
1746 hambres universelles seraient élues, l’une formée de délégués des États, l’autre de députés des peuples. (Je prends le mod
1747 lues, l’une formée de délégués des États, l’autre de députés des peuples. (Je prends le modèle courant. Il faudrait l’ajus
1748 des recherches scientifiques, Défense des droits de la personne, Transports planétaires. (Rien que de raisonnable, comme
1749 de la personne, Transports planétaires. (Rien que de raisonnable, comme vous le voyez. On trouverait mieux, en s’appliquan
1750 s idées pratiques et raisonnables que l’on traite de folies, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande gé
1751 a aux affaires courantes : équilibrer les budgets de guerre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible da
1752 géré. Vous pensez que j’ai cédé au goût américain de la sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays
1753 cain de la sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays que la première Bombe vient d’être construit
1754 i, c’est dans ce pays que la première Bombe vient d’ être construite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que
1755 ruite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’hom
1756 là, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l’esprit devant la mort… Mais admett
1757 forme, donc condenser, donc augmenter la réalité de l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les trai
1758 ondenser, donc augmenter la réalité de l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits ou phénomèn
1759 ettons que les armées retiennent une bonne partie de leur utilité au service des nations et de leur vertu d’ordre. Admetto
1760 partie de leur utilité au service des nations et de leur vertu d’ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre. A
1761 r utilité au service des nations et de leur vertu d’ ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre. Admettons que l
1762 risés ne l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres accidents d’ampleur continentale. Admettons
1763 ’y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres accidents d’ ampleur continentale. Admettons que notre globe dure longtemps encore,
1764 mps encore, et que la guerre militaire y prospère d’ autant mieux qu’elle sera dotée d’une arme de plus. Admettons que l’on
1765 aire y prospère d’autant mieux qu’elle sera dotée d’ une arme de plus. Admettons que l’on invente une parade à la Bombe, se
1766 ntage des coups tirés… Pensez-vous que les effets de la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai prévus ?
1767 ets de la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre
1768 e j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine,
1769 , l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine, le triomphe des « éléments d’ordre » a
1770 té non moins certaine, le triomphe des « éléments d’ ordre » aussi énigmatique, et sans témoins. Je reconnais volontiers qu
1771 ngtemps. Les choses ne se passeront peut-être pas de la manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithèse m
1772 manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de
1773 cline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de lignes pures, parce que nos choix ne sont pas si francs, et que nos c
1774 chefs savent à peine ce qu’ils jouent. Une espèce d’ organisation mondiale ouvrira des bureaux confortables d’où sortiront
1775 isation mondiale ouvrira des bureaux confortables d’ où sortiront quelques vœux incolores. Il est évident que les nations s
1776 que l’une d’entre elles, Bombe en main, essaiera d’ imposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il e
1777 mposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il est évident que les peuples se révolteront contre cett
1778 fuse à ces évidences. On nous ressasse à longueur de journée qu’elle « n’est pas prête pour un gouvernement mondial ». Est
1779 ix, cela veut dire que vous d’abord, vous refusez de faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais
1780 que vous d’abord, vous refusez de faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais en refusant de ch
1781 que ses moyens vous déplaisent. Mais en refusant de choisir la paix, vous votez tacitement pour la mort, et vous en rende
1782 t vous en rendez responsable. Tout tient à chacun de nous. Et nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher
1783 t nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher. Nos alibis ne trompent plus que nous-mêmes. Pour moi, je p
1784 ais-je pas, quand je sais que l’enjeu n’est point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me faire perdre ?
1785 e ? Je me rappelle cette voix, dans Isaïe, criant de Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle,
1786 nt de Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répon
1787 e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aus
1788 matin vient et la nuit aussi. » Je n’ai pas fini d’ aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me dire
1789  » Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu dans tout ce
1790 Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà de ce « clin d’œil », il nous attend. s. Rougemont Denis de, « Dialog
1791 in d’œil », il nous attend. s. Rougemont Denis de , « Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe », Pour la V
19 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)
1792 e n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De quoi donc parliez-vous dans vos cinq dialogues précédents ? Faut-il p
1793 quoi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais de la fin du monde… — Et maintenant vous nous dites : aucun danger ! C’e
1794 est là sans doute votre manière paradoxale, comme de coutume, d’avouer que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ont p
1795 doute votre manière paradoxale, comme de coutume, d’ avouer que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ont pensé, sans v
1796 ous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’ Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans un état d’esprit d’Ap
1797 it jetés pour quelque temps dans un état d’esprit d’ Apocalypse. Mais dix mois ont passé, et rien ne se passe. Dieu soit lo
1798 t, vous rappelez-vous ? Dans toutes les capitales d’ Europe, on voyait en 1939 les civils se promener avec leur boîte à mas
1799 que personne, même pas Hitler, n’a eu le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la r
1800 dité subite l’ait arrêté, ou quelque amour tardif de notre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaie
1801 Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire de cette arme était loin de compenser, même à ses yeux, le risque moral
1802 risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibil
1803 Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité de riposter, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’une bataille dé
1804 poster, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’ une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresse
1805 ille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent en général d’une rap
1806 r éventuel. Car nos scrupules naissent en général d’ une rapide évaluation des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes, de
1807 tion des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punit
1808 euses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est don
1809 Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera, au risque d
1810 enir ! Comme si elle était tombée du ciel, animée de mauvaises intentions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la
1811 e du ciel, animée de mauvaises intentions ! C’est d’ un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longu
1812 ntions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans toute la press
1813 contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus belle absurdité de l’Histo
1814 dans toute la presse, est la plus belle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on parle ? Contrôler cet ob
1815 elle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on parle ? Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’
1816 Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’ un coup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser l
1817 oup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’ aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, ell
1818 e chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est cla
1819 te dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’ histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça
1820 ’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de
1821 ça, c’est une autre question. — C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe
1822 nous oblige à y faire face. t. Rougemont Denis de , « Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum », Pour la Victoir
20 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
1823 , ou anticommuniste, que sais-je. On m’écrit cela de Paris et l’on ajoute que je ferais bien de rentrer, sous peine de ne
1824 t cela de Paris et l’on ajoute que je ferais bien de rentrer, sous peine de ne pas comprendre la réalité européenne en gén
1825 rançaise en particulier. Je pourrais me contenter de répondre : c’est plutôt vous qui devriez sortir, sous peine de ne pas
1826 té mondiale. Après tout, il y a quarante millions de Français, sur deux-mille-millions d’habitants de la Planète, non moin
1827 nte millions de Français, sur deux-mille-millions d’ habitants de la Planète, non moins réels, guère moins accablés de prob
1828 de Français, sur deux-mille-millions d’habitants de la Planète, non moins réels, guère moins accablés de problèmes. Mais
1829 la Planète, non moins réels, guère moins accablés de problèmes. Mais je ne cherche pas à m’en tirer par une réplique, même
1830 e cherche pas à m’en tirer par une réplique, même de bon sens, et j’ai quelques raisons de prendre la France plus au série
1831 lique, même de bon sens, et j’ai quelques raisons de prendre la France plus au sérieux, plus au tragique, que les chiffres
1832 uropéens devraient aller s’il s’agissait pour eux de partir. Je vois les avantages de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’
1833 gissait pour eux de partir. Je vois les avantages de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure de les imag
1834 ue et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’est qu’une solutio
1835 ait à l’infini. Il n’est qu’une solution, qui est d’ aller voir, et d’« essayer » le pays comme un nouveau costume. Et je m
1836 l n’est qu’une solution, qui est d’aller voir, et d’ « essayer » le pays comme un nouveau costume. Et je me dis que le prob
1837 dis que le problème est mal posé. Il ne s’agit ni de partir ni de rester, au sens pathétique de ces mots. Il s’agit simple
1838 oblème est mal posé. Il ne s’agit ni de partir ni de rester, au sens pathétique de ces mots. Il s’agit simplement de circu
1839 git ni de partir ni de rester, au sens pathétique de ces mots. Il s’agit simplement de circuler. Ce n’est pas très facile,
1840 sens pathétique de ces mots. Il s’agit simplement de circuler. Ce n’est pas très facile, pratiquement ? Mais partir, ou re
1841 pose le problème. Supposez que nous soyons libres de circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni
1842 ise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni de choisir une terre et ses morts contre le Globe et ses vivants ; ni de
1843 et ses morts contre le Globe et ses vivants ; ni de choisir le nomadisme permanent et l’exil par principe ou dégoût. Il s
1844 exil par principe ou dégoût. Il s’agit simplement de vivre au xxe siècle, en tenant compte des réalités que nous avons cr
1845 lités que nous avons créées ou laissé s’imposer ; de la rapidité des transports, par exemple. Combien peu d’hommes d’aujou
1846 rapidité des transports, par exemple. Combien peu d’ hommes d’aujourd’hui vivent leur temps, et se trouvent pratiquement en
1847 des transports, par exemple. Combien peu d’hommes d’ aujourd’hui vivent leur temps, et se trouvent pratiquement en mesure d
1848 leur temps, et se trouvent pratiquement en mesure de le vivre ! Combien encore sont-ils du Moyen Âge, ou du bourgeois et l
1849 bourgeois et lent xixe siècle ! Serait-ce manque d’ imagination ? Certes, il en faut une dose non ordinaire pour se rendre
1850 ne dose non ordinaire pour se rendre contemporain d’ un monde qui change beaucoup plus vite que Jules Verne n’a pu le rêver
1851 e furieuse et inutile ne régnait pas sur le monde d’ après-guerre, le problème partir ou rester se résoudrait en termes sim
1852 lemme. Le fait est là : nous allons en dix heures de Lisbonne à New York, de New York au Pacifique. Un très long voyage au
1853 nous allons en dix heures de Lisbonne à New York, de New York au Pacifique. Un très long voyage aujourd’hui nous ramènerai
1854 jourd’hui nous ramènerait nécessairement au point de départ, après un petit tour da planète. Nous changeons de continent c
1855 t, après un petit tour da planète. Nous changeons de continent comme on part en week-end. Le mot partir a donc changé de s
1856 on part en week-end. Le mot partir a donc changé de sens. Il a perdu son aura dramatique. Plus question de couper les pon
1857 ns. Il a perdu son aura dramatique. Plus question de couper les ponts, de brûler les pénates, et autres rites attestant de
1858 ra dramatique. Plus question de couper les ponts, de brûler les pénates, et autres rites attestant devant les mânes des an
1859 nir après quelque temps, comme on prend un billet d’ aller et retour. La poésie des voyages a vécu, la tragédie des départs
1860 peut naître parmi nous, c’est un amour plus large de l’humain, une conception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de
1861 t un amour plus large de l’humain, une conception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de la curiosité, un accueil pl
1862 ception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de la curiosité, un accueil plus ferme et plus souple de la diversité de
1863 a curiosité, un accueil plus ferme et plus souple de la diversité des êtres et des coutumes. Aimez votre terre et quittez-
1864 Le paysan n’aime que sa terre, ne l’aime donc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et la comparaison. I
1865 . Il faut s’ouvrir. Il faut aimer. Il faut cesser de trouver cela nigaud, et de faire le coq de village tout hérissé, grif
1866 aimer. Il faut cesser de trouver cela nigaud, et de faire le coq de village tout hérissé, griffu, inefficace. Circulez do
1867 cesser de trouver cela nigaud, et de faire le coq de village tout hérissé, griffu, inefficace. Circulez donc, allez voir,
1868 es visas. N’acceptons pas que cet accident tardif de la démence nationaliste dénature le problème humain. Lançons une camp
1869 campagne mondiale pour la suppression des visas, de ces anachronismes scandaleux qui nous empêchent de rejoindre le siècl
1870 e ces anachronismes scandaleux qui nous empêchent de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user de ses dons. Forçons les
1871 daleux qui nous empêchent de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répon
1872 empêchent de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’ user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi ser
1873 nt de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi servent ce
1874 nts à nous répondre : à quoi servent ces barrages de tampons ? Comment peut-on les justifier ? Ils n’ont pas arrêté un seu
1875 eul espion, tout en causant la perte des milliers d’ innocents. Ils rendent vains les progrès matériels dont notre basse ép
1876 s qu’une voix ne proteste ? u. Rougemont Denis de , « Faut-il rentrer ? », Pour la Victoire, New York, 4 mai 1946, p. 1-
21 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
1877 « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)w
1878 mont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’ Europe en Amérique » (16 mai 1946)w x M. de Rougemont est rentré d’
1879  » (16 mai 1946)w x M. de Rougemont est rentré d’ Amérique. Il nous en parle simplement, avec ce sens de l’équilibre et
1880 érique. Il nous en parle simplement, avec ce sens de l’équilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le
1881 parle simplement, avec ce sens de l’équilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le prochain aussi, c
1882 En arrivant là-bas, on a l’impression très nette de pénétrer dans une autre civilisation. Une impression beaucoup plus fo
1883 tail. Les jugements moraux y sont très différents de ceux de l’Europe. Là-bas, certaines choses vont de soi ; chez nous, e
1884 s jugements moraux y sont très différents de ceux de l’Europe. Là-bas, certaines choses vont de soi ; chez nous, elles par
1885 izarres. En France, par exemple, il était bien vu de tricher avec le fisc ; on s’en vantait. En Amérique, la chose est mal
1886 me en Suisse… J’ai aussi été sensible à une sorte de loufoquerie de la vie américaine. Parfois, on a l’impression que les
1887 ’ai aussi été sensible à une sorte de loufoquerie de la vie américaine. Parfois, on a l’impression que les gens sont un pe
1888 ssi été sensible à une sorte de loufoquerie de la vie américaine. Parfois, on a l’impression que les gens sont un peu fous…
1889 s frapper, vous déclarent sans ambages le montant de leur revenu. Cinq minutes après avoir fait votre connaissance, ils vo
1890 illés par la civilisation européenne ? Il importe de distinguer entre plusieurs classes d’Américains. Ceux qui ont connu l
1891 Il importe de distinguer entre plusieurs classes d’ Américains. Ceux qui ont connu l’Europe et qui y ont vécu, se distingu
1892 e et qui y ont vécu, se distinguent par une sorte de snobisme européen, surtout au point de vue culture, où ils ont d’aill
1893 mal, nous considère comme un pays très compliqué de gens assez méchants qui se disputent pour des choses mystérieuses, qu
1894 ans avant la guerre. Et puis, ils ont un peu peur de nous ; ils craignent que nous ne soyons une source permanente de déso
1895 raignent que nous ne soyons une source permanente de désordres et de troubles. Tous les nationalismes européens les effrai
1896 s ne soyons une source permanente de désordres et de troubles. Tous les nationalismes européens les effraient. De même qu’
1897 t. De même qu’il y a en Europe un grand sentiment de supériorité à cause de notre culture, l’inverse existe chez les Améri
1898 chez les Américains au point de vue du civisme et de la politique. Ils ont le sentiment d’être decent. Leur opinion est qu
1899 civisme et de la politique. Ils ont le sentiment d’ être decent. Leur opinion est que les Européens ne sont, eux, pas très
1900 eux, pas très decent, qualité qu’un jeune citoyen de là-bas expliquait en ces termes : « Être decent, c’est tenir sa parol
1901 la masse du centre du pays, elle ne connaît rien de notre continent ; souvent, elle ignore même que la Suisse existe. Un
1902 bien pu libérer ça ? C’est si petit ! » Par souci de précision, j’ajouterai que je ne connais que l’Amérique la moins éloi
1903 ue je ne connais que l’Amérique la moins éloignée de l’Europe. Si de New York vous passez dans le Middlewest, ou en Califo
1904 que l’Amérique la moins éloignée de l’Europe. Si de New York vous passez dans le Middlewest, ou en Californie, ou à La No
1905 ie, ou à La Nouvelle-Orléans, vous ne manquez pas d’ observer de fortes nuances dans la civilisation. New York constitue un
1906 Nouvelle-Orléans, vous ne manquez pas d’observer de fortes nuances dans la civilisation. New York constitue un excellent
1907 vilisation. New York constitue un excellent poste d’ observation, parce que ses habitants y viennent de partout, de toutes
1908 n, parce que ses habitants y viennent de partout, de toutes les Amériques et de tous les continents. New York résume un pe
1909 y viennent de partout, de toutes les Amériques et de tous les continents. New York résume un peu les États-Unis… Mais un j
1910 rk résume un peu les États-Unis… Mais un jugement d’ ensemble est impossible. On peut à peu près tout dire sur l’Amérique :
1911 s juste quelque part. Je ne cesse personnellement de me battre contre cette affirmation européenne selon laquelle tout est
1912 tes les plus violents. ⁂ Pensez-vous qu’à l’issue de cette dernière guerre, on puisse affirmer que le centre de gravité du
1913 dernière guerre, on puisse affirmer que le centre de gravité du monde s’est déplacé en Amérique ? Très nettement. Vue de N
1914 e s’est déplacé en Amérique ? Très nettement. Vue de New York, l’Europe constitue une espèce de glacis ou s’affrontent le
1915 t. Vue de New York, l’Europe constitue une espèce de glacis ou s’affrontent le monde anglo-saxon et le monde russe. On a f
1916 on et le monde russe. On a fortement l’impression de l’existence de deux pôles d’attraction : l’Amérique et la Russie. Cet
1917 russe. On a fortement l’impression de l’existence de deux pôles d’attraction : l’Amérique et la Russie. Cette impression e
1918 rtement l’impression de l’existence de deux pôles d’ attraction : l’Amérique et la Russie. Cette impression est une réalité
1919 otre continent, il est considéré comme une espèce de champ de bataille en puissance. Cela change toutes les perspectives.
1920 est extrêmement mélangée. En général, les hommes d’ affaires voudraient que ce monde lointain s’ouvre. Le président de la
1921 aient que ce monde lointain s’ouvre. Le président de la Chambre de commerce américaine est allé en Russie tenir des discou
1922 onde lointain s’ouvre. Le président de la Chambre de commerce américaine est allé en Russie tenir des discours capitaliste
1923 rre à la Russie sans plus attendre, en se servant de la bombe atomique, etc. Moscou, qui a toujours eu cette espèce de « c
1924 ique, etc. Moscou, qui a toujours eu cette espèce de « complexe d’assiégement », se referme trop sur elle-même. Il est dif
1925 cou, qui a toujours eu cette espèce de « complexe d’ assiégement », se referme trop sur elle-même. Il est difficile de la c
1926 , se referme trop sur elle-même. Il est difficile de la comprendre de l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectue
1927 sur elle-même. Il est difficile de la comprendre de l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ? La vie scie
1928 Il est difficile de la comprendre de l’autre côté de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ? La vie scientifique est trè
1929 é de l’Océan. ⁂ Et l’Amérique intellectuelle ? La vie scientifique est très remarquable ; l’énergie atomique en est la preu
1930 ation plus littéraire, philosophique ou juridique de l’Europe. Dans les écoles américaines, on enseigne aux enfants combie
1931 oles américaines, on enseigne aux enfants combien de calories, de vitamines sont nécessaires à leur organisme. Tout le mon
1932 nes, on enseigne aux enfants combien de calories, de vitamines sont nécessaires à leur organisme. Tout le monde a, là-bas,
1933 vue littéraire et philosophique, je ne vois rien de très neuf qui se soit développé pendant la guerre ou après. Entre 191
1934 iode littéraire. Je ne distingue actuellement pas d’ école nouvelle. Les jeunes écrivains gardent un œil ouvert sur l’Europ
1935 ardent un œil ouvert sur l’Europe. C’est toujours de là que vient l’initiative. Ce qu’ils ont de plus que nous, c’est un g
1936 e plus que nous, c’est un grand art du reportage, de la description. Ils ont indiscutablement créé le style du grand repor
1937 le de bains. Dans les grandes villes, on remarque de la misère. Certains quartiers sont très tristes. La conscience politi
1938 rtiers sont très tristes. La conscience politique de la classe ouvrière, si vivante chez nous, est presque inexistante là-
1939 olentes, mais cela ne veut pas dire que l’on soit de droite ou de gauche. On fait la grève pour des raisons purement prati
1940 cela ne veut pas dire que l’on soit de droite ou de gauche. On fait la grève pour des raisons purement pratiques et non a
1941 non au nom du marxisme… En conclusion, une « cure d’ Amérique » est profitable à l’Européen ? Absolument ! Ce que je souhai
1942 c’est qu’on envoie le plus grand nombre possible d’ Européens outre-Atlantique pour y vivre une ou deux années et inversem
1943 une ou deux années et inversement. Je ne vois pas d’ hostilité possible entre les deux continents — qui se complètent admir
1944 es Américains nous apportent la franchise dans la vie , la liberté d’allure et beaucoup de gentillesse. Telle est la « leçon
1945 us apportent la franchise dans la vie, la liberté d’ allure et beaucoup de gentillesse. Telle est la « leçon d’Amérique » q
1946 et beaucoup de gentillesse. Telle est la « leçon d’ Amérique » que nous a donnée M. Denis de Rougemont. En conclusion, dis
1947 t qu’a cinquante pour cent… w. Rougemont Denis de , « [Entretien] Le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe e
1948 w. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique », L’Illustré, La
1949 tien] Le centre de gravité du monde s’est déplacé d’ Europe en Amérique », L’Illustré, Lausanne, 16 mai 1946, p. 5 et 23.
1950 « Un écrivain nous est revenu. Il nous est revenu de la lointaine et si proche Amérique, emportant avec lui, pour nous le
1951 le communiquer avec la belle générosité des gens d’ esprit, un riche message gonflé de réalités souvent insoupçonnées. M.
1952 rosité des gens d’esprit, un riche message gonflé de réalités souvent insoupçonnées. M. Denis de Rougemont est rentré d’Am
1953 t insoupçonnées. M. Denis de Rougemont est rentré d’ Amérique. Pas pour longtemps, puisqu’il se prépare déjà à repartir à l
1954 squ’il se prépare déjà à repartir à la découverte de ce continent qui, à lui seul, constitue un monde. Quelle merveilleuse
1955 l’avoir établi, le contact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contact des sens, conduit
1956 contact des sens, conduit à l’insondable gouffre de l’abstraction. M. de Rougemont, lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’est p
1957 s’est donné à son expérience créatrice. L’auteur de Politique de la personne , de Penser avec les mains (quel beau tit
1958 son expérience créatrice. L’auteur de Politique de la personne , de Penser avec les mains (quel beau titre, solide, pu
1959 réatrice. L’auteur de Politique de la personne , de Penser avec les mains (quel beau titre, solide, puissant, élégant c
1960 nt, élégant comme une voile au vent), du Journal d’ un intellectuel en chômage , de L’Amour et l’Occident , de tant d’aut
1961 vent), du Journal d’un intellectuel en chômage , de L’Amour et l’Occident , de tant d’autres œuvres auxquelles sa person
1962 llectuel en chômage , de L’Amour et l’Occident , de tant d’autres œuvres auxquelles sa personnalité a imprimé son sceau d
1963 es auxquelles sa personnalité a imprimé son sceau de vie, de foi et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout
1964 auxquelles sa personnalité a imprimé son sceau de vie , de foi et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout ce q
1965 elles sa personnalité a imprimé son sceau de vie, de foi et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout ce qui p
1966 ersonnalité a imprimé son sceau de vie, de foi et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout ce qui porte en so
1967 et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de la superficialité. Et Dieu seul
1968 pposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de la superficialité. Et Dieu seul est capable de dessiner les contours
1969 me de la superficialité. Et Dieu seul est capable de dessiner les contours de ce mot « superficiel », qui gouverne le mond
1970 Et Dieu seul est capable de dessiner les contours de ce mot « superficiel », qui gouverne le monde ! Bien avant la sanglan
1971 e tragédie, Denis de Rougemont, dans son Journal d’ Allemagne , définissait le national-socialisme, « phénomène à la fois
1972 s deux ne sont possibles que dans cet acte unique d’ obéissance qui s’appelle l’amour du prochain »…
22 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
1973 Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)v Jeune Amérique,
1974 Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)v Jeune Amérique, vieille Europe. Patrie de
1975 1946)v Jeune Amérique, vieille Europe. Patrie de l’avenir et patrie de la mémoire. Dynamisme allégé du poids des tradi
1976 que, vieille Europe. Patrie de l’avenir et patrie de la mémoire. Dynamisme allégé du poids des traditions et querelles anc
1977 moins autant qu’ailleurs. Elle risquerait parfois de nous frapper d’une sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter d’
1978 ailleurs. Elle risquerait parfois de nous frapper d’ une sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter d’abandon aux prét
1979 le risquerait parfois de nous frapper d’une sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter d’abandon aux prétendues fatal
1980 us frapper d’une sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter d’abandon aux prétendues fatalités de l’Histoire. Mais il
1981 e sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter d’ abandon aux prétendues fatalités de l’Histoire. Mais il n’est point de
1982 de nous tenter d’abandon aux prétendues fatalités de l’Histoire. Mais il n’est point de fatalité pour l’homme qui ne recul
1983 dues fatalités de l’Histoire. Mais il n’est point de fatalité pour l’homme qui ne recule pas devant sa liberté, et qui acc
1984 pas devant sa liberté, et qui accepte les risques de son choix. Laissons l’Histoire telle qu’on la simplifie en courbes as
1985 cendantes. Tout peut encore se renverser, et plus d’ une fois, dans les destins de collectivités aussi complexes que celles
1986 e renverser, et plus d’une fois, dans les destins de collectivités aussi complexes que celles que je viens de citer. Je n’
1987 rches récentes deux résultats qui prennent figure de paraboles : ils me paraissent propres à nous persuader de la fécondit
1988 oles : ils me paraissent propres à nous persuader de la fécondité de certaines valeurs que l’Europe a promues patiemment e
1989 raissent propres à nous persuader de la fécondité de certaines valeurs que l’Europe a promues patiemment et qu’elle illust
1990 illustre encore aux yeux du monde. Je veux parler de la « mémoire » et de l’« expérience historique », qui est celle des é
1991 eux du monde. Je veux parler de la « mémoire » et de l’« expérience historique », qui est celle des épreuves et des échecs
1992 des épreuves et des échecs. L’étude des singes et de leur attristante psychologie nous révèle que ces faux ancêtres ne son
1993 ucune mémoire. Ils se voient obligés chaque matin de reconstruire leur monde, de l’apprendre à nouveau et de réinventer le
1994 obligés chaque matin de reconstruire leur monde, de l’apprendre à nouveau et de réinventer les gestes élémentaires. Ce tr
1995 onstruire leur monde, de l’apprendre à nouveau et de réinventer les gestes élémentaires. Ce travail de Sisyphe les épuise
1996 de réinventer les gestes élémentaires. Ce travail de Sisyphe les épuise et les condamne à rester singes. Il les réduit à i
1997 l les réduit à imiter, là où nous sommes capables d’ innover en tirant les leçons d’expériences de la veille. Singe est cel
1998 us sommes capables d’innover en tirant les leçons d’ expériences de la veille. Singe est celui qui doit refaire chaque jour
1999 bles d’innover en tirant les leçons d’expériences de la veille. Singe est celui qui doit refaire chaque jour le chemin per
2000 in perdu pendant la nuit, faute de repères, faute d’ un passé vivant, et faute de traditions instrumentales. Il s’imagine q
2001 es, à la dernière tactique, et ne fait que singer d’ antiques découvertes. À propos de ces mêmes créatures, une expérience
2002 du siècle. Cela se passe on Russie, dans l’école de Pavlov, auteur de célèbres travaux sur les réflexes conditionnés des
2003 e passe on Russie, dans l’école de Pavlov, auteur de célèbres travaux sur les réflexes conditionnés des chiens. Ses discip
2004 ix singes, on les range dans une chambre, le long d’ une des parois. À l’autre extrémité de la pièce se dresse un grand meu
2005 re, le long d’une des parois. À l’autre extrémité de la pièce se dresse un grand meuble à tiroirs. Dans les tiroirs on a m
2006 les bananes. On répète le manège un grand nombre de fois, pour habituer les animaux à courir vers le meuble au signal. Ap
2007 vers le meuble au signal. Après un certain temps d’ interruption, on ramène les sujets dans la même chambre. La sirène hur
2008 ces animaux montrent alors les signes extérieurs de la crise de nerfs, du « nervous break down » le plus caractérisé ! L’
2009 montrent alors les signes extérieurs de la crise de nerfs, du « nervous break down » le plus caractérisé ! L’Européen, qu
2010 plus caractérisé ! L’Européen, que vingt siècles d’ histoire accoutumèrent à trouver le tiroir vide neuf fois sur dix, réa
2011 trouver le tiroir vide neuf fois sur dix, réagit d’ une toute autre manière. Il vient de le prouver pendant six ans. Il se
2012 prouver pendant six ans. Il se souvient — non pas de ces épreuves-là précisément, car on n’avait jamais rien vu de pareil
2013 ves-là précisément, car on n’avait jamais rien vu de pareil — mais de quelque chose de plus profond, qui définit la condit
2014 t, car on n’avait jamais rien vu de pareil — mais de quelque chose de plus profond, qui définit la condition humaine. S’ag
2015 d, qui définit la condition humaine. S’agirait-il d’ une sorte de méfiance ? Disons plutôt d’une sobriété devant le destin.
2016 it la condition humaine. S’agirait-il d’une sorte de méfiance ? Disons plutôt d’une sobriété devant le destin. Il se souvi
2017 girait-il d’une sorte de méfiance ? Disons plutôt d’ une sobriété devant le destin. Il se souvient que tout peut arriver, m
2018 a prospérité ne sont pas les garants infaillibles d’ un bonheur qui lui serait dû. L’échec pour lui — guerre, privations, r
2019 en souplesse les mécomptes, à vrai dire normaux, de l’optimisme automatique conditionné par la publicité et les sirènes d
2020 ourquoi il tiendra le coup. v. Rougemont Denis de , « Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe », Servir, Lausanne
2021 dra le coup. v. Rougemont Denis de, « Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe », Servir, Lausanne, 16 mai 1946,
2022 nt Denis de, « Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe », Servir, Lausanne, 16 mai 1946, p. 1.
23 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
2023 ès bien compris, à savoir que la terre est ronde. D’ où il résulte, entre autres conséquences, que si vous tirez devant vou
2024 rochain tour. Cette figure signifie quelque chose d’ important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous
2025 s ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir
2026 es dans cette époque. (Vous avez ici les prémices d’ une théorie sociologique flambant neuve !) À l’arme planétaire corresp
2027 auté universelle, qui relègue les nations au rang de simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques instants dans ce j
2028 Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et de tout temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce so
2029 temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’ or, que ce soit l’Univers ou l’Empire ou l’Atome. Ici les extrêmes se
2030 fait pour éveiller dans les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonnie
2031 ations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montmartre, int
2032 elativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montmartre, intéressa pendant dix ans, direc
2033 hine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montmartre, intéressa pendant dix ans, directement, la vie courante d
2034 artre, intéressa pendant dix ans, directement, la vie courante des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’Asie,
2035 des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en sub
2036 matérielle. Avant qu’elle puisse devenir un fait de droit, il nous faudra probablement passer par une étape intermédiaire
2037 ui est celle du fait psychologique : la formation d’ une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous
2038 nscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existenc
2039 l’on se déplace un peu, disons à quelques heures d’ avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux
2040 , disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent intraduisibles
2041 mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’
2042 u’un beau jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se se
2043  ; et les mineurs du pays de Galles n’auront plus de viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentine se seront en
2044 s de viande pendant des mois, parce que les péons d’ Argentine se seront enfin organisés contre les grands « estancieros ».
2045 ds « estancieros ». Vous pourrez toujours essayer d’ expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute des déput
2046 pourrez toujours essayer d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie a
2047 la crise que ce n’est pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie américaine »… Que faire ? Tout le monde ne peut pas to
2048 et comprendre. Les problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent pour nous terres inconnues, et psyc
2049 problèmes les plus angoissants de nos compagnons de planète restent pour nous terres inconnues, et psychologiquement inex
2050 s géographes du Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’Europe, « ici vivent les lions ». Et pourtant nous
2051 Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes de l’Europe, « ici vivent les lions ». Et pourtant nous sommes destinés
2052 ient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas de Persans pour se demander : Comment peut-on être Français ?) Je parlai
2053 der : Comment peut-on être Français ?) Je parlais d’ une conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’il faut d’abord senti
2054 cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est pas une question d’i
2055 opagent, sous de larges rubriques créant un appel d’ air. Ce n’est pas une question d’information d’abord, qu’on m’entende
2056 créant un appel d’air. Ce n’est pas une question d’ information d’abord, qu’on m’entende bien, mais de sens, de vision, d’
2057 d’information d’abord, qu’on m’entende bien, mais de sens, de vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais 
2058 tion d’abord, qu’on m’entende bien, mais de sens, de vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d
2059 d, qu’on m’entende bien, mais de sens, de vision, d’ ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une
2060 ntende bien, mais de sens, de vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de
2061 t à peine, je dirais : c’est d’abord une question de poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous les écrivains français, ceux
2062 le sentiment le plus direct et le plus contagieux de la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’An
2063 deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de l’Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur
2064 avons pour la première fois senti, sous le drapé d’ un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur vi
2065 ’un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur
2066 ’Asie, le cœur violent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur de Boule que fut « Saint-Ex »13, le premier qui me pa
2067 ent des Amériques. Et que dire de ce grand joueur de Boule que fut « Saint-Ex »13, le premier qui me parla de la Planète c
2068 e que fut « Saint-Ex »13, le premier qui me parla de la Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime ? Sinon qu’il
2069  »13, le premier qui me parla de la Planète comme d’ un amour et d’une souffrance intime ? Sinon qu’il fut lui aussi un poè
2070 er qui me parla de la Planète comme d’un amour et d’ une souffrance intime ? Sinon qu’il fut lui aussi un poète, en prose e
2071 n vision créatrice. 13. Saint-Exupéry, l’auteur de Vol de Nuit et de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de, « La pen
2072 n créatrice. 13. Saint-Exupéry, l’auteur de Vol de Nuit et de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de, « La pensée pla
2073 . 13. Saint-Exupéry, l’auteur de Vol de Nuit et de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de, « La pensée planétaire »,
2074 Nuit et de Terre des Hommes. y. Rougemont Denis de , « La pensée planétaire », Servir, Lausanne, 30 mai 1946, p. 1.
24 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
2075 rtés que la pensée se donne lorsque, se dégageant de notre condition, elle imagine des idées qui détruisent l’homme, l’on
2076 qui détruisent l’homme, l’on rencontre sans trop d’ effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette i
2077 l’homme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l
2078 trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qui pense
2079 rt. Si « macabre » désigne assez bien l’étrangeté de la mort des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire de sa propre
2080 des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire de sa propre mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditati
2081 e saurait en aucun cas se dire de sa propre mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditation que je poursuis
2082 opre mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditation que je poursuis entre ces phrases, dans cette matinée b
2083 nt, je puis en disposer, feindre assez facilement d’ en rire. Elle n’est pas plus forte que moi. Peut-être même n’est-elle
2084 moi. Peut-être même n’est-elle qu’une ruse cousue de fil blanc de ma vitalité : la seule pensée que mon souffle puisse, da
2085 e même n’est-elle qu’une ruse cousue de fil blanc de ma vitalité : la seule pensée que mon souffle puisse, dans quelques i
2086 e mort. Contester là-dessus serait fournir l’aveu d’ une impuissance à comprendre le mot penser dans son sens fort. Car pen
2087 t mourir. Peut-être avons-nous là le seul critère d’ une perfection intellectuelle, et l’on conçoit que son application ne
2088 t tragiques, c’est-à-dire sans appel. Ontologie de la fin Pour que nous apparaisse parfois l’étrangeté d’une telle si
2089 n Pour que nous apparaisse parfois l’étrangeté d’ une telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’une instance
2090 omme négligeable ; et s’y attarder serait le fait d’ une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’utopie devant ma mo
2091 atuite. Ma nature crie à l’utopie devant ma mort. De là vient que l’humanité, dans son ensemble, résiste instinctivement à
2092 son ensemble, résiste instinctivement à la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’
2093 ste instinctivement à la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’applique à la disq
2094 la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à la rendre
2095 asser à tout jamais dans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi de l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l
2096 s dans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi de l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l’homme meurt. Pour
2097 mps nous endort bien plutôt qu’il ne nous avertit de son but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est de son destin et d
2098 on but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’œil nu, leur sens dernie
2099 e savait un jour ce qu’il en est de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’œil nu, leur sens dernier et l’enjeu véri
2100 l’œil nu, leur sens dernier et l’enjeu véritable de ses choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste o
2101 éritable de ses choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait
2102 eune Homme ? Le sage ne raillerait pas avec moins d’ envie le débauché, dont il faudrait encore plaindre l’arrière-pensée,
2103 our. Vivre est impur, qu’on sache ou non où va la vie , et c’est pourquoi les bonnes raisons n’expliquent pas notre réalité,
2104 is seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a les meilleures raisons du monde d’être pensée ; toutefois l’
2105 ensée de la Fin a les meilleures raisons du monde d’ être pensée ; toutefois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’
2106 u monde d’être pensée ; toutefois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’où vient alors cette prise de conscience,
2107 ’être pensée ; toutefois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’où vient alors cette prise de conscience, d’une mena
2108 efois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’ où vient alors cette prise de conscience, d’une menace, mais aussi de
2109 lise. D’où vient alors cette prise de conscience, d’ une menace, mais aussi de l’incapacité où se trouve l’homme à penser c
2110 tte prise de conscience, d’une menace, mais aussi de l’incapacité où se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ? D’où
2111 se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ? D’ où vient qu’imperceptible encore au plus grand nombre, à tous les lett
2112 nombre, à tous les lettrés sans esprit, la pensée de la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon de la F
2113 la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ? D’ où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a
2114 he s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’éc
2115 ’où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’écrire ces pages et qui pourrait suspendr
2116 nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’ écrire ces pages et qui pourrait suspendre ici ma phrase, me jetant da
2117 tant dans mon jugement ? S’il nous vient à l’idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise
2118 e, c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en
2119 ceux qu’une réalité nouvelle illuminait. Sans la vie , que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais to
2120 éalité nouvelle illuminait. Sans la vie, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle en
2121 e, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle encore confusément. Nous sommes là comme
2122 mes là comme en rêve, empêtrés, dans le sentiment d’ une urgence que nous ne parvenons pas à distinguer avec des yeux bien
2123 isse et trop peu pour agir. Ainsi le grand décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle n’est qu’une première parole, am
2124 Ainsi le grand décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle n’est qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. Une premi
2125 ce siècle n’est qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. Une première demande d’informer. Non pas encore l’Arrêt derni
2126 parole, ambiguë, de la Fin. Une première demande d’ informer. Non pas encore l’Arrêt dernier, mais déjà ce ralentissement
2127 ent qui nous fait accéder à la conscience obscure d’ un danger proche, — ce crépuscule qui est peut-être une aube, et la fr
2128 épuscule qui est peut-être une aube, et la frange de cet éclat qui doit consumer toute chair. Dans cette lueur suspecte, r
2129 chair. Dans cette lueur suspecte, risque un jour d’ apparaître la face réelle de la Terre. Et déjà, par intermittence, cer
2130 pecte, risque un jour d’apparaître la face réelle de la Terre. Et déjà, par intermittence, certains, ont entrevu et tenté
2131 par intermittence, certains, ont entrevu et tenté de juger les buts réels de notre marche séculaire. Que savons-nous du se
2132 ins, ont entrevu et tenté de juger les buts réels de notre marche séculaire. Que savons-nous du sens de notre civilisation
2133 e notre marche séculaire. Que savons-nous du sens de notre civilisation ? Quelle est sa fin, dès l’origine, quel est son r
2134 La liberté ? Nous avons encombré la terre entière de barrières destinées à protéger sa course. L’amour ? La solidarité ? C
2135 rse. L’amour ? La solidarité ? Ce sont des idéaux de ligues, des mots qu’on n’ose plus employer qu’au dessert. La richesse
2136 es lointaines. Toutefois, elle reste liée au rêve d’ activité qui tourmente l’Occident depuis des siècles. Mais ce rêve, à
2137 e ; il faiblit, il ne couvre plus toute l’étendue de la conscience humaine… Car notre volonté n’est plus de conquérir, mai
2138 conscience humaine… Car notre volonté n’est plus de conquérir, mais seulement d’assurer la vie du plus grand nombre contr
2139 e volonté n’est plus de conquérir, mais seulement d’ assurer la vie du plus grand nombre contre les créations catastrophiqu
2140 st plus de conquérir, mais seulement d’assurer la vie du plus grand nombre contre les créations catastrophiques des Héros o
2141 epuis peu. Nous essayons, mais en phrases banales de moralistes tardivement ressaisis, d’évaluer les conquêtes futures. Si
2142 ases banales de moralistes tardivement ressaisis, d’ évaluer les conquêtes futures. Signe évident que nous les redoutons. (
2143 r à la mort, comme à tout acte créateur, le moins de chances. Un vaste système d’assurances s’étend sur toutes nos activit
2144 e créateur, le moins de chances. Un vaste système d’ assurances s’étend sur toutes nos activités : plans et pactes, statist
2145 tes nos activités : plans et pactes, statistiques de l’imprévu, eugénisme et longévité, clercs au pas ou stérilisés, guerr
2146 : cet effort est contre nature. Il naît au déclin de la vie, et fatalement se retourne contre elle. Nous voulons échapper
2147 effort est contre nature. Il naît au déclin de la vie , et fatalement se retourne contre elle. Nous voulons échapper au temp
2148 mais c’est peut-être le meilleur ou le seul moyen d’ anticiper sa fin : la fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut qu
2149 se peut que l’assurance mondiale que nous tentons d’ organiser, aménage notre ruine collective : lorsque la terre entière s
2150 tière soumise au seul pouvoir du chiffre dépendra d’ une centrale unique, il suffira que l’Ange de la Fin saisisse les comm
2151 ndra d’une centrale unique, il suffira que l’Ange de la Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous serons
2152 re attente faiblit. La primitive Église, au début de notre ère, vivait dans la pensée de la fin imminente. Mais parmi nous
2153 ise, au début de notre ère, vivait dans la pensée de la fin imminente. Mais parmi nous, qui avons cru pouvoir éliminer cet
2154 ons cru pouvoir éliminer cette dimension tragique de notre vie, voici qu’un destin ironique se charge de l’approfondir. No
2155 ouvoir éliminer cette dimension tragique de notre vie , voici qu’un destin ironique se charge de l’approfondir. Non pas le t
2156 notre vie, voici qu’un destin ironique se charge de l’approfondir. Non pas le temps, mais notre œuvre elle-même. Pour la
2157 ’histoire du monde, nous pouvons calculer le prix de revient d’une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de
2158 u monde, nous pouvons calculer le prix de revient d’ une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nat
2159 ons calculer le prix de revient d’une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertis
2160 evient d’une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertissement Votre refuge es
2161 struction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertissement Votre refuge est dans la masse
2162 pas mourir, et il est vrai qu’elle ne possède pas de vie réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut être
2163 mourir, et il est vrai qu’elle ne possède pas de vie réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut être en
2164 pensée, et l’homme en elle reste à peu près dénué de réalité, jusqu’au jour où la Fin le pense. Et c’est là son tragique e
2165 in le pense. Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la présence étern
2166 réel, tout ce qui manifeste la présence éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens d’éternité à vos singeries, vous l’
2167 ce éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens d’ éternité à vos singeries, vous l’appelez exagéré, démesuré. Écoutez-mo
2168 révéler tels qu’ils sont, où qu’ils soient. Plus d’ évasions spirituelles. L’homme fuyant la Terre où le diable sévit, se
2169 et découvre que Dieu y est plus dangereux encore, d’ une autre sorte, fulgurante. Péripétie La scène du monde vient d
2170 du monde vient de passer à une vaste conversation de la mort, sur les places et dans les grands cafés, aux lieux de popula
2171 ur les places et dans les grands cafés, aux lieux de populace et de parole rapide. Peut-être le soleil éteint se promène-t
2172 t dans les grands cafés, aux lieux de populace et de parole rapide. Peut-être le soleil éteint se promène-t-il depuis quel
2173 ité méprisante… Mais la majorité sut garder l’air de ne pas croire à sa mort proche, — cet air petit. On en reviendrait bi
2174 proche, — cet air petit. On en reviendrait bien, de cette fin du monde ! Car sinon tout apparaissait d’une indécence inex
2175 cette fin du monde ! Car sinon tout apparaissait d’ une indécence inexprimable. Depuis bientôt mille ans, l’An Mil était p
2176 prix de cela justement qu’il n’était point permis d’ imaginer. Celui dont les belles manières sont apprises souffre mal qu’
2177 s peu d’entre eux possédaient la pleine assurance de l’être. L’Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résult
2178 édaient la pleine assurance de l’être. L’Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résultats d’une enquête-écla
2179 ’opinion planétaire publia les premiers résultats d’ une enquête-éclair : il s’agissait d’une névrose collective, d’une pou
2180 rs résultats d’une enquête-éclair : il s’agissait d’ une névrose collective, d’une poussée subite de l’instinct de mort. On
2181 -éclair : il s’agissait d’une névrose collective, d’ une poussée subite de l’instinct de mort. On proposait une cure des ma
2182 it d’une névrose collective, d’une poussée subite de l’instinct de mort. On proposait une cure des masses et la nationalis
2183 se collective, d’une poussée subite de l’instinct de mort. On proposait une cure des masses et la nationalisation des écol
2184 cure des masses et la nationalisation des écoles de psychanalyse. Un théologien répondit : — L’affection de la chair, c’e
2185 chanalyse. Un théologien répondit : — L’affection de la chair, c’est la mort. Saint Paul l’a vu bien avant Freud, et mieux
2186 eud, et mieux. Il entendait par « chair » le tout de l’homme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’est point que n
2187 e la chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mo
2188 qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous
2189 l’élan mortel. Car il ne vient pas de nous, mais d’ En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui n’était pour nous qu’u
2190 — notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus de l’instant éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’acte de ce oui,
2191 t éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’acte de ce oui, se manifeste au Jour de tous les jours. Comme il parlait enco
2192 tière dans l’acte de ce oui, se manifeste au Jour de tous les jours. Comme il parlait encore, une lueur d’aube apparut et
2193 ous les jours. Comme il parlait encore, une lueur d’ aube apparut et grandit autour d’eux. Toutes choses replongées dans la
2194 ncore, une lueur d’aube apparut et grandit autour d’ eux. Toutes choses replongées dans la stupeur originelle, toutes créat
2195 es créatures livrées d’un seul coup à la violence de l’acte décisif, nous allons voir paraître enfin leur justification, l
2196 supporter, le seul Amour apparaissant qui menace d’ être insoutenable : il nous trouve sans préparation. L’on ne s’était d
2197 uve sans préparation. L’on ne s’était défendu que de l’autre côté, du côté de ce monde mal fait… Parut un soleil nouveau.
2198 yeux devenaient forts et s’attendaient à l’éclat d’ une lueur encore plus vive. Par degré le Grand Jour éclatait, toujours
2199 quelle contenance prendre. Et la lumière ne cesse de grandir. Ils tombent déjà par rangs entiers, aveuglés et cloués sur p
2200 iers, aveuglés et cloués sur place par l’évidence de l’amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent de marcher, riant
2201 amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent de marcher, riant de joie aux paliers du matin, s’avançant vers Midi ave
2202 elques-uns cependant continuent de marcher, riant de joie aux paliers du matin, s’avançant vers Midi avec le naturel de ce
2203 rs du matin, s’avançant vers Midi avec le naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers
2204 s Midi avec le naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’agrandissement
2205 utinrent les derniers soleils et l’agrandissement de la lumière jusqu’aux limites de sa perfection, où tout ce qui voit éc
2206 l’agrandissement de la lumière jusqu’aux limites de sa perfection, où tout ce qui voit éclaire aussi, où tout œil rend ce
2207 second jugement. Chaque homme poussé à la limite de son expression, et chaque homme forcé à l’extrémité de son choix, cri
2208 n expression, et chaque homme forcé à l’extrémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout entière dans
2209 rcé à l’extrémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’étern
2210 l’extrémité de son choix, cria le « terme » de sa vie , la proféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’éternelle so
2211 nse unique à l’éternelle sommation, somme absolue de ses journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son
2212 nelle sommation, somme absolue de ses journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses ref
2213 n, somme absolue de ses journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses ave
2214 e ses journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa t
2215 et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est
2216 , de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut
2217 es et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée l’inc
2218 de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée l’incomparable qualité de
2219 est ainsi que fut déclarée l’incomparable qualité de son péché et mesuré le degré d’être de son être tel qu’il l’avait lib
2220 omparable qualité de son péché et mesuré le degré d’ être de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’exam
2221 le qualité de son péché et mesuré le degré d’être de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’examen des
2222 librement fait en le vivant. L’examen des raisons de survivre et leur introduction au titre de l’éternité occupèrent moins
2223 raisons de survivre et leur introduction au titre de l’éternité occupèrent moins de temps qu’on n’imagine. La procédure ét
2224 roduction au titre de l’éternité occupèrent moins de temps qu’on n’imagine. La procédure était, en effet, des plus simples
2225 effet, des plus simples. — Témoignez, disait-on, de la vie que vous possédez. Quel est votre plus vrai désir ? Les sages
2226 , des plus simples. — Témoignez, disait-on, de la vie que vous possédez. Quel est votre plus vrai désir ? Les sages réponda
2227 ient en présence de la banalité soudain flagrante de leurs vœux, et, finalement, murmuraient d’une voix faible : — Vous sa
2228 grante de leurs vœux, et, finalement, murmuraient d’ une voix faible : — Vous savez sans doute mieux que moi. Ils renaîtrai
2229 . Ils renaîtraient plantes heureuses, par l’effet de quelque pitié. Un homme vint, comme viennent les somnambules, le corp
2230 sement nu. Il désirait un palais vide à la mesure de sa tristesse. Il devint donc une tristesse errante, empruntant la for
2231 as, et des lunettes bourrues au-dessus du sourire de la plus fervente ironie ? Qu’est-ce qu’il grommelle sous son chapeau
2232 onie ? Qu’est-ce qu’il grommelle sous son chapeau de paille ?14 « Qu’il voudrait subsister dans ce moment du choix qu’on l
2233 sein d’un tel choix, je m’approche insondablement de Celui qui d’un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’un vertige
2234 choix, je m’approche insondablement de Celui qui d’ un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’un vertige à ce discours
2235 qui d’un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’ un vertige à ce discours d’une furieuse démesure, mais il y eut alors
2236 Nous fûmes tous saisis d’un vertige à ce discours d’ une furieuse démesure, mais il y eut alors comme un silence qui s’impo
2237 nant seul et purifié, l’on put entendre le choral d’ une angélique hilarité. Et nous sûmes que cet homme était très grand.)
2238 air a son temps, tout esprit son essor. Et chacun de nous accède au destin qu’il s’est fait, à la parfaite possession de s
2239 destin qu’il s’est fait, à la parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans la consommation de tout son
2240 , à son enfer ou à son ciel, dans la consommation de tout son être, au faîte inconcevable du désir comblé, et comblé pour
2241 Viens ! à celui qui porte avec soi la rétribution de nos œuvres » — elle est en Lui, non dans nos œuvres. Commence l’œuvr
2242 elui qui a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout e
2243 a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout est gratui
2244 vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la vie , gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout est gratuit. ....
2245 armonie violente et bienheureuse du mot sacrement de toute la création, son terme monumental à la gloire du Dieu Tout-Puis
2246 rd, d’après une caricature. aa. Rougemont Denis de , « La fin du monde », Fontaine, Paris, juin 1946, p. 7-16.
25 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
2247 ficulté que nous éprouvons tous. Un cabinet privé de ministère des Affaires étrangères nous paraît comme puni et humilié ;
2248 paraît comme puni et humilié ; et sans ministère de la Guerre, il nous paraît dépourvu de sérieux. Or, le gouvernement mo
2249 s ministère de la Guerre, il nous paraît dépourvu de sérieux. Or, le gouvernement mondial devrait se passer de ces deux mi
2250 ux. Or, le gouvernement mondial devrait se passer de ces deux ministères, en vertu de sa définition. De plus, comment imag
2251 ition. De plus, comment imaginer un pouvoir digne de ce nom, s’il ne trouvait personne en face de lui avec qui échanger de
2252 ’honneur du pays est en jeu, qu’on ne cédera plus d’ une ligne, etc. ? Pour tout dire, pas de voisins, donc personne à qui
2253 dera plus d’une ligne, etc. ? Pour tout dire, pas de voisins, donc personne à qui faire la guerre ? À quoi cela ressembler
2254 e », et qui provoque ces magnifiques mouvements «  d’ union sacrée » où chacun s’écria dans sa langue « right or wrong, my c
2255 ? Ne me dites pas non : votre première idée a été de supposer une guerre. Et cela pour essayer de vous mieux représenter c
2256 été de supposer une guerre. Et cela pour essayer de vous mieux représenter ce qu’un pouvoir planétaire pourrait bien fair
2257 r ce qu’un pouvoir planétaire pourrait bien faire de ses dix doigts… Pas de nations sans guerres avec d’autres nations. Je
2258 étaire pourrait bien faire de ses dix doigts… Pas de nations sans guerres avec d’autres nations. Je perdrais mon temps et
2259 vous ne voyez pas — car il supposerait une sorte de nation unique, sans voisins, donc sans guerre possible — cela revient
2260 straction, c’est-à-dire, soyons francs, le comble de l’ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse »… À propos de cette
2261 re expression, avez-vous remarqué qu’on l’emploie de préférence pour dénigrer des projets de paix ? Pour qui sont-ils donc
2262 l’emploie de préférence pour dénigrer des projets de paix ? Pour qui sont-ils donc si dangereux ? Avez-vous également rema
2263 prennent la plume (comme ils disent) ont coutume de dénoncer sous le nom d’« élément de désordre » les partisans de la pa
2264 e ils disent) ont coutume de dénoncer sous le nom d’ « élément de désordre » les partisans de la paix en général ? Ces gens
2265 ) ont coutume de dénoncer sous le nom d’« élément de désordre » les partisans de la paix en général ? Ces gens-là leur par
2266 us le nom d’« élément de désordre » les partisans de la paix en général ? Ces gens-là leur paraissent, évidemment, d’une m
2267 énéral ? Ces gens-là leur paraissent, évidemment, d’ une moralité douteuse. Quant aux lance-flammes et aux bombardiers lour
2268 s lourds, et quant à ceux qui donneront le signal de les utiliser au service des nations, gouvernants tout d’abord et géné
2269 généraux ensuite, ils représentent les « éléments d’ ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir l’état présent de l’Euro
2270  éléments d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir l’état présent de l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre é
2271 n’en pas douter. Il suffit de voir l’état présent de l’Europe. ⁂ J’ai cru longtemps que la guerre était le pire désordre i
2272 e pour une vertu, étaient les véritables éléments de désordre ; et que l’utopie la plus dangereuse était la théorie de la
2273 que l’utopie la plus dangereuse était la théorie de la souveraineté sans limites des nations. C’était trop simple. Un col
2274 ites des nations. C’était trop simple. Un colonel de cavalerie à qui vous fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort de
2275 ous fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort de la guerre militaire par suite de l’invention de la bombe atomique, m’
2276 t de la guerre militaire par suite de l’invention de la bombe atomique, m’écrit que je suis un primaire. Il m’assure que «
2277 i est bien la preuve que j’ai tort, et d’ailleurs de n’importe quoi. Il ajoute que ma lettre, dans sa forme, est « netteme
2278 est « nettement péjorative vis-à-vis de l’armée, de la cavalerie en particulier », bref que je suis un « élément de désor
2279 e en particulier », bref que je suis un « élément de désordre ». Ce colonel m’a donné une idée. En reposant sa lettre je m
2280 uis écrié : « Vivement la Bombe ! Suprême élément d’ ordre ! » Et ne croyez pas que je plaisantais. Car la Bombe seule peut
2281 sser des armées, des souverainetés nationales, et de l’anarchie qu’elles entretiennent sur la planète. Je dis que la Bombe
2282 a planète. Je dis que la Bombe peut nous délivrer de deux manières : soit en faisant sauter le tout, soit en nous forçant
2283 lisation et la culture y perdraient quelque chose de précieux. Nous serions tous fondus dans un magma informe de races, de
2284 x. Nous serions tous fondus dans un magma informe de races, de langues, de religions et de coutumes, et toutes les différe
2285 rions tous fondus dans un magma informe de races, de langues, de religions et de coutumes, et toutes les différences qui f
2286 ondus dans un magma informe de races, de langues, de religions et de coutumes, et toutes les différences qui font le goût
2287 gma informe de races, de langues, de religions et de coutumes, et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évan
2288 tumes, et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évanouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je n’appel
2289 et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évanouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je n’appelle pas
2290 s. Je n’appelle pas le chaos. Je cherche un moyen de l’éviter, ou plutôt d’en sortir un peu, car nous y sommes déjà bien e
2291 chaos. Je cherche un moyen de l’éviter, ou plutôt d’ en sortir un peu, car nous y sommes déjà bien engagés. Ce sont les gue
2292 i produisent les guerres… Mais je vois que ce mot de nation a créé entre nous une équivoque. Il a deux sens bien différent
2293 parlé que du mauvais, jusqu’ici, parce que c’est de beaucoup le plus courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a de
2294 e que c’est de beaucoup le plus courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fai
2295 courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fait leur véritable originalité, n’
2296 z ces trois éléments qui composent l’idée moderne de nation, et les nations réelles subsisteront intactes, comme membres d
2297 les subsisteront intactes, comme membres du corps de l’humanité, comme foyers de rayonnement, et comme communauté de gens
2298 omme membres du corps de l’humanité, comme foyers de rayonnement, et comme communauté de gens apparentés, soit par leurs t
2299 comme foyers de rayonnement, et comme communauté de gens apparentés, soit par leurs traditions, soit par leurs idéaux, c’
2300 oyez-vous sérieusement que les Français cesseront de parler français, de créer leur culture, et d’habiter paisiblement leu
2301 nt que les Français cesseront de parler français, de créer leur culture, et d’habiter paisiblement leur terre, si la Franc
2302 ont de parler français, de créer leur culture, et d’ habiter paisiblement leur terre, si la France renonce un beau jour, en
2303 pas que si le gouvernement français n’a plus rien d’ autre à faire qu’administrer le pays, il sera un meilleur gouvernement
2304 d’hui les nations, dans le sens valable et fécond de ce mot, c’est qu’elles tendent à se confondre avec l’État, et c’est l
2305 la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés, de se rendre autarciques en vue d’une guerre possible, soit qu’ils redou
2306 ons ainsi formés, de se rendre autarciques en vue d’ une guerre possible, soit qu’ils redoutent ou souhaitent cette éventua
2307 lité. L’État détruit nécessairement l’originalité d’ une nation, lorsqu’il prétend réglementer ses énergies d’après un modè
2308 ergies d’après un modèle uniforme, qu’il s’agisse d’ une nation latine ou anglo-saxonne, socialiste ou capitaliste. Ce modè
2309 e, socialiste ou capitaliste. Ce modèle est celui de l’État totalitaire, qui est l’état de guerre en permanence. Ainsi l’e
2310 e est celui de l’État totalitaire, qui est l’état de guerre en permanence. Ainsi l’ennemi des nations c’est l’État ; et le
2311 le contraire prennent le mot patrie dans le sens de nation, le mot nation dans le sens d’État, le mot État dans le sens d
2312 ans le sens de nation, le mot nation dans le sens d’ État, le mot État dans le sens de souverain, dont ils font finalement
2313 ion dans le sens d’État, le mot État dans le sens de souverain, dont ils font finalement un dieu, créant d’horribles confu
2314 uverain, dont ils font finalement un dieu, créant d’ horribles confusions d’idées, qui se terminent en carnages périodiques
2315 finalement un dieu, créant d’horribles confusions d’ idées, qui se terminent en carnages périodiques. Autre exemple. Pourqu
2316 es. Autre exemple. Pourquoi n’est-il question que de « nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’intérieur des frontières
2317 ertains pays ont préféré payer le prix exorbitant de l’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état de faire la guerre, e
2318 ayer le prix exorbitant de l’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état de faire la guerre, en se liant à des économies
2319 itant de l’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’ état de faire la guerre, en se liant à des économies voisines. Mais re
2320 e l’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état de faire la guerre, en se liant à des économies voisines. Mais remarquez
2321 re tirer parti du prestige qui s’attache à l’idée de nation… En fait, on étatise la nation. Que penser de ces États-nation
2322 nation… En fait, on étatise la nation. Que penser de ces États-nations, de plus en plus nombreux, qui se referment sur eux
2323 êmes et sur leur budget militaire, qui se bardent de protections à la frontière, comme autrefois, en attendant que la Bomb
2324 e la France, par exemple, est entrée dans la voie de l’étatisme parce qu’elle veut la justice sociale, et que cela n’a rie
2325 des motifs que des effets inéluctables. Le désir de justice sociale est une noble passion, la socialisation de l’industri
2326 e sociale est une noble passion, la socialisation de l’industrie est une mesure économique partiellement souhaitable, mais
2327 e partiellement souhaitable, mais je ne leur vois de commun, à priori, que trois syllabes. Cependant l’on revendique la so
2328 ntient ces trois syllabes sacrées, et l’on traite de fasciste celui qui demande à voir. (La prochaine fois que vous oserez
2329 nationalisation pour masquer le fait qu’il s’agit d’ une étatisation. Je n’en ai qu’au cadre national. Introduisez dans cet
2330 s cette broyeuse automatique qu’est l’État-nation de la démocratie ou marxisme, des idées libérales ou du planisme, ou mêm
2331 bérales ou du planisme, ou même une belle passion de la justice sociale, le résultat sera le même : à l’autre bout, vous o
2332 btiendrez du totalitarisme en bâtons et une grêle de coups. Je suis sérieux. Le socialisme, non pas en soi, mais construit
2333 écessairement à l’État totalitaire, donc à l’état de guerre larvé ou déclaré, qui est le pire des crimes sociaux. On ne so
2334 qui est le pire des crimes sociaux. On ne sortira de ce cercle vicieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre, ou la pro
2335 ts-nations. Par quel moyen ? En remettant le soin de diriger les affaires internationales à des hommes qui ne représentent
2336 ifiés pour arbitrer. Autrement ce n’est qu’un jeu de force, et le premier qui tire aura gagné, quel que soit le mordant de
2337 ier qui tire aura gagné, quel que soit le mordant de l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas d’adversa
2338 ue soit le mordant de l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas d’adversaires à combattre à 2000 kilomèt
2339 ie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas d’ adversaires à combattre à 2000 kilomètres à la ronde, sauf s’il saute
2340 i bien cela dans la tête.) z. Rougemont Denis de , « Deux lettres sur le gouvernement mondial », Mondes, Paris, 4 juin
26 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
2341 L’Américain croit à la vie , le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)ab Pendant que
2342 Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)ab Pendant que vous avez encore quelques Am
2343 Amérique encore me tient par tout ce que je viens d’ y vivre en six années, livrons-nous au petit jeu de société mondiale q
2344 ’y vivre en six années, livrons-nous au petit jeu de société mondiale qu’est la comparaison des peuples deux à deux. Jeu p
2345 grandes questions du siècle est sans doute celle de ne point laisser nos moyens matériels de transport distancer la consc
2346 te celle de ne point laisser nos moyens matériels de transport distancer la conscience humaine, trop étroitement liée aux
2347 ils accueillent un étranger Le grand bourgeois de Paris et ses fils, lorsqu’ils rencontrent une tête nouvelle, ne souri
2348 guère. Ils tendent une main précise, accompagnée d’ un regard qui jauge cet adversaire ou ce partenaire possible. Qui va p
2349 r enfin libre cours à ses puissances instinctives de cordialité et d’hospitalité. Comment ils deviennent amis À la d
2350 rs à ses puissances instinctives de cordialité et d’ hospitalité. Comment ils deviennent amis À la deuxième rencontre
2351 ’Américain vous dit votre prénom, vous raconte sa vie sentimentale et l’état de ses affaires, enfin vous invite pour un wee
2352 rénom, vous raconte sa vie sentimentale et l’état de ses affaires, enfin vous invite pour un week-end. Pendant vingt ans,
2353 x écrit sur l’amitié que les moralistes français, de Montaigne à Paul Valéry. Tandis qu’en Amérique, il vous arrive souven
2354 ry. Tandis qu’en Amérique, il vous arrive souvent de vous sentir seul au monde en connaissant tout le monde. La rançon d’u
2355 au monde en connaissant tout le monde. La rançon d’ une intimité trop rapide et superficielle, c’est la facilité avec laqu
2356 qu’on est devenu, on rit, on boit, on ne s’étonne de rien, tout glisse et passe, il y a tant d’êtres sur la terre, tant de
2357 étonne de rien, tout glisse et passe, il y a tant d’ êtres sur la terre, tant de hasards, tant de manières de vivre, de bon
2358 s sur la terre, tant de hasards, tant de manières de vivre, de bonnes et de mauvaises fortunes, par chance… Le sourire lar
2359 erre, tant de hasards, tant de manières de vivre, de bonnes et de mauvaises fortunes, par chance… Le sourire large des Amé
2360 hasards, tant de manières de vivre, de bonnes et de mauvaises fortunes, par chance… Le sourire large des Américains dissi
2361  ; mais il y a d’autre part trente-six « stocks » d’ immigrants, et trente-six églises différentes, sous-églises, sectes et
2362 eligieux. Mais les Américains changent facilement d’ église, selon leur domicile ou leur cercle d’amis, tandis que le Franç
2363 ment d’église, selon leur domicile ou leur cercle d’ amis, tandis que le Français donne l’impression qu’il ne changerait pa
2364 s donne l’impression qu’il ne changerait pas plus de parti que de passé. Comment ils inventent Un ingénieur français
2365 ression qu’il ne changerait pas plus de parti que de passé. Comment ils inventent Un ingénieur français, débarquant
2366 struisait, l’Amérique a produit quelques milliers d’ appareils plus lourds et plus lents, qui n’ont d’autre avantage que de
2367 d’appareils plus lourds et plus lents, qui n’ont d’ autre avantage que de fonctionner sur toutes les grandes lignes du mon
2368 rds et plus lents, qui n’ont d’autre avantage que de fonctionner sur toutes les grandes lignes du monde. Curieuse impatien
2369 tteint et dépassé, c’est comme si tous les avions de série étaient déjà faits ; il en est fatigué d’avance, et passe à l’i
2370 s de série étaient déjà faits ; il en est fatigué d’ avance, et passe à l’invention suivante. Vue d’Amérique, l’Europe appa
2371 ué d’avance, et passe à l’invention suivante. Vue d’ Amérique, l’Europe apparaît comme une petite région de la planète prop
2372 érique, l’Europe apparaît comme une petite région de la planète proprement stupéfiante par la densité de ses inventions, t
2373 la planète proprement stupéfiante par la densité de ses inventions, tandis que l’Amérique vue d’Europe stupéfie par sa pr
2374 sité de ses inventions, tandis que l’Amérique vue d’ Europe stupéfie par sa production standardisée. C’est que l’Européen s
2375 e l’Européen s’ennuie plus vite et supporte moins de s’ennuyer. Tandis que l’Américain se contente plus longtemps des même
2376 e plus longtemps des mêmes idées, des mêmes types d’ appareils, parce qu’il les utilise vraiment, parce qu’il en vit, et qu
2377 cule pas à leur sujet. Comment ils prennent la vie Le Français est profondément sérieux, c’est même à mon avis l’espè
2378 fondément sérieux, c’est même à mon avis l’espèce d’ homme la plus sérieuse de la planète. Cependant ses chansons, son théâ
2379 même à mon avis l’espèce d’homme la plus sérieuse de la planète. Cependant ses chansons, son théâtre d’avant-guerre, ses r
2380 e la planète. Cependant ses chansons, son théâtre d’ avant-guerre, ses romans à succès et ses produits d’exportation, humai
2381 avant-guerre, ses romans à succès et ses produits d’ exportation, humains ou commerciaux, le font passer pour plus léger qu
2382 ir. Il a fallu le général de Gaulle et les récits de la Résistance pour que certains Américains pressentent enfin que la F
2383 enfin que la France est le pays du sérieux sobre, de l’intransigeance réaliste, des provinciaux vêtus de noir — « le noir,
2384 l’intransigeance réaliste, des provinciaux vêtus de noir — « le noir, la couleur nationale ! » s’écrie un personnage de G
2385 r, la couleur nationale ! » s’écrie un personnage de Giraudoux — sans parler des débats sur la laïcité ou les écoles confe
2386 ur dix, bien plus près du Méridional par son goût de l’exagération — Tartarin serait bien épaté — son humeur communicative
2387 son insouciance lyrique. Ses chansons déchirantes de sentimentalisme ne traduisent que ses rêveries, dans un style emprunt
2388 eries, dans un style emprunté aux nègres. Mais sa vie amoureuse et sexuelle me paraît fort peu romantique. On compare les s
2389 n toute simplicité, on divorce pour des questions de cuisine, on se console vite, on n’admet pas la jalousie. Le « réalism
2390 avec les mœurs des Européens qu’on perd l’espoir de jamais faire comprendre les uns aux autres. L’ordre des valeurs moral
2391 eurs morales me semble s’inverser lorsqu’on passe d’ un continent à l’autre. Un seul exemple : en Europe, la longue durée d
2392 tre. Un seul exemple : en Europe, la longue durée d’ une liaison l’officialise presque ; en Amérique, c’est elle qui fait s
2393 terre des cathédrales, on demande à Le Corbusier de bâtir des églises en verre et en ciment : je me souviens du temple pr
2394 t en ciment : je me souviens du temple protestant de Drancy, et de vingt églises en style aérodynamique construites par le
2395 je me souviens du temple protestant de Drancy, et de vingt églises en style aérodynamique construites par les Allemands av
2396 hédrales européennes. Et les résidences luxueuses de la campagne ou de la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de
2397 es. Et les résidences luxueuses de la campagne ou de la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor, de s
2398 la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor, de style Renaissance, de style hollandais ou espagnol… P
2399 égulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor, de style Renaissance, de style hollandais ou espagnol… Par contre, les c
2400 ns le Sud — de style Tudor, de style Renaissance, de style hollandais ou espagnol… Par contre, les cottages américains ont
2401 ntre, les cottages américains ont infiniment plus d’ originalité, de diversité et d’élégance, que les maisons bourgeoises e
2402 ges américains ont infiniment plus d’originalité, de diversité et d’élégance, que les maisons bourgeoises en France. Quant
2403 nt infiniment plus d’originalité, de diversité et d’ élégance, que les maisons bourgeoises en France. Quant aux gratte-ciel
2404 ou non L’Américain ne pardonne pas une erreur de 2 cents dans un compte, mais se trompe joyeusement d’un pays quand il
2405 cents dans un compte, mais se trompe joyeusement d’ un pays quand il bombarde, d’un siècle quand il cite l’histoire, d’un
2406 e trompe joyeusement d’un pays quand il bombarde, d’ un siècle quand il cite l’histoire, d’un ordre spirituel quand il crit
2407 l bombarde, d’un siècle quand il cite l’histoire, d’ un ordre spirituel quand il critique un livre. Ce qu’il ne tolère pas,
2408 cisément où le Français le considère comme allant de soi, j’entends vis-à-vis de l’État. Quand vous entrez en Amérique, on
2409 t. Quand vous entrez en Amérique, on vous demande de remplir des questionnaires comportant des questions de ce genre : « B
2410 mplir des questionnaires comportant des questions de ce genre : « Buvez-vous ? Modérément ? À l’excès ? Fumez-vous ? Avez-
2411 s ? Avez-vous d’autres vices ? Êtes-vous partisan de doctrines tendant au renversement des institutions américaines ? » Vo
2412 du serment, que vous ne l’êtes pas, et que votre vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’amende ou la peine de prison sero
2413 tard prouve que vous l’êtes, l’amende ou la peine de prison seront triplées. Tout repose ici sur la parole donnée, seul fo
2414 t repose ici sur la parole donnée, seul fondement d’ une réelle démocratie. Comment ils se battent Voici le contraste
2415 entre l’Ancien et le Nouveau Monde : leur manière de réagir à la souffrance. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le
2416 ière de réagir à la souffrance. Prenons l’exemple de la mort à la guerre. Le Français, élevé dans l’idée que dulce et deco
2417 que dulce et decorum est pro patria mori, accepte de se faire tuer non point par fanatisme, religieux, comme le Japonais,
2418 asi sportif comme l’Américain, mais par une sorte de fatalisme inconscient. (Je ne parle pas du héros, mais du troupier mo
2419 ésidu des plus solennelles traditions religieuses de l’Occident. C’est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’enn
2420 C’est pourquoi les Français avancent sous le feu de l’ennemi, tandis que les Américains s’assurent d’abord — quitte à pay
2421 e prix qu’il faut en matériel — que les batteries d’ en face ont été écrasées. Cette folie apparente de l’Européen dénote u
2422 d’en face ont été écrasées. Cette folie apparente de l’Européen dénote un certain degré de spiritualité, car l’esprit se n
2423 e apparente de l’Européen dénote un certain degré de spiritualité, car l’esprit se nourrit de sacrifices. Tandis que le bo
2424 in degré de spiritualité, car l’esprit se nourrit de sacrifices. Tandis que le bon sens américain trahit une certaine igno
2425 t une certaine ignorance des conditions premières de la vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie m
2426 certaine ignorance des conditions premières de la vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même, et
2427 la vie spirituelle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’inverse. Je compare
2428 elle. Les uns préfèrent les raisons de vivre à la vie même, et pour les autres, c’est l’inverse. Je compare et vous laisse
2429 être aimé ne le souhaite. ab. Rougemont Denis de , « L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre », Te
2430 ab. Rougemont Denis de, « L’Américain croit à la vie , le Français aux raisons de vivre », Temps présent, Paris, 19 juillet
2431 Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre », Temps présent, Paris, 19 juillet 1946, p. 1-2. ac. Sous-tit
27 1946, Articles divers (1941-1946). Réponse à l’enquête « Les travaux des écrivains » (24 août 1946)
2432 ains » (24 août 1946)ae J’ai un certain nombre d’ ouvrages qui vont paraître en même temps, ce qu’explique aisément ma l
2433 temps, ce qu’explique aisément ma longue absence de six ans. D’abord, chez Stock : Vivre en Amérique . C’est un recueil
2434 hez Stock : Vivre en Amérique . C’est un recueil de tous mes articles sur les États-Unis, parus dans Carrefour , Le Fig
2435 efour , Le Figaro , Le Littéraire et le Journal de Genève . Chez Gallimard : mes Lettres sur la bombe atomique , qui pa
2436 k en 1940 af et en 1944. Il s’agit, bien entendu, de la version définitive. Les Personnes du drame . Ce sont des essais
2437 e anniversaire. D’autre part, quelques rééditions d’ ouvrages qui, à cause de leur faible tirage et des circonstances où il
2438 in Michel, Penser avec les mains et le Journal d’ un intellectuel en chômage . Aux Éditions « Je sers » : Politique de
2439 n chômage . Aux Éditions « Je sers » : Politique de la personne , qui, publié il y a douze ans, obtint un vif succès en H
2440 J’en ai environ dix-huit ! ae. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Les travaux des écrivains », Le Figaro lit
2441 ris, 24 août 1946, p. 2. af. La première version de cet ouvrage est parue en 1942, et non en 1940.
28 1946, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)
2442 Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)ah Je n
2443 is parmi les signes. Sédiments séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’é
2444 ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée
2445 s qui tournaient doucement vers une place plantée d’ arbres et déserte, aux rendez-vous manqués où je me retrouvais… « Je t
2446 . J’aime ! » J’ai tout dit. L’Europe était patrie d’ amour. Le silence attendait, l’absence était profonde, et chaque être
2447 questionnait, répondait. La force était au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la con
2448 nnait, répondait. La force était au secret de nos vies , nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la contemplatio
2449 ne obscure, ou bien dans la contemplation jalouse d’ un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et not
2450 e d’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait
2451 e était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’ une journée qui se liait aux autres… (Quand ta force devient visible,
2452 , c’est comme le sang, c’est que tu es blessé, ta vie s’en va !) La force était mémoire et allusion. Elle était ce vieil ar
2453 ceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’ un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… ⁂ Quand je m
2454 é d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… ⁂ Quand je me souviens — c’est l’Europe. Parce que l’Europe
2455 la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en vie tant de passé, et garder tant de morts dans la présence, elle ne cess
2456 nt de morts dans la présence, elle ne cessera pas d’ engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. ah. Rougemont Denis de, « Mémo
2457 elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’ avenir. ah. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’Europe (écrit en Amé
2458 Elle a maîtrise d’avenir. ah. Rougemont Denis de , « Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) », Suisse contemp
2459 se d’avenir. ah. Rougemont Denis de, « Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) », Suisse contemporaine, Lausan
29 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
2460 mbre 1940 Blanche et bleue dans l’immense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquant et ses rues dé
2461 uons pour l’Amérique. Mais ici je fais le serment d’ opposer une stricte mémoire à la candeur intarissable de la vie, toujo
2462 ser une stricte mémoire à la candeur intarissable de la vie, toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore cont
2463 e stricte mémoire à la candeur intarissable de la vie , toujours pressée d’imaginer un monde où tout peut encore continuer.
2464 candeur intarissable de la vie, toujours pressée d’ imaginer un monde où tout peut encore continuer. Je viens de voir une
2465 le peut mourir. Durant cette traversée en autocar de Genève aux Pyrénées, pendant deux jours, j’ai vu la France toute pare
2466 il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le dém
2467 ait-il déjà mort ? J’ai vu l’Espagne de cendre et d’ esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le
2468 ’ai vu l’Espagne de cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai
2469 iaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant des terres abandonné
2470 bandonnées du Nord et que nos paysans s’efforcent d’ arrêter avant qu’elles n’étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les
2471 renaître les paniques dévastatrices du ve siècle de notre ère. Et je songe au bastion que mon pays élève, nuit et jour, a
2472 rd, cœur mystérieux du continent, dernier symbole d’ une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous,
2473 ommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! À bord de l’Exeter, 11 septembre 1940 Les derniers barrages t
2474 on peut imaginer que la police renoncera au viol de notre vie privée. Pourtant, certains des passagers gardent encore l’a
2475 tant, certains des passagers gardent encore l’air de s’attendre au pire, tandis qu’ils font leur premier tour de pont. Ils
2476 dre au pire, tandis qu’ils font leur premier tour de pont. Ils se rappellent sans doute ce Polonais, tiré, jeté par la pol
2477 frontière — à deux-cents mètres — du Portugal et de la liberté. Car tel est le sadisme policier. Nous venons de passer, e
2478 policier. Nous venons de passer, en quatre jours de voyage, sept contrôles différents de douane et de police. Secondés pa
2479 quatre jours de voyage, sept contrôles différents de douane et de police. Secondés par la chance, nous n’y avons passé, si
2480 de voyage, sept contrôles différents de douane et de police. Secondés par la chance, nous n’y avons passé, si je compte bi
2481 us n’y avons passé, si je compte bien, guère plus de 22 heures, mais le total normal est d’au moins 30, m’affirme-t-on, et
2482 guère plus de 22 heures, mais le total normal est d’ au moins 30, m’affirme-t-on, et les « accidents » sont fréquents. Para
2483 l’homme à l’anonyme, pour le priver du sentiment de sa vocation, de sa différence personnelle, cependant qu’on lui demand
2484 nyme, pour le priver du sentiment de sa vocation, de sa différence personnelle, cependant qu’on lui demande à chaque pas d
2485 onnelle, cependant qu’on lui demande à chaque pas de prouver son identité. Or plus il en proteste et moins il s’en assure.
2486 ins il la ressent. Et plus il la démontre à coups de documents, moins il se reconnaît dans le portrait simplifié que la po
2487 t précisément à l’émigrant, à celui qui s’éloigne de ses bases, des réflexes de son milieu, de tout ce qui allait de soi a
2488 à celui qui s’éloigne de ses bases, des réflexes de son milieu, de tout ce qui allait de soi autour de lui et l’assurait
2489 éloigne de ses bases, des réflexes de son milieu, de tout ce qui allait de soi autour de lui et l’assurait quotidiennement
2490 t du 12 au 13 septembre 1940 Les derniers bateaux de la dernière ligne reliant l’Europe à l’Amérique ont tous des noms en
2491 lionnaires, ex-princes, vers leur exil. Mais moi, de quoi pourrais-je bien être l’ex ? Ni fugitif, ni juif, ni riche, ni d
2492 riche, ni détrôné, et ne pouvant me réclamer que d’ une « mission de conférences » (prétexte évidemment peu convaincant) j
2493 né, et ne pouvant me réclamer que d’une « mission de conférences » (prétexte évidemment peu convaincant) je fais figure d’
2494 étexte évidemment peu convaincant) je fais figure d’ ex-voyageur normal. Touriste des catastrophes, scandaleux personnage,
2495 Je crois bien que cette image m’est venue à cause d’ une conversation entendue sur le pont cette nuit même. L’heure était f
2496 ui-même, avant la guerre, organisaient des dépôts de mitraillettes dans certaines rues stratégiques de Paris, T., ex-milit
2497 de mitraillettes dans certaines rues stratégiques de Paris, T., ex-militant de la gauche, lui répondit avec un demi-sourir
2498 aines rues stratégiques de Paris, T., ex-militant de la gauche, lui répondit avec un demi-sourire et sans retirer son mégo
2499 ec un demi-sourire et sans retirer son mégot, que de l’autre côté on savait tout cela, et qu’au surplus, on en faisait aut
2500 deux ex-adversaires, leurs astucieux préparatifs de guerre civile n’auraient été troublés que par l’attaque intempestive
2501 ait qu’on eût moins brillamment prévu les choses… De fait, les étrangers sont toujours surprenants. On ne s’entend vraimen
2502 e soir, les passagers se pressent devant la porte de la cabine du capitaine, avec l’espoir d’entendre la radio. Tout à l’h
2503 la porte de la cabine du capitaine, avec l’espoir d’ entendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais de me faufiler, R.
2504 ntendre la radio. Tout à l’heure comme j’essayais de me faufiler, R. s’extrait du groupe, me cède sa place, et je l’entend
2505 est ce que répètent dix fois par jour les usagers de la radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regar
2506 r jour les usagers de la radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regardions de trop près : d’heure en
2507 gé de face sous nos yeux, mais nous le regardions de trop près : d’heure en heure, nous n’avons rien vu. C’est après coup,
2508 nos yeux, mais nous le regardions de trop près : d’ heure en heure, nous n’avons rien vu. C’est après coup, en nous retour
2509 es événements. Il a dit : « Rien de nouveau, rien d’ important… » Mais je crois avoir entendu dans le ronron nasillard qui
2510 voir entendu dans le ronron nasillard qui sortait de la petite chambre : « 165 avions allemands ont été abattus sur Londre
2511 Et c’est peut-être la nouvelle la plus importante de la guerre. Car tout tient aux Anglais, et si ce bulletin dit vrai, le
2512 nitive. 18 septembre 1940 Comment prévoir l’issue de cette guerre, lorsqu’on a remarqué qu’elle n’oppose plus que deux nat
2513 lais, même battus, se comportent en propriétaires de droit divin de la victoire en général. La seule solution « possible »
2514 us, se comportent en propriétaires de droit divin de la victoire en général. La seule solution « possible » serait donc la
2515 tembre 1940 Un journaliste américain, qui revient de Paris, s’appuie au bastingage, près de moi, et me dit en crachant dan
2516 les Boches sont corrects… Well… Quand un gangster de Chicago vous prend votre portefeuille, il vous donne quelquefois cinq
2517 rquer mon approbation. 20 septembre 1940, en rade de New York Je me suis éveillé dans ma cabine moite avec le sentiment qu
2518  ! Couru sur le pont. Nous sommes dans les passes de l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit les rives. Je ne m’at
2519 ous sommes dans les passes de l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bleuit les rives. Je ne m’attendais pas à la nature
2520 à la nature américaine, à la voir la première et de si près, avant les gratte-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensa
2521 e-ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensation d’ un paysage plus étranger, mais plus étrangement accueillant. Tous ces
2522 mense sécurité du continent qu’on imagine au-delà de ces falaises orangées, frangées de forêts d’un vert sombre de luxueus
2523 magine au-delà de ces falaises orangées, frangées de forêts d’un vert sombre de luxueuse tapisserie… La rivière s’élargit
2524 delà de ces falaises orangées, frangées de forêts d’ un vert sombre de luxueuse tapisserie… La rivière s’élargit et se peup
2525 ses orangées, frangées de forêts d’un vert sombre de luxueuse tapisserie… La rivière s’élargit et se peuple de mâts. Au so
2526 use tapisserie… La rivière s’élargit et se peuple de mâts. Au sommet d’une falaise qui fuit obliquement éclate une longue
2527 rivière s’élargit et se peuple de mâts. Au sommet d’ une falaise qui fuit obliquement éclate une longue façade claire et ne
2528 . Tournant la tête vers l’avant, un peu au-dessus de la poupe, je viens de voir un groupe de tours serrées, presque diapha
2529 au-dessus de la poupe, je viens de voir un groupe de tours serrées, presque diaphanes dans la brume — Manhattan, comme une
2530 érifiée à l’instant même ! ag. Rougemont Denis de , « En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation », Le Figaro littérair